Quelquefois, vu le prix en production d'un disque, on se demande comment certaines pistes peuvent passer.
Ainsi l'air de Mitridate par Reinoud Van Mechelen dans son dernier disque avec son orchestre A Nocte Temporis – excellent ensemble qui s'est illustré, récemment, dans la tragédie en musique (magistrale version deCéphale & Procris d'Elisabeth Claude Jacquet de La Guerre, en concert puis parue chez Château de Versailles Spectacles il y a quelques semaines).
Ensemble d'un niveau particulièrement élevé, direction particulièrement attentive aux textures, aux couleurs, aux contrastes, à l'intensité dramatique. Leur série discographique autour des grandes haute-contre françaises (Dumesny pour la génération LULLYste, Jéliote pour la génération ramiste, Legros pour la génération gluckiste) était aussi particulièrement passionnante, par le répertoire comme par l'engagement général – et le résultat, très beau.
Les fidèles de CSS pourraient penser que je n'aime pas (la voix de) Reinoud Van Mechelen. Ce n'est pas tout à fait vrai : j'ai été ravi de son disque de lieder du rare compositeur wallon Edouard Lassen, interprété dans une émission mixte souple et caressante, avec une diction précise, assez idéale pour du répertoire romantique. À la réécoute, je trouve tout de même un désagréable manque de fermeté dans le médium comme dans la ligne – les descentes chromatiques soulignent vraiment cette faiblesse. Et bien que très typé lyrique (pas très naturel, ferme ni mordant pour ce répertoire, donc), j'ai beaucoup apprécié l'élégance de ses chansons irlandaises semi-populaires dans les Dubhlinn Gardens.
En revanche il est exact que je trouve sa technique tout à fait inadaptée pour de la tragédie en musique : diction peu ferme, timbre uniforme, héroïsme impossible, couverture exagérée des sons, à titre plus personnel un timbre blanchâtre émis assez en arrière que je trouve très laid, et, si l'on veut raffiner la finesse, émission mixte qui n'existait pas à l'époque de ces rôles. Dans certaines œuvres, l'engagement indéniable peut me faire rendre les armes (en Céphale, c'était tout de même très convaincant, indépendamment de mon goût) ; pour autant, structurellement, je trouve sa technique problématique, en tout cas contradictoire avec le répertoire qui est le sien. (Et son omniprésence ces dernières années me gâche un peu mon plaisir, pour ne rien cacher. Passer du règne du superdisqueur Auvity à une proposition aussi lisse, c'est un peu difficile.)
Au-delà de la technique, mais conditionnée par elle, je suis également frustré par son approche esthétique, pas illégitime en soi ; et cependant qui me paraît assez à l'opposé des points forts de ces œuvres. Ainsi Mechelen tend à privilégier, lorsqu'il chante, la ligne mélodique continue, le flux musical, dans un répertoire dont l'essence repose sur l'asymétrie des métriques et sur le relief procuré par le texte. Frustrations à multiples niveaux, donc.
Voilà donc d'où je parle, pour situer. Je ne suis certes pas le public cible de cet album : je n'aime pas beaucoup les airs de concert de Mozart, et je n'attends pas beaucoup du ténor. J'imagine que cela peut tempérer ce que je vais dire.
Le disque est en réalité assez réussi, même si ce n'est clairement pas un premier choix lorsqu'on peut avoir Christoph Prégardien et L'Orfeo Barockorchester, mais la première piste, en principe le produit d'appel du disque, m'a interloqué.
D'abord, ce n'est pas un air de concert, contrairement à ce que promet le titre de l'album, mais un air d'opéra, tiré de Mitridate. On se figure donc que cet écart se justifie parce qu'il s'agit d'un air particulièrement virtuose et impressionnant, supposé saisir le public, et qui met en valeur le chanteur. [À moins que ce ne soit un réemploi d'un air de concert préexistant, je n'ai pas vérifié cette hypothèse.]
Première impression vive : l'acidité, la disparité des timbres, la discontinuité du spectre orchestral – comme si l'on avait demandé à l'orchestre de Monteverdi de jouer du Mozart. L'impression d'entrer dans la tête de tous ceux qui ont longtemps conçu le mouvement baroque comme jouant faux (ce n'est pas le cas ici, mais ça produit cet effet dépareillé), moche, strident. Aujourd'hui pourtant on sait pourtant confier les interprétations sur instruments anciens soit à des spécialistes de chaque période, soit à des musiciens suffisamment aguerris pour adapter leur mode de jeu au style interprété. (Et j'imagine que c'est le cas ici, mais je ne sais pas ce qui s'est passé.)
Pour autant, ce qui m'a le plus interpellé réside dans l'approche vocale : un disque aujourd'hui, dont on ne peut espérer aucune retombée financière, constitue un investissement destiné à crédibiliser un artiste ou un ensemble, en vue de susciter plus d'engagements en concert (subventionnés... car le concert classique n'est à peu près jamais rentable en billetterie, hors événements de prestige avec peu de musiciens et billets à quelques centaines d'euros), voire de faire négocier des cachets plus hauts lors de prochains engagements. Visibilité, notoriété. Et, pour un tel album, la première piste est supposée constituer une carte de visite, un point d'accroche, une promesse pour le reste du disque.
Or, ici, non seulement la première piste ne correspond pas à la promesse du titre, avec cet air de Mitridate qui n'est pas un « air de concert », tiré d'un opéra de jeunesse de Mozart ; mais surtout son exécution vocale laisse voir des faiblesses qui ne figurent que de façon bien moins saillante dans les autres pistes. Pourquoi l'avoir ainsi placé en démonstration ? Personne ne s'est-il rendu compte du problème ?
Car, enfin, sur un air aussi exposé, qui a été de multiples fois interprété par des artistes désormais emblématiques (on dispose par exemple, pour s'en tenir aux seules intégrales, de Schreier, Blake, Croft, B. Ford, Sabbatini, Spyres...), réputés pour leur agilité vocale, que ces airs étaient conçus pour mettre en valeur, personne n'a-t-il senti à quel point les difficultés de la partition plaçaient surtout en exergue les limites de la voix : peu de métal, une voix mixte omniprésente mais subie, qui ne permet pas d'alléger ou d'assouplir, avec pour résultat des couleurs uniformément livides, et surtout un aigu qui se serre dans la gorge, poussé, blanc. Et si l'on regarde du côté de l'italien, c'est pire, tout est invertébré, pas d'accentuation, aucune aperture vocalique n'est juste, tout est lissé dans une sorte de couverture uniforme, indifférenciée, idiomatique d'aucune langue. J'ai déjà dit que je n'aimais pas beaucoup son approche un peu uniforme de la prosodie française, mais ici, c'est tout de bon l'articulation qui est floue, et l'intention suit. Ce n'est pas catastrophique, en concert on trouverait même cela tout à fait bien – eu égards aux standards actuels d'une part (qui valorisent ces configurations vocales aberrantes sur le plan de l'efficacité sonore), et d'autre part considérant la difficulté notable de cette pièce. Toutefois, de là en faire la première impression d'un disque, qui peut se comparer à une concurrence riche et prestigieuse, je ne comprends pas le projet.
La mauvaise impression a été difficile à secouer pour moi : alors que le reste du disque m'a paru tout à fait correct, j'ai mis du temps à l'écouter sans point de vue négatif. Je ne dis pas que j'ai été séduit, les caractéristiques restent sensiblement les mêmes : je n'aime pas beaucoup ces airs, je n'aime pas beaucoup l'esthétique de Mechelen, je trouve l'orchestre étrangement grêle, et l'état de l'italien reste particulièrement déplaisant ; pour autant ce reste une proposition tout à fait décente, qui s'écoute sans déplaisir. Reste la question, lancinante : sélectionner une telle piste imparfaite pour débuter un disque, chez des musiciens professionnels habitués à l'exigence, et dont l'employabilité repose sur la réputation, quelle étrange fantaisie.
Je ne suis vraiment pas un zélote de la perfection – au contraire, même, les imperfections peuvent procurer de la tension, susciter, l'imagination, etc. (vous souvenez-vous de Katherine Fuge ?) –, mais dans un air de concert et de démonstration, exposer ainsi ses limites ne paraît pas raisonnable, et en tout cas probablement pas en accord avec les attentes du public ni le niveau habituel d'exigence professionnelle chez ces artistes, dont j'ai déjà admiré les hauts accomplissements (Mechelen inclus) à de multiples reprises dans la tragédie en musique.
Pourquoi ?
Je crois que la pochette nous donne une indication : Reinoud Van Mechelen est à la fois le chanteur, le chef d'orchestre, le fondateur, le recruteur, le directeur artistique de l'ensemble. Sur les labels indépendants (dont l'immense majorité de ceux qui n'appartiennent pas à Universal, Warner ou Sony…), le financement du disque est apporté par les artistes eux-mêmes (qui collectent subventions et mécénat), le label se comportant alors comme un prestataire technique (prise de son, réservation des studios, communication, parfois contenu éditorial...). Je ne sais pas comment fonctionne Alpha, mais la présence en gloire du chef-interprète sur la pochette accrédite cette hypothèse : il a dû avoir la main sur à peu près tout. Et, corollaire fréquent du pouvoir absolu, les mauvaises nouvelles ne lui sont pas nécessairement communiquées : on comprend bien que personne n'avait intérêt à souligner le fait que cette piste ne le mettait pas vraiment en valeur.
Mais tout de même, devant l'investissement humain et le coût d'un disque, qu'un choix aussi évidemment contre-productif ait passé toutes les strates de contrôle sans que personne n'émette de doute laisse assez perplexe. Je me suis laissé dire (de sources diverses mais concordantes) que notre héros avait plutôt un tempérament à être satisfait de lui, ce qui ne facilite peut-être pas ce genre de conseils – du moins pour ceux qui l'entourent et dépendent professionnellement des engagements qu'il donne ou des financements qu'il peut lever.
(Vous comprenez donc que je tiens ici le mauvais rôle du messager de malheur, alors même qu'il existe tant de disques formidables que je n'ai pas le temps de signaler plus proprement qu'en les empilant dans des playlists ! L'objectif est évidemment surtout de lancer ces questions au travers du prétexte de ce disque, à propos des logiques internes de ce type de production. La notule aura aussi été, au passage, l'occasion de recommander à peu près tous les autres disques de l'ensemble, on ne peut pas dire que je leur fasse du mal, à part éventuellement à l'amour-propre, j'imagine qu'on est déçu quand on ne convainc pas avec son dernier disque.)
En réalité, ce n'est peut-être pas si infondé que je le crois, et les gens plus introduits dans le milieu que moi confirmeraient peut-être que les fantaisies ou aveuglements des chefs ne sont guère contredits. (On me le raconte quelquefois, mais j'ignore le degré emblématique ou ponctuel de ces anecdotes.)
J'avoue attendre avec impatience et gourmandise que Reinoud Van Mechelen suive la voie de Jérôme Correas (inconsolable de l'avoir souvent entendu diriger, mais jamais chanter), vu le talent indiscutable que je lui trouve comme chef, et plus relatif, du moins dans les répertoires qu'il fréquente le plus, comme chanteur. [Pour être tout à fait honnête, je lui connais pas mal d'admirateurs. Je les tiens pour malavisés, il va de soi, car chacun a ses raisons d'avoir ses raisons, mais c'est tout de même le signe qu'il ne doit pas faire si mal que je le crois.]
Le projet de cette notule n'est donc pas de médire de la voix à partir d'une piste isolée quoique mise en valeur – ce n'aurait pas grand intérêt –, mais plutôt que pour partager ces interrogations sur les dynamiques artistiques invisibles de ce type de production.
À bientôt pour de nouvelles recommandations !
Ce billet, écrit à par DavidLeMarrec dans la catégorie Discourir a suscité :
2023 : BIS est racheté par Apple, le communiqué de presse annonce « conserver la même exigence » tout en « augmentant les moyens au service des artistes ». Apple va-t-il vraiment injecter des moyens pour amplifier les succès du label, ou simplement le désosser et l'utiliser comme enveloppe creuse ?
2025 : Robert von Bahr, le fondateur de BIS, a été viré (ou poussé au départ). On a simplement découvert que son adresse de courriel en @BIS.se ne répondait plus, et Apple a confirmé qu'il ne faisait plus partie des équipes.
Comme d'habitude.
--
En 2013, à l'annonce du rachat d'EMI par Warner, je prophétisais que ça se passerait mal. Avec l'arrivée des plateformes de flux, il n'y a pas eu de rupture d'approvisionnement des disques historiques (au contraire), mais le label a bien disparu, ainsi que tous les plus petits rachetés sous bannière Warner – Teldec, Erato, dont tous les projets ont été envoyés au pilon, dont des tragédies en musique par Les Arts Florissants, ce qui marque le dernier jalon du repli de l'ensemble sur un répertoire restreint.
La disparition de Decca, la base radicale de cadence dans les productions de Sony et de Deutsche Grammophon (certes, pour ce dernier, avec une ligne éditoriale hardie et passionnante, le label vit paradoxalement son âge d'or à mon sens !) nous ont aussi servi de leçon.
Robert von Bahr a-t-il été licencié, ou est-il parti par dégoût de perdre le contrôle artistique de son label, je ne le sais pas encore, mais dans les deux cas, il s'agit du résultat d'une politique qui ne va pas dans le sens du maintien des ambitions de BIS, avec un répertoire à la fois original et des exécutions de haut niveau servies par les meilleurs prix du marché, que ce soit en musique de chambre ou en symphonique, toujours à la fois ample et particulièrement lisible et précis, l'impression d'entrer dans une grande bulle transparente au milieu des musiciens – on entend mieux en écoutant leurs disques qu'en allant au concert, en vrai.
On peut s'attendre, hélas, à la baisse du nombre de publications et à la réutilisation du label pour quelques invitations de prestige.
Pour rappel, BIS, c'était ça :
(en commençant par les plus indispensables)
Des disques pionniers pour le répertoire symphonique nordique : les symphonies de Tubin, la première intégrale Alfvén avec des moyens de captation modernes (il y a eu mieux depuis, je ne l'ai pas représentée ici), la seule archive Sibelius (Naxos y est peut-être ensuite parvenu en dépareillé ?), dont l'unique version originale de la Cinquième Symphonie – très différente de l'état final, les cuivres du final sont moins réussis mais l'arrivée des deux thèmes du premier mouvement est complètement inversée, je crois que je le trouve encore plus beau, et en tout cas complètement différent. De même pour le mouvement central, plus complexe que les variations très lisibles de la version définitive. Dans cette intégrale Vänskä, on trouve aussi toute la musique de scène, avec chant, avec choeurs, un ensemble extraordinairement persuasif – par ailleurs bien joué et très bien capté. À cela, on peut ajouter une des meilleures intégrales Nielsen disponibles, pas la plus spectaculaire, mais absolument réussie pour chacune des symphonies.
En musique de chambre (ou assimilée), une intégrale du piano de Sibelius aussi, peu donnée en concert, peu enregistrée, et pourtant à peu près tout publié, des pièces courtes « caractéristiques » très contrastées, évocatrices et intensément inspirées. Et les Quatuors de Stenhammar, une sorte de langage Mendelssohn à peine plus moderne, avec tous les potentiels mètres poussés à fond, d'une fièvre et d'une classe folle.
On retrouve ces qualités pour les œuvres chambristes non nordiques, comme l'album Robert de Visée définitif (écouté en boucle), la Première Sonate de Brahms par Kantorow, les Quintettes à cordes de Mendelssohn d'un élan irrépressible (là encore, quelle captation !). Et puis de très grands artistes : Thedéen, Pohjola (oui, les violoncellistes de BIS ont forcément un accent aigu), Pöntinen dans des Brahms parfaitement égaux…
Place toute particulière pour le récital Fanny Mendelssohn-Hensel + Clara Wieck-Schumann + Alma Schindler-Mahler, totalement pionnier dans ces années 90, qui permettait de découvrir le caractère majeur de ces compositrices (en particulier les deux dernières) par une très belle sélection de leurs plus beaux lieder, et une interprétation d'une force poétique qu'on n'a pas retrouvée par la suite dans les quelques intégrales de leurs œuvres qui ont paru ces dernières années.
Si vous doutez du caractère exceptionnel des prises de son de son BIS, vous devez écouter l'Alpensinfonie : on n'attend rien de Richard Strauss ici, et on peut imaginer qu'en réalité ce n'est pas tout à fait le meilleur orchestre du monde – pourtant non seulement ils sont excellents, mais par-dessus tout ce que font les ingénieurs du son produit le plus bel enregistrement de tous les temps pour cette symphonie, sans le moindre doute. L'impression de les écouter jouer dans un espace aussi vaste que la montagne elle-même, avec à la fois une radiographie des détails et une qualité des fondus qu'aucun emplacement dans la meilleure salle de concert ne peut offrir.
--
Merci beaucoup BIS pour tout ce que tu nous as offert. Attends-nous, on te retrouvera bientôt de l'autre côté du miroir.
Ce billet, écrit à par DavidLeMarrec dans la catégorie Discographies a suscité :
Je me suis surtout lancé dans une transcription en cours de la série musique ukrainienne, avec la contrainte, pour des
raisons de droits d'auteurs (droits
voisins
plus exactement), d'enregistrer moi-même les extraits sonores. C'est
beaucoup de travail, mais pour ceux qui consultent le format écrit de Carnets sur sol
et n'hésitent pas à en suivre les recommandations sonores ou écouter
les extraits, il n'y a pas encore beaucoup de nouveautés (j'en suis à
Hulak-Artemovskiy et à la brève génération qui a pu exercer un art
national
ukrainien). Bien sûr, des précisions nouvelles ont été apportées, que
je n'avais pas lorsque j'ai débuté cette série, et je vous invite à y
jeter une oreille, mais dès que j'aborderai des compositeurs ou des
sujets inédits, je le signalerai ici et en posterai les
retranscriptions pour les fidèles de l'écrit.
Pour la suite de la baladodiffusion autour de la vulgarisation de
certaines questions relatives à l'opéra en général (sobrement intitulée
« L'opéra ? »), je me suis lancé dans une évocation des grandes
tendances de l'opéra, à travers l'histoire de chaque nation lyrique. Je
commence évidemment par les Italiens qui nous ont apporté toute cette
corruption depuis le début.
Épisode 8 : Comment
l’opéra italien a-t-il dominé le monde ? – b) L’hégémonie du seria
3. Le prestige de la
voix et
la conquête du seria
Malgré son projet à l’origine surtout littéraire, l’opéra entraîne un
effet secondaire inattendu : la redécouverte de la voix humaine. Le
fait de l’utiliser seule, le prestige croissant des chanteurs, les
lieux de représentations plus vastes vont mettre en avant les voix
puissantes, agiles, étendues… et les compositeurs vont progressivement
devenir les grands lieutenants des chanteurs vedettes.
Le troisième tiers du XVIIe siècle est une période d'innovations riches
– voyez par exemple les opéras de Legrenzi ou les oratorios de
Falvetti. La forme des parties musicales reste assez libre, mais avec
davantage de substance musicale, de diversité de ton, et surtout, ce
qui a son importance pour la suite, une veine mélodique beaucoup plus
présente et persuasive que le pur service du texte. On reste dans une
visée essentiellement déclamatoire, mais ce faisant on voit tout de
même se constituer peu à peu, dans les parties où la musique se met à
dominer l'expression textuelle, une segmentation des moments musicaux,
de plus en plus autonomes et détachables. Ces moments (airs, duos,
choeurs, etc.) deviennent progressivement des formes closes (ce que
l'on appelle les « numéros »).
C'est à mon avis l'une des périodes les plus intéressantes de
l'histoire de l'opéra italien, sans doute la plus originale, devant
celle qui se déroule au début du XXe siècle. Il y a fort à parier qu'on
découvrira progressivement beaucoup de pépites dans cette période
encore excessivement mal documentée au disque, si l'on se met à fouiner
dans les inédits.
Mais cette progressive mise en avant de la musique (et de la voix
agile) va aussi entraîner la Grande
Bascule, moment terrible qui va changer l'histoire de l'opéra
mondial pour toujours.
La fascination pour la voix, qui se découvre des possibilités pour
l'agilité dans ce contexte où la musique est de plus en plus
prédominante et le texte de moins en moins central, va créer les
conditions de cette catastrophe.
L’opéra, qui était essentiellement un poème dramatique embelli par de
la musique, assez nu, peu orné, devient le support privilégié de la
virtuosité vocale – le support, pour ne pas dire le prétexte.
4. Structure de l’opéra seria
Car, à partir des années 1690, le genre-roi, qui domine toute l’Europe
pour un siècle, c’est l’opéra seria,
fruit d’une lente mutation au fil du XVIIe siècle vers un spectacle, où
la musique et surtout la voix volent la vedette au texte.
Opera seria, c’est-à-dire «
opéra sérieux ». Opera seria
est féminin en italien, mais comme on emploie opéra au masculin en
français, l’usage est d’utiliser opéra seria au masculin.
C’est le genre qu’ont illustré Albinoni, Haendel, Vivaldi, Porpora,
Caldara, Hasse, Leo pour la période baroque, avec une époque de
transition qui enrichit l’orchestre de quelques doublures de vents chez
Graun, Pergolesi, Jommelli, avant de se couler dans le nouveau style
classique avec Johann Christian Bach, Cimarosa, Haydn (Armida), Salieri, Mozart (Lucio Silla, Mitridate, même Idomeneo, quoique un peu tempéré
par le modèle français).
Parmi les œuvres aisément disponibles qui ont de quoi impressionner et
par lesquelles je vous conseillerais de commencer : Rinaldo de Haendel, Griselda de Vivaldi, Cleopatra e Cesare de Graun, Mitridate de Mozart (Minkowski)…
mais on rencontre aussi de très beaux Jommelli, Johann Christian Bach
ou Salieri…
Musicalement, l’opéra seria se caractérise par une alternance de deux
modes d’expression.
Le premier, ce sont « récitatifs secs
» (recitativi secchi),
où l’on fait avancer l’action, sans y mettre de soin musical
particulier : les chanteurs s’y expriment seulement accompagnés par la
basse continue (un instrument grave à cordes frottées, un clavecin,
éventuellement un archiluth). La mélodie reste très simple et suit
l’accentuation des mots, mise en musique syllabe par syllabe. Pas de
répétitions, pas d’ornements, pas d’aigus ou de graves, simplement une
déclinaison musicale du texte. C’est la partie qui hérite des origines
de l’opéra, mais il s’agit clairement, en l’occurrence, d’une
relégation, qui n’intéresse pas du tout le public, concentré sur la
plus grande séduction mélodique des airs, ses affects exacerbés… et
surtout les qualités d’agilité ou de longueur de souffle des chanteurs.
En alternance avec ces récitatifs utilitaires, les « numéros » sont presque
exclusivement des airs à da capo. Et,
rarement, des duos ou des chœurs – on va dire que dans le meilleur des
cas vous en trouverez deux par opéras, et toujours sensiblement plus
courts que les airs. On parle alors des « numéros musicaux », car ils
sont bel et bien numérotés pour pouvoir les retrouver (plus commode que
« le deuxième air de Nicomedo à la cinquième scène de l’acte III »). À
ce moment, l’action s’arrête et le personnage partage ses émotions :
courage, tendresse, espoir, crainte, orgueil, dépit, fureur,
déréliction… le nombre de ces affects archétypaux n’est pas très élevé,
ce qui a permis la réutilisation abondante d’airs d’un opéra dans un
autre – les droits d’auteur n’existant pas, les compositeurs
n’hésitaient pas non plus à réutiliser des airs réussis de collègues
dans leurs propres opéras.
J’ai parlé de da capo. « Da
capo » signifie « avec une reprise depuis le début » : ces airs sont
pour la plupart constitués, tout au long du XVIIIe siècle, de 8 vers.
Un quatrain principal, longuement répété, suivi d’une section plus
courte de 4 vers (et toujours contrastée, moment de fureur ou de
confusion pour les airs extatiques, moment de brève émotion tendre pour
les airs de bravoure…). Une fois qu’on a fait tout cela, on reprend
intégralement la mise en musique du premier quatrain, en y ajoutant des
variations vocales (on les appelle souvent « diminutions », car ce sont
des formules de notes en général plus brèves, des ornements qui
augmentent le nombre de notes exécutées). Ces ajouts étaient censés
être improvisés, même si les chanteurs étudiaent bien sûr des formules
réutilisables. Aujourd’hui, elles sont soigneusement écrites par les
chefs ou les interprètes. Comme elles ne figuraient pas sur les
partitions, on a longtemps, même dans le mouvement baroque, joué ces
reprises sans ornements – ce qui les rend particulièrement
fastidieuses, surtout dans les airs très longs du milieu et de la fin
du XVIIIe siècle.
Un air à da capo fait dans
les 4 à 6 minutes à l’époque de Haendel et Vivaldi, mais peut durer 9
minutes à partir des années 1740… sans reprise variée, ce peut être un
peu ennuyeux si la mélodie n’est pas particulièrement inspirée ou si le
chanteur n’est pas exceptionnel. Les da capo ornés sont aujourd’hui
redevenus la norme, musicologie aidant. Dieu soit loué.
5. Le triomphe de la
peste
vocale
Ce type d’opéra, qui est moins dépendant de la compréhension du texte
théâtral, obtient un succès fulgurant en Europe : la virtuosité de sa
musique (il faut y voir l’équivalent des Quatre Saisons de Vivaldi), la
déification des chanteurs-vedettes, le caractère stéréotypé et annexe
de l’intrigue permettent de traverser les frontières. Il s’adapte très
bien ensuite au style classique avec un orchestre qui inclut davantage
les vents, cherche davantage de couleurs, étend la virtuosité sur des
ambitus vocaux plus larges, cherche des lignes mélodiques plus
vigoureuses (voire athlétiques).
Il est joué partout, en général en italien : de Lisbonne à
Saint-Pétersbourg en passant par Londres, avec quelques adaptations
linguistiques locales (en suédois à Stockholm, et à Hambourg des objets
hybrides improbables en allemand pour les airs, en italien pour les
récitatifs et en français pour les chœurs – voyez Orpheus de Telemann, par exemple).
Seule la France en reste au modèle déclamatoire de la tragédie en
musique, tout en en important les innovations harmoniques et
progressivement le goût de la virtuosité (très audible chez Rameau, par
exemple). Mais l’accusation d’ultramontanisme est grave pour un
compositeur, et tout le monde se défend d’importer quelque influence
que ce soit. En tout état de cause, la dominante de l’opéra français
reste textuelle (ou, pour l’opéra-ballet, la danse et la couleur locale
soutiennent l’intérêt premier du public), et c’est la seule nation à
conserver un modèle distinct du seria
italien. Toutes les nations les plus fières ont servilement adopté le
nouveau format musical à la mode, et pour un siècle.
Et encore, un siècle, c’est en restant modeste : il existe des opéras
seria dès les années 1690, et le belcanto romantique n’est finalement
qu’une adaptation au style romantique des formules du belcanto baroque
et classique tel qu’il est pratiqué dans l’opéra seria (air répétitif
virtuose orné avec récitatifs intercalés, de moindre importance). Mais
la fin du XVIIIe siècle et surtout le début du XIXe siècle voient
apparaître des opéras dans les langues locales, et parfois avec une
réelle ambition, Weber et Schubert en Allemagne, Dupuy au Danemark,
Arriaga en Espagne…
6. Catégories vocales
Cette époque est aussi celle des rôles travestis (des rôles masculins
héroïques joués par des femmes, en l’occurrence) et des castrats. Je
consacrerai peut-être un épisode aux castrats – ces pauvres diables
auquels ont dérobait, dans leur jeune âge, les outils indispensables de
leur succession. Ils disposaient ainsi d’un larynx d’enfant posé sur
des poumons et des résonateurs d’homme, ce qui devait être
particulièrement insolite et surprenant. Femme ou castrat, cela
témoigne en tout cas d’une fascination pour les voix aiguës. Le goût
des XXe et XXIe siècles en Occident représente l’homme viril avec une
voix grave (voire rauque et peu sonore, façon Humphrey Bogart, James
Earl Jones, Andrew Lincoln) – je peux témoigner, puisque je dispose
d’une voix plutôt aiguë, qu’on est obligé d’utiliser beaucoup de
stratégies extra-timbrales pour asseoir sa présence en public (le
contenu de ce que l’on dit, les variations de ton, l’humour… alors que
l’autorité naturelle d’une voix grave est immédiate). On le voit au
demeurant à l’opéra, avec le nombre croissant de rôles principaux
confiés à des barytons – le baryton, c’est le symbole l’homme
véritable, dans toute sa complexité.
Au XVIIIe siècle, c’est tout le contraire : les héros ont souvent une
ascendance surnaturelle, divine, et réalisent des exploits qui ne sont
accessibles qu’à une âme hors du commun et à une généalogie du plus
haut prestige. On les représente donc par des voix aiguës et agiles,
qui planent au-dessus des aptitudes des simples humains. Le ténor
devient progressivement utilisé dans la période classique (dernier
quart du XVIIIe siècle), mais plutôt pour représenter les rois et les
pères, pas toujours sympathiques (prenez Idoménée et Mithridate, chez
Mozart) – en tout cas beaucoup plus humains et bien moins exemplaires
que leurs équivalents chantés par des sopranos ou des altos, qu’ils
soient masculins ou féminins. Les basses, elles, sont vraiment
réservées aux personnages secondaires majestueux, les pères, les rois,
les magiciens…
C’est ainsi que dans un opéra seria
habituel de la période baroque, on ne croise quasiment que des voix de
femmes (avec une basse en personnage secondaire pour varier un peu) ou
de castrats.
7. Les limites du seria
Vous aurez peut-être remarqué, au gré de subtiles allusions à peine
perceptibles, que je ne suis pas complètement enthousiaste devant la
domination de ce genre en Europe. C’est mon goût personnel, il est vrai
que le seria est probablement pour moi la période la moins
enthousiasmante de l’histoire de l’opéra.
Mais cela mérite peut-être une explicitation. Pour moi qui apprécie en
particulier le rapport au texte et à la dramaturgie, je me retrouve
face à des airs dont le texte est répété à l’infini, peu intelligible
sous les coloratures (toutes les figures agiles de la voix sur une
voyelle unique o-o-o-o-o o-o-o-o-o), et pas traité de façon
particulièrement expressive – en tout cas pas vis-à-vis de la prosodie.
Les livrets y sont complètement stéréotypés, parfois même
interchangeables – et interchangés par les compositeurs.
C’est possiblement la période où l’on a le plus produit d’opéra, mais
aussi celle où l’on rencontrera le moins de diversité et de surprises,
tant le modèle y est normé, et pas très riche ni contrasté en tant que
tel.
Pour autant, musicalement, le genre recèle des pépites (qu’il faut
vraiment écouter comme des concertos pour instruments vocaux !), et les
atmosphères de certains airs sont absolument ineffables. Par ailleurs,
si l’on rencontre des chanteurs qui nous émeuvent, les entendre dans le
seria, c’est la certitude d’entendre toute leur voix complètement mise
en valeur – rien à voir avec les airs de Verdi qui mettent en valeur un
caractère du personnage ou un trait d’écriture du compositeur, ici tout
est d’abord pensé pour magnifier la voix et lui donner le temps d’être
goûtée par le public.
Et son importance est absolument centrale dans l’histoire de l’opéra.
C’est pourquoi il n’était pas inutile de s’y arrêter un moment dans ce
parcours autour de l’opéra italien.
Ce billet, écrit à par DavidLeMarrec dans la catégorie Pédagogique a suscité :
Comme l'année a beaucoup avancé et que la série ukrainienne ainsi que
l'augmentation de ma pratique de déchiffrage commenté ont occupé une
grande part du temps prévu pour l'écriture de cette série sur les
compositeurs de la saison, je reprends le fil en réduisant au maximum
le détail : ce seront désormais moins des présentations que des
évocations, pour que vous ayez une idée de ce qu'on aurait tout à fait
pu programmer ou enregistrer cette année au lieu de Mozart, Schubert et
Beethoven.
Né en 1872
(150 ans de la naissance)
Siegmund von Hausegger(1872-1948).
→ Grand chef d'orchestre (directeur musical du Philharmonique de Munich
pendant dix ans à partir de 1924, prof de Jochum, etc.), auteur
d'opéras qu'on n'a jamais remontés, il connaît un regain d'intérêt avec
les quelques albums marquants que lui a consacrés CPO autour de ses
lieder orchestraux et de ses poèmes symphoniques, d'un postromantisme
particulirement élancé et inspiré.
● La Natursymphonie
et le disque contenant la Dionysische
Fantasie (♫ extrait) sont à connaître en priorité, mais les
quatre monographies qui lui sont consacrées (toutes chez CPO), plus Wieland der Schmidt par l'American
Symphony sont très réussis.
■ Même pas besoin de faire un effort : un contemporain de Mahler qui
écrit une Symphonie Naturelle et des poèmes symphoniques dionysiaques,
dans une langue sonore qui évoque largement notre culture filmique, ça
s'imposerait assez facilement passé le premier concert nécessairement
un peu vide.
Fernand Halphen(1872-1917).
→ Particulièrement mal connu malgré ses œuvres chambristes de grande
qualité, sorte de Fauré – son maître – plus évident (mais pas moins
raffiné), Halphen pourrait de surcroît être un objet de mémoire : d'une
famille illustre, juif et fils de banquier, veuillez adresser
vos plaintes au Bureau des Clichés, Prix de Rome, mort sur le
champ de bataille en 1917, il ferait un sujet d'étude pertinent sous
beaucoup d'angles, et pourrait être programmé au fil de nobreuses
thématiques.
● Le disque de mélodies gravé par François Le Roux et Jeff Cohen,
somptueux, est devenu très difficile à trouver en physique, mais je
vois qu'il est désormais republié en flux. (♫ extrait)
On trouve aussi une symphonie en ut mineur, au disque, par… l'Orchestre
du Campus d'Orsay !
■ Un destin aussi singulier pourrait aisément être mis en valeur, sans
avancer de grands frais, à travers des récitals de mélodies… Que ce
soit en tant que récital monographique, en tant que concert
thématique au format mixte (avec récitant, projections…), ou en
forme d'hommage aux musiciens de la grande
guerre.
Typiquement le genre de choses qu'on pourrait programmer dans les
amphis de la Cité de la Musique, de Bastille, à Cortot, etc.
Paul Juon(1872-1940).
→ Compositeur helvético-russe, élève de Taneïev et Arenski, qui écrit
lui
aussi de la belle musique de chambre, plus sobre et moins typiquement
russe que ses modèles, pas aussi généreuse mélodiquement, mais écrite
au
cordeau.
● On trouve de beaux enregistrements du Trio piano-cordes, du Quatuor
piano-cordes (anthologie de l'Ames Quartet chez Dorian Sono Luminus),
du Sextuor piano-cordes (chez CPO évidemment). (♫ extrait)
■ On pourrait faire de beaux programmes thématiques en mêlant trois
trios russes, par exemple la filiation prof-élève
Tchaïkovski-Taneïev-Juon… Mais vu que les programmes sont faits en
suivant ce que les vedettes apportent, ce n'est pas gagné.
Henri Büsser(1872-1973).
(parfois graphié « Busser »)
→ Autre Prix de Rome, chef réputé (il nous reste un impressionnant Faust avec Vezzani et Journet !),
nous le connaissons surtout pour ses orchestrations du Chant du Départ
de Méhul, de la Petite suite de
Debussy (sa version la plus couramment jouée) et récrit l'orchestration
de Printemps,
perdue, sous la supervision de Debussy. Il écrit par ailleurs de belles
mélodies, mais l'on a aussi des opéras jamais enregistrés, comme une Vénus d'Ille
qui rend très curieux. Comme il n'est toujours pas libre de droits, et
pour longtemps (mort en 1973 !), cela ne facilite pas la diffusion de
ses œuvres, évidemment.
● Quasiment rien pour lui-même au disque. Des bouts de choses dans des
récitals de chanteurs du passé (Martial Singher par exemple) et
quelques pièces brèves manifestement conçues pour les concours, guère
davantage. (♫ extrait)
■ Je voudrais évidemment que le simple fait de son lien avec Debussy et
sa présence importante dans le paysage musical de son temps le fasse
rejouer, mais il serait sans doute plus raisonnable d'espérer que la
célébrité de La Vénus d'Ille,
lecture fréquente au collège, ne finisse par motiver un programmateur
qui l'a relu récemment avec son ado…
Lorenzi Perosi(1872-1956).
→ Auteur d'oratorios à l'esthétique singulière – quelque part entre Parsifal,
la simplicité italienne et l'épure du cécilianisme… – sur de nombreux
sujets, en particulier du Nouveau Testament. Membre de la Giovane Scuola comme
les véristes, il était du côté du mouvement cécilien et n'a pas composé
d'opéra… Perosi tient à la fois la place de représentant principal du
mouvement anti-théâtralité religieuse… et à avoir écrit beaucoup
d'oratorios (dans une esthétique plus contemplative que dramatique en
effet). Quoique d'abord compositeur, notamment auprès de Pie X, il
finit par être ordonné prêtre (tout en continuant de composer). Son
legs ne se limite pour autant pas à la musique sacrée : le catalogue
contient aussi de beaux quatuors à cordes, dans la même esthétique
apaisée mais raffinée.
● Beaucoup de choix chez Bongiovanni – pas toujours bien capté – pour
les oratorios (♫ extrait) et la musique de chambre (♫ extrait).
Côté musique de chambre, le
Trio à cordes n°2 gravé avec le Roma Tre Orchestra Ensemble est
particulièrement persuasif, dans des conditions techniques d'exécution
et de captation très supérieures à celles des méritoires volumes
Bongiovanni.
■ Ce n'est pas le plus évident à programmer, surtout pas en concert…
mais on pourrait imaginer que des églises programment certains
oratorios dans la période liturgique idoine, ou que des ensembles
amateurs (ce n'a pas l'air très difficile, peu de figures rapides, de
fugues, etc.) s'en emparent. (Cependant il faut ensuite remplir la
salle à la seule force d'un nom méconnu…)
Déodat de Séverac(1872-1921).
→ Grand représentant du mouvement régional musical, il est l'auteur
d'une thèse (critique) sur la centralisation musicale, et déplorait une
forme d'uniformisation des références musicales en raison de la
concentration des compositeurs à Paris, soit cherchant les commandes
officielles, soit fréquentant les mêmes salons (d'indystes et
debussystes).
→→ Son écriture se distingue bel et
bien par son caractère savant issu de l'école d'indyste (études à la
Schola Cantorum) mêlée à une recherche de simplicité et une référence
permanente au terroir (très attaché au Lauragais et au Roussillon).
● Au disque, on trouve son piano et quelques mélodies (♫ extrait),
qui constituent de toute façon l'essentiel de son legs, mais aussi une
belle version (chez Timpani) du Cœur
du Moulin, sorte de conte pastoral dont l'intrigue très fluette
est prétexte à faire entendre une évocation de la nature – animaux et
forces naturelle. Une très jolie chose, sans prétention de grandeur. (♫
extrait)
■ Ses œuvres auraient sans doute avant tout leur place dans les lieux
qu'elle célèbre – parfait pour de petites églises avec un format
voix-piano à écouter un soir d'été… Mais on est bien sûr très curieux
de sa tragédie Héliogabale…
créée à Béziers !
Ralph Vaughan Williams (1872-1958).
(son patronyme est bien Vaughan Williams, toute sa famille avait les
deux noms)
→ Statut étrange, à la fois un grand classique incontournable, très
abondamment servi au disque, et un compositeur relativement méconnu,
fragmentairement donné en concert, même au Royaume-Uni. Il a pourtant
servi tous les genres avec abondance. Parfois dénoncé pour son sirop
figuratif, parfois admiré pour ses trouvailles purement musicales,
c'est bel et bien un Anglais…
● Dans l'immensité des disques, difficile de recommander quelque chose
en particulier. Si les opéras s'engluent dans une temporalité lente,
des livrets bavards et un manque de sens du rebond dramatique, beaucoup
de beautés dans les petits formats, mélodies (certaines pour voix &
violon, très réussies !), musique de chambre…
●● Pour les symphonies, j'ai un faible
pour l'épique Première (une gigantesque cantate sur du Whitman) et les
tendres 3 & 5, plutôt que les symphonies « de guerre » 4 & 6,
plus tourmentées mais moins inventives en climats et textures.
Elder-Hallé, très bien pensé dans un son superbe, est sans doute
l'intégrale la plus consensuelle possible, mais Hickox me paraît le
sommet côté phrasés, malgré la prise de son plus floue de Chandos.
Boult-New Philharmonia (sa version EMI) est
remarquable aussi. J'aime moins les autres grands classiques
disponibles dans la vaste discographie (Boult-LPO-Decca, Haitink,
Previn, Thomson, Bakels…). (♫ extrait)
■ Clairement, niveau concerts, en France ce fut le calme plat. Même pas
par le biais de la musique de scène ou de film, même pas un de ses
poèmes symphoniques sirupeux ou sa symphonie à programme « Londres »…
nadanichts.
Alexandre Scriabine (1872-1915)
→ Nul besoin de le présenter, celui-là, le pionnier, l'antifolkloriste,
l'amoureux des quartes… mais son anniversaire aurait pu être l'occasion
de programmer des portions entières et cohérentes de ses Préludes ou
Études, un cycle de ses poèmes-symphonies, ou une intégrale de ses
Sonates…
● Au disque, on a tout. Si vous n'avez pas encore essayé L'Acte Préalable, la très belle
version Ashkenazy, captée avec clarté sur tous les plans et timbres,
permet de profiter de ce projet dément qui ressemble, aussi bien dans
l'ambition initiale que dans le résultat pléthorique et dégramenté, à
un précurseur de Licht de
Stockhausen. (♫ extrait)
■ Le concerto pour piano, d'un Chopin « augmenté », est revenu en grâce
ces dernières années – œuvre magnifique, mais un peu complexe pour les
amateurs de piano purement mélodique, et trop sentimental et accessible
pour les mélomanes en recherche d'œuvres audacieuses (c'est un peu
injuste, dans la mesure où l'œuvre est à la fois très généreusement
lyrique et particulièrement sophistiquée…). (♫ version)
■■ Autrement, l'on n'a pas vu grand'chose pour l'instant. Les salles
auraient vraiment pu oser des cycles de ses œuvres, pas si nombreuses,
et qui mettent vraiment en valeur les pianistes. En regard, pourquoi
pas, avec Roslavets (ou même Rachmaninov et Medtner). Les
poèmes-symphonies sont joués d'ordinaire mais rien n'a été présenté
comme un cycle complet ni cohérent.
Je ne peux pas parler de tous, mais 1872 est aussi l'année de naissance
de :
Julius Fučik (le compositeur de marches !),
Eyvind Alnæs,
Sergey Vasilenko,
Joan Lamote de Grignon,
William Poststock,
Albert Seitz,
Bernhard Sekles,
Salvator Léonardi,
Emil Votoček,
Ezra Jenkinson,
Rubin Goldmark,
Frederic Austin,
Stanislav Binički,
Clara Mathilda Faisst,
Annette Thoma,
Louis Tunison,
Mabel Madison Watson,
Eliza Woods…
Mort en 1922
(100 ans du décès)
J'ai étrangement peu de monde à présenter en 1922.
William Baines (1899-1922).
→ Pianiste professionnel, auteur d'un assez vaste catalogue malgré sa
courte vie (tuberculose), incluant une symphonie en ut mineur, des
poèmes symphoniques de la musique de chambre et beaucoup de piao solo,
il entrelace volontiers sa musique avec des sous-titres évocateurs, un
peu à la façon des Clairs de lune
d'Abel Decaux. Comme lui, il explore des chemins de traverse harmonique
qui peuvent surprendre par leur sinuosité – beaucoup de parenté, pour
un Anglais, avec les futuristes (peut-être l'influence de Scriabine,
lis-je, mais sa musique est vraiment moins forme pure, davantage
évocation).
● Très peu de choix. Mais sa symphonie existe, et quelques-unes de ses
pièces pour piano marquantes (les ♫ 7
Préludes !) ont été couplées avec celles du grand Moeran sur un
album Lyrita joué par Eric Parkin.
■ L'aspect « jeunesse maudite » pourrait créer un intérêt du public, en
couplant par exemple avec Guillaume Lekeu, Lili Boulanger et le fils de
Scriabine… Et puis le piano, ça ne coûte pas cher, n'importe qui peut
en mettre une pièce dans un récital Chopin. (Mais le rêve de la plupart
des pianistes semble être de rejouer les disques qu'ils ont écoutés et
les pièces qu'ils ont travaillées pendant leurs études, alors…)
Je connais bien trop mal les autres pour en parler, mais ils sont
nombreux :
Carl Michael Ziehrer,
František Ondriček,
Nikolai Sokolov,
Edwin Eugene Bagley,
Vittorio Monti,
Theodora Cormontan,
Florence Ashton Marshall,
Ika Peyron,
Alicia Van Buren,
Marian Arkwright,
Felipe Pedrell,
Luigi Denza,
Francis Chassaigne,
Antonio Scontrino,
Hans Sitt,
W. H. Jude,
Giacomo Orefice…
Nous resteront donc ceux nés ou morts en 1922 et 1972 ! Xenakis,
Amirov, Grové, Serocki, Popov, Wolpe, Erkin, H. Brian, Grofé,
Leibowitz, Bárta, Apostel, Levant, Puts… voilà encore quelques gens
importants à présenter rapidement !
À très vite pour de nouvelles aventures !
Ce billet, écrit à par DavidLeMarrec dans la catégorie Portraits a suscité :
À présent que je dispose d'un agenda complété de toutes les grandes saisons 2023
qui viennent de paraître (Garnier, Bastille, Philharmonie,
Champs-Élysées, Radio-France, Versailles, Seine Musicale…), on se
plaint en me disant « mais il y a déjà trop de choix, comment choisir ?
».
Je tente donc de contribuer à votre bien-être avec cette petite
sélection rapidement commentée de concerts qui me paraissent
particulièrement prometteurs. Évidemment, je ne puis deviner ce que
chacun a entendu, il y a donc quantité d'œuvres et de concerts au
programme assez habituels qui seront très bien et auxquels vous pourrez
prendre beaucoup de plaisir si vous ne les avez pas déjà entendus vingt
fois…
J'ai tâché de l'organiser de la façon la plus claire possible, en
classant les genres du plus grandiose au plus intime, et à l'intérieur
de chacun, par ordre chronologique approximatif d'âge des compositeurs
ou de composition des œuvres. Comme cela, vous pouvez ne chercher que
le baroque ou le vingtième en regardant au début ou à la fin de chaque
genre, ou bien vous limiter à l'opéra, au lied, etc.
Puisque vous me lisez, vous le savez déjà, mais les meilleurs concerts
sont souvent les tout petits qui ne sont annoncés que deux semaines à
l'avance et qui permettent, pour un tarif très modique, d'être tout
près des interprètes dans une petite salle où l'on entend très bien,
dans une atmosphère de communion particulier et avec des propositions
souvent plus originales – on ne saurait trop recommander de tenter les
soirées du CNSM, notamment les ateliers lyriques qui sont de véritables
propositions scéniques souvent très supérieures aux mises en scène
dispendieuses mais assez statiques qui prévalent aussi bien chez les tradi que chez les regie…
Il vous faudra donc, pour en tirer le meilleur, jeter un œil régulier à
l'agenda pour ne pas les manquer… je les inscris dès que possible, mais
il m'arrive d'apprendre deux jours avant qu'un opéra inédit est joué
dans tel conservatoire, par telle institution pas du tout musicale ou
par telle micro-compagnie passée sous mon radar…
A.
Opéra scénique
Sacrati, La Finta Pazza par la
Cappella Mediterranea (3,4 décembre)
→ Opéra du XVIIe italien, donc primauté à la déclamation et action en
général plutôt statique. Je ne suis pas encore allé entendre celui-ci,
mais les critiques ont été absolument dithyrambiques. LULLY, Armide par Pitoiset
& Le Poème Harmonique (12,13,14 mai)
→ Le chef-d'œuvre de LULLY, avec prononciation restituée et mis en
scène, par une très belle équipe. Grétry, La Caravane du
Caire par Pynkoski et Le Concert Spirituel (9,10,11 juin)
→ Pynkoski réussit à chaque fois des tours de force scéniques (rendre Richard Cœur de Lion palpitant !) ;
ce Grétry-ci, dont Napoléon a fait donner un extrait lors de sa prise
de Moscou, demande aussi à être mis en valeur et je suis très curieux.
(Le Concert Spirituel était électrisant dans Richard, et la distribution reprend
beaucoup de chanteurs en commun.) Stravinski, Poulenc : Le
Rossignol (en français !) et Les Mamelles de Tirésias par Les Siècles
(mi-mars)
→ Version prévue par Stravinski, elle n'existe que dans un vieil
enregistrement de la RTF, très bien chanté, mais où l'on entend mal
l'orchestre. Et sur instruments d'époques ! Avec les rares Mamelles, une soirée de folie en
perspective.
Britten, Peter Grimes à l'Opéra
Garnier (février)
→ Pas donné depuis très longtemps à Paris, un drame original et prenant
autour des rumeurs dans un village – avec en sous-main, comme dans Billy Budd, un propos sur
l'homophobie. Privilégiez plutôt les dernières dates, le temps que
l'orchestre se chauffe : ce n'est vraiment pas le même en fin qu'en
début de série !
Stockhausen, Freitag par Le
Balcon (14 novembre)
→ Suite du grand cycle Licht.
Temporalités distendues, dispositifs dramatiques / scéniques / musicaux
toujours surprenants, il y a toujours quelques longueurs, mais
l'expérience marque très longtemps, et la musique n'est pas si
difficile d'accès… c'est autre chose,
et cela mérite complètement d'être essayé.
B. Ballet Adès, The Dante Project,
ballet de McGregor (mai)
→
Si l'on s'intéresse à la musique dans le ballet, il y a fort longtemps
qu'on n'a plus trop de quoi se satisfaire à l'Opéra, où l'on a pourtant
eu dans les périodes pré-Dupont des ballets sur des musiques de Franck,
Copland, Rangström, Sauguet, Damase, Morton Gould… Cependant cette
proposition-ci paraît bien tentante, par un compositeur syncrétique et
souvent inspiré, auquel la forme variée et discontinue du ballet
devrait très bien fonctionner. Sur un sujet a priori porteur de contrastes
spectaculaires.
→ On remarque au passage qu'il faut désormais « Project » dans le nom
pour vendre des musiques plus rares (Walton, Weinberg…), quand ce n'est
pas du « Beethoven project » pour refourguer deux sonates à titre !
C. Opéra en concert
LULLY, Thésée par Les Talens
Lyriques (22 mars)
→ L'opéra de LULLY qui a connu le plus grand succès jusqu'en 1730 ! Contre
toute attente, car c'est probablement, après Psyché II, le moins inspiré de son
auteur. Il a été plus souvent repris que, par ordre décroissant : Atys, Amadis, Roland, Armide, Phaëton,
Cadmus et Alceste !
→ Il n'a pas été redonné en France depuis Le Concert d'Astrée il y a
une quinzaine d'années (et auparavant, ce devait être le concert de fin
de stage à Ambronay il y a un peu plus de 20 ans, dirigé par Christie,
avec notamment Legay, d'Oustrac, Novelli et Immler dans la distribution
!), et ce n'est pas non plus une œuvre inintéressante : son premier
acte est une succession vertigineuse de combats audibles hors scène, de prières, de récits de guerre… une des pages les plus impressionnantes de toute
l'histoire du genre !
Jacquet de La Guerre, Céphale & Procris par A Nocte Temporis
avec Cachet et Mauillon (22 janvier) → Une des plus belles tragédies en musique du XVIIe siècle :
on attend avec une impatience ardente qu'elle soit remontée
(prononciation restituée, ici ? Mechelen la pratique avec son
ensemble, certes dans une perspective moins exagérément archaïsante que
Green-Lazar-Dumestre), le livret a un remarquable potentiel dramatique,
et la sophistication de la musique rend son écoute passionnante et
saisissante.
Charpentier, Médée par Le
Concert Spirituel (27 mars)
→ Œuvre qui contient à la fois les plus beaux duos d'amour de
l'histoire de l'opéra et la scène des Enfers la plus terrifiante de
toute la tragédie en musique. Ici, avec la prise de rôle tant attendue
de Véronique Gens ! (mais attention, le rôle est vraiment grave pour
elle, ça ne la flattera pas à son maximum).
Mlle Duval, Les Génies par
l'Ensemble Caravaggio (7 mars) → De Mlle Duval, on ne sait à peu près rien : aussitôt son
opéra joué, elle disparaît de nos radars : s'est-elle mariée, tout
simplement ? Très curieux de l'entendre (tout début
XVIIIe). Philippe d'Orléans, La Suite
d'Armide par la Cappella Mediterranea (2 juillet)
→ Formé et aidé par Gervais, Philippe d'Orléans écrit des opéras dans
une veine hardie, qui doit beaucoup à l'influence italienne (tellement
que l'on soupçonne des fautes d'harmonies ou de copie…). Pas aussi
ébouriffant que Penthée (et
livret bien plus sage, mais grand plaisir d'entendre pour la première
fois une version intégrale !
Rameau, Castor & Pollux
version 1737 par l'Orfeo Orchestra de Budapest (13 mai)
→ Version bien supérieure dans son économie dramatique (tout n'y est
pas joué d'avance, Pollux hésite bel et bien) à la version de 1754 (qui
dispose en sus de quelques moments musicaux très réussis), et qu'on
entend très peu. L'occasion de profiter de récitatifs assez
extraordinaires qui disparaissent en partie dans sa refonte. Le seul
opéra de Rameau qui dispose d'une telle tension dramatique – le
caractère décoratif ou indolent de ses livrets constituant la
principale faiblesse de son catalogue pour le public d'aujourd'hui.
Rameau, Zoroastre, par Les
Ambassadeurs (16 octobre) → Livret très désordonné, regorgeant de rebondissements
exagérés, qui a la particularité de mettre en scène le panthéon
zoroastro-mazdéen. Musicalement trépidant, très animé de bout en bout. Gluck, Iphigénie en
Aulide, par le Concert de la Loge Olympique (7 octobre) → À la création, tout le monde pleurait dans la salle. Moins
tendu que son pendant de Tauride, de très beaux moments, un vrai sens
mélodique, avant que Gluck ne radicalise encore son style dépouillé –
qui conserve ici encore quelque chose des galanteries rococo de ses
prédécesseurs.
Mozart, Così fan tutte par la
Chambre de Bâle & Antonini (24 mars)
→ Mozart par cet orchestre et ce chef, voilà qui va ravir tous les
amateurs de crincrins et pouêt-pouêts !
Bertin, Fausto par Les Talens
Lyriques (20 juin)
→ Personne ne sait ce que cela vaut : Louise Bertin, fille du directeur
du Journal des Débats, à qui Hugo voulut complaire en écrivant un
livret (La Esmeralda) tiré de Notre-Dame de Paris, n'éblouit pas
trop dans ce seul opéra publié (mais dans des circonstances
imparfaites). On l'avait accusée ailleurs de laisser Berlioz écrire une
partie de l'œuvre – apparemment il n'aurait fait qu'aider à
l'orchestration, pas extraordinaire au demeurant. J'ignorais même
qu'elle avait écrit d'autres opéras, et n'ai eu le temps de chercher
aucune information sur ce Fausto.
Quoi qu'il en soit, c'est du neuf absolu, par une compositrice de grand
opéra à la française (il n'y en a pas beaucoup !).
Massenet, Hérodiade par Car,
Borras, Semenchuk, Dupuis, l'Opéra de Lyon et Rustioni (25 novembre) → Réservoir d'airs très marquants pour toutes les tessitures
(les airs de soprano, ténor, baryton et basse sont toujours programmés
en récital depuis un siècle !), dans un opéra un peu démonstratif et
statique, mais qui fouetté par Rustioni devrait être particulièrement
séduisant. Massenet, Grisélidis par le
National de Montpellier (4 juillet)
→ Mon Massenet chouchou (avec Cendrillon, Thaïs et Amadis), peut-êter
celui que j'aime le plus. Très récitatif, très dramatique, le Démon
tente une femme vertueuse et se joue du mari. Tout cela avec un humour
très français et une qualité mélodique qui se coule dans une forme
libre qui évite l'air. Très animé, un des meilleurs opéras de langue
française (et dans une très belle distribution).
Gilberto Gil, Amor azul (2,3,4 décembre) →
L'opéra de Gilberto Gil est reprogrammé. Je n'ai aucune idée de l'angle
par lequel il aborde le genre, mais ce sera du neuf, probablement
imparfait et rafraîchissant.
D. Musique symphonique
Cherubini, Mercadante
et Boïeldieu symphoniques
par la Chambre de Paris (17 octobre) → Symphonies (et concerto pour harpe !) de compositeurs du
premier XIXe, très rarement donnés en concert, et par l'orchestre le
plus à même de leur rendre justice !
Farrenc, Symphonie
n°2 par
Insula Orchestra (29-30 septembre)
→ Le disque des 1 & 3 avait été une révélation pour un peu tout le
monde sur la qualité de ces œuvres (que je ne tenais pas en très haute
estime). Précieux de disposer aussi de la 2, et pas sûr qu'il y ait une
sortie de disque à la clef !
Bruckner (s4), Messiaen (Ascension) par l'OPRF
& Chung (17 mars)
→ Chung m'a très profondément marqué dans la Sixième, je courrai
l'entendre ici.
Holmès : Andromède, Pologne,
Nuit & Amour… par le National de Metz (4 février)
→ Les grands poèmes symphoniques d'Augusta Holmès, d'une veine marquée
par Wagner – à l'écoute, il y a pas mal de points commun avec les pages
symphoniques de Lekeu.
Bertin, Farrenc, Holmès, Danglas,
Bonis, Grandval, Jaëll : pièces symphoniques et concertantes par
la Chambre de Paris (23 juin)
→ Programme de compositrices symphoniques : ce que j'en connais n'est
pas le sommet du répertoire symphonique, mais ce sera assurément
différent et stimulant. Mahler 9 par Chung (9
décembre)
→ Mêmes raisons que précédemment : très envie d'entendre à nouveau la
maîtrise de Chung dans de grandes pages symphoniques très
architecturées.
Sibelius (s1), Salonen (cc violon), Lindberg (Feria) par l'ONDIF
(14 mars)
→ Très beau programme original et au contenu musical dense, qui ira à
merveille à l'un des orchestres les plus engagés et enthousiastes de la
scène française.
R. Strauss : 4 interludes d'Intermezzo, Légende de Joseph,
Monologue de Chrystothemis… par Asmik Grigorian / OPRF / Franck (1er
avril)Weill :
Symphonie n°2 par l'Orchestre de Paris (8-9 février)
→ Raretés de Richard Strauss : la Légende de Joseph n'est pas le
chef-d'œuvre des chefs-d'œuvre, mais Intermezzo et Chrysothemis, je
prends très volontiers. Comme tout ce qui est neuf. Et puis le
décadentisme germanique est l'un des meilleurs répertoires du Philhar',
où le luxe de ces cordes homogènes et lyriques fait merveille.
Bartók (Prince de Bois
intégral), Brahms (cc
piano 1) par Trifonov / ONF / Măcelaru
→ Măcelaru change tout en or, alors dans des œuvres aussi riches, d'un
format plus ambitieux que celles qui sont traditionnellement jouées par
le National, je suis très curieux.
N. Boulanger
(violoncelle-piano), Copland
(symphonie avec orgue), Piston
(Prélude), Carter
(Concerto flûte) : pièces symphoniques et chambristes rares par Pahud /
OPRF / Franck (11 janvier)
→ Programme étrange, mais la Symphonie de Copland (remaniée ensuite en
n°1 en réorchestrant les parties dévolues initialement à l'orgue), le
concerto de Carter ou le Prélude de Piston sont très rarement donnés,
et issues de gens qui savent écrire pour l'orchestre.
Stucky, Barber (cc violon), Sibelius (s5) par SFSO &
Salonen (10 mars)
→ À nouveau un programme qui sort des sentiers battus, même si le
concerto de Barber reste un concerto pour violon…
Rihm (Jagden und Formen) et Varèse (Déserts) avec vidéos de
Viola, par l'EIC (22 janvier)
→ Deux pièces majeures du XXe siècle, le grand cycle motorique et très
accessible de Rihm qui fait la part belle aux bois et les interludes
avec cuivres varésiens de Déserts, de quoi se vautrer dans l'orgie de
la virtuosité orchestrale et des tuilages atonals infinis…
E.
Musique sacrée
Allegri Rossi A. Scarlatti, motets… par
Alarcón (6 octobre) → Italiens qui couvrent tout le XVIIe siècle, dans des
styles s'étageant de la fin de la Renaissance aux débuts du seria, par l'un des meilleurs (et
plus inventifs !) spécialistes.
AntonioDraghi, Le Don de la vie
éternelle par la Cappella Mediterranea (3 juillet)
→ Oratorio italien de la seconde moitié du XVIIe siècle
(qu'entendra-t-on dans la Chapelle Royale, dont l'acoustique est
mauvaise ?).
Lenzi, Boffi, Couperin & nos contemporains :
Lamentations et Méditations par l'Escadron volant de la Reine (31 mars)
→ Italiens rares et Troisième Leçon de Couperin (pour le Mercredy) à
l'occasion du Vendredi saint à Radio-France.
Charpentier, Méditations pour
le Carême par Les Arts Florissants (31 mars)
→ L'une des œuvres les plus sidérantes de toute la musique sacrée.
J'avais présenté la Deuxième ici, et Les Arts Florissants vont en
donner l'intégralité ! Expérience toujours bouleversante, déjà
vécue à l'Oratoire du Louvre en 2015 (par Le Poème Harmonique).
Gilles, Requiem par Helsinki BO
et Chantres CMBV (8 décembre) → L'Introït absolument ineffable (avec ses pointés et ses
silences) et le tuilage de l'Offertoire (parmi mes boucles favorites) rendent cette œuvre
profondément marquante, parmi d'autres beautés. Il est rarement donné,
il faut se précipiter. Lalande, Campra, Bernier, Gervais
: motets par Chantres CMBV & Haïm (17 novembre) → Très bel attelage de compositeurs sous influence
ultramontaine (pour les trois derniers), sensibles au contrepoint et
aux explorations harmoniques, et peu joués.
Gervais, grands motets par Les
Ombres (23 novembre) → Le maître de chapelle et professeur de Philippe d'Orléans,
programme dévolu à ses seuls grands motets (donc avec dialogues entre
solistes et chœurs), un petit événement ! Beethoven, Missa Solemnis par
Le Concert des Nations (22 mai)
→ Considérant le succès de leurs symphonies, assez enthousiaste
d'entendre ce haut chef-d'œuvre dans une version crincrinnante avec un
orchestre recruté parmi les meilleurs spécialistes.
Verdi, Requiem par Heever,
Semenchuk, Tetelman, Teitgen, Orchestre de Paris, van Zweden (26-27
avril)
→ Ça, c'est souvent donné, mais le plateau est hallucinant, on a
regroupé quatre des voix les plus insolentes du marché vocal actuel
! Et c'est payant ici. Avec en plus le Chœur de l'OP qui excelle
dans cette œuvre avec sa douceur et sa netteté, et van Zweden qui
paraît-il anime toujours de façon très convaincante cet orchestre,
promesse de moments assez intenses !
F. Chœur
Reinecke & Schubert :
pièces pour chœur et quelques instruments par le Chœur de
Radio-France et Ruf en récitant (20 décembre)
→ Reinecke est connu pour ses pièces pour flûte d'un romantisme très
apaisé, mais il a aussi commis des symphonies beaucoup plus
tempêtueuses, dans un style très premier-XIXe quoiqu'elles soient
contemporaines de Brahms ! (Il faut dire que l'histoire-bataille
telle qu'on nous l'enseigne, en musique, néglige les œuvres qui
représentaient les courants majoritaires, en général moins hardis. Tous
les compositeurs du second XIXe ne sont pas wagnériens !)
→ Cette pièce a l'air très originale, renforcée d'instruments isolés,
et bénéficiant d'un récitant.
Mendelssohn : Christus,
Première Nuit de Walpurgis par Accentus et Insula Orchestra (16 mars)
→ Christus est une très belle cantate digne des grands Mendelssohn
choraux, tandis que la Nuit de Walpurgis, mieux connue, est une sorte
de messe profane, d'oratorio de théâtre qui ressemble assez, par ses
aspects plus massifs que le Mendelssohn habituel, à un compromis avec
l'univers schumannien. (Sur instruments anciens et avec un beau chœur,
miam.)
Mendelssohn Schumann Reinberger
Saint-Saëns par la Maîtrise de RF (14 octobre) → Quelques-uns des meilleurs compositeurs pour l'a cappella, dans des œuvres à
chœurs multiples, et pas l'un des meilleurs chœurs d'enfants du monde.
●Massenet, Farrenc, Paladilhe, Roussel,
Chausson, Saint-Saëns, Chabrier, Sohy, Chaminade, Bonis par la
Maîtrise de Radio-France (16 mai)
● Chœurs de
Grandval, Guilmant, Saint-Saëns,
Renié, Dubois, Bonis, Caplet, Duparc, La Tombelle, Labole, Boëllmann,
Sohy, Delibes, Chaminade et Gounod par le Chœur de Radio-France
(19 juin)
● Duparc, Bonis, L. Boulanger, Schmitt,
Fauré, Castagnet : chœurs et arrangements choraux par le Chœur
de l'Orchestre de Paris (17 janvier)
→ Trois programmes français qui fréquentent à la fois la fin XIXe
siècle et le début du XXe, avec des grands représentants de l'époque,
donc un programme plutôt consacré aux arrangements pour chœur : ce sera
la grande fête !
Poulenc (Assise), Villette, Britten : Motets par Accentus
(30 juin)
→ Les plus beaux chœurs de Poulenc avec quelques autres vignettes
toutes de dépouillement, par un chœur qui les connaît très bien. Beau
cadeau ! Schnittke (Concerto pour
chœur), Rachmaninov
(Vêpres) par MusicAeterna (25 mars)
→ Peut-être les deux plus grands jalons du patrimoine choral russe,
mais le concert est suspendu pour l'instant – MusicAeterna étant
largement financé par une banque russe, ses fonds risquent de se tarir,
et ses autorisations de déplacement risquent de se faire plus
difficultueuses, de part et d'autre.
Tormis : chœurs par le Chœur de
l'Orchestre de Paris (14 mars)
→ Tormis est le grand représentant letton d'une veine chorale qui puise
aux sources du folklore : il était à la fois musicologue collecteur et
compositeur, et sa musique, simple et dansante, reflète ces influences.
Parfois des arrangements ou recréations de chansons existante. Très
accessible, mais pas sans richesse, il est très rare non seulement de
bénéficier d'un concert qui lui soit entièrement consacré, et de
surcroît par un chœur français – sans doute une première !
G.
Musique de chambre Lassus, Gabrieli, Rossi, Bassano,
Marini, Falconieri, Monteverdi, Merula… passacailles avec des
membres de l'OCP (26 novembre)
→ Passacailles en folie du premier XVIIe siècle italien !
Lombardi Sirmen, Quatuor n°5
par des membres de l'OPRF, couplé avec des concertos pour piano de
Haydn et Mozart (9 juin)
→ Compositrice passionnante dont les duos pour violon et les quatuors,
à la fin du XVIIIe siècle, portent à leur sommet une sophistication
inhabituelle dans le répertoire galant. Parmi les pièces de chambre les
plus marquantes de cette période, à mon sens.
→ Couplage étrange, pourquoi jouer ceci dans un concert marketté comme
à la gloire du pianiste Piotr Anderszewski ? (Ces fous vont me
contraindre à aller entendre un concert de concertos pour piano
classiques…)
Haas, Krása, Webern : quatuors
par les meilleurs membres de l'OCP (Hughes, Parruitte, Cardoze…) (10
décembre) → Quatuors décadents très rarement entendus en France par
des membres de l'Orchestre de Chambre de Paris, qui ont de véritables
qualités de chambristes (Olivia Hughes est l'ancien violon 2 du Quatuor
Ardeo) : à les entendre, on croirait un quatuor constitué ! Chostakovitch, Symphonie n°14
pour deux pianos et percussions (7 novembre) → Proposition très originale, qui fait fort envie (les deux
solistes sont là également). C'est à la Philharmonie, mais Radio-France
propose, du même arrangeur, la n°5 pour un effectif similaire (ce dont
la nécessité m'apparaît moins impérieuse… qui aime la Quinzième de
Chostakovitch ?). Messiaen, Chants d'oiseaux par
Boffard et… les chanteurs d'oiseaux (30 mars)
→ Dans le Musée de la Musique, idée stimulante de tisser les Catalogues
d'oiseaux et autres intégrations de Messiaen… avec une évocation de
leurs originaux.
Nancarrow & Ligeti par le
Quatuor Béla (4 mars) → Les deux quatuors de Ligeti et un quatuor de Nancarrow
(très fortement admiré de Ligeti, qui le mettait au niveau d'Ives et
Webern…), promesse d'une soirée qui change des standards du répertoire
et de leurs équilibres habituels.
H.
Lied & mélodie
Airs de
cour de Guédron, Boësset,
Lambert, Le Camus par Les Arts Florissants (27 mai)
→ Le concert d'airs de cour annuel de la Cité de la Musique, par
quelques-uns des meilleurs spécialistes.
Clérambault,
Dandrieu, Dornel, Louis Antoine Lefebvre, Montgaultier et Louis Antoine
Travenol, cantates par Le Consort (29 novembre)
→ Cantates françaises (inédites !) par le meilleur ensemble
spécialiste.
Schubert, Der Schwanengesang
par Boesch & Martineau (15 mars)
→ Au disque, la version que je trouve la plus marquante de ce cycle
apocryphe. La voix de Boesch sonne bien en salle, il n'y a pas de
raison que ce ne soit pas grand aussi en cocnert !
Schubert, lieder orchestrés (et
extrait d'Alfonso und Estrella) par les Prégardien et l'OCP (9 février)
→ Le petit plus réside dans Alfonso,
un chef-d'œuvre dont les airs et duos méritent le déplacement
indépendamment du programme. Et puis, quitte à écouter du lied
orchestré, autant le faire avec un orchestre agile et avec les
meilleurs spécialistes du chant expressif allemand…
Lieder de
Schubert, Schumann, Wagner,
Loewe, Wieck, Brahms, Wolf, Reger, Pfitzner, Sommer, par Marlis
Petersen (14 juin)
→ Programme très varié d'une très belle voix.
Beethoven Schubert Rihm par
Nigl et Pashchenko, piano Gebauhr 1855 (15 février) → Le programme du disque paru chez Alpha : la voix si
particulière (très mixée) de Nigl (qui sonne comme un ténor moelleux)
lui permet une expressivité hors du commun. Bouleversé par sa Meunière,
passionné par ses Schubert ; le cycle de Rihm ne me paraît pas le
meilleur de ce qu'a produit le compositeur, mais c'est l'occasion
d'entendre un récital varié, et accompli à un degré à peine concevable.
Sur piano d'époque, pour ne rien gâcher.
Nadia & Lili Boulanger par
Richardot & Fornel (20 mars)
→ L'une des voix les plus marquantes de notre temps dans ces mélodies
ciselées et très peu données en concert.
J'espère que tout ceci vous fournira les repères nécessaires pour
effectuer les bons choix de vie et ne pas être lassé à la fin de la
saison en décrétant que, décidément, vous avez tout entendu et que les
saisons sont toutes les mêmes. C'est largement vrai, mais… la
multiplicité de l'offre permet, en glanant la marge de chaque salle, de
s'amuser assez vivement !
Pour le reste (en particulier en musique de chambre et mélodies, mais
aussi en symphonique avec les orchestres van Lauwe, Elektra, Ut5,
COSU…), il faudra guetter les annonces tardives des petits ensembles et
des conservatoires.
À
bientôt pour de nouvelles aventures : expérimentations de tragédie en
musique, nouvel épisode biblique, exploration des usages des thèmes
patriotiques français, suite des anniversaires, ou du panorama des compositeurs ukrainiens tiennent la corde.
(On me réclame aussi une notule sur les
représentations musicales du coït – ce qui constitue une occasion
tentante de reparler de la terrible Mona Lisa
de Schillings –, mais je ne suis pas tout à fait sûr d'obtempérer : la
constitution, partition en main, des exemples musicaux assortis du
visionnage des différentes positions traditionnelles pour le viol – car
ne nous mentons pas, dans le théâtre lyrique, je ne vais pas rencontrer
beaucoup de représentations sonores du consentement éclairé – risque
d'occuper un peu trop inconfortablement mon loisir.)
Dans l'intervalle, j'ai été mandaté pour écrire le programme
de mon festival préféré : mon rythme de publication en sera peut-être
temporairement affecté, mais je tâcherai au moins de vous nourrir en
matériau ukrainien. Et les commentaires d'écoutes restent complétés au
quotidien.
--
P.S. : Malgré tout le soin mis à la confection, le passage de mon éditeur à la version définitive a ménagé des sauts de ligne intempestifs. Je ne vais pas avoir le temps de tout corriger, il faudrait refaire la mise en forme manuellement pour chaque entrée (alors que j'y ai déjà passé beaucoup de temps). Mes excuses pour l'inconfort de lecture.
Ce billet, écrit à par DavidLeMarrec dans la catégorie Saison 2022-2023 a suscité :
(Photos de l'Opéra Royal de Versailles prises par mes soins le
soir du drame.)
Inspiré de faits réels (et récents).
Pour une fois, Carnets sur sol va
mettre du sel sur les plaies : je vous mène au cœur de l'expérience
d'un concert qui part dans le décor.
À quoi ça ressemble du côté du spectateur ? Qu'est-ce qui peut
causer la catastrophe du côté des interprètes ?
Vous le verrez, sous les apprêts d'une anecdote censée vous divertir,
il y a de quoi prendre conscience, pour les mélomanes, de la façon dont
se construit l'exécution musicale, de ce qui se passe en amont du
concert, des conditions pratiques de l'exercice de la musique, des
dangers de ce glorieux état, de l'épaisseur de la glace sur laquelle
dansent tous ces funambules de l'instant.
Tout commence par un petit récit. Je vous raconte l'aventure, que vous
avez peut-être déjà pu découvrir grâce à ma glorieuse présence sur les réseaux de l'instant, puis nous entrerons dans
les conjectures, les indiscrétions, les bruits de couloir… et surtout
une petite porte d'entrée sur ce qui peut causer un tel accident
industriel, et le danger qui est le pain quotidien – invisible aux yeux
du spectateur – de ces métiers où tout se joue en un moment, sur des
réflexes très précis.
#ConcertSurSol #66 …
Quelle expérience étrange !
Circé de Desmarest
(1694) sur
un livret de Madame de Saintonge,
que j'espérais depuis près de 20 ans
(et reportée deux fois à Versailles)… se révèle un décalque LULLYste un
peu paresseux, et joué dans des conditions… inhabituelles.
♠ Je vous raconte ?
[[]]
Seul extrait disponible au disque, l'air d'Astérie qui ouvre
l'acte II, ici par Véronique Gens, Les Surprises, Simon Bestion de
Camboulas (dans son récital Alpha « Passion »).
(Superbe interprétation d'ailleurs, et récital qui contient la plus
extraordinaire scène d'invocation de Médée
qui soit !)
Avant la
représentation
Projet des Nouveaux Caractères
(l'ensemble de Sébastien d'Hérin) remettant au théâtre pour la première
fois cette tragédie en musique, et incluant une restitution
organologique (effectif et instruments des 24 Violons du Roy).
→ Reporté début 2020.
→ Reporté début 2021.
→ Donné ce 11 janvier 2022, un soir seulement, juste après les
annulations des représentations de Georges Dandin dans ce même théâtre,
trois jours auparavant.
Un petit miracle.
Laurent Brunner, directeur de
Château de Versailles Spectacles, grimpe sur le proscenium et annonce :
« Véronique Gens a tout donné pendant ces cinq jours d'enregistrement,
mais à présent elle est souffrante et donnera seulement la réplique ».
(Finalement elle chanta très bien – mais à petit volume. Rien à avoir
avec ce jour où, chantant la dernière réplique de Béatrix mourant, elle
s'évanouit complètement sur scène, manquant de se fendre le crâne dans
la fosse – soignez toujours vos relations avec la mezzo du pupitre d'à
côté, ce peut vous sauver, sans exagération, la vie.)
L.B. poursuit : « J'ai eu la
délicieuse surprise de découvrir que le synopsis du programme est faux,
rien à voir avec l'œuvre à laquelle vous assisterez. Il vous raconte
les amours de Circé avec le Tibre, rien à voir, c'est bien l'histoire
avec Ulysse, tirée de L'Odyssée,
dont parle l'opéra de ce soir. »
[Ce fut un soir, ce fut un matin. Pôle Emploi était riche d'un nouvel
adhérent.]
J'ajoute, moi, que tous les chanteurs ne sont pas crédités dans le
programme de salle (notamment des rôles courts mais capitaux comme
Vénus) : ainsi ladite Vénus, excellente chanteuse issue du chœur, que
j'espère réentendre plus en longueur, n'est pas mentionnée. Romain
Bockler, qui chante Polite, l'amant du couple secondaire, se voit même
attribué le rôle de Phaebetor (divinité des mauvais rêves) qui
n'intervient que dans le Sommeil (chanté par Arnaud Richard)… C'était
la pagaille au service documentation & communication,
manifestement. (Mais par les temps qui courent, on sait bien que tout
doit être bouclé sans que les personnes compétentes ne soient
nécessairement disponibles.)
L'œuvre
Assister à la résurrection de témoignages sonores enfouis est toujours
un privilège, on ne le répètera jamais assez. Même lorsqu'on ne les
trouve finalement pas extraordinaires : on a le luxe de se faire un
avis, l'expérience est formidable en soi.
Circé appartient à cette veine
: beaucoup de quasi-plagiats de LULLY (exacte même écriture en
beaucoup d'instances), comme les scènes de jalousie dont l'harmonie et
les procédés rythmiques sont empruntés littéralement à Armide (ils viennent très
précisément de l'Ouverture, d' « Enfin il est en ma puissance », du
postlude du V), comme le Sommeil qui est un pur décdalque d'Atys, comme l'acte IV de torture
dont le dispositif doit manifestement au IV de Thésée…
Le livret de Madame de
Saintonge, pourtant tout à fait réussi dans Didon, présente de réels défauts.
Sa structure n'est pas très claire (beaucoup d'actions à cheval sur des
actes), mais elle présente surtout des incohérences
: Vénus annonce qu'Ulysse va aimer Circé, ce qui n'arrive pas ; Circé
prépare un piège pour faire souffrir Ulysse et son amante à l'acte IV,
mais à l'acte V les voilà libres sans plus d'explication (le piège n'a
pas fonctionné, tout simplement). Ces annonces
non suivies d'effet sont contraires à la grammaire dramatique la
plus intuitive, tout de même, surtout que le reste du livret est, en
particulier dans son vocabulaire et sa syntaxe, extrêmement
conventionnel.
Et contrairement à Didon qui
sublimait les emprunts LULLYstes (par ailleurs réussis dans ce cas,
comme la Chaconne !) par une inspiration de première farine (et de pâté
de foie supérieur), Circé
donne davantage à entendre le Desmarest de la pastorale Vénus & Adonis
: lisse, dénervé, très homogène, peu saillant en prosodie et mélodie.
Plutôt une déception, donc. Avec tout de même quelques très beaux moments :
✓ le chœur à fugato « Fais
durer ses plaisirs » à la fin du II (d'un genre typique de la
génération d'après LULLY, cf. les chants d'hyménée du I
de Callirhoé de Destouches ou
le Prologue de Pirame & Thisbé
de Francœur & Rebel) ;
✓ l'air en chaconne des
craintes d'Astérie au début de l'acte II (dans la lignée délicieuse du
duo d'amour de Roland ou de
l'air d'entrée de Callirhoé) ;
✓ le trio du Sommeil (le
prélude est fade, mais le trio vocal splendide, beaucoup plus riche
qu'Atys) ;
✓ la mort d'Elphénor, récitatif
assez nu et plutôt saisissant (racontée
en réalité à l'acte suivant, comme celle d'Athamas dans Philomèle) ;
✓ la petite chaconne
d'accompagnement du duo amoureux Éolie-Ulysse, délicieuse ;
✓ et la grande scène finale de
Circé, ébouriffante – où pour le coup la musique, tout en s'inspirant
clairement du caractère d'Armide,
est vraiment typique de Desmarest, et use
des procédés plus libres de la nouvelle génération, avec une ligne de
chant originale et très expressive. Un grand moment.
L'interprétation
De ce côté-là, c'était plus… étrange.
J'ai bien sûr beaucoup aimé Cécile
Achille(Éolie, aimée d'Ulysse)
– que je suis depuis le CNSM, belle voix bien faite et vraiment
investie dans l'expression (expression qu'on voyait passer sur son
visage, la façon d'émettre les sons avec sa bouche traduisait de façon
étonnamment éloquente les émotions !) – et surtout Vénus (la voix la mieux projetée,
une choriste non créditée), Véronique
Gens (Circé) remarquablement timbrée, même si le volume sonore
est beaucoup plus faible que d'ordinaire (de la méforme de grand luxe,
j'ai entendu bien pire !).
Il faut s'habituer aux manières très XIXe de Nicolas Courjal (Elphénor): couverture en [eu], rubato, allègements en soufflets…
mais la présence vocale est tellement extraordinaire…
Dans sa mort et son apparition spectrale, le grave est tellement riche,
soyeux et généreux qu'il donne l'impression de s'accompagner lui-même !
Caroline Mutel(Astérie) a énormément mûri et
progressé (diction beaucoup plus incisive, timbre moins flottant, plus
mordant) – peut-être est-ce aussi la tessiture beaucoup plus basse, qui
flatte bien mieux ses qualités. En tout cas je n'avais jamais adoré ses
aigus très flous, et ici, sans les aigus (le rôle doit culminer au
sol4, et à un diapason de près d'un ton plus bas que le nôtre !), ce
qu'elle faisait était véritablement remarquable. (Une nouvelle carrière
de mezzo à creuser dans les années à venir ?)
Mathias Vidal(Ulysse), à l'inverse, paraît en
général plus engoncé dans les rôles LULLYstes vraiment
graves pour son profil de ténor élancé. Il a au demeurant tous les
graves nécessaires (presque barytonnant), mais à cela s'ajoutent ses
manières emportées, qui font merveille dans la tragédie post-gluckiste
ou dans les opéras du XIXe s., mais qui sonnent un peu hachées et pas
toujours pleinement aristocratiques dans les opéras du XVIIe.
L'exécution
Et c'est à présent que tout devient totalement lunaire.
L'orchestre ne parvenait pas à jouer ensemble ni à suivre les chanteurs
! À de multiples moments, ce n'était tout simplement pas la bonne
partie qu'ils jouaient en même temps. Le chef cherchait bien évidemment
à rattraper les choses mais ses gestes restaient sans effet, les
musiciens et les chanteurs le regardaient perdus, sans en tirer l'aide
espérée. On voyait dans les entrées les pupitres, konzertmeister inclus, le regarder,
se tendre, tenter d'entrer au bon moment… et rater. C'est arrivé assez
souvent, en particulier dans le Prologue et les actes I & V.
Ce n'était pas tout le temps non plus, le reste était en place ; et ce
sont de très bons professionnels, ça ne ressemblait pas à du Schönberg.
Mais chez des professionnels de ce niveau, je n'avais jamais vu un tel
effondrement collectif.
Remarque semi-ingénue d'un camarade à l'entracte : « c'est une
audace propre à Desmarest, autant de liberté dans la prosodie par
rapport à l'accompagnement musical, c'était bien voulu ? ».
Cela se manifestait initialement par des décalages et des faux départs
inhabituellement nombreux et audibles, et une façon, pour les
chanteurs, de ne pas exactement respecter les valeurs écrites, de
chanter un peu comme l'on parle, dans une globalité qui a son point
d'arrivée et son point de départ, mais avec un détail rythme assez flou
(des pointés qui ne sont pas exactement des 3/4 de valeur, des doubles
croches qui traînent un peu, etc.). Rien de très spectaculaire
pour l'auditeur, on reconnaissait bien ce qu'on entendait.
Cependant la pagaille a tellement gagné en intensité à l'acte V que
l'orchestre a dû s'interrompre au début d'une danse : ils ne jouaient
pas du tout la même danse ou le même système dans la danse. Et ils ne
l'ont pas fait sourire aux lèvres et en s'adressant au public comme
cela advient quelquefois : « ah, ah, ça arrive, on s'est fait
avoir, allez on reprend ».
Non, ils étaient abattus.
Et Gens, l'une des chanteuses les plus capées (et captées) depuis
que l'on enregistre ce répertoire, totalement perdue dans son final de
bravoure, le sommet de l'opéra, commence en même tmeps qu'une
ritournelle (dix mesures en avance donc !) ; pourtant le violon est
écrit sur sa partition, même si c'est une réduction, confusion très
inhabituelle !
Elle aussi regardait le chef sans rien y comprendre. Et lui faisait des
signes, qui n'étaient toujours pas compris, et faisaient plutôt rater
davantage lorsqu'ils étaient suivis, créant un surcroît de flottement.
À ce moment (à cinq minutes de la fin), on a senti qu'ils lâchaient
tous prise. Fatigue aidant, plus rien ne passait. Pour les ponctuations
des récitatifs de cette grande scène finale, aucun accord n'était au
bon endroit. Les musiciens ont essayé d'abord d'attendre les fins de
phrase de la chanteuse, créant des blancs assez audibles, puis tous ont
fini, résignés, par jouer au fil de l'eau, sans trop compter les temps
: elle chante, ensuite on joue, etc. Véronique Gens, elle, a fini par
chanter à mi-voix la fin de sa tirade, comme n'osant pas déclamer tout
fort une ligne vocale erronée.
Malaise.
Problème
Soyons honnête : pour le spectateur, les décalages, ça se limite le
plus souvent à frimer avec les copains en relevant telle erreur pour
voir entre nous si on a une bonne oreille, comme un jeu des sept
erreurs en comparant avec le disque (ou, pour les plus sérieux, la
partition). C'est très bien, mais quelques fausses entrées, il ne faut
pas pousser, ça ne gâche pas un spectacle, loin s'en faut.
Et on ne va surtout pas leur en tenir rigueur pour un inédit monté en
temps de covid.
Ici, le problème réside dans le fait que ce n'était pas une erreur
ponctuelle, ni même trop fréquente : on sentait que les musiciens (et
même les chanteurs, par moment), marchaient sur des œufs.
Or, il s'agissait d'une œuvre que le public découvrait, et dont le
livret n'était ni très clair (et le programme de salle était faux…), ni
très palpitant (ses enjeux et coups de théâtre étant comme désamorcés
par ses propres contradictions), écrit dans une langue assez prévisible
et plate.
Musicalement aussi, beaucoup d'emprunts à LULLY, sans
que cela ne dynamise véritablement la composition, qui recèle
manifestement peu de fulgurances.
Et joué ainsi prudemment, avec
les musiciens absorbés par les temps à compter et les entrées à
réussir, le rubato des
chanteurs à comprendre (manifestement, ils étaient décontenancés par la
liberté de phrasés à certains moments, comme s'ils ne s'étaient pas
concertés), l'œuvre ne pouvait
bénéficier du coup de pouce nécessaire à prendre réellement vie.
Vrai également pour les chanteurs, un travail de précision sur la
prosodie aurait permis de faire claquer
certaines répliques.
C'est là que ce situait la difficulté, plutôt que sur le détail de ce
qui n'était pas en place et qui, honnêtement, n'aura gâché la vie (ni
même la soirée) de personne.
Les Nouveaux Caractères
Je m'empresse de préciser qu'il ne s'agissait pas d'une erreur de
casting. Les Nouveaux Caractères sont un
ensemble de premier plan. Il
suffit d'entendre ces extaits étourdissants de Grétry ou bien au
disque, les
couleurs formidables dans Les
Surprises de l'Amour (Rameau), ou en la mise
en valeur de l'écriture très violonistique de l'orchestre de Scylla
& Glaucus – le compositeur Leclair était précisément
virtuose du violon, et cet aspect très bien mis en valeur.
[[]]
Château de Versailles Spectacles n'a pas embauché n'importe qui au
doigt mouillé.
On ne peut par ailleurs pas leur en vouloir : d'abord, il s'agit d'un
inédit, et s'ils ne s'y étaient pas attelés courageusement (sachant
qu'on a toujours moins de public et de couverture presse lorsqu'on fait
un Desmarest plutôt qu'un Atys ou un Platée…), on ne l'aurait jamais
entendu – et j'aurais en ce qui me concerne continué de regretter qu'on
nous prive de ce probable bijou.
De surcroît, contrairement à beaucoup d'autres arts, la musique est un
art de l'instant : on peut
retoucher calmement un texte, une œuvre
picturale ou plastique, une installation, une pellicule, même
retravailler à froid une mise en scène… Mais pour la musique, il y a
toujours un moment où il faut se frotter à l'instant. Et la chose est
encore plus
technique que la récitation d'un texte comme au théâtre, la précision
requise doit se dérouler à des valeurs de temps inférieures à la
seconde.
C'est pourquoi il est très difficile, à mon sens, de juger sévèrement
des musiciens qui se trompent : ce n'est pas nécessairement qu'ils
n'ont pas travaillé. On peut rater quelque chose dans une demi-seconde,
une attention qui se détourne, un doigt qui glisse, une erreur de
perception d'un geste… Et pas de retouche possible dans un concert.
Défoncez le disque, si vous tenez absolument à être méchant ; mais pour
ce qui est du concert, il est vraiment difficile d'émettre un jugement
moral sur le travail des musiciens, sauf à être réellement informé
d'une désinvolture attestée. (Il
y a tout de même certaines attitudes qui ne trompent pas les soirs de
routine, coucou l'Opéra de Paris !) Mais je n'ai pas
observé ce type d'insouciance mardi soir, du tout. Plutôt de la
détresse et de
l'abattement.
Car pour moi le spectateur d'un soir, c'est un fait insolite. Pour eux
dont c'est le métier – et un métier assez peu rassérénant ces jours-ci
–
rater, ce doit être plutôt dur à vivre.
J'ai eu deux confirmations, de source interne, que le chef était
particulièrement tendu dans la journée précédant le concert, disant
même qu'il craignait un échec le soir. Ils avaient sans nul doute à
cœur de faire du mieux possible.
Pourquoi ?
Je tente quelques hypothèses plausibles et cumulables, en attendant
l'arrivée de renseignements complémentaires. (J'ai commencé ma petite
enquête, mais je n'ai pas encore tous les éléments. Si quelqu'un
d'entre vous est au
courant des véritables causes, je suis très intéressé.)
Comment est-il possible, lorsque l'on est des professionnels sérieux et
bien formés, de s'effondrer lors d'une représentation publique ?
Je pose la question non pour flétrir, mais pour tâcher de comprendre
les mécanismes à l'œuvre : les plus informés savent évidemment tout
cela, mais pour une partie du public plus mélomane-discophile ou
mélomane-spectateur peu porté sur la coulisse, il y a peut-être de
petites découvertes à la clef.
Je commence par ce qui est propre à ce concert.
--
a) La nouveauté
Quand on propose une œuvre inédite, on ne peut pas prendre de
raccourcis en écoutant le disque et en se disant qu'on va juste faire à
l'oreille comme ça sonne, chacun écoute sa partie et reproduit un peu
ce qu'il entend.
Si le temps de préparation individuelle ou de répétition collective
s'avère trop court, il n'y a pas de parachute comme lorsqu'on joue Don
Giovanni ou Carmen (chacun sait à peu près à quoi ça ressemble).
--
b) Les reports
Il est possible que le nombre de répétitions alloué ait été en partie
entamé par les précédentes annulations. Dans le même temps, les
musiciens embauchés ne sont peut-être plus tout à fait les mêmes ; les
présents auront tout oublié, et les nouveaux ont tout à apprendre. Tout
cela
rogne potentiellement sur le planning initial.
De fait, j'ai aperçu beaucoup de nouvelles têtes, de petits jeunes
jamais vus auparavant dans d'autres ensembles, ni surtout ici – en
réalité, si on compare à la vidéo de Grétry susmentionnée : personne
en commun.
--
c) La jeunesse
En dehors du continuo, où sévissaient quelques visages connus (parfois
perdus aussi, mais beaucoup plus sûrs d'eux : les deux plus célèbres de
l'orchestre, Benoît Hartouin au clavecin, Frédéric Baldassare à la
basse de violon étaient clairement ceux qui tenaient la maison), les
musiciens semblaient bien tendres, à peine sortis de leurs études. Dans
des conditions adverses, ils avaient sans doute moins de ressources que
les vieux routiers qui ont traversé toutes les surprises depuis des
décennies.
--
d) La lutherie
Le projet était couplé avec une recréation d'instruments anciens avec
des luthiers en lien avec le CMBV : l'idée était de restituer
l'instrumentarium des 24 Violons du
Roy – avec leurs dessus de violon
plus petits que les violons modernes, les hautes-contre de violon un
peu plus grands, les tailles de violon proches de l'alto, les énormes
quintes de violon et pour finir la basse de violon (un peu plus large
que le violoncelle).
C'était évidemment un enjeu supplémentaire, il faut maîtriser ces
instruments nouveaux, leur tenue, leurs écarts, et ils ne sont en
général pas prêtés longtemps avant les répétitions : on m'a raconté (à
l'occasion d'un autre concert) que pour
des vents, de facture très inhabituelle, avec de nouveaux doigtés et
tout… on les livrait une semaine
avant le concert !
Sur une œuvre nouvelle et avec des musiciens moins expérimentés, c'est
un degré de difficulté supplémentaire. (Quand je dis qu'on ne peut pas
commencer par blâmer les musiciens avant de s'informer sur les
conditions réelles des répétitions : apprendre une nouvelle spécialité
professionnelle en une semaine tout en travaillant sur un sujet
nouveau, voilà qui calme les velléités de vitupération.)
Jusque là, à peu près tous les ensembles sont susceptibles de vivre ce
genre de contrainte sans sortie de route majeure.
Mais j'ajoute une hypothèse très crédible (que je n'ai pas pu faire
confirmer pour l'instant), et bien dans l'air du temps.
--
e) Covid superstar
(Je disais « la covid » bien sagement auparavant, mais
j'aime
trop voir l'Académie Française prophétiser la Fin de la Civilisation
pour ne pas contribuer un peu à sa détresse quotidienne.)
Considérant les centaines de milliers de cas quotidiens, et
l'exposition structurelle des
musiciens (vie très communautaire, chanteurs et vents non masqués…), il
serait étonnant qu'il n'y ait pas eu des musiciens empêchés.
Et là imaginez : des pupitres entiers manquent potentiellement à
l'appel, peut-être dans des secteurs stratégiques du continuo ou des
chefs de pupitre. On arrive le jour suivant, et les nouveaux débarquent
sans avoir rien répété, ils découvrent même l'existence de l'œuvre (et
une fois encore, pas d'enregistrement pour se mettre rapidement dans le
bain, il faut lire sa partie, on n'a probablement pas trop le temps de
se pencher sur celle des autres). Et cela a pu potentiellement advenir
plusieurs fois pendant la semaine…
On mesure l'épuisement physique et nerveux de ceux qui voient le temps
passer sans pouvoir avancer, ainsi que de ceux qui débarquent tout d'un
coup. D'autant qu'il y a un disque à la clef, il ne faut pas se rater.
--
f) Les temps de répétition
Laurent Brunner, le directeur de la programmation de l'Opéra Royal, a
assuré que l'ensemble répétait depuis 5 jours, et qu'il y aurait encore
quelques jours pour finir l'enregistrement du disque (notamment les
traditionnelles retouches du concert, je suppose). En partant du
principe qu'on ne nous a pas menti (et c'est très probablement vrai,
puisque le disque ne va pas s'enregistrer tout seul !), ces cinq jours
n'ont pas été suffisants.
On peut bien sûr supposer que le concert a été donné trop tôt dans le
processus, pour pouvoir faire ensuite les retouches (cela arrive
quelquefois, mais je n'ai jamais vu de cas où ça se percevait aussi
palpablement).
Ou bien soupçonner le chef d'être peu
efficace en répétition, les
musiciens peu préparés… Mais tout cela, à vrai dire, on n'en sait rien
– et ce que j'ai entendu jusqu'ici des Nouveaux Caractères ne me laisse
pas penser qu'ils sont d'aimables fumistes qui se gobergent à la
subvention.
C'est le moment de lever un coin du voile sur la répétition dans ce
type de configuration. Pour monter une production de ce genre, il faut
des finances. Celles-ci sont
allouées par l'organisateur (ou la
coproduction). Et c'est lui qui fixe les coûts, voire les durées s'il
héberge les répétitions en son sein.
Concrètement : Château de Versailles Spectacles contacte Les Nouveaux
Caractères (ou bien Les Nouveaux Caractères soumettent leur projet,
tout dépend de qui vient l'impulsion). L'organisateur demande à
l'ensemble combien de jours de répétitions sont nécessaires pour monter
cette tragédie en musique de type post-LULLYste. Le chef
d'ensemble
fait une évaluation et communique proposition. En général (me souffle
une
source particulièrement bien informée), les organisateurs font une
contre-proposition de l'ordre de 30 à
50% de l'enveloppe souhaitée. Il faut donc être très efficace !
À charge ensuite à l'ensemble musical de décider s'il accepte ou non.
Mais il faut bien vivre, et sécuriser des engagements réguliers. En
général, on
accepte donc, tout en sachant que ce sera serré, et qu'on ne pourra pas
avoir le degré de finition dont on rêve.
Vous voyez le tableau : vous savez que vous avez moins de temps que
nécessaire pour tout boucler, mais le concert et le disque vous
attendent au bout du chemin. Ajoutez un effectif un peu plus jeune que
de coutume, des remplacements plus nombreux pour cause
de couronnement viral, et vous tenez la petite frange de
désorganisation qui peut faire la différence entre le succès (quitte à
ce que les musiciens soient frustrés de ne pas avoir pu aller plus
loin) et l'accident industriel.
Évidemment, plus un ensemble est
célèbre (et peut faire remplir sur son
nom, comme Les Arts Florissants ou Les Musiciens du Louvre, voire pour
l'ultra-niche de la tragédie en musique Les Talens Lyriques), plus il
peut négocier un nombre de services (sessions de répétition) élevé.
Comme d'habitude, la Victoire vole au secours du succès préexistant :
plus un ensemble est aguerri, plus on lui propose des conditions
favorables, ce qui assoit encore davantage son prestige lorsque le
concert paraît si léché – forcément, il peut recruter les meilleurs
instrumentistes avec un temps de répétition supérieur !
Vous comprenez à présent pourquoi Hervé
Niquet (qui certes, comme
beaucoup d'entre nous, ne devait pas adorer les Prologues) coupait dans
les tragédies en musique ? Cela fait moins de sections à
travailler… et permet d'optimiser le temps passé, pour faire du
meilleur boulot sur le reste.
Je fais partie de ceux qui ont râlé à l'époque (avant qu'il n'aille
voir vers d'autres répertoires plus à son goût / où on lui fiche
davantage la paix ?), parce qu'on enregistrait pour la première (et
sans doute dernière) fois un inédit, et qu'on ne le donnait pas
intégralement… mais d'un point de vue strictement économique et
pratique, le procédé se défend totalement.
À cela s'ajoute qu'il est régulièrement d'usage de répéter, en
particulier pour optimiser la présence du chœur et des solistes – aussi
pour gagner du temps – dans le
désordre. Ce peut produire de très beaux
résultats cohérents : les opéras enregistrés à Versailles par Les
Accents de Guy van Waas, dont La
Vénitienne de Dauvergne, Thésée de
Gossec et surtout le mirifique Céphale & Procris
de Grétry…
suivaient cette logique économique.
Si jamais les musiciens venaient d'arriver ou n'avaient pas une bonne
vision d'ensemble, il a pu y avoir du flottement en enchaînant des
numéros qu'on n'avait jamais (ou qu'une fois, j'espère qu'il y a eu une
générale !) joués en les enchaînant. Et Dieu sait qu'il y en a, des
petits morceaux de caractère très distincts qui s'enchaînent dans une
tragédie en musique !
Pour les chefs d'orchestre traditionnels (formés par des cours
spécialisés, virtuoses de la gestique, voyageant d'orchestre en
orchestre), les chefs d'ensemble baroque, qui n'ont pas le même savoir,
ne doivent pas être perçus comme de véritables chefs d'orchestre. Le
chef d'ensemble connaît
ses musiciens, a le temps de communiquer longuement avec eux. Il fait
moins de programmes, et les produit souvent en tournées, si bien que
tout a le temps de maturer en se parlant, sans avoir nécessairement de
technique de direction hors norme – comme je le mentionnais dans la
notule en question, il est extrêmement difficile pour un observateur
extérieur (ou même intérieur) de juger de la qualité d'un chef
d'orchestre, mais on peut lire de façon récurrente, et notamment de la
part de musiciens d'orchestre, des critiques acerbes sur l'incompétence
(au moins gestuelle) des chefs baroques reconvertis comme Minkowski,
Niquet, etc.
Pour résumer la problématique :
il existe deux types de postes de chefs
d'orchestre traditionnels.
a) Le directeur musical est
présent tout au long de la saison et sur
plusieurs années : il choisit (en accord avec la direction
administrative) le programme, les solistes et autres chefs à inviter,
fait travailler l'orchestre sur la durée (notamment sur l'identité
sonore, les dominantes de répertoire…). Le chef d'ensemble spécialiste
comme d'Hérin connaît ce travail, c'est celui qu'il mène au quotidien.
b) Chef invité
est un tout autre type de statut : il travaille,
l'espace d'un concert, avec un orchestre qu'il ne connaît pas forcément
bien. Certains chefs invités reviennent souvent, mais ils n'ont pas la
même tâche d'encadrement ni les mêmes responsabilités administratives.
Il faut donc être capable, le temps de deux ou trois services, en
général (un service est une session de répétition, 3h disons), d'avoir
mis en place 1h30 de musique et, pour éviter le four, d'avoir transmis
des souhaits esthétiques, mis en valeur détails, et quand c'est
possible d'avoir bien habité l'essentiel des œuvres… Si vous vous êtes
jamais demandé : « mais pourquoi l'ouverture / l'accompagnement du
concerto sonne moins bien que la symphonie ? » ou « c'est
incroyable, par moment le chef souligne des détails inédits, et à
d'autres tout le monde semble en pilote automatique »… c'est très
probablement lié à ce temps de répétition limité.
Les chefs très en vue ou les œuvres difficiles peuvent obtenir
davantage de services – il y
aura plus de répétitions pour Die
Soldaten de B.-A.
Zimmermann que pour une soirée, au hasard, Symphonie Pastorale & Triple Concerto… Mais
vous voyez bien l'enjeu d'être efficace en
répétition, et c'est pourquoi les musiciens d'orchestre jugent souvent
assez sévèrement les chefs bavards. S'ils commencent à arrêter la
musique à chaque fois qu'ils ont quelque chose à dire, on ne pourra pas
faire beaucoup de travail de mise en place ni d'interprétation… Les
chefs commentent donc pendant que l'orchestre joue, et surtout, ils
doivent disposer d'une gestuelle suffisamment expressive pour faire
comprendre le type de son ou d'articulation de phrasé qu'ils
souhaitent, sans tout verbaliser mesure par mesure !
Et c'est spécifiquement pour ce rôle de chef invité, qui débarque
quasiment le soir du concert (l'interprétation continue souvent à
s'affiner pendant le concert
!), et qui représente le cas de
l'immense majorité des chefs – assez peu, en proportion, ont leur
propre
orchestre, ou alors c'est l'orchestre qu'ils ont fondé et la question
de la gestique se pose beaucoup moins : ils se connaissent par cœur.
Vous voyez à présent où je veux vous mener : Sébastien d'Hérin, dont ce
n'est pas la formation, n'a aucune raison, ne prétendant pas à diriger
d'autres ensembles que le sien, d'avoir développé cette technique.
Mais l'autre soir, devant un orchestre profondément renouvelé, avec
sans doute beaucoup de nouvelles recrues, voire d'arrivées de dernière
minute pour sauver le concert… une belle technique de direction aurait
peut-être pu limiter le désordre par moment. Cela lui a sans
doute fait défaut ce soir-là, dans ces circonstances plutôt
exceptionnelles.
Tout cela non pas pour le blâmer (qui aurait pu imaginer, il y a deux
ans, l'effondrement du monde civilisé sous la pression d'armées
microscopiques ?), mais pour expliquer les flottements qu'on a pu
observer
lorsque les musiciens cherchaient du regard les indications du chef,
qui ne les donnait pas assez en avance (l'avance sur le temps, ça aide
à réagir !), ou pas assez clairement, et le plantage était dans ces
moments
inévitable.
C'est pourquoi j'ai choisi de vous entretenir de ce concert. La
tradition était déjà de toute façon d'évoquer les tragédies en musique
inédites écoutées, mais j'ai profité ici des imperfections insolites
pour essayer de remettre en perspective ce qui, dans un concert, paraît
aller de soi mais est à surmonter à chaque production… aucun ensemble,
aucun chef n'a jamais de temps illimité alloué… produire un bon
résultat, beaucoup en sont capables, mais un bon résultat en un temps
très court (voire insuffisant), c'est à chaque fois un défi, surtout si
l'on a une haute idée de son art.
[Parce que je me souviens aussi, après une représentation de Vanessa
de Barber par l'orchestre-atelier OstinatO, d'avoir pris le train
auprès du pupitre de bois qui s'esclaffait d'avoir joué n'importe
comment… Certains le vivent bien.]
Toutes mes pensées à Sébastien d'Hérin et aux Nouveaux Caractères : ce
fut sans doute un moment difficile, et j'espère qu'il ne nuira pas à
la carrière l'ensemble, qui a beaucoup à dire et à faire découvrir.
Merci, avant
toute chose, d'oser le répertoire inédit, moins payant, plus exigeant
et… plus périlleux. Rien que pour cela, tout mon respect, et ma sincère
gratitude.
Je suis prêt à retourner les entendre, surtout s'ils font Hippodamie,
Philomèle
ou
Créüse l'Athénienne !
Comme point final à notre cycle de l'année autour des nouveautés discographiques (qui sait quelle forme
l'entreprise prendra l'an prochain), le moment est venu d'une sélection
très courte, qui contraste avec les tentations d'exhaustivité que vous
avez pu observer dans l'année.
Mais comme 10, ce serait tellement peu et trop cruel… j'ai commis
plusieurs tops 10. Pas un par
genre, μηδὲν ἄγαν, vous ne vous y retrouveriez pas.
Ce top 10 général (versions fulgurantes d'œuvres pas trop rabâchées) se
double ainsi d'un top 10 d'interprétations exceptionnelles d'œuvres
couramment jouées. Après une petite liste par genre des disques ayant
atteint la cotation maximale au cours de l'année, il sera triplé par
par les 10
disques hors nouveautés que j'ai le plus écoutés en 2021.
C'est parti !
A. Le grand top 10
(11, mais Alcione a en
réalité paru en 2020, disponible par la suite en numérique, époque à
laquelle je l'ai écoutée, début 2021.)
1. Interprétation extraordinaire d'Alcione,
issu des représentations à l'Opéra-Comique (qui m'avaient, étrangement,
un peu moins marqué). Orchestre composé de la fine fleur des musiciens
spécialistes de la tragédie en musique – en fait du Concert des
Nations, il y avait beaucoup de membres des principaux ensembles
baroques français, Thomas Dunford à l'archiluth en étant le
représentant le plus célèbre. Et surtout, Auvity et Mauillon dont la
singularité de timbre et l'expressivité verbale suprême magnétisent
chaque instant de leur présence.
Le commentaire que j'en avais fait : Marais – Alcione – Desandre, Auvity,
Mauillon ; Le Concert des Nations, Savall (Alia Vox 2021)
→ Issu des représentations à l'Opéra-Comique, enregistrement qui porte
une marque stylistique française très forte : dans la fosse, sous
l'étiquette Concert des Nations propre à Savall, en réa:lité énormément
de musiciens français issus des meilleures institutions baroques,
spécialistes de ce style), et un aboutissement déclamatoire très grand
– en particulier chez Auvity et Mauillon (qui est proprement miraculeux
de clarté et d'éloquence).
→ Le résultat est donc sans rapport avec l'équipe catalane du fameux
enregistrement des suites de danses tirés de cet opéra (1993), non sans
qualités mais pas du tout du même naturel et de la même qualité de
finition (instrumentale comme stylistique).
→ Les moments forts de la partition (la chaconne initiale de Pélée,
l'interruption du mariage, le naufrage, le duo de révélation
Pélée-Alcione…) s'en trouvent formidablement mis en évidence, et
permettent de goûter pleinement le génie mélodique et harmonique de
Marais.
→ Le frémissement interne de l'orchestre, magnifié par la prise de son
Alia Vox, parachève cet objet incontournable pour les amateurs de
tragédie lyrique.
→ Sans comparaison avec le studio Minkowski, pas très bien chanté
(Smith-Ragon-Huttenlocher-Le Texier, ce n'est pas la folie…), beaucoup
moins coloré et mobile, même s'il s'y trouve de beaux moments de
continuo très poétique.
2. Une nouvelle version de Drot og
Marsk, opéra politique de Peter Heise, un sommet du romantisme
mûr, très riche, aussi bien nourri du sens du drame verdien que de la
recherche musicale germanique, un peu le meilleur des deux mondes. Et
on ne croule pas sous les opéras en danois dans la discographie – Lulu de Kuhlau se trouve en ligne
(bande radio sur YouTube), je ne saurais trop vous recommander cette
merveille en attendant une incertaine parution discographique. Superbe
version par ailleurs, meilleure que la précédente. HEISE, P.A.: Drot og marsk (Royal
Danish Opera Chorus and Orchestra, Schønwandt) (Dacapo 2021)
→ Superbe drame romantique, dans la descendance tardive de Kuhlau,
remarquablement chanté et joué. Tout est fluide, vivant, inspiré, œuvre
à découvrir absolument ! (il en existait déjà une version pas trop
ancienne chez Chandos)
3. Tout à fait inattendus, ces motets d'un compositeur wallon, dans un
goût quelque part entre le Mozart de jeunesse et le meilleur Grétry.
L'air de ténor « Miles fortis », agile et épique (dans la veine de Fuor del mar ou de Se al impero, si vous voulez, mais
dans une ambiance harmonique et mélodique plus proche des airs de
Céphale ou Guessler), a tourné en boucle depuis sa découverte. Je ne
m'attendais pas à entendre du simili-seria
sacré dans une région secondaire d'Europe produire un résultat aussi
jubilatoire ! Hamal – Motets – Scherzi Musicali,
Achten (Musiques en Wallonie 2021)
→ Pour moi clairement plutôt du genre cantate.
→ Musique wallonne du milieu du XVIIIe siècle (1709-1778), très marquée
par les univers italien et allemand, pas tout à fait oratorio façon
seria ,pas tout à fait cantate luthérienne, avec de jolies tournures.
→ Côté dramatique post-gluckiste quelquefois, très réussi dans
l'ensemble sous ses diverses influences.
→ Le sommet du disque : l'air héroïque de ténor « Miles
fortis » qui clôt la cantate Astra Cœli, d'une agilité et d'une
vaillance parfaitement mozartiennes (augmentées d'une grâce mélodique
et harmonique très grétryste), et qui pénètre dans l'oreille comme un
véritable tube, ponctué par ses éclats de cor et ses violons autour de
notes-pivots…
→ Splendide interprétation des Scherzi Musicali, qui ravive de la plus
belle façon ces pages oubliées. Mañalich remarquable dans les parties
très exposées de ténor, à la fois doux, vaillant et solide.
→ Écouté 7 fois en quatre jours (pas très séduit en première écoute,
puis de plus en plus enthousiaste). Comme quoi, il faut vraiment donner
leur chance aux compositeurs moins connus, et ne pas se contenter d'une
écoute distraite pour décréter leur inutilité.
4. Les Quatuors d'Henri Vieuxtemps, ce sont (certes un demi-siècle plus
tard !) les quatuors égarés de Beethoven ! Sens remarquable de la
forme, mélodies un peu sévères mais marquantes, c'est à découvrir
absolument si l'on aime le gronchon idéaliste dont on a fêté
l'anniversaire jusqu'à la mi-saison : il faudrait regarder les
partitions de plus près, mais lors des premières écoutes, la qualité ne
m'a pas paru sensiblement moindre… Vieuxtemps – Les 3 Quatuors à cordes
– Élysée SQ (Continuo Classics)
→ Nouveauté fondamentale : trois nouveaux quatuors de Beethoven
composés par Vieuxtemps.
→ Je n'aime pas trop le son un peu dépareillé de cet ensemble, mais peu
importe vu ce qu'il document ici d'inestimable – il n'existait aucun
quatuor de Vieuxtemps au disque. (Même sur YouTube, on pouvait trouver
deux mouvements pour dans un concert de conservatoire. Pas davantage.)
Merci les Élyséens !
5. L'intégrale de Svetlanov, très typée et d'apparence sale,
ne donnait pas la pleine mesure de la singularité des symphonies de
Miaskovski, très différentes les unes des autres. Après la réussite de
la 21 en 2020, Vasily Petrenko récidive avec la 27, étonnamment intense
et lumineuse, et traitée avec un sens du style remarquable – le tout
servi par l'un des tout meilleurs orchestres du monde actuellement. Miaskovski (Myaskovsky), Symphonie
n°27 // Prokofiev, Symphonie n°6 – Oslo PO, V. Petrenko (LAWO 2021)
→ Saveur très postromantique (et des gammes typiquement russes, presque
un folklore romantisé), au sein d'un langage qui trouve aussi ses
couleurs propres, une rare symphonie soviétique au ton aussi
« positif », et qui se pare des couleurs transparentes,
acidulées et très chaleureuses du Philharmonique d'Oslo (de sa
virtuosité aussi)… je n'en avais pas du tout conservé cette image avec
l'enregistrement de Svetlanov, beaucoup plus flou dans la mise en place
et les intentions…
→ Frappé par la sobriété d'écriture, qui parle si directement en mêlant
les recettes du passé et une forme d'expression très naturelle qui
semble d'aujourd'hui. L'adagio central est une merveille de
construction, comme une gigantesque progression mahlérienne, mais avec
les thématiques et couleurs russes, culminant dans un ineffable lyrisme
complexe.
→ Bissé Miaskovski.
6. Chansons inspirées par la geste napoléoniennes, particulièrement
abouties dans celles arrangées à trois voix. (Et le Tombeau de
Joséphine, palimpsestant le Bon Pasteur de Romagnesi, quelle merveille
!) Sainte-Hélène, La légende
napoléonienne – Sabine Devieilhe ; Ghilardi, Bouin, Buffière,
Marzorati ; Les Lunaisiens, Les Cuivres Romantiques, Laurent
Madeuf, Patrick Wibart, Daniel Isoir (piano d'époque) (Muso 2021)
→ Chansons inspirées par la fièvre et la légende napoléoniennes,
instrumentées avec variété et saveur.
→ Beaucoup de mélodies marquantes, de pastiches, d'héroï-comique (Le
roi d'Yvetot bien sûr), et même d'hagiographie à la pomme de terre… Le
meilleur album des Lunaisiens jusqu'ici, aussi bien pour l'intérêt des
œuvres que pour la qualité des réalisations vocales.
7. La Princesse jaune révélée
par cette nouvelle interprétation au sommet, mais l'album vaut surtout
par les Mélodies persanes
dans leur version orchestrale, avec l'excellente idée de mandater six
chanteurs différents ! Je ne suis pas forcément convaincu par les
techniques des uns et des autres (on entend des limites dans l'ambitus,
le timbre, la diction…), mais l'investissement collectif et la beauté
de la proposition orchestrale (qui transfigure ce qui est déjà un
chef-d'œuvre au piano) réjouit totalement ! Beaucoup écouté. Saint-Saëns – La Princesse jaune –
Wanroij, Vidal ; Toulouse, Hussain (Bru Zane 2021) + Mélodies persanes (Constans, Fanyo,
Pancrazi, Sargsyan, Estèphe, Boutillier…)
→ Ivresses. Des œuvres, des voix.
→ Révélation pour ce qui est de la Princesse, pas aussi bien servie
jusqu'ici, et délices infinies de ces Mélodies dans une luxueuse
version orchestrale, avec des chanteurs très différents, et chacun
tellement pénétré de son rôle singulier !
8. Superbe orgue néerlandais dans du répertoire inédit du XVIIIe
français. C'est un peu l'idéal de ce que j'attends de la vie. Guillaume Lasceux – Simphonie
concertante pour orgue solo – St. Lambertuskerk Helmond, Jan van
de Laar (P4Y JQZ 2020)
+ Jullien : suite n°5 du livre I, Couperin fantaisie en ré, Böhm,
Vater unser, Jongen Improvisation-Caprice, Franck pièce héroïque
→ Le disque contenant le plus de Gilles Jullien, et une version
extraordinairement saillante de la Pièce Héroïque de Franck.
→ Quel orgue fantastiquement savoureux !
9. Peut-être est-ce parce que j'ai une centaine d'heures sur le sujet
entre la préparation de la notice du disque, puis celle de la notule, mais après une première écoute polie, j'ai
été totalement fasciné par cet univers très différent de ce que l'on
connaît du répertoire sacré allemand – ce chœur composé de deux
chanteurs ! ces récits reconstitués au moyen de patchworks
intertestamentaires ! Pfleger – Cantates « The Life and
Passion of the Christ » – Vox Nidrosiensis, Orkester Nord, Martin
Wåhlberg (Aparté 2021)
→ Musique du Nord de l'Allemagne au milieu du XVIIe siècle. Œuvres
inédites (seconde monographie seulement pour ce compositeur.
→ Plus ascétique que ses motets latins (disque CPO, plus expansif), je
vous promets cependant de l'animation, avec ses solos de psaltérion,
ses évangélistes qui fonctionnent toujours à deux voix, ses structures
mouvantes qui annoncent l'esthétique des Méditations pour le Carême de
Charpentier.
→ Par ailleurs, curiosité d'entendre des textes aussi composites
(fragments des Évangiles mais aussi beaucoup d'Ancien Testament épars),
ou encore de voir Dieu s'exprimer en empruntant les mots d'Ézéchiel et
en émettant des notes très graves (mi 1 - ut 1) sur des membres de
phrase entiers.
→ On y rencontre des épisodes peu représentés d'ordinaire dans les
mises en musique – ainsi la rencontre d'Emmaüs, ou la Cananéenne dont
la fille est possédée – écrits en entrelaçant les sources des
Évangiles, des portions des livres prophétiques, les gloses du XVIIe et
les chants populaires de dévolution luthériens, parfois réplique à
réplique…
→ De quoi s'amuser aussi avec le contexte (je vous en touche un mot
dans la notice de ma main), avec ces duels à l'épée entre maîtres de
chapelle à la cour de Güstrow (le dissipé Danielis !), ou encore
lorsque Pfleger écarte sèchement une demande du prince, parce que
lui sert d'abord la gloire de la musique et de Dieu. (Ça pique.)
→ Et superbe réalisation, conduite élancée, voix splendides et
éloquentes.
→ https://www.deezer.com/fr/album/213997932
10. Baroque centre-américain de première qualité, tout est ravissant et
entraînant ici !
Castellanos, Durón, García de Zéspedes, Quiros, Torres –
« Archivo de Guatemalá » tiré des archives de la cathédrale
de la ville de Guatemalá – Pièces vocales sacrées ou instrumentales
profanes – El Mundo, Richard Savino (Naxos 2021)
→ Hymnes, chansons et chaconnes très prégnants. On y entend passer
beaucoup de genres et d'influences, des airs populaires plaisants du
milieu du XVIIe jusqu'aux premiers échos du style de l'opéra seria (ici
utilisé dans des cantiques espagnols).
→ Quadrissé.
11. Une sorte de dernier Haendel (celui du Te Deum d'Utrecht, de The
Ways of Zion, du Messie…), plein de contrepoint très éloquent et
généreux – mais pragois. Brixi – Messe en ré majeur, Litanies –
Hana Blažiková, Nosek Jaromír ; Hipocondria Ensemble, Jan Hádek
(Supraphon 2021)
→ Alterne les chœurs d'ascèse, finement tuilés, très beau contrepoint
qui fleure encore bon le contrepoint XVIIe, voire XVIe… pour déboucher
sur des airs façon Messie (vraiment le langage mélodique de Haendel !).
→ Splendides voix tranchantes et pas du tout malingres, orchestre fin
et engagé, Blažiková demeure toujours aussi radieuse, jusque dans les
aigus de soliste bien exposés !
… j'ai dû exclure d'excellents albums, comme la symphonie de Dobrzyński
sur instruments d'époque, la Ferne
Geliebte de Nigl, le Winterreise
pour sax, théorbe et récitant (!), et j'aurais dû le faire pour Alcione et Lasceux-Jullien, car
bien que numérisés (ou simplement écoutés par moi) en 2021, ils avaient
été imprimés en 2020. Écoutez tout cela également (peut-être un peu
moins le Winterreise, qui est
aussi déviant que vous pouvez vous le figurer), ce sont des merveilles.
Je signale aussi ces
splendeurs écoutées avec ravissement, mais issues de la Radio :
¶ Verdi, Boccanegra (Gerhaher, Luisi,
Operavision)
¶ Wagner, Lohengrin (Pintscher, YT)
¶ Wagner, Rheingold (Ph. Jordan, France Mu)
¶ Wagner, Parsifal en version harmonium et trois solistes (Avro)
¶ Debussy, Pelléas (Roth, France Mu)
¶ Schmitt, Salomé intégrale Altinoglu (YT Radio de Francfort)
Et deux créations contemporaines géniales qui méritent l'inscription au
répertoire :
¶ Connesson, Les Bains Macabres (France
Mu)
¶ Hersant, Les Éclairs (Operavision)
B. 10
interprétations majeures du grand répertoire
Là aussi, quelques exclus dignes d'un détour (les Goldberg de Lang Lang, que je
n'attendais décidément pas là, ont été republiées en Deluxe avec des
compléments début 2021 mais avaient déjà été publiées au milieu de
2020) pour parvenir à cette sélection.
1. Intégrale inégale, mais les 1,2,4 et Roméo & Juliette sont
absolument électrisants, et assez neufs dans leurs choix (pas du tout
russes). Tchaïkovski – Symphonies n°2,4 –
Tonhalle Zürich, Paavo Järvi (Alpha 2021)
→ La Cinquième par les mêmes ne m'avait pas du tout autant ébloui qu'en
salle (avec l'Orchestre de Paris) – un peu tranquillement germanique,
en résumé. Hé bien, ici, c'est étourdissant. D'une précision de trait,
d'une énergie démentielles !
→ On entend un petit côté « baroqueux » issu de ses
Beethoven, avec la netteté des cordes et l'éclat des explosions, mais
on retrouve toute la qualité de construction, en particulier dans les
transitions (la grande marche harmonique du final du 2, suffocante, qui
semble soulever tout l'orchestre en apesanteur !), et au surplus une
énergie, une urgence absolument phénoménales.
→ Gigantesque disque. Ce qu'on peut faire de mieux, à mon sens, dans
une optique germanique – mais qui ne néglige pas la puissance de la
thématique folklorique, au demeurant.
2. Moi qui pensais de Mitridate qu'il
s'agissait d'une très belle œuvre de jeunesse où surnageaient surtout
quelques coups de génie (« Nel grave tormento » !), me voilà totalement
passionné par tout ce que j'entends dans cette version. Mozart – Mitridate – Spyres, Fuchs,
Dreisig, Bénos, Devieilhe, Dubois ; Les Musiciens du Louvre,
Minkowski (Erato 2021)
→ Cet enregistrement ébouriffe complètement ! Distribution
exceptionnelle – en particulier Bénos, mais les autres ne sont pas en
reste ! – et surtout orchestre totalement haletant, le résultat
ressemble plus aux Danaïdes qu'à un seria de jeunesse de Mozart !
3. Mendelssohn sacré à un-par-partie par Bernius. Ce n'est plus de la
musique, c'est de la pornographie conçue pour DLM. Et ça tient ses
promesses de netteté, de tension, d'inspiration, de séduction. Mendelssohn – Te Deum à 8, Hora Est,
Ave Maria Op.23 n°2 – Kammerchor Stuttgart, Bernius (Hänssler)
→ Bernius réenregistre quelques Mendelssohn a cappella ou avec discret
accompagnement d'orgue, très marqués par Bach… mais à un chanteur par
partie ! Très impressionnante clarté polyphonique, et toujours les
voix extraordinaires (droites, pures, nettes, mais pleinement timbrées
et verbalement expressives) du Kammerchor Stuttgart.
4. Nouvelle intégrale de référence pour Schumann. Il y a tout, Gerhaher
excelle particulièrement dans cet univers, et les autres chanteurs sont
aussi les meilleurs de leur génération (Rubens, Lehmkuhl…). Inégalé à
ce jour. Schumann – Alle Lieder – Gerhaher,
Huber, Rubens, Landshammer, Kleiter, Lehmkuhl, Mitterrutzner… (Sony
2021)
→ Magnifique somme regroupant les cycles Schumann de Gerhaher, parmi
les tout meilleurs qu'on puisse entendre et/ou espérer, et permettant
de tout entendre, avec bon nombre de nouveautés (tout ce qui n'avait
pas été enregistré, et même une nouvelle version de Dichterliebe).
→ Verbe au cordeau, variation des textures, mordant, tension, nuances,
c'est la virtuosité d'une expression construite qui impressionne
toujours autant chez lui !
→ Les artistes invités, ce n'est pas n'importe qui non plus, ces dames
figurent parmi les meilleures liedersängerin de leur génération
(Rubens, n'est-ce pas !). Les lieder prévus pour voix de femme sont
ainsi laissés aux interprètes adéquates.
→ De surcroît le livret contient des introductions, un classement clair
(même une annexe par poètes !) et les textes (monolingues, certes, mais
c'est toujours une base de départ confortable pour ceux qui veulent
ensuite des traductions).
5. Une interprétation fulgurante de Mahler 8 – Jurowski parvient à
transmettre quelque chose de la typicité russe aux timbres du LPO, et
Fomina en soprano principale, quelle volupté permanente ! (Elle
ne cède sur rien…) Mahler – Symphonie n°8 – Howarth,
Schwanewilms, Fomina, Selinger, Bardon, Banks, Gadd, Rose ; LPO
Choir, LSO Chorus, Clare College Choir, Tiffin Boys Choir ; LPO,
Jurowski (LPO Live)
→ Quel bonheur d'avoir des sopranos de la qualité de timbre de
Schwanewilms et Fomina pour cette symphonie où leurs aigus sont exposés
en permanence ! Barry Banks aussi, dans la terrible partie de
ténor, étrange timbre pharyngé, mais séduisant et attaques nettes,
d'une impeccable tenue tout au long de la soirée.
→ Par ailleurs, le mordant de Jurowski canalise merveilleusement les
masses – très beaux chœurs par ailleurs.
6. Approche très différente de l'ordinaire, pour un Schubert murmuré,
net, sans épanchements un peu gras, qui met la beauté à nu comme un
diamant taillé perd en masse mais gagne en irisation. Schubert – Quintette à cordes –
Tetzlaff, Donderer... (Alpha 2021)
→ Couplé avec le Schwanengesang de Julian Prégardien que je n'ai pas
encore écouté.
→ Lecture d'une épure assez fabuleuse : absolument pas de pathos,
cordes très peu vibrées, des murmures permanents (quel trio du
scherzo ! ), et bien sûr une très grande musicalité.
→ Très atypique et pudique, aux antipodes de la grandiloquence
mélodique qu'on y met assez naturellement.
7. La meilleure version du Quatuor de Messiaen que j'aie entendue, tout
simplement. D'une simple éloquence, exactement dans le projet,
échappant aux expressions un peu solistes des versions de prestige
habituelles. Messiaen – Quatuor pour la fin du
Temps – Left Coast Ensemble (Avie 2021)
→ Captation proche et très vivante, interprétation très sensible à la
danse et à la couleur, une merveille où la direction de
l'harmonie, le sens du discours apparaissent avec une évidence rare ! + Rohde: One wing
Presler, Anna; Zivian, Eric
→ Très plaisante piécette violon-piano, congruente avec Messiaen,
écrite par l'altiste membre de cet ensemble centré autour de San
Francisco.
8. Je ne m'attendais pas à trouver ce programme de salon, pas les
œuvres qui me touchent le plus, dans ma propre sélection ! Mais
le choix des instruments d'époque et la finesse des interprètes
magnifie totalement ce répertoire, et l'illusion d'être invité à un
petit événement privé est parfaite ! Couperin (Barricades mystérieuses) //
Liszt-Wagner (Liebestod) // Chopin (Prélude n°15) // Fauré (Sonate n°1,
Après un rêve, Nocturne n°6) // Hahn (À Chloris)… – « Proust, le
concert retrouvé » – Théotime Langlois de Swarte, Tanguy de
Williencourt (HM 2021)
→ Inclut des transcriptions de mélodies. Très beaux instruments
d'époque, belle ambiance de salon. Je n'ai pas eu accès à la notice
pour déterminer la proportion de musicologie / d'érudition pertinente
dans le propos – souvenirs trop parcellaires de la Recherche pour le
faire moi-même.
→ Langlois de Swarte « chante » remarquablement À Chloris ou
Après un rêve, tandis que le surlié feint de Willencourt fait des
miracles dans Les Barricades Mystérieuses. La Sonate de Fauré est menée
avec une fraîcheur et un idiomatisme que je ne lui connaissais pas,
aussi loin que possible des exécutions larges et poisseuses de grands
solistes plutôt aguerris à Brahms et aux concertos.
9. À nouveau, un opéra que je tenais pour secondaire et qui révèle un
potentiel dramatique insoupçonné (le final du II !) dans cette
interprétation de feu – et la fête garantie pour tous les glottophiles,
vraiment du grand chant d'aujourd'hui ! (Étrangement sur un petit
label au réseau de distribution limité, il n'y a vraiment pas de quoi
vendre aux admirateurs de Bellini, Rebeka et Camarena, souvent des
collectionneurs pourtant ?) Bellini – Il Pirata – Rebeka,
Camarena, Vassallo ; Opéra de Catane, Carminati (Prima Classics)
→ Disque électrisant, capté avec les équilibres parfaits d'un studio
(ça existe, une prise de studio pour Prima Classics ?), dirigé avec
beaucoup de vivacité et de franchise (Carminati est manifestement
marqué par les expérimentations des chefs
« musicologiques »), et magnifiquement chanté par une
distribution constituée des meilleurs titulaires actuels de rôles
belcantistes, grandes voix singulières et bien faites, artistes rompus
au style et particulièrement expressifs.
→ Dans ces conditions, on peut réévaluer l'œuvre, qui n'est pas
seulement un réservoir à airs languides sur arpèges d'accords parfaits
aux cordes, mais contient aussi de superbes ensembles et de véritables
élans dramatiques dont la vigueur évoque le final du II de Norma (par
exemple « Parti alfine, il tempo vola »).
10. Les pièces courtes post-debussystes de Stravinski regroupées dans
une très grande interprétation, suivie par une lecture très marquante
du Sacre… ! Stravinski – Feu d'artifice, Scherzo
fantastique, Scherzo à la Russe, Chant Funèbre, Sacre du Printemps –
NHK SO, Paavo Järvi (RCA 2021)
→ Splendide version très vivante, captée avec beaucoup de relief
physique, contenant quelques-uns des chefs-d'œuvre de jeunesse de
Stravinski (parmi ce qu'il a écrit de mieux dans toute sa carrière, Feu
d'artifice et le Scherzo fantastique…), ainsi qu'une version
extrêmement charismatique et immédiatement prenante du Sacre du
Printemps.
→ Järvi semble avoir tiré le meilleur de la NHK, orchestre aux couleurs
peu typées (même un brin gris, ai-je trouvé en salle), mais dont la
discipine et la solidité permettent ici une insolence et un aplomb
absolument idéaux pour ces pages.
C. Tour d'horizon
par genre
Pour information, voici les nouveaux enregistrements qui ont obtenu la
cotation maximale au cours de l'année, et que je recommande donc sans
réserve.
OPÉRA
Marais – Alcione – Savall
Mozart – Mitridate – Minkowski
Bellini – Il Pirata – Carminati
Verdi – Boccanegra – Auguin
Heise – Drot og marsk – Schønwandt
Saint-Saëns – La Princesse jaune – Hussain
Schreker – Ferne Klang – Weigle
Lattès – Le Diable à Paris – Les Frivolités Parisiennes
RÉCITALS
Salieri & Beethoven – « In Dialogue » – Heidelberg Symphoniker
LULLY, Charpentier, Desmarest, Rameau – « Passion » –
Gens, Les Surprises, Camboulas
SACRÉ
Guatemalá
Hamal, motets, Achten
Brixi, Messe en ré
Pfleger
Montigny, Grands Motets
Mendelssohn, Te Deum à 8, Bernius
ORGUE
Arrangements de LULLY par Jarry à l'orgue de la Chapelle
Royale
Lasceux-Jullien – « Robustelly » – Jan van de Laar
Karg-Elert – Intégrale pour orgue, vol.12 : 3 Impressions, Hommage
à Haendel, Partita n°1 – Steinmeyer de la Marienkirche de Landau/Pfalz,
Stefan Engels (Priory 2020)
Eben, Momenti d'organo, Ludger Lohmann
PIANO
Samazeuilh, Piboule
Bach Goldberg, Lang Lang
Chopin Polonaise-Fantaisie, Eckardtstein
LIEDER, MÉLODIES
Schumann, intégrale des lieder, Gerhaher-Huber
Schumann, Frauenliebe und Leben // Brahms, lieder – Garanča (DGG)
Beethoven, Schubert, Britten …– I Wonder as I Wander – James Newby,
Joseph Middleton (BIS 2020)
Biarent, Berlioz, Gounod, Bizet, Saint-Saëns, Chausson – mélodies
orientales « La chanson du vent » – Clotilde van Dieren,
Katsura
Mizumoto
Miaskovski – « Œuvres vocales vol. 1 » : Livre Lyrique,
12 Romances
d'après Lermontov, Sonate violon-piano – Barsukova, Pakhomova,
Dichenko, Solovieva (Toccata Classics 2021)
CHANSONS
Sainte-Hélène, la légende napoléonienne
« Heut' ist der schönste Tag - Tenor Hits of the 1930s »
D. Hors nouveautés,
les 10 disques les plus écoutés de l'année
Nouveautés
J'ai laissé de côté les nouveautés précédemment évoquées, mais Alcione de Marais, les motets d'Hamal, les Mélodies persanes
orchestrales de Saint-Saëns,
les chansons de l'album
Sainte-Hélène et les motets de Pfleger
comptent assurément parmi les albums les plus écoutés de l'année.
Notules et répétitions
Auraient aussi pu figurer les disques énormément écoutés pour écrire
des notules (cantates de Pfleger,
La mort d'Abel de Kreutzer, les symphonies de B. Romberg, Cristina regina di Svezia de Foroni, Mona Lisa de Schillings, Das Schloß Dürande de Schoeck) ou pour préparer du travail
en répétition (Le Déluge de Jacquet de La Guerre, Le bon Pasteur de Romagnesi, Les Diamants de la Couronne d'Auber)… Je me suis dit que c'était
une motivation annexe, et
surtout que les notules vous avaient déjà laissé le loisir de prendre
connaissance de ces œuvres et de ces disques.
Quatuors
Beaucoup de découvertes assez fondamentale cette fin d'année en matière
de quatuors, que je vous recommande vivement au passage : Schillings (CPO), Kienzl (CPO), Gade (surtout ceux en ré majeur et
mi mineur, CPO vol.5), Vieuxtemps
(Quatuor Élysée chez un petit label), Kabalevsky
(CPO), Rubinstein (CPO)…
Et voici donc un mot sur la sélection.
1. Le cycle Graener de CPO, en particulier ce volume, et en particulier
les Variations sur la chanson populaire à propos de la victoire
d'Eugène de Savoie contre les Turcs. Le miroitement instrumental et la
motricité irrésisible de ces variations en rendent le procédé à la fois
limpide et intriguant… Pour de la griserie pure de la force de la
musique, je me le passe encore et encore, des dizaines de fois cette
année… Graener – Variations orchestrales sur
« Prinz Eugen » – Philharmonique de la Radio de Hanovre, W.A. Albert
(CPO 2013)
→ On ne fait pas plus roboratif… mon bonbon privilégié depuis deux ans
que je l'ai découvert par hasard, en remontant le fil depuis le dernier
volume de la grande série CPO autour du compositeur (concertos par
ailleurs tout à fait personnels et réussis).
2. Parues l'an passé, une grande version des Méditations pour le Carême, chef
d'œuvre absolu du XVIIe siècle français : fragments d'Évangiles et de
textes vétérotestamentaires, en petites scènes incitant à
l'identification, à la réflexion… À un par partie et non en chapelle
ici ; les trois chanteurs sont merveilleux. Charpentier – Méditations pour le
Carême – García, Candela, Bazola ; Guignard, Galletier, Camboulas
(Ambronay 2020)
→ Avec Médée, le fameux Te Deum et le Magnificat H.76, on tient là la
plus belle œuvre de Charpentier, inestimable ensemble de dix épisodes
de la passion racontés en latin (et s'achevant au miroir du sacrifice
d'Isaac, sans sa résolution heureuse !) par des chœurs tantôt
homorythmiques tantôt contrapuntiques, et ponctués de récitatifs de
personnages (diversement sympathiques) des Écritures. Merveille absolue
de l'harmonie, de la prosodie et de la poésie sonore.
→ Ce que font Les Surprises est ici merveilleux, sens du texte et des
textures hors du commun, d'une noirceur et d'une animation dramatique
inhabituelles dans les autres versions de cette œuvre, et servi au plus
suprême niveau de naturel chanté. Un des disques majeurs du patrimoine
sacré français.
3. La musique de chambre d'Arnold Krug, représentant méconnu de l'école
allemande. Arnold Krug – Sextuor à cordes,
Quatuor piano-cordes – Linos Ensemble (CPO 2018)
→ Sextuor lumineux et enfiévré, une merveille ! Entre le dernier
quatuor de Schoeck et le Souvenir de Florence de Tchaïkovski !
→ Quatuor piano-cordes tout aussi intensément lyrique, avec quelque
chose de plus farouchement vital, d'un romantisme qui ne se cache pas.
Splendidement tendu, une autre merveille qui vous empoigne, tendu
comme un arc dans le plus grand des sourires !
→ Une des mes grandes découvertes chambristes récentes !
4. De même pour Koessler. Je me suis biberonné à ces deux disques de
chambre pendant des semaines… Koessler – String Quintet in D Minor /
String Sextet (Frankfurt String Sextet) (CPO 2007)
→ Très bien écrit ! Riche contenu d'un romantisme assumé, qui peut
rivaliser avec les grands représentants de second XIXe !
5. Le rondeau final du concerto de Hummel, le thème B du premier
mouvement de Dupuy, en qui l'on sent immédiatement le compositeur
dramatique… ineffables moments, qui ont fait plus d'un converti au
basson ces derniers mois ! Le meilleur bassonniste vivant est
accompagné par le meilleur orchestre de chambre actuel dirigé par le
meilleur hautboïste vivant. Édouard Dupuy – Concerto pour basson –
van Sambeek, Swedish ChbO, Ogrintchouk (BIS 2020)
→ On peut donc faire ça avec un basson ! Cette finesse
(changeante) de timbre, cette netteté des piqués, cette perfection du
legato, j'ai l'impression de découvrir un nouvel instrument. J'aurais
aimé la Chambre de Suède un peu moins tradi de son (comme avec
Dausgaard), mais je suppose que le chef russe a été formé à un Mozart
plus lisse (ça ploum-ploume un peu dans les basses…).
→ Quand au Dupuy, c'est une petite merveille mélodique et dramatique
qui sent encore l'influence du drame gluckiste dans ses tutti
trépidants en mineur, une très grande œuvre qui se compare sans peine
aux deux autres ! Le thème B du premier mouvement (d'abord
introduit à l'orchestre par un duo clarinette basson), quelle émotion
en soi, et quel travail de construction au sein du mouvement –
l'emplacement formel, l'effet de contraste des caractères…
→ Un des disques les plus écoutés en 2020, pour ma part ! Le thème
lyrique et mélismatique du premier mouvement est une splendeur rare. Et
ces musiciens sont géniaux (meilleur bassoniste du monde, meilleur
orchestre de chambre du monde, dirigés par le meilleur hautboïste du
monde…).
6. Cette chaconne en ut, à la française, mais développé avec une
science allemande, a un pouvoir incroyable – elle est en réalité
reconstituée par Michael Belotti, l'un des organistes de l'intégrale.
Découverte en entrant pour la première fois à Saint-Robert de la
Chaise-Dieu, cet été. Ce qui suscita une vaste notule. Pachelbel – Complete Organ Works, Vol.
2 – Essl, Belotti, J.D. Christie(CPO 2016)
7. Là aussi, peut-être est-ce ma contribution à l'entreprise, mais Raoul Barbe-Bleue mûrit en moi, et
ses tubes (comme Grétry écrit toujours magnifiquement pour les basses :
Guessler, Céphale, Raoul !) résonnent de plus en plus fréquemment dans
mes appartements. Grétry – Raoul Barbe-Bleue – Wåhlberg
(Aparté 2019)
→ Voyez la notule.
8. Grosse crise batave, et en particulier cycle Diepenbrock, dont
beaucoup d'enregistrements ont été collectés chez Etcetera au moment de
l'anniversaire, pour les 150 ans de sa naissance en 2012. Au sommet,
cet Hymne aan Rembrandt (par
Westbroek !). Diepenbrock – Anniversary Edition,
vol.4 – Westbroek, Beinum, Haitink, Spanjaard… (Etcetera 2021)
9. Le concert débute dans quelques instants. Je croise un visage connu.
« Vous savez, j'ai enfin retrouvé la trace d'une très belle symphonie
postclassique, d'un certain Jakub Goła̧bek. Je vous le recommande. »
Écoute le soir même. Énorme coup de cœur, écriture très vivante par un
ensemble sur instruments anciens très impliqué. Et couplé avec un des
miraculeux concertos pour clarinette de Karol Kurpiński, dans sa
meilleure version. Golabek, Symphonies / Kurpinski,
concerto pour clarinette – Lorenzo Coppola, Orkiestra Historyczna
(Institut Polonais)
→ Absolument décoiffant, des contrastes qui évoquent Beethoven dans une
langue classique déjà très émancipée.
10. & 11. Deux versions merveilleuses, l'une historique et l'une
moderne, les deux complètement abouties, de ce chef-d'œuvre de lyrisme
plein d'élan et de finesses – pourquoi ne joue-t-on que l'aimable Maskarade ? Je ne peux plus
m'en passer. Nielsen – Saul og David – Jensen
(Danacord) Nielsen – Saul og David – N. Järvi
(Chandos)
12. Une grande personnalité musicale découverte grâce aux judicieux
conseils de l'insatiable Mefistofele. (Ne
cherchez pas en ligne, Hyperion ne fait pas de diffusion en flux, «
gratuite » comme payante.) Cecil Coles – Fra Giacomo, 4 Verlaine,
From the Scottish Highlands, Behind the lines – Sarah Fox, Paul Whelan,
BBC Scottish O (Hyperion)
→ Belle générosité (Highlands à l'élan lyrico-rythmique réjouissant,
qui doit pas mal à Mendelssohn), remarquable éloquence verbale aussi
dans les pièces vocales. Bijoux.
13. Certes, on est en retard en Angleterre, mais en plus de ses très
beaux opéras réunissants les différents goûts européens, Macfarren a
aussi commis, au milieu du XIXe siècle, des symphonies très réussies
qui doivent beaucoup à Beethoven et Weber. Macfarren – Symphonies 4 & 7 –
Queensland PO , W.A. Albert (CPO)
→ Écriture qui doit encore beaucoup à Beethoven et Weber, d'un très
beau sens dramatique, trépidant !
→ Orchestre un peu casserole (timbres de la petite harmonie vraiment
dépareillés), mais belle écriture romantique.
En attendant que les nouveautés refleurissent après cette brève trève,
ou simplement pour vous nourrir du suc du meilleur, voilà qui devrait
vous tenir occupés jusqu'à la prochaine publication ! La suite
des anniversaires peut-être ? L'écrasante génération 1872 nous
attend !
En 2022 nous les fêterons dignement. Veuillez donc rester vivants, s'il
vous plaît.
► Extatiques d'avoir eu la
permission de recommencer (un peu) à vivre en 2021 ?
►► Préparez-vous à exploser de
bonheur : voici le programme des festivités en 2022 !
Bien plus complet que Cadences (et mieux calibré pour vos
goûts que l'Offi), voici le
glorieux agenda de Carnets sur sol
!
Il sera enrichi au fil des semaines, mais les
grandes salles et quelques chouchoutes (Athénée, conservatoires…) ont
été remplies jusqu'à la mi-mars.
Comme je suis seul à le constituer, le relevé est
bien sûr partiel et subjectif (je relève en priorité ce qui peut
m'intéresser…), mais tout de même assez vaste. De quoi vous donner, je
n'en doute pas, grands fous que vous êtes, des idées à travers tout
Paris – et quelquefois l'Île-de-France ! (Conseils randos /
patrimoine afférents sur demande.)
B. Enfant, on a tout notre temps
Les temps restant hautement incertains (on attend
dès à présent le mutant combiné avec la variole et la fièvre
hémorragique de Marburg pour relancer un peu la Saison 3), le relevé
s'arrête un peu avant le printemps (mais j'ai d'ores et déjà mentionné
quelques dates au delà).
Comme promis, je reviens sur le format simplifié :
je le trouve beaucoup plus commode, infiniment plus rapide (d'un
facteur 3 à vue de nez…), on voit plus facilement jour par jour, et à
charge ensuite à chacun de reporter dans son agenda personnel le
concert pour telle date donnée. Il me permet aussi de le remplir tandis
que je fais mes 3 à 6 heures de transports quotidiens, contrairement au
format tableau, très fastidieux à manipuler sur téléphone.
Mais je suis bien sûr preneur de retours, s'il y a
des choses à ajuster ou des besoins à satisfaire. (Ou simplement des
lauriers à jeter !)
Le contenu sera progressivement complété au fil des
prochaines semaines.
La salle Jehan Alain du CRR de
Paris, très bien représenté dans cette livraison.
C. Gratuit comme le
soleil, l'amour, l'amitié
Cette fois-ci, j'ai donc court-circuité la
hiérarchie des salles pour relever en priorité le plus intéressant :
les programmes des conservatoires, qui disposent d'avantages multiples
comme la gratuité, l'engagement des interprètes et surtout
l'originalité des répertoires. Le CRR de Paris, en particulier, fait
vraiment l'effort, sous l'impulsion de ses professeurs, de documenter
des pans entiers du répertoire français – de violon avec Stéphanie
Moraly, de tragédie en musique et opéra comique avec Stéphane Fuget /
Lisandro Nesis / Isabelle Poulenard / Howard Crook, de mélodie avec
Philippe Biros, de musique de chambre avec Philippe Ferro, Marie-France
Giret, Pascal Le Corre et Pascal Proust… et quelquefois même de la
symphonie, avec cette saison Gaubert, Ibert, Murail…
Quant au CNSM, c'est la garantie d'un niveau
équivalent à celui que l'on entend dans les grandes salles parisiennes.
Gratuitement. Depuis le premier rang. Dans des répertoires qu'on
n'entend pas d'habitude.
Les conservatoires d'arrondissement ou des communes
franciliennes (Versailles, Cergy, Pantin, Saint-Maur, Choisy,
Palaiseau…) méritent aussi la surveillance, de belles choses inédites
s'y passent régulièrement. Le plus difficile est d'être suffisamment
vigilant pour tout surveiller.
(Et, souvent, des soirées plus marquantes que ce
qu'on peut vivre au fond d'une grande salle avec des interprètes pour
qui ce type de concert représente une forme d'habitude, et dans un
répertoire que nous connaissons déjà tous par cœur.)
Si les caractères accentués sont déformés, n'hésitez pas à le
télécharger et à l'ouvrir dans un bloc-note ou éditeur de texte. (Et à
le signaler si le problème persiste.)
Je mets aussi le contenu en fin de notule, pour ceux qui
rencontreraient des difficultés de ce genre, mais il ne sera pas mis à
jour.
E. Chanter les
mêmes chansons
La signalétique reste la même que d'ordinaire :
*** capital, immanquable
** œuvre rare (et passionnante) et/ou interprétation qui fera date
* très intéressant
¤ intéressant, mais je n'ai pas prévu d'y aller (pas assez rare / trop
cher / j'aime pas les interprètes, etc.)
(( début de série
)) fin de série
AV place à vendre
? programme inconnu yy et ww sont des symboles personnels que
je n'ai pas enlevés (j'ai une place / je dois acheter une place)
Les lignes débutent soit par l'horaire, soit par un tiret, afin que
vous les repériez mieux. Le format texte rend l'ensemble moins immédiat
qu'un tableau, mais si vous regardez simplement les jours dont vous
avez besoin, c'est à mon sens encore plus pratique.
F. Le trajet
Vénus-Junon-la Terre
Comme je relève, dans l'immensité de l'offre,
essentiellement ce qui me plaît pour moi-même, je vous fournis aussi la
liste de salles dont je fais en général le tour (je ne puis le faire
pour toutes à chaque fois !) avant de publier l'agenda.
Institutions lyriques :
Opéra de Paris, Opéra-Comique, Châtelet, Athénée, Opéra Royal de
Versailles, Massy
Institutions symphoniques :
Philharmonie, Maison de la Radio, Théâtre des Champs-Élysées, Seine
Musicale, Gaveau, Invalides, Colonne, Wagram
Institutions chambristes :
Cortot, Fondation Singher-Polignac, Auditorium du Louvre, Musée
d'Orsay, La Scala Paris, Espace Bernanos, Espace Ararat (fermé pour 4
ans), Bal Blomet, Guimet (Les Pianissimes)
Conservatoires :
CNSM, CRR de Paris, PSPBB, CRR de Versailles, CRR de
Cergy, Conservatoires du XVIIIe, de Choisy-le-Roi, Pantin, Saint-Maur…
Salles qui programment quelques
opéras :
Bouffes du Nord, Marigny, BNF, Déjazet, Herblay,
Saint-Quentin-en-Yvelines
Théâtres qui programment un peu de
musique :
Théâtre Grévin, La Ferme du Buisson (Noisiel), Le Figuier Blanc
(Argenteuil)
Festivals (hors été) :
Philippe Maillard, Festival Marin Marais, Jeunes Talents (Archives
Nationales principalement), Concerts de la rue Bayard (fini), Forum
Voix Étouffées, Les Concerts de Poche, Inventio,
Les
Pianissimes (Guimet principalement), Baroque de Pontoise, Royaumont,
ProQuartet (Paris & 77)
Églises :
Église Américaine de Paris (chambre & vocal, souvent rare), The
Scots Kirk (chambre rare, fini), Saint-Merry (symphonique, chambre,
musiques du monde…), La Madeleine (concerts sacrés), Billettes,
Val-de-Grâce (concerts thématiques « patriotiques »)
Orgues :
Oratoire du Louvre (avec écran !), Saint-Eustache, La Trinité,
Saint-Louis de la Pitié-Salpêtrière, Temple de l'Étoile,
Saint-Pierre-de-Montmartre, Saint-Gervais-Saint-Protais, La Madeleine,
Saint-Sulpice, Saint-Roch, Saint-Antoine-des-Quinze-Vingts, Chapelle
Royale de Versailles, Houdan, Brunoy, Mantes-la-Jolie,
Orgue-en-France.org
Compagnies :
La Compagnie de L'Oiseleur, Les Frivolités Parisiennes, Orchestre de
Chambre de Paris, Il Festino, Ensemble Poséidon, Faenza, Les Épopées,
l'Orchestre d'Éric van Lauwe, Les Talens Lyriques, La Chanson
Perpétuelle, Les Monts du Reuil, Ensemble Athénaïs…
Artistes :
Dagmar Šašková, Jean-Sébastien Bou, Marc Mauillon, Gérard Théruel,
Claire-Élie Tenet, Sahy Ratianarinaivo, Kaëlig Boché, Trio Zeliha, Trio
Zadig, Trio Sora, Cuarteto Quiroga, Quatuor Tchalik, Quatuor Akilone,
Quatuor Hanson, Quatuor Arod, Le Consort, Patrick Cohën-Akenine, Sophie
de Bardonnèche, Héloïse Luzzati, Gary Hoffman, Célia Oneto-Bensaid…
Autres styles :
La Huchette (comédie musicale), Sunside (jazz), Duc des Lombards
(jazz), Quai Branly (musiques du monde)
Théâtre :
Comédie-Française, Odéon, Colline, Montansier, Gérard Philippe
(Saint-Denis), Les Amandiers, L'Usine, L'Apostrophe
(Rien qu'écrire la liste prend une heure… d'où la
nécessité pour moi d'alléger le processus et de n'effectuer qu'un
relevé sur un format rapide, du moins si vous voulez en profiter un peu
en amont.)
G. Tu dors, je rêve
éveillé
Pour ceux qui se demandent d'où proviennent ces titres – d'une de mes chansons
préférées. Suivez le lien.
Voici pour l'une des dernières notules industrieuses
de l'année, à l'heure où vous vous gobergez déjà – ne niez pas, on m'a
tout dit.
Profitez bien, protégez-vous, survivez, et revenez
au concert pour la seconde partie de saison. Nous serons là – si nous
avons survécu, ou si nous ne renonçons pas à revenir de notre province.
(Pseudo) portrait de Franchinus
Gaffurius (par Léonard), puis portraits de Claude Goudimel, Ercole
Bernabei,
Denis Gaultier, Heinrich Schütz, Georg Caspar Schürmann,
Antoine Forqueray, Johann Kuhnau, Jan Adam Reincken.
Lettre ouverte
Chers programmateurs,
Veuillez trouver ci-après une liste
sélective de quelques compositeurs que vous pourriezmettre en avant pour l'année à venir, en
profitant de leurs anniversaires de vie et de mort.
Ne vous privez surtout pas de piller toutes idées à votre gré dans
cette liste.
Éthique de l'anniversaire
Je commence tout de suite par me disculper : je ne suis pas favorable
au principe de l'anniversaire.
Dans l'idéal, on devrait jouer les œuvres qui valent par leurs qualités intrinsèques
ou qui entrent dans un dialogue cohérent avec d'autres, documentent des
périodes ou des genres… pas les choisir parce que leur compositeur est
né il y a deux cents ans (quel choix particulièrement arbitraire,
extra-musical, et sans aucune plus-value !), était noir, était femme –
dans ces deux cas, le volontarisme permet cependant d'exhumer des fonds
qui restent autrement négligés –, était cycliste du dimanche amoureux
des platanes ou champion régional
du point-de-croix.
L'autre réserve tient à une simple question statistique : le génie
n'est pas obligatoirement réparti de
façon égale
selon les dates. Cela signifie qu'on ne jouera peut-être pas tel
compositeur de grand talent parce qu'il est mort une année trop riche,
et qu'on jouera tel autre un peu moins intéressant parce que néà une
date moins faste…
J'avoue que cette pensée me gêne toujours assez fortement – me dire que
notre connaissance du répertoire est bridée ou déformée par des
contraintes externes que nous
nous imposons, sans grand lien avec la
musique elle-même.
Pour autant je ne suis pas tout à fait naïf : pour remplir des salles
et vendre des disques (ce qui, même hors de l'argument économique,
reste le but de tout concert : être entendu !), avec des compositeurs
moins célèbres, il faut bien raconter
quelque chose.
Idéalement, un véritable récit
(le concert des Lunaisiens hier proposait « comment la chanson a-t-elle
nourri la légende napoléonienne ? »), quelque chose qui ait rapport avec la musique, soit par sonprogramme (les représentations de
la nature et de l'industrie dans la musique, on pourrait jouer du Knecht, du Mariotte et du Meisel ; ou les contes de Perrault & Grimm ?),
soit concernant la musique elle-même –
je rêve d'un cycle de concerts épousant le principe d' « Une décennie, un disque », permettant un parcours
express de l'histoire de la musique dans un genre donné (le quatuor à
cordes viennois, la musique a
cappella russe, la tragédie en musique française ou que
sais-je…). J'avais fait quelques suggestions dans cette notule.
Même si ce n'est pas l'angle le plus intéressant (ni, assurément, le
plus inventif !), l'anniversaire
reste un outil qui fonctionne. Notre espèce semble sensible aux
symboles de la récursivité du temps, et les pratiques de fêtes à date
fixe, de décompte des ans, quel que soit le sujet, paraissent partagées
par la plupart des cultures et sur des sujets aussi différents que les
créations d'entreprise ou les batailles du temps jadis.
Aussi, je m'y glisse pour suggérer par ce truchement ●quelques idées d'écoutes● aux
mélomanes – et qui sait, ■quelques
idées de répertoire■ marketing
inclusaux
artistes. En vert les
compositeurs que je présente (je suis obligé de
faire des choix, il va sans dire !), en rouge ceux qui me paraissent
fortement indiqués pour cette année 2022. Les grandes salles ont
bouclé
leur saison 2022 depuis
fort longtemps, mais les petits ensembles itinérants ont peut-être
encore un peu d'espace pour glisser un peu de Goudimel, de Certon, de
Reincken ou de Perne.
L'an 2022
En relevant 250 noms à partir
des centenaires et cinquantenaires de naissance et de décès, je croise
quelques très grands noms très bien documentés (Schütz, Franck,
Scriabine, Ralph Vaughan Williams…), mais pas de superstar susceptible
de toucher le grand public comme
Bach-Vivaldi-Mozart-Beethoven-Chopin-Liszt-Brahms-Ravel.
Aussi, il est probable que tout le monde laisse un peu tomber l'idée de
l'anniversaire, celui-ci volant en général au secours de la victoire et
servant à programmer et vendre encore plus de symphonies de Beethoven
(et même pas de ses mélodies irlandaises, ni même de ses sonates avec
violoncelle…).
À moins que ces brigands ne tentent l'astuce de compter en quarts de
siècle, pour les 125 ans de la mort de Brahms, les 175 de celle
de Mendelssohn ou les 225 de la naissance de Schubert et Donizetti !
La voie étant donc à peu près libre, voici ma sélection (évidemment
très incomplète) de compositeurs dont on pourra fêter un anniversaire
en 100 ou 50. (Je commence bien sûr, chaque année, par les morts,
puisqu'ils sont plus âgés par définition que ceux qui y naissent.) Je
tâche de préciser un peu qui ils sont, quels disques écouter, quelles
œuvres programmer.
Quoi qu'il en soit, qu'on se rassure : à la Philharmonie de Paris on
fêtera bel et bien les 162 ans de la naissance de Gustav Mahler !
Mort en 1222
(800 ans du décès)
Heinrich von Morungen.
→ Auteur et compositeur de Minnelieder. Il sera un peu difficile de lui
rendre justice : si les textes subsistent partiellement dans le Codex
Manesse, toutes les mélodies ont été perdues. (Un objectif pour
musicologue / arrangeur / compositeur contemporain ?) Certes, sa
faible notoriété dans le grand public rendra le concept invendable,
mais fêter le plus vieil anniversaire de l'année, quel panache !
Mort en 1272
(750 ans du décès)
Jehan Bretel.
Gautier d'Épinal (1272 est en réalité la date à laquelle on sait qu'il
était déjà mort).
Mort en 1372
(650 ans du décès)
Lorenzo da Firenze (peut-être mort en 1373).
Né en 1372
(650 ans de la naissance)
Johannes Cuvelier (aussi connu sous le nom de Jacquemart le Cuvelier,
date de naissance approximative)
Mort en 1422
(600 ans du décès)
Henry V d'Angleterre.
Mort en 1522
(500 ans du décès)
Jean Mouton (ou Jehan
Mouton – Jean de Hollingue de son vrai nom).
→ Ami de Josquin, compositeur également de grandes pièces sacrées. Sa
renommée est telle qu'il est régulièrement cité par les auteurs du
temps – jusque dans le prologue du Quart
Livre de
Rabelais ! Il a pour lui une fluidité très particulière, un sens
de la consonance verticale en même temps que de la polyphonie qui le
rendent particulièrement marquant – à mon sens.
→ À ne pas confondre avec Charles Mouton, luthiste important du XVIIe
siècle.
● Fabuleux disque (motets et Messe Dictes
moy toutes voz pensées),
très organique, des Tallis Scholars (Gimell 2012), très loin de leurs
approches autrefois plus désincarnées – basses rugissantes,
contre-ténors caressants, entrées nettes, texte bien mis en valeur.
■ Comme pour Goudimel ci-après, plutôt destiné aux ensembles
spécialistes, qu'on aimerait beaucoup entendre s'emparer de ce
répertoire ! (Organum, Doulce Mémoire, Les Meslanges…)
Franchinus Gaffurius.
→ Compositeur, mais avant tout théoricien.
Mort en 1572
(450 ans du décès)
Claude Goudimel.
→ Grand compositeur dePsaumes
dans leur traduction française, à l'intention des Réformés. Dans une
langue musicale simple, plutôt homorythmique, très dépouillée et
poétique.
● Au disque, une version un peu fruste chez Naxos. La lecture de Corboz
en revanche, pour chœur de chambre assez fourni, a très bien résisté au
temps et permet de saisir les beautés de verbe et d'harmonie de la
chose. (Couplé avec sa messe,
très intéressante également.)
■ Au concert, un ensemble spécialiste pourrait coupler quelques Psaumes
(ou toute messe) avec du Janequin ou du Josquin plus couramment
programmés. (Mais même un chœur traditionnel pourrait très bien s'en
charger. Sans doute pas trop difficile à mettre en place, et très
immédiatement beau.)
Pierre Certon.
→ Auteur de chansons.
● Le disque de la Boston Camerata a un peu vieilli, mais permet de
bénéficier de l'une des rares monographies.
■ Plus difficile à intégrer dans des programmes hors ensemble
spécialiste qui ferait un programme de chansons Renaissance. Mais
l'occasion pour eux de le faire !
Robert Parsons.
Christopher Tye.
Francisco Leontaritis (grec).
Né en 1572
(450 ans de la naissance)
Robert Ballard II
(possiblement né en 1575).
→ De la dynastie qui des fameux éditeurs, Robert Ballard laisse une
œuvre considérable pour le luth – à la vérité, mon corpus préféré ! –,
remarquable par sa prégnance mélodique. Il faut dire que ses Suites contiennent surtout des airs
de ballets transcrits (chants des ballets des contre-faits d'amour, ou des Insencez, ou encore de M. le Daufin),
des courantes, des gaillardes, bransles de la cornemuse et bransles de
village, pièces moins formelles que ce qui prévaut à l'ère Louis XIV…
● Formidable disque de Richard Kolb chez Centaur, très éloquent, capté
de près sans réverbération parasite. Sélection de pièces de premier
choix.
■ On peut espérer que les luthistes s'empareront de cette occasion pour
diversifier leur répertoire !
Thomas Tomkins.
Melchior Borchgrevinck.
Johannes Vodnianus Campanus (dont c'est le double anniversaire, étant
mort en 1622 !).
Moritz von Hessen-Kassel.
Edward Johnson.
Erasmus Widmann.
Daniel Bacheler.
Martin Peerson (peut-être le même que Martin Pearson).
Girolamo Conversi (date approximative de naissance).
Mort en 1622
(400 ans du décès)
Alfonso Fontanelli.
Giovanni Paolo Cima.
William Leighton.
Scipione Stella.
Giovanni Battista Grillo.
Johannes Vodnianus Campanus.
Salvatore Sacco.
Né en 1622
(400 ans de la naissance)
Ercole Bernabei.
Gaspar de Verlit.
Alba Trissina.
Jacques Lacquemant (DuBuisson, date approximative).
Mort en 1672
(350 ans du décès)
Orazio Benevolo (ou Benevoli).
→ Fils de Robert Bénevot, pâtissier français installé à Rome, il
fréquente Saint-Louis-des-Français et finit par composer pour la
Cappella Giulia (pour les offices publics de Saint-Pierre, par
opposition à Cappella Sistina pour les offices privés du pape). Il
pratique couramment les motets et messes à multiples chœurs et
nombreuses voix réelles – l'un de ses Magnificat atteint ainsi 16 voix réparties dans quatre chœurs (qui étaient
spatialisés, manière de pimenter le chose). De même pour la Messe « Si
Deus pro nobis ».
→ Ce n'est pas nécessairement le compositeur polychoral que j'aime le
plus – Legrenzi, Beretta, Merula et plus tard D. Scarlatti ont produit
des œuvres plus immédiatements éloquentes et mélodiques –, mais ce
serait l'occasion de l'exhumer un peu. Ou de le panacher, comme avait
fait Daucé pour ses concerts et son disque autour des motets &
messes à quatrechœurs.
● Essentiellement trois disques monographiques à ma connaissance : les deux Niquet (Missa Azzolina, Dixit
Dominus et Magnificat chez Naxos
; puis Magnificat et la grande Missa « Si Deus pro nobis » chez Alpha),
le second étant mieux capté et plus organiquement exécuté, avec de très
belles voix de véritables solistes (Boudet, Wattiez, Marcq, Favier…).
Et un disque de Cappella Musicale di Santa Maria in Campitelli di Roma
dirigée par Vincenzo di Betta
(chez Tactus),
consacré à la Messe « In angustia pestilentiæ » (messe des tourments de
la peste !), intéressant dans son propos, mais un peu laborieusement
exécutée (voix pas toujours belles, captation pas très claire, rythmes
très rectilignes comme si l'on jouait de la musique du XVe…).
■ Pas évident à remonter vu les forces en présence, mais un peu de neuf
ne serait pas de refus. Pourquoi pas un petit programme sur les Messes
polychorales, à spatialiser à la Philharmonie ou dans une prestigieuse
église de l'hypercentre parisien ? À tisser avec d'autres
compositeurs plus fascinants (Legrenzi !), voire avec du contemporain
(ou du Nono…), il faudrait juste le vendre comme l'événement vocal
spatialisé du moment, chanté dans la pénombre, quelque chose qui fasse
ressortir l'expérience sensorielle (de fait saisissante).
Denis Gaultier.
→ Cousin parisien d'Ennemond Gaultier de Lyon (qui était souvent appelé
Vieux-Gaultier), il est lui aussi luthiste, et leurs partitions étaient
parfois publiées avec le seul nom de famille, ce qui a mené à bien des
confusions dans les attributions, même de leur vivant. Autant j'aime
beaucoup Ennemond (et ses contemporains Gallot, Dufaut, Ch. Mouton…),
autant je n'ai pas été très ému de ce que j'ai entendu de Denis.
● Très belle monographie de Hopkinson Smith, toujours engagé et
poétique, même si le matériau ne me convainc pas ici.
■
Aisé à inclure dans un récital de luth solo, à supposer qu'on en
fasse beaucoup, ou dans un intermède instrumental de concert baroque –
si toutefois les interprètes veulent bien condescendre à laisser de
côté Kapsberger, Piccinini et Bach… Pas du tout urgent à réentendre, à
mon sens, comme Robert Ballard II (ou les autres noms cités).
Jacques Champion de Chambonnières.
→ Grand représentant du style Louis XIII de la suite pour clavecin, en
quelque sorte le grand ancêtre de toutes les superstars
louisquartoziennes. Le style en reste un peu rigide et sévère.
→ Outre les danses auxquelles on est acoutumé (allemandes, courantes,
sarabandes, gigues), on y rencontre une gaillarde et deux pavanes
! Intéressant pour sa généalogie plus que pour sa musique – on
est souvent frappé de la pauvreté du langage de la musique
instrumentale du règne de Louis XIII.
● Kenneth Gilbert chez Orion a vieilli (et n'existe qu'en volumes
séparés, difficiles à trouver), je recommande donc le double disque de
Franz Silvestri, de très bonne facture et bien capté, chez Brilliant
Classics.
■ Pour débuter en douceur un récital de clavecin français, en le
replaçant dans sa généalogie ?
Heinrich Schütz.
→ L'un des quelques grands noms de cette année, mais comme les autres,
sans doute insuffisamment starisé pour remplir sans un peu d'effort les
salles de spectacle. Il est l'auteur du premier opéra en allemand, Dafne
(1627), perdu, comme à peu près tout son legs profane, hormis ses
madrigaux (très italianisants, mais plutôt dans le sens de la joliesse
un peu plate que de la richesse chromatique) et quelques airs.
→ De nombreux motets subsistent, ainsi que plusieurs Passion. Son style s'étend de la
monodie néo-grégorienne (Passion selon
Matthieu !) et la modalité post-Renaissance (où l'harmonie n'est que le
produit quasiment accidentel de la polyphonie) jusqu'à la rhétorique
baroque, certes encore polyphonique, mais davantage fondée sur la
progression verbale et harmonique.
● Dans l'immensité de son œuvre, entièrement (et plusieurs fois)
enregistrée, deux propositions.
●● Le Musikalische
Exequien,
son chef-d'œuvre à mon sens, suite de tuilages d'une densité admirable,
et d'une poésie intense, vraiment à cheval entre le monde de Lassus et
celui de Buxtehude (avec un aspect plus avenant que les deux, façon
Louis Le Prince plutôt que Frémart ou Formé…). Kuijken (chez Accent), en tout petit
comité, est une merveille absolue. Mais les American Bach Soloists, Rademann,
Akadêmia-Lasserre sont
remarquables, Vox Luminis, Laplénie, Corboz, l'Asfelder Vocal Ensemble
(Naxos) s'écoutent très bien. Herreweghe et The Sixteen m'ont déçu à la
réécoute, une certaine mollesse tout de même par rapport à la tenue de
la concurrence !
●● Côté Passion, je suis surtout familier de celle
selon Matthieu, enregistrée
avec des options très diverses (j'ai dû à peu près toutes les écouter).
L'Ars Nova Copenhagen
(København) chez Da Capo est la plus finement pensée et réalisée, au
cordeau, pleine de vérité verbale et d'atmosphères. Celle de l'Opéra de Stuttgart
(Kurz), parue chez divers labels économiques (Classica Licorne, Bella
Musica…) offre un Évangéliste assez extraordinaire de moelleux et de
présence, dans une acoustique sèche très troublante, comme extirpé de
l'atmosphère terrestre.
■ On ne fera pas venir les foules avec un programme tout Schütz,
musique assez exigeante – bien que la Philharmonie ait déjà proposé un
programme scénique autour de
Lassus, assez bien rempli d'ailleurs ! –, mais la demi-heure de l'Exequien ferait du bien auprès de
motets de Bach, par exemple. Même les ensembles amateurs pourraient
oser des choses. (Et les Passion,
très nues, pourraient quasiment être programmées par les paroisses avec
les moyens du bord.)
Nicolaus Hasse (pas le compositeur de seria
!).
Né en 1672
(350 ans de la naissance)
Georg Caspar Schürmann (ou 1673).
→ Compositeur de Basse-Saxe et de Thuringe, auteur de plusieurs opéras
en langue allemande et de quantité de musique sacrée.
● On trouve Die getreue Alceste chez
CPO, du seria écrit
comme de la cantate sacrée à l'allemande, augmentée de quelques chœurs
dans le style français. J'aime bien davantage ses cantates (par les
Bremen Weser-Renaissance, chez CPO à nouveau), dans une esthétique
proche de Bach, et surtout sa Suite
tirée de l'opéra Ludovicus Piùs,
écrite dans un goût haendelien, mais avec une charpente musicale encore
plus ambitieuse, pour un résultat assez jubilatoire et très nourrissant
(Akademie für alte Musik Berlin chez Harmonia Mundi) !
■ Encore beaucoup de choses à découvrir, mais les ensembles baroques
pourraient au moins glisser une petite cantate dans leurs programmes
Bach : ça ne ferait pas un contraste très violent, et permettrait de
voir un peu ailleurs. (J'aime davantage que la plupart des cantates de
Bach, pour ma part, mais je ne dois certainement pas servir de
mètre-étalon en la matière !)
Antoine Forqueray.
→ Grand gambiste de son temps, considéré par Daquin comme l'égal de
Marais. Son œuvre nous est parvenue par une double publication de son
fils : comme pièces de violes et comme transcriptions pour clavecin –
possiblement avec des ajouts voire quelques compositions de sa main.
→ Sa vie (et celle de sa famille) fut assez animée :
sa femme, claveciniste, avait porté plainte à de multiples reprises
pour violences conjugales, et lancé une procédure pour vivre hors du
domicile, tandis que lui finit par l'accuser publiquement d'adultère…
et par faire emprisonner leur fils à la prison de Bicêtre – qui en est
libéré faute de fondement à la requête paternelle. Bref, un autre sale
type qui compose, on a l'habitude – coucou Jean-Baptiste, coucou
Richard.
● Grand classique, on croule sous les propositions des meilleurs
interprètes.
●● À la viole de gambe, Vittorio Ghielmi
chez Passacaille (très français,
très engagé), Pandolfo & Friends chez Glossa (intégrale ; grande
variété de textures et de couleurs), Ben-David & Baucher chez Alpha
(très enrichi, sans aucune lourdeur, un véritable sens stylsitique,
couplé avec du Couperin très réussi), Lucile Boulanger…
[Duftschmidt est un cran en-dessous, et Mattila (chez Alba) assez
sec, je n'ai pas trop aimé.]
●● Au clavecin, Le Gaillard
(superbe équilibre, altier, chantant et
âpre, mais publié chez Mandala et donc introuvable), Rannou (captée de
trop près, très orné et un peu arrangé, toujours d'une invraisemblable
richesse), Borgstede chez Brilliant (riche son comme toujours, un peu
régulier peut-être), Leonhardt, Beauséjour chez Naxos, Taylor chez
Alpha…
■ Une mission pour le Festival Marin Marais et quelques concerts
Philippe Maillard ? Ou d'ensembles chambristes épars, d'ailleurs.
Francesco Mancini.
Mort en 1722
(300 ans du décès)
Johann Kuhnau.
→ Romancier, traducteur, juriste, théoricien de la musique et surtout
compositeur, Kuhnau fut formé à Dresde puis à Leipzig, où il occupe le
poste de Thomaskantor comme prédécesseur de Bach. Musique sacrée
évidemment, mais aussi musique pour les claviers, et même des opéras –
hélas je ne sache pas qu'aucun d'entre eux ait jamais été capté.
→ Ses cantates sont écrites
dans le goût du temps, avec un véritable savoir-faire, et des sonorités
parfois plus archaïsantes, mêlant un peu de Monteverdi (l'harmonie) et
Purcell (le type de virtuosité vocale) à ses autres aspects davantage
Buxtehude et Haendel.On y rencontre aussi de très beaux ensembles dans
le goût de Steffani et Pfleger.
→ Son bijou le plus singulier réside dans ses étonnantes Sonates bibliques,
qui évoquent à l'orgue seul, en
plusieurs mouvements comme une cantate,
des épisodes épiques de l'Ancien Testament : « Combat de David &
Goliath », « Saül mélancolique et apaisé par le truchement de la
Musique », « Ézéchias agonisant et revenu à la santé », « La tombe de
Jacob »… Épisodes très animés, mélodiques et débordant de vie – ces
longues réjouissances à la fin de la sonate de David !
● Il existe une intégrale des œuvres sacrées chantées chez CPO (Opella
Musica & Camerata Lipsiensis, avec des couleurs particulièrement
douces et chaudes) et une intégrale de l'orgue chez Brilliant Classics
(Stefano Molardi, sur un bel orgue bien capté et très bien registré).
Jan Adam Reincken (ou Johann) (ou Reinken).
→ Clavériste et gambiste, cofondateur de l'Opéra de Hambourg (petite
enclave où l'on jouait non seulement de l'opéra allemand, mais même
multilingue !), c'est un grand représentant du stylus phantasticus
en vogue au Nord de l'Allemagne – même si, à l'écoute de l'auditeur
d'aujourd'hui, on est surtout frappé par la concentration formelle et
harmonique de ses œuvres, où l'abstraction et l'exigence l'emportent
plutôt sur les traits virtuoses ou figuratifs (qui ne sont certes pas
absents de son œuvre).
→ En 1705, Bach fait le voyage à Hambourg pour l'entendre, et manifeste
son admiration ; il est considéré comme l'une de ses influences
importantes.
● Si vous le trouvez, le disque de Clément Geoffroy (chez L'Encelade)
est une merveille d'intelligence discursive. À défaut, on trouve
facilement l'intégrale de Simone Stella (clavecin et orgue, en séparé
chez OnClassical puis réédité en coffret chez Brilliant Classics)). Je
n'ai écouté que la partie clavecin, sur un instrument pas très beau et
capté d'un peu trop près. Autre œuvre importante : Hortus musicus, des sonates pour 2
violons, viole de gambe et clavecin qui se trouve en diverses versions.
■ Là aussi, assez aisé pour les solistes (ou les chambristes baroques)
d'en glisser un peu lors d'un concert. La densité et le caractère peu
souriant de l'ensemble ne plaident pas nécessairement pour un concert
tout-Reincken (j'ai déjà testé, le fonds est suffisamment varié pour
s'y prêter très bien), mais en panachant avec du Bach à la sauce phantastica, l'astuce est toute
trouvée.
Francesc Guerau (ou 1717).
Ruggiero Fedeli.
Jean-Conrad Baustetter.
Maria Frances Parke.
… le temps passé à rédiger les notices étant assez considérable… je
vous donne donc rendez-vous pour la suite de la liste, jusqu'en 1972,
pour les prochaines livraisons, que je tâche de réaliser au plus tôt !
Le temps aussi pour vous, studieux lecteurs, de commencer à écluser les
univers qui se déversent incontinent sur vous.
Nous ferons ensuite, si vous le voulez bien, un petit bilan de la
moisson – ce que ça révèle (aléatoirement, comme soulevé précédemment…)
des pans enfouis de l'histoire de la musique, et ce qu'on peut
peut-être en tirer pour une programmation 2022.
À très bientôt, estimés lecteurs. Puissiez-vous, dans l'intervalle,
survivre aux frimas, aux covidages nouveaux et aux remugles vichyssois
fantaisistes. Le slalom, c'est la santé.
Seconde livraison
Effigies de Messieurs Benda, Mondonville, Daquin,
Cartellieri, Triebensee, Louis Ferdinand de Prusse.
Né en 1722
(300 ans de la naissance)
Jiří Antonín Benda.
→
Au service de Frédéric le Grand (de Prusse) puis du duc de Saxe-Gotha,
Benda (souvent indiqué Georg) a écrit, comme ses contemporains, des
sonates pour violon, pour flûte, pour clavecin, des symphonies (une
trentaine) et des concertos classiques (11 pour violon, et même 1 pour
alto dont l'attribution semble moins certaine).
→ Cependant sa notoriété provient de ses mélodrames (Ariadne auf Naxos, Medea, Pygmalion)
– au sens musical : du texte déclamé (parlé) accompagné de musique.
Pouvant durer jusqu'à 50 minutes (pour Médée),
ce sont de véritables scènes théâtrales très riches, avec un
accompagnement qui épouse au plus près l'action sans se découper en
numéros obligés comme à l'opéra.
● Selon les goûts, on peut choisir la déclamation très actuelle, un peu
criée, dans le récent disque Bosch, ou privilégier (c'est mon cas) la
déclamation plus élevée et consonante, plus équiibrée aussi, dans les
deux volumes de Christian Benda
(avec l'Orchestre de Chambre de Prague) chez Naxos.
■ Ce serait évidemment à représenter en traduction… ce qui ne pose pas
du tout les mêmes problèmes de rythme que pour l'opéra, celui-ci étant
laissé à l'appréciation de l'interprète ! Il suffit de traduire
par des phrases environ de la même amplitude, et le tour est joué
! Je rêve d'un couplage entre Ariane
ou Médée d'une part,
la Cassandre de Jarrell
d'autre part.
Johann Ernst Bach II.
(1722–1777)
→ Élève de Johann Sebastian Bach à Leipzig (il était le fils d'un
cousin au second degré de Bach, compositeur égcalement), il ne doit pas
être confondu avec Johann Ernst Bach I (1683-1739), qui était le fils
du frère jumeau (compositeur toujours) du père (qui, comme vous le
savez, composait) de Jean-Sébastien.
→ Dans son catalogue, de la musique sacrée (cantates, oratorios, pour
partie perdus) et des sonates pour clavier, d'un style encore baroque,
et même assez proche, je trouve, de la génération précédente, pas du
tout de l'oratorio marqué par le seria
en tout cas. J'en trouve la prosodie vraiment belle.
● Il existe très peu de disques où il est présent sur plus d'une piste.
●● Quoiqu'il n'y ait que deux pièces
disponibles sur le disque (consacré à la famille Bach pour orgue, par
Stefano Molardi chez Brilliant Classics, sur un orgue doux, très bien
capté et très bien registré), ce que j'ai trouvé de plus intéressant
chez lui sont ses Fantaisie
& Fugue, très marquées par le modèle de J.-S. : on entend
dans celle en fa majeur l'empreinte directe des traits et harmonies de
la Toccata & Fugue en
ré mineur, avec une couleur globalement plus lumineuse (pas seulement
liée à la tonalité majeure, c'est encore plus flagrant pour la Fantaisie & Fugue
en ré mineur), et un goût pour les épisodes opposés et discontinus
(comme dans les Fantaisies de Mozart, si l'on veut, quoique le style
n'ait évidemment rien en commun) – j'ai pensé à Bruckner quelquefois,
cette opposition soudaine entre le monumental écrasant et l'apaisé
presque galant. Vraiment des pièces intéressantes, très riches, surtout
les Fantaisies – les fugues ressemblent à son professeur en plus
appliqué et moins surprenant.
●● L'Oratorio de la Passion
(1764) gravé par Hermann Max (chez
Capriccio) permet de profiter sur la longueur de ses talents de
compositeur, dans un très bel environnement vocal de surcroît (Schlick,
Prégardien, Varcoe…).
■ Programmable dans un de ces concerts « famille Bach » évidemment.
Quant à le marketer sur son anniversaire propre, je ne suis pas sûr que
je m'y risquerais (remplissage) ! Mais pourquoi pas, dans un
concert 50/50 avec son prof Jean-Séb' !
Lucile Grétry.
→ Seconde fille du compositeur et de sa femme peintre, Lucile exerce à
la cour de Marie-Antoinette et écrit même de petites actions « mêlées
d'ariettes » (Le mariage d'Antonio
; Toinette et Louis – lequel
est perdu, texte et musique).
● Je n'ai pu mettre la main sur aucun disque comportant au moins une
piste de sa main.
Sebastián Ramón de Albero y Añaños.
Pierto Nardini.
John Garth.
Mort en 1772
(250 ans du décès)
Jean-Joseph Cassanéa de Mondonville.
→ Représentant majeur du grand motet
à la mode Louis XV
(17 écrits, 9 conservés, désormais tous enregistrés), particulièrement
admiré pour son écriture très élancée et son sens du figuralisme. Les
cataractes vocales et orchestrales d' « Elevaverunt flumina » dans Dominus regnavit,
la marche liminaire d'In exitu Israel,
la plénitude de l'immobilité gorgée de soleil d' « In sole posuit
tabernaculum suum » dans Cœli enarrant gloriam
Dei… Probablement les motets les plus marquants de toute la
période post-Louis XIV.
→ Aussi l'auteur d'opéras de types pastoraux (2 pastorales héroïques, 2
ballets héroïques, 1 pastorale languedocienne…) que je ne trouve, pour
les trois déjà enregistrés (Isbé,
Titon & L'Aurore, Les Feſtes de Paphos),
pas très exaltantes (sur des livrets d'une vacuité spectaculaire, de
surcroît), et d'une tragédie en musique qui n'a jamais été remontée (Thésée,
1765). Et de musique instrumentale (pour clavier, de chambre…), que je
ne trouve pas très saillante non plus, mais qui est bien documentée.
● En priorité, donc, les trois motets mentionnés, dans deux disques
extraordinairement interprétés : la netteté du trait chez Christie pour
Dominus regnavit et In exitu Israel, la poésie des
couleurs chez Coin pour Cœli
enarrant gloriam Dei, les deux pourvus des meilleurs solistes
possibles (Correas dans « In sole posuit » !).
■ Se couple facilement avec d'autres motets, ou au sein d'une
thématique (Babylone avec Dominus
regnavit ? fuite d'Égype avec In exitu Israel
?). Facile à présenter au public en plus, en mettant en avant l'aspect
immédiatement figuratif de l'écriture : parcours du peuple d'Israël,
description des flots déchaînés, ce devrait parler. Et l'on peut
s'appuyer sur des disques de haute réputation (le Christie est
extrêmement apprécié des amateurs de baroque français, et au delà).
Louis-Claude Daquin.
→ Élève de Louis Marchand, filleul d'Élisabeth-Claude Jacquet de La
Guerre, titulaire de Saint-Paul-Saint-Louis à Paris (alors qu'il était
en concurrence avec Rameau), successeur de Dandrieu à la Chapelle
Royale… Daquin est une figure majeure
des claviers français du XVIIIe siècle.
→→ Il a ainsi livré un Premier Livre de Pièces de clavecin
(qui contient le fameux Coucou,
quelquefois exécuté en bis par les pianistes d'antan…) et son Nouveau Livre de noëls,
qui présente 12 thèmes et variations sur les noëls traditionnels (« À
la venue de Noël », « Qu'Adam fut un pauvre homme », etc.).
→→ Il existe aussi deux messes, un Te Deum, des Leçons de Ténèbres, un
Miserere et une cantate, parmi les œuvres qui nous sont parvenues (un
certain nombre, pour la voix ou les instruments, étaient attestées mais
perdues). Je n'ai jamais vu de disques ni entendu parler d'exécution,
c'est étonnant.
● Je connais mal son clavecin, dans un genre décoratif (Louis XV) qui
n'a pas trop ma faveur. En revanche, pour la part la plus célèbre de
son legs, à savoir les noëls,
je vous recommande très vivement Adriano
Falcioni (Brilliant Classics 2017) qui a l'avantage de jouer
sur les flûtes et anches très françaises,
particulièrement nasillardes et typées, d'un orgue de la bonne époque
(Saint-Guilhem-le-Désert), remarquablement registré, et de façon assez
variée selon les pièces. Un délice à recommander à tous ceux qui
n'aiment pas l'orgue monumental qui joue des choses abstraites et fait
du bruit, façon Bach, Franck ou Widor.
■ Je suis sûr que les organistes en glissent déjà à Noël. Mais avec sa
notoriété, n'y aurait-il pas l'occasion, pour le CMBV ou les ensembles
baroques, d'exhumer ses œuvres vocales sacrées ? Il y aurait un
petit bonus de remplissage grâce au public qui a connu l'époque où le Coucou et ces noëls figuraient
parmi les classiques favoris.
Pierre-Claude Foucquet.
→ Une des pièces d'Armand-Louis Couperin porte son nom. Je n'ai pu
trouver aucune piste musicale incluant sa musique.
Francesco Barsanti.
Johann Peter Kellner.
Georg Reutter le Jeune.
Né en 1772
(250 ans de la naissance)
Antonio Casimir Cartellieri.
→ Né à Gdańsk de parents chanteurs (une mère lettonne de langue
allemande, un père italien comme vous le voyez), Cartellieri étudie à
Vienne (avec Albrechtsberger et peut-être Salieri), exerce en Pologne
et en Bohême (auprès du prince Lobkowicz) – il connaissait bien
Beethoven, personnellement et artistiquement : il fut le chef à la première du Triple Concerto et de la Troisième Symphonie !
→→ Cartellieri est à mon sens un
musicien majeur de son temps. Ses 3
concertos pour clarinette (plus un double !) sont possiblement
les meilleurs de la période classique et romantique,
très virtuoses mais surtout d'une générosité mélodique – et même d'un
sens dramatique – qui n'ont que peu d'exemple. Et plus encore,
l'intensité des affects de sa tempêtueuse Première Symphonie doit absolument
être vécue !
● Au disque, on a désormais un peu de choix :
●● de superbes divertimenti pour vents, quatuors
clarinette-cordes et sextuors à vent (par le merveilleux Consortium
Classicum, chez CPO et chez MDG). Les Quatuors
avec clarinette sont d'une délicatesse poétique absolument
merveilleuse ;
●● deux oratorios : l'un sur la Nativité (La celebre Natività del Redentore)
où l'on sent aussi bien passer Mozart que Méhul et Rossini (Spering
chez Capriccio), l'autre plus opératique (Gioas, re di Giuda,
Gernot Schmalfuss chez MDG… avec Thomas Quasthoff !) dans un style
classique augmenté de tournures plus dramatiques issues plus gluckistes
/ beethoviennes, sur un livret de Metastasio (qui contient notamment la
version en contexte de « Io tremo » / « Ah, l'aria d'intorno », l'air dramatique italien plus tard mis en
musique par Schubert,
auquel une notule avait été consacrée – la version de Cartellieri
évoque beaucoup le duo Anna-Ottavio sur le corps du Commandeur) ;
●● et surtout les œuvres dont je parlais précédemment : les concertos pour clarinette
répartis sur deux volumes chez MDG (captés avec beaucoup de naturel
comme toujours), magnifiés par la merveilleuse rondeur du démiurge
Dieter Klöcker, à mon sens l'un des meilleurs clarinettistes de tous
les temps
●● et surtout et les 4 symphonies par l'Evergreen
Orchestra et Gernot Schmalfuss (CPO), écoutez absolument la Première.
■ Les Quatuors avec clarinette
composeraient un couplage très naturel et convaincant avec le Quintette
clarinette-cordes de Mozart (mais si vous voulez plutôt le coupler avec
ceux de Neukomm, Hoffmeister, Baermann ou Reger, je vous autorise à ne
pas jouer les Cartellieri tout de suite),
■ Les concertos pour clarinette
et plus encore la Première Symphonie
feraient un triomphe en salle : ils sont immédiatement accessibles et
jubilatoires, en plus d'être en réalité remarquablement écrits. Un
concert qui vendrait « le chef qui a créé l'Héroïque était aussi un
compositeur de génie » pourrait probablement fonctionner, quitte à
jouer l'Héroïque en seconde partie pour assurer « le dialogue entre les
œuvres » (en réalité le remplissage, mais c'est tout à fait légitime).
■■ Il existe aussi d'autres concertos
qui
n'ont pas été rejoués à ma connaissance et dont les nomenclatures font
saliver : flûte, cor, basson, 2 flûtes, hautbois-basson (!),
hautbois-basson-cor ! Quelle fête ce pourrait être !
Josef Triebensee.
→ Passé à la postérité pour ses arrangements des opéras de Mozart en
octuor à vent – particulièrement Don
Giovanni et quelquefois la Clémence
de Titus, les arrangements des Noces
et le plus souvent de la Clemenza
étant le plus souvent dûs à son contemporain Johann Went ; pour Così,
c'est en général le toujours très en vie Andreas Tarkmann, génie de
l'arrangement, qui est choisi. Il a également composé ses propres
œuvres pour ce même ensemble de huit souffleurs : 2 hautbois, 2
clarinette, 2 bassons, 2 cors. (Et également arrangé Médée de Cherubini ou la Symphonie
n°92 « Oxford » de Haydn.)
→ Conception assez traditionnelle de l'arrangement, où des instruments
tiennent le rôle des solistes (hautbois, dont il jouait, pour « Deh se
piacer mi vuoi »,
clarinette pour « Vengo, aspettate », basson pour « Là ci darem la mano
», « Deh vieni alla finestra », « Del più sublime soglio » ou « Parto,
ma tu ben mio », cor pour « Ah, se fosse intorno al trono »),
respectant de près les accompagnements écrits par Mozart, dans un
résultat de sérénade lyrique très harmonieuse. Pas aussi inventif et
ravivé que Tarkmann, mais toujours très réussi.
● Beaucoup de choix parmi les disques. J'en cite quelques-uns.
●● Pour le maximum de typicité, il faut
écouter l'Oslo Kammerakademi
dans La Clemenza di Tito
(chez LAWO), saveur incroyable des timbres (ce cor phénoménal) et
vivacité éloquente du théâtre. Le disque de l'Ensemble à vent du
Philharmonique de Berlin reste assez indolent (et plutôt terne de
timbres, étrangement), je ne vous le recommande pas.…
●● Le disque du Linos Ensemble pour
Don Giovanni
(Capriccio) permet d'entendre une très large sélection, couplée de
surcroît avec le final du II virtuosement rendu par l'arrangeur du XXe
siècle Andreas Tarkmann. L'Octuor à vent de Zürich, autre sélection
très large pour un joli disque un peu plus sèchement capté chez Tudor,
utilise la fin écrite par Triebensee, beaucoup plus concise : elle
relie « Già la mensa è preparata » à « Quest'è il fin di chi fa mal »,
et boucle le tout en trois minutes !
●● L'Octuor à vent Amphion a
aussi bien enregistré des extraits de
Médée que les compositions de Triebensee, évidemment un peu moins
jubilatoires que les arrangements de Mozart.
■ Les orchestres qui ont la tradition d'extraire des solistes pour des
soirées de chambre (soit à peu près tous les orchestres parisiens de
premier plan : Opéra, Philharmonique, National, Chambre, Orchestre de
Paris…) pourraient tout à fait programmer sans grand risque les
arrangements de l'ami Triebensee, avec l'argument Mozart. C'est un
voyage absolument délectable, une façon différente de réinvestir ces
musiques très bien connues, et une démarche respectueuse, en fin de
compte, des traditions d'époque.
François-Louis Perne
(1772–1832).
→
D'abord choriste (1792) et contrebassiste (1799) à l'Opéra de Paris,
Perne est de 1816 à 1822 directeur du Conservatoire de Paris («
inspecteur général des Études de l'École royale de musique et de
déclamation »), prédécesseur immédiat de Cherubini.
→→ Il a avant tout été un chercheur et
essayiste, fasciné par la musique antique et le grégorien, réalisant un
certain nombre d'éditions de textes théoriques anciens (sur le rythme
antique, sur le rebec…), récrivant Iphigénie
en Tauride de
Gluck en notation grecque, s'intéressant aux liens entre la musique,
les autres arts, la société… Outre son travail d'éditeur, la majorité
de ses articles ont été publiées dans le périodique de Fétis, la Revue et gazette musicale de Paris.
→ Il n'est pas certain qu'il ait beaucoup produit, et la musique qu'il
laisse est surtout formelle, très marquée par les formats anciens
(fugue, canon…). Ses trois messes sont écrites dans un contrepoint
archaïsant, témoin de la vogue pour le retour au plain-chant grégorien
et à Palestrina dans les premières décennies du XIXe siècle. Avec toutes les controverses afférentes.
● Je n'ai pu mettre la main que sur trois
pistes réparties sur deux disques, le Kyrie de la Messe des solennels mineurs
chez Aparté (programme passionnant de l'ensemble Gilles Binchois
consacré à ce renouveau XIXe du plain-chant, à faux-bourdon), et
Sanctus & Agnus Dei non crédités en complément du disque Boëly de
Ménissier dans la collection « Tempéraments » de Radio-France. On y
entend pour l'un la simplicité archaïsante, pour l'autre la maîtrise
contrapuntique de cette écriture. Rien de particulièrement saillant en
soi, mais la démarche me paraît tout à fait fascinante, un écho à l'épopée de Félix Danjou – le disque de
Ménissier est d'ailleurs le seul à ma connaissance où l'on puisse aussi
entendre sa musique !
■ Je doute que l'on puisse faire entendre ce type de programme et
fédérer un public nombreux (Niquet a bien joué ce type de pièces rétro,
mais c'était avec des noms comme Gounod et Saint-Saëns !)… à moins d'en
faire un concert narratif « Les Aventuriens du grégorien perdu », « La
bataille de Paris » ou « Quand les femmes furent bannies des églises ».
Ce serait assez réjouissant à entendre narrer. (S'il faut quelqu'un
pour écrire le texte à titre gracieux, je suis là.)
Prince Louis Ferdinand de Prusse.
→ Neveu de Frédéric le Grand, il est avant tout soldat (et meurt au
front), mais aussi un pianiste
considéré de grande valeur. C'est pour lui que Rejcha écrit son
monumental L'Art de varier,
très vaste cycle (il se trouve au disque, mais je ne trouve vraiment
pas que ce soit le sommet de l'art du compositeur… je vous
recommanderais plutôt le Quatuor
scientifique, pensé dans une démarche toute différente) ; c'est
aussi le dédicataire du Troisième
Concerto de Beethoven !
● On trouve au disque de la musique de chambre (octuor, trios
piano-cordes, quatuor avec piano…) et des rondos pour piano et
orchestre : autour de Horst Göbel (et son trio) chez Thorofon (trois
volumes), du Trio parnassus pour SWR Music (parution uniquement en
dématérialisé) et le Valentin piano Quartet chez Musicaphon. L'Octuor
se défend joliment, mais quelle que soit l'œuvre, on demeure dans la
convention du temps ; non pas que ce soit plat, mais on y rencontre
assez peu de surprise et d'éclat, pas de thèmes très marquants non
plus.
■ Pourquoi pas oser un concert consacré aux têtes couronnées
compositrices… mais, à la vérité, j'aimerais mieux qu'on programme
d'abord de la grande musique oubliée.
Johann Wilhelm Wilms (1772–1847).
Thomas Byström.
Maria Frances Parke (1772–1822). Comme Campanus, c'est aussi son double
anniversaire cette année !
Voici pour cette livraison… Vous voyez combien non seulement on trouve
énormément de choses au disque, même de ces figures semi-obscures ;
mais de surcroît combien il ne serait pas si malcommode de glisser un
petit Cartellieri, ou de bien remplir avec Mondonville ou les
arrangements de Triebensee (petit format qui coûte moins cher de
surcroît). Messieurs les programmateurs, il ne tient qu'à vous de nous
égayer – et de nous éveiller au vaste monde au delà de l'horizon,
certes pourvu des plus belles montagnes, du démiurge Beethoven.
Je ne m'attarde pas ici. Quelques très grandes figures, célèbres ou
vraiment plus du tout au répertoire, nous attendent pour la prochaine
livraison – la septième va vous
étonner !
1822 – Dupuy, Davaux, Hoffmann… :
la perte des Reines du Nord, l'inventeur véritable du métronome,
l'auteur de génie qui compose…
Troisième livraison
Nos héros morts ou nés en cette année 2022 :
Dupuy au centre, puis de haut en bas Raff, Davaux, Hoffmann, Franck.
[[]]
Premier mouvement du Concerto pour basson en ut mineur d'Édouard
Dupuy.
Sambeek, Chambre de Suède, Ogrintchouk (BIS 2019).
(Pour la démarche et la légende, vous pouvez vous reporter à lapremière partie(au bas de la quelle
j'ai également servi cette nouvelle fournée de gourmandises.)
Mort en 1822
(200 ans du décès)
1822 Édouard Dupuy
(1770–1822) (ou du Puy, ou Du Puy…)
→ Quel gaillard que ce Dupuy ! Il naît en Romandie, canton de Neuchâtel, élevé par un
oncle musicien. De là, accrochez-vous : il part à Paris
étudier le piano avec Dussek et le violon avec Chabran. Il est aussi un
excellent chanteur, se produisant sur scène en Don Giovanni, un baryton
assez léger pouvant tout de même tenir au besoin les rôles de ténor et
de basse, voire chanter des parties en falsetto !
→
→ Il rencontre le frère de Frédéric de Prusse
et c'est le début d'un tour d'Europe : le voilà musicien, puis chanteur
au service de la chapelle du Prince. Mais il séduit, après les
actrices, trop de dames de l'aristocratie – et il se présente à
l'office du dimanche sans descendre de monture (non, je ne
parle pas des duchesses, tenez-vous enfin !) –, si bien qu'il
est expulsé du pays.
→ → Qu'à cela ne tienne, tournées
en Pologne, en Allemagne, et notre bougre
devient violoniste à l'orchestre de la Cour royale de Suède
; il y rencontre aussi un vif succès en chantant dans les opéras
comiques traduits de Grétry et Gaveaux, alors très en vogue dans le
pays – son accent français étant considéré comme un atout
supplémentaire. Mais il fréquente de trop près (i.e. soulève)
Sophie Hagman, la maîtresse royale officielle du prince Frederick
Adolf, et chante des airs à la gloire du Premier Consul, assez peu
goûtés en monarchie. Bannissement.
→ → Il faut bien se contenter du Danemark (où il se marie,
mais qui s'en soucie ?), où il atteint la gloire à de multiples titres
: succès retentissant pour son Ungdom
og Galskab (« Jeunesse et folie »), opéra comique appuyé sur un
livret de Bouilly pour Méhul ; triomphe dans le rôle-titre de Don Giovanni
; coqueluche des cercles mondains (ayant ses propres réceptions) ;
carrière d'officier militaire dans les Chasseurs Danois, où il mène une
résistance admirée face aux Anglais en 1807 ; enfin le dernier titre de
notoriété, celui que vous attendiez, il est pris en flagrant délit de
gros bisous avec la princesse héritière Charlotte Frederikke qui avait
sollicité ses leçons de chant !
→ → Mais entre temps… le prince
suédois est renversé et remplacé par Bernadotte, Dupuy peut retourner
en Suède comme rien
de moins que chef (sévère) de l'orchestre de la
Cour. On pense même qu'il enseigna au jeune Berwald.
● Peu de choses au disque, mais beaucoup de marquantes. Voici par quoi
commencer :
●● Le Concerto pour basson en ut
mineur, retrouvé par Bram van Sambeek – l'histoire de sa
résurrection est saisissante : le bassonniste avait demandé une copie
du Quintette (basson & quatuor à cordes) en la mineur, qui existe
aussi sous forme de concerto – ce quintette est sa seule œuvre un peu
jouée et enregistrée avec le Concerto pour flûte n°1 et l'Ouverture d'Ungdom og Galskab. Il avait reçu
par erreur ce concerto dont il ignorait l'existence ! L'univers
sonore en est très dramatique (certaines mélodies sont peut-être
empruntées à des opéras), on sent l'influence du drame d'école
cherubinienne dans ses tournures à l'éclat farouche et sombre. Le thème
B du premier mouvement est absolument ineffable, et son introduction
très originale : le thème A est joué seulement à l'orchestre, pendant
près de deux minutes, et le basson fait son entrée sur ce véritable
thème B… mais caché sous la clarinette qui chante la ligne supérieure
du thème ! Possiblement un clin d'œil du compositeur, puisque le
beau-frère du commanditaire était Crusell, le grand clarinettiste de
ces années, qui officiait dans lui aussi dans l'Orchestre de la Cour de
Suède… leur entrée était ainsi commune. Cette liberté formelle et ce
sent du contraste m'évoque beaucoup le premier mouvement du Concerto
l'Empereur de Beethoven, pour rester dans les menus compliments…
Splendide disque disponible chez BIS, parution de 2019 ou 2020, et l'un
de ceux que j'ai le plus écoutés cette année toutes catégories
confondues…
●● Son opéra comique à succès Ungdom og Galskab(d'après un livret pour Méhul par
Bouilly, l'auteur de Léonore
qui a servi à Gaveaux puis Beethoven) a été remarquablement enregistré
chez Dacapo (la branche danoise de Naxos, très richement pourvue en
raretés de qualité exceptionnelles, de Kunzen à Ruders en passant par
Hamerik), avec notamment les superstars vocales et artistes de premier
plan Elming, Cold et Schønwandt ! En bonus, le Concerto pour
flûte n°1, lui aussi assez dramatique, qui reprend des tèmes de
l'opéra.
■ Je peux comprendre que l'on ne représente pas d'opéras en danois (et
je ne vais pas revenir dans cette notule sur l'intérêt majeur dans ce
cas d'une version traduite…), mais les concertos remporteraient un vif
succès auprès du public.
On pourrait imaginer, au choix :
■■ Une soirée « Dupuy le séducteur » avec un récitant qui raconte de
façon plaisante ses aventures : Pauline Long des Clavières, Roger
Cotte, Gorm Busk, Vincent Alettaz ont mené des recherches assez
précises pour pouvoir soutenir une heure et demie de spectacle
entrecoupée de musiques, pour peu qu'une plume un peu adroite le
présente un peu savoureusement. Ce n'est pas mon idéal de spectacles,
mais on a pu vendre du Saint-George avec ce concept, je ne vois pas
pourquoi on ne pourrait pas vendre de la bonne musique avec la même
idée !
■■ Une soirée « Concertos classiques / premiers romantiques pour vents
», avec la flûte de Dupuy, le hautbois de Mozart (pour rassurer les
gens), la clarinette de Cartellieri (ou Crusell, ou Krommer…), le
basson de Hummel… On pourrait vraiment proposer un concept original,
intriguant, délicieux et convaincant. (Pendant ce temps la Philharmonie
invite La Scala pour jouer Pétrouchka et Oslo pour jouer Mahler…)
Jean-Baptiste Davaux (ou
d'Avaux)
→ Figure tout à fait considérable et pourtant quasiment pas représentée
au disque ni dans l'imaginaire collectif. Il se considérait lui-même
comme amateur, mais a laissé des opéras comiques à succès, des
symphonies très bien accueillies, et beaucoup de concertos et
symphonies concertantes, souvent programmées au Concert Spirituel et largement
fêtées par le public et la presse dans les années 1770-1790.
→
→ Venu étudier le violon à Paris, Davaux fréquente les cercles
littéraires, musicaux (notamment Martini et Saint-George), est membre
de la loge maçonnique des Neuf Sœurs (celle de Voltaire et Franklin )…
un garçon très inséré, et qui est aussi l'inventeur d'un « chronomètre » réalisé par Bréguet
lui-même, en réalité un métronome visuel. On sélectionnait le nombre de
temps par mesure, la vitesse de chaque temps avec la petite aiguille,
et la grande indiquait alors la pulsation. On est trente ans environs
avant Maelzel – qui, certes, est réputé avoir volé son propre système.
Un honnête homme complet, donc.
● Pour autant, à ma connaissance, une seule œuvre est actuellement
disponible au disque, la Symphonie concertante
mêlée d’airs patriotiques pour deux violons principaux (1794).
Dans deux excellentes versions couplées avec d'autres œuvres de la
période, celle du Concerto Köln de 1989 (qui n'a pas du tout vieilli)
et celle toute récente du Concert de la Loge Olympique, deux ensembles
qui se sont illustrés parmi les meilleurs interprètes des compositeurs
français de cette génération. On y entend, dans une veine
primesautière, des citations d'airs patriotiques, à peine ornées de
variations, qui ont l'avantage d'être aussi ceux que nous connaissons :
La Marseillaise dans le
premier mouvement, « Vous, qui d’amoureuse aventure » de Dalayrac (très
populaire sous la Révolution et recyclé ensuite en « Veillons au salut
de l'Empire ») dans l'adagio, la Carmagnole
et Ça ira dans le final… Très
réjouissant, aurait un énorme succès en concert, exactement comme à
l'époque où ces thèmes connus garantissaient par avance la sympathie du
public.
■ Sans même explorer plus avant le fonds du catalogue Davaux, imaginez
un concert « patriotique » au
moment judicieux, où l'on jouerait la Marseillaise
de Berlioz, Hermann & Dorothée
de Schumann (il existe aussi une version orchestrale des Deux Grenadiers), 1812 de Tchaïkovski, Feux d'artifice de Debussy, La nouvelle Babylone de
Chostakovitch (une BO)… et bien sûr, si l'on veut, le 25e Concerto pour
piano de Mozart… Cette symphonie concertante s'y glisserait avec
beaucoup de succès, et nul doute qu'un 14 juillet ou un week-end
d'élections, cela pourrait motiver un public beaucoup plus vaste que
l'ordinaire.
E.T.A. Hoffmann (en
réalité E.T.W. Hoffmann)
→ On présente souvent Hoffmann comme un écrivain, à l'instar de
Nietzsche ou Adorno, qui écrivait aussi un peu de musique. En réalité,
une grande partie de sa vie, y compris professionnelle, y a été
consacrée ! Il écrit au moins 13 œuvres pour la scène (et qui
sont jouées), des
cantates, de la musique sacrée, de la musique symphonique et
chambriste,
et il est même, à la fin des années 1800, chef d'orchestre au théâtre
de Bamberg !
→
→ Tout les commentateurs sont frappés par la sagesse de sa musique, en
opposition avec son imagination fantastique
dans ses écrits. Il admire Mozart, mais compose vraiment comme la
génération d'après, d'un romantisme évident, et qui conserve cependant
une partie de sa grammaire classique. Je concorde : même ses opéras
sont assez paisibles.
● Il m'a fallu beaucoup de patience, et notamment à l'occasion de cette
notule, pour rencontrer des œuvres qui méritent vraiment d'être
entendues pour des raisons purement musicales, et non par seule et
légitime curiosité d'entendre la musique pensée par le grand écrivain :
la plupart de son catalogue ménage très peu de surprises, de la jolie
musique du rang, bien faite, mais sans saillance qui traduise la
singularité d'un esprit. Presque des devoirs d'étudiant, qui cherche à
réutiliser habilement les tournures autorisées, et qui se fait
progressivement un métier en imitant ses pairs et en respectant les
règles.
●● Jolie Symphonie en mi bémol,
plusieurs fois enregistrée,
très bien réalisée par M.A. Willens chez CPO (très vivant)… mais la
comparaison avec
celle de Witt proposée en couplage (qui n'est pourtant pas la meilleure
de sa génération) est cruelle : dans l'une, tout est à sa place, d'un
bel équilibre, écrit en toute correction, tandis que l'autre propose
des gestes plus singuliers, la marque d'un compositeur qui réfléchit
sur la substance musicale et ne se contente pas de reproduire des
formules préexistantes. Pour autant, la symphonie d'Hoffmann, ainsi
jouée, mérite l'écoute.
●● Les opéras (ou le mélodrame Dirna) et la musique de chambre, qui figurent
désormais assez largement au disque, m'ont paru moins marquants,
vraiment la musique du rang de son temps : pas déshonorant, et même
impressionnant pour quelqu'un d'aussi talentueux par ailleurs, mais
assez peu de saillances pour justifier d'y passer beaucoup de temps
alors que le disque offre tant de choix plus exaltants.
●● C'est sans doute la musique
sacrée qui est la plus intéressante, la Messe et surtout le Miserere (plutôt la version
Bamberg-Beck chez Koch/DGG que R.Cologne-R.Huber chez CPO). Le disque
Beck permet de surcroît de disposer d'une bonne version de la
symphonie, c'est-à-dire de faire le tour de l'essentiel en un disque.
Mais je ne doute pas que vous ne soyez suffisamment curieux pour
essayer les opéras tout de même…
■ Le nom d'Hoffmann étant lui-même vendeur, on peut imaginer tous les
formats !
■■ Le concert-lecture bien sûr, par exemple avec sa musique de chambre
entre ses écrits. Mais attention au contraste entre la précision
évocatrice, les situations saisissantes de ses fictions, et la
conformité un peu lisse de ses compositions.
■■ L'écho, par exemple sa Messe
ou son Miserere en regards de bouts des Contes d'Hoffmann ou bien sûr de Don Giovanni.
■■ Un concert consacré aux
écrivains célèbres qui étaient également compositeurs, il y en a
quelques-uns (Nietzsche est tout à fait intéressant, Adorno pas
vraiment).
■■ D'une manière générale, il ne
serait pas très compliqué de glisser une piécette pour pimenter un
programme de l'époque, suscité la curiosité du public « oh, un truc
d'Hoffmann ».
Et aussi :
William Herschel (1738–1822).
Gaetano Valeri (1760–1822).
Maria Brizzi Giorgi.
Maria Frances Parke, dont c'est deux fois l'anniversaire cette année
(1772-1822).
Maria Hester Park (1775–1822).
Né en 1822
(200 ans de la naissance)
César Franck
→ J'irai vite sur Franck également : figure majeure de la musique (de
langue) française, le pont entre son auditoire parisien et le
chromatisme wagnérien qu'il fait infuser sur toute une génération de
compositeurs français dont les audaces nous fascinent ensuite. Je
trouve frappant qu'on entende chez Franck à quel point c'est aussi un
homme du monde qui a précédé : on entend ses années de formation dans
certaines de ses œuvres, je veux dire par là qu'on entend qu'il n'a pas
été, lui, éduqué par Franck, et que le socle de son art repose sur des
formules plus simples que celles qu'il a adoptées et diffusées par la
suite. Jusque dans les œuvres de maturité, il reste quelque chose d'un
peu stable et nu quelquefois.
● Son catalogue est amplement servi, quelques pistes si vous êtes
perdus.
●● Le plus décanté, dense et abouti,
représentatif de sa pensée chromatique aux extérieurs simples, réside
sans doute dans ses 3 Chorals
pour orgue. Énormément de versions, parmi lesquelles j'aime beaucoup
Guillou chez Dorian (la registration variée favorise la progression),
M.-C. Alain 1976 chez Erato / Apex (registration peu éclatant, mais
poussée constante), Latry (son brillant, respiration ample mais
toujours tendu).
●● Dans le même goût, mais plus ouvertement retors et sinueux,
bifurquant sans cesse entre les tonalités, que réellement décanté, le Quatuor en ré. Par exemple par les
Petersen chez Phoenix (si l'on aime le son un peu pincé et le vibrato
généreux) ou par les Danel chez CPO (si l'on veut avant tout de la
lisibilité et du mouvement plutôt que de la couleur).
●● La Symphonieen ré mineur est incontournable,
mais attention aux versions lourdes et germanisées que l'on rencontre
le plus souvent, y compris avec des orchestres français (Mikko Franck)
ou même des chefs français (Monteux). On perd alors beaucoup de
lisibilité et surtout d'intelligibilité… L'urgence de Cantelli, la
transparence d'Otterloo, la franchise très française de Gendille (quel
style !), la filiation française de Lombard et Langrée, ou plus
germanique mais très réussi, la rondeur tendue d'Arming ou l'élan
cursif de Neuhold… ce sont de bonnes adresses.
●● Pour disposer d'une idée de ce que produit l'éducation musicale de
Franck, il faut plutôt se tourner vers l'opéra… Je n'ai pas vérifié si Stradella avait
été publié en DVD, mais c'est un opéra qui donne à entendre tout un
versant italien, beaucoup plus nu et méconnu, de Franck, et assez
réussi. (Tandis que Hulda,
enregistrée récemment et bientôt donnée par Bru Zane, me paraît receler
assez peu de merveilles à la lecture comme à l'écoute…)
●● Peut-être plus abouti dans le genre du Franck-tradi, on peut aller
écouter ses mélodies et ses chœurs,
sacrés ou profanes. Par exemple avec le bel album paru l'année passée De l'autel au salon (Chœur de
chambre de Namur, Lenaerts, Musiques en Wallonie), qui fait entendre
des œuvres à la fois simples et manifestant une maîtrise précise des
moyens musicaux.
■ La musique vocale, mélodies et musique chorale, est sans doute ce que
l'on connaît le moins de lui. Ce serait l'occasion d'en mettre un peu
au programme. Cette saison, Bru Zane va déjà nous offrir Hulda dans les meilleures
conditions sonores imaginables (distribution et orchestre). Un petit
concert plus chambriste serait très bienvenu aussi.
Josef Joachim Raff.
→ Je connais mal Raff, et ce que j'en connais ne m'a que modérément
donné envie d'approfondir. Romantisme allemand assez épais, qui essaie
d'échapper au formalisme par des programmes, mais auquel il manque à
mon gré le sens de la surprise, du contraste, de l'orchestration, de la
mélodie aussi. Tout ronronne bien joliment et je n'ai à ce jour pas été
ébloui, en particulier par les symphonies, qui jouissent de la
meilleure réputation. Le catalogue étant vaste et bien documenté, il
m'aurait fallu plus de temps que je n'en ai pour chercher les pépites,
dans un goût qui me passionne moins que les autres individus dont j'ai
parlé ici.
→ Ce serait justement la tâche de l'anniversaire que de compter sur des
musiciens qui auraient déniché la pépite, comme le font Héloïse Luzzati
ou Francis Paraïso, et de leur laisser la place le temps d'une soirée
thématique où ils sauraient sléectionner le meilleur !
Luigi Arditi.
Faustina Hasse Hodges.
Betty Boije
Vous le verrez, 1872 est encore plus concentré en grands noms – ou noms
de moindre renommée mais au catalogue ébouriffant ! C'est 1922
qui est un peu décevant, alors que 1972 tient très bien son rang
!
Mais si vous ne connaissez pas Dupuy et Davaux, ou si vous êtes un peu
curieux des aspects méconnus d'Hoffmann et Franck, vous devriez avoir
déjà de quoi vous émerveiller un peu, en attendant.
Quatrième livraison
À gauche : Moniuszko, Carafa.
À droite : Graener, Alfvén.
[[]]
Variations sur « Prinz Eugen » de Paul Graener.
Radiophilharmonie de la NDR de Hanovre (pas le Symphonique, sis
à Hambourg, qui fut dirigé par Wand ou Hengelbrock),
une des plus belles discographies d'Allemagne.
W.A. Albert (CPO).
(Pour la démarche et la légende, vous pouvez vous reporter à lapremière partie(au bas de laquelle
j'ai également servi cette nouvelle fournée de gourmandises.)
Mort en 1872
(150 ans du décès)
Stanisław Moniuszko.
→ Artiste majeur en Pologne,
considéré comme le compositeur
emblématique d'opéra. Pour le piano, il y a bien sûr Chopinski
et Paderewski (en outre politiquement capital) ; pour la musique
d'aujourd'hui Penderecki, mais pour les amateurs d'opéra, la figure
majeure, c'est Moniuszko.
→ Pourtant, à l'écoute, je ne trouve pas ses œuvres les plus célèbres
très passionnantes.
→
→ Straszny
dwór(« Le Manoir hanté ») est un opéra comique
manifestement écrit sur le modèle d'Auber – et ce ne serait pas un très
grand Auber, des ariettes à ploum-ploum, peu marquant mélodiquement
dans l'ensemble. Le sujet, lui, est apparenté aux instrigues
fantastiques un peu bouffonnes façon Boïeldieu (La Dame blanche) ou Adam (Le Farfadet).
→ → Halkaest tout l'inverse : une
hypertragédie. Une fille séduite descend, au fil de ses espoirs déçus,
de la certitude de sa perte et de la méditation de sa vengeance, dans
l'abîme suscité par la trahison la plus noire Tout est moche et tout
finit très mal. C'est un peu Jenůfa,
avec un côté emphatique comme les drames de Dumas ou Pixerécourt… et
une musique qui s'apparente plutôt à du Weber sage (plutôt celui d'Abu Hassan ou du ventre mou d'Euryanthe). L'œuvre est plutôt
convaincante, mais je vois mal, là aussi, comment faire triompher une
musique qui n'est pas complètement exceptionnelle sur une scène dont ce
n'est pas du tout la langue. (Ou alors il faudrait mobiliser des moyens
exceptionnels côté chant et mise en scène – il ne se passe vraiment
rien à l'acte II, elle se plaint sans écouter son autre soupirant qui
se plaint aussi – mais à ce compte-là, pourquoi ne pas placer l'effort
sur une œuvre qui pourrait réellement s'imposer au répertoire ?)
→ → Ses autres opéras, tel Paria, son opéra de jeunesse à
sujet bouddhique, sis à Bénarès, écrit dans un goût italien pour
s'introduire auprès du public européen, ne m'ont pas paru plus
marquants…
● Je recommande donc plutôt des genres qui ne sont pas les plus
célébrés chez lui :
●● Les seules œuvres que j'ai réellement trouvées hors du commun sont
ses cantates, Milda et Nijoła (Philharmonique de Poznań
dirigé par Borowicz chez DUX) : on y rencontre une superbe déclamation
polonaise (et très bien mise en valeur, chantée et accompagnée), et
doté d'une qualité mélodique toute particulière. Je recommande ceci
très vivement !
●● la Messe en laet des motets (album « Sacred Music » chez
DUX, par Łukaszewski), très recueillis et consonants, pas vraiment
personnels mais réellement agréables
au meilleur sens du terme (attention, il existe un autre disque,
consacré aux Messes polonaises
et chanté par le même chœur, qui m'y avait semblé de sensiblement moins
bon niveau) ;
●● le Premier Quatuor, également d'un beau
romantisme simple. Les Plawner chez CPO ne m'ont pas complètement
emporté ; c'est mieux par le Quatuor Camerata chez DUX, donné avec son
Deuxième et le Premier de Dobrzyński ; mais surtout, si vous pouvez le
trouver, le disque issu de la compétition Moniuszko (il y a toute une
série, passionnante), avec l'ãtma SQ (sur instruments anciens) et le
Quartetto Nero, à nouveau chez DUX : ces jeunes musiciens surpassent
toute la concurrence en tension, timbres, urgence, lisibilité, et
haussent considérablement la réception de ces œuvres. (Toute cette
série de la Compétition Moniuszko chez DUX mérite largement le détour,
au passage : ainsi dans ce disque, on peut découvrir la prégnance
mélodique hors du commun des œuvres de Henryk Melcer-Szczawiński, et il
en va de même pour beaucoup d'autres découvertes sur les autres
volumes.)
● Du côté de ses opéras célèbres : on trouve des vidéos, les deux ont
été diffusés sur Operavision.eu (même deux versions différentes du Manoir !). Ce peut aider (si vous
êtes patient).
■ Au disque, DUX est là pour nous, avec son travail exceptionnel en
qualité, en quantité, en audace… Au concert, je ne suis pas persuadé
qu'on puisse réellement produire des étincelles devant un public non
polonais. Mais j'accueillerais avec grand plaisir une cantate !
On pourrait coupler ça avec une symphonie de Szymanowski ou Penderecki
qui ferait déplacer un peu de monde sans être totalement téléphoné, et
puis un petit concerto de Chopin avec Martha Argerich pour assurer le
remplissage. (On pourrait aussi imaginer des programmes « Partage de la
Pologne » ou « Pologne martyre », associée à un discours historique /
pédagogique, qui entrerait assez bien dans les missions de la
Philharmonie (et dans notre futur européen proche ? vu les
opinions géopolitiques des candidats à la Présidence…).
■ C'est là où le principe de l'anniversaire trouve ses limites, parce
que si l'on veut de la musique polonaise lyrique, il existe tout de
même un certain nombre de chefs-d'œuvre considérables avec Żeleński,
Nowowiejski, Różycki ou Penderecki ! Ceux-là pourrait remporter
un véritables succès – en plus du Roi
Roger de Szymanowski qu'on pourrait redonner un jour dans une
production qui le laisse un minimum intelligible (coucou Warlikowski).
Michele Carafa.
→ Napolitain venu étudier à Paris avec Cherubini, auteur de 29
opéras, dont Jeanne d'Arc à Orléans
et La Belle au bois dormant
!
● Au disque, on ne dispose semble-t-il d'aucun opéra intégral. Une cantate avec piano, Calisto (dans « Il Salotto »vol.2 chez Opera Rara), un air deLe Nozze di Lamermoordans le récital « Stelle di Napoli
» de Joyce DiDonato,
et deux scènes de Gabriella
di Vergy, l'une dans un récital Matteuzzi avec Bruce Ford
(atrocement captés), l'autre dans un récital d'Yvonne Kenny (accompagné et mené
avec beaucoup de présence par le même David Perry mou avec Matteuzzi !)
qui est le meilleur témoignage qu'on puisse trouver de la musique de
Carafa. Tout cela s'apparente à du belcanto bon teint, avec les mêmes
formules que partout ailleurs. Plutôt joliment fait au demeurant (en
particulier les introductions développées, ou certains récitatifs un
peu rapides), mais absolument rien de singulier, pour le peu qu'on en
puisse juger.
■ Je serais évidemment ravi qu'on reprenne l'une de ses œuvres, en
particulier française, pour pouvoir se faire une idée sur pièce. À
l'occasion d'un petit cycle Jeanne d'Arc où
l'on pourrait jouer l'opéra de Mermet (qui se tient !), la
cantate d'Ollone
(plutôt bien faite également, même si peu spectaculaire) et bien sûr
l'oratorio d'Honegger,
voire l'opéra de Verdi
? Un petit partenariat entre salles parisiennes ? Versailles et
TCE reprennent Mermet avec Bru Zane, la Philharmonie fait d'Ollone et
reprend son Honegger réussi, et l'Opéra de Paris se garde le Verdi parce
qu'il ne sait rien faire d'autre, ça vous dit ? Ce serait
parfait pour brosser dans le sens du poil l'électorat du futur
président de droite que nous aurons (lequel, je n'en sais rien,
mais je ne cours pas grand risque à pronostiquer qu'il ne sera
certainement pas de gauche), considérant l'Opéra de Paris pour
lequel toute la France paie, que le Peuple de France en ait pour sa
fierté, on célèbre Jeanne ! (et on joue plein d'opéras russes,
cf. supra – de toute
façon Gergiev est le seul chef étranger à pouvoir venir quand le monde
s'effondre)
Nikolaos Mantzaros.
Carlo Curti.
[[]]
Premier mouvement de la Troisième Symphonie d'Alfvén,
Philharmonique Royal de Stockholm,
dirigé par le compositeur (Phono Suecia).
Né en 1872
(150 ans de la naissance)
Alors là, 1872, c'est l'année de folie ! J'essaie de classer en
commençant par ceux que j'ai le plus envie de voir reparaître !
Paul Graener.
→ Je commence par un cas difficile. Graener, né à Berlin, tôt orphelin,
occupe de hautes responsabilités,
professeur de composition au Conservatoire de Leipzig, de Vienne,
directeur du Mozarteum de Salzbourg, du Conservatoire Stern de Berlin…
et aussi membre de la Ligue de
combat national-socialiste pour la culture allemande, du parti
nazi, vice-président de la Reichsmusikkamer…
il devient particulièrement joué à
partir de 1933, quand le nouveau régime fait la place nette de
tous les dégénérés dans le
style, les idées ou la généalogie… La presse officielle lui est
favorable, ses thématiques s'alignent aussi avec l'idéologie du parti,
il a alors du succès. Il faut dire qu'il est plutôt bon élève : il
participe activement à la cabale contre Michael Jary en désignant sa
musique comme « babillage musical culturellement bolchévique de juif
polonais ».
→ Comme il meurt en 1944, il n'a pas pu essayer de s'expliquer / se
renouveler / se racheter / se karajaniser, et sa musique s'est tout
naturellement tarie au concert – on avait assez d'efforts à dépender
pour réintégrer les nazis qui
ne l'avaient pas fait exprès ou d'oublier qui étaient vraiment
Böhm ou Schwarzkopf, sans s'occuper en plus des morts qui ne
demandaient rien. Pas évident à brander
pour un concert d'aujourd'hui, clairement. (Et cela nous renvoie vers
l'épineuse question crime & musique, ou sous sa forme plus
ludique, génie & vilenie.)
→ Néanmoins, si l'on peut passer sur ces questions (une large partie de
sa musique est désormais dans le domaine public, et on n'est pas près
de lui élever des statues), et découvrir (comme je le fis) sa musique
sans avoir conscience de sa personnalité (il a adopté des enfants quand
sa fille est morte, si ça peut aider et il souhaitait peut-être
devenir éleveur de chats), il y a quelques pépites à découvrir.
● Bien qu'auteur de nombreux opéras
et lieder, on ne trouve à peu près, hors le cycle des Neue Galgenlieder sur des poèmes de
Morgenstern (Wallén & Randalu, chez Antes). On trouve également un
lied par Schlusnus (poème d'un cycle de Munchhausen, chez Documents
notamment, label japonais trouvable sur les sites de flux européens) et
un autre par Prey (Der Rock,
aussi sur un poème de Morgenstern, dans son anthologie « moderne »
reconstituée par DGG). Vu l'expressivité de sa musique d'orchestre, je
serais très curieux d'entendre ses opéras Don Juans letztes Abenteuer (1914)
ou Der Prinz von Homburg
(1935). Il a aussi commis un Friedemann
Bach (1931), on voit l'écart d'inspiration avec une figure
d'artiste comme celle de Johnny
spielt auf (l'opéra de Křenek manifeste du zeitoper) !
● En musique de chambre, on ne
trouve guère que les Trios (Hyperion Trio, chez CPO), qui m'ont semblé
assez plats – une ligne mélodique vaguement brahmsienne, et assez peu
de contenu stimulant dans les accompagnements, l'harmonie ou la forme.
● C'est donc surtout du côté symphonique
que le legs est fourni, quoique peu vaste : Comedietta par Abendroth (chez
Jube Classics par exemple), Die
Flöte von Sansouci (suite de danses pseudo-baroque, d'une
ambition limitée, avec le compositeur à la flûte accompagné par le
Philharmonique de Berlin – publication CD par Archiphon sous le titre
peu spécifique « 78 rpm rarities: Raw Transfers »)… et sinon les quatre
volumes de CPO consacrés à sa musique orchestrale :
●● vol.1 : Comedietta, Variations sur un chant
traditionnel russe (thème assez sommaire, mais variations faites avec
beaucoup d'adresse orchestratoire), Musik am Abend, Sinfonietta. De
belles œuvres, d'un postromantisme assumé (plus conservateur que celui
de Schmidt, mais on entend clairement le contemporain de R. Strauss, ce
n'est pas du Brahms !) ;
●● vol.2 : Symphonie en ré mineur
« Le Forgeron Misère » (qu'il faut plutôt entendre comme un grand poème
symphonique, assez séduisant, qu'y chercher une grande arche formelle
étourdissante), Échos
du Royaume de Pan(son
œuvre la plus aventureuse parmi celles publiées, qui ,intègre des
formules impressionnistes à son langage postromantique germanique, avec
des harmonies riches et surprenantes, des couleurs inhabituelles), et
ce qui est pour moi son chef-d'œuvre absolu : les Variations sur « Prinz
Eugen ».
Variations
sur « Prinz Eugen »
« Prinz Eugen, der edle Ritter »
(« Le Prince Eugène, ce noble
chevalier ») est une chanson traditionnelle écrite juste après le siège
de Belgrade, victoire sur les Turcs du prince Eugène de Savoie en 1717
(première trace de la chanson, manuscrite, en 1719), restée dans
l'imaginaire sonore collectif allemand.
Sur cette base, assez sommaire
musicalement, Graener déploie toutes les possibilités d'un orchestre :
discrète marche-choral aux vents, explosion de lyrisme aux cordes
(augmentées d'énormément de contrechants de bois, de fusées aux cors
!), fugato pépiant inspiré
des Maîtres Chanteurs
(l'une de ses influences majeures, j'ai l'impression)… Les pupitres, de
la caisse claire aux trompettes, sont tous utilisés pour leur
caractère, leur coloration, avec une rare science, et surtout une
variété rare pour une variation : le thème, quoique toujours aisément
identifiable, se transmute au fil des épisodes, et chaque itération, au
lieu de paraître juxtaposée, semble découler tout naturellement d'une
transition ou d'une rupture digne des progressions d'une grande
symphonie à développement. Un bijou, absolument lumineux et
jubilatoire, que je ne puis recommander trop vivement (l'œuvre que j'ai
de loin le plus écouté ces trois dernières années, elle a donc mon
assentiment…) ;
●● vol.3 : Concerto pour piano,
Danses suédoises, Divertimento,
une autre Sinfonietta. Des
œuvres abouties mais dont la singularité me paraît moins évidente ;
●● vol.4 : Concertos pour flûte, pour
violon, pour violoncelle. Très marquants, ici le concerto est
vraiment conçu comme un tout organique et la virtuosité n'y paraît pas
le but… le soliste joue beaucoup, certes, mais peu de traits sont mis
en valeur, tout est intégré à l'orchestre, sans chercher à tout prix la
mélodie non plus : je trouve le principe très rafraîchissant, il
échappe à l'enflure habituelle de la forme concerto qui n'a pas
toujours ma faveur. Une proposition très différente, que je serais ravi
d'entendre en concert.
● Donc, à écouter, sans hésiter les volumes 2 & 4 de l'anthologie
CPO.
■ Comment rejouer cela au concert ? Clairement, pour du
symphonique ou de l'opéra, il faut de gros moyens, et avec les
sensibilités vives sur ce point (et la culture accrue de la
protestation dans les milieux artistiques), il y a de grandes
probabiités que le projet meure avant que d'aboutir. Un artiste qui
avait projeté de remonter une de ses œuvres de chambre a expliqué que
les musiciens avaient collectivement renoncé, trop mal à l'aise avec la
personne du compositeur pour en faire la promotion, fût-ce
indirectement.
Néanmoins, les Variations sur «
Prinz Eugen », en début d'un concert dont ce ne serait pas le
contenu principal, ou en conclusion de programme, je garantis que cela
galvaniserait l'auditoire ! (Après tout ça ne semble poser de
problème à personne de tresser des couronnes à Karajan, Schwarzkopf ou
Böhm, de jouer à tout bout de champ Carmina
Burana, alors pourquoi pas une ouverture de Graener – elle
appartient désormais au domaine public, ses ayants droit, si par
extraordinaire ils étaient solidaires des pensées de leur aïeul, ne
toucheront pas un sou…)
Hugo Alfvén.
→ Vous allez être déçu, je n'ai pas pu glaner d'anecdotes bien
croustillantes sur Alfvén. Il a fait son tour d'Europe pendant dix ans,
comme chef notamment, puis
s'est installé à Stockholm et à l'Université d'Uppsala, a composé, a
été le compositeur suédois du début du XXe a remporter le plus de succès – avec Stenhammar.
→ Sa musique est donc assez généreusement documentée, bien qu'on ne la
joue jamais en France – l'anniversaire serait-il donc l'occasion ?
● La priorité, ce sont les symphonies.
La 1 par Westerberg, la 3 par Svetlanov, la 4 par Willén… vous pouvez
ainsi tirer le meilleur de ces pièces. Westerberg est plus âpre, Willén
plus enveloppant et organique. N. Järvi, assez lumineux, n'est pas
celui qui révèle le mieux les audaces de cette musique, mais sa
fréquentation reste agréable. Quant aux versions par Alfvén lui-même,
splendidement restaurées et publiées par Phono Suecia (on entend très
bien le détail !), je crois qu'elles surpassent tout par leur caractère
direct, net et emporté à la fois.
● Ses musiques de scène valent
aussi le détour, comme Gustaf II
Adolf ou Bergakungen.
● Même s'il n'a pas écrit d'opéra, sa
musique chorale est très simple et très belle, et fait partie
des corpus de référence du legs suédois. On le trouve dans des
anthologies (le merveilleux Sköna Maj
des Lunds Studentsångare) ou dans la monographie « OD sings Alfvén »
(OD pour Orphei Drängar, les « serfs orphelins », l'ensemble vocal qu'a
dirigé Alfvén).
● Sa longue vie nous permet de l'entendre diriger ses propres œuvres, et de
profiter de l'humour avec lequel il dirige les danses du Fils prodigue, ou de la flamme qui
habite son interprétation de sa cantate pour les 500 ans du Parlement
Suédois, ce que vous trouverez chez lui de plus proche d'un opéra
! Il a aussi été capté dans ses symphonies (3 & 4) avec le
Philharmonique Royal de Stockholm. Et je suis frappé de la vivacité de
jeu, de la clarté du spectre, de l'exaltation du rebond et des
références folkloriques dans la Troisième,
avec une sorte d'emphase souriante et volontairement exagérée, comme un
personnage d'opéra un peu grotesque qui chante sa chanson avec une
pointe d'excès. Absolument délicieux, très différent, et réellement
convaincant – probablement le compositeur à m'avoir le plus convaincu
dans ses propres œuvres !
Quant à la Quatrième, très
cursive (on croirait qu'il dirige Don
Juan de R. Strauss, tant l'orchestre fulgure !), elle inclut la
participation de la jeune… Birgit Nilsson !
■ Franchement, au concert, cela passerait tout seul ! Le
folklorisme bigarré et très charpenté de la Troisième Symphonie, jubilatoire si
on la joue en respectant cette composante, comme le font Svetlanov ou
Alfvén lui-même, ou le grand monument plus farouche de la Quatrième, en un seul mouvement,
avec ses voix solistes sans paroles, dont le programme se réfère à un
rivage tourmenté – une œuvre très frappante, qui aurait tout pour
plaire au public mahléro-sibélien ! Et si c'est trop, un poème symphonique, il y a beaucoup
de très beaux, même si moins ambitieux : ce serait déjà ça de gagné
! Un petit effort Messieurs les programmateurs, une fois que le
monde aura terminé de s'effondrer ? L'accroche est facile en
plus, avec les « Symphonies des rivages du Nord battus par les vents »,
faites-le avec des projections
de vidéos de mer démontée si cela vous aide à remplir – ce serait-ce
pas le type de format qui a en principe la faveur de la Philharmonie de
Paris ?
1872 est particulièrement riche : je vous laisse avec ces quatre
compositeurs, dont deux figures majeures, avant d'en venir à quelques
autres géants également nés en 1872, dans les prochains épisodes : von
Hausegger, Halphen, Juon, Büsser, Perosi, Séverac, Scriabine, Vaughan
Williams… !
Prenez soin de vous. Carnets sur sol
prend soin de vos oreilles.
Ce billet, écrit à par DavidLeMarrec dans la catégorie Portraits a suscité :
Toujours la brève présentation des nouveautés (et autres écoutes et
réécoutes) du mois écoulé. Je laisse une trace pour moi, autant vous
donner des idées d'écoutes…
Conseils
Opéra
Trois opéras très peu présents au disque :
♦ Les
Feſtes d'Hébé de Rameau
dans leur version révisée de 1747 ;
♦ Drot og marsk de Heise, généreux opéra romantique
suédois ;
♦ Constellations d'Efrain Amaya d'après la vie de Miró (2012).
Hors nouveautés, retour aux fondamentaux : Isis de LULLY,
La mort d'Abel de Kreutzer (six fois…), les meilleurs Verdi de jeunesse dans leurs
meilleures versions (Oberto, Nabucco, Alzira, Stiffelio et sa refonte
Aroldo… ne manquait qu'Il Corsaro !), Tristan
de Wagner dans une version
ultime (C. Kleiber, Scala 1978), les deux meilleurs Offenbach comiques (Barbe-Bleue et
Le roi Carotte), Barbe-Bleue de Bartók
en japonais, Saint François
d'Assise de Messiaen dans
la souple version Nagano !
Récitals
♦ Romances, Ballades & Duos, parmi
les œuvres les plus touchantes de Schumann,
par les excellents spécialistes Metzer, Vondung, Bode et Eisenlohr.
♦ Un autre cycle de Jake Heggie
: Songs for Murdered Sisters.
♦ Yoncheva – disque au répertoire très varié, culminant dans Dowland et surtout une chaconne
vocale de Strozzi
éblouissante.
♦ Piau – grands classiques du lied symphonique décadent (dont les R. Strauss).
Hors nouveautés : j'ai découvert le récital composite de Gerald Finley
avec le LPO et Gardner, tout y est traduit en anglais.
Sacré
♦ Cantates de la vie de Jésus par Pfleger, objet musical (et textuel)
très intriguant.
♦ Couplage de motets de M.Haydn et
Bruckner par la MDR Leipzig.
Hors nouveautés : Motets latins de Pfleger
(l'autre disque), motets latins de Danielis
(merveilles à la française), Cherubini
(Messe solennelle n°2 par Bernius, aussi l'étonnant Chant sur la
mort de Hayndn qui annonce… Don
Carlos !), Messe Solennelle de
Berlioz (par Gardiner), Service de la Trinité et Psaumes de
Stuttgart de Mantyjärvi.
Orchestral
Hors nouveautés : Cherubini (Symphonie
en ré), Mahler par Tennstedt
(intégrale EMI et prises sur le vif), Tapiola
de Sibelius (par Kajanus,
Ansermet, Garaguly, plusieurs Berglund…), Pejačević (Symphonie en fa dièse)
Concertant
Hors nouveautés : concertos pour violon de Kreutzer, Halvorsen, Moeran, Harris, Adams, Rihm,
Dusapin, Mantovani. Concertos pour hautbois de Bach par Ogrintchouk. Concerto pour
basson de Dupuy par van
Sambeek.
Chambre
♦ Trios de Rimski et Borodine, volume 3
d'une anthologie du trio en Russie.
♦ Pour deux pianos : Nocturnes de Debussy
et Tristan de Wagner arrangé
par Reger.
♦ Meilleure version de ma connaissance pour le Quatuor pour la fin du
Temps de Messiaen par le Left
Coast Ensemble (musiciens de la région de San Francisco).
Hors nouveautés : Matteis (disque
H. Schmitt et disque A. Bayer), Bach (violon-clavecin
par Glodeanu & Haas, souplesse garantie), Rondo alla Krakowiak de Chopin avec Quintette à cordes,
disques d'arrangements du Quatuor
Romantique (avec harmonium !) absolument merveilleux, Messiaen (Quatuor pour la fin du
Temps par Chamber Music Northwest).
Et pas mal de quatuors à cordes bien évidemment : d'Albert, Smyth (plus le Quintette à cordes), Weigl, Andreae, Korngold, Ginastera (intégrale des quatuors
dans la meilleure version disponible)…
Solo
♦ Récital de piano : Samazeuilh, Decaux, Ferroux, L. Aubert
par Aline Piboule.
Hors nouveautés : clavecin de 16 pieds
de Buxtehude à C.P.E. Bach.
La légende
Du vert au violet, mes recommandations…
→ * Vert : réussi !
→ ** Bleu : jalon considérable.
→ *** Violet : écoute capitale.
→ ¤ Gris : pas convaincu.
(Les disques sans indication particulière sont à mon sens de très bons
disques, simplement pas nécessairement prioritaires au sein de la
profusion de l'offre.)
Liste brute suit :
Nouveautés : œuvres
♥♥
Rameau – Les Feſtes d'Hébé
(version de 1747) – Santon, Perbost, Mechelen, Estèphe, Orfeo
Orchestra, Vashegyi (radio hongroise)
→ Premier enregistrement de la version remaniée de 1747, très vivement
animée par Vashegyi (davantage tourné vers l'énergie cinétique que la
couleur). Des réserves fortes sur Santon ici (vibrato vraiment trop
large, instrument surdimensionné), en revanche Estèphe (mordant haut et
verbe clair) exhibe l'un des instruments les mieux faits de toute la
scène francophone.
→ Audible sur la radio hongroise avant parution CD
dans quelques mois…
♥♥
Rimski-Korsakov, Cui, Borodine
– Trios piano-cordes (« Russian Trio History vol.3 »)
– Brahms Piano Trio (Naxos 2021)
→ Élan formidable du Rimski. Très beau mouvement lent lyrique de
Borodine.
♥♥
Brahms, Sonate à deux pianos //
Wagner-Reger, Prélude et mort d'Isolde // Debussy, Nocturnes –
« Remixed » –
Grauschumacher Piano Duo (Neos 2021)
→ Splendides timbres, textures et couleurs du duo. Ainsi transcrits,
Tristan et les Nocturnes constituent une approche originale, et
marquante.
♥
Koželuch : Concertos and Symphony par Sergio
Azzolini, Camerata Rousseau, Leonardo Muzii (Sony 2021)
→ Avec un son de basson très terroir.
♥♥♥
Pfleger – Cantates « The
Life and Passion of the Christ » – Vox Nidrosiensis,
Orkester Nord, Martin Wåhlberg (Aparté 2021)
→ Musique du Nord de l'Allemagne au milieu du XVIIe siècle. Œuvres
inédites (seconde monographie seulement pour ce compositeur.
→ Plus ascétique que ses motets latins (disque CPO, plus expansif), je
vous promets cependant de l'animation, avec ses solos de psaltérion,
ses évangélistes qui fonctionnent toujours à deux voix, ses structures
mouvantes qui annoncent l'esthétique des Méditations pour le Carême de
Charpentier.
→ Par ailleurs, curiosité d'entendre des textes aussi composites
(fragments des Évangiles mais aussi beaucoup d'Ancien Testament épars),
ou encore de voir Dieu s'exprimer en empruntant les mots d'Ézéchiel et
en émettant des notes très graves (mi 1 - ut 1) sur des membres de
phrase entiers.
→ On y rencontre des épisodes peu représentés d'ordinaire dans les
mises en musique – ainsi la rencontre d'Emmaüs, ou la Cananéenne dont
la fille est possédée – écrits en entrelaçant les sources des
Évangiles, des portions des livres prophétiques, les gloses du XVIIe et
les chants populaires de dévolution luthériens, parfois réplique à
réplique…
→ De quoi s'amuser aussi avec le contexte (je vous en touche un mot
dans la notice de ma main), avec ces duels à l'épée entre maîtres de
chapelle à la cour de Güstrow (le dissipé Danielis !), ou encore
lorsque Pfleger écarte sèchement une demande du prince, parce que
lui sert d'abord la gloire de la musique et de Dieu. (Ça pique.)
→ Et
superbe réalisation, conduite élancée, voix splendides et
éloquentes.
♥♥
SCHUMANN, R.: Lied Edition,
Vol. 10 - Romanzen und Balladen / Duets (Melzer, Vondung, Bode,
Eisenlohr)
→ Superbe attelage pour les lieder en duo de Schumann, de petits bijoux
trop peu pratiqués.
♥♥
Michael Haydn, Bruckner – Motets
– MDR Leipzig, Philipp Ahmann (PentaTone 2021)
→ La parenté entre les deux univers sonores (calmes homorythmies,
harmonies simples) est frappante. La couleur « Requiem de
Mozart » reste prégnante chez M. Haydn. Très beau chœur rond et
tendre.
♥
Monteverdi, Ferrabosco,
Cavalli, Strozzi, Stradella, Gibbons, Dowland, Torrejón, Murcia,
traditionnel bulgare… – « Rebirth » – Yoncheva, Cappella Medeiterranea,
García Alarcón (Sony 2021)
→ La voix est certes devenue beaucoup plus ronde et moins focalisée,
mais le style demeure de façon impressionnante, pas le moindre
hors-style ici.
→ Accompagnement splendide de la Cappella Mediterranea, parcourant
divers climats – l'aspect « ethnique » un peu carte postale
de certaines pistes, façon Arpeggiata, étant probablement le moins
réussi de l'ensemble.
→ Le disque culmine assurément dans l'ineffable chaconne de l'Eraclito
amoroso de Mlle Strozzi, petite splendeur. . Come again de Dowland est
aussi particulièrement frémissant (chaque verbe est coloré selon son
sens)… !
♥♥♥
Samazeuilh, Le Chant de la Mer
// Decaux, Clairs de lune // Ferroud, Types // Aubert, Sillages
– Aline Piboule (Printemps des Arts de Monte-Carlo 2021)
→ Déjà célébrée par deux fois dans des programmes français ambitieux
chez Artalinna (Flothuis, Arrieu, Smit, Fauré, Prokofiev,
Dutilleux !), grand retour du jeu plein d'angles d'Aline
Piboule dans quatre cycles pianistiques français de très haute
volée :
→ le chef-d'œuvre absolu de Decaux (exploration radicale et approche
inédite de l'atonalité en 1900),
→ première gravure (?) du Ferroud toujours inscrit dans la ville,
→ lecture ravivée de Samazeuilh (qui m'avait moins impressionné dans la
version ATMA), et
→ scintillements argentés, balancements et mélodies exotiques
fabuleuses des Sillages de Louis Aubert !
→ bissé
♥
PÄRT, A.: Miserere + A Tribute
to Cæsar + The Deer's Cry, etc. – BayRSO, œsterreichisches
ensemble fuer neue musik, Howard Arman (BR-Klassik 2021)
→ Belle version de belles œuvres de Pärt – pas nécessairement le Balte
le plus vertigineux en matière de musique chorale, mais sa célébrité
permet de profiter souvent de ses très belles œuvres, servies ici par
ce superbe chœur.
Michał BERGSON – Piano
Concerto / Mazurkas, Polonaise héroïque, Polonia!, Il Ritorno,
Luisa di Montfort [Opera] (excerpts) – Jonathan Plowright au piano,
Drygas, Kubas-Kruk ; Poznan PO, Borowicz (DUX 2020)
→ Le père d'Henri – principale raison d'enregistrer ces œuvres pas
majeures.
→ Concerto très chopinien (en beaucoup moins intéressant). La Grande
Polonaise Héroïque, c'est même du pillage de certaines tournures de
celle de Chopin… (en beaucoup, beaucoup moins singulier)
→ L'Introduction de Luisa di Montfort est écrite sur le thème
« Vive Henri, vive ce roi galant », plus original et amusant.
Mais ensuite : cabalette transcrite pour clarinette, on garde donc
juste la musique belcantiste pas très riche et la virtuosité
extérieure, sans le théâtre.
→ Il Ritorno, une petite pièce vocale en français, galanterie
ornementale virtuose parfaitement banale de 4 minutes. Pas
enthousiaste.
→ Première déception chez DUX ! (mais au moins c'est
rarissime et plutôt bien joué… donc toujours une découverte agréable)
♥♥
Efrain AMAYA – Constellations [2012]
– Young, Kempson, Shafer ; Arts Crossing Chb O, Amaya (Albany 2020)
→ Très tonal, sur jolis ostinatos, déclamation sobre pour trois
personnages, un opéra inspiré par la vie (et les opinions) de Joan
Miró. Il y discute de ses ressentis d'artiste (sur Dieu, dans le
premier tableau…) avec sa femme, parfois en présence de sa fille
silencieuse. Également quelques échanges avec un oiseau, muse du
peintre (incarné par la chanteuse qui fait l'épouse), et entre l'épouse
et l'esprit de la maison.
→ Même le final, lorsque la famille fuit tandis que les bombes se
mettent à pleuvoir sur le village, sonne plutôt « oh, regarde la
télé, c'est absolument dément ce qu'ils font, tu y crois
toi ? ».
→ Ce n'est pas du drame très brûlant, mais tout ça est très joli et
délicat, assez réussi. À tout prendre beaucoup plus satisfaisant que
ces opéras qui, en voulait être simultanément un laboratoire musical ou
poétique, ne sont tout simplement pas opérants prosodiquement et
dramatiquement – devenant vite mortellement ennuyeux. Choix peu
ambitieux ici, mais plutôt séduisant.
♥♥
STANCHINSKY : Piano
Music (A Journey Into the Abyss) (Witold Wilczek) (DUX 2021)
→ Impressionnant pianiste, très découpé et enveloppant à la fois !
→ Le corpus en est ravivé (pièces polyphoniques, nocturne, mazurkas).
Mais le plus intéressant demeure les Fragments, absents ici. ♥
STANCHINSKY : Piano
Works (Peter Jablonski) (Ondine 2021)
→ A beaucoup écouté Chopin... Très similaire dans les figures et
l'harmonie, à la rigueur augmenté de quelques effets retors typés
premier Scriabine.
→ Les Fragments sont plus intéressants que les Sonates et Préludes
; beaucoup plus originaux et visionnaires, plus scriabiniens, voire
futuristes.
→ Pianiste assez lisse.
♥♥♥HEISE, P.A.: Drot og marsk
(Royal Danish Opera Chorus and Orchestra, Schønwandt) (Dacapo 2021)
→ Superbe drame romantique, dans la veine de Kuhlau, remarquablement
chanté et joué. Tout est fluide, vivant, inspiré, œuvre à découvrir
absolument ! (il en existait déjà une version pas trop
ancienne chez Chandos) ♥♥HEGGIE, J.: Songs for Murdered
Sisters (J. Hopkins, J. Heggie)
→ Toujours dans le style fluide et très bien pensé rhétoriquement de
Heggie. Songs très bien
chantées.
Nouveautés : versions
Bach: 'Meins Lebens Licht' -
Cantatas BWV 45-198 & Motet BWV 118 – Collegium Vocale Gent,
Philippe Herreweghe (Phi 2021)
→ Approche très douce et caressante, comme voilée… Agréable, mais on
peut faire tellement plus de ce corpus !
→ (Déçu, j'ai beaucoup lu que c'était ultime…)
♥♥♥Messiaen – Quatuor pour
la fin du Temps – Left Coast Ensemble
(Avie 2021)
→ Captation proche et très vivante, interprétation très sensible à la
danse et à la couleur, une merveille où la direction de
l'harmonie, le sens du discours apparaissent avec une évidence rare !
+ Rohde: One wing
(Presler, Anna; Zivian, Eric)
→ Très plaisante piécette violon-piano, congruente avec Messiaen,
écrite par l'altiste membre de cet ensemble centré autour de San
Francisco.
♥
R. Strauss, Berg, Zemlinsky –
Lieder orchestraux : Vier letzte Lieder, Morgen,
Frühe-Lieder, Waldesgespräch – Piau,
O Franche-Comté, Verdier (Alpha 2021)
→ Beau grain de cordes (pas du tout un fondu « grand
orchestre », j'aime beaucoup), cuivres moins élégants.
→ Piau se tire très bien de l'exercice, même si captée de près (et pour
ce format de voix, j'aime une articulation verbale plus acérée), très
élégante et frémissante.
Verdi – Falstaff – Raimondi, OR
Liège, Arrivabeni (Dynamic)
→ Raimondi vieillissant et éraillé, mais toujours charismatique. En
revanche, tout est capté (y compris le très bon orchestre) atrocement,
comme rarement chez ce label pourtant remarquable par ses prises de son
ratées : on entend tout comme depuis une boîte sous la fosse, les
chanteurs sont trop loin l'orchestre étouffé, c'est un carnage.
→ À entendre pour la qualité des interprètes, mais très peu agréable à
écouter.
♥
Beethoven: König Stephan (King
Stephen), Op. 117 (revised spoken text by K. Weßler) – Czech
Philharmonic Choir, Brno; Cappella Aquileia; Bosch, Marcus (CPO 2021)
+ ouvertures de Fidelio
→ Version très informée et sautillante, avec un récitant (à défaut du
texte d'origine) ce qui est rarement le cas.
Autres nouvelles écoutes : œuvres
♥♥♥
Offenbach – Le roi Carotte –
Pelly, Lyon (vidéo France 3)
→ Les sous-entendus grivois les plus osés que j'aie entendus sur une
scène d'opéra… Formidable composition étonnamment libre pour du
Offenbach, livret d'une ambition bigarrée assez folle, une petite
merveille servie au plus haut niveau (Mortagne, Beuron, Bou !).
→ Grand concertato des armures qui évoque Bénédiction des Poignards,
superbe quatuor suspendu d'arrivée à Pompéi, impressionnante figuration
des chemins de fer…
♥♥♥Danielis – Motets –
Ensemble Pierre Robert, Desenclos (Alpha)
→ Petites merveilles à la française de ce compositeur wallon ayant
exercé en Allemagne du Nord, où – à Güstrow notamment – il s'est
illustré par ses frasques, insultes, caprices, chantages au départ…
→ Interprétation à la française également, d'une sobre éloquence, comme
toujours avec Desenclos.
→ Bissé.
♥♥
Buxtehude, Böhm, Weckmann, J.S.
Bach, C.Ph. Bach, W.F. Bach – Vom Stylus phantasticus zur freien
Fantasie – Magdalena Hasibeder sur
clavecin 16’ de Matthias Kramer (2006) d’après un clavecin
hambourgois (vers 1750) (Raumklang 2013)
→ Impressionnante majesté du clavecin doté d'un jeu de seize pieds (au
lieu du huit-pieds traditionnel), capté de façon un peu trouble. Mais
la superbe articulation de M. Hasibeder compense assez bien ces
limites. Un pont entre deux esthétiques de l'affect différentes, sur un
rare modèle reconstitué.
♥♥
Moeran – Concerto pour violon
– (Lyrita)
→ Lyrique, atmosphérique, dansant, très réussi. Mouvements lents
encadrant un mouvement rapide très entraînant et bondissant.
+ Rhapsodie en fa# avec piano (aux formules digitales très
rachmaninoviennes)
+ Rhapsodie en mim pour orchestre, très belle rêverie !
♥♥
Roy Harris & John Adams: Violin Concertos – Tamsin
Waley-Cohen, BBC Symphony Orchestra, Andrew Litton (Signum)
→ Deux concertos très vivants et colorés, où l'orchestre jou sa part.
→ Bissé.
♥♥
Halvorsen – Concerto pour
violon – Henning Kraggerud, Malmö SO (Naxos 2017)
→ Très violonistique, mais beaucoup des cadences simples et sens de la
majesté qui apportent de grandes satisfactions immédiates.
♥♥
Rihm, Gedicht des Malers
– R. Capuçon, Wiener Symphoniker, Ph. Jordan + Dusapin, Aufgang – R.
Capuçon, OPRF, Chung + Mantovani, Jeux d'eau –
R. Capuçon, Opéra de Paris, Ph. Jordan
→ Mantovani chatoyant et plein de naturel, Rihm lyrique et privilégiant
l'ultrasolo et le suraigu, Dusapin plus élusif.
♥♥
Svendsen: Violin
Concerto in A major, Op. 6 / Symphony No. 1 in D major, Op. 4 – Arve
Tellefsen, Oslo PO, Karsten Andersen (ccto), Miltiades Caridis (symph)
(Universal 1988)
→ Timbre d'une qualité surnaturelle… Sinon belle plénitude
paganino-mendelssohnienne, et plus d'atmosphères que d'épate.
→ Symphonie plus naïve, en bonne logique vu le langage.
♥
Matteis – False
Consonances of Melancholy – A. Bayer, Gli Incogniti, A. Bayer (ZZT / Alpha 2009)
→ Très beau disque également, mais de consonance plus lisse. ♥♥
Matteis – Ayrs for the
Violin – Hélène Schmitt (Alpha
2009)
→ Œuvres magnifiques, déjà tout un art consommé de doubles cordes
notamment, mais toujours avec poésie.
♥
Saint-Saëns – Suite pour
violoncelle et orchestre – Camille Thomas, ON Lille, A. Bloch (DGG 2017)
→ Suite d'inspiration archaïsante mais extrêmement romantisée, très
réussie.
+ des Offenbach arrangés
♥
Boccherini, Couperin-Bazelaire, Frescobaldi-Toister,
Monn-Schönberg – Concertos pour
violoncelle – Jian Wang,
Camerata Salzburg (DGG 2003)
→ Boccherini G. 482 en si bémol, plein de vie. Le reste du corpus est
moins marquant, surtout Monn, assez terne. Très belle interprétation
tradi-informée.
Pabst – Trio piano-cordes (« Russian Trio
History vol.2 ») – Brahms Piano Trio (Naxos)
→ Bissé. Beau Trio à la mémoire d'A. Rubinstein, bien fait, mais je
n'ai pas été particulièrement saisi.
Dupuy: Flute Concerto No.
1 in D Minor – Petrucci, Ginevra; Pomeriggi Musicali, I; Ciampi,
Maurizio (Brilliant Classics 2015)
→ On y retrouve les belles harmonies contrastées et expressives propres
à Dupuy, mais l'expression galante et primesautière induite par la
flûte n'est pas passionnante.
♥
Édouard Dupuy – Bassoon
Concerto in A Major – van Sambeek, Sinfonia Rotterdam, Conrad van
Alphen (Brilliant 2012)
→ Orchestre hélas tradi-mou. Belle œuvre qui mériterait mieux, quoique
en deçà du gigantesque concerto en ut mineur…
♥♥
Kreutzer – Violin Concerto No. 14 in E Major –
Peter Sheppard Skærved, Philharmonie Slovaque de Košice ; Andrew
Mogrelia (Naxos 2007)
→ Quelle grâce, on pense à Du Puy !
+ n°15, Davantage classicisme standard, mais interprétation très belle
(quel son de violon, quelle délicatesse de cet orchestre tradi !) qui
permet de se régaler dans les moments les plus lyriques.
(Arrêtez un peu de nous casser les pieds avec Saint-George et
faites-nous entendre du Clément et du Kreutzer, les gars !)
Kreutzer: 42 Etudes ou caprices –
Masayuki Kino (Exton 2010)
→ Vraiment des études de travail, certes plutôt musicales, mais rien de
bien passionnant à l'écoute seule, si l'on n'est pas dans une
perspective technique. Un disque pour se donner des objectifs plutôt
que pour faire l'expérience de délices musicales…
→ (mieux qu'Aškin et E. Wallfisch, paraît vraiment difficile à timbrer)
♥♥♥
Marschner ouv Vampyr, Korngold fantaisie Tote Stadt, R. Strauss Ariadne Fantaisie, Meyerbeer fantaisie Robert le Diable
– « Opera Fantasias from the Shadowlands » – Le Quatuor Romantique (violon, violoncelle,
piano, harmonium) (Ars Produktion 2010)
→ Arrangements passionnants qui ne se limitent pas aux moments
instrumentaux les plus évidents mais parcourent l'œuvre (le pot-pourri
d'Ariadne est particulièrement exaltant !), et dans un effectif
typique
de la musique privée de la fin du XIXe siècle, un ravissement – qui
change radicalement des disques qu'on a l'habitude d'entendre.
→ Trissé.
♥♥
Wagner – Wesendonck,
extraits de Rienzi, Lohengrin, Meistersinger, Parsifal –
« Operatic Chamber Music » – Suzanne McLeod, Le Quatuor Romantique (violon,
violoncelle, piano, harmonium) (Ars Produktion 2013)
→ À nouveau des arrangements qui (échappent un peu moins aux grands
tubes mais) renouvellent les équilibres sans déformer l'esprit ni
l'impact des œuvres. Très persuasif !
♥♥
Tchaïkovski,
Casse-Noisette (extraits), Waldteufel
Patineurs, Humperdinck
ouverture Hänsel & Noëls
traditionnels allemands – « CHRISTMAS MUSIC - A Late
Romantic Christmas Eve » – (Elena Fink, Le Quatuor Romantique) (Arsk
Produktion 2010)
→ Encore un délice…
♥
BRAHMS, J.: Piano
Quintet become String Quintet, Op. 34 (reconstructed by S. Brown) / WEBER, J.M.: String Quintet in D
Major (Divertimenti Ensemble) (Cello Classics 2007)
→ Belle œuvre de Weber (Joseph Miroslav).
→ Transformation réussie du Quintette avec piano en quintette à cordes,
les contrastes et les effets rythmiques demeurent vraiment de façon
convaincante – davantage que dans la version Sonate pour deux pianos,
pourtant de la main de Brahms !
♥♥
Mantyjärvi – Service de
la Trinité, Psaumes de Stuttgart et autres motets – Trinity College
Cambridge, Layton
→ Excellent exemple de la belle écriture chorale de la baltique, avec
une progression harmonique simple, des accords riches, un rapport
éttroit au texte, une lumière intense.
♥♥
Smyth – Quatuor en mi mineur
– Mannheim SQ (CPO)
+ quintette à cordes
→ Œuvres remarquablement bâties, avec une belle veine
mélodico-harmonique de surcroît. Le Quintette (de jeunesse) plus marqué
par une forme de folklore un peu rustique, le quatuor plus sophistiqué
(peut-être encore meilleur).
♥
Bosmans – Quatuor –
→ Bien bâti, particulièrement court.
♥♥
Honneur à la patrie (Collection "Chansons de France") – Chants patriotiques – Thill, Lucien
Lupi, Dens, Arlette Deguil, Legros, Roux, Michèle Dorlan… (Marianne
Melodie 2011)
Cherubini, Galuppi, Clementi, Bonazzi, Busi, Canneti… – Sonatas for two organs – Luigi
Celeghin, Bianka Pezić (Naxos 2004)
→ Cherubini avec des marches harmoniques alla Bach, Galuppi tout
bondissant en basses d'Alberti… quelles étranges choses. Assez sinistre
sur ces pleins-jeux blanchâtres (pourtant des orgues italiens de 1785),
pièces pas passionnantes… et l'effet de dialogue est
complètement perdu au disque (la matière musicale seule ne paraît pas
justifier l'emploi de deux organistes.
→ Seul Cherubini m'a un peu intéressé, par sa tenue et son décalage
avec l'habitude. Sinon, l'arrangement par Francesco Canneti du grand
concertato à la fin du Triomphe d'Aida est un peu divertissant et
tuilé, à défaut de subtil.
Cherubini: Sciant gentes – Keohane, Maria;
Oitzinger, Margot; Hobbs, Thomas; Noack, Sebastian; Stuttgart Chamber
Choir; Hofkapelle Stuttgart; Bernius, Frieder (Carus 2013)
→ Gentil motet sans éclat particulier, bien joué sans électricité
excessive non plus. ♥♥
Cherubini – Chant sur la mort de Haydn, Symphonie en ré
– Cappella Coloniensis, Gabriele Ferro (Phoenix 2009)
→ Début de la mort de Haydn contient pas mal d'éléments du début de
l'acte V de Don Carlos ! Culture sacrée commune aux deux, ou
souvenir de Verdi ?
Cherubini – Pimmalione
– Adami, Berghi, Carturan, Ligabue, RAI Milano, Gerelli (libre de
droits 1955)
Cherubini – Les Abencérages –
Rinaldi, Dupouy, Mars ; RAI Milan, Maag (Arts)
→ Quelques variations (orchestrales !) sur la Follia en guise de
danses de l'acte I.
→ Ne semble pas génialissime (récitatifs médiocres en particulier),
mais joué ainsi à la tradi-mou avec une majorité de chanteurs à fort
accent et plutôt capté, on ne se rend pas forcément compte des beautés
réelles… M'a évoqué le Cherubini-eau-tiède d'Ali Baba et de Médée, eux
aussi très mal servis au disque…
♥
Cherubini – Messe Solennelle
n°3 en mi (1818) // 9 Antifona sul canto fermo 8 tona // Nemo
gaudeat – Ziesak, Pizzolato, Lippert, Abdrazakov ; BayRSO,
Muti (EMI)
→ Mollissime. Il y a l'air d'y avoir de jolies choses, mais Muti,
pourtant sincère amoureux de cette musique, noie tout sous une mélasse
hors style.
→ Quand même la très belle découverte du motet Nemo gaudeat, très
belles figures chorale, curieux de réentendre cela en de meilleures
circonstances…
♥♥
Bartók, Le Château de Barbe-Bleue (en japonais) – Ito, Nakayama, NHK
Symphony, Rosenstock (1957, édité par Naxos)
→ Pas très typé idiomatiquement en dehors du Prologue, mais très bien
chanté et joué, beaucoup d'esprit ! ♥
Górecki: String
Quartet No. 3, Op. 67, "Pieśni śpiewają" ( … Songs Are Sung) – DAFÔ
String Quartet (DUX 2017)
→ Aplats et répétitions, pas aussi détendant que son Miserere ou sa
Troisième Symphonie, clairement, mais dans le même genre à temporalité
lente et au matériau raréfié.
→ Premier mouvement un peu sombre, le deuxième est au contraire un
largo en majeur, en grands accords lumineux et apathiques, les deux
scherzos intermédiaires apportant un brin de vivacité, jusqu'au final
largo, plus sérieux et prostré. Assez bel ensemble, plutôt bien fait
(mais très long pour ce type de matière : 50 minutes !).
♥♥
CHOPIN : Rondo alla
Krakowiak (Paleczny, Prima Vista Quartet, Marynowski) (DUX 2015)
→ Réjouissante version accompagnée par un quintette à cordes, pleine de
saveur et de tranchant par rapport aux versions orchestrales forcément
plus étales et arrondies – et ce même du côté du piano !
Autres nouvelles écoutes : interprétations
♥
Chabrier, ouverture de Gwendoline, España, Bourrée fantasque,
Danse
villageoise / Bizet, Suite de l'Arlésienne / Lalo Ys ouverture /
Berlioz extraits Romé / Debussy Faune / Franck Psyché extts / Pierné
Cydalise extts, Ramuntcho extts, Giration, Sonata da Camera – Orchestre
Colonne, Pierné (Malibran)
→ Quelle vivacité, quel élan ! Et le son est franchement bon
pour son temps.
♥♥
Messiaen – Saint François
d'Assise – Hallé O, Nagano (DGG)
→ Quel naturel par rapport à Ozawa ! On sent que la
partition fait
désormais partie du patrimoine et que son discours coule de source.
Walton – Concerto pour violon –
Suwanai (Decca)
→ Toujours son très beau son, mais l'œuvre me laissant assez froid…
♥♥♥
Mahler – Symphonie n°5 – LPO, Tennstedt (EMI)
→ Tourbillon dément. Même l'Adagietto est d'une tension à peine
soutenable.
MONN, G.M.: Cello Concerto in G Minor (arr. A.
Schoenberg) (Queyras, Freiburg Baroque Orchestra, Müllejans) (Harmonia
Mundi)
→ Un peu aigre comme son d'orchestre pour du classicisme, serait sans
doute très bien dans une œuvre intéressante mais ici…
Saint-Saëns, Berlioz – « French Showpieces (Concert
Francais) » –
James Ehnes, Orchestre symphonique de Québec, Yoav Talmi (Analekta 2001)
♥♥
Bach – Oboe Concertos –
Alexei Ogrintchouk, Swedish ChbO (BIS 2010)
→ Quel son incroyable, et quel orchestre aussi…
Verdi – Oberto (version originale), acte I
– Guleghina, Stuart Neil, Ramey ; Saint-Martin-in-the-Fields,
Marriner (Philips)
→ Tire beaucoup plus, joué ainsi, vers Norma et le belcanto plus
traditionnel. Plus formel, moins stimulant.
→ Avec Marriner, les formules d'accompagnement restent de
l'accompagnement. Et même Ramey semble un peu prudent, composé. (Manque
d'habitude de ces rôles en scène, probablement aussi : la plupart
n'ont
dû faire que ce studio.)
♥♥
Verdi – Oberto –
Dimitrova, Bergonzi, Panerai ; Gardelli (Orfeo)
→ Grande inspiration mélodique et dramatique pour ce premier opéra.
Distribution qui domine ses rôles ! Et des ensembles
furibonds
étourdissants !
♥♥ Verdi – Alzira – Cotrubas,
Araiza, Bruson, Gardelli (Orfeo)
→ De très très beaux ensembles… Un des Verdi les moins joués, et
vraiment sous-estimé.
♥Sibelius – Symphonie n°2 –
Suisse Romande, Ansermet
(Decca 1962)
→ Belle version pleine d'ardeur, avec des timbres toutefois très
aigrelets. Tout ne fonctionne pas à égalité (le mouvement lent manque
peut-être un peu de plénitude et de fondu ?), mais la toute fin
est assez incroyable de généreuse intensité.
♥♥
Sibelius – Tapiola –
Helsinki PO, Berglund
→ Un peu rond, mais rapide et contrasté, extrêmement vivant ! ♥♥
+ Kajanus
→ Orchestre limité et problématique (justesse, disparité de timbres),
mais élan irrésistible, conduite organique du tempo, saveur des
timbres !
♥♥
Messiaen – Quatuor pour la fin
du Temps – Chamber Music Northwest (Delos 1986)
Messiaen – Quatuor pour la fin du Temps – Jansen, Fröst,
Thedéen, Debargue (Sony)
→ Très soliste, manque un peu de cette fièvre commune (trop facile pour
eux ?). Même Thedéen, mon idole d'éloquence élégance dans Brahms,
paraît un peu forcer son timbre.
♥
Verdi – Nabucco (extraits en
allemand) – Liane Synek, Lear, Kónya, Stewart, Talvela ;
Deutsche Oper Berlin, H. Stein (DGG)
→ Version très bien chantée (en particulier le ferme mordant de Stewart
et la tendreté de Lear).
→ Les extraits sont étrangement choisis (pas d'ensembles, pas
d'Abigaille hors sa mort !).
♥♥♥
Verdi – Aroldo – Vaness,
Shicoff, Michaels-Moore ; Maggio Firenze, Luisi (Philips 2001)
→ Distribution, orchestre, captation de luxe pour cette refonte
de Stiffelio, dans le contexte plus consensuel des croisades. Les
meilleurs morceaux (le grand ensemble du duel à l'acte II, l'air du
père au début du III…) sont cependant conservés, à l'exception du
prêche final, hélas. (La version Aroldo de la fin Deest non seulement
musicalement fade, mais aussi dramatiquement totalement ratée.)
→ Meilleure version disponible au disque pour Aroldo, à mon sens.
→ bissé
Schubert – Quatuor n°13 –
Diogenes SQ
+ Engegård (plus vivant)
+ Ardeo (un peu gentil)
+ Takacs (vrai relief, son grand violon)
+ Terpsycorde réécoute (instruments anciens)
+ Mandelring (belle mélncolie)
+ Chilingirian SQ (autant leur Quintette est fabuleux, autant ce
quatuor, épais et mou me déçoit de leur part)
♥♥♥
Sibelius – Tapiola –
Suisse Romande, Ansermet
→ Ce grain incroyable, cette verdeur, cette clarté des timbres et du
discours ! (+ Davis LSO, très bien) ♥♥ (+ Berglund Radio Finlandaise, contrastes incroyables !) ♥♥♥
Cherubini – Medea acte I –
Forte, Antonacci, Filianoti ; Regio Torino, Pidò
→ Toujours aussi mortellement ennuyeux… et malgré Pidò (il faut dire
que la distribution n'aide guère…).
♥
Debussy, œuvres à deux
pianos – Grauschumacher Piano Duo (Neos 2021)
♥
récital : Weber
(Euryanthe), Wagner (Tannhäuser, Meistersinger), Verdi (Otello),
Tchaïkovski (Iolanta), Bizet (Carmen), Adams (Doctor Atomic), Turnage
(The Silver Tassie)… en anglais
– Finley, LPO, Gardner
(Chandos 2010)
→ Très beau récital très varié et original, splendidement chanté sur
toute l'étendue des tessitures et des styles…
+ réécoute de l'air d'Adams avec BBCSO & Adams (Nonesuch 2018) ♥♥
Quel tube immortel !
Haendel – Jephtha (disco
comparée) Gardiner, c'est plutôt un de
ses disques tranquilles (mous). Pas du niveau de son Penseroso par exemple. Biondi est très bien mais
attention, il utilise un orchestre moderne, les cordes sont en
synthétique et très ronde même si ça vibre peu, couleurs des vents
plutôt blanches aussi, et on entend que les archets sont modernes, ça
n'a pas le même tranchant à l'attaque : c'est très bien pour un
orchestre pas du tout spécialiste, mais vu qu'on a du choix au disque,
n'en attends pas un truc comparable à ses enregistrements de Vivaldi. Budday sonne un peu écrasé, Grunert plutôt triste. Même Christophers n'est pas très
électrique. Creed reste un peu tranquille,
mais un des plus animés et équilibrés en fin de compte. Harnoncourt a un peu vieilli,
mais ça a le grain extraordinaire et l'engagement du Concentus des
débuts… Il faut voir sur la longueur ce que ça donne, mais l'effet Saül n'est pas à exclure ! En
tout cas, c'est nettement la plus habitée, je trouve. (Avec Biondi,
mais instruments modernes…)
♥
Smetana: Má vlast
– Bamberg SO, Hrůša (Tudor 2016)
→ Beaux cuivres serrés, superbes cordes, grand orchestre assurément et
par la légèreté de touche d'un habitué du folklore. Ensuite, je trouve
toujours cette œuvre aussi univoque, faite de grands aplats
affirmatifs, sans discours très puissant, une suite de grands
instantanés grandioses. À tout prendre, dans le domaine du mauvais goût
pas toujours souverainement inspiré, l'Alpestre de Strauss m'amuse
autrement !
Réécoutes : œuvres
♥♥♥
LULLY – Isis (actes III, IV)
– Rousset
♥
Pierné – Cydalise & le
Chèvre-pied – Luxembourg PO, Shallon (Timpani)
→ Très joli, dans le genre de Dapnis (en plus rond). Le sujet
versaillais n'induit pas vraiment d'archaïsmes. Très beau ballet galant
et apaisé.
Pierné – La Croisade des Enfants (en
anglais) – Toronto SO, Walter Susskind
→ Un peu lisse, en tout cas joué / chanté ainsi.
♥♥
Pierné – L'An Mil –
Peintre, ON Lorraine, Mercier (Timpani)
→ Aplats vraiment pauvres des mouvements extrêmes, mais ce scherzo de
la Fête des Fous et de l'Âne est absolument extraordinaire, et illustre
de façon éclatante le génie orchestratoire de Pierné – certains
éléments, comme l'usage des harmoniques de violon pour créer des
résonances dynamiques, sont abondamment réutilisés dans L'Oiseau de feu
de Stravinski…
Moulinié: Le Cantique de Moÿse –
par les Arts Florissants, William Christie (HM)
→ Toujours pas convaincu par cet corpus qui regarde bien plus vers la
Renaissance et la polyphonie assez austère que vers les talents
extraordinaires de mélodiste que manifesta par ailleurs Moulinié.
♥♥
Pfleger – Motets latins
– CPO
♥♥♥
Kreutzer – La mort d'Abel
– Droy, Bou, Pruvot ; Les Agrémens, van Waas (Singulares 2012)
→ six fois
♥♥♥
Édouard Dupuy – Concerto
pour basson – van Sambeek, Swedish ChbO, Ogrintchouk (BIS 2020)
→ Un des disques les plus écoutés en 2020, pour ma part ! Le
thème lyrique et mélismatique du premier mouvement est une splendeur
rare. Et ces musiciens sont géniaux (meilleur bassoniste du monde,
meilleur orchestre de chambre du monde, dirigés par le meilleur
hautboïste du monde…).
♥♥
Ginastera – Quatuors 1,2,3
– Cuarteto Latinoamericano (Brilliant)
→ Folklore et audace de l'harmonie, des figures… du Bartók à
l'américaine (australe).
♥♥♥
Joni Mitchell – Blue
(1975)
→ La parenté avec la pensée du
lied schubertien me frappe à chaque fois…
♥♥
PEJACEVIC, D.: Symphony
in F-Sharp Minor, Op. 41 / Phantasie concertante (Banfield,
Rheinland-Pfalz State Philharmonic, Rasilainen)
→ Symphonie expansive et persuasive, riche ! Pas du tout une
musique galante.
♥♥
Cherubini – Messe solennelle n°2 en ré (1811) –
Ziesak, Bauer ; Stuttgart Klassische Ph, Bernius (Carus)
→ Qui tollis a l'aspect de
volutes du début du Songe d'Hérode chez Berlioz (source de sa parodie).
Et puis marche harmonique très impressionnante.
→ Dans le Sanctus / Benedictus, Hosanna en contraste, façon Fauré, très
réussi.
→ Spectre orchestral qui respire beaucoup, réussite de Bernius.
♥DOBRZYŃSKI, I.F.: String
Quartet No. 1 / MONIUSZKO, S.:
String Quartets Nos. 1 and 2 (Camerata Quartet) (DUX 2006)
→ Beau romantisme simple, où se distingue surtout le Premier de
Moniuszko.
Réécoutes : versions
♥♥♥
Offenbach – Barbe-Bleue
(duos de l'assassinat au II, entrée et duel de BB au III)
versions Pelly (Beuron), Cariven (Sénéchal), (Legay), Campellone
(Vidal), Harnoncourt
« Le ciel, c'est mon affaire » (Zampa)
« Non dans un vain tournoi, mais au combat mortel » (Robert Le Diable)
« Le ciel juge entre nous » (Les Huguenots)
♥♥♥
Verdi – La Forza del Destino
(adieux et duel de l'acte III) – Del Monaco, Bastianini, Santa Cecilia,
Molinari-Pradelli (Decca)
→ Quel verbe, quelles voix, quel feu !
→ (bissé)
♥♥♥
Bach – Sonates violon-clavecin
– Glodeanu, Haas (Ambronay 2007)
→ Merveille de souplesse, d'éloquence, la pureté et la chair à la fois.
Mahler – Das Lied von der Erde
– K. König, Baltsa, LPO, Tennstedt (EMI)
→ Un peu plus terne, manque de cinétique, un peu décevant. Les couleurs
mordorées de Baltsa sont un peu inhibées par son allemand qui paraît
moins ardent que son italien ou son français.
♥
Mahler – Symphonie n°2 –
Soffel, LPO, Tennstedt (EMI)
→ Très très bien, mais pas aussi singulier / tendu / abouti que le
reste de l'intégrale. Quand même le plaisir de profiter des
frémissements de Soffel dans un tempo d'Urlicht ultra-lent.
→ On entend tout de même remarquablement les détails, les doublures,
l'ardeur individuelle aussi (quelles contrabasses !). Le chœur
chante avec naturel aussi, voix assez droites qui sonnent à merveille
ici.
♥♥♥
Mahler – Symphonie n°3 –
Wenkel, LPO, Tennstedt (EMI)
→ Tellement tendu de bout en bout, et très bien capté !
♥♥
Verdi – Nabucco –
Souliotis, Prevedi, Gobbi ; Opéra de Vienne, Gardelli (Decca)
→ Chœur superbement articulé. Splendide distribution. Pas
l'accompagnement le plus ardent, mais un sens du pittoresque qui n'est
pas dépourvu de délicatesse.
♥♥♥
Verdi – Nabucco –
Theodossiou, Chiuri, Ribeiro, Nucci, Zanellato ; Regio Parma,
Mariotti (C Major)
→ La version moderne idéale de l'œuvre, fouettée et dansante à
l'orchestre (vraiment conçue sèche comme un os, aucune raison d'empâter
ces harmonies sommaires conçues pour le rebond), chantée avec un luxe
et une personnalité très convaincants.
♥♥♥
Verdi – Stiffelio –
Regio Parma, Battistoni (C Major)
→ La version sans faute de ce bijou trop peu joué. Comme
Traviata, un drame de mœurs contemporain (l'adultère de la femme
d'un pasteur).
♥♥♥
Rott – Symphonie en mi
– Radio de Francfort, P. Järvi (RCA)
→ La superposition des deux thèmes du I est vraiment génialissime… et
que de traits qui tirent le meilleur de Bruckner et annoncent le
meilleur de Mahler !
À nouveau, brève présentation, communication de mon tableau
d'écoutes commenté, et en texte brut son contenu en corps de notule.
(Je vous renvoie donc au tableau pour la mise en page la plus lisible.)
Le fichier est ici : format ODS (Open Office) ou XLS (Microsoft Office).
Que retenir des parutions de février ? (Et de quelques
découvertes personnelles hors actualité.)
Opéra
→ Sacrée surprise de la versatile Faniska
de Cherubini ;
→ parution moderne (et réussie) d'Ô
mon bel inconnu de Hahn
;
→ coffret Orfeo d'opéras rares (Don
Giovanni de Gazzaniga,
Djamileh de Bizet, Armida de Dvořak, Šarká de Fibich, Thérèse de Massenet, La Bohème de Leoncavallo…) dans des versions pas
ultimes mais qui restent abouties ;
→ Dardanus de Rameau dans une nouvelle version
Vashegyi étonnamment stimulante (peut-être la meilleure parue pour cet
opéra) ;
→ Aida parisienne de Verdi sur Arte (remarquablement
jouée-chantée, avec Radva Regina) ;
→ Alimelek de Meyerbeer (certes une déception
quant à l'ambition très limitée de la partition, un peu son Abu Hassan à lui).
♦ Hors nouveautés, je me suis régalé en
découvrant enfin le Sigurd de
Reyer
intégral (autrement que sur mon piano), sans coupures : grâce à Nancy
(Chaslin, avec notamment Bou en Gunther !), capté sur les genoux et
transmis par un amis.
♦ Et réécouté quelques indémodables classiques personnels : Céphale & Procris de Grétry (van Waas), Léonore de Gaveaux (R. Brown), Les Diamants de la Couronne chef-d'œuvre
de tout Auber (Colomer), L'Aiglon d'Ibert-Honegger (Nagano).
Récitals
Deux disques incluant des cycles de Jake
Heggie qui paraissent à quelques semaines d'intervalle (Songs from the Violins of Hope, Songs for Murdered Sisters), peu
après le cycle statuaire avec Jamie Barton.
Remarquable pot-pourri de sucreries
tudesques des années 1930, interprétées splendidement (c'est
radieux, mais c'est sobre) Mitterrutzner et Poppen.
Sacré
Motets funèbres de LULLY
dans la luxueuse interprétation de Fuget, essayant une tension
installée dans un fondu orchestral. (Réécoute dans la foulée de
García-Alarcón, dont le caractère expansif, déclamatoire et contrasté
me séduit considérablement plus.)
Aussi réécouté le Requiem de Foulds et la deuxième Missa Solemnis de Cherubini (par Rilling), deux
petites merveilles de l'art sacré.
Orchestral
Tout le monde a loué avec raison la Neuvième
de Beethoven
par Pittsburgh & Honeck. Parution également sur la chaîne YouTube
de la Radio de Francfort de la version originale (deux fois plus
longue) de la Tragédie de Salomé
de Schmitt, chaleureusement
exécutée par Altinoglu.
Hors nouveautés, je me suis plongé dans la Symphonie en fa dièse de Pejačević, compositrice qui sait
charpenter un discours, petite merveille. Et puis je me suis émerveillé
de l'art de Hannu Lintu
que je connaissais mal (aussi bien dans Vieuxtemps que dans Sibelius), j'ai totalement réévalué
les Nielsen de Kuchar (en
réalité très vivants et d'une très bonne finition), et ai découvert
quelques versions marquantes de Tapiola (A.
Davis & Bergen, Lintu & Radio Finlandaise, Rosbaud &
Berlin…).
Et quelques réécoutes de bijoux : Beethoven 9 par Mackerras et l'Age
of Enlightenment (on ne fait pas plus net et ardent), Nielsen
par Jensen (première intégrale enregistrée, mais d'une ardeur et d'une
fermeté d'exécution qu'on n'atteint à nouveau que dans les versions les
plus récentes !), les 3 symphonies de Madetoja,
Älven (« Le Fleuve ») d'Atterberg (pendant à l'Alpestre de R. Strauss), et la
grisante monographie Cecil Coles,
pleine de beautés subtiles et très diverses.
Chambre
Simples et beaux Quatuors de Karnavičius.
Parution d'un trio avec piano de Pejačević,
pas très marquant en soi, mais l'occasion d'aller retrouver dans le
fonds CPO son Quintette avec piano et son Quatuor piano-cordes, des
merveilles qui ne sonnent en rien galants / mélodiques / limités au
divertissement de salon ; de la musique formellement ambitieuse,
quoique généreuse mélodiquement. Bijoux.
Autres belles publications, une nouvelle version du Quintette avec hautbois de Dubois (avec Triendl – un peu
sérieuse, mais réussie) et une anthologie Santiago de Murcia qui étonne par son choix de
pousser l'aspect « improvisé », paraissant réalisé au débotté comme une
séance de flamenco.
Hors nouveautés, plongée dans les sonates pour deux
violons, originales et denses, de Leclair
(car…) et dans le cycle du Rosaire de Biber
par Manze & Egarr, version musicologiquement respectueuse, mais
très confortable, sans recherches extrêmes sur le son, et
remarquablement phrasée. Très confortable quand on n'est pas d'emblée
dans son univers parmi la musique instrumentale baroque d'Europe
centrale.
Le fichier est ici : format ODS (Open Office) ou XLS (Microsoft Office). J'espère qu'il vous sera
lisible et utile.
La légende
Du vert au violet, mes recommandations…
→ * Vert : réussi !
→ ** Bleu : jalon considérable.
→ *** Violet : écoute capitale.
→ ¤ Gris : pas convaincu.
(Les disques sans indication particulière sont à mon sens de très bons
disques, simplement pas nécessairement prioritaires au sein de la
profusion de l'offre.)
Liste brute :
Nouveautés : œuvres
** HEGGIE, J.: Songs for
Murdered Sisters (J. Hopkins, J. Heggie)
→ En cours d'écoute.
** KARNAVIČIUS, J.: String
Quartets Nos. 1 and 2 (Vilnius String Quartet) (Ondine 2021)
→ De la tonalité très stable, mais remarquablement écrite, un peu la
suite logique des quatuors de Stenhammar. Je ne sais si ça conservera
sa fraîcheur à la réécoute, mais grisant (et très accessible) à la
découverte ! (1913-1917)
→ Le Quatuor de Vilnius se montre assez fulgurant ici – et
généreusement capté.
** Cherubini – Faniska – K.
Adam, Poznan PO, Borowicz (DUX 2021)
→ L'œuvre débute comme de l'opéra belcantiste, avec ses rigidités… mais
du Cherubini, donc un sens véritable de la déclamation (incluant grands
ensembles et mélodrame !), des chœurs très marquants et personnels
(le renforcement des cors dans « Di queste selve » !), des
efforts d'orchestration patents… Et quand on arrive au final de l'acte
I, qui évoque très fortement Fidelio (Faniska a été commandée en 1805,
l'année de la première représentation du Beethoven), on se dit qu'on
n'a pas commis beaucoup d'opéra italien aussi personnel, composite et
exaltant que celui-ci, puisant à toutes les inspirations nationales
simultanément ! Les cavatines belcantistes, la grande
déclamation à la française, le soin tout germanique de l'orchestration
et de la matière musicale pure (l'Introduction du II !) …
→ Comme toujours chez Dux ou avec Borowicz, interprétation pleine de
style et de vie, au plus haut niveau. (DUX est l'un des meilleurs
labels au monde, peut-être même celui dont la qualité, aussi bien des
œuvres retenues que de l'exécution, n'est jamais prise en défaut).
* Thalberg – L'art du
chant appliqué au piano, Op. 70 – Paul Wee (BIS 2021)
→ Belle initiative de graver plutôt l'ensemble que des morceaux choisis
comme souvent. Beau son de piano bien timbré et lyrique.
→ Thalberg, ici comme ailleurs, fait plutôt dans la transcription
littérale : les mélodies sont utilisées en entier, les répétitions
de l'original respectées, un thème accompagné reste un thème
accompagné, il ne faut pas du tout en attendre les mutations opérées
par Liszt. Dans ce cadre, c'est bien écrit pour le piano et tout à fait
plaisant à entendre – mais écouter ça au disque quand on peut avoir les
opéras entiers (ou quelquefois des arrangements originaux), ça paraît
moins indispensable que lorsque c'était le sel moyen de découvrir ou de
faire écho à une soirée.
[Par ailleurs, quand on peut jouer pour soi les réductions piano de ces
opéras, le bénéfice d'écouter quelqu'un d'autre jouer les réductions de
Thalberg n'a pas un intérêt incommensurable.]
* PEJAČEVIĆ – Trio en ut –
trioW (Stefan Welsch, Ingrid Wendel, Katharina Wimmer) (Naxos 2020)
(tiré du disque « Unerhörte Schätze, Musik von
Komponistinnen », pas encore écouté)
→ Très vivant postromantisme, très réussi. Mais il faut surtout
découvrir le Quatuor avec piano (et le Quintette) chez CPO !
*** Schmitt – La Tragédie de
Salomé, version complète originale – Radio Francfort, Altinoglu (YT
HRSO)
→ Version pour petit orchestre, qui contient deux fois plus de musique
(notamment tout le liant dramatique entre les danses). Œuvre majeure,
interprétée ici avec chaleur et couleur.
(Au disque, on n'a que la belle version Davin chez Marco Polo, mais
avec le moins chatoyant Philharmonique de Rhénanie-Palatinat).
https://www.youtube.com/watch?v=fmRCZQ2vID4
Biber, Bernhard, JM Nicolai, Fux –
Requiem, motets, Sonates – Vox Luminis, Freiburg Baroque Consort,
Meunier (Alpha 2021)
→ Cordes rares et très étroites, ce n'est pas fabuleusement chaleureux
à écouter, pour mon goût. Le contraste avec le beau chœur (pour autant
pas dans son meilleur répertoire / jour) est un peu frustrant.
* Eklund: Symphony No.
3,
"Sinfonia rustica", 5 « Quadri », 11
« Piccola » –Norrköping SO, H. Bäumer (CPO 2020)
→ 3 : Postromantisme sombre, quelque part entre entre les aplats
simples de Schjelderup, les bizarres tintements de la Sixième de
Nielsen, les menaces de Chostakovitch (on y entend très clairement le
début et la fin de la Cinquième…). Il ne faut pas s'attendre à du
pastoralisme ici
→ 5 : Sensiblement même esprit (avec des bouts de la folie
d'Hérode chez R. Strauss, mêmes lignes ascendantes bancales de
trompettes folles ).
Alfano – Risurrezione –
(Dynamic)
→ Opéra vraiment peu exaltant, bâti de façon très prévisible, peu de
contrastes ni de couleurs orchestrales. Quand on compare aux symphonies
(et encore davantage à la musique de chambre d'Alfano), tout ceci
paraît particulièrement incompréhensible.
→ Sans avoir jamais été convaincu qu'il s'agissait d'un chef-d'œuvre,
je trouve cette dernière version, quoique très bien chantée,
particulièrement peu colorée orchestralement.
Respighi – transcriptions de
Bach (Prélude & Fugue, Passacaille & Fugue en utm, Chorals) et
Rachmaninov (Études-tableaux) – OPR Liège, Neschling (BIS 2021)
→ Pas très subtilement orchestré, orchestre pas splendide non plus…
mais le Choral du Veilleur fonctionne très bien.
** Hahn – Ô mon bel inconnu –
Gens, Dubruque, Dolié ; ON Avignon-Provence, Samuel Jean (Bru Zane
2021)
→ Interprétation orchestrale pleine de d'élan, naturel général des
interactions, prise de son extrêmement confortable… une œuvre-légère
délicieuse qui fonctionne parfaitement ici, ravivée avec esprit.
→ Belles voix pas complètement idéales : l'émission de Gens paraît
vraiment molle pour le registre comique, Dubruque n'a pas
énormément de séduction timbrale, Dolié couvre toujours beaucoup trop
(toutes les voyelles sont modifiées, fermées, le timbre
artificiellement assombri) – pour autant, c'est lui qui manifeste le
plus de sensibilité dans l'incarnation de son texte, très réussie.
* MEYERBEER : Wirth und Gast,
oder Aus Scherz Ernst [Opera] (Alimelek) (Kobow, Woldt, Stallmeister,
Württembergische Philharmonie Reutlingen, Rudner) (Sterling 2021)
→ Un nouveau Meyerbeer en allemand, comme on n'en entend guère, par une
superbe équipe (Reutlingen !) et le librettiste du
Vampyr !
→ Sympathique Singspiel (dont l'ambiance a quelque chose d'une
Zauberflöte ou d'un Oberon de Weber qui aurait entendu Rossini et
Boïeldieu). C'est agréable, mais rien à voir, jusque dans la langue
proprement musicale (les harmonies, les rythmes, l'orchestration, les
mélodies, la prosodie…) avec ce qu'il produit pour l'Italie (qui est
moins bien) et pour la France (qui est infiniment plus personnel).
Nouveautés : versions
* Liszt – Réminiscences de
Norma
(+ Sonate en si + Sonnets des Années de Pélerinage, non écoutes) –
Grosvenor (Decca 2021)
→ Très ferme toucher, traits très bien articulés… Capté avec un peu de
dureté. Manque un peu de couleur pour mon goût. La maîtrise technique
fait toutefois la différence dans le final, absolument flamboyant, où
l'abondance de traits ne rallentit en rien l'énonciation de la mélodie
du bûcher. Bravo.
*** Tauber, Hans May, Carste,
Grothe, Ernst Fischer, Winkler, Cottrau, Stolz, Sieczynski, Kalman, De
Curtis, Ralph Erwin, Spolianski, Karl Böhm, Marini, Tosti, Capua – « Heut' ist der schönste Tag - Tenor
Hits of the 1930s » – Martin Mitterrutzner,
German Radio Saarbrücken-Kaiserslautern Philharmonic. C. Poppen (SWR Classic 2021)
→ Sobre (malgré tout) accompagnement de l'excellent Poppen, et voix
splendide de cet élégant ténor ferme, plutôt léger mais assez glorieux,
ne négligeant pas l'art (sacrilège) du fading ! Superbe
album dans ce genre, si l'on n'a pas peur du sirop (moi un peu, on se
lasse vite).
* Weber – Der Freischütz
(extraits !) – van Oostrum, Barbeyrac, Baykov ; Skerath,
Immler ; Insula Orchestra, Équilbey (Erato)
→ Quelle étrange chose, un disque de 80 minutes qui ne contient que les
moments de bravoure (ouverture, pantomime de la fonderie, airs), pas de
dialogues et très peu d'ensembles… mais complété par un DVD
documentaire sur la production. Pourquoi faire ?
→ Dommage, production très réussie (incluant la magie, très adéquate
ici), couleurs superbes (et individualités musiciennes !) de
l'orchestre sur instruments, très beau plateau (Agathe en particulier).
Cela méritait une diffusion de l'intégrale…
* MURCIA, S. de: Baroque
Guitar Music (Entre dos almas) (Stefano Maiorana) (Arcana 2021)
→ Jeu très généreux et mélismatique, évoquant davantage une
improvisation de flamenco. Accord surprenant (quel tempérament utilisé
?), jeux de distorsion, bruits de caisse… ** Verdi – Aida –
Radvanovsky, Kaufmann, Tézier ; Opéra de Paris, Mariotti (Arte
Concert 2021)
→ Amants absolument merveilleux, souples et nuancés tout en restant
glorieux. Orchestre très bien mis en valeur par Mariotti. Entourage
impeccable. Un plaisir.
** Rameau – Dardanus version
de 1744 – Wanroij, Santon, Dubois, Christoyannis, Dolié ; Orfeo O,
Vashegyi (Glossa 2021)
→ Vocalement, vraiment pas ce que je voudrais entendre ici (Dolié
outrageusement couvert, Christoyannis en petite forme, peut-être à
cause de la tessiture basse du rôle), à l'exception de Dubois qui, avec
son timbre grêle et perçant, rayonne à sa façon.
→ Mais l'excellente surprise vient de Vashegyi qui, malgré des couleurs
un peu grises, insuffle une véritable animation, même aux récitatifs
plus convenus et aux airs longs. Contrairement à ses autres Rameau et
aux pastorales un peu dénervées qu'il a faites ces dernières années, un
véritable sens dramatique se déploie. Peut-être bien la meilleure
version de Dardanus à ce jour, si l'on considère l'effet
d'ensemble !
** Beethoven – Symphonie n°9 –
Pittsburgh SO, Honeck (Reference Classics 2021)
→ Très allégé et informé, extrêmement vif dans le premier mouvement,
interprétation très tendue, pleine de détails d'orchestration,
d'explosions, de fièvre ! Du vrai Beethoven.
→ Le final est très beau, mais m'accroche moins, trop de timbre, de
maîtrise peut-être.
* LULLY – Dies
iræ, De Profundis, O Lachrymae – Les Épopées, Fuget (Château de
Versailles)
→ Captation également disponible en vidéo chez Arte. → Son très profond
d'un vaste orchestre, solistes ***** (Lefilliâtre, Auvity, Goubioud,
Mauillon, Arnould, Brès…). Sur le choix esthétique, un peu difficile de
passer après les mêmes motets l'an dernier par Millenium Orchestra et
García Alarcón : chez Fuget tout est très fondu (et poisse un
brin, acoustique de la Chapelle Royale aidant), là où la respiration,
la discontinuité, l'éclat, la déclamation triomphante prévalaient de
façon saisissante chez Alarcón (de loin le plus beau disque de grands
motets de LULLY, il faut dire – qui avait marqué le millésime 2020).
→ La vidéo, très bien filmée, apporte un supplément en voyant tout ce
monde frémis à l'unisson !
Nouveautés : rééditions
** Gazzaniga (DG), Bizet (Djamileh), Dvořák (Armida), Fibich (Šarká), Massenet (Thérèse), Leoncavallo (La Bohème) –
« Opera Rarities » – (Orfeo)
→ Coffret contenant ces œuvres intégrales (passionnantes) dans de
belles versions (pas les meilleures, certes). Il doit cependant manquer
les livrets, certains se trouvent en ligne (mais pas sûr pour La Bohème
et à peu près sûr que non, hors monolingue, pour Armida.
Autres nouvelles écoutes : œuvres
** PEJACEVIC, D.: Symphony in
F-Sharp Minor, Op. 41 / Phantasie concertante (Banfield,
Rheinland-Pfalz State Philharmonic, Rasilainen)
→ Symphonie expansive et persuasive, riche ! Pas du tout une
musique galante.
*VIEUXTEMPS, H.: Violin Concerto No.
4 (Hahn, Bremen Deutsche Kammerphilharmonie, P. Järvi) (DGG 2015)
→ Final exceptionnellement virtuose. Un peu plus superficiel
musicalement aussi, trouvé-je.
***Pejačević – Quintette piano-cordes,
Quatuor en ut, Quatuor piano-cordes – Sine Nomine SQ, Triendl
(CPO 2012)
→ Quintette : Belles modulations, beau lyrisme du mouvement lent,
dernier mouvement virevoltant ! Postromantisme enrichi de
recherches début XXe chez cette compositrice croate.
→ Beau quatuor à cordes apollinien.
→ Quatuor piano-cordes : très marqué par Debussy et Fauré, une
petite merveille très frémissante et prenante, à rapprocher par exemple
de ceux de Chausson et Fauré (n°1).
→ Cordes du Sine Nomine pas fabuleuses (manquent vraiment de fermeté et
de mordant, grincent un peu).
***Reyer
– Sigurd (version intégrale) – Bou ; Opéra National de Lorraine
Nancy, Chaslin (bande pirate sur les genoux)
→ Première présentation de l'œuvre sans coupures !
*Cherubini:
Mass in A Major de 1825 pour le Couronnement de Charles X – Cologne
Radio Chorus; Cappella Coloniensis; , Gabriele Ferro (Capriccio)
*Emilie Mayer – Quatuor piano-cordes –
Mariani PiaQ (CPO 2017)
→ Chouette. Manque quand même d'un petit quelque chose de marquant.
*Foulds – Le cabaret Overture //
Pasquinades symphoniques // April-England // Hellas // 3 Mantras – LPO,
Wordsworth (Lyrita 2006)
→ Des choses sympathiques, mais globalement surtout marquant du côté
des Mantras.
Rangström – Symphonies n°3
& 4 – Norrköping SO, Mikhaïl Jurowski (CPO)
→ La 3 : sombre ostinato et structure simple favorisant la mélodie
simple, je pense à Libertas venit de Hendrik Andriessen, petite
merveille… mais en moins prégnant.
→ La 4 : là encore de grands aplats pas très complexes
structurellement malgré une harmonie travaillée. Pas totalement séduit
par cette alternance de blocs en pleins et en creux, un brin sommaire
(et en tout cas, dans ses effets de contraste, peu propice au disque).
*Rangström – Intermezzo Drammatico –
Norrköping SO, Mikhaïl Jurowski (CPO)
→ Simple mais persuasif et personnel. Par moment un côté danses de
Salomé chez Schmitt…
FOULDS, J.: Dynamic Triptych /
April England / April England / The Song of Ram Dass (Donohoe, City of
Birmingham Symphony, Oramo)
→ Aimable, galant, moins nourrissant que l'autre monographie.
**LECLAIR, J.-M.: Sonatas for 2
Violins (Complete) - Opp. 3 and 12 (Ewer, LaMotte) (Dorian Sono Luminus
2014)
→ L'opus 3 n°1 est celui qui figure, sur la gravure-portrait de Leclair
tirée d'un pastel… Après avoir passé en revue ses partitions, j'ai fini
par trouver l'extrait assez substantiel qui apparaissait dans ses mains…
→ Ce n'est pas la seule raison pour laquelle écouter ces duos qui font
figure de sonates en trio sans basse continue !
LECLAIR, J.-M.: Sonatas for 2 Violins, Op. 3, Nos. 1-6 (Hoebig,
Stobbe) (Analekta 2018)
→ Un peu lourd.
*Rangström – Symphonie n°1 –
Norrköping SO, MIkhaïl Jurowski
**FOULDS,
J.: 3 Mantras / Mirage / Lyra Celtica / Apotheosis (City of Birmingham
Symphony, Oramo)
→ Très varié et réussi. Les Mantras en particulier, ou la Lyra qui
inclut un soprano sans texte. Même la concertante (avec violon)
Apotheosis me touche beaucoup (l'élan majestueux au centre de son
Andante !).
*** Foulds – World Requiem –
BBC SO, Botstein (Chandos)
→ Très varié et expansif, remarquable écho (moins idiosyncrasique,
certes) au War Requiem.
Autres nouvelles écoutes : interprétations
** Cherubini – Missa solemnis n°2 en ré mineur – Rilling (Hänssler)
→ Très bel ensemble remarquablement écrit, comparable au style de ses
requiems (riches en prosodie, travaillés sur la déclamation et au
besoin le contrepoint), mais avec des solistes très bien mis en valeur.
Le tout joué avec la rondeur et la rhétorique dramatique formidable de
Riling.
* Meyerbeer – « Meyerbeer in France » – Thébault, Pruvot,
Sofia PO, Talpain (Brilliant 2016)
→ Très beau disque (cette précision d'articulation orchestrale dans du
Meyerbeer, c'est pas tous les jours !). Pruvot magnifique, Thébault
plus problématique (timbre peu dense, aigus un peu criaillés).
→ Les extraits choisis sont pour large part de l'ordre décoratif, pas
nécessairement le meilleur du compositeur, mais joli voyage néanmoins,
atypique !:
* Leroy Anderson, Typewriter
Concerto
→ Dans le style Wolf-Ferrari…
* Vieuxtemps: Violin
Concerto No. 5 in A Minor, Op. 37, "Gretry": – Corey Cerovsek ;
Lausanne Chamber Orchestra : Lintu, Hannu (Claves 2008)
→ L'Adagio cite le duo d'amour Isabelle-Alonze de l'acte II ?
D'où le nom ?
→ Superbe version pleine de vie.
* Sibelius 5, Radio
Finlandaise, Lintu (DVD)
→ Très beau, remarquable progression, mais quelques moments qui
manquent d'angle, d'ampleur, de relance épique – en particulier les
appels de cor du dernier mouvement, étrangement allentis et lissés, ce
qui ne manque pas de grâce, mais un peu d'apothéose comme ce l'est
usuellement… Néanmoins, splendide final sur le bout des pieds, très
étonnant.
* BIBER – Sonates du Rosaire –
Manze, Egarr (HM 2004)
→ Superbement phrasé, version HIP sans trop d'acidité / aridité, assez
confortable pour moi qui ne suis pas toujours à l'aise avec cette
ensemble monumental que j'ai peut-être tort d'écouter d'une traite…
Variations et traits de virtuosité (écrits par Biber) impressionnants.
→ La Présentation au Temple, le jeune Jésus préchant, le Christ au
Pilier, Crucifixion me touchent tout particulièrement… Version ou
maturation de ma part, l'impression d'enfin accéder à l'œuvre !
*** Sibelius: Tapiola –
Radio Finlandaise, Berlin, Rosbaud (Ondine)
* Sibelius: Tapiola –
Radio Finlandaise, Lintu (Ondine) * Williams – Star Wars
VII – CD de la BO
→ La qualité a bien baissé. Hors le thème de Rey, très réussi, vraiment
de la tapisserie sage et de la fanfare pétaradante. Dommage, quelle
distance avec l'art consommé des IV et V.
CHERUBINI, L.: Mass No. 2,
"Messe Solennelle" en ré mineur (Wiebe, Jungwirth, Orrego, Friedrich,
Munich Motet Choir, Munich Symphony, Zobeley)
** Sibelius: Tapiola, Op.
112 – Royal Stockholm Philharmonic Orchestra; Davis, Andrew (Finlandia)
→ Très belle surprise, très belle couleur. Toujours un peu
extérieur à l'œuvre répétitive et très cordée.
** Nielsen – Symphonie n°2 –
Janáček PO Ostrava, Kuchar (Brilliant)
→ En réalité vraiment très bien, nerveux, belle finition, j'avais
beaucoup sous-estimé cette intégrale je crois.
Nielsen – Symphonie n°1 – Stockholm RPO, Tor Mann (fin 40s début
50s)
→ Pas en place, orchestre dépareillé, tout le monde joue comme il peut
cette musique hautement inusuelle, sous l'étiquette « Nielsen's
Prophet in Sweden »… Je ne suis pas sûr de détester complètement
(quelle typicité des bois, tout de même !), mais c'est clairement très
loin des standards professionnels qu'on attend désormais (voire des
bons amateurs d'aujourd'hui…).
* Sibelius – Symphonie n°7,
Tapiola – Atlanta SO, Spano (ASO Media)
→ Étonnante lecture frontale et voluptueuse, avec un sens dramatique
primaire, un côté verdien – qui rappelle l'énergie communicative de ses
incroyables récentes symphonies de Bruch. Dans Sibelius, c'est exotique
mais pas du tout inopérant.
* Sibelius – Symphonie n°5 –
Berliner Philharmoniker, Rattle (Berliner Philharmoniker)
→ Très vivant. Un excellent souvenir de la version vidéo (assez
ultime), assez étonné par les timbres plus étroits ici (cordes
délibérément sèches, mais trompettes un peu nasillardes, étonnant).
Bois toujours aussi vertigineux.
+ final Maazel Pittsburgh, Karajan Philharmonia, Karajan Berlin,
Bernstein Vienne
* Sibelius – Symphonie n°4 –
Berliner Philharmoniker, Rattle (Berliner Philharmoniker)
→ Étrangement, je ressens un petit manque de soyeux des cordes ici.
Mais l'ascétisme, la transparence, les couleurs, sont magnifiques.
* Sibelius – Symphonie n°7,
Océanides, Symphonie n°5 – LSO, C. Davis (LSO Live)
→ Tiré de la troisième intégrale de Colin Davis, la seconde avec le
LSO.
→ La Septième, malgré des cuivres un peu massifs par endroit, se
distingue par sa remarquable suspension et sa cinétique permanente. Son
large, typiquement du dernier Davis. La Cinquième manque un peu de
folklore à mon gré, évidemment, mais sans comparaison avec ses deux
précédentes intégrales plutôt conformistes et ternes.
* Sibelius – Symphonie n°6 –
Berliner Philharmoniker, Rattle (Berliner Philharmoniker)
→ Cordes droites, peu vibrées, étonnant début très résonant quoique
soyeux. Manque un peu de tension sur la durée pour moi, j'en avais un
meilleur souvenir (d'après la version vidéo : je découvre sa
déclinaison CD).
Sibelius – Symphonies n°3 –
Stockholm RPO, Ashkenazy (Exton)
→ Oh, un peu décevant ici, niveau plus juste de l'orchestre que ce
qu'il est habituellement, ou que la concurrence.
Sibelius – Symphonies n°2,3 +
Night Ride & Sunrise – Radio Finlandaise, Saraste (RCA)
→ Intégrale de studio antérieure à l'intégrale Finlandia, elle vient
d'être rééditée après une longue indisponibilité.
→ Autant je trouvais la version Finlandia structurellement singulière,
exaltant les transitions en une sorte de nuage permanent (plutôt que
d'appuyer sur la mélodie), autant je trouve cette lecture beaucoup plus
traditionnelle et assez peu grisante : comme pour Salonen, les
timbres captés par RCA paraissent vraiment mats et sans résonance. À
côté de l'explosion des couleurs dans les grandes versions récentes
(Oramo, Rattle, Storgårds…), c'est un peu frustrant, et en tout cas pas
vraiment indispensable.
* Lully – Dies iræ, Te Deaum –
Allabastrina, E. Sartori (Brilliant)
→ Spectre sonore à l'italienne (peu de corps dans les parties
intermédiaires, respiration du spectre), qui fonctionne très bien, avec
beaucoup d'élan et de solennité.
Réécoutes : œuvres
** Kreutzer – La mort d'Abel –
Droy, Bou, Pruvot ; Les Agrémens, van Waas (Singulares 2012)
→ trissé
*** Coles – Fra Giacomo…
*** HONEGGER, A. / IBERT, J.: Aiglon (L') [Operetta]
(Gillet, Barrard, E. Dupuis, Guilmette, Lemieux, Sly, Montréal
Symphony, Kent Nagano) (Decca 2016)
*** Auber – Les Diamants de la
Couronne – Colomer (Mandala)
→ Sommet du livret haletant (merci Scribe) et d'une musique
divertissante pourtant pleine de modulations, d'ensembles travaillés,
de surprises… Un des plus beaux opéras comiques jamais écrits.
(Peut-être même le plus beau en langue française…) Distribution
fabuleuse et orchestre audiblement passionné. Mise en scène tradi
pleine de vie.
** Gaveaux – Léonore ou
l'amour conjugal – Mc Laren, Richer, Côté, Lavoie ; Opéra
Lafayette, Ryan Brown (bande-son du DVD Naxos 2019)
*** Grétry – Céphale &
Procris (actes I & II) – van Waas (Ricercar)
** Madetoja – Symphonies 1
& 3 + Suite Okon Fuoko – Helsinki PO, Storgårds (Ondine)
→ Bissé.
*** Madetoja – Symphonie n°2 –
Helsinki PO, Storgårds (Ondine)
*** Beethoven – Symphonie n°9
– Enlightenment Mackerras (Signum)
* Sibelius – Symphonie n°5 –
NZSO, Inkinen (Naxos)
→ Vraiment une très belle exécution, le meilleur volume de cette
excellente intégrale. Dernier mouvement très réussi (à part la perte de
tension à la fin du mouvement), premier mouvement doté de très belles
couleurs et de très beaux équilibres, même si certains accompagnements
paraissent un peu plats et certaines syncopes un peu inconfortables.
* Nielsen – Symphonie n°3 –
Ireland NSO, Leaper (Naxos 1995)
→ Intégrale que j'adore, parmi les moins luxueuses orchestralement,
mais d'un esprit et d'une tension assez fous, parmi les meilleurs. Pas
à son sommet dans la Troisième plus étale, qui appelle davantage la
volupté sonore, mais toujours ces merveilleuses qualité.
Nielsen – Symphonie n°3 –
BBCPO, Storgårds (Chandos)
→ Contrairement à son Sibelius, je trouve leur Nielsen beau mais assez
froid, cherchant plus la maîtrise et la chatoyance que l'esprit. Même
un peu frustré par cette Troisième.
** Nielsen – Symphonie n°1 –
Radio Danoise, Jensen (Naxos, remastering 1952)
→ Splendide restauration pour une version remarquablement maîtrisée, au
trait fin et nerveux, bâtie avec grande clarté et sens des
progressions, pourvue de belles couleurs… parmi les plus convaincantes
de la discographie, malgré son âge vénérable (sachant que les
propositions réellement satisfaisantes pour Nielsen sont presques
toutes arrivées à partir de la fin des années 90…).
→ Je n'en avais pas du tout un souvenir aussi enthousiaste !
Nielsen – Symphonie n°1 – LSO,
Ole Schmidt
→ Bien, mais vraiment en deçà du potentiel de cette musique.
*** LULLY –
Dies iræ, De Profundis, Te Deum – Junker, Wanroij, Auvity, Lenaerts,
Buet ; Millenium O, Alarcón (Alpha 2019)
Autres nouvelles parutions à écouter
→ GRAUPNER, C.: Easter Cantatas (Jerlitschka, S. Hübner, J. Hill,
Capella Vocalis Boys Choir, Pulchra Musica Baroque Orchestra, Bonath)
→ Schulhoff Intégrale des Lieder. Sunhae Im, soprano ; Tanja Ariane
Baumgartner, mezzo-soprano ; Hans Christoph Begemann, baryton ; Britta
Stallmeister, soprano; Klaus Simon, piano ; Delphine Roche, flute ;
Myvanwy Ella Penny, violon ; Filomena Felley, alto ; Philipp Schiemenz,
violoncelle .
→ clarinette copland bernstein rozsa orchid
→ étienne richard fabien armengaud
→ Jake Heggie: Songs for Murdered Sisters Joshua Hopkins
→ HEISE, P.A.: Drot og marsk (Royal Danish Opera Chorus and Orchestra,
Schønwandt)
→ frid quintet
→ beethoven aquileia
→ breath angels
→ Stanchinsky: Piano Works Peter Jablonski
→ Antti Auvinen & Sampo Haapamäki: Choral Works Helsinki Chamber
Choir
→ Michael Jarrell: Orchestral Works Tabea Zimmermann
→ John Mayer & Jonathan Mayer: Orchestral Works Sasha Rozhdestvens
→ kontski piano sonatas anna parkita
→ daniel jones symphs 3 5 lyrita thomson
→ Bergson: Orchestral Works Jonathan Plowright
→ vlagiderov cctos
→ Holmboe quats vol. 1 nightingale SQ
→ carte postale royaumont bunel
→ tempesta di passaggio : solo pour cornetto
→ gál 'hidden treasures' lieder inédits immler deutsch
→ british music strings I pforzheim
→ schnittke daniel hope
→ kalafati piano
→ respighi transcriptions
→ eccles semele
→ maconchy , lefanu, swayne « relationships » violon piano
→ alex freemann, requiem (BIS)
→ Cesti, La Dori
→ hasse enea in caonia
→ ruders, nørgård, violoncelle solo
→ Grigory Krein piano
→ F.G. Scott piano
→ worgan harpsichord julian perkis chez toccata
→ Goldmark vol 2, mokranjac piano, the laundy grondahl legacy, graun
orchestral, trattamento dell'harmonia, platti chamber, marx mosè
→ farkas chamber, braga santos, chamber 3, telemann christmas cantatas
CPO, jenner piano
→ Johan Nepomuk David : intégrale des trios à cordes (David-Trio), chez
CPO.
→ fra diavolo strade napoli
→ Schulhoff Flammen very vermillion billy
→ stikhina salomé https://www.youtube.com/watch?v=YU0jlgd9Pas
→ clair-obscur piau
→ kopatchinskaja (plaisir illuminés)
→ ballades vinnitskaya
→ fanciulla foster
→ musicalische exequien
→ haydn 76 chiaroscuro
→ buxtehude par Les Timbres
→ locatelli concertos violon gringolts helsinki baroque
→ catoire chambre & concerto, triendl
→ messiaen 20 regards chen
→ beethoven solemnis jacobs
→ ariadne botha schmeckebecher
→ telemann ouvertures, orfeo barockorchester
→ telemann concerti camerata köln
→ josquin 7e livre, visse
→ weinberg 2,5,6 arcadia SQ
→ nouvel an 2021 muti
→ bagatelles beethoven feltsman
→ boffard beethoven berg boulez
→ krieger 12 sonates en trio
→ pettersson symph 12 lindberg
Projets d'écoutes ou réécoutes pour les semaines à venir
« Flury. Son quatuor No. 5 est bien ficelé dans une optique assez
traditionnelle, le No. 6 possède un II d'une grande mélancolie et
déploie un cœur suspendu dans le III à fondre. Le No. 7 est peut-être
le plus intéressant, qui démarre en fugue à quatre voix avant de virer
à une pièce romantique tout en pizzicatti. Ces deux derniers sont
couplés avec une suite pour orchestre à cordes assez déconcertante
(III), variée (Atterberg dans le II, marche instable dans le IV) qui ne
manque pas de sel. Le quintette pour piano, bien que souvent d'un
sentimentalisme parfois caricatural, n'aura pas dépareillé avec les
pièces ultra-lyriques écoutées récemment. Plaisir sûrement coupable
mais plaisir malgré tout. »
« Plus ancien et susceptible de te plaire, Bargiel. Le deux premiers
quatuors évoquent Beethoven, respectivement opus 18 et 59, les
troisièmes et quatrièmes sont plutôt d'obédience
Schumann/Brahms/Mendelssohn (même si j'ai pensé aux gémissements
utilisés par Onslow au début du No. 4). Plus sophistiqués, moins
immédiats en ce qui me concerne, avec un pathos un peu forcé parfois,
mon goût désordonné ne doit pas empêcher d'y trouver maintes
satisfactions. Mais c'est bien son octuor, d'une noirceur incroyable,
qui m'a cueilli et que j'enjoins d'essayer sans attendre. Sa symphonie
est au menu prochainement, je ne saurais rien en dire à l'heure
actuelle. »
« Blackford, des choses passionnantes dans tous les registres. En
musique de chambre, ses Hokusai Miniatures aux atmosphères variées et
particulièrement évocatrices. À l'orchestre, outre sa réorchestration
du Carnaval de Saint-Saëns et sa propre symphonie pour animaux qui
mange à tous les râteliers (de Rautavaara à Williams), son concerto
pour violon Niobe avec des vrais morceaux de Banks et de Szymanowski
m'a fortement convaincu. »
(vous aurez reconnus les conseils personnalisés de Mefistofele)
hausegger, graener
cherubini messes
lintu
goetz quintette triendl
wolf-ferrari (segreto, etc.)
respighi vetrata, metamorphoseon
Den Utvalda rangström nylund schirmer
Je suppose peu de nouveautés le jour même de Noël, et elles sont
donc pour cette dernière bordée, vendredi dernier, quasiment à l'arrêt hors quelques millièmes réenregistrements beethoveniens.
Du fait de l'enfermement et du délai un peu plus long de publication, la liste est
devenue un peu épaisse. J'essaie de la subdiviser mais espère qu'elle
demeurera lisible (suivez le rouge pour les nouveautés, les 2 ou 3
cœurs pour les albums exceptionnels).
Du vert au violet, mes recommandations… en ce moment remplacées par des
♥.
♦ Vert : réussi ! ♥
♦ Bleu : jalon considérable. ♥♥
♦ Violet : écoute capitale. ♥♥♥
♦ Gris : pas convaincu. ♠
(Les disques sans indication particulière sont à mon sens de très bons
disques, simplement pas nécessairement prioritaires au sein de la
profusion de l'offre.)
En rouge, les nouveautés
2020 (et plus spécifiquement de l'automne).
Je laisse en noir les
autres disques découverts.
En gris, les réécoutes
de disques.
1.
OPÉRA
OPÉRA ITALIEN
♥♥ Monteverdi – Orfeo – Boden,
Pass à Amsterdam (YT)
♥♥♥ Rossi – Orfeo, acte I – Pichon
→ Tellement étonnant qu'en salle, Bridelli marque plus
qu'Aspromonte !
♥ Vivaldi – Farnace
« Gelido in ogni vena » – Maggio Musicale, Sardelli (Dynamic)
♥♥ Graun – Cleopatra e Cesare
(acte I) – Jacobs
Salieri
– Armida (air) – Rousset (Aparté 2021)
→ En avant-première en flux… Juste deux pistes, l'Ouverture et un air.
Jolie écriture dramatique. Évidemment loin du ravissement de ses opéras
français… ou même de ses délicieux bouffes – mais pour du seria,
on sent tout de même l'empreinte de Gluck et du goût français, ce qui
est un avantage pour garantir un peu de ma patience. Exécution pleine
d'ardeur des Talens Lyriques, tout de même bien hâte de découvrir cela
(à défaut d'avoir entendu le concert de mai).
Mozart
– Il Sogno di Scipione – Boncompagni, Fenice, Sardelli (Operavision
2020)
→ Mozart seria de jeunesse : statique et ennuyeux. Sardelli
apporte un peu de tranchant à l'orchestre de la Fenice, qui reste
toujours assez terne et à la peine, depuis tant d'années… (je ne l'ai
jamais entendu vraiment bon, je crois)
♥ Mozart – Le Nozze di Figaro
– McLaughlin, Mattila, Gallo, Pertusi ; Mehta (Sony)
→ Tradi un peu lisse, mais duo comtal chouette.
♥ Verdi – La Traviata,
« Fragment » (acte III jusqu'à Addio del passato) –
MusicAeterna, Currentzis
→ Tout à fait lunaire : récitatifs totalement étirés comme s'ils
étaient des airs en largo, voix artificiellement réverbérées et
gonflées, un délire très révélateur de sa conception purement musicale
(et narcissique…) de l'opéra.
→ Ce n'est pas moche du tout, mais ça ne ressemble plus à grand'chose,
en tout cas pas à un opéra de Verdi (mais j'aime assez).
→ Je ne comprends pas le quart d'heure (du moins bon passage de
l'opéra, en plus). Vendu en dématérialisé ? Teasing pour une intégrale qui
prend son temps ? Chute d'une intégrale
avortée mais monétisable ? « Single
long » ? Marché numérique ?
♥♥♥ Verdi – Simone Boccanegra – Homoki ;
Rowley, Jorijikia, Nicholas Brownlee, Gerhaher, Fischesser ;
Zürich, Luisi (Arte 2020)
→ Direction d'acteurs formidable, et l'usage de ce simple décor
tournant qui nous mène de coursive en antichambre… Homoki à un sommet
de maturité.
→ Orchestre mordant, N. Brownlee fabuleux. Rowley assez pharyngée mais
expressive comme une actrice au temps du Code Hays.
→ Très content d'entendre chanter Verdi comme Gerhaher.
♥ Verdi – Aida, début inédit de l'acte III
– Scala, Chailly (euroradio)
→ 100 mesures coupées avant la création. Moment suspendu de prières
douces aux registres étagés, très réussi, à comparer à l'ambiance du
temple avant « Nume custode e vindice ». Méritait d'être
entendu, et mériterait d'être systématiquement joué.
→ (en revanche, vocalement, quoique tout à fait honnête, ça laisse
vraiment entendre la crise du chant verdien – alors que dans les autres
répertoires, l'opéra se porte vraiment bien…)
♥♥ Verdi – Otello – Torsten
Ralf & Stella Roman - Dio ti giocondi (Met, 1946)
♥♥♥ Lully – Armide (actes I, III, IV &
V) – Rousset (Aparté)
♥♥ Mozart – La Flûte enchantée en français –
M. Vidal, Scoffoni, Lécroart, Lavoie ; Le Concert Spirituel, Niquet
(France 5)
→ Très vivante version raccourcie et en français, dans une distribution
française de très grand luxe.
Rossini – Le Barbier de Séville
(en français) – Berton, Giraudeau, Dens, Lovano, Depraz, Betti,
Pruvost ; Opéra-Comique, Gressier (EMI 1955)
♥♥Boïeldieu – La Dame Blanche – Jestaedt,
Buendia, Ratianarinaivo, Hyon, (Yannis) François, Les Siècles, Nicolas
Simon (France 3)
→ Les qualités de charisme vocal de Buendia et Ratia souffrent de la
retransmission (un peu proche des voix, on entend les aspérités, les
micro-défauts), mais quand on les connaît, on mesure le bonheur
incommensurable qu'aurait été cette série de représentations
itinérantes… Voix franches (superbe découverte de Yannis François
également, baryton-basse clair et avec de vrais graves riches !),
chaleur des instruments d'époque… La mise en scène n'est pas
passionnante, mais le bonbon est très apprécié !
♥♥ Offenbach – M. Choufleuri –
Mesplé, Rosenthal (EMI)
→ Avec des citations de Nonnes qui
reposez, de bouts de Verdi, thème du premier numéro du
Freischütz…
♥♥ Offenbach – Ba-ta-clan –
avec Corazza
→ Très bonne musique, même si d'une certaine façon sans texte !
♥♥♥ Bizet – Carmen – Angelici, Michel,
Jobin, Dens ; Opéra-Comique, Cluytens (réédition The Art Of
Singing 2014)
♥♥♥ Bizet – Carmen – Horne, McCracken
Bernstein (DGG)
OPÉRA ALLEMAND
Mozart – Zauberflöte – Della
Casa, Simoneau, Berry ; Opéra de Vienne, Szell
→ Orchestre très imprécis et hésitant, peu frémissant. Della Casa un
peu surdimensionnée dans le legato. Berry alors très clair.
♥♥♥ Wagner – Lohengrin – Bieito ;
Miknevičiute, Gubanova, Alagna, Gantner, Pape, Berliner Staatsoper,
Pintscher (Arte Concert)
→ Splendide orchestre et chœurs (et surpris par le lyrisme et la
tension de Pintscher dont j'avais un très mauvais souvenir dans le
« grand répertoire »), splendide distribution.
→ J'attendais évidemment Martin Gantner, l'une des voix les mieux
projetées du marché (ça paraît nasal et étroit en captation, mais en
salle, c'est une proximité et d'une expressivité miraculeuses).
Telramund pas du tout noir, très clair et concentré, très convaincant
dans un genre absolument pas canonique.
→ Roberto Alagna chante un allemand de grande qualité ; toutes les
voyelles sont un peu trop ouvertes, mais ceci va de pair avec la clarté
caractéristique de son timbre et la générosité jamais en défaut de son
médium. Un régal de bout en bout, élocution limpide et splendeur
vocale. Le second tableau de l'acte iII le voit se fatiguer, et les
aigus deviennent vraiment blancs et métalliques, le médium un peu plus
aigre. Tout le reste se montre à la fois original et très marquant.
→ La mise en scène de Bieito m'a paru laide, sans propos clair ni
animation scénique, sans cohérence psychologique ni lien avec le sujet.
Sans parler de son tic de faire trembler ses personnages pendant vingt
minutes , récupéré de la pire idée de son Boccanegra… Dire que ce fut
un si grand metteur en scène… Trop d'engagements. Trop d'empâtement.
♥ Wagner – Götterdämmerung, Janowski
I : prologue.
→ assez scolairement égrené, mais super prise de son. chanteurs
valeureux mais déjà un côté « déclin ».
Schoeck – Vom Fischer un syner
Fru, Op. 43 – Harnisch, Dürmüller, Shanaham , Winterthur, Venzago
(Claves 2018)
Harnisch en-dessous de ses standards, Dürmüller un peu dépassé, Venzago
un peu froid, version décevante d'une œuvre qui a déjà bien moins de
saillances que le Schoeck habituel (son principal intérêt étant d'être
composée directement sur le vieux dialecte allemand).La version
Kempe-Nimsgern est à privilégier.
♥♥ Schoeck – Massimilia Doni –
Edith Mathis, G. Albrecht
→ Décadentisme consonant dans le goût de Venus et Das Schloß Dürande, en plus lyrique
et plus basiquement dramatique, comme mâtiné de Verdi.
♥ Dusapin – Faustus – Nigl
(extrait)
OPÉRAS D'AUTRES LANGUES
♥♥ Mozart & Minna Lindgren – Covid
fan tutte – Mattila, Hakkala, Opéra de Helsinki, Salonen (Operavision
2020)
→ Così (plus Prélude de Walküre et air du Catalogue) en très condensé
(1h30), sur un texte finnois inspiré de nos mésaventures pandémiques.
Point de départ dramaturgique : Salonen vient diriger la Walkyrie
et la
situation sanitaire impose le changement de programme.
→ Tout y passe : les opinions rassurantes ou cataclysmiques, les
avis
contradictoires, les (inter)minables visios, la détresse de la mauvaise
cuisinière, la doctrine des masques, les artistes désœuvrés… Parfois
avec beaucoup d'esprit (« Bella vita militar » pour la
mission papier
hygiénique), par moment de façon confuse ou un peu plate (la vie des
sopranos).
→ Les récitatifs sont changés en dialogues menés par « l'interface
utilisateur », sorte de directrice de la communication hors sol.
→ Hakkala (Alfonso) fantastique, Mattila remarquablement sa propre
caricature, avec toujours un sacré brin de voix (les poitrinés rauques
en sus).
→ Globalement, un jalon de notre histoire s'est écrit – on aurait pu
creuser davantage quelque chose de cohérent, avec les mêmes éléments,
ménager une arche qui soit un peu moins une suite de moments
dépareillés… Pour autant, le résultat est la plupart du temps très
amusant, et marquera le souvenir artistique de la Grande Pandémie des
années 2020 pour les archéologues du futur – du moins si notre éphémère
technologie numérique n'a pas tout laissé disparaître…
Moniuszko – Halka – Paweł Passini ;
Mych-Nowika, Piotr Fiebe, Golinski ; Poznan, Gabriel Chmura
(Operavision 2020)
→ Pas fabuleux vocalement (aigus blancs de la soprano et du ténor, bon
baryton). Superbes scènes de ténor, mais œuvre vraiment ennuyeuse
dramatiquement : Halka reste debout trahie, son comparse le lui
explique longuement, et c'est l'essentiel, malgré le terrible condensé
de tragédie contenu dans la pièce.
→ Musicalement peu fulgurant aussi, quoique moins gentillet que le
Manoir hanté.
♥♥ Hatze – Adel i Mara –
Zagreb 2009 (YT)
Britten – A Midsummer Night's Dream – M.-A.
Henry, Montpellier (Operavision 2020)
→ Belle version d'une œuvre aux belles intuitions mais qui patine un
peu, à mon sens, dans le formalisme de ses duos et ensembles intérieurs
(livret très bavard, également).
2. MUSIQUE
DE SCÈNE / BALLETS
Marais – Suites à joüer d'Alcione –
Savall (Alia Vox)
→ Bien mieux que le concert. (Mais ces suites ont-elle un grand intérêt
isolées?)
♥♥♥ Rameau – Hippolyte (Prélude du III) dans
« Tragédiennes » #1 – Talens, Rousset
Piron – Vasta – Almazis
(Maguelone 2020)
→ Pas très séduit, ni par le texte (vraiment plat, comparé aux pièces
grivoises de Grandval qui m'amusent assez), ni par les musiques (pas
passionnantes, et textes assez pesants aussi).
→ Musicalement, pas séduit non plus par les timbres instrumentaux.
Dommage, c'était très intriguant.
→ Il existe une lecture très vivante de la Comtesse d'Olonne de
Grandval en complément d'un disque de ses cantates, je recommande
plutôt cela pour se frotter à ce type de théâtre leste.
♥Cannabich – Electra – Hofkapelle Stuttgart,
Bernius (Hänssler 2020)
→ Mélodrame dans le style classique, très réussi et ici très bien joué
et dit (par Sigrun Bornträger).
♥ Wagner – Die Meistersinger, ouverture –
Vienne, Solti
♥ Tchaikovsky – The
Tempest, Op. 18 – Orchestra of St. Luke's; Heras-Casado (HM 2016)
♥♥ Humperdinck – « Music for the Stage
» : Das Wunder, Kevlar, Lysistrata… – Opéra de Malmö, Dario Salvi
(Naxos)
→ Très belle sélection de scènes d'opéras et autres œuvres dramatiques,
variées, pleines de la naïveté et de l'emphase pleine de simplicité
propres à Humperdinck. Extrêmement persuasif, délicieux, très bien
joué. Hâte de découvrir ces œuvres intégrales désormais, une très belle
ouverture vers cet univers encore chichement documenté ! (Et la
générosité accessible de cette musique plairait à un vaste public, a fortiori en Allemagne dont
l'imaginaire populaire est une référence récurrente…)
3. RÉCITALS VOCAUX
Haendel,
Vivaldi… – « Queen
of Baroque » – Cecilia Bartoli (Decca 2020)
→ Pot-pourri de différents disques. Très bons, mais autant profiter des
programmes cohérents. Si jamais vous voulez comparer les orchestres et
les répertoires, pourquoi pas.
♥ Salieri, Strictly private, Heidelberg SO
(Hänssler)
→ Lecture nerveuse d'airs et duos très spirituels, qui évoquent les Da
Ponte mozartiens, un délice.
♥ Rossini – « Amici e Rivali » –
Brownlee, Spyres, I Virtuosi Italiani, Corrado Rovaris (Erato 2020)
→ Impressionnant Spyres en baryton et bien sûr en ténor (même si le
coach d'italien devait être covidé, à en juger par certains titres).
Brownlee a perdu de son insolence, mais pas de sa clarté et de son
moelleux.
Superbe attelage, pour un répertoire purement glottique qui n'a pas
forcément ma prédilection d'ordinaire, accompagné par un orchestre très
fin (instruments d'époque ?) et discret, petit effectif, cordes sans
vibrato.
Gounod,
Bizet, Tchaïkovski, Puccini – « Hymnes of Love » –
Dmytro Popov
→ Pas fini, ça a l'air bien. Mais la rondeur de la voix est davantage
conçue pour le répertoire slave que pour l'éclat des spinti.
Massenet par ses créateurs (Malibran
2020)
→ Scindia par Jean Lasalle
→ Salomé par Emma Calvé
(ouille)
4. MUSIQUE SACRÉE
Un
disque mystérieux (Aparté 2021)…
… de cantates luthériennes du Schleswig, totalement inédites – pour
lesquelles je viens d'écrire une notice le nez plongé dans des
interpolations vétérotestamentaires tirées de la Bible de Luther, et
qui devraient paraître en fin d'année prochaine. (Avec des textes
d'époque très
denses, des chanteurs très éloquents et un continuo imaginatif, pour ne
rien gâcher.)
Pfleger – Cantates sacrées en
latin & allemand – Bremen Weser-Renaissance, Cordes) (CPO)
→ Splendide ! Entre Monteverdi et Bach, un côté très Steffani…
Airs quasiment tous à deux voix !
♥♥♥ Steffani – Duetti di camera – Mazzucato,
Watkinson, Esswood, Elwes, Curtis… (Archiv)
♥ Legrenzi – Compiete con le
letanie e antifone della Beata Vergine – Nova Ars Cantandi, Giovanni
Acciai (Naxos 2020)
→ Un des plus grands compositeurs du XVIIe siècle, Legrenzi excelle
dans toutes formes d'audace, un contrepoint riche et libre, une
harmonie mouvante, une agilité qui préfigure le seria du XVIIIe siècle…
→ Première gravure discographique de ces Complies Op. 7, la dernière
prière du jour. Superbes voix franches et articulées… sauf le soprano
masculin, très engorgé, vacillant, inintelligible, qui tranche
totalement avec le reste et distrait assez désagréablement. Étant la
partie la plus exposée, le plaisir est hélas un peu gâché.
Bach – Cantates format chambre
– Nigl
Haendel – Dixit Dominus –
Scholars Baroque (Naxos)
→ Première fois cette version en entier. Génial 1PP.
du baroque à Satie – « War
& Peace, 1618-1918 » – Lautten Compagney (DHM 2018)
→ Amusant mélange (avec la Gnossienne n°3 revisitée par cet ensemble
baroque), plaisant et bien interprété (avec une soprano au fort accent
britannique).
♥ Pergolesi – Stabat Mater –
Galli, Richardot ; Silete venti, Toni (La Bottega Discantica, 2016)
♥♥♥
Borodine
– Requiem (arr. Stokowski) – BBC Symphony Chorus, Philharmonia
Orchestra, Geoffrey Simon (Signum 2020, réédition)
→ Cinq minutes de paraphrase sur le thème grégorien, avec des harmonies
typiques de l'avant-garde russe du second XIXe. Les doublures pizz-bois
alla Godounov sont incroyables !
+ Suite Prince Igor, Petite Suite…
5. CONCERTOS
♥Rejcha
– Symphonies concertantes flûte-violon, puis 2 violoncelles –
Kossenko, Stranossian, Coin, Melknonyan ; Gli Angeli Genève,
MacLeod (Claves 2020)
→ Flûte-violon : aimable. Entre le son un peu aigrelet des solos
sur instruments d'époque (pas faute d'aimer ces quatre artistes
pourtant) et la progression harmonique très traditionnelle, les
mélodies vraiment banales, je n'y trouve pas le grand Rejcha que
j'aime. Joli mouvement lent tout de, qui débute par violon et flûte
seuls.
→ La symphonie à deux violoncelles est bien plus intéressante, en
particulier le premier mouvement inhabituellement varié (dont le
premier fragment thématique est similaire à celui de Credeasi misera)
et le final assez foisonnant. Mais pour cette œuvre, le disque
Goebel-WDR (aux couplages passionnants) de cette même année 2020
m'avait davantage convaincu.
B. Romberg – Cello Concertos
Nos. 1 and 5 (Melkonyan, Kölner Akademie, Willens) (CPO 2016)
→ Décevant, du gentil concerto décoratif et virtuose, rien à voir avec
ses duos de violoncelle, très musicaux et variés !
Lalo, Ravel
– Symphonie espagnole ; La Valse, Tzigane & Bolero – Deborah
Nemtanu, Pierre Cussac, La Symphonie de Poche, Nicolas Simon (Pavane
2017)
→ Sympathique, mais la partie concertante et le mixage permettent moins
d'apprécier l'exercice que dans le disque Beethoven.
♥ Elgar – Concerto pour violoncelle –
Johannes Moser, Suisse Romande, Manze (PentaTone 2020)
→ Très sérieux et dense, nullement sirupeux, avec un orchestre à la
belle finesse de touche, qui fait entendre le contrechant avec netteté.
→ Parution du seul concerto, uniquement en numérique (avant un futur
couplage en disque physique ?).
♥♥♥ Schmidt, Stephan – Symphonie n°4,
Musique pour violon & orchestre – Berlin PO, K. Petrenko (Berliner
Philharmoniker 2020)
→ Interprétations très fluides et cursives, dans la veine transparente
du nouveau Berlin issu de Rattle, vision assez lumineuse de ces œuvres
à la taciturnité tourmentée.
Hisatada Otaka : Concerto
pour flûte (version orchestre) – Cheryl Lim, Asian Cultural SO, Adrian
Chiang (YT 2018)
→ Décevante orchestration : les harmonies sont noyées dans des
jeux de cordes très traditionnels (et un peu mous), on perd beaucoup de
la saveur de la verison Op.30b avec accompagnement de piano, à mon
sens.
♥♥ Mossolov, Concerto pour harpe, Symphonie n°5
– Moscou SO (Naxos)
→ Très festif, très décoratif, très « Noël », cet étonnant
concerto
pour harpe que je n'aurais jamais imaginé une seconde attribuer à
Mossolov !
→ Dans la Symphonie, on entend surtout des chants populaires traités en
grands accords. Joli, mais pas très fulgurant par rapport à sa période
futuriste.
♠ Lubor Barta – Concerto pour violon n°2 1969 – Ivan Straus, Otakar
Trhlik (1969)
6. SYMPHONIES & POÈMES
ORCHESTRAUX
SYMPHONISTES
GERMANIQUES
♥♥Beethoven / Robin Melchior – « Beethoven, si tu nous
entends » – La Symphonie de Poche, Nicolas Simon (Klarthe 2020)
→ Jubilatoire blind-test pot-pourri dont les développements sont (très
bien !) récrits. Le tout étant joué pour quatuor, contrebasse,
flûte,
clarinette, clarinette basse, saxhhorn baryton, accordéon, harpe et
percussions… !
→ Il m'a fallu quelques secondes pour retrouver le fantastique
mouvement lent du Concerto n°5 ainsi transfiguré… dont la cadence de
harpe débouche sur les pointés du mouvement lent de la Quatrième
Symphonie ! Mazette.
→ Ou encore la fin sur une boucle minimaliste autour du thème de l'Ode
à la Joie.
→ Par des musiciens de très très haute volée, la densité sonore et
l'engagement individuel comme collectifs sont exceptionnels.
→ La fièvre de la nouveauté s'empare de nous en réécoutant Beethoven
pour la millième fois.
♥ Haydn – les Symphonies Parisiennes –
Orchestre de Chambre de Paris, Boyd (NoMadMusic 2020)
→ Petite frustration en première écoute : attentivement, j'y
retrouve tout l'esprit (quel sens de la structure !) de cette
association formidable, mille fois admirée en concert… Mais à l'écoute
globale, j'entends plutôt l'épaisseur des timbres d'instruments
modernes, comme une petite inertie – alors qu'ils jouent sans vibrato,
et pas du tout selon le style tradi !
→ Quelque chose s'est perdu via le micro, la prise de son, l'ambiance
du studio… Pincement au cœur, je les adore en concert, mais à côté des
nombreuses autres propositions discographiques
« musicologiques », ce n'est pas un premier choix.
♥ A. Romberg – Symphony No.
4, "Alla turca" – Collegium Musicum Basel, K. Griffiths (CPO 2018)
♥♥♥ B. Romberg – Symphonies
Nos. 2 and 3 / Trauer-Symphonie (Kolner Akademie, Willens) (Ars
Produktion 2007)
→ Symphonies contemporaines de Beethoven (1811, 1813, 1830), qui en
partagent les qualités motoriques et quelques principes d'orchestration
(ballet des violoncelles, traitement thématique et en bloc de la petite
harmonie, sonneries de cor qui excèdent Gluck et renvoient plutôt à la
7e…).
→ Je n'avais encore jamais entendu de symphonies de l'époque de
Beethoven qui puissent lui être comparées, dans le style (et bien sûr
dans l'aboutissement). En voici – en particulier la Troisième,
suffocante de beethovenisme du meilleur aloi !
Brahms – Symphonies –
Pittsburgh SO, Janowski (PentaTone 2020)
→ Très tradi, sans doute impressionnant en vrai connaissant l'orchestre
et le chef, mais pas très prenant au disque par rapport à la pléthore
et à l'animation enthousiasmante des grandes versions. Assez massif,
peu contrasté et coloré, pas très convaincu (vu l'offre) même si tout
reste cohérent structurellement et inattaquable techniquement.
→ Tout de même très impressionné par la virtuosité de
l'orchestre : rarement entendu des traits de violon aussi fluides,
les cuivres sont glorieux, la flûte singulièrement déchirante…
♥ Brahms – Symphonie n°3,
lieder de Schubert orchestrés, Rhapsodies hongroises, Rhapsodie pour
alto – Larsson, Johnson, SwChbO, Dausgaard (BIS)
Mahler – Totenfeier – ONDIF,
Sinaisky (ONDIF live)
→ Cet entrain, ces cordes graves !
♥ Nielsen – Symphonie n°1 – LSO, Ole Schmidt
(alto)
→ Très énergique, mais trait gras.
♥ Nielsen – Symphonie n°1 – LSO, C. Davis
(LSO Live)
♥♥ Nielsen – Symphonie n°1 – BBC Scottish SO,
Vänskä (BIS)
♥♥♥ Nielsen – Symphonies n°1,2,3,4,5,6 –
Stockholm RPO, Oramo (BIS)
→ Lyrisme, énergie mordante, couleurs, aération de la prise… une
merveille, qui magnifie tout particulièrement la difficile Sixième
Symphonie !
♥ Mahler – Symphonie n°5 – Boulez Vienne
(DGG)
→ Un peu terne et mou, du moins capté ainsi.
♥♥♥ Schmidt – Symphonies – Frankfurt RSO,
Paavo Järvi (DGG)
→ Au sein de ce corpus extraordinaire, voire majeur, le plaisir
d'entendre une version qui s'impose d'emblée comme colorée,
frémissante, captée avec profondeur et détails, par un orchestre de
première classe, et surtout articulée avec ce sens incroyable des
transitions qui caractérise l'art de Järvi. Chacune des symphonies en
sort grandie. Indispensable.
♥♥♥ Graener – Variations orchestrales sur «
Prinz Eugen » – Philharmonique de la Radio de Hanovre, W.A. Albert
(CPO 2013) → On ne fait pas plus roboratif… mon bonbon privilégié
depuis deux ans que je l'ai découvert par hasard, en remontant le fil
depuis le dernier volume de la grande série CPO autour du compositeur
(concertos par ailleurs tout à fait personnels et réussis).
SYMPHONISTES SLAVES
Tchaïkovski – Symphonie n°5, Francesca da
Rimini – Tonhalle Zürich, Paavo Järvi (Alpha 2020)
→ Ébloui en salle par le génial sens des transitions organiques de
Järvi, où chaque thème semblait se verser dans l'autre (avec
l'Orchestre de Paris), je le trouve ici plus corseté, plus raide. Je ne
sais quelle est la part de la différence de culture des orchestres
(Zürich a toujours eu un maintien assez ferme) et d'écoute un peu
distraite au disque au lieu de l'attention indivisée en salle sur tous
les détails splendides. Peut-être la prise de son un peu lointaine et
mate, aussi ? Mais ce fonctionnait très bien avec les Mahler
de Bloch…
→ Très belle lecture pas du tout expansive, très sobre et détaillée, en
tout état de cause.
→ Francesca da Rimini confirme cette impression d'interprétation très
carrée – on y entend encore l'orchestre de Bringuier !
♥♥ Borodine – Symphonie n°1 – URSS SO,
Svetlanov
→ Là aussi, des thèmes populaires, quoique plus tourmentés. Pas très
développé mais grand caractère.
→ bissé
♥♥ Balakirev, Kalinnikov – Symphonies
n°1 – Moscou PO, Kondrachine (Melodiya)
→ Foisonnement de thèmes folkloriques ! Interprétation pas
si typée…
♥♥ Kalinnikov – Cedar and Palm - Bylina
- Intermezzos - Serenade & Nymphs –
The Ussr Symphony Orchestra, Evgeniy Svetlanov, (Svetlanov 1988)
♥♥ Novák – Suite de la Bohême méridionale +
Toman & la Nymphe des Bois – Moravian PO Olomouc, Marek Štilec
(Naxos 2020)
→ Généreux slavisme qui a entendu Wagner. Le grand poème Toman de 25 minutes est une très
belle réussite, qui culmine dans des élans richardstraussiens
irrésistibles.
→ Bissé.
♥ Vladigerov – Symphonies 1 & 2 – Radio de
Bulgarie, Vladigerov (Capriccio)
→ Le partenariat Capriccio avec les Bulgares se poursuit !
J'avais beaucoup aimé ses concertos pour piano…
♥♥ Scott – Symphonie n°3 « The
Muses » – BBCPO, Brabbins (Chandos)
→ Debussyste en diable (le chœur de Sirènes…), de bout en bout, et très
beau.
+ Neptune
→ Très debussyste aussi, remarquablement riche (un côté Daphnis moins
contemplatif et plus tendu). Splendide.
♥ Scott – Symphonie n°4
– BBCPO, Brabbins (Chandos)
Kinsella – Symphonies Nos. 3
and 4 – Ireland NSO, Duinn (Marco Polo 1997)
→ étagements brucknériens à certains endroits.
♥♥ Kinsella :
Symphony No. 5, "The 1916 Poets":
– Bill Golding, Gerard O'Connor, ; Ireland RTÉ National Symphony
Orchestra; Colman Pearce
Symphony No. 10 – Irish ChbO, Gábor
Takács-Nagy (Toccata Classics)
→ n°5 : avec basse et partie déclamée. Très vivant.
→ n°10 : Néoclassicisme avec
pizz et percussions prédominantes, très dansant. Vrai caractère, très
beaux mouvements mélodiques ni sirupeux ni cabossés.
Hisatada Otaka – Suite
japonaise (1936, orch. 1938) – Shigenobu Yamaoka
→ Orchestration de la suite piano.
Hisatada Otaka – Midare
pour orchestre – NHK, Niklaus Aeschbacher (1956)
→ Un peu néo, du xylophone, du romantique un peu univoque, avec un côté
mauvaise imitation occidentale du japin, à la fin de la pièce. Mitigé.
♠Akira Ifukube -
Symphonie concertante avec piano (1941) –Izumi Tateno, Japon PO,
Naoto Otomo
→ Du planant sirupeux fade, pas trop mon univers.
Akira Ifukube – Ballata
Sinfonica (1943) – Tokyo SO, Kazuo Yamada (1962)
→ Entre Turandot et l'Oiseau de feu, en plus simple (tire sur Orff).
→ (bissé par curiosité trois jours plus tard)
♥♥ Yasushi Akutagawa – Prima Sinfonia 1955 –
Tokyo SO, Akutagawa
→ Étonnant, et très riche, pas du tout sirupeux (pas mal de Mahler et
de Proko, mais dans un assortiment personnel). J'aime beaucoup.
→ Pas du tout dans le genre du symphonisme japonais post-debussyste ou,
horresco referens, post-chopinien.
7. MUSIQUE DE CHAMBRE
SONATES
♥♥♥ J. & H. Eccles, Matteis, Daniel Purcell – « The Mad Lover » –
Langlois de Swarte, Dunford (HM 2020)
→ Les Matteis et (Henry) Eccles sont fulgurants ! Quelle musique
rare, sophistiquée et jubilatoire ! Dunford improvise avec une richesse
inouïe et la musicalité de Swarte emporte tout.
♥ Rossini, Castelnuovo-Tedesco… –
« Rossiniana » (pour violoncelle & piano) – Elena
Antongirolami (Dynamic 2020)
→ Toutes sortes de variations & paraphrases, très sympa.
♠Mendelssohn – Les 3 Sonates violon-piano –
Shlomo Mintz, Roberto Prosseda (Decca 2020)
→ Violon très baveux, dont le timbre s'altère au fil des phrasés, je
n'aime pas du tout. Et conception générale assez figée… voyage dans le
passé (et pas forcément chez les meilleurs). Pas du tout aimé.
♥♥♥ Gédalge,
Marsick, Enescu – Sonate
violon-piano n°1 / Poème d'été / Sonates 1 & 2 – Julien Szulman,
Pierre-Yves Hodique
→ Œuvres très rares, incluant celles des professeurs d'Enescu, lui
dédiant leurs nouvelles œuvres alors qu'il n'a que seize
ans !
→ Martin-Pierre Marsick, son professeur de violon, écrit clairement de
la « musique d'instrument ».
→ En revanche André Gedalge, assistant (et véritable professeur
officieux) de la classe de composition de Massenet puis Fauré, nous
livre un vrai bijou, écrit dans une veine mélodique un peu convenue,
mais où tout effet est pesé – et pèse –, avec un sens de la structure
remarquable (quels développements !). La superposition en décalé des
thèmes, dans le faux scherzo, est un coup de maître assurément.
→ Pas très séduit par la Sonate n°2 d'Enescu : trop de complexités, une
expression contournée qui déborde de partout dans l'harmonie
ultra-enharmonique, le rythme (premier mouvement en 9/4, à quoi bon),
sa fin nue anticlimactique. Plus de complexité pour moins d'effet…
→ Car la n°1, au contraire (à 16 ans !) manifeste une générosité
mélodique et un lyrisme très emportés, certes pas du tout subversifs,
mais focalisés dans une forme maîtrisée qui en accentue le caractère
profusif, jusqu'aux bouts de contrepoint du final !
→ Interprètes de premier choix (Julien Szulman, qui finit une thèse sur
Enescu au CNSM, vient d'être nommé violon solo au Philharmonique de
Radio-France), avec un violon au son assez international, dense, d'une
virtuosité immaculée et chaleureuse, sise sur la musicalité attentive,
exacte et subtile de Pierre-Yves Hodique.
♥ Dupuis – Sonate
violon-piano – Prouvost, Reyes (En Phases)
♥ Hisatada Otaka – Concerto
pour flûte version avec piano – Miki Yanagida, Takenori Kawai (YT 2016)
→ Captation sèche qui ne fait pas épanouir toute la poésie de la pièce.
Mais plus convaincant qu'à l'orchestre, clairement, avec ses très
belles couleurs debussystes.
DUOS
♥♥ Rameau – Suites à deux clavecins tirées
des Indes, Zoroastre… – Hantaï, Sempé (Mirare)
♥♥ A. Romberg & B. Romberg – Duos for violin and
cello – Barnabás Kelemen, Kousay Kadduri (Hungaroton 2002)
→ Interprétation très tradi, pas très exaltante, de ces duos
remarquablement écrits, quoique moins fascinants que ceux pour
violoncelle.
→ Les variations finales du troisième duo Op.1 sont écrites sur le
premier air d'Osmin de l'Enlèvement au Sérail !
→ Quant au premier duo d'Andreas Romberg, il se fonde sur « Se
vuol ballare » des Noces de Figaro ; le second, sur
« Bei Männerm », le duo Pamina-Papageno…
A. Romberg & B. Romberg – Duo for Violin and
Cello in E Minor, Op. 3, No. 3 – Duo Tartini (Muso 2019)
♥ Wagner – Götterdämmerung
final par Tal & Groethuysen sur deux pianos (Sony)
→ Chouette initiative, mais manque un peu de fièvre.
♥Fauré, Widor, Dupré, D. Roth,
Falcinelli, Mathieu Guillou, J.-B. Robin
– « L'Orgue chambriste, du salon à la salle de concert »
–Thibaut
Reznicek, Quentin Guérillot (Initiale 2020)
→ Beau programme (en particulier Roth, intéressé aussi par l'inattendue
Sonate de Dupré), beau projet, où je découvre un violoncelliste au
grain extraordinaire, Thibaut Reznicek, sacré charisme sonore !
Hisatada Otaka – Midare
capriccio pour deux pianos – Shoko Kawasaki, Jakub Cizmarović (YT 2015)
TRIOS
Beethoven – Trios Op.1 n°3 et Op.11,
arrangement anonyme pour hautbois, basson et piano – Trio Cremeloque
(Naxos, octobre 2019)
→ On perd clairement en conduite des lignes et en nuances, avec les
bois. Mais très agréable de changer d'atmosphère.
♥♥ B. Romberg: 3 Trios,
Op. 38: – Dzwiza, Gerhard; Fukai, Hirofumi; Stoppel, Klaus
(Christophorus 2007)
→ Étonnant effet symphonique de ces trois cordes graves !
♥Tchaïkovski-Goedicke
– Les Saisons – Varupenne, Trio Zadig (Fuga Libera 2020)
→ La redistribution de la matière pour piano seul à trois instruments
(dont le piano…) n'est pas la chose la plus exaltante du monde
(mélodies au violon, piano simplifié…), mais c'est une occasion
d'entendre un des meilleurs trios de l'histoire de l'enregistrement
dans un répertoire qu'ils servent merveilleusement – hâte qu'ils
gravent le Trio de Tchaïkovski, qu'ils jouent mieux que personne.
→ Et en effet, (Ian) Barber particulièrement en forme, Borgolotto
toujours d'une présence sonore impérieuse, Girard-García un peu
sous-servi par l'encloisonnement dans un disque, mais on sent toute son
élégance néanmoins. D'immenses musiciens à l'œuvre, on l'entend.
Saint-Saëns – Violin Sonata No. 1, Cello Sonata
No. 1 & Piano Trio No. 2 – Capuçon, Moreau, Chamayou (Erato 2020)
→ Surtout impressionné par le grain et la présence de Moreau,
saisissants. Le son très rond / vibré de Capuçon convient un peu moins
bien à Saint-Saëns (surtout la Sonate) qu'aux Brahms et Fauré où il a
fait merveille avec sa bande !
♥♥ Magnard – Piano Trio in F
Minor / Violin Sonata in G Major – Laurenceau, Hornung, Triendl
(CPO)
→ Merveille, et à quel niveau ! (lyrisme de Laurenceau, et
comme Hornung rugit !)
♥♥♥ Clarke – 3 Mvts for 2
violins
& piano / Sonates violon-piano : en ré, fragments en
sol / Trio
Dumka / Quatuor– Lorraine McAslan, Flesch SQ, David Juriz, Michael
Ponder, Ian Jones… (Dutton Epoch 2003)
→ Le trio à deux violons et surtout la Sonate en ré sont des sommets de
la musique de chambre mondiale, d'une générosité incroyable, et sises
sur une très belle recherche harmonique qui doit tout à l'école
française.
♥♥ Graener – Trios avec piano
– Hyperion Trio (CPO 2011)
→ Lyrique et simple pour la musique aussi tardive, ce fait
remarquablement mouche ! (Plus proche de Taneïev que des
décadents allemands.)
QUATUORS À CORDES
♥ Beethoven, Quatuor n°1 / Bridge, Novelettes / Chin, Parametastrings – « To Be
Loved » – Esmé SQ (Alpha)
→ Très vivante version de l'excellent n°1 (enfin, dans l'ordre
d'édition) de Beethoven. (Testées en salle : énergie folle dans le
n°11.)
→ Pépiements sympas de Chin.
♥♥♥ Beethoven, Quatuor n°4, Orford SQ
(Delos)
→ Pas très tendu, mais remarquablement articulé !
+ Quatuor n°15 : là aussi pas un sommet émotionnel, mais j'aime
beaucoup certe individualisation extrême des voix !
♥♥ Arriaga – Quatuors – La
Ritirata (Glossa 2014)
→ Très belle lecture sur instruments anciens. Reste un corpus bien plus
mineur que ses œuvres orchestrales, d'un jeune romantisme encore assez
poliment classique.
→ Le rare Tema variado en cuarteto est en revanche une petite
merveille !
♥♥ Weigl String Quartet No. 3
// Berg Op.3 – Artis SQ (Orfeo)
→ Richesse et véhémence remarquables de ce corpus sans comparaison avec
les pâles symphonies ! Parmi les très grands quatuors du
premier XXe siècle.
→ Le Berg est vraiment très beau, d'une tonalité tourmentée.
Weigl – 5 Lieder pour soprano & quatuor Op.44, Quatuor n°5 –
Patricia Brooks, Iowa SQ (NWCRI 2010)
→ Son ancien.
♥♥ Weigl –String Quartets Nos. 1 and 5 (Artis
Quartet) (Nimbus)
→ Richesse et véhémence remarquables de ce corpus sans comparaison avec
les pâles symphonies ! Parmi les très grands quatuors du
premier XXe siècle.
♥♥ Weigl – String Quartets Nos. 7 & 8 –
Thomas Christian Ensemble (CPO 2017, parution en dématérialisé le 3
juillet 2020)
→ Weigl est donc un grand compositeur… mais certainement pas de
symphonies ! Ces quatuors, plus sombres, mieux bâtis, d'une
veine mélodique très supérieure et d'une belle recherche harmonique,
s'inscrivent dans la veine d'un postromantisme dense, sombre, au
lyrisme intense mais farouche, à l'harmonie mouvante et expressive. Des
bijoux qui contredisent totalement ses jolies symphonies toutes fades.
(On peut songer en bien des endroits au jeune Schönberg, à d'autres à
un authentique postromantisme limpide mais sans platitude.)
→ Aspect original, le spectre général est assez décalé vers
l'aigu : peu de lignes de basses graves, et les frottements
harmoniques eux-mêmes sont très audibles aux violons, assez haut. avec
pour résultat un aspect suspendu (le Quatuor de Barber dans le goût des
décadents autrichiens…) qui n'est pas si habituel dans ce répertoire.
♥♥ Weingartner – Quatuor n°5, Quintette à cordes
– Sarastro SQ, Petra Vahle (CPO)
→ Rien trouvé de très saillant, à réessayer encore ?
→ trissé. toujours rien.
♥♥♥ Hahn – Quatuors à cordes, Quintette
piano-cordes – Tchalik SQ, Dania Tchalik (Alkonost 2020)
→ Encore un coup de maître pour l'élargissement répertoire avec le
Quatuor Tchalik ! La sophistication souriante de la musique
de chambre de Hahn, où le compositeur a clairement laissé le meilleur
de sa production (particulièrement dans ces œuvres, ainsi que dans le
Quatuor piano-cordes qui manque ici), se trouve servie avec une ardeur
communicative.
→ Le déséquilibre antérieurement noté entre violon I & violoncelle
très solistes d'une part (les frères), petite harmonie très discrète
d'autre part (les sœurs) s'estompe au fil des années vers un équilibre
de plus en plus convaincant. Et toujours cette prise de risque
maximale, au mépris des dangers.
→ Grandes œuvres serives de façon très différente des
Parisii :(qui étaient plus étales et contemplatifs, plus voilés,
moins solistes, très réussis aussi).
→ Saint-Saëns, Hahn, Escaich… en voilà qui ne perdent pas leur temps à
rabâcher le tout-venant ! (Merci.)
→ Bissé.
♥ Novák – Quatuor n°3 – Novák
SQ (SWR Classic Archive, parution 2017)
→ Très folklorisant et en même temps pas mal de sorties de route
harmoniques, sorte de Bartók gentil. On sent la préoccupation commune
du temps.
♥♥♥ Scott – Quatuors 1,2,4 – Archeus SQ
(Dutton Epoch 2019)
→ Très marqués par l'empreinte française (on y entend beaucoup Debussy,
le Ravel de Daphnis également), des bijoux pudiques, d'une
sophistication discrète et avenante. Un régal absolu !
♥ Ritter – Quatuors avec
basson – Paolo Cartini, Virtuosi Italiani (Naxos 2007)
→ Très joliment mélodique. Moins riche et virtuose que Michl.
♥ B. Romberg: Variations
and Rondo, Op. 18 – Mende, Trinks, Pank & piano (Raumklang 2012)
→ Très beau postclassique.
QUINTETTE
♥
Bax – Quintette avec piano – Naxos
♥♥♥ Scott, Bridge – Quintette avec piano
n°1 / en ré mineur – Bingham SQ, Raphael Terroni (Naxos 2015)
→ Beau Quintette de Bridge, splendide de Scott, avec son premier
mouvement très… koechlinien-2 !
→ Bissé Scott.
SEXTUOR ET
AU DELÀ
♥♥♥ Weingartner – Sextuor pour quatuor,
contrebasse & piano / Octuor pour clarinette, cor, basson, quatuor
& piano – Triendl (CPO)
→ Complètement fasciné par le Sextuor pour piano et cordes (la pochette
dit Septuor à tort). Un lyrisme extraordinaire.
→ bissé
♥ Chabrier – Souvenirs de
Munich (arrangement David Matthews pour ensemble) – Membres du Berlin
PO, Michael Hasel (Col Legno 2009)
→ Doublures étranges qui accentuent le côté foire de ces réminiscences
de Tristan façon quadrille.
Roussel,
Koechlin, Taffanel, d'Indy, Messager, Françaix, Chabrier, Bozza, Tansman –
musique française pour vents et piano – V. Lucas, Gattet, Ph. Berrod,
Trenel, Cazalet (solistes de l'Orcheste de Paris), Wagschal (Indésens
2020)
→ Joli ensemble, pas le meilleur de la production chambriste française
(excepté les extraits de la Suite de d'Indy), avec des timbres assez
blancs, il existe plus exaltant ailleurs même si le projet est très
beau et mérite d'être salué !
HORS DES FRONTIÈRES
♥♥ de Mey – Musique de table – James Cromer,
Corey Robinson, Gregory Messa (vidéo culte d'Evan Chapman)
8.
SOLOS
Froberger –
Œuvres pour orgue – Temple Saint-Martin de Montbéliard, Coudurier (BNL)
Folías par Frédéric Muñoz à
l'orgue de Guimiliau – https://www.youtube.com/watch?v=EX8OSpPboz4
(YT 2017)
→ Superbe orgue XVIIe en état de jeu. Pourquoi ne s'en sert-on pas
davantage pour les enregistrements, plutôt que des instruments
contemporains de la composition (qu'il y avait moins de probabilité de
pouvoir jouer à l'époque, car en petit nombre), voire
postérieurs ?
♥ Gabrielli,
Biber, Young –
« Jacob Stainers Instrumente » – Maria Bader-Kubizek, Anita
Mitterer, Christophe Coin (Paladino 2020)
→
La Partita 6 de l'Harmonia artificiosa-ariosa est marquante par son
vaste air à variations de 13 minutes et son langage un peu original.
→ La parenté des traits de (Domenico) Gabrielli avec les figures des
Suites pour violoncelle de Bach reste toujours aussi frappante. (Coin
fait merveille dans ce grand solo.) Elles sont assez bien
documentées
au disque, ce sont des bijoux.
♥♥ Gabrielli – Œuvres
complètes pour violoncelle – Hidemi Suzuki, Balssa, Otsuka (Arte
dell'arco 2012)
→ Quels solos bachiens, en plus rayonnants !
→ Bissé.
♥♥ Giuliani – Le Rossiniane – Goran Krivokapić,
guitare (Naxos 2020)
→ Réellement des arrangements (virtuoses) de grands airs rossiniens, en
particulier comiques (Turco, Cenerentola…), très bien écrits (quel
symphonisme !) et exécutés avec une rare qualité de timbre et de
phrasé.
♥ Bach, Chorals / Elgar, Sonate 1 / Lefébure-Wély Boléro / Karg-Elert 3 Impressions / John Williams, 3 arrangements de Star Wars –
Nouvel orgue de la cathédrale Saint-Stéphane de Vienne, Konstantin
Reymaier (DGG 2020)
→ Splendides Bach pudiques sur jeux de fonds, une transcription de
Williams réussie, les frémissements du trop rare Karg-Elert, un joli
Elgar sérieux inattendu… Superbe récital.
Lanier, Ramsey, Jenkis, Banister, Lawes,
Webb, Hilton… – « Perpetual Night » – Richardot,
Correspondances, Daucé (HM 2018)
→ Ni les œuvres ni la manière ne me font dresser l'oreille, je l'avoue.
Très rond, confortable, contemplatif, le tout manque vraiment d'arêtes,
d'événements.
♥♥ Jacquet
de La Guerre – Le
Déluge – Poulenard, Verschaeve, Giardelli, Guillard (Arion)
♥♥Cerutti,
Auletta, Tartini, Mayr, anonymes – « Il Gondoliere
veneziano » – Holger Falk, Nuovo Aspetto (WDR 2020)
→ Varié et réjouissant, chanté avec verve !
♥ Steffani,
Vivaldi, Hahn, Satie… –
« Eternity » Kermes & Gianluca Geremia, théorbe (Simone
Kermes 2020)
→ Très joli album planant et délicat, sur son propre label. 30 minutes
de musique, un format uniquement dématérialisé je suppose.
LIEDER ORCHESTRAUX
♥♥♥ Schubert – An Schwager
Kronos (orchestration Brahms)
→ Monteverdi Choir ♥
→ Schroeder, AMSO, Botstein (horriblement engorgé)
→ Steffeb Lachenmann, Brandenburger Pkr, gernot Schulz (mou et pas
ensemble)
→ Johan Reuter, SwChbO Dausgaard (orch en folie) ♥♥♥ ♥♥♥ Schubert – «
Nacht
und Träume » (orchestrations de Berlioz, Liszt, Reger, R. Strauss,
Britten) – Lehmkuhl, Barbeyrac, Insula O, Equilbey (Warner 2017)
→ Splendidement chanté, accompagné sur instruments d'époque, un régal.
→ bissé
♥♥ Schubert – Lieder
orchestrés
par Max Reger – Ina Stachelhaus, Dietrich Henschel, Stuttgarter
Kammerorchester, Dennis Russell Davies (MDG 1998)
♥ Schubert – Lieder orchestrés (Liszt,
Brahms, Offenbach, Reger, Webern, Britten…) – von Otter, Quasthoff,
COE, Abbado (DGG 2003)
→ Orchestrations pas nécessairement passionnantes en tant que telles,
même si entendre Schubert dans ce contexxte dramatisé fait plaisir.
(Les Webern sont franchement décevants.)
→ Splendide orchestre (même si direction un peu hédoniste), von Otter
un peu fatiguée mais fine, Quashoff à son faîte.
→ Étonnement : les attaques de l'orchestre sont de façon récurrente
désynchronisées des chanteurs (pas mal de retards, quelques-fois de
l'avance). Typiquement, Die Forelle, Ellens Gesang…
On parle d'Abbado, du COE, de von Otter qui a chanté du R. Strauss à la
scène, je ne sais pas trop comment / pourquoi c'est possible. (Je ne
vois pas à quoi ça sert si c'est volontaire, pour moi ça ressemble au
chef qui attend le phrasé de la chanteuse mais qui réagit un peu tard.)
Peut-être est-ce que l'attaque est au bon endroit mais que le gros du
son parvient plus tard. (Mais justement, en principe c'est anticipé par
les musiciens, les contrebasses attaquent toujours avec un peu d'avance
pour cette raison.)
♥♥♥ Fried – Die verklärte Nacht – Ch. Rice,
Skelton, BBCSO, Gardner (Chandos 2021)
→ Chef-d'œuvre absolu du lied orchestral décadent,
tout en vapeurs, demi-teintes et éclats aveuglants, cette Nuit transfigurée
bénéficie à présent d'une seconde version, aux voix très différentes
(Rice plus charnue et timbrée, Skelton plus sombre) et à la direction
très lyrique. Je conserve ma tendresse pour Foremny qui privilégie le
mystère initiatique plutôt que les couleurs orchestrales (et la clarté
éclatante de Rügamer dans la transfiguration est un bonheur sans
exemple !), mais disposer d'un second enregistrement, et de niveau
aussi superlatif, est absolument inespéré – et quoique dès longtemps
attendu.
→ Parution en janvier 2021, mais les chanteurs ont déjà fait fuiter sur
les comptes YouTube respectif la plupart des pistes vocales…
→ (déjà écouté une dizaine de fois)
♥♥♥ Fried – Die verklärte Nacht – Foremny
→ (réécouté à peu près autant de fois le mois passé…)
♥♥ Schoeck – Nachhall – Arthur Loosli, ChbEns
Radio de Berne, Theo Loosli – (Jecklin 2015)
→ Tout est plus clair, l'orchestre (moins dramatique, certes), le chant…
♥♥ Schoeck – Nachhall –
Hancock, AmSO, Botstein (AmSO)
→ Splendide ambiance de fin du monde mélancolique.
♥♥♥ Fefeu & Gérard
Demaizière – L'An 1999
– François Juno(RGR
1979)
→ et diverses parodies (version metal, version symphonique, version
épique…), voire son interprétation imaginaire de Quelque chose en nous
de Tennessee…
LIED & MÉLODIE
Schubert, Spohr, Weber, Giuliani
– Lieder arrangés avec guitare – Olaf Bär, Jan Začek (Musicaphon
2007)
♥♥ Beethoven – Lieder (An die
ferne Geliebte) – Bär, Parsons (EMI 1993)
♥♥♥ Beethoven, Schubert, Britten… – « I
Wonder as I Wander » – James Newby, Joseph Middleton (BIS 2020)
→ Splendide voix de baryton-basse, mordante, clairement dite, sensible
aux enjeux dramatiques, aussi à l'aise dans la demi-teinte a cappella des Britten que dans la
gloire mordante des poèmes les plus expansifs. Grand liedersänger très à son aise ici,
et une fois de plus très bien capté par BIS.
♥♥♥ Beethoven ferne Geliebte, Schubert, Rihm – « Vanitas » – Nigl, Pashchenko
(Alpha)
→ Accompagné sur piano d'époque.
→ Emporté d'emblée par les mots et le phrasé de cette ferne Geliebte ; splendeur de
cette voix claire et souple, adroitement mixée et extraordinairement
expressive (Beethoven !).
→ Concentration et la clarté de cette voix assez incroyables, on dirait
un représentation de l'époque glorieuse des années 50-60, j'entends la
concentration du son des très grands ténors d'autrefois (quelque part
entre Cioni et Tino Rossi pour l'allègement délicat).
→ (Mais je ne comprends pas pourquoi il est noté baryton, c'est assez
clairement un ténor pour moi, même s'il chante dans des tessitures
centrales… Peut-être l'équilibre harmonique de la voix est-il différent
en personnel.)
→ Et tout cela lui permet une finesse d'expression assez
extraordinaire. (Rihm très réussis, je ne suis pas sûr que cet univers
un peu raréfié m'aurait autant séduit sinon !)
♥ Mahler – Ruckert-Lieder /
Des Knaben Wunderhorn– Bauer, Hielscher (Ars Musici 2003)
→ Voix vraiment claire, manque d'assise et d'incarnation pour une
fois !
♥♥ Schoeck – Notturno – Gerhaher, Rosamunde
SQ
→ Gerhaher très peu vibré, un peu sophistiqué, mais remarquable. Le
grain du quatuor est fantastique.
♥ Mitterer – Im Sturm – Nigl,
Mitterer (col legno 2013)
→ Très mélodique (et le naturel de Nigl !), sur poèmes romantiques,
avec bidouillages acousmatiques un peu stridents (trop proches dans la
captation, on reçoit tout dans les oreilles sans distance) mais pas
déplaisants.
→ Beaucoup de citations (Ungeduld de la Meunière), quasiment de l'a
cappella avec des effets atmosphériques autour… Fonctionne très bien
grâce à l'incarnation exceptionnelle de Nigl !
LISTE D'ÉCOUTES à
faire – nouveautés
→ reich eight lines
→ philippe leroux : nous par delangle (BIS)
→ Ch Lindberg
→ kontogiorgos, kaleidoscope pour guitare
→ adiu la rota
→ australian music two pianos « the art of agony »
→ elisabetta brusa ulster O
→ rossini matilde di shabran passionart O
→ haydn messe st tolentini naxos
→ A. Rawsthorne, Symphony No. 2
→ reutter op.58,56,jahreszeiten
→ Robert Simpson, Symphonie n°9, Bournemouth SO, Vernon Handley.
→ rubbra ccto pia
→ Coles : je réécoute les Four Verlaine Songs pour la dixième fois
aujourd'hui, c'est véritablement renversant.
→ e préfère moi aussi la No. 2 de Boughton et pas qu'un peu,
→ stephan sieben saiteninstrumente, horenstein ensemble ( et suite pour
quatuor de butterworth)
→ Michel dens
→ Goublier - Mélodies lyriques populaires (6) : baryton, choeurs, et
Orchestre - Michel Dens - HD
→ The Primrose Piano Quartet : Hurlstone, Quilter, Dunhill, Bax
→ BRITISH PIANO QUARTETS : Mackenzie, Howells, Bridge, Howells,
Stanford, Jacob, Walton (The Ames Piano Quartet)
→ Viola Sonatas, Idylls & Bacchanals : McEwen, Maconchy, Bax,
Jacobs, Rawsthorne, Milford, Leighton (Williams/Norris)
(plus tous les autres des listes précédentes…)
… et voici pour la dernière livraison de l'année 2020, deux ans
complets de traque aux pépites nouvelles – et il y en a beaucoup, même
en mettant l'accent sur les répertoires délaissés ou les
interprétations hors du commun !
Je n'ai pas encore décidé si je poursuivais l'aventure en 2021 : je
fais ce repérage pour moi-même, mais la mise en forme lisible prend à
chaque fois plusieurs heures, et j'ai plusieurs séries de notules que
j'aimerais davantage achever, poursuivre ou débuter. Je me disais que
ce pouvait être utile, puisque j'écoute beaucoup et laisse des traces
écrites, mais en fin de compte, devant la masse, je crains de noyer mes
lecteurs plus que de les éclairer. Et cela suppose aussi que mon agenda
soit gouverné par les parutions plutôt que par ma fantaisie (ce qui
n'est pas bien).
Ce qui est sûr, c'est que je n'aurai pas le temps de faire la remise des prix des disques de
l'année. Ce serait absurde de toute façon : même en choisissant un
disque par genre et par époque, je serais obligé de trancher de façon
parfaitement arbitraire. Il y a beaucoup de choses à découvrir, avec
leurs commentaires à chaque fois, aussi je vous invite, si vous
souhaitez façonner votre propre bouquet, à remonter la piste du chapitre correspondant dans CSS, et à faire votre
choix parmi les disques mentionnés en bleu-violet ou 2-3 cœurs !
Si jamais vous vous interrogiez sur la conclusion l'année Beethoven, j'ai ici commis
une petite suite de tweets où je relève ce qui m'a paru
marquant, en classant par genre – et en incluant les disques traitant
des contemporains, puisqu'il y a eu beaucoup de parutions majeures
autour de Salieri / Rejcha / B. Romberg / Hummel / Moscheles que vous
seriez fort avisés de ne pas négliger… (En revanche, il y eut extrêmement peu de raretés du catalogue de Beethoven à proprement parler.)
Belles explorations à vous, et à bientôt, sous d'autres formats sans
doute !
L'enfermement favorisant l'exploration discographie, une nouvelle et
prompte livraison s'imposait.
Du vert au violet, mes recommandations… en ce moment remplacées par des
♥.
♦ Vert : réussi ! ♥
♦ Bleu : jalon considérable. ♥♥
♦ Violet : écoute capitale. ♥♥♥
♦ Gris : pas convaincu. ♠
(Les disques sans indication particulière sont à mon sens de très bons
disques, simplement pas nécessairement prioritaires au sein de la
profusion de l'offre.)
En rouge, les nouveautés
2020 (et plus spécifiquement de l'automne).
Je laisse en noir les
autres disques découverts.
En gris, les réécoutes
de disques.
OPÉRA
Haendel – Rinaldo – Aspromonte, Galou,
Luigi De Donato ; Accademia Bizantina, Dantone
→ Déçu par cette lecture assez terne d'un des plus beaux seria de
Haendel : Dantone a toujours été un accompagnateur probe
qu'un
inventeur de textures, mais ici, sans le renfort du drame, c'est assez
frustrant. D'autant plus qu'Aspromonte blanchit terriblement dans le
seria (c'est dans le XVIIe déclamatoire qu'elle fait merveille), que
Galou est dans un jour peu propice (ou bien est-ce l'aspect héroîque du
rôle, à rebours de sa personnalité vocale ?)… il n'y a que Luigi De
Donato qui, comme d'habitude (cf. le récent Samson d'Alarcón dans la livraison
précédente, n°14), impose
présence et mordant charismatiques. Dommage, l'œuvre mérite vraiment
une discographie abondante et il y a encore de la place pour de
nouvelles propositions…
[vidéo en direct de
l'Opéra-Comique] : Rameau,
Hippolyte & Aricie, Pichon (avec Elsa Benoit, Mechelen, Brunet…)
→ Orchestre splendide (ampleur, couleurs, énergie), œuvre toujours
aussi peu passionnante pour moi, livret misérable, et voix qui vibrent
quand même beaucoup pour ce répertoire (Benoit était fulgurante dans la
Dame Blanche).
♥♥♥ Auber – Les Diamants de la Couronne –
Raphanel, Einhorn, Arapian, Médioni ; Colomer (Mandala)
♥♥♥ Auber – Les Diamants de la Couronne –
Raphanel, Einhorn, Arapian, Médioni ; Colomer (vidéo de la même
production, Compiègne)
→ Sommet du livret haletant (merci Scribe) et d'une musique
divertissante pourtant pleine de modulations, d'ensembles travaillés,
de surprises… Un des plus beaux opéras comiques jamais écrits.
(Peut-être même le plus beau en langue française…) Distribution
fabuleuse et orchestre audiblement passionné. Mise en scène tradi
pleine de vie.
♥♥ Donizetti – Lucia di Lammermoor (Sextuor) –
Rost, Ford, Michaels-Moore, Miles, Hanover Band, Mackerras
→ Ma version chouchoute (instruments anciens, vivacité)… version
française exceptée évidemment.
Autres écoutes :
♥♥♥ Verdi – Rigoletto
(extraits en français) – Robin, Michel, Maurice Blondel, Dens, Depraz,
Noguera ; Opéra de Paris, Dervaux (Marianne Mélodie publication
2013)
→ Des fulgurances et des étrangetés dans la traduction… étonnant comme
le mot juste qui éblouit alterne avec les laborieuses maladresses
prosodiques (ou affadissements inutiles du sens). Exécution foudroyante.
→ trissé
♥♥ Verdi – Traviata (extraits
en français) – Robin, Finel, Dens ; Opéra de Paris, Dervaux
(Marianne Mélodie publication 2013)
→ Le livret est assez mutilé par les pudibonderies fadissimes de la
traduction, mais entendre cette qualité de chant et d'incarnation
demeure inestimable, et dans un français sublime.
→ trissé
♥ Verdi – Le Trouvère
(extraits en français) – Juyol, Laure Tessandra, Poncet, Dens ;
divers orchestres, Delfosse / Etcheverry / Dervaux (Marianne Mélodie
publication 2013)
→ bissé
♥ Verdi – Aida – Milanov,
Thebom, Del Monaco, London, Hines ; Met, Cleva (Pristine)
→ Surtout remarquable par l'ardeur orchestrale (et bien disciplinée
pour le Met de l'époque !). Mais si l'on veut le Del Monaco le plus
sonore et glorieux, clairement la bonne adresse – je l'aime davantage,
plus fragile et approfondi, plus tard.
♥ Verdi – Aida (extraits en
français) – Irène Jaumillot, Élise Kahn, Poncet, Borthayre (x2), Koberl
; Orchestre inconnu, Robert Wagner (Marianne Mélodie publication 2013)
→ bissé
♥♥ Verdi – Otello (extraits en
français) – Jeanne Segala, Thill, José Beckmans ; Opéra de Paris,
François Ruhlmann (Marianne Mélodie publication 2013)
→ trissé
♥♥♥ Offenbach – Barbe-Bleue – Mas, Beuron,
Mortagne ; Pelly, Opéra de Lyon (vidéo France 2, diffusion 2020)
♥ Prokofiev – Guerre & Paix – Markov,
Stanislavsky… (vidéo du Stanislavsky 2020)
→ Pas la soirée la plus voluptueuse musicalement ni inspirée
scéniquement, mais très belles voix des jeunes premiers.
MUSIQUE DE SCÈNE
/ BALLETS
♥ Delibes – Ballets Sylvia, La Source,
Coppélia – N. Järvi (Chandos)
→ Pas le plus marquant de Delibes, mais contenu de ploum-ploum plutôt
magnifié par le grand geste unifiant de Järvi.
Grieg – Peer Gynt, les 2 Suites – Bergen
PO, Ruud (BIS)
→ Un peu déçu à la réécoute, pas aussi singulier et coloré – ou bien
était-ce davantage le cas dans la musique de scène totale par les
mêmes ?
♥♥ Schmitt – Oriane & le Prince
d'Amour, Tragédie de Salomé, Musique sur l'eau, Légende – Susan Platts,
Nikki Chooi ; Buffalo PO, Falletta (Naxos 2020)
→ Passionnant ensemble de raretés (des premières ?) de Schmitt. Outre
l'incontournable suite de Salomé (les pas d'action sont supprimés et le
tout réorchestré pour très grand orchestre), que je trouve
admirablement interprétée par Buffalo-Falletta, dont je n'avais pas de
tels souvenirs d'excellence et de style (plus massifs et moins finement
articules), on y rencontre la précieuse Oriane, une mélodie avec
orchestre qui tire un réel profit des qualités de sophistication et de
naturel conjugués dont peut faire preuve Schmitt !
Vaughan
Williams – Job – Bergen
PO, Andrew Davis (Chandos 2017)
→ Moins intéressé dans cette version (par rapport à Hallé-Elder
présenté dans la livraison n°14), plus lisse, plans moins détaillés
pour une œuvre déjà étale et homogène.
MUSIQUE SACRÉE
♥♥ Beretta, Merula,
Cazzatti, Giambelli, Benevolo, Cavalli, Charpentier – Messes à chœurs multiples –
Correspondances, Daucé (HM)
→ Il manque hélas les deux plus belles pièces de la tournée de concerts
(de Legrenzi, évidemment), mais pour le reste, ce tour de la moitié
Nord de l'Italie autour des messes et motets à chœurs multiples est un
enchantement : découverte de traitements variés, du plus
hiératique (Cavalli évidemment, toujours le dernier de la classe
celui-là) aux irisations de Beretta. Rarissime, passionnant, très
convaincant.
→ Le résultat semble avoir beaucoup mûri depuis les concerts de 2017
(entendu pour ma part dans l'acoustique peu favorable de la Seine
Musicale) : j'avais été frustré par le choix de Daucé de magnifier
les coloris au détriment de la danse dans ce Charpentier (qui n'est
déjà le meilleur de son auteur en termes d'audace et de personnalité)…
alors qu'ici, avec encore plus de chatoyances (infinies, réellement),
l'impression de mobilité n'est jamais prise en défaut. Grand disque,
même pour la version du Charpentier.
♥♥♥ Charpentier – Méditations pour le Carême –
Camboulas (Ambronay)
→ Déjà présenté. Et notule en préparation.
♥♥♥ Campra – Exaudiat te Dominus, De
Profundis – Christie (Erato)
→ Tantôt guerrier, tantôt tendrement méditatif, un chef-d'œuvre servi
par les meilleurs !
♥♥♥ Beethoven – Missa Solemnis – Hanover Band,
Kvam (Nimbus)
Berlioz – L'Enfance du Christ,
arrivée à Saïs – Graham, Le Roux ; OSM, Dutoit (Decca)
→ Sympa, mais il existe tellement mieux.
Mendelssohn – Church Music, Vol. 2 - Vom
Himmel hoch / Ave maris stella / Te Deum in D Major (Bernius) (Carus)
→ Un peu servilement du néo-Bach, sur cet album. Chœur et orchestre de
Bernius un peu plus ternes qu'à l'habitude aussi.
♥♥ Mendelssohn – Church Music, Vol. 3 - 3 Psalms
/ Christus / Kyrie in D Minor / Jube Domine / Jesus, meine Zuversicht
(Stuttgart Chamber Choir) (Carus)
♥ Mendelssohn – Church Music, Vol. 6 - Psalm 115
/ O Haupt voll Blut und Wunden / Wer nur den lieben Gott lasst walten
(Bernius) (Carus)
♥♥♥ Mendelssohn – Chœurs sacrés Op. 39, 115, 116,
Te Deum, Herr sei gnädig… Vol.7 – Bernius (Carus 2006)
→ Collection de merveilles riches et épurées… un sérieux candidat pour
la livraison 1830 d' « Une décennie, un disque ».
♥ Bruckner – Motets – Chœur de la Radio
Lettonne, Kļava (Ondine 2020)
→ Belle version où l'on retrouve à la fois les motets bien connus et
les sopranos mêlant voix lyriques et techniques droites « de
cristal », caractéristiques de la Radio lettonne.
→ Belles lectures apaisées, même si ma préférence va à des chœurs
encore plus ecclésiaux (St Mary's d'Édimbourg, cathédrale de Bergen) ou
dotés de courbures plus généreuses (Collegium Vocale de Gand) – par
exemple.
CONCERTOS
♥ Mozart – Concertos pour
hautbois et basson – Koopman
→ Très beau et fin, même si désavantagé par la facture qui lime
l'impact des solistes et les places toujours à la frontière du refus
d'obstacle !
♥♥ Martinů – Concertos pour violon 1 & 2
// Bartók, Sonate pour violon solo – F.P.
Zimmermann, Bamberg SO, Hrůša (BIS)
→ Le premier d'un postromantisme tourmenté (comme
« soviétisé »), le second typique des coloris orchestraux
néoclassique. Pas du niveau des concertos pour violoncelle, mais change
considérablement des habitudes. La virtuosité n'y empêche pas la
musicalité, a fortiori avec Zimmermann qui ne cherche pas la chatoyance
facile et mise tout sur l'élan irrésistible de son discours !
→ Pas particulièrement marqué par Bamberg-Hrůša-BIS, pourtant tiercé de
chouchous, mais j'ai peu écouté ces œuvres, je ne mesure pas
nécessairement à quel point ils en tirent le meilleur.
→ (J'ai distraitement écouté le Bartók, désolé.)
♥ John
Williams – Concerto
pour basson – Robert Williams, Detroit SO, Slatkin (Naxos single)
→ Sans être le chef-d'œuvre ultime, l'un des tout meilleurs concertos
pour basson.
SYMPHONIES
& poèmes orchestraux ♥ Schubert – intégrale des Symphonies –
Chamber Orchestra of Europe, Harnoncourt (ica / COE, publié en 2020
mais capté en 1988)
→ Parution d'un concert inédit de 1988, qui paraît moins
essentielle alors que depuis dix ans, les parutions de verisons
« musicologiques » des symphonies de Schubert se sont
multipliées, avec des propositions très stimulantes ou plus radicales
qu'ici.
→ Pour autant, l'association produit de belles choses, le chant des
cuivres, les sforzati secs mais non excessifs dans cette acoustique
réverbérée, les beaux aplats de cordes. Loin de l'Harnoncourt débordant
de couleurs de la dernière période, mais une belle lecture, à défaut
d'être désormais prioritaire.
Berlioz – Sara au bain pour
chœur, quelques mélodies irlandaises orchestrées – OSM, Dutoit (Decca)
→ Captation assez lointaine et floue, dommage. Les pièces, avec le
chœur vraiment moyen de l'OSM ou les chanteurs peu idiomatiques, ne
sont pas servies au mieux – alors qu'il y a des merveilles, et que
Dutoit-OSM ont montré leur valeur dans ce répertoire.
Berlioz – Roméo et
Juliette – Dragojević, Staples, Miles ; Radio Suédoise, Ticciati
(Linn 2016)
→ Limpide, du côté d'un Berlioz fin et épuré, pas du tout son versant
coloré et sauvage. (Pour la force intérieure, privilégier Ozawa, et
Dutoit pour la couleur.)
♥♥♥ Bowen – Symphonies 1 & 2 – Andrew
Davis (Chandos)
♥♥♥ H.
Andriessen – Libertas
venit – PBSO Enschede, Porcelijn (CPO)
→ Quelle sombre épopée, mi-grandiose, mi-intérieure… !
♥♥♥ Graener – Variations orchestrales sur «
Prinz Eugen » – Philharmonique de la Radio de Hanovre, W.A. Albert (CPO
2013)
→ On ne fait pas plus roboratif… mon bonbon privilégié depuis deux ans
que je l'ai découvert par hasard, en remontant le fil depuis le dernier
volume de la grande série CPO autour du compositeur (concertos par
ailleurs tout à fait personnels et réussis).
♥ Vaughan Williams – Symphonie
n°2 – Hallé O, Elder (Hallé)
→ Transparence debussyste très bienvenue dans cette symphonie
contemplative à laquelle je trouve, ainsi, de très belles qualités.
♥ Vaughan
Williams – Symphonie
n°3 – LSO, Hickox (Chandos)
→ Remarquablement articulé, comme toujours (avec fond un peu brouillé à
cause de Chandos, mais tout est très audible, capté de près), superbes
gradations.
→ Détaillé, tranchant et debussyste,
superbe pensée.
¶ LPO, Haitink
(EMI) *** *
→ Calme, mais très bien équilibré.
¶ LSO, Hickox
(Chandos) *** *** *
→ Remarquablement articulé, comme
toujours (avec fond un peu brouillé à
cause de Chandos, mais tout est très audible, capté de près), superbes
gradations.
¶ Hallé O, Elder (Hallé) *** ***
→ Superbe lisibilité et aération, assez
statique alla Faune
¶ LPO, Boult (Decca) **
→ Prise de son un peu ancienne, par
blocs, mais toujours très beau détail.
¶ LSO, Previn (Sony)
***
→ Beau, un peu étale et hédoniste,
frémissements intéressants, fond un peu brouillé.
♥ Vaughan Williams – Symphonie
n°4 – Atlanta SO, Spano (ASO Media)
→ Superbe réalisation plastique qui rend moins suffocante l'atmosphère,
sans renoncer à la tension. (On peut considérer que c'est passer à côté
du propos, mais ça correspond bien à ce dont j'ai besoin, n'aimant pas
trop le paroxysme permanent et terrifiant de cette symphonie.)
Vaughan Williams – Symphonie
n°4
¶ Philharmonique de ?, Mitropoulos (Music & Arts)
→ Énergie débordante et sale, impressionnant. Sonne tellement
Chostakovitch (en plus nourrissant).
¶ New Phia, Boult II (EMI)
→ Cuivres vraiment pouêt-pouêt anglais, mais cassant et impressionnant,
véritable énergie.
¶ Atlanta SO, Spano (ASO Media)
→ Très rond, mais est-ce le but ?
¶ NYP, Bernstein (Sony)
→ Lent et écrasant.
Vaughan Williams – Symphonie
n°5 – Royal PO, Menuhin (Virgin)
→ Cordes très phrasées, comme toujours. (Un peu trop pour cette
symphonie suspendue, sans réelle prépondérance thématique ?)
Vaughan Williams – Symphonie
n°5 – Brandebourg StO, Hilgers (Genuin)
→ Très lisse, un peu impavide, déçu malgré les colorations toujours
exceptionnelles de la petite harmonie de Frankfurt sur l'Oder…
(puis Philharmonia & Collins chez BIS, pas beaucoup de relief non
plus malgré la belle prise de son)
♥♥♥ Diamond – Symphonies 2 & 4 – Seattle
SO, Schwarz (Naxos)
→ Toujours aussi motorique, roboratif et exaltant !
MUSIQUE DE CHAMBRE
♥♥ Michl – Quatuors avec basson (Naxos)
♥♥ Beethoven – 6 Trios piano-cordes Op.1, Op.70,
Op.97 – Trio Sōra (Naïve)
→ Très belle anthologie (manquent l'opus 11 qui existe aussi avec
clarinette, l'opus 38 qui transcrit le Septuor, ainsi que la réduction
de la Deuxième Symphonie, toutes des pièces de moindre importance que
les 6 présents ici), interprétée avec l'ardeur admirable qu'on leur
connaît. Profondeur de son, piano à la belle finesse de touche jusque
dans les traits périlleux, et structurant le discours, violoncelle
intense…
→ Deux petites réserves qui ne tiennent pas à l'interprétation en tant
que telle : d'abord la lassitude qu'impose la suite de ces trios
très similaires – et qui n'ont ni la variété ni la profondeur des
Sonates pour piano ou Quatuors à cordes du Grand Sourd. J'aurais aimé
avoir l'Op.1 n°1 et l'Archiduc couplés par exemple avec les
Wieck-Schumann et Mendelssohn-Hensel qu'elles promeuvent formidablement
en concert, ou leur Chausson, ou le contemporain (Kagel, des
compositrices…) qu'elles servent magnifiquement.
→ Seconde réserve, un peu injuste, mais depuis le départ de leur
violoniste Magdalena Geka (pour l'ONDIF), l'équilibre du trio s'est
redistribué, plutôt autour de Pauline Chenais au piano, qui assure
fabuleusement ce rôle, mais la personnalité généreuse des cordes se
trouve bridée par ce nouvel agencement, ne leur permettant pas la même
expansivité, et je ne peux m'empêcher de le regretter en les entendant.
→ Pour autant, si l'on n'écoute pas ce disque pour ce qu'il ne veut pas
(un programme équilibré plutôt qu'une monographie) ou ne peut pas
(l'ancienne équipe) être, c'est là une très, très belle et lecture des
œuvres présentées, pleine de panache et d'une finistion remarquable.
♥ Schubert – « In Stille Land »,
lieder pour quatuor à cordes (sans voix) + Quatuors 6 & 14 – Signum
SQ (PentaTone)
→ Beaux lieder (pas les plus marquants, et la Jeune Fille & la Mort
simplement dans sa première partie !), démarche originale. Tout est
joué comme soufflé, susurré, de façon assez poétique et convaincante.
→ Le 6 (un de ses très beaux de jeunesse) est remarquablement joué, le
14 claque dans ses paroxysmes (mais la tension baisse brusquement dans
les moments plus calmes). Une très très belle version de plus, qui
aurait révolutionné la discographie il y a vingt ans, et qui
aujourd'hui s'ajoute aux propositions superlatives des Jerusalem,
Ehnes, Cremona, Leipziger, Debussy, Novus…
♥♥ Cherubini – Quatuors 3,4,5,6 –
Venezia SQ (Decca)
→ Très beau, équilibré, détaillé dans une veine traditionnelle qui
respire remarquablement entre les pupitres. (Un peu moins impressionné
par les œuvres à la réécoute, en revanche.)
♠ Schumann – Quatuor n°3 –
Kuijken SQ
→ Très décevant : pas du tout tranchant, et assez mou, toujours
doux et ne claque jamais, même dans les paroxysmes du scherzo – j'ai
peut-être été trop bien habitué par les jeunes quatuors !
♠Schumann – Quatuor n°3
pour piano quatre mains – Duo Eckerle (Naxos)
→ Survol. Toute tension est perdue, pas intéressant (et interprétation
assez molle).
♥♥♥ Arenski,
Chostakovitch, Mendelssohn
– Trios n°1 – Trio Zeliha (Mirare)
→ Trois chefs-d'œuvre ultimes, dont le rare Arenski, d'où émane une
générosité thématique russe au carré, à la façon de ce que fait
Kalinnikov dans la symphonie. La structure et l'harmonie ne sont pas
aussi inventives que chez Tchaïkovski, mais l'expansivité mélodique y
est réellement comparable. L'étonnant Chostakovitch de jeunesse demeure
tout aussi grisant par ses poussées de sève à la fois conquérantes et
désolées. Quant au sommet de sombre fièvre que constitue le trio de
Mendelssohn, on l'aura peu souvent entendu aussi généreux et lisible.
→ Dans un son pur à la française, le Trio Zeliha se distingue, pour
chaque pupitre, par une netteté, un charisme, un abandon absolument
hors du commun, du diamant soyeux… Ce n'est ni très russe, ni très
allemand, mais le discours de chaque pièce semble porté à son point
d'ébullition, là où la musique nous renverse par delà les styles – avec
une sobriété d'exécution qui leur fait honneur, a fortiori à leur âge, dans un
répertoire qui appelle facilement l'emphase.
→ Je les ai entendus jouer ce programme en salle, une des grandes
expériences de ma vie de mélomane. Je n'ai tout simplement jamais
entendu un trio, en plus de son grand élan collectif, qui soit à ce
point à un tel niveau individuel (Galy, Quennesson, Gonzales Buajasan)
dans chaque partie. Rare d'avoir une violoniste aussi intouchable
techniquement, un violoncelliste avec un tel grain, un pianiste à ce
point souple dans les nuances et intégré au discours… Ma crainte est
donc que les offres avantageuses d'une carrière soliste ne finissent
bientôt par les séparer.
→ (Je ne sais pas ce qui s'est passé avec la pochette.)
♥♥Debussy – Quatuor, les 3 Sonates –
Orlando SQ (Accord)
♥♥♥ Weingartner – Sextuor pour
quatuor, contrebasse & piano / Octuor pour clarinette, cor, basson,
quatuor & piano – Triendl (CPO)
→ Complètement fasciné par le Sextuor pour piano et cordes (la pochette
dit Septuor à tort). Un lyrisme extraordinaire.
→ bissé
Schoeck – Sonate pour
clarinette basse & piano – Henri Bok, Rainer Maria Klaas (Clarinet
and Saxophone Classics 1999)
→ Étrange influence rhapsodique et déhanchée du jazz sur du
Schoeck ! Capté de trop près, timbres assez vilains des
instruments. Se trouve aussi, en version orchestrée par Willy Honegger,
dans le disque Venzago contenant notamment la version ultime de Besuch
in Urach (avec Rachel Harnisch, en version orchestrale).
N. Boulanger,
Stravinski-Piatigorski, Piazzolla, Carter – « Dear Mademoiselle »,
violoncelle & piano – Astrig Siranossian, Nathanaël Gouin, Daniel
Barenboim (Alpha)
→ Bel album original d'hommage à Nadia Boulanger. Je n'ai pas
totalement été saisi par les œuvres, mais le plaisir de la rencontre
est grand, avec un violoncelle aux teintes très mélancoliques. Les
Boulanger sont même accompagnés par Barenboim, que je suis stupéfait de
retrouver dans un répertoire si peu couru, comme accompagnateur d'une
jeune artiste et sur un label moins internationalement exposé – de plus
humbles que lui auraient refusé ! Occasion aussi d'écouter
Gouin, fabuleux pianiste (voir ses récents Bizet) et la rare Sonate de
Carter, qui hésite entre romantisme, atonalité et jazz.
Beethoven – Sonate pour piano
n°4, écoute comparée
→ Say, Nat, Goode, Buchbinder II, Grinberg, Pommier, Kovacevich,
Bellucci, Barenboim DGG, Lortie, Barenboim 2020, Backhaus II, Bilson,
Barenboim 66…
(Choisi seulement des grandes versions. Placées dans mon ordre
d'appréciation personnel, les six premiers, et plus singulièrement les
trois, m'éblouissant tout à fait.)
♥♥♥ Beethoven – Complete Piano Sonatas – Fazil
Say (Warner)
(pour l'instant écouté les 1-2-4-5-6-7-27-28-29-30-31)
→ Poursuite de l'écoute amorcée il y a quelques mois lors de la
parution.
→ Outre l'aisance de Say dans les plus redoutables défi techniques, on
bénéficie aussi d'une riche palette harmonique, où la résonance remplit
réellement les interstices de la musique, tout en restant d'une
limpidité exemplaire (à laquelle la prise de son rend justice). À
l'usage ces derniers mois, je n'ai pas trouvé version qui magnifie
mieux l'ambition et l'ardeur de ces pages, et avec une telle qualité de
réalisation. Beaucoup de pédale, mais toujours pour créer des
rencontres harmoniques, jamais par réflexe ou paresse. Seul défaut (il
y en a toujours un) : le micro étant proche, Say grogne beaucoup
pendant les mouvements rapides avant de frapper les accords, c'est un
peu impatientant dans les sonates de facture plus classique du début du
corpus.
♥♥ Beethoven – Sonates pour piano n°28, 30, 32 –
Lugansky (HM 2020)
→ Toujours ce toucher incroyablement présent et plein, avec ce sens du
phrasé qui permet de donner du liant très bienvenu aux âpretés de
Beethoven. On sent la grande maturation – il jouait peu Beethoven, dans
sa jeunesse, à l'époque où je suivais ses concerts de plus près.
→ 28 sublime. 32 acérée, presque dure, très animée et découpée, d'une
tension remarquable. 30 davantage dans la norme du très haut niveau.
→ Sonne avec une qualité d'attaque légèrement dure et cristalline, une
palette harmonique compacte qui évoquent les pianos d'époque.
Schumann – Fantasiestücke Op.12
¶ Nat (3 premiers chez Documents)
¶ Frankl
♥♥ Schumann – Fantasiestücke
Op.12 & Intermezzi Op.4 – Daniela Ruso (Amadis)
→ Captation sèche et proche, mais superbe son, jeu très découpé et
charismatique ! Pour des œuvres de qui ne sont
pas les plus jouées, mais pas les moins inspirées de son auteur !
LIED & MÉLODIE
♥ Schubert – Die schöne Müllerin – Ian
Bostridge, Saskia Giorgini (PentaTone)
→ Très belle version, en particulier pour le piano de diamant de
Giorgini, acéré comme peu dans ce cycle (on peut songer, dans un style
plus détaché, à l'épique tranchant de Gothóni).
→ Bostridge y est comme toujours sophistiqué, frémissant et habité,
mais la voix, un peu plus terne désormais, en fait sa Meunière la moins
extraordinaire, que ce soit son étrange première avec Johnson ou le
point d'équilibre assez ultime entre sinuosité et classicisme avec
Uchida.
♥♥♥ Schumann, Frauenliebe und Leben // Brahms, lieder – Garanča (DGG)
→ Divine surprise… Garanča, impératrice des volapüks, livre une
interprétation vibrante, tétanisante d'intensité de ces Brahms denses
et sublimes, et même du très-enregistré Frauenliebe de
Schumann ! Avec une voix qui a peut-être vieilli et où elle
tire des couleurs très inhabituelles, davantage replacées vers le nez,
un léger mixte obtenu en teintant de couleurs de poitrine, elle obtient
une interprétation qui semble remonter le temps, et produit un effet
charismatique immédiat, sans du tout négliger la diction. Splendide
programme, exécution très prenante – un petit coup de foudre pour moi
qui, d'ordinaire, n'aime pas sa diction brumeuse et son chant à la fois
lisse et légèrement hululant. Le lied révèle une tout autre
artiste !
→ bissé
Mahler – Lieder eines fahrenden
Gesellen (arr. A. Schoenberg) – Bär, Linos Ensemble (Capriccio)
→ Bär manque un peu d'assise et de mordant ici, pour une fois !
LISTE D'ÉCOUTES à
faire – nouveautés
→ alcyone Marais
→ vladigerov symphs 1 & 2
→ schmitt salomé ( & raretés) falletta
→ arte scordatura
→ trios alayabiev glinka rubinstein, brahms Trio (naxos)
→ martynov : utopia
→ rasi art de la fugue consort de violes
→ vasks viatore, distant light, radio munich
→ boccherini les ombres
→ leningrad concertos
→ albums toccata classics : fürstenthal, carrillo, sivelöv, osca
da silva
→ auvinen lintu
→ rudolf wagner genesis
→ passacaglie d'amore nisini
→ grondahl legacy
→ britten saint nicolas
→ nigl rihm beethoven lieder
→ proko 5 miasko 21 v.petrenko oslo
→ brahms trios le sage
→ schubt s2 & 3 zender basel kamO
→ huvé beeth pianoforte
→ gran partita ogrintchouk ccgbw BIS
→ dall'abacco il tempio armonico
→ barenboim beethoven intégrale n°5
→ monteverdi terzo libro alessandrini naïve
(plus tous les autres des listes précédentes…)
LISTE D'ÉCOUTES à
(re)faire – autres
À nos morts ignorés Antoine - Boulanger - Caplet - Debussy - Hahn -
Gurney Mauillon Le Bozec
tout CPO
tout Hortus
(Timpani c'est à peu près fait)
(plus tous les autres des listes précédentes…)
… et à bientôt pour une prochaine livraison !
(Notez que je ne suis pas certain de poursuivre le format l'an
prochain, trop de notules plus stimulantes en souffrance pour faire la
chronique des disques, je le crains.)
(… lesquels Turcs composent pourtant une musique qui vaut bien
celle de Zajc, mais j'en ai déjà parlé dans une précédente notule.)
Longue période à préparer des notules – et à (beaucoup trop) aller au
concert, 22 soirs sur les 30 de septembre… –, aussi les commentaires
discographiques, quoique ralentis, se sont un peu accumulés. Je vous
les livre avant qu'ils ne soient décidément trop nombreux. J'ai un peu
rattrapé mon retard sur les nouveautés très appétissantes qui ont
déferlé ces deux dernières semaines.
☼
S'il faut choisir seulement trois disques, je dirai Les Méditations de Charpentier, Statuesque de Heggie et le
Hummel-Beethoven de Visovan. Voilà, vous pouvez vaquer. (Ou lire le
reste.)
Les nouveaux enregistrements les plus marquants de ces quelques
dernières semaines.
BAROQUE
¶ Méditations pour le Carême
de Charpentier par Bestion de Camboulas, œuvres sublimissimes dans une
interprétation très dramatique (et à un par partie).
¶ Les Boréades de Rameau par
Luks, enfin une version moderne au disque, dans une distribution
superlative. (Gardiner, outre qu'il est aléatoirement trouvable, a
vraiment vieilli dans les récitatifs. Christie n'est disponible qu'en
DVD et moins abouti que Luks par ailleurs.)
CLASSIQUE ET POST-CLASSIQUE
¶ Richard Cœur de Lion de
Grétry par Niquet, résurrection tant attendue qui permet de réévaluer
massivement l'œuvre.
¶ Fantastique Sonate de Hummel et transcription pour tout petit
ensemble de la Première Symphonie de Beethoven, sur piano d'époque, des
merveilles absolues.(Aurelia Visovan)
¶ Une belle Missa solemnis de
Cherubini (Bernius).
SYMPHONIQUE
¶ Beethoven 1-9 par WDR-Janowski, au sommet de ce qui peut être fait en
tradi.
¶ Brahms 1 par Gewandhaus-Blomstedt, où triomphe la décantation
poétique.
¶ Mahler 7 par Lille-Bloch, furie, détails, mordant.
¶ Chant de la Terre réduit par De Leeuw, plus mahlérien que l'original.
¶ Sibelius par RPO-Hughes, timbres moyens mais conception galvanisante.
¶ Ķeniņš 1 & 2, belle personnalité à découvrir.
LIED
¶ Schumann (Kerner, ballades…) par Hasselhorn, dont quelques nouvelles
références absolues (Die Löwenbraut).
¶ Schmitt, les mélodies très peu documentées et très bien chantées.
¶ Heggie, l'irrésistible Statuesque
par Barton.
OPÉRAS DU MONDE
¶ Nikola Šubić Zrinjski de
Zajc, le tube culturel croate, dans une exécution de niveau
exceptionnel.
Paraissent aussi deux histoires du quatuor, l'une du quatuor baroque,
l'autre des contemporains de Beethoven. Pas forcément des disques
superlatifs en eux-mêmes, mais le parcours est passionnant, en
particulier le premier (de Musica Fiorita) qui révèle les origines mal
connues (au disque) du quatuor à cordes sans basse continue, à une
période qui précède Haydn et Boccherini.
Deux déceptions notables :
♠ les Schubert de Jacobs (sans surprise,
certes, me concernant), très bien mais qui n'apportent rien de neuf (à
quoi bon, alors, alors qu'il a tant à dire sur les siècles précédents
?), confirmant la sclérose de l'inspiration et du répertoire chez ce
chef qui fit tant de merveilles (et exhuma tant de perles servies au
plus haut niveau), hélas.
♠ Le nouveau ballet de Boismortier, ni une partition exaltante, ni une
réalisation saillante – tant d'énergie et de fonds pour des ballets
moyennement convaincants, alors qu'on dispose des interprètes formés
pour monter les tragédies de première intérêt de Desmarest, Campra,
Destouches, La Coste, et, si l'on veut vendre des exemplaires, du
Régent !
¶ Hors nouveautés, enfin trouvé les Leçons
de Ténèbres de Gilles (de forme atypique, avec soliste et chœur
en antiphonie), mais dans une interprétation qui ne me satisfait pas
totalement. Régal avec les mélodies françaises par Dumora et les lieder
par von Otter. Superbe disque Saint-Saëns de Maazel également.
¶ Réécoute de Volo di notte
de Dallapiccola dans sa version française (œuvre déjà très accessible,
rien à voir avec l'hermétique Ulisse
ou même avec l'expressionniste Il
Priogioniero)et dans
une distribution à faire tourner les têtes, toujours un délice ; du
Quatuor avec clarinette de Hummel (si vous aimez le Quintette de
Mozart, un des nombreux prolongements possibles), et du savoureux Moby-Dick de Heggie, de l'opéra
épique d'aujourd'hui.
¶ Écoutes comparées pour Les
Méditations pour le Carême de Charpentier (toute la
discographie) et Die Löwenbraut
de Schumann (l'essentiel de ce qui est actuellement disponible).
Les détails dans les tableaux ci-après.
Du vert au violet, mes recommandations.
♦ Vert : réussi !
♦ Bleu : jalon considérable.
♦ Violet : écoute capitale.
♦ Gris : pas convaincu.
(Les disques sans indication particulière sont à mon sens de très bons
disques, simplement pas nécessairement prioritaires au sein de la
profusion de l'offre.)
commentaires
nouveautés : œuvres
commentaires
nouveautés : versions
Dussek – Messe solennelle –
Academy of Ancient Music, Egarr (AAM)
→ Surtout célèbre pour son piano, et en particulier sa grande pièce
rhapsodique et narrative autour de le mort de Marie-Antoinette, Dussek
bénéficie ici d'un enregistrement d'une œuvre de grand format, et sur
instruments anciens !
→ L'œuvre tient son contrat de densité, d'ampleur et de spectaculaire,
elle s'écoute avec beaucoup de bonheur. L'écoute n'est pas achevée,
j'en dirai davantage lors de la prochaine livraison.
Beethoven – Intégrale des Symphonies
– WDR, Janowski (PentaTone)
→ J'ai déjà commenté les 5 & 6, sommets de la discographie des
exécutions « traditionnelles » des symphonies de Beethoven.
→ L'intégrale me convainc plus diversement, beaucoup de chair
d'orchestre (les cordes débordent un peu sur le reste du spectre), peu
de contrastes de couleurs, on dispose de beaucoup d'autres propositions
plus stimulantes désormais, même en laissant de côté les conceptions
très affirmées de Hogwood ou Gardiner, avec des propositions de
Dausgaard à Savall, par exemple.
Wellesz
– Die Operfung des Gefangenen – ÖRF, Cerha (Capriccio) → Grands aplats
et unissons avec tambours battants : essentiellement de la musique
symphonique chorégraphique (pas du tout dansante) et des chœurs à
l'unisson… peu exaltant.
→→
suite →→
→ Pour autant, l'énergie constante (voyez la 5, la Marche funère de la
3…) et la beauté impressionnante des phrases – la façon dont Janowski
laisse toujours respirer la musique sans jamais la lâcher, ou dont il
fait entendre le détail du contrechant dans la section des bois – en
font une fréquentation particulièrement stimulante, satisfaisante et
inspirante !
→ J'espérais qu'elle règle la question de l'intégrale
« traditionnelle » (Dohnányi-Cleveland reste au firmament,
mais Telarc a disparu, tout est épuisé), ce n'est pas forcément le cas,
mais le résultat reste particulièrement exaltant.
Werner – Der gute Hirt – Orfeo
Orchestra, Vashegyi (Accent)
→
Bel oratorio des années 1730, très statique, donc la langue musicale
évoque l'univers de Haendel et surtout Bach, en bonne logique. Le
livret en est très statique, peu de saillances musicales même si tout
est beau (notamment les récitatifs) ; de même pour l'exécution,
valeureuse mais sans personnalité proéminente. Intéressant pour cette
période très peu documentée hors des grands noms.
Schubert
– Winterreise – Benjamin Hewat-Craw, Yuhao Guo (Ars Produktion)
→
Chant vraiment couvert et cravaté, le baryton cherche à faire le plus
grosse voix possible, et ce nuit à la diction et à l'expression – il
refuse résolument les résonances par le nez, pourtant le fondement
d'une technique lyrique efficace.
→ Au demeurant, une belle étoffe
de voix et une interprétation pleine de conviction. Pas indispensable
du tout, mais pas déplaisant à la découverte.
Boismortier – Les Voyages de l'Amour
– Santon, Watson, Wanroij, Dolié ; Orfeo Orchestra, Vashegyi
(Glossa)
→ Don Quichotte chez la Duchesse
est l'œuvre que je recommanderais en priorité pour faire découvrir
l'opéra à un néophyte. Tellement condensé, fantaisiste,coloré et
immédiatement séduisant ! Aussi, un nouveau ballet de Boismortier
suscitait toute mon attention.
→ Il s'avère que le livret témoigne du néant littéraire du ballet du
temps (il ne se passe rien, une enfilade d'airs stéréotypés sur une
action qui se limite à peu près au titre – une fausse fuite dans des
jeux d'amants).
→ Par ailleurs, la distribution, malgré toute sa science du style,
souffre de voix formées à une technique XIXe (et même XXIe) :
diction lâche, timbres assez opaques, émission trop couverte, vibratos
flottants… De même pour l'orchestre, qui réussit très bien dans les
formules hiératiques post-gluckistes mais qui manque ici de l'élan et
de la couleur qui caractérisent l'opéra français de troisième
génération (époque Rameau).
→ Tout ce qui aurait pu compenser les faiblesses de l'œuvre, avec des
voix fraîches, une diction au cordeau, un orchestre qui déborde
d'invention et de coloris, manque pour renverser la tendance. Hors
amateurs forcenés intégralistes, cette découverte me paraît
dispensable.
Sibelius
– Symphonies n°1 & 3 – Royal Philharmonic, Hughes (Rubicon)
→
Il y avait fort longtemps que je n'avais pas entendu le Royal
Philharmonic, qui ne fut jamais l'orchestre le plus intéressant, le
plus virtuose ou le plus engagé des royaumes unis… Les derniers
enregistrements de lui qui ont passé par-devers moi doivent remonter à
des captations des années 90… Il s'avère que nous n'avons toujours pas
affaire au phénix des hôtes de ses bois.
→ J'aime beaucoup Hughes,
qui parvient à animer des orchestres secondaires avec une certaine
ardeur bien tenue et une belle aération, comme ici. Dans Sibelius, un
peu de plus de structure et de chatoyance aurait sans doute été
nécessaire pour rivaliser avec les grandes versions, mais je trouve les
transitions très réussies, la mutation thématique s'y entend
remarquablement. Je vais donc y revenir et le laisser maturer,
peut-être que, malgré les timbres limités, j'en ferai un véritable
compagnon de route !
anonymes, Eccles, Lawes, Oswald, Purcell –
The Queen's Delight (English Songs and Country Dances of the 17th and
18th Centuries) – McGown, Musiciens de Saint-Julien, Lazarevitch (Alpha)
→
Délicieux ensemble de chansons délicates et entraînantes, avec les
sonorités acides et vivantes des Musiciens de Saint-Julien et la
savoureuse Fiona McGown.
→→ suite →→
→
Et, de fait, la Troisième me passionne par son grain, ses transitions
infinies, sa verve folklorisante qui ne masque jamais la complexité de
conception… Une merveille de chef, alors même que l'orchestre n'a pas
l'insolence des plus grandes formations – mais réagit très bien. Une
grande version !
Tālivaldis Ķeniņš
–Symphonies : 1, 2, Concerto (de chambre) flûte, clarinette, piano
& cordes ; Concerto piano, percussions & cordes – National
de Lettonie, Poga (Ondine)
→ Concerto de chambre : belle
prolifération babillarde de sons disparates au sein d'une langue assez
romantique… on songe par exemple à Martinů.
→ Concerto
piano-percus : ambiance lyrique très étale, avec jolies
superpositions harmonies (on songe par endroit au Premier Concerto pour
piano de Schnittke).
→ Très belles choses dans les symphonies, qui
n'accrochent pas nécessairement l'oreille distraitement, mais le détail
contient de belles tournures sibeliennes, et manifestement une
structure soignée et stimulante. À laisser mûrir, je crois qu'on tient
un disque de qualité !
Mozart
– La Betulia liberata – Piau, Forsythe, Iervolino, Pablo Bemsch, Di
Pierro ; Les Talens Lyriques, Rousset (Aparté)
→
Seul oratorio achevé de Mozart, commandé pour Padoue (et manifestement
jamais représenté sur place, ce titre étant lié dans les archives à
l'œuvre d'un compositeur local), c'est l'œuvre d'un compositeur de 15
ans, sur un livret de Métastase, où Holopherne a la particularité
d'être totalement absent – sa mort est rapportée par Judith elle-même
dans un long récitatif accompagné par les cordes, à la façon du viol
raté de Donna Anna. Seule incarnation du camp ennemi, son allié Achior,
prisonnier impuissant qui se convertit au judaïsme devant la puissance
du Dieu hébraïque.
→ L'œuvre consiste uniquement en une suite de
récitatifs et d'airs, quelques chœurs (peu marquants) mis à part ;
à cette âge, on ne dispose pas encore du meilleur Mozart évidemment.
Klengel, Schumann – Concertos pour
violoncelle – Gromes, Berlin RSO, Nicholas Carter (Sony)
→ Timbre moins impressionnant qu'en musique de chambre, moins rond,
plus « poussé ».
→
Très belle composition généreuse de Klengel, quoique très conditionnée
par les démonstrations de virtuosité (qui ne sont néanmoins pas banales
ni laborieuses).
→ Beau Schumann, lecture expansive, très ronde
(le spectre sonore est écrasé par les cordes) et lyrique, évoquant
davantage les années 1890 que le style milieu-de-siècle, mais réalisé
avec une force de conviction considérable !
→→ suite →→
→
Je déplore que les Talens Lyriques mettent leur énergie (et leurs
disques) au service d'une œuvre réellement mineure d'un
compositeur-vedette, mais je dois admettre qu'ils en fournissent ce
faisant de loin la meilleure version disponible au disque. L'Ouverture
qu'ils colorent à la Gluck est tétanisante, tandis que la mobilité
d'ensemble épargne l'ennui. Belle distribution également, en
particulier Iervolino – Bemsch qui change de voyelle en cours de
vocalisation et Di Pierro qui les hache rencontrent quelques limites
dans les coloratures, mais déclament remarquablement. Dommage que la
prise de son les mette très en avant, à l'ancienne – les chanteurs font
plus de bruit dans un récitatif que l'orchestre entier dans
l'Ouverture !
→ En effet, je n'ai pas écouté la version
historique de Rossi ni la très tradi de Hager (mais je vois ce que
c'est), et Gaigg (Orfeo Barockorchester) ou le très beau Favero
(Oficina Musicum) ne sont pas aussi luxueusement aboutis.
→ C'est donc recommandé si vous souhaitez absolument écouter du seria
de Mozart mineur mais bien servi.
Bononcini, Sonata da camera a 4
A. Scarlatti, Sonate a 4 senza
cembalo
Maddalena Lombardini Sirmen,
Quartetti
– Musica Fiorita (Pan Classics)
→
Véritables origines du quatuor à cordes que ces sonates pour 2 violons,
alto et basse continue… sans clavecin ! Très beau projet.
→
Les œuvres demeurent dans la veine « décorative » de la
musique de chambre baroque, sans l'ambition formelle de l'ère classique
ni bien sûr émotionnelle des romantiques. Mais suivre la filiation dans
une exécution aussi nette est passionnant !
→ La fugue lente de
la Deuxième Sonate de Scarlatti est remarquable, dans un genre
cependant très rétro, davantage évocateur du premier XVIIe, voire de la
Renaissance, que de l'avenir du quatuor. Et pourtant les couleurs
harmoniques obtenues évoquent le taciturne n°16 de Beethoven !
→
Lombardini Sirmen écrit déjà en revanche, une langue classique, sans
formules toutes faites, vraiment stimulant – ce mériterait réécoute
pour mesurer son apport au genre, mais ce ne me semble pas du tout
anodin.
Charpentier
– Méditations pour le Carême – García, Candela, Bazola ; Guignard,
Galletier, Camboulas (Ambronay)
→
Avec Médée, le fameux Te Deum et le Magnificat H.76, on tient là la
plus belle œuvre de Charpentier, inestimable ensemble de dix épisodes
de la passion racontés en latin (et s'achevant au miroir du sacrifice
d'Isaac, sans sa résolution heureuse !) par des chœurs tantôt
homorythmiques tantôt contrapuntiques, et ponctués de récitatifs de
personnages (diversement sympathiques) des Écritures. Merveille absolue
de l'harmonie, de la prosodie et de la poésie sonore.
→ Ce que
font Les Surprises est ici merveilleux, sens du texte et des textures
hors du commun, d'une noirceur et d'une animation dramatique
inhabituelles dans les autres versions de cette œuvre, et servi au plus
suprême niveau de naturel chanté. Un des disques majeurs du patrimoine
sacré français.
Bach Sons – Symphonies by J. C.
Bach, J. C. F. Bach, W. F. Bach & C. P. E. Bach – Controcorrente
Orchestra (Passacaille)
→ Écouté distraitement en travaillant, il faut que j'y revienne.
Semblait très bien (exécution remarquable en tout cas).
Mahler
– Symphonie n°7 – ON Lille, Bloch (Alpha)
→
Je n'aime pas trop la prise de son assez mate, cependant elle permet de
profiter avec précision de cette lecture au plus haut niveau, marquée
non seulement par la qualité technique, mais surtout par l'énergie
inextinguible imprimée par Bloch – qui a décidément transfiguré cet
orchestre en une phalange de classe mondiale !
→ Structure,
tension permanente, il n'y a que sur la couleur où l'on puisse trouver
plus luxueux chez des orchestres plus célèbres. Grande, grande version.
J'attends avec impatience le prochain disque de Bloch, quel qu'il
soit !
Bizet sans paroles : Chants du
Rhin, transcriptions – Gouin (Mirare)
→ Quelle douceur de toucher !
→ La Romance de Nadir récrite par Gouin se mêle au « vent
d'hiver » (Op.25 n°11) de Chopin, impressionnant.
→
Les colossales Variations chromatiques brillamment soutenues (avec plus
d'éclat et peut-être moins d'intériorité que Wagschal, il me faudra
réécouter les deux),
→ Transcription par Bizet du Concerto n°2
(déjà cyclopéen) de Saint-Saëns, qui en accroît encore les difficultés
et les rend constantes, en exigeant d'autant plus de musicalités que
tous les thèmes sont au pianiste, ainsi que le fondu. Gouin survole
tout cela avec une aisance à peine concevable.
→ Pas
nécessairement séduit par tous les choix de répertoire, mais panorama
très original de Bizet pianiste, Bizet transcrit, Bizet
transcripteur !
Bach
– Motets – Pygmalion, Pichon (HM)
→
Après des Messes incomparables et une Saint-Jean très stimulante,
j'avais été désappointé, sur le vif, par ces Motets. Au disque, on est
tout de même ébloui par la beauté des timbres du chœur – même si les
s'il est bien sûr difficile de retrouver la même mobilité expressive
que dans les versions à « un par partie ».
→ Dans le
domaine des versions à chœur, vraiment une belle version aux couleurs
remarquablement généreuses, qui a manifestement mûri au fil des
concerts de ces dernières années.
Gyrowetz 20-3, Haydn 77-1, Beethoven
1, Boccherini 90, Hansel 20-3, Beethoven 9, Donizetti 17, Beethoven 16, Schubert
14, Mendelssohn 2, Schumann 3, Czerny
28 Ab – Beethoven's World 1799-1851 : The Revolutionist & His
Rivals – Casal SQ (Solo Musica)
→
Quelle brillante idée ! Par un quatuor très allant et légèrement
acide, adéquat pour donner de l'élan à des œuvres de la période.
→
L'ajout des quatuors de Mendelssohn et Schumann laisse un peu
dubitatif, la génération n'étant clairement plus la même, contrairement
à Czerny qui était connu et estimé de Beethoven, quoique ses quatuors
soient plus tardifs que les autres corpus présentés ici.
→ Pas
véritablement de découverte fabuleuse dans les quatuors présentés ici.
Même le Czerny, dont tous les autres quatuors m'ont jusqu'ici
émerveillé – il est d'essence particulièrement classique par rapport
aux autres écrits dans ces mêmes années 1840-1850, bien qu'en la bémol…
Brahms
– Symphonie n°1 – Gewandhaus, Blomstedt (PentaTone)
→
Tempo assez modéré, pour une introduction pleine de majesté, un Brahms
qui fascine par la clarté de sa structure plutôt que par la vaine
séduction des timbres ou par sa rage. Pour autant, une version très
animée, qui ne rugit pas mais qui interpelle sans cesse. Grande, grande
lecture d'une décantation impressionnante.
Ivan Zajc (1832–1914) – Nikola Šubić
Zrinjski – Rijeka SO, Matvejeff (CPO)
→
Parution de l'œuvre la plus célèbre de tout le répertoire croate (sur
le versant semi-comique, CPO vient de publier Ero le farceur de
Gotovac) dans une version moderne remarquablement chantée et captée
avec une aération formidable, caractéristique des publications de CPO,
qui permet de goûter l'épopée dans toute son ambition.
→ Même si
musicalement, j'attends plutôt avec impatience la parution des opéras
de Hatze (plus riches), il faut avouer que ce Zajc-ci, avec sa façon
verdienne assez directe, réussit très bien à exalter son sujet – la
résistance de Zrinjski à Vienne face aux Turcs, s'achevant dans le
tableau vivant de la bataille finale !
→ Plaisir intense
d'entendre un orchestre « provincial » d'un tel niveau, et
surtout une école de chant encore assez typée, avec des émissions à la
fois slaves et assez frontales (un peu à la tchèque, toutes proportions
gardées).
Schubert
– Symphonies 2 & 3 – B'Rock Orchestra, Jacobs (Pentatone)
→
Sous une pochette impersonnelle marquée des initiales RJ, se trouve
effectivement la trace d'un parcours égotique dont le point d'arrivée
me laisse sceptique. Pourquoi tous les anciens chefs d'ensembles
baroques veulent-ils diriger du XIXe siècle ? Certains en ont
réellement renouvelé l'approche, comme Gardiner ou le Freiburger
Barockorchester, ou bien ont remis au goût du jour des répertoires peu
courus, comme Niquet… mais René Jacobs semble se contenter de jouer
dans son style un peu raide (que ne compensent plus la richesse et
l'inventivité des ornements ou réorchestrations, dans ce répertoire…)
les tubes déjà multi-enregistrés.
Heggie – Unexpected Shadows – Jamie
Barton (PentaTone)
→
Très tonal, puisant à tout un imaginaire contemporain grand public,
Heggie produit une musique à la fois sophistiquée et très accessible.
Cet album ne fait pas exception et Jamie Barton s'y montre déchaînée,
déployant de nombreuses facettes sonores de son talent – je ne l'avais
jamais entendue aussi bien timbrée, et elle maîtrise fort bien, malgré
le vibrato, le genre canaille de la chanson.
→ Hors contexte
dramatique (Moby-Dick, Dead Man Walking !), la musique de Heggie ne
bouleverse pas autant, mais ce reste un très bel album de musique
tonale et vocale d'aujourd'hui, avec des atmosphères quasi-cabaretières
tout à fait charmantes (Iconic Legacies autour des quatre First Ladies
Roosevelt, Lincoln, Kennedy, Bush).
→→ suite →→
→
Le résultat est bon, mais ressemble à tout ce qu'on a déjà entendu à ce
jour, les attaques plus franches, les tempi plus vifs, les orchestres
plus colorés… mais ici avec un systématisme (et dans les tutti un côté
orphéon pas toujours très réussi) qui ne me passionne pas
particulièrement.
→ C'est dans l'absolu un très bel
enregistrement, mais il n'y a aucune raison, dans le genre
« informé », d'écouter ce disque plutôt que d'aller du côté
des intégrales de Goodman, De Vriend, Immerseel ou Minkowski, dont les
qualités instrumentales et stylistiques sont comparables, mais avec un
sens poétique bien plus développé. Symétriquement, une petite déception
qu'un chef aussi talentueux que Jacobs fasse de bons Schubert plutôt
que des résurrections magistrales d'œuvres inconnues, comme il le fit
avec Conti ou Graun…
→→ suite →→
→
Le tout culmine dans l'irrésistible Statuesque qui présente plaisamment
des sculptures (Moore, Picasso, d'Hatchepsout, Giacometti, Victoire de
Samothrace…)… qui s'expriment à la première personne ! Dans une
harmonie riche, mais qui épouse uniquement l'expression et ne vole pas
la vedette : drôle et persuasif, peut-être le grand cycle de Songs
de ce début de XXIe siècle !
→ La Victoire de Samothrace :
« You don't even know where I was raised » / « No interest in what I'm
thinking or dreaming […], don't you notice anything you self-centered
son of a […], don't you notice or care : I don't have a HEAD ! ».
Gossec,
Symphonie à 17 parties ; Beethoven,
Symphonie n°5 — Les Siècles, Roth (HM)
→
Interprétation vigoureuse et abrupte de la Cinquième, qui place le
tranchant du trait avant la polyphonie – on entend assez peu les
parties intermédiaires, les vents colorent les cordes, mais le geste
général reste impressionnant. Le tout souligne davantage la filiation
avec l'écriture très verticale de Gluck (grands accords dramatiques)
que la personnalité de Beethoven (avec un soin de chaque contrechant,
un étagement de chaque couleur au sein de l'orchestre) ou sa modernité
(impression cinétique et linéaire, moins d'insistance sur le motif
circulaire).
→ Dans le scherzo, les bassons et les cordes sul
ponticello grincent d'une façon assez fantastique, très atmosphérique –
même si la prise de son augmente articificiellement leur dynamique.
Grétry – Richard Cœur de Lion – de
Hys, Mechelen, Loulédjian, Perbost, Boudet ; Le Concert Spirituel,
Niquet (CVS)
→
Enfin une version moderne, informée – avec les dialogues conservés sur
disque, Dieu merci ! – et remarquablement chantée, essentiellement
par des chouchous (de Hys, Loulédjian, Perbost, Boudet), aux voix
claires et expressives, le tout trépidé par Niquet. La production
visuelle de Pynkoski, d'un traditionnel luxueux (et non sans un second
degré salvateur), ajoutait à la splendeur, le DVD paraîtra peut-être.
→
Je comprends mieux, dans ce contexte, l'enthousiasme soulevé par la
pièce ; avec les dialogues, l'intrigue complète paraît un peu plus
trépidante ; avec une exécution informée, beaucoup de numéros qui
semblaient ternes révèlent de véritables beautés. Ce n'est pas le grand
opéra comique ni le plus grand Grétry, mais c'est un divertissement
particulièrement rafraîchissant et séduisant !
→→ suite →→
→
Très belle interprétation très aboutie de Beethoven, au grain superbe
typique des Siècles (assez sombre pour un orchestre sur instruments
d'époque), dans un genre qui n'est pas celui qui a ma faveur. Comme les
Haydn par Guy van Waas, c'est l'occasion de découvrir comment pouvaient
sonner ces œuvres telles que comprises et jouées par des artistes
français de l'époque.
→ Le beau Gossec est ici joué, de même, avec
une allure un peu militaire, très verticale et régulière, qui ne tire
pas tant, là encore, le parti des lignes intermédiaires que de l'élan
général.
Schmitt – Mélodies – Diethelm, Haug,
Gmünder, Perler ; Romer, Rushton (Resonus Classics)
→
Massif complexe et varié, tantôt dans l'épure contemplative (Op.4),
tantôt explorant des textures qui préfigurent quasiment les grandes
superpositions trillées d'accords à la Messiaen (Kérob-Shal).
→
Superbes voix, en particulier masculines, et diction tout à fait
décente dans l'ensemble malgré les accents forts (mais des camarades
soutiennent au contraire que c'est trop peu articulé, divergence entre
nous).
→ À connaître : singulier, évocateur, et bien servi.
Mozart
– « Magic Mozart », airs d'opéra et de concert, pantomimes de
Pantalon & Colombine – Devos, Piau, Desandre, Barbeyrac, Felix,
Sempey ; Insula Orchestra, Équilbey (Erato)
→ Insula Orchestra,
formé d'invidividualités extraordinaires, a ses bons jours et
quelquefois, suivant le chef et la préparation, un petit manque de
cohésion et/ou de vision. On entend un peu cette limite ici : la
prise de son ne révèle complètement pas les beautés souveraines des
timbres, et l'interprétation qu'imprime Équilbey ici paraît demeurer
assez traditionnelle, sans prendre le parti de l'orchestre à cordes.
→
Jolis airs très courus, pas forcément dans des versions de référence,
en dehors du second air de la Reine de la Nuit avec Jodie Devos, où les
respirations orchestrales, la focalisation vocale extrême et le geste
expressif des deux produisent l'une des plus belles interprétations
jamais gravées de cette pièce rebattue !
Hummel
– Sonate en fa mineur, arrangements de Mozart (Concerto n°24) et
Beethoven (Symphonie n°1) pour piano, flûte, violon et violoncelle –
Visovan, Besson, Bernardini, Munckhof (Ricercar)
→ Très belle
interprétation, souple et frémissante, mettant en valeur les (toutes
petites) tensions et les progressions par de minuscules ralentissements
et détours de phrasé, dans une Sonate à la langue postclassique, mais
qui ménage de forts contrastes entre les épisodes majeurs et mineurs,
parcourues de fureurs soudaines qui sentent leur Beethoven. Quant au
final, et en particulier à son grand fugato, il explose tout à fait la
forme traditionnelle et évoque la démesure de la Hammerklavier !
Couperin,
Leclair, Blavet, B. Gilles, Naudot… – « Versailles » –
Gábor Boldoczki (Flügelhorn, trompette), Cappella Gabetta (Sony)
→
La Cappella Gabetta est toujours aussi frémissante, mais le cuivre
moderne posé par-dessus (accentué par la prise de son qui le met à
l'avant) tend à tout écraser, inévitablement, à rester déconnecté des
timbres mats et chaleureux des cordes en boyaux.
→ On se retrouve
ici, malgré le programme très original, devant une suite de jolies
mélodies qui ne tiennent pas beaucoup au corps. Des extraits d'opéras
auraient sans doute été plus pertinents, comme le montre la Contredanse
finale des Boréades.
→→ suite →→
→
Dans la Symphonie de Beethoven, malgré l'effectif très réduit, le piano
d'époque (avec la douceur de ses aigus et la force de son médium, sur
un Graf éblouissant de 1835) permet de dynamiser extraordinairement le
discours, mieux qu'avec n'importe quel orchestre cinglant ! Les
éléments d'origine sont tous présents car les parties sont réellement
récrites et réattribuées (ce qui est rare dans ce type
d'exercice : beaucoup plus de travail, un véritable travail de
compositeur), de façon à éviter d'omettre des lignes intéressantes au
profit de celles plus insignifiantes conservées pour les instruments
qu'on a conservés. Grâce à cela, on n'a jamais mieux entendu toutes les
lignes intermédiaires et contrechants de cette symphonie !
Single de Siobhán Stagg – Listen
(feat. Paul Hankinson & Dermot Tutty). (Records DK)
→ Mignon. Pas trouvé l'album.
Mahler – Das Lied von der Erde
(réduction De Leeuw) – Richardot, Saelens ; Het Collectif, De
Leeuw (Alpha)
→
Très belle et moderne réduction au grain remarquable (l'harmonium
remplit et colore très bien les espaces restants du spectre, le célesta
aussi). Direction furieuse de Reinbert De Leeuw, décidément un immense
chef, et instrumentistes absolument fulgurants et possédés !
Saelens
et Richardot sont merveilleux, timbre et expression inclus ; il
existe évidemment des diseurs plus précis, mais je ne crois pas,
globalement, avoir entendu version aussi enthousiasmante !
Schumann
– Kerner-Lieder, Ballades ('Stille Liebe') – Hasselhorn, Joseph
Middleton (HM)
→
L'impression de l'accentuation de son côté « baryton » (alors
que le matériau est potentiellement celui d'un baryton très aigu, voire
d'un ténor), qui étouffe un peu la voix et diminue l'aspect direct de
la voix (qui conserve ses problèmes de couverture inégale).
→ Pour
autant, le charisme qu'il manifeste dans ce répertoire, qu'il chante
depuis toujours (il allait loin dans les compétitions de lied, où il
m'avait beaucoup impressionné, bien avant qu'il ne finisse ses études
et ne remporte Reine Élisabeth !), demeure très persuasif, on sent la
respiration poétique qui s'allie à la musique, même si la voix, de
surcroît pas très phonogénique, conserve des lacunes techniques – il
lui sera difficile de s'imposer à l'opéra, ne serait-ce que pour passer
l'orchestre sans être happé ni s'épuiser.
→ Très bel album
néanmoins, qui touche juste, et avec naturel ! On n'a pas beaucoup
de versions aussi fluides des Kerner !
Melani – L'Empio Punito (1669) –
Auser Musici (Glossa)
→
J'avais de meilleurs souvenirs de cette variante donjuanesque
(Montpellier au début des années 2000 ?), tout de même un très
hiératique drame façon recitar cantando ; il se passe beaucoup de
choses par rapport à la concurrence des décennies antérieures, mais on
est loin de la générosité mélodique et dramatique des meilleurs opus.
Par ailleurs, l'accompagnement un peu chiche en couleurs et les voix
pertinentes mais pas très séduisantes n'aident pas.
À réécouter en
m'immergeant plus activement dans le livret (cette fois-ci, à l'oreille
seule, ce n'est pas suffisant), il semble y avoir tout de même de bien
belles choses.
Rameau,
Les Boréades – Luks (CVS)
→
Contre toute attente peut-être, les Tchèques qui ont brillé intensément
dans la musique italienne et habsbourgeoise se révèlent aussi
remarquablement rompus au style français. Jusqu'aux chanteurs (émission
claire, mixée, moelleuse et très projetée du baryton Tomáš Šelc en
Borilée, on croirait entendre un élève de Courtis !), tous excellents –
Cachet, Vidal, Kristjánsson, Brooymans… à couper le souffle.
→
Seule réserve, la prise de son que je trouve un peu frontale, très
proche des micros, assez massive et agressive, manquant d'atmosphère où
se déployer. Autrement, une interprétation d'opéra français comme on
n'en a pas tous les jours, pour un opéra où l'on avait le choix entre
Gardiner (distribution moins parfaite, récitatifs qui ont beaucoup
vieilli) et Christie (très dynamique, mais avec peu de couleurs, et là
aussi une distribution moins intéressante).
Cherubini – Missa solemnis en ré
mineur – Bernius (Carus)
→
Très bel ensemble remarquablement écrit, comparable au style de ses
requiems (riches en prosodie, travaillés sur la déclamation et au
besoin le contrepoint), mais avec des solistes très bien mis en valeur.
Le tout joué avec la finesse de trait et de style de Bernius.
Rameau,
Pygmalion (air et danses), Suites de Dardanus ; Dahlin, Orfeo
Barockorchester, Michi Gaigg (ints-1) (CPO)
→
Savoureuse interprétation très réussie (qui aurait mérité une
intégrale, pour une oeuvre déjà remarquablement servie au disque).
« Su le sponde del
Tebro » : Frescobaldi,
Haendel, Verdi arrangés pour Quintette de
cuivres – Stagg, membres du DSOB (Capriccio)
→
Chouette projet (cantate de Haendel qui donne sont nom à l'album,
extraits des Vêpres Siciliennes…), mais franchement, les timbres d'un
quintette de cuivres, ça manque de grâce – tout le monde s'accorde à
dire que le tuba n'aurait jamais dû être inventé.
Montéclair
– Cantates Ariane & Bacchus, Le Dépit Généreux, Concert n°1 pour
flûte – Carrie Henneman Shaw, Leela Breithaupt, Les Ordinaires,
Vinikour (Naxos)
→ Belles cantates, chantées par une voix très typée
américaine (beaucoup de souffle dans la voix pour faire léger) à la
diction moyenne. Superbe Concert pour flûte joué avec chaleur.
« Futurisme »,
la jeune école italienne – Schleiermacher (MDG 2019)
→ Francesco Balilla Pratella
(1880-1955) La Battaglia. (1913) // Très martelé.
→ Malipiero (1882-1973)
Preludi autunnali (1914). Toujours cette galanterie un peu élusive chez
Malipiero.
→ Alberto Savinio
(1891-1952) Les chants de la Mi-Mort (1914) /// Mélange de masses
menaçantes et d'échos de chants populaires, tellement futuriste et très
convaincant.
→ Casella
(1883-1947) La notte alta (1917) // 25 minutes en seul mouvement, dans
des harmonies et des atmosphères qui évoquent les Clairs de lune de
Decaux. Impressionnant.
→ Silvio Mix
(1900-1927) Stati d’animo (1923), Profilo sintetico musicale di F.T.
Marinetti (1924) // Belle solennité répétitive et aux échos étranges,
pour le Profil de Marinetti.
→ Et toujours la fermeté de touche de
Schleiermacher, démiurge du piano alternatif du premier XXe siècle. Son
legs, incroyablement vaste, est capital pour notre compréhension de
plusieurs mouvements musicaux fondamentaux.
BECK, F.I. / HAYDN, J. / GLUCK, C.W. / JOMMELLI, N. / TRAETTA, T. (Sturm und Drang, Vol.
1) - Symphonies and Opera Arias - (Skerath, The Mozartists, Iain Page)
(SIgnum 2020)
→ Beau disqued dans la veine dramatique postgluckiste aux cavalcades
régulières et au geste hiératique. Très réussi.
commentaires
nouveautés : rééditions
liste nouveautés :
rééditions
Bouzignac – Motets – Pages de la
Chapelle, Arts Florissants, Christie (HM)
→
Le hiératique précurseur Bouzignac mériterait de véritables versions
d'élite, mais le disque ne le sert pas très bien. Cet enregistrement
des jeunes Arts Flo ne fait pas exception : techniques vocales
hésitantes, style encore empesé (le sens du rebond est plus celui de
Paillard que des Arts Flo actuel), son général plus mou qu'incisif…
→
Version estimable, mais qui ne rend pas vraiment justice à ces œuvres
déjà sévères, dont les beautés ne sont pas très bien mises en valeur.
lambert airs de cour arts flo
secrets live annie fischer
brahms piano rafael orozco
vierne 24 pièces de fantaisie litaize
Mahler – Symphonies 1,4,5,6,7,9 –
SWR Baden-Baden, Rosbaud (SWR Classic)
→
Pour les symphonies que j'ai écoutées, des versions au spectre sonore
un peu disjoint (pas de lissage des timbres), mais d'une hauteur de vue
remarquable, profitant de l'aération pour donner sens et articulation
au discours, sans du tout sonner dépareillé. De grandes lectures qui
n'ont pas besoin du confort du studio avec un orchestre plus luxueux
pour se révéler. Très hautement recommandé.
autres
nouvelles écoutes : œuvres
autres nouvelles
écoutes : versions
Hummel
– Quintette piano-cordes – Hausmusic (warner)
→ Belle version avec piano ancien, d'une œuvre un peu formelle, mais
bien construite et dotée de mélodiques agréables, à défaut d'être le
Hummel le plus irrésistible (on peut tout de même songer par endroit au
Nonette de Czerny, ce qui n'est pas un mince compliment).
Zemlinsky
– Der Traumgörge – J. Martin, Protschka, Welker ; Frankfurt RSO,
G. Albrecht (Capriccio)
→ Le niveau au-dessus de Conlon (interprétation et captation), bien
plus liquide et transparent… Je redécouvre un beau drame décadent. Pas
le plus original ni paroxystique, mais tant de belles choses à écouter
à l'orchestre (solos de hautbois, de trompette qui sont assez
merveilleux…).
Vivaldi, Hummel – Concertos pour
mandoline –Kruglov, Northern Crown Soloists Ensemble
→ Les Vivaldi, très bien documentés, ne sont pas leur version de
référence (un peu lisse, quoique très valeureux), mais rayonnent
toujours de leur veine mélodique hors du commun. Le Hummel met en
valeur le même type d'atouts.
Saint-Saëns
– Symphonie n°3, Phaëton, Danse Macabre, Bacchanale –
Anthony Newman, Pittsburgh SO, Maazel (Sony)
→ Brillante exécution qui pétarade avec beaucoup de vigueur de trait et
de structure !
Heggie – Dead Man Walking
– DiDonato, Cutlip, von Stade, Brueggergosman, Mentzer ; Houston,
P. Summers (Virgin 2012)
→ Agréable, dans un goût musical assez mainstream ; je ne suis
peut-être pas assez saisi par l'histoire elle-même (prévisible dès le
premier tableau) pour que la musique d'accompagnement m'emporte assez.
À essayer à la scène.
Saint-Saëns
– Africa, Symphonie n°2 – Laura Mikkola, Tapiola Sinfonietta, J.J.
Kantorow (BIS)
→ Limpide et furieuse version de la sombre et vive Deuxième de
Saint-Saëns !
Leila Huissoud, (Album) L'Ombre (Label 440)
→ Toujours cette difficulté de saisir au vol des chansons marquantes,
mais un corpus général plus banal ou, comme ici, dans la même veine.
Mais j'apprécie beaucoup cette voix pincée qui permet de focaliser avec
dynamisme (et en décalage volontaire avec le propos parfois
frontalement leste ou désabusé).
Le vendeur de paratonnerres de Huissoud /
L'Orage de Brassens
Gassenhauer :
trio de Beethoven œuvres pour clarinette, contrebasse et piano :
Vera Karner, Dominik Wagner, Aurelia Visovan, Matthias Schorn…
Charpentier – Miserere pour les
Jésuites – Tubéry Charpentier – Miserere
pour les Jésuites – Daucé
- Belle œuvre dont l'aspect mouvant demeure caché dans ses plis
internes, absolument pas ostentatoire.
- Tubéry me séduit davantage (plus vif, plus déhanché), mais Daucé, au
diapason bien plus bas, dispose comme toujours de superbes couleurs (et
d'un certain manque de rebond assez préjudiciable, à mon goût).
Haendel
/ Mozart – Der Messias – H. Max (EMI)
Leïla Huissoud : La Vieille,
Infidèle… (bandes de concerts)
Schumann – Lieder (Kerner,
Ballades…) – von Otter, Forsberg (DGG)
→ Von Otter dans sa grande période, en pleine gloire et fruité, et
toujours ce sens du texte extraordinaire, ce goût de phrasé hors du
commun qu'elle n'a jamais perdus. Die Löwenbraut est à couper le
souffle. (Couplé avec son formidable Frauenliebe que je n'ai pas
réécouté.)
Viardot – Scène d'Hermione –
Patricia Adkins Chiti, Gianpaolo Chiti (YT)
- Belle scène dramatique, d'un Viardot inhabituellement rempli
d'emphase et de sérieux. Interprétation inintelligibles : joli
chant dans les joues, mais diction étrangère au français.
Dumora dans Fauré, Haendel...
Wildhorn – Dracula (dans sa version
anglaise cette fois) – représentation Broadway, puis studio
→ Impressionné, à Broadway maintenant les héroïnes finissent toutes
nues (les deux). L'aspect allusif autour de l'attraction physique pas
univoquement magique est devenu une assertion assez frontale… Pas
fanatique non plus, dans le studio, des voix qui gémissent à chaque
attaque, point trop n'en faut – tic stylistique très répandu
aujourd'hui quel que soit le répertoire (en pop au sens très large).
→ Sinon, la partition et l'intrigue demeurent toujours très prenantes,
l'ensemble fonctionne vraiment bien – moins, évidemment, quand on colle
les jolies chansons planantes les unes à la suite des autres dans un
enregistrement de studio, il faut vraiment avoir vu une production
complète au préalable pour goûter l'objet.
Gilles – Toutes les leçons de
Ténèbres pour le Mercredy – Boston Camerata
→ Un peu de rigidité pour ce chef-d'œuvre absolu (qui traite les
Lamentations en antiphonie soliste-chœur, et où la déclamation est
grande maîtresse), mais c'est au moins l'occasion de pouvoir
l'entendre !
Première fois que je parviens à toutes les entendre.
Niedermeyer – Le Lac – Novelli
→ Étrange voix nasale, qui sonne peut-être bien avec plus de
rayonnement en vrai. Diction très claire grâce à ce biais pas très
gracieux.
Gluck, Symphonies ; Orfeo
Barockorchester, Michi Gaigg (CPO)
→ On y retrouve le sens de la tension propre à Gluck, plutôt à son
meilleur ici (même si le but n'est pas du tout d'atteindre le même
pathétique et la même qualité mélodique que dans les opéras). Très
réussi, exécution incluse ; il n'y a pas de raison de se priver de
cette partie de son legs.
Holzbauer,
Symphonies ; Orfeo Barockorchester, Michi Gaigg (CPO)
→ Belles œuvres qui ne frappent pas par leur originalité mais
fonctionnent agréablement, dans le genre classique (et légèrement
dramatique) qui est le leur. Belle interprétation énergique, quoique
très peu colorée (on y entend surtout le tranchant des très belles
cordes).
(Je recommande en revanche vivement les opéras.)
réécoutes
œuvres (dans mêmes versions)
réécoutes versions
Dallapiccola – Vol de nuit –
Isabelle Vernet, soprano (Madame Fabien) Hélène Le Corre, soprano (Une
voix intérieure) François Le Roux, baryton (Rivière) Jérôme Corréas,
baryton-basse (Robineau) Yann Beuron, ténor (Pellerin) Guy Gabelle,
ténor (Le radiotélégraphiste) Jean-Marc Salzmann, baryton (Leroux)
Daniel Durand, Pierre Vaello, Patrick Radelet, Bernard Polisset,
ténors, basses (quatre employés) Choeur de Radio France Orchestre
Philharmonique de Radio France diretti da Marek Janowski. Registrazione
live effettuata alla Cité de la musique, Parigi, il 12 gennaio 1999.
Charpentier
– Méditations pour le Carême
→ en chapelle, Les Arts Florissants, Christie (HM) ***
→ en chapelle, Le Concert Spirituel, Hervé Niquet (Glossa) **
→ en chapelle, M.-C. Alain (BNF) **
→ Beekman, Getchell, Robbert Muuse ; Bolton, Benjamin Perrot,
Desenclos (Alpha) ****
→ García, Candela, Bazola ; Guignard, Galletier, Camboulas
(Ambronay) *****
Hummel – Quatuor avec clarinette –
Finotti (Naxos)
→ Veine très mozartienne (même début), la virtuosité des cordes en sus.
Une petite merveille, comme il en existe un certain nombre dans la
période pour la musique de chambre avec clarinette (Krommer,
Cartellieri, Neukomm, Weber, Hoffmeister, Bachmann…).
→ armand-louis couperin rousset
→ hammerschimidt, jesus stirbt, vox luminis
→ amirov, 1001 nuits
→ rubinstein le bal pour piano
→ zipoli in diamantina
→ "O! solitude, my sweetest choice" de Purcel/Britten (adaptation) sur
le texte de Marc-Antoine Girard de Saint-Amant.
→ toccata classics : mihalovici, proko by arrangement, szentpali,
ruoff…
→ anima rara par jaho
→ mzt van kuijk
→ vienne 1905-1910, richter ensemble
→ bruch ccto é pias
→ bach sons
controcorrent
→ london circa 1720
→ il genio inglese alice laferrière
→ rathaus & shota par stoupel
→ bruckner symph 0 hj albrecht orgue
→ weinberg symph 6 altenburg gera
→ turalngalila mannheim
→ nielsen œuvres violon-piano hasse borup naxos
→ fuchs sonates violon
→ fasch clavier
→ hithcock spinet :
burney & others
→ venice and beyond concerti da camera sonate concertate pour vents
→ leclair complete sonatas 2 violons
→ Petite Renarde Rattle
→ deshayes haidan 2 mezzos sinon rien
→ respighi chailly
→ ysaÿe 6 sonates par niklas valentin
→ earth music cappella de la torre
vermeer bologna
→ standley et ens contrast schubt
→ nature whispering
→ Petite Renarde Rattle
→ chant de la Terre I.Fischer RDS
→ lamento (alpha)
→ fasch
→ earth music capella de la torre
→ nielsen complete violin solo & piano, hasse borup
→ manén violon cc
→ quintette dubughon holst taffanel françaix
→ fuchs sonates vln
→ meyerbeer esule
→ bononcini polifemo
→ graund polydorus
→ polisu kaleidoscope ravel pia duo
→ aho symph 5 currie
→ anima gementem cano
→ purcell royal welcome songs
→ gombert messe beauty farm
mahler 4 turku segerstam
chosta 5 jansons bayrso
bruckner 4,5,6,7 munich PO gergiev
beethoven 7 saito kinen ozawa
beethoven sonates 8-11 giltburg
beethoven concertos piano sw chb bavouzet
ardeo SQ xiii
schwanengesang behle
→ bizet sans paroles gouin
→ respigni chailly scala
→ st-saêns chopin callaghan
→ Mülemann mzt
wohlhauser (neos)
john thomas duos harpe piano vol.1 (toccata)
arnold rosner requiem (toccata)
moszkowski orchestral vol 2
idenstam metal angel (toccata)
corigliano caravassius siegel pour guitare (orchid)
iannotta : earthing (wergo)
imaginary mirror hasselt (challenge)
lundquist symphonies (swedish society)
eklund symphs 3 5 11 norrköping (CPO)
peaceful choir
spisak works (dux)
zemlinsky, rabl : quatuors (Zimper, gramola)
goleminov SQ par sofia SQ
rachma par babayan DGG
huelgas the magic of polyphony
debussy intégrale alessandra ammara
mozart arias II regula mühlemann
bells, album athony romaniuk
écoutes à
(re)faire
→ Krogulski/Nowakowski
(Goerner)
→ Stolpe
HIGH ROAD TO KILKENNY (THE) - Gaelic Songs and Dances from the 17th and
18th Centuries (Getchell, Les Musiciens de Saint-Julien, Lazarevitch)
→ Lazzari, . Effet de
Nuit fait son effet, par contre, la symphonie est interminable et les
autres pièces symphoniques pas palpitantes (j'ai même trouvé la
rhapsodie spécialement niaise). son trio pour piano et sa sonate pour
violon ravi
→ Joubert (hors quatuors, je n'ai pas pris de notes), : la symphonie
No. 2 (moment ineffable dans le II avant un finale diabolique), le
concerto pour hautbois (sombre et véhément) et les pièces chambristes.
Le cycle vocal Landscapes, le trio pour piano avec beaucoup
d'atmosphères, ses sonates pour piano, surtout la No. 2,
→ tailleferre
→ final choral 2e partie Theodora
→ hummel
→ Marshall-Luck pour la Sonate violon d'Elgar
→ Requiem de Kastalsky par Slatkin
→ dallapiccola vol de nuit
→ Alla Pavlova musique
de film sous étiquette symphonique. C’est très sucré
→ Stacey Garrop l’aspect narratif de ses pièces (sa symphonie Mythology
collection de poèmes symphoniques
→ Ses quatuors
→ Lea Auerbach sa musique de chambre, souvent autour des variations,
jeux de miroirs au sein de la même pièce ou entre les pièces (les
mouettes du I dans son premier trio), ses motorismes, toutes ces choses
et plus encore me transportent.
→→ Ses deux trios pour piano et ses 24 préludes (surtout ceux pour
violoncelle et piano, même si violon et piano, un autre numéro d’opus,
sont de haute volée) seraient mes premières recommandations.
→ Gloria Coates Noir,
tourmenté, très râpeux
→ Rosalind Ellicott quelle verve mélodique ! Ses deux trios pour piano
→ En vitesse, Lucija Garuta a laissé un très beau concerto pour piano,
Louise Héritte-Viardot 3 quatuors de belle facture, Rita Strohl un
saisissant duo violoncelle/piano Titus et Bérénice. Elisabeth Lutyens
m’a été très difficile d’approche, mais elle a définitivement des
choses à dire.
→ Australiennes, comme Myriam Hyde, Elena Kats-Chernin et Margareth
Sutherland (Women of Note, permet de se faire une idée des noms qui
accrochent).
Emile Jaques-Dalcroze: La Veillée
par Le Chant Sacré Genève, Orchestre de Chambre de Geneve, Romain Mayor
abraham, hollaender
… les lecteurs assidus reconnaîtront que cette dernière liste est
largement constituée de copié-collés des explorations du seigneur Mefistofele, pilier des
conversations interlopes de céans.
… de quoi vous occuper quelque temps au coin du feu tandis que le monde
brûle.
L'enfermement (partiel) facilitant les écoutes, voici déjà une sixième
livraison assez copieuse.
Nouveautés écoutées et commentées de ces dernières semaines.
Du vert au violet, mes recommandations.
♦ Vert : réussi !
♦ Bleu : jalon considérable.
♦ Violet : écoute capitale.
(Les disques sans indication particulière sont à mon sens de très bons
disques. Dans les cas où je ne recommande pas forcément l'écoute, je
place le texte en italique.)
Quelques albums vraiment incroyables ont paru ces derniers jours,
notamment les motets allemands du XVIIe par Clematis, les concertos
pour basson (dont l'excellentissime de du Puy !) par Sambeek, la Phèdre
de Lemoyne, les arrangements pour nonette de Dvořák, Puccini &
R.Strauss, côté interprétation d'œuvres connues les R. Strauss de Lan
Shui avec Singapour (mais j'ai bien aimé aussi le concerto pour
contrebasson de Beethoven par Currentzis), et bien sûr la
réédition en coffret des R. Strauss (décidément !) du Museum de Francfort et Weigle.
Commentaires
nouveautés : œuvres
Hermann Goetz & Hans Huber –
Piano Trios (Music from the Zentralbibliothek Zürich) – Trio Fontane
(Solo Musica)
→ Le final du Huber est scherzo-brahmsien en diable ! Le reste est
très plaisant, du simili-Brahms un peu moins ambitieux.
Flosman, Feld & Bodorová - Czech
Viola Concertos ; Jitka Hosprová, Prague Radio Symphony Orchestra
(Supraphon)
→ Atonal doux ou tonal élargi, un spectre très intéressant de la
composition au XXe siècle – pas repéré de chef-d'œuvre vertigineux,
mais tout est très bien écrit et se suit avec beaucoup d'intérêt.
Michl,
quatuors basson-cordes – Ben Hoadley, The Hall String Trio (Naxos)
→ Effectif original, traité comme un gentil concerto pour piano plus
mélodique que virtuose. Pas de l'immense musique, mais un point de vue
différent sur les nomenclatures du temps, disons.
Anonymes, Walter, Cracoviensis, Rein,
Buchner, Finck, des Prés – Orgue de Rysum – Ghielmi, Biscantores
(Passacaille)
→ Belle évocation d'un répertoire pérbaroque à l'orgue et au chant
d'église, sous forme d'un service de messe imaginaire. Très réussi et
vivant.
Magnard – Ouverture, Chant funèbre,
Hymnes Justice & Vénus, Suite dans le style ancien – Fribourg PO,
Bollon (Naxos)
→ Quel élan nouveau, quelle pâte limpide apportées à ce corpus qui
était certes un peu mieux servi (Timpani !), mais qui méritait cette
mise en lumière ! Une partie du programme a été très peu
enregistrée.
→ Les appels pointés du début du grand duo de Tristan dans l'Hymne à
Vénus (et sa fin ressemble carrément à un final de poème
symphonique de Strauss, ou à celui de la Femme sans ombre !).
Martini, requiem pour Louis XVI,
Niquet (CVS)
→ Très lumineux et même léger, avec cette Séquence du Dies iræ en
majeur, accompagnée de douces batteries de cordes et de trompettes plus
triomphales que menaçantes, et parcourue d'une grande douceur… Vision
consolatrice, à moins que ce ne soient les limites intrinsèques du
langage lui-même de Martini.
Intéressant, encore un aspect manquant au répertoire du temps !
Reger,
Trios à cordes, ensemble Il Furibondo (Solo Musica)
→ Pas trop sévère pour du Reger, mais évidemment essentiellement
contrapuntique et quasiment pas mélodique, il faut aimer l'abstraction
musicale germanique à son plus haut degré, voire avoir quelques notions
d'écriture pour apprécier l'originalité des emprunts et modulations, la
beauté de la conduite des voix simultanées… Un peu aride autrement,
mais pas dépourvu de beauté.
Čiurlionis: The Sea, In the Forest
& Kęstutis ; Lithuanian NSO, Modestas Pitrenas (Ondine)
→ Grand postpostromantisme assez franc, et bien fait, exécuté avec
beaucoup d'élan et comme toujours remarquablement capté.
Rebel & Boismortier : Les
caractères d'Ulysse. Suites pour deux clavecins ; Loris Barrucand,
Clément Geoffroy (CVS)
→ Programme très original (Ulisse, Les Élémens, Ballets de Village,
Daphnis, Les Plaisirs Champeſtres) à deux clavecins, par deux artistes
majeurs (en particulier fan de Clément Goeffroy, l'un des clavecinistes
les plus éloquents de notre temps, jusque dans les répertoires
germaniques les plus sévères).
→ Le résultat sonore n'est que partiellement convaincant, capté de
près, la richesse des deux clavecins mêlés paraît un peu agressive,
alors qu'il n'y a rien de plus physiquement harmonieux lorsque leurs
harmoniques se mêlent dans l'espace d'une pièce…
Pour autant, superbe voyage, qu'il faut s'imaginer écouter avec un peu
de recul, à l'autre bout du salon ou à quelques rangs d'intervalle dans
l'église.
Antheil :
Serenades 1 & 2, Württembergische Philharmonie Reutlingen, Fawzi
Haimor (CPO)
→ Musique bigarrée américaine, assez réussie, bien jouée et captée. Pas
perçu de pépite particulière néanmoins : mériterait réécoute.
Adams
– Must the Devil Have All the Good Tunes ? – Wang, LAP, Dudamel
(DGG)
→ Plus planant que profond, pas du grand Adams. (Et sans le potentiel
ravissant et jubilatoire de Grand Pianola Music !
Rosenmüller, Buxtehude, Pfleger,
Hammerschmidt, Scheidemann, Monteverdi, Bernhard – Nun danket
alle Gott – Clematis (Ricercar)
→ Motets allemands à voix seule influencés par l'Italie, trouvés dans
une bibliothèque suédoise : un témoignage passionnant, des œuvres
sobres et poignantes, une exécution au cordeau, frémissante et
généreuse. Et des découvertes en pagaille (jamais entendu Bernhard pour
ma part, pas sûr pour Pfleger et Hammerschmidt).
Gerald Barry : « Beethoven »
& Concerto pour piano – Britten Sinfonia, Adès
→ Couplé avec les trois premières symphonies de Beethoven (la Troisième
rebondit bien, très belle réussite), une cantate en anglais dans le
style de Barry (avec sa tonalité dégingandée et ses chorals de cuivres
issus de l'univers mental de Copland). Concerto pour piano qui joue
avec les codes, en proposant des bouts d'exercices de Hanon-Déliateur
au milieu d'un orchestre déhanché et martelant, jazzy et très amusant.
Très rafraîchissant !
Różycki: Orchestral Works – Olga
Zado, Lower Silesia PS Orchestra (DUX)
→ Du grand postromantisme expansif, pas la part la plus aventureuse de
son catalogue, en particulier le très néo-chopinien Concerto pour piano
(et sur des instruments plus limités que ceux des grands orchestres de
l'Europe riche), mais beaucoup d'élan, d'atmosphère, de belles mélodies
– ce n'est pas neuf, mais ce reste très abouti.
(Je recommande plutôt d'écouter son opéra Psyché, par exemple, qui tire
davantage sur Szymanowski, en moins retors et davantage debussysé.)
Albena Petrović, Bridges of Love, Mangova
(Solo Musica)
Daniel-Lesur, Messiaen, Pfitzner, Ives,
Bernstein, Crumb, Eisler, Schumann, Ravel, Debussy, Fauré, Stravinski,
Wolf, Brahms, Britten… – Paradise Lost – Prohaska, Drake (alpha)
→ Programme assez peu festif (contemplatif-mélancolique, voire
carrément désolé), la voix de Prohaska a un peu mûri aussi (large pour
du lied), mais on retrouve la même intelligence de la constitution
thématique et musicale des pièces, la même finesse d'interprétation (on
peut discuter sur l'accent français, mais l'ensemble reste tout à fait
convaincant), qui font de chacun de ses nouveaux récitals un événement.
Lemoyne: Phèdre – Vashegyi (Bru Zane)
→ « Les murs de mon palais semblent crier vengeance / Je cherchais
le bonheur, je trouve des forfaits »
→ (Dans ce livret, c'est Œnone qui fait le choix de la calomnie.)
→ La version complète de cette très belle tragédie du contemporain de
Sacchini, Vogel et Cherubini. Son Électre était réputée d'une hystérie
à peine soutenable, Bru Zane a retenu ce drame plus équilibré, dont la
fluidité naturelle et la beauté de langue séduisent plus que l'éclat de
moments isolés. À découvrir absolument pour compléter notre perception
du répertoire classique de la tragédie en musique, par l'un des très
rares compositeurs français à l'avoir exercée dans les années 1770-1780
– Gossec et Grétry (si on ne le tient pas pour belge) étant les deux
autres grandes figures.
→ Moments forts : les trois grands airs, inhabituellement
développés, des personnages principaux, très fouillés (celui de Phèdre
aux confins du silence, celui de Thésée terrible…), et la mort
d'Hippolyte, véritablement terrifiante, qui avec ses trombones furieux
annonce le style de la mort de Sémiramis chez Catel.
→ Superbe distribution (Wanroij et Behr dans la soirée de leur vie,
Christoyannis toujours aussi fascinant), Vashegyi très engagé !
« Unknown
Debussy » (réductions
& compléments par Orledge, versions originelles…) – Nicolas Horvàth
(Grand Piano)
→ À part les étonnants chromatismes du Toomai des éléphants, ,
l'essentiel est assez bien connu (des réductions de musiques scéniques,
des versions alternatives de tubes…) et sa nouveauté peut échapper,
mais l'atmosphère de l'ensemble reste délicieuse, et je suis frappé par
la beauté de timbre obtenue par Nicolas Horvàth (alors que Grand Piano
ne flatte pas forcément de ce point de vue), chaque attaque chante avec
rondeur, sans empêcher une belle variété de textures.
De quoi renouveler son Debussy avec délices.
Je n'ai pas encore pu me plonger dans la note de programme très
complète écrite par l'artiste – qui a encore bien des inédits sous le
coude.
Strauss, Puccini, Dvořák, Opera
Suites for Nonet : Rosenkavalier, Tosca, Rusalka ; ensemble minui
(Ars Produktin)
→ Jubilatoire sélection, qui comprend aussi bien interludes que parties
vocales (le duo d'amour du I de Tosca, la Présentation et le Trio final
du Chevalier, le duo du Cuistot et l'entrée du Prince de Rusalka…). Les
arrangements restent relativement prévisibles (beaucoup de violon
solo), mais le niveau de réalisation est tel ! Le corniste est
hallucinant, tellement sûr et glorieux, aussi bien chez Strauss que
Puccini…
Indispensable pour tous les amoureux de transcription, d'autant que
contrairement à Mozart, on est là dans un terrain peu fréquenté !
J.S. Bach: Complete Keyboard Vol. 3
« à la française » ; Benjamin Alard (HM)
→ Une Suite anglaise, deux Suites isolées, une Partita… trois disques,
essentiellement des suites à la française (en dépit de leurs
dénominations), pour un programme à la fois thématique et
transversal vraiment stimulant, jouées avec la maîtrise
habituelle d'Alard, mais qui me paraît dans ce répertoire de danses un
peu rigide et sérieuse, où j'espérais davantage d'élan, d'inégalité, de
déhanché.
J'aime pourtant bien ces pièces d'ordinaire (sans être un des grands
admirateurs de Bach), et me suis un peu ennuyé ici.
Bortnianski, Berezovski –
« Nuits Blanches » : Le Faucon, Alcide, Demofoonte –
Gauvin, Pacific Baroque (ATMA)
→ Opéras en français et italien de compositeurs russes (célèbres pour
leur contribution liturgique au fonds de l'Obikhod !), dans un style
postgluckiste ou classique-allemand. Très étonnant, passionnant.
(Le français de Karina Gauvin est ce qu'il est, son émission un peu
molle pas la plus adéquate non plus, mais on ne peut lui dénier le feu
!)
du Puy, Weber, Mozart : Bassoon
Concertos ; van Sambeek, SwChbO, Ogrintchouk (BIS)
→ On peut donc faire ça avec un basson ! Cette finesse
(changeante) de timbre, cette netteté des piqués, cette perfection du
legato, j'ai l'impression de découvrir un nouvel instrument. J'aurais
aimé la Chambre de Suède un peu moins tradi de son (comme avec
Dausgaard), mais je suppose que le chef russe a été formé à un Mozart
plus lisse (ça ploum-ploume un peu dans les basses…).
Quand au du Puy, c'est une petite merveille mélodique et dramatique qui
sent encore l'influence du dramatique gluckiste dans ses tutti
trépidants en mineur, une très grande œuvre qui se compare sans peine
aux deux autres !
Ropartz, La Tombelle, Widor, Louigny…
; Nuits ; I Giardini, Véronique Gens (Alpha)
→ La voix mûrit doucement, et la rondeur du timbre, la saveur de la
diction demeurent souverains. Parcours assez original où l'on gagne
notamment une Chanson perpétuelle d'anthologie.
Jommelli :
Requiem & Miserere, Il Giardellino
→ Très jolie musique baroque-classique, agréable, avec du verbe et des
atmosphères.
Vivaldi / Tarkmann ; Concerto Köln,
Martin Fröst (Sony)
→ Le grand arrangemeur Tarkmann, qui a transcrit magistralement tant
d'opéras de Mozart, Beethoven ou Schubert pour petits ensembles à vent,
a aussi proposé sa version pour clarinette de concertos de Vivaldi… ici
joués sur l'un des meilleurs ensembles sur instruments anciens (quel
grain sonore !) et par la clarinette la plus naturelle, fluide et
transparente (quel son flûté !) de la scène actuelle.
Un régal absolu, où l'on retrouve en outre quelques thèmes récupérés
d'oratorios (le grand air de bravoure de Giudita Triumphans) et opéras
(le figuralisme pluvial d'Il Giustino).
Pēteris Vasks: Viola Concerto & Symphony
No. 1 "Voices" ; Maxim Rysanov (BIS)
→ Planant et délicat, TB, et quel altiste toujours incroyable !
Naoumoff: Cinq valses pour piano
quatre mains, par Soojin Joo, Emile Naoumoff (Melism) → Aimables valses de
salon au langage à peine enrichi. Très mignon, comme certaines pièces
de caractère un peu subverties du début du XXe siècle.
N.
Boulanger / Pugno : La Ville morte (d'après D'Annunzio et
non Rodenbach), Göteborg 2020 (vidéo du théâtre)
→ Dans l'esprit d'Uscher de Debussy, du français très sombre et un peu
germanisé… mais difficile de se rendre compte avec la diction
épouvantable de la distribution – on ne comprend rien, on ne voit pas
trop où ça va…
Dommage, quel inédit exaltant ! (celui qui me tentait le plus de
toute la saison!)
Firenze 1350 → Interprétation et sélection extrêmement directes, qui
évoquent le naturel des plus grandes œuvres de la période suivante
(Dufay !).
commentaires
nouveautés : versions
R. Strauss – Macbeth, suite du
Rosenkavalier, Tod und Verklärung – Singapore SO, Lan Shui (BIS)
→ L'orchestre n'est clairement pas auix mêmes standards que les plus
beaux d'Europe (cordes peu douces ni fondues, bois assez acides et
durs, cuivres peu ronds), mais l'aération toujours fabuleuse des
captations BIS et la tension imprimée par Lan Shui en font peut-être le
plus beau disque symphonique Strauss que j'aie entendu…
→ Macbeth extraordinairement tendu, toujours tempêtueux, qui échappe à
son habituel aspect aimable (j'y entends beaucoup le compositeur d'Aus
Italien !).
→ Rosenkavalier d'une grâce ineffable malgré l'enfilade de tubes –
chaque frottement dans chaque tuilage est tenu, si bien que tout semble
d'une progression infinie (Hab mir's gelobt semble s'étendre à l'infini
comme un final de Mahler, ne jamais se reprocher sur sa séduction
mélodique, toujours aller chercher la beauté de l'harmonie et du
contrepoint en rebfort).
→ Tod und Verklärung, tant de fois entendu en concert avec une vague
indifférence, devient ici véritablement une question de vie ou de mort,
donc l'élan ne se limite pas aux quelques tutti plus mélodiques.
Verdi – Attila – Monatyrska, Stefano
La Colla, Petean, D'Arcangelo ; Munich RSO, Ivan Repušić (BR
Klassik)
→ Ouille. La Colla (malgré quelques aigus en arrière), Petean et
D'Arcangelo sont séduisants, quoiqu'on les devine peu sonores en vrai,
et qu'ils ne brûlent pas exactement les planches par leur intensité
dramatique ; mais Monatyrska qui crie tout ce qu'elle peut (que
lui est-il arrivé ? méforme, usure prématurée par le stress de la
carrière ?), et Repušić éteint l'orchestre sous une mollesse digne
des studios de Gardelli…
Décidément impossible pour moi de trouver un disque BR Klassik un peu
exaltant (excepté ceux de Dijkstra, tous superlatif), la captation
froide n'aidant pas non plus.
Chausson
« le littéraire » – Chanson perpétuelle, La Tempête (arr.
Némoto), Concert – Pancrazi, Musica Nigella (Klarthe)
→ Très belle version de la Chanson perpétuelle, instrumentalement très
vivante, nette et aérée – moins enthousiaste sur le chant trop en
arrière, pas assez mordant et intelligible (la tournure que prend E.
Pancrazi, une chouchoute, me préoccupe un peu), surtout pour de la
mélodie aussi délicate – et sans enjeu de couleur ni de puissance.
Les deux autres pièces sont très réussies, mais disposent de versions
plus animées (Kantorow est assez formidable pour la véritable version
de la Tempête, et la discographie du Concert est large).
Widor: Organ Symphonies, Vol. 2 (s3
& s4) – Rübsam (Naxos)
→ Incroyable les points communs de la Troisième Symphonie avec les
pièces de circonstance de Théodore Dubois ! Je n'avais jamais
remarqué à ce point.
Belle interprétation habitée de Rübsam, aux belles respirations, dans
les prises de son toujours assez peu physiques et un peu blanches de
Naxos (pas le meilleur label d'orgue, clairement).
Shostakovich / Schnittke / Lutosławski –
Concertos chambristes – Kammerorchester Wien-Berlin, Denis Matsuev (DGG)
→ Superbe lecture du concerto piano-cordes de Schnittke, avec un
orchestre au grain plus fin qu'à l'accoutumée, et Matsuev qui sonne ici
ample et majestueux (ce qui ne m'a jamais frappé au concert ni dans ses
autres disques).
Programme par ailleurs assez ambitieux pour un disque de
concertos !
Haendel: Messiah, HWV 56 (1742
Version) ; Gaechinger Cantorey, Rademann
→ Grosse déception : tout semble retenu vers l'arrière, comme si
chaque note était arrachée à la glaise, impression désagréable d'un
retard permanent sur son propre tempo – sans doute lié aux choix
d'attaque des cordes ? Solistes et chœur plaisants mais assez
lisses, on est vraiment loin du grand Rademann d'il y a quelques
années. (J'avais eu cette impression aussi en concert, depuis qu'il
varie les ensembles avec lesquels il travaille…)
Gesualdo
– Tenebræ – Graindelavoix
→ Lecture archaïsante qui met en valeur le plain-chant et lent
contrepoint plutôt que la déclamation théâtrale, en tirant l'esthétique
vers le XVIe siècle. Toutes choses qui se défendent, mais les timbres
assez blancs de l'ensemble m'empêchent d'y prendre le même plaisir.
Beaucoup plus séduit par la lecture résolument XVIIe, beaucoup plus
incarnée, de l'ensemble Tenebræ – parue deux semaines plus tôt.
Monsieur de Sainte-Colombe, Pierlot, Lucile
Boulanger, Rignol, Lislevand (Mirare)
→ Superbes versions, vivantes et lumineuses, du catalogue de
Sainte-Colombe.
Bach: Sonatas for Violin and Basso
Continuo, BWV 1021-1024 – La Divina Armonia (Hirasaki, Camporini,
Lorenzo Ghielmi)
→ Sensiblement plus rares au disque, me semble-t-il, que les sonates
violon-clavecin (BWV 1014-1020+1022) qui sont un rare cas de partition
d'accompagnement clavier entièrement écrite. Celles avec basse continue
(BWV 1020-1-3-4) évoquent davantage la tradition italienne, paraissent
moins sorties d'un univers parallèle, mais regorgent de beautés.
→ Beau son de violon très fin, aux phrasés courts, belle gambe
délicate, et clavecin un peu timide, tout cela est fort joli.
Dvořák, Smetana & Suk : Piano
Trios (intégrale) ; Irnberger, Geringas, Kaspar (Gramola)
→ Beaucoup de grain et d'engagement dans ce très bel ensemble, qui
comprend les quatre trios de Dvořák servis au plus haut niveau, ainsi
que les plus rares bijoux de Smetana et Suk.
Comme d'habitude Gramola se révèle une référence à suivre les yeux
fermés en matière de musique de chambre.
Beethoven – Complete Trios :
Triple concerto, « Septuor » ; Van Baerle Trio, De Vriend
(Challenge Classics)
→ Par le trio qui a magnifié la version originale du Premier Trio de
Mendelssohn, une intégrale Beethoven qui approche ici deux formats
insolites : la transcription du Septuor et le Triple
Concerto ! Avec un brio (et un orchestre bien-dialoguant et
tranchant !) qui reste comparable à la réussite du Mendelssohn !
Schumann: Overture, Scherzo &
Finale ; LSO, Gardiner (LSO live)
→ Toujours cette pâte très légère de Gardiner-LSO (le petit volume
était même très surprenant en concert). Beau travail fin, qui perd un
peu en puissance épique.
Vu la durée (20 minutes), je suppose que ce n'est disponible qu'en
dématérialisé.
Couperin / Gesualdo : Tenebræ,
par Tenebræ & Nigel Short (Signum)
→ Très belles versions, sobres et habitées, de deux des plus belles
compositions pour la Semaine Sainte. On admire vivement la maîtrise
conjointe de ces deux esthétiques très différentes.
Beethoven: String Quartets, Opp.
132, 130 & 133 ; Tetzlaff Quartett
→ Très belle interprétation, forcément, de ces quatuors de maturité –
avec un ringraziamento du Quinzième entièrement en diamant, sans
vibrato.
Pour autant, dans ce corpus saturé, il y a encore plus inventif /
cohérent / absolu à mon avis chez des ensembles constitués (Italiano,
Pražák, Takács, New Orford, Leipziger, Belcea, Brentano, Cremona…).
La Grande Fugue est tout de même stupéfiante d'aisance technique, comme
à peu près nulle autre je crois bien.
Couperin, Leçons de Ténèbres –
Mutel, Deshayes, Martin Bauer, d'Hérin (Glossa)
→ Continuo extraordinaire, Bauer éloquent à la gambe, et surtout les
réalisations au clavecin riches, mélodiques, élancées, originales de
Sébastien d'Hérin, pleines de dynamisme et de couleurs !
Vocalement, c'est moins idyllique : Deshayes reste très
« globale » mais plie sa grande voix avec grâce à l'exercice,
tandis que Mutel reste toujours aussi floue, et la voix vieillissant,
le blanchiment et le vibrato sur le timbre deviennent assez
désagréables, a fortiori dans ce type d'orfèvrerie – or sa technique
l'empêche de dire précisément le texte pour compenser…
Mérite néanmoins grandement l'écoute pour l'intérêt tout particulier de
l'accompagnement instrumental, parmi les plus aboutis de la vaste
discographie ! (et le meilleur de ceux avec clavecin, Christie
inclus)
Vivaldi: Concerti per flauto ;
Antonini (Alpha)
→ Très vivace interprétation de concertos largement documentés… Reste
la limite de l'instrument, en particulier le flautino pépiant (et pas
toujours juste), qui n'est pas l'instrument le plus admirable ni le
moins agaçant qui soit.
Zemlinsky — Sinfonietta, , 6 Songs,
Op. 13 & Der König Kandaules — ÖRF (Capriccio)
→ Très belles versions (en particulier les extraits du Roi Candaule
avec Siegfried Lorenz !). Je n'ai pas vérifié si les Maeterlinck avec
Petra Lang sont aussi une réédition.
Beethoven: Symphony No. 5 ;
MusicAeterna, Teodor Currentzis (Sony)
→ Excessivement rapide, tendue comme un arc, une version qui ose le
tempo extrême suggéré par Beethoven, qui fait par endroit exploser le
col legno et les timbales, avec des cuivres plus capiteux qu'à son
ordinaire, et un véritable concerto pour contrebasson final !
Il existe versions plus construites (de Markevitch à Janowski, en
passant par Dohnányi, Hogwood et le dernier Harnoncourt), moins fondées
sur la seule énergie cinétique, mais le résultat demeure assez
irrésistible, et pour une fois particulièrement neuf – ce qui était
beaucoup moins patent dans leur tournée l'an passé.
commentaires
nouveautés : rééditions
Strauss – les grands poèmes
symphoniques – Museum de Francfort, Weigle (Oehms)
→ Rééditions sous forme de coffret contenant tous les volumes
précédents.
On dit toujours que Kempe-Dresde constitue l'horizon indépassable de
ces poèmes, et c'est tout à fait vrai, mais Zinman-Tonhalle et
désormais Weigle-Museum peuvent tout à fait prétendre au titre.
→ Cette fluidité et cet élan miraculeux, servies par ce qui est
possiblement l'orchestre le plus déraisonnablement virtuose d'Allemagne
(et donc du monde), en font un jalon discographique capital – comme
tous les Wagner-Strauss-Berg de Weigle, au demeurant.
→ Parmi les œuvres rares, une Deuxième Symphonie d'un romantisme
flamboyant, pas du tout décadent, servie avec un feu étourdissant.
Beethoven – Symphonies – Sk Dresden,
Blomstedt (Edel Kultur)
→ Remasterisation de ce beau cycle tradi mais habité, qui a connu une
diffusion large grâce à la reparution sous licence chez Brilliant (déjà
dans un son excellent).
Hors nouveautés, beaucoup de jolies découvertes pour moi ! (Les
Hummel, je ne les avais pas écoutés depuis tellement longtemps…)
Nouveautés écoutées et commentées de ces dernières semaines (mises à
jour au fur et à mesure dans ce tableau – il contient même la planification
d'écoutes à faire ou refaire, que je vous ai épargnées ici).
Du vert au violet, mes recommandations.
♦ Vert : réussi !
♦ Bleu : jalon considérable.
♦ Violet : écoute capitale.
(Les disques sans indication particulière sont à mon sens de très bons
disques. Dans les cas où je ne recommande pas forcément l'écoute, je
place le texte en italique.)
On parle sans cesse de la crise du
disque – et c'est tout sauf un mensonge, si l'on parle des
recettes – ; cependant, du point de vue de l'auditeur, l'offre n'a
jamais été, d'année en année, aussi riche, aussi variée – ni, ai-je
envie d'ajouter, d'aussi haut niveau. Des pans entiers qui restaient à
découvrir sont révélés – quantité de compositeurs dont on ne
soupçonnait pas l'existence, même –, et servis dans des interprétations
et des prises de son fantastiques.
J'ai ainsi tenté, pour l'année passée, le principe d'écouter les sorties qui se font
chaque semaine, le vendredi, de façon en particulier à ne pas laisser
passer les raretés des labels spécialistes.
Résultat : 385 nouveautés
effectivement écoutées – soit en moyenne plus d'un nouveau
disque par jour, en comptant pour 1 les opéras à 3 CDs et les coffrets
divers… sur 817 albums relevés
pour ma liste d'écoute. Loin de tout avoir éclusé, malgré le sacerdoce
de donner la priorité aux nouveautés indépendamment de mes avis de
découverte ailleurs (ou de réécoutes d'œuvres déjà aimées).
[Conséquence logique : j'ai découvert moins d'opéras diffusés en ligne
comme le fait Operavision.eu, par exemple.]
J'ai tenté de tenir un journal des écoutes, avec un peu plus de 120
disques commentés… mais il n'est pas possible d'empiler 1 heure
d'écoute + 20 minutes de recherches / rédaction en plus de tenir CSS,
d'aller au concert, de mener une vie à peu près normale… Ce serait un
travail à temps plein (mécènes bienvenus).
Qu'en tirer ? L'écrasante
majorité de disques très réussis, et une confortable part d'extrêmement aboutis et
jubilatoires. Et contrairement à ce qu'on pourrait croire, énormément
de raretés relatives ou absolues. J'admets que c'est aussi l'effet de
mon filtre personnel (il y a eu facilement 3 fois plus de parutions
classiques que mon décompte limité à ce qui m'intéresse), les millièmes
versions des Sonates de Schubert par des pianistes vieillissants ou à
la mode ne figurent pas dans mon relevé… Pour autant, ces disques
existent, et l'existence de plates-formes de musique dématérialisée les
rend beaucoup plus accessibles que lorsqu'il fallait qu'ils soient
sélectionnés par le disquaire. On peut par ailleurs les essayer sans
(davantage) bourse délier.
Je vous invite, si circonspects, à essayer les disques dont il va être
question sur les sites concernés : Deezer ou Spotify en gratuit, Qobuz
ou Naxos Music Library en payant (mais avec accès aux notices)… Bon
moyen de mesurer sa motivation avant achat, ou d'élargir le spectre de
ses écoutes.
Profitons de l'Âge d'or.
2) Les Putti d'incarnat : Les albums
incontournables de 2019
Récompense suprême, attendue par tout ce que la musique compte de plus
éminents représentants, le putto
d'incarnat est remis par l'ensemble de la rédaction de Carnets sur sol, réunie en collège
extraordinaire. Certains (mon oncle et moi) considèrent qu'il est un
peu au Diapason d'or ce qu'est une remise de Nobel à un passage chez
Ruquier.
Il récompense un accomplissement hors du commun, et garantit l'absence
de complaisance envers l'avis général ou le bon goût : c'est la seule récompense au monde qui
rende fidèlement compte de ce que j'ai aimé. Et ça, c'est important
(pour moi).
Les récipiendaires de ce prix convoité reçoivent l'assurance qu'ils bouleversent la discographie, voire
notre connaissance du
répertoire, apportent un éclairage nouveau, nous ravissent sous tous
les angles possibles.
♣ À part et tout en priorité,
les parutions de Das
Schloß Dürande
(même dans sa version ridiculement censurée) et Tarare marquent
notre vision de l'histoire de la musique. Ce ne sont pas les deux
parutions de l'année, mais de la décennie, pour ne pas dire de
l'histoire du disque. On les espérait depuis des années, sans même en
rêver la réalisation de ce niveau. Incontournables.
(Voir descriptions infra.)
Les autres étapes de cette sélection sont aussi des disques immenses.
Musique vocale :
ŒUVRES : PIÈCES DRAMATIQUES
♦
LULLY
– Isis – Talens Lyriques, Rousset (Aparté) → Suite de
l'intégrale LULLY, que personne ne maîtrise mieux à
présent que les Talens Lyriques ; dans les prises de son Aparté, c'est
plus encore qu'au concert une explosion de couleurs, un frémissement
permanent qui permet de réévaluer considérablement l'intérêt d'une
œuvre qui passe (et qui l'est, probablement) pour l'une des plus
faibles de son auteur. L'enfilade de tubes
irrésistibles aux actes III et IV (« Liberté », « L'Hiver qui nous
tourmente », « Tôt tôt tôt »…) fait réviser ce jugement, surtout dans
une version aussi éloquemment dite et aussi sonorement avenante.
♦ Gervais – Hypermnestre – Orfeo Orchestra,
Vashegyi (Glossa) → Encore un maillon manquant de la tragédie en
musique révélé par Vashegyi. Gervais, maître de la musique du Régent,
sensible aux apports italiens, est pour la première fois documenté au
disque comme compositeur d'opéra. Fresque haletante où l'on admire en
particulier la mobilité expressive des récitatifs (et l'élan de la
matière musicale). Très agréablement impressionné par Watson et Dolié,
que je n'apprécie guère dans ce répertoire d'ordinaire, mais qui
fendent remarquablement l'armure et leurs habitudes pour servir leurs
personnages terrifiants.
♦ Salieri – Tarare – Talens Lyriques, Rousset
(Aparté) → L'unique livret de Beaumarchais, adapté au fil des régimes
politiques de l'Ancien Régime à la Restauration, une forme très
originale d'opéra fluidement durchkomponiert,
au sens du texte assez incroyable, parcouru de rebondissements et de
tubes irrésisitbles. Dans une exécution et distribution idéales. (commentaire ici) Série de notules à lire à partir d'ici.
♦ Grétry – Raoul Barbe-Bleue – Orkester Nord, Wåhlberg (Aparté)
→ J'ai hésité à inclure celui-ci, l'œuvre n'étant pas un jalon de même
importance dans le panorama musical, et mon jugement étant peut-être
biaisé par mon goût pour le genre, ma participation à la marge du
projet. Cependant, est-ce parce que j'ai passé beaucoup de temps à
l'étudier, indépendamment de sa place historique assez fascinante, j'y
trouve certains moments irrésistibles musicalement – toutes les
interventions de Raoul sont d'une rare prégnance. Et la découverte de
cette première version discographique a été un choc par la qualité
suprême de sa réalisation. (Notule sur l'œuvre et le disque.)
♦ Vaccaj (Vaccai) – Giulietta e Romeo – Scala, Quatrini
(Dynamic) → Pas du même niveau que les autres recommandations, mais à
l'échelle de l'opéra italien du XIXe siècle, une nouvelle parution
(bien chantée, et avec un orchestre en rythme cette fois !) de ce
chef-d'œuvre du belcanto est assez considérable. Assez peu donné alors
qu'il vaut, à mon sens, les meilleurs Donizetti et Bellini (et surpasse
même ses Capulets sur le même
sujet !), Vaccaj fait preuve d'un sens dramatique inhabituel dans ce
répertoire, avec un véritable rythme dans l'action, sans être avare de
génie mélodique. Prise de son très supérieure aux habitudes de Dynamic.
♦ Gade – Elverskud / Erlkönigs
Tochter – Concerto Copenhagen, Mortensen (Da
Capo)→ Grande cantate dramatique d'après la
ballade sur Herr Oluf. Version (allemande par des Danois) à couper le
souffle, pleine de tension et de fraîcheur tout à la fois. (Notule sur l'œuvre et la discographie.)
♦ Ölander – Blenda – Radio Suédoise, Bartosch
(Sterling) → Un témoignage important du romantisme suédois, de la très
belle musique lyrique et riche, très bien servie. Beaucoup d'opéras de
ce genre (dont un Solhaug
d'après Ibsen !) sont à découvrir chez Sterling.
♦ Schoeck – Das Schloß Dürande – Bern SO,
Venzago
(Claves) → Parution tellement attendue d'un chef-d'œuvre lyrique du
temps, d'une
générosité décadente incroyable – même si le livret en a été
complètement récrit (!) pour des raisons idéologiques discutables
(suspicions vaporeuses de références éventuellement compatibles avec le
nazisme). Reste une expérience très forte, pour la musique – par
ailleurs le
nouveau livret n'est pas mal, indépendamment du caractère débattable
de cette récriture du passé. Interprétation d'une générosité folle. (commentaire ici)
ŒUVRES : MUSIQUE VOCALE
SACRÉE
♦
Werrecore, Josquin, Gaffurius,
Weerbeke – « Music for Milan Cathedral » – Siglo de Oro, Patrick Allies
(Delphian) → De belles découvertes, et dans des musiques
en
principe assez formelles et uniment contrapuntiques, l'impression d'une
vie organique qui fascine de bout en bout.
♦ Dowland, Dering, de Monte, P.
Philips, Watkins, R. White – « In a Strange Land » – Stile Antico
(HM) →
Outre le propos stimulant (compositeurs élisabéthains en exil), une
exécution qui magnétise par la netteté (frémissante) de ses timbres et
de ses phrasés. Un autre album à recommander à tous ceux qui craignent
l'ennui dans la musique pré-1600. (commentaire ici)
♦ Pękiel – intégrale – Octava
Ensemble (DUX) →
Témoignage capital d'une musique sacrée encore marquée par la pensée
polyphonique de la Renaissance, mais bénéficiant de toute la rhétorique
verbale et musicale baroque, un très grand choc. (commentaire ici)
♦ « The Musical Treasures of Leufsta
Bruk » vol.3 (BIS) →
Série débutée en 2011 autour de la bibliothèque d'anciens patrons
miniers du fer à Lövstabruk, aux XVIIe et XVIIIe siècles. Le volume 3
se consacre à la musique sacrée, vocale ou avec orgue. Pièces de grande
qualité et interprétation saisissante de fraîcheur.
♦ Leopold Mozart – Missa Solemnis– De Marchi (Aparté) →
Prégnance mélodique, orchestration riche et tournures personnelles, un
petit bijou qui sort pour de bon Leopold de son image (entretenue par
ce qui était jusqu'ici disponible au disque !) de précepteur et
Pygmalion. (commentaire ici)
♦ Stanford – Messe « Via Victrix » –
BBC Wales, Partington (Lyrita) → Un Stanford inhabituellement
contrasté, doté de belles modulations et atmosphères originales. (commentaire ici)
ŒUVRES : MUSIQUE VOCALE
PROFANE
♦
Ph. Lefebvre / Clérambault /
Montéclair – extraits de cantates – Zaïcik, Le Consort (Alpha) →
Redécouverte d'un compositeur tardif de cantates, interprété avec un
feu et une hauteur de vue saisissants. (commentaire ici)
♦ « Dubhlinn Gardens » – A. Besson,
A Nocte Temporis, R. Van
Mechelen (Alpha) → À la frontière entre les chansons à la mode
d'époque et l'air de cour, un disque qui enchante par sa variété et le
naturel de ses enchaînements. Un des disques que j'ai le plus écoutés
cette année ! (commentaire ici)
♦ Mozart – extraits orchestrés
d'inachevés (Lo
Sposo deluso) + Salieri,
Cimarosa, Martín y Soler… – Pygmalion, Pichon (HM) → Deux
musicologues (Dutron et Manac'h) ont orchestré des esquisses de Mozart
(dont un opéra très similaire à l'esprit de Così fan tutte et aux tournures de Don Giovanni et La Clemenza di Tito), que le
programme mêle avec ses canons vocaux, des airs de concert et des
œuvres
de contemporains (superbe scène d'ensemble de Salieri, évidemment).
L'impression d'entendre pour la première fois de nouveaux Mozart du
niveau des grands chefs-d'œuvre…
♦ « Soleils couchants » Fauré, Wolf,
N. Boulanger
& autres– E. Lefebvre,
Bestion de Camboulas
(Harmonia Mundi) → Récital sur orgue Cavaillé-Coll de
salon
riche en invités et transcriptions. Petite merveille pleine de
surprises. (commentaire ici)
Musique instrumentale :
ŒUVRES : MUSIQUE
CONCERTANTE
♦
Offenbach – Concerto pour
violoncelle – Edgar Moreau, Les Forces Majeures, Raphaël Merlin
(Erato) → L'équivalent des concertos de Paganini,
une grande virtuosité à la veine mélodique jubilatoire. Et assez
nourrissant musicalement. Aussi évident que sa musique vocale, mais
dans une forme et une continuité qui ne cèdent pas à la facilité. (commentaire ici)
♦ Bruch – Doubles concertos (2 pianos
; clarinette & alto) – ÖRF, Griffiths (Sony)→ D'un intérêt
inattendu, ces doubles concertos se révèlent non seulement d'une veine
mélodique généreuse mais aussi d'une richesse musicale certaine, très
au delà du simple exercice de virtuosité ou essai de dispositifs
nouveaux. Griffiths a toujours un côté confortable, mais l'ÖRF plus
rêche et les solistes très élancés tirent ce disque vers le meilleur !
♦ Graener – Œuvres orchestrales vol.4
: Concertos (flûte, violon, violoncelle) – Radio de Munich, Schirmer (CPO)
→ Dans divers styles, tirant
plutôt sur le décadent, le
postromantique, le moderne ou le néo-, des concertos très aboutis et
originaux, davantage musicaux que purement virtuoses. (Il faut
absolument écouter les autres volumes, notamment la Symphonie et les
Variations sur Prinz Eugen !)
ŒUVRES : MUSIQUE
SYMPHONIQUE
♦
Rösler – Symphonie en ut +
Concerto
pour piano en mi bémol – Hönigová, Orchester Eisenberg, Sycha
(Koramant) → Des œuvres d'un premier romantisme postclassique pleines
de saveur, de mélodies, de beaux effets… L'Orchester d'Eisenberg, sur
instruments anciens, délivre de merveilleux sons capiteux, plein de
grain et d'ardeur.
♦ Hallberg, Dente – Symphonies –
Malmö SO, Radio Suédoise (Sterling) → Du romantisme du second
XIXe qui sonne plutôt comme un maillon intermédiaire entre Beethoven et
Mendelssohn… mais regorge de beautés, malgré l'interprétation sur
instruments modernes aux contours pas toujours parfaitement fermes
(nullement molle cependant !). De très belles symphonies qui ajouteront
aux plaisirs de tous ceux qui aiment déjà le romantisme optimiste,
conservateur et séduisant qui s'étend de Mendelssohn jusqu'à Sinding.
♦ Volbach – Es waren zwei Königskinder,
Symphonie en si mineur – Münster SO, Golo Berg
(CPO) → Très belle symphonie d'un postromantisme sophistiqué, mais
disque surtout marquant pour son poème symphonique liminaire, des
atmosphères extrêmement variées et une progression construites, dans
une recherche harmonique et une veine mélodique généreuses. Très belle
découverte.
♦ Magnard – Symphonies 3 & 4 –
Freiburg PO, Bollon (Naxos) → Coup de tonnerre, qui tire enfin
Magnard de l'opacité germanique pour le faire dialoguer avec tout ce
qu'il doit au folklore français. De la danse et de la couleur qu'on
percevait difficilement dans les versions antérieures, et qui révèlent
un corpus passionnant. (commentaire ici)
♦ Liatochynsky (Lyatoshynsky) –
Symphonie n°3 – Bournemouth SO, Karabits (Chandos) → Comme la
Deuxième de Chtcherbatchov, une symphonie expansive aux dimensions et
ambitions mahlériennes, immense flux très impressionnant et généreux,
loin des martèlements motoriques de sa musique pour piano, bien plus
proche de l'esprit généreux et troublé des décadents germaniques, dans une
interprétation très ample et aérée.
ŒUVRES : MUSIQUE DE
CHAMBRE
♦
Offenbach – Musique pour
violoncelle – Rafaela Gromes, Wen-Sinn Yang, Julian Riem (Sony)→ Legs chambriste à deux
violoncelles ou avec piano, des merveilles interprétées de façon tout à
fait superlative.
(commentaire ici)
♦ La Tombelle – Musique de
chambre (+ chœurs + musique symphonique) – (Bru Zane) →
En complément des délectables mélodies parues en 2017 chez Aparté, un
coffret Bru Zane vient préciser la figure de Fernanad de La Tombelle,
révélant en particulier de belles qualités de chambriste (quelques très
beaux chœurs aussi), dans une veine traditionnelle / académique, mais
non sans talent – la Suite pour
trois violoncelles ou le Quatuor piano-cordes en témoignent !
♦ Kovařović – Quatuors – Stamitz SQ (Supraphon)→
Du romantisme schubertien à la fin du XIXe siècle, mais de très belle
facture… comment faire le difficile ? (commentaire ici)
♦ Labor – Quatuor piano-cordes,
Quintette piano-cordes – Triendl (Capriccio)→ Un romantisme
tardif
remarquablement construit, qui s'adjoint en outre des aspects
folkloriques tout à fait délicieux. Mériterait d'être aussi
régulièrement enregistré que les Taneïev et Suk, à défaut de pouvoir
espérer les entendre quelquefois en concert…
♦ Martinů – Sonates violoncelle-piano
–
Nouzovský, Wyss
(Arco Diva) → Des œuvres où se réalisent le potentiel réel de
compositeur de Martinů (toujours perceptible, pas systématiquement
accompli), dans une interprétation de toute première classe, à la
plastique splendide et au propos profond. (commentaire ici)
♦ Baculewski – Quatuors – Tana SQ (DUX)
→ Épousant au fil des années les styles du XXe siècle avec beaucoup de
bonheur, un ensemble qui ravit par sa densité musicale et son caractère
accessible, tout en servant de guide, en quelque sorte, à travers
l'évolution des goûts et des écoles. Très belle exécution du Quatuor
Tana qui joue aussi, en concert, des programmes véritablement
originaux.
Interprétations hors du
commun :
VERSIONS : MUSIQUE
VOCALE PROFANE
♦ Schubert – Die schöne Müllerin – Roderick
Williams, Iain Burnside (Chandos) → Le meilleur interprète (de
tous les temps) des songs britanniques
(Ireland, Butterworth, Finzi, Britten, Vaughan Williams…) est aussi un
prince du lied – le quatrième mousquetaire des grands spécialistes
actuels, avec Goerne, Gerhaher et Bauer. Cette Belle Meunière, avec son excellent
complice habituel, tient même davantage que ses promesses, tant
l'expression y est limpide et directe, sise sur un timbre toujours
délicatement mordant et délicieux. Une des très très grandes lectures
du cycle.
VERSIONS : MUSIQUE
CONCERTANTE
♦ Elgar – Concerto pour
violoncelle – Gary Hoffman, OPR Liège, Arming
(La Dolce Volta) → Disque de novembre 2018, mais tellement exceptionnel
que je l'ai inclus dans la sélection de l'année 2019. Le meilleur
violoncelliste concertiste actuel y déploie une infinité d'attaques, de
textures, de timbres… au sein d'une conception totalement continue et
cohérente. Grand. (commentaire ici)
VERSIONS : MUSIQUE
SYMPHONIQUE
♦ Beethoven – Symphonies 5 &
6 – WDR, Janowski
(PentaTone) → Il est donc possible de graver encore des références pour
ces
symphonies ! Janowski, arrivé en sa pleine maturité, de commet
plus que des miracles. Ici, la quadrature du cercle, un Beethoven qui a
la chair de la tradition mais un nerf fou, et surtout une qualité
d'articulation… tous les détails d'orchestration chantent et font sens, tenus par une tension
ininterrompue – de nature très différente dans la 5 et la 6, évidemment.
♦ Brahms – 4 Symphonies – Zehetmair
(Claves) → Un Brahms vif, souple, aux phrasés de cordes très travaillés
et justes – on y sent, plus encore que le violoniste, le quartettiste !
(commentaire ici)
♦ Mahler – Symphonie n°4 – London PO,
Vladimir Jurowski (LPO Live)
→ Une lecture d'une verdeur incroyable… cette symphonie chambriste et
modérée est parée d'éclats nouveaux, des chalumeaux vous crient dans
les oreilles, chaque instant le plus contemplatif est articulé et
tendu… des strates de vie se révèlent, jusque dans la grande réussite
de son sommet, le Ruhevoll,
qui au lieu d'être simplement construit vers son climax, fascine à
chaque instant par sa progression et ses détails. À mon sens la plus
belle Quatrième jamais
publiée, tout simplement.
♦ Sibelius – Symphonie n°1 – Göterborg
SO, Rouvali (Alpha) → Traiter les transitions de Sibelius comme
si elles étaient les thèmes, Rouvali le fait dans les symphonies de
Sibelius… et dans la Première,
le résultat est réellement impressionnant et renouvelle totalement la
façon d'écouter ces œuvres. (commentaire ici)
♦ Roussel, Dukas – Le Festin de
l'Araignée, L'apprenti Sorcier –
ONPL, Rophé (BIS) → Grâce à la captation BIS (toujours aussi
claire et colorée) et à l'augmentation considérable du niveau de
l'Orchestre National des Pays de la Loire avec Pascal Rophé, une grande
référence pour le chef-d'œuvre de Roussel, incroyablement détaillé,
vivant, et chaleureux, avec un son aussi aéré que la toile qui lui sert
de scène, aussi joyeusement bigarré que les habitants qui la traversent
!
♦ Holst – The Planets – Bergen PO,
Litton (BIS) → Litton, dans sa fructueuse association avec
Bergen, livre ici une vision originale des Planètes,
et peut-être la plus aboutie de toutes : plutôt que d'y chercher le
figuralisme déjà évident, il en exalte la musique pure, la beauté des
alliages timbraux, et on y entend passer tout le Debussy qui inspire Venus,
toutes les recherches harmoniques ou tous les effets d'orchestration,
au service d'un élan mélodique et tout simplement d'une musique, qui,
en tant que telle, ravit. Avec les timbres du plus bel orchestre du
monde et les meilleurs preneurs de son en exercice, le résultat est
d'autant plus gratifiant pour l'auditeur.
VERSIONS : MUSIQUE DE
CHAMBRE
♦
Schubert – Quatuor n°14 –
Quatuor
Novus (Aparté) → Lisibilité absolue de chaque ligne, accents,
bonds, un grand coup de frais comme on n'en avait pas vécu depuis les
Jerusalem. (commentaire ici)
♦ Schubert – Quatuor n°14, Quintette
à cordes – Quartetto di Cremona (Audite) → … et il y avait
encore de la place pour une autre grande version, remarquablement
construite et tout en clair-obscurs. (commentaire ici)
Rééditions :
RÉÉDITIONS
♦ Guédron, Belli, Castaldi… – airs de
cour du XVIIe s. – Poème
Harmonique, Dumestre (Alpha) → Réunion de la plupart des grands
albums de l'ensemble, à la fois des découvertes et des interprétations
suprêmement inspirées (Cœur !).
♦ Bach – Passion selon saint Jean –
Radio Bavaroise, Dijkstra (BR Klassik) → Une des plus mobiles et
intenses interprétations de l'œuvre – l'Orchestre de la Radio est
crédité, mais tout est réalisé de façon extrêmement informée, une
version pour petit ensemble et modes de jeu anciens.
♦ Mozart – Don Giovanni – RIAS,
Fricsay (DGG) → Une des grandes versions de l'œuvre, avec des
solistes aux caractères extraordinairement marquants. Seule petite
faiblesse, les ensembles où les timbres sonnent un peu disparates.
♦ Kraus – Anthologie – divers
interprètes → Réunion de disques de cette très grande figure de
la fin du classicisme. Indispensable si on ne les a pas déjà.
♦ Berlioz – La Damnation de Faust – O.
Lamoureux, Markevitch (DGG) → L'interprétation orchestrale de
référence où chaque détail instrumental prend immédiablement sens. Et
plateau splendide.
♦ Miaskovski – Intégrale des Quatuors
– Taneyev SQ (Northern Flowers) → Corpus soviétique majeur qui
évolue du postromantisme sobre (les 4 & 5 sont extraordinaires) à
l'épure plus abstraites, comme ses Sonates pour piano.
♦ Liebermann – Penelope – Opéra de
Vienne, Szell (Orfeo)
→ Dans la lignée des grands opéras allemands décadents, Liebermann
écrit un opéra qui soutient la comparaison avec les réussites de R.
Strauss, Schreker ou Schoeck. Là aussi, à découvrir absolument.
(Reparaît aussi l'École des femmes
qui porte un peu plus, à mon sens, la marque des limites du langage de
son temps.)
3) Autres albums
magnifiques de 2019
Je ne puis tous les nommer… Voyez les titres
en gras dans le tableau (sauf la colonne en vert, où le gras
indique mon souhait particulier d'écouter).
Les titres soulignés
sont ceux que j'attendais impatiemment – s'ils ne sont pas en gras,
c'est qu'ils ne m'ont pas forcément autant impressionné que je le
souhaitais, sans démériter par ailleurs. Car ceux qui ne figurent pas
en gras sont aussi des disques réussis ! Comme vous le voyez, il y en a
beaucoup, rien qu'avec les splendides réussis en gras, c'est déjà plus
que je ne puis présenter…
4) Les déceptions
Car sans la liberté de blâmer il n'est point d'éloge flatteur, comme le
clame le frontispice d'un journal connu pour sa liberté de disconvenir
avec ceux qui ne sont pas d'accord avec lui, un petit mot tout de même
de disques qui n'ont pas tenu leurs promesses. Il y en a finalement
assez peu.
D'abord de bons disques pas tout à fait à la hauteur de leur programme
annoncé : ♠
La morte della Ragione du
Giardino Armonico rassemblant de jolies pièces pour flûte (peu
passionné par les œuvres, je n'ai pas lu la notice, mais à l'écoute du
programme, le concept est peu évident), ♠
les Tchaikovsky Treasures
de Guy Braunstein (quelques arrangements joliets de ballet en plus du
très rare Concerto pour violon, en plus dans une interprétation qui ne
me séduit pas, commentaire ici), ♠
l'Opéra des opéras de
Niquet (je sais que ça se vend mieux, mais les programmateurs devraient
accepter une fois pour toute que les cantates ou opéras constitués en
pot-pourri, sauf à en récrire en profondeur le texte et les récitatifs,
ne fonctionnent jamais – commentaire ici). Parcours passionnant au
demeurant dans des raretés, mais le résultat n'accroche pas bien – il
faut dire que je n'en aime pas trop les chanteurs non plus…
Ensuite des versions qui ne sont pas du tout prioritaires à mon sens :
quand ce sont des œuvres rares, on peut quand même tenter (K.-A.
Hartmann par l'Airis SQ, Hillborg par le Calder SQ) même si je
recommande d'écouter plutôt d'autres versions, mais sinon, pas vraiment
d'intérêt de se jeter sur ces nouveautés. Dans cette catégorie, le Trio
de Lekeu chez Brilliant (timbres assez acides), le dernier Goerne
(assez empâté pour le léger et mordant Liederkreis Op.24, question de
correspondance quasiment physiologique), les Vier letzte Lieder de Lise Davidsen
(plus épais qu'impressionnant, très global, discutablement chanté) et
des interprétations très tranquilles de Gielen (réédition de Mahler 6),
Noseda (Tchaïkovski 4 avec le LSO), Ozawa (Beethoven 9 avec son Mito).
Quelques disques qui ont un peu plus agacé aussi : ♠
L'album de tragédie en musique de Katherine Watson. Programme
passionnant, mais confier cela à une seule voix, aussi peu tournée vers
la déclamation, aussi peu variée en couleurs… assez frustrant. Elle
progresse et s'est montrée superbe en Hypemnestre chez Gervais, mais
d'autres profils étaient mieux adaptés pour en servir le texte.
Pourtant, dans le domaine des voix que je n'aime pas, Van Mechelen
propose un récital consacré au répertoire du chanteur historique
Dumesny où le programme s'incarne bien davantage, y compris dans
l'interprétation ; très convaincant et écouté plusieurs fois avec
beaucoup de plaisir, une réelle réussite (alors que la matière vocale
me déplaît plus a priori que
celle de Watson). ♠
Coïncidence, autre membre de la distribution d'Hypermnestre, Thomas Dolié publie
un Schwanengesang. Cuisante déception à l'écoute (après avoir beaucoup
aimé, il y a plus de dix ans, ses Wolf en salle), entre la voix pâteuse
et l'allemand pas très beau. Là aussi, on sait qu'il peut mieux et ce
récital ne le met pas en valeur. ♠
Rinaldo dans sa refonte
napolitaire par Leonardo Leo. Peu de changements par rapport à
l'original, Fabio Luisi dirige cela d'une façon assez peu informée (ou
même seulement intéressante, pour un chef de sa trempe), la captation
Dynamic est hideuse, les chanteurs, excellents dans d'autres
répertoires, pas très brillants ici. Je ne comprends pas bien pourquoi
diffuser un état assez peu différent d'une partition connue capté dans
de mauvaises conditions avec des interprètes dans un mauvais soir. (commentaire ici)
Et puis, quelquefois, ce sont les œuvres : ♠
Say, Concerto pour violon. Sa musique respire ici encore la bonne
intention, magnifier les ponts entre les cultures, mais le résultat
paraît vraiment sommaire. ♠
Terterian, Symphonies 3 & 4 par Bournemouth et Karabits. Beaucoup
de copains adorent ça, donc ce doit avoir un intérêt. Mais si je dis
honnêtement mon sentiment, j'attends toute la symphonie que la
musique commence. Des aplats d'à peu près rien (ainsi les percussions
liminaires, qui durent, durent…) qui se prolongent et se succèdent. Je
voulais l'essayer dans les bonnes conditions de son et
d'interprétation, considérant la réussite de leur Liatochinsky n°3
(Lyatoshynsky) paru plus tôt cette année, l'interprétation n'a pas
causé de révélation, tant pis.
Tout cela non pour le plaisir de médire, mais pour montrer (que j'aie
raison ou tort dans mes dédains) :
1) que je n'entends pas tout placer sur le même plan
(reproche parfois lu) ;
2) qu'il y a finalement très peu de disques
décevants dans cette fournée 2019 (j'ai cité presque tous ceux qui
l'ont été !) ;
3) qu'aucun n'est scandaleusement mauvais. Pas
convaincant tout au plus – même le Rinaldo
tout moche de Naples n'est pas un naufrage.
Il se bal(l)ade sans doute des disques absolument sans intérêt dans les
trop-ièmes gravures de Chopin
chez les Majors par des
pianistes essentiellement distingués pour leur coiffure, ou décidément
trop mal captés par des labels à compte d'auteur, mais je n'arrive pas
à citer un disque, dans les 385 écoutés parmi les 857 relevés pour
moi-même, qui serait profondément mauvais. Quelques-uns n'atteignent
pas leurs objectifs, mais tout cela s'écoute fort bien (sauf Terterian,
certes, mais pour d'autres raisons).
… Voilà de quoi vous occuper, déjà, pour une partie de 2020 ! Je
ne suis pas sûr de reconduire l'expérience l'an prochain : le principe
a l'avantage d'obliger à écouter hors de sa zone de confort et à faire
de splendides découvertes lorsque les parutions ralentissent, mais il
faut aussi renoncer à réécouter les genres ou œuvres qu'on aime, au gré
de ce qui est publié, et ne pas trop s'attarder sur les disques
merveilleux qu'on vient de découvrir. À reprendre en assouplissant sans
doute (200 plutôt que 400 disques à écouter, par exemple) ; peut-être
en se dispensant des versions nouvelles – mais elles réclament moins
d'attention que les œuvres nouvelles, il faut être honnête, et
nourrissent les papotages entre mélomanes…
N'hésitez pas à partager vos propres coups de cœur ou vos divergences !
(Ne m'en veuillez pas si je ne puis
publier ni répondre à vos commentaires dans les prochains jours, je
serai jusqu'au 6 janvier en chasse d'églises interlopes dans un lieu
lointain où ma disponibilité sur le réseau sera incertaine. Tout sera
évidemment mis en ligne au bout du compte, et recevra réponse. Belle
année nouvelle à vous !)
Suite à notre petit apocalypse marial d'il y a quelques jours,
plusieurs
messages me pressent, toutes affaires cessantes, de proposer une petite
sélection de musiques relatives à Notre-Dame de Paris. Je m'exécute
donc, dans la logique de la série consacrée aux musiques dévolues à
divers ambiances et états d'esprit :
Le nombre de musiques créées sur place ou faisant simplement référence
au lieu étant bien sûr écrasant, je propose simplement un petit
parcours parmi bien d'autres.
1. Histoire de la musique
a) Naissance de la
polyphonie
Jusqu'en 1170, on pratiquait pour la liturgie comme partout le chant
grégorien, chant monodique interprété à l'unisson. Alors même qu'on est
en train de démolir progressivement, depuis 1160, l'ancienne
basilique-cathédrale romane Saint-Étienne pour la remplacer par la
gothique Notre-Dame, apparaît pour la première fois dans nos archives
la trace d'une musique (occidentale) réellement polyphonique. Léonin et son
successeur Pérotin composent des pièces à l'écriture encore très verticale (des quartes et quintes en
bourdon, c'est-à-dire tenues à l'infini, sur lesquelles se greffe une
mélodie), mais qui ouvrent la voie à toutes les autres formes
non-unisson possibles – et donc, ultimement, aux mouvements fugués de
Schönberg.
C'est ce que l'on appelle l'École de
Notre-Dame (qui continue par ailleurs à produire, simultanément,
des musiques monodiques).
[[]] Alleluia pour la
Naissance de la Vierge, un organum à trois voix écrit par Pérotin.
Ensemble Organum, Marcel Pérès (Harmonia Mundi).
Les consonances ne sont pas
les mêmes que les nôtres : la logique de l'accord en tierces do-mi-sol
se fixe au XVIe siècle avec Palestrina, et notre logique de composition
familière (par accords successifs plus que par bourdons ou contrepoint)
au début du XVIIe siècle avec l'installation du style dit baroque (nom
rétrospectif attribué par les romantiques). On est frappé par les
tremblements ornementaux de la mélodie, et surtout par ces mélismes par
à-coups, ces déraillements imprévus de la référence tonale (par
demi-ton), le tout procurant un caractère que nous associons plutôt,
d'ordinaire, aux musiques orientales.
Proposition de référence sonore : l'ensemble Organum, avec des voix très
franches, pas du tout lyriques, qui permettent de faire mieux
comprendre le goût pour les intervalles purs (pour des raisons acoustiques physiques) de quarte et de quinte.
b) Les offices du Grand
Siècle
Évidemment, les styles se succèdent pour accompagner la liturgie selon
les injonctions et les goûts de chaque époque. Aux XVIIe et XVIIIe
siècles cohabitent au sein de la liturgie plusieurs formes d'expression musicale
sacrée.
À côté des grands moments obligés de la messe (Kyrie, Gloria, Credo,
Sanctus, Agnus Dei…), on adjoignait des
motets (une notule sera publiée sur la question des esthétiques
parisiennes et provinciales dans les messes du XVIIe…), c'est-à-dire
des textes plus brefs qui complètent l'ordinaire (en général des
psaumes, on en trouve des guerriers, des funèbres, des apocalyptiques,
des consolateurs…). Tout cela dans le langage musical du temps, parent
de celui qu'on jouait en musique de chambre (vocale ou non) ou pour
l'opéra (même si la musique sacrée était davantage tournée vers les
effets d'imitation, d'écho, vers le contrepoint…).
[[]]
« Dulcis Christe », du motet
Immersus es Domine,
composé par Campra pour Notre-Dame de Paris.
Ensemble Aquilon, Sébastien Maheuxe (chez Phaïa).
Mais on accompagnait aussi les messes
à l'orgue (témoin les livres qui nous sont parvenus, composés
pour diverses paroisses, de Lebègue,
Grigny, Marchand, Couperin, Clérambault, etc.), dans ce cas le texte de
la messe était exécuté en plain-chant,
c'est-à-dire par un chœur (d'hommes, ou de femmes pour les couvents
féminins) à l'unisson. Ce n'était cependant plus la musique
grégorienne, elle était récrite au goût du jour (quoique audiblement
d'un style plus archaïque que les motets baroques contrapuntiques et italianisants, évidemment).
Plus étonnant, si beaucoup de ces alternatim
en plain-chant nous sont parvenus anonymement, ils pouvaient être
l'œuvre des grands compositeurs du temps. Ainsi Campra.
Aixois, tenant des responsabilités
musicales à Aix, Toulon, Aix à nouveau, Arles, Toulouse, il est à de
nombreuses reprises suspendu (voire en procès), menacé de licenciement
en raison de ses libertés avec les règles, aussi bien musicales (il
était interdit à Aix de jouer ou même d'assister aux opéras pour les
membres du chœur) que sociales (beuveries et séductions de jeunes
filles, à Toulouse) ; cependant son
talent le protège de tout (même de la réquisition comme
mousquetaire sur un bateau), et les autorités ecclésiastiques lui
obtiennent sa grâce… ce qui ne l'empêche pas, lorsque comme (léger)
avertissement le chapitre de la cathédrale de Toulouse demande à
superviser ses compositions avant exécution, il prétexte un congé pour
postuler à la cathédrale Notre-Dame de Paris où, ai-je lu (est-ce vrai,
comme la légende douteuse de son apprentissage de la lecture en
quelques mois à 17 ans ?), il est reçu comme maître de musique en cette
année 1694, en étant même dispensé du concours. Sa période sur place
est brève : dès 1697 il se met à la scène profane (L'Europe galante écrite avec La
Motte est le succès fulgurant qui fait de l'opéra ballet le genre à la
mode à une époque où la tragédie en musique postLULLYste,
pourtant riche et variée, est ne rencontre que des demi-échecs), si
bien qu'il doit quitter pour de bon Notre-Dame en 1700, lorsqu'il donne
sa première tragédie, Hésione.
Campra est donc fort bien connu pour ses opéras (L'Europe galante, Tancrède, Les Feſtes Venitiennes furent les
grands succès du tournant du XVIIIe siècle), ses cantates profanes
(dont il est l'un des premiers représentants), son Requiem, ses (petits
et grands) motets sophistiqués marqués par la manière italienne, dont certains écrits
expressément pour Notre-Dame… Mais il a aussi écrit le plain-chant d'une messe,
mis au goût du jour !
[[]]
Alleluia de la messe en plain-chant de Campra, par l'Ensemble
Organum.
(improvisations à l'orgue de Marcel Pérès)
c) Les
organistes-compositeurs
Lieu de prestige, disposant d'un Cavaillé-Coll retravaillé (certains
tuyaux restent du grand Clicquot classique de 1783, et même des orgues
du Moyen-Âge), aux moyens considérables (même si je n'en aime pas
personnellement le son un peu vertical, « blanc » et lisse), la
cathédrale recrute des figures qui, sans être forcément de la trempe
d'autres organistes parisiens en matière de composition (Franck,
Saint-Saëns, Widor, Messiaen étaient à quelques pâtés de maison), sont
toujours de très grands virtuoses et de redoutables improvisateurs. On
dispose ainsi de transcriptions de leurs exploits, de bandes, parfois
de compositions mises sur le papier par leurs soins, en particulier au
vingtième siècle.
Je laisse de côté Arnoul Gréban,
qui officie dans les années 1450 comme organiste, mais ne nous a rien
laissé de musical : s'il est encore célèbre, c'est comme auteur
dramatique, pour son Mystère de la
Passion (où Satan se fait disputer par Lucifer pour ne plus
parvenir à terroriser les hommes après la Bonne Nouvelle).
Premier titulaire vedette dans notre histoire des
organistes de
Notre-Dame restés à la postérité comme compositeurs (alors que nous
disposons d'une liste assez fournie des organistes de Notre-Dame depuis
qu'un instrument est installé, dès la construction de la nouvelle
cathédrale !), Louis-Claude Daquin
(1755-1772, né en 1694), virtuose du clavecin (un Livre, en 1735, de
danses
canoniques et de pièces de caractère à titres pittoresques), auteur de
messes et motets (Te Deum, Miserere, Leçons de Ténèbres… inédits au
disque me semble-t-il), mais surtout resté à la postérité pour ses
arrangements organistiques de Noëls de
1757, toujours régulièrement au répertoire ! Luxuriants, riches
en contrepoint (très souvent des entrelacs de deux voix mélodiques
individuellement prégnantes), dansants, il s'agit d'ouvrages
d'orfèvrerie remarquablement aboutis malgré leur principe de paraphrase.
[[]]
Le dixième des Noëls du «
Nouveau Livre », par Marina
Tchebourkina à la Chapelle Royale de Versailles, chez Natives.
Le son est certes assez réverbéré, mais on entend tout de même le
détail, et servi par une fougue et une sorte de violence jubilatoire
qui me la rendent assez incontouranble dans tous les grands massifs
baroques français (Grigny, Couperin…), d'autant qu'elle enregistre en
général sur de jolis pipeaux (Boizard de Saint-Michel-en-Thiérache, Dom
Bedos de Saint-Croix de Bordeaux…).
Néanmoins on peut aussi se précipiter, pour une authenticité
folklorique et rugueuse encore plus saillante, sur le disque de Pierre Bardon (l'un de ses
meilleurs) chez Pierre Vérany, qui ose des saveurs extrêmement franches
– et au contraire capté de très près, fort peu réverbéré.
Armand-Louis Couperin, quoique
sensiblement plus jeune (né en 1727) que Daquin, tient simultanément la
tribune (1755-1789), organisée en quartiers (quatre titulaires au fil
de l'année). Il s'occupe aussi, simultanément, de la charge familiale
de Saint-Gervais, de la Sainte-Chapelle, de la Chapelle Royale, ainsi
que d'autres couvents et paroisses – il meurt d'ailleurs renversé par
un cheval, sur le chemin reliant la Sainte-Chapelle à Saint-Gervais
(considérant ses contraintes professionnelles, la probabilité de mourir
là était finalement particulièrement élevée, plus que pour n'importe
lequel d'entre nous).
Malgré cette place particulière dans les tribunes
parisiennes les plus prestigieuses ainsi que sa réputation
d'improvisateur particulièrement élogieuse, A.-L. Couperin (petit-neveu
de Louis, cousin de François) ne nous a laissé que deux pièces pour
orgue (manifestement écrites initialement pour le clavecin, de
surcroît), et un assez grand nombre de pièces de clavecin, d'un style
qui oscille entre la charpente du cousin et le pittoresque des opéras
de Rameau – globalement un style plutôt galant, reflet de l'évolution
du goût en cette fin de période baroque (les opéra-ballets tiennent le
haut de l'affiche tandis que les tragédies en musique deviennent
toujours plus galantes, moins tragiques et moins littéraires pour
complaire au goût dévoyé du public dénaturé).
[[]]
Parmi le choix en monographies,
je suggère Charlotte Mattax Moersch,
instrument très riche, et sens du discours qui prend son temps, avec un
babillement presque verbal. Témoins iciLa Chéron
et ses procédés clairement inspirés des Barricades du cousin François.
Mais on trouve d'autres beaux volumes consacrés tout entiers à A.-L.
Couperin : Harald Hoeren capté très nettement par CPO, Sophie Yates
avec un son pincé-nasal délicieux (presque du hautbois) chez
Chaconne-Chandos, les résonances sympathiques presques symphoniques de
Jennifer Paul chez Klavier…
Durant la seconde moitié du XVIIIe siècle, Claude Balbastre a cumulé tous les
honneurs chez les clercs (à Saint-Roch, à Notre-Dame) comme à la Cour
(organiste de Monsieur et co-titulaire de la Chapelle Royale,
professeur de Marie-Antoinette…) ; ce qui nous reste de lui est surtout
de l'ordre de la musique de chambre, de la transcription, du
divertissement. Sa musique pour orgue contient des Noëls très directs, épurés par le
style classique, servant des mélodies fortes par des figures
d'accompagnements en général non thématiques (parfois de simples
arpèges
brisés de type « basse d'Alberti), un Magnificat très agile pour les
doigts et même un de ses concertos, récemment retrouvé (non conforme
aux formats italiens ou allemands : Prélude-Allegro-Gavotte-Allegro).
Sa grande heure de
gloire advient paradoxalement à la Révolution qui ruine sa situation
personnelle : il perd tout ses titres et revenus, tandis que l'orgue de
la
cathédrale, devenue Temple de la Raison, est menacé de démolition – ses
improvisations sur les chants révolutionnaires suscitent
l'engouement et sauvent l'instrument. Balbastre est souvent présenté en
héros dans l'épisode (ou vu avec suspicion en opportuniste), mais
d'après ce que j'en ai lu (sous réserve, je n'en ai vu mention que dans
un article de Guy Tartelin sur « 1793 en musique », dans des actes de
colloque autour de la réception politique de Kant dans ces années !),
son libre arbitre et son rapport intime aux impératifs catégoriques
furent fort peu sollicités, puisqu'il fut tout simplement contraint de
donner satisfaction aux révolutionnaires. [L'épisode paraît
effectivement congruent avec les poussées de fièvres régulièrement
documentées dans les spectacles, qui amènent les auteurs à adapter les
pièces au gré des injonctions, enthousiasmes ou suspicions de groupes
d'engagés qui se manifestent durant la représentation – tenez, ce fut
aussi vrai pour Tarare, parmi mille autre
exemples.]
Il nous reste de cette période sa transcription de Ah, ça iraet ses variations sur La Marseillaise
publiées pour pianoforte, en grands accords démonstratifs, qui se
changent en fusées et aboutissent sur la « fuite des ennemis » (gammes
ascendantes en dixième d'où émerge encore le thème) et un grand cluster (toutes les notes blanches
activées simultanément sur deux octaves) pour imiter le coup de canon
victorieux.
Balbastre était réputé pour ses improvisations et sa digitalité
fulgurante.
Ses talents attiraient les curieux à telle enseigne qu'il fut plusieurs
fois interdit d'exercice par l'archevêque pour les grandes fêtes, afin
d'éviter un attroupement de badauds peu sensibles à la solennité de
l'occasion ; de même, ses adaptations de chants martiaux amenaient bien
au delà des convaincus politiques dans la nef du nouveau Temple.
[[]]
Le double disque de Michel Chapuis
et Marina Tchebourkina, chez
Natives, est la parution la plus complète à ce jour (quoique pas
intégrale me semble-t-il) du répertoire de Balbastre, assez mal
représenté au disque, une fois retiré les albums de clavecin. Je trouve
tout de même le son de Saint-Roch bien blanc et moderne dans leurs deux
registrations ; c'est pourquoi j'ai plutôt choisi en illustration
sonore un Offertoire joué à Saint-Roch également, mais par Françoise Levechin-Gangloff (chez
Skarbo), plus typé, et qui donne bien à entendre les accompagnements
épurés de style classique, propres à Balbastre.
Sur les titulaires du XIXe siècle,
il y aurait un sujet passionnant à
filer, mais Desprez, Blin, Pollet, Danjou et Sergent (titulaire de 1847
à 1900 !) n'ont pas marqué l'imaginaire collectif, ni même le
répertoire pour orgue tel qu'il est aujourd'hui ; ce serait le sujet
d'une notule à part, à construire par exemple avec les autres grands
pôles de la création organistique d'alors, entre Sainte-Clotilde
(Franck, Pierné, Tournemire), la Madeleine (Lefbure-Wély, Saint-Saëns,
Dubois, Fauré) et Saint-Sulpice (Widor).
Le dernier titulaire emblématique avant d'évoquer la
période contemporaine est bien sûr Louis
Vierne
(de 1900 à sa mort, en 1937). Auteur de beaucoup de musique de chambre
et de mélodies, de quelques poèmes chantés avec orchestre / petits
oratorios / cantates, il nous reste peu de musique sacrée, de sa main,
l'essentiel de sa musique d'orgue étant ou abstraite (les symphonies), ou profane (les 24 Pièces de fantaisie,
quoique évoquant quelquefois des aspects architecturaux ou sonores des
églises, gargouilles et carillons – j'y reviendrai), ou écrite pour des
circonstances exceptionnelles
(la Marche triomphale pour le centenaire de Napoléon – une pièce
splendide au demeurant).
Nous avons bien une Messe solennelle à deux orgues,
mais elle est conçue pour Saint-Sulpice, où elle est créée avec Widor
l'année où Vierne entre en fonctionne à Notre-Dame. Il reste donc
essentiellementquelques motets pour solo et orgue (Ave Maria, Ave Verum, trois motets Op.21
perdus), un Tantum ergo
composé à seize ans, et des œuvres pour orgue quelquefois (elles sont
très minoritaires) destinées à la liturgie : deux Messe basse pour orgue, très jolies
ponctuations sur les jeux de fond, un Prélude
funèbre, une Communion
(là aussi, ces deux-là ne furent pas écrits pour Notre-Dame a priori,
composés avant sa nomination). À cela s'ajoute le petit cycle de
mélodies – peut-être la plus belle chose qu'il ait écrite, avec la
mélodie « Marine » des Spleens et
Détresses – Les Angélus,
tout à fait profane, mais en lien avec les cloches et et les heures du
jour rythmées par le sacré.
Sa musique a plusieurs visages : il donne
quelquefois dans une forme de pittoresque
(ses Pièces de fantaisie à
l'orgue, ses Préludes à
titres au piano, ses mélodies parfois assez visuelles), mais reste
toujours marqué par une manière de
sévérité, de tristesse, qui peut devenir particulièrement
menaçante lorsqu'elle s'exprime dans ses œuvres abstraites comme son Quintette
piano-cordes (un tombeau pour son fils Jacques) ou ses symphonies pour
orgue, à l'harmonie chargée et aux atmosphères très peu lumineuses. Ses
quelques improvisations transcrites révèlent que, pour l'ordinaire de
la messe comme pour les grandes célébrations, il se contraignait à une
écriture plus simple et moins sinistre.
Il faut dire que la
vie
l'a peu épargné : menacé toute sa vie par une maladie héréditaire
l'emmenant progressivement vers la cécité, exclu de la succession de
Guilmant au Conservatoire à cause de disputes entre Fauré (directeur du
Conservatoire) et Widor (son maître), tôt séparé de sa femme Arlette
(qui lui était infidèle), il perd ses deux fils brutalement, André de
la tuberculose à dix ans, tandis que Jacques se suicide à 17 ans, alors
qu'il est engagé volontaire sur le front (pour lequel son père, en
raison de son âge, avait dû lui écrire une dispense). Clairement, chez
lui, la biographie a teinté la musique de cette absence de joie – qui
caractérise ses couleurs sonores, jusque dans les pièces de fête.
[[]]
Steven Lancaster et Kevin Vaughn dans le troisième
Angélus, « Au soir ».
Album constitué d'un ensemble de chants sacrés (hors celui-ci,
profane à thème sacré), paru chez Albany.
(La seule autre version complète que j'aie trouvé est dans sa
version originale pour soprano, chez Herald, et couplée avec la Messe
Solennelle.)
La
malédiction se poursuit avec sa succession : son assistant et protégé Maurice Duruflé est écarté (Vierne
n'avait pas donné entièrement satisfaction à la hiérarchie), et c'est
un autre assistant, Léonce de
Saint-Martin, est choisi – son mandat dure jusqu'à l'ère
contemporaine, avec la nomination de Cochereau en 1954. Comme je crois
que l'empreinte des organistes-compositeurs suivants est plutôt celle
d'organistes-improvisateurs que de compositeurs ayant activement influé
sur leurs contemporains et successeurs (même s'ils ont pour certains,
comme Pierre Cochereau et Jean-Pierre Leguay, légué une œuvre écrite,
et qui pour ce dernier excède assez nettement le répertoire d'orgue),
je réserve leur exploration dans le cadre du troisième chapitre de
cette série : les interprètes actuels de la musique à Notre-Dame.
Un mot sur Duruflé
peut-être ? Très loin de l'esthétique tourmentée de Vierne
(surcharge harmonique, charge émotionnelle très lourde), Duruflé
travaille d'abord sur l'inclusion des modes grégoriens, sur une forme
d'ascèse, de retour à une épure qui regarde vers le passé – même si sa
musique est en réalité d'une sophistication tout à fait de son temps.
Il reste désormais régulièrement joué pour son Requiemet sesQuatre Motets sur des
thèmes grégoriens , son Notre
Père à quatre voix (en particulier par les ensembles amateurs,
car ils sont d'une exigence vocale modique tout en fournissant une
musique qui n'est pas de seconde catégorie), toutes des œuvres très
postérieures (1947-1977) à sa période à Notre-Dame (1927 à 1937,
lorsque Vierne meurt à la tribune alors que Duruflé l'y assiste).
Il a pourtant écrit un peu au delà, Trois Danses
pour orchestre (beaucoup plus hardies, on entend la préfiguration de
Jolivet et autres français traditionnels-profusifs du milieu du XXe
siècle), uneMissa cum
jubilo(pour baryton solo, chœur de barytons – là encore
une réminiscence grégorienne – et orgue ou orchestre !), une pièce
tripartite pour flûte, alto et piano, un peu de piano solo ou à quatre
mains (dont des versions, préalables et postérieures, de ses Danses symphoniques), et bien sûr
un peu plus d'une heure de musique
d'orgue.
De sa musique prévue pour exécution entre des murs
sacrés, seules deux pièces, pour orgue,
datent de sa période comme assistant
à Notre-Dame : lePrélude, Adagio & Choralsur le Veni Creator
(1930), caractéristique de son goût pour le grégorien, qui lui vaut
alors le Prix de Composition des Amis
de l'orgue, et sa Suite Op.5 (1932), davantage sombre et
marquée par l'esthétique de Vierne par endroit (le final !) contenant
Prélude, Sicilienne et Toccata.
[[]]
Frédéric Ledroit dans le Prélude du Veni Creator de Duruflé,
sur l'incroyable Miocque-Beuchet d'Angoulême.
Il existe quantité de bonnes versions isolées de ces
deux pièces (Torvald Torén chez le spécialiste Proprius, par exemple),
mais on trouve facilement des intégrales : Henry Fairs chez Naxos (je
déconseille), Hans Fagius
chez BIS (pas énormément de relief), Friedhelm Flamme chez CPO
(très bien, même s'il existe prises de son plus physiques), Frédéric Ledroit chez
Skarbo (très belles atmosphères, contrastes frappants, certes capté un
peu loin du son, mais on entend tous les bruits de mécanique !), Todd Wilson chez Delos (le
fruité du Schudi de Dallas est un régal)…
Dans les prochains épisodes de cette série (qui devait n'être qu'une
courte sélection discographique, mais le sujet est trop stimulant pour
s'y limiter…) :
2. Littérature et
imaginaires
… où l'on explorera les évocations du Moyen-Âge qui peuvent
soutenir une rêverie autour des cathédrales (la « Fête des Fous et de
l'Âne »…), les descriptions
sonores d'éléments architecturaux (vitraux, rétables, gargouilles…),
bien sûr les adaptations du roman de Hugo (Bertin, Schmidt, Auric…).
3. Les
interprètes de Notre-Dame aujourd'hui
… où l'on s'interrogera sur les musiciens qui ont fait vivre la musique
de la cathédrale ces dernières décennies.
Conçue au départ pour satisfaire de simples
demandes, guidées par la vive émotion du moment, de playlists thématiques, cette
petite exploration revêt aussi, à mon sens, un réel intérêt pédagogique
: en se fixant sur un seul lieu
(a fortiori un lieu aussi
précisément documenté), je trouve intéressant de mesurer les évolutions des formats
musicaux liturgiques, para-liturgiques, extra-liturgiques, voire leur
rapport avec le le lieu et l'histoire.
Actuellement, Musiques
à Notre-Dame, qui animait avec des programmes ambitieux
(compositeurs peu joués, ensembles invités aussi bien que mise à
contribution de la formidable Maîtrise d'enfants et d'adultes) les
mardis musicaux du lieu, tend à déplacer ses concerts à Saint-Sulpice, la cathédrale par
intérim (aussi victime toute récente d'un incendie, mais passons).
Et que deviendront les titulaires de l'orgue ?
Certes souvent multi-titulaires et assez primés, éprouvés et admirés
pour trouver du travail sans trop d'effort, mais pour s'installer de
façon définitive à une tribune aussi prestigieuse, cela peut supposer
un déménagement assez lointain, ou beaucoup de patience – plus longue
potentiellement que la reconstruction, les tribunes de grande facture
étant en général conservées à vie, voire dynastiquement (les Bardon à
Saint-Maximin !)…
Ce sera peut-être le quatrième chapitre de cette série, tandis se
dessinera le choix de végétaliser les ruines sous un globe en verre
composite couronné d'une flèche en carbone vermillon gonflable offerte
par Jeff Koons.
Ce billet, écrit à par DavidLeMarrec dans la catégorie Genres a suscité :
Encore une fois, sélection personnelle dont le ressort est souvent la
rareté ou la bizarrerie. Pour une sélection plus transversale et moins
triée, l'Offi et Cadences sont assez complets (tout en ratant certaines
de mes propositions, considérant les recoins où je râcle des pépites et
ma veille généralisée des clubs interlopes). Et bien sûr France Orgue
pour les concerts de pouêt-pouêts à tuyaux, ce n'est pas exhaustif,
mais de très loin ce qu'on trouve de plus complet !
1. Rétroviseur
En cliquant sur les liens, mon avis (égrené en général sur le fil
Twitter de CSS dans les heures suivant le spectacle, voire dès
l'entracte) apparaît. Je m'efforce autant que possible de remettre
aussi les œuvres en perspective et de poser des questions plus larges
que le bon / pas bon du soir donné, aussi j'espère que les
retardataires et les absents y trouveront quelques satisfactions tout
de même.
Les ♥ mesurent mon émotion (depuis « ça va, c'est joli » jusqu'à
l'extase), non la qualité des spectacles. Des spectacles que j'ai
trouvés remarquables m'ont touché avec modération, tandis que d'autres
plus bancals ou moins exceptionnels m'ont bouleversé. C'est ainsi. Quant à ♠ : j'ai pas du tout aimé.
♥ Agréable, mais je ne suis pas entré dans le spectacle.
♥♥ Intéressant.
♥♥♥ Excellent.
♥♥♥♥ Merveilleux.
♥♥♥♥♥ Événément marquant dans une vie de spectateur.
♠ J'aime pas.
♠♠ Je déteste.
♠♠♠ C'est scandaleux ! (encore jamais attribué)
♠♠♠♠ J'ai hué le metteur en scène et vais lui défoncer sa race à la
sortie.
► #12 Extraits de tragédies en musique (LULLY,
Charpentier, Destouches, Rameau) pour
soprano (Eugénie Lefebvre) et
deux clavecins, dans la merveilleuse église (juxtapositions
XIe-XVIe) d'Ennery. Un délice d'éloquence et de contrepoints : grand,
grand concert. ♥♥♥♥♥
► #13 Révélation de
Léonora Miano (pièce
mythologique évoquant les traites négrières) mis en scène par Satoshi Miyagi en
japonais à la
Colline, avec un orchestre de 11 percussionnistes. Un univers très
étonnant. (avec des morceaux de mythologie et d'onomastique dans mon
commentaire) ♥♥♥
► #14 Rarissime exécution en concert du Quintette
piano-cordes de Jean Cras,
les chants de marin les plus modulants que l'on puisse rêver !
(avec quelques extraits de partition) ♥♥♥♥♥
► #15 Bérénice
de Michael Jarrellà Garnier. Grande
déception – je n'y retrouve ni le sens dramatique de Cassandre (qui n'était certes pas
un opéra), ni le contrepoint lyrique de Galileo (qui n'était certes pas sis
sur des alexandrins français). ♠
► #16 Symphonie
n°7 de Stanford (et Concerto pour clarinette), Éric van Lauwe. Très
belle interprétation, œuvres pas au faîte du catalogue de Stanford. ♥♥
► #17 Tristan und Isolde: Serafin, Schager, Gubanova, Goerne, Pape ; Viola, Sellars, ONP,
Jordan. ♥♥♥ (ça en mérite davantage, mais je connais tellement l'œuvre
que l'effet de surprise n'est pas le même, et du fond de Bastille…)
► #18 Grétry, Le Jugement
de Midas. CRR de Paris. ♥♥♥♥
► #19 Destouches, Issé.
Wanroij, Santon, E. Lefebvre, Vidal, Collardelle, Lecroart, Dolié,
Barolz ; Chantres, Les Surprises, Camboulas. ♥♥ (parce que c'est une
nouveauté… mais pas palpitant, la faute au livret, et sans doute aussi
un biais d'interprétation défavorable au drame, à la danse, à la
déclamation)
► #20 Orgue à la Madeleine par Matthew Searles : Franck, (Samuel)
Rousseau, Saint-Saëns, Tournemire, Demessieux… Programme français assez incroyable, autour des
chorals et de l'improvisation transcrite (celles de Saint-Saëns et
Tournemire sont incroyables !). ♥♥♥♥♥
► #21 Quatuor a cappella
Bonelli, dans Josquin, Palestrina, Victorian, Mendelssohn,
Sullivan, bruckner, Debussy, Peterson-Berger, Duruglé, Kodály, Poulenc,
gospels… à un par partie ! Fulgurant, la technique parfaite, et
jusque dans les langues ! ♥♥♥♥♥
► #22 Maeterlinck, La
Princesse Maleine, Pascal Kirsch. ♥♥♥♥♥
► #23 Bernstein, Candide.
Swanson, Devieilhe, Rivenq, Amiel, Saint-Martin, Courcier, Koch. Opéra
de Marseille, Robert Tuohy. ♥♥♥♥
► #24 Toshiki Okada, Five Days in March
(en japonais). ♥♥
► #25 Meyerbeer, Les
Huguenots. Oropesa, Jaho, Kang, Testé… Kriegenburg, ONP,
Mariotti. ♥♥♥♥♥
► #26 Berlioz, La
Mort de Cléopâtre (Richardot), Symphonie fantastique, ORR,
Gardiner. ♥♥♥♥
► #27 Debussy, Pelléas et Mélisande,
version piano. Lanièce, Dominguez, Degout, Dear… Martin Surot. ♠
(c'est terrible, encéphalogramme plat… vraiment dangereux à présenter
après si peu de répétitions… et pas du tout aimé ce que faisaient les
chanteurs, alors même que j'ai adoré Lanièce jusqu'ici, mais il change
sa voix, et beaucoup aimé Dear, mais dans des rôles plus opératiques…)
► #28 Haendel, Serse. Fagioli, Kalna, Genaux, Aspromonte,
Galou, Andreas Wolf, Biagio Pizzuti. Il Pomo d'oro, Emelyanychev. ♥♥♥♥
(interprété comme cela, quel plaisir !)
► #29 Baroque
viennois (Kerll, Fux, Conti, Schmelzer) par le Consort Musica Vera.
Une brassée de découvertes ! ♥♥♥♥
► #30 Emond de
Michalik. ♥♥♥♥♥ (en cours de commentaire, revenez plus tard)
► #31 Magnard, Hymne à la
Justice, par les Clés d'Euphonia. (Et Ravel main gauche,
Strauss Tod und Verklärung.)
♥♥ (Magnard passionnant et très réussi, j'étais dans de moins bonnes
dispositions pour écouter le reste du programme.)
Et quelques déambulations illustrées d'octobre :
☼ La Forêt de Rambouillet traversée du Sud au Nord, du
Palais du Roi de Rome jusqu'aux Étangs de Hollande.
☼ La Forêt d'Armainvilliers, ses arbres remarquables et vestiges
archéologiques.
☼ Baillet-en-France, Chauvry, Béthemont, Villiers-Adam… villages autour
de la Forêt de l'Isle-Adam
Pour ceux qui ne sont pas mis en lien, vous les trouverez épars sur cette page.
2. Distinctions
Quelques statistiques :
● 20 concerts en octobre (oui, c'est beaucoup) dans 18 lieux différents
dont 6 où je n'avais jamais mis les pieds. C'est plutôt bien d'y
parvenir encore, après dix ans de loyaux services dans la région.
Quelques ovations musicales :
● Putto d'incarnat de l'exhumation : Consort Musica
Vera pour le Requiem de
Kerll, Ferey & Sine Qua Non pour le Quintette piano-cordes de Cras,
Matthew Searles pour l'ensemble de son programme.
● Putto d'incarnat œuvre : Les Huguenots de Meyerbeer, Callirhoé (extraits) de Destouches,
Requiem de Kerll, Quintette de Cras, Médée (extraits) de Charpentier.
● Putto d'incarnat claviers :Clément Geoffroy (à deux clavecins
+ continuo Issé), Matthew
Searles (registration et souplesse).
● Putto d'incarnat orchestre : Orchestre Révolutionnaire et
Romantique (couleurs et cohésion dans Berlioz), CRR de Paris et
environnants pour Grétry (quel engagement !).
● Putto d'incarnat direction : Mariotti (animer ainsi cet
orchestre, et rattraper l'air de rien les décalages des chanteurs dans
les grands ensembles des Huguenots,
du grand art), Ph. Jordan (Tristan).
● Une belle moisson de chanteurs
exceptionnels (et je pèse mes mots) :
Morgane Collomb (Kerll), Fanny Soyer (quatuor a cappella), Eugénie Lefebvre
(Médée, Callirhoé, Amélite, Hespéride d'Issé), Marion Vergez-Pascal
(quatuor a cappella),
Bo Skovhus (Bérénice), Mathieu
Lecroart (Issé), Biagio Pizzuti (Serse), Andreas Wolf (Serse), Adrien Fournaison (quatuor a cappella)… auxquels nous
décernons volontiers un putto
d'incarnat 2018.
● et les Putti
d'incarnatdel'injustice
critique,
pas forcément adorés comme ceux choisis précédemment, mais réellement
admirés, excellents, au-dessus de la désapprobation et que j'ai pu lire
ou entendre de façon récurrente à leur encontre : Ermonela Jaho,
Martina Serafin, Yosep Kang, Il Pomo d'oro… Courage les petits, vous
êtes des grands ! Quelques saluts théâtraux :
● Putto d'incarnat théâtre : Maleine de Maeterlinck (pour le
texte et sa vie sur scène, pas pour la mise en scène qui l'abîme en
certains endroits), Edmond de
Michalik (une sorte de vaudeville à références littéraires, très
accessible et tout à fait jubilatoire à chaque instant).
● Putto d'incarnat acteurs : Haruyo Suzuki (voix
d'Inyi dans Révélation),
Bénédicte Cerutti (la Reine étrangère dans Maleine), Cécile Coustillac (la
Nourrice semi-comique dans Maleine),
Nicolas Rivenq (quel anglais remarquable en narrateur-Pangloss de Candide).
Autant dire que je ne suis pas assuré que novembre soit du même tonnel…
3. Sélection des raretés
et événements
En rouge, les interprètes qui
méritent le déplacement.
En gras, les œuvres rares.
Et donc combiné : œuvres rares et
tentantes (déjà écoutées, ou quelquefois simplement
significatives / prometteuses).
Vendredi 2
→ Auditorium de Vincennes : Hymne à la
Justice de Magnard (+ Tod & Verklärung, Ravel gauche). Les
Clefs d'Euphonia. Libre
participation.
→ Gaveau : Schütz, Erlebach, Theile, Ritter, Tunder par l'Arpeggiata.
Samedi 3
→ 16h, Saint-Gervais. Intégrale des motets de Couperin #4 par
l'Ensemble Marguerite Louise (Gaëtan Jarry). Libre participation.
→ 18h, Royaumont, MasterclassImmler & Deutsch
avec Garnier & Oneto-Bensaid
(putto d'incarnat novembre
2017), Boché (putto d'incarnat mai 2018 et juin
2018) & Vallée… 18h, sur inscription.
→ Saint-Merry, violoncelle roumain & français.
→ Maison de la Radio, Esther
de Racine avec la musique de scène
d'origine de Moreau.
→ Auditorium de Vincennes : Hymne à la
Justice de Magnard (+ Tod & Verklärung, Ravel gauche). Les
Clefs d'Euphonia. Libre
participation.
Dimanche 4
→ 14h30, Péniche Over the Rainbow : des succès de comédie musicale sous
la direction de l'ancien grand chanteur-baroque-français Luc Coadou.
→ 15h, Saint-Germain-des-Prés : Concert
baroque & musique ancienne coréenne.
→ 16h, Auditorium de Vincennes : Hymne à la
Justice de Magnard (+ Tod & Verklärung, Ravel gauche). Les
Clefs d'Euphonia. Libre
participation.
→ 17h Temple Saint-Pierre (Paris XIX), Reincken
au clavecin et Pachelbel à l'orgue par Clément Geoffroy (putto d'incarnat de septembre 2018
et octobre 2018). 55 rue Manin, gratuit.
--
Lundi 5
→ Philharmonie, création de CHEN Qigang,
Capitole, Sokhiev.
Mardi 6
→ 12h30 puis 19h, CNSM : ECMA,
Académie de Musique de Chambre Européenne, le lieu chaque année de mes
grands coups de cœur et de mes nouveaux chouchous ! J'y ai
découvert avant tout le monde les Akilone, Hanson, Arod, Sōra, Zadig,
lorsqu'ils étaient encore élèves…
→ 12h30, Orsay, masterclass de la Fondation Royaumont, cf 3 novembre.
→ Opéra de Versailles, Berlioz, Damnation de Faust. Antonacci, Vidal, Courjal, Les
Siècles, Roth. Alerte glottique ! Mathias Vidal a remplacé
en catimini (le déjà très bon) Bryan Register. On se retrouve donc avec
le plus beau plateau jamais réuni pour cette œuvre. Hélas, il ne reste
plus que des places à 80€, car tout était déjà parti…
Mercredi 7
→ Temple du Luxembourg : Massé, Paul & Virginie ;
Compagnie de L'Oiseleur. T.
Rousseau, G. Laurens, Ratianarinaivo, Qiaochu Li… Massé n'a pas
écrit que les pièces légères Les
Noces de Jeannette (grand succès d'alors) ou Galathée (qui a bénéficié, il y a
longtemps, des rares honneurs du disque) ; voici un de ses drames plus
sérieux, qui met en relation ces héros emblématiques de la littérature
française avec leurs lecteurs, avec de beaux
ensembles consonants mais riches. Hâte d'entendre cela en action
! Libre participation.
→ Philharmonie : Tippett, A Child
of Our Time ; Connolly, Padmore,
Relyea, OP, Adès. Oratorio très réussi (style brittenien en
mieux), son œuvre emblématique.
→ Philharmonie : Armand Couperin,
Dandrieu… par Béatrice Martin,
Olivier Baumont, Claire Antonini, et Julien Cigana à la
déclamation en français restitué (il n'y a pas plus savoureux que lui
!).
→ Odéon : Début des Femmes Savantes
mises en scène par Braunschweig.
Jeudi 8
L'une des journées les plus riches de l'année !
→ 18h, Musée d'Orsay : Lauréats de la Fondation Royaumont (dont les
membres de la masterclass du 3 novembre) répartis dans le musée !
→ 19h, CNSM : Ouverture du Fliegende Holländer, Concerto pour
violon et orchestre à vents de Weill, Concerto pour violon n°2
de Bartók. Orchestre des
Lauréats du Conservatoire. Gratuit.
→ Mairie du IIIe : Quintette
piano-cordes de Durosoir (et celui de Franck) par l'Ensemble Syntonia (putto d'incarnat 2017). Gratuit ?
→ Philharmonie : Tippett, A Child
of Our Time ; Connolly, Padmore,
Relyea, OP, Adès. Oratorio très réussi (style brittenien en
mieux), son œuvre emblématique.
→ Orsay : Immler-Deutsch
dans Schreker,
Grosz, Gál, Wolf, Berg. Rarissime et exaltant mais cher pour un
récital de lied (35€).
→ Invalides : Requiem de Farr,
Élégie pour cordes et harpe de Kelly. Pas des chefs-d'œuvre
intersidéraux, mais plaisants et rarissimes.
→ Seine Musicale : Haydn, Symphonie
n°102, une Symphonie de CPE
Bach, Concerto pour piano n°20 de Mozart. Insula Orchestra, Christian Zacharias.
→ Philharmonie : Louis
& François Couperin
par Rousset.
→ CRR de Paris : Debussy, Pelléas ; la formation n'est pas claire,
j'avais compris Pascal Le Corre au piano, mais je vois qu'à présent des
élèves instrumentistes sont crédités. Gratuit.
→ Ivry : Les Justes de Camus.
Vendredi 9
→ TCE : Verdi, Nabucco ;
Opéra de Lyon avec Anna
Pirozzi, Leo Nucci… Les meilleurs titulaires d'aujourd'hui, pour
un opéra d'un accomplissement remarquable, certes un tube, mais guère
donné en France.
→ Chapelle Royale de Versailles : Moulinié,
Cantique de Moÿse & Requiem, motets Louis XIII de Formé et Bouzignac.
18€.
→ Philharmonie : Durosoir, Amoyel,
Britten, Debussy, Bach sur une copie du violoncelle de fortune de
Maurice Maréchal, dans les tranchées. Par Emmanuelle Bertrand.
→ CRR de Paris : Debussy, Pelléas ; la formation n'est pas claire,
j'avais compris Pascal Le Corre au piano, mais je vois qu'à présent des
élèves instrumentistes sont crédités. Gratuit.
→ Massy : Samson & Dalila, production de Metz (Kamenica, Furlan, Duhamel).
→ Chelles : Sopro, pièce de
Tiago Rodrigues en portugais, autour de la figure d'une souffleuse
(réellement souffleuse). Donné également jusqu'à mi-décembre au Théâtre
de la Bastille, dépêchez-vous, la plupart des dates sont complètes.
Samedi 10
→ 15h, Cortot : Septuor de Saint-Saëns (OCP)
→ 18h, Gargenville (aux
Maisonnettes, l'ancienne maison de Nadia & Lili Boulanger),
concert viole de gambe / clavecin. 8€.
→ 20h, Église écossaise : violon-piano
de Janáček, Sonate
pimpante de Rodrigo,
Beethoven 9.
→ 20h30, La Chapelle-Gaillard : Lambert, Jacquet, Marais, Dandrieu,
etc. Entrée libre.
Réservation conseillée.
→ Début de Nel paese d'inverno
(en italien) de Silvia Costa, plasticienne
qui a été l'assistante de Castellucci.
Dimanche 11
→ Ivry : Les Justes de Camus.
→ 21h, Philharmonie : Chœurs de Caplet (Messe à 3), Reger, Schönberg,
Ravel, Poulenc, Fujikura. Chœur de Chambre du Québec,
Sequenza 9.3, Chœurs de l'Armée Française. Déplacé à 21h pour cause
d'Armistice. Complet mais vérifiez sur la Bourse aux Billets (ou
demandez-moi, je risque de revendre ma place…).
--
Lundi 12
→ CNSM : programme de chambre au Salon Vinteuil du BDE.
→ Athénée : Mirianashvili.
→ 21h, Théâtre de la Bastille : Sopro,
pièce de
Tiago Rodrigues en portugais, autour de la figure d'une souffleuse
(réellement souffleuse).Jusqu'à mi-décembre,la plupart des dates sont
complètes.
Mardi 13
→ Toute la journée : masterclass de Gary Hoffman (violoncelle) au
CNSM.
→ 14h, CRR : masterclass publique sur les vaudevilles du XVIIIe siècle.
→ 18h, CNSM : pièces du compositeur récemment disparu Nguên Thiên Dao.
→ 20h, Colline : début du Lazare de Castellucci. → Chœur Calligrammes (putto
d'incarnat du
concert de l'année en 2017 et 2018 !), programme « Noël
espagnol des trois Amériques » : Guastavino, Susa, Galindez, Valera,
Corona (pardon, en vérifiant le lieu, je vois que c'est
évidemment en décembre)
Mercredi 14
→ 14h, CRR : masterclass publique sur les vaudevilles du XVIIIe siècle.
→ 19h, CNSM : concert de thèse, Paganini au piano. Liszt, Busoni, Michael Zadora, Ignaz Friedman.
Jeudi 15
→ 18h30, Favart : Stockhausen,
Donnerstag aus Licht.
L'opéra totalisant qui regroupe une large part de sa production sera
(partiellement) donné cette année : Jeudi
à l'Opéra-Comique, et plus tard dans la saison Samedi à la Philharmonie !
Ici, c'est avec mise en scène, une expérience qui vous convaincra
diversement (ensemble très hétéroclite, mais atonal bien sûr), à ne pas
rater, au moins pour connaître cet objet étrange.
→ 19h, CNSM : cours public d'improvisation de musique indienne
→ Orsay : pièces à thématiques circassiennes de Satie (Parade !), Stravinski, Rota,
Debussy (orchestrations de Children's Corner) etc., par le Secession
Orchestra dirigé par Clément Mao-Takacs. → Chœur Calligrammes (putto
d'incarnat du
concert de l'année en 2017 et 2018 !), programme « Noël
espagnol des trois Amériques » : Guastavino, Susa, Galindez, Valera,
Corona (pardon, en vérifiant le lieu, je vois que c'est
évidemment en décembre)
→ Philharmonie : Monologues de
Jedermann de Frank Martin par Goerne, un des grands cycles
vocaux du XXe siècle (assez récitatif et dramatique, comme les Vier dramatische Gesänge de Gurlitt
ou les Häxorna de Rangström).
Couplé avec la Dante-Symphonie
de Liszt, fameuse et très enregistrée mais peu donnée en concert.
Vendredi 16
→ Invalides (salon) : pièces à deux pianistes de Saint-Saëns, Debussy,
Rachmaninov, Chostakovitch. Avec Jean-Philippe Collard.
→ Philharmonie : Vivier, Grisey (Les
Chants du Seuil), EIC, Louledjian
(très remarquée la saison dernière dans la Damoiselle Élue – quelle
diction, quelle présence !).
Samedi 17
→ 16h30 Épinay-sous-Sénart : baroque des Andes.
→ 18h, Écouen : Jodelle, Cléopâtre
captive. Rare représentation de cette pièce fondamentale du
patrimoine français. Gratuit
sur réservation, dans le cadre merveilleux du château !
→ 18h30, Favart : Stockhausen,
Donnerstag aus Licht.
Voir jeudi pour commentaires.
Dimanche 18
→ 16h, Maison de la Radio : Chœurs de
Schubert, Mendelssohn, Brahms par le Chœur de Radio-France. Ma
dernière expérience, il y a près de dix ans, avait été très peu
concluante (techniques lourdes qui s'accommodent mal de cette forme
délicate), mais Sofi Jeannin (et désormais Martina Batič ?) les a
beaucoup assouplis pendant son bref intérim.
--
Lundi 19
→ Toute la journée au CNSM : masterclasses du Quatuor Ébène. Gratuit.
→ 19h, CNSM : Symphonies 1 de Beethoven et 9 de Schubert, par les Lauréats du Conservatoire
(multi-putto d'incarnat ces
dernières années). Gratuit
sur réservation.
→ 20h, Villette : début des représentations de l'épisode du Mahābhāratavu par Miyagi, avec son orchestre
de percussions (et en japonais), gros succès à Avignon…
Mardi 20
→ 19h, Bondy :Chansons de Bord de Dutilleux (bijoux
!), Chansons
de la Pointe de Manac'h,
Kodály, Ligeti, Fujiwara, par la Maîtrise de Radio-France. Gratuit.
→ 19h, CNSM : Concertos baroques de Jiranek, Heinichen, Reichenauer,
Bentner et Zelenka ! Gratuit.
Mercredi 21
→ 20h30, Bal Blomet : pièces d'Anthiome,
Berlioz, Saint-Saëns, Fauré. Ambroisine Bré et l'Ensemble Contraste. 22€.
Jeudi 22
→ 12h30 Petit-Palais : récital de lied & mélodie par Kaëlig Boché (double putto d'incarnat au dernier
semestre !) et Jeanne Vallée.
→ 20h, Invalides : Programme varié très étonnant. Pièces héroïques
pour orgue et cuivres de Widor et Dupré, extraits de Janáček (Glagolitique, Tass Boulba),
Bartók, Pärt, Nilović, Eötvös,
Rhapsodie pour clarinette et
orchestre de Debussy… !
→ 20h, Opéra Royal de Versailles : Salieri, Tarare.
Un des plus hauts chefs-d'œuvre de l'histoire de l'opéra, l'un des plus
grands succès de l'Opéra de Paris également. J'en avais présenté le livret et le contexte ici. Équipe de dingue
menée par Dubois, Bou, Rousset… Donné également à la Cité de la Musique.
→ 20h, Maison de la Radio : Bernstein,
Divertimento, Halil, Riffs ; Dusapin,
Morning in Long Island. ONF, Sirvend.
→ 20h, Fondation Singer-Polignac : Lauréats du prix Boulanger. Est-ce
public ? (souvent, non, mais je n'ai pas vérifié ici, étant déjà
pris…)
→ 20h, T2G : Début des représentations de la pièce de Hideto Iwaï (en
français).
→ Maison du Japon : « Jetons les livres ». Théâtre en japonais, viol /
pop / onirique / trash. Pas pour moi, mais doit être assez surprenant.
→ 20h30, Philharmonie : Koechlin, Vers la Voûte étoilée (très
jolie pièce, pas son chef-d'œuvre, mais on ne le joue jamais, c'est
déjà bien…) et autres programmes stellaires d'Adès, Holst, Ives, R.
Strauss. Orchestre de Paris, Pierre
Bleuse (absolument formidable dans le récent album d'airs
français de Julien Behr).
→ 21h, Théâtre de Saint-Louis-en-L'Île : mélodies de
Kuula, O. Merikanto, Sibelius, Melartin, par Sophie Galitzine
(une bonne voix) et Jean Dubé (oui, le
Jean Dubé !). Programme déjà rodé au moins depuis le début d'année.
Vendredi 23
→ 19h, CRR de Paris : Orchestre d'harmonie de la Région Centre dans Roger Boutry (Concerto
pour violoncelle et ensemble à vent), et arrangements :Lili
Boulanger (D'un matin de printemps), Debussy (Fêtes des Nocturnes) et Bernstein
(Suite de Candide). Gratuit.
→ 20h30 : Début de La Naissance de
la tragédie de Kuvers.
Samedi 24
→ 15h, Cortot : quatuor à vent. Français,
Villa-Lobos, Rossini, Beethoven, Poulenc, Jolivet…
→ Tout l'après-midi, MAHJ : Intégrale des
Quatuors avec piano de Mendelssohn (œuvres de prime jeunesse,
pas le plus grand Mendelssohn, mais déjà très belles et jamais données)
avec le Trio Sōra, Mathieu
Herzog, et culminant en fin de journée dans une transcription
de la Première
Symphonieavec leQuatuor Akilone (et un
piano) !
→ 20h30, Saint-Joseph-Artisan : Automn
de
Delius, première audition française de ce mouvement de suite
symphonique. Programme un peu moins aventureux que d'ordinaire (après
un tout-Stanford !). Couplage avec le Second Concerto de Brahms. Excellent orchestre d'Éric van Lauwe.
Libre participation.
Dimanche 25
→ 12h, Garnier : Quatuors de compositeurs d'opéra. Grétry
n°3, Verdi, Meyerbeer Quintette avec clarinette.
→ 16h, Saint-Joseph-Artisan : Automn
de
Delius,
première audition française de ce mouvement de suite symphonique.
Programme un peu moins aventureux que d'ordinaire (après un
tout-Stanford !). Couplage avec le Second Concerto de Brahms. Excellent orchestre d'Éric van Lauwe.
Libre participation.
→ 16h, Chapelle royale de
Versailles : Couperin, extraits de la Messe pour les Couvents par
Desenclos, et motets par l'Ensemble Marguerite Louise.
→ 17h, Le Pecq : Garnier & Oneto-Bensaid (laquelle fut multi-putto d'incarnat et vient de sortir
son premier disque, entièrement des transcriptions de sa main ! ♥) Dans Schubert, Duparc, Poulenc…
--
Lundi 26
→ Toute la journée, CNSM : masterclasses du Quatuor Modigliani. Gratuit.
Mardi 27
→ Uniquement des événements déjà cités.
Mercredi 28
→ 19h, CNSM : Concert (de chambre) de
l'Association de musique Sainte-Cécile, sorte de remise de prix
organisée par d'anciens du CNSM, une des plus anciennes associations
culturelles de France. Je ne dispose pas du programme, mais en principe
ce sont des gens plutôt bons – et c'est dans ces murs que je vis
régulièrement mes plus belles expériences de musique de chambre !
→ 20h30, Philharmonie : Salieri, Tarare.
Un des plus hauts chefs-d'œuvre de l'histoire de l'opéra, l'un des plus
grands succès de l'Opéra de Paris également. J'en avais présenté le livret et le contexte ici. Équipe de dingue
menée par Dubois, Bou, Rousset… Donné également à Versailles la semaine
précédente.
→ 20h30, Philharmonie : Intégrale des
airs de cour de Couperin (très peu donnés, même pas sûr d'en
avoir déjà entendu !) + divertissements, Sempé.
Jeudi 29
→ 19h, CNSM : orgue de Reger,
Escaich, Bach.
→ 20h, Maison de la Radio : Martinů (Concerto
pour violon n°1), Bernstein (Songfest,
une grande cantate assez réussie), Barber
(Adagio & ouverture pour The School for Scandal).
ONF.
→ 20h30, Grand-Palais : Lotti, Giove
in Argo, étudiants du CNSM, García-Alarcón. Gratuit sur réservation. On
dispose de très peu de choses de ce compositeur vénitien (et
essentiellement de la musique sacrée, très bien faite). On est à (1718)
à l'époque du premier seria,
mais on peut parier pour que ce soit plutôt du haut de gamme musical,
avec peut-être une forme plus libre, que de la pure ostentation vocale.
Mais c'est pur pari de ma part…
Vendredi 30
→ Fin de l'exposition des étonnantes gravures de Georges Focus à
l'École des Beaux-Arts.
→ 20h, Maison de la Radio : Symphonie
n°2 de Bernstein, OPRF,
Vasily Petrenko. Je trouve personnellement cette symphonie
particulièrement sinistre et insipide, mais elle est incontestablement
rarement donnée.
→ 20h, Opéra Royal de Versailles : première des trois représentations
d'Actéon de Charpentier et Pygmalion de Rameau, par l'Atelier
Tafelmusik de Toronto. Mise en scène toujours adroite avec peu de
moyens de Pynkoski.
→ 20h30, Philharmonie de Paris : Manfred
de Tchaïkovski. Orchestre des Jeunes de Roumanie, Mandeal. Très
peu joué en France et difficile à réussir, alors par de petits jeunes
enthousiastes, c'est tentant !
Samedi 1er décembre
→ 17h30, Écouen, Le Procès de Monsieur
Banquet (théâtre). Aménagement d'une pièce allégorique du XVIe
siècle, interprété par un seul comédien.
Dimanche 2 décembre
→ 17h, Invalides : Jacques Alphone
de Zeegant et Karoł Kurpinski, une Messe, et une Symphonie Chemin
des Dames !
Mon agenda étant déjà totalement occupé, je n'ai pas vérifié les
récitals d'orgue, mais si vous êtes intéressés, France Orgue fait une
grande partie du travail pour vous !
Courage pour vivre votre (meilleure) vie au milieu de toutes ces
tentations afférentes !
Ce billet, écrit à par DavidLeMarrec dans la catégorie Saison 2018-2019 a suscité :
[[]]
La plainte d'une Femme Affligée coryphée (Lucía Martín-Cartón), et ses
chœurs éplorés (acte III).
Compositeur :Jean-Baptiste LULLY (1632-1687) Œuvre :Alceste
(1674) Commentaire 1 :Alceste est la deuxièmetragédie en musique de LULLY,
l'avènement d'un véritable opéra à intrigue en langue française ;
victime d'une cabale de tous
les scribouillards inquiets de voir des cargos ultramontains se
déverser dans leur belle nation (Boileau et Racine notamment),
l'accueil mêle à ce débat (surtout littéraire) violent une réception
émerveillée de la Cour et du public, devant un type de spectacle
nouveau.
Car c'est vraiment dans Alceste que se fixe le récitatif LULLYste, beaucoup plus lyrique et
amplement accompagné, parfois avec l'orchestre tout entier, que dans Cadmus où sa sècheresse (quoique
déjà joliment mélodique) évoque davantage Monteverdi et Cavalli.
Je trouve aussi que c'est l'un des opéras de LULLY
où la constance de l'inspiration
est la plus élevée, aussi bien dans les récitatifs (très souples et
intégrés, traversés d'interventions multiples, de chœurs, quasiment des
« scènes », comme les appellent les romantiques), comme les regrets
d'Alcide au début de l'acte I, l'annonce de la mort d'Alceste au début de l'acte III (par
un coryphée féminin auquel fait écho un chœur mixte), et du côté des «
numéros » le duo d'adieu à Admète mourant (fin du II), le chœur
d'annonce de la mort d'Alceste (hors scène, peut-être une première , en tout cas
un effet rarissime qui a dû saisir l'auditoire d'alors – amplifié dans Thésée, l'opéra suivant, avec ces combats
décisifs qui envahissent, depuis l'extérieur, le temple où est réfugiée
l'héroïne, et l'opéra le plus repris en France jusqu'à 1730 au moins,
même recomposé par Gossec sur le même livret), les
marches funèbres d'Alceste à la fin de l'acte III. On peut y ajouter
l'irrésistible duo maritime de Tritons « Malgré tant d'orages / Et tant
de naufrages / Chacun, à son tour, / S'embarque avec l'Amour. » lors
des réjouissances de l'acte I.
C'est également l'opéra de LULLY où l'humour est le plus présent (il
devient rare après le fiasco courtisan d'Isis qui conduit à l'exil de
Quinault, cf. tableau synoptique ici ; mais c'était aussi une
composante, ai-je cru comprendre dans les témoignages du temps, qui
avait moins la faveur du roi que la grandeur et le pathétique) : les
amours de valets et confidents aux actes I et II (les rivaux, la
coquette rouée, le chantage au mariage), le comique de caractère (le
vieux guerrier qui arrive en retard à la bataille et rate le combat
ainsi que la victoire), et bien sûr le grand hit, le principal air à être resté
au répertoire au XXe siècle avant les mouvements musicologiques, avec (étrangement) « Bois épais » d'Amadis, l'air de Charon « Il faut
passer tôt ou tard dans ma barque », refusant le passage aux âmes de
l'Érèbe comme un vieil avare qui veille sur son trésor. En revanche,
contrairement au drame satyrique d'Euripide, l'humour ne porte pas du
tout sur les personnages principaux (Admète n'est pas un pleurnichard
avant sa mort et après celle d'Alceste, ses familiers ne sont pas des
pleutres qui ont peur de mourir…), simplement sur les sous-intrigues ou
des figures de caractère.
Si l'on met de côté les trois derniers opéras, plus
complexes et riches (Amadis, Roland, Armide), Alceste est assurément l'opéra de LULLY
qui m'impressionne le plus par sa succession
de trouvailles et son renouvellement
constant. Oui, avant même Atys
– qui n'est pas bien loin, mais dans lequel je trouve des affleurements
italiens plus évidents, tous les récitatifs et divertissements n'ont
pas le même relief mélodique et déclamatoire que dans Alceste.
Interprètes :Wanroij, Gonzalez-Toro, Crossley-Mercer, Martín-Cartón, Tauran, Bré, de Hys,
Bazola, D. Williams ; Chœur de Chambre de Namur, Les Talens Lyriques, Christophe Rousset Label :Aparté (2017) Commentaire 2 : Il
n'existait jusque là que deux
enregistrements officiels, Malgoire 1974 chez CBS (Palmer,
Brewer, van Egmond) et Malgoire 1992 chez Montaigne (Alliot-Lugaz,
Crook, Lafont). Le premier introuvable, le second épuisé mais pas
inacessiblement, simplement très frustrant (complètement hors-style,
lourd, terne et empesé ; Malgoire a depuis donné une version
merveilleuse en 2007 avec Gens, Crook et Rivenq, captée par la radio
mais jamais commercialisée).
La parution de ce
disque Rousset change tout : il s'agit non seulement d'une belle
version, mais même de l'un des plus beaux enregistrements d'un opéra de
LULLY , qui ne laisse aucune beauté de côté. J'avais
trouvé en salle que les chanteurs manquaient un peu de
soin dans la déclamation, mais les
timbres sont beaux et variés,
les incarnations fortes, le
style orchestral tellement parfait (à la fois hiératique et
dansant), les contrechants ducontinuo de Rousset vertigineux, la délicatesse du Chœur de Chambre
de Namur (dans un grand jour) tellement délicieuse…
Petite satisfaction glottophilique additionnelle, Lucía Martín-Cartón, une révélation
bouleversante (cela s'entend un peu moins au disque qu'en salle), la
seule à déclamer réellement (elle sort du Jardin des Voix, à peu près
le seul lieu désormais où l'on dispense cet enseignement au plus haut
niveau) et elle marque les appuis de la langue d'une façon
remarquablement naturelle et éloquente, avec un timbre clair mais des
couleurs capiteuses, qui évoque même en salle (mais pas du tout au
disque, pardon…) le fruité de la jeune Mellon – c'était assez
spectaculaire, cet effet de réincarnation.
En enregistrement, la voix paraît plus malingre qu'elle n'est en
réalité, mais la beauté de la diction et de la ligne demeurent. Rousset
ne s'y est pas trompé, et lui a confié les plus belles parties de
l'œuvre : la Nymphe de la Seine qui ouvre le Prologue et la Femme
Affligée qui annonce la mort d'Alceste, ainsi que d'autres personnages
moins clairement nommés (Nymphe, Ombre) mais qui disposent de
quelques-unes des plus belles pages musicales de l'opéra.
Ainsi à la fois un
jalon dans l'histoire du genre opéra et dans celle de la
discographie LULLYste (le meilleur volume de
l'intégrale Rousset manifestement en cours), le tout dans un son remarquablement aéré et des
équilibres réalistes qui méritait bien mention dans ce parcours.
Prolonger sur CSS :
Le concert a été commenté en temps réel, comme j'en
ai fait mon usage, sur le compte Twitter du site (qui me permet
d'écrire les comptes rendus dans les transports et de consacrer le
reste de mon temps aux recherches pour des notules à l'objet un peu
plus durable).
Parmi les nombreuses notules consacrées à LULLY et à la
tragédie en musique, celle-ci vous permettra de remettre Alceste
dans le contexte des autres opéras écrits par le maître (les
moments forts de chaque opéra sont présentés, avec tableau synoptique
des sujets, des éléments comiques et des dénouements en sus).
Encore une fois, sélection personnelle dont le ressort est souvent la
rareté ou la bizarrerie. Pour une sélection plus transversale et moins
triée, l'Offi et Cadences sont assez complets (tout en ratant certaines
de mes propositions, considérant les recoins où je râcle des pépites et
ma veille généralisée des clubs interlopes).
N'hésitez pas à réclamer plus ample information si les abréviations
(tirées de mon planning personnel, destiné au maximum de compacité)
ou les détails vous manquent.
(Même si j'y ai apporté un soin plus grand pour cette saison, les
horaires indiqués le sont parfois par défaut par le logiciel,
vérifiez toujours !)
1. Rétroviseur
Auparavant, les spectacles de septembre (il manque seulement celui de
demain, que j'ai hésité à chroniquer au futur, mais il paraît que ça ne
se fait pas).
Les ♥ mesurent mon émotion (depuis « ça va, c'est joli » jusqu'à
l'extase), non la qualité des spectacles. Le Couperin était très bon,
par exemple, mais je ne suis pas fanatique de ce versant de Couperin,
j'entendais mal de là où j'étais placé, et Jarry jouait dans une
esthétique assez distante de ce que j'aime) : je n'ai pas été
passionné. Inversement, le trio a
cappella Les
Sortilèges n'était pas complètement au point, mais le choix des pièces
et la fraîcheur de l'approche m'ont fait passer un excellent moment,
indépendamment de sa valeur objectivable sur le marché de l'emploi
lyrique. De même pour le programme Schumann dont l'exécution était un
peu en pilote automatique, mais ces œuvres, même simplement bien
jouées, sont si fortes… Pour Les
Démons aussi c'est étrange : j'ai fini par me laisser totalement
emporter, alors même que la production a accumulé les maladresses dans
sa captatio benevolentiæ marrecistæ.
Quant à ♠ : j'ai pas du tout aimé.
Alerte, j'ai déjà plus d'échecs que dans toute la saison dernière
!
Il faut dire que pour les adaptations théâtrales, on ne peut
pas lire la partition ou écouter le disque, on se rend compte de ce que
devient le texte uniquement une fois dans la salle. Et puis, au
théâtre, si on n'est pas emporté, on ne peut pas se contenter d'écouter
la musique, il faut vraiment endurer les silences et l'ennui.)
Et quelques déambulations illustrées de septembre :
☼ Le Haut-Brun : villages , prairies, champs et bois
de Seugy à Viarmes.
Vous trouverez aussi quelques clichés épars et commentés sur cette page.
2. Conseils
Avec le théâtre exotique, l'offre est devenue particulièrement dense ce
mois-là. Outre la capture en images, voici ce que j'ai remarqué.
Côté théâtre, se poursuiventAvidya(dont on m'a dit le plus grand bien : aphoristique, physique, à
la fois tradi et singulier, magnifié et magnifiant la langue japonaise),Révélation
(adaptation japonaise d'une pièce italienne, dans un univers
mythologique), Les
Démons(adapté de
Dostoïevski – tous les stéréotypes du théâtre branchouille et intrusif
y passent, mais ça fonctionne plutôt bien en définitive, réussissant à
rendre la polyphonie particulière des narrations « sales » de
Dosto), Le Procès(d'après Kafka, en polonais –
lourdement sexualisé et pourtant vraiment pas palpitant, à mon sens), L'heureux stratagème de
Marivaux (dans un dispositif bifrontal au Vieux-Colombier). Arrivent
aussi La
Princesse Maleine de Maeterlinck (son chef d'œuvre de jeunesse,
qu'on ne voit jamais sur scène), Un fils formidable(un jeune homme reclus dans son
appartement voit des réfugiés débarquer chez lui – c'est en japonais)
et Five
Days in Marchà Pompidou, en japonais autour de la
dernière guerre d'Irak.
Je ne reviens pas sur tout cela, et d'autant moins que je n'en ai vu
que deux pour l'instant.
Côté musique, donc.
29 : Pièces pour violon solo de Bach et Biber, la violoniste
s'accompagnant lorsque nécessaire au
pédalier du grand orgue, pour tenir la basse continue !
Retransmis sur un écran pour le public. Ce doit être assez sympa
(même si ce pourrait être fait par un second musicien, pour plus de
convivialité), et pour voir un peu ce qu'est un crincrin et un
pédalier, deux gestes particulièrement peu intuitifs à combiner,
surtout dans ces prestes pièces !
29… : Bérénice de Jarrell, opéra fondé sur Racine,
commandé pour Garnier. Jarrell écrit très bien pour le théâtre (Cassandre)
et même pour l'opéra (témoin les ensembles et le lyrisme de Galileo). À voir ce qu'il en sera
pour cette commande en français.
30 : Tragédies en musique
(Armide, Médée, Callirhoé, Zoroastre) pour soprano (l'excellent
spécialiste Eugénie Lefebvre) et deux
clavecins ! Dispositif rare qui permet mille richesses !
2 : Airs rares et inédits de tragédie
en musique. Hélas, c'est Katherine Watson qui officie – même si
elle s'améliore doucettement, elle reste un peu translucide et molle
pour rendre justice à cette musique où il faut du verbe et du relief.
Sans quoi je m'y serais précipité toutes affaires cessantes.
3 : Un Rigoletto qui alarme
un peu par ses rôles principaux (la pépiante Siurina, qui a dû
s'élargir significativement je suppose, et surtout Keenlyside, qui
depuis ses problèmes de santé ne peut plus guère chanter d'aigus – je
l'avais entendu, grand artiste mais vraiment en difficulté dans un
récital de lied il y a un an, alors Rigoletto ?), mais qui promet le
meilleur pour tout l'entourage : le très franc Pirgu (peu phonogénique, mais très
marquant en salle), la brûlante Kolosova,
l'abyssal Trofimov (la grande
basse profonde du Bolchoï, une voix incommensurable), l'épatant Orchestre du Luxembourg.
5 : Cantates françaises au
Foyer de l'Âme. Le niveau instrumental de l'ensemble est moyen, mais Sophie Landy a un côté mûr-éloquent
qui n'est pas sans évoquer Françoise Masset, et ce sont tous de
valeureux spécialistes.
6 : Rarissime, un programme tout Stanford
! Certes, pas le meilleur Stanford (le Stabat Mater, les premières
symphonies), la Septième Symphonie
étant possiblement sa plus lisse (quoique fort mignonne !), mais son Concerto pour clarinette caressant
est très réussi. Et on ne le joue jamais en France.
6 : Mélodies de Fauré, Debussy, Britten, Vellones, Sacre ! Avec le grand
accompagnateur spécialiste Billy Eidi.
6 : Fidelio sur crincrins
d'époque par le Kammerorchester Basel,
un des meilleurs orchestres au monde pour jouer l'opéra seria. Avec Michael Spyres pour se jouer de
Florestan. Tout cela rend très curieux.
6 : 20 ans de Jeunes Talents dans
la Cour d'honneur de l'Hôtel de Soubise, avec La Mer en quatre mains, un Trio de Weinberg par les Sōra, la Petite Suite
pour quatre mains… toute la soirée, et gratuit.
6 : Nuit du piano de Satie.
6 : Ensemble Les Passagères (musique baroque italienne, vocale et
instrumentale).
8 : Alerte glottophilie ! Devos
& Bou à l'Éléphant Paname
(c'est cher).
8 : Ensemble de clarinettes aux Invalides.
12 : Classe de direction du CNSM, ouvertures d'opéras.
12 :Issé, tragédie-ballet de Destouches, à
Pontoise. Grand succès d'alors, qui marque un regain d'intérêt éphémère
de Louis XIV vieillissant et détourné de la musique. Une recréation
indispensable.
13 : Issé, tragédie-ballet de Destouches, à
Versailles.
13 :Le Jugement de Midas de Grétry par les jeunes
spécialistes des CRR franciliens (et du PSPBB).
13 : Concert de tournée du CD d'Elsa
Dreisig, incluant la scène
finale de Salomé de Strauss en français, qu'elle
réalise remarquablement. Le disque montre aussi Schønwandt et
Montpellier à leur faîte, débauche de couleurs.
14 : Pièces pour orgue françaises de Franck, Saint-Saëns, Tournemire et, plus rare, Rousseau (l'auteur de du bel opéra Kerkeb, qui n'a plus dû être rejoué
depuis la RTF des années 60…), et la grande organiste Demessieux. Hélas sur l'orgue de la
Madeleine, testé récemment, où, je trouve, l'on n'entend rien – ce qui
est particulièrement frustrant dans un répertoire où le contrepoint et
le raffinement harmonique sont les premiers postes d'intérêt ; on se
contenterait fort bien du même flou pour cacher la pauvreté d'un
méchant opéra de Donizetti !
14 : Étude pour piano de Hosokawa (et
Debussy), par Momo Kodama (qui ne m'apparaît pas particulièrement
extraordinaire, mais complètement compensé par l'intérêt du programme).
14… : Buyô, danse pantomime pour le kabuki
(qui est le genre japonais
que je trouve le plus directement éloquent, mais c'est tout personnel,
je suppose).
14 : Programme Brahms certes complètement conventionnel, mais associant
les chefs-d'œuvre, Quintette piano-cordes, Trio avec clarinette, Sonate
alto-piano, par une équipe exceptionnelle (incluant Freire et Braunstein !).
16 : Beethoven, Symphonie n°5 par l'ONDIF
et Mazzola. S'il y a bien
quelques têtes brûlées par lesquelles je voudrais enfin entendre pour
la première fois cette symphonie en concert ! (mais je ne pourrai
probablement pas).
17 : Le jubilatoire et malicieuxCandide de Bernstein dans une distribution
à faire tourner la tête (très bien vu, Rivenq
en Pangloss, vraiment !).
17 : Kusa et Egüez reviennent évoquer la musique baroque jésuitique
espagnole et la veine semi-folklorique, ce qu'ils font très bien.
17 :Le Chant du Rossignol de Stravinski, pièce symphonique
tirée de l'opéra, mais la direction de Pintscher ne fait pas du tout
envie – le seul chef que j'aie vu capable de couper les ailes à l'Oiseau de feu !
18 : Nouvelle séance des Inédits de
la BNF, centrée autour de sa correspondance. Seuls sont
mentionnés les membres d'un trio flûte-alto-harpe, vont-ils faire le
tour de ce qui existe chez les contemporains ? Je vais à la pêche
aux infos et je vous raconte.
19 : Récital de Célia Oneto-Bensaïd,
une jeune pianiste à peine sortie du CNSM et parmi les plus éloquents
accompagnateurs que j'ai jamais entendus. Elle vient de sortir son
premier disque solo dont elle jouera ses
propres arrangements de Bernstein (Candide, West Side Story
; très réussis), et ce soir-là à Cortot, ce sera aussi du violon de
Bach arrangé par Rachmaninov et la Cinquième Sonate de Prokofiev. Oui.
19 : Masterclass sur Pelléas à
l'Opéra-Comique.
20 : Un Quatuor de Gassmann –
vous savez, le compositeur de cet opéra seria appelé L'Opera seria qui y parodie de
façon réjouissante l'opéra seria
dans le langage de l'opéra seria
– par le Quatuor Pleyel, qui joue sur instruments d'époque. Le son est
parfois fruste (on est vraiment sur des pionnières, parfois âgées, dont
les doigts répondent diversement), mais la petite harmonie centrale est
très belle (Charbonnier, Cavagnac) et leur contribution pionnière
inestimable. Hélas (si l'on peut dire) couplé avec du Mozart, ce qui
est moins informatif que d'autres programmes où elles osaient Pleyel-Auber-Haensel ! (d'autant que, malgré
leur caractère attachant, d'autres l'auront joué mieux qu'elles)
20 : Follie par Beyer &
Gli Incogniti à Notre-Dame de Pontoise.
23 : Pelléas dans sa version
publiée pour piano, avec Jean-Christophe
Lanièce, déjà un chanteur miraculeux et un Pelléas très accompli
dont j'ai déjà pu entendre plusieurs tableaux totalement saisissants
(les deux scènes de la Fontaine des Aveugles).
23 : Début de l'intégrale des madrigaux de Gesualdo par Les Arts
Florissants. Il faudra s'y précipiter pour les derniers livres.
24 : Le Prince de
Bois en version courte + la très attachante Kopachinskaja (certes dans un
concerto de Eötvös, dont j'ai fini par abandonner l'espoir de découvrir
un jour les qualités de compositeur), qui a attiré l'attention par son
habitude de jouer pieds nus. Excellent différenciation marketting me direz-vous, mais le
personnage semble tellement authentique. À l'aveugle, j'avoue que ce
n'est pas la violoniste qui me bouleverse le plus, mais son évidente
joie de jouer, avec l'image, est tellement communicative qu'elle hausse
tout ce qu'on entend.
24 : Serse de Haendel avec,
certes, Fagioli (petite voix pâteuse, mal projetée et dans un italien
épouvantable, pas mon genre), mais aussi le meilleur de ce qu'offre la
scène seria d'aujourd'hui – Kalna, Genaux, Galou, Il Pomo d'oro,
et même deux lauréats des putti
d'incarnat, A. Wolf et Aspromonte, n'en jetez plus !
25 : M.-L. Garnier et Oneto-Bensaïd dans
du lied (et Stravinski !). Une grande voix pas très discrète mais qui a
l'habitude de la mélodie et doit savoir se discipliner un minimum ; et
surtout une très, très grande accompagnatrice, d'une finesse (aussi
bien dans la communication des structures que dans le détail ; très
beau son également) rare.
27 : Violoncelle-piano avec une pièce rarissime d'Alexandre Guéroult (1822-1913),
lui-même violoncelliste. Je ne peux pas vous dire si c'est bien, je
n'ai pas encore trouvé ses œuvres, à supposer qu'elles aient été
gravées un jour – ce peut aussi bien être un fauréen sophistiqué qu'un
plat gribouiller de pièces de concours…
27 : Mélodies par Fiona McGown (toute petite voix de mezzo, mais
interprète très informée et juste) et à nouveau Célia Oneto-Bensaïd. Mozart,
Rossini, Bizet, Bonis,
Poulenc, Bernstein à l'Atelier de la Main d'Or.
Bien sûr, à tout cela, il faudrait ajouter les séries des grandes
maisons, comme ces Huguenots
qui sont bien accueillis (je ne suis pas complètement satisfait de tous
les choix de distribution ni convaincu qu'on puisse rendre justice à
l'intérieur de l'immensité de Bastille, mais bien sûr impatient et ravi
d'avoir la possibilité de les entendre même imparfaits !), les soirées
Berlioz sur de Gardiner & Richardot, ou cette reprise d'Elixir où se retrouveront en fin de
série la très dense Naforniţa
et la vedette Grigolo !
3. Agenda imagé
Vous verrez peut-être quelques blancs où j'ai occulté certains
événéments plus personnels – mes répétitions et les cinq à sept chez ma
grisette, qu'est-ce que ça
peut vous faire…
Vous pouvez ouvrir les images en cliquant dessus, pour les ajuster à la
taille de votre
choix :
Je vous souhaite un excellent octobre : si les premiers frimas vous
accablent, vous saurez où vous mettre au chaud et dans des lieux
animés. Car, avec Carnets sur sol, la poursuite d'octobre bouge.
Ce billet, écrit à par DavidLeMarrec dans la catégorie Saison 2018-2019 a suscité :
À venir : polonais,
slaves occidentaux (tchèques, slovaques) & méridionaux
(slovène, croate), celtiques & nordiques (irlandais, danois,
bokmål, suédois, estonien), espagnols, et surtout une grosse notule sur
les opéras contemporains intriguants, amusants (ou même réussis).
La salle du Pinchgut Opera
a un plan en « boîte à chaussures » inhabituel pour une salle prévue
pour le scénique, surtout avec ses sièges latéraux orientés à 90°.
Pinchgut est une île qui fait face à Sydney, presque entièrement
occupée par son Fort Denison, à l'image d'If à Marseille. La compagnie
qui a pris son nom se situe dans la ville, bien sûr, et est spécialisée
dans l'exécution d'opéras du XVIIe et XVIIIe siècle sur opéra d'époque,
de très bon niveau ainsi qu'en témoignent quelques disques.
On y donne Athalia de
Haendel.
Opéras baroques
Pas d'Arne, rien que du Haendel, désolé – mais quelqu'un doit bien
faire Blow quelque part, au moins une version de concert dans une
petite salle.
Haendel, Acis and Galatea (Debrecen) Haendel, Athalia (Pinchgut de Sydney) Haendel, Saul (Mainz, an der Wien) Haendel, Apollo e Dafne (Graz)
→
Trois « oratorios » (en réalité des opéras en anglais, même pas
toujours sur sujet religieux) et une cantate, Apollo e Dafne – il a aussi existé
une Daphne, son quatrième
opéra et le dernier de sa période hambourgeoise, mais la musique en est
perdue.
→ Acis contient des airs
assez
marquants et hors de l'ordinaire (les graves profonds de Polyphème ont
leur célébrité chez les basses), tandis que Saul est beaucoup plus varié et
mobile qu'un seriastandard,mais
je trouve, étrangement, que cela ne se ressent quasiment
que dans l'antique studio Harnoncourt, là où les plus informés, fût-ce
Jacobs, ne parviennent pas tout à fait à rendre cette force du verbe
biblique et cette atmosphère très singulière. Je ne puis donc préjuger
du rendu en salle.
La salle de l'Opéra d'Edmonton,
en Alberta.
On y donne HMS Pinafore de
Sullivan.
Opéras romantiques
Là aussi, on aurait pu espérer les bijoux (mélanges de belcanto, de
fantastique weberien et de numéros assouplis à la française…) comme Robin Hood de Macfarren, Satanella de Balfe ou Lurline
(Loreleï…) de Wallace. Mais je n'ai rien vu, et il est vrai que même
dans les Îles Britanniques, cette part du patrimoine reste tout à fait
occultée, hélas – ceux que j'ai pu entendre valent largement les opéras
d'Adam et Auber, dans un style similaire (mais plus ambitieux qu'eux,
ils ont de toute évidence respiré Weber et Marschner).
Sullivan, The Pirates of Penzance (Leipzig,
Ulm, Meiningen, San Diego) Sullivan, HMS Pinafore (Edmonton en Alberta) Sullivan, Trial by Jury (Leeds)
→ Répertoire léger mais prégnant qu'on
ne joue guère hors des îles britanniques et de l'Amérique anglophone…
la musique en est très consonante et formellement tout à fait simple,
mais pas sans séductions mélodiques ; les livrets originaux et piquants
; l'ensemble virevoltant avec beaucoup de finesse en fin de compte –
moins virtuose que Rossini, sans doute, mais aussi beaucoup moins
souligné que les Offenbach : le meilleur du comique anglais.
→ À présent qu'il est ordinaire de jouer des opéras, même dotés d'une
veine comique verbale significative, en langue originale – sans
mentionner la généralisation de l'usage de l'anglais dans la population
–, il n'y a pas vraiment de raison de ne pas en donner au moins les
titres emblématiques : Penzance (qui
existe en français, d'ailleurs), Pinafore,
Mikado, Yeoman…
en ce qui me concerne, je les trouve plus stimulants à tout point de
vue (musicalement, mais surtout beaucoup plus amusants) que les petits
Offenbach qu'on redonne ici et là. J'avoue cependant ne pas en être
assez familier pour disposer d'une opinion sur les petits Gilbert &
Sullivan, qui ne valent peut-être pas mieux !
Chadwick,
Burlesque Opera of Tabasco
(New Orleans)
→ George Whitefield Chadwick est un des
plus beaux représentants du romantisme
musical américain, à la fin du XIXe siècle (1854-1931) – de la Second New England School,
comme Amy Beach. Sa Deuxième Symphonie témoigne d'une belle maîtrise de
tous les aspects d'écriture, dans une veine simple et lumineuse. Mais
les Symphonic Sketches sont
encore plus intéressants, plus personnels – culminant dans le mouvement
lent, « Noel », tout à fait dans l'esprit folklorique de la Neuvième de
Dvořák !
→ Son opéra Tabasco de 1894
en témoigne. (Oui, Tabasco comme la sauce.) Intrigue minimale : : Hot-Heddam Pasha menace de
décapiter son cuisinier français (en réalité un imposteur irlandais) si
celui-ci ne relève pas davantage ses plats. Après une recherche
désespérée à travers la ville, c'est la mystérieure fiole d'un mendiant
aveugle qui fait l'affaire, en réalité une bouteille de sauce au piment
Tabasco.
→ C'était au départ une simple commande
locale d'une milice de Boston, à l'occasion d'une levée de fonds
pour une nouvelle armurerie. Mais le succès
fut grand, les droits rachetés par un producteur ambitieux, un accord
passé avec l'entreprise créatrice de la sauce, ce qui a transformé la
petite pièce légère en grand événement traversant le continent dans une
forme de cirque extraverti
(distribution de produits, immense bouteille en carton-pâte sur scène).
→ Musicalement, nous avons affaire à de la pure veine légère
anglophone, quelque part entre Sullivan et Candide de Bernstein, très
agréablement réussi. [Je ne crois pas qu'il en existe d'intégrale
officielle, mais YouTube en fournit plusieurs extraits.]
L'Opéra de Tel Aviv
évoque de l'extérieur un de ces hôtels de luxe de la côte.
On y donne A Midsummer Night's Dream
de Britten.
Opéras du XXe siècle
On y trouve essentiellement des compositeurs dans une veine tout à fait
tonale, artisans d'un héritage raisonnable du passé, à exceptions près
(qui ne sont pas du tout de l'opéra d'ailleurs, mais figuraient dans
les saisons de respectables maisons).
Je les ai laissés dans l'ordre suggéré par leurs dates de naissance.
Barber, Vanessa (Frankfurt-am-Main)
→ Je tiens Vanessa pour l'un des opéras les
plus aboutis de tout le répertoire, sa cohérence entre livret et
musique, sa fluidité, sa façon de toucher simplement à la vérité du
théâtre et à la beauté de la musique n'ayant que peu d'égales.
→ Une notule le présente plus amplement (ainsi que les
contraintes de distribution et circostances de création).
Britten, The Rape of Lucretia
(Cologne)
→ L'opéra (le troisième de ses quinze)
a l'originalité de convoquer des coryphées, mais j'aurais peu de bien
à en dire. Langage sonore très gris, livret très lent (et qui fait du
viol de Lucrèce un semi-rêve assez déplaisant dans ses insinuations –
comme la jeune mère de Merlin, elle fait un rêve érotique, bien fait
pour sa tronche), où même la scène-titre se déroule très lentement,
habillé d'échanges bavards et flous… Et tout ce qui précède et suit a
finalement un rapport dramatique assez lâche avec ce que devrait être
l'histoire de Lucrèce – tout l'apparat romain a disparu, en tout cas.
Même la prosodie, parfois le point fort de Britten, est ici noyée dans
un semi-lyrisme récitatif sans grand relief. Bof.
Britten, Gloriana (Madrid)
→ Commande de Covent Garden pour le Couronnement d'Elizabeth II,
en 1953, Gloriana est une
variation sur l'épisode des amours et de la mort de Robert Devereux, amant d'Elizabeth Ière.
Chez Britten, Devereux est moins perdu par ses ennemis à la Cour que
par ses propres faiblesses à la guerre, voire par ses propres partisans
– sa mort est signée devant l'aplomb de ses soutiens, le considérant
indispensable au gouvernement du royaume. Et tout cela sert de support
à une méditation sur l'âge (Elizabeth est déjà mûre), sur la solitude
de l'individu, sur l'avenir de tout amour et de toute vie…
→ Musicalement, le sujet est bien sûr l'occasion pour Britten d'écrire
dans une langue assez claire, au besoin néoclassique,
et plutôt en aplats d'accords, comme accompagné sur orgue positif. Pas
forcément très saillant, mais d'une belle sobriété ; peut-être un peu
régulier pour se montrer efficacement dramatique.
→ Le sujet n'est finalement pas très
révérencieux,
présentant cette reine déclinante, hésitante, sensible aux morsures de
l'amour-propre. Mais, au demeurant, Elizabeth II n'a pas choisi son nom
de règne (un souverain d'Angleterre peut changer son prénom, comme les
papes) en référence à son inégalable devancière, simplement décidé de
conserver son nom de baptême – peut-être plus de la modestie que de
l'ambition, mais je ne suis pas assez familier des biographes de ladite
majesté pour m'avancer sur le sujet.
→ Il existe une bande
de la création – avec Peter Pears en jeune galant (!), mais aussi
Geraint Evans en Lord (!) et Monica Sinclair en Lady (!!). Mais le son
un brin ouaté accentue plutôt les limites du style de Britten, à mon
sens.
Britten, A Midsummer Night's Dream (an der
Wien, Tel Aviv)
→ Même si les parties amoureuses sont
plus grises, le Songe
de Britten, au milieu de sa carrière (1960) est l'un de ses opéras les
plus coloré et inventifs, en particulier dans toutes les parties
féeriques : le contre-ténor inhabituel d'Oberon, écrit pour Deller, les
fanfares grêles des Elfes, les interventions parlées savoureuses de
Puck… Vraiment du Britten inhabituellement bigarré, et très inspiré par
endroit.
Britten, The Prodigal Son (Opéra de Chambre
de Moscou)
→ Antépénultième opéra (ou assimilé) et
troisième de ses paraboles pour
représentation d'église, c'est aussi la moins convaincante (Noye's Fludde dispose d'un certain
impact dramatique ; The Burning
Fiery Furnace s'essaie à une modernité un peu plus radicale),
très peu saillante à mon gré – un peu comme du mauvais Billy Budd.
Britten,
Death in Venice (Stuttgart,
Linz)
→ Un cas étonnant de Britten beaucoup
plus germanisant, décadent
même, d'un langage plus hardi (enfin, de la tonalité avec de légères
touches un peu plus berguiennes, pour les années 70…) et plus
romantique à la fois. Bien sûr, la déclamation très en avant et un peu
indifférenciée reste toujours la sienne, mais le changement de couleur
est patent, et ce n'est pas si souvent donné.
Menotti, The Medium (Berne, Chicago, New
Orleans) Menotti, The Consul (Dayton, Lawndale en
Californie) Menotti, Amahl and the Night's Visitors
(Lausanne, Sofia)
→ Menotti,
célèbre pour avoir été le librettiste (et compagnon) de Barber, a
produit un grand nombre d'œuvres scéniques (2 ballets-pantomimes, 18
opéras dans tous les genres, de la piécette bouffe d'une demi-heure à
l'opéra historique néo-romantique, en passant par toute une gamme de
sujets et langages intermédiaires). D'un langage tout à fait tonal,
mais puisant à de très nombreuses écoles, le résultat n'en est pas
musicalement unique, mais toujours très opérant en tant qu'objet de
théâtre musical.
→ Amahlest un gentil opéra pour enfants, qui existe, comme The Telephone ou The Medium, en plusieurs langues
dont le français. Mais aussi en allemand, comme The Consul – qui sera donné en
allemand en Allemagne et en Autriche pendant cette saison.
→ Les deux autres sont plus dramatiques, quoique intégrant des éléments
plaisants, en particulier dans The
Consul,
son opéra le plus sombre (du moins parmi ceux enregistrés), où pourtant
le comique absurde abonde, culminant dans d'improbables tours de magie
(au départ minables, à la fin presque surnaturels) au sein même du
Consulat.
→ The Consulest
une histoire terrible, une tragédie bureaucratique kafkaïenne
épouvantable, écrite dans un langage qui emprunte à la déclamation et
aux atmosphères oppressantes de Britten, au lyrisme de Puccini, à
l'harmonie de Poulenc, et pourtant traitée avec une vivacité
particulière et une prédominance de l'humour. Une notule lui est consacrée.
→ The Medium,
son œuvre la plus jouée, est probablement la plus travaillée sur le
plan musical, avec une variété de textures, un travail sur
l'orchestration, sur les contrastes entre scènes, sans rien céder à ses
qualités prosodiques et théâtrales habituelles. C'est un rôle où ont
brillé les grands mezzos déclinants mais glorieux – Mödl, Crespin,
Gorr… [Vous pouvez par exemple l'aborder avec cette version en
français – Metz 1994 avec Gorr, Raphanel, Zanetti !]
→ Assez peu donné sur les grandes scènes, Menotti est en revanche très régulièrement programmé
dans des théâtres de taille moyenne – car, je suppose, ne réclamant pas
d'orchestres immenses, n'obligeant pas à des pyrotechnies
invraisemblables, et toujours très payant scéniquement. Il doit, en fin
de compte, figurer parmi les compositeurs nés au XXe dont les opéras
sont le plus joués. Et ce n'est que justice : sans être un compositeur
majeur, chaque œuvre, prise comme un tout, fonctionne à la perfection,
pas de longueurs, pas de faiblesses, surtout dans sa première période –
The Saint of Bleecker Street
et bien plus tard Goya, plus
sérieux, ont moins de saillances. [Mon chouchou reste la courte
conversation en musique The Telephone.]
À la Taschenoper («
Opéra de poche ») de Vienne.
On y donne A House Full of Music
de John Cage.
→ Je l'ai vu classé dans un saison
d'opéra, mais Barstow
est loin de répondre à la définition stricte, ni même élargie de
l'opéra : il s'agit d'inscriptions d'auto-stoppeurs lus sur une
rambarde routière à Barstow, en Californie (1841).
→ Harry Partch est resté célèbre pour ses créations d'instruments ;
pendant la Grande Dépression, il a vécu comme vagabond auto-stoppeur /
intérimaire itinérant (hobo),
et a réalisé quantité d'instruments nouveaux à partir de matériaux
sommaires.
→ Cette œuvre, originellement écrite pour voix guitare adaptée, a aussi
été révisée (en 1954 et 1968) pour deux voix, et des instruments
propres à Partch que même la base de l'IRCAM ne nomme qu'en anglais :
surrogate kithara (cithare de
substitution, je dirais), chromelodeon, marimba diamant et boo.
Très accessible et sympathique, mais cela ne dure que dix
minutes.
Cage, A House Full of Music (Taschenoper
de Vienne)
→ Je l'ai vu, de même, mentionné dans
des
saisons d'opéra, mais enfin, malgré quelques glossolalies (et
explications parlées surimprimées), c'est plutôt une forme de poème
symphonique de chambre (produit notamment avec des batteries de
cuisine…). Du vrai Cage, très ludique, pas forcément intéressant
musicalement.
Le Noah Liff Opera Center
accueille l'Opéra de Nashville
(Tennessee).
On y donne Susannah de Floyd.
(Et on y propose aussi, dès le 27 ce mois, j'en parlerai dans la notule
consacrée aux créations, un très prometteur et subtil Hercules vs. Vampires !)
Floyd, Susannah (Nashville)
→ Le grand classique du patrimoine
américain (avec A Streetcar Named
Desire, dans le genre très différent de la conversation en
musique et du théâtre d'auteur). Susannah
est au contraire une histoire où les enjeux moraux et sociétaux sont
très conservateurs, écrite dans un langage hors de son temps,
complètement romantique, très lyrique.
→ Musique pas du tout neuve (le livret davantage, puisqu'il fait écho à
une culture qui n'est pas directement européenne, mais il n'est pas
fabuleux), mais très beau si on aime l'opéra dans ce qu'il peut avoir
d'élancé, de simplement lyrique – un Puccini sans sophistication
post-wagnérienne et sans sirop, si vous voulez. J'aime assez, je dois
dire. Je l'ai déjà dit : je suis un garçon simple.
Le pittoresque orientalisant de l'Opera North, marque qui s'est
imposée pour désigner l'Opéra de Leeds
(phtographie de Don McPhee pour le Guardian).
On y donne Trouble in Tahihi
de Bernstein.
Bernstein, Trouble in Tahiti (Amsterdam,
Leeds, Semperoper de Dresde, Boston, Opera Parallèle de San Francisco…
et l'Athénée à Paris) Bernstein, On the Town (Saint-Gall) Bernstein, A Quiet Place (Kammeroper de Vienne)
→
Trois comédies musicales : les premières, et puis la dernière, qui
reprend Trouble in Tahiti en
y adjoignant de nouveaux actes. Les trois sont de la très bonne comédie
musical, dans un style de… comédie musicale. Ne surtout pas y chercher
de l'opéra (ni même l'éclectisme de la Messe).
Intérieur coloré de du Théâtre de Saint-Gall (Sankt Gallen)en Suisse.
On y donne On the Town de
Bernstein.
Ce n'est pas une année de redécouvertes particulièrement fastes en
langue anglaise, mais à l'échelle du monde, il y a tout de même de quoi
admirer quelques beautés.
En revanche, hors patrimoine, on verra beaucoup de créations et de
reprises d'œuvres récentes (certaines intriguantes, voire
terrifiantes), que je traiterai dans une notule à part… (mais d'ici à
ce que je la publie, je pourrai sans doute en écouter certaines qui
auront été jouées !)
Psyché de LULLY
constitue un cas intéressant à la fois historiquement et
dramaturgiquement – un peu moins musicalement, j'y viens.
[[]] Scène de l'enclume.
Travaux des Cyclopes édifiant le palais de l'Amour pour Psyché
Version de Paul O'Dette & Stephen Stubbs chez CPO.
1. Isis ou
l'Apocalypse
Lorsque LULLY et Quinault présentent leur dernière
création en 1677, Isis, c'est
la catastrophe : l'intrigue de la persécution de l'amante (Io, devenant
par la suite Isis) de Jupiter – lequel finit, en guise de dénouement
heureux, par promettre de renoncer à l'amour ! – est lue à la Cour
comme la transposition mythologique
de l'emprise prédatrice de la Montespan
sur ses rivales.
L'interprétation est si répandue que l'œuvre est interdite et le librettiste Philippe
Quinault forcé à l'exil –
brièvement : en 1680, il donne Proserpine,
seuls deux opéras de LULLY lui auront échappé !
2. Genèse précipitée de Psyché II
Pour le nouvel opéra, composé à la hâte pour le remplacer (en trois
semaines, semble-t-il !), on fait appel à Thomas Corneille (cadet de
Pierre), qui réutilise le livret de Molière pour la tragédie-ballet Psyché de 1671 (écrite avec Quinault et
Pierre Corneille pour LULLY). Cette première Psychéest antérieure à la première tragédie en musique, Cadmus (1673) ; ce n'est pas encore un opéra, plutôt une
musique de scène, où des tableaux musicaux alternent avec les tirades
parlées.
Le but est d'écrire un livret qui lie
tous les divertissements déjà écrits par LULLY
(plus de la moitié de la musique finale de cette seconde Psyché), ce qui explique le
caractère moins affermi du style (qui évolue beaucoup entre Cadmus et Isis, entre Isis et Amadis), l'inclusion d'un
divertissement italien, l'aspect plus décoratif des différents
divertissements, nourrissant moins l'intrigue qu'ils ne s'y apposent.
Ainsi, de cette genèse compliquée provient sans doute le caractère moins
serré
de l'intrigue, entrecoupée de nombreux divertissements plus
pittoresques que dramatiques, dont ce grand lamento italien du I, un hapax dans
les
tragédies en musique de LULLY.
Peut-être à cause de cela, du manque de variété des situations (Psyché
est passive et victime de bout en bout), on ne peut pas y écrire les
mêmes élans ni les mêmes dilemmes que chez un héros actif comme Cadmus,
Admète, Thésée, Atys, Bellérophon, Cérès, Persée, Phaëton, Amadis,
Angélique ou Armide… Seul Isis
est ainsi fondé sur la victime principale, à ceci près que ses
pérégrinations apportent beaucoup plus d'animation et de pittoresque.
Psyché ou la conspiration du fard.
Quoique les articulations de l'intrigue soient
sensiblement identiques, le ton de l'opéra est complètement différent
du roman de La Fontaine (et
autrement sérieux), passant à côté de beaucoup des charmes du sujet.
Gravure de Raphaël
Sanzio-Marc-Antoine (1939) pour le roman.
3. Synopsis
Prologue :
Cas très rare (unique dans LULLY) où le Prologue
constitue non seulement une annonce directe (comme dans Atys, dont l'histoire est
introduite par Melpomène en personne), mais tout de bon une partie de l'action.
Flore, Vertumne et Palémon nous apprennent la jalousie de Vénus ; plus
spectaculaire encore, celle-ci vient en personne annoncer son désir de
se venger – seul cas que j'aie lu où un personnage du Prologue est
aussi un personnage principal de l'intrigue.
Acte I :
Les sœurs de Psyché parlent du serpent qui ravage le royaume et des
offrandes qu'est allé porter Psyché elle-même. On leur annonce l'oracle
qui réclame le sacrifice de leur sœur. [Plainte d'un groupe en
italien.] Elles se retirent sans oser l'en avertir. Malgré les plaintes
de son père, Psyché se rend au sacrifice.
Acte II :
Le palais est en construction pour l'Amour qui a sauvé Psyché. Vulcain
et les Cyclopes travaillent. Dispute conjugale sur la fidélité entre
Vénus suspicieuse et Vulcain cornu. Psyché rencontre l'Amour, qui prend
forme humaine (un chanteur ténor remplace alors la chanteuse qui
chante, selon la tradition, l'Amour) tout en défendant à Psyché de
chercher à le voir sous sa forme véritable.
Acte III :
Vénus tend son piège et propose la lampe fatale sous un déguisement,
lampe avec laquelle Psyché, conformément au cœur du mythe, découvre
l'apparence de l'Amour et le réveille par mégarde. Vénus revient se
révéler et s'enorgueillir de sa victoire. Cependant, si Psyché ramène
la boîte des secrets de beauté de Proserpine depuis les Enfers, elle
sera pardonnée. Psyché veut se suicider dans le Fleuve, mais le dieu
qui l'habite lui offre son aide pour pénétrer aux Enfers.
Acte IV :
Quoique tourmentée par démons et Furies, Psyché découvre que l'Amour a
intercédé pour elle, et on lui remet le présent.
Acte V :
Psyché, soucieuse de raviver sa beauté, ouvre la boîte et s'évanouit.
Vénus se moque à nouveau d'elle, mais Jupiter intervient, élevant
Psyché au rang d'immortelle, ce qui satisfait soudain la déesse.
Réjouissance générale.
[[]]
Persécution des Furies.
4. Implications sur le
livret
Les personnages de la version de 1671 sont conservés et l'action
sensiblement identique, en revanche les
caractères se révèlent considérablement
simplifiés ; les sœurs ne sont plus vaniteuses (ni drôles) ; le
roi ne se répand plus en de nobles discours théoriques sur la douleur…
tout est réduit à sa plus simple expression. On est passé du théâtre
parlé au format beaucoup plus concis du livret d'opéra.
Ce caractère stéréotypé de l'expression théâtrale lyrique avait été théorisé par Quinault : il est
indispensable de comprendre le texte, aussi, si un mot échappe, il faut
que les expressions puisent dans des formules figées, faciles à
retrouver même si la diction fait défaut.
Il est à noter que Fontenelle
a ensuite,comme pour Bellérophonl'année suivante (où s'était en plus incrusté
Boileau), revendiqué la
paternité du livret délégué par son oncle Thomas Corneille après en
avoir élaboré le plan. Il est un fait que l'œuvre n'a pas paru dans
l'édition d'époque du théâtre complet de Th. Corneille, tandis que
celle, plus tardive, forcément, de Fontenelle, les inclut.
[Au demeurant, ils peuvent bien se les
disputer par postérité interposée : ce ne sont des livrets à la gloire
ni de l'un ni de l'autre, surtout Psyché,
considérant les chefs-d'œuvre qu'ils ont par ailleurs produits : Médée pour le premier, Énée & Lavinie pour le second…]
5. Moments musicaux
Malgré l'atmosphère de plainte un
peu uniforme, l'assemblage disparate des
numéros musicaux (même s'il est abusif, pour le LULLY
d'après Cadmus, de parler de
numéros, les alternances entre récitatif et airs étant de plus en plus
lissées), la qualité moindre
de l'inspiration, Psyché a ses beaux moments :
► Acte I :
● Trio de plaintes
« Pleurons » (les sœurs Aglaure & Cidippe, et Lycas, qui
apporte la nouvelle), le plus bel
ensemble de l'œuvre – pas le plus original de LULLY,
mais très poétiquement réalisé sur une durée respectable.
● La longue plainte
italienne (une femme affligée, et deux hommes affligés qui la
rejoignent par moment). Je n'aime pas beaucoup ce passage très
décoratif, mais ce fut un hità l'époque (justement l'un des arguments de vente de Psyché tragédie en musique que
cette reprise de l'un des succès de Psyché
tragédie-ballet) ; par ailleurs son décalage avec la langue générale,
sa durée le rendent très remarquable. Le seul import italien dans un
opéra de LULLY (on en trouve
plus tard – 1693 – dans Médée
de Charpentier, en revanche).
● L'échange entre Psyché et le roi,
qui lui annonce la nouvelle. À mon sens (mais les réguliers savent combien mon goût
est déviant) le grand moment fort de
l'œuvre, très bien écrit – la situation bien sûr, mais aussi les
mots pudiques et intenses du père, le courage stoïque de Psyché –, et,
également, le récitatif le plus animé, le plus mélodique de toute
l'œuvre.
► Acte II :
● L'atelier des
Cyclopes, avec ses figuralismes
d'enclumes, un moment aussi unique dans le corpus que le fameux
Chœur du Froid d'Isis.
● La scène de ménage
la plus violente de LULLY : Vénus vient quereller
Vulcain qui se met au service d'une autre femme, sa rivale, en lui
bâtissant un palais alors qu'elle aurait dû mourir ; mais celui-ci lui
jette à la figure qu'elle a beau jeu de se sentir lésée après l'avoir
si souvent complaisamment cornufié. Ce dure un petit moment.
●● Il faut attendre
les retrouvailles de Cham et de sa femme partie avec un ange déchu dans
une nouvelle Sodome (!) dans Noé de Halévy & Bizet, ou
le vingtième siècle, avec des situations réalistes de jalousie
domestique, comme Intermezzo de R. Strauss ou Von Heute auf
Morgen de Schönberg,
pour rencontrer un tel emportement conjugal. [Il y a bien quelques
maris vengeurs chez Martin y Soler ou Rossini, mais c'est dans un cadre
plus formel de retour à l'ordre, et non pour goûter le simple plaisir
de la vaisselle brisée – ici, rien n'est résolu, pur échange de noms
d'oiseaux.]
●● Elle semble faire écho à celle d'Isis,
où Mercure badine avec Iris
pour la détourner de sa mission, causant tous deux à demi-mot d'amour
avant de s'aviser du stratagème et d'en retourner à leurs devoirs
concurrents, boudant. Néanmoins, contrairement à Isis, cette scène ne me paraît pas
musicalement particulièrement marquante, ni même aussi savoureuse dans
les mots.
► Acte III :
● De même que le
monstre et le sauvetage de Psyché ont été étrangement abandonnés dans
l'interstice entre les actes I et II (alors que la tragédie en musique
est précisément conçue pour accueillir le merveilleux invraisemblable
et le théâtre à machines !), la scène-clef de
la lampe (et les doutes qui la précèdent) apparaît comme particulièrement peu spectaculaire,
y compris dans son traitement musical.
● On retrouve cette confrontation
mi-tragique mi-comique (elle existe aussi dans le dépit jaloux
de Sangaride & Atys à l'acte IV d'Atys)
dans la nique que fait Vénus à sa rivale, à la fin de l'acte III, avec
des réponses non dénuées d'insolence chez Psyché, ce qui allège quelque
peu la solennité du moment (elle tente de se suicider juste après, tout
de même). Au demeurant, il ne se passe pas grand'chose musicalement
ici.
► Acte IV :
● Le trio des Furies est
très réussi, court, uniquement un numéro musical, mais écrit dans la meilleure veine des ensembles LULLYstes. LULLY a écrit
une scène de ce genre infernal pour tous ses opéras, sous des formes
diverses (remplacés par la malédiction de Mars à la fin du III de Cadmus). Celle-ci, à défaut d'être
probante dramatiquement (collage assez maladroit d'une mission sans
lien avec l'intrigue, rien que pour ménager un acte – très court
d'ailleurs – dans les Enfers), se distingue musicalement.
► Acte V :
● Belle chaconne
finale – uniquement instrumentale, mais déjà témoin du style de la maturité,
non sans parenté avec celle à venir de Phaëton (1683).
Itinéraire bis suggéré par La
Fontaine : au lieu du Fleuve, la barque de Charon.
6. Raisons d'une absence
On peut comprendre que, considérant qu'on ne disposait pas avant
l'intégrale en cours de Rousset, culminant en 2010 par l'indispensable
résurrection par Les Talens Lyriques de Bellérophon
(qui n'avait pas été joué depuis 1911 à Rouen, semble-t-il !), ni avant
les deux disques d'O'Dette & Stubbs (Thésée et Psyché II, donnés quelquefois,
jamais gravés), de la totalité des opéras de LULLY,
cette Psyché, probablement le
moins bon opéra de LULLY, ait été négligée par les
ensembles spécialistes. Thésée
avait au moins pour lui d'être l'opéra le plus joué en France jusqu'au premier
tiers du XVIIIe siècle – et de débuter de façon complètement extraordinaire
(avant de devenir irrémédiablement ennuyeux pendant quatre actes,
trouvé-je).
Les arguments pour monter Psyché,
dans un secteur de niche où il y avait de toute façon beaucoup de
chefs-d'œuvre à jouer, étaient raisonnablement moindres.
À ce jour, on n'a eu que Malgoire en
1987 à Aix (à une époque où Malgoire jouait le baroque français de
façon que nous trouvons peu musicologique aujourd'hui), O'Dette & Stubbs à Boston en
2007 (d'où émane le disque CPO, avec tout de même Carolyn Sampson,
Karina Gauvin, Mireille Lebel et Olivier Laquerre) et des extraits à
l'église luthérienne Saint-Pierre à Paris en 2010 par l'ensemble
semi-pro Les Muses s'aMusent (j'y
étais !). Christie n'a joué,
en 1999, que Psyché I. Il
manquait donc vraiment une version complète contrairement aux Muses et
un peu plus ardente qu'O'Dette & Stubbs.
Adieux de Psyché.
7. Un projet et une
représentation au CRR de Paris
Cette notule vient après avoir entendu, non pas le disque O'Dette /
Stubbs (tout à fait valable et valeureux, mais assez peu incarné :
déclamation peu mise en avant, voix banales, maintien raide des
récitatifs, couleurs un peu grises), mais après une représentation donnée au CRR de Paris
par des étudiants du CRR en chant et danse, avec un orchestre issu des CRR de Paris et Versailles, mais
aussi du Pôle Supérieur de
Boulogne-Billancourt et du Conservatoire
Départemental d'Orsay – c'est-à-dire quelques-uns des meilleurs
lieux de formation à cette musique (le CRR de Cergy et à plus petite
échelle le Conservatoire d'arrondissement de Paris VIIe font aussi ce
travail de spécialisation et de formation de la future élite baroque
française).
Préparés par Patrick Cohën-Akenine,
dirigés par Stéphane Fuget,
avec mise en scène (Manuel Weber),
chorégraphie (Sabine Ricou),
gestuelle et prononciation restituées (Lisandro
Nesis), c'était un travail très complet qui était offert. Mieux
qu'un travail, une véritable représentation de niveau professionnel.
Double défi que celui de produire un travail de cette qualité, et de le
mettre au service d'une œuvre par essence plus difficile. Avec les
niveaux en présence, on pouvait s'assurer un succès facile avec un Giulio Cesare ou un Don Giovanni. Merci d'avoir été au
bout de la démarche.
Début du fugato de
l'Ouverture – à cinq parties, caractéristique de l'écriture à la
française, prévue pour les 5 familles de violon.
8. Moyens instrumentaux
Car c'est une immersion totale : les jeunes musiciens jouent sur les 24 Violons du Roy (d'où la présence capitale de
Patrick Cohën-Akenine) prêtés par le
CMBV, c'est-à-dire avec les 6 dessus, 4 hautes-contre, 4
tailles, 4 quintes et 6 basses de violon, tous différents des violons,
altos et violoncelles actuels, avec une tenue par ailleurs plus basse
de l'instrument comme des archets ; même les basses de violon voient
leur prise d'archet avancée un peu plus vers le centre de la baguette.
Avec cela, un continuo de 2 violes de gambe et 1 basse de violon, avec
jusqu'à 4 théorbes dans les tutti (1
en temps de récitatif) et bien sûr clavecin et orgue positif.
Je n'aime pas trop ce dispositif, qui privilégie le fondu par rapport à
l'instrumentarium traditionnel plus aéré, où les lignes paraissent plus
indépendantes, mais ce trait n'était finalement que peu audible, eu
égard à la qualité de l'exécution.
[[]]
Déploration de Lycas et des sœurs.
9. Moyens scéniques
Sur scène aussi, restitution : rhétorique
gestuelle d'époque et, c'est plus frustrant, la prononciation restituée du français
– autant j'aime beaucoup la discipline qu'elle implique dans la pensée
de la langue parlée (je
ne rechigne pas moi-même, on vous le dira, à réciter Saint-Amant en
public en prononciation Louis XIII), autant dans la musique
chantée, où le compositeur a déjà contraint le galbe de la parole, elle
ajoute surtout à l'inintelligibilité, et conduit les voix à décentrer
leur placement. Alors qu'on dispose de jeunes artistes francophones qui
pourraient nous proposer un français limpide, le résultat est
généralement un peu grimaçant, sauf chez quelques rares spécialistes.
Mais cette représentation est aussi l'aboutissement d'un parcours de
formation : les instrumentistes pourront être amenés à jouer
sur des
copies d'instruments assez différents de leur cui-cui traditionnel et
les chanteurs n'échapperont pas, un jour ou l'autre, à une production
en restitué.
Plus gratifiant pour le public, véritable travail sur les agréments et ornements chez
les chanteurs, très abouti, avec de véritables diminutions très belles
et cohérentes, des accents expressifs maîtrisés comme chez les
meilleurs spécialistes, bravo.
[Ayako
Yukawa (Vénus) osait ainsi un chant presque parlé, représentatif
de ce qu'on peut lire des écrits du temps sur la façon des Français de
ne pas vraiment chanter.]
Vulcain exhorte les Cyclopes au Palais d'Amour.
10. Quelques chanteurs
Autre point très positif : aucun
chanteur médiocre (on avait un peu souffert précédemment avec
des voix diversement abouties, dont un ténor pas du tout en maîtrise
qui tenait les rôles exposés de haute-contre dans du Campra…), tous
(issus pour la plupart des classes d'Isabelle Poulenard et Howard
Crook, je suppose) maîtrisent les principes du chant, et un certain
nombre que je vais saluer en particulier peuvent même espérer une très
belle carrière, au moins dans ce répertoire !
∆ Claire-Élie Tenet(Psyché) était annoncée
souffrante, et en effet, elle devait s'accommoder d'une émission voilée
qui n'irradiait pas comme dans la récente Messe en si mineur de Lioncourt ; je crois néanmoins que la voix a des
qualités a faire valoir dans un répertoire plus lyrique – ductile avant
d'être déclamatoire. J'ai hâte de la réentendre dans son état
∆ Apolline
Ray-Westphal (Vertumne et l'Amour), très finement focalisée,
claire, sonore, bien incarnée dans le détail des mots, un régal et une
voix déjà prête pour la carrière dans ce répertoire.
∆ Aussi remarqué Anaelle Le Goff(Cidippe, la seconde sœur),
superbe halo vocal dans une tessiture pourtant très basse pour un
soprano. Reste à affermir la déclamation (mais la diction est saine, en
réalité, et parvenir à maintenant la liberté des voies aussi bas,
chapeau).
∆ Je n'aime pas beaucoup l'interminable
plainte italienne ; d'autant plus impressionné par la densité (du
timbre, de l'expression) de Marie Théoleyre
qui magnétise cette scène.
∆ Chez les Messieurs, trois basses assez exceptionnelles :
le noble Fleuve de Guillaume Vicaire,
l'Affligé et la Furie d'Antoine Amariutel
(voix de basse complètement timbrée, il est prêt techniquement, on va
se l'arracher, ces voix sont rares), le Roi d'Eudes Peyre,
très sûr, mais avec un aigu allégé et éclairci, qui lui permet de
phraser avec plus d'expression, idéal ici, dans ce récitatif – plus
beau moment de tout l'opéra.
On était loin des natures
généreuses et mal domestiquées des habituels étudiants basses. Et vu la
disette de ce type de voix dans ce répertoire… je me souhaite de les
revoir.
∆ Enfin, Maxim Jermann,
ténor prometteur pour ce répertoire : l'aigu, quoique facile, se pare
de belles résonances pharyngées façon Auvity… Les notes (dans une
tessiture haute très difficile) sont sans tension ; un véritable
caractère vocal se dégage, c'est précieux (et rarissime chez les
ténors).
J'espère les réentendre souvent – c'est qui est arrivé à Eugénie Lefebvre et Hasnaa Bennani peu de temps
après une superbe production du Pouvoir de l'Amour
(opéra-ballet de Royer) du CRR – où je les avais aussi distinguées.
Ce spectacle sera redonné à la salle des fêtes de Saint-Prix (Val
d'Oise) dimanche 21 janvier. LULLYstes, allez-y.
[[]]
Adieux de Psyché.
11. Le son
Conclusion : il nous manquait une version pleinement
représentative de cette œuvre non sans pièges – que nous pouvons
considérer avoir désormais (en dépit du raccourcissement de l'acte V,
d'où disparaissent Mars, Mome, Silène et les Satyres !).
[C'est mal, j'en conviens
mais je me suis fait une copie à fins personnelles, hors de question de
ne pas pouvoir réécouter ça !]
Comme je n'ai pas eu de réponse des concernés pour diffusion d'extraits
(dommage, tout à leur gloire) et que je n'aurai pas le temps avant
quelques jours de les retirer et remplacer si jamais c'est le drame, ce
seront des extraits du disque CPO. Il faudra donc vous déplacer pour
entendre leurs voix.
Et merci à P. L. et Érik sans qui, malgré ma veille minutieuse, ce
moment immanquable aurait échappé !
Chez La Fontaine, Psyché – plus futée – apaise Cerbère pour
entrer aux Enfers, dont la mythologie fait finalement un véritable
moulin (Orphée y part en balade, Pollux va y faire son marché, sans
parler d'Alcide qui y passe son temps libre pour une raison ou une
autre).
12. Sur Carnets sur sol
Je vous invite bien sûr à vous replonger dans les notules LULLY,
en particulier celle qui récapitule les caractéristiques
dramaturgiques, les moments forts musicaux et les versions
discographiques de tous ses opéras.
Dans la perspective de la série amorcée avec le panorama des orchestres
berlinois, puis des deux cités nommées Francfort, le moment est venu, dès longtemps
promis, de débrouiller certaines de attributions onomastiques étranges
(et des histoires tourmentées) des orchestres des Pays-Bas, qui ne
figurent pas parmi les plus vilains d'Europe – et contribuent assez
généreusement, à la radio comme au disque, à la documentation d'un
répertoire qui ne se limite ni à la Hollande, ni à la Batavie.
Beaucoup de noms contre-intuitifs (nationaux alors que leur
implantation est locale), d'orchestres partagés entre plusieurs villes,
de fusions successives… qui ne rendent pas la lisibilité du patrimoine
orchestral néerlandais particulièrement optimale. Ne serait-ce que par
goût du jeu, le parcours vaut la peine d'être fait.
Deux institutions irradient depuis les Pays-Bas vers l'Univers : le
Concertgebouw (c'est-à-dire « bâtiment des concerts ») et l'Opéra
d'Amsterdam. Le premier est une salle symphonique qui accueille
l'orchestre du même nom, mais aussi d'autres phalanges importantes (le
Philharmonique des Pays-Bas, l'Orchestre de Chambre des Pays-Bas, voire
l'Orchestre Philharmonique de la Radio) ; le second n'a pas d'orchestre
permanent, et c'est là où l'on commence à s'amuser.
Grande salle de l'Opéra d'Amsterdam, où la proximité
est saisissante et l'orchestre visible de partout.
1. La macédoine de
l'Opéra d'Amsterdam
Ainsi, pas d'orchestre attitré
pour l'Opéra d'Amsterdam, à l'inverse de la plupart des maisons
européennes. Pour les villes moyennes, l'orchestre symphonique est
aussi l'orchestre du théâtre, mais c'est dans tous les cas un orchestre
précis qui fait à peu près toutes les productions – sauf répertoire
spécifique appelant des instruments anciens, ou invitation (très)
exceptionnelle d'une maison d'opéra partenaire qui amène ses décors,
ses costumes, ses chanteurs, son chœur et son orchestre.
Il existe des maisons qui ont une programmation « de festival », avec
invitation de forces différentes pour chaque production, comme, en
France, Dijon, l'Athénée de Paris ou l'Opéra-Comique, mais ce sont des
intitutions qui n'ont pas du tout la taille critique d'un opéra
national, ni le même nombre de dates à l'année !
Le concept de l'Opéra d'Amsterdam, qui s'appelle d'ailleursDe Nationale Opera
en langue locale, est tout différent : il offre une vitrine à tout le panorama symphonique néerlandais
de premier plan.
Rien qu'en observant une seule saison, j'ai ainsi pu relever que
participaient :
► le Philharmonique
des Pays-Bas (le plus largement : Rigoletto, Forza del destino, Gurrelieder, Tragédie florentine, Gianni
Schicchi, Wozzeck),
► l'Orchestre Royal duConcertgebouw (pour des productions
de prestige : Onéguine, Salomé),
► le Philharmonique de Rotterdam (Contes d'Hoffmann, Prince Igor),
► l'Orchestre de la Résidence La Haye
(La Bohème et une création de
Mohammed Fairouz),
► l'Orchestre de Chambre des Pays-Bas
(renfort pour les Gurre),
► l'Orchestre de Ballet
(Balanchine, Cranko),
► l'Orchestre National des Jeunes,
► l'ensemble ASKO|Schönberg
(ensemble spécialiste, pour les œuvres contemporaines à petit
effectif),
► et une invitation de Musicæterna
(l'orchestre de l'Opéra de Perm, celui de Currentzis).
Donc une répartition où le Philharmonique national assure certes une
large partie du fonds, mais où les grands orchestres du pays
interviennent aussi très régulièrement. Assez troublant quand on est
habitué à la simplicité de l'orchestre permanent d'opéra.
Mais ce n'est là que la moindre des fantaisies de la nomenclature
orchestrale du bas pays.
La grande salle du Concertgebouw, réputée pour son
acoustique, un des modèles de toutes les salles en « boîte à chaussure
».
2. Koninklijk
Concertgebouworkest
Ou Orchestre Royal du Concertgebouw.
(« Royal Concertgebouw Orchestra » sur les disques)
Ville : Amsterdam (850.000 habitants) Création : 1888 Directeurs musicaux :
→ Kes (1888)
→ Mengelberg (1895)
→ Beinum (1945)
→ néant (1959)
→ Jochum et Haitink (1961)
→ Haitink (1963), avec parmi ses assistants les futurs grands Vonk, De
Waart, Spanjaard !
→ Chailly (1988)
→ Jansons (2004)
→ Gatti (2016)
(Et le désormais chef Jaap van Zweden fut violon solo de l'orchestre de
1979 à 1995.) Labels principaux :
Philips, Decca, RCO Live… Quelques suggestions
discographiques :Salve
Regina de Rudolf Mengelberg (W. Mengelberg), La Mer (Beinum), Symphonie Fantastique (C. Davis I),
Symphonies 3 & 8 de Mahler (Chailly), Des Knaben Wunderhorn (Chailly), Symphonies 38
à 41 de Mozart (Harnoncourt), Don
Giovanni (Harnoncourt), Così
fan tutte (Harnoncourt), Requiem
de Dvořák (Jansons), Symphonies 4, 6 & 7 de Bruckner (Jansons)…
Celui-ci est simple, et n'a pas grand besoin d'intronisation. Au début
des années 1880, alors que la capitale ne disposait que de petites
salles (et paraît-il mal dotées acoustiquement), décision de bâtir une
grande salle de concert, qui suit le patron du Gewandhaus de Leipzig.
Réputé pour sa pâte sonore
particulièrement chaleureuse, pour la précision de ses dynamiques (la
puissance de la petite harmonie, la capacité de maîtrise des nuances de
cordes sont en effet exceptionnelles), pour son niveau de virtuosité quasiment sans égal,
il a aussi acquis ses sceptiques, après une succession de directeurs
musicaux particulièrement hédonistes
(Haitink, Chailly, Jansons, sur une période courant de 1961 jusqu'à
2015 !) qui ont pu le faire ressembler, certains soirs, à un orchestre
de démonstration de perfection aux intentions un rien affables.
Et il est vrai que, comme tous les autres orchestres du monde, son
profil a radicalement changé, entre les époques Mengelberg et Beinum
(de 1895 à 1959), plutôt des partisans du discours que du son, et les
suivantes.
Un des orchestres les plus sollicités et enregistrés au monde (un
millier de disques, paraît-il, sans compter les rééditions).
Exemple presque caricatural du
plan en vignoble, la Grote Zaal du
nouveau complexe TivoliVredenburg
(cinq salles !) qui a remplacé depuis 2014,
à Utrecht, la salle historique
(déjà nommée Tivoli) où se produisait l'orchestre de la ville, fusionné
en 1985 pour produire le Philharmonique des Pays-Bas.
3. Nederlands
Philharmonisch Orkest
Ou Orchestre Philharmonique des
Pays-Bas. (« Netherlands Philharmonic Orchestra » sur les
disques)
Ville : Amsterdam (850.000 habitants) Création : 1985 Directeurs musicaux :
→ Hartmut Haenchen (1985)
→ Yakov Kreizberg (2003)
→ Marc Albrecht (2011) Labels principaux :
Capriccio sous Haenchen, PentaTone sous Kreizberg et M. Albrecht, mais
aussi Ectetera, Brilliant Classics, Capriole, Orion, Onyx, ICA, Kultur
Video… Quelques suggestions
discographiques : Dvořák 6 à 9 (Kzeizberg), Schmidt n°4
(Kreizberg), intégrale Brahms (van Zweden), Ring de Audi-Haenchen en DVD et
surtout la série ultérieure en CD (on n'a jamais mieux capté un
orchestre !), Arabella de R.
Strauss (M. Albrecht), Concerto pour violoncelle n°1 de Kabalevski
(Litton)…
[Les Bruckner et Mahler de Haenchen sont très jolis, mais pas forcément
ardents ni originaux, Der ferne Klang
par M. Albrecht pas très joliment capté ni chanté.]
L'autre grand
orchestre symphonique d'Amsterdam est issu de la fusion de trois orchestres antérieurs :
le Symphonique d'Utrecht, l'Orchestre de Chambre des Pays-Bas et le
Philharmonique d'Amsterdam. Raisons budgétaires – période d'austérité
menée par le premier gouvernement Lubbers.
Trois orchestres disparus : un peu
d'histoire
Comme ces informations ne semblent se trouver en ligne ni
en français ni en anglais, je suis aller fouiner dans le néerlandais et
propose à toutes fins utile cette remise en perspective.
Le Philharmonique d'Amsterdam
trouve son origine en 1953 dans un festival local, le Mois de l'Art (Kunstmaand),
qui donne son nom à la formation : Kunstmaand
Orkest. Popularisé par
des apparitions télévisées régulières dans les années 50, il prend le
nom de Philharmonique d'Amsterdam
en 1969.
Il est très actif dans le dialogue avec la sphère soviétique,
effectuant plusieurs tournées à Moscou, et même en Lithuanie et
Lettonie ; programmant régulièrement Chostakovitch à une époque où il
n'était pas autant diffusé de ce côté-là du Rideau.
Très peu de disques
: des concertos pour hautbois (non reportés au CD), une Première de
Mahler dirigée par Arpad Jóo, et probablement quelques autres bricoles,
rien de très marquant ou accessible au public international, donc.
--
L'Orchestre Symphonique d'Utrecht
était l'un des plus anciens du pays, et disposait d'un palmarès
impressionnant. Il est issu d'un orchestre militaire, existant depuis
la fin du XVIIIe siècle, associé à une société musicale, qui donnent
dès 1847 (et même auparavant, de façon moins formelle) des « Concerts
de la ville ». On y a joué Schumann et Brahms, accueilli les solistes
Joachim, Wieniawski ou Clara Wieck-Schumann. En 1894, les deux entités
fusionnent pour former officiellement l'orchestre.
À la Libération, le rôle de l'Orchestre
de la Ville d'Utrecht s'étend aux alentours, et son nom devient Orchestre Symphonique d'Utrecht.
[Les sources anglophones en ligne prétendent l'inverse, mais mes
sources en langue vernaculaires paraissent bien plus circonstanciées.
Incroyable comme l'information disparaît vite sur les orchestres
disparus, même récemment.] Bien que l'un des meilleurs du pays,
il n'a pas le rayonnement international du Concertgebouworkest ni de la
Résidence de La Haye, qui ont accès à l'industrie phonographique pour
des enregistrements de prestige, ce qui facilite vraisemblablement sa
dissolution en 1985…
Mais tout de même, ce fut l'orchestre de Jan van Gilse (1917-1922), de Carl Schuricht
(1937-1939), de Willem van Otterloo (qui a plutôt enregistré avec La
Haye, quasiment que des références d'ailleurs) par deux fois, 1937-1949
et 1977-1978, de David Zinman (1971-1974), d'Hubert Soudant (1974-1980).
Déjà entendu quelques bandes de l'orchestre (répertoire néerlandais),
mais forcément un peu anciennes pour les comparer aux autres orchestres
actuels, et ce n'est pas notre sujet ici. Il existe par ailleurs un
certain nombre de disques consacrés au grand répertoire, beaucoup
dirigés par Paul Hupperts, le directeur musical d'alors, dont une large
part n'a jamais été reportée en CD (dont la généralisation coïncide à
peu près avec la dissolution de l'orchestre).
--
L'Orchestre de Chambre des Pays-Bas
(Nederlands Kamerorkest) a été
fondé en 1955, là aussi à l'occasion d'un festival (Holland Festival).
C'est toujours le principal orchestre de chambre du pays, puisqu'il
continue de donner des concerts (et des enregistrements, chez PentaTone
comme le Philharmonique au sein duquel il évolue) sous son nom propre,
et figure même toujours sur le logo !
C'est lui qui accompagne les Da Ponte de Wieler-Morabito-Metzmacher dans
les DVDs de l'Opéra d'Amsterdam ; il a aussi réalisé des concertos pour
piano de Mozart avec Argerich.
Néanmoins, d'un point de vue formel, il fait partie de l'Orchestre
Philharmonique d'Amsterdam – je suppose que, tout simplement, une
partie de l'effectif doit être commun aux deux formations, puisque le
sacrifice d'Utrecht avait pour but de réaliser des économies.
Évidemment, l'immense majorité des concerts du Philharmonique des
Pays-Bas sont donnés à Amsterdam – où il doit certes être facile de se
rendre, dans les petites distances de la Randstad, mais tout de même –,
et la part utrechtoise de sa mission
a très vite disparu après la fusion.
D'autres orchestres existent pour combler ce vide : la salle de
TivoliVredenburg invite régulièrement le Noord Nederlands Orkest de
Groningen, et quelques nouveaux se sont installés en ville, dont
l'Orkest von Utrecht (orchestre amateur de bon niveau fondé en 1993,
qui recueille les anciens membres d'orchestres d'étudiants de la ville)
ou la Nieuwe Philharmonie Utrecht (qui veut donner un orchestre à une
ville qui n'en a pas, avec une description un peu ronflante et creuse,
mais qui ne figure pas dans les listes officielles).
La ville brille désormais davantage par son festival de musique
baroque, où les meilleurs interprètes mondiaux (vraiment les meilleurs
plutôt que les plus célèbres !) se réunissent à la fin de chaque été.
J'en reviens au Philharmonique des Pays-Bas actuel.
Orchestre polyvalent, aussi
bien de fosse pour un tiers à
la moitié de la saison de l'Opéra d'Amsterdam, que symphonique, il occupe aussi le rôle
de phalange de radio, qui
explore des répertoires exigeants instrumentalement mais
plus confidentiels : car l'Orchestre Philharmonique de la Radio est en
réalité l'orchestre de Hilversum, et la Radio Kamer Philharmonie (qui
n'est ni le Philharmonique des Pays-Bas ici présent, ni le
Philharmonique de la Radio qui se trouve donc à Hilversum, ni la
Chambre des Pays-Bas…), active de 2005 à 2013 (la formidable vidéo de La Chute de la
Maison Usher de Debussy complétée et achevée par Orledge,
c'était elle !), a été
fusionnée avec l'Orchestre de Chambre des Pays-Bas.
Oui, je vous laisse une seconde terminer votre aspirine et je reviens.
Le son du Philharmonique des Pays-Bas, peut-être en raison de son
histoire de fusions successives jamais décidées sur le plan artistique,
n'est pas très typé, mais son niveau individuel et collectif le
place parmi les formations les plus aguerries d'Europe. Il se
caractérise plutôt par une forme de
douceur, de refus des couleurs vives (sans être jamais gris),
sans doute liée à ce tropisme commun chez ses directeurs musicaux
successifs – Haenchen gomme toujours les angles tout en exaltant le
chambrisme, Kreizberg est un lyrique exceptionnel qui privilégie les
cordes, M. Albrecht n'est pas forcément un despote du beau son…
Pas mon chouchou, mais une belle valeur sûre.
La somptueuse salle Hertz de 550 places pour la musique
de chambre dans le nouveau complexe d'Utrecht,
TivoliVredenburg. Un peu grande
pour une salle de si petite jauge, et peu commode pour la musique
vocale, mais assurément très jolie.
Il existe bien sûr d'autres
orchestres à Amsterdam, comme celui qui assure les ballets à
l'Opéra, mais je vais vous laisser digérer ces bizarreries-là avant de
vous exposer que le Symphonique des Pays-Bas ou l'Orchestre
Philharmonique de la Radio sont situés dans des villes moyennes,
parfois assez distantes du centre…
Prochain épisode, donc : une sélection d'orchestres à suivre dans tous
les Pays-Bas. [Et, là, il y a de ces beautés discographiques !]
Ce billet, écrit à par DavidLeMarrec dans la catégorie Pédagogique a suscité :
Voici juillet, le moment d'un retour sur une saison musicale bien
remplie.
139 spectacles dans 69 lieux (dont 31 nouveaux) – 134 si je ne compte
pas, ainsi que c'était l'usage, l'été.
Ce sera aussi l'occasion de la grande remise annuelle de la récompense
suprême pour tout artiste informé, le putto
d'incarnat – qui est au diapason
d'or ce qu'est la médaille olympique de lancer de poids à la compétition de
pétanque de la félibrée.
Seule la rédaction de Carnets sur sol,
réunie en collège extraordinaire, est habilitée à le décerner, ce qui
garantit la clairvoyance de son attribution, et l'absence absolue de
collusion maligne.
Hautement respecté, il se matérialise par un putto de van Dyck, remis
directement à chaque lauréat sous forme d'un précieux carré de pixels.
Au delà du jeu des breloques, c'est aussi et surtout l'occasion de
mettre en valeur des œuvres, concerts ou interprètes qui n'ont pas
toujours été très exposés. Il est vrai que le travail de recherche de
ces concerts est un poste de dépense, en temps, assez considérable à
lui seul !
En fin de saison 2015-2016, nous promettions :
Nous songeons à louer une salle pour la cérémonie de l'an prochain,
avec retransmission en mondiovision et partenariat avec Medici.tv. Kim
Jong-eun a déjà proposé de
prêter le Salon Kim Il-sung de l'aile Ouest du Mémorial du Juche, mais
nous voudrions accueillir un public nombreux et cherchons une adresse
un peu moins enclavée en transports (on travaille le lendemain). Toute
proposition sérieuse acceptée.
Pour de dérisoires questions de visa et d'anéantissement imminent du
monde, le lieu de tenue de remise des
prix sera le même que celui de l'an passé, ici même, chez vous. En vous
remerciant chaleureusement de votre accueil.
Concerts, opéras, théâtre… En voici la liste, dans l'ordre de la
saison. Beaucoup ont été commentés, et quelques-uns ont servi de
présentation à une œuvre, un genre, une problématique transversale…
Hors décompte : août 2016. Ordinairement non inclus dans les précédents
relevés.
a) Comédie Nation – Marivaux, Les
Sincères(avec musique de scène a cappella) – collectif Les Sincères
b) La Huchette – La
Poupée sanglante, comédie musicale d'après G. Leroux
Puis, de septembre à juin :
1. Philharmonie – Bruckner, Symphonie n°7 –
Staatskapelle Berlin, Barenboim
2. Champs-Élysées – Tchaïkovski,
Symphonie n°5 / R. Strauss,
Vier
letzte Lieder – Damrau, Bayerisches Staatsorchester, K. Petrenko
3. Maison de la Radio – Schmitt,
Salomé / Ravel, Shéhérazade – d'Oustrac,
National de France, Denève
4. Philharmonie – Schumann, Szenen aus Goethes Faust
– H.-E. Müller, Staples, Gerhaher, Selig, Orchestre de Paris, Harding
5. Hôtel de Castries – Jazz vocal
6. Hôtel de Béhague – œuvres pour violon et piano d'Enescu, Bobescu…
7. Maison de la Radio – Poulenc, Les Biches /
Milhaud, La
Création du Monde – National de France, Denève
8. Châtelet – Faust
I & II de Goethe – Ferbers, R. Wilson, Berliner Ensemble,
Grönemeyer [notule]
9. Garnier – Cavalli, Eliogabalo –
García-Alarcón
10. La Commune – Kleist, Amphitryon –
Sébastien Derrey
11. Louvre – programme Cœurdu Poème Harmonique – Zaïcik, Le
Levreur, Goubioud, Mauillon, Dumestre
12. Foyer de l'Âme – Motets de Charpentier,
Pietkin… – Ensemble Athénaïs
13. Temple du Port-Royal – Haydn, Sept dernières Paroles
pour clarinette d'époque, clarinette d'amour et cors de basset
14. Saint-Louis-en-l-Île – Programme Venise
1610 – Vox Luminis, Capriccio Stravagante, Skip Sempé
15. Opéra Royal – Saint-Saëns, Proserpine –
Gens, M.-A. Henry, Antoun,
Vidal, Foster-Williams, Teitgen, Müncher Rundfunkorchester, Schirmer
16. Champs-Élysées – Bellini, Norma – Caurier
& Leiser, Rebeca Olvera, Bartoli, Norman Reinhardt, I Barrochisti,
Gianluca Capuano
17. Opéra Royal – Salieri, Les Horaces –
Wanroij, Bou, Talens Lyriques, Rousset
18. Champs-Élysées – Brahms,
Deutsches Requiem – Collegium Vocale, Champs-Élysées, Herreweghe
19. Champs-Élysées – Verdi,
Requiem – Santoni, Kolosova, Borras, D'Arcangelo, National de France,
Rhorer
20. Philharmonie – Debussy, Faune
/ Debussy, Jeux / Stravinski, Sacre
du Printemps – Nijinski restitué (ou réinventé), Les Siècles, Roth
21. Salle d'orgue du CNSM – Académie Européenne de Musique de Chambre
(ECMA) – Trio Sōra dans Kagel,
Quatuor Bergen dans Chostakovitch…
22. Salle d'orgue du CNSM – Académie Européenne de Musique de Chambre
(ECMA) – Trio Zadig dans
Schumann, Quatuor Akilone dans Chostakovitch…
23. Athénée (rénové) – Strindberg,
Danse macabre (en italien) – Desplechin
24. Maison de la Radio – 20 ans de
l'ADAMI – Barrabé, Duhamel, Scoffoni…
25. Sainte-Élisabeth-de-Hongrie – Messe
d'Innocent Boutry – Le Vaisseau d'or, Robidoux
26. Gennevilliers – Hirata, Gens de
Séoul 1909 (en japonais et coréen)
27. Maison de la Radio – Tchaïkovski,
Symphonie n°6 / Sibelius,
Symphonie n°2 – Phiharmonique de Radio-France, M. Franck
28. Gennevilliers – Hirata, Gens de Séoul 1919 (en japonais et coréen,
avec chants coréens)
29. Amphi Cité de la Musique – Soutenance musicale de l'enseignement du
violon en France au XIXe siècle – pièces pour violon et piano
(d'époque) d'Hérold, Alkan et Godard
30. Bastille – Les
Contes d'Hoffmann – Vargas, d'Oustrac, Jaho, Aldrich…
31. Salle d'orgue du CNSM – Hommage à Roland-Manuel
: piano et mélodies – Cécile Madelin…
32. Théâtre 71 (Malakoff) – Lü Bu et Diao Chan (opéra
chinois) – troupe agréée par le Ministère
33. Salle d'orgue du CNSM – Hommage à Puig-Roget
: piano et mélodies – Edwin Fardini…
34. Hôtel de Soubise – Airs et canzoni
de Kapsberger, Merula, Strozzi… – les Kapsber'girls
35. Abbesses – Goethe, Iphigénie en Tauride
– Jean-Pierre Vincent
36. Maison de la Radio – Sibelius,
Symphonie n°5 / Brahms,
Concerto pour piano n°1 – Lugansky, National de France, Slobodeniuk
37. Maison de la Radio – Nielsen,
Symphonie n°4 – Philharmonique de Radio-France, Vänskä
38. Philharmonie – Mendelssohn, Elias– Kleiter, A. Morel,
Tritschler, Degout, Ensemble Pygmalion, Pichon
39. Salon Vinteuil du CNSM – Mahler, Kindertotenlieder
(et présentation musicologique) – Edwin Fardini au chant
40. Salle Cortot – Beethoven,
Quatuor n°7 – Quatuor Hanson
41.
Athénée – Hahn, L'Île
du Rêve – Dhénin, Tassou, Pancrazi, de Hys, Debois,
Orchestre du festival Musiques au Pays de Pierre Loti, Masmondet
42. Philharmonie – Adams, El Niño – Joelle
Harvey, Bubeck, N. Medley, Tines, LSO, Adams
43. Salle Turenne – Bertali, Lo Strage degl'Innocenti
/ Motets de Froberger – membres du CNSM (Madelin, Benos…)
44. Salle Dukas du CNSM – masterclass de Gabriel Le Magadure (violon II
du Quatuor Ébène) – Trio de Chausson par
le Trio Sōra
45. Champs-Élysées – Mozart, Don Giovanni –
Braunschweig, Bou, Gleadow, Humes, le Cercle de l'Harmonie, Rhorer
46. Hôtel de Béhague – Mélodies orientalisantes (Louis Aubert, etc.) – Compagnie de
L'Oiseleur
47. Bastille – Mascagni, Cavalleria Rusticana
/ Hindemith, Sancta
Susanna – Martone, Garanča, Antonacci, Rizzi
48. Studio de la Philharmonie – Schumann, Märchenerählungen
/ Kurtág, Trio et Microludes – membres de l'EIC et de
l'OP
49. Champs-Élysées – Haendel, The Messiah –
Piau, Pichanik, Charlesworth, Gleadow, le Concert Spirituel, Niquet
50. Garnier – Gluck, Iphigénie en Tauride
– Warlikowski, Gens, Barbeyrac, Dupuis, Billy
51. Temple du Luxembourg – André Bloch,
Antigone / Brocéliande –
Compagnie de L'Oiseleur
52. Philharmonie – Schumann, Das Paradies und die
Peri – Karg, Goerne, OP, Harding
53. Châtelet – H. Warren, 42nd Street – G.
Champion, troupe ad hoc
54. Auditorium Landowski du CRR de Paris – Audition de la classe de chant baroque
55. Salle d'art lyrique du CNSM – Schumann,
Symphonie n°2 / Mozart,
Concerto pour piano n°9 – Classe de direction
56. Salle d'orgue du CNSM – Vierne, cycle Les Angéluspour soprano et orgue – Harmonie
Deschamps
57. Saint-Quentin-en-Yvelines – Sacchini, Chimène ou Le Cid
– Le Concerto de la Loge Olympique, Chauvin
58. Auditorium Landowski du CRR de Paris – de Mendelssohn à Aboulker, chœurs oniriques d'enfants
59. L'Usine (Éragny) – Ibsen, Hedda Gabler –
Paolo Taccardo
60. Studio 104 – Quatuors : n°4 Stenhammar,
n°2 Szymanowski – Royal Quartet
61. Salle d'orgue du CNSM – Cours public sur le premier des Trois Chorals de Franck – M. Bouvard, Latry et leurs
élèves
62. Philharmonie – Tchaïkovski,
Symphonie n°5 – ONDIF, Mazzola
63. Auditorium Landowski du CRR de Paris – Sonates avec violon : Debussy, Ropartz n°2 – Stéphanie Moraly
64. Amphi de la Cité de la Musique – Schubert, Der Schwanengesang –
Bauer, Immerseel
65. Cité de la Musique – Schumann, Liederkreis Op.24 – Gerhaher, Huber
66. Auditorium Landowski du CRR de Paris – Salomon, Médée et Jason,
acte II
67. Athénée – Strindberg, Danse Macabre (en italien) –
Desplechin
68. Champs-Élysées – Bizet, Carmen– Lemieux, Spyres, Bou, National
de France, S. Young
69. Salle d'art lyrique du CNSM – Durey,
Œuvres pour harmonie – Harmonie des Gardiens de la Paix
70. Champs-Élysées – Schubert, Die schöne Müllerin
– Goerne, Andsnes
71. Bastille – Wagner, Lohengrin –
Guth, M. Serafin, Schuster, Skelton, Konieczny, Ph. Jordan
72. Garnier – Mozart, Così fan tutte –
Keersmaeker, Losier, Antoun, Sly, Szot
73. Temple du Luxembourg – Paladilhe,
Le Passant – Compagnie de
L'Oiseleur
74. Châtelet – Offenbach, Fantasio –
Jolly, Philharmonique de Radio-France, Campellone
75. Temple de Pentemont – Motets de Campra
et Bernier, Troisième Leçon de
Couperin – Le Vaisseau
d'or, Robidoux
76. Trianon de Paris – Lecocq,
Le Petit Duc – Les Frivolités
Parisiennes
77. Le Passage vers les Étoiles – Méhul, Stratonice – Les
Emportés, Margollé
78. Studio-Théâtre du Carrousel du Louvre – Maeterlinck, Intérieur – comédiens-français
79. Temple du Saint-Esprit – Motets de Charpentier,
Morin et Campra
pour petits braillards – Pages du CMBV, musiciens du CRR de Paris,
Schneebeli
80. Amphi de la Cité de la Musique – Chambre de Usvolskaya, mélodies de
Vainberg, Chostakovitch, Prokofiev – Prudenskaya, Bashkirova
81. Salle d'art lyrique du CNSM – Cimarosa, Il Matrimonio segreto – H.
Deschamps, Perbost, McGown, Rantoanina, Lanièce, Worms, Orchestre du
CNSM
82. Salle des Concerts du Conservatoire – Haydn, Les Saisons dans la version de sa
création française – Palais-Royal, Sarcos
83. Conservatoire de Puteaux – Chansons à boire de Moulinié et LULLY,
poèmes de Saint-Amant –
Cigana, Šašková, Il Festino, de Grange
84. Salle Maurice Fleuret du CNSM – Schmitt,
La Tragédie de Salomé version
originale –
Orchestre du CNSM, étudiants de la classe de direction d'A. Altinoglu
85. Philharmonie – Mozart,
Symphonie n°38 (et spectacle afférent) – Orchestre de Paris
86. Oratoire du Louvre – Vêpres de
Monteverdi, Suite de danses de LULLY,
Concerto grosso de Noël de Corelli,
Soupers du comte d'Artois de Francœur
– Collegium de l'OJIF
87. Champs-Élysées – Beethoven,
Symphonies 1-4-7 – Orchestre des CÉ, Herreweghe
88. Philharmonie – Tchaïkovski, La Pucelle d'Orléans
– Chœurs et Orchestre du Bolchoï, Sokhiev
89. Maison de la Radio – Nielsen,
Symphonie n°2 – National de France, Storgårds
90. Odéon – T. Williams,Suddenly Last Summer –
Braunschweig
91. Champs-Élysées – Berlioz, Nuits d'Été, Schönberg, 5 pièces, Schumann, Symphonie n°2 – Gerhaher, Jeunes
Gustav Mahler, Harding
92. Bastille – Mendelssohn, A Midsummer Night's
Dream, Ouvertures, Symphonie pour cordes n°9 –
Balanchine, Orchestre de l'Opéra, Hewett
93. Salle d'orgue du CNSM – Concert lauréats Fondation de France : La Maison dans les Dunes de Dupont, Ophelia-Lieder de R. Strauss…
94. Champs-Élysées – Brahms, Vier ernste Gesänge et Deutsches Requiem – Orchestre des
CÉ, Herreweghe
95. Oratoire du Louvre – Leçons de
Ténèbres pour basse de Charpentier
– MacLeod, Les Ambassadeurs, Kossenko
96. Philharmonie – Mahler, Wunderhorn ; Bruckner, Symphonie n°4 – Gubanova, D.
Henschel, OPRF, Inbal
97. Conservatoire de Boulogne-Billancourt – Mendelssohn, Octuor ; Schönberg, Kammersymphonie n°2 ; Poulenc, Sinfonietta – OJIF, Molard
98. Salle Saint-Thomas d'Aquin – airs à une ou plusieurs parties de Lambert, Le Camus… – Š€ašková, Kusa, Il
Festino, de Grange
99. Athénée – Maxwell Davies, The Lighthouse – Le Balcon
100. Hôtel de Soubise – Trios de Tchaïkovski
et Chostakovitch (n°2)
– Trio Zadig
101. Richelieu – Marivaux, Le Petit-Maître corrigé –
Hervieu-Léger, comédiens-français
102. Salle Maurice Fleuret du CNSM – Spectacle théâtral et chanté
autour de la domesticité – élèves de la classe d'E. Cordoliani
103. Favart – Marais,Alcione – L.
Moaty, Concert des Nations, Savall
104. Hôtel de Soubise – Cantates de Clérambault
et Montéclair – Zaičik,
Taylor Consort
105. Menus-Plaisirs – Écosse baroque,
concert de soutenance – Clémence Carry & Consort
106. Salle d'orgue du CNSM – Programme de lieder et mélodrames d'Eisler – classe d'accompagnement
d'Erika Guiomar
107. Athénée – Rítsos, Ismène (musiques de scène d'Aperghis) – Marianne Pousseur
108. Saint-Germain-l'Auxerrois – Motets
baroques portugais – ensemble Calisto
109. Salle Maurice Fleuret du CNSM – Pelléas, L'Étoile, Cendrillon de Massenet – classe d'ensembles
vocaux (Bré, Lanièce…)
110. Salle d'orgue du CNSM – lieder de Schubert,
Nuits Persanes de Saint-Saëns, Caplet – (Gourdy, Ratianarinaivo…)
111. Champs-Élysées – Les Pêcheurs de Perles de
Bizet – Fuchs, Dubois, Sempey, National de Lille, A. Bloch
112. Champs-Élysées – Pelléas de Debussy– Ruf, Petibon, Bou, Ketelsen,
Teitgen, National de France, Langrée
113. Bibliothèque Marmottan – L.-A.
Piccinni, musiques de scène (La
Tour de Nesle, Lucrèce Borgia)
– conclusion du colloque sur la musique de scène en France
114. Bastille – Eugène
Onéguine – Decker, Netrebko, Černoch, Mattei, Orchestre de
l'Opéra, Gardner
115. Philharmonie – Aladdin de
Nielsen, Sept Voiles, Shéhérazade de
Ravel, Suite de L'Oiseau
de feu – Capitole, Sokhiev
116. Cathédrale des Invalides – Jensen,
Rheinberger, J.-B. Faure… mélodies et lieder commémoratifs de la
Grande Guerre – classe d'accompagnement d'Anne Le Bozec
117. Philharmonie – Symphonie n°2 de Mahler
– Orchestre de Paris, Harding
118. Saint-Saturnin d'Antony – Motets de Buxtehude, Telemann et Bernier – Françoise Masset
119. Saint-Louis de la Pitié-Salpêtrière – du Mage, Clérambault et pièces pour saxophone & orgue
120. Athénée – Déserts
de Varèse et Draculade Pierre Henry
réarrangé avec instruments acoustiques – Le Balcon, M. Pascal
121. Salle Fauré du CRR de Paris – Études
Latines de Hahn, Liebhabers Ständchen de Schumann… – étudiants du CRR
122. Champs-Élysées – Halévy, La Reinede Chypre –
Gens, Droy, É. Dupuis, Chambre de Paris, Niquet
123. Bouffes-du-Nord – Lemoyne, Phèdre– Wanroij, Axentii, de Hys, Dolié,
Loge Olympique, Chauvin
124. Favart – récital français en duo : Gluck, Chabrier, Bizet… – Arquez, Bou, Pordoy
125. Studio 104 – Motets de Guédron, Boësset, Constantin, Moulinié –
Correspondances, Daucé
126. Maison du Danemark – Contes
d'Andersen et leurs mises en musique – Françoise Masset
(accompagnée sur guitares début XIXe)
127. Saint-Eustache – Funérailles de
Purcell, Reger, Totentanz de Distler – Chœur de l'Orchestre de
Paris, Sow
128. Sainte-Jeanne-de-Chantal – Haendel, The Ways of Zion Do
Mourn – Le Palais-Royal, Sarcos
129. Favart – Saint-Saëns, Le Timbre d'argent
– Devos, Montvidas, Christoyannis, Les Siècles, Roth
130. Temple de Passy – Chœurs de Bonis,
Sibelius, Aboulker, Wennäkoski… – échange
franco-finlandais de chœurs amateurs
131. Cité de la Musique – Gade, grande cantate Comala – Opéra
de Rouen, Équilbey
132. Petit-Palais – Couperin et
Bach (suite française) pour
clavecin
133. Petit-Palais – Airs et duos de LULLYet Desmarest –
Pancrazi, Debieuvre
134. Hôtel de Soubise – Quatuors de Beethoven
n°7 et Debussy –
Quatuor Akilone
135. Notre-Dame-du-Liban – Chœurs d'inspiration populaire de Saint-Saëns, d'Indy, Schmitt et Poulenc – Chœur Calligrammes
136. Salle des Fêtes de la Mairie du IVe arrondissement – Quintettes à
vent de Debussy, Arnold, Barber, Ligeti – Chambre de Paris
137. Cour de Guise – Trios avec piano de Schubert n°2 et Ravel – Trio Zadig
138. Saint-Croix-des-Arméniens – Canzoni de Kapsberger, Strozzi, et Lamento della Pazzade Giramo – Kapsber'girls
139. Collégiale de Mantes-la-Jolie – Pièces pour orgue de Buxtehude, Mendelssohn, Franck et Vierne – Michel Reynard
2.
Liste des spectacles non vus
Ce pourrait paraître déraisonnablement rempli, et pourtant, il a fallu
renoncer à quantité de spectacles qui paraissaient à peu près aussi
appétissants (vie professionnelle ou personnelle, simultanéités de
concerts, envie d'autre chose, tarifs, concerts complets, etc.) :
→ musique de chambre de Cartan &
Lekeu,
→ les Cantates de Jacquet de La Guerre par La Rêveuse,
→ les chœurs de Franck et Daniel-Lesur,
→ le Philharmonia dirigé par Salonen (Beethoven 3, Sibelius 5),
→ les extraits des Éléments
de Destouches,
→ Dichterliebe avec harpe,
→ Charpentier par les étudiants du Conservatoire de Palerme,
→ cours public de cor ou de direction,
→ trio de Gouvy par le Trio Sōra aux Bouffes-du-Nord,
→ le Second Trio de Mendelssohn par le Trio Sōra à Soubise,
→ le Trio de Tchaïkovski par le Trio Sōra à la cour de Guise,
→ le Trio de Chausson par le Trio Sōra au musée Henner puis à Villecerf
(décidément !),
→ Leyla McCalla au violoncelle dans de la musique haïtienne,
→ Ariadne auf Naxos au CNSM,
→ la Neuvième de Mahler par Harding,
→ mélodies de L. Boulanger et Berkeley,
→ musique sacrée de Frémart-Bouzignac-Moulinié par Schneebeli,
→ Neuvième de Beethoven par le Philharmoniue de Bruxelles,
→ récital folk de Weyes,
→ Saint-Cécile de Chausson et le Septuor de Caplet à Notre-Dame,
→ Fidelio par la Chambre de Paris,
→ les monumentales variations de Rzewski sur El Pueblo unido salle Turenne,
→ les musiques de scène de Molière par Lombard, Dumora et Correas.
→ le Quinzième Quatuor de Beethoven par le Quatuor Arod,
→ Rameau par Kožená,
→ Hänsel und Gretel arrangé
pour cuivres et récitant,
→ Musique pour cuivres et cordes
de Hindemith par van Lauwe,
→ récital Desandre-Cochard,
→ trios de Chaminade et Bonis,
→ programme Guy Sacre et Boisgallais,
→ programme d'orgue Letton à la Maison de la Radio,
→ le Songe d'une Nuit d'Été de
Thomas par la Compagnie de L'Oiseleur,
→ The TempestSongbook de Saariaho par
l'Orchestre Baroque de Finlande,
→ Les Aveugles de Maeterlinck
à Vitry-sur-Seine,
→ Tafelmusik de Telemann au
château d' Écouen,
→ Ce qui plaît aux hommes de
Delibes par les Frivolités Parisiennes au Théâtre Trévise,
→ la BBC Wales dans Sibelius 5 à la Seine Musicale,
→ programme Lalo-Dukas-Ravel par Les SIècles,
→ Médée de Charpentier par
Tafelmusik de Toronto et Pynkosky,
→ mélodies de Vierne, Podlowski et Koster par Lièvre-Picard,
→ Ascension de Messiaen et
Widor 6 à Saint-Sulpice,
→ récital Louis Saladin et Salomone Rossi aux Menus-Plaisirs,
→ Musicalische Exequien de
Schütz et motets de la familel Bach par Vox Luminis,
→ Lura dans de la musique du Cap-Vert à l'Espace Cardin,
→ grands motets de Lalande à Versailles,
→ demi-Winterreise de
Bostridge & Drake au musée d'Orsay,
→ motets de Charpentier par La Chanterelle,
→ lieder de Weigl à la Maison de la Radio,
→ legs pédagogique du violoncelle français (Franchomme, etc.) au
château d'Écouen,
→ Diva de Wainwright,
→ Cécile Madelin dans des extraits d'Atys
au Petit-Palais,
→ Snegourotchka de
Rimski-Korsakov à Bastille (la seule rareté de l'année à Bastille, hors
le demi-Hindemith !),
→ récital d'opéra Meyerbeer-Février à la Philharmonie,
→ l'Yriade dans les Stances du Cid à
Favart,
→ Il Signor Bruschino aux
Champs-Élysées,
→ piano de Bizet, Saint-Saëns et Brahms par Oppitz,
→ « symphonie en si mineur » de Debussy à la Maison de la Radio,
→ récitals de mélodie Gens-Manoff,
→ Elisir d'amore avec
Poulakis et Lanièce au Théâtre des Variétés,
→ spectacle Les Madelon (Fontenay-le-Fleuyr),
→ Dvořak 9 au piano solo par Mařatka,
→ La Double Inconstance de
Marivaux à Richelieu,
→ madrigaux de Marenzio et Lejeune à la Bibliothèque de Versailles,
→ concert de la Fête de la Musique du Chœurs de l'Orchestre de Paris,
→ deux concerts de musique de chambre incluant Koechlin, au
Conservatoire de Bourg-la-Reine,
→ pièces symphoniques de Nováček, Warlock et Delius par van Lauwe,
→ Rigoletto avec Grigolo et
Lučić à Bastille,
→ Nozze di Figaro avec la
Chambre de Paris
→ quatuors de Kodály, Bella et Tansman par le Quatuor Airis au Centre
Culturel Tchèque,
→ Tableaux d'une exposition pour quintette à vent à Soubise,
→ Hippolyte de Garnier au
Studio-Théâtre,
→ L'Écume des jours à la
Huchette…
→ et bien d'autres.
Certains font mal à relire, mais je n'avais pas toujours le choix (ni
l'envie de vivre aussi reclus qu'en conclave, contrairement aux
apparences les spectacles ne sont pas du tout mon activité prioritaire).
Et je ne parle que de l'Île-de-France : on voit la difficulté pour
donner, malgré tout, un avis global sur la saison. Il faudrait être
beaucoup plus centré sur un répertoire précis, voire s'y mettre à
plusieurs, or en cette matière comme en beaucoup d'autres, je ne suis
que ma fantaisie…
3. Bilan général et comptes-rendus de concert
La plupart de ces concerts ont été commentés, je
n'ai pas la patience d'aller récupérer plus de cent liens, comme les
autres années, mais ils se retrouvent facilement en entrant les
mots-clefs dans la boîte de recherche à droite, ou, pour beaucoup, en
regardant dans le chapitre « Saison 2016-2017 » (les notules les plus
complètes ne sont pas classées là, mais il y a déjà une certaine masse
à parcourir).
En revanche, je commence la remise de prix par le
plus important : les œuvres révélées, les plus beaux spectacles de la
saison, les compagnies à suivre.
3a.
Œuvres découvertes
Je vous renvoie d'abord vers la notule-éditorial de la prochaine saison, qui
énumère les nombreux opéras rares remontés cette saison (§B). Saison
faste, donc.
Tradition de toujours. Bilan du mois écoulé. Et quelques
recommandations pour ne pas manquer tous ces beaux concerts cachés
d'avril.
Cette fois encore, pour des raisons de praticité, je me
limite à une
petite expansion de ce que j'ai déjà collecté pour mon usage personnel,
donc en région Île-de-France essentiellement. La sélection ne se limite
pas à Paris ou, du moins, est faite après la lecture des programmes de
la plupart des théâtres de la région – en musique en tout cas, puisque
l'offre de théâtre est tellement incommensurable que je me limite à
indiquer quelques-unes de mes marottes.
Diagonale de putti dans les
loges de l'Oratoire du Louvre, sous les tribunes.
1.
Les combats
de mars
Quelques aventures sont encore prévues pour la dernière semaine du
mois, mais il faut bien effectuer un bilan avant le 1er avril pour
annoncer les concerts dignes d'intérêt…
Les renoncements sont toujours inévitables, et j'ai dû abandonner, pour
raisons tantôt personnelles, tantôt professionnelles (tantôt envie de
faire autre chose que des concerts, aussi…) :
– Le
jeune Sage et le vieux Foude Méhul (certes un de ses opéras
comiques un peu légers) à la BNF (tellement bien annoncé que je l'ai
découvert une heure avant le concert), étant déjà accompagné pour la Tragédie de Saloméintégrale de Florent Schmitt (ce qui est au
demeurant un choix très défendable) ;
– leRetour d'Ulysse
de Monteverdi dans une
fulgurante distribution ;
– le Boccanegra
luxueux en diable de Monte-Carlo (Radvanovsky, Vargas, Tézier,
Kowaljow…) ;
– le concert Copland-Barber-Bernstein
de l'ONDIF, que j'irai plutôt voir à Montereau (qu'il est beau de voyager, dit-on
dans cet opéra) ;
– enfin et surtout, la grande
rétrospective de la création contemporaine officielle depuis 50 ans,
à la Cité de la Musique (avec de très beaux choix de programme par
l'EIC) ; mais le même soir que la Jehanne
de Tchaïkovski, je n'avais guère de choix en réalité.
Ne croyez donc pas que je les aie boudés par mépris.
Par ailleurs, il y avait déjà de quoi s'occuper, avec 11 soirées rien
qu'entre le 2 et le 25 mars.
♣ Pas toujours des inédits mondiaux, mais des
choses qui ne passent que très exceptionnellement en France (voire dans
le monde…) :
♣♣ La
Pucelle d'OrléansdeTchaïkovski.
Par le Bolchoï
de surcroît : orchestre, chœur et troupe de solistes ! L'opéra
n'est à
peu près jamais donné hors de Russie (où il n'est pas exactement un
standard non plus), et le disque n'en documente que deux versions,
assez anciennes (la plus récente date des années 70). C'est une
étrangeté, puisque composée juste après Onéguine, elle marque, comme Mazeppa écrit juste après (et
contrairement à l'Enchanteresse,
à la Dame de Pique et à Iolanta
qui achèvent sa carrière lyrique), une sorte de retour vers un genre
plus formel du grand opéra historique, même musicalement. Les
récitatifs y sont en effet assez rigides, les airs et numéros assez
longs, pas du tout effleurés comme dans Onéguine
(où Tchaïkovski a vraiment épousé au plus près son sujet !). Néanmoins,
plusieurs grands moments de grâce, en particulier les grands ensembles
et les scènes de foule, et surtout les préludes de chaque tableau, où
l'on retrouve toute la virtuosité purement musicale (harmonie,
orchestrtion) de Tchaïkovski.
♣♣♣♣
L'opéra s'écarte
évidemment
des sources historiques, puisque Jehanne y vit une histoire d'amour
qui, dans une lecture assez mystique (façon Samson) et décadente,
consume ses forces et lui fait perdre sa légitimité. C'est à Chinon,
lors de la présentation de Jeanne, qu'on annonce le siège compromis
d'Orléans, et c'est son propre père qui la maudit ; marchant
ensuite à
peu près seule (avec son semi-amant) dans le forêt, elle se fait
capturer par les Anglais. Chaque acte développe un lieu différent de
façon assez habile : Domrémy, Chinon, Reims, Rouen.
♣♣♣♣
L'Orchestre du Bolchoï n'est
plus
très typé (hors les
remarquables cors translucides assez caractéristiques), la différence
passe, à tout prendre, plutôt par le style du portamento (ports de voix) des
violons dans les phrasés lyriques. Le
Chœur,
lui, est à couper le souffle : n'importe quel choriste pourrait chanter
à Bastille demain – les volumes et la perfection des voix, sans jamais
sembler désagréablement écrasants comme d'autres chœurs de
quasi-solistes (Chœur de Radio-France, la plupart des chœurs d'opéra de
France et d'Italie…). Côté troupe,
Anna Smirnova révèle
à quel point la tessiture très centrale du rôle-titre, recouverte par
l'orchestre, doit être un problème insurmontable pour le distribuer à
tout autre qu'elle ; Bogdan Volkov
(Raymond, son soupirant de Domrémy) comme toujours très élégant, Oleg Dolgov (Charles VII), autre
ténor limpide et élancé à la russe (toujours ces dégradés de couleurs),
superbe Anna Nechaeva (Agnès
Sorel), très charismatique dans un rôle très court… et par-dessus tout Stanislav Trofimov
(l'Archevêque), une voix quelque part entre Kurt Moll et Martti
Talvela, à la fois noire et lumineuse, profonde et pure, grave et très
aisée dans l'aigu. Mon chouchou personnel, l'Ange de Marta Danusevich
: une voix de soprano dont le timbre très fruité paraît celui d'un
mezzo lyrique, avec une richesse de coloris rare chez les voix hautes.
Et qui surmonte le chœur sans la moindre peine.
♣♣ LaDeuxième Symphonie de Nielsen(voir présentation)
par l'ONF et le spécialiste
(parmi la poignée des tout meilleurs) John
Storgårds.
L'une des plus belles symphonies de tout les temps, aussi considérable
que la Quatrième à mon sens (quoique moins complexe). En tout cas dans
mon TOP 5 du premier vingtième (il y aurait aussi van
Gilse 2, Schmidt 2, Sibelius 7, Walton
1 – pour le top 10, Atterberg 1, Alfvén
4
et Madetoja 2, assurément). Chaque mouvement est à la fois fascinant et
exaltant, culminant dans la reprise en climax du thème du mouvement
lent…
♣♣♣♣ Ce soir-là,
le grain naturel et tranchant des cordes de l'ONF des grands jours en faisait le
meilleur orchestre du monde. Et pour ne rien gâcher, nous eûmes le
plaisir d'entendre en vrai Fanny
Clamagirand
que j'admire depuis longtemps – pas un gros son, mais une beauté de
timbre et un goût parfaits. La création d'Édith Canat de Chizy n'était
pas pénible que son ordinaire, à défaut d'imprimer le moindre début de
sentiment de nécessité – la suite d'effets traditionnels, sans propos
thématique / structurel / climatique identifiable. En n'essayant pas
trop de s'intéresser au propos fuyant, le temps passe sans douleur. En
bis, une splendide sarabande de Bach (comme après chaque concerto pour
violon, certes).
♣♣♣♣ Accueil
toujours aussi catastrophique à Radio-France : sécurité
peu respectueuse (tout le contenu du sac retourné sans ménagement et
sans demander l'autorisation – en principe, on enseigne l'inverse aux
agents), replacement de force du public, même si les places d'arrivée
sont moins bonnes (alors qu'en principe, on propose
ce genre de chose). Toujours l'impression, donc, d'être à peine toléré
alors qu'on a payé sa place et qu'on voudrait juste ne pas être traité
comme un délinquant pour vouloir entrer dans la salle puis s'asseoir à
sa place.
♣♣♣♣ Salle
remplie au quart (uniquement les parties de face, et pas en
entier, sur deux étages des trois) : entre les artistes formidables
mais peu célèbres, Nielsen 2 qui n'est pas encore dans les habitudes du
public symphonique, et la création de Canat de Chizy, trop bien connue,
il est vrai qu'on avait cumulé les paramètres de désaffection (il
aurait fallu un concerto de Tchaïkovski avec Jansen en première partie,
et mettre Clamagirand-Chizy dans un concert avec Mahler 4 ou Beethoven
5 en seconde partie…).
♣♣ La Tragédie de Saloméde Florent Schmitt,
dans sa version originelle et intégrale pour petit orchestre (bois par
1). Un superbe cadeau d'Alain Altinoglu pour sa classe de direction
d'orchestre au CNSM… Présentation de l'œuvre (et éloge des musiciens)
faite tout
récemment.
♪ D'autres raretés, peut-être pas majeures, mais très intéressantes.
♫Il Matrimonio segreto de Domenico Cimarosa,
un opéra bouffe sur sujet domestique, succès immense et emblématique à
son époque – dès la création, bien avant la vénération bruyante de
Stendhal. Il m'est difficile, je l'avoue, de m'immerger totalement dans
une œuvre théâtrale aussi fragmentée (discontinuité maximale entre de
jolis airs très mélodiques qui évoluent peu, et les récitatifs secs), et les
coupures réalisées par Patrick Davin,
pour une fois, se défendent – sans quoi le spectacle aurait été très
long, et pas forcément plus riche (ce n'est pas comme couper
du Richard Strauss d'une heure et demie). Surtout, Cécile Roussat et Julien Lubek, une fois encore
(témoin leur Dido and Æneas de Rouen) montrent qu'ils sont les
metteurs en scène actuels les plus capables d'animer une scène, même
conçue comme immobile. Quoi qu'on pense de la musique et du livret (de
Giovanni Bertati, celui qui invente la mort liminaire du Commandeur
dans les multiples refontes de Don
Juan), le résultat était un grand moment de théâtre. La
principale réserve tient au style de l'Orchestre du CNSM, que Patrick
Davin fait sonner comme le studio Sanzogno… donc peu sensible aux «
nouveaux » apports musicologiques des soixante dernières années, disons.
♫♫ Les jeunes chanteurs,
bien connus de nos services, sont remarquables, en particulier Harmonie Deschamps, Marie Perbost (mainte fois louées en
ces lieux), et par-dessus tout Jean-Christophe
Lanièce qui révèle, en plus de ses talents connus de chanteur et
diseur, un charisme d'acteur phénoménal. Par ailleurs, la voix paraît
différente en italien, moins centrée sur la couleur et davantage sur
l'éclat, s'adaptant ainsi idéalement au répertoire.
♫ Les
Saisons de Haydn dans
la version (en français)
de leur création française (selon le vœu d'adaptation vernaculaire de
Haydn). Musiciens du Palais-Royal dirigés
par Jean-Philippe Sarcos dans
la salle néo-égyptienne de l'antique Conservatoire de Paris. Il y a
quelque chose de particulier à entendre cette musique dans la salle où
l'on joua pour la première fois les Symphonies parisiennes de Haydn, la
Fantastique de Berlioz, et où l'on donna pour la première fois
Beethoven en France… de quoi méditer sur le son des origines
(acoustique assez sèche, lieu d'où l'on entend bien partout, atmosphère
assez intime, et même une certaine promiscuité dans les loges).
♫♫ Pour le reste, je ne
suis pas un inconditionnel des oratorios de Haydn : de très belles
choses, mais l'ensemble me touche peu. La plus-value du français
n'était pas aussi bien mise en valeur que pour la Création, si bien que mon intérêt
s'est un peu émoussé, je dois l'avouer, sans que l'œuvre soit en cause.
♫♫ J'ai trouvé le français des interprètes (même Clémence Barrabé !) et du chœur très correct, mais assez peu
généreux vu le projet (Sébastien
Obrecht, ayant travaillé la partition en 48h, étant plus
expansif que ses compères). Alors que pour la Création, la limpidité du chœur
(mais il n'était pas constitué des mêmes personnes, quoique portant le
même nom…) et les couleurs de l'orchestre
m'avaient ravi, j'ai trouvé cette fois l'orchestre plus limité
(par rapport à la concurrence superlative en tout cas) et le chœur plus
indifférent au paramètre linguistique. Pour finir, Aimery Lefèvre devrait vraiment
s'interroger : en chantant aussi engorgé, il est inintelligible, la
voix ne porte pas du tout, et ses aigus sont difficiles (ce qui, pour
un baryton aussi jeune, est quand même peu rassurant). C'était déjà une
tendance dans David et Jonathas
il y a trois ou quatre ans, mais la voix commence vraiment à en
souffrir désormais.
♥ Des tubes personnels :
♥♥ In
Taverna avec l'ensemble Il
Festino – et Dagmar Šašková,
la meilleure chanteuse du monde. Programme entendu en septembre 2009, et que je cherchais absolument à
entendre : des airs à boire de
Moulinié et LULLY,
entrecoupés de déclamation en prononciation restituée (par le virtuose Julien Cigana) d'extraits d'éloges
du jus de la treille par La Fontaine, Rabelais, Saint-Amant ou Scarron
!
De quoi se mettre en train le dimanche à 10h du matin. L'heure a sans
doute un peu brouillé les cordes de la chanteuse, moins à son faîte que
de coutume, mais ce programme est simplement grisant, à tout point de
vue, l'une de mes grandes expériences de spectateur. (Il fallait pour
cela se déplacer au Conservatoire de Puteaux un dimanche matin assez
tôt, mais qui peut mettre un prix sur le bonheur ?)
♥♥ Le Concerto
pour la Nuit de Noël deCorelli
(par Karajan ou par les meilleurs baroqueux, toujours bouleversant, là
où tout le reste de Corelli paraît tellement plus décoratif…), une Suite tirée d'Atys deLULLY. Et
puis des extraits des Vêpres de la Vierge de Monteverdi
et la musique pour les Soupers du comte d'Artois de
Francœur. C'était le concert d'inauguration de la section
musique ancienne du tout récent OJIF
(Orchestre des Jeunes d'Île-de-France), censé être une formation de
haut niveau auto-professionnalisante, créée au printemps dernier. Très
bien exécuté (plein d'éloges et de petites réserves à émettre, bien
sûr), mais les conditions climatiques extrêmes laissaient peu le loisir
d'être ému : la porte largement ouverte sur la rue a vidé l'Oratoire du
Louvre de toute sa chaleur… un concert assis immobile à 10°C, c'est
plus pénible qu'exaltant, clairement. Un peu comme écouter Mozart
pendant qu'on vous arrache les ongles. Ou comme écouter du Glass dans
un jacuzzi avec une authentique glace italienne à la main sous le
soleil toscan. Difficile de se départir de la douleur.
♠ Oserai-je le confesser ? J'ai aussi assisté à des concerts d'un
conformisme vertigineux – et passé un excellent moment.
♠♠Symphonie n°38 de Mozartpar l'Orchestre de Paris à la
Philharmonie. (Certes, parce que je n'ai pas réussi à revendre ma
place, je croyais que c'était la seule œuvre au programme, et que
Zacharias dirigeait…) Inséré au sein d'un bizarre spectacle racontant
vaguement la relation de W.A. avec Leopold.
♠♠♠♠ Outre que la
(magnifique) symphonie était assez bien jouée (je l'aime avec plus de
tranchant, mais ce n'était nullement mou) et que le tarif était
ridiculement attractif (20€ pour toutes les places), expérience très
intéressante pour observer un public vraiment
différent. Les gens ont systématiquement applaudi entre les mouvements,
et personne ne leur a dit chut !
– voilà une excellente preuve qu'il ne s'agit pas d'initiés. Et ils ont
hésité en réclamant le bis, je crois qu'ils attendaient une conclusion
(moi aussi, à vrai dire), puisque Mozart et son père s'asseoient pour
regarder la symphonie (et le tout durait à peine plus d'une heure), on
pourrait attendre une petite fin théâtrale… Le violon solo Philippe
Aïche, dans son élégance habituelle, se lève alors et entraîne
l'orchestre avec un geste qui semble dire vous avez pas assez applaudi, tant pis
pour vous – on dit toujours qu'on veut s'ouvrir, mais on préfère
quand même traiter avec ses semblables, pas avec les bouseux qui
découvrent le concert.
♠♠♠♠ J'essaierai de produire une notule pour explorer
cette question des codes du concert et plus largement de la
compréhension de la musique classique – y a-t-il des limites à ce qu'on
peut faire aimer à un auditeur occasionnel ? Perçoit-on
réellement l'essence des œuvres quand on n'est pas musicien / mélomane
aguerri ? Sujet passionnant (et inconfortable).
♠♠ Symphonies
1, 4 et 7 de Beethoven
par l'Orchestre des Champs-Élysées
et Herreweghe. Enfin pu
entendre la Première en vrai… du niveau des plus grandes. Et la
dernière notule traite justement de la Quatrième.
Herreweghe ne cherche pas l'effet, tout est joué avec simplicité, une
sorte d'exécution-type sur instruments anciens, et cette musique est
déjà si forte que c'est assez parfait – en tout cas ce que je cherchais
ce soir-là. Étrangement, la 7 (pourtant à peine plus entendue que la 1
sur ma platine…) m'a moins fortement touché – peut-être parce que
j'entendais la 1 pour la première fois (la 7 que pour la seconde, cela
dit, et à 15 ans d'intervalle…), et que je me convertissais enfin
résolument à la 4.
♠♠ Les
Nuits d'Été de Berlioz
dans sa version (originale) pour baryton, par Christian Gerhaher… la franchise du
texte (il ose de ces sons ouverts !) est exceptionnelle, et le
caractère plus « parlé » d'un timbre de baryton tire l'œuvre hors des
évocations vaporeuses habituelles vers du texte brut – Théophile
Gautier en paraît presque sauvage et échevelé ! Par ailleurs les Piècesopus 16 de Schönberg,
que j'aime beaucoup, mais qui en concert manquent justement de
direction, de propos continu. D'éphémères belles associations de
timbre. Et pour finir, la Deuxième
Symphonie de Schumanndirigée par Daniel Harding : le public a trouvé
le Mahler Jugendesorchester formidable,
et il l'est d'ordinaire… pourtant, je lui ai (i.e. nous lui avons, un
contributeur de CSS y était aussi…) trouvé un petit manque de
tranchant, une superposition des timbres pas toujours parfaite,
quelques flottements (et même un trait de violons vilainement raté) :
les moments les plus rapides leur imposaient la performance, et ils
étaient alors remarquables, mais le reste du temps, il manquait un rien
d'abandon ou d'intensité, difficile à définir. Considérant leur âge
visiblement très tendre, c'est probablement le début d'une session, et
on entendait surtout la différence avec les orchestres permanents qui
jouent ensemble depuis des décennies.
♠♠♠♠ En tout cas,
contrairement à ce qu'on peut supposer (le Jugendesorchester, parrainé
par Abbado, à sélection internationale, multi-enregistré), les élèves
du CNSM, entendus en janvier dans la même œuvre, était deux coudées
au-dessus (au niveau des plus grands), aussi bien en matière de
précision que d'enthousiasme palpable.
♠♠♠♠ Il faudra bientôt
songer à imposer des quotas paritaires dans les cordes : trois hommes (dont le violoncelle
solo, certes, et deux dernières
chaises en violon). Tout le reste constitué de jeunes filles (toutes
blanches, ouf, on peut encore travailler à diversifier le recrutement).
♦ Pour finir, du théâtre :
♦♦ Suddenly
Last Summer de Tennessee Williams,
à l'Odéon. Braunschweig y
retrouve les lents
dévoilements des pièces d'Ibsen,
tout étant centré autour du récit du souvenir indicible de la mort de
celui dont tout le monde parle… à la différence que le dévoilement est
ici souhaité (et clôt la pièce, en sauvant peut-être les personnages),
et non vu avec effroi comme inévitable et destructeur. Belle pièce
néanmoins, plutôt bien dite, dans un jardin en plastique pas très
élégant et une mise en scène pas très mobile mais fluide, où l'on ne
retrouve pas les tropismes de Braunschweig pour les pull gris et les
murs en noir et blanc.
♦♦♦♦ Les comédiens sont
lourdement sonorisés, mais peut-il en aller autrement dans la salle de
1819, très vaste, et en tout cas très haute ? Pourtant, c'était
le siège du Second Théâtre-Français, là où Berlioz connut ses émois
shakespeariens, là où Sarah Bernhardt jouait Racine… Voilà qui
repose grandement la question de notre acceptation du son qui n'immerge
pas, ou, plus grave, de la technique vocale des comédiens d'aujourd'hui.
Vastes sujets.
Il est temps à présent d'interroger avril.
Putti-atlantes dans la salle de 1819 de l'Odéon, sous le regard
du mascaron.
2. La pelote d'Avril
Les vacances scolaires de la zone C font toujours décroître (pour une
raison inconnue) l'offre francilienne. Il y a néanmoins de quoi
s'occuper. Parmi tout ce qu'on peut voir, quelques soirées dont vous
avez peut-être raté l'annonce.
(Organisé plus ou moins par ordre de composition à l'intérieur par
catégorie.)
► Lieder et autres monodies vocales :
■ Le 29, Hôtel de Soubise, Eva Zaïcik
chante Léandre et Héro de
Clérambault, la Deuxième Leçon
de Ténèbres de Couperin et une cantate pastorale de
Montéclair. Générosité et grande expression au programme avec elle !
■ À la Cité de la Musique, Lehmkuhl
et Barbeyrac chantent des lieder de Schubert orchestrés. Avec
Accentus et Insula Orchestra, le 27.
■ Lieder de Clara & Robert
Schumann, de Brahms aussi, le 20 midi par Adèle Charvet (Orsay
ou Petit-Palais).
■ Lieder de Liszt, Wagner, Brahms,
Weill, Stolz, Zeira… et Viardot, par la mezzo Hagar Sharvit, aux
Abbesses le 23.
■ Pot-pourri des Lunaisiens
avec Isabelle Druet, salle Turenne le 21.
► Opéra :
■ Je signale en passant qu'à Rennes, le
6, l'ensemble Azur donnera des chœurs
tirés des Noces
de Thétis et Péléede Collasse,
l'un des ouvrages les
plus repris de la tragédie en musique, et qui attend toujours
d'être intégralement remonté de nos jours.
■ Bien sûr Alcyonede Maraisà l'Opéra-Comique ) : à partir du 26, Jordi Savall y rejoue
l'œuvre qu'on n'a guère dû entendre depuis l'ère disque Minkowski, au
début des années 1990. Je ne trouve pas tout à fait mon compte dans les
opéras de Marais, plus un musicien sophistiqué qu'un maître du
récitatif et de l'expression verbale fine, mais il faut admettre qu'Alcyone, malgré le risible livret
du redoutable Houdar de La Motte, a ses moments spectaculaires, dont la
tempête dont le figuralisme et les moyens nouveaux (pour partie italiens,
mais pas seulement) firent date. Même si Savall m'a plutôt effrayé
lorsque je l'ai entendu (il y a près de quinze ans) en jouer la Suite
de danses (que c'était sec !), l'équipe dont il s'entoure plaide pour
le sérieux de l'entreprise (quelle distribution vertigineuse !).
■ La
Fille des Neiges deRimski-Korsakov
à Bastille, évidemment, même si la relecture sexu(alis)ée de
Tcherniakov ne sera pas forcément propice à la découverte candide,
disons.
■ Une opérette mal connue de Maurice
Yvain, Gosse de riche, au Théâtre
Trévise (L'inverse par les Frivolités
Parisiennes, les 12 et 19 ; de la musique légère, mais qui sera
encore une fois servie au plus haut niveau, jouée avec la rigueur d'un
Wagner mais l'entrain de jeunes passionnés. d'un ballet joué par
l'Orchestre de l'Opéra, donc.)
■ Des extraits de Licht, le
méga-opéra de Stockhausen
présentés pour tous publics à 10h et 14h dans la semaine du 24, à
l'Opéra-Comique. Cela reprend aussi en septembre. Très intriguant
(d'autant qu'il y a vraiment de tout
dans cet opéra, du récitatif de musical
jusqu'aux œuvres instrumentales les plus expérimentales…).
■ The
Lighthousede Peter Maxwell
Davies à l'Athénée à partir du 21, un opéra-thriller assez
terrifiant, dans le goût du Tour
d'écrou : les marins d'un bateau de ravitaillement pénètrent
dans un phare dont les gardiens semblent avoir disparu. Musicalement
pas toujours séduisant (mais accessible et en rien rebutant, simplement
une forme de Britten atonal, quelques jolis effets instruments de type
cors bouchés en sus), mais très prenant, et ce doit être encore plus
fort sur scène !
■ Trompe-la-mort de
Francesconi se joue toujours à
Garnier. Je ne l'ai pas encore vu, mais de ce que je peux déduire de la
musique habituelle de Francesconi, il y aura de belles couleurs et de
belles textures ; leur adaptation à une structure dramatique et aux
contraintes d'une claire prosodie me laissent plus réservé, il faut
tester – j'ai lu tout et son contraire à ce sujet, excepté sur la mise
en scène de Guy Cassiers qui semble être partout louée.
► Sacré & oratorio :
■ Odes
de Purcell par Niquet
à Massy le 22.
■ Un office musical à Paris en 1675,
sur la musique de Charpentier,
par Le Vaisseau d'or(Sainte-Élisabeth-de-Hongrie,
le 1er, libre participation).
■ Leçons de
Ténèbres de Charpentier (plus
austères que les fameuses Couperin) par les excellents Ambassadeurs de
Kossenko, avec la basse Stephan MacLeod, probablement l'homme au monde
a avoir le plus chanté ces œuvres… Oratoire du Louvre, le 5.
■ Leçons de
Ténèbres de Couperin par
l'Ensemble Desmarest, Maïlys de Villoutreys et Anaïs Bertrand, rien que
d'excellents spécialistes (et une de nos protégées du CNSM, qui a déjà
de très beaux engagements).
■ Une Passion de Telemann à
la Cité de la Musique le 15 à 16h30… je n'ai pas vérifié laquelle, il
en a écrit quelques dizaines (je n'exagère pas), et dans des styles
assez divers, italianisantes ou plus ambitieuses musicalement, dont
certaines valent bien les Bach – et d'autres pas grand'chose. C'est
assez tentant néanmoins, on n'en entend jamais, toujours les Bach – et
quelquefois Keiser, sans doute parce qu'on l'a d'abord attribué par
erreur à son collègue lipsien.
■ Le Repas des
Apôtres de Wagner, sorte de longue choucroute
homophonique qui ressemblerait à du Bruckner sans aucune inspiration –
le Wagner de Rienzi, en somme. Mais c'est très rare (et pour cause).
Peut-être qu'en vrai, on en sent mieux la nécessité ? Couplé avec
le Second Concerto pour piano de Brahms et la Symphonie en ut de Bizet,
joués par la Garde Républicaine… amateurs de cohérence programmatique
et de belles notes d'intention s'abstenir.
■ Les Sept
Dernières Paroles, un des chefs-d'œuvre du spécialiste de
musique chorale sacré James MacMillan.
Couplé avec celles de Haydn,
d'abord écrites sans voix puis, devant le succès, réadaptées en
oratorio. Par l'Orchestre de Chambre de Paris à la Cité de la Musique,
le 15.
► Symphonique :
■ Un héros d'avril a dit : « ce que tu
as à faire, fais-le vite ». C'est
étrange, je vais lui obéir (a dit un autre
héros de séans). Je me contente donc de signaler la Quatrième Symphonie de Bruckner, pas du tout rare, mais
l'association Eliahu
Inbal-Philharmonique de Radio-France
produit toujorus de très grands moments de musique – et
particulièrement concernant Bruckner, j'attends toujours de trouver
l'équivalent de leurs Deuxième et Neuvième, entendues à Pleyel et à la
Philharmonie.
► Chambrismes :
■ Les dimanches à 17h, au club du 38
Riv', si vous aimez la viole de gambe
solo ou avec clavecin, il y aura trois concerts qui parcourront
assez bien ce répertoire. Je ne garantis pas l'excellence, ça dépend
des soirs pour l'Association Caix d'Hervelois qui les organise…
■ LesSept Dernières Paroles
de Haydn pour quatuor, avec
texte déclamé, à l'Amphi de la Cité de la Musique, le 14.
■ Nos chouchous duTrio
Zadig joueront Tchaïkovski
et Chostakovitch n°2 à l'Hôtel
de Soubise le 22.
■ Œuvres et arrangements pour harpe
à l'Hôtel de Soubise le 8 : Villa-Lobos
(études), Fauré (impromptu), Mendelssohn (romances), Bach (fantaisie
Chromatique), Schüker.Par
Pauline Haas. ■Piano original le
midi au Musée d'Orsay le 25 : Mompou, Takemitsu, Granados, Satie, et parce qu'il
faut bien vivre, Chopin, Debussy et Ravel, par Guillaume Coppola.
■ L'Octuor de Mendelssohn, la Seconde Symphonie de chambre de Schönberg
et la Sinfonietta de Poulenc
seront données au CRR de Boulogne-Billancourt et au Centre Événementiel
de Courbevoie les 13 et 14. Gratuit.
■ Extraits des quatuors de Walton (final)
et Bowen (mouvement lent), Phantasy pour hautbois et trio à cordes de
Britten, ses Métamorphoses
pour hautbois solo, Lachrimæ de Dowland, création d'un élève du CNSM…
Salle Cortot, le 1er, à 15h.
■ Menotti pour deux
violoncelles, et puis Bruch (Kol Nidrei), Tchaïkovski et
Schubert (Arpeggione) à
l'Auditorium du Louvre, le 28.
■ À Herblay, les Percussions clavier
de Lyon, le 28.
■ Pour finir, des cours publics du Quatuor Ébènedans les salles les plus intimes du CNSM, une expérience
extraordinaire de se mêler aux étudiants en plein travail, la dernière
fois, nous étions seuls, la partition sur les genoux, en train de
suivre l'évolution du Trio de Chausson. Magique. 10h à 19h les 26 et
27, si vous le pouvez. C'est gratuit.
► Théâtre, ce que j'ai prévu pour ma conso personnelle, rien que du
patrimoine pas très original :
■ Marivaux – L'Épreuve – Théâtre Essaion
■ Marivaux – Le Petit-Maître corrigé – salle Richelieu
■ Kleist – La Cruche cassée – salle Richelieu
■ Odéon – Soudain l'été dernier – Odéon. Fait pour ma part (cf.
commentaire supra).
■ d'après Zweig – La Peur – Théâtre Michel
■ d'après Renoir – La Règle du jeu – salle Richelieu
Dans la salle de l'ancien
Conservatoire, au centre des médaillons des grands dramaturges et
musiciens figurent, sur le même plan, Eschyle et… Orphée.
3. L'avenir de l'agenda de CSS
J'avoue éprouver une relative lassitude dans la confection de ces
programmes. Ils prennent pas mal de temps à élaborer, tandis que
j'aurais plutôt envie de parler de choses plus précisément étayées et
plus généralement musicales, moins liées à l'offre francilienne : des
bouts d'œuvre avec des extraits, des questions de structure musicale ou
de technique vocale, plutôt que d'empiler les commentaires sur des
concerts qui n'ont pas encore eu lieu, avant le premier du mois suivant…
Ces notules ne paraissent par ailleurs pas spécifiquement plus lues que
les autres – je laisse de côté les cas, hors concours, où je parle de
Callas, Carmen, des fuites dans les saisons parisiennes, ou des
quelques occurrences où je suis en tête de Google (opéra contemporain,
conseils aux jeunes chanteurs). Je me sens un peu le responsabilité,
puisque cette base de données existe, de promouvoir les ensembles qui
font l'effort et prennent le risque de proposer un répertoire
renouvelé, mais ce n'est pas un office particulièrement exaltant à
réaliser.
D'où cette question : y trouvez-vous un intérêt ? Vous en
servez-vous ?
Si cette notule reçoit moins d'une centaine d'éloges éloquents dans les
commentaires ci-dessous, je ne suis pas sûr de poursuivre ce format-ci
dans l'avenir. Du temps supplémentaire pour des notules de fond – il y
a La Tempête, musique de
scène de Chausson écrite pour marionnettes, un opéra d'un Prix de Rome
où Georges Thill tenait le rôle d'une grenouille amoureuse, et quelques
autres sujets qui sont, comme vous pouvez vous le figurer, un peu plus
amusants à préparer qu'un relevé fastidieux.
Quoi qu'il en soit,
les bons soirs, vous pourrez toujours effleurer la réverbération de ma
voix cristalline dans les coursives étroites des salles louches cachées
au fond des impasses borgnes.
Ce billet, écrit à par DavidLeMarrec dans la catégorie Saison 2016-2017 a suscité :
Je profite d'avoir entendu la version originale
intégrale d'une heure hier, en concert (gratuit !), pour opérer un
petit bilan sur la question.
Ne pleurez pas si vous ne l'avez pas vu
passer, c'est bien fait pour vous, j'ai pris le temps de l'annoncer,
comme chaque mois, dans le planning musical des concerts occultes d'Île-de-France (section «
raretés symphoniques », on ne fait pas plus clair).
On ne joue à peu près jamais Schmitt, mais il reste
assez puissamment installé dans l'imaginaire collectif. Il est vrai
qu'entre l'ampleur de l'orchestration de ses grandes œuvres (qui limite
leur diffusion aux grandes salles et aux concerts à vaste effectif) et
sa réputation politique peu avenante, on le documente de loin en loin
au disque (on n'a pas tout, mais on trouve tout de même un assez grand
nombre de choses), très rarement au concert.
Avant qu'on n'émette des hypothèses purement
politiques à son absence, je place en annexe quelques éléments sur cet aspect.
[[]]
La fin de la version originale la Tragédie de Salomé par le Philharmonique de Rhénanie-Palatinat
dirigé par Patrick Davin (chez
Naxos). L'encore meilleure jeune version parisienne devrait paraître
par des canaux officiels prochainement, je l'espère (voir informations
ci-après).
1. La
commande de Salomé
L'objet même de cette Salomé de Schmitt est un sujet de curiosité.
¶ L'époque adore le sujet : le sujet de Salomé a été au moins mise trois
fois au théâtre musical français entre 1907 et… 1908 ! Création
française de celle de Richard Strauss
au Châtelet en 1907 (sur le texte littéral de Wilde, contrairement à la
version de la création de 1905 à Dresde, en traduction allemande) ;
création de celle d'Antoine Mariotte
à Lyon, également inspirée de Wilde. Enfin, celle de Florent Schmitt, composée en
quelques semaines en 1907, pour une création en novembre.
¶ Robert d'Humières, traducteur
renommé de Kipling, souhaitait monter un mimodrame sur le sujet de
Salomé (quelque part entre le ballet et la pantomime) avec la danseuse
Loïe Fuller dans le premier rôle. Admiratif du Psaume XVLII , qu'il avait entendu
en concert (créé l'année précédente), il souhaitait précisément la
collaboration de Schmitt, qui accepte immédiatement. En deux mois, la
partition est écrite.
¶ La création prévue au Théâtre des Batignolles, à peine renommé Théâtre des Arts par Maurice Landay qui vient d'en
prendre la direction. C'est l'actuel Théâtre Hébertot, boulevard des
Batignolles dans le XVIIe arrondissement – 630 places.
[Attention, il existe quantité d'autres théâtres parisiens ayant porté
ce nom, à commencer par l'Académie ci-devant royale de Musique, sous la
Convention, mais aussi le Théâtre Antoine, le Théâtre Verlaine /
Music-Hall de Montmartre ou le Théâtre d'Application…]
¶ Contrairement au gigantesque Psaume
et aux tropismes habituels de Schmitt,
l'orchestration fut conditionnée par l'exiguïté du théâtre : les
cordes étaient réduites, les bois par 1 (c'est par 2 dans un orchestre
du début du romantisme, et régulièrement par 4 ou 5 chez les
contemporains de Schmitt), 1 trompette, 2 cors (là aussi, plutôt 4 chez
Brahms et Tchaïkovski, davantage encore après), 2 trombones (en général
par 3, même chez Mozart), 1 harpe, timbales et quelques percussions
(tambour de basque, tam-tam chinois, grosse caise, cymbales).
Lorsque Schmitt en tire en 1910 la
Suite qui est la seule qu'on enregistre et joue désormais, il étend considérablement son orchestre :
bois par 2 (mais avec 1 piccolo, 1 cor anglais, 1 clarinette basse et 1
sarrusophone en sus, jouables ou non pas les mêmes instrumentistes), 4
cors, 3 trompettes, 3 trombones, 1 tuba, 2 harpes, et davantage de
percussions (dont caisse claire, timbale et glockenspiel). Créée aux
Concerts Colonne en 1911, il disposait de la place nécessaire pour
étendre son orchestre. [anacoluthe cadeau]
État actuel de l'intérieur du Théâtre des Arts – désormais
Théâtre Hébertot.
2. La Tragédie de Salomé intégrale
Schmitt n'a donc jamais
réorchestré l'ensemble de l'œuvre d'origine, destinée à soutenir une action dansée (pas
exactement du ballet, c'était plutôt de la danse dramatique ou du mime
agile). Pourtant, les plus beaux
moments sont précisément, comme souvent (les récitatifs à
l'opéra !), les pas d'action,
tandis que la Suite, plus courte de moitié (une demi-heure), conserve
essentiellement les danses – auxquelles s'ajoutent le Prélude et la fin.
Le plus
dramatique, le moins répétitif aussi, est donc perdu dans la version révisée – qui,
honnêtement, ne sonne pas très différemment malgré la richesse de son
instrumentarium (et je le dis après avoir entendu non seulement les
deux, mais les deux en concert à six mois d'intervalle !). Y restent
trois des six Danses, effectivement impressionnantes et déjà très
dramatiques (j'étais en délire de pouvoir entendre ça en salle, en
septembre…), ainsi qu'une partie de leur environnement, mais il faut, vraiment, écouter l'œuvre
intégrale. Il en existe une version au disque, une seule, celle
de Patrick Davin avec le Philharmonique de Rhénanie-Palatinat, chez
Naxos.
Musicalement,
on y entend passer les gammes debussystes et le lyrisme schrekerien
(Prélude), la Mer de Debussy
(flagrant autour de la Danse des Serpents), des prémices du Sacre du Printemps (vers la Danse
de l'Effroi) et bien sûr des motifs récurrents issus de l'école
wagnérienne (quoique très peu mutants, vraiment ressassés).
Le tout dans une sorte de décadence tranquille, de poème
symphonique à la française, sensible
au détail du climat plus qu'à la structure ou à l'urgence dramatique,
et sans paraître emprunter, dans un ton très homogène et naturel malgré
sa sophistication. Et l'extraordinaire diversité des épisodes. Les
différentes danses font comme les Portes de Barbe-Bleue chez
Dukas ou Bartók, autant d'univers s'ouvrent.
Pour autant, le
meilleur se trouve dans les
parties intermédiaires qui décrivent
les lieux ou les actions,
en particulier tout ce qui a trait aux interpositions (et à
l'exécution, à couper le souffle !) de Jean-Baptiste.
Affiche de la création.
3.
L'argument
La Salomé de Robert d'Humières est la moins redoutable de toutes :
simple objet de l'admiration d'Hérode, elle
provoque involontairement la mort de Jean-Baptiste – c'est
Hérode, excédé de l'interposition du Prophète, qui le remet au
bourreau. Et loin de jouir de son butin, Salomé, entendant des voix
terrifiantes, la jette dans la mer – embrasant toute la nature, mer et
volcans alentours (le mont Nébo est une colline de 800m absolument pas
sis sur une quelconque faille).
Chez Matthieu 14;1-11 et Marc 6;14-29, Salomé n'est
certes ni une manipulatrice ni une lascive nécrophile comme chez Wilde,
mais elle est tout de même celle qui ordonne la mort de Jean, fût-elle
influencée par sa mère adultère et incestueuse.
Tout l'argument est
rythmé par les apparitions de Salomé
en accord avec sa découverte
sensuelle et les atmosphères
successives du jour déclinant :
♪ Danse des Perles
(fascination enfantine aux flambeaux),
♪ Danse du Paon
(prise de conscience de sa beauté, mise en scène en haut des degrés par
Hérodiade),
♪ Danse des Serpents
(avec ceux trouvés dans un recoin, qui épouvantent le couple royal),
♪ Danse de l'Acier
(baignée d'orgueil, reflets lumineux sur l'eau dans la nuit),
♪ Danse des Éclairs
(il fait nuit, Salomé apparaît dans des vapeurs lascives, c'est à
l'issue de cette danse qu'Hérode se jette sur Salomé),
♪ Danse de l'Effroi
(après la mort de Jean, avant l'éclatement de l'orage final).
Après le Prélude qui constitue la première scène,
chacune des danses s'articule au milieu d'une scène complète. D'où
l'intérêt de ne pas se limiter à la Suite – les trois danses centrales
(Paon, Serpents, Acier) y sont supprimées, on perd la progression ainsi
que tout leur matériau environnant.
Je laisse le texte complet d'Humières, décrivant en
détail les scènes, très beau, en
annexe.
Grand succès, l'œuvre est demandée par d'autres théâtres.
Estampe de Lev Samuilovič Bakst
pour un décor lors de représentations au Théâtre des Champs-Élysées en
1913 (chorégraphie de Boris Romanov).
Outre le disque de Patrick Davin avec le
Philharmonique de Rhénanie-Palatinat, chez Naxos, il devrait être
prochainement possible de l'écouter en haute qualité sur le site du CNSM,
puisque capté par les étudiants en métiers du son, une initiative
récurrente de la maison qui permet déjà de découvrir de très belles
choses, ou de suivre des cours publics, comme le font massivement les
institutions anglophones.
Et c'est une excellente nouvelle, parce qu'à
la réécoute du disque Davin aujourd'hui, où l'orchestre paraît assez
sur la réserve (c'est souvent le cas dans les enregistrements de cette
formation pour la série Patrimoine de Naxos…), la version entendue hier
n'était pas moins maîtrisée, et sensiblement plus ardente.
Alain Altinoglu (professeur de la classe de
direction du CNSM) avait habilement isolé des moments suspendus (notes
tenues douces d'un quasi-solo, souvent) où les chefs pouvaient se
succéder dans une œuvre sans interruption, et qui recoupaient assez
bien les différentes sections : le chef en action quitte la scène, les
musiciens soutiennent leur note le temps que le chef suivant batte une
mesure entière, et puis tout le monde enchaîne sans heurt, un travail
d'orfèvre qui ne s'entendrait même pas à l'oreille, sauf à être très
familier de la durée de la mesure en question.
On voit ainsi passer William Le Sage, Jordan Gudefin, Nikita Sorokine, Mikhaïl Suhaka, Gabriel Bourgoin et Romain Dumas, certains que j'avais
beaucoup admirés en janvier dans la Deuxième
Symphonie de Schumann.
Dans une musique aussi « écrite » que celle de
Schmitt, la différence de conception est évidemment moins flagrante –
plus on avance dans le temps, moins l'invention personnelle prévaut ;
néanmoins, même s'il a évidemment la partie la plus valorisante (les
deux dernières danses), la gestion de la tension de Romain Dumas m'a beaucoup
impressionné, celle-ci enflant, sans rien précipiter ni brailler, mais
sans paraître connaître de limite, jusqu'à la fin… C'est enthousiasmant
pour l'auditeur, et aussi révélateur d'un savoir-faire très sûr dans
une musique qui est pourtant assez séquentielle, voire fragmentée,
surtout dans ces derniers épisodes où l'agitation va et vient en
segments assez brefs.
Le toujours excellent Orchestre des Lauréats du Conservatoire
mérite aussi de hauts éloges, pour tenir une partition aussi difficile
avec une cohésion qui n'est pas identique à celle des ensembles
permanents, mais qui est néanmoins de très haute volée… aucune
défaillance, alors que dans cette formation très resserrée, chacun a
une heure de musique très technique à assumer, sans interruptio :
cordes en 9-3-3-2, trois sopranos pour faire le chœur et le solo, plus
la nomenclature décrite à la fin du §1 (flûte, hautbois / cor anglais,
clarinette, basson, 2 cors, trompette, 2 trombones, harpe, timbales,
percussions).
L'occasion de féliciter Paul Atlan (partie écrasante de
hautbois et cor anglais, excellent aux deux), Arthur Bolorinos dans les très
nombreux solos (onctueux et limpides…) de clarinette, ou encore David Busawon à la trompette – les
trompettistes se plaignent souvent d'avoir peu de choses exaltantes à
jouer, ici énormément d'accompagnants subtils et de contrechants, voire
de thèmes… une quantité de jeu très inhabituelle, et qu'il tient
remarquablement (avec un beau son, d'ailleurs).
Quand on a dit que c'était gratuit, franchement, qui
a dit que la vie culturelle parisienne était dispendieuse pour être
exaltante ?
Juste une remarque : il y a souvent un délai de
transmission entre les professeurs et le service de communication, si
bien que les programmes sont donnés tard, et pas toujours complètement.
J'ai découvert dans la salle que j'allais entendre non pas la Suite
(déjà une excellente nouvelle), mais le mimodrame intégral (un
événement considérable) ! Je suis sûr qu'il y aurait eu davantage
de monde dans la salle (assez bien remplie au demeurant, mais il n'y
avait pas la queue dehors…) en mettant en avant le côté quasiment
inédit d'une exécution publique de l'œuvre intégrale.
J'abuse souvent de la bonté sans limites du
responsable communication, qui me transmet en temps réel les
informations dont j'ai besoin, mais les professeurs ont forcément en
réserve les détails de ce type de grand projet assez en amont, il y
aurait vraiment un effort de coordination à faire en interne, très
profitable au rayonnement du CNSM.
La presse musicale couvre très peu également (même Cadences…) ces manifestations,
alors qu'elles sont, même indépendamment des programmes, d'un niveau
égal ou supérieur aux grands concerts des grandes salles.
Cette saison, entre les meilleurs jeunes chambristes
en concert gratuit, les soirées lyriques et la découverte d'inédits
absolus (Puig-Roget, Roland-Manuel, le cycle des Angélus de Vierne, cette Salomé…), le CNSM était vraiment le
lieu où il fallait être !
Refaites-nous cela souvent !
5.
Annexes
En cliquant ci-dessous, ouvrez la notule pour accéder aux deux annexes :
► Florent Schmitt en politique (puisque le sujet revient sans arrêt) ;
► l'argument complet de la plume de Robert d'Humières pour son « drame
muet ».
Il me reste toujours pas mal d'œuvres exhumées cette saison à présenter
(Messed'Innocent Boutry, Les Horaces de Salieri, Chimène de Sacchini, Brocéliande
d'André Bloch…), des notules sur la technique vocale, des sujets
d'éclaircissement sur les orchestres munichois ou néerlandais… Il ne se
passe
pas de semaine sans que j'y travaille activement, mais les recherches
nécessaires et le dégoût de la monomanie me conduisent à avancer tout
cela de front, et donc lentement.
Pour autant, et malgré le retard accumulé dans mes plans machiavéliques
pour le développement de CSS et la conquête du monde (civilisé), je ne
puis laisser passer le rituel planning du mois, pour votre usage,
estimés lecteurs, frères semblables ou trolls difformes.
1.
Bilan
de janvier
Au 25 janvier, seulement 10 concerts (un peu concurrencés par les
expositions en début de mois), mais je me prépare 6 spectacles sur 3
jours en fin de semaine (facile, quand il y a un pré-concert à 19h !)
qui devraient un peu rééquilibrer ces statistiques dangereusement
déclinantes.
J'ai néanmoins dû renoncer, pour des raisons bassement pratiques (vivre
à peu près socialement, assurer ses fonctions professionnelles avec le
prestigie qui sied, renouveler ses hardes, etc.), à une poignée de
merveilles dont je m'étais fait le chantre ici même :
♠ concert des classiques d'airs de courpar
Léa Desandre et Violaine cochard ; ♠ Le Songe d'une Nuit d'étéd'Ambroise Thomas par la Compagnie de
L'Oiseleur ; ♠ trios de Cécile Chaminade
et Mel Bonis (musée Henner) ; ♠ Hänsel
und Gretelarrangé pour récitant et nonette de cuivres (CRR
de Boulogne) ; ♠Musique pour Cuivres et
Cordes de Hindemith avec
une Symphonie de chambre de Milhaud
(Orchestre d'Éric van Lauwe) ; ♠ orgue
letton (Ešenvalds, Kalniņš,Vasks…) à Radio-France. Pas le
plus beau corpus du monde (et sur ce biniou infâme !), mais très
rare, et de belles atmosphères tradi (enfin, je ne connais pas toutes
les pièces au programme, mais d'après le reste de leur production,
notamment pour orgue, ou celle de leurs collègues…), ♠ mélodies et musique de chambre de Guy Sacre et autres compositeurs
français du second XXe et XXIe (Boisgallais), par Billy Eidi notamment.
Mais j'en ai aussi vu de belles !
♣ Des raretés que je ne verrai probablement pas deux fois :
♣♣ Recréation de Médée
et Jason de Joseph Salomon (1713),
acte II intégral. Par les étudiants du CRR de Paris (renforcés des
pôles Versailles, Cergy et Boulogne-Billancourt). Une tragédie de la
meilleure période (deuxième
génération), dont rien
n'avait été remonté, et qui contient de façon très audible les
influences italiennes et les tropismes sombres de la prédominance d'un
livret hautement tragique. La préparation d'Isabelle Poulenard a
vraiment porté des fruits sur le plan de la déclamation. Totalement
grisant d'entendre tout cela renaître, très bien joué et chanté de
surcroît ! Une notule illustrée est prévue.
♣♣ Sacchini, Chimène ou le Cid
(1783) par le Concert de la
Loge Olympique et les solistes de
l'ARCAL. De loin son meilleur opéra, et qui, sans spoiler la notule en préparation,
sonne de façon étonnamment mozartienne dans un opéra français (bien
plus que Grétry ou J.-Ch. Bach. En attendant, vous pouvez en lire l'introduction.
♣♣ Le Quatrième Quatuor de Stenhammar. Dans un postromantisme
qui évoque Mendelssohn ou Schumann à peine enrichis, ce qui se
fait de mieux
(le Troisième aussi). Couplé dans ce concert avec les étranges moirures
grises du mieux connu Deuxième Quatuor de Szymanowski et Septième
Quatuor de Chostakovitch. Pas servis au mieux par le Royal String Quartet
(polonais !), aux angles émoussés… le premier violon en retrait
permettait certes de s'intéresser davantage à l'accompagnement, mais
cela manquait de tension, surtout pour soutenir des œuvres peu jouées,
en particulier Stenhammar qui ronronnait un peu et Szymanowski qui
devenait un peu translucide. Mais enchanté d'avoir entendu tout ça en vrai, l'envie furieuse de se
plonger précisément dans la partition à présent !
Deux intégrales existent au disque, privilégiez
celle du Quatuor Stenhammar,
ardente et limpide, très bien captée par BIS. (L'intégrale danoise est
très bien aussi, néanmoins.)
♣♣ Joseph-Guy Ropartz, Sonate n°2 pour violon et piano par Stéphanie Moraly (putto
d'incarnat de la meilleure violoniste la saison passée) et Hugues Leclère,
plus des pièces courtes de Lili Boulanger et Georges
Migot (et la sonate de Debussy) – exclusivement des œuvres de 1917.
Toujours la même maîtrise absolue (partition en main, littéralement
rien à côté, en rythme comme en justesse), le même grain magnifique
(assez fin mais pas du tout grêle, idéal pour la musique française), la
même chaleur (tension toujours soutenue dans des œuvres à la structure
pourtant complexe, inhabituelle ou fuyante).
L'œuvre de Ropartz elle-même est assez atypique, en
deux mouvements très contrastés (le premier vif avec des couplets
lents, le second lent avec des couplets vifs), harmoniquement
recherchés, et qui puisent à la source du foklore, tout en le
transmutant très profondément (réminiscence d' « il était un petit
navire », notamment). C'est le Ropartz le plus ambitieux qu'on y
entend, celui de l'opéra tristanien Le Paysplus que celui des chœurs
consonants, des quatuors un peu anonymes ou des symphonies
germanisantes (sauf la Troisième, évidemment). Stéphanie Moraly
sort dans les prochaines semaines, chez Timpani, sa version de la
Sonate de Koechlin – de pair avec une nouvelle version, dans une
édition révisée, de l'immense Quintette pour piano et cordes. L'un des
grands disques à ne pas manquer cette année si l'on s'intéresse à la
musique de chambre, à la musique française de cette période, ou même
simplement au violon.
♣♣ Louis Vierne, Les Angélus,
cycle de mélodies pour orgue et
soprano.
D'une poésie délicate, parfaitement française. J'ignorais jusqu'à leur
existence, et pourtant c'est un bijou, dans un format qui n'est
pourtant pas si difficile à réunir. Un plaisir d'y entendre scintiller Harmonie Deschamps
(la voix a beaucoup gagné en équilibre et en brillant, c'est désormais
une grande !) et, dans tout le programme (dont la Pièce Héroïque de
Franck) les jeunes organistes du CNSM, très éloquents.
♣♣ 42 Street
au Châtelet. Bien que très bon client du musical (aussi bien
intello-chic que très grand public),
pas été enchanté par l'œuvre, et sans doute d'autant plus qu'on en
faisait grand bruit. Après trois expériences bouleversantes au Châtelet
(Les Misérables, Sunday in the Park with George, Into the Woods…),
et une prévisible demi-teinte (Carousel) deux déceptions consécutives, dans les
deux cas à cause de l'œuvre (Passionde
Sondheim, ). 42 Street, c'est
du backstage musical au carré
: les gens parlent de faire du tap
dance pendant
2h30… et dansent des claquettes pendant 150 minutes. Tout n'est qu'un
vaste prétexte, ou plutôt même pas un prétexte… tout n'est que
claquettes. Certes, c'est joli (et force l'admiration sur l'endurance
exceptionnelle des interprètes, sans parler de la nécessité de chanter
par-dessus le marché !), et il y a deux ou trois très bonnes chansons
là-dedans, mais il ne se passe, réellement, absolument, rien.
♪ Des ensembles insolites :
♫Thomas E. Bauerdans
le Schwanengesang
de Schubert, accompagné
sur pianoforte (une copie
d'après un Walter de la fin du XVIIIe) par Jos van Immerseel.
La discrétion du pianoforte – sans pédale, un modèle ancien par rapport
à la date de composition (1828), mais comme on ne jouait pas
nécessairement sur des instruments récents, crédible… – rend
l'accompagnement beaucoup plus sommaire (à peine présent, les harmonies
audacieuses plus discrètes, la coloration limitée) et permet des
équilibres très différents en faveur de la voix. On pourrait les
chanter sans technique lyrique, en conséquence – ou presque, vu les
ambitus et les caractères (les plus tempêtueux y font véritablement
appel).
Je croyais, à en juger par ses derniers disques, Thomas Baueren
déclin : pas du tout ! Non seulement la voix est toujours belle
et saine, mais il se permet de tout chanter en tonalité originale (pour
ténor…). Surtout, il donne la primauté au texte, et nous raconte des
histoires, plutôt sur le mode du murmure, mixant
volontiers, n'exagérant jamais les effets. Ce sont les poèmes qu'on
reçoit en ligne directe, habillés par Schubert. Cela se fait au
détriment du legato –
il n'y en a pas, tout est quasiment chanté note à note –, ce qui me
ravit, mais c'est un parti pris fort qui peut frustrer ceux qui se
déplacent plutôt pour le chant. Et puis les moirures du timbre,
fantastiques, sur lesquelles il ne se repose pas du tout, explorant
toute une palette de nuances.
Le plus séduisant est le caractère direct de sa
composition, rien ne sonne « construit », c'est un chant qui place le
texte en premier, sans paraît du tout « intellectuel ».
♫ Christian Gerhaher et Gerold Huber dans les groupes de lieder tardifs de Schumann (Op.49, 83, 90, 127, 142)
que personne ne donne, ni même n'enregistre ensemble. Il y a une raison
à cela : ceux qu'on joue fréquemment sont excellents, les autres un peu
plus banals, assez décevants pour tout dire, pour du Schumann de
maturité. Par ailleurs, ils n'ont pas de lien thématique (ni même
d'auteurs, quelquefois) en commun. Néanmoins, avoir l'occasion de les
entendre dans leur environnement originel, et par le meilleur de la
Liedersängerie, représente un privilège. Gerhaher
est toujours aussi saisissant dans sa maîtrise technique des
alternances vibré
/ non vibré, métallique
/ non métallique, plein
/ mixte, couvert
/ non couvert.
En revanche, sans doute par contraste avec le concert Bauer qui avait
lieu juste avant, j'ai surtout été frappé par l'artifice de ses
propositions : la diction est extraordinairement limpide, mais très
formelle ; on sent aussi, contrairement à Bauer, l'obsession de
maîtriser la beauté des sons et de la ligne. Un orfèvre, et cela
s'entend quelquefois un brin trop. Surtout, déçu par le Liederkreisopus 24,
où je me figurais qu'encore plus que pour l'opus 39, il ferait figure
de référence absolue ; je l'y ai trouvé peu inventif, et même assez peu
expressif. Plutôt dans la lignée de ceux qui l'ont interprété comme un
flux (Prégardien, Bostridge, Spence ou Saelens ont fait ça très bien),
plutôt que dans son détail poétique comme Bauer (par deux fois au
disque !), Bär, S. Genz ou Fassbaender.
Je crois aussi que la voix, qui rayonne
incroyablement par sa clarté, avec orchestre, n'a pas l'impact physique
d'autres chanteurs, même sans mentionner Goerne.
Pour couronner le tout, Huber
sonnait cette fois réellement comme un accompagnateur, discret, effacé,
parfois un brin poussé vers ses limites, rien à voir avec sa recréation
orchestrale somptueuse dans leurs concerts Mahler.
Superbe concert (évidemment), mais en deçà de la
sensation attendue pour le meilleur duo de lied actuel – côté chanteur,
le meilleur c'est Bauer, en fait. S'il pouvait donner des concerts avec
Helmut Deutsch ou Eric Schneider, la question serait réglée.
♥ Toujours à la poursuite de mes chouchous, cette fois orchestraux :
♥♥
Classe de direction d'orchestre, avec Enrique Mazzolaen
professeur
invité. L'Orchestre
des Étudiants du CNSM
jouait le Concerto Jeunehomme
de Mozart et la Deuxième Symphonie de Schumann. À l'exception d'un
étudiant dans le mouvement lent de Schumann, dont j'ai trouvé les
coutures d'écriture trop soulignées, d'un style emphatique bien plus
tardit, d'excellentes visions, toutes très conscientes des enjeux
manifestement. Excellent pianiste,Ismaël Margain,
bien plus subtil qu'à peu près toutes les vedettes entendues dans ces
concertos qui sont en général travaillés comme un à-côté du vrai
répertoire intéressant ; accompagnement très fin (en particulier dans
le premier mouvement, avec une exaltation simple et pédagogique des
motifs) ; dans le Schumann, c'est l'ivresse de jouer cette musique qui
frappe… Ivresse contagieuse. Sous ses promesses d'audition d'étudiants,
un grand concert symphonique !
♥♥ La Cinquième Symphonie de Tchaïkovski par l'ONDIF et Mazzola,
un des rares orchestres à communiquer autant, lui aussi, son plaisir de
jouer ce qu'il joue ! Comme toujours avec Mazzola, flux très
évident, les transitions sont audibles mais toujours très
directionnelles, on ne se perd jamais ; plus étonnant, cette lecture de
cette autre Cinquième « du Destin » paraît très lumineuse, pas du tout
tourmentée, juste la joie inextinguible de la musique. Encore plus
insolite, c'est l'accompagnement du Concerto pour piano de Grieg qui
m'a le plus convaincu ; une œuvre qu'il ne faut pas réserver aux
pianophiles, assurément, mais là encore, cet engagement et cette
éloquence dans un accompagnement, voilà qui était aussi inattendu que
jubilatoire.
☼ Des auditions, et autres astres montants :
☼☼ Audition
de chant baroque au CRR de Paris.
L'accompagnement au clavecin du professeur était vraiment raide (et peu
assuré), ce qui contraignait la souplesse de phrasé des chanteurs,
autrement de très belles voix dans un beau programme qui parcourt avec
goût le XVIIe. À prévoir avec un accompagnateur spécialiste, une
prochaine fois ?
☼☼ Spectacle de chant baroque au CRR
de Paris. En plus de l'acte II de Médée
de Salomon évoqué plus haut, de l'air de cour, des pièces
instrumentales (harpe de Luzzaschi, orchestre de Muffat), le début de Joseph de Haendel… Au ténor près
(le même que pour L'Europegalante),
qui a beaucoup de travail en perspective, des voix très intéressantes
et très bien faites, qui maîtrisent remarquablement les langues de
surcroît (y compris le français déclamé, restitué ou non). Très beau
spectacle dans son ensemble, en plus de l'événement Salomon !
☼☼ Audition de la pré-maîtrise de
Notre-Dame au CRR de Paris.
Chanteurs dans les 8-10 ans, à vue de nez. Programme conçu autour de
compositeurs spécialistes de la musique chorale, et qui font à nouveau
leurs preuves : Mendelssohn, Aboulker, Rutter… Très beau, et très bien
chanté en plus – même lorsqu'on n'a vraiment pas, comme moi, de
tropisme vers les petits braillards.
☼☼ Cours public d'orgue par Olivier
Latry et Michel Bouvard. Deux heures sur le premier tiers du
deuxième des trois Chorals de 1890 de Franck,
c'était un peu trop, mais le principe était vivifiant, notamment
l'aller-retour, sur une pièce à l'harmonie et la structure complexes,
entre Latry qui donnait toutes les petites astuces permettant de
procurer, sur un instrument sans attaques dynamiques, du relief et de
la tension, et Bouvard expliquant à l'élève et au public l'économie et
la logique générale de la pièce. Alors que je ne l'avais pas en très
haute estime jusqu'ici, j'ai réécouté en boucle le triptyque de chorals
pendant la moitié de la semaine.
◊ Enfin, du théâtre (scandinave évidemment) :
◊◊ Hedda Gabler d'Ibsen, que je n'avais vue que dans la
vision prosaïque d'Ostermeier, il y a déjà une
dizaine d'années.
La compagnie Nostos, dans le petit Théâtre de l'Usine à Éragny, tire
assez bien parti de ce qui n'est vraiment pas le meilleur Ibsen – pas
vraiment la qualité psychologique ni les retournements dramatiques, les
dévoilements tragiques qui font en général la colonne vertébrale de ses
pièces. Une femme fatale aux siens et à elle-mêmen au centre, sans que
les ressorts son âme soient jamais vraiment révélés. Beaucoup de
sobriété bienvenue… et justement, les faiblesses sont plutôt à relever
dans les ajouts – le juge ex machina
lourdement surligné par la sonorisation, alors que sa transmutation de
représentant de la loi en pire crapule d'un drame déjà pas bien joli
constitue justement un beau coup de théâtre ; ou encore la relation
saphique entre les deux femmes perdues, qui n'entre en résonance avec
rien dans le texte, qui présente plutôt une lutte sourde, des rapports
sociaux brutaux… Un coup de chapeau aux deux actrices dont la langue
maternelle n'est pas le français, et qui trouvent pourtant le ton juste
sans effort d'adaptation pour le public.
◊◊ Danza macabra (Dödsdansen) de Strindberg
à l'Athénée, en italien. Belle expérience que cette mise en scène de
Luca Ronconi dans la traduction (aménagée) de Roberto Alonge. La langue
semble conditionner la vision de cette pièce totalement fermée sur un
vieux couple empli de leurs haïnes mutuelles, et la tirer vers une
quasi-comédies de caractère. L'italien bien sûr, mais aussi le jeu des
acteurs, font de cette garnison perdue sur une île quasi-désertique, de
cet isolement très prégnant dans les pièces d'Ibsen et Strindberg, une
sorte de sitcom comico-horrifique,
où l'on ne peut jamais prendre complètement au sérieux les méchancetés
énoncées ou accomplies. La vie ainsi ajoutée à l'atmosphère permet à
l'ensemble de très bien fonctionner, en particulier grâce au jeu
savoureux de Giorgio Ferrara.
Théâtre rempli seulement à moitié : Strindberg n'est
pas très populaire en France, et je doute que la promesse de la langue
étrangère, qui m'attirait, ait produit le même effet chez le grand
public. Par ailleurs, pas facile à vendre comme théâtre : de même que
pour Fadren (« Le Père »),
l'épouse est la pire dans le couple dysfonctionnel, et le patriarche
méchant mais victime envoie finalement le message opposé du théâtre
d'Ibsen, où la femme est motrice.
Il ne se passait pas grand'chose en janvier dans les grandes maisons,
mais grâce à Carnets sur sol,
si vous avez suivi les judicieux conseils de nos putti ventripotents, vous aurez
vécu de grandes émotions – et aurez, je l'espère, couvert un peu plus
de répertoire que d'ordinaire.
January's Walk of Shame
Jean-Honoré FRAGONARD, 1778
Également connu sous le titre de Fanfan.
(Metropolitan Museum of Art.)
2. Quelques conseils en février
Comme toujours pendant les vacances scolaires, le programme est allégé.
Quand même de quoi s'amuser (au sein de chaque catégorie, pour
faciliter vos explorations, je classe plus ou moins par ordre
chronologique des œuvres).
■ Le 28,
Marcabru, Dufay, Willaert, Gabrieli, Monteverdi et Vivaldi par
Savall (et Mauillon)
à la Philharmonie.
■ Le 22, salle Cortot, pièces pour
les Jésuites argentins, avec La Chimera
(Kusa,
Rewerski, Egüez),
beau (tout petit) ensemble spécialiste des airs de cour en langue
castillane.
■ Le 18 à 15h, petits motets
de Campra (Cum invocarem), Bernier (Laudate Dominum), et laTroisième
Leçon pour le Mercredi de
Couperin. Par le remarquable
ensemble spécialiste et défricheur de la musique baroque française (il
y en a peu !)Le Vaisseau d'or
et deux excellentes sopranes spécialistes (Agathe Boudet
et Julia
Beaumier).
■ Le 5 à 12h30, extraits des plus beaux corpus de clavecin (du moins
parmi ceux qu'on joue très peu en concert) : de Jacquet de La Guerre (son
chef-d'œuvre, la Suite en ré mineur), Louis
Couperin (Suite en la), Duphly.
Et puis, peut-être, la plus belle œuvre pour clavecin de Bach (du moins
dans le goût traditionnel), la Troisième Suite française. Par Hélène
Diot et Françoise Lengellé. (Soubise, gratuit.)
■ Deux opéras de Paladilhe :Le Passant, et
des extraits de L'Amour
africain.
Un compositeur dont on n'a à peu près rien au disque
(à part ses grandiloquentes Saintes-Maries dans une interprétation
assez choucrouteuse), malgré ses vastes succès de son temps et ses
opéras très ambitieux – Patrie !,
le
miroir de l'intrigue de Don Carlos,
est un bijou du grand opéra à la française, dont les airs de baryton
étaient très courus au début du XXe siècle, et qu'il faudra bien se
résoudre à remonter un jour, lorsque Bru Zane aura fini de faire joujou
avec les mignardises pompières.
Ici, deux pièces de format moins ambitieux, mais qui
seront servies par tout l'enthousiasme (à peu près bénévole et tout
sauf amateur) de la Compagnie de
L'Oiseleur. (Temple du Luxembourg, libre participation.)
■ Le 8 (lieu privé, me contacter par courriel ou en commentaires),
concert-récitation de la Compagnie de
L'Oiseleur. LULLY,
Rameau, Janequin, Delafosse,
Ravel, Chaminade, Polignac, La Presle, Fol, Schumann, Paladilhe, Chausson, Berger… et textes de Proust,
Maupassant, Houellebecq, Montaigne, Rousseau, la Grande Mademoiselle,
Gide, Flaubert, Barbey d'Aurévilly, Gautier, Chateaubriand, Sarte, Sachs
■ Le 28 à l'amphithéâtre de la Cité de la Musique, programme de musique de chambre futuriste (et
soviétique) russe avec Ustvolskaya
(Trio pour clarinette, violon et piano ; Sonate pour piano n°5), Mossolov, et cycles de mélodies de Vainberg, Chostakovitch et Prokofiev, avec Marina Prudenskaya
(qui remplace Anna Samuil initialement annoncée). Une tuerie en
perspective.
■ Le 3 au CNSM, l'Orchestre des
Gardiens de la Paix dans un programme
Groupe des Six – incluant même Tailleferre, Durey et la grande
valse de L'Aiglon ! Gratuit.
■ Le 28 à Saint-Louis-des-Invalides,
Saint-Saëns (Cyprès et
Lauriers pour orgue et orchestre), Debussy (Nocturne n°2 et Rhapsodie
pour clarinette), Stravinsky, Milhaud, Bernstein (Fugue & Riffs, ouverture de Candide), Morton Gould. Programme assez
jubilatoire. (15€ en première catégorie. Réduction possible en me
contactant.)
■ Le 17 à la Maison de la Radio, tissage de la musique de scène de Purcell pour The Tempest avec
du Saariaho. Attelage assez
attirant, je dois dire. (Tarif unique 15€.)
■ Le 13 à la Maison de la Radio, œuvres pour orgue de Messiaen, Florentz, Saariaho,
Latry et Karttunen, par Olivier Latry.
► Autres dates intéressantes :
■ Le 2 à l'Oratoire du Louvre, le chœur
américan Chanticleer interprète de tout, de Goudimel et Palestrina à Bryars et Cohen.
■ Le 5 à 17h, club du 38 Riv', œuvres
anglo-italiennes pour harpe triple et viole de gambe.
■ Le 21 à Herblay, cantates et/ou opéras de Giovanni
Alberto Ristori (1692-1753)
par l'Ensemble
Diderot et Maria Virginia Savastano.
Jamais écouté à vrai dire (sauf la soprane, très bien), mais
considérant les dates, ce doit être en plein dans l'esthétique du pur seria baroque.
■ Le 23, pièces pour piano d'Hélène de Montgeroult, jouées sur pianoforte (amphi de la Cité de
la Musique). C'est sympa parce que c'est rarissime (compositrice de la
charnière XVIIIe-XIXe), mais ça n'a pas un intérêt formidable… écrit
dans le goût de Mozart, mais on est très loin de la personnalité de
Mozart ou Dussek, par exemple. Pour le plaisir de la rareté et de
l'instrument d'époque. C'est complet de toute façon, me semble-t-il.
[En revanche, je vous recommande le château et son jardin.]
■ Fantasio d'Offenbach,
une œuvre sérieuse, loin d'être sa plus inspirée musicalement ou
dramatiquement, mais ça change. Et dans la grande jauge du Châtelet, il
doit être facile d'obtenir encore des places.
■ Le 5 à 16h, Sérénade pour vents de
Dvořak et R. Strauss par des membres du Philharmoniqe de
Radio-France.
■ Les 2 et 4,Illuminations et Serenade de Britten, en extraits à
l'intention du jeune public – avec une petite scénographie, me
semble-t-il. (Au 104, par l'Orchestre de Chambre de Paris.)
■ Le 27 aux Invalides (salle Turenne), Sonate pour clarinette de piano
de Bernstein, Quintette avec
harmonium de Dvořák, Quintette
pour piano et vents de Beethoven,
Quatuor avec piano n°3 de Brahms
Bizarre attelage, avec des choses chouettes (Bernstein), saugrenues
(Dvořák) ou plus courues mais géniales (Brahms). 15€.
■ Le 20 aux Invalides (salle Turenne), duo pour hautbois et de Doráti (très grand symphoniste,
mais dans ce format réduit ?), trio avec flûte et piano de Françaix, variations sur des thèmes
d'opéra de Pasculli, Premier Trio de Brahms. 15€.
■ Le 13, salle Turenne, trio avec clarinette de Rota et Khatchaturian, Concert de Chausson, et un quatuor avec flûte
de Mozart, avec des membres
émérites de l'Orchestre de Paris (Roland Daugareil, Vincent Lucas). Pas
des chefs-d'œuvre incommensurable en dehors du Concert de Chausson
(joué en temps en temps à Paris), mais un joli programme original. 15€.
■ Le 24 à la Cité de la Musique,
Rothko Chapel de Feldman.
■ À partir du 23, pièces de Messiaen
et Takemitsu par des membres
de l'Intercontemporain, pour une chorégraphie de Teshigawara à
Chaillot. En revanche, tarifs prohibitifs pour les adultes (35€ pour de la musique de
chambre contemporaine…).
■ Le 22 à l'Espace Bernanos, diptyque Schumann-Kurtág (Phantiasiestücke avec
clarinette, Märchenbilder et les deux trios).
► Interprètes et ensembles parrainés.
■ Dans l'alternance de Così fan tutte à Garnier, deux
très belles distributions (vraiment !), mais notez en particulier la
présence, dans la A, des voix graves : Paulo Szot
et Philippe
Sly, particulièrement présents et glorieux.
■ Le 3 au CRR de Paris, laclasse
de violon de Stéphanie Moraly(dont
il était question ci-dessus). Pour en avoir entendu quelques-uns en
audition avant son concert, il y a de très beaux archets à découvrir
(et le programme était hallucinant encore une fois, Vieuxtemps, Ysaÿe,
Caplet, Satie, Honegger, L. Boulanger, Milhaud !). Je n'ai pas le
programme de cette nouvelle session pour l'instant. Gratuit.
■ Le 28 à la Cité de la Musique, l'Orchestre des
Lauréats du Conservatoire (CNSM) dans Sibelius 2, le concerto pour violon de Khatchaturian
(bon courage)et une création d'Alvarado.
Gratuit.
► Cours publics.
■ Cours
public de Svetlin Roussev(violon)
au CNSM (le 2 à 19h).
■ Cours public d'Olivier Baumont
(clavecin) au CNSM (le 24 à 19h).
► Théâtre.
■ Le petit-maître
corrigé de Marivaux salle
Richelieu.
■ La mort de Danton
de Büchner au Théâtre de la
Bastille.
■ Intérieurde Maeterlinck au
studio-théâtre de la Comédie-Française (dans le Carrousel du Louvre),
tous les soirs à 18h – les classes laborieuses sont priées d'être des
professeurs, manifestement.
■ La Peur (Zweig) au Théâtre Michel.
■ L'État de siège
de Camus à l'espace
Pierre Cardin (production du Théâtre de la Ville). Assez cher pour du
théâtre subventionné, néanmoins. À partir du 1er mars.
► À vendre !
■ Parce que j'ai d'autres projets /
trouvé des places moins chères / un ami empêché / changé d'avis, je
revends quelques places, à prix doux et bonne visibilité, pour quelques
concerts de février :
■■ La Belle Meunière
avec Goerne le 6 au Théâtre des Champs-Élysées, 25€ au lieu du prix
public de 30€ (au fond du second balcon, légèrement de côté,
normalement une bonne visibilité sur le pianiste et en tout cas sur le
chanteur).
■■ Lohengrin à
Bastille le 8.
► J'achète !
■ Vous l'avez vu, le 28, il y a
Sibelius 2 par mes petits protégés, le pot-pourri avec clarinette solo
des Invalides, Marcabru par Mauillon, Ustvoslkaya… Assez tranquille
qu'il s'agissait là de répertoires suffisamment interlopes et pas des
interprètes pas tout à fait superstar, je me suis laissé aller, depuis
l'ouverture, à l'agonie du chien d'Aristote et Buridanus… jusqu'à
m'apercevoir qu'il ne restait plus de place pour mes deux premiers
choix, le concert Savall et
surtout la musique de chambre
futuriste.
Aussi, quelqu'un à l'une de ses places à écouler
pour le 28 février, qu'il
n'hésite pas à passer par moi.
Et plein d'autres choses à voir, à n'en pas douter. Si vous êtes
curieux de ma
sélection personnelle, elle apparaît en couleur dans le planning en fin
de notule. Il y a déjà de quoi s'amuser, même en période de vacances
scolaires où – pour une raison que je ne mesure pas trop, la désertion
francilienne n'étant pas du tout comparable à celle d'août ! – l'offre
de concerts est traditionnellement moins exponentielle que le reste de
l'année.
Marguerite GÉRARD, Prochaines
aventures sur sol ! (1778) Également connu sous le titre de L'Enfant et le Bulldog,
d'après la Première leçon d'équitation
de Fragonard.
(Metropolitan Museum of Art.)
3.
Expositions
Ça se renouvelle en ce début d'année, mais je n'ai pas eu le temps de
tout mettre à jour, elles courent pour quelque temps encore de toute
façon. Je disais donc :
Ça n'a pas énormément changé depuis la dernière fois, laissez-moi
gagner un peu de temps de ce côté-là en vous recommandant le
remarquable Exponaute (et son tri par date de fin !) ou la
très utile sélection mensuelle de Sortir à Paris.
4.
Programme
synoptique téléchargeable
Attention, en raison d'une transition (abandonnant à regret l'excellent
logiciel libre Kalender où tout était exécutable au seul clavier !)
vers un autre logiciel qui permette la synchronisation automatique,
certaines des dates importantes sélectionnées ci-dessus ne figurent pas
dans le calendrier ci-dessous.
Comme les dernières fois :
Les codes couleurs ne vous concernent pas davantage que
d'ordinaire,
j'ai simplement autre chose à faire que de les retirer de mon relevé
personnel, en plus des entrées sur mes conspirations occultes et autres
éviscérations de chatons. Néanmoins, pour plus de clarté :
◊ violet : prévu d'y aller
◊ bleu : souhaite y aller
◊ vert : incertain
◊ **** : place déjà achetée
◊ § : intéressé, mais n'irai probablement pas
◊ ¤ : n'irai pas, noté à titre de documentation
◊ (( : début de série
◊ )) : fin de série
◊ jaune : événement particulier, échéance
◊ rouge : à vendre
Les bons soirs, vous pourrez toujours distinguer mon pas de funambule
le long des rampes majestueuses, dans les lieux, décidément, les plus
fréquentables du centre de l'Univers.
Cliquez sur l'image pour faire
apparaître le calendrier (téléchargeable, d'ailleurs, il suffit
d'enregistrer la page html) dans une nouvelle fenêtre, avec tous les
détails. [En raison d'une défaillance d'hébergeur, il est possible que
la page html soit cette fois-ci automatiquement téléchargée, vérifiez
votre dossier d'arrivée !]
Toutes les
illustrations picturales de cette notule sont tirées de photographies
du Fonds Řaděná pour l'Art
Puttien, disponibles sous Licence Creative Commons CC
BY 3.0 FR.
Ce billet, écrit à par DavidLeMarrec dans la catégorie Saison 2016-2017 a suscité :
► Comprend une intégrale discographique de la tragédie en musique de 1773 à
1802.
Là où, il y a dix ans, on ne disposait au disque et
sur les scènes que des opéras français de Gluck (plus des versions
assez épaisses de Roland et Didon de Piccinni, des Danaïdes de Salieri et d'Œdipe à Colone de Sacchini), la
recherche musicologique et l'édition phonographique offrent désormais un beau panorama, de plus
en plus complet.
Je voulais parler de la dernière exhumation en date,
Chimène ou le Cid
de Sacchini, vu vendredi soir en salle… mais les prolégomènes sur les
intrigues qui conduisent à la commande et à l'élaboration de l'œuvre
ont pris tant de place qu'ils feront à eux seuls une notule rigolote.
1. Les bluettes pleurnichardes des Lumières
Certes, la musique
est l'art qui souffre de plus d'inertie
dans l'évolution de son langage
– pour des raisons structurelles, car il s'agit d'un système plus
formel, fondé sur la transmission instinctive de codes chez les
auditeurs (il n'y a pas de « sens » qu'on puisse changer comme avec les
mots ou la vue). Il faut bien être conscient que Les souffrances du jeune Werther de
Goethe est publié en 1774, l'année où Gluck, futur maître de la musique
classique, arrive à Paris – c'est-à-dire que lorsque Werther paraît, on joue en France exclusivement de
la musique baroque
! (Et cela se voit particulièrement dans sa première adaptation musicale, dans un langage
très classique qui nous paraît à coup sûr éloigné de la fièvre et de la
confusion du roman.)
Pourtant, je trouve réellement frappant d'entendre la musique des Lumières… elle nous
recentre concrètement ce qu'était la
sensibilité véritable des artistes des penseurs du temps. Car on
observe une forme de simplicité, de
naturel
dans cette nouvelle école gluckiste, moins formelle, moins courtisane,
misant davantage sur les affects et les sens : au lieu de danses de
cour et de déclamation sophistiquées, on déploie au contraire une pulsation très régulière
(quasiment 100% des pièces sont soutenues par un martèlement de la
basse sur chaque temps !) et une écriture de récitatifs ample mais
très nue.
Dans le même temps, le goût de la décoration n'a pas cessé, et les
vocalisations virtuoses (là encore, plus accessibles, plutôt sous forme
de gammes écrites que de diminutions / variations) font toujours fureur. La
musique littéraire, la musique du bon goût a cédé la place à une forme d'ivresse simple de
la puissance de l'harmonie et des rythmes simples sur le cerveau humain
– car on serait bien en peine de trouver une réelle ambition littéraire
à ces nouveaux objets, où le spectateur se laisse plutôt griser par
l'émotion qui le submerge. (Même si cela nous paraît exotique en
écoutant la musique simplette de Gluck, on le mesure mieux en
contemplant la formalité de LULLY et les fanfreluches de Rameau.)
Cette expérience souligne assez bien les paradoxes
de la pensée du temps – ou, du moins, ce qui nous apparaît comme tel
avec la distance –, où ces théoriciens épris de rationnalité sont aussi
ceux qui exaltent la sensibilité individuelle. Ce monde où Voltaire
présente des tragédies officielles, où Rousseau écrit des romans
sentimentaux. Les deux s'entrelacent, et cette musique post-gluckiste
qui paraît tellement superficielle et fade à nos oreilles qui se sont
familiarisées au Sacre du Printemps
ou au minimum à l'expression des tourments des opéras du XIXe siècle
(et là encore, un certain nombre de spectateurs trouve que Verdi n'y
est absolument pas crédible)… dévoile
avec plus d'exactitude que n'importe quelle explication
circonstanciée la psychologie dans
laquelle s'inscrit l'esprit des Lumières
– ou, à tout le moins, le colore de façon un peu plus paradoxale et
subtile que ne le font notre intuition et l'historiographie grand
public.
2. L'apparition brutale du style nouveau
Gluck
écrivait à l'origine, comme ses camarades, dans un style d'opera seria tardif
: instrumentation enrichie, mais sensiblement les mêmes codes que chez
Haendel et Vivaldi, l'allongement de la durée des airs et le lissage
standardisé des couleurs en sus. [Cette période est très bien
documentée dans la monographie Bartoli-Forck
qui y est consacrée – ce ressemble essentiellement à du mauvais
Jommelli, donc.] À partir des
années 1760, il expérimente en italien –
toujours pour Vienne, où il créait tout aussi bien des opéras comiques
en français… – dans un style parfaitement à rebours du goût virtuose et
décoratif du seria, en
particulier avec Orfeo ed Euridice
(1762) et Alceste
(1767), où l'épure est totale et la déclamation première. Rupture
spectaculaire dans ce répertoire, où l'on n'avait plus rien déclamé
depuis la fin du XVIIe siècle (avec Falvetti
ou Legrenzi) ; Gluck abandonne le récitatif sec (avec basse continue
seule) et occasionnellement accompagné par l'orchestre (mais très
ascétique) pour une forme de déclamation continue où l'orchestre joue un réel rôle entre
les airs. Plus encore, il bannit la
virtuosité vocale, l'essence même du répertoire vocal italien du
XVIIIe siècle, au profit d'une déclamation
très dépouillée.
Extrait de Gluck et Piccinni
de Gustave Desnoiresterres (1871).
Il arrive à Paris après avoir postulé auprès de
l'Académie Royale de Musique alors dirigée par Antoine Dauvergne ; elle semble indécise, demande
des garanties. Il sollicite alors la Dauphine Marie-Antoinette, son ancienne élève
à Vienne, qui intercède
volontiers et efficacement. En 1774,
on joue donc Iphigénie
en Aulide,
la salle est bouleversée, on verse des torrents de larmes qu'on se
figure mal (avec cette musique sommaire, pour ne pas dire
gentillette…), et la face du monde en est changée.
Contrairement à ce qu'on peut se figurer (et
quelquefois raconter), la réticence
première de l'Académie
n'était pas tant due à la détestation d'un parti de l'étranger (de
l'étrangère, pour les plus berniens d'entre nous) qu'à un vertige
devant le gouffre qui s'ouvrait. Gustave Desnoiresterres cite ainsi (en
1871) un propos de Dauvergne rapporté par Anton Schmid dans sa
biographie de Gluck (de 1854) : « Si le chevalier Gluck veut s'engager
à livrer six partitions de ce genre à l'Académie de musique, rien de
mieux ; autrement, on ne la jouera point : un tel ouvrage est fait pour
tuer tous les anciens opéras français. » [Je n'ai donc pas de preuve
que ce ne soit pas légendaire, mais Benoît Dratwicki la cite aussi dans
un papier, dans une autre traduction, c'est son crédit qui est en jeu
plus que le mien, nananère, tarare.]
En effet, en 1774, le répertoire de l'Académie Royale de
Musique était en transition
: malgré les remises au goût du jour des tragédies ayant eu du succès,
beaucoup d'échecs, un peu à la manière de la longue période de bouderie
du public qui suivit la mort de LULLY (alors que Desmarest, Campra et
Destouches produisaient pourtant ce qui semble rétrospectivement les
plus remarquables exemples de tragédie en musique – mais dans les
années 1660-70, le creux qualitatif paraît plus mesurable). En 1773, Callirhoéde Destouches (1712 ! – même
s'il y eut de nombreuses reprises et refontes) est remontée par
Dauvergne ; comme pour le Persée
de 1770, il réorchestre la partition en ajoutant des vents ; en
revanche, il semble qu'il se soit contenté de récrire l'Ouverture et
d'ajouter des ritournelles avant les récitatifs. L'œuvre, qui avait
remporté tant de succès, est alors copieusement sifflée ; LeMercure de France l'expliquait
ainsi rétrospectivement : « il avait fallu retirer l’oeuvre
sur-le-champ en 1773, la musique n’en
étant plus supportable. »
Ce n'est donc pas sans intérêt que les directeurs de
l'Académie considéraient la
possibilité de renouveler le goût et de relancerl'intérêt pour leur activité
(sur privilège royal mais engageant leur responsabilité économique
personnelle…). Ils étaient simplement très conscients qu'une fois le
public séduit, il serait impossible de reprogrammer les anciennes
œuvres de leur fonds, même les Rameau. Ce qui advint exactement : les reprisesdes opéras du répertoire précédent cessent
complètement après cette Callirhoé
tombée (le Bellérophon
joué le même mois est une nouvelle composition sur le livret de Boileau-Th.Corneille-Fénelon) et l'arrivée de
Gluck sur la scène parisienne en 1774.
3. Gluckistes & Piccinnistes
Dès lors, tout le
monde dut écrire dans l'épure du goût nouveau. Le prestige de
Gluck était tel que pour modérer ton influence, on fit venir Niccolò Piccinni (de son côté
concurrencé par Pasquale Anfossi à Rome),
représentant du style italien face au germanique Gluck soutenu par la
reine (qui appela elle-même Piccinni pourtant…) – moins puissant
récitativiste, mais mélodiste plus généreux ; c'est du moins la
théorie, car en pratique, ce sont surtout deux personnalités différentes qui
exercent dans le même style nouveau.
Piccinni écrit aussi de grands récitatifs et des airs assez
épurés ; son Iphigénie en Tauride
ressemble beaucoup à du Gluck, peut-être un peu plus lyrique et un peu
moins hiératique, mais on ne dispose pas du même type de version «
informée » pour en juger pleinement ; son Atys adapté
de Quinault par Marmontel a quelque chose de moins sévère, de plus
avenant, avec ses ariettes émotionnelles où le héros s'exprime comme
dans une opera seria,
et cependant la logique générale reste bien gluckiste, plus aucun
rapport avec du Francœur-Rebel, du Rameau, du Dauvergne, ni avec les
volutes virtuoses du seria…
C'est l'époque de la fameuse querelle entre gluckistes et piccinnistes,
autour de Roland du second
(1778), et des deux Iphigénie en
Tauride (1779
et 1781), les deux camps s'écharpant sensiblement autour des mêmes
thèmes que lors de la Querelle des Bouffons, vint ans plus tôt : la
vérité de la déclamation et la considération de l'opéra comme un genre
littéraire contre le naturel italien et la séduction mélodique. Le
parti de Rameau était désormais celui de Gluck – tout en admettant que
plus personne n'aurait supporté d'entendre les grâces sophistiquées de
l'harmonie ambitieuse et des ornements abondants de la musique ramiste…
4. Le parti nouveau des Sacchinistes
Gluck,
malade, s'étant retiré au
faîte de sa gloire après Iphigénie
en Tauride et Écho et Narcisse
(un opéra sérieux, quoique pas une tragédie en musique), en 1779,
il fallut trouver d'autres compositeurs pour occuper la Cour et
contenter le public de la salle de la Porte-Saint-Martin. On fit appel
à quantité de compositeurs, dont Grétry (Andromaque : 1, 2, 3, 4) et Gossec (Thésée) qui peuvent à nouveau
être entendus, mais pour la plupart des étrangers (j'y reviens) :
Johann-Christian Bach (Amadis de Gaule),
d'autres ouvrages de Piccinni, et enfin la venue à Paris de Sacchini,
Salieri et Vogel. Deux en particulier retiennent l'attention en rapport
avec la querelle.
Pour satisfaire les gens de son parti, Gluck avait
consenti à annoncer une nouvelle commande en 1784, Les Danaïdes sur
un livret du bailli Du Roullet (auteur d'Iphigénie en Aulide et de la
version française d'Alceste)
et du baron de Tschudy (auteur d'Écho
et Narcisse),
qui était annoncée comme « complétée » par un élève, sans en préciser
la part. J'ai déjà écrit dans ces pages, pour l'avoir souvent lu dans
des ouvrages réputés sérieux, que Gluck l'avait fait par générosité,
avant de dévoiler, devant le succès, l'identité réelle du compositeur
exclusif de l'œuvre – son élève Antonio
Salieri.
Cependant, en préparant cette notule, je vois que Benoît Dratwicki, en
principe supérieurement informé (et dont j'ai en vain essayé de mettre
en défaut l'article en question sur plusieurs autres détails…),
rapporte au contraire que devant un accueil mitigé, Gluck avait révélé
la supercherie, et que Salieri n'en avait été que plus accablé pour
avoir à la fois trop copié et pas assez réussi. Il y aurait là sujet à
fouiller plus avant, ce que je n'ai pas fait – mon sujet étant en
réalité d'introduire la Chimène de
Sacchini…
En 1782, c'est Antonio
Sacchini, déjà célèbre pour ses opere serie, qui prend à son tour
une place éminente à Paris – où l'on avait déjà joué en 1779 son
intermède L'Amore soldato. Il
y est d'ailleurs très bien accueilli
par Piccinni, qui s'adresse, sur scène, au public pour faire acclamer
le nouveau venu. [Gracieux homme que ce Piccinni, qui fit aussi une
vaste souscription à la mort de Gluck pour lui assurer un concert
anniversaire à perpétuité.] Les gluckistes
sont initialement hostiles à faire jouer Sacchini, mais devant
l'impossibilité de l'interdire, et constatant le succès de Renaud, s'en servent pour abattre Piccinni
qu'ils n'ont pas cessé de détester – encore une fois, les styles sont
réellement proches entre tous ces gens, mais la querelle n'en était pas
moins vive.
Sacchini laisse ainsi dans ses trois dernières
années quatre tragédies en musique complètes :
♦ 1783 – Renaud
(livret de Le Bœuf
d’après l’abbé Pellegrin, Renaud ou
la suite d'Armide
mis en musique par Desmarest), qui raconte les retrouvailles d'Armide
et Renaud. On y entend effectivement l'influence de la manière
italienne, avec ces fusées à l'orchestre en particulier, mais je
peinerais à commenter l'engouement du temps, considérant que je n'y
trouve que peu de vertus. (Il existe désormais un disque Rousset chez les Ediciones
Singulares.)
♦ 1783 – Chimène
ou le Cid (Nicolas-François
Guillard, librettistede
l'Iphigénie en Tauride de
Gluck, de l'Électre de
Lemoyne, et plus tard des Horaces
de Salieri, arrangeant même Proserpine
de Quinault pour Paisiello en 1803 et écrivant La mort d'Adam pour Le Sueur en
1809 !), redéploiement de la tragédie de Corneille (sans citations,
contrairement à Andromaque)
dans un format de tragédie en musique. C'est en réalité son troisième
opéra sur le sujet, et de très loin son meilleur ouvrage à mon sens.
(Vient d'être recréé en version scénique par Le Concert de
la Loge Olympiqueavec Julien
Chauvin.)
♦1784 –Dardanus(sur un
nouveau livret de Guillard
et La Bruère).
♦ 1786 –Œdipe
à Colone (Guillard).
Grand succès, considéré alors comme son chef-d'œuvre. Pour ma part peu
convaincu par sa déclamation terne et ses airs sans relief. Il en
existe deux versions peu avenantes, Penin
(chez Dynamic, tradi et épais), R.
Brown (chez Naxos, indolent).
♦1788 – Arvire
et Évélina (Guillard).
Inachevée à sa mort (d'Anfossi à Sacchini, Piccinni les aura décidément
tous crevés !) et terminée par Jean-Baptiste Rey,
premier véritable chef d'orchestre de l'Académie de Musique, maître de
musique de la chambre de Louis XVI, chef du Concert Spirituel (de 81 à
85).
L'acmé de la confrontation a lieu lorsque Didon de Piccinni et Chimène de Sacchini sont créées à un mois d'intervalle à
Fontainebleau
: chez Piccinni, on loue bien sûr le chant et même la déclamation ;
tandis que chez Sacchini, on remarque la qualité particulière des airs
et de l'accompagnement orchestral, tout en remarquant la faiblesse du
récitatif. Toutes remarques qui paraissent assez justes à l'oreille
contemporaine.
Sacchini
sert donc de véhicule aux gluckistes, mais bien que présenté comme
nouveau représentant (paradoxal, ayant lui aussi fait sa carrière en
Italie…) du goût germanique, ne
prolonge pas du tout la manière de Gluck – il est (à nos
oreilles contemporaines) même encore
plus italien que Piccinni,
d'une certaine façon, puisqu'il va donner son meilleur dans les «
numéros » et dans la virtuosité orchestrale, là où Piccinni, conservant
sa qualité mélodique, s'était en revanche bien plus minutieusement
coulé dans le moule français.
La période qui suit
continue de voir se succéder les compositeurs étrangers
(Cherubini en particulier), puis l'on arrive sur la très particulière
époque révolutionnaire,
où les mêmes compositeurs doivent s'adapter à d'autres contraintes
formelles, et qui mériterait une ample présentation – manifestement
beaucoup moins documentée, par le disque comme par la recherche, que
les périodes immédiatement adjacentes.
(La notule indiquée ci-dessus ne considère que la
question du langage musical ; il y aurait en revanche énormément à
chercher et dire sur l'évolution des formes !)
5. La conspiration
On peut se figurer (et lire souvent) que les
directeurs de l'Académie ont eu peur de Gluck et d'une manière générale
des étrangers, et n'ont cédé qu'avec réticence aux injonctions de la
Dauphine. En réalité, leur hésitation
première était surtout commerciale : l'arrivée de cette
nouveauté allait susciter un engouement, mais aussi détruire tout leur
répertoire.
Et de façon à nourrir la curiosité du public, on fit venir beaucoup d'étrangers :
Gluck, Piccinni, Bach,
Salieri, Vogel, Paisiello, Zingarelli, Tomeoni… Certes, les français à
composer des tragédies lyriques ou des opéras sérieux sont plus
nombreux : Gossec, Grétry, Floquet, Mayer, Philidor, les deux
Rey, Dezède, Le Froid de Méreaux, Candeille, Le Moyne, Méhul… mais en
fin de compte, ce sont surtout Gluck, Piccinni et Sacchini, qui ont été
célébrés, même si Grétry était révéré (pas forcément pour sa production
sérieuse…) et si Salieri (Tarare),
Lemoyne (Phèdre) et Cherubini (Démophon) ont remporté des succès
considérables.
Ces imports et ces controverses nourrissaient le sentiment de nouveauté
et d'événement qui permettait de remplir la salle, à laquelle le
pouvoir garantissait l'exclusivité, mais nullement le revenu.
L'Académie disposait en réalité de tous les
compositeurs nécessaires pour faire jouer ce même style par des
français.
6. L'imposture Gluck
Et même davantage que disposer : ils avaient fait leurs
preuves.
Car tout cela, c'est l'histoire telle que la
racontent les
acteurs du temps et les chroniqueurs, jusqu'aux chercheurs
d'aujourd'hui. Et elle est légitime, dans la mesure où ce n'est pas une
affabulation, mais bel et bien la perception des acteurs et spectateurs du temps.
Lorsqu'on observe la musique en tant que telle, le constat est un peu
différent.
Je me méfie toujours de l'histoire-bataille racontée
par les musicologues, qui doivent faire œuvre d'historiens sans en
avoir nécessairement la formation. Et Gluck inventant tout seul le
style musical de la tragédie en musique, c'est assez louche.
Je ne suis pas assez bien informé sur le répertoire serio italien –
assez terrifiant d'homogénéité, et comme les livrets sont épouvantables
et les musiques pas toujours très denses, j'avoue ne pas être très
profondément conscient de tout ce qui pouvait se jouer dans les divers
courants. Et ce d'autant plus que le « répertoire italien » désigne la
quasi-totalité de l'opéra joué en Europe au XVIIIe siècle : on ne
rencontre guère que quelques exceptions, comme Hambourg (opéras
allemands ou multilingues), la Cour de Suède, l'Angleterre (ou
cohabitent quelques œuvres anglaises), et surtout la France, dont tout
le répertoire sérieux est en langue nationale. Partout ailleurs, on
importe des compositeurs italiens ou on fait imiter l'opera seria par les locaux.
Mais en l'état de ce qu'on peut entendre au disque,
Gluck marque clairement une évolution singulière avec Orfeo ed Euridice, puis Alceste
en 1767. On pourrait croire que, comme on le dit, il a réformé à partir
de ses trouvailles la tragédie en musique à lui tout seul.
Pourtant… en 1773,
avant même que la commande d'Iphigénie
en Aulide ne soit confirmée, deux
partitions sont déjà écrites
et jouées sur la scène de l'Académie… dans un style qui n'a décidément
plus rien à voir avec Rameau, Mondonville ou Dauvergne : la tragédie Sabinus de Gossec et le ballet héroïque Céphale et Procris de Grétry.
Accompagnements réguliers en batteries, hiératisme d'une déclamation
simple accompagnée par tout l'orchestre, lignes mélodies sobres et
élancées… tout y est différent des opéras du milieu du siècle, on y entend des contemporains de Mozart,
peut-être encore plus résolument que chez Gluck.
Je me demande à présent comment leur est venu ce style
– est-ce l'étude des partitions italiennes, de Gluck notamment ?
Comment cela est-il advenu simultanément chez des compositeurs de
formations si distinctes ? Ou bien est-ce Gluck qui les a copiés,
bien qu'il en ait déjà tracé lui-même quelques principes dans ses
œuvres réformistes italiennes ?
Pas aussi spectaculaire que mon titre ouvertement
racoleur, mais tout de même très intriguant.
7. État discographique actuel
Manière que vous puissiez aller entendre ce dont il
est question dans
cette notule, l'intégralité des tragédies et opéras sérieux publiés
officiellement. Je ne recense en revanche pas forcément toutes les
versions disponibles (et suis très loin de mentionner toutes les bandes
semi-officielles existantes).
Étrangement, ce répertoire, moins spécialisé et «
différent » de la musique classique usuelle que la tragédie en musique
LULLYste ou ramiste, a manifestement moins d'adeptes, et se trouve
beaucoup moins précisément documenté. Quantité de papiers
universitaires s'intéressent uniquement à la période Louis XIV ; et de
même pour les passionnés amateurs qui dressent des tableaux sur les
tragédies baroques, mais abandonnent tout à l'époque classique. (Je
veux bien croire que ce soit une question d'intérêt, mais alors
pourquoi tout cet engouement pour Rameau plutôt que pour Salieri ?)
C'est pourquoi je me suis attelé à la tâche pour que
vous puissiez disposer d'un petit schéma clair avant de poursuivre avec
les notules présentant spécifiquement Chimène
de Sacchini et Les Horaces de
Salieri.
1773 Gossec – Sabinus
♪ Extraits : les danses, par Les
Agrémens et Guy van Waas (Ricercar).
Grétry – Céphale & Procris
(Ballet héroïque à cause de danses vastes et d'un ton parfois galant,
mais en réalité très proche, en tout cas musicalement. Notule.)
♫ Intégrale Les Agrémens / van Waas
(Ricercar, 2010).
♪ Existe aussi sous forme de vidéo du concert (non commercialisée, mais de
grande qualité, réalisée pour la télévision).
♪ Extraits : Sophie Karthäuser dans son récital avec van Waas
(Ricercar).
1774 Gluck – Iphigénie en Aulide
♫ Intégrale : Opéra de Lyon, Gardiner
(Erato)
♫ Intégrale : Audi, Les Musiciens du Louvre, Minkowski (DVD)
Gluck – Orphée et Eurydice
♫ Innombrables versions. La version
originale de Paris (avant remaniement par Berlioz), avec haute-contre
dans le rôle-titre, est notamment documentée par le studio Minkowski
(Archiv).
1776 Gluck – Alceste
♫ Là aussi, nombreuses versions en
plusieurs langues. Gardiner (Archiv) est une valeur assez sûre pour le
français.
1777
Gluck – Armide
♫ Mario Rossi en 1958 avec Anna De
Cavalieri, Mirto Picchi, Pierre Mollet (Melodram) – en quelle langue ?
♫ Wilfried Boettcher en 1974
avec Viorica Cortez, Jean Dupouy et Siegmund Nimsgern (Voce 61).
♫ Richard Hickox avec Felicity
Palmer, Anthony Rolfe-Johnson et Raimund Herincx (EMI).
♫ Marc Minkowski en 1996 avec
Mireille Delunsch, Charles Workman et Laurent Naouri (Archiv).
◊ Étrangement, la seule version sur
instruments anciens n'est pas forcément la plus avenante… Boettcher et
Hickox m'apportent plus de satisfaction, y compris en matière
d'accompagnement, malgré la plus grande épaisseur orchestrale.
1778 Piccinni – Roland
♫ Intégrale : Orchestra Internazionale
d'Italia, David Golub
(Dynamic).
◊ Ensemble de cacheton pour le festival de Martina-Franca, déjà pas
fameux dans Verdi. Pas du tout « musicologique », assez épais.
1779 Gluck – Iphigénie en Tauride
♫ Multiples intégrales, de toutes
époques, sur tous types d'orchestre.
◊ J'aime tout particulièrement Minkowski
(Arkiv) et Bolton (Orfeo), ou
les bandes vidéo (éditées en DVD depuis ?) de Billy avec Gens, mais
même Muti (Sony) reste assez
grisant, si l'on accepte Vaness très mal à l'aise.
Gluck – Écho et Narcisse
♫ Intégrale Jacobs (Harmonia Mundi, 1987), pas
rééditée donc probablement difficile à trouver. (Ce n'est de toute
façon pas une tragédie en musique, mais simplement un opéra sérieux en
français.)
◊ Autant Rilling réussit très bien le baroque sacré, autant ici, le
style est épais, plutôt indolent, et on sent bien l'absence de
représentations. Ne rend pas du tout justice à l'œuvre.
♫ Version Talpain (Singulares), excellente.
♪ Existent aussi plusieurs bandes lors de représentations ou concerts,
totales ou partielles.
♪ La bande de la radio belge fait
entendre van Wanroij au lieu de Deshayes comme à Paris et au disque–
son français est plus impérieux, paradoxalement.
1781 Piccinni – Iphigénie en
Tauride
♫ Version Renzetti (Fonit Cetra, 1986), Teatro
Petruzzelli de Bari. Lecture tradi, pas écoutée.
♪ Bande parisienne légèrement ultérieure (Renzetti avec Bari, 1988),
avec Ricciarelli (peu intelligible, comme en italien). Joué avec
conviction, ce fonctionne assez bien, à défaut de rendre vraiment ses
couleurs à la partition.
♪ Bande de Mazzola avec l'ONF (2007). Joué avec ardeur, dans un style
étonnamment adéquat et une belle distribution (Twyla Robinson, Kunde,
Pisaroni).
1782 Lemoyne – Électre
Toujours aucun enregistrement, mais il
s'agit de la première tragédie en musique de Lemoyne / Le Moyne, que je
mentionne pour clarifier le panorama.
♫ Version Arnold Bosman avec le Théâtre
Petruzzelli de Bari (Dynamic).
♪ Comme les autres Dynamic, une version
tradi très épaisse et molle, jouée comme du mauvais belcanto.
Sacchini – Chimène ou le Cid
(Notule : parallèle avec Don
Giovanni.)
♪ Le début de l'acte I existe en vidéo
par Les Nouveaux Caractères.
♪ Édition à venir de la production scénique en cours par Le Concert de
la Loge Olympique ?
1784 Salieri – Les Danaïdes
♫ Version Gelmetti1983 (Dynamic) avec la RAI Roma,
Caballé et Lafont. Épais, flasque, et bien sûr bizarrement chanté.
♫ Version Gelmetti 1990 (EMI)
avec SWR de Stuttgart et Marshall, Gímenez, Kavrakos. Même problème
orchestral.
♫ Version Hofstetter 2006
(Oehms) avec Marin-Degor, Ch. Genz, Begemann. Peu de français, style
orchestral plutôt européen que tragédie en musique, mais animé et
déclamé de toute part, convaincant.
♫ Version Rousset 2013
(Singulares) avec van Wanroij, Talbot et Christoyannis, d'un feu et
d'un verbe extraordinaires.
♪ Et rejoué de loin en loin (par Malgoire par exemple), il est possibe
de trouver des bandes.
1786 Sacchini – Œdipe à Colone
♫ Version Penin (Dynamic), avec
Galvez-Vallejo, jouée de façon tradi. Ne fonctionne pas vraiment.
♫ Version R. Brown (Naxos),
avec Getchell. Sur instruments anciens, mais pour autant plutôt molle.
Vogel – La Toison d'or
♫ Version Niquet (Glossa).
Lemoyne – Phèdre
♪ Sera rejouée au printemps 2017 (Caen,
Bouffes du Nord…), sur le principe d'Atys
de Piccinni déjà dirigé par Chauvin (fulgurante réussite), par le
Concert de la Loge Olympique dans une transcription de chambre pour 4
chanteurs et 10 instruments. Je doute un peu, en conséquence, d'une
captation officielle. La radio, au mieux.
Salieri – Les Horaces
♫ Version Rousset 2016 (Singulares) à paraître.
Concert remarquable, je présenterai l'œuvre dès que possible.
1787 Salieri – Tarare
(Pas une tragédie au demeurant, même si l'ambition textuelle et
musicale y est – au moins ! – équivalente. Notule.)
♫ Version Malgoire en DVD.
◊ Hors Crook, miraculeux, et Lafont
(style discutable, mais véritable déclamateur), que des étrangers, à
l'accent impossible chez la plupart, mais l'ensemble vit très bien et
rend justice à la plupart de l'ouvrage (quand les femmes ne chantent
pas, en fait).
Visuellement conservateur avec des touches d'originalité ; pas très
joli, pas toujours très bien explicité, mais ne fonctionne pas trop mal.
♫ Version Rousset qui sera
enregistrée à l'issue des représentations annoncées à Versailles à
l'automne 2017.
♪ Il existe une bande Chalvin
captée à Strasbourg, chantée par de très bons français (René Massis,
René Schirrer…), accompagnée dans un style très traditionnel et plutôt
large, mais qui ne fonctionne pas si mal.
1788 Cherubini – Démophon
Je ne le mentionne qu'en raison du
grand succès rencontré, ça titre de repère. Rien de paru à ce jour,
peut-être des bribes dans des récitals, ou l'ouverture quelque part.
1789 Vogel – Démophon
♪ On m'a rapporté, il y a longtemps,
l'existence d'un vinyle (ou d'une bande radio ?). Cela a donc été fait
quelque part, probablement pas dans une version très musicologique.
1791 Méhul – Adrien
(On n'est plus dans la même époque, néanmoins je le cite pour ses liens
avec la forme de la tragédie en musique. On reprocha d'ailleurs à Méhul
de ne pas être assez clair dans ses caractères et conclusions morales,
et il dut retravailler son œuvre, qui ne fut créée qu'en 1799, à
l'Opéra-Comique.)
♫ Version Vashegyi (Bru Zane).
◊ Éditée uniquement en dématérialisé
(mp3) pour limiter les coûts, néanmoins une version remarquable d'un
opéra majeur, d'un souffle extraordinaire. De très loin le meilleur
opéra de Méhul, et l'un des plus beaux représentants de la tragédie en
musique dernière manière.
1802 Catel – Sémiramis
(Peut-être le sommet de la tragédie du temps, d'une urgence à
peine soutenable, et pourvue d'une veine mélodique puissante qu'on
n'avait guère entendue dans la période, Grétry excepté.)
♫ Version Niquet (Glossa).
1806 Méhul – Uthal
(Bien que créé à l'Opéra-Comique et en un seul acte – mais trois
tableaux… –, l'ambition est belle est bien celle d'une tragédie en
musique, avec un autre type de sources « antiques ». Notule vaste sur les sources littéraires et
l'opéra lui-même.)
♫ Version Rousset (Singulares).
1810 Kreutzer (Rodolphe) – Abel
♫ Version van Waas (Singulares), qui
documente la refonte de 1823, La
mort d'Abel.
◊ Le style en est à présent romantique,
mais les traits d'écriture musicaux demeurent fortement liés à la
période précédente.
8. Quelques absents et choix
J'ai laissé de côté des ouvrages
documentés par le disque qui ne sont pas de la tragédie en musique : Stratonice de Méhul (1787, Christie chez
Erato), sujet très sérieux mais traitement musical très fragmenté en
opéra comique ; Le
Déserteur de Monsigny
(1788, vidéo de Compiègne, CD de R. Brown), ici aussi un sujet sérieux
mais sur des personnages simples, une sorte de « scène de genre »
tragique ; Horatius
Coclès de Méhul (1794,
bande de la RTF), un seul lever de rideau d'héroïsme antique (l'exploit
de Scævola), là aussi très fragmenté.
Et, plus éloignés encore, La Caverne (1793, extrait par
Pruvot) et Paul et Virginiede Le Sueur.
La plupart des Cherubini
disponibles au disque sont aussi des formats d'opéras-comiques (Les deux journées, Médée), des sujets pas assez élevés
(Ali-Baba, pourtant créé à
l'Académie sans dialogues), ou traités sans la même hauteur de ton (Lodoïska, « comédie héroïque »).
Les Bayadères
de Catel (1810, Talpain chez
Singulares) appartiennent déjà au romantisme, et ne tiennent plus
vraiment de la tragédie en musique. On pourrait davantage discuter du
statut des opéras de Spontini, qui utilisait certes un langage
romantique (et des traits belcantistes), mais dans un format général
qui restait celui de la grande tragédie en musique de l'ère classique.
En tout état de cause, la distinction perd son sens
à la fin de l'Ancien Régime, lorsque le privilège des sujets sérieux et
surtout le sens s'émousse face aux nouvelles références disparates. Un
vrai beau sujet que l'opéra révolutionnaire, encore fort mal documenté
par le disque.
--
Je cherche nullement à dissimuler qu'au plus fort de la querelle, je
suis grétryste et surtout saliériste. Si je devais recommander quelques
sommets dans ce massif : Céphale et
Procris (Grétry) Iphigénie en
Tauride (Gluck), Les Danaïdes
(Salieri), Tarare (Salieri),
Adrien (Méhul), Sémiramis (Catel). À une exception
près, des œuvres peu célébrées par l'Histoire rétrospective (même si Tarare a, en réalité, remporté un
énorme succès sous tous les régimes).
Le propos sur Chimène de
Sacchini (puis Les Horaces de
Salieri) viendra donc s'enchaîner à cette notule…
saison 2015-2015 (101 soirées) et ses bilans ci-présent.
Cette saison, en plus des statistiques, une grande remise de putti d'incarnat.
Comme c'est devenu la tradition, le putto
d'incarnat récompense une réalisation exceptionnelle dans le domaine
des arts. Seule la rédaction de Carnets
sur sol,
réunie en collège extraordinaire, est habilitée à le décerner, ce qui
garantit son attribution, complètement indépendante, aux meilleurs
artistes de notre
temps.
Hautement respecté, il se matérialise par un putto de van Dyck (ou Lagrenée,
selon les années), remis directement au lauréat sous forme d'un carré
de pixels.
C'est aussi et surtout l'occasion de mettre en valeur certains
concerts ou certains interprètes qui sont restés un peu négligés par la
presse ou l'exposition publique – mais ce paramètre n'entre pas en
considération dans l'attribution des récompenses.
(Le jury tient à souligner que ne sont nommés qu'un petit nombre
parmi les plus marquants, les autres étant loin de faire figure
tocards pour autant…)
1. Liste des spectacles vus
Concerts, opéras, théâtre… En voici la liste, dans l'ordre de la
saison. Beaucoup ont été commentés, et quelques-uns ont servi de
présentation à une œuvre, un genre, une problématique transversale… les
liens sont indiqués entre crochets et s'ouvrent dans une nouvelle
fenêtre.
Hors décompte : août 2015. N'ayant jusqu'ici jamais fait de concert en
août,
je ne les décompte pas dans la saison pour ne pas fausser les
statistiques.
a) Parc Floral – polyphonies et chansons – Voces8 [notule]
b) Parc Floral – Brahms,
Premier Trio avec piano – Fouchenneret, Julien-Laferrière, H.
Cartier-Bresson [notule]
c) Parc Floral – Gossec,
Symphonie – Orchestre de Chambre Pelléas [notule]
d) Parc Floral – Beethoven,
Concertos pour piano 3 & 5 – Orchestre de Chambre de Paris, F.-F.
Guy
Puis, de septembre à début juillet :
1. Philharmonie (PP) – Sibelius, Symphonie n°5 – Orchestre
de Paris, Paavo Järvi [notule]
2. Théâtre des Champs-Élysées (TCE) – Weber,
Der Freischütz – Gens,
Schukoff, Speer, NDR Hambourg, Hengelbrock
3. Maison de la Radio (MR) – Dutilleux,
The Shadows of Time / Poulenc, Litanies – Maîtrise de RF,
Philharmonique de RF, Mikko Franck
4. Studio 105 – Waed Bouhassoun
dans ses propres compositions
5. 38 Riv' – Santiago de Murcia
pour harpe et guitare
6. Cité de la Musique (CiMu) – Meisel,
Berlin, Die Sinfonie
der Großstadt en réduction – Philharmonique de Strasbourg, Strobel [notule]
7. TCE – R. Strauss, Ariadne auf Naxos – Amber Wagner,
Kaufmann, Opéra d'État de Bavière, K. Petrenko [notule]
8. Gaveau – Monteverdi, L'Orfeo – van Elsacker,
Lefilliâtre, van Achten, La Fenice, Tubéry [notule]
9. PP – Stravinski et Bartók, L'Oiseau de feu et Le Mandarin merveilleux complets –
London Symphony, Gergiev [notule]
10. 38 Riv' – Visée et Dollé pour théorbe et gambe – Thibaut Roussel, Robin Pharo [notule]
11. PP – Mahler, Symphonie n°3
– Jennifer Johnson, Orchestre de Cleveland, Welser-Möst [notule]
12. Ménilmontant – Ibsen, John Gabriel Borkman
– Compagnie du Tourtour, Claudine Gabay [notule-bilan sur le patrimoine et les lignes de
force d'Ibsen]
13. Bastille – Schönberg, Moses und Aron – Castellucci,
Graham-Hall, Mayer, Castellucci, Ph. Jordan [notule 1] [notule 2]
14. PP – Saint-Saëns,
Symphonie n°3 – Gabetta, Orchestre de Paris, P. Järvi [notule] [l'orgue]
15. Studio 104 – Walton,
Symphonie n°1 – D. Pascal, Orchestre Colonne, Petitgirard [notule]
16. TCE – Britten, Sérénade
pour ténor, cor et cordes – Staples, Orchestre de Chambre de Paris
(OCP), Boyd [notule]
17. Saint-Gervais – Motets de Charpentier
– Ensemble Marguerite Louise, Gaétan Jarry
18. MR – Tchaïkovski,
Symphonie n°1 – Ehnes, Orchestre National de France (ONF), Gardner [notule]
19. PP – Mahler, Symphonie n°5
– Argerich, Orchestre du Festival de Lucerne, Nelsons [notule]
20. CiMu – Bach, Motets et
Cantates – Ensemble Pygmalion, Pichon
21. Cortot – Cœur : Guédron, Le Roy & friends – Lefilliâtre,
Le Levreur, Goubioud, Mauillon, Le Poème Harmonique, Dumestre [notule]
22. CNSM, salle d'orgue – Telemann,
Saint-Saëns, G. Jacob… Hommage à Colette Lequien
23. PP – Clyne, création ; Tchaïkovski, Symphonie n°2 –
Bavouzet, Orchestre National d'Île-de-France (dit ONDIF), Mazzola [notule]
24. Invalides, Grand Salon – LULLY,
airs d'Atys, Armide ; Charpentier, Stances du Cid – Madelin, Croux,
Benos, Hyon… CNSM, Haïm
25. PP – Dvořák, Symphonie n°7
– Orchestre de Paris, Dohnányi
26. PP – Nono, Prometeo – SWR
Freiburg Baden-Baden, Matilda Hofman, Metzmacher [notule, expérience]
27. Bastille – Berlioz
[notule], La Damnation de Faust – Hermanis, Koch, Kaufmann, Terfel, Ph.
Jordan [notule et huées]
28. PP – LULLY, Armide – M.-A.
Henry, Wanroij, Chappuis, Auvity, Mauillon, Les Talens Lyriques,
Rousset [notule]
29. Cité des Arts – Hahn, Koechlin, Ravel, Emmanuel pour violon et piano –
Moraly, R. David [notule]
30. CNSM, salle d'orgue – Fauré,
Vierne, Hakim pour orgue – Kumi Choi [notule]
31. PP – Magnificat de Bach,
Psaume et Cantate de Mendelssohn
– Orchestre de Paris, Hengelbrock [notule]
32. Vieux-Colombier – Goldoni,
I Rusteghi –
comédiens-français [notule]
33. CNSM, salon Vinteuil – Marx,
pièces pour quatuor avec piano – étudiants du CNSM [notule]
34. MR – Scherzo de Suk,
Concerto pour violoncelle n°1 révisé et Symphonie n°6 de Martinů – J. Moser, Philharmonique
de Radio-France (OPRF), Hrůša [notule]
35. MR – Haydn 103, Mozart concerto 23, Schubert n°5 – OPRF, Norrington [notule]
36. MR – Tchaïkovski,
Symphonie n°5 – ONF, Gatti [notule]
37. MR – Dutilleux,
Symphonie n°2, Métaboles… – OPRF, Kwamé Ryan [notule]
38. TCE – Garayev, Thilloy, Debussy (Nocturnes), Poulenc (Les Biches) – Orchestre
Lamoureux, Antoine Marguier [notule]
39. PP – Hommage à Boulez –
Damiens, Ensemble Intercontemporain, Orchestre de Paris, P. Järvi… [notule]
40. PP – Bruckner, Symphonie
n°5 – Orchestre de Paris, P. Järvi [notule]
41. Billettes – Airs de cour
baroques espagnols – Kusa, Egüez [notule]
42. Opéra Royal – Godard, Dante –
Gens, Montvidas, Radio de Munich, Schirmer [notule, présentation de l'œuvre]
43. PP – Bartók, Le Prince de bois – Orchestre de
Paris, Zinman
44. PP – audition d'orgue : Bach,
transcriptions, Widor 6… – Foccroulle, Lefebvre,
Latry, Marshall
45. CNSM, salle Fleuret – Beethoven,
Ouverture pour Coriolan –
étudiants membres du BDE (Bureau des Étudiants)
46. TCE – Haendel, Rinaldo – Lezhneva, Gauvin,
Fagioli, Wey, A. Wolf, Il Pomo d'Oro, Montanari [notule plus générale sur les erreurs de
falsettistes et de diapasons]
47. PP – Verdi, Requiem –
Grimaldi, Lemieux, Pirgu, Pertusi, Orchestre de Paris, Noseda
48. PP – Mendelssohn,
symphonies 2 & 3 – RIAS Kammerchor, Chamber Orchestra of Europe,
Nézet-Séguin [notule]
49. PP – Mendelssohn,
symphonies 1, 4 & 5 – Chamber Orchestra of Europe (COE),
Nézet-Séguin [notule]
50. Sainte-Élisabeth – Charpentier,
motets pour le Port-Royal – Achille, Boudet, Le Vaisseau d'Or, Robidoux
[notule]
51. PP – Sibelius, Symphonie
n°3 – Orchestre de Paris, P. Järvi [notule]
52. PP – Bruckner, Symphonie
n°9 – OPRF, Inbal [notule]
53. MR – Soir de Fête de Chausson,
Printemps de Debussy, Les
Animaux modèles de Poulenc –
Latry, ONF, Gabel [notule]
54. MR – Lalo-Coquard, La
Jacquerie – OPRF, Davin [notule]
55. Studio 104 – Musique de chambre de Castillon,
Saint-Saëns et Fauré – membres de l'ONF, Girod [notule]
56. Théâtre de la Porte Saint-Martin – Massenet,
Don César de Bazan – Revault d'Allonnes, Dumora, Sarragosse, Les
Frivolités Parisiennes
57. TCE – airs et duos de LULLY,
Charpentier, Rameau, Leclair – von Otter, Naouri, Le
Concert d'Astrée, Haïm [notule]
58. Châtelet – Sondheim, Passion – Ardant, E. Spyres,
Dessay, K. McLaren, R. Silverman, Thantrey, A. Einhorn [notule]
59. CiMu – Bource, The Artist – Hazanavicius, Brussels
Philharmonic, Ernst Van Tiel [notule]
60. CiMu – Symphonie en ut de Bizet,
Concerto pour hautbois de R. Strauss –
Leleux, COE, Pappano [notule]
61. CNSM, salle Fleuret – Récital-spectacle Kosma – Vittoz, H. Deschamps, Fanyo,
A. Bertrand, Woh, Worms… [notule]
62. Musée d'Orsay – Pillois,
et mélodies orientales de Saint-Saëns, Caplet, Delage, Stravinski… – Brahim-Djelloul, Garde
Républicaine [notule]
63. Hôtel de Soubise – Schubert
13, Ravel, Boutry – Quatuor Akilone [notule du concert]
64. Bastille – Wagner, Die Meistersinger – Herheim,
Kleiter, Keitel, Spence, Jovanovich, Skovhus, Finley, Groissböck, Ph.
Jordan [notule et les bizarres longueurs wagnériennes]
65. CNSM, salle Fleuret – « Notre Falstaff », d'après Nicolai notamment – Cordoliani,
(jeunes) étudiants du CNSM, Molénat [notule sur la méthodologie]
66. PP – Sibelius, Symphonie
n°4 – Bell, Orchestre de Paris, Paavo Järvi [notule sur la place du soliste]
67. CNSM, salle d'art lyrique – Transcriptions
d'opéra
pour un ou deux pianos à deux ou quatre mains – Classe d'Erika Guiomar
(Lucie Seillet, Rémi Chaulet, Pierre Thibout, Nicolas Chevereau…) [notule]
68. TCE – Persée de LULLY dans la révision de Dauvergne,
Bury et Francœur en 1770 – Guilmette,
Santon, Kalinine, C. Dubois, Vidal, Christoyannis, Teitgen, Le Concert
Spirituel, Niquet [longue notule]
69. CNSM, salle d'art lyrique – LiederabendZemlinsky par la classe d'Anne
Le Bozec – Madelin, Garnier, Feix, Spohn, Bunel, Benos, Boché, Worms,
Spampanato… [notule]
70. Lycée d'État Jean Zay, salon de réception – La Création de Haydn en français – Le Palais Royal,
Sarcos [notule]
71. Théâtre Trévise – Adam, Le Farfadet – Les Frivolités
Parisiennes [notule]
72. Ancien Conservatoire – La
Création de Haydn en
français – Bello, R. Mathieu, Tachdjian, Le Palais Royal, Sarcos [notule]
73. PP – Grieg, Concerto pour
piano ; Dvořák, Symphonie n°8
– Tonhalle de Zürich, Bringuier [notule autour de l'importance de la vue]
74. PP, salle de répétition – Beethoven,
Symphonie n°7 pour nonette à vent – souffleurs de l'Orchestre de Paris [notule : éditions et la discographie]
75. 38 Riv' – Quatuors de Haensel,
Auber et I. Pleyel – Quatuor Pleyel [notule sur les œuvres]
76. Palais Garnier – Ballets de Paulli,
Sauguet et Damase – École de Danse de l'Opéra,
Orchestre des Lauréats du CNSM
77. MR – Schumann, Symphonie
n°3 – OPRF, Norrington
78. Église de Joinville-le-Pont – Autour d'Ariane : Haendel, Vivaldi, Marcello, Marais, Mouret, Benda – Lohmuller, Ensemble Zaïs, B.
Babel [notule sur les œuvres]
79. Bastille – Rigoletto
de Verdi – Guth, Peretyatko,
Kasarova, Fabiano, Kelsey, Siwek, Luisotti [notule]
80. MR – Beethoven, Symphonie
n°2 – OPRF, Koopman
81. MR, studio 104 – Franck,
chœurs ; Aboulker, Boule de Suif – Maîtrise de
Radio-France
82. CiMu – Airs de Charpentier
& co – Petibon, Amarillis, Cochard, H. Gaillard
83. TCE – Wagner, Tristan und Isolde – Audi,
Nicholls, Breedt, Kerl, Polegato, Humes, ONF, Gatti [notule]
84. Notre-Dame-de-Paris – Credo
de MacMillan, Requiem de Fauré – Maîtrise de NDP, OCP, J.
Nelson
85. CRR – Campra, L'Europe Galante – Étudiants en
musique ancienne du CRR
86. CRR – Mélodies orchestrales de Marx,
Concerto pour violoncelle de J.
Williams – Orchestre des étudiants du CRR
87. PP – Concerto pour violoncelle n°2 de Dvořák, Symphonie Fantastique de Berlioz – G. Capuçon, Capitole de
Toulouse, Sokhiev
88. Bastille – R. Strauss, Der Rosenkavalier – Wernicke, E.
Morley, Kaune, Houtzeel, Demuro, Gantner, P. Rose, Ph. Jordan
89. TCE – Spontini, Olympie (version originale) –
Gauvin, K. Aldrich, M. Vidal, Le Cercle de l'Harmonie, Rhorer
90. Cinéma Le Balzac – Busatto,
The Black Pirate (sur le film
d'A. Parker écrit par Fairbanks) – Busatto himself [notules]
91. Notre-Dame-des-Blancs-Manteaux – Puccini,
La Bohème – Galvez-Vallejo,
Ut Cinquième
92. CNSM, salle d'art lyrique –
Récital de fin d'études de Master 2 – pas du tout aimé,
garde le nom secret pour ne pas nuire à la chanteuse [notule]
93. Palais Garnier – Reimann, Lear –
Bieito, Dasch, Merbeth, Alisch, A. Conrad, Skovhus, Luisi [notule]
94. PP – Mahler, Symphonie n°3
– DeYoung, Orchestre de Paris, P. Järvi [notule]
95. Palais Garnier – Adam& tripatouilleurs, Le Corsaire –
Petipa-Sergueyev-A.M.Holmes, Rojo, Hernández, Corrales, Saruhashi,
Orchestre Colonne [longue notule]
96. CiMu – Cantates de Liszt
et Gounod (sainte Cécile et
saint François) – Deshayes, Barbeyrac, Sempey, OCP, Équilbey
97. Hôtel des Menus-Plaisirs – extraits d'Alcide de Marais & Louis Lully – chantres du CMBV,
membres des CRR de Versailles et Cergy, van Rhijn
98. Cour de Guise (à Soubise) – Spanisches
Liederspiel de Schumann,
Neue Liebeslieder Waltzes de Brahms – Perbost, Zaïcik, P. García,
Raschke, Ambroselli Brault, Williencourt
99. Cour de Guise – Quatuors avec piano, n°1 de Fauré et n°3 de Brahms – Trio Karénine, Sarah Chenaf
100. Cité Internationale des Arts – Programme Georges Migot (violon-piano, poèmes)
– Couic Le Chevalier, Hosoya [lien]
101. Cour de Guise – Quatuor n°8 de Beethoven,
Quintette avec piano de Brahms
– Akilone SQ, Williencourt
C'est beaucoup, et pourtant quasiment que des très grandes soirées.
2. Commentaires manquants
Grande résurrection inattendue d'une œuvre crue détruite dans
l'incendie de l'Opéra-Comique, finalement partiellement retrouvée et
tout à fait reconstruite, Don César de Bazan,
composé tôt dans sa carrière (juste après Le Roi de Lahore, son premier)
figure parmi les toutes dernières partitions inédites de Massenet pour l'opéra. La plupart de
ce qui reste se résume à des œuvres légères de prime jeunesse ou à des
œuvres inachevées et souvent perdues (La
Coupe du Roi de Thulé sur le livret d'É. Blau et Gallet figure
parmi les plus intriguantes). Des œuvres écrites après sa trentième
année et non perdues, il n'y a plus guère que Bacchus qui n'ait pas été remonté
(il me semble) et qu'Ariane et
Panurge qui ne disposent pas
d'enregistrement officiel.
Le résultat s'est révélé
remarquable : œuvre d'essence plutôt légère, mais dont la musique n'est
nullement triviale, Bazan
explore la vie supposée du personnage plaisant de Ruy Blas de Hugo ; la pièce de
théâtre initiale (écrite près de 30 ans plus tôt par le
futur librettiste de Massenet, en collaboration avec l'ancien directeur
du Théâtre des Variétés) est commandée par le créateur du rôle chez
Hugo qui voulait conserver son personnage tout en ayant le premier
rôle. L'opéra de Massenet qui se fonde sur lui est une sorte de
vaudeville (mais au contenu musical très développé et sérieux, comme un
opéra comique) qui joue avec
la mort (et se laisse quelquefois rattraper), débutant en beuverie, se
constellant d'amitiés sincères, culminant avec une évasion, et
finissant par faire du frippon le mari le plus soucieux des convenances
(assez étonnant comment cet opéra au ton supposément canaille finit par
laisser au transgresseur les clefs des convenances les plus
bourgeoises), mettant à la porte le roi.
Plaisant, vif, plein de séductions, et
servi par une équipe musicale extraordinaire (en particulier Dumora et Sarragosse, et par-dessus tout
l'orchestre des Frivolités Parisiennes, du grand premier choix !), une
résurrection méritée dans les murs mêmes où le Don César en version parlée fut
créé – Théâtre de la Porte Saint-Martin.
Pas eu le loisir non plus de dire mon émerveillement devant le programme des danseurs de l'École de l'Opéra,
et pas seulement à cause de l'enthousiasme et de la qualité des jeunes
interprètes, d'une qualité d'expression rarement vue, pour ma part,
chez leurs aînés. Trois ballets courts.
La musique de Paulli est peut-être la pire chose
que j'aie entendu… certes, il s'agit d'imiter une école de danse et la
muzak qui y sévit, mais même un exercice d'harmonie de première année
sonne mieux, on dirait que le but est de produire la plus mauvaise
musique possible sans enfreindre aucune règle. À côté, Anna Bolena, c'est déroutant et
tendu comme Pierrot Lunaire.
Presque physiquement violent.
En revanche, belle réussite pour Les Forains de Roland Petit, jolie
histoire mélancolique sur une musique de Sauguet qui tire adroitement parti
de l'univers du cirque, avec beaucoup de couleurs et d'assemblages un
peu crus et très variés ; et surtout, surtout, l'éblouissement du Piège de lumière de John Taras,
avec une musique lyrique du Damase
des grands jours, nullement répétitif ou prévisible, osant des coloris
sombres qui lui sont moins familiers, même dans les tourments de L'Héritière ou les trahisons de Colombe.
L'argument du ballet est lui-même très inhabituel et assez prenant,
pour une fois : des détenus d'un pénitencier s'échappent , et bien sûr
de rayonnants épanchements.dans la forêt vierge. Pris par la soif, l'un
d'eux voit des papillons s'ébattre autour de lui comme dans un délire.
L'occasion de sacrés contrastes visuels et sonores, et une intrication
de deux sujets incompatibles très réussie.
Entendre
le Rosenkavalier
en salle a été une expérience extraordinaire : contrairement au disque,
l'orchestre domine et la finesse de l'écriture, la récurrence des
motifs frappent en pleine figure ; c'est toute la science de Wagner au
service d'une expression guillerette, mais pas moins raffinée ni
profonde. Une des expériences musicales
les plus impressionnantes que j'aie faites, alors même que je ne suis
(toujours) pas un gros client de l'œuvre au disque – chez le Strauss «
conversationnel », j'aime davantage Intermezzo et surtout Arabella.
Mais le Rosenkavalier, malgré
son livret pas complètement bien proportionné, justifie sa haute
réputation par l'ambition de sa musique, très impressionnante. (Par
ailleurs, cette fois-ci, les qualités de détail de Philippe Jordan,
audibles à la radio mais pas toujours en salle, étaient complètement
perceptibles, ce qui ajoutait à l'impression d'extraordinaire.)
En fin de saison, quelques grands moments d'émotion toute nue, avec de
la musique de chambre
interprétée avec chaleur (n°99 & 101) : entendre ces œuvres bien
structurées s'épanouir dans l'acoustique sobre d'une cour d'hôtel, dans
une atmosphère qui n'a pas du tout les pesanteurs de la saison
officielle (où, surtout à Paris, le public vient souvent à l'adulation
ou à la curée), et par de jeunes musiciens encore émerveillés de
toucher à ces chefs-d'œuvre (quoique parfaitement aguerris), c'est la
musique brute, au delà de toutes les questions accessoires. Dans
certains cas, partition (discrètement) en main, pour profiter de tous
les détails. L'impression de revenir à l'essentiel, d'une certaine
façon.
3. Statistiques
3a. Statistiques : lieux fréquentés
Septième saison francilienne, et cependant encore un assez respectable
taux de renouvellement des salles : 101 soirées, 43 lieux, dont 15
nouveaux. Soit un tiers de lieux inédits (notés en gras).
(Philharmonie 1 & 2 : 30)
Philharmonie : 22
(MR total : 14)
(Conservatoires total : 13)
MR auditorium : 10
TCE : 10
(CNSM total : 9)
(Opéra de Paris total : 8)
CiMu : 7
Opéra Bastille : 5
(Soubise total : 4)
Parc Floral : 4
--
CNSM (salle Fleuret) : 3
CNSM (Salle d'art lyrique) : 3
MR Studio 104 : 3
Palais Garnier : 3
Hôtel de Soubise (cour de Guise) : 3
38Riv' : 3
CNSM, salle d'orgue : 2
CRR Auditorium Landowski : 2 Cité Internationale des Arts : 2
Versailles (Opéra Royal) : 1
Musée d'Orsay : 1
Billettes : 1
Gaveau : 1
Salle Cortot : 1
Invalides (grand salon) : 1
Châtelet : 1
Hôtel de Soubise (salon) : 1 Hôtel des Menus-Plaisirs : 1 Salle des Concerts du Vieux
Conservatoire : 1 Salle de répétition 1 de la
Philharmonie : 1 CNSM, salon Vinteuil : 1
NDP, côté portail Ouest : 1 Saint-Gervais : 1 Notre-Dame des Bancs Manteaux :
1
Sainte-Élisabeth-du-Temple : 1 Église Saint-Charles de
Joinville-le-Pont : 1 MR Studio 105 : 1 Théâtre de la Porte Saint-Martin
: 1 Théâtre Trévise : 1
Vieux-Colombier : 1 Théâtre
de Ménilmontant : 1
Cinéma Le Balzac : 1 Grand Salon du Lycée d'État Jean Zay
: 1
Sans doute liée à la fermeture de théâtres lyrique comme
l'Opéra-Comique et l'Athénée (et aussi à la programmation sympa, à
l'effet de nouveauté, etc.), claire avance de la Philharmonie, et de
Radio-France (gonflé par les places impossibles à revendre,
précisons-le…). Présence significative des conversatoires, des
Champs-Élysées, contre-performance de Versailles (malgré le très beau
programme !), de l'Opéra de Paris, des Billettes (ce sera peut-être
pire la saison prochaine vu le programme très italien-XVIIIe), du Musée
d'Orsay (toute la bonne came est le midi en semaine, et c'est encore
pire pour la saison à venir !).
3b. Statistiques : genres écoutés
Pour la première fois, il me semble, l'opéra n'est pas en première
place, grosse orgie symphonique. Belle proportion de musique de chambre
aussi, ça manquait cruellement les années passées.
Symphonique
: 36 (dont baroque 2, classique 8, romantique 21, décadent 7,
moderne 14, néo- 1, cœur XXe 3, contemporain 9) Opéra: 21
(dont 8 scéniques, 10 en concert – et les autres ? ; dont 10 en
français, 7 en allemand, 4 en italien ; dont premier baroque 1,
tragédie lyrique 5, seria 1, opéra comique 1, grand opéra 3, romantique
5, décadent 2, atonal 1, contemporain 1) Chambre : 18 (dont baroque 3,
classique 2, romantique 7, décadent 2, moderne 6,contemporain 3 ;
violon-piano 1, violon orgue 1, quatuor piano-cordes 1, quatuor 5,
piano 5, nonette à vent 1) Lied & mélodie : 11 (dont
airs espagnols 1, air de cour 2, mélodies françaises 2 ; avec ensemble
1, avec orchestre 4, en quatuor vocal 1) Musique vocale sacrée : 11
(dont baroque allemand 2, baroque français 2, classique 2, XIXe
français 2, XIXe italien 1, XIXe allemand II, XXe 1, XXIe 1) Orgue : 6 (dont baroque 3,
moderne 3, contemporain 1, improvisations 2) Récital d'opéra : 6 (tragédie
lyrique 4, seria 1, diplôme 1) Improvisations : 5 Ballet : 4 (scénique 2, triple-bill 2, concert 2) Ciné-concert : 3 Théâtre : 4 (dont Ibsen 1) Chœurs profanes : 2 Spectacle musical : 4 Traditionnel : 2 Chanson : 2 Piano : 2 Jazz : 1 Pop : 1 Comédie musicale : 1
Vous noterez que les récitals vocaux sont à peu près exclusivement
dévoués au lied, à la mélodie et à la tragédie en musique… Prendre en
tranches les parties les moins intéressantes des opéras les plus
rebattus, bof.
Très peu de théâtre cette année, faute de temps vu la place occupée par
les concerts… (et puis un seul Ibsen autre que Dukkehjem) Quelques titres
supplémentaires cet été – Marivaux avec chants a cappella à la Comédie Nation, La Poupée sanglante d'après Gaston
Leroux à la Huchette, également jubilatoires – mais ils entreront dans
la statistique de la saison prochaine.
En réalité plus représentatif de l'offre que de choix réels, mais il
est certain qu'à la jointure du XIXe et du XXe siècles, les grandes
machines orchestrales des symphonies et des opéras ont une réelle
plus-value avec l'impact physique de la salle. Ce sont aussi des
musiques complexes qui bénéficient d'une écoute attentive et d'un
support visuel. Mais clairement, il y aurait plus d'offre en XVIIe,
l'écart ne serait pas du tout le même.
3d. Statistiques : orchestres et
ensembles
28 orchestres, dont 13 découvertes en salle, soit près de la moitié
(notés en gras). Et beaucoup de grands noms ou de découvertes assez
épatantes.
Orchestre de Paris 11 (+ membres 1)
Orchestre Philharmonique de Radio-France 9
Orchestre de l'Opéra de Paris 6
Orchestre National de France 4 (+ membres 1)
Orchestre de chambre de Paris 4 Chamber Orchestra of Europe 3 Les Frivolités Parisiennes 2
Orchestre Colonne 2
Orchestre National d'Île-de-France
LSO
Radio de Munich
Capitole de Toulouse
Orchestre Philharmonique de Strasbourg
Ut Cinquième
Orchestre des Lauréats du CNSM
Orchestre des Étudiants du CNSM Orchestre du Bureau des Étudiants du
CNSM Orchestre des Jeunes du CRR
Orchestre Lamoureux Brussels Philharmonic Tonhalle Zürich Elbphilharmonie de la NDR de Hambourg Le Palais-Royal Orchestre du Festival de Lucerne Orchestre Symphonique de Cleveland Opéra de Munich (Bayerisches
Staatsorchester) SWR Freiburg Baden-Baden Orchestre de chambre Pelléas
Arrêt des Putti
d'incarnat
Meilleur orchestre de la saison, sont nommés : Brussels Philharmonic (The Artist de Bource), Tonhalle de Zürich (concerto pour
piano de Grieg), Orchestre de Paris
(Sibelius 3,4,5),
Orchestre National d'Île-de-France (Tchaïkovski 2, Clyne), Les Frivolités Parisiennes (Le Farfadet, Don César de Bazan), Chamber Orchestra of Europe
(Symphonies de Mendelssohn et Bizet), Opéra
de Paris (Rosenkavalier). ♥♥ Attribué à : Orchestre
National d'Île-de-France.
Pas le plus virtuose malgré de superbes cordes graves (la petite
harmonie est clairement en deçà des standards des grands orchestres),
mais à chaque fois une intensité hors du commun et l'exaltation
palpable des musiciens. N'a pas de prix. [notule] ♥ Dauphin : Les Frivolités Parisiennes.
Quelle divine surprise, avec de ce qui devrait théoriquement être un
orchestre de cacheton (ou de professionnels passionnés mais de seconde
zone), de rencontrer un orchestre d'une précision remarquable, et de
dotés de timbres personnels et chaleureux, un vrai son français au
meilleur sens du terme, franc, doté d'un grain très physique, et sans
les défauts d'approximation ou de laideur qu'on y associe souvent. [notule]
De même, un assez grand nombre d'ensemble sur instruments anciens (et 8
sur 14 étaient des premières écoutes en salle) :
Les Talens Lyriques
Le Cercle de l'Harmonie
Le Concert Spirituel
Le Concert d'Astrée
Ensemble baroque du CNSM
Ensemble Pygmalion Ensemble La Fenice Il Pomo d'Oro Ensemble Zaïs Ensemble Pulcinella Ensemble Marguerite Louise Le Vaisseau d'or Étudiants de Versailles et Cergy
autour de Marie van Rhijn Orchestre issu du département de
musique ancienne du CRRde
Paris
Arrêt des Putti
d'incarnat
Meilleur ensemble sur instruments anciens de la saison, sont
nommés :
Les Talens Lyriques (Armide
de LULLY), Le Cercle de l'Harmonie (Olympie de Spontini), La Fenice (Orfeo de Monteverdi), Ensemble baroque du CNSM
(récital LULLY dirigé par Emmanuelle Haïm), Ensemble Zaïs (autour d'Ariane), Il Pomo d'Oro (Rinaldo de Haendel), Ensemble Pulcinella (récital
Magiciennes de Petibon), Ensemble
Marguerite Louise (motets de Charpentier) ♥♥ Attribué à : La Fenice.
La variété des couleurs d'ensemble est formidable, mais c'est plus
encore la présence individuelle de chaque interprète qui impressionne
(à commencer par le cornetiste-chef, la violoniste-soprano, ou le
théorbiste-baryton Nicolas Achten). En plus, une vision assez
renouvelée et cohérente d'un bijou rabâché – L'Orfeo. [notule] ♥ Dauphin : Ensemble baroque du CNSM.
Quel sens du style ! Il Pomo d'Oro dans le seria,
à la fois virevoltant et sans tropisme pour les effets extérieurs, ou
bien la finesse du continuo de l'Ensemble Zaïs méritaient les plus
beaux éloges.
Enfin, deux ensembles spécialistes en musique contemporaine :
Ensemble
Intercontemporain (hommage à Boulez) Ensemble Recherche (participant
au Prometeo de Nono)
3e. Statistiques : chœurs
22 formations, dont 10 nouvelles.
Chœur ONP x5
Chœur OP x4
Maîtrise de Radio-France x2
Chœur RF x2
Maîtrise OP
Maîtrise NDP Radio
Flamande
Radio Bavaroise WDR Köln NDR Chor
Chœur Lamoureux
Accentus Frivolités
Parisiennes Le Palais-Royal Chœur ad hoc Châtelet Sondheim
Pygmalion
Concert Spirituel Le Vaisseau d'or RIAS Kammerchor Schola Heidelberg
Chœur de chambre de Namur Voces8
Voces8 est un peu à part, étant un ensemble à 8 (extraordinaire
collectivement, individuellement, stylistiquement…). Une référence
aussi bien pour les Motets de Bach que pour les transcriptions de
standards de jazz.
Arrêt des Putti
d'incarnat
Meilleur chœur de la saison,
sont nommés : Chœur de l'Orchestre de Paris (Requiem de Verdi), Maîtrise de Radio-France (Litanies de Poulenc, Chœurs de
Franck), Chœur du Palais-Royal (La Création de Haydn en français), Chœur féminin du Vaisseau d'or (Messe du Port-Royal de Charpentier)
Chœur de l'Orchestre de Paris ♥♥ Attribué à : Chœur de
l'Orchestre de Paris. [notule] ♥ Dauphin : Maîtrise de Radio-France.
3f. Statistiques : chefs
64 chefs d'orchestre, dont 37 entendus pour la première fois en salle
(et un certain nombre tout simplement découverts dans l'absolu).
Chefs multi-fréquentés
Paavo Järvi x7 (OP)
Philippe Jordan x4 (Opéra de Paris)
Emmanuelle Haïm x2 (Ensemble baroque du CNSM, Concert d'Astrée)
Daniele Gatti x2 (ONF)
Roger Norrington x2 (OPRF) Thomas Hengelbrock x2 (NDR
Hambourg, OP) Jean-Philippe Sarcos x2
(fondateur Palais Royal)
Avec orchestres franciliens
Fabio Luisi (Opéra de Paris) Nicola Luisotti (Opéra de Paris) Christoph von Dohnányi (OP)
Gianandrea Noseda (OP) David Zinman (OP) Edward
Gardner (ONF) Fabien Gabel (ONF ; ancien
assistant de Zinman)
Mikko Franck (OPRF)
Eliahu Inbal (OPRF)
Ton Koopman (OPRF) Patrick Davin (OPRF)
Jakub Hrůša (OPRF)
Kwamé Ryan (OPRF) Andy Einhorn (OPRF dans
Sondheim) Douglas Boyd (OCP) John Nelson (OCP)
Laurence Équilbey (OCP) François-Frédéric
Guy (OCP)
Enrique Mazzola (ONDIF) Guillermo
García Calvo (Lauréats du CNSM dans Sauguet et Damase) Xavier Delette (Orchestres des
Jeunes du CRR) Marion Ladrette (Orchestres des
Jeunes du CRR)
François Boulanger (Garde Républicaine)
Matthias Pintscher (EIC) Laurent
Petitgirard (Colonne)
Gavin Sutherland (Colonne) Antoine Marguier (Lamoureux) Mathieu Romano (Frivolités
Parisiennes – Bazan) Nicolas Simon (Frivolités
Parisiennes – Farfadet) Benjamin Levy (fondateur
orchestre de chambre Pelléas ; ancien assistant de Zinman)
chefs du BDÉ du CNSM
Romain Dumas (Ut Cinquième)
Avec orchestres invités Frank Strobel (Philharmonique
de Strasbourg)
Tugan Sokhiev (Toulouse) Ernst Van Tiel (Brussels
Philharmonic)
Yannick Nézet-Séguin (COE) Antonio Pappano (COE)
Valery Gergiev (LSO)
Ingo Metzmacher (SWR Baden-Baden Freiburg) Matilda Hofman (SWR Baden-Baden
Freiburg) Andris
Nelsons (Lucerne) Lionel Bringuier (Tonhalle
Zürich)
Ulf Schirmer (Radio de Munich) Kirill Petrenko (Opéra de
Munich) Franz Welser-Möst (Cleveland)
Putti
d'incarnat
Meilleur chef d'orchestre, sont nommés :
Paavo Järvi (Sibelius 5, Bruckner 5), Philippe Jordan (Rosenkavalier), Roger Norrington (Haydn), Christoph von Dohnányi (Dvořák 7), Gianandrea Noseda (Requiem de Verdi), David Zinman (Le Prince de bois de Bartók), Edward
Gardner (Tchaïkovski 1), Eliahu
Inbal (Bruckner 9), Ton Koopman
(Beethoven 2), Jakub Hrůša
(Martinů 6 & Premier Concerto pour violoncelle), Kwamé Ryan (Métaboles), Enrique Mazzola (Tchaïkovski 2), Frank Strobel (Berlin de Meisel), Yannick Nézet-Séguin (Intégrale
Mendelssohn), Antonio Pappano
(Symphonie en ut de Bizet), Valery
Gergiev (L'Oiseau de feu
de Stravinski), Mikko Franck (Poulenc,
Dutilleux). ♥♥ Attribué à :
Honnêtement, pas possible de choisir entre les structures de Järvi, le
détail poétique de Jordan, le tranchant de Dohnányi, l'élan de Noseda
et Zinman, l'intensité d'Inbal et Gardner, le goût parfait de Koopman…
Mais puisqu'il faut bien en distinguer quelques-uns, alors ce seront Mazzola, Koopman, Järvi et Inbal. Et Gardner, et
Dóhnanyi, et Jordan, et Strobel… Stop, stop, c'est reparti !
Avec ensembles sur instruments
anciens
Emmanuelle Haïm x2 (Ensemble baroque du CNSM, Concert d'Astrée) Jean Tubéry
Hervé Niquet
Christophe Rousset
Vincent Dumestre
Jérémie Rhorer
Raphaël Pichon Gaétan
Jarry (Ensemble Marguerite Louise) Héloïse Gaillard (Pulcinella) Marie
van Rhijn (Étudiants de Versailles et Cergy) Sébastien Marq (Département
Musique Ancienne CRR Paris) Stefano
Montanari (chef invité par Il Pomo d'Oro) Martin Robidoux (fondateur
Vaisseau d'Or)
Meilleur chef d'ensemble spécialiste, sont nommés :
Vincent Dumestre (Guédron & Friends), Jean Tubéry (L'Orfeo), Emmanuelle Haïm (LULLY
avec le CNSM, surtout pas avec son ensemble !), Héloïse Gaillard & Violaine Cochard (Pulcinella), Marie van Rhijn (Alcide de Marais), Sébastien Marq (L'Europe galante), Stefano Montanari (Rinaldo). ♥♥ Attribué à : Vincent Dumestre toujours
à la pointe des meilleurs arrangements dans l'air de cour du début du
XVIIe siècle. ♥ Dauphine : Emmanuelle Haïmpour son
travail avec les étudiants du CNSM dans LULLY (le récital
du même répertoireavec son ensemble sentait au contraire la routine et
le peu d'entrain…).
3g. Statistiques : metteurs en
scène & chorégraphes
Wernicke, Bieito, Guth, Herheim, Hermanis, Castellucci, les metteurs en
scène les plus en vogue se sont succédés dans ma saison scénique
(pourtant limitée en nombre).
Dominique Pasquet (Les Sincères de
Marivaux)
Jean-Louis Benoît (I Quattro Rusteghi
de Goldoni)
Alvis Hermanis (La Damnation de Faust
de Berlioz-Nerval-Gandonnière)
Claus Guth (Rigoletto de Verdi & Piave)
Pascal Neyron (Le Farfadet d'Adam & Planard)
Anna-Marie Holmes (chorégraphie
pour Le Corsaire d'Adam, d'après celle de Sergueïev –
d'après celle de Petipa)
August Bournonville (chorégraphie
pour Conservatoire de
Holger-Simon Paulli)
Stefan Herheim (Die Meistersiner von
Nürnberg de Wagner)
Claudine Gabay (John Gabriel Borkman
d'Ibsen)
Damien Bigourdan (Don César de Bazan
de Massenet & d'Ennery,
Dumanoir, Chantepie)
Herbert Wernicke (Der Rosenkavalier
de R. Strauss &
Hofmannsthal)
Romeo Castellucci (Moses und Aron
de Schönberg)
John Taras (chorégraphie
pour Piège de lumière de Damase)
Roland Petit (chorégraphie
pour Les Forains de Sauguet)
Calixto Bieito (Lear de Reimann & Henneberg-Zimmer)
Fanny Ardant (Passion de Sondheim & Lapine)
Éric Chantelauze (La Poupée sanglante
de Didier Bailly & Jérôme Chantelauze)
Je ne compte pas les mises en espace de circonstance (Kosma et Notre Falstaff au CNSM, L'Europe Galante au CRR, Alcide aux Menus-Plaisirs, ni La Favola d'Orfeo
par Tubéry à Gaveau, remarquablement suggestive d'ailleurs, avec ses
musiciens chantants qui se lèvent ou apparaissent dans les loges !).
Chacun assez conforme à ses habitudes : Hermanis un peu perdu par ses
propres concepts (potentiellement stimulants, mais tellement
déconnectés de la scène), Guth
dans un bon jour pas trop hardi (le double de Rigoletto ne dit pas
grand'chose, en revanche le carton mobile est très beau et renvoie
efficacement les voix), Herheim
dans l'univers où il excelle (niveaux de lecture multiples, beauté
plastique, lisibilité et direction d'acteurs permanente, même chez ceux
qui se taisent), Castellucci
plaisant visuellement sans chercher à construire un récit, Wernicke
que je n'avais jamais vu aussi subtil (malgré les reprises en son
absence, gestuelle très précise et riche)… chacun a fait ce qu'on
attendait de lui. Seul Bieito
m'a paru décevant eu égard à ses standards : peu d'usage de la
profondeur de scène, personnages peu caractérisés, ensemble plutôt
statique, et un peu comme la musique, grande uniformité des aspects
visuels gris. Dans le genre sombre, très loin de la réussite de son Wozzeck magnétique, par exemple.
En revanche, beaucoup de choses très impressionnantes dans les petites
salles : la finesse des dialogues se prolonge dans de délicats
intermèdes musicaux a cappella
chez Dominique Pasquet
(nouveau collectif Les Sincères), la place laissée par Jean-Louis Benoît à la verve des
meilleurs acteurs comiques du Français (Hecq, Raffaelli…), la vie
apportée à un petit opéra comique par Pascal
Neyron, l'adroite scénographie avec des moyens limités chez Damien Bigourdan, et l'inventivité
épatante de cette fresque racontée à trois acteurs dans la Poupée de Chantelauze… autant de régals.
S'il fallait faire ici aussi une remise de prix, ce serait par la force
des choses Herheim
(virtuose au dernier degré) voire Wernicke
(dans un ouvrage plus facile à servir, mais fin et plastique à la fois,
c'est toujours un enchantement. Mais, avec les moyens très limités (ne
serait-ce que l'espace de 10m², sans décor), sans doute encore plus
impressionné par la justesse de Pasquet et
l'inventivité débridée de Chantelauze.
Pour la chorégraphie, musique, sujet, chorégraphie (et même qualité des
danseurs), tout plaide pour Piège de
lumière,
une des grandes musiques de Damase, pas du tout une pièce de
circonstance aux ressorts un peu répétitifs (comme ses concertos par
exemple), mais au contraire un univers riche et généreux, de plus
extrêmement avenant pour tout public (sorte de Poulenc lyricisé). Sur
un argument à la fois original et propice aux
épanchements féeriques.
3h. Statistiques :
instrumentistes
Autre nouvelle catégorie. Où l'on recense tous les solistes entendus et
distingue quelques chambristes particulièrement remarquables.
Pianistes : ► François-Frédéric Guy
(Beethoven 3 & 5), Lars Vogt
(Brahms 2, puis Mozart), Denis Pascal
(dans le Burleske de R.
Strauss), Jean-Efflam Bavouzet
(Rachmaninov 2), Romain David
(Koechlin), Emmanuel Ax
(Beethoven 2), Momo Kodama
(Mozart 23), Maroussia Gentet
(Dutilleux), Pierre Thibout (Tannhäuser), Nicolas Chevereau (Thaïs), Radu Lupu (Beethoven 3), Jean-Yves Thibaudet (Grieg).
→ Hors solistes internationaux : Pierre Thibout et Nicolas Chevereau
(par accompagnateur régulier de L'Oiseleur des Longchamps) se
produisaient comme élèves de la classe de direction de chant d'Erika
Guiomar.
Violonistes : ► Simon Ehnes
(Britten), Stéphanie Moraly
(Koechlin), Julian Rachlin
(Prokofiev 2), Francesca Borrani (tutti Mendelssohn), Gil Shaham (Brahms), Joshua Bell (Tchaïkovski), Émeline Concé (Boutry, Ravel), Fanny Robilliard (Brahms, Quatuor
avec piano n°3).
→ Hors solistes internationaux : Francesca Borrani est violon solo à
l'Orchestre de Chambre d'Europe (COE), Émeline Concé est le premier
violon du Quatuor Akilone (et aussi chef d'attaque des seconds violons
à l'Orchestre Lamoureux), Fanny Robilliard est membre du Trio Karénine
(avec piano), et occasionnellement de Musica Antiqua Köln et de
l'ensemble baroque du Philharmonique de Berlin.
Altistes :
► Beaucoup d'excellents entendus (chefs de pupitre au Philharmonique de
Radio-France pour Dutilleux, ou à la Tonhalle de Zürich pour Dvořák…),
mais réellement mis en valeur, et de toute façon la plus passionnante, Sarah Chenaf (du Quatuor Zaïde)
emporte la palme.
Violoncellistes :
► Johannes Moser (Martinů 1
révisé), Sol Gabetta (Saint-Saëns
1), Gautier Capuçon (Dvořák
2).
Flûtistes :
► Philippe Bernold (Mozart
harpe), Emmanuel Pahud
(Widmann), Vincent Lucas
(Nielsen), Clara Andrada de la Calle
(Bizet, Symphonie).
→ Hors solistes internationaux : Vincent Lucas est solo à l'Orchestre
Paris (venu jouer le concerto de Nielsen), Clara Andrada de la Calle est solo à l'Orchestre
de Chambre d'Europe.
Ondiste :
► Thomas Bloch (dans Thilloy).
Pour beaucoup d'entre eux – sauf Capuçon (entendu dans la même
œuvre il y a un peu plus de quinze ans !), Lupu (il y a un peu plus de
dix ans), Shaham (idem) et Concé (trois fois rien que cette année !) –,
c'était la première fois que je les entendais en salle.
Et à présent, les distinctions :
Putti
d'incarnat
Meilleur pianiste de la saison, sont nommés : Emmanuel Ax (Beethoven 2), Romain David (Koechlin), Pierre Thibout (Tannhäuser), Nicolas Chevereau (Thaïs), Radu Lupu (Beethoven 3), Jean-Yves Thibaudet (Grieg). ♥♥ Attribué à : Pierre Thibout.
« Rien qu'en plaquant les accords simples de la marche des pèlerins de Tannhäuser, on entendait la
causalité de chaque accord, chacun pourvu d'un relief extraordinaire…
on entendait Wagner composer ! » [notule]
♥ Dauphin : Romain David. « il est facile
d'être un peu décontenancé et mécanique dans les contrepoints du
Koechlin, par exemple, mais ici on sentait au contraire (et plus encore
lorsqu'on a l'habitude de l'écouter, le lire ou le jouer) un soin
apporté à chaque section. Pas de camouflage à la pédale au piano, pas
de régularité négligente, au contraire chaque phrasé semble avoir été
patiemment pensé. » [notule]
♥ … au demeurant très impressionné par la présence sonore d'Emmanuel
Ax, dans une œuvre que j'ai longtemps crue (à tort, je l'admets)
mineure.
Meilleur violoniste de la saison, sont nommés : Simon Ehnes (Britten), Stéphanie Moraly (Koechlin), Francesca Borrani (violon solo du
COE, tutti Mendelssohn), Émeline Concé (Boutry, Ravel), Fanny Robilliard (Brahms, Quatuor
avec piano n°3). ♥♥ Attribué à : Stéphanie Moraly.
« malgré l'acoustique très précise et impitoyable, une interprétation
d'une précision extraordinaire (même chez les très bons, une telle
justesse d'intonation chez un violoniste, sur un programme aussi long
et technique, est rarissime) et travaillée dans ses moindres recoins
[...] Stéphanie Moraly présentait très brièvement chaque pièce avec
chaleur, aisance, un sens de l'anecdote, [...] un ton très direct [...]
et une très jolie voix, souple et mélodieuse. » [notule] ♥ Dauphine : Émeline Concé. « Le Quatuor Akilone s'exprime par un beau
truchement : un son franc, bien étagé, physique, brillant mais
sans rondeurs inutiles. Dans Ravel, on a l'impression de revenir aux
sources d'un goût français du sans façons, loin des fondus
d'orchestre et des épaisseurs confortables. Et, surtout : elles
savent phraser ! La moindre articulation du discours est amenée
avec naturel, et dans une pièce aussi souvent jouée et enregistrée,
elles se frayent un chemin personnel sans le moindre effet appuyé. De
la musique en barre, émouvante avant d'être (très) impressionnante.
» [notules]
♥ … et je n'ai jamais vu konzertmeisterin aussi ardente et
communicative que Borrani, ni soliste aussi aisé et musical (dans
l'assommante choucroute virtuosissime et amélodique de Britten)
qu'Ehnes, on aurait pu prolonger la distribution.
Meilleur altiste de la saison :
Louise Desjardins (Quatuor Akilone) dans le Huitième Quatuor de
Beethoven, Sarah Chenaf
(Quatuor Zaïde) dans le Troisième Quatuor avec piano de Brahms, Jean-Baptiste Brunier (alto solo de
l'OPRF)dans la
Seconde Symphonie de Dutilleux.
♥♥ Attribué à : Sarah
Chenaf(membre
du Quatuor Zaïde, également primé à Bordeaux). Impressionné par sa
présence exceptionnelle dans des pièces de musique de chambre
(Troisième Quatuor avec piano de Brahms, en particulier) où elle
devrait être cachée milieu de l'harmonie, et où elle fait primer chaque
détail avec un charisme rare dans ces parties.
Meilleur violoncelliste de la saison, sont nommés, sont nommés :
Johannes Moser (Martinů
1 révisé), Sol Gabetta (Saint-Saëns
1). ♥♥ Attribué à : Johannes Moser.
« … bien que complètement de dos, le son parvenait sans
effort, parfaitement timbré (pas du tout ce côté élimé et râpeux
fréquent dans le violoncelle concertant, sans être du gros son pour
autant)… le tout culminant dans une sarabande de Bach (Première Suite),
murmurée mais timbrée comme à pleine puissance, osant même les
diminutions dans les reprises. Il pourrait paraître un excellent
violoncelliste parmi d'autres, mais dans la salle, on s'aperçoit
vraiment qu'il s'agit d'un interprète particulièrement exceptionnel. » [notule] ♥ Dauphine : Sol Gabetta.
En salle, le son un peu poussé ou geignard qu'on entend en
retransmission disparaît complètement, et se projette glorieusement,
avec assez bon goût d'ailleurs – même si l'on demeure très loin, tout
de même, de la classe intersidérale et inaccessible de Moser.
Meilleur flûtiste de la saison, sont nommés : ♥♥ Attribué à : Clara Andrada de
la Calle. « meilleure flûte solo [du COE] de tous les temps :
comment est-il possible de
timbrer aussi rondement (et d'exprimer aussi bien) sur ce petit tube
dont les plus grands tirent souvent des sons lourdement empreints de
souffle ! » [notule]
3i. Statistiques : chanteurs
Comme chaque année, beaucoup d'interprètes exceptionnels dont je ne
peux pas forcément parler à chaque fois… Voici leurs noms.
Légende :
¶ Formidable comme d'habitude
¶ Opinion améliorée par rapport à une précédente expérience
¶ Première audition en salle
Sopranos :
♪ Agathe Boudet (Port-Royal),
♪ Cécile Madelin (Sangaride,
Zemlinsky),
♪ Cécile Achille (Port-Royal),
♪ Marie Perbost (Spanisches Liederspiel),
♪ Julia Lezhneva (Almirena),
♪ Marie-Adeline Henry (Armide),
♪ Michaela Kaune (Werdenberg),
♪ Erika Grimaldi (Requiem de
Verdi),
♪ Amber Wagner (Ariadne).
Mezzo-sopranos :
♪ Eva Zaïcik (Rosina, Spanisches Liederspiel),
♪ Niina Keitel (Lene),
♪ Stephanie Houtzeel
(Octavian),
♪ Jennifer Johnson (Mahler 3).
Contre-ténors, falsettistes :
♪ Bruno Le Levreur (Guédron),
♪ Paul-Antoine Benos (Cid,
Zemlinsky)
Ténors :
♪ Paul Belmonte ? / Alexandre Cerveux ? (Alcide –
divergence entre les programmes !)
♪ Pablo García (Spanisches Liederspiel),
♪ Oliver Vincent (Voces8),
♪ Serge Goubioud
(Guédron),
♪ Kevin Connors (Tanzmeister
dans Ariadne),
♪ Jean-Noël Teyssier (Bastien
dans Le Farfadet)
♪ Mathias Vidal (Persée, Cassandre),
♪ Fabien Hyon (Atys),
♪ Andrew Staples (Serenade de Britten),
♪ Francesco Demuro (le
chanteur italien), ♪ Michael Fabiano (Duca
di Mantova), ♪ Saimir Pirgu (Requiem
de Verdi),
♪ Jonas Kaufmann (Bacchus, Damnation
de Faust),
♪ Brandon Jovanovich
(Stolzing),
♪ John Graham-Hall (Aron).
Barytons :
♪ Marc Mauillon (Guédron, La Haine),
♪ Nicolas Achten (berger de l'Orfeo), ♪ Andreas Wolf (Argante),
♪ Christian Immler,
♪ Jean-Baptiste Dumora (César de Bazan),
♪ Steven Humes (Marke),
♪ Gerald Finley (Sachs),
♪ Thomas Johannes Mayer (Moses).
Basses :
♪ Dingle Yandell (Voces8),
♪ Jean-Claude Sarragosse
(Premier Ministre dans Bazan),
♪ Yorck Felix Speer (Cuno),
♪ Günther Groissböck
(Pogner),
♪ Peter Rose (Ochs).
… les voilà réunis pour une petite remise de prix.
Putti
d'incarnat
Meilleur soprano (léger) de la saison, sont nommées : Agathe Boudet
(Port-Royal), Cécile Madelin
(Sangaride, Zemlinsky), Marie Perbost
(Spanisches Liederspiel), Julia Lezhneva (Almirena). ♥♥ Attribué à : Cécile Madelin.
♥ Dauphine : Marie Perbost.
Meilleur soprano (grand format) de la saison, sont nommées :
VéroniqueGens
(Béatrix, Marie), Marie-Adeline
Henry (Armide), Michaela
Kaune (Werdenberg), Amber
Wagner (Ariadne). ♥♥ Attribué à : Véronique Gens.
♥ Dauphines : Amber Wagner, Marie-Adeline Henry.
Meilleur mezzo-soprano de la
saison, sont nommées : Eva Zaïcik (Rosina, Spanisches Liederspiel), Niina Keitel (Lene), Stephanie Houtzeel (Octavian), Jennifer
Johnson (Mahler 3). ♥♥ Attribué à : Eva Zaïcik.
♥ Dauphine : Jennifer Johnson.
Meilleur falsettiste de la
saison : ♥♥ Attribué à : Paul-Antoine Benos
(Cid, Zemlinsky). ♥ Dauphin : Bruno Le Levreur (Guédron).
Meilleur ténor (léger) de la saison, sont nommés : Oliver Vincent (Voces8), Serge Goubioud (Guédron), Mathias Vidal (Persée, Cassandre), Fabien Hyon (Atys), Andrew Staples (Serenade de Britten) ♥♥ Attribué à : Mathias Vidal
(pour Persée en particulier). ♥ Dauphin : Andrew Staples. Meilleur ténor (grand
format) de la saison, sont nommés : Saimir Pirgu (Requiem de
Verdi), Michael Fabiano (Duca
di Mantova), Jonas Kaufmann (Bacchus, Damnation de Faust), Brandon Jovanovich (Stolzing), John Graham-Hall (Aron). ♥♥ Attribué à : Saimir Pirgu.
♥ Dauphin : Brandon Jovanovich.
Meilleur
baryton (lyrique) de la saison, sont nommés : Marc Mauillon (Guédron, La
Haine), Nicolas Achten (berger
de l'Orfeo),Andreas
Wolf (Argante), Jean-Baptiste
Dumora (César de Bazan). ♥♥ Attribué à : Marc Mauillon.
♥ Dauphins : Andreas Wolf. Meilleur baryton-basse
de la saison, sont nommés : Steven Humes (Marke), Gerald Finley (Sachs), Thomas Johannes Mayer (Moses). ♥♥ Attribué à : Steven Humes. ♥ Dauphin : Gerald Finley.
Meilleure basse chantante de
la saison : ♥♥ Attribué à : Dingle Yandell
(Voces8).
Meilleure basse noble de la
saison, sont nommés : Jean-Claude Sarragosse (Premier
Ministre dans Bazan), Yorck Felix Speer (Cuno), Günther Groissböck (Pogner), Peter Rose (Ochs). ♥♥ Attribué à : Yorck Felix Speer.
♥ Dauphin : Günther Groissböck.
Je devrais faire la même chose pour les danseurs de ballet, mais j'en
ai finalement peu vu, et surtout aimé les petits jeunes de l'Opéra
(dans Les Forains de Petit et
Piège de lumière de Taras),
et l'English National Ballet (Rojo forever)…
4.
Ressenti
Que souligner, hors l'extrême variété et surabondance de l'offre, très
loin d'être épuisée par ce tour d'horizon qui ne reflète que ma
pratique personnelle de l'année, le concert n'étant même pas mon
premier poste en dépense de temps…
Toujours énormément de
concerts gratuits (notamment dans les conservatoires, les
églises…), originaux, et de
haute volée… on peut se faire une saison complète à l'œil, sans
rien rogner sur la qualité. Certes, on ne verra pas les orchestres
internationaux ni les solistes à la mode, et le niveau individuel de
virtuosité sera peut-être (pas systématiquement, loin s'en faut !)
moindre. Mais ce sera grand tout de même – car Paris est généreuse.
Alors, peut-être souligner la présence de quelques (beaucoup de) superbes
raretés, comme les airs de cour de Guédron, le Berlin de
Meisel, la Première Symphonie de Walton (symphonie de l'année ?), la
Sonate avec violon de Koechlin,
etc.
Remarqué une fois de plus que le
répertoire symphonique français,
qui m'exalte tellement au disque, me touche moins fort au concert, à
cause de sa forme moins discursive (plus rhapsodique, ou du moins plus
contemplative) que les grands monuments germaniques équivalents. Chausson (Soir de fête) et Debussy (Printemps) en l'occurrence, face à Bruckner – que je n'aurais pas dit
du même tonnel…
La grande surprise des productions
lyriques ne provenait pas de Bru
Zane cette saison (contrairement au Cinq-Mars fulgurant de Gounod,
possiblement son meilleur opéra) : il me semble que la politique de la
maison se tourne de plus en plus vers la documentation de ce qui avait
du succès au XIXe (David, Joncières…) plus que de ce qui peut marquer
notre propre époque. Travail précieux de musicologie et
d'historiographie, mais moins stimulant pour le mélomane : Dante de Godard et La JacquerieLalo & Coquard n'étaient pas
dépourvus de qualités ponctuelles, mais leur inégalité et la faiblesse
extrême de leurs livrets expliquent très bien qu'ils n'aient pas été
repris au delà de leur propre période. Patrie !de Paladilhe, La Dame de Monsoreau
de Salvayre ou Hernani de Hirchmann, pour se limiter à des
titres souvent cités en ces pages (pour le reste, il y en a quelques
tombereaux là).
Côté opéra, le grand coup fut
frappé, dans le secteur même d'activité de Bru Zane, par Les Frivolités Parisiennes,
remarquable compagnie qui emploie les plus fins musiciens (ainsi que
d'excellents chefs, chanteurs et metteurs en scène) dans des
productions scéniques complètes ; bien que peu subventionnée, elle se
produit dans d'adorables théâtres (cette saison, Trévise et Porte
Saint-Martin…) avec une qualité de finition épatante et des tarifs très
abordables. Pour de l'opéra de veine comique, nul besoin de se forcer à
écouter pour la vingtième fois le Barbier
de Séville à 50 mètres des chanteurs pour 150€, on a ce qu'il
vous faut. Don
César de Bazan de Massenet,
qu'on avait cru perdu, se révèle, sinon le chef-d'œuvre de son auteur
(l'ensemble reste sur un ton en général aimable plus qu'audacieux), une
œuvre d'une cohérence et d'une séduction assez imparables.
L'année Louis XIV n'a pas permis au CMBV de proposer des explorations
majeures en tragédie en
musique (plutôt centré cette année sur les célébrations
religieuses, programme au demeurant très intéressant.). Cette année, la
nouveauté majeure en tragédie lyrique fut le Persée de LULLYdans sa révision massive à un siècle de distance (1682-1770) par
Dauvergne, Bury & Francœur,
à l'occasion du mariage de Marie-Antoinette ; une partition très différente, très surprenante, mais pas sans
charme, grisante par endroit, qui a cependant mis en fureur ceux (je ne
dénonce personne) qui espéraient entendre du LULLY et
ont récolté de la déclamation post-gluckiste (malgré la date, ça tire
déjà pas mal vers Gossec et Méhul, étrangement) avec des ariettes et
des fusées orchestrales post-ramistes.
Seule découverte réellement
désappointante, Garayev
et Thilloy dans un concert
coloré d'horizons (Nocturnes de
Debussy, Pulcinella de
Stravinski, Les Biches de
Poulenc) de l'Orchestre Lamoureux (en très petite forme) ; le premier
d'un orientalisme insipide, quoique pas déplaisant ; le second, tiré
d'une musique de film, brille au concert par une vacuité qui ferait
passer les Glassworks pour L'Art de la Fugue après
duplications en miroir.
Je ne reviens pas sur ma souffrance Migot,
récemment partagée avec force jérémiades hyperboliques.
Trois soirées auront probablement marqué mon expérience de mélomane et
de spectateur : la Deuxième
Symphonie de Tchaïkovski par Mazzola, le Rosenkavalier par Wernicke &
Jordan, le Berlin
de Meisel (dans un arrangement sans cordes) par Strobel et avec
projection du film – mais la musique est sublime sans, malgré son
caractère figuratif. Des sommets comme on n'en croise pas souvent, même
à l'échelle de la démentielle offre francilienne.
Et puis quantité de spectacles extraordinaires pour une raison ou une
autre (œuvres, interprètes, ambiance générale), et qui n'entraient pas
forcément dans l'une ou l'autre catégorie des récompenses : la Poupée
sanglante, Armide par Rousset, Walton 1 par Colionne, Sibelius 5 par
Järvi, Bruckner 5 par Järvi, Mahler 3 par Järvi, Bazan, Koechlin par
Moraly & R. David, Brahms et Fauré par le Trio Karénine + S.
Chenaf, Guédron & Friends, Liederpiel à Soubise, récital LULLY
au CNSM, Sérénade de Britten par Staples, Shadows of Time couplées avec
les Litanies de Poulenc, Dvořák 7 par Dohnányi, Tchaïkovski 1 par
Gardner, Requiem de Verdi par Noseda, Meistersinger par Herheim &
Jordan, Akilone SQ dans Beethoven 8, Akilone SQ dans Ravel &
Boutry, Bruckner 9 par Inbal, Transcriptions des futurs chefs de chant
du CNSM, Les Sincères de Marivaux avec intermèdes a cappella,
le Farfadet d'Adam à Trévise, le Persée de 1770, The Artist de Bource
en concert, I Rusteghi par les comédiens-français, les quatuors avec
piano de Marx, Voces8, Piège de
lumière de Damase, hommage à Boulez, extraits des Ariane de Marais et de Mouret,
Martinů par Hrůša, Beethoven 2 par Koopman…
À peu près tout le reste était peut-être un peu moins excessivement
génial, mais quand même tout à fait épatant (très bien choisi sans
doute, mais au
sein d'une offre qui permet de faire 100 concerts épatants tout en
ratant beaucoup d'autres grandes soirées…) : Olympie de Spontini,
intégrale Mendelssohn du COE, Franck par la Maîtrise de Radio-France,
Quatuors de Haensel-Auber-Pleyel, Sibelius 3 par Järvi, Sibelius 4 par
Järvi, Dollé-Visée, Trio avec piano 1 de Brahms avec Cartier-Bresson,
L'Orfeo par Tubéry, inauguration de l'orgue de la Philharmonie,
cantates de Liszt et Gounod, COE & Pappano, airs de cour espagnols,
la Création de Haydn en français, le Prince de Bois par Zinman, Rinaldo
par Il Pomo d'Oro, concert Dutilleux par Ryan, l'Oiseau de feu par
Gergiev, Credo de MacMillan, le Corsaire avec Tamara Rojo, Rigoletto
par Guth-Luisotti, Les Animaux Modèles (et Printemps !), le Concerto de
Grieg par la Tonhalle, le Freischütz par Hengelbrock…
Dans les semi-réussites, peut-être Schubert 5 par Norrington (joué de
façon aussi haydnienne, exalte surtout la simplicité et les
répétitions), Bach et Mendelssohn par l'Orchestre de Paris (problème de
style malgré Hengelbrock, ça ne se fait pas en une nuit), le Tristan
d'Audi (musicalement superbe, mais visuellement bâclé un à point qui
m'avait presque agacé), Mahler 3 par Cleveland (problème basique de
gestion de la tension des phrasés tuilés), Petibon donc la voix
s'est
beaucoup arrondie pour chanter LULLY et ses semblables…
mais de très bonnes soirées tout de même !
Un peu plus réservé sur Passion de
Sondheim (vraiment pas très grand, et la mise en scène très grise et
conventionnelle d'Ardant ne comblait pas les manques), Santiago de
Murcia pour guitare baroque et harpe (problème d'instruments surtout,
ils sonnaient mal… dans ce répertoire, si on n'a pas de bons
crincrins…). Assez perdu, même en étant familier du sujet et des œuvres
jouées (et en ayant lu le programme de salle), par Notre Falstaff au CNSM. Comme si
j'assistais à un happening
de regietheater avec des moyens amateurs ; sans être déplaisant,
déstabilisant. Trouvé le temps très long dans le Concerto pour
violoncelle de John
Williams au CRR (sans grand intérêt), et puis c'était l'orchestre des
étudiants, pas encore
aguerri). Mais dans ces deux cas, ce sont des concerts gratuits ouverts
au public pour permettre l'entraînement des étudiants… c'est en général
assez superlatif, mais il n'y a pas d'obligation de résultat, on est
invité à voir les travaux en cours et on aurait mauvaise grâce à le
leurreprocher !
Ce que je n'ai vraiment pas aimé ? L'examen de fin d'année d'une
étudiante de master au CNSM (j'avais dit que je me demandais à quoi
servait de bâtir une voix d'opéra épaisse, moche et inintelligible si
c'est pour ne pas se faire entendre au bout d'une salle de 100m²),
parce qu'il dit quelque chose des techniques (à mon avis dévoyées) à la
mode dans l'enseignement et la pratique du chant. Et
surtout, bien sûr, ma souffrance intense en compagnie de Georges Migot.
Deux
entreprises au demeurant sympathiques (examen ouvert au public, mise en
valeur d'un compositeur totalement négligé), on voit à quel point il y
avait peu matière à se plaindre de cette très vaste saison de concerts.
Le moment est-il venu de se quitter en distinguant les plus beaux
spectacles de l'année ? J'ai été le premier surpris du résultat.
Putti
d'incarnat
Meilleur opéra en version scénique, sont nommés : Le Farfadet (Frivolités
Parisiennes), Don César de Bazan
(Frivolités Parisiennes), Die
Meistersinger von Nürnberg (Herheim-Ph.Jordan), Der Rosenkavalier(Wernicke-Ph.Jordan) ♥♥ Attribué à : Der
Rosenkavalier.
[La saison passée : Rusalka
par Carsen-Hrůša.]
Meilleur opéra en version de concert, sont nommés : Armide (Talens
Lyriques),Persée
1770 (Concert Spirituel), Olympie(Cercle de l'Harmonie) ♥♥ Attribué à :
Armide.
[La saison passée : Cinq-Mars
par Schirmer.]
Meilleur concert symphonique,
sont nommés :
Bruckner 5 (OP-Järvi), Bruckner 9 (OPRF-Inbal), Tchaïkovski 1
(ONF-Gardner), Clyne & Tchaïkovski 2 (ONDIF-Mazzola), Mahler 3
(OP-Järvi), Sibelius 5 (OP-Järvi), Walton 1 (Colonne-Petitgirard),
Suk-Martinů (OPRF-Hrůša), Poulenc-Dutilleux (OPRF-Franck)… ♥♥ Attribué à :
Clyne & Tchaïkovski 2.
[La saison passée : Tchaïkovski 5 par P. Järvi.]
Meilleur concert chambriste,
sont nommés :
Quatuor Pleyel (Haensel, Auber, Pleyel), Quatuor Akilone &
Williencourt (Beethoven 8, Quintette Brahms), Trio Karénine &
S.Chenaf (Brahms 3, Fauré 1), Transcriptions de la classe de direction
de chant du CNSM, Quatuors avec piano de Marx, Quatuor Akilone
(Schubert 13, Ravel, Boutry), S.Moraly-R.David (Hahn, Koechlin, Ravel,
Emmanuel).
♥♥ Attribué à : S.Moraly-R.David
(Hahn, Koechlin, Ravel, Emmanuel). ♥ Dauphin :
Trio Karénine + S. Chenaf
; Transcriptions CNSM.
Au demeurant, les Akilone
ont livré un deuxième Razoumovski de Beethoven et un Ravel qui n'ont
guère d'équivalents ! (en revanche bizarrement à la peine dans le
Quintette de Brahms)
[La saison passée : ECMA, avec notamment les quatuors Akilone, Hanson
et Arod.]
Meilleur concert de lied ou
mélodie, sont nommés : Spanisches Liederspiel de
Schumann (Perbost, Zaïcik, García, Reschke…), Serenade pour ténor, cor et cordes
de Britten (Staples, OCP, Boyd).
♥♥ Attribué à : Spanisches
Liederspiel. Au moins du niveau de l'assemblage
Röschmann-Kirchschlager-Bostridge-Quasthoff-Deutsch-Drake (tournée européenne de 2009), c'est assez en dire.
La qualité stylistique et expressive de ces jeunes chanteurs non-natifs
est très impressionnante, en plus de la beauté des voix (les deux
demoiselles en particulier). ♥ Dauphin :
Serenade de Britten. Outre que c'est
magnifique en soi, le remplacement de l'excellent Toby Spence par
Andrew Staples a permis de prendre la mesure d'un véritable miracle –
la maîtrise absolue de l'instrument comme des intentions, et une
variété de coloris immense. Il chante énormément sur les plus grandes
scènes (il sera à nouveau là pour les Scènes
de Faust à la Philharmonie, une partie qu'il a déjà beaucoup
éprouvée, à Berlin, à Munich…), mais il n'a étrangement pas atteint la
notoriété d'autres chanteurs de ce registre (rôles de caractère et oratorio romantique
& XXe, disons, un lyrique assez léger – mais la voix est
extraordinairement projetée, il pourrait tout aussi bien chanter des
héros romantiques, Roméo au minimum).
[La saison passée : Elsa Dreisig – extraits du concert dans cette notule.]
Meilleur concert baroque,
sont nommés :
Guédron & Friends (Dumestre), récital LULLY (CNSM,
Haïm), Port-Royal (Vaisseau d'or, Robidoux), figures d'Ariane (Zaïs),
Dollé-Visée (R. Pharo, Th. Roussel), airs de cour espagnols (Kusa,
Egüez) ♥♥ Attribué à :
récital LULLY.
De jeunes chanteurs dont certains sont de très grandes promesses pour
le répertoire (Cécile Madelin, Paul-Antoine Benos), et d'autres des
chanteurs qui ne se spécialiseront peut-être pas (Fabien Hyon) mais qui
forcent l'admiration par leurs qualités propres. Concert fondé sur des
duos et ensembles qui ne sont pas tous des tubes (la dispute du IV d'Atys !), et accompagné avec un feu
dansant incroyable par les élèves du CNSM. Le contraste avec le
(plaisant mais) poussif récital von Otter-Naouri dirigé par la même
Haïm avec son ensemble était d'autant plus saisissant. [Au passage, ce
sont les seuls récitals d'opéra de l'année avec celui de Zaïs, vraiment
le seul répertoire qui est représenté dans cette catégorie peu noble, à
chaque saison de CSS.] ♥ Dauphin :
Guédron & Friends.
Dans une certaine mesure plus proche de la chanson (enfin, à plusieurs
parties, donc madrigalisée…), avec des ostinati irrésistibles et des
textes débordant d'une roborative verdeur. Et quels chanteurs (Le
Levreur, Goubioud, Mauillon, meilleurs qu'ils ne l'ont jamais étés),
attelés avec l'étrange (et fascinante) Lefilliâtre.
[La saison passée : Vespri de
Rubino en collaboration CNSM-Palerme.]
Théâtre, sont nommés : Les Sincères de Marivaux, Les Rustres de Goldoni, John Gabriel Borkman d'Ibsen, La Poupée sanglante de Chantelauze
& Bailly (d'après Leroux). ♥♥ Attribué à :
La
Poupée sanglante. Inventif et jubilatoire. En plus mis en
musique. ♥ Dauphin :
Les Sincères.
[La saison passée : La Mort de
Tintagiles de Maeterlinck mise en scène par Podalydès et en
musique avec une sélection et des improvisations de Coin. Complètement
terrifiant et tellement poétique.]
Œuvre en première mondiale
(re-création), sont présents : La Création de Haydn dans la
version de la création française, La
Jacquerie de Lalo & Coquard, Dante de Godard, Don César de Bazan de Massenet,
Quatuors avec piano de Joseph Marx, Musique de chambre de Migot. ♥♥ Attribué à :
Don
César de Bazan. Vraie bonne surprise.
♥ Dauphin : Quatuors
avec piano de Joseph Marx (étudiants du CNSM).
Les autres n'étaient pas grandioses (et Migot carrément pénible).
[La saison passée : Cinq-Mars
de Gounod.]
Compositeur vivant, sont
présents :
Aboulker (Maîtrise de Radio-France), Widmann (Orchestre de Paris),
Burgan (Orchestre Colonne), Clyne
(Orchestre National d'Île-de-France). [Boulez, Damase et Dutilleux y
échappent de peu, mais leurs œuvres présentées datent souvent d'un
demi-siècle de toute façon…] ♥♥ Attribué à :
Anna Clyne.
Très belle utilisation de l'orchestre pour une écriture très accessible
et avenante (ce n'est pas du néo- ni du tonal définissable pour autant). Boule de suif d'Aboulker
est un peu long et recycle tout le temps les mêmes (bons) effets, par
ailleurs déjà entendus chez elle.
La Suite pour flûte et orchestre de Widmann est d'un
modernisme de moyen terme bon teint, parfait pour avoir l'air
d'aujourd'hui sans rien oser… d'ailleurs, je n'ai pas trouvé très
honnête de finir sur une pièce assez jubilatoire (et bissée !) qui
n'avait rien à voir avec le reste et citait la Badinerie de Bach (et Tristan !), façon un peu vulgaire
d'attirer les applaudissements Cela dit, c'était le seul bon moment de
la pièce, j'étais ravi que ce soit bissé, mais triompher en pillant
Bach dans les cinq dernières minutes me laisse un peu interdit sur la
philosophie du compositeur – je tire à la ligne pendant un quart, et
puis j'emprunte un tube pour faire un joli final brillant. Il fait une
très belle carrière de clarinettiste, pourquoi s'imposer ça ?
Mais c'est toujours mieux que Le Lac de Burgan qui met en musique
le poème de Lamartine – dans des atmosphères indistinctes et une
prosodie aberrante.
Par ailleurs, les moments Damase-Dutilleux-Boulez
ont été excellents, tout n'est pas perdu pour les gens du XXIe siècle.
[La saison passée : Au monde
de Boesmans.]
5.
Et puis
En finissant, je m'aperçois que le parti de distinguer individuellement
entre en contradiction avec la recherche de lignes de force, mais après
tout, comme il s'agit d'une bilan purement personnel, limité à ce que
j'ai vu, autant conserver les propos généraux pour les annonces de
saison.
J'espère surtout que ce contribuera à mettre en
lumière des lieux et des artistes particulièrement intéressants.
Pour ceux qui sortent parfois avec le sentiment d'à-quoi-bon en
quittant un concert prestigieux où l'on n'a pas été très concerné
(voire agacé), un concert dans une petite salle avec des interprètes
enthousiaste est un remède assez irrésistible – l'émotion n'est pas du
tout de même nature qu'avec les solistes les plus professionnalisés au
milieu d'une grande salle.
Indépendamment de l'engagement
(qui peut s'émousser, ou du moins s'automatiser, chez ceux qui ont
passé quarante ans à recueillir des triomphes en enchaînant les plus
grandes salles) et de la dimension des lieux (sentir le grain des
timbres sur sa peau est quelque chose de très précieux, qui ne passe
pas la rampe dans les vastes ensembles architecturaux), il existe, me
semble-tèil, une plus-value psychologique immédiate. Dans un concert
prestigieux, on jauge toujours les artistes, on attend que ce soit au niveau (a fortiori si on a payé cher,
raison pour laquelle je m'y refuse), que leur travail nous séduise,
voire nous subjugue ; dans le concert intime, on regarde au contraire
d'un œil bienveillant des artistes en devenir ou restés discrets, et
qui malgré l'absence de regards officiels susceptibles de promouvoir
leur carrière, partagent avec nous un moment privilégié. Dans le
premier cas, on sent la pression de l'événement, et qu'on le veuille ou
non, on le regarde comme tel, on se doit d'une certaine façon de
déterminer avant l'entracte si c'était bon ; dans le second, on se sent
au contraire en connivence, récipiendaires d'un secret, partenaires
d'une passion commune.
Pardon de le dire ainsi, mais les
mélomanes sont comme les poules de batteries auxquelles, si l'on donne
trop d'espace (mais pas beaucoup pour autant, ni de plein air),
développent des instincts cannibales : le lieu et le statut du concert
ont, très involontairement, une influence mécanique sur la perception
des choses. J'étais émerveillé d'entendre la Première Symphonie de
Walton en concert, avec une exécution qui m'aurait sans doute mis en
fureur (ou plus vraisemblablement fait lever un demi-sourcil)
s'il s'était agi d'un Beethoven à la Philharmonie, mais qui m'a ravi
dans ce contexte, parce qu'elle apportait tout l'élan et la lisibilité
nécessaires à cette musique (et vu sa difficulté et sa rare pratique,
on n'allait pas mégoter sur la beauté des timbres ou les détails de
mise en place)…
Cette saison (comme la précédente), les repérages de concerts insolites
ou rares (plutôt en Île-de-France, puisque c'est issu de recherches
initialement pour ma pomme) seront plutôt proposés mensuellement
qu'annuellement, la formule a paraît-il semblé plus efficace.
Nous songeons à louer une salle pour la cérémonie de l'an prochain,
avec retransmission en mondiovision et partenariat avec Medici.tv. Kim
Jong-eun a déjà proposé de
prêter le Salon Kim Il-sung de l'aile Ouest du Mémorial du Juche, mais
nous voudrions accueillir un public nombreux et cherchons une adresse
un peu moins enclavée en transports (on travaille le lendemain). Toute
proposition sérieuse acceptée.
Ce billet, écrit à par DavidLeMarrec dans la catégorie Saison 2015-2016 a suscité :
Carine Séchaye lors de la reprise de la production de Caurier
& Leiser en 2013, voyageant à Lausanne et Tours.
(Tiré d'une photographie de Marc Vanappelghem.)
Legs majeur parmi le répertoire français, l'œuvre collective (I et V
pour Ibert, II et IV pour Honegger, et collaboration plus
intégrée au III, même si Honegger semble avoir été dominant dans cette
partie) utilise le texte littéral de Rostand,
adapté par Henri Cain – ce
qui se limite essentiellement à des coupures pour une durée compatible
avec le débit chanté, et ramené à cinq actes au lieu de six).
Déjà redonnée par Tamayo à Vaison-la-Romaine en 1987 dans une production de Pierre-Jean San Bartolomé
(Greenawald, Lafont, Vassar), l'œuvre semble connaître un regain
d'intérêt (circonstanciel ou structurel, le seuil critique n'est pas
encore franchi pour l'affirmer), depuis la production de Caurier & Leiser à Marseille, dirigée par Davin en 2004 (Cousin, Vernhes,
Barrard). Beau succès, retransmis à la radio, en extraits sur CSS, repris récemment à Lausanne & Tours sous la direction d'Ossonce en 2013 (Séchaye, Barrard,
Pomponi), et à présent (février 2016)
à nouveau à Marseille,
avec Ossonce (d'Oustrac,
Barrard, Pomponi).
Ce ne serait qu'une reprise assortie d'une courte tournée, si nous ne
disposions pas, exactement dans le même temps, de cette version de
concert (pour trois soirées !) mise en espace par Daniel Roussel l'an passé (2015) et dirigée à la Maison
Symphonique de Montréal
par Kent Nagano (Gillet,
Barrard, É. Dupuis).
Et voilà que Decca sort, en mars, une intégrale de studio,
issue du concert de Montréal (mais où Guilmette et Lemieux, plus
célèbres, remplacent Fiset et Boulianne qui assuraient Thérèse de
Longuet et Marie-Louise au concert).
Il s'agit d'un véritable retournement de situation, dans la mesure où
le caractère accessible cet opéra, son sujet attirant, son texte
célèbre (et de qualité particulièrement extraordinaire, sans même le
considérer comme un livret d'opéra…), sa musique très variée et
séduisante le prédisposent à rejoindre les standards – moins au sens
large, un peu comme Hamlet, Jenůfa
et Die tote Stadt,
pas sifflotés dans les rues ni utilisés dans les pubes, mais
régulièrement programmés au sein d'un répertoire assez peu présent sur
les scènes.
Jusqu'ici, l'œuvre ne pouvait pas s'épanouir dans l'opinion des
mélomanes, faute de témoignages disponibles : il n'y eut qu'un vinyle
Bourg, très coupé, d'un enregistrement de la RTF en 1956, avec Boué,
Despraz, Bourdin ; Dervaux
dirige, et on y retrouve la fine fleur du temps : Berton, Disney,
Peyron, Lovano… Indisponible depuis des lustres, et jamais réédité en
CD de toute façon.
En mettant sur le marché, de surcroît chez un éditeur prestigieux et
très présent dans les rayons, un studio (denrée désormais rare), on
donne la possibilité aux mélomanes d'écouter, de réécouter, et de se
déplacer lorsque l'œuvre sera donnée. Incitation pour les salles à ne
plus se retenir – sans parler des directeurs de théâtre qui
découvriront à cette occasion, eux aussi, ce pan du patrimoine.
L'œuvre explore des climats qui ne sont pas neufs en 1937, mais
demeurent en revanche assez éloignés de ce qu'Ibert et Honegger ont par
ailleurs produit : peu de rapport avec la légèreté (poétique ou
sarcastique) d'Ibert, les expérimentations néoclassiques ou modernistes
d'Honegger, la tragédie à la tonalité élargie Antigone, et bien sûr les
bouffonneries et mystères de Jeanne,
de la naïveté du Roi David…
Il y a bien des moments où des points communs affleurent avec les
couleurs harmoniques, voire certains gestes déclamatoires des Quatre Chansons de Don Quichotte d'Ibert,
mais pour Honegger, il est assez difficile de trouver dans son
catalogue des pièces à la fois aussi simples (de la vraie tonalité pas
enrichie, la plupart du temps) et aussi lyriques ou mélodiques (le
Honegger simple étant souvent un peu glaçant).
Au demeurant, le style,
globalement celui d'une conversation en musique, varie beaucoup selon
les épisodes, indépendamment même de qui compose le passage : on y
croise des chansons traditionnelles, des poussées de fièvre martiales,
des bals galants, du postromantisme généreux, de la quasi-polytonalité,
de la déclamation parlée emphatique, du récitatif truculent, du lyrisme
cinématographique… le tout avec une prosodie
superbe, qui permet à la fois l'intelligibilité, de belles
mélodies, et la mise en valeur du texte de Rostand. L'orchestre est
aussi très expressif, exprimant toutes les couleurs des environnements
successifs du duc de Reichstadt (salons de Schönbrunn, cabinets de
travail, plaine venteuse de Wagram, chambre de malade…), avec un très
beau sens des transitions – le contraste est tellement fort, pourtant,
on pourrait s'attendre à une suite de vignettes, mais à l'instar de
Rostand, les deux compositeurs bondissent avec adresse de trait en
trait.
Le tout culmine spectaculairement dans ce second Wagram,
où l'on croit entendre s'élever à nouveau les râles des soldats tombés
pour l'Empereur, confus, misérables, progressivement menaçants, jusqu'à
éclater en hymnes patriotiques (où se superposent le Chant du Départ et
la Marseillaise !), tandis que le duc, égaré, déclame les paroles de sa
propre immolation. Néanmoins, on trouve quantité d'autres sommets plus
discrets, mais tout aussi bouleversants, dans quantité de répliques où
cingle le verbe de Rostand, et où la musique transmute soudain, servant
d'ailes à l'esprit.
Une lithographie française de 1932. Beaucoup d'images ont
circulé à l'occasion du centenaire de la mort du Duc, cinq ans avant la
première représentation de l'opéra à Monte-Carlo (la maison était alors
dirigée par le compositeur et traducteur Raoul Gunsbourg).
Avec un tel livret, une musique avenante mais sophistiquée, et une
fusion de l'ensemble aussi exemplaire, on ne peut douter que ce ne soit
déjà l'un des opéras qui me sont les plus chers dans tout le
répertoire.
Et l'on peut déjà en entendre la
première piste sur les sites de flux, en attendant le 4 mars
! C'est gratuit (voir là) sur Deezer et MusicMe ; elle y figure
également si vous disposez déjà d'un abonnement chez Naxos ou Qobuz.
Les cinq minutes que l'on y entend sont formidables : non seulement la
distribution, comme l'on pouvait s'y attendre, brille (l'émission haute
et le tranchant verbal de Gillet, incomparables !), mais Nagano semble
fort à son aise avec le style, sans cette rondeur qui lui est
habituelle et tend à émousser les angles (il se montre au contraire ici
d'une souplesse très française), et la prise de son paraît
extraordinaire, ample mais précise et colorée, à la fois digne des
grandes réussites de l'histoire du label et des technologies les plus
récentes. Il faut se préparer à l'un des grands disques de l'histoire
du répertoire français, je crois.
Mise à jour du 5 mars : Rapide commentaire (comparé) du disque Nagano ci-dessous en commentaire.
Concernant l'épisode de Wagram, on peut se reporter à la notule écrite dès la deuxième année de Carnets sur sol, qui effectue une
courte présentation et en propose le texte et la musique (Davin à
Marseille en 2004).
En parcourant son répertoire (largement plus de 60 opéras, sans compter les refontes), les comédies en musique (de forme opéra comique en l'occurrence : avec des dialogues parlés) sont certes nettement majoritaires, mais pas exclusives (on rencontre aussi des œuvres sérieuses) ; en outre, leur ambition peut varier du tout au tout.
Beaucoup (les plus légères, en tout cas musicalement, comme Le Huron, Le Tableau parlant, Le Magnifique, La Fausse Magie, Richard Cœur-de-Lion, Raoul Barbe-Bleue, Pierre le Grand, Guillaume Tell) étaient créées à la Comédie-Italienne (avant et après qu'on l'appelle Opéra-Comique, une fois les représentations en italien interdites en 1779), mais un nombre assez considérable d'autres furent créées dans des lieux liés au pouvoir (Zémire et Azor, La Rosière de Salency et La Caravane du Caire à Fontainebleau, L'Amant Jaloux à Versailles) ou à l'Opéra de Paris (Panurge dans l'île des Lanternes, son ultime ouvrage Delphis et Mopsa, comédie lyrique – donc entièrement chantée).
Évidemment, les œuvres sérieuses étaient commandées pour Versailles (Céphale et Procris, Amphitryon) ou par l'Opéra (Andromaque, Aspasie, Anacréon chez Polycrate, l'opéra-ballet Le Casque et les Colombes) ; plusieurs ont néanmoins été composées mais jamais représentées (Électre, Les Colonnes d'Alcide avec le même librettiste que son Andromaque, le premier acte d'un Œdipe à Colone).
Grétry est donc l'un des grands compositeurs lyriques de son temps, l'un des plus novateurs en réalité (même s'il n'a jamais systématisé, mais plutôt disséminé ses audaces, contrairement à Gossec par exemple), et performant aussi bien dans la tragédie en musique hiératique (simultanément avec Gluck) que dans l'opéra comique aux ariettes naïves (Richard Cœur-de-Lion, le premier acte de Guillaume Tell) ou aux ensembles virtuoses (L'Amant Jaloux, Panurge dans l'île des Lanternes).
[[]] L'air d'entrée de Guesler à l'acte II : Jean-Sébastien Bou et Les Nouveaux Caractères dirigés par Sébastien d'Hérin, dans un concert versaillais (consacré à Gluck-Salieri-Sacchini-Grétry !). Assez irrésistible au naturel, mais joué comme cela… aucune finesse d'écriture ne passe inaperçue.
Pourtant, la postérité n'a retenu de lui que l'amuseur des familles, aux petits airs niais sur des paroles moralisatrices… Lorsqu'on parle de Grétry, on mentionne en général Richard Cœur-de-Lion pour son grand tube « Ô Richard, ô mon Roi » (devenu le cri de ralliement des royalistes pendant la Révolution), ou pour l'ariette de Laurette « Je crains de lui parler la nuit » (les filles, attention aux séducteurs titrés !), célèbre chez tous les mélomanes pour sa réutilisation malicieuse par Tchaïkovski – la vieille Comtesse-titre de La Dame de Pique, évoquant sa jeunesse en chantant cet air, transposé très bas et distendu rythmiquement, presque démembré, terne réminiscence de son brillant passé. On interprétait quelquefois en concert la Sérénade avec mandoline obligée et pizzicati « Tandis que tout sommeille », tirée de l'acte II de L'Amant jaloux (composée près de dix ans avant celle de Don Giovanni, au passage…). Les amateurs de traditions militaires sont sans doute plus familiers de l'air de La Caravane du Caire « La Victoire est à nous », populaire dans les armées napoléoniennes.
Ou bien l'on parle vaguement de la masse des ses opéras comiques. C'est réducteur, injuste, et avant de me moquer un peu de son librettiste, je tenais à le souligner.
Le phénomène remonte hélas à la source, puisque, dès son temps, les littérateurs ont beaucoup plus célébré le compositeur de bluettes que le maître de la grande forme ou le novateur hardi (qui leur est manifestement resté particulièrement inaperçu) – mais il est vrai que Diderot était nul en musique, tandis que Grimm et Rousseau avaient des goûts bien pourris.
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2. Guillaume Tell, opéra de la Révolution
Grétry, l'un des musiciens chouchous de Marie-Antoinette (et il est vrai que l'on associe volontiers le style de l'une à l'autre !), aux côtés de Gluck, Salieri ou Sacchini (pour la musique scénique du moins), et parmi les plus populaires de son temps, perd sa rente royale à la Révolution. Je n'ai pas creusé la question de sa sincérité monarchique, mais comme tous les autres musiciens, il doit de toute façon gagner sa vie, et en tant que compositeur d'opéra emblématique, il accepte donc des commandes de drames politiques. Rien d'aussi spectaculaire que Le Chêne patriotique, ou la Matinée du 14 juillet 1790 (où les tyrans d'Europe s'enfuient terrorisés par les fausses ombres de Cagliostro), qui échut à Dalayrac, mais tout de même Guillaume Tell, L'Inquisition de Madrid (réutilisant en parodie ses musiques antérieures), Joseph Barra, Denys le tyran, maître d'école à Corinthe, La Rosière républicaine ou la Fête de la Vertu (en écho à sa précédente Rosière, je suppose), Callias ou Nature et Patrie ou Diogène et Alexandre. À quoi il faut ajouter sa contribution pour Le Congrès des Rois, ouvrage collectif à douze compositeurs (dont Cherubini, Dalayrac, Devienne, L. E. Jadin, R. Kreutzer et Méhul).
Les Révolutionnaires n'ont pas eu le temps de développer de grandes théories esthétiques (encore moins de les enseigner !) – et la musique est de toute façon l'art où l'évolution est, par nature, la plus lente. À cela s'ajoute leur goût pour le pamphlet et la dérision. Aussi, ils se sont largement contentés d'attribuer des thèmes patriotiques à des formes existantes, comme l'opéra comique, qui doit toujours être naïf et divertissant, voire éducatif, mais exalter les nouvelles valeurs politiques à travers des figures un peu plus militantes que les meuniers et les puisatières. La musique sacrée disparaît et peut être remplacée par des sortes d'oratorios-ballets mélangeant allègrement figures allégoriques solennelles et silhouettes de militaires ou de gens du peuple au milieu d'hymnes au soleil levant et de danses villageoises, mais le langage musical et les genres canoniques ne sont finalement pas très profondément infléchis par le nouveau régime.
La rupture musicale que l'on observe au début du XIXe siècle est peut-être facilitée par l'atmosphère philosophiquement radicale qui entoure les musiciens, mais ses éléments préexistent en réalité largement : depuis la tragédie lyrique réformée de la génération Gluck, tous les grands compositeurs ont essayé des nouveautés (récitatifs accompagnés par les seuls vents pour le personnage d'Andromaque chez Grétry, chœurs polyphoniques complexes à l'acte I de Thésée de Gossec, quasi-récitatif continu pour Tarare de Salieri, etc.), et la rupture qui intervient dans les premières années du XIXe siècle a probablement plus à voir avec l'influence de la littérature (elle se produit d'ailleurs dans toute l'Europe, et d'abord en Germanie) qu'avec le régime politique spécifiquement français. Un sujet abordé un peu plus en détail dans cette notule de l'an dernier.
Les opéras comiques de la Révolution imitent donc la matière dramatique et la musique de la période d'Ancien Régime, et visent le même large public. Il s'agit de présenter de petites histoires plaisantes (farcies de caractères et/ou de quiproquos, comme dans L'Amant jaloux), et au besoin d'édifier (comme Richard ou Tell : aussi bien le dévouement exalté par l'intrigue que les petites moralités exprimées par les ariettes).
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3. La structure de Guillaume Tell
L'intrigue du Guillaume Tell proposée par Michel-Jean Sedaine (fameux librettiste ayant déjà collaboré avec Monsigny et Grétry pour plusieurs de leurs œuvres les plus populaires) reste très conforme à la légende – et organise assez largement le même matériau que celui, plus fameux (et ambitieux), de Rossini.
À l'acte I, divertissements villageois tandis que la noce du jeune Melktal s'apprête avec Marie, fille de Guillaume Tell. On vient apporter la nouvelle de la cruauté du Gouverneur Guesler qui pressure les pauvres gens d'impôts ; comme Melktal père, chef du canton, revenait de la perception avec quelques remarques respectueuses, Guesler se fâche et impose la salutation du chapeau qui symbolise le représentant de l'Empereur. Le vieux Melktal a exprimé son désir de ne jamais voir une telle humiliation, et Guesler a en conséquence ordonné de lui faire brûler les yeux au fer chaud. Guillaume Tell révolté, part pour la ville.
Acte II : Guillaume Tell est passé sans saluer le chapeau et a été arrêté. Lamentations du jeune couple. Guesler arrive furieux, et devant les plaintes de la foule et la suggestion de ses officiers de leur laisser voir l'adresse de Tell, propose l'épreuve infâme pour lui faire grâce à la condition de la pomme. Après l'exploit, Guesler veut le faire soldat et Tell refuse ; la flèche (ce n'est pas un carreau, Tell est archer dans cette version) sous sa chemise, destinée au Gouverneur en cas d'échec, tombe, et il est à nouveau arrêté.
Acte III : organisation de la révolte, réunion des cantons voisins, exhortations au courage par le vieux Melktal, bataille au cours de laquelle Tell doit percer Guesler pour sauver la vie de son gendre, hymnes à la Liberté. Sedaine avait même, en homme adroit, suggéré un addendum pour présenter ouvertement le pont vers le temps présent ; des Sans-culottes arriveraient sur scène pour dire aux Suisses, sur l'air des Marseillais :
Ô vous qui donnâtes l'exemple
Pour conquérir la Liberté !
Ne renversez jamais le temple
Que votre sang a cimenté.
Ne protégez jamais l'empire
Des rois, et de leurs attentats ;
Qu'ils ne dirigent point vos pas,
Et ne nous forcez point à dire : Aux armes ! Citoyens, &c.
Je n'ai pas vérifié si cela avait réellement été représenté (dans une orchestration de Grétry ?) sous cette forme. La seule version récente (Claudio Scimone à Liège, il y a un an) n'adopte pas cet état de la partition en tout cas.
(Il n'empêche, ce serait sympa à proposer, pouvoir faire chanter tout le public à la fin d'un opéra…)
Guillaume Tell est ainsi le pendant fidèle de Richard Cœur-de-Lion (déjà un livret de Sedaine, la commande n'est vraisemblablement pas un hasard) : dans l'opéra monarchiste, le dévouement est individuel en direction d'un souverain admirable et injustement mis en danger ; chez les Révolutionnaires, le héros n'est guère que l'aiguillon d'une œuvre collective, l'émanation d'un peuple entier qui protège les plus faibles. On remarque au passage que, si les sentiments peuvent nous paraître meilleurs, les moyens ne sont vraiment pas les mêmes : Blondel retrouve Richard en l'écoutant jouer du violon (du violon du XIIe siècle, évidemment) et le sauve dans une bataille où Richard combat sans armes et où ils se contentent d'abattre une muraille et de mettre en fuite les soldats, alors que Tell vient braver l'autorité dans son fief et triomphe en tuant le Gouverneur. La violence quasiment insoutenable du récit de la mutilation de Melktal (contrairement aux opéras comiques ordinaires, on a ici un événement particulièrement pesant et tout à fait irréversible, jusque dans la réjouissance finale) contraste avec la naïveté assez grotesque des ariettes de l'acte I et la fadeur de l'expression tout au long de l'œuvre. On sent bien l'impact de la guerre civile sur la façon de présenter des intrigues et d'exalter des valeurs.
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4. Sedaine anthologique : les rimes
Mais ce qui motive cette notule, ce n'est pas la musique ni même la qualité de l'œuvre (à part l'air de Guesler, jubilatoire, et quelques ensembles à l'acte II, rien de bien passionnant) : ce livret constitue un monument d'automatismes maladroits, de niaiserie consciente et éhontée. À tel point qu'on crève de rire devant – et je ne voulais pas vous laisser passer à côté de cette petite bénédiction zygomatique.
La saveur spécifique de Sedaine réside dans la langue même : syntaxe sommaire, vocabulaire le plus réduit possible, le tout au service d'un imaginaire typique de l'opéra comique, celui des gens simples des campagnes reculées, un peu frustes mais d'une innocence et d'une bonté parfaites. La parcimonie (voire la gaucherie) de l'expression de ces braves gens est en quelque sorte mise en parallèle avec leur pureté (des origines ?).
Aussi, et c'est volontaire – en tête de l'édition du livret en 1792, l'éloge funèbre initial à Laumière, auteur de la tragédie Guillaume Tell, en témoigne, composé en alexandrins dans une langue formelle qui n'a aucun rapport avec celle qu'il sollicite pour son livret –, Sedaine ménage très souvent des répétitions censées évoquer l'idiome simple et sans façon de ces héros campagnards. Grétry en tire d'ailleurs le meilleur parti, avec le langage musical qu'il utilise dans ses opéras comiques, sous forme d'ariettes très « Marie-Antoinette », adoptant la simplicité des chansons (avec quelques effets d'écriture ou d'orchestration de temps à autre).
Le tandem avait déjà adopté cette veine naïve pour Richard Cœur-de-Lion, mais ce n'est pas le style systématique de Sedaine, auteur par exemple du très dur livret du Déserteur de Monsigny – la candeur de l'expression demeure très conforme aux traditions de l'opéra comique, mais le sérieux du sujet et ses scènes déchirantes (les adieux d'Alexis dans le cachot de l'acte III) ne se prêtent pas du tout aux mêmes effets de babillage rustique que Richard ou Guillaume. De même pour ses nombreux travaux avec Grétry (Le Magnifique, Aucassin et Nicolette, Thalie au nouveau théâtre, Amphitryon, Le Comte d'Albert, Raoul Barbe-Bleue, puis dans leur période révolutionnaire Basile, ou À trompeur, trompeur et demi), qui s'inscrivent dans des genres très différents, auxquels Sedaine, sans se départir d'une certaine simplicité liée au goût du temps et au genre, s'adapte de façon assez souple.
En somme, si je vais me moquer, le choix de Sedaine (à défaut d'être heureux) est parfaitement conscient.
[[]] Extrait de l'acte II contenant les exemples ci-après. Version (la seule intégrale jamais captée, me semble-t-il) dirigée par Claudio Scimone à l'Opéra Royal de Liège en 2013 : Liesbeth Devos (Marie Tell), Anne-Catherine Gillet (Mme Tell), Natacha Kowalski (Guillaume Tell fils), Stefan Cifolelli (Melktal fils), Marc Laho (Guillaume Tell, le vrai), Lionel Lhote (Guesler), Patrick Delcour (Melktal père), Roger Joakim (le voyageur). Orchestre et Chœurs de l'Opéra Royal de Wallonie.
Observez la façon dont se bâtissent les systèmes rimiques :
Dans le chant des enfants de Tell, « s'intéresse » rime deux fois avec lui-même, pour des membres de phrases très peu développés – ce qui est traditionnel pour les ensembles à l'opéra, mais de là à constituer une rime à lui tout seul !
Là aussi, on voit bien que ces aimables helvètes ne sont pas allés au gymnase pour faire des humanités : faire rimer « fasse » et « satisfasse », c'est-à-dire le même radical (pas seulement en latin, en français aussi…), quelle erreur de profane !
(Je me demande – étant sudiste – si « grâce » et « fasse » sont bien le même [a], d'ailleurs. Un superligérien pour m'éclairer ?)
Je ne commenterai pas la cascade de réactions drolatiques – dans les Noces de Figaro, au moins, c'est assumé ; mais après tout Fidelio n'y échappe pas non plus. On pourrait aussi contester la rime à « comme », un peu trop Rostand pour du même-pas-XIXe, mais j'aime assez l'attente qu'elle suggère, très bien calibrée pour la situation.
En revanche on retrouve à nouveau Guesler en solo, où ses répétitions sont totalement exposées (cette fois dans une réplique solo, totalement exposé. Mais on se situe davantage dans le bégaiement (la rime du double « barbare » se fait plus loin avec « prépare », séparé par une répétition semblable de « qui »), mais ai-je la berlue ou « qui » rime avec « ici » et « merci » ? Ces braves gens ne sont pas pauvres qu'en deniers, à ce qu'il semble. « Tous » et « nous », « prix » et « précis » sont des facilités à la fin du XVIIIe siècle, où la finale n'était plus prononcée depuis longtemps, mais là, même pas de justification historique ou étymologique possible…
Suite du musée des horreurs. « Cours » et « secours », comme précédemment avec « fasse » et satisfasse ». « Effroi » qui rime avec lui-même. Et le comble est dans l'ensemble qui suit : Guillaume junior qui bidouille plein d'octosyllabes se terminant par le même mot, Marie (la fille) qui fait rimer « mère » avec « frère » (à côté, « amour » avec « jour » tiendrait de l'oulipo), et le peuple qui n'utilise que « mère »…
Ce ne sont pas que de méchants détails, tous les ensembles du II (et beaucoup d'ariettes du I), pourtant le seul moment vraiment dramatique, sont modelés par cette étrange paresse – alors que Sedaine produisait par ailleurs des alexandrins tout à fait réguliers. « Adresse » et « justesse » (deux noms avec la même suffixation) n'est déjà pas un chef-d'œuvre, mais entre « revois » qui tourne en boucle et « fort bien » qui rime avec « très-bien » (!), on est servi.
Fin de l'acte II. Ici, c'est la balourdise du lexique (syntaxe minimale, mais mots de la scène tragique qui s'amoncellent tout d'un coup) qui est très amusante.
Alors que Sedaine a suffisamment de mots pour sa rime, il trouve encore le moyen, pour sa conclusion, de faire évoluer ses vers en d'étranges répétitions.
Très bizarre, on a un peu l'impression d'entendre un opéra parodique qui placerait l'action dans un village de retardés…
(façon Ninnies de ''Yonderland'')
Cette accumulation (manifestement volontaire, en plus) crée un vague malaise amusé en contemplant le propre sabotage de son œuvre par l'auteur. S'il n'y avait le précédent de la niaiserie interstellaire de Richard Cœur-de-Lion, on aurait pu croire que, malgré ses dédicaces versifiées et enflammées, Sedaine n'aimait pas beaucoup la Révolution.
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4. Sedaine gaulois
Revenons à l'acte I. Tandis que la noce se prépare, un voyageur se présente à qui l'on offre l'hospitalité. Avant de partir, il entonne le chant suivant.
[[]] Les étranges dialogues emphatiques et distanciés de la mise en scène de Stefano Mazzonis Di Pralafera (qui utilise le texte de Sedaine, simplement raccourci) ; on pourrait croire que le ridicule achèverait de tuer la pièce, mais au contraire, cela contribue à une forme de bonne humeur : personne ne se ment sur l'ambition de ce qu'on entend. Ensuite, c'est Roger Joakim (le voyageur) qui chante notre petit air avec une voix d'une rondeur et d'une saveur gourmande dignes de Jean-Philippe Courtis. Orchestre et Chœurs de l'Opéra Royal de Wallonie, Claudio Scimone (un peu épais et pas très sensible au détail, mais là aussi, ce côté rétro un peu maladroit ne nuit pas au plaisir, bien au contraire).
Je laisse de côté la désinvolture de la versification — « voisin / pain », sauf à imiter l'accent des campagnes, était déjà une rime pauvre à la fin du XVIIIe siècle ; passe encore pour la facilité « j'ai d'la farine » (mal retranscrit dans ce livret), mais « voilà d'bon pain » était-il vraiment usité, même chez les simples ? On remarquera aussi le caractère très court des vers, là aussi pour favoriser une comptine aux segments verbaux et musicaux très courts (la mesure de Grétry est écrite à deux temps, en bonne logique).
Mais suis-je le seul à être troublé par l'étrange accumulation (dans un drame d'édification familiale, spécialité locale de l'Opéra Comique, à laquelle Guillaume Tell semble pourtant se rattacher) d'expressions particulièrement équivoques des deuxième et troisième couplets ? Avoir hâte que la voisine mette la main à la pâte (qui lève ensuite dans son four chaud), je veux bien ne pas être très dégourdi, mais il se me semble que je perçois comme une métaphore un peu trop évidente pour ne pas être volontaire.
Qu'à cela ne tienne, je me dis que je suis peut-être trop marqué par une époque où la parole est devenue désinvolte et la luxure ordinaire, où la décadence des mœurs déjà observée par les grands Romains atteint son point de non-retour, allant jusqu'à corrompre l'ingénuité de l'intuition du plus pur des êtres – moi, autrement dit.
Allons, sérieusement, comme les immortels auteurs de « Je crains de lui parler la nuit » pourraient-il commettre, sur la même scène et dans le même format, une vilenie de cette nature ?
Et puis j'arrive à l'ariette suivante.
Le jeu fils de Tell chante à son père la chanson des filles du village voisin, qui sont en train de s'approcher pour participer à la noce du jeune Melktal.
[[]] La sicilienne de « Noisette », avec Natacha Kowalski en Guillaume, le fils de (Guillaume) Tell — car ils sont semblables, Tell père et Tell fils. Toujours la soirée liégeoise de 2013.
Avec « Bonjour ma voisine », on crève de rire avec un peu de mauvaise conscience, en se disant qu'on exagère ; mais franchement, enchaîner avec cette leçon pas très délicatement métaphorique, ça jette tout de bon le trouble.
Certes, cette fois-ci, l'intention éducative est évidente (ce qu'on peut plus difficilement attribuer à l'ariette précédente), mais la proximité immédiate des deux numéros finit par rendre assez réceptif à l'hypothèse d'un Grétry grivois, surtout considérant la hardiesse inattendue de l'image des jeunes filles qui ne doivent pas cueillir trop tôt la noisette (qui pendouille sous la coudrette).
Je ne m'en suis pas remis (en plus « Bonjour ma voisine » reste merveilleusement dans la tête).
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5. Grétry orchestrateur
Sous son apparente simplicité (basse sur une seule note répétée ou en pédale continue, doublure de la ligne vocale par le hautbois, mesures alternant les 4 croches et la blanche), Grétry soigne les détails dans sa chanson du pain : opposition entre le « récit » au début de chaque strophe (4 croches - 1 blanche, doublure du hautbois) les apostrophes au voisin (cordes seules, tempo plus lent) et le refrain moralisateur (en croches et quelques doubles précipitées, accompagnement des hautbois, doublure du chant au piccolo – tenu à Liège par une grande flûte).
Voyez par exemple les respirations haletantes dansantes prévues pour les violons et altos (au lieu de croches continues), tout au long de la première partie de chaque strophe :
On trouve ce genre de délicatesse dans l'air de Guesler également, où les frottements de seconde font appel à un renfort de vents… on ne l'entend pas bien chez Scimone, mais pour d'Hérin (fourni en début de notule), le procédé est parfaitement mis en valeur (ritournelles conclusives).
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6. Discordances de Sedaine
En dehors l'amusement de ces ariettes, de l'ivresse de l'air de rage de Guesler et des assez beaux ensembles de l'acte II, l'œuvre ne mérite pas une attention majeure. Néanmoins, je ne peux pas vous laisser quitter ce lieu sans attirer votre attention sur les paradoxes une fois de plus troublant du bon père Sedaine.
Dans son Avertissement liminaire, il prend une position doublement à contrepied de son art qui ne laisse pas d'étonner.
D'abord, le réquisitoire contre les motifs et moralités de l'ancien temps quand, justement, il écrit une œuvre sur le modèle des opéras comiques qui ont fait la gloire du régime précédent, recommandant la discrétion aux filles, la générosité aux hommes, la piété aux enfants. Le sujet est certes différent politiquement, mais toute la philosophie du genre demeure la même (pour les raisons évoquées précédemment), autour de l'exaltation de la terre vraie et du conformisme sociétal qui n'était pourtant pas l'attitude la moins ci-devant qui soit.
Ensuite et surtout, on ricane gentiment en lisant l'exaltation des œuvres de « notre âge viril », de la part de quelqu'un qui vient de commettre « Noisette ».
Avec ça, vous pouvez courir trouver la bande vidéo de Liège (très réussie), ou vous estimer repu – il n'y a pas grand'chose d'autre à découvrir là-dedans. Vous pouvez aussi suivre les liens de la notule, autour des œuvres de Grétry ou de l'esthétique révolutionnaire en musique.
(En attendant de nous retrouver très vite pour d'autres émerveillements sublimes.)
Une liste brièvement commentée des écoutes de ces deux ou trois dernières semaines, sur le versant chambriste qui a beaucoup occupé les lutins de céans. Quelques recommandations d'indispensables de la musique de chambre.
Détail par là – dans chaque catégorie, les disques sont organisés par compositeur, eux-mêmes ordonnés par date de naissance :
L'œuvre, pourtant hautement considérée par musicologues et mélomanes, n'avait été donnée que deux fois en France depuis le XVIIIe siècle : en 1986 à Lyon par Gardiner (préludant à la seule intégrale, gravée en studio à Londres), et en 2005 par Rousset (une tournée qui passa aussi par Versailles, et qui fut diffusée par France Musique).
Jean-Marie Leclair est avant tout resté à la postérité en tant que virtuose du violon et compositeur révéré de musique de chambre (sonates avec basse continue et sonates en trio, en particulier). Très influencé par l'Italie, du point de vue harmonique mais aussi violonistique, il est peut-être celui chez qui cette empreinte est la plus évidente pour un public d'aujourd'hui : on y entendra beaucoup de traits « concertants » qui ne peuvent pas ne pas évoquer Vivaldi.
Pour autant, Leclair reste un compositeur français, et comme tel, maîtrise à merveille l'art des grands récitatifs de la tragédie en musique ; dans son unique ouvrage pour la scène, Scylla et Glaucus, les qualités dramatiques sont évidentes, malgré le livret bancal de d'Albaret — qui s'inscrit dans une période creuse pour le genre tragique lyrique : l'œuvre date de 1746, et la précédente création à l'Académie Royale de Musique remontait à 1739 (Dardanus de Rameau). Grand contraste avec le rythme annuel en vogue jusqu'au début du XVIIIe siècle : Lully aurait eu le temps d'écrire 7 ou 8 tragédies !
Il faut dire que l'espace et l'énergie étaient à l'époque largement occupés par les opéras-ballets en tout genre (pouah).
2. Fulgurances musicales
La partition de Leclair, est musicalement, l'une des plus belles réalisations de toute la tragédie en musique. Les récitatifs sont très brefs, mais osent des harmonies étonnantes (plus proches du Trio des Parques que du Rameau de croisière…), parfois sous forme de changements de couleur abrupts, très francs et spectaculaires ; ce ne sont pas les plus expressifs prosodiquement, mais leur caractère et leur galbe ne souffrent aucune critique.
Les danses, elles, sont probablement les plus belles de tout le répertoire français : elles occupent largement la moitié de la partition (si l'on y adjoint les autres divertissements, cela doit représenter des deux tiers aux trois quarts !), mais sont d'une prégnance mélodique et d'une netteté d'articulation hors du commun — pour chaque danse, différentes strates de l'orchestre appuient l'équilibre des pas, si bien que chacune est à la fois immédiatement identifiable et plus richement pourvue qu'à l'ordinaire.
Les parties de cordes sont particulièrement spectaculaires, dispensant à foison les traits violonistiques (arpèges, fusées…), mais toujours au service d'un effet théâtral, d'une ligne musicale supplémentaire, d'une pensée mélodique. De la grande musique, indubitablement.
Et cela n'empêche pas l'usage de vents solos dans les ariettes, parfois simplement avec la basse continue.
Voilà longtemps que je veux (depuis les débuts de CSS, plus ou moins, témoin ces antiques notules sur les sources et les versions discographiques) opérer un petit bilan sur les versions de Castor & Pollux de Rameau.
Le mieux étant l'ennemi du bien, la minutie de la tâche, pour laquelle j'ai pourtant effectué plusieurs fois les relevés, a toujours repoussé au lendemain la rédaction précise de l'écart entre les deux versions. Les deux états de la partition sont assez profondément distincts (ainsi que le livret de Gentil-Bernard) : il faut dire que le premier date de 1737, au début de la carrière opératique de Rameau ; le second est sensiblement plus tardif — 1754. À l'exception d'Harnoncourt (version non-philologique malgré les instruments anciens) et de Christie, aucune intégrale n'a été enregistrée à partir de la partition originale : Farncombe, Frisch (version de chambre), Mallon, Rousset (en DVD)… et sur les scènes, on ne voit guère aujourd'hui que la seconde :
¶ 2014 — Niquet au TCE, 1754.
¶ 2014 — Haïm à Dijon, 1754.
¶ 2014 — Pichon en tournée en France, 1754.
¶ 2011 — Haas à La Chaise-Dieu, 1754 en version de salon.
¶ 2011 — Rousset à Vienne, 1754.
¶ 2008 — Rousset (production Audi : Amsterdam, Essen, Luxembourg), 1754.
¶ 2007 — Gardiner à Pleyel, 1754.
(Ceci n'est pas exhaustif, mais assez représentatif de ce qui se joue en France ou sur les grandes scènes européennes.)
Je le déplore vigoureusement, mais avant d'en exposer les raisons précises, voici quelques différences fondamentales entre les deux versions.
La petite lumière éclatante au bout du long tunnel.
Plus exactement, il s'agit de Neptune et Thétis vus à travers une grotte (dessin de l'atelier des Menus Plaisirs à la plume, à l'encre noire et au lavis gris pour l'acte I des Noces de Pélée et de Thétis, non pas de Pascal Collasse mais de Carlo Caproli, comédie en musique créée à Paris en 1654, avant la naissance de la tragédie en musique), car l'iconographie offre surtout des exemples de palais infernaux, ce qui ne correspondait pas vraiment à mon sujet.
2. Structure
La version de 1737 contient un Prologue allégorique célébrant la Paix (assez loin du sujet de l'opéra, et plutôt dans le goût des Prologues vantant les victoires de Louis XIV), de la façon la plus banale, puis cinq actes :
Déploration sur la mort de Castor. Pollux dévoile son amour à Télaïre, fiancée de Castor.
Pollux demande à Jupiter de descendre aux Enfers.
Descente aux Enfers, suivi de son amante désespérée, Phébé.
Retrouvailles aux Enfers.
Castor retrouve Télaïre mais veut retourner prendre la place de Pollux ; finalement, Jupiter réunit les amants.
La version de 1754, sans Prologue, se déroule assez différemment :
Phébé confie son amour pour Castor. Télaïre doit épouser Pollux contre son gré et fait ses adieux à Castor. Mais Pollux, généreux, réunit les amants malgré son amour pour Télaïre. Lincée attaque la Cité et tous quittent les lieux en toute hâte pour se préparer au combat.
Déploration sur la mort de Castor. Phébé propose à Télaïre de renoncer à son amour, et sa magie sauvera Castor. Pollux promet de ramener Castor.
Pollux demande à Jupiter de descendre aux Enfers.
Descente aux Enfers, Pollux fait mieux que Phébé. Retrouvailles des frères.
Castor retrouve Télaïre mais veut retourner prendre la place de Pollux ; finalement, Jupiter réunit les amants.
Première remarque : 1754 est un peu bancal dramaturgiquement parlant, dans la mesure où il concentre deux actions majeures à l'acte IV : non seulement l'acte III, traditionnel pivot, n'est pas très dramatique, mais de surcroît, cela suppose un certain changement de décor au milieu de l'acte, ce qui est tout à fait contraire aux conventions et à l'équilibre d'ensemble. L'acte n'a plus une couleur harmonieuse, et fait se bousculer plusieurs épisodes fondamentaux.
3. Personnages
Je trouve la version de 1737 très touchante parce que Pollux, malgré toute sa générosité, doute de sa vertu : « Quand pour Lincée, il m'a laissé sa haine / Tout son amour pour vous a passé dans mon cœur ». Cette déclaration à Télaïre, juste après « Tristes apprêts », est glaçante : « Que faites-vous, ô Ciel ! Ces mânes vous entendent… ». L'acte II s'ouvre (contrairement à l'éloge de l'amitié en 1754) sur un beau balancement :
Jérôme Correas en Pollux de 1737, studio Christie.
Nature, Amour, qui partagez mon cœur,
Qui de vous sera le vainqueur ?
L'amitié brûle d'obtenir
Ce que l'amour frémit d'entendre ;
Et quelque arrêt que le Ciel puisse rendre,
Il va parler pour punir
L'ami le plus fidèle, ou l'amant le plus tendre.
Et, à la fin de l'opéra, la concession de ses faiblesses : « Tu me sacrifiais la Princesse qui t'aime ! / Quand j'ai volé vers toi, je fuyais ses mépris… ».
De même, les hésitations de Castor à redescendre, face à la souffrance de Télaïre, rendent les personnages beaucoup plus subtils : ils sont d'autant plus admirables que la victoire leur a beaucoup coûté.
En 1754, en revanche, Pollux apparaît pour la première fois, non pas pour séduire la fiancée endeuillée de son frère, mais pour renoncer immédiatement à ses prétentions. À la mort de Castor, il ne tente rien, mais va simplement se précipiter aux Enfers sur demande. Le petit monologue avant l'entretien avec Jupiter, qui remplace « Nature, Amour », est tout à fait limpide de ce point de vue :
Présent des Dieux, doux charme des humains,
Ô divine amitié! viens pénétrer nos âmes :
Les cœurs, éclairés de tes flammes,
Avec des plaisirs purs, n'ont que des jours sereins.
C'est dans tes nœuds charmants que tout est jouissance ;
Le temps ajoute encor un lustre à ta beauté :
L'amour te laisse la constance ;
Et tu serais la volupté
Si l'homme avait son innocence.
Tout est dit : plus aucune tension, les personnages sont bons, ils font tout bien, et ils sont récompensés. Il ne se passe à peu près plus rien, alors même que les éléments de l'histoire sont les plus paroxystiques possibles.
Par ailleurs, Phébé, en passant de l'amoureuse qui, désespérée, suit Pollux qu'elle aime dans les Enfers et, seule, ne peut en ressortir — ajoutant une nouvelle pointe d'inachèvement et d'injustice à un dénouement trop parfait —, devient une amante éconduite de Castor, une méchante sorcière dont le pacte avec Télaïre ne sert absolument à rien dans le livret (puisque c'est Pollux qui descend victorieusement) : beaucoup plus banale, une Circé, une Médée de seconde zone.
4. Moments forts musicaux
L'Ouverture, les chœurs de déploration et « Tristes apprêts » (que je trouve plus fort en 1737, dans son grand écrin de récitatifs inspirés), l'air des Enfers « Séjour de l'éternelle paix », la chaconne finale sont identiques.
Le grand ensemble des Enfers est un peu différent .
Les retrouvailles des frères sont un peu plus longues (et plus subtiles) dans la version de 1737, puisque Pollux avoue « Un autre que Lincée a soupiré pour elle / [...] Ne le hais point ; c'est un rival qui t'aime / Et qui s'est immolé lui-même ».
1737 contient seul :
un Prologue (sans grand intérêt) ;
davantage de récitatifs ; très soignés musicalement, avec de jolies modulations, et littérairement sans comparaison mieux écrits que les ajouts de 1754 ;
« Nature, Amour, qui partagez mon cœur » (acte II)
« Tout cède à ce héros vainqueur », récitatif désespéré de Phébé, rejetée des Enfers, qui clôt en un coup de vent dramatique l'acte III : « « Pour aller jusqu'à vous, s'il ne faut que des crimes, / Mon désespoir m'ouvrira vos abîmes ».
1754 contient seul :
« Amour, as-tu jamais / Lancé de si beaux traits ? », ariette légère de Castor après la promesse de noces à l'acte I ;
les fanfares guerrières à la fin de l'acte I ;
l'air de l'Athlète aux jeux funèbres de l'acte II (déjà présent en substance en 1737, mais beaucoup plus spectaculaire dans la refonte de 1754).
Reinoud van Mechelen en Athlète de 1754 dans la production en cours au Théâtre des Champs-Élysées, dirigée par Hervé Niquet.
En tant que spectateur, on a sans doute tendance à faire trop confiance à ses goûts : j'étais déçu de la saison de l'Opéra de Paris (je vais même probablement faire le voyage à Lyon pour voir Rusalka, plutôt que la production locale !), mais en fin de compte, il y a tellement à faire qu'on est bien content que toutes les salles ne proposent pas la même densité que Versailles en chefs-d'œuvres incontournables ou que l'Athénée en dispositifs intrigants.
On se retrouve d'ailleurs face au choix d'explorer à fond un domaine qui nous plaît — dans ce cas, en voyageant un tout petit peu, rien qu'en France, on peut être comblé ! — ou de varier les plaisirs (dans ce cas, le temps manque rien qu'à Paris). Je suis plutôt dans la seconde perspective (il y aura donc Decaux, Menotti, Uthal, Amendoeira et Bobby & Sue), mais pour ceux qui souhaitent plutôt approfondir la première, voici de quoi vous occuper un peu l'année prochaine.
Comme l'an passé, en gras les œuvres peu données et particulièrement intéressantes, en souligné les distributions très alléchantes.
La brochure de l'Opéra-Comique est disponible en avance (format pdf), dès ce soir, sur le site de l'institution.
Assez peu de concerts dans cette saison du tricentenaire, mais côté drames scéniques, au moins deux monuments immenses, jamais documentés intégralement au disque et excessivement rares sur scène !
Dessin (plume, encre noire, lavis gris, traces de pierre noire) de Jean Berain, représentant une « forge galante », probablement pour le Prologue de L'Europe galante d'André Campra sur un livret d'Antoine Houdar de La Motte, acte de naissance de l'opéra-ballet.
1710 – André Campra – Les Festes Vénitiennes
Attentes
J'avais un peu maugréé lorsque Hervé Niquet avait choisi le Carnaval de Venise, au titre certes plus vendeur, mais sans la même fortune critique chez les contemporains de Campra, et surtout avec un librettiste pas du tout de la même trempe qu'Antoine Danchet. Voilà à présent ce manque documentaire réparé, et avec une équipe de tout premier plan : Les Arts Florissants, William Christie, Robert Carsen, Emmanuelle de Negri, Cyril Auvity, Reinoud van Mechelen, Marc Mauillon...
Les Festes Vénitiennes ont été un succès immense, une grande date dans l'histoire de la scène lyrique française. Il s'agit de l'une des œuvres les plus reprises de toute façon l'histoire de l'opéra français avant la réforme gluckiste : outre les Lully qui se taillent la part du lion, seuls L'Europe Galante de Campra, Issé de Destouches, Tancrède de Campra et Les Nopces de Thétis et de Pélée de Collasse connaissent davantage de reprises au cours du XVIIIe siècle. Ce phénomène a déjà été évoqué, et vous pouvez le comparer à la liste complète des œuvres scéniques de première importance données dans ces années à Paris et dans les résidences royales.
L'œuvre appartient au genre de l'opéra-ballet, dans cette période étrange qui voit s'affirmer simultanément la tragédie la plus radicale et la galanterie de l'opéra à entrées – l'opéra-ballet étant conçu comme une suite de tableaux plus ou moins indépendants. Beaucoup de compositeurs (dont Campra et Destouches) ont contribué à la fois aux deux genres, et en entrelaçant les deux types de production au sein de la même période.
Bien que je trouve personnellement le premier genre infiniment plus intéressant – on y trouve les plus beaux jalons de toute la tragédie en musique, Médée de Charpentier, Énée et Lavinie de Collasse, Didon de Desmarest, Idoménée et Tancrède de Campra, Callirhoé et Sémiramis de Destouches, Philomèle de La Coste, Pyrame et Thisbé de Francœur & Rebel... –, force est d'admettre que les tragédies post-lullystes ont surtout rencontré des semi-succès ou des échecs, à commencer par les plus audacieuses d'entre elles. En revanche, le public raffolait de ces ballets dramatiques que l'on associe d'ordinaire plutôt à la troisième génération de tragédie lyrique (celle de Rameau et Mondonville), écrites au même moment par les mêmes compositeurs.
Fait amusant, la prermière des Festes Vénitiennes était précisément dirigée par... Louis de La Coste, le compositeur d'un des livrets les plus horrifiques de toute la tragédie en musique.
L'œuvre n'a été redonnée qu'une fois sur instruments anciens, par Malgoire en 1991 (avec Brigitte Lafon, Sophie Marin-Degor, Douglas Nasrawi, Glenn Chambers ; mise en scène de François Raffinot). Hugo Reyne a fait le Prologue seul, Le Triomphe de la Folie sur la Raison dans le temps de Carnaval, en 2010, à La Chabotterie et à Versailles. Des extraits ont été enregistrés par Gustav Leonhardt (1995 ?), en couplage avec son Europe galante.
Bref, ce n'est pas forcément ce que j'ai le plus envie d'entendre, alors que les tragédies lyriques de tout Collasse et La Coste, sans parler des compositeurs moins illustres et des compositions restantes des plus célèbres, restent à réveiller... mais c'est un témoignage capital si l'on s'intéresse à la musique baroque française. Et confié à ceux qui servent le mieux cette musique de ballet : Les Arts Florissants.
Retour d'expérience
… suite à la représentation des Fêtes Vénitiennes à l'Opéra-Comique, le 26 janvier 2015 (première).
Je ne vais pas proposer une notule rien que pour cela, parce que tout était merveilleux, si bien qu'accumuler les superlatifs aurait peu d'intérêt. En outre, la spectacle sera visible dans deux jours sur CultureBox, si bien qu'il deviendra universellement accessible et qu'il sera peu nécessaire d'en faire la présentation pour les absents. Néanmoins, quelques éléments supplémentaires à ajouter à l'énoncé des attentes préalables, une fois la représentation passée.
Robert Carsen et son équipe tirent très habilement parti des clichés d'une Venise de fantaisie : dans les œuvres psychologiques, leurs jeux formels manquent parfois de réel propos, mais dans un opéra-ballet à entrées, avec de micro-intrigues et beaucoup d'effets visuels nécessaire, leur art consommé des jeux scénographiques en fait les meilleurs prétendants possibles.
Sans aucune fausse prétention à la finesse, tout y passe : les touristes, les habits de doge, les dominos noirs, les robes-tables de jeu pas nettes, les coulisses et miroirs, les gondoles à gambettes…
L'œuvre s'y prête très bien. Grand moment d'hilarité lorsque paraissent, dans l'opéra pastoral qui clôt l'œuvre, des danseurs figurant des moutons grâce à des perruques XVIIe… très semblables à celles utilisées dans l'Atys de Villégier ! La pièce se jouait dès sa création en quatre entrées (incluant le Prologue, parfois remplacé par une simple entrée), variées au cours de son vaste succès : de nouvelles ont été composées, et leur ordre chamboulé.
Le Prologue « Le Carnaval et la Folie » conte, d'une façon qui deviendra par la suite un lieu commun de la scène lyrique, la victoire de la Folie sur la Raison (en temps de Carnaval). Seul trait rarement vu, la présence de deux philosophes, Démocrite (haute-contre !) et Héraclite (basse-taille), sortes de suivants de la Raison (qui chante elle aussi). Pour la suite, trois entrées dans la version originale de juin 1710:
La Feste des Barquerolles, compétition de gondoliers ;
Les Sérénades et les Joueurs qui s'achève au Ridotto du Palazzo San Moisè (appelé « la Ridote » dans le livret) ;
L'Amour saltimbanque, sur la place Saint-Marc.
Le succès conduisit à ajouter de nouvelles entrées dès 1710 :
La Feste marine
Le Bal ou le Maître à danser
Les Devins de la Place Saint-Marc
L'Opéra ou la Feste à chanter
Le Triomphe de l'Amour et de la Folie
En 1729, une Cantate préalablement écrite fait office d'entrée ; en 1731, Le Jaloux trompé, remaniement d'une entrée composée pour complément les fameux Fragments de M. de Lully (1703, succès considérable pour le goût nouveau des divertissements à entrées). La dernière reprise complète (avant l'exhumation au XXe) a lieu en 1759, et l'œuvre est donnée par extraits au moins jusqu'en 1762, bien après la mort de Campra (1744) et Danchet (1748).
Outre le Prologue, la sélection faite par William Christie ne contenait trois entrées de 1710, dont une seule tirée de la première version de l'œuvre :
Le Bal ou le Maître à danser
Les Sérénades et les Joueurs
L'Opéra ou la Feste à chanter
Le Bal, sur fond de travestissement alla Marivaux (le puissant se déguise en valet pour éprouver l'amour de sa soupirante, mais ici les rangs sont bouleversés, et il aime bel et bien une petite servante), sert surtout de support à la joute jubilatoire entre le Maître de Musique et le Maître à Danser, dont les arguments sont soutenus par autant de citations du répertoire. On y retrouve notamment deux des moments les plus célèbres et spectaculaires de la tragédie en musique : la tempête d'Alcyone et les songes agréables & songes funestes d'Atys. D'autres citations parcourent l'œuvre, comme un pastiche frappant de l'Ouverture d'Atys en guise d'intermède dans l'entrée de « L'Opéra ou la Fête à chanter », des emprunts à Issé de Destouches (Sommeil et Scène d'après nature), autre immense succès, voire une basse obstinée très parente de celle des chaconnes du début du XVIIe italien (Merula, Rossi…)
Les Sérénades et les Joueurs met en scène un séducteur basse-taille, chose rare (le précédent lullyste, Roland, et son décalque Alcide dans Omphale, était surtout des guerriers : amoureux mais éconduits), mais que Campra aimait manifestement beaucoup (témoins le rôle-titre Tancrède et Pélops dans Hippodamie).
Tableau délectable, où deux femmes séduites, jalouses et suspicieuses, se rendent compte, dans une rue de Venise, qu'elles sont en réalité trompées pour une troisième (qui, elle, chante en italien !). Les scènes d'affrontement entre femmes ou avec l'amant sont assez électrisantes, remarquablement taillées par le grand librettiste qu'est Antoine Danchet, plutôt passé à la postérité pour ses œuvres sombres et sérieuses comme Tancrède et bien sûr Idoménée (le livret de l'Idomeneo de Mozart, une fois dûment ratiboisé par Varesco pour en faire un seria insipide, est directement emprunté à Danchet).
L'amant tancé reçoit donc le conseil d'aller plutôt taquiner la Fortune (dans toute son ambiguïté) au Ridotto (ouvert, ce n'est pas une coïncidence, pendant le… Carnaval de 1638) où s'achève l'entrée, dans un court second tableau.
Enfin L'Opéra ou la Fête à chanter nous gratifie d'un plaisant dispositif de théâtre dans le théâtre, où l'amour hors scène culmine dans un enlèvement pendant la représentation (où Borée s'empare de Flore), avec un panache romanesque digne… de la réalité (certes ultérieure).
La semi-parodie d'opéra pastoral est sans doute un peu plus difficile à digérer aujourd'hui, car elle est plus difficile à goûter autrement qu'au second degré, contrairement aux autres parties de l'œuvre.
Le plus étonnant est en réalité que la musique de Campra est d'une constante richesse et d'une très grande qualité : pour un opéra-ballet, on n'y entendra que très peu de remplissage pittoresque. La plupart des divertissements servent l'action, et les canevas sont très divers et virtuoses par rapport à l'usage du temps — et même des périodes ultérieures.
Je n'en attendais pas beauccoup sur ce plan, n'étant pas particulièrement friand de ce genre assez décoratif, et je dois admettre avoir été très impressionné.
Cette variété doit beaucoup aussi à William Christie et aux meilleurs talents des Arts Florissants (pardon pour les autres, mais Thomas Dunford et Béatrice Martin étaient dans la fosse !). Comme pour son second Atys, le parti pris est clairement celui de la grande diversité de procédés, dans une richesse exubérante qui me paraît plus contemporaine qu'authentique (les alternances de pupitre, les doublures des violons par l'aigu du clavecin, le grand nombre d'effets de textures et d'essais d'alliages… tout cela est très mobile et très « écrit », finalement, pour ce type de musique)… mais autant pour Atys on pouvait sentir que l'intensité du drame supportait facilement plus de sobriété, autant ici, cela sert au contraire l'exubérance des thématiques sollicitées par le librettiste et le compositeur : difficile d'en exalter mieux l'esprit versatile.
Quant au chant, il est inutile de détailler, les noms parlent d'eux-mêmes, c'est le meilleur du chant baroque qui défilait. Même des chanteuses dont j'ai plusieurs fois souligné l'émission ronde, voire la prosodie et l'expression un peu prudentes, comme Émilie Renard, Élodie Fonnard ou Rachel Redmond, donnaient ici au contraire le sentiment d'une appropriation complète du texte et de la musique entrelacés. [J'en profite pour recommander avec la dernière vivacité le disque d'airs de Kapsberger de Redmond, dont je n'ai pas eu encore le temps de parler, et qui est l'un des plus beaux jamais publiés dans ce répertoire.] Cyril Auvity, Marc Mauillon (toujours la même clarté fulgurante, mais plus guère de métal superflu, et plus le moindre maniérisme), Emmanuelle de Negri (d'un abandon verbal remarquable, et beaucoup plus finement focalisée qu'autrefois, presque tranchante) m'apparaissent même au sommet de leurs moyens, de leur carrière, de leur style et de leur inspiration, de grandes figures dont on évoquera avec mélancolie le souvenir dans quelques années, comme celui d'un Âge d'or…
Pour que des musiciens dont les standards sont si élevés puissent encore surprendre en bien, pour qu'un ballet à entrées soutienne à ce point l'intérêt scénique, et pour qu'une musique de ballet puisse à ce point d'épanouir indépendamment même du visuel… on assiste à un petit miracle.
Pas besoin de publier d'extraits, mais ne le manquez pas sur CultureBox lorsqu'il y paraîtra.
1829 – Ferdinand Hérold – Le Pré aux clercs
Il a déjà été amplement question de Zampa ou la Fiancée de marbre, que je tiens pour le chef-d'œuvre de son auteur :
¶ Structure.
¶ Un peu de musique et distribution de la version donnée dans la même maison.
¶ Une parodie de Don Giovanni.
¶ ... vu sous l'angle de l'humour en musique.
¶ « Comique mais ambitieux » : une plus vaste évocation des finesses musicales de la partition.
Mais le Pré aux clercs n'est pas en reste, et vaut bien davantage que les meilleurs Boïeldieu ou Auber. La seule notule qui lui est consacrée à ce jour l'est vraiment par le petit bout de la lorgnette, il faudra remédier à cela.
Intrigue virevoltante tirée de la Chronique du règne de Charles IX de Mérimée, musique assez rossinienne (mais plus variée et raffinée), très positive, ne dédaignant cependant pas la mélancolie ou la poésie. Si l'on aime la Dame Blanche de Boïeldieu, c'est comparable, mais sans les baisses de qualité – les scènes continues et les ensembles sont le point faible de Boïeldieu, mais le point fort d'Hérold. Deux disques d'extraits ont été disponibles par le passé (l'un avec Pasdeloup, l'autre avec Radio-Lyrique), absolument épuisés aujourd'hui ; il faut peut-être tenter en médiathèque.
Sinon, quelques rares bonnes représentations ont eu lieu (en particulier Serebrier à Londres, au début des années 90), les bandes radio sont parfois trouvables. Malheureusement, la plupart des documents sont bidouillés, puisque le monde musical (metteurs en scène inclus) ne sait manifestement jamais quoi faire des dialogues parlés dans ce type de répertoire, et particulièrement face à un public non locuteur...
L'Opéra-Comique frappe fort sur ce titre : je ne peux pas préjuger de la direction de Paul McCreesh que je ne crois jamais avoir entendu dans ce type de répertoire (à peu près dans tous les autres, en fait, mais pas dans celui-là...), en revanche la distribution impressionne par son calibrage parfait.
=> Marie-Ève Munger, une Lakmé (gros succès à Saint-Étienne tout récemment), pour le rôle de soprano colorature d'Isabelle Montal.
=> Jaël Azzaretti, profil un peu plus léger et étroit, pour le rôle de second (semi-)comique de Nicette.
=> Michael Spyres (Mergy), à la fois souple et héroïque, grand maître de ces rôles paradoxaux du répertoire français.
=> Emiliano Gonzalez-Toro pour le ténor grave Comminges, choix astucieux que ce timbre étrange et ce petit accent pour terrifiant bretteur.
=> Éric Huchet pour le ténor bouffe Cantarelli, du grand luxe – seul risque, qu'il couvre les autres, notamment dans le grand trio de ténors final.
=> Les chœurs, qui ont de belles parties intégrées à l'action, avec Accentus, une bénédiction à chaque fois.
Extrait d'une version inédite de la BBC enregistrée en 1987, le final mis en ligne sur la chaîne de CSS il y a quelques années (attention spoiler !) :
BBC 1987 — Nan Christie (Marguerite de Navarre) — Carole Farley (Isabelle) — Marylin Dale (Nicette) — John Aler (Mergy) — Paul Crook (Comminge) — Stephen Richardson (Girod) — BBC Symphonic Orchestra & Choir — direction José Serebrier
Et puis
Mais ce n'est pas tout. Parmi les choses sympathiques :
La saison des frimas peut-elle nous offrir
Les fleurs que nous voyons paraître ?
Quel dieu les fait renaître
Lorsque l'hiver les fait mourir ?
La période semble être propice à la publication très concentrée des grandes soirées lyriques du moment. Petit tour d'horizon pour que vous en manquiez le moins possible.
¶ Niobé de Steffani, un opéra seria complet du dernier compositeur mis à l'honneur par le traditionnel album de fin d'année de Bartoli. Par les forces du Festival de Boston : O'Dette et Stubbs dirigent, tandis que Karina Gauvin, Philippe Jaroussky et Terry Wey chantent ! http://liveweb.arte.tv/fr/video/Niobe/
Musique de l'ère classique
¶ Les Danaïdes à l'Opéra Royal de Versailles, un des plus hauts chefs-d'œuvre de Salieri et de la tragédie lyrique réformée. Une belle version qui tient assez bien ses promesses, sans les défauts qu'on pouvait redouter (mollesse de Rousset dans un opéra où la trépidance fait tout). Tassis Christoyannis n'a jamais été aussi électrique, vocalement et dramatiquement. http://fr.medici.tv/#!/les-danaides-salieri-les-talens-lyriques-opera-royal-de-versailles
¶ L'Africaine de Meyerbeer à la Fenice. L'exécution n'en est pas merveilleuse (français très moyen, voix très couvertes qui manquent de clarté et de fraîcheur pour ce répertoire), mais tout de même solide, plutôt meilleure que la moyenne des autres captations de l'œuvre. Ensuite, comme il s'agit du seul opéra français de Meyerbeer et d'une des très rares œuvres de Scribe sans une once d'humour, un côté choucroutisant affleure dangereusement, même s'il demeure plutôt à la pointe de son époque.
En l'absence d'édition critique et d'exécution non-post-brucknérienne, on peut avoir l'impression d'écouter le Klagendelied de Mahler ou les Gurrelieder de Schönberg : un truc assez moderne, contenant quelques bijoux, mais quand même à peu près inécoutable dans sa continuité. Par ailleurs, Kunde, qui promettait beaucoup, s'est manifestement abîmé sur d'autres œuvres lourdes et centrales : les harmoniques hautes ont disparu, donc il doit forcer pour monter et se faire entendre, ce qui engendre un gros vibrato très disgracieux et assez instable.
Néanmoins, l'objet est suffisamment rare pour mériter l'attention, en attendant la parution chez CPO d'une version (sans doute pas idéalement linguistiquement et stylistiquement) originale de l'œuvre, sous le titre Vasco de Gama. http://www.medici.tv/#!/l-africaine-meyerbeer-opera-la-fenice
¶ Tous les milieux glottophiles bruissent des débats autour de La Traviata de Verdi, mise en scène par Dmitri Tcherniakov à La Scala – et, devant un public qui a ses habitudes, forcément conspuée. À vue de nez, considérant quelques brefs extraits, ça semble assez écoutable et regardable, mais je laisse les lecteurs de CSS m'informer sur le sujet... dans cette ample liste, ce n'est certainement pas la vidéo prioritaire. http://liveweb.arte.tv/de/video/La_Traviata_in_der_Mailander_Scala/
¶ Par ailleurs, Arte Live Web a proposé, pendant toute l'année 2013, une intégrale vidéo des opéras de Verdi, à partir des productions les plus récentes (pour la plupart italiennes). Par nature, forcément inégale, mais c'est l'occasion inespérée de voir Un Giorno di Regno, Il Corsaro ou Alzira en vidéo, et plusieurs de ces titres sont remarquablement chantés : le Falstaff de Modène est complètement idéal, les Vespri Siciliani et le Stiffelio de Parme très bons, le Don Carlo de Modène et l'Aida de Parme tout à fait valables, et puis l'Otello de Salzbourg et le Trovatore de Parme très prestigieux. Il faut se presser un peu en revanche : les premières vidéos sont déjà hors ligne. Commencez donc par les plus anciennes... http://www.arte.tv/sites/fr/verdi/
¶ Hamlet de Thomas (liste des notules de la série de CSS) à la Monnaie, par Marc Minkowski et Olivier Py.
La distribution d'origine était tout simplement idéale : Stéphane Degout en alternane avec Franco Pomponi (Hamlet), Sonya Yoncheva en alternance avec Rachele Gilmore (Ophélie), Jennifer Larmore en alternance avec Sylvie Brunet (Gertrude), Bernard Richter en Laërte, et même Henk Neven en Horatio et premier fossoyeur ! Le pauvre Jérôme Varnier, grand phraseur et voix édifiante, qui pourrait tenir Claudius avec bonheur, se trouve encore cantonné dans les spectres aphoristiques... il faut dire que dans ces rôles-pivots, il est tellement bon, qu'il est un peu facile de l'appeler à la rescousse, tandis qu'on trouve plus facilement des basses nobles ou chantantes pour Claudius (en l'occurrence, un baryton-basse, Vincent Le Texier, a fait l'affaire). Il est vrai qu'en l'occurrence le déclin de la voix devient un peu audible, et que l'aigu s'est largement glacé, mais c'est un constat de sous-distribution qu'on peut faire pour toute sa carrière.
Mais Yoncheva a été remplacée par Lenneke Ruiten (la voix sonne sans doute un peu âgée pour Ophélie, mais le timbre évoque avec force le meilleur de la tradition française, d'Andrea Guiot à Ghyslaine Raphanel), et Bernard Richter par Rémy Mathieu – choix astucieux : une bonne diction, une voix mixée et pourvue des mêmes accents étranges, même si l'instrument n'est pas aussi glorieux.
La distribution proposée dans la vidéo, avec Degout et Brunet, est l'inverse de ce que j'aurais choisi (il est vrai cela dit que le statut médiatique et la différence de projection de Degout, ainsi que l'absence de documentation de Brunet, le justifient assez bien) ; mais faute d'avoir Yoncheva, je suis content d'entendre Ruiten plutôt que Gilmore – étant entendu que toutes les combinaisons faisaient envie, en fait. http://culturebox.francetvinfo.fr/hamlet-au-theatre-royal-de-la-monnaie-146449
La mise en scène de Py est plutôt réussie (avec plein de réserves personnelles sur sa lecture, mais dans un ensemble cohérent et soigné), et la direction de Minkowski est remarquable, parmi ce qu'il a fait de mieux dans le répertoire du XIXe : animée, colorée, mais sans sècheresse comme ses Wagner ou ses premiers Meyerbeer, n'exaltant pas les coutures comme dans ses Huguenots, et ne refusant pas le lyrisme (« Doute de la lumière » s'épand sans retenue ni raideur, l'expansion d' « Ombre chère »). Les soli sont magnifiques (hautbois en particulier, un instrument qu'il met toujours en valeur comme personne), le sens de la texture dans les moments de mystère forcent l'admiration.
Plutôt agréablement surpris par Degout, Hamlet peu sympathique qui se défend assez bien, et qui semble sensiblement moins mûr ou métallique que j'aurais pu le craindre ; Ruiten, Brunet, Mathieu sont admirables, pour diverses raisons, mais tous bien dits, engagés, pourvus de timbres agréables... et d'une manière générale très congruents avec le style et leurs personnages. Grande version, à mettre aux côtés des réussites de Plasson (nombreuses distributions), Billy ou Langrée, notamment.
Après s'être promené du côté du contexte général (Spontini de son temps et aujourd'hui) et du livret, il est temps de parler plus précisément de la musique.
Au passage, l'occasion faisant le ladre, vous pourrez voir l'œuvre dans la production actuelle du Théâtre des Champs-Élysées ce soir en direct, à 19h30, sur quatre sites :
L'occasion de vérifier les pistes proposées dans cette notule.
4. Une musique médiocre, mais partiellement nouvelle : entre tragédie lyrique et seria
Dans ce cadre peu allant, Spontini écrit une musique qui descend pour partie de la tragédie gluckiste (avec sa simplicité hiératique), mais à laquelle s'ajoute un tropisme italien évident (avec sa simplicité au service de la voix). Les airs en particulier, comparés à la tradition française, sont longs et très lyriques, confinant au belcantisme malgré des sections très dramatiques et déclamatoires. On dispose ainsi de deux traditions conjointes qui convergent vers une certaine nudité, d'où l'impression sans doute de quasi-dénuement.
Leur influence peut être simultanée, comme dans « Toi que j'implore avec effroi », l'air de Julia à l'acte II : les longues lignes destinées à flatter la voix alternent avec des éclats purement récitatifs, et la forme générale de l'air est assez mouvante, organisée par épisode – on peut le rapprocher de l'air de Philippe II dans Don Carlos de Verdi, par exemple. À l'inverse, l'air de Cinna « Ce n'est plus le temps d'écouter / Les vains conseils de la prudence » est formé sur le patron du seria de l'air classique ; on y entend un peu de vocalisation (rare en France à cette époque, pour un grand air), et des couleurs harmoniques très proches du Mozart de La Clémence de Titus ou du Grétry de Céphale et Procris.
Entre mélange et segmentation, les influences contradictoires parcourent tout l'ouvrage – sans donner une impression globale de disparité néanmoins, car le style de Spontini est formé de ces contraires qui se rejoignent dans le dépouillement.
5. Moments forts
Cela étant, il n'y a pas de véritable enrichissement des styles précédents : l'aspect général est un peu renouvelé, mais rien de profondément neuf n'affleure. J'ai déjà dit mon peu de conviction pour cette musique, aussi, au lieu d'insister sur ses manquements, je voudrais relever quelques beaux moments.
=> D'abord les airs de Julia , surtout les deux premiers (« Ô d'un pouvoir funeste... Licinius je vais donc te revoir » à l'acte I et « Toi que j'implore avec effroi » à l'acte II). Les deux suivants (« Ô des infortunés déesse tutélaire », à la fin de l'acte II, ancien hit célèbre dans sa version italienne « O nume tutelar » ; et « Un peuple entier... Toi que je laisse sur la terre » à l'acte III) sont davantage uniformément belcantistes, et m'intéressent un peu moins. Dans ces deux premiers airs, la beauté des mélodies discrètes et le geste dramatique forcent l'admiration, particuièrement dans celui qui ouvre l'acte II, grande scène qui pourrait quasiment tenir lieu de cantate.
=> À peu près tous les finals de foule (en particulier au I et au II) sont remarquablement réussis, avec plusieurs strates d'expression simultanées, une façon de faire qui est assez neuve, surtout pendant des durées aussi étendues. On en trouve des prémices dans le premier acte du Thésée de Gossec (cf. extrait sonore), mais il s'agit d'une musique ponctuelle, à usage dramatique (superposition de l'en-scène et du hors-scène), et non d'une forme musicale complète comme l'est le final. Côté italien, la chose existe depuis plus longtemps (voir les finals dans les Da Ponte de Mozart), mais ce final de foule tel que réalisé par Spontini, avec geste ample et chœurs obligés, sera l'une des caractéristiques de l'opéra romantique.
Plus étonnant encore, le début du final du I évoque l'écriture virevoltante des ensembles du Cellini de Berlioz, même si son modèle doit plutôt être à chercher du côté du buffo italien. Les ballets qui terminent chaque acte, sans être de la grande musique, ne sont pas mauvais non plus, et remplissent très agréablement leur fonction divertissante.
=> Enfin, j'aime beaucoup l'introduction orchestrale méditative de l'acte II, qu'on sent très soignée, qui cherche vraiment une couleur spécifique, évoquant la nuit et le mystère mystique – très loin des atmosphères stéréotypées de l'opéra italien, ou même des formules récurrentes de la tragédie en musique.
Les chœurs sont en général assez soignés, avec de jolies appoggiatures (petits frottements qui anticipent les accords suivants), parfois sur plusieurs accords de suite – autre trait dont l'audace se développe à l'ère romantique.
En revanche, les récitatifs ne sont pas meilleurs en vrai, toujours aussi fades, massifs et empesés. Ils ne sont sans doute pas étrangers à l'impression de longueur générale.
6. Premiers effets romantiques...
J'aurais du mal à étiqueter la Vestale stylistiquement : par tradition, on l'assimile au romantisme, et c'est peut-être la couleur qui domine... mais il reste tellement de ce qui précède, et l'ouvrage est finalement si peu différent des tragédies en musique de la fin du XVIIIe... On se trouve réellement sur la charnière, au même titre que pour les opere buffe de Rossini qui nous paraissent romantiques, mais construits et écrits très largement comme du Mozart...
À défaut de trancher un débat qui ne porte que sur des étiquettes – il y a forcément des transitions, et nous sommes totalement dedans, Fernand Cortez est déjà beaucoup plus décidément romantique, jusque dans son sujet –, je propose d'aller regarder un peu ce qui change dans La Vestale et annonce les procédés romantiques à venir.
=> Des bouts de crescendos rossiniens dans les finals. Des formules cycliques ou des marches harmoniques (même musique qui remonte la gamme par crans), peut-être prévues (les chefs le font, mais ce n'est pas noté explicitement) pour être amplifiées progressivement. Certaines sont assez longues. [Pour mémoire, Rossini a quinze ans lors de la création de La Vestale en 1807, et ne commence sa carrière scénique qu'en 1810.]
=> Beaucoup de réponses en imitation dans les ensembles, d'une façon qui n'est plus seulement classique (question-réponse, écho...), mais simultanée, superposée, beaucoup plus proche de ce qu'en font les romantiques. On en trouve un peu dans le final de l'acte I de La Clemenza di Tito (version Mozart), mais tel qu'utilisé par Spontini, il est davantage parent des Huguenots de Meyerbeer.
=> Et puis par moment, comme dans le grand duo d'amour de l'acte II, on entend des phrases parentes de Hérold (scènes amoureuses de Zampa), de Bellini (duos Norma-Adalgisa), ou même de Marschner (cantilène de l'air d'Aubry dans Der Vampyr). Plus fort encore, à la fin du II, on entend soudain du Mendelssohn (final de la Quatrième Symphonie).
Mais il y a plus significatif :
a) Solos de harpe, et non pas comme une évocation de la lyre, mais de façon purement décorative, musicale, atmosphérique – dans les ballets de fin d'acte. Là aussi, le grand opéra romantique en fera grand usage.
b) La multiplication des strates et des rythmes complexes. Le fait est particulièrement spectaculaire dans le final de l'acte II.
En rouge, des figures très asymétriques répétées pour donner l'impression d'élan, voire de frénésie : triple croche - croche pointée. C'est un rapport très inhabituel (de 1 à 6), alors que le rapport standard est de 1 à 2 (croche - noire) ou de 1 à 3 (double croche - croche pointée), très resserré et assez violent, comme une acciaccature ; par ailleurs, le rapport est généralement présenté dans le sens inverse (la longue avant la brève, pour créer une attraction vers le temps fort suivant), même si cela n'est pas absent des classiques. Ce type de figure, rarement sous forme d'un rapport aussi extrême, se trouve davantage chez les romantiques (introduction du chœur gaulois qui demande des explications à Norma, à la fin de l'opéra).
En vert, des figures de ponctuation très dynamiques, mais qui ne se trouvent pas sur le temps le plus fort (premier temps). Là aussi, un décalage peu fréquent chez les classiques.
En violet, insertions de triolets, mais qui débutent de façon syncopée (pas sur le temps), là aussi un raffinement rare.
En indigo, les parties du chœur sont totalement en quinconces, de façon ici encore très excessive par rapport à la norme.
Et la mélodie dansante et très lyrique qui apparaît sonne également très romantique. [Sans parler de l'impression rythmique générale, qui a de toute évidence fortement imprégné Rossini pour le final du premier acte de son Barbiere di Siviglia (1816).]
c) Le crescendo-decrescendo, effet typiquement romantique, dont on croise l'une des premières notations explicites, me semble-t-il – même dans Fidelio, cela se limite au crescendo, et au cours d'une mesure, pas sur un seul accord.
Vous remarquerez au passage l'entrée progressive des pupitres, même ceux considérés comme remplissant simplement l'harmonie : altos et seconds violons ont leur propre entrée solo. Il arrivait fréquemment qu'ils soient différenciés rythmiquement (chez les bons auteurs, et comme dans le final ci-dessus), moins souvent qu'ils aient un rôle autonome comme ici.
d) Des figures d'accompagnement caractéristiques, qui s'inspirent des tournures gluckistes mais les adaptent avec un aspect résolument XIXe, par exemple les fusées descendantes.
Les fusées montantes étaient fréquentes, mais les descendantes (sans être le miroir d'ascendantes) beaucoup plus rares, et l'on retrouve ici les rythmes raffinés avec le contraste vigoureux des valeurs (noire pointée couplée avec des triples croches, soit un rapport de 12 à 1 !), ainsi que l'effet syncopé. Et à l'oreille, pas de doute, on incline dangereusement vers le romantisme.
Bref, encore plus que pour le livret*, la musique, même si elle n'est globalement pas enivrante, franchit un pas très important vers le romantisme, auquel elle appartient déjà pour large part.
En cela, l'écoute de cet opéra, quelle que soit sa qualité, est passionnante.
* dont le sujet était pourtant tiré d'une pièce du milieu du XVIIIe siècle
(Mise à jour du 1er octobre : corrections et ajout des deux récitals de L'Oiseleur des Longchamps.)
En attendant que le Klariscope
quitte
son doux sommeil, le programme du mois.
Octobre particulièrement riche, comme
tous les ans : on est au plus fort de la saison du CMBV, du
démarrage sérieux des saisons des différentes scènes...
Heureusement, ce qui m'intéresse des pièces de théâtre et du
Festival d'Automne (pas trop palpitant cette année) se trouve un peu
plus tard.
L'astérique indique une certaine
détermination des lutins.
J'en
profite pour signaler que j'ai une, peut-être deux places à vendre
(30€ l'unité, il n'y a pas de tarif inférieur...) pour Renaud
de Sacchini à l'Opéra Royal de
Versailles, le 19 octobre.
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4 - répétition du Cantate
Dominode Bernier Au
continuo. Juste pour dire que ce soir-là est déjà pris.
5 - Mélodies de Massenet par L'Oiseleur des Longchamps au Temple de Pentémont
Ces mélodies ne sont pas le meilleur de la production de Massenet (un peu gentilles), mais vu le talent de L'Oiseleur comme chanteur et comme défricheur, je me serais vraiment laissé tenté par ce concert monographique dont je viens de découvrir la tenue. J'hésite à abandonner Szymanowski, qui est finalement un peu moins rare (mais musicalement plus intéressant, il est vrai).
5,6,7,8,9 - La Cité du rêve
d'après Kubin, Théâtre de la Ville
En revanche,
attention, même la « version courte » donnée le
week-end est très longue (quatre heures sans les entractes, comme
Peer
Gynt). Sans parler des cinq heures (sans les entractes) de la
version complète. Il est recommandé d'être dans l'humeur adéquate
(et l'endurance physique indispensable), ce soir-là.
*6 - Szymanowski 1, Brahms 1 et le
Premier Concerto pour Violon de Szymanowski à Pleyel (Jansen, LSO,
Gergiev)
Super concept de la double intégrale,
qui va obliger les fans de Brahms à se bouger un peu les oreilles.
Bravo. (En plus, la Première Symphonie de Szymanowski est
vraiment accessible en plus d'être très belle.)
Le cycle se poursuit le lendemain.
Pour le centenaire, le Théâtre des Champs-Elysées propose une saison particulièrement généreuse. Je risque fort de ne pas m'y rendre du tout cette saison-ci, alors que c'était la salle que j'avais le plus fréquentée il y a deux ans.
Mais la saison prochaine est particulièrement riche, à commencer par le concept sympathique de la triple Médée. Il faut supporter celle de Cherubini (en version française, ce qui est déjà mieux que dans la version noyée de récitatifs très médiocres et uniformes), mais en raison de son spectaculaire vocal, elle trouvera facilement son public. Qui n'est pas forcément le plus enclin à s'enthousiasmer pour les sacrilèges du profane Warlikowski - je n'ai pas encore vu la captation bruxelloise, mais il paraît que l'ensemble était tout de même scéniquement réussi.
Même s'il s'agit (et d'assez loin à mon sens) de l'oeuvre scénique la moins intéressante de Dusapin, Medeamaterial n'est pas un choix absurde.
L'enthousiasme, en réalité, vient surtout de la programmation du chef-d'oeuvre de Charpentier, l'une des plus grandes tragédies lyriques jamais composées - même si je redoute ici que Pierre Audi y fasse les mêmes traitements indolents (et assez loin de l'esprit) que pour ses mortels Rameau. Côté distribution, la grande question est autour de Michèle Losier, excellente chanteuse, encore meilleure actrice, mais dont la diction me paraît un peu lâche pour ce répertoire. Seule réserve : il va falloir subir pendant des mois l'inévitable avalanche de commentaires ouvertement sexistes (et généralement tout à fait gratuits) sur la personne d'Emmanuelle Haïm, ce qui risque d'être pénible, sauf à s'isoler de nombre de passionnés du répertoire.
Avec la Pénélope de Fauré, si même le TCE se met à programmer de l'opéra français rare ! ... vu la ligne programmatique de Favart et les compléments apportés par Pleyel, il y a de quoi compenser la chicherie de l'Opéra National, bien plus que si l'on y avait fait un effort sur ce pan du répertoire, d'ailleurs.
En parcourant les extraits de Chimène ou le Cid d'Antonio Sacchini donnés par les Nouveaux Caractères à Versailles (Les favoris de Marie-Antoinette) lors de la saison Grétry du Centre de Musique Baroque du même lieu, il est difficile de ne pas être frappé par une parenté avec un autre opéra très proche chronologiquement, mais qui n'appartient pas à la quatrième école de tragédie en musique.
On fournit l'extrait dans sa continuité, mais c'est le second morceau qui nous intéresse.
Philomèle est une tragédie lyrique d'un compositeur dont il ne reste plus rien à disposition du grand public, Louis de La Coste qui a assez fortement marqué les esprits lors de cette création, en 1705. La pièce remporte un beau succès inattendu, en partie à cause de la musique (dont l'exactitude prosodique est vantée, en tout cas pour les récitatifs), mais grandement aussi à cause du poème de Pierre-Charles Roy, d'une vigueur inusitée.
En effet, en ce tournant du XVIIIe siècle voisinent les succès extraordinaires de l'opéra-ballet à entrées (L'Europe Galante de Campra, Issé de Destouches, Les Fêtes Vénitiennes de Campra à nouveau...), exposant d'aimables galanteries plus ou moins pittoresques, et l'apparition d'un genre de tragédie très noir, qui au lieu de l'apothéose traditionnelle, se change en catastrophe avec la surenchère que permet le genre mis en musique.
Il faut peut-être revenir sur l'essence de la tragédie lyrique à ce moment précis.
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A. La première école
Au temps de Lully, dans ce qu'on désigne sur CSS comme la "première école", on parle de "tragédie en musique" pour désigner un genre tout à fait distinct de la tragédie parlée, qui obéit à ses codes propres et doit beaucoup au modèle de Cavalli (longs récitatifs en basse continue, quelques airs brefs, prépondérance du drame), pour qui Lully avait écrit les ballets des représentations parisiennes d'Ercole Amante.
Dans ces premières oeuvres intégralement lyriques en français, les règles sont donc distinctes de la tragédie traditionnelle : le vraisemblable est remplacé par le merveilleux, et l'on oppose à l'unité de lieu (qui limitait les déplacements au vraisemblable) un changement systématique de décor, qui se justifie souvent par les capacités surnaturelles dont sont dotées les personnages.
La logique de ce théâtre est en réalité celle d'un théâtre à machines et d'une façon générale à grand spectacle, où l'action doit aussi servir de support à des démonstrations de ballet, de décors, de machinerie. Si l'on ne tue généralement pas sur scène, les suicides y sont en revanche fréquents : Quinault ne l'ose pas pour Atys, mais Campistron le réalise pour Achille et Polyxène.
A cette époque, le dénouement est traditionnellement positif : il s'agit aussi d'un spectacle d'apparat au service du roi (d'où les flatteries plus ou moins subtiles, plus ou moins éhontées des Prologues). Chez Lully, on recense ainsi Cadmus, Alceste, Thésée, Isis, Bellérophon, Proserpine, Persée et Amadis (sans compter la pastorale Acis & Galatée qui s'achèvent dans une jubilation finale, ménageant souvent un acte entier pour ce faire après une résolution de l'action dès le quatrième acte ou en début de cinquième. Soit une majorité (8 sur 12 tragédies achevées).
[A noter tout de même que dans Bellérophon, le retour au calme se fait après dévastation et morts nombreuses par le monstre, et clairement soulignées par l'acte IV, donc non sans une certaine amertume.]
Il existe cependant quelques exceptions, qui deviennent de plus en plus fréquentes au fil de la carrière de Lully.
1) La défaite des héros méchants :
=> Dans Phaëton, le héros éponyme est un contre-modèle, un parangon de prétention et d'ambition qui pour satisfaire sa soif de gloire brise le coeur de deux amants fidèles, et étale partout son assurance et sa morgue, jusqu'à se prétendre l'égal du Soleil (soit, les symboles étant transparents, du roi ou de Dieu - ce qui à l'époque en revient de toute façon symboliquement au même). Sa chute méritée, qui lui a valu les suffrages enthousiastes du public parisien (si bien qu'on l'a désigné comme "l'opéra du peuple"), marque à la fois la mort du personnage principal que nous avons suivi (la haute-contre, en plus, soit la tessiture la plus valorisée !) et le retour attendu de la justice.
=> Situation similaire dans Armide, puisque l'héroïne, même si elle est placée sous des traits bien plus attachants, est défaite, mais pour laisser la place au triomphe de la foi chrétienne et pour terminer les enchantements - ici encore un retour à l'ordre juste.
2) La défaite injuste mais non mortelle de héros envers lesquels la compassion est limitée :
=> Cette catégorie, relativement rare, ne concerne que Roland, flatté d'un espoir trompeur par Angélique, qui craignait de voir périr son obscur amant Médor. Sa fureur infamante ne le mène tout de même pas à mourir, et lui laisse la place pour d'autres exploits plus glorieux. Par ailleurs, le personnage (qui posait une contrainte illégitime sur Angélique, quelque part) est tenu par une basse-taille, ce qui le rend moins attachant : cette typologie vocale est dévolue à l'autorité et la bravoure (la voix de Jupiter et de Mars), mais non à l'amour heureux. Ainsi, même si le héros est défait, c'est ici aussi en suivant une certaine logique : la haute-contre tendre est couronnée par l'amour.
Le schéma, peu fréquent, se retrouve exactement à l'identique dans Omphale de Destouches & Houdar de La Motte.
3) La fin tragique de héros amoureux :
=> Minoritaire à l'époque de Lully, on y trouve seulement Atys (quatrième tragédie seulement !), où les tendres amants périssent atrocement (l'amante tuée par l'amant, et l'amant se suicidant). Néanmoins, contrairement à ce qui se passe dans les réelles tragédies "noires" des époques suivantes, le malheur est tempéré par une cérémonie funèbre qui hisse Atys, par la métamorphose, dans une certaine forme d'immortalité. Le spectateur n'est pas laissé seul avec la détresse d'une fin abyssale, on lui permet de rendre doucement hommage pendant une dizaine de minutes au héros défunt, de se retirer doucement du drame.
=> Mais dans Achille et Polyxène, dernier ouvrage de Lully dont son disciple Collasse acheva les actes II à V, la fin tragique de Polyxène, qui n'est pas causée non plus par la vilennie du personnage (bien que, comme pour Atys, on puisse lui imputer des torts moraux), n'est atténuée par aucun épilogue : son suicide clôt brutalement la pièce.
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B. La nouveauté de la tragédie "noire"
Louis XIV s'était progressivement détourné de la tragédie en musique, notamment à partir du scandale des moeurs de Lully avec le page Brunet (1685), et l'entrée sous l'influence de Madame de Maintenon dans une période plus favorable à la dévotion. Les créations ne se faisaient plus en présence du roi.
Ce sont des ouvrages galants (opéras-ballets ou tragédies-prétextes pour divertissements, débordant de mignardises autour d'une action convenue et malingre), après la mort de Lully, qui ranimèrent un peu l'intérêt de Louis XIV, de la Cour et du public en général, ceux qu'on citait en introduction.
Néanmoins, à cette même époque, voisinent des drames d'une rare intensité.
Il faut ainsi signaler Médée de Charpentier en 1693 (sur un livret de Thomas Corneille inspiré de la tragédie de Pierre, lui-même plutôt sur le modèle de Sénèque, plus paroxystique et moins compassionnel pour la criminelle qu'Euripide), qui n'évite pas les crimes les plus odieux (suicide de Créon, meurtre d'Oronte, empoisonnement et immolation de Créüse, double infanticide). Le dernier acte ne dispose d'ailleurs d'aucun divertissement, s'achevant dans la noirceur complète des corps de Merméros et Phérès jetés à Jason devant le palais de Créon en flammes.
L'oeuvre échoue.
Moins affreux, mais tout aussi tragique, la fin sans concession de Didon de Desmarest (1693 également) amène le suicide de Didon, sur le devant de la scène, à la manière de Polyxène, à cause de l'abandon amoureux (l'une par la mort son amant, l'autre par l'ordre des dieux). Immense succès à l'époque - il faut dire que la partition est une sorte de continuité lullyste assez idéale (comme si le style avait poursuivi son amélioration chez le même auteur !), avec en particulier une chaconne sur le modèle évident (même thématique !) d'Armide et Amadis.
Enfin il convient de mentionner une autre tragédie particulièrement importante, qui remporta un succès considérable, parmi les plus importants de l'histoire du genre : Tancrède de Campra.
Il en existe trois fins différentes, deux dans lesquelles Clorinde meurt dans les bras de Tancrède, comme chez le Tasse, et une troisième, gravée au disque (la plus saisissante), dans laquelle Danchet place la découverte de l'identité du cadavre dans la bouche d'Argant. Sans dire la vérité toute crue, son récit dévoile progressivement l'étendue de son malheur à Tancrède, à qui l'ont ôte ses armes, privé même du secours du suicide. Cette scène, proche de l'aphasie musicale et très économe verbalement, est l'une des plus stupéfiantes de tout le répertoire de la tragédie en musique.
Lorsque Pierre-Charles Roy écrit et propose Philomèle en 1705, ce n'est donc pas une nouveauté absolue. En revanche l'accumulation de cruautés envahit la plupart des actes de l'oeuvre (au moins sous forme de menaces, ce qui n'était le cas que dans Médée auparavant, oeuvre qui n'avait pas plu), et sa dimension amorale éclate plus que jamais auparavant.
Cette pièce ouvre la voie, alors même que la tragédie galante continue à plaire, à une série d'oeuvres dans un ton similaire (quoique moins radical, même chez Roy).
Les lutins de CSS se sont plongés dans cette oeuvre assez magnétique et vous livrent quelques observations.
Pour des raisons évidentes de temps disponible, je ne fais que mentionner les oeuvres rares et ne cite pas les couplages s'ils sont plus traditionnels. A chacun d'aller voir dans les brochures si l'ensemble du concert est digne d'intérêt.
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Débutons par le petite événement de la saison :
=> Eduard TUBIN, Symphonie n°11. / Hans ROTT, Symphonie en mi.
Par Paavo Järvi et l'Orchestre de Paris.
Réfrénez votre joie : sauf restitution musicologique dont je n'aurais pas eu vent, cette dernière symphonie de Tubin est inachevée et dure moins de dix minutes. Elle ne figure même pas dans l'intégrale de Neeme Järvi qui a largement diffusé sa musique hors d'Estonie. Elle se trouve cependant au disque dans l'admirable intégrale d'Arvo Volmer (avec l'Orchestre Symphonique National d'Estonie) chez Alba.
L'oeuvre, malgré sa date de composition (dernier quart du XXe siècle !), est extrêmement nielsenienne : les harmonies et l'orchestration sont celles des mouvements extrêmes de la Quatrième Symphonie, avec un brin moins de variété et d'arêtes. Pour ceux qui aiment la musique orchestrale de Nielsen, Tubin est de toute façon un réservoir à émotions simulaires. Globalement plus sombre (on n'y trouve pas, même dans sa Première Symphonie, les éclats lumineux intenses des quatre premières symphonies de son prédécesseur), mais l'ensemble demeure très prenant.
Quant à la Symphonie de Rott, mort vingtenaire, il ne faut pas croire les commentaires qu'on peut lire sur ses parentés avec Mahler (qui lui a certes empruntés certains thèmes de sa symphonie, mais pour un usage tout autre). Le lien est bien plus fort avec Bruckner, dont il est très parent, avec une forme de liberté et de souplesse supplémentaires.
On y trouvera certes le bien moins rare (et moins exigeant) Concerto pour violon de Tchaïkovsky, mais par Leonidas Kavakos, un des violonistes les plus intéressants du moment, à mon sens... et avec Paavo Järvi, sans doute sans grandes concessions au sirupeux. (Et comme personnellement, j'aime passionnément tout Tchaïkovsky, je ne suis pas le moins du monde incommodé par le couplage étrange.)
Pour le plaisir de la statistique et de la remise en perspective.
Un rapide bilan de la saison écoulée, tout à l'ivresse des prodigalités de la capitale. Genres fréquentés, époques, salles, et pour finir la liste et les liens avec les comptes-rendus.
=> Compositeur du baroque français, que je classe dans la deuxième école de tragédie lyrique, celle qu'on trouve entre Lully et Rameau.
=> Il se fait surtout connaître pour la réussite éclatante de l'Opéra-Ballet L'Europe Galante en 1697, le plus grand succès depuis la mort de Lully.
=> Il a exercé dans tous les genres prestigieux : tragédie lyrique, opéra-ballet, oeuvres dramatiques plus légères, cantates profanes, musique religieuse. On ne dispose cependant pas de témoignages (du moins édités) d'oeuvres instrumentales pour petit effectif.
=> Son style se caractérise par un certain hiératisme hérité de Lully, presque anguleux parfois, avec des lignes vocales peu ductiles, un peu cassantes ou aplaties.
C'est un véritable avantage pour le style épique qui se manifeste dans Tancrède ou son grand motet Exaudiat te, Dominus, parce que ses récitatifs sont tranchants, avec des lignes vocales un peu dures et des modulations très expressives.
Pier Francesco MOLA, Ermina e Valfrino curano Tancredi (VF : Tancrède secouru par Herminie et Valfrin après le combat d'Argante). XVIIe italien (Rome, je suppose), huile sur toile (69 x 93 cm) conservée au Louvre (aile Denon).
Une fois exprimé nos attentes impatientes de la découverte de ce chaînon manquant dans la très pauvre documentation de cette Quatrième Ecole de tragédie lyrique, impatientes mais peu rassurées, penchons-nous un peu sur ce qu'est réellement l'oeuvre. En commençant par son poème dramatique.
3. Le livret
3.1. Racine recruté
Le livret se révèle extrêmement proche de Racine, dont il reprend tout de même 80 vers intégralement, ce qui est une première et une audace qui lui ont beaucoup été reprochées. Certes, l'abbé Pellegrin avait déjà employé des fragments de vers raciniens dans Hippolyte et Aricie mis en musique par Rameau, mais pas au point d'inclure si effrontément le grand aîné dans son travail.
Louis-Guillaume Pitra (1735-1818) s'en excuse platement dès son Avertissement des auteurs, d'une façon qui paraît extrêmement naturelle et convaincante au lecteur de notre époque - oui, c'est une dénaturation honteuse, qui ne prétend pas approcher l'original, mais plutôt lui faire hommage en s'inspirant de l'émotion qu'il peut causer, en le proposant à la mise en musique d'un compositeur reconnu.
Pour adapter cette tragédie de Racine à la scène lyrique, il a fallu sacrifier mille beautés que l'on a regrettées autant que le feront tous les gens de goût. On a senti plus que personne le ridicule, l'audace même d'une pareille entreprise ; mais l'on n'a eu d'autre prétention que de servir le génie d'un artiste dont les talents ont fait si souvent nos délices, et tout le monde sait que la marche d'un opéra nécessite les retranchements que l'on a été forcé de faire au poème de l'immortel Racine. On a conservé les vers de ce grand homme, autant que la coupe des scènes, la forme des airs et du récitatif l'ont permis. Il a fallu malheureusement mêler souvent d'autres vers avec les siens pour former la contexture de l'action. On espère que le public pardonnera cette espèce de sacrilège, en faveur du motif qui l'a fait faire.
Et précisément, comme le redoutaient les auteurs, on reprocha beaucoup à cet opéra de Grétry, lors de sa création à l'Académie Royale de Musique, le 6 juin 1780, son mélange des genres.
文革, Morloch vous le dira, c'est-à-dire Révolution Culturelle. Au sens métaphorique s'entend.
On a beau s'interroger, on patauge sur ce sujet.
Le mystère de l'histoire des représentations lyriques est fort épais sur ce point, et pourtant il y a à peine cinquante ans que tout a eu lieu.
On se propose de faire un petit panorama de la langue originale à l'Opéra. Avec un gros point d'interrogation.
Certains interprètes généreusement militants ont toujours tenu à tout chanter en langue étrangère.
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1. Un mystère épais
Comment se peut-il qu'en seulement 10 ans, la majorité des maisons d'Opéra du monde aient définitivement adopté la langue originale de l'oeuvre représentée comme un dogme, alors que c'était précisément l'attitude inverse qui prévalait partout dans les années 40 ? Au cours des années 50, la révolution s'effectue à une vitesse vertigineuse.
On pourrait objecter une prise de conscience - mais, précisément, ce changement prête à débat, et on imagine que le public a dû, même minoritairement, s'émouvoir de ce changement radical de ses habitudes, qui va bien au delà d'un petit contre-emploi ou d'une mise en scène un peu audacieuse.
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2. Histoire sommaire de la vocation de l'opéra et de son positionnement idiomatique
Il convient tout d'abord de planter le décor et de distinguer.
L'opéra était initialement composé pour le public d'un pays donné ; mieux, à l'origine[1], il était censé couvrir la fonction d'un spectacle d'élite, exaltant plus fort encore les vertus théâtrales. Lorsqu'il s'est popularisé, c'est-à-dire étendu au peuple des grandes villes (et encore, peuple, même si plus large que la seule bourgeoisie, ne recouvrait pas tout), il s'adressait également à un public avant tout local. On composait donc pour un lieu donné, une oeuvre donnée.
Il y avait à cela deux raisons assez simples :
- on ne concevait pas l'opéra comme un patrimoine muséal ainsi qu'il en va aujourd'hui, donc les oeuvres anciennes n'étaient pas souvent reprises et on ne jouait guère que du nouveau, dans le goût actuel, ou bien on remettait largement au goût du jour [2] ;
- dans le même temps, les oeuvres ne circulaient guère de ville à ville.
De ce fait, on écrivait simplement dans la langue du public pour le public du théâtre qui avait commandé l'oeuvre, ni plus, ni moins. Les compositeurs étrangers devaient adopter le cahier des charges local. Cet état de fait perdure jusqu'au XIXe siècle : chaque nation, et même chaque ville représente ses propres opéras, adaptés à son caractère.
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3. Le contre-exemple : les premières tournées internationales
Il existait cependant des exceptions intéressantes, dès la période la plus ancienne : les tournées. C'est même ainsi que Louis XIV a eu envie d'un théâtre à machines et à danses, comme l'Ercole Amante de Cavalli (où Lully ajoutait déjà les divertissements), mais qui soit dans sa propre langue et adapté à son goût. De la même façon, on allait voir à Paris des spectacles de Commedia dell'Arte ou des castrats apportés par Mazarin, même sans comprendre l'italien, simplement pour les situations visuelles, les gestes, la musique. Le peuple qui n'était pourtant pas polyglotte pouvait se presser à ce genre de spectacle.
Et jusque dans les années 50-60, on retrouvera ce principe.
Ainsi, la fleur du chant wagnérien allemand venait-elle interpréter, en allemand, un Ring à Bordeaux dans les années 50 sous la direction de Knappertsbusch, en important chanteurs, langue et même orchestre. Il fallait donc connaître son Wagner, être bon en allemand ou... se préparer à être surpris. Car il faut le rappeler, certains titres de Wagner ont été représentés fort tard en France, et le surtitrage est un dispositif technique très récent.
C'était alors un spectacle de prestige, un peu exceptionnel, une ambassade stylistique, qui pouvait parfois supplanter le goût local, comme par exemple lors de la Querelle des Bouffons en France. [3]
Hilde Konetzni, Wiener Kammersängerin et Maréchale à Bordeaux au tout début des années 60. C'était notamment la Sieglinde et la Gutrune du Ring scaligère de Furtwängler en 1950. (image Cantabile-Subito)
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4. Situation opératicolinguistique dans les nations lyricophiles
Jusqu'aux années 50, on se trouvait ainsi dans une configuration où des chanteurs pour l'immense majorité natifs ou résidents depuis très longtemps chantaient dans la langue du pays pour des spectateurs de ce pays.
C'était fonction des traditions d'opéra nationales, cela dit :
En Italie, en Allemagne, en France, on chantait tout dans la langue locale.
En Tchécoslovaquie, on chantait bien sûr en tchèque, mais on pouvait tout à fait absorber le répertoire allemand. Il existait différentes institutions : à l'Opéra National de Prague, on chantait tout en tchèque, à l'Opéra d'Etat, c'était plutôt la culture allemande qui prévalait. Pour la radio, on trouve trace de choses fabuleuses, en tchèque s'il vous plaît : Fidelio de Beethoven, Der Freischütz de Weber, Il Trovatore de Verdi, La Dame de Pique de Tchaïkovsky...
A ce propos, vous pouvez lire un petit récapitulatif sur les forces musicales pragoises ici et chercher quelques-uns de ces enregistrements de radio dans notre catégorie 'Domaine public' (c'est en plus remarquablement interprété).
Dans les pays à plus faible rayonnement linguistique, on pouvait faire cohabiter la production locale, qui apparaît au cours du XIXe siècle, et sans aucune prétention au renouvellement esthétique, avec des oeuvres dans une langue largement maîtrisée par la population (au XIXe, les oeuvres peuvent circuler de théâtre à théâtre et même de pays à pays, moyennant contrats) : allemand pour les scandinaves par exemple.
En Russie, on ne chante qu'en russe (à quelques exceptions extraordinaires près comme la commande de la version originale de La Forza del Destino de Verdi pour Saint-Petersbourg [4]), et essentiellement du répertoire russe. Lorsqu'on importe des compositeurs furieusement exotiques comme Wagner, on le fait en traduction russe (le très beau Lohengrin dirigé par Samosud en 1949 en témoigne). Aujourd'hui encore, la Russie est extrêmement enclavée culturellement.
Pour les pays hispanohablantes du Nouveau Monde, n'ayant pas de culture linguistique forte à l'Opéra (bien qu'il existe des traces d'oeuvres mythologico-morales composées dans les missions à l'ère baroque), c'est généralement la culture italienne (surtout, on s'en doute, en Argentine) qui est adoptée, mais on ne traduira pas les autres langues comme le feraient les Italiens. On accueille beaucoup d'artistes européens, il faut dire, au Teatro Colón de Buenos Aires...
En Amérique du Nord, ne disposant pas de tradition lyrique anglophone, les théâtres utilisent déjà, au début du vingtième siècle, la langue originale des oeuvres abordées. Fait remarquable, la tradition wagnérienne y est si fortement ancrée que la propagande pour la Seconde guerre mondiale n'entame pas la régularité des représentations, en allemand et avec des allemands...
On n'y trouve pas de Britten ni de Ralph Vaughan Williams, parce que les langages audacieux d'Europe du début du vingtième y étaient (et y sont encore !) fortement répulsifs - quand on dit audacieux, c'est tout ce qui excède Debussy, Ravel est déjà suspect. Il faut par exemple attendre le 5 mars 1959 pour voir créer Wozzeck de Berg (1925), avec ce qui se fait de meilleur (Karl Böhm, Eleanor Steber, Hermann Uhde !), mais, afin de faire passer la pilule... en anglais. Pilule qui n'est au demeurant toujours pas passée. On trouvera en revanche quelques oeuvres écrites par des compositeurs américains, dans un style néoromantique qui n'a pas énormément évolué depuis lors (où c'était déjà plus que l'arrière-garde) jusqu'à aujourd'hui. Qu'on compare Emperor Jones de Louis Gruenberg avec A Streetcar named Desire d'André Previn et à présent An American Tragedy de Tobias Picker... l'évolution est lente.
Tout cela résulte de mon observation personnelle, mais il y aurait sans doute à affiner en consultant les archives de chaque théâtre, au moins pour les capitales, ce qui révèlerait sans nul doute des phénomènes masqués par la postérité.
Lawrence Tibbett en Brutus Jones dans The Emperor Jones de Gruenberg. (image Cantabile-Subito)
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5. Le triomphe du respect
Cependant, tout à coup, on change du tout au tout : la langue originale prévaut.
Cela se fait rapidement et, surtout, partout. Ou du moins, simultanément dans les trois grandes nations opératiques : Italie, Allemagne / Autriche et France.
En l'absence de données sur la question, que nous attendons en vain de trouver, on pourrait penser que la lumière s'est fait jour, et que, tout simplement, l'évidence l'a emporté : on a écrit une oeuvre et il s'agit de la respecter dans sa totalité, le compositeur plaçant ses intentions sur un mot précis, avec toutes ses connotations, écrivant pour le galbe de phrasées données.
Après tout, le refus des coupures, et du côté des baroqueux le retour à la partition allaient bientôt (quelques dizaines d'années tout de même !) se manifester. Signe des temps de respect envers les compositeurs.
Cela se pourrait, de la même façon qu'on a ensuite unanimement applaudit le surtitrage... A la bonne heure.
Mais il reste une question assez considérable, pour ne pas dire énorme : pourquoi cette unanimité si prompte, et surtout pourquoi cette absence de fronde des publics (en tout cas l'absence de fronde célèbre relatée) ? Car il ne s'agit pas d'un ajustement à la marge, cela change tout de bon la nature du spectacle.
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6. L'Opéra au vingtième siècle, l'histoire d'un retour aux sources
Il est vrai que les attentes vis-à-vis de l'opéra et le public varient considérablement au cours de l'Histoire.
D'annexe du genre littéraire, l'opéra va devenir le lieu de la fascination pour la voix (avec pour sommet le belcanto de l'opéra seria, puis celui, à peine moins extrême, de l'opéra romantique italien préverdien). Le genre est traité en musique pure jusqu'à la date assez récente (années 70) de l'arrivée des grands metteurs en scène, qui proposent des lectures personnelles et surtout mobiles des pièces mises en musique. On arrête de placer des pâtisseries sur le dos et la tête des chanteurs et de les planter en avant-scène pendant trois heures, et on commence à faire du théâtre. Chose qui, scéniquement parlant, est une première dans l'histoire de l'opéra en même temps qu'un retour aux sources du genre, le recitar cantando (« déclamation chantée »). On retourne donc à une place importante du texte, perdue depuis la troisième école de tragédie lyrique, c'est-à-dire vers 1730-1750 - sachant que les Français ont été les plus longs à résister dans leur attachement au texte.
Paradoxalement, c'est ce respect qui va justifier qu'on le donne en langue étrangère...
Ensuite, le public. Initialement aristocratique et choisi, il va vite répandre sa fascination dans les autres couches sociales, de pair avec le goût des voix en Italie et le goût des machines en France. Le public mêlé de l'Opéra de la fin du XVIIIe, puis du XIXe venait assister à un divertissement complet, où l'on mêlait histoires morales (l'opéra-comique sur les livrets de Favart était le divertissement familial par excellence), décors fastueux, récits merveilleux et musiques plaisantes à danser (l'architecture de l'Opéra Garnier à Paris est tout entière pensée pour le corps de ballet... et ses rencontres avec les protecteurs).
Le cinéma va prendre au vingtième siècle le relais du divertissement grand public, avec ses codes fixes [5] et sa morale. Dès lors, l'Opéra devient un divertissement d'esthète, tout cela en parallèle avec l'autonomisation des langages : depuis le romantisme, le créateur est de plus en plus libre de produire ce qui lui plaît, sans que le public ait son mot à dire. Ce qui produit concomitamment une situation où le divertissement de masse change de support tandis que l'exigence du genre Opéra devient de plus en plus sévère.
On peut donc aussi relier cette quête de la langue originale à un changement du public, qui devient une sorte d'élite culturelle, et peut donc maîtriser plusieurs langues - ou souhaite faire croire qu'il les maîtrise totalement. Cette recherche de pureté et d'exactitude concorderait, en tout cas.
Le Palazzo Dandolo avait été racheté par les Mocenigo. En 1630, pour célébrer le mariage de sa fille, Girolamo Mocenigo commande à Monteverdi une Proserpina, sur un livret de Giulio Strozzi. Perdue pour nous, mais qui fut effectivement exécutée dans les appartement des Mocenigo. Le Palazzo Dandolo est aujourd'hui occupé par le célèbre hôtel Danieli de Venise.
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7. Conséquences majeures
Mais tout cela n'explique pas, en réalité, l'absence à peu près totale de résistance dans le processus.
Il faut bien concevoir que cette imposition de la langue originale était une révolution profonde. Pour les chanteurs, cela signifiera de plus en plus chanter devant un public étranger une langue étrangère à soi aussi bien qu'au public.
Et, surtout, le surtitrage n'existant pas encore, cela supposait que le public connaisse bien l'oeuvre avant qu'elle soit représentée, ou bien accepte de ne rien comprendre à l'affaire ! Cela à l'époque où la mise en scène sérieuse allait naître - quel intérêt d'assister à une oeuvre bien mise en scène mais incompréhensible ? Qu'on imagine, si l'on peut, si en 2019 tous les films devaient être passés dans les salles en VO non sous-titrée ! Et encore, la majorité des films et des publics ayant en commun l'anglais, on pourrait s'en sortir plus commodément, mais on imagine aisément la fureur générale, tournée contre ces quelques oligarques décérébrés qui veulent gâcher le meilleur des divertissements !
Alors qu'auparavant, on avait, et chanté de façon intelligible en plus[6], tous les opéras dans sa propre langue, avec par conséquent une force incroyable, quelque chose de direct, sans médiation.
Certes, les chanteurs n'en profitaient pas forcément pour interpréter, mais il faut bien songer que lorsqu'on a retiré les traductions de la circulation, les metteurs en scène inspirés et les chanteurs-acteurs ne sont pas apparus du jour au lendemain ! [7]
Bref, comment se fait-il qu'un grand débat n'ait pas eu lieu, et avec des politiques très contrastées selon les aires culturelles et même les théâtres à l'intérieur de chacune d'entre elles ? Les conséquences étaient majeures !
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8. Interrogation résiduelle et position de Carnets sur sol
Aujourd'hui encore, le débat nous paraît entier, et à défaut de pouvoir assurer à chaque fois des distributions alternées, on pourrait jouer des oeuvres dans la langue du public pour certains opéras difficiles d'accès ou pour changer l'approche de certains standards. C'est toujours un plaisir différent, mais un vrai plaisir. Quitte à refaire la traduction si elle est trop datée ou biaisée. Car même avec le surtitrage, l'interstice entre ce qui est dit et qui est perçu est assez ample en réalité. [8]
L'English National Opera (ENO) le fait d'ailleurs à Londres, avec des standards uniquement, et publie chez Chandos des intégrales anglophones de toute première valeur (souvent des références, même...). Dans la plupart des pays cependant, cela paraît désormais une coutume très marginale et exotique ; tout au plus peut-on y investir pour de l'anglais, qui peut se vendre à échelle planétaire.
En somme, il nous reste toujours l'interrogation majeure : comment cette posture de la langue originale, qui est vraiment un choix idéologique qui ne vaut ni plus ni moins que l'autre (les deux peuvent être mis au service du théâtre, soit pour qu'il soit exact, soit pour qu'il soit direct...), a-t-elle si promptement triomphé, et sans réplique ? Plus personne ne réclame le retour de la période ancienne dans les publics, et depuis longtemps, alors qu'il y a toujours des nostalgiques de l'Algérie française par exemple (et qu'on sait bien que l'Algérie n'est pas recolonisable, alors qu'on pourrait tout à fait changer une coutume aussi récente, dans les théâtres) - pour un même écart temporel. Et l'Opéra a plus longtemps été en langue vernaculaire que l'Algérie n'a appartenu à la France (et c'était qui plus est sans protestation d'aucune sorte, personne n'y pensait tout simplement).
Disposant à présent des fonds immenses de la seconde ville du monde, nous pourrons peut-être tirer de documents plus précis les réponses que nous cherchons. Mais, décidément, quelle singulière occultation !
[2] Dans le domaine de la tragédie lyrique, les meilleurs titres étaient souvent rhabillés sur le même livret, en réécrivant en particulier les divertissement et en conservant simplement l'action telle qu'écrite par le premier compositeur, parce que le récitatif demeurait efficace.
[3] Durant la Querelle des Bouffons, les partisans de la tragédie lyrique, genre qui laissait une part de choix au beau texte, se réunissaient autour du Coin du Roi, côté jardin (à gauche en regardant la scène), menés par Madame de Pompadour. En face, le Coin de la Reine, rassemblant les farouches partisans des Italiens, qui voulaient de la musique avant tout, qui reprochaient sans cesse aux chanteurs français de brailler, qui raillaient le vieux style... mené, c'est là la drolerie, par des littérateurs : Grimm, Diderot, et bien sûr Rousseau. C'est la victoire du goût Italien qui permettra que Grétry succède à Rameau, à moins que la réforme ascétique de Gluck y ait aussi sa part, ou tout simplement l'imposition tardive en musique d'un goût classique.
[4] Elle n'est plus jouée, mais on la trouve très bien interprétée au disque sous la direction de Valery Gergiev (Philips), avec l'équipe du Mariinsky.
[5] On peut voir les codes fixes du Grand Opéra notamment ici et ceux du cinéma là.
[6] Je défends l'idée que la nécessité de chanter dans plusieurs langues accroît les difficultés, et que le creux des années 70 et 80 dans l'intelligibilité, heureusement amélioré par la vague baroqueuse, tenait pour grande partie à la nécessité d'apprendre à chanter dans des tas de langues, sans que les professeurs n'aient appris comment on faisait cohabiter une technique avec plusieurs phonations différentes...
[7] Oui, encore et toujours l'Age d'Or actuel du chant et de la programmation...
[8] Et l'on dit cela tout en rappelant que rien ne nous enthousiasme plus qu'une langue étrangère bellement dite...
Premier épisode ici, pour bénéficier du contexte culturel et générique, et d'une vue d'ensemble de la structure.
Au programme aujourdhui :
Rapports à la science et impossibilités théologiques, habiletés structurelles et réécriture spectaculaire. On ne se refuse rien, parfaitement.
Le début de l'opéra Der Vampyr de Heinrich Marschner sur le livret de Wilhelm August Wohlbrück d’après Polidori (développement de l’ébauche de Byron) notamment. Ici, une version de chambre du Grachtenfestivalorkest (sous la direction de Peter Biloen), l’année dernière à Amsterdam. Vous entendez Henk Neven, remarque dans tous les répertoires, de la tragédie lyrique à Schreker, en Lord Ruthven (air d’entrée d’espoir dans sa mission puis d’éloge au sang ; duo avec Janthe, sa première victime ; « résurrection » au clair de lune grâce à son débiteur Edgar Aubry). Janthe : An De Ridder ; Aubry : Brad Cooper. Vous pouvez également charger une version libre de droits (radio viennoise). Dans cette notule, on opère un pont avec Don Giovanni qui pourrait aussi se soutenir dans certains endroits de Dracula.
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4. Le fantastique et la science
On en était resté sur la classification difficile selon le genre fantastique : ici, pas d’hésitation entre naturel et surnaturel ; tout le roman, annoncé comme véridique par l’éditeur fictif qui aurait recueilli les documents (on ne sait pas véritablement qui ni pour en faire quoi, même si on peut imaginer un legs des héros destiné à éveiller la vigilance des hommes), est au contraire tendu vers la démonstration irréfutable de l’existence des vampires.
Il s’agirait donc plus d’un avatar néogothique du type « merveilleux horrifique », un récit épique où les fées ou les géants sont remplacées par des démons.
Cependant, l’esprit du fantastique n’est pas si loin. Précisément parce qu’il s’agit d’une démonstration.
Dans un récit merveilleux, on accepte, le temps de l’ouvrage, que les dragons existent, et qu’on les tue tout naturellement en leur perçant le coeur avec une épée reçue de la main des dieux. Siegfried ne paraît guère ému de rencontrer un hideux reptile au coin du chemin – ce n’est jamais qu’un dragon, on ne va pas non plus en faire un fromage.
Dans le Dracula de Stoker, au contraire, l’auteur, via les différents rédacteurs des lettres et journaux, effectue sans cesse un passage du doute à la certitude, du scepticisme méthodique à l’évidence empirique. En cela, et indépendamment du fait qu’au bout de l’oeuvre l’existence des vampires est formellement attestée par ces gens sympathiques et éclairés, il reste toute la démarche du fantastique : le balancement du doute. Longtemps, les choses ne sont pas nommées (il faut attendre plus de la moitié de l’oeuvre pour voir écrit le mot « vampire »).
Et alors que le merveilleux néglige la modernité, plante son décor dans d’autres mondes ou dans des époques reculées, ici au contraire toutes les innovations sont utilisées : on utilise un enregistreur audio pour écrire son journal, on sténographie, on tape à la machine, on télégraphie, on prend le train... Tout cet attirail scientifique n’empêche pas, et au contraire légitime, les superstitions des autres âges. Ainsi un professeur spécialiste des maladies mentales et même de la chirurgie du cerveau va, dans le secret, exploiter les connaissances intuitives des vieux grimoires sur les êtres de l’Autre monde (ou plutôt de l’entre-deux-mondes), et seule la tradition de l’ail et de l’hostie pourra protéger les aventuriers malgré eux. [Cela pose d’ailleurs d’autres problèmes de cohérence au sein du genre lui-même, on verra ça plus loin.]
Et cela cadre bien avec le fantastique, qui dans un monde dominé par des figures positivistes, souhaite tout simplement réhabiliter l’instinctif et le flou au sein de l’imaginaire humain – au moins le temps d’une lecture. Le professeur Van Helsing a bien souvent des mots durs sur les scientifiques qui à force de ne croire que ce qu’ils ont expérimenté, nient les vérités qui dépassent l’entendement humain. C’est presque le seul élément idéologique de l’oeuvre, qui reste avant tout un divertissement construit avec soin (malgré des manques évidents) : une défiance contre l’usage de la modernité déconnecté de la tradition.
Cela conduit cependant à quelques tensions insolubles – inhérentes à ce type de bidouillage supersticieux autour de l’âme, mais renforcées ici par une forme d’empirisme scientifique.
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5. Vampirisme et foi
Mon objet, en rendant compte de cette lecture insolite, n’est pas de dresser une dissertation sur les incompatibilités potentielles dans le triangle superstition / foi / raison. D’autant plus que c’est là une faiblesse du texte de Stoker : aucune perspective philosophique n’est tirée de la situation. On a la fable en trois étapes qu’on a rapidement retracée, et il faut s’en contenter.
Toutefois, la dimension pudiquement victorienne de ce roman amène quelques questions.
Les démons commandent aux nuées dans les Carpathes et au delà.
Tout ce qui peut rapprocher le vampire de sa signification dans la mythologie (la source que rappelle en partie Polidori et qu’appliquent Wohlbrück / Marschner) est tu. On se retrouve donc avec un être dont l’existence paraît bien arbitraire, malgré tous les efforts de raisonnement complaisant du lecteur.
A de rares exceptions près (vampirisation de Jonathan Harker et première vampirisation de Mina Harker), toute la volupté et toute la fascination qu’exerce la figure du vampire sont tues. Il parle peu, et n’apparaît guère que pour frapper – loin de Lord Ruthven et de ses stratagèmes mondains. Ainsi, toute la dimension prédatrice liée à la virilité de la figure du vampire disparaît ; la métaphore du séducteur qui ravit la chair en emportant l’âme, prêt à escalader n’importe quelle fenêtre et à laquelle il ne faut à aucun prix ouvrir, sous peine de ne plus résister à son pouvoir, par fascination ou par force – est à peu près totalement occultée. Certes, il s’agit là d’un conte de bonne femme qui réutilise à des fins morales une croyance plus ancienne et plus essentielle, liée aux frontières entre les mondes (les esprits errant sans sépulture, dès les Grecs, ne réclamant que l’accès à l’Enfer). Mais dans un cadre romanesque, on aurait gagner à donner plus d’épaisseur et pour tout dire de charme à une figure très schématique dans ce roman, uniquement moteur de l’intrigue.
Plusieurs autres explications culturelles existent, moins propres au romanesque, comme la pathologie porphyrique, qui peut faire prendre un aspect effrayant (nécrose de la lèvre qui découvre les dents, blanchissement du teint... exactement les symptômes cliniquement rapportés par Stoker... à ceci près que les dents et les ongles rougissent là où Dracula a un émail diamant gourmand) et a pu être assimilée à une possession.
Cependant, non content d’écarter cette épaisseur-là, Stoker met en relation ses damnés à lui avec un anglicanisme strict. Il commence très habilement par faire excuser son premier narrateur (Jonathan Harker, dans son journal transylvain) de prêter une importance magique païenne à des accessoires du culte (remis pour le protéger par les villageois qui le pleurent déjà). Mais par la suite, il se contente de mettre dans la bouche de ses personnages, et en particulier de la dernière victime Mrs Harker, des professions de foi renouvelées.
Cela pose un réel problème de foi, précisément. C’est un véritable désordre dans la Création, au point qu’écrire un tel livre mérite ni plus ni moins que l’excommunication. On dispose d’êtres en quelque sorte créés par le diable, et qui sont damnés sans avoir commis le moindre péché, ce qui va en contradiction manifeste non seulement avec l’échelle des valeurs chrétiennes (il n’est même pas question de Grâce, ni de près ni de loin dans le propos du roman...), mais surtout avec la nature même de Dieu, dont la miséricorde se trouve quelque peu mise à l’épreuve. Il ne s’agit plus de la théorie de la retraite du monde, laissé avec la liberté en apanage aux humains (ce qui pose déjà quelques problèmes logiques, puisque les maladies virales ou congénitales, par exemple, font partie du cadeau), qui serait en quelque sorte une épreuve avant la juste rétribution dans l’Autre monde ; ici, les créatures de Dieu sont laissées en pâture à d’autres forces qui leur piquent leur âme sans pacte, contrepartie ni péché.
C’est de la fantaisie pure, et ce qui pourrait finalement fonctionner dans un univers décléricalisé, est ici rendu absolument incohérent par la récurrence des prières ferventes : elles ne sauvent pas l’âme des croyants sincères et des hommes bons, et finalement les personnages s’en remettent à la miséricorde et, en dernière instance, à la volonté de Dieu, c’est-à-dire à être envoyé dans les Enfers pour prix de leur foi et de leur bonté terrestres. La présence de ces poussées de foi, même si elles ont quelque chose d’assez joli dans leur pathétique (même Dieu ne peut les sauver, ils doivent se débrouiller comme des grands tout seuls contre l’Enfer, et faute d’avoir une chance quelconque de réussir, il faut bien y aller quand même pour passer le temps qui reste), rendent facilement autant invraisemblable les récits de vampire que le raisonnement rationnel – contre lequel Stoker est plus appliqué.
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6. La première vertu : subtilités narratives
Ce qui sauve l’oeuvre, en fin de compte, et maintient le caractère agréable de sa lecture, se trouve plutôt dans une manière assez originale (bien que loin d’être révolutionnaire à cette date) et efficace.
On a déjà parlé de la structure même du récit, fondé sur l’entrelacement de sources différentes. Pourtant, loin de mettre à distance le lecteur, cette succession rapide de narrateurs distincts parvient à l’introduire de plus en plus avant dans l’histoire.
Le tout début demeure très extérieur : on se trouve face à un personnage nouveau, un peu peureux, une sorte de voyageur ingénu assez proverbial. Typique du début de récit de voyage extraordinaire, qu’on trouve par exemple dans le récit inséré du marquis de Las Cisternas dans le Monk dont il était question récemment.
Rien de très saillant ni de très personnel dans sa psychologie. Les notes de voyage accentuent cet effet : il existe un décalage manifeste entre le moment de la narration et le moment des actions. On n’écrit pas dans les cahots de la route le voyage qu’on n’a pas encore fait. Donc il sera suffisamment sain et sauf pour pouvoir écrire ensuite.
Au fil du séjour chez Dracula, beaucoup du texte concerne le fait même d’écrire, le moment choisi volé à la journée ou à la peur. C’est donc beaucoup plus une écriture instantanée, de plus en plus fréquemment dans les journées, et ce caractère immédiat va peu à peu se systématiser.
Dans le même temps, alors qu’il s’agissait d’un journal de voyage relativement banal dans sa forme (parfois négligée, comme ces dialogues sans marques typographiques), se glissent des éléments qui, l’air de rien, ne relèvent plus du tout du journal intime. « Tous ceux qui ont vécu cet instant me comprendront » peut encore être une formule qui s’adresse à soi, mais « Qu’on me permette d’exposer des faits – dans toute leur nudité, leur crudité, tels qu’on peut les vérifier dans les livres et dont il est impossible de douter. » (chapitre III, date du 12 mai), clairement, s’adresse à un auditoire plus vaste qu’à sa future épouse à qui il est susceptible de faire lire le journal.
Cette formule rhétorique, l’air de rien, en plus de rendre son récit moins distant, fait glisser sa position singulière vers une mission universelle, et surtout fait parler dans un présent (pas le temps verbal) très urgent : effectivement, il peut être fauché à tout moment, il écrit tous les faits sur le vif.
Presque imperceptiblement, le compte-rendu assez factuel et impersonnel des premières pages, presque sous forme de notes (beaucoup de phrases nominales), se met à utiliser un prétérit très narratif : Harker ne fait plus un compte-rendu de voyage, ils nous raconte... un roman.
Le château de Bran, où Vlad Ţepeş ne demeura que quelques jours, devenu un lieu touristique en raison de son aspect relativement conforme, vu depuis le bas de la falaise, avec celui du comte Dracula.
Le comble de la posture narrative intervient vers la fin du journal, où l’injonction « Hark ! » (« Ecoute(z) ! » ) ne cache même plus la mise en scène...
Je précise tout de même que j’ai lu, peut-être bien à tort, l’oeuvre dans une édition française, et que le développement de certaines expression fait perdre le style en densité – et accentue ces discordances. Ainsi « hark » se trouve traduit par « écoutez » et « let me » par « qu’on me permette », ce qui force un peu le glissement déjà présent dans le texte original.
Par ailleurs, cet poussée depuis le journal intime vers une narration romanesque demeure sensible, une fois acquise, dans le reste du roman. Très habile façon pour l’auteur de rendre crédible son dispositif initial, sans nuire en quoi que ce soit à la force d’illusion romanesque qu’il souhaite obtenir au bout du compte. Une jolie manière progressive d’atteindre le langage qu’il avait désiré, tout en lui conservant l’aspect extérieur qu’il prétend.
Cela n’empêche pas, au demeurant, un certain nombre de jeux, notamment avec des références (Mille et une nuits et Hamlet sont tout à fait explicites).
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7. Réécriture
Pour terminer, j’en viens au chapitre connu sous le nom de Dracula’s Guest, qui ne figurait pas dans l’édition originale, mais qui est peut-être une ébauche antérieure au roman. Dans un genre beaucoup plus narratif (et, il faut bien en convenir, beaucoup plus élégant et beaucoup plus prenant), un vrai récit assumé cette fois, à la première personne également, un personnage (qui n’est pas, comme on le lit parfois, Jonathan Harker) effectue une balade pédestre pendant la Nuit de Walpurgis sur le chemin du château de Dracula (mais on est encore dans la forêt... munichoise).
Des vallons roumains transylvains comparables à ce qu'on imagine, de jour, du paysage du village abandonné dans L'Invité de Dracula.
On se situe au moment même où débute l’oeuvre intégrale, mais il se passe autre chose. Il est étonnant de voir comme Stoker redéploie le même matériau de façon totalement différente.
On y retrouve la marche à pied interdite, les chiens hurlants tout autour, l’orage, le vers de la Lenore de Bürger, le flacon d’eau-de-vie, la neige prompte... mais d’un usage totalement différent. L’épaisseur du personnage (un gentilhomme, et brave, cette fois-ci) est nettement plus importante, avec un humour bienvenu (pour exprimer son calme : « Mon sang anglais me monta à la tête ») ; le mystère qui l’entoure bien plus grand, car mêlant de multiples choses mystérieuses, concrètes ou surnaturelles (alors que dans le texte définitif on finit facilement par comprendre que le « héros » est prisonnier d’un vampire, tout bêtement), et puis la morsure inexpliquée du loup à la gorge (mêmes symptômes que pour le vampirisme dans le texte intégral), le télégramme protecteur du comte Dracula, qui a prévu ses maux et a réussi à lui prodiguer des sauveteurs...
Peut-être Stoker a-t-il été quelque peu épouvanté par la richesse ambitieuse de ce premier chapitre (où déjà toutes les forces de l’enfer ont été visibles, plus encore que dans le roman tout entier), qui dévoilait trop, même sans expliquer, qui ouvrait trop de portes et d’enjeux. Toujours est-il que la lecture du roman paraît, après cette ébauche, assez chiche et mesurée (une aventure à la fois, surtout, ne nous dispersons pas...). Jusqu’à la langue, tout y est plus sec... et pendant toute l’oeuvre.
[Sans doute logiquement écrit avant (visiblement, les spécialistes ne sont pas décidés), ce chapitre isolé et abandonné paraît en fin de compte maîtriser infiniment mieux ses références et son pouvoir verbal.]
Mais pour qui voudrait simplement se faire une idée, la lecture du journal de Harker (quatre premiers chapitres), comparée à ce chapitre délaissé, permet de bien s’imprégner des tons distincts.
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Ce sera ici qu’on achèvera notre balade impromptue autour de cette oeuvre imprévue.
Et insolite pour les pacifiques lutins ascètes.
Ce billet, écrit à par DavidLeMarrec dans la catégorie Littérature a suscité :
Les trois extraits musicaux de la notule. On les retrouve plus loin, un par un.
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Le théâtre chanté permet d'utiliser le hors scène d'une façon bien plus riche que la parole parlée : sa technique de projection vocale est bien supérieure, on peut donc comprendre des phrases entières, être fasciné par la musique, et aussi bénéficier d'un choeur tout entier, pour créer des atmosphères. [La musique de scène assez spectaculaire, dans le théâtre parlé, apparaît trop tard pour pouvoir créer cela.]
Le procédé est peut-être plus ancien qu'on ne pense tout d'abord. Mais revenons à nos classiques.
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Les Romantiques à l'Opéra ont usé et abusé - avec quelque raison, le procédé marche à tout coup - du hors-scène chanté, en particulier pour créer des contrastes expressifs avec ce qui se joue sur la scène.
C'est généralement dans le sens misérable de la souffrance de l'individu tandis qu'une foule en liesse s'ébat à l'entour, à peu près jamais l'inverse.
L'exemple le plus net et le plus réussi est peut-être l'acte de Fontainebleau de Don Carlos de Verdi : tandis qu'Elisabeth et Carlos viennent de recevoir la terrible nouvelle qui ruine leurs rêves de jeunes gens, celui d'un amour déjà bâti en rêve depuis des mois, et qu'il faut à présent que la princesse de France reporte sur le vieux roi Philippe, le choeur du peuple chante la gloire de la Princesse devenue reine et la saveur retrouvée de la paix.
[[]] Georges Prêtre dirige l'Orchestre de l'Opéra de Paris en 1987 dans la version originale de l'oeuvre. Michèle Lagrange (Elisabeth de Valois), Martine Mahé (Le Page Thibault) Jean Dupouy (Don Carlos), Jean-Philippe Marlière (Conte de Lerme).
Après s'être vus pour la première fois, ils sont relevés de leur ravissement par l'entrée du page qui salue en Elisabeth la reine d'Espagne - les vers de Locle et Méry ont un poids assez terrible, puisqu'ils font tomber tous les titres à la rime, des couperets qu'on sent venir. Première expression du désespoir. Soudain, en coulisse, les choeurs joyeux a cappella retentissent. Deuxième contraste.
Puis entre l'Ambassadeur d'Espagne, Comte de Lerme, qui vient réclamer le consentement. Faiblement donné. Explosions de joie de la foule, mais d'une façon tendre et exaltée ; à cela se mêle le premier thème du désespoir (en triolets), mais en majeur, faute de pouvoir faire cohabiter les modes majeur et mineur ; mais le thème demeure reconnaissable et l'expression fonctionne tout à fait.
Elisabeth est enfin amenée, et les échos se taisent, laissant seul Don Carlos, abandonné, toujours incognito, et aussi profondément amer que possible.
Ici, la scène de foule est donc le moment d'un cruel contraste entre l'émotion collective (joyeuse) et le désespoir individuel ; la figure publique est révérée, l'humain souffre. Une dualité typique du théâtre de Verdi (Macbeth, Boccanegra, Otello par exemple), et très fréquente de toute façon à l'Opéra et dans le théâtre en général. Car la dissociation est à la fois très efficace dans le dispositif théâtral et très vraie psychologiquement.
Exaltation du personnage intime dans la grande figure historique, c'est un sport romantique très développé.
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Il convient peut-être de citer un contre-exemple célèbre.
[[]] Vous retrouverez l'Orchestre de Covent Garden de l'ère Pappano (qui plus est toujours la prise de son EMI), mais il est ici dirigé (avec goût) par Mark Elder. Roberto Alagna dans « Nessun dorma » tiré de Turandot (Puccini).
« Nessun dorma » est l'un des rares cas où l'exaltation du héros contraste avec la misère qu'il entoure - et qu'il ignore superbement. Se fixant à lui-même une nouvelle épreuve de mort alors qu'il a vraincu lors des les cruelles épreuves imposées par la froide princesse, il condamne le peuple à souffrir et amènera plus loin ses amis à mourir ou à souffrir. Mais ce qui le préoccupe pour l'heure, c'est avant tout la jouissance de la certitude de sa victoire sur la femme convoitée, qu'il lance en quelque sorte à sa fenêtre et aux étoiles, sans qu'il puisse être entendu. Pendant ce temps, on entend le choeur se lamenter sur le martyre qui découlera de cette nouvelle épreuve (des massacres aveugles).
Un tel air d'exultation est rare dans le répertoire, et qui plus est il renverse le schéma habituel (où l'on compatit pour le personnage brisé) - mais Calaf n'est, définitivement, pas un personnage sympathique.
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Mais ce dispositif est-il réellement propre à l'ère romantique ?
Non, non, on en trouve trace dès Quinault. Pour Thésée (1675)[1], tout le premier acte se déroule avec des clameurs de combat en coulisse, tandis que les affects des personnages se dévoilent sur scène, suscités ou ponctués par ces événements.
Il y a fort à parier qu'il n'en existe pas d'exemple antérieur : ce type spectaculaire, cette musique dansante et dynamique étaient alors le propre de la musique française (et le baroque français demeure sans doute son lieu privilégié aujourd'hui encore...). On imagine mal les contemporains de Francesca Caccini ou Cavalli, dans leur psalmodies, introduire ce genre d'effets. Peut-être plus dans le pré-seria du type de Legrenzi, mais on voit mal pourquoi (et comment !) faire un tel crochet esthétique entre les deux genres assez hiératiques que sont le premier opéra et le seria (même si Giovanni Legrenzi est incontestablement plus mobile dramatiquement).
Il existe bien, dans Alceste (1673), un siège contre le ravisseur Licomède, mais il occupe en réalité toute la scène, et les assiégés sont censés être visibles sur le rempart, sans compter les sorties contre les assiégeants. Le dispositif ici n'est pas un dispositif expressif destiné à révéler ou à exalter des affects. La vue d'Admète blessé n'est pas attendue, c'est une surprise d'Alceste après le départ d'Alcide victorieux. [2]
[[]] Sophie Karthaüser (Aeglé), Aurélia Legay (Dorine), Salomé Haller (la prêtresse de Minerve), Nathan Berg (Arcas). Le Concert d'Astrée et Emmanuel Haïm, qui font mieux que rendre justice à cette partition, qui en exaltent grandement les qualités et en masquent tous les déséquilibres.
Vous pouvez suivre le livret ici. Nous avons pratiqué quelques coupures pour ne pas être trop long dans le cadre de cette notule.
On voit ainsi que le choeur des combattants caché suscite l'effroi, ponctue l'affliction et l'inquiétude d'Aeglé pour Thésée, contraste avec la tendresse comique du duo de valets [3], suscite les prières de la communauté, fait écho à l'horreur des mourants, annonce une victoire dont les coeurs amoureux ne savent s'il faut s'en réjouir pleinement ou se préparer à pleurer leur héros.
Le contrat est donc pleinement rempli par rapport à l'effet recherché. De plus, alors que les paroles du choeur évoluent de la lutte à la victoire, la musique de guerre conserve son unité thématique du début à la fin, et donne toute sa cohérence à l'acte entier.
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On peut donc, pour une fois, dater très précisément le procédé à 1675.
Dans toute la tragédie lyrique, cette configuration sera reprise. On peut songer à l'affrontement final de l'Ulysse de Jean-Féry Rebel, calqué en cela sur Lully comme en bien d'autres points [4], même si le livret de Guichard demande plutôt deux côtés de la scène qu'une coulisse (mais Pénélope souffre en attendant). Et bien sûr au combat mortel de Castor dans la version de 1753 (on l'entend crier comme le combattant mourant de Thésée), qui s'interrompt à l'entracte pour déboucher sur la déploration et les jeux funèbres.
Notes
[1] Notre présentation est antérieure à la parution de la première intégrale discographique et aux représentations du Concert d'Astrée. L'oeuvre avait été donnée à la fin des années 90 par William Christie dans plusieurs villes de province, mais on se fondait uniquement sur la partition.
[2] Le montage du librettiste par rapport au texte d'Euripide est d'ailleurs fort intéressant (et même franchement inspiré), ce sera pour une autre fois.
[3] Jusqu'à Isis (fausse séduction entre Iris et Mercure) et la disgrâce très temporaire de l'indispensable Quinault, on trouve des figures comiques dans les opéras de Lully et Quinault, y compris dans les dépits amoureux d'Atys, où les valets sont pourtant absents.
[4] Qu'on s'était promis de détailler un jour, il y a déjà longtemps.
(Comprend également la radiodiffusion intégrale, manifestement téléchargeable avec l'accord des artistes, du Carnaval & la Folie de Destouches / Houdar de La Motte, par Hervé Niquet et l'Orchestre de l'Académie d'Ambronay.)
classement par ordre approximatif d'exercice des compositeurs dans le domaine de la tragédie lyrique (en ce sens, il aurait fallu inverser Rebel père et Jacquet de La Guerre) ;
en gras, ce qui a été recréé dans les vingt dernières années ;
en italique, ce qui n'a pas été enregistré ;
les trois écoles de tragédie lyrique, classement proposé par CSS, sont définies ici ;
on nous pardonnera, on l'espère, les nombreuses formules un peu hâtives ; il s'agit surtout d'un guide commode à consulter, pas d'un commentaire digne de ce nom.
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JACQUET DE LA GUERRE, Elisabeth Claude (1665-1729)
Dernière représentante de la Première Ecole, elle en tire les meilleures conclusions, avec une mobilité harmonique très accrue (largement digne de Charpentier), un soin de la couleur très développé. (Ses suites pour clavecin sont à connaître impérativement, parmi les plus belles pièces écrites pour l'instrument - il existe un superbe disque proposé par Carole Cerasi chez Métronome.) Après Céphale, son style se tourne vers la cantate déjà proche de la Troisième Ecole, plus proche de Blamont et Rameau que de Clérambault.
Céphale et Procris (1694) - Duché de Vancy
1989 - Malgoire
2005 - Dolci
Initialement recréé par Malgoire, Céphale & Procris s'inscrit dans une forme d'apogée de la tragédie lyrique, où la hauteur de l'expression lullyste se combine avec une recherche musicale inhabituelle dans le genre - qu'on retrouvera sous une autre forme, cette fois plus polyphonique qu'harmonique, chez Destouches. Le livret, en outre excellent, ménage une scène finale saisissante. La tragédie n'a cela dit connu aucun succès, puisqu'elle n'a été représentée intégralement qu'une fois à l'époque de sa création, et jamais reprise. Malgré la qualité linguistique et vocale parfois discutable des protagonistes, il s'agit d'un jalon majeur de l'histoire du genre, à connaître absolument.
Le sujet du livret exploite une miniature moins célèbre des Métamorphoses d'Ovide (VII, 661-865), une figure de double inconstance, dans une symétrie relative que goûte beaucoup ce théâtre-là.
DESMAREST, Henri (1661-1741)
Didon (1693) - Mme Gillot de Saintonge
2002 - Rousset
A Beaune. Un magnifique concert, avec notamment la délicieuse Brigitte Balleys et un Jérôme Corréas à son sommet. Retransmis sur la télévision française en cinq morceaux et à une heure impossible. Très belle prestation de Christophe Rousset ; et la mise en place du concert était très esthétique. Impossible de mettre la main dessus, alors que l'oeuvre est largement plus intéressante que tout ce qui est publié à l'heure actuelle de Desmarest, et que le concert a bel et bien été enregistré...
La partition a en revanche paru aux presses du CMBV, mais son prix relativement élevé et surtout l'absence de réduction pour formation plus standard la rend assez peu utilisable en dehors des ensembles spécialisés. La qualité graphique n'est en outre pas exceptionnelle - Finale peut produire mieux que cela, en principe... Sinon, évidemment, beaucoup d'émotion en parcourant ce beau texte et cette musique élevée.
Circé (1694)
Sur un sujet semblable à l'Ulysse de Rebel. Jamais de reprise depuis la création.
Vénus et Adonis (1697) - Jean-Baptiste Rousseau
2006 - Rousset
Un livret plutôt distendu, un drame tout pastoral. Ressemble furieusement à du Lully, avec ses types d'ensemble, ses nombreux récitatifs ou ariosos. On retrouve la patte de Rousset, qui bride un plateau potentiellement excellent, et un peu d'indolence, de sècheresse, de manque d'engagement. Toutefois, cette discrétion, dans une oeuvre à tel point en pastel, prend du sens, une espèce de volupté sobre dans la lenteur, dans ce son très instrumental. On salue par-dessus tout la Vénus de Karine Deshayes, qui n'a pas dans ce répertoire les trous de projection dans le médium qu'on lui connaît dans les oeuvres postérieures, et qui fait valoir une qualité de déclamation comparable en un certain sens à la hauteur de Blandine Stakiewicz.
Iphigénie en Tauride (1704) - achevé par Campra à la suite de la fuite de Desmarest
Initialement prévu pour Montpellier 2007 avec Hervé Niquet. Annulé et remplacé par un (certes très bon) Don Giovanni du même chef. En revanche, une soirée avait eu lieu à Versailles en 1999 avec Véronique Dietschy, Monique Zanetti et Jérôme Corréas.
Renaud ou la suite d'Armide (1721) - Abbé Simon Joseph Pellegrin
L'oeuvre entend prendre la suite du chef-d'oeuvre de Lully, mais le livret de l'Abbé Pellegrin (surtout connu pour son Hyppolite & Aricie) laisse dubitatif sur la réussite de l'ensemble.
MARAIS, Marin (1656-1728)
Alcide (1693) - en collaboration avec Louis Lully (livret de Campistron)
2006 - Corréas
Prévu pour le 8 octobre 2006 à Versailles, avec Aurélia Legay, Salomé Haller, Brigitte Balleys, Paul Agnew, Nicolas Cavallier. C'est inespéré - les collaborations, si à la mode au dix-neuvième siècle pour faire vendre, comme si les talents s'accumulaient au lieu de se diviser, inspirent aujourd'hui la plus grande défiance, avec le culte du créateur démiurge - qui ne saurait être entravé par la moindre contrainte. (On rejoint les enjeux de la création contemporaine d'opéras.) On accueillira donc cette recréation avec enthousiasme - à ceci près que les deux compositeurs n'étant jamais joués, on ne pourra guère être catégorique sur leurs styles respectifs. Louis Lully avait rencontré en 1690 un grand revers avec Orphée, en collaboration avec son frère Jean-Baptiste fils ; la police dut même interdire les sifflets ! Il assura tout de même bon nombre d'oeuvres de la transition, comme Colasse (et, dans une moindre mesure Desmarest) avant les grands succès de Campra (à commencer par L'Europe Galante, opéra ballet).
Une fois écouté, Alcide révèle un livret modérément inspiré (sans grande surprise, Campistron ayant commis le peu immortel Acis & Galatée) et surtout une musique servie de façon un peu sage (ce qui est peut-être assez logique eu égard à la jeunesse de l'ensemble). On y retrouve le ton mélancolique de Marais, et ses admirateurs y trouveront sans doute de l'intérêt - mais étrangement, CSS n'apprécie pas trop ce ton de rêverie un peu larmoyante qui caractérise Marais - comme s'il employait la viole de gambe en permanence dans tous les registres.
Le livret a bien peu convaincu à son époque également. Les musicologues n'ont pas établi avec clarté, semble-t-il, la part de chaque compositeur dans l'ouvrage. Quoi qu'il en soit, le ton en est très proche des autres oeuvres de Marais, et la fluidité du résultat rattache sans grande ambiguïté Alcide aux débuts de la Deuxième Ecole.
Ariane et Bacchus (1696) - Saint-Jean
2006 - Discrète année Marais, on attend une à peu près intégrale de ses opéras. A suivre.
Manifestement annulé. Il n'y a pas eu de recréation.
Alcyone (1706) - Houdar de La Motte
1990 - Minkowski (CD)
Beau disque, mais le livret de Houdar de La Motte fait véritablement dans le stéréotype pataud et la musique ne soutient pas forcément l'attention des lutins - qui sont manifestement seuls dans ce cas, ce qui laisse penser qu'il s'agit plutôt d'une réticence de notre part au langage de Marais. Pas du tout prioritaire à notre avis, mais c'est un jalon important de la Deuxième Ecole, quoi qu'il en soit.
1991 - Christie
Représentations seulement.
Sémélé (1709) - Houdar de La Motte
2006 - Niquet
Dans une veine plus sarcastique, une assez belle réussite de Marais / La Motte, une tragédie aussi ironique que lyrique, qui peut rappeler la tendresse semi-cruelle de Busenello envers ses personnages, mais qui ne se départit pas non plus des exigences élevées du genre. Distribution de premier choix pendant les représentations scéniques, menée par Blandine Staskiewicz... une fois de plus scandaleusement remplacée au disque. (Même si c'est encore une fois une excellente alternative qu'on nous propose.)
Au disque, Niquet a fini par enregistrer le Prologue (à force de se faire conspuer pour son attitude charcutière). L'élan de l'ensemble est tout à fait délectable, et le Prologue vraiment excellent de surcroît, peut-être même, une fois n'est pas coutume, le meilleur (musicalement s'entend) de l'oeuvre. Le riche livret de Glossa comprend comme il est devenu d'usage des articles indispensables (ce qui rend le produit impiratable), notamment sur l'instrumentation de Marais.
Une petite déception par rapport à nos espoirs en visionnant ce Cadmus.
Extraits, liens vers d'autres comptes-rendus, et un bref rappel sur la nature des dialogues parlés de l'opéra-comique.
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Mise en scène
L'éclairage à la bougie produit toujours l'effet d'un tableau de La Tour, jetant un voile poétique sur la scène, la rendant d'emblée surnaturelle.
Cependant, les couleurs très vives et mêlées ne produisaient pas, loin sans faut, la même atmosphère très prenante que pour Il sant'Alessio. La juxtaposition des tons, quoique lissée par l'éclairage à la bougie, paraissait assez modérément gracieuse. Bien entendu, pour la fête très optimiste de Cadmus, où le héros se trouve à tout instant secondé par des divinités propices, ou le comique et le visuel exotique ont toute leur place - avant que, selon les goûts du roy, une esthétique plus lissée ne prenne la place - il ne s'agit pas de nier leur justification ; toutefois le résultat demeure peu enthousiasmant - le La Tour pouvant se muer en Gauguin, dans le Prologue en particulier.
Le problème réside dans l'impossibilité de se laisser captiver par autre chose. Faute de place sur la scène de l'Opéra-Comique, sans doute, et faute de mobilité aussi dans la direction d'acteurs. A l'ancienne, toujours de front, avec une gestuelle baroque minimale. Il est pourtant possible de procéder autrement : Marshall Pynkowsi dans son Persée de Toronto, avec des moyens bien moindres, se montrait bien plus prodigue en gestes expressifs, en décalage humoristique et même en spectaculaire, dans une mise en scène sensiblement plus mobile.
Indépendamment de la fidélité à une lettre du XVIIe, il fallait composer avec une certaine mollesse de la réalisation - des ballets très parcimonieusement mobiles et assez chichement expressifs en particulier. La danse des statues animées à l'acte III montrait quelque chose d'assez peu saisissant, plutôt un mécanisme d'horlogerie qu'une manifestation du surnaturel.
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Exécution musicale
De surcroît, à la réécoute, un peu de frustration musicale se fait jour chez les lutins. Nous étions resté plus attaché à la version donnée en 2001 par Christophe Rousset, dont il nous est demeuré une bande radio, dans un style extrêmement élégant et concerné - bien loin des alanguissements systématiques dont le chef se repaît depuis quelques années.
Toutefois, lors de la radiodiffusion du spectacle de Dumestre, en janvier dernier, nous avions trouvé séduisante l'idée d'appuyer la filiation italienne - Lully s'étant d'abord exercé comme compositeur de ballets pour l'Ercole Amante de Cavalli, donné à Paris. La séduction de ce théâtre vocal à machines fut tel que le pouvoir décida de produire sa propre gamme de spectacles, avec un cahier des charges similaire, mais en français. La tragédie lyrique était en marche.
De ce point de vue, le choix de Dumestre d'exalter la couleur "premier XVIIe italien" dans Cadmus était fort bienvenu, et extrêmement réussi dans les ballets - servi par un ensemble dont on peut vérifier, au DVD, l'enthousiasme jusque sur le visage du dernier altiste (tenant pourtant une ligne fort peu exaltante sur un instrument malcommode, sans effets expressifs particulier requis pour cette partie). La danse, les couleurs bigarrées y triomphent d'une façon extrêmement communicative (avec un très beau son).
Dernière ritournelle de l'acte I. On entend que les récitatifs fonctionnent bien, avec un petit côté solennel cependant. Version Dumestre ; Luanda Siqueira, Junon ; Eugénie Warnier, Pallas ; André Morsch, Cadmus.
Malheureusement, et il faut peut-être sentir ici la jeunesse de cet ensemble à l'Opéra (c'est-à-dire dans la continuité d'une oeuvre intégralement chantée, pour la première fois dans ce répertoire), les récitatifs se révèlent assez distendus - beaucoup de blancs entre les répliques, et un manque de feu assez patent dans le rythme et l'élocution.
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La question du français classique
Le plateau, peut-être plus prudent à cause de la prononciation restituée, semble en effet plus joliment musical qu'investi. S'il faut saluer André Morsch pour sa maîtrise non seulement du français, mais du surcroît de difficulté imposé par la prononciation restituée, la voix comporte un léger souffle, probablement dû à l'inconfort linguistique. On remarque surtout David Ghilardi, dont le Soleil rayonnant et le prince tyrien ductile flattent nos sens, et son pendant, Vincent Vantyghem, également remarquable dans la tessiture basse. (Le reste du plateau étant constitué de voix légères, de caractère pas toujours affirmé, mais très bien placées.)
La prononciation restituée voulue par Benjamin Lazar (sur le modèle d'Eugène Green), bien que conçue de façon un peu systématique pour être exacte, a le mérite de faire sonner les rimes dans leur entièreté et de redonner du relief à la langue, de refaire découvrir des beautés noyées sous le parler usuel. A l'opposé, on y perd en spontanéité, l'émotion du texte passe nécessairement par le filtre d'une langue qu'il nous faut réapprivoiser. C'est pourquoi nous nourrissons sans doute une petite préférence pour la prononciation moderne, mais il faudrait le confirmer à l'usage - les enregistrements où la prononciation à l'ancienne est adoptée, maîtrisée et intelligible, bien qu'en forte augmentation, ne sont pas encore légion.
Très beau récital, hier, dans le cadre des midis musicaux du Grand-Théâtre. Pour six euros, voici ce que l'on pouvait entendre. Un programme de fou, comme on dit.
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Schubert, Mignon und der Harfner (Kimy McLaren, Thomas Dolié)
Une rareté absolue : la cinquième des six mises en musique (dont la première existe en deux versions...) de Nur wer die Sehnsucht kennt, le deuxième des chants de Mignon dans Wilhelm Meister. D.877 n°1 (Op.62 n°1), elle cohabite avec une autre, prévue pour voix solo.
Il s'agit du seul duo schubertien de notre connaissance, dans son corpus de lieder, à ne pas se répartir de façon dialoguée (Shilrik und Vinvela D.293, Hektors Abschied D.312, Antigone und Oedip D.542...), mais à se chanter simultanément. Et avec quel rare bonheur !
On songe déjà à l'opus 14 de Max Reger...
Christine Schäfer, John Mark Ainsley, Graham Johnson (piano). Extrait tiré du volume 26 de l'intégrale Hyperion.
Les voix s'enlacent de façon extrêmement captivante, vraiment à l'égal de Reger. Hélas, contrairement à Mendelssohn et Schumann, il n'existe pas de corpus nourri de cette nature chez Schubert, ce qui représente une immense tragédie.
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Mendelssohn, Maiglöckchen und die Blümelein & Abendlied (Kimy McLaren, Thomas Dolié)
Plus insouciants, on y entend donc des duos de Mendelssohn, légers ou tendres. Evidemment, le contraste avec l'intensité du Schubert nuit à la valeur réelle de ces pièces charmantes - bien que le lied n'ait jamais été le répertoire le plus essentiel de Mendelssohn.
Une oeuvre à part : les merveilles qu'on y entend figurent dans la partition et ne sont pas dues au zèle inspiré de recréateurs capables de soutenir à eux seuls des partitions assez dépouillées.
La manifestation est généralement très décriée, avec un bonheur partagé, disons. On ne peut pas attendre d'une manifestation grand public la rigueur d'une audition officielle ou l'équité de vraies épreuves (existe-t-elle, d'ailleurs ?). Il est exact cependant que la présence quasiment exclusive de quelques noms-phares d'EMI-Virgin et Naïve laisse songeur sur les ressorts de la manifestation.
Peu importe, au moins pour les jeunes gens, ce sera l'occasion, pour nous, de proposer quelques remises en perspective sur les présents, qui ne sont pas dépourvus d'intérêt, loin s'en faut. Surtout que les extraits fournis gracieusement par les organisateurs sont, comme c'est la tradition, fort mal choisis...
Petite balade dans le palmarès, et suggestions éventuelles. Un bon prétexte pour apporter quelques éclairages au buzz.
Gabriel Dupont est fort mal connu, on en convient. Pourtant, il incarne, on pourrait dire, comme un idéal de la mélodie française. Ni hiératique comme Debussy, ni maussade comme Fauré , ni solipsiste comme Duparc. Et cependant, il partage beaucoup avec ceux-là.
Vous le savez, le choix de CSS est d'éviter autant que possible la facilité discographique - on se perd bien rapidement dans des arguties préférentielles qui n'ont pas grand sens, tant elles sont attachées aux attentes de chacun (qui la voix, qui le théâtre, qui la musicalité, qui la chatoyance, etc.). On préfère inciter à la découverte d'oeuvres, à tout prendre, et s'y balader tout à loisir en compagnie des lecteurs de CSS.
Néanmoins, ici, devant l'immensité de la tâche que représente l'abord de ces Gezeichneten - dont le titre français a pour nous tant de charmes -, on biaise un peu. Et pour une raison bien simple : parce que les versions sont piégeuses, beaucoup sont coupées et la critique ne les signale pas. De plus, l'oeuvre est difficile à distribuer et une petite description avant achat peut s'avérer utile.
Toutefois, cette entrée était prévue pour intégrer l'article présentatif de Schreker, et n'a pas le caractère que nous aimons dans les discographies : à savoir la description des caractéristiques et non l'énonciation de jugements. Ici, du fait de leur caractère initialement informel (c'est-à-dire pas prévues pour être publiées de façon autonome), les notices ne sont pas expurgées de sentences parfois laconiques, ce que nous regrettons avec vous. On espère tout de même que le contenu en sera suffisamment informatif pour vous guider, notamment relativement aux coupures.
Et, pour se faire pardonner :
une astuce pour déceler les coupures avant écoute ;
quelques réflexions sur l'économie dramatique de l'oeuvre et sa mise en péril majeure par les coupures ;
une petite écoute comparative illustrative des versions inédites. (Les Lutins ont bien travaillé.)
Concevez-le donc bien comme une annexe discographique à l'article original.
On reproche souvent à la tragédie lyrique d’être stéréotypée, plutôt creuse musicalement, un répertoire où chaque pièce est la copie conforme de l’autre.
Il me semble que cette impression est souvent due à une méconnaissance du cahier des charges, des lois du genre qui n’obéissent pas à notre logique d’innovation et de personnalité, mais plutôt à la recherche de variations subtiles sur une esthétique commune à tous.
C’est pourquoi j’ai proposé ceci comme introduction à la tragédie lyrique (à partir de la vidéo d' Atys mis en scène par Villégier). C’est là une vulgate sommaire, mais doit être à peu près présente la nature de l’approche qui me semble la plus féconde pour faire aborder la tragédie lyrique aux sceptiques.[1]
Version brève et version longue - il y en a pour tous les goûts.
[Oui, très joli génitif hébraïque, pas ostentatoire du tout, merci.]
Sur le très sympathique carnet d'une médiathèque française, où je vais lire de temps à autre, j'ai trouvé aujourd'hui quelques imprécisions parfois récurrentes sur la tragédie en musique.
Je me suis donc attaché à les rectifier gentiment en commentaire, et je me dis, après tout, qu'elles peuvent être utiles, sait-on jamais, à certains visiteurs de passage sur CSS.
Je ne citerai pas à cette occasion le carnet en question, le but n'est surtout pas de lui causer du tort, mais d'essayer de fournir les informations les moins erronées possible. D'autant plus que la synthèse sur le genre était une excellente idée, et bien structurée. Le propos portait essentiellement sur le modèle Lully/Quinault, mais au vu des petites confusions, je me permets de préciser au delà.
Découverte il y a quelques mois du site de Nicolas Sceaux, largement consacré à la tragédie lyrique et l'opéra seria . On y trouve, réalisées par ses soins, des copies manuelles des partitions intégrales d' Armide et Psyché de Lully, de Giulio Cesare de Haendel...
L'occasion de faire un point sur les sites proposant des partitions gratuites (et sur les meilleurs revendeurs payants). Car on se trouve bien souvent face à des doses homéopathiques de partitions, redondantes, célébrissimes, ou face à des annuaires d'annuaires. Le fruit de plusieurs années de guet sur la Toile...
Il va de soi que toutes les adresses proposées sont respectueuses de la propriété intellectuelle, c'est ce qui fait tout leur intérêt.
Fin mai, on assistait à la recréation, sauf erreur, pour la première fois depuis plus de deux siècles, d'un opéra intégral de François Francoeur et François Rebel[1]. Contrairement à Destouches, par exemple, on ne publiait même plus de réductions piano des Francoeur & Rebel au début du vingtième siècle.
Or CSS, vous l'aurez noté, entretient une relation très enthousiaste avec la tragédielyrique. Nous avions annoncé, en juillet de l'an dernier, les festivités de cette année. Le Destouches inconnu était Le Carnaval et la Folie, un divertissement joué l'an prochain à Toulouse et à l'Opéra-Comique.
Cette relation privilégiée s'explique sans doute par le rapport étroit au texte, le soin qui est apporté à son écriture, par ce sens de la danse aussi. Et ce goût de la convention, qui fait pleinement sien le caractère intrinsèquement artificiel du genre opéra - sans sacrifier, contrairement au seria italien, l'urgence dramatique.
fin de l'acte II, épisode sur lequel nous reviendrons
Au programme :
1. Contexte.
2. Livret.
3. Sources.
4. L'oeuvre : style et musique.
5. L'interprétation de Daniel Cuiller à Nantes et Angers 2007.
6. Lire
Notes
[1] Fils de Jean-Féry Rebel, dont on a recréé l' Ulysse en juin.
Ces oeuvres ont déjà un grand intérêt en elles-mêmes : elles portent la charge de caractère de l'opéra (cette esthétique de la merveille qui est justement bannie du théâtre classique parlé), et représentent un sommet de l'art de la danse qui est à l'oeuvre dans la tragédie lyrique.
Leur individualité et la richesse de l'orchestre chez Rameau font qu'elles se prêtent tout particulièrement à l'exécution en suites.
Frans Brüggen et l'Orchestre du XVIIIe siècle ont enregistré de nombreuses suites instrumentales tirées des opéras de Rameau.
Il faut entendre prioritairement : Castor & Pollux (pour la tension et la volupté) et Dardanus (pour la grâce), mais aussi les imaginatives Indes Galantes. Hélas, ces trois disques sont épuisés (!).
Existent également Les Boréades dans un couplage avec Dardanus (au lieu des 3 Fantaisies de Purcell).
Mais on les trouve aisément en médiathèque (surtout les Indes) et il existe une nouvelle série (chez Glossa et non plus Phillips) que je n'ai pas entendue, mais que je devine très intéressante, comprenant :
Acanthe & Céphise (couplé avec Les Fêtes d'Hébé) ;
Zoroastre (couplé avec Naïs) - Zoroastre dispose tout particulièrement de très belles danses.
La caractéristique du travail de Brüggen tient dans la limpidité des parties, la netteté de la mise en place, la perfection de l'exécution, mais aussi et surtout des couleurs invraisemblables et variées, un sens de la danse (et du tempo !) assez inégalé, une imagination débordante pour la moindre pièce qu'il aborde.
Chaque pièce est caractérisée, ses mérites semblent infiniment exaltés, et la prise de son finit de parachever ce qui tient à la fois du confort et de l'excitation.
Un des plus grands legs instrumentaux du marché, toutes époques confondues. Et qui n'a pas pris une ride. Comparez par exemple le Dardanus avec l'intégrale plus tardive des Musiciens du Louvre. Combien ceux-ci paraissent indolents et gris, en comparaison - et pourtant, Minkowski n'est pas précisément le champion des attitudes compassées et scolaires.
Pour vous faire une idée, la contredanse des Indes Galantes :
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Répertoire des oeuvres jouées et éditées dans le domaine de la tragédie lyrique. Avec de brefs commentaires.
Modèle :
COMPOSITEUR, Prénom OU INDISPONIBLE, Prénom
Oeuvre (date de création) (en italique si l'oeuvre a seulement été donnée en concert ; certaines oeuvres indisponibles sont tout de même citées, mais ne figurent pas en gras)
Enregistrement
Commentaire de l'enregistrement. Commentaire de l'oeuvre.
Exécution en public sans enregistrement
Les compositeurs sont placés par ordre chronologique de carrière.
Les oeuvres et interprétations par ordre chronologique.
L'intérêt est de pouvoir disposer d'un bréviaire sur les oeuvres disponibles, d'un plan pour se repérer.
Voilà fort longtemps que je me demande, en vain, pourquoi, alors que n'importe quel non puriste wagnérien hurlerait à bon droit si on coupait encore dans le duo Siegfried-Wotan ou dans les monologues de Gurnemanz, on continue à couper impunément Richard Strauss. Parmi d'autres.
La mode est aux archi-intégrales. On vend Mozart en entier (ou presque). On réalise de nombreuses intégrales Bach, mais aussi celles de compositeurs moins prestigieux, pour lesquels on espère que le fantasme d'exhaustivité incitera plus à la curiosité que de simples anthologies. On republie même des pasticcios vivaldiens pas très vivaldiens, comme le Montezuma putatif proposé par Malgoire, comme le Bajazet contenant de nombreux morceaux "volés" à d'autres compositeurs.
Et pourtant, certains répertoires demeurent inexplicablement coupés. Sans que grand monde s'en émeuve.
Cet aimable bac à sable accueille divers badinages :
opéra, lied,
théâtres & musiques
interlopes,
questions de langue
ou de voix...
en discrètes notules,
parfois constituées en séries.
Beaucoup de requêtes de moteur de recherche aboutissent ici à propos de questions pas encore traitées.
N'hésitez pas à réclamer.