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Lully - CADMUS & HERMIONE - Dumestre / Lazar (DVD, Opéra-Comique 2008)

Une petite déception par rapport à nos espoirs en visionnant ce Cadmus.

Extraits, liens vers d'autres comptes-rendus, et un bref rappel sur la nature des dialogues parlés de l'opéra-comique.

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Mise en scène
  • L'éclairage à la bougie produit toujours l'effet d'un tableau de La Tour, jetant un voile poétique sur la scène, la rendant d'emblée surnaturelle.


  • Cependant, les couleurs très vives et mêlées ne produisaient pas, loin sans faut, la même atmosphère très prenante que pour Il sant'Alessio. La juxtaposition des tons, quoique lissée par l'éclairage à la bougie, paraissait assez modérément gracieuse. Bien entendu, pour la fête très optimiste de Cadmus, où le héros se trouve à tout instant secondé par des divinités propices, ou le comique et le visuel exotique ont toute leur place - avant que, selon les goûts du roy, une esthétique plus lissée ne prenne la place - il ne s'agit pas de nier leur justification ; toutefois le résultat demeure peu enthousiasmant - le La Tour pouvant se muer en Gauguin, dans le Prologue en particulier.


  • Le problème réside dans l'impossibilité de se laisser captiver par autre chose. Faute de place sur la scène de l'Opéra-Comique, sans doute, et faute de mobilité aussi dans la direction d'acteurs. A l'ancienne, toujours de front, avec une gestuelle baroque minimale. Il est pourtant possible de procéder autrement : Marshall Pynkowsi dans son Persée de Toronto, avec des moyens bien moindres, se montrait bien plus prodigue en gestes expressifs, en décalage humoristique et même en spectaculaire, dans une mise en scène sensiblement plus mobile.


  • Indépendamment de la fidélité à une lettre du XVIIe, il fallait composer avec une certaine mollesse de la réalisation - des ballets très parcimonieusement mobiles et assez chichement expressifs en particulier. La danse des statues animées à l'acte III montrait quelque chose d'assez peu saisissant, plutôt un mécanisme d'horlogerie qu'une manifestation du surnaturel.

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Exécution musicale
  • De surcroît, à la réécoute, un peu de frustration musicale se fait jour chez les lutins. Nous étions resté plus attaché à la version donnée en 2001 par Christophe Rousset, dont il nous est demeuré une bande radio, dans un style extrêmement élégant et concerné - bien loin des alanguissements systématiques dont le chef se repaît depuis quelques années.


  • Toutefois, lors de la radiodiffusion du spectacle de Dumestre, en janvier dernier, nous avions trouvé séduisante l'idée d'appuyer la filiation italienne - Lully s'étant d'abord exercé comme compositeur de ballets pour l'Ercole Amante de Cavalli, donné à Paris. La séduction de ce théâtre vocal à machines fut tel que le pouvoir décida de produire sa propre gamme de spectacles, avec un cahier des charges similaire, mais en français. La tragédie lyrique était en marche.


  • De ce point de vue, le choix de Dumestre d'exalter la couleur "premier XVIIe italien" dans Cadmus était fort bienvenu, et extrêmement réussi dans les ballets - servi par un ensemble dont on peut vérifier, au DVD, l'enthousiasme jusque sur le visage du dernier altiste (tenant pourtant une ligne fort peu exaltante sur un instrument malcommode, sans effets expressifs particulier requis pour cette partie). La danse, les couleurs bigarrées y triomphent d'une façon extrêmement communicative (avec un très beau son).



Dernière ritournelle de l'acte I. On entend que les récitatifs fonctionnent bien, avec un petit côté solennel cependant. Version Dumestre ; Luanda Siqueira, Junon ; Eugénie Warnier, Pallas ; André Morsch, Cadmus.


  • Malheureusement, et il faut peut-être sentir ici la jeunesse de cet ensemble à l'Opéra (c'est-à-dire dans la continuité d'une oeuvre intégralement chantée, pour la première fois dans ce répertoire), les récitatifs se révèlent assez distendus - beaucoup de blancs entre les répliques, et un manque de feu assez patent dans le rythme et l'élocution.

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La question du français classique
  • Le plateau, peut-être plus prudent à cause de la prononciation restituée, semble en effet plus joliment musical qu'investi. S'il faut saluer André Morsch pour sa maîtrise non seulement du français, mais du surcroît de difficulté imposé par la prononciation restituée, la voix comporte un léger souffle, probablement dû à l'inconfort linguistique. On remarque surtout David Ghilardi, dont le Soleil rayonnant et le prince tyrien ductile flattent nos sens, et son pendant, Vincent Vantyghem, également remarquable dans la tessiture basse. (Le reste du plateau étant constitué de voix légères, de caractère pas toujours affirmé, mais très bien placées.)


  • La prononciation restituée voulue par Benjamin Lazar (sur le modèle d'Eugène Green), bien que conçue de façon un peu systématique pour être exacte, a le mérite de faire sonner les rimes dans leur entièreté et de redonner du relief à la langue, de refaire découvrir des beautés noyées sous le parler usuel. A l'opposé, on y perd en spontanéité, l'émotion du texte passe nécessairement par le filtre d'une langue qu'il nous faut réapprivoiser. C'est pourquoi nous nourrissons sans doute une petite préférence pour la prononciation moderne, mais il faudrait le confirmer à l'usage - les enregistrements où la prononciation à l'ancienne est adoptée, maîtrisée et intelligible, bien qu'en forte augmentation, ne sont pas encore légion.

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Le noeud de la déception
  • La difficulté essentielle du spectacle réside donc dans ce que l'on ne saurait se limiter à la restitution historique - quand bien même elle se montrerait en tout point fidèle - pour soutenir l'intérêt du spectateur. (Il faudrait aussi restituer l'atmosphère dans la salle, la culture des spectateurs, et l'idéal d'authenticité ne peut donc jamais être approché.)


  • Benjamin Lazar revendique de faire du théâtre d'aujourd'hui tout en recherchant et respectant les codes d'antan. Dans ce Cadmus, malheureusement, on ne bénéficie pas du cadre captivant d'Alessio, et le statisme, la bousculade de ces choeurs et ballets convainquent assez peu au milieu de ces costumes bariolés et de ces décors factices. On aurait attendu plus d'idées à l'image de l'intervention des divinités dans des médaillons à la fin de l'acte I... Un peu plus de liberté ou de mobilité. Un peu plus de sens aussi que ce tableau en deux dimensions, assez univoque.


  • Le matériau convainc donc, mais on a à plusieurs moment l'impression qu'il ne sert en rien la compréhension ou la profondeur de ce qui se passe en scène, qu'il l'illustre seulement. Comme si Benjamin Lazar, cette fois-ci, avait renoncé à sa part de création au profit d'une restitution rêvée.


  • De même, le rythme des abondants récitatifs de Cadmus semblaient regarder, sur la longueur, la musique comme une pièce précieuse, à manipuler avec précaution, au lieu de s'en emparer de façon plus subjective. (Un manque d'urgence dans le rythme de déclamation, tout simplement, mais qui à la réécoute de la captation radio, est essentiellement dû au visuel et non pas aux musiciens.)



  • Par ailleurs, il y a fort à parier que l'impact visuel de l'éclairage, l'atmosphère de reconstitution aient été terriblement émouvants une fois dans la salle. Derrière leur écran, les lutins ont été moins fascinés que pour Alessio - peut-être aussi parce qu'à l'endroit où la mise en scène valorisait une musique limitée, elle semble ici brider un chef-d'oeuvre de nous chéri.



Enchaînement de deux scènes comiques de l'acte II. On entend ici l'urgence de la version Rousset, avec en particulier la Nourrice virtuose de Thibaut Lenaerts. Daphné Touchais en Charite, et plus encore Vincent Billier en Arbas impressionnent assez.


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Les bonnes adresses de CSS :
  • Licida développe un sentiment assez proche du notre sur Alma Oppressa : séduction, mais petite frustration du côté de l'urgence dramatique. Une crainte aussi, si ce concept venait à se systématiser (reléguant, sous l'impératif d'authenticité, la recherche de sens au rang des traditions poussiéreuses du vingtième siècle).
  • Morloch, notre conteur badin préféré.
  • Bajazet, le plus circonspect du lot, revient avec force détails sur les enjeux et les difficultés de ce Cadmus. Sur le même article insulaire, il aborde également les représentations des parodies de la Foire, très intelligemment données par l'Opéra-Comique dans le même temps. [1]


Notes

[1] La chose est d'autant plus judicieuse que l'opéra-comique en tant que genre provient lui-même de ces comédies des Foires Saint-Germain et Saint-Laurent. L'opéra-comique n'est pas un opéra allégé de ses récitatifs ; il s'agit en réalité d'un théâtre qui inclut, pour des raisons de contraintes pratiques (à la suite de diverses interdictions), des « numéros » chantés. Le récitatif n'a jamais été pensé dans la forme de l'opéra-comique, qui d'une certaine façon ne peut se comparer à l'opéra, ayant une tout autre constitution. Le plus amusant est bien sûr que la musique prendra progressivement le pas sur le théâtre, comme pour l'opéra, et que des compositeurs comme Ernest Guiraud finiront par écrire des récitatifs pour exporter les opéras-comiques les plus consistants comme Carmen de Bizet ou les Contes d'Hoffmann d'Offenbach.


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Commentaires

1. Le samedi 1 novembre 2008 à , par Morloch

J'ai revu ce spectacle : à l'écran, avec une camera bien dans l'axe - ce qui est le cas de peu de places à l'Opéra comique - et un cadrage qui coupe au maximum les bougies. La petite scène donne l'impression que tout cela est terriblement étriqué, ce qui n'était pas le cas quand on était dans la salle : sans doute s'adapte t'on aux dimensions du "spectacle vivant" auquel on assiste, alors qu'on est habitué à l'écran à plus de mouvement. En outre, l'éclairage à la bougie dans une salle de taille humaine donnait un sentiment de proximité, presque d'intimité.

Sur les couleurs moirées des costumes, je trouve que c'est une réussite. Je ne sais pas si la reconstitution est fidèle ou non, mais c'est secondaire. Il y a un sentiment d'étrangeté qui se dégage, que je trouve particulièrement agréable. Je n'ai pas besoin de ressentir la proximité de la tragédie lyrique, ce spectacle fonctionne aussi pour son extranéité à l'univers du spectateur. C'est sans doute pour la même raison que j'apprécie assez la diction restituée, outre de ranimer des rimes, et au delà d'une prétendue authenticité, elle réintroduit de la " truculence" dans la Tragédie lyrique, permet des accentuations plus fortes, une langue qui chante différemment. En comparaison, le français parisien actuel est aseptisé. Vive la Tragédie lyrique prononcée à la plouc !

Mais il manque aussi un petit brin de folie à ce spectacle, qui ferait qu'il " décolle" pour de bon. Il souffre , je crois, d'une poésie un peu "confite", comme celle d'un livre d'images pour enfants (je ne sais pas si ce que je dis est très clair) qui pourrait lasser si ce type d'esthétique venait à se généraliser.

En revanche, je trouve que la direction de Dumestre est géniale, très dansante. A la réécoute, je trouve que c'est le gros point fort de ce spectacle. C'est tiré vers l'italianité, plein de vie, sans jamais tomber dans le cabotinage. Si les chanteurs se rodent plus à leurs rôles, les représentations à venir pourraient bien être d'immenses réussites.

J'élude le débat sur l'authenticité de cette mise en scène, vaste débat. Je me contente d'être heureux que l'on me fasse entrer dans cet univers et qu'on attire mon attention sur des éléments qui pourraient passer inaperçus joué et chanté différemment.



2. Le samedi 1 novembre 2008 à , par DavidLeMarrec :: site

Merci pour ce nouveau commentaire, Morloch. :)

sans doute s'adapte t'on aux dimensions du "spectacle vivant" auquel on assiste,

Il est certain que ça n'a jamais le même relief. [Quel spectacle télé pourrait rivaliser avec un cinquième de mise en scène de Deflo, franchement ?]
C'est pour cela que j'émets l'hypothèse de quelque chose de plus plaisant dans la salle. Cela dit, le statisme général, la déclamation de front, le manque de rythme des récitatifs et le caractère un peu précautionneux des ballets n'ont pas dû changer du tout au tout non plus.

Mais on adhère plus commodément en salle.


Il y a un sentiment d'étrangeté qui se dégage, que je trouve particulièrement agréable. Je n'ai pas besoin de ressentir la proximité de la tragédie lyrique, ce spectacle fonctionne aussi pour son extranéité à l'univers du spectateur. C'est sans doute pour la même raison que j'apprécie assez la diction restituée, outre de ranimer des rimes, et au delà d'une prétendue authenticité, elle réintroduit de la " truculence" dans la Tragédie lyrique, permet des accentuations plus fortes, une langue qui chante différemment. En comparaison, le français parisien actuel est aseptisé. Vive la Tragédie lyrique prononcée à la plouc !

On est d'accord, ça rehausse des choses autrement inaperçues... Mais par moment, l'étrangeté l'emporte sur l'adhésion, c'est ce que je voulais dire. (Vraiment, la diction restituée ne me dérange pas du tout, au contraire, lorsqu'elle est aussi intelligible qu'ici. C'était moins le cas pour le Carnaval et la Folie de Destouches, dans les représentations de Niquet en février dernier.)


Mais il manque aussi un petit brin de folie à ce spectacle, qui ferait qu'il " décolle" pour de bon. Il souffre , je crois, d'une poésie un peu "confite", comme celle d'un livre d'images pour enfants (je ne sais pas si ce que je dis est très clair) qui pourrait lasser si ce type d'esthétique venait à se généraliser.

Pour moi, c'est clair en effet.


En revanche, je trouve que la direction de Dumestre est géniale, très dansante. A la réécoute, je trouve que c'est le gros point fort de ce spectacle. C'est tiré vers l'italianité, plein de vie, sans jamais tomber dans le cabotinage. Si les chanteurs se rodent plus à leurs rôles, les représentations à venir pourraient bien être d'immenses réussites.

Oui, c'est le gros point fort... pour les danses ! Mais il y a beaucoup de récitatifs chez Cadmus, et il est vrai que cet ensemble n'a guère l'habitude d'en accompagner, et jamais dans la tragédie lyrique, sauf erreur de ma part. Et pour le coup, ça manque de rythme (compare avec l'extrait de Rousset que j'ai mis... c'est flagrant, et pourtant on sait bien que Rousset n'est pas non plus exempt d'une certaine réserve).


Bref, j'étais ravi de pouvoir le voir sans être obligé de compter sur un hypothétique déplacement à Caen (et, accessoirement, sans bourse délier grâce à France 2), et c'était un très beau spectacle, assurément ; mais je n'ai pas été pleinement séduit. Par rapport à ce qu'un petit peu d'idées dans la mise en scène et éventuellement un peu plus d'allant dans les récitatifs auraient produit de merveilleux.

3. Le samedi 1 novembre 2008 à , par WoO

J'avais beaucoup aimé l'écoute de ce Cadmus à la radio, j'ai aussi été charmé par la vidéo diffusée sur France 2. Les décors sont absolument magnifiques, les costumes chatoyants et très colorés, c'est un enchantement visuel permanent, quelques fautes de goût ici ou là mais franchement minoritaires sur la durée du spectacle. Les costumiers ont dû s'en donner à coeur joie.

Mes seules réserves portent en fait sur la gestique et la stricte frontalité des chanteurs. Pynkowsi était peut-être moins dogmatique sur ce point, les personnages de Persée ne semblaient pas aussi inexpressifs, comme vissés sur un socle et contraints de faire face à la scène en brassant l'air avec les mains quoi qu'il arrive. Les ballets surtout étaient plus inventifs. Ici on ne les remarque presque pas, c'est dommage. L'importance trop grande accordée aux jeux de mains, seule manière pour Lazar d'occuper et d'animer l'espace scénique, rejette du coup au second plan les visages des chanteurs sur lesquels on ne lit que la caricature des émotions ressenties par leurs personnages. Ces derniers ne sont pas pleinement incarnés, on nous en donne juste une vision fantasmée qui manque de naturel. Quelque chose de très illustratif en somme.

Je ne reviendrai pas sur la prononciation prétendûment restituée, je pense que c'est inutile. J'aimerais juste voir comment réagiraient ses zélateurs si on essayait d'appliquer celle-ci à Rameau. J'ai ma petite idée sur la question. L'antériorité est une très mauvaise excuse.

4. Le samedi 1 novembre 2008 à , par DavidLeMarrec :: site

Merci WoO pour ta réaction. :) (Et content de te relire au passage, avant que tu ne sois porté au cimento.)


Les décors sont absolument magnifiques, les costumes chatoyants et très colorés, c'est un enchantement visuel permanent, quelques fautes de goût ici ou là mais franchement minoritaires sur la durée du spectacle. Les costumiers ont dû s'en donner à coeur joie.

A coeur finances aussi...
Je ne m'étonne qu'à moitié que tu aies apprécié les couleurs, il y a un petit côté Puvis de Chavannes dans ces métissages délicats. -<]:o)


Les jeux de mains, plus subtils que chez Pynkowski, étaient aussi beaucoup moins visibles et affirmés. Et effectivement, chez Pynkowski, les personnages sont mobiles, on ne s'interdit pas de jeter un oeil amusé sur l'oeuvre elle-même, le statisme est limité par des déplacements et la stricte frontalité n'est pas observée. A la réflexion, avec des moyens financiers manifestement limités, il s'en tire admirablement et propose un spectacle qui soutient assez bien l'attention (en particulier pour les trois derniers actes). Tout cela avec fort peu d'accessoires et un plateau presque nu.

5. Le samedi 1 novembre 2008 à , par Morloch

Je prends la tentative de la prononciation restituée comme une interrogation du texte qui se situe dans la démarche générale des "baroqueux", une interrogation sur la façon de jouer cette musique, sur ses textures, ses timbres. Elle mènera peut-être à une impasse (l'impasse a peut-être déjà été atteinte), mais au moins la question de la prononciation aura été posée. Cela peut énerver, sans doute si l'on a l'impression de familiarité avec cette musique, mais comme je ne ressens pas une proximité directe, je trouve cela passionnant. " Si loin, si proche ", le monde de la Tragédie lyrique.

Il y a des défauts, le plus évident est le caractère aléatoire de cette restitution, on prononces des s et des z à la fin de certains mots, pas à la fin d'autres etc...

Mais après tout, tout cela est artificiel, on n'arrivera jamais à retrouver le son de la création, ne serait-ce que parce que l'environnement sonore et culturel des auditeurs n'a rien à voir(comme il est dit dans la note). Je propose donc qu'au lieu de ces chanteurs aux voix limitées qui se perdent en ornementation ridicules qui cassent la ligne, on prenne de vraies grandes voix (Ben Heppner et Renée Fleming, par exemple), qu'on en finisse avec ces orchestres au son malingre et leurs instruments aux mécanismes poussifs, de surcroit d'une justesse problématique, qu'on reprenne le diapason à 440, seule compte la hauteur relative, le reste n'est que billevesées (le Staatskappelle Dresden dirigé par Christian Thielemann fera bien l'affaire, au moins il y aura du son) et que l'on cesse de se poser des questions qui resteront à jamais sans réponse.

6. Le samedi 1 novembre 2008 à , par DavidLeMarrec :: site

Ce que tu dis, Morloch, est très intéressant. Effectivement, on peut voir cela comme une approche qui souhaite revigorer les couleurs de la langue - avec un certain succès lorsque la diction est à la hauteur.

Avec Vartan, nous devisions justement, pas plus tard qu'hier, de la déclamation empesée du Bourgeois Gentilhomme mis en scène par Lazar. Les personnages principaux (à l'exception du rôle-titre, extrêmement convainquant) étaient tenus avec plus de soin que d'engagement. En fin de compte, on perdait en expression tout ce qui avait été gagné par la démarche, et cette pièce (déjà pas fort loquace à mon humble avis) ne racontait plus rien.

Pour le Cadmus, la prononciation restituée était parfaitement maîtrisée. Après, effectivement, on peut discuter de la théorie de la restitution employée. Et plutôt, à l'inverse de ce que tu dis, pour le caractère un peu systématiquement archaïsant des choix de Green, qui a tendance à faire sonner beaucoup de choses dans les mots - un petit goût pour l'étrangeté.

A la réécoute, cela dit, le fait qu'on fasse surtout sonner à la rime, et qu'on ne surcharge pas l'intérieur des vers en présence de trop de consonnes toujours valides en français moderne, se défend assez bien d'un point de vue esthétique.


Je suis sûr que Thielemann avec Dresde dans Lully ne ferait pas pire que le malheureux Rattle dans Rameau avec l'Orchestre de l'Age des Lumières. :) Ca aurait le mérite d'être divertissant - et de faire durer le plaisir, tu imagines, quatre heures d'Armide !

7. Le dimanche 2 novembre 2008 à , par Morloch

Dans cette production, la recherche d'authenticité part dans tous les sens : orchestre, texte, mise en scène. Cela permet de voir que le résultat des trois démarches est différent et qu'aucune ne débouche sur une véritable authenticité.

Il y a peut-être un paradoxe dans cette recherche d'authenticité de la musique baroque, qui est la quête d'un idéal fantasmé, le Graal baroqueux. Ce serait sans objet s'il existait des enregistrements d'époque, on se contenterait de faire vivre une tradition, comme les Straussiens ou les Messianneux, et cela ferait perdre une partie de sa vie à cette musique. Cela permet une interrogation constatnte du texte qui n'existe pas dans certains répertoires, c'est peut-être à la base du succès des baroqueux.

D'un autre côté, il ne faut pas non plus imaginer que leur démarche est totalement vaine. On est certainement plus proche de la façon originale et du style de cette musique que Thielemann avec Dresde ne le serait (encore que ça fait envie...), il ne faut pas non plus disqualifier la démarche sous le prétexte que l'objectif visé est impossible à atteindre ou à vérifier.

PS : quand un baroqueux parle d'un/une claveciniste/organiste/pianiste qui a pour initiales YLG, de qui s'agit-il ?

8. Le dimanche 2 novembre 2008 à , par vartan

Cela permet une interrogation constante du texte qui n'existe pas dans certains répertoires, c'est peut-être à la base du succès des baroqueux.


Je me plaisais à imaginer, à propos de la discussions que nous avions avec David sur ce Bourgeois mis en scène par Lazar, à ce que serait un spectacle de musique ou de théâtre baroque dans un siècle. Quelle source sera privilégiée ? Le travail de recherche documentaire encore plus précis que celui qui a porté Christie, Minko ou Lazar aujourd'hui ou bien ceux-ci mêmes qui deviendront pour les générations futures l'alpha et l'oméga de leur projet artistique. Comment redonner Atys sans Christie ? N'est-il pas le véritable créateur de cette tragédie lyrique ? Comment oser (ce que Lazar n'a pas fait je pense) repasser là où un certain génie s'est exprimé ?

Oserions nous entendre: "Dormonsss, dormonsss, tousss, que le reposss est dou(sss ?) !" :-)


PS : quand un baroqueux parle d'un/une claveciniste/organiste/pianiste qui a pour initiales YLG, de qui s'agit-il ?



Le gaillarrrrrde biénn sür !

9. Le dimanche 2 novembre 2008 à , par DavidLeMarrec :: site

Morloch :
Cela permet une interrogation constatnte du texte qui n'existe pas dans certains répertoires, c'est peut-être à la base du succès des baroqueux.

Et ça permet peut-être, dans le même temps, de faire au plus proche des préoccupations du spectateur d'aujourd'hui.

D'un autre côté, il ne faut pas non plus imaginer que leur démarche est totalement vaine. On est certainement plus proche de la façon originale et du style de cette musique

C'est l'évidence. Voir par exemple l'inégalité des notes égales, l'improvisation du continuo (toutes choses vérifiables dans les textes), et le résultat spectaculaire, en plus, que cela produit.

PS : quand un baroqueux parle d'un/une claveciniste/organiste/pianiste qui a pour initiales YLG, de qui s'agit-il ?

Yvonne Lefébure-Gély. Ou bien Yvette Le Gall, je ne sais plus.

Mais si tu parles d'Eragny, il s'agit de l'immense claveciniste de génie Yannick Le Gaillard.

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Vartan :
Le travail de recherche documentaire encore plus précis que celui qui a porté Christie, Minko ou Lazar aujourd'hui ou bien ceux-ci mêmes qui deviendront pour les générations futures l'alpha et l'oméga de leur projet artistique.

Là, je laisse l'Avenir répondre s'il passe par ici, il sera plus informé que moi. (J'incline à penser qu'il y aura du neuf... et toujours une poignée de nostalgiques pour regretter un Age d'Or - leur jeunesse, quoi.)

Comment redonner Atys sans Christie ? N'est-il pas le véritable créateur de cette tragédie lyrique ?

On a bien joué Orfeo sans Harnoncourt, et très souvent avec bonheur (même s'il demeure la référence ultime après déjà quarante ans...).


Oserions nous entendre: "Dormonsss, dormonsss, tousss, que le reposss est dou(sss ?) !" :-)

Ce que Lazar a bien fait, c'est tout de même d'éviter la surcharge dans le coeur des vers, lorsqu'il y a déjà une consonne dans les parages. Sinon, oui, on prononçait la finale du vers, et même en français moderne tu es censé faire la liaison avec "repos" (et sinon, vilain hiatius très méchamment interdit).

Ce qui produirait :
Dormons, dormons tousssss, que le repos zest douxssss.

Le "s" de "repos" se prononce [z], c'est un phénomène quasiment physique : au contact de la voyelle suivante, les cordes vocales vibrent et la voyelle sourde se sonorise, le [s] devenant [z] en liaison.

10. Le dimanche 2 novembre 2008 à , par Morloch

Aaaaaah, j'ai trouvé ! Yannick Le Gaillard ! Merci vartan. En voilà un dont je ne crois pas avoir entendu d'enregistrements. Encore une lacune à combler :)

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