Carnets sur sol

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Défi 2019 : Une année de nouveautés discographiques


1) Le défi

On parle sans cesse de la crise du disque – et c'est tout sauf un mensonge, si l'on parle des recettes – ; cependant, du point de vue de l'auditeur, l'offre n'a jamais été, d'année en année, aussi riche, aussi variée – ni, ai-je envie d'ajouter, d'aussi haut niveau. Des pans entiers qui restaient à découvrir sont révélés – quantité de compositeurs dont on ne soupçonnait pas l'existence, même –, et servis dans des interprétations et des prises de son fantastiques.

J'ai ainsi tenté, pour l'année passée, le principe d'écouter les sorties qui se font chaque semaine, le vendredi, de façon en particulier à ne pas laisser passer les raretés des labels spécialistes.

Résultat : 385 nouveautés effectivement écoutées – soit en moyenne plus d'un nouveau disque par jour, en comptant pour 1 les opéras à 3 CDs et les coffrets divers… sur 817 albums relevés pour ma liste d'écoute. Loin de tout avoir éclusé, malgré le sacerdoce de donner la priorité aux nouveautés indépendamment de mes avis de découverte ailleurs (ou de réécoutes d'œuvres déjà aimées). [Conséquence logique : j'ai découvert moins d'opéras diffusés en ligne comme le fait Operavision.eu, par exemple.]

J'ai tenté de tenir un journal des écoutes, avec un peu plus de 120 disques commentés… mais il n'est pas possible d'empiler 1 heure d'écoute + 20 minutes de recherches / rédaction en plus de tenir CSS, d'aller au concert, de mener une vie à peu près normale… Ce serait un travail à temps plein (mécènes bienvenus).

Qu'en tirer ?  L'écrasante majorité de disques très réussis, et une confortable part d'extrêmement aboutis et jubilatoires. Et contrairement à ce qu'on pourrait croire, énormément de raretés relatives ou absolues. J'admets que c'est aussi l'effet de mon filtre personnel (il y a eu facilement 3 fois plus de parutions classiques que mon décompte limité à ce qui m'intéresse), les millièmes versions des Sonates de Schubert par des pianistes vieillissants ou à la mode ne figurent pas dans mon relevé… Pour autant, ces disques existent, et l'existence de plates-formes de musique dématérialisée les rend beaucoup plus accessibles que lorsqu'il fallait qu'ils soient sélectionnés par le disquaire. On peut par ailleurs les essayer sans (davantage) bourse délier.

Je vous invite, si circonspects, à essayer les disques dont il va être question sur les sites concernés : Deezer ou Spotify en gratuit, Qobuz ou Naxos Music Library en payant (mais avec accès aux notices)… Bon moyen de mesurer sa motivation avant achat, ou d'élargir le spectre de ses écoutes.

Profitons de l'Âge d'or.



2) Les Putti d'incarnat : Les albums incontournables de 2019

Récompense suprême, attendue par tout ce que la musique compte de plus éminents représentants, le putto d'incarnat est remis par l'ensemble de la rédaction de Carnets sur sol, réunie en collège extraordinaire. Certains (mon oncle et moi) considèrent qu'il est un peu au Diapason d'or ce qu'est une remise de Nobel à un passage chez Ruquier.
Il récompense un accomplissement hors du commun, et garantit l'absence de complaisance envers l'avis général ou le bon goût : c'est la seule récompense au monde qui rende fidèlement compte de ce que j'ai aimé. Et ça, c'est important (pour moi).

Les récipiendaires de ce prix convoité reçoivent l'assurance qu'ils bouleversent la discographie, voire notre connaissance du répertoire, apportent un éclairage nouveau, nous ravissent sous tous les angles possibles.



À part et tout en priorité, les parutions de Das Schloß Dürande (même dans sa version ridiculement censurée) et Tarare marquent notre vision de l'histoire de la musique. Ce ne sont pas les deux parutions de l'année, mais de la décennie, pour ne pas dire de l'histoire du disque. On les espérait depuis des années, sans même en rêver la réalisation de ce niveau. Incontournables.

(Voir descriptions infra.)

dürande tarare

Les autres étapes de cette sélection sont aussi des disques immenses.
 


Musique vocale :
gade elverskud


ŒUVRES : PIÈCES DRAMATIQUES

LULLY IsisTalens Lyriques, Rousset (Aparté) → Suite de l'intégrale LULLY, que personne ne maîtrise mieux à présent que les Talens Lyriques ; dans les prises de son Aparté, c'est plus encore qu'au concert une explosion de couleurs, un frémissement permanent qui permet de réévaluer considérablement l'intérêt d'une œuvre qui passe (et qui l'est, probablement) pour l'une des plus faibles de son auteur. L'enfilade de tubes irrésistibles aux actes III et IV (« Liberté », « L'Hiver qui nous tourmente », « Tôt tôt tôt »…) fait réviser ce jugement, surtout dans une version aussi éloquemment dite et aussi sonorement avenante.
Gervais – Hypermnestre – Orfeo Orchestra, Vashegyi (Glossa) → Encore un maillon manquant de la tragédie en musique révélé par Vashegyi. Gervais, maître de la musique du Régent, sensible aux apports italiens, est pour la première fois documenté au disque comme compositeur d'opéra. Fresque haletante où l'on admire en particulier la mobilité expressive des récitatifs (et l'élan de la matière musicale). Très agréablement impressionné par Watson et Dolié, que je n'apprécie guère dans ce répertoire d'ordinaire, mais qui fendent remarquablement l'armure et leurs habitudes pour servir leurs personnages terrifiants.
Salieri – Tarare – Talens Lyriques, Rousset (Aparté) → L'unique livret de Beaumarchais, adapté au fil des régimes politiques de l'Ancien Régime à la Restauration, une forme très originale d'opéra fluidement durchkomponiert, au sens du texte assez incroyable, parcouru de rebondissements et de tubes irrésisitbles. Dans une exécution et distribution idéales. (commentaire ici)  Série de notules à lire à partir d'ici.
Grétry – Raoul Barbe-Bleue – Orkester Nord, Wåhlberg (Aparté) → J'ai hésité à inclure celui-ci, l'œuvre n'étant pas un jalon de même importance dans le panorama musical, et mon jugement étant peut-être biaisé par mon goût pour le genre, ma participation à la marge du projet. Cependant, est-ce parce que j'ai passé beaucoup de temps à l'étudier, indépendamment de sa place historique assez fascinante, j'y trouve certains moments irrésistibles musicalement – toutes les interventions de Raoul sont d'une rare prégnance. Et la découverte de cette première version discographique a été un choc par la qualité suprême de sa réalisation. (Notule sur l'œuvre et le disque.)
Vaccaj (Vaccai) – Giulietta e Romeo – Scala, Quatrini (Dynamic) → Pas du même niveau que les autres recommandations, mais à l'échelle de l'opéra italien du XIXe siècle, une nouvelle parution (bien chantée, et avec un orchestre en rythme cette fois !) de ce chef-d'œuvre du belcanto est assez considérable. Assez peu donné alors qu'il vaut, à mon sens, les meilleurs Donizetti et Bellini (et surpasse même ses Capulets sur le même sujet !), Vaccaj fait preuve d'un sens dramatique inhabituel dans ce répertoire, avec un véritable rythme dans l'action, sans être avare de génie mélodique. Prise de son très supérieure aux habitudes de Dynamic.
Gade – Elverskud / Erlkönigs Tochter – Concerto Copenhagen, Mortensen (Da Capo)→ Grande cantate dramatique d'après la ballade sur Herr Oluf. Version (allemande par des Danois) à couper le souffle, pleine de tension et de fraîcheur tout à la fois. (Notule sur l'œuvre et la discographie.)
Ölander – Blenda – Radio Suédoise, Bartosch (Sterling) → Un témoignage important du romantisme suédois, de la très belle musique lyrique et riche, très bien servie. Beaucoup d'opéras de ce genre (dont un Solhaug d'après Ibsen !) sont à découvrir chez Sterling.
Schoeck – Das Schloß Dürande – Bern SO, Venzago (Claves) → Parution tellement attendue d'un chef-d'œuvre lyrique du temps, d'une générosité décadente incroyable – même si le livret en a été complètement récrit (!) pour des raisons idéologiques discutables (suspicions vaporeuses de références éventuellement compatibles avec le nazisme). Reste une expérience très forte, pour la musique – par ailleurs le nouveau livret n'est pas mal, indépendamment du caractère débattable de cette récriture du passé. Interprétation d'une générosité folle. (commentaire ici)


ŒUVRES : MUSIQUE VOCALE SACRÉE

Werrecore, Josquin, Gaffurius, Weerbeke – « Music for Milan Cathedral » – Siglo de Oro, Patrick Allies (Delphian) → De belles découvertes, et dans des musiques en principe assez formelles et uniment contrapuntiques, l'impression d'une vie organique qui fascine de bout en bout.
Dowland, Dering, de Monte, P. Philips, Watkins, R. White  – « In a Strange Land » – Stile Antico (HM) → Outre le propos stimulant (compositeurs élisabéthains en exil), une exécution qui magnétise par la netteté (frémissante) de ses timbres et de ses phrasés. Un autre album à recommander à tous ceux qui craignent l'ennui dans la musique pré-1600. (commentaire ici)
Pękiel – intégrale – Octava Ensemble (DUX) → Témoignage capital d'une musique sacrée encore marquée par la pensée polyphonique de la Renaissance, mais bénéficiant de toute la rhétorique verbale et musicale baroque, un très grand choc. (commentaire ici)
« The Musical Treasures of Leufsta Bruk » vol.3 (BIS) → Série débutée en 2011 autour de la bibliothèque d'anciens patrons miniers du fer à Lövstabruk, aux XVIIe et XVIIIe siècles. Le volume 3 se consacre à la musique sacrée, vocale ou avec orgue. Pièces de grande qualité et interprétation saisissante de fraîcheur.
Leopold Mozart – Missa Solemnis – De Marchi (Aparté) → Prégnance mélodique, orchestration riche et tournures personnelles, un petit bijou qui sort pour de bon Leopold de son image (entretenue par ce qui était jusqu'ici disponible au disque !) de précepteur et Pygmalion. (commentaire ici)
Stanford – Messe « Via Victrix » – BBC Wales, Partington (Lyrita) → Un Stanford inhabituellement contrasté, doté de belles modulations et atmosphères originales. (commentaire ici)


ŒUVRES : MUSIQUE VOCALE PROFANE

Ph. Lefebvre / Clérambault / Montéclair – extraits de cantates – Zaïcik, Le Consort (Alpha) → Redécouverte d'un compositeur tardif de cantates, interprété avec un feu et une hauteur de vue saisissants. (commentaire ici)
« Dubhlinn Gardens » – A. Besson, A Nocte Temporis, R. Van Mechelen (Alpha) → À la frontière entre les chansons à la mode d'époque et l'air de cour, un disque qui enchante par sa variété et le naturel de ses enchaînements. Un des disques que j'ai le plus écoutés cette année ! (commentaire ici)
Mozart – extraits orchestrés d'inachevés (Lo Sposo deluso) + Salieri, Cimarosa, Martín y Soler… – Pygmalion, Pichon (HM) → Deux musicologues (Dutron et Manac'h) ont orchestré des esquisses de Mozart (dont un opéra très similaire à l'esprit de Così fan tutte et aux tournures de Don Giovanni et La Clemenza di Tito), que le programme mêle avec ses canons vocaux, des airs de concert et des œuvres de contemporains (superbe scène d'ensemble de Salieri, évidemment). L'impression d'entendre pour la première fois de nouveaux Mozart du niveau des grands chefs-d'œuvre…
« Soleils couchants » Fauré, Wolf, N. Boulanger & autres – E. Lefebvre, Bestion de Camboulas (Harmonia Mundi) → Récital sur orgue Cavaillé-Coll de salon riche en invités et transcriptions. Petite merveille pleine de surprises. (commentaire ici)
 


Musique instrumentale :
gade elverskud


ŒUVRES : MUSIQUE CONCERTANTE

Offenbach – Concerto pour violoncelle – Edgar Moreau, Les Forces Majeures, Raphaël Merlin (Erato) → L'équivalent des concertos de Paganini, une grande virtuosité à la veine mélodique jubilatoire. Et assez nourrissant musicalement. Aussi évident que sa musique vocale, mais dans une forme et une continuité qui ne cèdent pas à la facilité. (commentaire ici)
Bruch – Doubles concertos (2 pianos ; clarinette & alto) – ÖRF, Griffiths (Sony)→ D'un intérêt inattendu, ces doubles concertos se révèlent non seulement d'une veine mélodique généreuse mais aussi d'une richesse musicale certaine, très au delà du simple exercice de virtuosité ou essai de dispositifs nouveaux. Griffiths a toujours un côté confortable, mais l'ÖRF plus rêche et les solistes très élancés tirent ce disque vers le meilleur !
Graener – Œuvres orchestrales vol.4 : Concertos (flûte, violon, violoncelle) – Radio de Munich, Schirmer (CPO) → Dans divers styles, tirant plutôt sur le décadent, le postromantique, le moderne ou le néo-, des concertos très aboutis et originaux, davantage musicaux que purement virtuoses. (Il faut absolument écouter les autres volumes, notamment la Symphonie et les Variations sur Prinz Eugen !)


ŒUVRES : MUSIQUE SYMPHONIQUE

Rösler – Symphonie en ut + Concerto pour piano en mi bémol – Hönigová, Orchester Eisenberg, Sycha (Koramant) → Des œuvres d'un premier romantisme postclassique pleines de saveur, de mélodies, de beaux effets… L'Orchester d'Eisenberg, sur instruments anciens, délivre de merveilleux sons capiteux, plein de grain et d'ardeur.
Hallberg, Dente – Symphonies – Malmö SO, Radio Suédoise (Sterling) → Du romantisme du second XIXe qui sonne plutôt comme un maillon intermédiaire entre Beethoven et Mendelssohn… mais regorge de beautés, malgré l'interprétation sur instruments modernes aux contours pas toujours parfaitement fermes (nullement molle cependant !). De très belles symphonies qui ajouteront aux plaisirs de tous ceux qui aiment déjà le romantisme optimiste, conservateur et séduisant qui s'étend de Mendelssohn jusqu'à Sinding.
Volbach – Es waren zwei Königskinder, Symphonie en si mineur – Münster SO, Golo Berg (CPO) → Très belle symphonie d'un postromantisme sophistiqué, mais disque surtout marquant pour son poème symphonique liminaire, des atmosphères extrêmement variées et une progression construites, dans une recherche harmonique et une veine mélodique généreuses. Très belle découverte.
Magnard – Symphonies 3 & 4 – Freiburg PO, Bollon (Naxos) → Coup de tonnerre, qui tire enfin Magnard de l'opacité germanique pour le faire dialoguer avec tout ce qu'il doit au folklore français. De la danse et de la couleur qu'on percevait difficilement dans les versions antérieures, et qui révèlent un corpus passionnant. (commentaire ici)
Liatochynsky (Lyatoshynsky) – Symphonie n°3 – Bournemouth SO, Karabits (Chandos) → Comme la Deuxième de Chtcherbatchov, une symphonie expansive aux dimensions et ambitions mahlériennes, immense flux très impressionnant et généreux, loin des martèlements motoriques de sa musique pour piano, bien plus proche de l'esprit généreux et troublé des décadents germaniques, dans une interprétation très ample et aérée.


ŒUVRES : MUSIQUE DE CHAMBRE

Offenbach – Musique pour violoncelle – Rafaela Gromes, Wen-Sinn Yang, Julian Riem (Sony) → Legs chambriste à deux violoncelles ou avec piano, des merveilles interprétées de façon tout à fait superlative. (commentaire ici)
La Tombelle  – Musique de chambre (+ chœurs + musique symphonique) – (Bru Zane) → En complément des délectables mélodies parues en 2017 chez Aparté, un coffret Bru Zane vient préciser la figure de Fernanad de La Tombelle, révélant en particulier de belles qualités de chambriste (quelques très beaux chœurs aussi), dans une veine traditionnelle / académique, mais non sans talent – la Suite pour trois violoncelles ou le Quatuor piano-cordes en témoignent !
Kovařović – Quatuors – Stamitz SQ (Supraphon) → Du romantisme schubertien à la fin du XIXe siècle, mais de très belle facture… comment faire le difficile ? (commentaire ici)
Labor – Quatuor piano-cordes, Quintette piano-cordes – Triendl (Capriccio)→ Un romantisme tardif remarquablement construit, qui s'adjoint en outre des aspects folkloriques tout à fait délicieux. Mériterait d'être aussi régulièrement enregistré que les Taneïev et Suk, à défaut de pouvoir espérer les entendre quelquefois en concert…
Martinů – Sonates violoncelle-piano – Nouzovský, Wyss (Arco Diva) → Des œuvres où se réalisent le potentiel réel de compositeur de Martinů (toujours perceptible, pas systématiquement accompli), dans une interprétation de toute première classe, à la plastique splendide et au propos profond. (commentaire ici)
Baculewski – Quatuors – Tana SQ (DUX) → Épousant au fil des années les styles du XXe siècle avec beaucoup de bonheur, un ensemble qui ravit par sa densité musicale et son caractère accessible, tout en servant de guide, en quelque sorte, à travers l'évolution des goûts et des écoles. Très belle exécution du Quatuor Tana qui joue aussi, en concert, des programmes véritablement originaux.



Interprétations hors du commun :
gade elverskud


VERSIONS : MUSIQUE VOCALE PROFANE

Schubert – Die schöne Müllerin – Roderick Williams, Iain Burnside (Chandos) → Le meilleur interprète (de tous les temps) des songs britanniques (Ireland, Butterworth, Finzi, Britten, Vaughan Williams…) est aussi un prince du lied – le quatrième mousquetaire des grands spécialistes actuels, avec Goerne, Gerhaher et Bauer. Cette Belle Meunière, avec son excellent complice habituel, tient même davantage que ses promesses, tant l'expression y est limpide et directe, sise sur un timbre toujours délicatement mordant et délicieux. Une des très très grandes lectures du cycle.


VERSIONS : MUSIQUE CONCERTANTE

Elgar  – Concerto pour violoncelle – Gary Hoffman, OPR Liège, Arming  (La Dolce Volta) → Disque de novembre 2018, mais tellement exceptionnel que je l'ai inclus dans la sélection de l'année 2019. Le meilleur violoncelliste concertiste actuel y déploie une infinité d'attaques, de textures, de timbres… au sein d'une conception totalement continue et cohérente. Grand. (commentaire ici)


VERSIONS : MUSIQUE SYMPHONIQUE

Beethoven – Symphonies 5 & 6  – WDR, Janowski (PentaTone) → Il est donc possible de graver encore des références pour ces symphonies !  Janowski, arrivé en sa pleine maturité, de commet plus que des miracles. Ici, la quadrature du cercle, un Beethoven qui a la chair de la tradition mais un nerf fou, et surtout une qualité d'articulation… tous les détails d'orchestration chantent et font sens, tenus par une tension ininterrompue – de nature très différente dans la 5 et la 6, évidemment.
Brahms – 4 Symphonies – Zehetmair (Claves) → Un Brahms vif, souple, aux phrasés de cordes très travaillés et justes – on y sent, plus encore que le violoniste, le quartettiste ! (commentaire ici)
Mahler – Symphonie n°4 – London PO, Vladimir Jurowski (LPO Live) → Une lecture d'une verdeur incroyable… cette symphonie chambriste et modérée est parée d'éclats nouveaux, des chalumeaux vous crient dans les oreilles, chaque instant le plus contemplatif est articulé et tendu… des strates de vie se révèlent, jusque dans la grande réussite de son sommet, le Ruhevoll, qui au lieu d'être simplement construit vers son climax, fascine à chaque instant par sa progression et ses détails. À mon sens la plus belle Quatrième jamais publiée, tout simplement.
Sibelius – Symphonie n°1 – Göterborg SO, Rouvali (Alpha) → Traiter les transitions de Sibelius comme si elles étaient les thèmes, Rouvali le fait dans les symphonies de Sibelius… et dans la Première, le résultat est réellement impressionnant et renouvelle totalement la façon d'écouter ces œuvres. (commentaire ici)
Roussel, Dukas – Le Festin de l'Araignée, L'apprenti Sorcier – ONPL, Rophé (BIS) → Grâce à la captation BIS (toujours aussi claire et colorée) et à l'augmentation considérable du niveau de l'Orchestre National des Pays de la Loire avec Pascal Rophé, une grande référence pour le chef-d'œuvre de Roussel, incroyablement détaillé, vivant, et chaleureux, avec un son aussi aéré que la toile qui lui sert de scène, aussi joyeusement bigarré que les habitants qui la traversent !
Holst – The Planets – Bergen PO, Litton (BIS) → Litton, dans sa fructueuse association avec Bergen, livre ici une vision originale des Planètes, et peut-être la plus aboutie de toutes : plutôt que d'y chercher le figuralisme déjà évident, il en exalte la musique pure, la beauté des alliages timbraux, et on y entend passer tout le Debussy qui inspire Venus, toutes les recherches harmoniques ou tous les effets d'orchestration, au service d'un élan mélodique et tout simplement d'une musique, qui, en tant que telle, ravit. Avec les timbres du plus bel orchestre du monde et les meilleurs preneurs de son en exercice, le résultat est d'autant plus gratifiant pour l'auditeur.


VERSIONS : MUSIQUE DE CHAMBRE

Schubert – Quatuor n°14 – Quatuor Novus (Aparté) → Lisibilité absolue de chaque ligne, accents, bonds, un grand coup de frais comme on n'en avait pas vécu depuis les Jerusalem. (commentaire ici)
Schubert – Quatuor n°14, Quintette à cordes – Quartetto di Cremona (Audite) → … et il y avait encore de la place pour une autre grande version, remarquablement construite et tout en clair-obscurs. (commentaire ici)



Rééditions :

RÉÉDITIONS

Guédron, Belli, Castaldi… – airs de cour du XVIIe s. – Poème Harmonique, Dumestre (Alpha) → Réunion de la plupart des grands albums de l'ensemble, à la fois des découvertes et des interprétations suprêmement inspirées (Cœur !).
Bach – Passion selon saint Jean – Radio Bavaroise, Dijkstra (BR Klassik) → Une des plus mobiles et intenses interprétations de l'œuvre – l'Orchestre de la Radio est crédité, mais tout est réalisé de façon extrêmement informée, une version pour petit ensemble et modes de jeu anciens.
Mozart – Don Giovanni – RIAS, Fricsay (DGG) → Une des grandes versions de l'œuvre, avec des solistes aux caractères extraordinairement marquants. Seule petite faiblesse, les ensembles où les timbres sonnent un peu disparates.
Kraus – Anthologie – divers interprètes → Réunion de disques de cette très grande figure de la fin du classicisme. Indispensable si on ne les a pas déjà.
Berlioz – La Damnation de Faust – O. Lamoureux, Markevitch (DGG) → L'interprétation orchestrale de référence où chaque détail instrumental prend immédiablement sens. Et plateau splendide.
Miaskovski – Intégrale des Quatuors – Taneyev SQ (Northern Flowers) → Corpus soviétique majeur qui évolue du postromantisme sobre (les 4 & 5 sont extraordinaires) à l'épure plus abstraites, comme ses Sonates pour piano.
Liebermann – Penelope – Opéra de Vienne, Szell (Orfeo) → Dans la lignée des grands opéras allemands décadents, Liebermann écrit un opéra qui soutient la comparaison avec les réussites de R. Strauss, Schreker ou Schoeck. Là aussi, à découvrir absolument. (Reparaît aussi l'École des femmes qui porte un peu plus, à mon sens, la marque des limites du langage de son temps.)



3) Autres albums magnifiques de 2019

Je ne puis tous les nommer… Voyez les titres en gras dans le tableau (sauf la colonne en vert, où le gras indique mon souhait particulier d'écouter).

Les titres soulignés sont ceux que j'attendais impatiemment – s'ils ne sont pas en gras, c'est qu'ils ne m'ont pas forcément autant impressionné que je le souhaitais, sans démériter par ailleurs. Car ceux qui ne figurent pas en gras sont aussi des disques réussis ! Comme vous le voyez, il y en a beaucoup, rien qu'avec les splendides réussis en gras, c'est déjà plus que je ne puis présenter…



4) Les déceptions

Car sans la liberté de blâmer il n'est point d'éloge flatteur, comme le clame le frontispice d'un journal connu pour sa liberté de disconvenir avec ceux qui ne sont pas d'accord avec lui, un petit mot tout de même de disques qui n'ont pas tenu leurs promesses. Il y en a finalement assez peu.

D'abord de bons disques pas tout à fait à la hauteur de leur programme annoncé :
La morte della Ragione du Giardino Armonico rassemblant de jolies pièces pour flûte (peu passionné par les œuvres, je n'ai pas lu la notice, mais à l'écoute du programme, le concept est peu évident),
les Tchaikovsky Treasures de Guy Braunstein (quelques arrangements joliets de ballet en plus du très rare Concerto pour violon, en plus dans une interprétation qui ne me séduit pas, commentaire ici),
l'Opéra des opéras de Niquet (je sais que ça se vend mieux, mais les programmateurs devraient accepter une fois pour toute que les cantates ou opéras constitués en pot-pourri, sauf à en récrire en profondeur le texte et les récitatifs, ne fonctionnent jamais – commentaire ici). Parcours passionnant au demeurant dans des raretés, mais le résultat n'accroche pas bien – il faut dire que je n'en aime pas trop les chanteurs non plus…

Ensuite des versions qui ne sont pas du tout prioritaires à mon sens : quand ce sont des œuvres rares, on peut quand même tenter (K.-A. Hartmann par l'Airis SQ, Hillborg par le Calder SQ) même si je recommande d'écouter plutôt d'autres versions, mais sinon, pas vraiment d'intérêt de se jeter sur ces nouveautés. Dans cette catégorie, le Trio de Lekeu chez Brilliant (timbres assez acides), le dernier Goerne (assez empâté pour le léger et mordant Liederkreis Op.24, question de correspondance quasiment physiologique), les Vier letzte Lieder de Lise Davidsen (plus épais qu'impressionnant, très global, discutablement chanté) et des interprétations très tranquilles de Gielen (réédition de Mahler 6), Noseda (Tchaïkovski 4 avec le LSO), Ozawa (Beethoven 9 avec son Mito).

Quelques disques qui ont un peu plus agacé aussi :
♠ L'album de tragédie en musique de Katherine Watson. Programme passionnant, mais confier cela à une seule voix, aussi peu tournée vers la déclamation, aussi peu variée en couleurs… assez frustrant. Elle progresse et s'est montrée superbe en Hypemnestre chez Gervais, mais d'autres profils étaient mieux adaptés pour en servir le texte. Pourtant, dans le domaine des voix que je n'aime pas, Van Mechelen propose un récital consacré au répertoire du chanteur historique Dumesny où le programme s'incarne bien davantage, y compris dans l'interprétation ; très convaincant et écouté plusieurs fois avec beaucoup de plaisir, une réelle réussite (alors que la matière vocale me déplaît plus a priori que celle de Watson).
Coïncidence, autre membre de la distribution d'Hypermnestre, Thomas Dolié publie un Schwanengesang. Cuisante déception à l'écoute (après avoir beaucoup aimé, il y a plus de dix ans, ses Wolf en salle), entre la voix pâteuse et l'allemand pas très beau. Là aussi, on sait qu'il peut mieux et ce récital ne le met pas en valeur.
Rinaldo dans sa refonte napolitaire par Leonardo Leo. Peu de changements par rapport à l'original, Fabio Luisi dirige cela d'une façon assez peu informée (ou même seulement intéressante, pour un chef de sa trempe), la captation Dynamic est hideuse, les chanteurs, excellents dans d'autres répertoires, pas très brillants ici. Je ne comprends pas bien pourquoi diffuser un état assez peu différent d'une partition connue capté dans de mauvaises conditions avec des interprètes dans un mauvais soir. (commentaire ici)

Et puis, quelquefois, ce sont les œuvres :
♠ Say, Concerto pour violon. Sa musique respire ici encore la bonne intention, magnifier les ponts entre les cultures, mais le résultat paraît vraiment sommaire.
♠ Terterian, Symphonies 3 & 4 par Bournemouth et Karabits. Beaucoup de copains adorent ça, donc ce doit avoir un intérêt. Mais si je dis honnêtement mon sentiment, j'attends toute la symphonie que la musique commence. Des aplats d'à peu près rien (ainsi les percussions liminaires, qui durent, durent…) qui se prolongent et se succèdent. Je voulais l'essayer dans les bonnes conditions de son et d'interprétation, considérant la réussite de leur Liatochinsky n°3 (Lyatoshynsky) paru plus tôt cette année, l'interprétation n'a pas causé de révélation, tant pis.

Tout cela non pour le plaisir de médire, mais pour montrer (que j'aie raison ou tort dans mes dédains) :
    1) que je n'entends pas tout placer sur le même plan (reproche parfois lu) ;
    2) qu'il y a finalement très peu de disques décevants dans cette fournée 2019 (j'ai cité presque tous ceux qui l'ont été !) ;
    3) qu'aucun n'est scandaleusement mauvais. Pas convaincant tout au plus – même le Rinaldo tout moche de Naples n'est pas un naufrage.

Il se bal(l)ade sans doute des disques absolument sans intérêt dans les trop-ièmes gravures de Chopin chez les Majors par des pianistes essentiellement distingués pour leur coiffure, ou décidément trop mal captés par des labels à compte d'auteur, mais je n'arrive pas à citer un disque, dans les 385 écoutés parmi les 857 relevés pour moi-même, qui serait profondément mauvais. Quelques-uns n'atteignent pas leurs objectifs, mais tout cela s'écoute fort bien (sauf Terterian, certes, mais pour d'autres raisons).



… Voilà de quoi vous occuper, déjà, pour une partie de 2020 !  Je ne suis pas sûr de reconduire l'expérience l'an prochain : le principe a l'avantage d'obliger à écouter hors de sa zone de confort et à faire de splendides découvertes lorsque les parutions ralentissent, mais il faut aussi renoncer à réécouter les genres ou œuvres qu'on aime, au gré de ce qui est publié, et ne pas trop s'attarder sur les disques merveilleux qu'on vient de découvrir. À reprendre en assouplissant sans doute (200 plutôt que 400 disques à écouter, par exemple) ; peut-être en se dispensant des versions nouvelles – mais elles réclament moins d'attention que les œuvres nouvelles, il faut être honnête, et nourrissent les papotages entre mélomanes…

N'hésitez pas à partager vos propres coups de cœur ou vos divergences !

(Ne m'en veuillez pas si je ne puis publier ni répondre à vos commentaires dans les prochains jours, je serai jusqu'au 6 janvier en chasse d'églises interlopes dans un lieu lointain où ma disponibilité sur le réseau sera incertaine. Tout sera évidemment mis en ligne au bout du compte, et recevra réponse. Belle année nouvelle à vous !)


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Commentaires

1. Le mercredi 25 décembre 2019 à , par Benedictus

Bien évidemment, énormément de convergences: Dürande, Tarare, Isis, Hypermnestre, Pękiel, les cantates par Zaïcik, Sibelius 1 par Rouvali, Magnard par Bollon, le Festin de l'araignée par Rophé, ce sont vraiment mes disques-fétiches de cette année.

Peu de déceptions pour moi parmi tes recommandations - et des déceptions assez relatives, rien qui m'ait activement déplu (Stile Antico frémissants et au cordeau mais quand même lisses dans les élisabéthains exilés; les Dubhlinn Gardens un peu monotones si on écoute d'un bout à l'autre; monographie La Tombelle dont j'ai ressenti avec plus d'acuité l'intérêt documentaire que l'exaltation musicale; toujours pas convaincu par la 3ᵉ symphonie de Lyatoshynsky.)

En revanche, il y a deux ou trois choses que je m'étonne de ne pas voir figurer dans ton palmarès (qui sont tout à fait dans ton cœur de répertoire, et qui, me semble-t-il, t'avaient enthousiasmé): l'œuvre pour orchestre de Dupont par Davin, la symphonie de Chausson par Bloch et Lille, les Motets de LULLY par Alarcón, l'intégrale des mélodies de Reynaldo Hahn par Christoyannis et Cohen... (Et puis côté interprétations les Razumovsky des Ébène et Titan par Roth et les Siècles - mais ceux-là, je ne suis pas sûr que tu les aies autant aimé que moi.)

2. Le mercredi 25 décembre 2019 à , par Benedictus

(Et bien sûr, je te souhaite de tout cœur de joyeuses interloperies ecclésiales et capudannuesques et espère te retrouver bientôt!)

3. Le jeudi 26 décembre 2019 à , par Diablotin :: site

Bonjour David,
Globalement, je partage ton avis : il y a peu de disques réellement médiocres, les artistes état malgré tout investis et préparés à enregistrer; même s'il existe quantité de disques d'un intérêt somme toute assez limité. Mais c'est normal, dans le "grand répertoire", il est difficile de ne pas redire tout ce qui a été déjà dit dans le passé et qui est fort bien documenté !
Dans ce genre de "gros succès du catalogue", les concerti pour piano de Rachmaninov de Trifonov parus cette année me semblent très réussis. A contrario, les symphonies de Beethoven par Nelsons, pour honorables qu'elles sont, n'apportent pas grand-chose, selon moi, au catalogue...
J'ai acheté également le Holst/Elgar/Litton : superbe en effet, et magnifiquement interprété -mais pas singulier que cela finalement-, et un couplage somme toute cohérent mais pas si fréquent.

4. Le lundi 6 janvier 2020 à , par DavidLeMarrec

Auguri Benedictus !

J'ai adoré certains disques que tu cites (LULLY-Alarcón extraverti totalement jubilatoire, Chausson-A.Bloch remarquablement tendu et coloré), mais il fallait faire des choix. Ils figurent bel et bien en gras dans le tableau parmi les disques très vivement recommandés. Disons que ce sont des œuvres déjà documentées, et que l'interprétation n'en change pas forcément la vision générale comme Rouvali ou Jurowki le font dans leurs disques respectifs de cette année… mais clairement, raviver ainsi l'éclat des LULLY et influer autant de présence dans Chausson, ce marquera la discographie pour longtemps !

J'ai énormément aimé le disque orchestral Dupont, je ne l'ai pas cité parce que ça s'adresse avant tout au collectionneur : ce ne sont pas des œuvres majeures oubliées, plutôt des œuvres de très grande qualité qui éclairent le portrait d'un compositeur ou d'une époque, qui apportent du neuf (on peut être surpris par le contraste entre le langage harmonique assez travaillé et l'orchestration plutôt traditionnelle).

L'intégrale des mélodies de Hahn m'a comblé dans le sens où je l'attendais depuis de nombreuses années – peu de cycles ont été gravés en dehors des Études Latines, et il y a peut-être même des mélodies jamais enregistrées. Et l'exécution en est admirable.
Pour autant, je me suis aperçu après que Maguelone avait bien sûr publié, il y a presque quinze ans, une intégrale en plusieurs volumes (donc déjà documenté), et les œuvres constituent une certaine déception : les mélodies que j'ai le plus aimées sont ou les plus célèbres (Trois jours de vendange, L'Heure exquise, À Chloris) ou mes déjà-chouchoutes (Le Cimetière de campagne, Prison). J'ai surtout été frappé, lors de mes deux premières écoutes, par À nos morts ignorés, qui dispose d'un véritable relief ; pour le reste, on reste dans le domaine du salon aimable, sans l'imagination singulière de ses grandes mélodies (et encore moins le langage sophistiqué de ses quatuors !).

Je n'ai pas encore essayé Beethoven 7-8-9 par les Ébène, j'ai vu que tu avais adoré (et vu leur degré de maturité actuel, je n'en suis pas surpris). Mahler 1 par Roth, j'étais dans la salle le jour de la captation, lecture très aérée, colorée, aux timbres plus rugueux (encore plus frappant pour celle de Franck en couplage !), réalisée sur des instruments du lieu et de l'époque de la création cherchés un à un par les musiciens (!), et avec un haut degré d'engagement. Très rafraîchissant, cela renouvelle l'écoute. Je n'ai pas écouté le disque pour juger des équilibres après captation / mixage – j'étais au fond du second balcon de la Philharmonie, magnifique mais pas du tout le genre de son qu'on peut publier !

J'espère que l'année nouvelle sera plus prodigue en occasions de nous croiser !

5. Le lundi 6 janvier 2020 à , par DavidLeMarrec

Bonjour Diablotin !

Effectivement, plus on écoute de disques du 'grand répertoire', moins les surprises suffocantes sont fréquentes dans les interprétations nouvelles. Typiquement, deux exécutions de La jeune Fille et la Mort qui nous auraient fait rouler par terre de bonheur dans les années 90 mais qui arrivent après un moment où les Jerusalem ou les Voce, par exemple, ont renouvelé l'écoute et creusé ce sillon de l'extrême : la surprise n'est plus la même, malgré l'aboutissement absolu des versions Novus et Cremona (tout de même à découvrir, vraiment !). À l'époque où l'on avait surtout Italiano / Amadeus / Berg / Tokyo dans les bacs, ça aurait été un événement à changer pour toujours nos vies de mélomanes. :)

Pour autant, les versions symphoniques que j'ai proposées me paraissent réellement apporter un angle neuf (l'articulation des cordes des Brahms de Zehetmair, la mise au premier plan des infinies transitions sibéliennes chez Rouvali…).

Pas écouté les Rachma de Trifonov (et pas réellement prévu), mais pour Nelsons, en effet, franchement pas passionnant, un peu les défauts cumulés de la vision tradi (à la fois un peu épais et pas très animé), tout l'inverse de Janowski qui dispose, avec une chair d'orchestre remarquable, d'une vision particulièrement intense. Une belle nouvelle année à toi !

6. Le jeudi 16 janvier 2020 à , par Benedictus

Je viens donc d'écouter Mahler 4 par Jurowski (j'en ai parlé sur classik); pour moi plutôt une excellente proposition parmi d'autres: très belle lecture, avec des spécificités saillantes, mais aussi des choses sur lesquelles je suis plus circonspect et au total rien qui change fondamentalement la perception de l'œuvre. De ce point de vue-là, je trouve que Bloch extirpant la Symphonie de Chausson de sa gangue wagnérienne pour lui donner des couleurs claires et un élan français renouvelle beaucoup plus l'approche - comme Bollon dans Magnard ou Rouvali dans Sibelius 1.

Sinon, oui, après réécoutes, je partage entièrement tout ce que tu dis des Mélodies de Hahn: les meilleures sont celles qu'on connaissait et qu'on aimait déjà, pas de révélations (mais À nos morts ignorés se détache) - et exécution admirable.

Ah, et puis, l'anthologie Haydn du Quatuor Hanson est absolument géniale, je crois n'avoir jamais rien entendu d'aussi exaltant dans des quatuors de Haydn - une absolue rigueur et une liberté folle.

7. Le jeudi 16 janvier 2020 à , par DavidLeMarrec

Bonjour Benedictus !

Jurowski : Oui, évidemment, dans une discographie aussi fournie, pour une œuvre déjà très enviablement traitée, on ne peut pas avoir le même type de choc que pour Chausson (dont la discographie est plutôt homogène) ou Magnard (qui, avec le recul, était catastrophiquement servi) – le Sibelius de Rouvali étant en effet un cas de renouvellement en profondeur (il fait presque marcher la symphonie sur la tête et en révèle des univers insoupçonnés !) qui reste excessivement rare dans l'histoire du disque. Ce n'est pas l'Orfeo d'Harnoncourt, mais c'est un peu ce genre de révélation.
Pour autant, je trouve Jurowski radicalement neuf, puisant dans tous ces timbres verts pour éviter l'aspect primesautier-Wunderhorn de la symphonie, ou la tentation d'en faire du grand-Mahler-en-arche. Pour moi qui trouve toujours que la Quatrième dispose de grands moyens et d'un peu moins d'ambition, je dois dire que c'est une façon très agréable de l'aborder enfin en étant passionné à chaque instant. L'effet est sans doute moindre pour toi qui l'aimes plus que moi ; pour autant, la perspective proposée change réellement les choses !

Hahn : C'était vraiment utile (Maguelone étant fort mal distribué), mais c'est une petite déception, j'espérais vraiment découvrir d'autres pépites. Il faut dire qu'on entend en général Hahn par bouts dans des récitals : j'ai découvert À Chloris bien sûr, au disque et puis L'Heure Exquise au détour d'un concert, puis Prison en déchiffrant ses mélodies, Trois jours de vendanges et le Cimetière de Campagne en récupérant une bande de récital de Théruel, à chaque fois du hasard… si bien que je me disais qu'il devait bien y en avoir d'autres dans la même veine joueuse et figurative… finalement non, pas vraiment de surprises hors À nos morts ignorés. Et il n'en restait pas tant que je n'avais pas écoutées (les Études latines sont quelquefois données en concert !).

Hanson : J'ai été moins saisi par le disque que par leur découverte en salle (le même jour où j'ai découvert les Akilone dans Ravel et les Arod dans Beethoven !!), où ils jouaient le final à embûches de l'Op.33 n°5 avec un esprit extraordinaire… mais il reflète, comme tu le dis très bien sur Classik, à la fois une profonde maîtrise formelle et un sens de la répartie particulièrement savoureux. Leur son se prête moins à d'autres répertoires comme Beethoven (assez fin et mince), mais dans Haydn, ils sont vraiment à la maison ! Parmi les autres grands Haydn qui ont de l'esprit, si tu n'as pas essayé, il y a les Terpsycordes (instruments modernes montés en boyaux) et les Takács, dans un son totalement différent (très robuste et rond ; leur disque de l'opus 76 est peut-être LE disque le plus ultime de quatuor jamais gravé).

8. Le dimanche 19 janvier 2020 à , par Mefistofele

Bonsoir cher David,

Merci infiniment d'avoir pris le temps de composer cette liste récapitulative pour 2019, où figurent un certain nombre de disques sur lesquels je me suis penché avec délices, et d'autres qui s'en sont allés rallonger mon interminable planning d'écoute !

Quelques retours sur mes plus récentes écoutes :

Concerto pour piano, symphonie - Jan Josef Rösler (Alena Honigova, Jiri Sycha)
Que de sourires !

Orchestral Works - Bengt Hallberg et Joseph Dente (Ola Karlsson, Per Engström)
De belles symphonies, aux couleurs et aux mélodies charmantes. Rien qui ne change une vie de mélomane, mais plus que de simples rafraîchissements. Après, par rapport à mes goûts habituels, c'est un peu tôt comme période (pas historiquement, je me réfère à l'obédience artistique ici), mais je suis certain d'y revenir volontiers.

Concertos pour violoncelle - Friedrich Gulda et Jacques Offenbach (Edgar Moreau, Raphaël Merlin)
Pour le Gulda, démarrage en générique de série des années 60, final en musique de cirque, avec des clins d’œil à de multiples époques autant que de genres (de Lully à Cosma), c’est une œuvre aussi déjantée que le compositeur lui-même ou la nomenclature exigée (vents, guitares, batterie !). Un grand moment de bonne humeur (et les airs restent dans la tête !). J'ai ri aussi en écoutant par la suite le Concerto for Myself, mais pas pour les mêmes raisons (c'est authentiquement effrayant !).
Offenbach : que de notes ! Jouées à un train d’enfer, pratiquement sans interruption, dans le registre aigu et suraigu de l’instrument, et pendant longtemps en plus, plus de 40 minutes ! Chapeau bas au violoncelliste, d’une exceptionnelle endurance et aussi virtuose que le demande la partition. À ma grande surprise, on retrouve à peine la veine mélodique évidente des opéras et opérettes, c’est du “sérieux”. Mais au-delà du stupéfiant exercice, la partition est quand même un peu longue… Je ne nie pas qu'il y ait des idées, mais en comparaison des Contes d'Hoffmann, de La Belle Hélène ou des airs irresistibles à fredonner en cachette comme le Trio des Conspirateurs ou les Couplets du Canard, je suis resté sur ma faim

Missa Solemnis - Leopold Mozart (Alessandro De Marchi)
Une œuvre intéressante et qui réserve de très beaux moments. Toutefois, rien qui ne soit aussi bouleversant que ce que le fils (et ses exégètes) a pu écrire. Plus nourrissant que la célèbre Symphonie à effets et joujoux, mais il y a bien dû avoir d'autres choses enregistrées de lui ? Je vois que Bamert et Mallon se sont penchés sur les symphonies, valent-elles le temps de s'y arrêter ou cette messe est vraisemblablement un hapax ?

Plein de Röntgen (concertos pour violoncelle, pour piano, musique de chambre). Le violoncelle est plaisant mais sans plus, le piano réserve de belles surprises (Triendl oblige ?) et la musique de chambre m'enchante toujours.

Et pour faire vite, mes plus chaudes recommandations pour Rophé / Roussel (LA version moderne du ballet, et ex-aequo tout en haut avec Martinon) et Bollon / Magnard (LA version tout court de ces symphonies qui met hors-concours les précédentes par son son mouvement marqué), Vollbach (magnifique découverte !), Karabits / Lyatoshinsky, et Kraus (c'est bouleversant et ça prend aux tripes, il suffit de tester l'Ouverture Olympie[i/]).

Je valide tous les disques chambristes distingés à une exception : La Tombelle, dont je trouve l'intérêt strictement documentaire. Du Saint-Saëns si sa musique correspondait à sa réputation, ou du Dubois sans le charme.

Plutôt que commenter les trois-quarts de la liste, je vais m'arrêter là, et prendre le temps d'apurer les disques en attente, à commencer par la [i]Penelope
de Liebermann dont la description et les extraits m'ont mis en appétit. À moins que...
[/i]

9. Le dimanche 19 janvier 2020 à , par DavidLeMarrec

Bienvenue Mefistofele !

Charmé que cette liste ait suscité ton intérêt !

Hallberg / Dente : oui, c'est étonnant comme chronologiquement, on est loin de ce qu'on entend ! (Notre oreille étant formée plutôt à la chronologie allemande, on croirait les toutes premières années du XIXe siècle, alors qu'on est en réalité assez loin dans le milieu du siècle !) Pour autant, des œuvres que je trouve réellement nourrissantes, peut-être même davantage réussies que les « vrais » jeunes romantiques au bon endroit de la chronologie – contrairement aux néos, on serait bien en peine de trouver des indices qui nous jetteraient sur la piste d'œuvres plus tardives.

Offenbach : Les violoncellistes confirment la remarquable difficulté. On entend bien la différence de registre avec les opéras, pour autant la veine mélodique reste d'une qualité exceptionnelle et rend, à mon sens, la virtuosité d'apparat tout à fait passionnante, parce qu'elle n'est pas pur étalage – j'ai envie de comparer ça aux concertos de Paganini : très simples harmoniquement, très virtuoses, mais d'une qualité mélodique qui soutient sans cesse l'intérêt.

Leopold Mozart : Je ne trouve pas les symphonies très intéressantes, on sent davantage le compositeur de son temps qui fait de la musique de son temps. Il existe en réalité peu de choses de lui, eu égard à sa notoriété (certes par association…), et cette Messe est pour moi une petite révélation : elle révèle l'assimilation du meilleur des périodes précédentes et contemporaine, une sorte de passage par l'épure classique de l'éloquence baroque que je trouve extrêmement réussi. Elle révèle en tout cas un compositeur doté d'une réelle profondeur, d'une vie musicale intérieure riche et personnelle… il n'y a pas de raison qu'il n'existe pas d'autres œuvres de cette qualité. Mais pour l'instant, au disque, je n'ai rien entendu de bien passionnant.

Röntgen est un peu à Dvořák ce que Herzogenberg est à Brahms : si l'on aime l'un, il faut essayer l'autre. Ce n'est pas toujours aussi bon, mais les meilleures œuvres s'approchent vraiment de l'esprit.

La Tombelle, oui, la description est assez juste. J'ai été enthousiasmé de pouvoir entendre de la musique de chambre française d'époque, de pouvoir compléter le catalogue de ce grand mélodiste chant-piano, et très agréablement surpris par l'intérêt des œuvres – mais je dois admettre que c'est sans doute le disque le moins incontestable de la sélection, celui qui dépend le plus de l'adhésion préalable au genre. Il est important par ce qu'il documente, mais oui, ce n'est pas un corpus qui altère notre vision du monde, ni même nos hiérarchies personnelles.

(Oh oui, Penelope ! Pour moi c'est Penthesilea en beaucoup mieux.)

Merci beaucoup pour ces très riches retours ! (et ces encouragements qui me touchent)

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David Le Marrec

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