Carnets sur sol

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samedi 29 juin 2013

Haneke-Cambreling : Così fan tutte sérieux


La soirée madrilène est disponible (pour assez longtemps) sur Arte Liveweb :


Musicalement, j'y reviens rapidement plus loin, admirable.

Visuellement, ce n'est pas du tout la révolution, et tout n'est pas parfait, mais on y trouve de bonnes choses.

1. Ce qui fonctionne

Evidemment, la production est un peu intense et sombre, et écarte largement les rires du chemin. C'est un choix (pas exactement contenu dans le livret ni la culture du temps), et comme tel critiquable, mais il n'est pas réellement invalidant. L'impact le plus immédiat réside dans la lenteur — pour ne pas dire la poisseur — des récitatifs, dont la substance musicale (mince) indique clairement qu'ils sont conçus pour un débit bien plus rapide ; néanmoins, la gestion des silences est intéressante, et Haneke tente de tirer le meilleur parti de la liberté théâtrale des récitatifs - même si, à mon humble avis, elle est mieux atteinte en n'allant pas contre la logique du style, de la musique et de la veine comique, qui réclament avec plus de naturel un tempo sensiblement plus précipité.

On se retrouve ainsi sans doute assez loin de ce que visait Da Ponte - il suffit de comparer aux autres comédies de moeurs de la scène lyrique de la fin du XVIIIe siècle, avec ses femmes capricieuses et ses constructions symétriques, pour se rendre compte que le livret de Così fan tutte s'inscrit dans une tradition où la légèreté prime. Le principe même du travestissement, dans un domaine aussi intime que la sororité et les fiançailles, tire l'ensemble vers la fable plaisante, même pas vraisemblable.
Néanmoins, est-ce l'écho de notre époque, est-ce déjà pressenti avec cette force par le librettiste, le spectateur d'aujourd'hui ne peut qu'entendre les résonances graves et irrémédiables du jeu mené pendant trois heures, avec une boucle de responsabilités impossible à défaire, et une fêlure profonde au sein des sentiments les plus naïfs et les plus denses, qui ne se limite peut-être pas aux personnages. Cette dimension un peu plus troublante et solennelle (présente aussi dans les Noces, et surtout Don Giovanni) explique sans doute largement la bonne fortune de cet opéra, davantage que toutes les références incluses (certaines explicites, d'autres subtiles) dans le livret.

Haneke s'appuie surtout sur la présence des personnages lorsqu'ils sont censés être absents : au début de la controverse, les fiancées sont présentes ; Alfonso s'adresse vertement à Despina pendant Nel mate solca ; Guglielmo assiste à la prostration (équivoque) de Fiordiligi après Per pietà, puis à la fin du duo Fra gli amplessi. Cela procure de la tension, indubitablement, d'autant que la direction d'acteurs est à la fois précise (sans doute un peu trop pour le fond de la salle, mais parfaite pour la télédiffusion) et très ouverte, se gardant de trancher toute interprétation définitive.

Le trouble final est par exemple assez bien rendu lorsque Ferrando et Fiordiligi refusent de se séparer, matérialisant le vertige de la situation : qui a été aimé ? quelle est la répartition authentique des couples qu'il faut conserver lors du mariage final ? — le livret indique explicitement un retour à l'exposition, mais sa progression pourrait aussi mener à la consécration des nouveaux couples "désabusés".

2. Ce qui pose problème

Agréable à regarder, donc : la scène vit bien, il y a de l'intensité, les comédiens sont engagés...

En revanche, un nombre assez considérable d'éléments restent ou inachevés ou maladroitement transmis.

D'abord la situation esthétique : il semblerait qu'on se trouve dans un bal costumé, où tout le monde n'est pas encore habillé (les amoureux), mais la répartition des atours XVIIIe semble se dérouler de façon un peu aléatoire (les amants les portent pour partir à la guerre, bizarrrement, et ni avant ni après). Certes, cela permet de portraiturer de jeunes couples d'aujourd'hui, un peu expansifs, en miroir avec don Alfonso qu'on prend toujours plaisir à voir emperruqué et élégant, surtout lorsque incarné par Schimell... néanmoins cela ne fait pas bien sens. Ou peut-être que si, mais pas très clairement pour le spectateur — en tout cas je suis assurément passé à côté.

Plus grave, alors que visuellement tout évoque un intérieur de la modernité un peu triste — propre, blanc et gris, en métal et en plastique, un grand espace vide de décoration... la vraisemblance n'est pas du tout assurée. A part les moustaches en carton lors de l'apparition des Valaques (immédiatement enlevées), les amants agissent à visage découvert, ce qui rend très étrange tout le processus de duperie.
Je me suis demandé (et j'ai vu que quelques critiques avaient affirmé qu'il en allait ainsi) si Haneke ne voulait pas raconter une fable échangiste dont les enjeux seraient connus de tous les personnages, ce qui serait certes un détournement du livret, mais sans doute réalisable — il aurait le mérite de renouveler les enjeux de l'oeuvre en rendant tous les personnages conscients du pari. Mais précisément, les femmes sont mises à l'écart des termes du contrat, les hommes se cachent pour voir s'ils sont trahis, les contradictions évidentes du livret avec cette option (demandes de dissimulation de don Alfonso) ne sont pas du tout gommées ; il est évident que Haneke n'a pas voulu refaire les tentatoires insularités de la télé-réalité — c'est sans doute heureux. Il y a donc clairement quelque chose de discordant, qui ne fonctionne pas bien, et qui aurait sans doute pu être résolu.

Mais c'est une faiblesse de la soirée, certains moments semblent laissés en roue libre, sans réinterprétation, si bien que l'opéra semble tantôt entraîné dans le sillage de Haneke, tantôt remis sur les rails de la logique mozartienne originelle.

Le traitement de Despina concentre très bien ces difficultés — elle semble l'épouse d'Alfonso (manifestement infidèle autrefois, d'où l'amertume du philosophe), et la mise en scène tient ce parti d'abord (gestes esquissés et repoussés, mines graves, bijou offert en guise de soudoiement)... mais les travestissements ridicules et la musique légère font sombrer ce pari dans l'impasse, d'autant que Haneke respecte vraiment les scènes du médecin, du notaire, les estocades misandrines ; tout à fait incompatibles avec les conseils réticents d'une femme mûre et amère, tels qu'on peut les supposer au début de la pièce.
Restent certains moments puissamment évocateurs, comme l'échange de giffles à l'issue de la mascarade : Despina sur le mode de la servante dépitée... et Alfonso la lui rend avec beaucoup plus de raideur, en affirmant tout autre chose, sans doute le pouvoir dans le couple, la virtualité des violences loisibles à un mari. Moment d'abord amusant (tradition de comédie), puis glaçant.

Donc des manques importants, malgré des qualités évidentes, pour que l'interprétation de Haneke prenne réellement vie de façon crédible — rien qui justifie en contrepartie la coupure du second air de Dorabella (sauf s'il a été déplacé, car j'ai regardé la soirée dans le désordre et il a pu m'échapper), surtout qu'il pouvait parfaitement être joué de façon lente, décalée ou forcée.
Je peux difficilement m'empêcher de douter de tous les éloges qui ont été faits sur le génie de cette production ; malgré ses qualités très réelle peut-être n'est-elle pas aboutie à ce point-là, et la réputation du réalisateur a peut-être un peu stimulé (en toute sincérité !) le sentiment de participer à un événement exceptionnel.

3. La musique

Même si on est loin de la cohérence de la lecture de plage de Wieler & Morabito à Amsterdam, ou (versant tradi) de la justesse des traits chez Hytner (Glyndebourne), j'ai en réalité beaucoup aimé cette vision qui a ses bons moments — aux antipodes de la version libertins-d'aujourd'hui-la-chair-est-triste de Guth, que j'avais trouvée non seulement morne, mais surtout ennuyeuse et d'une profondeur de champ à peu près plate. J'aimerais beaucoup voir Richard Brunel là-dedans, au vu de son travail d'une acuité extraordinaire dans les Noces de Figaro à Aix l'été dernier — à partir d'une transposition en entreprise en principe sotte et intenable, qui avait d'ailleurs valu une production décevante à Wieler & Morabito...

La musique avait donc une part à remplir pour réussir la soirée... et on entend rarement des plateaux d'une telle homogénéité (dans l'excellence !). Et avec des chanteurs dont, Schimell excepté, le prestige reste assez confidentiel auprès du public.

Suite de la notule.

jeudi 27 juin 2013

« Éloignez-vous » : Une mélodie inédite de Dutilleux (sur un sonnet de Cassou)


Il est parfois bon de rappeler les valeurs sûres.

Sur le site de Jean-Baptiste Dumora, on peut entendre cette pièce dans son entier :

Suite de la notule.

mercredi 26 juin 2013

Péché et mystification


Il s'avère que France Musique se permet des retouches, manifestement sans en informer les auditeurs :

Suite de la notule.

dimanche 23 juin 2013

Les (vrais) ruraux existent-ils encore ?


Je n'en suis pas sûr ; et le pire, c'est que c'est manifestement le cas depuis très longtemps.


Portion des lieux.


Petit citadin élevé pour partie dans la campagne profonde, je n'avais jamais ressenti aussi nettement, pour ainsi dire dans ma chair, le paradoxe rural.

Suite de la notule.

mercredi 19 juin 2013

Saintetés mondaines et sainteté maudite - Thaïs d'Anatole France à Louis Gallet


1. Équivoques

Quand le soleil se leva, le désert s’étendait devant eux comme une immense peau de lion sur la terre libyque. À la lisière du sable, des cellules blanches s’élevaient près des palmiers dans l’aurore.

– Mon père, demanda Thaïs, sont-ce là les tabernacles de vie ?

– Tu l’as dit, ma fille et ma sœur. C’est la maison du salut où je t’enfermerai de mes mains.

Bientôt ils découvrirent de toutes parts des femmes qui s’empressaient près des demeures ascétiques comme des abeilles autour des ruches. Il y en avait qui cuisaient le pain ou qui apprêtaient les légumes ; plusieurs filaient la laine, et la lumière du ciel descendait sur elles ainsi qu’un sourire de Dieu. D’autres méditaient à l’ombre des tamaris ; leurs mains blanches pendaient à leur côté, car, étant pleines d’amour, elles avaient choi-si la part de Madeleine, et elles n’accomplissaient pas d’autres œuvres que la prière, la contemplation et l’extase. C’est pourquoi on les nommait les Maries et elles étaient vêtues de blanc. Et celles qui travaillaient de leurs mains étaient appelées les Marthes et portaient des robes bleues. Toutes étaient voilées, mais les plus jeunes laissaient glisser sur leur front des boucles de cheveux ; et il faut croire que c’était malgré elles, car la règle ne le permettait pas.

Toute la logique (diffuse et contradictoire, ce qui n'en est pas le moindre charme) de Thaïs d'Anatole France repose sur l'impossible interprétation de la mission de Paphnuce, et sur les misères du pauvre ermite qui s'arrache à une paix bienheureuse pour ne rencontrer dans le monde que des impies encore plus convaincus que lui, que des chemins de perdition où le mène sa volonté de bien faire.

Anatole France prend un malin plaisir à humilier son personnage, en multipliant les avanies arbitraires qui pleuvent sur le pauvre Paphnuce. Le rapport au sacré et à la foi est très étrange dans cette œuvre, car on y croise aussi bien le ridicule du prêcheur que son admirable constance, et au milieu de détails très critiques on rencontre le surnaturel.

Ce contraste est d'autant plus violent que le texte contient beaucoup de références à la vie érémitique de l'Egypte du IVe siècle. Sainte Thaïs et plusieurs Paphnuce sont attestés par le martyrologe romain :

  • saint Paphnuce le Grand, diacre de Boou, mort en 303, anachorète égyptien torturé à mort sous Dioclétien ;
  • saint Paphnuce, évêque de la Thébaïde, mort en 360, mutilé par les persécutions, présent au concile de Nicée ;
  • Paphnuce le Confesseur / l'Ascète / l'Ermite (mort au-delà de 399), contemporain de saint Antoine, ayant vécu au désert pendant quatre-vingts ans, sans logement et muni d'un seul vêtement, qui combat vigoureusement l'anthropomorphisme, le subordonatianisme, et donc l'arianisme (autrement dit, la croyance que le Fils n'est pas de la même substance que le Père ).


La conversion de Thaïs est généralement attribuée au troisième (mais parfois aussi à Sérapion, présent dans le roman), mais on peut voir des traits communs avec les deux autres figures (cénobite mais devenu anachorète, abbé dans la Thébaïde, références régulières du concile de Nicée... ce qui écarte la possibilité du premier Paphnuce, au passage, pour raisons chronologiques - de même que les références politiques romaines). Et Antoine lui-même paraît vers la fin du récit.

On se trouve donc solidement ancré dans le réel (bien sûr, le réel selon les références, pas toutes vérifiables, du martyrologe et des scholastiques, comme Hrotsvitha de Gandersheim qui a consacré au Xe siècle une pièce latine à la conversion de Thaïs), ce qui procure aux nombreuses petites pointes une allure de satire, comme précédemment : après avoir précisément évoqué les saints travaux et l'organisation pieuse du couvent d'Albine, la petite précision faussement ingénue se pare d'une plaisante teinte de perfidie.

Pourtant, ces moqueries d'athée blasé voisinent avec des moments de véritable surnaturel, présenté sans aucune distance, avec une naïveté confondante :

[Après un rêve mettant en scène Thaïs aimable.]

Il n’osait plus prononcer le nom de Dieu près de cette couche abominable et il craignait que, sa cellule étant profanée, les démons n’y pénétrassent librement à toute heure. Ses craintes ne le trompaient point. Les sept petits chacals, retenus naguère sur le seuil, entrèrent à la file et s’allèrent blottir sous le lit. À l’heure de vêpres, il en vint un huitième dont l’odeur était in-ecte. Le lendemain, un neuvième se joignit aux autres et bientôt il y en eut trente, puis soixante, puis quatre-vingts. Ils se faisaient plus petits à mesure qu’ils se multipliaient et, n’étant pas plus gros que des rats, ils couvraient l’aire, la couche et l’escabeau. Un d’eux, ayant sauté sur la tablette de bois placée au chevet du lit, se tenait les quatre pattes réunies sur la tête de mort et regardait le moine avec des yeux ardents. Et il venait chaque jour de nouveaux chacals.

Pour expier l’abomination de son rêve et fuir les pensées impures, Paphnuce résolut de quitter sa cellule, désormais immonde, et de se livrer au fond du désert à des austérités inouïes, à des travaux singuliers, à des œuvres très neuves. Mais avant d’accomplir son dessein, il se rendit auprès du vieillard Palémon, afin de lui demander conseil.

Il le trouva qui, dans son jardin, arrosait ses laitues. C’était au déclin du jour. Le Nil était bleu et coulait au pied des collines violettes. Le saint homme marchait doucement pour ne pas effrayer une colombe qui s’était posée sur son épaule.

[...]

En rentrant dans sa cellule, il y trouva un étrange fourmillement. On eût dit des grains de sable agités par un vent furieux, et il reconnut que c’était des myriades de petits chacals.

Cette atmosphère occasionnellement féerique dans un milieu tout à fait quotidien (fût-ce le quotidien exceptionnel de l'anachorète) n'est pas sans rapport avec l'atmosphère de son dernier roman, La Révolte des Anges, où des créatures du Ciel se logent dans le Paris contemporain. Quelques extraits et précisions sur ce roman et sur son adaptation musicale sont lisibles dans ces pages.

Ces apparitions sont généralement traitées, malgré la profonde détresse du juste qui se voit progressivement précipité dans l'enfer, avec un caractère plaisant qui les tourne partiellement en ridicule.

On pouvait croire, au tout début de l'ouvrage, qu'il s'agissait de mettre en doute la véracité des faits décrits :

Il s’en allait donc par les chemins solitaires. Quand venait le soir, le murmure des tamaris, caressés par la brise, lui donnait le frisson, et il rabattait son capuchon sur ses yeux pour ne plus voir la beauté des choses. Après six jours de marche, il parvint en un lieu nommé Silsilé. Lefleuve y coule dans une étroite vallée que borde une double chaîne de montagnes de granit. C’est là que les Égyptiens, au temps où ils adoraient les démons, taillaient leurs idoles. Paphnuce y vit une énorme tête de Sphinx, encore engagée dans la roche. Craignant qu’elle ne fût animée de quelque vertu diabolique, il fit le signe de la croix et prononça le nom de Jésus ; aussitôt une chauve-souris s’échappa d’une des oreilles de la bête et Paphnuce connut qu’il avait chassé le mauvais esprit qui était en cette figure depuis plusieurs siècles. Son zèle s’en accrut et, ayant ramassé une grosse pierre, il la jeta à la face de l’idole. Alors le visage mystérieux du Sphinx exprima une si profonde tristesse, que Paphnuce en fut ému. En vérité, l’expression de douleur surhumaine dont cette face de pierre était empreinte aurait touché l’homme le plus insensible. C’est pourquoi Paphnuce dit au Sphinx :

– Ô bête, à l’exemple des satyres et des centaures que vit dans le désert notre père Antoine, confesse la divinité du Christ Jésus ! et je te bénirai au nom du Père, du Fils et de l’Esprit.

Il dit : une lueur rosé sortit des yeux du Sphinx ; les lourdes paupières de la bête tressaillirent et les lèvres de granit articulèent péniblement, comme un écho de la voix de l’homme, le saint nom de Jésus-Christ ; c’est pourquoi Paphnuce, étendant la main droite, bénit le Sphinx de Silsilé.

Cela fait, il poursuivit son chemin et, la vallée s’étant élargie, il vit les ruines d’une ville immense. Les temples, restés debout, étaient portés par des idoles qui servaient de colonnes et, avec la permission de Dieu, des têtes de femmes aux cornes de vache attachaient sur Paphnuce un long regard qui le faisait pâlir.

La mention faussement innocente de la comparaison « comme un écho de la voix de l'homme » semble priver l'épisode de sa valeur, comme s'il était raconté par Paphnuce abusé. Impression confirmée par l'incidence incongrue d'une mention pieuse, qui ne correspond pas au ton général, plus distant (et par moment tirant vers le sarcasme voilé), du narrateur : « et, avec la permission de Dieu, des têtes de femmes aux cornes de vache attachaient sur Paphnuce un long regard qui le faisait pâlir ».

Cela ne se limite pas aux miracles des saints, et la plaisanterie remonte un peu plus haut, grâce aux gloses du narrateur :

Dans les deux cas, Dieu me marque un éloignement dont je sens l’effet sans m’en expliquer la cause.

Il raisonnait de la sorte et demandait avec angoisse :

– Dieu juste, à quelles épreuves réserves-tu tes serviteurs, si les apparitions de tes saintes sont un danger pour eux ? Fais-moi connaître, par un signe intelligible, ce qui vient de toi et ce qui vient de l’Autre !

Et comme Dieu, dont les desseins sont impénétrables, ne jugea pas convenable d’éclairer son serviteur, Paphnuce, plongé dans le doute, résolut de ne plus songer à Thaïs.

Et pourtant, sans se départir de son attitude pince-sans rire - où l'on sent même poindre une tentation plus franchement rigolarde -, le récit repose sur des événements surnaturels présentés comme réels (en un sens, la conversion de Thaïs, même si elle est longuement expliquée pour des raisons psycho-sociologiques remontant à l'enfance de la courtisane, en fait partie), et ne tiendrait pas si on les invalidait.

C’est ainsi que Paphnuce était tenté sans trêve dans son corps et dans son esprit. Satan ne lui laissait pas un moment de repos. La solitude de ce tombeau était plus peuplée qu’un carrefour de grande ville. Les démons y poussaient de grands éclats de rire, et des millions de larves, d’empuses, de lémures y accomplissaient le simulacre de tous les travaux de la vie. Le soir, quand il allait à la fontaine, des satyres mêlés à des faunesses dansaient autour de lui et l’entraînaient dans leurs rondes lascives. Les démons ne le craignaient plus, ils l’accablaient de railleries, d’injures obscènes et de coups. Un jour un diable, qui n’était pas plus haut que le bras, lui vola la corde dont il se ceignait les reins.

Suite à quoi, il s'évanouit, est conduit par d'autres moines vers saint Antoine, et reçoit une prophétie du moine Paul le Simple, qui se réalise. Mettre en doute ces événements démonétiserait grandement le récit - qui suit donc partiellement la logique du miracle chrétien.

Et il faut dire que l'instabilité du narrateur (il faudrait même parler de « l'instance narrative », tant les jugements portés ne paraissent jamais émis par quiconque) n'est pas pour rien dans l'aspect délicieusement mouvant de ce roman : quelque chose échappe sans cesse, on peine à sentir le positionnement qu'on attend du lecteur - faut-il admirer Paphnuce qui réussit sa mission au prix de sa paix (« Et c’est pourquoi je te glorifie, mon Dieu, d’avoir fait de moi l’égout de l’univers. »), faut-il moquer son égarement quasiment idolâtre en dotant tous les événements de la vie d'une signification démoniaque, jusqu'à en perdre l'esprit au premier contact avec le monde ? De même, on se moque des miracles et de Dieu, mais on nous présente dans toute sa véracité l'action des démoneaux...
La fin elle-même n'éclaire rien, et la relecture ne permet pas non plus de dégager une unité : quelque chose d'insaisissable laisse le lecteur à la fois libre et désarmé. Vu la richesse de la langue et la saveur du propos, j'ai envie de considérer le procédé comme bénéfique, puisqu'on est invité à vagabonder à travers de très belles pages de la littérature française.


2. Sadisme jobique

Cet univers d'incertitude, cernant les privations excessives de Paphnuce (qui ne peuvent avoir de sens que dans la perspective certaine de la Rétribution),

C’est ce que je crois fermement, et si ce que je crois est absurde, je le crois plus fermement encore ; et, pour mieux dire, il faut que ce soit absurde. Sans cela, je ne le croirais pas, je le saurais. Or, ce que l’on sait ne donne point la vie, et c’est la foi seule qui sauve.

n'est pourtant pas la seule avanie imposée au malheureux abbé.

Anatole France se moque beaucoup de lui, et à travers cela, des institutions et des manies des sociétés humaines.

Ainsi, lorsque pour se mortifier de la rémanence impure de l'image de Thaïs qu'il vient de « sauver », en horreur du monde, des plaisirs et de la chair, il quitte sa communauté et monte au faîte d'une colonne au milieu des ruines d'un temple idolâtre, sans place pour s'étendre, sans ressource et exposé aux intempéries, voici ce qu'il advient :

Tous les jours des religieux venaient par troupe se joindre aux disciples de Paphnuce et se bâtissaient des abris autour de

l’ermitage aérien.

[...]

Il y eut bientôt devant la colonne un marché où les pêcheurs du Nil apportaient leurs poissons et les jardiniers leurs légumes. Un barbier, qui rasait les gens en plein air, égayait la foule par ses joyeux propos. Le vieux temple, si longtemps enveloppé de silence et de paix, se remplit des mouvementset des rumeurs innombrables de la vie. Les cabaretiers transformaient en caves les salles sou-terraines et clouaient aux antiques piliers des enseignes sur-montées de l’image du saint homme Paphnuce, et portant cette inscription en grec et en égyptien : On vend ici du vin de grenades, du vin de figues et dela vraie bière de Cilicie. Sur les murs, sculptés de figures antiques, les marchands suspendaient des guirlandes d’oignons et des poissons fumés, des lièvres morts et des moutons écorchés. Le soir, les vieux hôtes des ruines, les rats, s’enfuyaient en longue file vers le fleuve, tandis que les ibis, inquiets, allongeant le cou, posaient une patte incertaine sur les hautes corniches vers lesquelles montaient la fumée des cuisines, les appels des buveurs et les cris des servantes.

[...]

On voyait se mêler, se confondre sur une vaste étendue la robe bariolée des Égyptiens, le burnous des Arabes,le pagne blanc des Nubiens, le manteau court des Grecs, la toge aux longs plis des Romains, les sayons et les braies écarlates des Barbares et les tuniques lamées d’or des courtisanes. Des femmes voilées passaient sur leur âne, précédées d’eunuques noirs qui leur frayaient un che-min à coups de bâton. Des acrobates, ayant étendu un tapis à terre, faisaient des tours d’adresse et jonglaient avec élégance devant un cercle de spectateurs silencieux. Des charmeurs de serpents, les bras allongés, déroulaient leurs ceintures vivantes. Toute cette foule brillait, scintillait, poudroyait, tintait, clamait, grondait. Les imprécations des chameliers qui frappaient leurs bêtes, les cris des marchands qui vendaient des amulettes contre la lèpre et le mauvais œil, la psalmodie des moines qui chantaient des versets de Écriture, les miaulements des femmes tombées en crise prophétique, les glapissements des mendiants qui répétaient d’antiques chansons de harem, le bêlement des moutons, le braiement des ânes, les appels des marins aux passagers attardés, tous ces bruits confondus faisaient un vacarme assourdissant, que dominait encorela voix stridente des petits négrillons nus, courant partout, pour offrir des dattes fraîches. Et tous ces êtres divers s’étouffaient sous le ciel blanc, dans un air épais, chargé du parfum des femmes, de l’odeur des nègres, de la fumée des fritures et des vapeurs des gommes que les dévotes achetaient à des bergers pour les brûler devant le saint.

Autant dire le cauchemar érémitique suprême : la notoriété qui rend toute expiation impossible, puisqu'on lui offre de quoi manger, qu'on lui bâtit un toi, que chacun l'admire quand il souhaite seulement se mortifier dans la solitude.

Seule solution : la fuite.

Il lui fut certain alors que ce qu’il avait pris pour le siège de son repos et de sa gloire n’était que l’instrument diabolique de son trouble et de sa damnation. Il descendit à la hâte tous les degrés et toucha le sol. Ses pieds avaient oublié la terre ; ils chancelaient. Mais sentant sur lui l’ombre de la colonne maudite, il les forçait à courir. Tout dormait. Il traversa sans être vu la grande place entourée de cabarets, d’hôtelleries et de caravansérails et se jeta dans une ruelle qui montait vers les collines libyques. Un chien, qui le poursuivait en aboyant, ne s’arrêta qu’aux premiers sables du désert. Et Paphnuce s’enalla par la contrée où il n’y a de route que la piste des bêtes sauvages. Laissant derrière lui les cabanes abandonnées par les fauxmonnayeurs, il poursuivit toute la nuit et tout le jour sa route désolée.

Ce n'en est pas fini : plus perfide encore, plus loin Paphnuce, secouru des démons dans le tombeau où il reste dix-huit heures par jour en adoration immobile, tête contre sol, reçoit cette allégeance enthousiaste d'un moine - qui laisse le lecteur dubitatif.

– Se peut-il que tu sois ce saint Paphnuce, célèbre par de tels travaux qu’on doute s’il n’égalera pas un jour le grand An-toine lui-même. Très vénérable, c’est toi qui as converti à Dieu la courtisane Thaïs et qui, élevé sur une haute colonne, as été ravi par les Séraphins. Ceux qui veillaient la nuit, au pied de la stèle, virent ta bienheureuse assomption. Les ailes des anges t’entouraient d’une blanche nuée, et ta droite étendue bénissait les demeures des hommes. Le lendemain, quand le peuple ne te vit plus, un long gémissement monta vers la stèle découronnée. Mais Flavien, ton disciple, publia le miracle et prit à ta place le gouvernement des moines. Seul un homme simple, du nom de Paul, voulut contredire le sentiment unanime. Il assurait qu’il t’avait vu en rêve emporté par des diables ; la foule voulait le lapider et c’est merveille qu’il ait pu échapper à la mort. Je suis Zozime, abbé de ces solitaires que tu vois prosternés à tes pieds. Comme eux, je m’agenouille devant toi, afin que tu bénisses le père avec les enfants. Puis, tu nous conteras les merveilles que Dieu a daigné accomplir par ton entremise.

Non seulement la fantaisie de l'épisode est extraordinaire (et explicitement démenti par ce que l'auteur nous a déjà donné à lire), mais le rôle trouble des moines-disciples qui prétendent l'avoir vu - dont son second qui prend sa place - terrifie sur l'étendue de la duperie dont Paphnuce est possiblement victime. Y a-t-il des croyants vertueux, et si l'on peut ainsi inventer des miracles pour louer les pécheurs, où est réellement Dieu ? (Ce qui renvoie, au passage, à la question du serpent dans le grand banquet central imité de Platon.)

Dans cette dernière partie de Thaïs, l'accumulation de misères injustifiées envers le plus vertueux de tous (Zozime ci-dessus est un ancien débauché devenu saint homme, dont la foi se porte infiniment mieux que chez l'irréductible juste Paphnuce) trace un parallèle étonnant avec Job - qui rend à la fois Dieu absent, lointain, cruel, peut-être inexistant... et accrédite la logique chrétienne du récit.





3. Transition

... du roman de 1890 à l'opéra de 1894.

Suite de la notule.

dimanche 16 juin 2013

Zanetto de MASCAGNI et Abu Hassan de WEBER - Herblay, Collet, OstinatO


Brève tirée du fil de la saison complété.

Suite de la notule.

Amilcare PONCHIELLI - La Gioconda - Oren, Pizzi, Bastille (Urmana, D'intino, Montiel, Álvarez, Sgura)


Brève tirée du fil de la saison.

Suite de la notule.

samedi 15 juin 2013

L'impact du public


Un des aspects qui rend l'émotion au concert si imprévisible, si fuyante aussi, réside (presque autant que dans l'acoustique) dans le public, et la façon dont chaque spectateur perçoit le comportement des autres. Sauf à appartenir à une chapelle précise, c'est-à-dire aux extrêmes (consommateur désinvolte et bruyant, ou à l'inverse religieux contemplatif, véhicule trappiste), il est parfois difficile de trouver la juste mesure.

Suite de la notule.

mercredi 12 juin 2013

Rifacimento


Rifacimento :
refonte d'un opéra en vue de nouvelles représentations dans un autre théâtre ou une autre langue.

Exemple : les différents états de la partition de Don Carlos / Don Carlo (changements de langue, d'actes, réécritures et suppressions...).

En italien moderne, il est utilisé comme synonyme de remake.

Or, ayant écouté docilement les leçons du serpent, Ève s’éleva au-dessus des vaines terreurs et désira goûter aux fruits qui donnent la connaissance de Dieu. Mais pour qu’Adam, qu’elle aimait, ne lui devînt pas inférieur, elle le prit par la main et le conduisit à l’arbre merveilleux. Là, cueillant une pomme ardente, elle y mordit et la tendit ensuite à son compagnon. Par malheur, Iaveh, qui se promenait d’aventure dans le jardin, les surprit et, voyant qu’ils devenaient savants, il entra dans une effroyable fureur. C’est surtout dans la jalousie qu’il était à craindre. Rassemblant ses forces, il produisit un tel tumulte dans l’air inférieur que ces deux êtres débiles en furent consternés. Le fruit échappa des mains de l’homme, et la femme, s’attachant au cou du malheureux, lui dit : « Je veux ignorer et souffrir avec toi. » Iaveh triomphant maintint Adam et Ève et toute leur semence dans la stupeur et dans l’épouvante. Son art, qui se réduisait à fabriquer de grossiers météores, l’emporta sur la science du serpent, musicien et géomètre. Il enseigna aux hommes l’injustice, l’ignorance et la cruauté et fit régner le mal sur la terre. Il poursuivit Caïn et ses fils, parce qu’ils étaient industrieux ; il extermina les Philistins parce qu’ils composaient des poèmes orphiques et des fables comme celles d’Ésope.

Suite de la notule.

lundi 10 juin 2013

Devinette


De quelle oeuvre (célèbre) cet extrait est-il tiré ?


dimanche 9 juin 2013

Henri RABAUD - Mârouf, Savetier du Caire - une renaissance scénique (Opéra-Comique 2013)


Un mot, un seul mot pour signaler la belle initiative. Je l'ai dit, elle me laissait perplexe ; deux intégrales existent déjà, et ne produisent pas d'enthousiasme excessif chez moi. Toutes les oeuvres négligées ne disposant pas de cette chance, était-ce vraiment à ce titre-là qu'il fallait consacrer une des rares grandes productions de la saison ?

Je ne puis que m'incliner, avec plaisir.

Dans une distribution de luxe (Bou, Manfrino, Lamprecht, Courjal, Goncalvès, Leguérinel !), le tout remarquablement joué et dirigé (Philhar et Altinoglu, à des lieues du Dukas raide de Deroyer), dans une mise en scène très mobile et facétieuse (que de progrès de la part de Deschamps depuis ses premières productions, pataudes visuellement, dans ce lieu !), une oeuvre se révélait.

Malgré l'orientalisme sonore permanent, la variété des procédés force l'admiration, l'aspect de la musique se renouvelant non seulement d'acte en acte, mais au fil des scènes (sans négliger la présence de motifs récurrents) et l'on navigue du côté de Roussel et Ravel, quelquefois Debussy ou le Stravinski de l'Oiseau (dont un petit pastiche évident de la danse de Kastcheï). Le Prélude de l'acte IV se situe ainsi quelque part entre le Faune et la sortie des souterrains de Pelléas.

Chaque acte présente un moment de polyphonie particulièrement spectaculaire. Au I, la scène très virtuose des coups de bâtons, dans une fausse cacophonie extrêmement étudiée, riche et dense. Au II, le chant du muezzin hors scène, alors que se déroule sur un duo très important et tout à fait mélodique entre Mârouf et Ali, provoque une sorte de tuilage très autonome, comparable à la polyharmonie du marché persan d'Aladdin de Nielsen (musique de scène pour la pièce d'Oehlenschläger) ; moment d'une rare poésie. A l'acte III, c'est le ballet qui rejoint cette veine multi-strates bizarre ; enfin à l'acte IV, sans les même finesses, le grand choeur final tient ce rôle.

Très loin de l'image qui reste largement de Rabaud, avec ses poèmes symphoniques assez académiques, on peut considérer qu'en 1914, Mârouf demeure à la pointe de la modernité.

La désuétude de l'ouvrage s'explique sans doute par son livret, un conte pas très profond, aux contours volontairement assez naïfs et doté d'une couleur locale un peu outrée, qui n'a plus la même faveur aujourd'hui - à l'heure où la planète s'est uniformisée et "raccourcie", et où le moindre exotisme à l'échelle du monde est immédiatement accessible en photo ou en vidéo. Sans parler des clichés un peu épais sur le monde méditerranéen, qui seraient sans doute vus comme du racisme aujourd'hui (puisque la moindre tendance à l'essentialisme et à la schématisation est désormais suspecte de vilenie).
La principale qualité du livret réside dans sa grande liberté : chaque acte dément l'orientation attendue de la course. Le premier acte nous présente l'épouse tyrannique comme centrale, et l'on s'attend à y voir une pesante comédie torture conjugale - aux ressorts depuis longtemps émoussés. Pourtant, Mârouf s'enfuit sans encombre. Le titre comportant une fonction et un lieu, on s'attend à voir une histoire cyclique, où le malheureux est rejeté vers sa ville et son épouse. Mais non. A partir de l'acte II, il s'installe dans une supercherie à l'insolence incroyable, et on compte bien qu'il soit démasqué, pour achever son parcours de victime de faits qui lui échappent. Et pourtant, résolument amoral, le conte ne le fait jamais payer pour son mensonge, et ne soulève même pas la question de sa bigamie. Le quatrième acte enfin laisse entrevoir la désillusion d'une princesse enlevée vers le désert par un savetier, et l'impossibilité de poursuivre dans la fuite et dans le mensonge - hésitant même à dépouiller leur hôte et bienfaiteur. Bien au contraire, cet hôte est un deus ex machina qui permet une fin joyeuse qui ne ménage même pas la moindre leçon attendue sur le mensonge, l'ingratitude ou le fatalisme. Liberté remarquable de la storyline, qui semble se jouer à chaque fois des résolutions attendues.
En cela, le livret de Lucien Népoty, en dépit de son absence de profondeur, apparaît comme un objet particulièrement sympathique.

Suite de la notule.

mercredi 5 juin 2013

Le grand Planning de juin


Propositions de concerts à travers l'Ile-de-France, souvent originaux et à petit prix. C'est en plus la période de récitals de fin d'année des conservatoires, j'en ai sélectionné quelques-uns. On y trouvera aussi un opéra baroque français inédit au disque, un opéra de Verdi en version française, de la musique pour piano de Lourié, des quatuors d'Ives et Roslavets (dans le même concert !), un sextuor avec soprano de Zemlinsky...

Bref, beaucoup de bonnes choses.

En gras, mon planning à moi.


1er - TCE - Benvenuto Cellini par Gergiev - même si, vu le chef et les chanteurs :
1er - Cité de la Musique - Florentins du premier XVIIe par Niquet
1er - Herblay - Zanetto de Mascagni & Abu Hassan de Weber, dernière représentation. (La première oeuvre est une délicate miniature très réussie, la seconde une oeuvre très mineure.)

1er - Favart - l'Académie, programme thématique autour des Mille et une Nuits, présenté par Agnès Terrier.
1er - Amphi Bastille - mélodies de Tchaïkovski, Rachmnaninov et chants populairs géorgiens par Tamar Iveri (n'était la chanteuse, ça ferait envie)

1er au 8 - Athénée - Cyrano de Bergerac (le vrai) par Benjamin Lazar

2 - 17h, Montigny-sur-Loing (église) - Schubert, Wolf et Schönberg par Samuel Hasselhorn et le Quatuor Lazarus. 8-15€.
2 - 17h, Légion d'honneur à Saint-Denis - Mélodies de Chausson, Debussy, Ravel et Poulenc par Marianne Crebassa.
2 - Versailles - Alessandro de Haendel dans une très belle distribution : Staskiewicz, Sabata, Cencic... direction Petrou. Le disque est bon, les représentations devrait l'être aussi.

3 - Favart - Rabaud, Mârouf, savetier du Caire. Une oeuvre à l'orientalisme un peu ostentatoire, que je n'ai pas adorée au disque jusqu'ici. Mais on n'entend pas idéalement l'orchestre dans les enregistrements de la RTF, alors... A tester en salle.

4 - Cité de la Musique - Musique sacrée de Gabrieli et Monteverdi dans un luxe indécent : Choeur de Chambre des Pays-Bas, Mauillon, Elsacker, Lefilliâtre. Direction Tubéry.
4 - Saint-Roch - Frescobaldi, Schütz, Couperin : musique pour orgue, dessus & basse de viole

4 & 5 - Amphi Bastille - Soirée Scriabine (piano)

5 - Notre-Dame - Récital d'improvisation à l'orgue (CNSM)

6 - 11h, Saint-Eustache - Récital d'orgue (CNSM)
6 - 13h30, La Madeleine - Récital d'orgue (CNSM)
6 - 16h, La Trinité - Récital d'orgue (CNSM)
6 - 17h30 Chapelle Royale de Versailles - Charpentier, Missa Assumpta est Maria, Schneebeli & Chantres. Messe splendide, et interprétée par les meilleurs stylistes possibles. (Je pleure de ne pas être, exceptionnellement, libérable le jeudi à cette heure.)
6 - Cité de la Musique - Monteverdi, Livre V des Madrigaux
6 - Basilique Saint-Denis - Musique baroque péruvienne par Lefilliâtre et Garrido. Très attirant, mais qu'entendra-t-on dans Saint-Denis ? 6 - Le Sel à Sèvres - Trios de Schubert, Rachmninov et Chaminade par le Trio Chausson.

7 - 12h15, Grand Salon des Invalides - Pièces pour violon & piano de Steibelt, Sosnovski, Prokofiev, Paganini, Paisiello. 3€€€.
7 - Grand Salon des Invalides - Intermezzo de Ropartz, Schwanengesang de Schubert et Dichterliebe par Sébastien Soules. 9€. Programme plus qu'ambitieux, qui fait très envie à cause des (moins en moins) rares Quatre Poèmes de l'Intermezzo de Heine. Sébastien qui dispose déjà d'une belle carrière dans les salles "non officielles" (tout le monde, quelle que soit la taille de la salle, ne peut pas chanter correctement le Hollandais), plus un petit coup de pouce de notoriété. La voix est assez en arrière, un peu râpeuse (je me demande comment elle résistera au passage du temps), et repose essentiellement sur une grande quantité de [eu] dans chaque voyelle ; le timbre évoque par certains aspects les accents frustes et attas d'Armand Arapian. Son style de récitaliste n'est clairement pas le mien (très legato, très vocal), mais contrairement à ce qu'on pourrait attendre d'une telle voix, et malgré quelques détimbrages, il se tire généralement très bien de l'exercice. J'ai bien envie d'essayer, quitte à être un peu frustré par la façon.

Choix brûlant à opérer :
8 - 14h30, le Centquatre - Le Sacre du Printemps pour deux piano, avec récitante (destiné au jeune public). 2-5€.
8 - 16h, le Centquatre - Nocturne de Roslavets, Mallarmé de Ravel, Roussel, Berg... par les musiciens de l'ONF. 2-5€.
8 - 16h30, Cité de la Musique - Mélodies françaises de Wagner, Gounod, Duparc, Saint-Saëns et Chausson, par Nathalie Stutzmann. Vraiment dommage que je n'aime pas la manière Stutzmann dans ce type de répertoire, sinon le programme est très appétissant.
8 - 18h, le Centquatre - Pièces pour piano de Lourié, Scriabine (n°9), Prokofiev et Debussy, par Alexander Melnikov. 2-5€.
8 - 18h, Château d'Ecouen - Récital du CNSM.
8 - Bouffes du Nord - Quintettes avec piano de Dubois (pas celui avec hautbois) et Hahn. Deux très jolies choses (même s'ils ont tous les deux écrit beaucoup plus indispensable en musique de chambre), en plus avec le fougueux quatuor Ardeo. Je suis seulement retenu par le prix : 25€€ pour un court concert de musique de chambre.
8 - TCE - War Requiem de Britten : Nelsons-Birmingham, avec Opolais, Padmore et Müller-brachmann !
8 - Cité de la Musique - Winterreise de Schubert par Prégardien et Pressler
8 - Pleyel - Christianne Stotijn dans les Neruda de Peter Lieberson (vieille notule d'il y a dix ans), du Benzecry et la Neuvième de Dvořák par Dudamel et le Concertgebouw. Ce sera donc plein, pour les raisons exactement inverses de celles qui m'attiraient (Lieberson, Benzecry et Stotijn).
8 - Espace Pierre Cardin - La Traviata en français (version scénique), dans une adaptation de la traduction (catastrophique !) d'Edouard Duprez. Vu le peu d'intérêt de cette traduction, je ne crois pas me déplacer. Mais le principe est à encourager - dommage simplement que cela s'adresse au public de Cardin, plutôt qu'aux néophytes...
8 - 20h45, Villiers-sous-Grez (église) - Oeuvres pour sextuor (Schönberg), soprano et sextuor (Zemlinsky), soprano et quatuor (Schönberg n°2) par l'Ensemble Hypnos et Nora Lentner.

8 & 9 - Cité de la Musique - Masterclass (annulée) de Thomas Quasthoff. Entrée libre.

Suite de la notule.

dimanche 2 juin 2013

La prosodie de Pelléas - Pourquoi Mélisande parle-t-elle bizarrement ?


Lorsque nous découvrons Pelléas et Mélisande, nous sommes tous frappés, je crois - et quelle que soit notre adhésion ou notre répugnance -, par le caractère très étrange des paroles échangées.

Cela tient bien sûr à l'écriture de Maeterlinck, parcourue de silences, de répétitions, d'échos, de petits mots apparemment déconnectés du réel mais signifiants. Le clair-obscur, le mystère... il y aurait de quoi dire, et le sujet a déjà été très abondamment traité par d'autres - et même un peu ici.

Mais pourquoi ces personnages paraissent-ils s'exprimer plus étrangement que les autres héros de Maeterlinck, qui recourent pourtant sensiblement aux mêmes procédés ?

La prosodie de Debussy, et singulièrement dans cette oeuvre, nous donne une première clef.

1. Accents


Le plus important, pour le naturel d'une prosodie, repose sur l'accentuation. Pour donner à ces appuis toute leur force, non seulement Quinault écrivait des vers irréguliers, mais en plus Lully modifiait les métriques au fil de ses grands récitatifs.

Sur ce point, Pelléas est assez conforme à la norme : les accents de la langue tombent sur les temps.

[Voir là pour les critères de la diction.]

Essayons de le vérifier avec un contemporain de Debussy qui continue à écrire dans un langage tonal traditionnel (malgré un style protéiforme comme personne), Massenet.

Exemple d'accents : Thaïs de Massenet

[[]]
Roger Bourdin (Sebastian 1952).


Malgré la disposition des croches, nous sommes supposément en 4/4. Pour les moins solfégisants d'entre nous, en rouge figurent tous les appuis forts, en orange les appuis secondaires. On constate que tous les accents du texte sont servis par la mise en musique - et lorsqu'ils sont sur un temps secondaire (par exemple le quatrième dans la dernière mesure), la construction rythmique les présente aussi comme point d'arrivée, donc forts (ou une 'levée' importante, pour la deuxième mesure).

En principe, les débuts de phrase atones sont sur un temps secondaire, ou font la moitié de celui-ci (en l'occurrence, les croches aux mesures 2,3,4).

Quelques entrées sont un peu plus difficiles, comme celle-ci (un quart de temps), mais la subtilité est surtout musicale : les appuis linguistiques sont toujours sur les syllabes fortes.

Thaïs de Massenet

[[]]
Roger Bourdin (Sebastian 1952).


A présent Debussy :

Pelléas et Mélisande de Debussy : I,1

[[]]
Gilles Cachemaille (Dutoit).


On remarque une assez grande fidélité à la langue. La musique se contorsionne souvent entre rythmes binaires et ternaires, parfois au sein du même phrasé, mais c'est en réalité pour permettre des appuis sur les syllabes fortes.

Néanmoins, déjà quelques discordances étranges : mise en valeur d'accents secondaires ("maintenant") ou de mots normalement atones ("me", alors que situé à proximité du verbe). Cela fait certes sens, mais décale aussi l'accentuation naturelle, avec de petits effets de retards, des moments flottants ou en léger déséquilibre. Premier facteur d'étrangeté, qui passerait presque inaperçu sans le reste.

A suivre...

2. Mélodie


Le cas de la mélodie est plus complexe. Car, dans les œuvres traditionnelles, elle ne suit pas forcément très fidèlement les chemins de la voix parlée.

On peut cependant déterminer deux lignes de conduite possibles :
=> les mélodies mimétiques de la voix parlée :

Le Roi de Lahore de Massenet : premier récitatif de Scindia

[[]]
Vladimir Stoyanov (Viotti).


On le voit nettement : beaucoup de notes répétées, dans un ambitus court, plutôt dans le grave, et progressivement élevées au fil de la colère et des révélations.

Second cas :
=> les mélodies paraissant naturelles (voire prévisibles), car fondées sur des enchaînements musicaux évidents (arpèges sur des successions harmoniques simples, par exemple) :

Iphigénie en Tauride de Gluck : récitatif & air de Pylade

[[]]
Yann Beuron (Minkowski) - avec une petite appoggiature non écrite (mi pour ré) sur le dernier accord.


Ici, chaque réplique est constituée quasi-exclusivement des notes de l'accord (dans des rapports de type dominante-tonique, donc la base du langage tonal, très facile à suivre d'oreille), ce qui la rend naturelle musicalement et, s'appuyant sur les accents prosodiques de la langue parlée, donne l'illusion d'épouser la mélodie de la voix parlée (alors qu'on en est très loin).

Dans Pelléas, ce sera évidemment moins facile.

Même si les harmonies sont moins simples que chez ses prédécesseurs, on trouve des moments plus évidents mélodiques, où la déclamation chantée ne fait que « remplir » l'accord de soutien :

Pelléas et Mélisande de Debussy : I,2 (lecture de la lettre)

[[]]
Nadine Denize (Karajan studio).


Et effectivement, la plupart du temps le chant des personnages reste tout à fait dans l'harmonie. Evidemment, cela peut contribuer à l'étrangeté, puisque celle de Pelléas reste tout de même profondément singulière.

A cela s'ajoutent différents traitements mélodiques spécifiques :

Pelléas et Mélisande de Debussy : I,3 (prochain orage sur la mer)

[[]]
Arlette Chedel, Eric Tappy (Auberson).


  • exemple A - Beaucoup de notes répétées, plus que chez la plupart de ses contemporains et prédécesseurs. Debussy est capable de renoncer à la mélodie pendant des mesures entières.
  • exemple B - On trouvera aussi un grand nombre de petits intervalles, qui ne créent pas de mélodies, qui bougent à peine de la hauteur de voix initiale, et la plupart du temps dans le bas de la tessiture : comme on le fait dans la voix parlée. Dans ces cas, ces intervalles suivent tout simplement la note la plus proche dans l'accord de soutien.
  • exemple C - Certains mouvements mélodiques sont au contraire exagérés. C'est aussi le cas dans les oeuvres traditionnelles, mais leur soudaine apparition dans un contexte plus sobre (voire morne) les rend immédiatement perceptibles. Même pour dire "sombre", personne ne ferait plonger sa voix ainsi, fût-ce en recherchant un effet comique ("sombr-EE").
  • exemple D - Par moment, des mélodies (pas forcément des hits non plus) émergent, de façon contraire à la prosodie, comme ici ce balancement "depuis quelque temps", qui ne correspond à rien dans la voix parlée - et ne met même pas en valeur un groupe de mots particulièrement important ou signifiant.


3. Rythme


Après m'être longtemps interrogé sur ce qui faisait la différence de Pelléas, je crois que l'aspect rythmique, bien plus que mélodique (où la fantaisie est certes palpable, mais ne fait qu'accentuer, au sein d'une harmonie mouvante, des procédés préexistants), est déterminant.

Faust de Gounod : acte II

[[]]
Roger Bourdin (Beecham).


A l'époque de Pelléas, le langage rythmique standard n'est pas au delà de ceci. Au maximum des triolets (ici, fait rare, sans appui initial sur le temps), utilisés de façon très mesurée et ponctuelle, et des valeurs qui se dédoublent gentiment en suivant la logique de débit du discours. Les doubles-croches voisinent en général avec des croches pour compléter un temps, les croches avec des noires, etc. En France, sauf chez les imitateurs de Wagner, pas de formules syncopées, de tenues bizarres, de cohabitations entre rythmes très brefs et très longs...

Dans Pelléas, il en va un peu autrement :

Pelléas et Mélisande de Debussy : II,2

[[]]
Henri Etcheverry (Desormière).


Les rythmes sont plus difficiles, les successions de paradigmes brutales. Des valeurs très différentes (courtes-longues, binaire-ternaire) sont juxtaposées, parfois fugacement, parfois martelées.

Pelléas et Mélisande de Debussy : II,2

[[]]
Armand Arapian (Casadesus).


Debussy superpose volontiers le binaire et le ternaire, mais aussi dans le sens inverse de la coutume : ici, on voit le binaire à la voix, en plus en rythmes doubles, ce qui fait du 4 pour 3 au chant, discordance inhabituelle dans ce sens - généralement, on trouve essentiellement du 3 pour 2.

Pelléas et Mélisande de Debussy : II,2

[[]]
Michel Roux (Inghelbrecht 1962).


Sans cesse dans la partition, le binaire et le ternaire se côtoient, comme si Debussy bousculait la musique pour placer ses mots. Le but est sans doute d'approcher les fines variations de débit de la voix parlée, mais cela produit une forme d'instabilité étrange dans la musique. Cela peut se faire successivement (premier exemple), simultanément entre chanteur et orchestre (deuxième), ou, plus troublant, au sein de mêmes phrasés comme ici. La même phrase voit se succéder, et sur des temps aléatoires, les deux métriques. Avec des durées parfois assez différentes, on ne passe pas forcément de croches binaires à des croches ternaires.

Ce télescopage de valeurs crée une impression de prosodie mouvante, insaisissable, des mots qui semblent se ramasser pour entrer dans la musique, ou une musique qui se distend pour laisser passer les mots. Les appuis deviennent plus imprévisibles.

Je crois qu'on tient là le principal facteur d'étrangeté de Pelléas, paradoxalement (vraisemblablement) voulu pour s'approcher des infimes variations de la parole véritable, mais qui mis en musique paraît redoutablement instable.

4. Interprétation


Je crois que les interprètes constituent potentiellement un facteur aggravant de cette bizarrerie.

Deux options s'ouvrent à eux.

a) Respecter scrupuleusement ce qui est écrit. Etant peu habituel, cela les oblige à une sorte d'ânonnement solfégique, qui paraît encore moins naturel. On trouve cette tendance par exemple dans l'enregistrement de Desormière (même si Henri Etcheverry n'est, de loin, pas le plus touché).

b) Prendre ses libertés avec le rythme. La plupart des chanteurs le font, par faiblesse solfégique ou par volonté de donner la priorité à l'expression. Michel Roux le fait avec beaucoup de bonheur, tout semble parfaitement évident avec lui. Il ne change pas forcément grand'chose, mais il gomme un peu le fossé entre binaire et ternaire, dispose de petites irrégularités (selon le "poids" des mots) lors des grands aplats de rythmes identiques.

A mon humble avis, non seulement la seconde solution est plus facile à réaliser et plus agréable à entendre, mais elle est plus respectueuse de l'esprit général ; il est tout à fait évident que Debussy a voulu une oeuvre où le texte avait un rôle primordial ; il n'y a aucune raison de le corseter, alors qu'il a essayé d'approcher la flexibilité désinvolte de la langue parlée.
On peut sans doute défendre une position inverse, mais je vois plutôt ces rythmes très précis comme l'essai de la traduction d'une parole libre, et non comme un raffinement musical qu'il s'agirait de respecter absolument au même titre que l'harmonie. Si l'on veut respecter le texte, on est de toute façon obligé de tordre légèrement le solfège, quel que soit le degré de complexité de l'oeuvre originale. Alors pourquoi en exempter Pelléas, à son détriment qui plus est ?

5. Méditations


Que conclure que cette aventure hardie ?

Pelléas sonne différemment, c'est un fait, et je ne peux pas apporter de réponse certaine sur une volonté d'étrangeté poétique ou d'imitation (pas tout à fait réussie) de la langue parlée.
A la fois proche et discordante, la prosodie de Pelléas contribue en tout cas considérableement au pouvoir de fascination de cette oeuvre et de son texte.

Cela ne se fonde pas tant sur les accents (moins systématiques, mais très respectueux de la langue) qu'on aurait pu l'attendre. La mélodie a effectivement ses particularités, tantôt absente, tantôt émergeant sans cause ou sans lyrisme ; son contour peut être minimal ou outré, selon les moment (jamais "vocal" au sens glottophile, en revanche).
Mais l'essentiel repose sur l'intrication de rythmes précis où se mêlent de façon très troublante binaire et ternaire, juxtaposés, simultanés ou mêlés, qui, bien loin d'approcher la vérité de la parole naturelle, crée une forme de roulis particulièrement déstabilisant.

Volontaire ou non, voilà qui concorde idéalement avec les révélations obscures, les silences éloquents, les lyrismes sans prégnance et les trivialités sublimes qui caractérisent Pelléas et Mélisande.

David Le Marrec

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