Carnets sur sol

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mardi 31 juillet 2012

L'amazone et ses usages


Au détour d'une conversation en galante[1] compagnie, je remarque l'incongruité de l'expression « monter en amazone ».

1. Equitation

Suite de la notule.

Camarinha strikes back


Raquel Camarinha, déjà admirée avec son accompagnateur Satoshi Kubo lors de l'audition de la classe de Jeff Cohen l'an passé, revenait, avec un programme encore plus original, qui confirme ses forces. Le cadre moins favorable que l'intimisme extrême de la salle d'Art Lyrique du CNSMP accentue aussi quelques (très rares) traits moins flatteurs qui étaient naguère à peine perceptibles.
L'occasion de dire un mot des oeuvres... et de se poser des questions sur les enjeux d'un tel récital.

1. Le programme - 2. Le duo - 3. Le résultat

Suite de la notule.

Phaëton de LULLY par Rousset à Beaune en ligne via Arte selon Klari


(Des fois, on rêverait que le français fût une langue casuelle.)

La vidéo est disponible sur Arte Live Web (comme celles de Written on Skin de Benjamin ou de David & Jonathas par Christie). Bien filmée, très bien captée pour l'équilibre sonore (alors que la basilique de Beaune n'est vraiment pas l'endroit le plus commode pour ce faire !).


L'oeuvre a des moments parmi les plus inspirés de tout Lully (tout ce qui concerne Lybie et Epaphus), alternant avec un très grand nombre de moments pittoresques assez hétéroclites, mais très bien caractérisés par la musique.

La comparaison avec Minkowski est hautement intéressante, Rousset y exalte aussi (et avec plus de finesse que dans un studio Minkowski du début des années 90) le caractère purement français, mais avec beaucoup de rondeur. Les moments d'action sont plus contemplés que vécus, mais cette qualité poétique réussit grandement aux moments de caractères qui, dans cet opéra, excèdent d'assez loin les seuls divertissements. Malgré une forme de douceur indolente, la danse n'est jamais abandonnée et le contenuo est admirable - les deux clavecinistes remplissent l'harmonie très densément, habitent quelques vides de la partition par des effets ou ornements bienvenus, caractérisent et suivent remarquablement (oui, paradoxe) les chanteurs.
D'une certaine façon, cette soirée ressemble plus à son Cadmus donné dans les même lieu à l'aube des années 2000 (un rien de raideur dans le maintien, mais toujours dansant) qu'à son Persée (terne) de studio.

En revanche, je suis frappé, malgré son timbre qui évoque plus les rôles de caractère, par la similitude technique entre Emiliano Gonzalez-Toro et Cyril Auvity - émission très pharyngée et droite. (Je précise qu'il s'agit d'une observation, pas d'un reproche : j'aime.)

Suite de la notule.

vendredi 27 juillet 2012

Ravages de la libre-pensée


Lundi 16 juillet, 7h30.
Il est des choses qu'on n'aurait jamais cru pouvoir entendre sur France Culture :

Né au Massachussets dans une famille catholique irlandaise de neuf enfants, l'homme en tire un côté puritain.

Au moins, quand on la Chrétienté était fanatisée, on savait nommer ses ennemis.

mercredi 25 juillet 2012

Pochette surprise


Je reste ébaubi du nombre de traducteurs qui ont obtenu grâce à ce viatique leur diplôme et leur emploi. Dépêche d'agence à propos des tatouages de baryton wagnérien :

Je souhaite ne l'avoir jamais fait.

Ce n'est donc pas du souhait mais du regret, ce qui s'exprime certes dans certaines langues par le même verbe (typiquement "wish" en anglais), mais en français, "je regrette de l'avoir fait" est considérablement plus léger, élégant et correct. Ce n'est pourtant pas un tour de force, il suffit d'écouter sa langue... et même les petits français (oui, même eux !) apprennent depuis le collège les équivalents automatiques de ces tournures.

Et on en lit comme cela tous les jours. C'est encore plus terrifiant que les modifications syntaxiques dues au contact de l'anglais ("le plus je gagne, le plus je suis content"), parce qu'ici on ne modifie même pas la langue d'arrivée, on se contente de mal la parler, en ne respectant même pas le sens de la langue de départ !

On a beau employer des anglicismes tous les jours sans déplaisir aucun, il existe quelques cas où l'on prend peur. Pourtant, The French don’t care what they do, actually, as long as they pronounce it properly. (a dit un grand linguiste de fiction)

--

Pour ceux qui veulent plus de détails, ils peuvent profiter de cette admirable synthèse proposée par le journal de Canal +, aimablement signalée par un lecteur de CSS (à partir de 5'50), dans laquelle, déjà effrayés par le ton employé qualifier ce festival de musique classique (brr), nous apprenons tout sur la longue amitié qui lia personnellement Richard Wagner (1813-1883) et Adolf Hitler (1889-1945).
J'avoue ma déception qu'on ne nous révèle rien des pots que se prenaient Caius Julius Caesar et Benito Mussolini, ou des chansons à boire autour desquelles se retrouvaient licencieusement De Gaulle et Jeanne d'Arc - mais vu la brièveté du format, on ne pouvait bien sûr pas être exhaustif.

La vidéo :

Suite de la notule.

lundi 23 juillet 2012

[Sélection lutins] Une brassée de bons opéras contemporains, classés par courants


1. Le besoin

Comme manifesté encore récemment, mais depuis longtemps, l'opéra contemporain rencontre un certain nombre de difficultés structurelles : musicales (techniques de composition inappropriées à la voix), culturelles (défiance face à la grande forme), économiques (peu de remplissage, donc peu de créations possibles, et par conséquent peu d'entraînement pour les compositeurs), librettistiques (recrutement aléatoire des librettistes, souvent des potes pas très préparés).

Alors qu'il existe tout de même un certain nombre de pièces instrumentales (ou vocales !) très réussies dans le répertoire récent, l'opéra semble avoir totalement dévissé. Après avoir longuement disserté sur les causes de cette traversée du désert, il était temps de regarder sous l'angle opposé : que faut-il écouter en théâtre lyrique contemporain ?

Voici donc une tentative de liste et de parcours expliqué pour pouvoir faire son choix. Avec inévitablement sa (ma) part de subjectivité, mais, je l'espère, avec suffisamment d'explicitation pour en faire son miel.

Suite de la notule.

dimanche 22 juillet 2012

La Marquise d'O. - Kleist juge de Rohmer


- ossia la fedeltà premiata -

1. Le parti pris de Rohmer - 2. Autres positions - 3. Quelle attitude défendre ?



Extrait de l'édition française de 1832 (traduction des Cherbuliez).


1. Le parti pris de Rohmer

En découvrant le film, j'ai été frappé par l'exactitude extrême de l'adaptation cinématographique. Je ne crois pas avoir déjà vu un cinéaste servir avec tant de déférence un texte, s'effaçant à peu près complètement derrière l'écrivain : les paroles des personnages sont mot pour mot celles de la nouvelle, les tableaux épousent parfaitement l'ordre original (jusqu'à la petite annonce).
Tout au plus Rohmer maquille-t-il quelques petites coutures ici et là, à des moments délicats où l'illusion de la lecture serait insuffisante au cinéma, où l'on voit et n'imagine pas - ce qui rend beaucoup plus exigeant sur une forme de vraisemblance. Ainsi l'évanouissement est-il renformé par l'opium, et certaines précisions sont-elles ajoutées pour crédibiliser le récit (le comte contemplant la marquise effondrée) ou retirées pour éviter l'accumulation d'indices (la mention du prénom de la marquise lorsque le comte est blessé).
Et tout cela sans tricherie : pas de musique pour seconder le texte et les situations, sauf les clairons et bruits de rue. L'allemand (et donc les mots des dialogues de Kleist) a même été choisi comme langue de tournage, alors que le réalisateur français a mis en oeuvre tous ses autres films, sauf erreur, dans sa langue.

J'admire beaucoup la posture du cinéaste qui, alors qu'on lui a confié le soin de faire oeuvre (ce qui arrive assez tard dans une vie, du moins avec les budgets avenants), choisit de simplement donner vie à l'oeuvre d'un autre, à animer les mots, sans rien y mettre de lui-même, sans rien amender de ce qui lui paraît améliorable - préférable pour lui ou séduisant pour le public. A l'exception des séquences de l'incendie et du sommeil, traités de façon tout à fait picturales (très clairement Füssli pour le second), je serais bien en peine de trouver des sujets d'éloge particulier sur le réalisateur. C'est tout simplement cela, la nouvelle de Kleist !

On peut en tirer deux jugements (même si ce n'est pas forcément utile) opposés : considérer que Rohmer doit, en l'occurrence, sa gloire à Kleist, car l'entière matière du film en émane ; ou rendre hommage à l'effacement si précis de la présence du réalisateur, tout à l'avantage du modèle qu'il a admiré.

Lorsqu'on a vu les jolies (mais assez plates) adaptations littéraires de la BBC (une tradition de la chaîne particulièrement vivace dans les années 90, où Pouchkine, Austen, Brontë, James sont adaptés de façon très proche de la lettre), on ne peut que se ranger dans le camp de l'admiration : certes le film ne dit rien de plus que la nouvelle (est-il alors nécessaire de le voir ?), mais contrairement aux adaptations fidèles habituelles, il ne la diminue en rien.

C'est cela qui est impressionnant : on pourrait dire qu'il est exactement égal de lire la nouvelle ou de voir le film. La nouvelle est peut-être un peu plus courte à lire, ce serait la distinction majeure. Compensée par la prégnance des développements que permettent les séquences où l'image montre en silence ce que le texte original ne développe pas (malaises, rêveries...).


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2. Autres positions

La Marquise d'O. évoque brièvement une situation "impossible", où les personnages sont des fonctions avant d'être des psychologies, du fait de la prestesse du récit ; c'est un type de nouvelle assez répandu à partir du XIXe siècle, un peu le même modèle que Le Colonel Chabert ou Vingt-quatre heures de la vue d'une femme.

En adaptant aussi une nouvelle consacrée aux émois paroxystiques d'une aristocrate en déchéance, Visconti a considérablement retouché Senso (film que je trouve beaucoup moins convaincant à titre personnel) de Camillo Boito (1, 2). D'abord par la présence de la musique de Bruckner, des bouts de la Septième Symphonie tout à fait détournés de leur contexte (et magistralement il est vrai) ; mais aussi et surtout par la nature même de la Comtesse, de moeurs considérablement plus libres et de tempérament moins conciliant chez Boito. Par-dessus le marché, Visconti ajoute habilement un arrière-plan politique, tout à fait absent de la nouvelle.
Visconti a plus suivi l'attitude de Hofmannsthal pour Arabella, qui avait fusionné sa nouvelle Lucidor avec des extraits de comédie Der Fiaker als Graf : mélange d'une substance existante avec une atmosphère différente, et modification considérable des caractères des personnages, même si leurs actes demeurent similaires. Un changement de couleur assez radical.

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3. Quelle est la bonne attitude ?

Il est difficile d'en juger a priori, le résultat (et la subjectivité de chacun face à lui !) est souverain. Il se trouve que j'ai plus de tendresse à la fois pour la nouvelle de Kleist et le film de Rohmer, dont je trouve l'épaisseur (narrative, psychologique, méditative) supérieure à ce Boito et à Visconti. Ce qui me disqualifie donc pour comparer les mérites des mises à l'écran.

Cela n'empêche pas qu'il est possible d'améliorer des oeuvres, c'était même un projet de séries de notules, une fois celle autour de Zorro achevée. Certaines mauvaises, et d'autres déjà excellentes, mais traitées différemment.

Le cas le plus spectaculaire

Suite de la notule.

vendredi 20 juillet 2012

Opéra et terrorisme


En lisant Klari, je m'aperçois que ce n'est pas la première fois que j'entends / lis des plaintes au sujet de l'ouverture des sacs à l'entrée des salles de spectacle, et qu'elles me surprennent à chaque fois.

Outre le fait que la décision n'émane pas de l'institution mais du gouvernement, je trouve en effet l'initiative plutôt sympathique :

1) elle me permet de vérifier à chaque fois que je ne suis pas un dangereux terroriste, malgré mon teint d'encre (sympathique) ;

2) elle permet d'entrer en contact spontanément avec les vigiles, toujours très embarrassés, comme s'excusant de nous garder malgré nous-mêmes des dangers de massacres de masse ; c'est un contact assez sympathique à l'entrée des salles, alors qu'on ne s'adresse pas à eux s'ils restent renfrognés dans un coin.

Pour les plus facétieux d'entre nous, ce peut être l'occasion de tester son sens de l'humour : jeux de mots sur les sac en plastique, réveil et fils ostensibles dans sa sacoche, bombes sphériques en peluche, écriteau "BOUM", poster de Nasrallah, etc. Hurler des slogans en arabe est en revanche réputé de mauvais goût, préférez les menaces en gaélique ou les comptes à rebours en tigrinya, beaucoup plus chics et en général mieux vécus par l'assistance.

mardi 17 juillet 2012

Morts deux fois


Entendu sur France 24 hier :

Aujourd'hui on commémorait les soixante-dix ans de la raffle du Val d'Hiv, et un sondage montre que beaucoup de personnes ne savent pas ce qu'est cet événement sanglant.

On voit ça. Le Val d'Hiv, ce doit être une station vers Gavarnie.

Faites entrer les clowns (rouges).


lundi 16 juillet 2012

George Benjamin - Written On Skin, création à Aix

Or l'Eternel avait dit à Moïse, je ferai venir encore une plaie sur Pharaon, et sur l'Egypte, et après cela il vous laissera aller d'ici, il vous laissera entièrement aller, et vous chassera tout à fait.

Suite de la notule.

Restes d'histoire


Article 2 du Code d'honneur du légionnaire (oui, j'ai bien le droit de faire des projets de vacances).

Chaque légionnaire est ton frère d'arme quelle que soit sa nationalité, sa race, sa religion. Tu lui manifestes toujours la solidarité étroite qui doit unir les membres d'une même famille.

Amusant qu'on n'ait pas changé, par les temps qui courent, le mot « race » du code. Cela dit, il serait bien fantaisiste d'accuser d'intentions xénophobes un article qui défend précisément la position contraire ; et, à défaut d'être rigoureux en sciences naturelles, l'article est clair, comme l'ensemble du Code - d'ailleurs sur le mode, juridiquement insolite, du tutoiement.

(Oui, il n'en faut pas beaucoup pour amuser un parisien en juillet.)

dimanche 15 juillet 2012

Paul Wranitzky - Oberon - avant Mozart & Weber, et déjà mieux


Pavel Vranický (1756-1808), compositeur tchèque (né dans l'empire austro-hongrois) comme son frère Antonín (intéressant également), a germanisé son nom suite à ses succès en Autriche. Parmi ses oeuvres les plus intéressantes, on trouve cet Oberon, König der Elfen (Oberon, Roi des Elfes) un singspiel de 1789.

On y rencontre un certain nombre de traits communs avec la Flûte Mozartienne, et on considère généralement que le livret de Seyler et Giesecke a bel et bien été une inspiration pour Schickaneder. Les caractères présents ont beaucoup à voir avec Die Zauberflöte (1791) : un ténor (Hüon) noble et volontaire, qui pour secourir sa bien-aimée (Amande / Rezia), vole au-devant d'épreuves initiatiques. Servi par un baryton bouffon (Scherasmin) qui provient d'un autre monde que le sien, il assiste notamment aux coloratures surhumaines de la reine féerique Titania. C'est donc aussi la trame de l'Oberon de Weber (livret de James Robinson Planché, 1826).

Malgré sa date de composition, l'oeuvre se rapproche bien plus de Weber, dont on retrouve les caractéristiques musicales, notamment dans les finals trépidants et très lyriques. Et, à mon sens, elle surpasse l'un et l'autre de ses deux cousins célèbres. L'inspiration mélodique y est encore supérieure (et surtout plus constante), et la tension dramatique s'y tient sans commune mesure. Très peu de "numéros" de faible intérêt.

Cette musique sonne déjà de façon complètement romantique, et mériterait, clairement, un enregistrement officiel. Pour l'heure, voici des extaits d'une captation radio depuis Schwetzingen (en 1980), avec des noms peu prestigieux mais une réalisations assez électrique.

Détermination de Hüon au début de l'opéra :


Air comique de Scherasmin, duo tendre de Hüon et Rezia (il existe manifestement plusieurs leçons de la partition, la mienne parle d'Amande, ce qui est plus conforme à la cour de Charlemagne, il est vrai), et final électrisant de l'acte II (dans le goût du quatuor du II de Weber « Over the dark blue waters »), mais évoquant de façon troublante le final du II des Nozze di Figaro (qui lui est antérieur) :

Suite de la notule.

Prokofiev - L'Amour des Trois Oranges - Bastille : Altinoglu / Deflo / Workman


Tiré du fil de la saison. Le bilan viendra après les deux dernières représentations prévues : Raquel Camarinha à l'Hôtel de Soubise et Crébillon à la Pépinière.

(Vendredi 13 juillet 2012.)

Suite de la notule.

jeudi 12 juillet 2012

Réversibilité - (Gottfried Huppertz / Fritz Lang)


Les témoignages en temps de guerre ont toujours quelque chose de profondément troublant lorsqu'ils proviennent de la nation opposée dans laquelle nous n'avons pas été élevés. Ou l'on voit combien ce qui a pu être appris comme juste et naturel à nos aïeux était objet d'aversion tout aussi étayée et évidente...

Il est parfois difficile de se représenter ces écarts - ou ceux qui séparent les vertus cardinales de la France (sans même convoquer Vichy) des années cinquante de celles que nous glorifions aujourd'hui (perpétuation vs. clairvoyance, obéissance vs. déconstruction).
Et, lorsqu'on y parvient, il est difficile de ne pas juger ses ancêtres (comment pouvaient-ils être aussi crédules !) ou de ne pas regretter le passé (le temps où l'on respectait l'aînesse et les idéaux).

Ce petit extrait visuel et sonore mis en ligne par les lutins malicieux de CSS permet, je crois, d'éprouver assez violemment ce type de décalage, et peut-être de mieux le comprendre :


L'Orchestre Symphonique de la Radio de Sarrebruck (Rundfunksinfonieorchester Saarbrücken), un des plus beaux orchestres européens de mon point de vue, dirigé par Berndt Heller.
Cette version (celle parue en DVD en 2001) est beaucoup plus ronde et romantique, mais aussi amplement plus poétique, que celle qui accompagne la récente parution complète fondée sur les bandes vidéos de Buenos Aires (2010). Cette dernière étant menée par Frank Stobel et le Rundfunk-Sinfonieorchester Berlin (Orchestre de la Radio de Berlin, l'ancien orchestre de radio de Berlin-Est, qui comme son vis-à-vis de l'Ouest joue beaucoup de musique "décadente" ou "dégénérée").


Je ne sais pas si l'objectif de Gottfried Huppertz (compositeur de la BO originelle de Metropolis) était de susciter l'effroi en rappelant les sonneries françaises aux allemands (on peut difficilement imaginer la terreur que ce thème menaçant, dont les derniers échos n'avaient pas dix ans, pouvait susciter chez les spectateurs outre-Rhin), ou bien de figurer un chant révolutionnaire hors de contrôle.

Dans les deux cas, l'apparition de cette Marseillaise déformée en tonalité mineure, figurant une forme d'aveuglement collectif destructeur, vers la fin d'un film dans lequel on est déjà plongé depuis des heures, procure une impression très étrange au spectateur français - un soudain « décollement » de l'illusion dramatique, une sorte de « bogue » émotionnel. La logique du film nous mène à considérer cette musique comme menaçante, mais l'habitude culturelle de n'importe quel français fait adhérer à cette musique... Les deux impulsions s'entre-choquent.

C'est qu'on a vécu, l'espace d'un instant, les deux points de vue simultanément. Ce petit moment de Metropolis permet véritablement une expérience singulière, le type d'ubiquité émotionnelle qu'on ne croit pas forcément possible de vivre.

(Navré pour les lecteurs qui n'ont pas été élevés en France, en revanche, ou aux contempteurs les plus vigoureux de la Marseillaise... je crains que cela ne fonctionne pas pour eux.)

Non seulement il n'y a plus de saisons, mais en plus tout fiche le camp


André Ciccodicola, rédacteur en chef de l'Humanité Dimanche, disait en substance ce matin :

Les cyclistes vont passer au col de la Croix-de-Fer ; c'est un nom merveilleux. Un vrai chemin de croix pour les cyclistes.

Je ne sais pas ce qu'il faut le plus admirer de l'Eisernes Kreuz ou du Golgotha, mais c'est assez savoureux d'inconséquence métaphorique pour la plume officielle du communisme français.

Suite de la notule.

Dernier retour vers Arabella-Paris


Dernière représentation (avec Kühmeier).

Où l'on s'interroge sur les rapports entre lettre et esprit dans le troisième acte de Marelli.

Suite de la notule.

dimanche 8 juillet 2012

Meilleur que le roman - I, Zorro - 2 : Aux origines


1. Première écriture

Le personnage de Zorro, à l'instar de Don Juan, n'est pas un mythe dont l'origine serait indéfinissable. Il a un père littéraire, clairement identifié.

Au début du XXe siècle, les pulp magazines connaissaient un vaste succès populaire aux Etats-Unis. Ces publications, diffusées sur un papier de mauvaise qualité, contenaient quantité d'histoires courtes, en feuilleton, assez directes et vivantes, mélangeant la fiction avec la prétention plus ou moins insincère du réel.

C'est sur ce support que Johnston McCulley (1883-1958), journaliste spécialisé dans le reportage policier, met son expérience de narration haletante au service de la fiction où naît Zorro. Devant le succès des 39 chapitres publiés dans All-Story Weekly, l'ensemble fut regroupé dans un livret et publié en 1919 sous le titre The Curse of Capistrano - (« La Malédiction de Capistrano », que l'on traduit avisément en français par Le Fléau de Capistrano).

J'en avais déjà publié et commenté un extrait en mars, parmi les citations passantes.

Dès sa création, Zorro n'est pas un personnage complètement sérieux :

Ce moment est particulièrement délectable, et reflète assez bien l'esthétique mi-figue mi-raisin du roman de McCulley : l'emphase traditionnelle du roman y est compensée par le sentiment de luttes sans enjeu (jamais on ne peut craindre l'échec du héros), l'héroïsme y est rendu dérisoire par le besoin que la vertu a de se parer de l'astuce et de l'humour, et l'écriture elle-même, malgré son caractère direct, n'est pas dépourvue de jolies coquetteries (jamais affectées).

--

2. Vers le mythe

Suite de la notule.

Meilleur que le roman - I, Zorro - 1 : Mythe et méthode


Comme chaque année, l'été est l'occasion d'une petite série :


Depuis 2009, il semble que, de façon non délibérée, l'été soit propice à l'investigation autour de sujets de la culture populaire (ou du moins de la culture commune).

  • En 2009, c'était autour du Moine de Gregory Lewis, de ses relations avec les mythes populaires, de ses adaptations. La même année, il avait aussi, en matière de culture semi-populaire, le retour aux sources de la figure de Carmen.
  • En 2010, une vaste exploration autour des figures du vampire, en particulier Ruthven et Dracula.
  • En 2011, c'était la linguistique de Tolkien qui était à l'honneur. Rien ne parut sur CSS, le sujet étant déjà saturé d'exégèses en ligne, et je ne le maîtrise guère - de surcroît, je trouve le cycle The Lord of the Rings très platement écrit. En revanche, les processus de création linguistique, et la façon de les envelopper ensuite d'une mythologie cohérente, est assez fascinant - plus les articles de méthode que les récits eux-mêmes, en somme.


Cette année, je m'étais interrogé pour une série Pouchkine, mais je vais plutôt commencer par la figure de Zorro, dont j'ai exploré les emplois depuis quelques mois. Je n'ai bien sûr pas épuisé, loin s'en faut, la multitude d'adaptations (livres pour la jeunesse ou films d'action), mais en se concentrant sur un petit nombre de productions, des traits particuliers assez intéressants se révèlent.
En particulier, les raisons du succès d'un roman-feuilleton pas particulièrement brillant.

--

Simultanément, je me propose ici d'ouvrir une nouvelle série, consacrée à ces cas rares mais remarquables où les adaptations dépassent les originaux. On en a quelquefois parlé à propos de traductions ou adaptations d'opéras, plus rarement en matière romanesque, que ce soit pour la scène ou l'écran.

Ce sont des cas singulièrement fascinants, ceux où le génie semble échapper à l'auteur pour se loger ailleurs, dans la réception et la transmission de ses humbles adaptateurs, une sorte de prescience collective du potentiel de certains récits sans grande épaisseur à l'origine.

Pastiches et citations dans la Fille mal gardée


Suite à une conversation avec Joël Riou, mise à jour de la brève notule, en proposant une petite liste de citations ou inspirations repérées.

samedi 7 juillet 2012

La Fille mal gardée


A Garnier, le 5 juillet.

L'oeuvre mériterait une ample présentation.

De l'humour visuel (Ashton) qui semblerait conçu pour divertir les jeunes filles du premier XIXe, sur des pastiches musicaux (Lanchberry) du Barbier de Séville et de l'Elixir d'amour - il ne doit pas reste beaucoup du Hérold original. Parfait après une journée de pénible labeur.

Toujours aussi drôle, et la simplicité de la musique, que je craignais un peu en salle, demeure tout aussi jubilatoire. L'Orchestre de l'Opéra joue avec un investissement rare au ballet (direction Philip Ellis), et évidemment les danseurs locaux brillent (Zusperreguy, Magnenet, Houette, Madin)...

Il se dégage de ce ballet, auditivement et visuellement, quelque chose de sain et de roboratif qui a peu de limites.

Une des meilleures soirées de la saison.

--

Mise à jour du 8 juillet 2012 :

Voici la reproduction d'un commentaire posté sur le carnet de Joël Riou, dans le but de répondre (partiellement) à la question de la provenance musicale des extraits pastichés de la Fille mal gardée d'Ashton / Lanchberry.

Suite de la notule.

Yann Beuron - récital Fauré-Ravel-Satie au Musée d'Orsay


Troisième soirée avec Yann Beuron cette saison. Peut-être la fois de trop, on s'habitue vite à l'excellence. En réalité, j'ai été un peu dépité, au sein d'un beau programme (pas très original en revanche, par rapport à ses derniers) Fauré / Ravel / Satie, d'entendre une fois très opératiques. Pas comme ses Fauré de l'Amphithéâtre Bastille, très vocaux mais extrêmement bien mis en mots, mais réellement comme on chanterait de l'opéra, avec beaucoup de vaillance (et d'harmoniques métalliques), une forte assise, assez peu de nuances douces, peu ou pas de changements de registres et d'allègements.
Aux antipodes de l'art qui a fait son charme.

Suite de la notule.

vendredi 6 juillet 2012

Le disque du jour - LI - Shéhérazade de Ravel par Kožená / Rattle


[On peut écouter le disque en ligne, gratuitement, intégralement et légalement, sur Musicme par exemple.]

Aujourd'hui est un petit événement. Car Carnets sur sol, temple officieux de l'interlope, du confidentiel et du bizarre, va commenter (et recommander !) une nouveauté de Deutsche Grammophon.

Il faut dire qu'il s'agit d'une artiste à qui l'on a déjà consacré un rapide portrait, où figuraient en exemple des extraits de ses Shéhérazade de Ravel, peut-être sa plus belle réalisation.

Suite de la notule.

mercredi 4 juillet 2012

Humour et relativité


Les éditorialistes (au moins français, je n'ai pas vérifié ailleurs) sont tombés à bras raccourcis sur la promotion des filières scientifiques à l'intention des jeunes filles.

Cette vidéo m'inspire pourtant autre chose. En fin de compte, il est extrêmement difficile de produire de l'humour en s'adressant non seulement à tout le monde à la fois (message unique), mais aussi à différentes nations qui ont leurs tropismes en la matière. Et l'humour est un objet fragile qui suppose une grande connivence.

Suite de la notule.

lundi 2 juillet 2012

Musique ouverte



The musician’s corollary to Murphy’s Law: the probability of a mobile phone ringing during a concert is directly proportional to the tenderness of the moment.


Trouvé en début d'année chez Coffeeholics Studios.

La loi de Murphy est un terme geek pour une loi naturelle connue depuis la nuit des temps : la loi de la Tartine Beurrée. Si le pire peut arriver, alors il advient.

Et il est vrai que la probabilité d'entendre une nouvelle armure et une nouvelle carrure durant une mélodie suspendue ou un silence particulièrement ineffable vérifie terriblement cette loi toute-puissante.

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La musique ouverte ne désigne pas seulement l'inclusion de libertés, voire d'aléatoire, dans une oeuvre, c'est aussi un excellent site qui regroupe des enregistrements libres de droits selon la législation française. Si vous souhaitez y participer, il faut créer vos codes, vous pouvez me joindre par courriel pour que je demande.


dimanche 1 juillet 2012

Droit de suite


Malgré la conspiration démoniaque du RER B dans le coin le plus mal desservi de Paris, les lutins purent se glisser auprès des lutrins ; nous pûmes alors ouïr le programme délirant en l'église Saint-Marcel dont il était question jeudi, et dont voici le bref commentaire aujourd'hui.

David Le Marrec

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2 => Le livre et la Toile, l'aventure de deux hiérarchies
3 => Leçons des Morts & Leçons de Ténèbres
4 => Arabelle et Didon
5 => Woyzeck le Chourineur
6 => Nasal ou engorgé ?
7 => Voix de poitrine, de tête & mixte
8 => Les trois vertus cardinales de la mise en scène
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