mercredi 31 octobre 2012
Mauvaise humeur
Ce billet, écrit à par DavidLeMarrec dans la catégorie En passant - brèves et jeux - Opéra romantique français et Grand Opéra a suscité :
2 roulades :: sans ricochet :: 3770 indiscrets
Écoutes (et nouveautés) | INDEX (très partiel) | Agenda concerts & comptes-rendus | Playlists & Podcasts | Instantanés (Diaire sur sol)
mercredi 31 octobre 2012
Ce billet, écrit à par DavidLeMarrec dans la catégorie En passant - brèves et jeux - Opéra romantique français et Grand Opéra a suscité :
2 roulades :: sans ricochet :: 3770 indiscrets
mardi 30 octobre 2012
Ecoute intégrale ci-après.
Tout le monde dira (et, l'occurrence, tout le monde a raison) que les quatuors et quintettes avec piano (deux nouvelles sélections à venir) de Fauré constituent un sommet dans l'histoire de la musique de chambre.
Seulement, voilà, même s'ils sont abondamment enregistrés, les « grandes » intégrales, recommandées dans tous les guides et de mélomane en mélomane, sont épuisées depuis longtemps :
Ce billet, écrit à par DavidLeMarrec dans la catégorie Le disque du jour - Domaine chambriste - Musique romantique et postromantique - Musique décadente a suscité :
11 roulades :: sans ricochet :: 3820 indiscrets
dimanche 28 octobre 2012
Soirée un peu tiède pour différentes raisons (à commencer peut-être par le contraste avec le langage de Der Ferne Klang quelques jours plus tôt !), mais très stimulante.
--
Phaëton est un opus particulièrement original dans le corpus de Lully, plus encore dans celui de Quinault, et même dans le genre de la tragédie en musique tout entier. Il suffit d'observer la place de son rôle-titre, tenu par la haute-contre, mais exceptionnellement utilisée comme un personnage repoussoir. C'est la première fois (il s'agit de la dixième tragédie en musique de Lully) que cette configuration apparaît, et elle restera extrêmement rare dans la littérature musicale du siècle à venir. Et dans certains cas, de façon moins franche (Jason est-il réellement à considérer comme négatif, étant donné que son vis-à-vis est la barbare Médée ?).
De même, la musique y montre un renouvellement et un raffinement peu communs chez Lully. Son inégalité est d'ailleurs frappante : qu'on trouve son inspiration un peu terne (Thésée, Isis) ou au contraire magistrale (Atys, Armide), la plupart de ses oeuvres sont d'une qualité assez homogène. Or, Phaëton contient à la fois les plus hauts sommets du compositeur (les deux derniers tiers du Prologue, à peu près tout à partir de la seconde moitié de l'acte II) et des pages parmi les plus lisses et vides de sa production tragique (le reste). Un peu à l'image d'Amadis, à ceci près que le livret de Phaëton est aussi tendu et brillant que celui d'Amadis est indolent et répétitif.
Dans ses moments majeurs, on rencontre bon nombre d'effets inédits : la chaconne, l'air de rien, très retorse rythmiquement ; les duos tendres de Lybie et Epaphus, modèles de virtuosité dans l'alternance des mètres musicaux ; son inspiration mélodique très évidente et assez différente de ses habitudes ; les parties très aiguës du Soleil, mais sans le caractère de douceur des autres occurrences de ce type (Sommeil & Morphée dans Atys, Mercure versant le sommeil dans Persée) ; cette fin à la fois malheureuse et souhaitée (sans l'attachement qu'on peut avoir à la figure d'Armide) ; son caractère hautement spectaculaire. Pour cette dernière raison, on l'a nommé « l'opéra du peuple » (Atys étant « l'opéra du roi »), considérant les succès très vifs que les machines de l'acte V remportaient auprès du public parisien de l'Académie Royale de Musique.
Voici ce qu'il en était dit (plus spécifiquement à propos des récitatifs d'Epaphus dans une notule de 2011 :
Le naturel extrême de la déclamation (fondé sur des mesures dont les mètres sont très changeants), sa grande inspiration mélodique, l'ampleur sans grandiloquence du geste musical, le pathétique très attachant des personnages, la beauté des couleurs harmoniques (parmi les plus raffinées de tout Lully), la variété des carrures rythmiques bondissantes, le sens inexorable de la progression dramatique, les sommets contenus dans les duos qui terminent chaque entretien... tout cela témoigne combien Lully a ici livré sa meilleure inspiration, et l'un des moments les plus élevés de toute son oeuvre.
Par la même occasion, ces deux scènes constituent également un sommet de l'histoire du récitatif français.
A la relecture des partitions, j'ai sans doute un peu exagéré, Phaëton n'a jamais le relief harmonique des grands moments d'Atys et d'Armide, mais il maintient l'exigence à un niveau moyen d'une qualité assez rare chez Lully.
--
Etrangement, je ne ressens pas vraiment la même chose en salle qu'en retransmission, et comme pour la Médée de Haïm, ce n'est pas à l'avantage de la musique en vrai.
Peut-être la proximité dans mes oreilles d'une oeuvre aussi dense musicalement que Der Ferne Klang a-t-elle un peu altéré mes repères auditifs (petite salle, orchestre très riche, décibels généreux), et de fait l'orchestre sonne mince dans les dynamiques les plus fortes.
L'ensemble de la soirée procure un étrange sentiment de mollesse, de distance même, s'alanguissant avec la même coquetterie terne que le Rousset du milieu des années 2000, celui du creux de la vague (avec, en ce qui concerne ce répertoire, les studios de Persée et de Roland). Attention, contrairement à Haïm, la musique fonctionne tout de même la plupart du temps - la logique de Rousset me paraît souvent néfaste aux oeuvres qu'il sert, mais il n'y a jamais l'impression de fragmentation qu'on pouvait ressentir avec Haïm.
Et cela voisine avec des moments d'inspiration extraordinaires. En particulier les danses (chaconne remarquable), absolument toutes les interventions chorales (le Choeur de Chambre de Namur est bien sûr magnifique, mais mieux dirigé que jamais), de très belles réalisations au théorbe et au clavecin (du type "ritournelle", qui invente des contrechants, des introductions, des réponses - encore meilleur pour Rousset que pour Stéphane Fuget), l'usage très heureux du positif dans certains récitatifs, un acte IV qui mêle poésie et tension. Sans parler de la trouvaille du final (reprise du choeur « Ô témérité malheureuse » en decrescendo tendre et funèbre, là où Minkowski renforçait l'éclat), tout à fait bouleversante, une de ces fins qui éclairent de façon très puissante tout ce qui précède.
Dans l'ensemble, on évite donc le côté cassant qu'on pouvait reprocher au studio de Minkowski, qui ne respire pas beaucoup, et qui se montre quelquefois brutal (l'esthétique de sa chaconne se rapproche assez de celle, martiale, de Goebel pour Armide). Mais Minkowski avait pour lui, outre une distribution (très) supérieurement préparée, un sens du drame sans comparaison : sa conception du continuo est certes plus verticale (beaucoup d'accords égrenés, moins de contrepoint), mais la gestion du temps de déclamation est idéale, on perçoit sans cesse l'urgence des situations et les quantités de la langue. Aussi, son disque se dévore, et malgré ses duretés, convainc de bout en bout.
--
Globalement, l'intérêt de la soirée suit de très près l'intérêt de la partition : lorsque celle-ci se dérobe, il n'y a réellement plus rien (première partie de soirée assez peu palpitante) ; lorsqu'elle déploit ses beautés, sans en tirer toujours pleinement parti, Rousset la sert avec soin. Du moins à l'orchestre.
Car, comme au TCE avec Haïm, le problème le plus frappant étant l'absence de travail sur la déclamation. Les chanteurs disent leur texte sans s'appuyer sur la couleur propre de chaque voyelle, sans croquer les consonnes, sans mettre en valeur les "quantités" fortes du vers. Je distingue même (non sans horreur) des traces de couverture ! Affadir le texte, avec une musique aussi simple, aussi liée à sa qualité verbale, c'est tout bonnement se faire seppuku.
J'y vois plusieurs explications possibles :
Ce billet, écrit à par DavidLeMarrec dans la catégorie Baroque français et tragédie lyrique - Saison 2012-2013 a suscité :
4 roulades :: sans ricochet :: 19176 indiscrets
samedi 27 octobre 2012
http://sallepleyel.fr/francais/concert/12568-orchestre-francais-des-jeunes
Il suffit de voir ce qu'ils écoutent comme musiques actuelles !
Ce billet, écrit à par DavidLeMarrec dans la catégorie En passant - brèves et jeux a suscité :
silenzio :: sans ricochet :: 1697 indiscrets
mercredi 24 octobre 2012
La mise au répertoire de l'Opéra du Rhin de Der Ferne Klang (la première française, il me semble) constitue l'occasion, jamais saisie alors qu'on s'est beaucoup attardé ici sur les Gezeichneten, voire sur la Symphonie de Chambre, de présenter un autre chef-d'oeuvre au sein d'une production très inégale.
En fin de présentation, un mot sur les représentations strasbourgeoises (pas dépourvues de réserves bien sûr, mais en réalité assez idéales). Et un bref bilan discographique (trois versions officielles à ce jour).
Avec extraits sonores.
--
--
Son premier opus, Flammen (1901-1902), est le seul dont il n'ait pas écrit le livret. La tâche était alors assurée par Dora Pollak (sous le pseudonyme de Dora Leen), fille du médecin personnel de Ferdinand von Saar - ami et mentor de Schreker, auteur majeur du naturalisme germanophone (ce qui n'est pas sans faire écho à certains traits de Ferne Klang). Dès ce coup d'essai (un seul acte, de soixante-quinze minutes), Schreker fait valoir un orchestre luxuriant, assez indépendant (rythmiquement et mélodiquement) du chant, et disposant de couleurs orchestrales et harmoniques singulières.
Il faut bien voir qu'en 1901, Pelléas n'était pas encore créé, et que le premier opéra allemand décadent d'importance (du moins tel que documenté à ce jour, car il peut tout à fait y avoir des surprises dans les bibliothèques !) n'a pas encore été créé : Salomé de Richard Strauss, en 1904 - qui s'inspire de la matière musicale de Cassandra de Gnecchi, mais avec une modernité, une densité et une puissance sans commune mesure. De ce fait, ce premier opéra de Schreker peut quasiment être considéré, jusqu'à plus ample informé, comme le point de départ du mouvement lyrique décadent (essai de segmentation ici).
Et ce premier livret est déjà centré sur les questions de création, de vie de l'artiste, de sacrifice féminin (notion très wagnérienne, n'est-ce pas), qui seront complètement récurrentes dans les livrets de la main de Schreker.
L'opéra qui nous occupe, Der Ferne Klang (Le son lointain), est le deuxième opéra de son auteur, le premier de cette envergure (deux heures et demie). Il est intéressant de noter que sa composition débute également avant la création de Salomé (1903-1910), même si sa création est sensiblement plus tardive (1912, à Francfort-sur-le-Main). Malgré son vif succès à l'époque - Schreker représentant, jusqu'à son interdiction par les nazis, l'un des compositeurs les plus en vue de la République de Weimar -, l'oeuvre arrivait donc après les paroxysmes d'Elektra, et n'a certes pas le même impact - ni, à mon sens.
Néanmoins, elle demeure à la pointe de la modernité, et très singulière, vraiment différente du ton des Strauss ou de la palanquée de post-wagnériens (parfois très séduisants, comme Humperdinck, Pfitzner ou Siegfried Wagner).
--
Nécessaire pour suivre la logique de ce qui suit si l'on n'a pas déjà lu le livret, voici les quelques articulations importantes de l'intrigue.
Acte I, tableau 1. Grete et Fritz s'aiment en secret, mais Fritz part à la recherche du soin lointain qu'il entend sans cesse - un sacrifice que Grete accepte avec générosité. Mais celle-ci découvre soudain que son père, ivrogne perclus de dettes au cabaret d'en face, vient de la jouer (et la perdre) pour un tonneau de vin. Désespérée, elle finit par accepter l'offre du cabaretier (qui lui offre, une fois mariés, de prendre des amants à son gré). Mais, une fois seule, elle se sent incapable de tenir sa parole et s'enfuit pour retrouver Fritz.
Acte I, tableau 2. Grete est désespérée de sa quête infructueuse, mais émerveillée des beautés de la forêt. Elle songe à se noyer dans le lac, mais la Vieille Femme (qui la persiflait au premier tableau) reparaît, et lui propose de retrouver l'équivalent de Fritz.
Acte II, tableau unique. Ile vénitienne qui sert de luxueux lupanar. Grete, à la fois flattée dans sa vanité par l'idolâtrie des hommes, et mélancolique sur le souvenir de son premier amour perdu, écoute le concours de contes qu'elle a lancé - et dont elle est le prix. Le Chevalier galant fait dans le badin ; le Comte, qui soupire en vain pour Grete (à qui il rappelle trop Fritz), épris contrairement aux autres, propose une sombre ballade germanique. Grete rejette sa proposition d'enlèvement pour une vie décente.
Fritz paraît, et reconnaissant tardivement Grete, lui raconte sa recherche égoïste qu'il déplore. Celle-ci lui accorde le prix, mais alors qu'il compte partir, elle lui fait entendre qu'il s'agit d'une nuit voluptueuse, très loin de leurs entretiens naguère. Horrifié, Fritz s'enfuit ; Grete accepte la proposition du Comte.
Acte III, tableau 1. Au café en face de l'Opéra. Remords du docteur Vigelius, à l'origine de la « vente » de Grete, et qui s'accuse de sa disparition. Les artistes, sortant du théâtre, font écho au grand succès de l'oeuvre, avant la chute terrible de l'acte III. Grete, devenue une prostituée de rue, a fait un malaise pendant la représentation, et tandis qu'elle se remet, se fait importuner par un homme connu antérieurement et mépriser par la compagnie. Néanmoins le manège attire l'attention de Vigelius qui l'identifie. Devant l'échec de la pièce et l'annonce de la maladie du compositeur, Grete décide de voler au devant de Fritz pour le consoler.
Acte III, tableau 2. Chez Fritz. Désespoir du compositeur déchu. Vigelius, forçant sa porte, lui parle sans être entendu, alors qu'il lui révèle la présence de Grete, à laquelle Fritz pense en se reprochant son abandon à Venise, lorsqu'elle était dans la fange. Finalement, apparition de Grete, fugace moment de joie, avant que chacun ne se mette à délirer simultanément, Grete sur sa dévotion à Fritz (avec des réflexes assez « physiques »), Fritz sur le son lointain toujours plus présent. Finalement, mort de Fritz.
--
On retrouve dans cette oeuvre un nombre important de motifs communs à beaucoup d'autres livrets de Schreker. Rien qu'au niveau de l'histoire racontée : la figure de l'artiste (d'une façon ou d'une autre maudit), le départ pour une quête surnaturelle, l'auberge sordide, la vie misérable à la campagne, la question du désir évoquée sans détour (mais toujours connectée à l'égarement moral et à l'expiation).
Il est frappant de constater à quel point, aux côtés d'une musique très moderne, d'une écriture tonale très souple (et parfois, comme au milieu du III, complètement floue), volontiers ironique et grinçante (musique de scène de l'acte II), le propos littéraire de Schreker demeure profondément marqué par le romantisme. Et pas seulement de pair avec les grands épanchements lyriques assez extraordinaires dont, comme Strauss, il est maître : tout le drame est innervé par des représentations morales typiquement romantiques.
On y retrouve cette fascination pour la pureté (l'amour doit être unique), ce goût paradoxal pour la passion destructrice (dont, comme chez les romantiques "classiques", on ne parvient jamais à savoir si elle est plutôt modèle ou plutôt repoussoir, vu les résultats obtenus), cette exaltation de la femme et de la rédemption terrestre.
Mais à tout cela s'ajoute une atmosphère sulfureuse [1] et fortement sexuée. Sans les crudités de Wozzeck, Lulu ou Lady Macbeth de Mtsensk, bien sûr, mais à défaut de consommation, le désir sous sa forme la plus écarlate y est évoqué sans détour.
Et précisément, on sent un trouble très palpable autour de ces éléments, car on ne parvient jamais à distinguer entre fascination et condamnation ; d'un côté, Schreker ose le sujet, exalte le pouvoir de la femme, confie à ces moments de superbes pages musicales et ses tirades les plus soignées ; de l'autre, il décrit une forme de déchéance (sous divers aspects selon les oeuvres, mais très évidente), de punition immanente pour celui qui s'égare dans ces absolus trompeurs.
Ainsi, de même que la culpabilité judéo-chrétienne subsiste, mais avec une possibilité de la verbaliser, de même l'artiste romantique demeure, avec l'adjonction de son aspect maudit très fin-de-siècle. Schreker ne bouleverse pas les paradigmes, mais il les rend plus complexes et contradictoires.
D'une certaine façon, si Der Ferne Klang n'est pas l'oeuvre la plus aboutie de Schreker, elle peut en être la plus représentative.
Et le compositeur y a ajouté une dimension encore plus personnelle :
[1] Déjà en germe chez les premiers romantiques, il suffit de voir comment dans Le Roi s'amuse de Hugo, Blanche sort de la chambre du roi, ce qui était d'une transparence plutôt scandaleuse.
Ce billet, écrit à par DavidLeMarrec dans la catégorie Die Gezeichneten (les stigmatisés) - Livrets - Oeuvres - Les plus beaux décadents - Saison 2012-2013 a suscité :
silenzio :: sans ricochet :: 3895 indiscrets
mardi 23 octobre 2012
Extraits ici.
En réécoutant encore cette symphonie (au demeurant celle que j'aime le moins chez Bruckner) dans la transcription pour orgue de Lionel Rogg, je suis frappé par le caractère à la fois vrai et faux de l'assertion qui décrit l'utilisation brucknérienne de l'orchestre comme fondamentalement organistique.
Je ne reviens pas sur les raisons de cette affirmation discutable, elles ont déjà été débattues ici même. Il ne s'agit pas vraiment de "pans" d'orchestre, comme on le dit souvent, mais plutôt de l'adjonction de registres. Donc, pourquoi pas à l'orgue, pourquoi ne pas revenir à la source de son inspiration ?
Pourtant (et la chose est fort logique), cela ne fonctionne pas. Du tout.
A l'orgue, il manque un effet essentiel de l'écriture orchestrale de Bruckner,
Ce billet, écrit à par DavidLeMarrec dans la catégorie Carnet d'écoutes - Disques et représentations - Domaine symphonique - Bons tuyaux et grandes orgues a suscité :
6 roulades :: sans ricochet :: 3078 indiscrets
lundi 22 octobre 2012
(Oui, pas de panique, CSS n'a pas été hacké par un lobby arc-en-cielé.)
Félicitation au photographe qui a réussi, en un cliché, à révéler beaucoup plus toutes les pétitions de principe plus ou moins franches (chez les uns) et que toutes les exégèses diversement honnêtes (chez les autres).
Ce billet, écrit à par DavidLeMarrec dans la catégorie Vaste monde et gentils a suscité :
2 roulades :: sans ricochet :: 1546 indiscrets
samedi 20 octobre 2012
Alors que les classiqueux s'étripent très souvent sur les choix d'interprètes (où le même peut être tour à tour considéré comme une divinité terrestre ou comme un imposteur même pas amateur), voici un témoignage qui met très bien en évidence l'importance primordiale de la matière musicale, dans les répertoires très écrits (à partir de 1830, disons).
Emile Naoumoff est compositeur, et surtout célèbre comme accompagnateur (tout à fait valable) de musique de chambre ou de mélodie. Et effectivement, du point de vue de l'interprétation, il y aurait beaucoup à redire dans cette pièce virtuose : le son excessivement cassant (impossible d'entendre un thème de façon lyrique), beaucoup de scories (des pans entiers se fourvoient), une limite dynamique dans le forte. A la fin, les accords fortissimo ne sonnent même plus, à cause des attaques brutales - on voit bien au demeurant la crispation de l'avant du bras, en plus de la posture bizarre (lointaine et très basse).
Et pourtant, le résultat est absolument électrique, car l'arrangement qu'il a écrit adapte aux moyens propres du piano ce que l'on entend à l'orchestre (sans forcément en copier les procédés). Cela procure une tension remarquable, peut-être même supérieure à la version originale. Par ailleurs, la répartition du spectre harmonique est idéale, à la fois sur un vaste ambitus et avec un son très dense.
On remarque aussi qu'en tant que compositeur (et auteur de la présente réduction), son usage de la pédale, assez généreux, est extrêmement précis, ce qui permet de procurer une ampleur « symphonique » au piano, sans sacrifier la précision des lignes et des harmonies comme c'est souvent le cas.
Bref, un cas d'école, une preuve éclatante du triomphe du compositeur sur l'interprète !
Chose amusante, on pourrait faire exactement la même démonstration, mais dans le sens inverse, pour les musiques baroques, voire classiques - l'interprète étant, dans le premier cas, co-créateur des rythmes, des mélodies - et même, dans certains cas, des harmonies. Dans ces musiques, une interprétation tiède peut rendre inintéressants des chefs-d'oeuvre, et une appropriation inventive rendre fréquentables d'aimables torchons.
Ce billet, écrit à par DavidLeMarrec dans la catégorie Discourir - En passant - brèves et jeux a suscité :
un portamento :: sans ricochet :: 1803 indiscrets
vendredi 19 octobre 2012
Vu la fin de mois impossible qui s'annonce, voici dès à présent les réjouissances (presque aussi insoutenables) de novembre.
Comme toujours, octobre et novembre sont les deux mois les plus denses de la programmation musicale de l'année. Je ne m'explique pas pourquoi, mais il en va toujours ainsi, les productions de raretés (en particulier les lyriques baroques et classiques) se concentrent à ce moment.
Voici donc une vaste sélection de choses à entendre. Avec quelques renvois vers des notules connexes sur CSS.
--
Du 30 octobre au 17 novembre : Les Estivants de Gorki au Théâtre de la Bastille (programmation Festival d'Automne).
2 : Cité de la Musique. Schumann, Symphonies 1 & 4, concerto pour violoncelle (Nézet-Séguin / COE).
3 : Cité de la Musique. Schumann, Symphonie 3, Ouverture Manfred, Concerto pour violon (Nézet-Séguin / COE).
Le concert le plus attirant des trois à cause des couplages, la roborative et irrésistible Ouverture de Manfred, et le très étrange concerto aphoristique pour violon (une des oeuvres les plus personnelles de Schumann, mais aussi du genre tout entier).
4 : Cité de la Musique. Schumann, Symphonie 2, Ouverture de Genoveva, Concerto pour piano (Nézet-Séguin / COE).
8 : Cité de la Musique. Schubert, Symphonies 3 et 9 par Minkowski.
9 & 10 : Théâtre des Champs-Elysées. Medeamaterial de Dusapin.
De loin l'opéra le moins abouti de Dusapin, du fait du texte plus "expérimental", et du caractère sensiblement moins lyrique que dans ses autres opus. Néanmoins une oeuvre pas dénuée d'intérêt ; si j'avais le temps, j'irais !
10 : Amphithéâtre Bastille. Quators de Grieg et Delius, Quintette de Schumann (Quatuor Danel et Nelson Goerner).
Ce billet, écrit à par DavidLeMarrec dans la catégorie Saison 2012-2013 a suscité :
4 roulades :: sans ricochet :: 3515 indiscrets
jeudi 18 octobre 2012
Petite merveille mise de côté il y a quelques semaines.
La commission a de sérieuses raisons de penser que pendant l'enquête les forces gouvernementales et les milices chabiyah ont commis des crimes de guerre et des violations flagrantes des droits de l'Homme.
« De sérieuses raisons de penser que des violations flagrantes ont eu lieu », ce n'est plus de l'euphémisme, c'est du patois auvergnat. [1]
Ce billet, écrit à par DavidLeMarrec dans la catégorie Vaste monde et gentils a suscité :
3 roulades :: sans ricochet :: 1676 indiscrets
mercredi 17 octobre 2012
Début de saison en forme d'orgie : trois tragédies lyriques (dont deux inédites), un Strauss pas trop fréquent, un superbe Tristan, les meilleurs Kurtág par les meilleurs kurtáguiens...
Corollaire inévitable, les moindres satisfactions paraissent des déceptions.
Il faut donc préciser que toutes les réserves que je serai amener à formuler portent sur un plan général, sur ce que je considère comme des erreurs de priorité ou des fourvoiements esthétiques. La valeur individuelle des interprètes (du plus haut niveau) n'est pas mise en cause, ni d'ailleurs le plaisir pris à la soirée - on peut difficilement sortir mécontent lorsqu'on entend une oeuvre fantastique très correctement jouée.
En revanche on peut être un peu frustré de ce que l'accumulation de tels moyens produise, en fin de course, l'impression de diminuer l'oeuvre plutôt que de l'exalter réellement. Et c'était le cas ce lundi.
Il en va un peu ainsi de cette Médée. L'oeuvre est, en soi, l'une des tragédies en musique les plus réussies de tout le répertoire. Et, si j'abstrais ma propre subjectivité, je la citerais peut-être comme l'exemple le plus abouti du genre tout entier, réunissant à elle seule de la déclamation ciselée, des scènes de caractère saisissantes, une qualité mélodique hors du commun, une assez grande densité harmonique, des originalités instrumentales, des divertissements courts mais marquants.
On y trouve notamment l'un des livrets les plus noirs, mais aussi des plus vigoureux dramatiquement, l'une des plus belles scènes infernales de tout le répertoire opératique, des récitatifs majestueux parcourus d'effets étonnants, le plus beau duo d'amour de l'histoire de la musique (avec, soyons, généreux, l'acte II de Tristan), et aussi l'une des fins les plus marquantes de l'histoire de l'opéra. Seul le Prologue est sensiblement moins intéressant, en grande partie à cause du texte platement explicite, Thomas Corneille ne s'étant pas embarrassé d'allusions pour brosser les souliers du souverain.
De ce fait, cette production était l'une des soirées les plus attendues, ici, de toute la saison. Avec quelques petites inquiétudes : Pierre Audi, bon metteur en scène sobre par ailleurs (le Ring à Amsterdam, La Juive à Paris), n'a jamais rendu justice à la tragédie lyrique, avec des Rameau (aussi bien Castor et Pollux que Zoroastre) particulièrement plats, déstructurés et ennuyeux ; Emmanuelle Haïm que j'aimais énormément en retransmission m'avait parue un peu placide en salle pour Hippolyte et Aricie ; Michèle Losier, intensément admirée en retransmission également, s'était révélée assez opaque et uniforme, avec une diction assez lâche, dans le Prince Charmant de Cendrillon de Massenet. Mais rien qui puisse réellement gâcher le plaisir.
Ce billet, écrit à par DavidLeMarrec dans la catégorie Baroque français et tragédie lyrique - Saison 2012-2013 a suscité :
4 roulades :: sans ricochet :: 8875 indiscrets
dimanche 14 octobre 2012
Il existe un phénomène singulier, que je ne crois pas avoir rencontré pour un autre opéra, et jamais à ce point dans une oeuvre instrumentale, le « c'est Tristan, quoi ».
Alors que le classiqueux aime généralement s'étriper avec son semblable (à plus forte raison s'ils ont globalement les mêmes goûts) sur une histoire de tempo, d'articulation, de timbre, d'équilibres, Tristan, sans être exempt de ces débats, paraît étouffer les velléités de dispute sous l'admiration béate de l'oeuvre. Une sorte de communion magique, un des très rares cas où le mélomane-geek ne dira pas « étonnant comme le tempo était lent » ou « la soprane était brillante » mais en reviendra sobrement à l'oeuvre elle-même : « c'est Tristan, quoi ».
Etant au nombre de privilégiés qui ont pu assister, dans une salle pleine comme un oeuf, au Tristan donné à Pleyel ce samedi, je ne puis que perpétuer la tradition. Je vais tout de même tâcher d'en dire un mot, car nombreux sont ceux qui n'ont pas pu assister à la soirée, intégralement vendue en vingt minutes à l'ouverture des réservations.
D'abord, une impression étonnamment favorable sur le livret. Ce n'est pas faute d'avoir dit à quel point la poétique du ressassement (qui se veut épique) ou l'esthétique dévoyée du récit hors-scène à la façon des stasima peuvent être vaines et pénibles, et rendre longs des drames dont la musique est pourtant passionnante de bout en bout - typiquement, le Crépuscule des dieux, pourtant un beau sujet à la (dé)mesure de Wagner compositeur (mais qui dépassait assez largement le Wagner poète).
Néanmoins, au sein des vers allitératifs, des répétitions archaïsantes,
Dir nicht eigen, / Ne t'appartenant pas,
einzig mein, / seulement à moi,
mitleidest du, / tu partages ma souffrance
wenn ich leide : / lorsque je souffre ;
nur vas ich leide, / seulement, ce que je souffre,
das kannst du nicht leiden ! / il t'est impossible d'en vivre la souffrance.
(Tristan à Kurwenal en III,1)
des syntaxes médiévalisantes,
Die kein Himmel erlöst, / Dont aucun Ciel ne libère,
warum mir diese Hölle ? / Pourquoi cet Enfer ?
Die kein Elend sühnt, / Qu'aucun désespoir n'expie,
warum mir diese Schmach ? / Pourquoi cette honte ?
(Marke à Tristan en II,3)
d'aphorismes contorsionnés,
wie könnte die Liebe / Comment pourrait l'Amour
mit mir sterben / avec moi mourir,
die ewig lebende / lui toujours vivant
mit mir enden ? / avec moi finir ?
(Tristan à Isolde en II,2)
... peut se dégager un certain charme, celui d'un pastiche un peu crispé, avec quelques fulgurances ici et là. Si l'acte I se perd un peu en détails et redites à partir de la scène 3 (les mêmes motifs psychologiques étant à peine réagencés), si le duo d'amour de l'acte II est réellement difficile à sauver d'un point de vue littéraire (mais quel texte proposer pour une scène d'amour « végétative », d'une passion vécue et peu sujette à une mise en conversation ?), l'acte III ménage quelques belles images dans le délire de Tristan, où la bavarde profusion d'aphorismes et la logique confuse des enchaînements siéent à merveille à la situation.
On peut même avoir le sentiment que Wagner maîtrise réellement sa langue ici, et que ce n'est pas seulement l'adéquation fortuite de ses traits habituels à la situation qui donne satisfaction.
La mort d'Isolde (dont je n'aime pas beaucoup le texte, pourtant), culmine tout de même en une forme de virtuosité métatextuelle, puisque soudain Isolde sort du cadre du drame et désigne directement la musique qu'on entend dans ce concert (une fois de plus, comme dans les Maîtres, Wagner en profite pour d'autocongratuler) :
Höre ich nur diese Weise, / Entends-je seule cet air,
die so wundervoll und leise, / qui si merveilleux et si léger,
Wonne klagend, / d'une plainte extatique,
alles sagend, / énonçant tout,
mild versöhnend / réconciliant doucement,
aus ihm tönend, / sonnant de lui,
in mich dringet, / me pénètre,
auf sich schwinget, / s'élève,
hold erhallend / résonant harmonieusement
um mich klinget ? / me retentit alentour ?
(Isolde en transfiguration, en III,3 -
le charabia illisible de ma traduction est d'une certaine façon assez fidèle au gloubi-boulga original)
Et en tout état de cause, même si je reste persuadé qu'un livret honnête écrit par un auteur extérieur aurait grandement profité au résultat, je dois bien convenir que peu de monde aurait pu prétendre écrire un livret qui, d'une façon ou d'une autre, ne paraisse pas trop en deçà de la musique.
Tristan est l'un des très rares chefs-d'oeuvre lyriques à ne pas perdre de sa force en étant privé de son texte.
Je ne reviens pas sur cette musique, dont tout a été dit par les plus grands érudits, depuis les techniciens de l'analyse et de l'harmonie jusqu'aux philosophes. Elle incarne en quelque sorte l'absolu de la musique sérieuse, d'un lyrique débordant mais d'une inventivité constante, à la fois spontanément enthousiasmante et d'une modernité folle. Un fonds peut-être moins inépuisable, du point de vue technique, que la grammaire musicale du Ring ou des deux derniers actes de Parsifal, mais d'une immédiateté et d'une puissance émotive telle qu'aucun amateur de cet opéra ne semble l'être avec tiédeur.
A telle enseigne que « c'est Tristan » semble pouvoir commencer et clore à la fois toute conversation sur le sujet - la communion étant telle que la parole y semble superflue.
On pourrait peut-être inventer quelques clivages : sur le caractère limitant ou non du livret, sur le meilleur des trois actes (pour ma part, je trouve les deux premiers tiers du II d'une énergie suprême, mais plus le temps passe, plus je me repais avant tout du III, plus dense musicalement et dramatiquement, moins « facile » mais plus disert), sur la nécessité de le jouer sur trois soirs pour éviter l'épuisement des spectateurs... mais on a beau essayer les sujets de dispute, on en revient toujours, en une touchante évidence, à ce sobre constat : « c'est Tristan ».
Ce billet, écrit à par DavidLeMarrec dans la catégorie L'horrible Richard Wagner - Livrets - Littérature - Portraits - Saison 2012-2013 a suscité :
5 roulades :: sans ricochet :: 9399 indiscrets
jeudi 11 octobre 2012
La suite de cette série impitoyable.
Dieu, pour tenter Adam, créa l'Arbre de la Connaissance du Bien et du Mal. Pour le perdre, il fit le Serpent. Pour le châtier, il inventa l'exil du Paradis. Pour le mortifier, il conçut Marmontel.
Qu'ils me sont doux ces champêtres concerts,
Où rossignols, pinçons, merles, fauvettes,
Sur leur théâtre, entre deux rameaux verts,
Viennent gratis m'offrir leurs chansonnettes !
Quels opéras me seraient aussi chers !
Là n'est point d'art, d'ennui scientifique,
Ce billet, écrit à par DavidLeMarrec dans la catégorie Citations passantes - Livrets - Littérature - Baroque français et tragédie lyrique - Opéras de l'ère classique - Andromaque de Grétry (1780) a suscité :
silenzio :: sans ricochet :: 1948 indiscrets
mercredi 10 octobre 2012
Ce billet, écrit à par DavidLeMarrec dans la catégorie Baroque français et tragédie lyrique - Oeuvres - Genres - Opéras de l'ère classique - Andromaque de Grétry (1780) - Saison 2012-2013 a suscité :
silenzio :: sans ricochet :: 8189 indiscrets
mardi 9 octobre 2012
Plusieurs oeuvres essentielles, de compositeurs chers à CSS (notamment Berwald, Czerny, Schumann, Herzogenberg, Hahn, Stenhammar, Bliss !), ont été ajoutées à la sélection de quatuors à découvrir.
Ce billet, écrit à par DavidLeMarrec dans la catégorie Intendance a suscité :
silenzio :: sans ricochet :: 2663 indiscrets
lundi 8 octobre 2012
Plus mordant encore, un simple quatrain sur le même modèle, dont l'économie est admirable :
Ça pique.Pauvre Atys, dis-moi, je te prie,
Qui fut plus funeste à ton sort,
Ou Cybelle pendant ta vie,
Ou Marmontel après ta mort ?
Ce billet, écrit à par DavidLeMarrec dans la catégorie Citations passantes - Livrets - Littérature - Baroque français et tragédie lyrique - Opéras de l'ère classique - Andromaque de Grétry (1780) a suscité :
un portamento :: sans ricochet :: 2024 indiscrets
dimanche 7 octobre 2012
Concert très stimulant à Pleyel hier, la preuve que l'épreuve de la salle peut bouleverser radicalement la perception de certaines oeuvres. Soirée indispensable, puisqu'elle combinait les deux oeuvres symphoniques de Szymanowski qui m'avaient le plus enthousiasmé au disque et la symphonie de Brahms qui m'est la plus chère. Chacune de ces oeuvres aurait justifié de se déplacer, dans l'absolu.
Ainsi, la Première Symphonie de Karol Szymanowski Op.15 (1906), que je mentionnais dans cette proposition de symphonies à écouter (arbitrairement, car les trois autres sont plus originales, même si elles me convainquent moins), est apparue mal orchestrée, avec une quantité d'informations phénoménale, mais installée essentiellement dans le médium, avec un contrepoint qui devient illisible.
Néanmoins, même si l'orchestration très postromantique est sans doute en cause, cela sonne très bien au disque (par exemple Karol Stryja avec le Philharmonique d'Etat Polonais, chez Naxos), et la tendance à la saturation de la salle (au parterre en l'occurrence, mais c'est pire au second balcon, surtout si la salle est peu remplie) ainsi que la direction peu tendue et peu détaillée de Gergiev sont sans doute en cause.
Malgré tout, un bon moment, en particulier dans les petits tournoiements presque parodiques du second mouvement (le mouvement lent central n'ayant jamais été composé). Et d'une manière générale, on prend plaisir à suivre l'évolution des thèmes torturés. Et puis l'amusement d'entendre l'illumination finale, de caractère très wagnérien. Une très belle oeuvre, qui aurait sans doute mérité davantage de soin - si je ne l'avais pas déjà écoutée, je n'y serai probablement pas revenu, cela sonnait presque aussi mal que Tubin.
Composé dix ans plus tard, le Premier Concerto pour violon Op.35 (1916) se révèle d'une tout autre trempe. Déjà impressionnant au disque, il frappe par la qualité exceptionnelle de son orchestration. L'orchestre, pourtant large (en particulier du côté percussif, avec glockenspiel, célesta, piano - et deux harpes), n'est utilisé que par touches, dans des nuances discrètes, chaque pupitre apportant, selon les besoins, sa couleur, son motif. Si bien que le violon (Janine Jansen ne dispose pas d'un son particulièrement puissant), reste toujours audible, au sein de tons et de textures sans cesse différents, et pourtant disposés avec une cohérence qui ne laisse jamais l'oreille perplexe.
L'oeuvre est totalement de son temps, elle évoque par moment (beaucoup plus audacieuse harmoniquement) les timbres L'Oiseau de feu de Stravinski (1910), et plus encore, avec ses motifs isolés et ses arrières-plans nerveux sur harmonie instable, la Symphonie de Chambre (1916-1917) de Schreker. En réalité, c'est avec le premier mouvement de la Première Symphonie (1942...) de Martinů (lien vers la chaîne de CSS) que je ressens la parenté la plus forte.
Mais la présence d'un violon change profondément le caractère de l'oeuvre et, pour moi qui ne goûte pas immodérément la forme concertante, améliore considérablement le résultat. D'abord, grâce à ce fil conducteur, qui n'a cependant rien de narratif, l'oeuvre bénéficie d'une logique et d'une poussée très immédiates, qu'on ne trouverait pas aussi nettement chez Martinů, et certainement pas chez Schreker, dont l'écriture de la Kammersymphonie est conçue en épisodes, comme autant de miniatures debussystes.
De prime abord, on peut s'interroger sur la nécessité de l'étalage virtuose, en particulier en ce qui concerne l'exploitation permanente de la tessiture très aiguë (pas nécessairement la plus belle ni la plus expressive du violon) ; mais d'un point de vue pratique, cela permet au timbre du soliste de se différencier et de se projeter bien plus facilement, en « survolant » les harmoniques de l'orchestre, même lorsque l'effectif devient un peu plus large. Et cela lui procure un caractère spécifique, avec son thématisme volontiers orientalisant (mais sans rien d'imitatif) et ses accents capiteux, une véritable personnalité que l'on prend à suivre.
Et plus que tout, ce que je n'avais peut-être pas autant remarqué les autres fois, la pièce, en un seul mouvement au tempo mouvant, ne révèle aucune baisse de tension, bien au contraire : alors que Szymanowski souffre souvent, précisément, d'une profusion qui rend son discours peu intelligible, ou trop dispersé pour en ressentir la direction, ce concerto semble suivre un cours profondément logique malgré son caractère puissamment onirique et évocateur. Pour couronner le tout, l'oeuvre maintient durant ces vingt-cinq minutes un équilibre paradoxal entre une tension musicale constante et une expression affective davantage rêveuse et apaisante.
Un concerto sans aucun "dialogisme", un sommet d'orchestration, un bijou de couleurs et de climat. J'aimais déjà beaucoup l'oeuvre, mais en l'entendant fonctionner en vrai, je suis désormais persuadé qu'on tient là un des chefs-d'oeuvre de la musique symphonique du vingtième siècle - car il s'agit davantage d'un poème symphonique avec violon solo leader, un peu à la manière de la Shéhérazade de Rimski-Korsakov.
Il s'agissait de la pièce travaillée de la soirée, manifestement (déjà préparée par le LSO, car donnée l'an passé avec Péter Eötvös), et la beauté des timbres, la netteté des phrasés étaient sans comparaison avec le reste du concert. A cela s'ajoutait Janine Jansen, la violoniste à la mode - à juste titre. Non contente d'enregistrer, par exemple, des Quatre Saisons au sommet d'une discographie saturée (à placer aux côtés du Giardino Armonico ou de Kevin Mallon), elle brille dans à peu près tous les répertoires à un degré assez suprême. Pour Szymanowski, elle fait valoir un son simple et gracieux, qui ne généralise pas le vibrato (de toute façon peu flatteur sur un timbre mince), et offre (pardon pour la banalité, mais la chose est difficile à définir sans sortir la partition et faire une vraie notule sur la question) des phrasés inspirés pendant toute la durée d'un concerto particulièrement périlleux et singulier.
Ce billet, écrit à par DavidLeMarrec dans la catégorie Saison 2012-2013 - Domaine symphonique - Musique décadente a suscité :
5 roulades :: sans ricochet :: 4639 indiscrets
samedi 6 octobre 2012
Les chansonniers des XVIIe et XVIIIe siècle avaient une pugnacité qu'on mesure mal à l'aune de notre pratique contemporaine. Non pas que les invectives y fussent plus fleuries, mais la profondeur des reproches (souvent injustes au demeurant) était sans commune mesure, et portaient sur les motivations, la fatuité ou les faiblesses techniques de leurs auteurs.
Marmontel a été une cible particulièrement féconde en son temps, et à plus forte raison lorsqu'il a entrepris d'amender Quinault. Malgré tout mon intérêt pour lui (car Marmontel a écrit de jolies choses), j'ai concédé son égarement dans son adaptation d'Atys. Ses contemporains ont pris moins de gants, avec quelquefois un certain esprit.
Revue d'épigrammes.
J'ai lu Quinault ; est-ce un péché, mon père ?
Ce billet, écrit à par DavidLeMarrec dans la catégorie Baroque français et tragédie lyrique - Livrets - Littérature - Citations passantes - Opéras de l'ère classique - Andromaque de Grétry (1780) a suscité :
silenzio :: sans ricochet :: 1846 indiscrets
vendredi 5 octobre 2012
Entendu sur Arte.
la ville de Parme et son jambon éponyme
Considérant qu'éponyme signifie « qui donne son nom », il est assez piquant de considérer qu'on nous suggère une dette contractée par la ville de Parme envers son jambon. Tout un symbole.
D'une manière générale, ce mot est utilisé à tort et à travers comme un synonyme chic d'« homonyme », ce qui crée quelquefois, comme ici, des contresens savoureux.
Ce billet, écrit à par DavidLeMarrec dans la catégorie Vaste monde et gentils a suscité :
6 roulades :: sans ricochet :: 3329 indiscrets
jeudi 4 octobre 2012
DON JUAN
Pourquoi donc es-tu noir, au fait ? C'est inutile.
C'est un peu bête.
LE DIABLE
. . . . . . . . . . . . . . . . . . Ah ! oui ?
DON JUAN
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Qu'est-ce qui t'a fait ça ?
LE DIABLE
L'encrier que Luther à ma tête lança !
Ce billet, écrit à par DavidLeMarrec dans la catégorie Citations passantes a suscité :
silenzio :: sans ricochet :: 1404 indiscrets
mercredi 3 octobre 2012
Ce billet, écrit à par DavidLeMarrec dans la catégorie Baroque français et tragédie lyrique - Littérature - Opéras de l'ère classique - Au théâtre a suscité :
silenzio :: sans ricochet :: 5697 indiscrets
mardi 2 octobre 2012
DON JUAN
Il ne repasse pas, celui qui se surpasse
En s'arrachant sans cesse à l'habitude basse,
Et qui, n'obéissant jamais qu'à son instinct,
Fait dangereusement bondir un grand destin
Par-dessus toutes les morales sottisières !
Crois-tu que, transgresseur de toutes les lisières,
J'ai bien couru ma vie, hein ! sans règle et sans loi...LE DIABLE
Je crois que tu lis trop ce qu'on écrit sur toi !
Tiré de :
Ce billet, écrit à par DavidLeMarrec dans la catégorie Citations passantes - Littérature a suscité :
silenzio :: sans ricochet :: 1585 indiscrets
lundi 1 octobre 2012
Malgré ses aspects austères (et un mouvement lent moins avenant que dans la plupart des autres symphonies de Bruckner : 00,0,1,2,3,7,8,9...), la Cinquième de Bruckner est celle qui, à mon sens, bénéficie de la poussée motorique la plus impressionnante, avec une impression d'unité supérieure à la Septième ou à la Neuvième.
Mais, avec ses cuivres à découvert, ses unissons et ses jeux de tirasses, elle peut facilement paraître terriblement pompière, d'une emphase à la limite de l'insupportable. Même les interprétations partout louées, comme Eugen Jochum en 1964 à l'Abbaye Ottobeuren, ne font parfois que flatter ce travers.
C'est pourquoi la grandeur s'accommode fort bien, ici, d'un peu de tension (et d'allant). Qu'on ne trouve nulle part plus forts que dans cette collaboration entre Günter Wand et le Deutsches Symphonie-Orchester Berlin (ex-RIAS, radio de Berlin Ouest). L'ensemble des disques laissés (chez Hänssler) par ce couple voisine d'ailleurs sur les mêmes sommets : la meilleure Héroïque que j'aie pu entendre (d'assez loin), des Brahms et Schumann de premier choix, tous avec la même qualité de timbre, de tension, de progression et de lisibilité structurelle.
Les témoignages de Wand avec la NDR (parfois dans les mêmes oeuvres) ont un entrain semblable, mais ni ce grain, ni cette tension, ni cette profondeur ; et ceux avec le Philharmonique de Munich semblent presque terne en comparaison.
Dans le cas de cette Cinquième, on se trouve à un degré d'exaltation de la partition qu'on entend rarement : on peut comparer ça à la Deuxième de Mahler par Abbado ou à la Quatrième de Schumann par Furtwängler, une sorte de fureur démiurgique qui semble malgré tout planer avec sérénité au-dessus de l'oeuvre.
Même si cela n'a pas vraiment de sens, un extrait du final :
Ce billet, écrit à par DavidLeMarrec dans la catégorie Le disque du jour - Domaine symphonique - Musique romantique et postromantique a suscité :
silenzio :: sans ricochet :: 4766 indiscrets
Bienvenue !
Cet aimable bac
à sable accueille
divers badinages :
opéra, lied,
théâtres & musiques
interlopes,
questions de langue
ou de voix...
en discrètes notules,
parfois constituées
en séries.
Beaucoup de requêtes de moteur de recherche aboutissent ici à propos de questions pas encore traitées.
N'hésitez pas à réclamer.