Carnets sur sol

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jeudi 25 février 2010

Ferenc Liszt - VIA CRUCIS - V, Une traduction française


[Mise à jour des parties qui avaient été mal réparties.]

Suite à une réclamation récente sur l'absence de version française aisément disponible, les lutins se sont vaillamment chargés de la traduction de ce Via Crucis. Pas de commentaire dans cette notule, donc (bien qu'il y aurait beaucoup à dire sur les proportions de chaque section, par exemple), juste une traduction rapide pour pouvoir profiter de l'oeuvre.

On trouvera des traductions théologiquement supervisées en ligne d'à peu près tous ces textes (et même très probablement de tous, qu'ils soient latins, allemands ou hébreux), mais l'avantage est ici qu'on dispose sur une seule page de tous les extraits mis en musique par Liszt.

Pour la parlotte, on peut se reporter aux quatre précédents épisodes, réunis dans ce chapitre, et plus particulièrement, concernant la traduction, à la présentation structurelle de l'oeuvre.

En vous souhaitant d'agréables recueillements.

Suite de la notule.

vendredi 21 novembre 2008

Franz Liszt - VIA CRUCIS - IV, To organize or not to organize ?

5. La question de l’orgue.

La partition propose deux leçons différentes simultanément : l’orgue ou le piano. Il existe également une version ultérieure pour piano solo (qui a été gravée par Leslie Howard dans son intégrale paisible), mais nous l’écartons délibérément, car elle met nécessairement de côté toute la dramaturgie qui nous paraît faire le prix de l’œuvre.

L’alternative est intégrée à la partition définitive, si bien qu’on pourrait jouer selon les stations, si l’envie en prenait, à l’orgue ou au piano au cours du même concert.

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D’emblée, CSS annonce sa prise de position, on pourra donc affûter tout à loisir des arguments contraire au cours de son parcours en notre compagnie : les lutins ont de sérieuses réserves sur l’usage de l’orgue pour cette œuvre.

La première raison, et peut-être la raison principale (rendant par là même la suite de notre entreprise caduque), est que nous disposons au disque d’une version absolument magnétique, d’une profondeur à la fois mystique et dramaturgique sans égale, celle accompagnée et dirigée du piano par Reinbert de Leeuw. Celle que nous vous recommanderons en toute priorité à l’issue du parcours discographique.

Mais ce n’est pas la seule raison, car il existe des versions intéressantes à l’orgue ; nous pouvons argumenter un peu, partition (et extraits sonores) en main.

1. Première raison : l’orgue, et c’est même la principale faiblesse de l’instrument (avec son encombrement), ne connaît pas les nuances dynamiques, à l’exception des changements de registration, qu’on ne peut évidemment pas utiliser à tout moment dans le morceau, d’autant que l’opération demande une main libre (ou un assistant) et change également le timbre de l’instrument.
Les nuances et, peut-être pis, les accents notés sur la partition de piano ne peuvent donc pas être exécutés. Les bons organistes y suppléent par des détachés adroits, mais il n’en demeure pas moins une certaine homogénéité de ce côté, qui nuit à l’aspect direct de l’expression et aux à-coups émotionnels du drame.

2. L’orgue ne dispose pas de pédale forte. Ici aussi, les bons organistes (et même les bons pianistes…) savent s’en passer, c’est même tout le sens de leur formation technique spécifique. Néanmoins, certains effets de fondu, comme sur les moitiés de mesure de la marche claudicante du Christ chargé de la croix – pour la rendre moins régulière –, certaines variations de texture sont impossibles. Le rubato (écart de tempo) les pallie, et se montre déjà nécessaire au piano, mais c’est encore une possibilité expressive de moins.

3. L’orgue a un ambitus plus réduit que le piano. Ici, impossible de creuser les basses dans les moments recueillis ou révoltés – ce que Liszt trouve en revanche nécessaire dans sa version pour piano. Il est vrai qu’ici, le son majestueux et imposant de l’orgue tient tout à fait la comparaison côté basses impressionnantes, fût-ce à l’octave supérieure.

4. Liszt ne sollicite pas le pédalier, peu nécessaire dans cette œuvre assez peu polyphonique. Ce qui fait perdre, du coup, l’un des moyens supplémentaires de l’orgue par rapport au piano (bien qu’il soit possible d’en équiper les pianos, on n’en dispose que pour les œuvres déjà rares de Schumann qui le requièrent explicitement, et qui sont de plus très souvent jouées au piano standard sans ajout de pédalier).

5. L’orgue n’a pas la capacité de percussion du piano. Pour les moments de forte intensité tragique, comme les cris de la foule (Crucifige !), on perd nettement en tranchant et en violence.

Suite de la notule.

Musique en libre écoute - Franz LISZT - Via Crucis

Pour ceux de nos lecteurs qui souhaitent suivre notre série, l'écoute gratuite en ligne d'une bonne version est possible. Puisque nous sommes sur le point de publier un éloge du piano, restons-en à celle fraîchement parue de Brigitte Engerer (un très beau piano même si le choeur paraît modérément investi).

Disponible sur le site Musicme (inscription simple, gratuite... et utile).

samedi 8 novembre 2008

Franz Liszt - VIA CRUCIS - III, Structures



Une lecture très intéressante de la Passion, celle d’André Lhote : les visages affligés de l’assistance révèlent la scène et évitent la représentation de la Croix. La Mère, elle-même en position de crucifiée, en devient le sujet central.


4. Constitution de l’oeuvre

Le Chemin de Croix de Liszt s’appuie, outre sur les quatorze stations traditionnelles, sur l’hymne de saint Venance Fortunat (VIe siècle), le Vexilla Regis (sur le mystère de la Résurrection), qui colore d’emblée le Chemin de Croix comme un aboutissement, par opposition à la succession de tableaux tragiques que développe ensuite l’œuvre – jusqu’à la reprise du cantique dans la dernière station.

L’œuvre est à l’origine écrite pour clavier et voix ; conçue pour l’office, elle se conçoit pour orgue, solistes (très brefs) et chœurs, mais la partition porte la marque d’un double système de portées alternatif, prévu pour le piano.

Dans les quatorze stations peuvent alterner divers traitements : chant grégorien, plain-chant [1] d’un soliste, chœur (mixte ou non selon les 'scènes') ou piano solo.
Certaines stations sont en effet muettes, et seul le piano y parle (4e, 5e et 13e) ; trois moments de plain-chant soliste (Pilate, le salut à la Croix et l’adresse aux femmes de Jérusalem) ponctuent brièvement deux stations purement instrumentales (1ère et 2e).

L’ensemble se trouve chanté en latin liturgique, à l’exception de la sixième station (Véronique essuie le visage de Jésus) qui, elle, emploie l’allemand.
On conçoit aisément que cette structure parfois dépourvue de texte rituel, ou alternant les langues et les musiques en mélangeant quasiment traditions catholique et luthérienne ait pu laisser dubitative, voire défiante, la hiérarchie garante de la conformité du culte.

L’œuvre ménage par ailleurs de véritables audaces harmoniques, certes absolument pas neuves à l’époque, mais dans une perspective assez intéressante. Au lieu, comme Wagner, de multiplier les emprunts chromatiques dans son flux tonal, Liszt utilise des couleurs harmoniques, quasiment détachées de leur fonction. Le but musical ne tient plus tant dans la direction ou la relation des accords que dans le climat que chaque agrégat crée.
C’est une autre façon d’ouvrir la porte de l’atonalité – plus volontaire que du côté wagnérien. [2]

Evidemment, lorsqu’on prétend se placer en tête d’un mouvement de retour aux sources, cette attitude fait méchamment désordre, et le Via Crucis n’a véritablement rien d’une entreprise liturgique un peu limitée dans son rapport au monde.
Certes, il vaut mieux être sensible au caractère codé, à l’ambiance rituelle qui se dégagent de l’œuvre, mais il y a là de quoi toucher tout amateur de tragique ou de mythologie – nul besoin de recourir à la foi pour percevoir la force tragique de l’innocent qui accepte de mourir ou l’exaltation symbolique qui parcourt toutes ces pièces.

Il est possible de considérer que le postlude au cœur de la seconde station, reprenant le texte musical du Vexilla Regis, lui, prêchant une jubilation un peu sage et plus très inventive musicalement, ressassant les mêmes formules verbales et musicales, bégayant presque, est moins touchant pour le non croyant, dans la mesure où son message d’espoir, déjà formulé dans le Vexilla Regis, reste exprimé de façon très théorique.
Ce rabâchage un peu complaisant tranche nettement avec la vérité humaine - voire plus ample - à laquelle touche le reste de l’œuvre.

Lire la suite.

Notes

[1] Sans accompagnement, donc.

[2] Distinction entre deux attitudes que nous avions déjà évoquée, récemment, dans ces pages.

Suite de la notule.

Franz Liszt - VIA CRUCIS - II, Contexte et dévotions

Introit

Les lutins conseillent de façon récurrente l’écoute du Via Crucis de Liszt, en ce qu’il s’agit d’une œuvre d’une économie et d’un climat extraordinaires.

Il arrive pourtant fréquemment que de véritables esthètes, très sensibles à la qualité d’œuvres épurées et raffinées, manifestent un scepticisme appuyé devant cette œuvre, trop religieuse ou trop indigente. Presque un cantique provincial qui anticiperait sur l’ambiance Vatican II.

On en tient sans doute une explication dans la discographie, relativement étendue, mais souvent peu convainquante. A notre grand étonnement, au demeurant, tant l’œuvre nous semblait parler d’elle-même.

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Liszt et la vocation

Liszt, dès son plus jeune âge, avait été plongé dans de forts sentiments religieux, et ce n’est qu’en cédant aux prières de sa mère qu’il avait renoncé à se faire prêtre. Déjà fortement inspiré par la rencontre de Lamennais à l’âge de vingt-trois ans, il franchit le pas définitivement en 1865 en entrant chez les Franciscains (ordre où la sobriété règne en maître), à la suite de l’impossibilité de faire annuler le mariage de sa compagne Carolyne de Sayn-Wittgenstein, épouse d’un prince russe. C’est à son contact qu’il élabore son projet de réforme de la musique religieuse, délivrée de toute théâtralité romantique, fondée sur un retour aux références grégoriennes.

Malgré le soutien de Pie IX, son adhésion au mouvement cécilianiste se trouve en butte à des réticences de sa hiérarchie : Pustet, l’éditeur attitré du mouvement, refuse son Via Crucis, et l’ensemble de sa démarche se trouve finalement condamnée pour modernisme par sa hiérarchie.

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Source

Dès janvier 1874, Liszt souhaite écrire cette œuvre, inspiré par les aquarelles de Johann Friedrich Overbeck (réalisées en 1855).

Jésus est condamné à mort (comme chez Liszt, c’est la lâcheté de Pilate qui est mise au sommet de la scène) – Jésus est chargé de la croix (« Ave, crux ! » – « Salut à toi, croix ! »)

Simon de Cyrène aide Jésus à porter sa croixDéploration des femmes de Jérusalem

Jésus est cloué sur la croix

On se passera de commentaire sur la qualité exceptionnelle de ces aquarelles sur carton, qui ont surtout pour elles d’avoir été réalisées par un luthérien fraîchement converti au catholicisme – ce qui peut excuser bien des fautes de goût.

Liszt emprunte, pour mener à bien son projet de rénovation musicale du culte religieux, aux modes grégoriens (ce qui est en particulier sensible dans le Vexilla Regis initial et lors de sa reprise dans les deux derniers tiers de la quatorzième station) comme le font les cécilianistes, mais aussi à Palestrina, à l’esthétique luthérienne et, ponctuellement, à Bach (on y trouve au moins une citation de la Passion selon saint Matthieu).
Ce qui ne l’empêche nullement, dans cette atmosphère épurée, de produire une œuvre extrêmement personnelle, au style très reconnaissable, avec une belle unité et une audace harmonique réelle. Comme on l’a déjà souligné, l’atmosphère musicale du Via Crucis tient pour bonne part du Tristan réduit à l’essentiel – sans trop d’audaces et sans trop de notes. Pour une émotion très directe.

Eu égard à la niaiserie de son modèle pictural, la puissance de la musique parcimonieuse et de la dramaturgie minimale du Via Crucis tient tout de bon du miracle.

Suite de la notule.

mardi 4 novembre 2008

'Je dois tout à Liszt' - Richard Wagner

Il est de notoriété publique que Wagner a emprunté quelques-uns de ses motifs les plus frappants (notamment, dans Parsifal, le leitmotiv du Graal ou celui de la Cène) à Liszt, et lui doit beaucoup pour l'attitude de recherche dans l'hyperchromatisme et l'au-delà de la tonalité.

Le caractère précurseur de Liszt peut se discuter, tant les démarches sont distinctes : en atteignant à la sobriété parfaite, Liszt s'éloigne de la logique tonale et structurelle traditionnelles, mais ne la met pas réellement en péril. En revanche, Wagner, en poussant la richesse du système jusqu'à ses limites, pose la question brûlante de l'après. (Les deux démarches se rejoignant assez, il est vrai, dans la Sonate en si, achevée dès 1853, et qui contient en germe de façon très impressionnante les caractéristiques de Wagner : motifs récurrents, altérés et signifiants, structure continue, richesse des emprunts entre tonalités. Wagner en a sans le moindre doute tiré le meilleur parti, la coïncidence serait un peu forte.)

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Néanmoins, à travers quelques exemples, on s'aperçoit à quel point Wagner était baigné de Liszt. Non pas bien sûr en guettant la moindre mesure pour lui en dérober une idée secondaire, mais de façon suffisamment familière pour que des échos de son aîné se fassent sentir jusque dans sa meilleure musique.

Prenons Tristan. Le merveilleux Prélude par exemple. Et écoutons.

Suite de la notule.

David Le Marrec

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