Carnets sur sol

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samedi 28 avril 2018

Les soirées de mai dans (Paris)


Comme naguère, vous trouverez ici le planning PDF où apparaissent tous les dates et lieux sélectionnés, quantité de petits concerts (ou au contraire de concerts très en vue) dont je ne parle pas ci-dessous.

N'hésitez pas à réclamer plus ample information si les abréviations (tirées de mon planning personnel, destiné au maximum de compacité) ou les détails vous manquent.
(Les horaires indiqués le sont parfois par défaut par le logiciel, vérifiez toujours !)



0. Rétroviseur

Auparavant, les impressions d'avril, quantité de propositions originales que nous avons pu honorer de notre vénérable présence. Cliquez pour lire les impressions succinctes sur les œuvres et les interprètes.

►#87 Atelier lyrique de Vincent Vittoz : 8 saynètes de 10 minutes bâties autour d'un seul chanteur et de partenaires scéniques. Cilea, L. Aubert, Respighi, Messiaen, Berio, C.-M. Schoenberg, Sondheim…  (CNSM)
►#88 Ives, Symphonie n°4. Orchestre de Paris (Philharmonie)
►#89 Mini-récital de Kaëlig Boché (Aubert, Kosma, Barbara, C.-M Schoenberg) tiré des ateliers lyriques #87. (CNSM)
►#90 Mendelssohn, Elias sur crincrins et pouêt-pouêts. Direction démiurgique de Pablo Heras-Casado, voilà une jeune vedette qui n'a pas atteint les couvertures de magazines par simple fantaisie moutonnière de la presse spécialisée ! (Philharmonie)
►#91 Cantates profanes et airs de cours du premier XVIIe italien : Obizzi, Marini, G. Stefani, Rovetta, Legrenzi ! Par le grand duo formé par Zachary Wilder et Josep María Martí Duran. Le disque vient de paraître, et couvre beaucoup des aspects les plus passionnants du chant profane de cette période. (Théâtre Grévin)
►#92 Philippe d'Orléans, Penthée. Le roi jaloux du jeune Bacchus et dépecé par sa mère et sa fiancée, dans une musique très hardie (et « italienne ») due au futur régent (aidé de Gervais). Une notule plus détaillée et contextualisée est en préparation. (Galerie des Batailles)
►#93 Rott, Symphonie en mi par le Philharmonique de Radio-France et Constantin Trincks, étagements tout en sobriété et maîtrise de cette œuvre folle… Vous pouvez chercher dans les archives, déjà deux ou trois autres notules sur le sujet (progressivement de plus en plus enthousiastes), et quelques projets d'autres sur des détails inspirants ouïs pendant ce concert. (Maison de la Radio)
►#94 Berlioz, Benvenuto Cellini, co-mis en scène par Terry Gilliam. Comme presque toujours à Bastille hors œuvres très subtiantielles orchestralement (Wagner, Tchaïkovski, Strauss), assez tièdement déçu. Entre l'orchestre qui joue à l'économie et la distance physique et le voisin qui joue à faire claquer ses ongles et lâche un tonitruant « pardon !! » pendant la musique lorsqu'un geste discret le lui signale, difficile de se laisser totalement emporter. (Bastille)
►#95 Masterclass de Jean Mouillère, du Quatuor Via Nova. Pédagogie à l'ancienne, disons. (Salon d'honneur du Château de La Roche-Guyon.)
►#96 Lieder de Pfitzner, Wolf (Buonarroti), Wesendonck-Lieder, Im Abendrot, par Matthias Goerne & Seong-Jin Cho. (Palais Garnier)
►#97 Henri Rabaud, Mârouf, savetier du Caire, reprise de la mise en scène Deschamps, avec l'ONBA et Minkowski. En écoutant davantage cette fois l'orchestre, que de splendeurs révélées !  Une grande œuvre, en réalité. Favart)
►#98 Zemlinsky, Maiblumen blühten überall. (Et la Symphonie Lyrique. Et la Nuit Transfigurée.) Impressions complémentaires ici et .  (Philharmonie)
►#99 Wagner, Parsifal, avec extrait sonore (Bastille)

Et quelques déambulations illustrées :
Ambleville : château, église, bourg.
La Roche-Guyon et Haute-Isle (en cours de narration) : forteresse des Rohan, boves et donjon taillés dans la craie, chapelles troglodytiques, 7 monuments classés et une longue promenade grimpant à flanc de coteau en surplomb des îles de l'Yonne.



00. Manqué !

En raison de l'expiration de mon Pass UbiQui'T, je n'ai pu tout voir, tout entendre. Voici, à titre purement indicatif, quelques autres soirées qui ont attiré mon attention, à titre de curiosité.

Eine Ballettsuite de Reger par l'ensemble orchestral d'Éric van Lauwe (à Saint-Joseph-artisan). Œuvre totalement inattendue pour du ballet, pour du Reger, pour de la musique allemande.
Contes et légendes estoniens chantés par Baquet et accompagnés par Grandet. Vous pourrez vous consoler avec un concert du genre (re)donné au Théâtre de l'Île-Saint-Louis à l'automne prochain.
Symphonies de Brahms par Brême et Paavo Järvi.
Masterclass de Gary Hoffmann (CNSM).



À présent, la prospective.

J'attire en particulier votre attention sur quelques perles. Classées par ordre de composition approximatif à l'intérieur de chaque catégorie.

(En rouge, les œuvres rarement données – et intéressantes !)
(En bleu, les interprètes à qui je ferais confiance, indépendamment du seul programme.)



A. Opéras & cantates

LULLY, Phaëton. Il est assez rare qu'on donne des opéras de LULLY en version scénique, sorti d'Armide. Et ici dans la plus belle distribution qu'on puisse souhaiter : Mathias Vidal, Eva Zaïcik, Cyril Auvity, Léa Trommenschlager !  La fine fleur du chant baroque français (je n'aurais pas mieux choisi moi-même, si vous mesurez le compliment). Version sans doute chatoyante de Vincent Dumestre avec le Poème Harmonique… et le Chœur de l'Opéra de Perm ! (musicAeterna, le terrain de jeu du méga-mégalo Currentzis)
Donné sur trois ou quatre dates, de surcroît. Seule réserve : comme c'est Lazar, il faudra sans doute souffrir le français restitué selon Green (rien d'idéologie : je le goûte au théâtre, mais il voile inutilement l'élocution à l'Opéra).

Galiard, Telemachus, une coproduction L'Oiseleur-Robidoux au Temple du Luxembourg. Pièce du début du XVIIIe anglais d'après Fénelon. Je n'ai aucune notion de ce à quoi ce peut ressembler, en toute franchise. On se situe dans l'époque assez mal documentée post-Purcell (et bien avant les faits de gloire de Thomas Arne). Sans doute plus de la déclamation pure ornée d'ariettes ; sans doute pas encore du seria haendelien…
Leurs résurrections étant en général, à l'un comme à l'autre, étonnantes et convaincantes, j'y vais en toute confiance.

Debussy, Pelléas et Mélisande dans une distribution de feu : Devieilhe, Andrieux, Buet !  Certes accompagnés par le modeste Orchestre Pelléas (qui ne m'avait pas fait forte impression, dans un tout autre répertoire). Le 2 au TCE.

Extraits d'opérettes au CRR. Le 24 à 19h, gratuit.



B. Musique chorale


Chants patriotiques de Grétry, Méhul, Dalayrac, Catel, Berlioz… et Vierne. Par le chœur Les Voix impériales (?) et l'Académie Symphonique de Paris (des amateurs de niveau honorable, je crois, mais pas vérifié). Ce ne sera pas de la grande musique, mais ce devrait être plutôt roboratif !  Le 24 aux Invalides (cathédrale).

Musiques a cappella de Grieg, Stenhammar et Sandström par Le Jeune Chœur de Paris et des élèves du CRR de Paris. Direction Willberforce et Korovitch. Le 19 au CRR.

Motets de Duruflé, Djinns de Fauré, Psaume 129 de Lili Boulanger par le Chœur de l'Orchestre de la Sorbonne, le 18.

♦ Chœurs a cappella de Mikalojus Čiurlionis, Jāzeps Vītols, Janis Zalitis, Mart Saar, Cyrillus Kreek, par le Chœur Philharmonique de Chambre d'Estonie, dirigé par Kaspars Putniņš. Le 22 au Musée d'Orsay (12h30).



C. Musique symphonique

♦ Symphonies n°2 de Beethoven et n°6 de Schubert par la classe de diction « A et B » pour « débutants » (CNSM). Parfois avec les Lauréats du CNSM, parfois non. Toujours très beau. Le 25, gratuit.

♦ Les 22 et 24, entre la Cité de la Musique et le TCE, il sera possible d'entendre les deux Sérénades de Brahms.

Elgar, Symphonie n°1 sans vibrato par Norrington. Ça va être rigolo.
(ça fonctionnait du tonnerre dans les Tallis de Vaughan Williams, alors pourquoi pas ici ?)
Joué avec assez de relief, c'est une œuvre tout à fait sympathique. Et très peu donnée en France.

Toward the Sea II de Takemitsu, la version pour flûte, flûte alto et orchestre (originellement pour flûte et guitare, refait en IIIe pour flûte et harpe). Couplage avec Die Seejungfrau de Zemlinsky. Le Philhar' de Radio-France et Vasily Petrenko devraient être parfaits là-dedans, l'expansivité décadente est leur gros point fort. Philharmonie le 4.

Les Bandar-Log de Koechlin et la Symphonie n°2 de Honegger. Le premier est très original, mais n'étant fanatique d'aucun des deux, je ne suis pas bon juge pour conseiller ou pas de s'y rendre. En tout cas dirigé par David Zinman (qui fouette bien l'Orchestre de Paris, et qui a déjà dirigé ce Koechlin, ainsi que tout le Livre de la Jungle, d'ailleurs).

Ferroud, Foules. Petite pièce orchestrale originale (comme toujours avec Ferroud). À la Maison de la Radio, couplage très traditionnel comme Krivine les aime : Cinquième de Tchaïkovski et Troisième (Concerto) de Prokofiev. Le 31 à la Maison de la Radio.

Chostakovitch, Symphonie n°11. Strauss, Métamorphoses. Par les étudiants du CRR (et des élèves de niveau supérieur du PSPBB). Difficile de pronostiquer la qualité du résultat, cela dépend grandement des élèves présents (vu un Lalo-Chabrier-d'Indy où les violonistes étaient des collégiens, donc forcément pas la même maturité…), du nombre de répétition… En général, le niveau au CRR reste correct mais pas renversant, pas du niveau professionnel de ce qu'on entend au CNSM. Néanmoins, programme souvent étonnants (concertos pour violoncelle de Lalo ou John Williams, Symphonie italienne de d'Indy…), le programme n'est actualisé que mois par mois sur le site mais il mérite d'être vérifié – leurs productions d'opéra baroque sont, elles, de niveau pro (les classes de musique ancienne font office de CNSM pour HIP).

Classe de direction d'orchestre d'Alain Altinoglu. Je n'ai pas encore le programme, mais c'est toujours remarquable (avec le fabuleux Orchestre des Lauréats du CNSM). Le 17, gratuit.



D. Musique solo et chambriste

Couperin à l'Hôtel de Soubise par les étudiants du Conservatoire du VIIe, le 30 à 12h30.

Variations Goldberg pour quatuor à cordes, par l'excellent Quatuor Ardeo, résident du Théâtre de Saint-Quentin-en-Yvelines. Le 29.

♦ Plusieurs concerts alléchants Hôtel de Lauzun sous l'égide de Julien Chauvin, mais je ne suis pas trop sûr des conditions d'accès (voire d'accession, si soumis à l'inclusion dans la Société savante qui y loge). Notamment les Quatuors de Gounod du Quatuor Cambini qui sortent ces jours-ci au disque. Les dates sont dans l'agenda, avec le peu de détail que j'ai pu glaner.

Musique pour piano descriptive Empire (très) rare :
Oginski, Deux polonaises ;
Gurilev, Deux chants russes ;
HarteveldGrande affliction – Partant pour la Syrie ;
JadinLa Grande Bataille d’Austerlitz ;
SteibeltL’incendie de Moscou ;
◊ du Beethoven (variations sur Paisiello, Trois Grandes Marches, Sonate Les Adieux).
Par Nikolay Khozyainov, aux Grand Salon des Invalides, le 25.

Quintette pour clarinette et cordes de Baermann (le n°2 ?), un des nombreux représentants du « style Mozart » dans cet effectif, et très réussi. Couplé avec extrait du Quintette de Françaix. À Tremblay le 5 (je crois que c'est gratuit).

Ballades pour piano de Brahms. Pas son sommet pianistique, mais elles sont assez peu données en concert, j'ai l'impression. Couplées avec la Sonate n°3, par Goeffroy Couteau, à l'Amphithéâtre de la Cité de la Musique, le 26 (15h).

Fantaisie pour quatre altos de Bowen (grand symphoniste postromantique, mais jamais écouté ceci). Couplage avec du Turina et l'Octuor de Mendelssohn, musiciens de l'Orchestre de Chambre de Paris, salle Cortot le 26 à 15h.

Flûte, alto et harpe chez Takemitsu, Debussy, Ravel, Beffa. Hôtel de Soubise, le 26.

Piano balte par Mūza Rubackytė : Čiurlionis (Préludes & Nocturnes), Vītols (Préludes), Eller (Les Cloches), et Scriabine (Valse, 4 Études).

Transcriptions pour marimba. Adelaïde Ferrière, la virtuose en vue du moment, au Petit-Palais, le 24 à 12h30.



E. Lieder, mélodies & airs de cour

Saint-Saëns, Nuits persanes. Version orchestrale (avec des interludes et des mélodrames, ici arrangés pour piano) des Mélodies persanes, récemment (merveilleusement) gravées par le couple Christoyannis-Cohen (chez Aparté). Sahy Ratianarinaivo, qui a remarquablement mûri ces dernières années, les donne depuis un moment, par morceaux (aux Invalides) ou en entier (dans la classe de Jeff Cohen, précisément…). Accompagné par une spécialiste très spirituelle, Qiaochu Li, dans ce qui est possiblement le plus bel ensemble de mélodies de Saint-Saëns. Le 31 au Petit-Palais (12h30).

Chostakovitch, cycle Blok. Brahms, lieder pour soprano, (violon) alto et piano. Avec Prudenskaya, le 3 au TCE.

Classe de duos de lied & mélodie de Jeff Cohen. J'aurai les programmes assez tard, je les communiquerai lorsque (si) je les obtiens à temps. Le nombre d'étudiants a décru ces dernières années (avant, deux dates bien pleines), mais l'expérience d'un programme complet de lieder jonglant avec les langues reste toujours très singulière, d'autant qu'on y croise de très belles individualités très prometteuses (découverte en ces lieux de Raquel Camarinha ou Elsa Dreisig, pour ma part).



F. Pour le plaisir de retrouver quelques chouchous

♦ Tournée du Requiem de Verdi en Île-de-France à partir du 20, par l'ONDIF et le Chœur de l'Orchestre de Paris, association de rêve.

♦ Pas particulièrement un chouchou, mais rare, le Philharmonique d'Helsinki vient (sous la direction de la raidissime Mälkki, hélas – même dans le contemporain, elle est tellement sèche et désarticulée…) à la Seine Musicale (où les orchestres symphoniques sonnent très agressivement, hélas aussi). Dans Mahler 9, c'est quand même intriguant de les entendre en vrai, ce n'est pas tous les jours qu'on en a l'occasion.



G. Cours publics et masterclasses

David Higgs, organiste maître de la transcription (testez sa Mahler n°5, saisissante de vérité !), donne une masterclass au CNSM le 17, tôt dans la soirée. Gratuit.
♦ Les 24,25,26, journées du pianoforte au CRR de Paris. Gratuit.



C'est le temps des plaisirs et des tendres amours.

mercredi 25 avril 2018

[Carnet d'écoutes n°120] – Lassus, Crusell, Vranický, Le Prophète, Sinding, Reger, van Gilse, Bartók, Różycki, Mârouf…


Quelques écoutes très rapidement commentées et compilées sans ordre.

Découvertes intrépides

Nordheim – Quatuor– Norwegian SQ
Assez transparent, s'écoute bien, mais ne se passe pas grand'chose.

Lazzari, Symphonie en mi bémol.
(bon, en fait j'avais déjà écouté, mais il ne m'en restait aucune impression)
Entre Bizet (le scherzo) et Franck (le final, vraiment proche !). Chouette.

Tina Charles – I Love to Love
Croyez-le si vous voulez, mais je découvre. Ça ne se renouvelle pas beaucoup, mais l'alternance refrain / couplet (unique) est assez marquante !


Classiques éprouvés

Dvořák – Rusalka (acte II) – Neumann

Pavel Vranický – Symphonie en ut, « Pour la Paix avec la République Française » – Radio de Hanovre, Griffiths (CPO)
Pavel Vranický – Symphonie en ré Op.52 – Radio de Hanovre, Griffiths (CPO)
Tradi et animé, mais un peu rond et flou.
Pavel Vranický – Symphonie en ré Op.52 – Chambre Dvořák, Bohumil Gregor (Supraphon)
Là aussi, tradi, mais ça claque !
Pavel Vranický – Symphonie en ut mineur Op.11 – Chambre Dvořák, Bohumil Gregor (Supraphon)
Pavel Vranický – Symphonie en ré Op.36 – Chambre Dvořák, Bohumil Gregor (Supraphon)
Pavel Vranický – Symphonie en ut « Joie de la Nation Hongroise » – Chambre Dvořák, Bohumil Gregor (Supraphon)
Les deux symphonies en ré (sans programme) sont merveilleuses, le babillage des clarinettes dans le premier mouvement de l'opus 36, on est vraiment entre Don Giovanni et Fidelio.
À cette époque, vraiment difficile de trouver un concurrent à Mozart, mais les frères Vranický sont justement ceux qui peuvent se comparer à ses accomplissements.

Lalande – Regina Cœli – Ex Cathedra, Skidmore

Lalande – Cantate Domino – Ex Cathedra, Skidmore
Lalande – Cantate Domino – Ex Cathedra, Skidmore
Le Cantate Domino ménage des airs magnifiques, d'une ampleur rare à cette époque. L'ensemble Ex Cathedra est formidable (et je crois reconnaître la voix d'Andrew Tortise en haute-contre solo, ou de quelqu'un qui lui ressemble énormément I love you ). Bissé.


La minute glotto

O. Merikanto – Laula, tyttö – Galitzine, Dubé (bande)
Bach – « Seele deine Spezereien » –  Obalski (bande)


Sous mauvaise influence

Lassus – 9 Leçons de Ténèbres – Pro Cantione Antiqua (Musical Concepts)
Beauté ineffable, complète. Encore plus beau qu'à mon dernier passage.
Bissé :
Lassus – 9 Leçons de Ténèbres – Pro Cantione Antiqua (Musical Concepts)
Puis :
Lassus – Prophetiæ Sibyllarum– Dædalus (Alpha)
Lassus – Prophetiæ Sibyllarum– De Labyrintho (Stradivarius)
Moins enthousiasmé par l'œuvre. Dædalus un peu sec, impression d'uniformité accrue entre les pièces ; De Labyrintho plus souple (très léger accent anglais ?  voix de femme fine enfantine…).
Lassus – Motets pour le dimanche de Pâques– Pro Cantione Antiqua (Musical Concepts)
Lassus – Requiem – Pro Cantione Antiqua (Musical Concepts)
Pour les motets de Pâques, c'est peut-être l'interprétation qui les hausse, mais pour le Requiem, vraiment un bijou !

Je ne suis pas un très grand consommateur de musiques de la Renaissance, mais Dufay, Brumel et Lassus, voilà qui me laisse par terre à chaque fois.

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Un petit cycle Ludomir Różycki.

Eros i Psyche. Cet opéra de de 1916 constitue un bijou d'aspect étonnant : on peut y entendre, sans aucun effet hétéroclite, l'influence de nombreux courants. On entend passer des tournures qui font penser à Lalo (Le roi d'Ys), Massenet (Panurge), Debussy, Puccini (les moments comiques de Tosca), R. Strauss (grandes poussées lyriques, ou la fin quelque part entre Daphne, avec l'harmonie plus slave des chœurs patriotiques de Guerre et Paix de Prokofiev…). Tout cela dans une belle unité, un sens de la poussée, vraiment de la très belle musique, une synthèse de l'art européen.

¶ Air tiré de Beatrice Cenci.

¶ Poème symphonique Mona Lisa (très richardstraussien), par Wojciech Czepiel.
¶ Poème symphonique Le roi Cophetua, par Janusz Przybylski.
¶ Poème symphonique Anhelli (très richardstraussien), par Satanowski.

Et puis je vais me lancer dans les seules autres choses qu'on ait, les concertos.

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Vaughan Williams – Symphonie n°5 – Liverpool RPO, Manze (Onyx)
Vaughan Williams – Symphonie n°6 – Liverpool RPO, Manze (Onyx)
Flatte plutôt le côté étale que l'originalité de ces symphonies. Pas passionné, un peu frustré que Manze n'y déploie pas sa meilleure netteté de trait.

Mireille / Nohain – Mais pourquoi t'es-tu teinte ? – Pills & Tabet
http://youtube.com/watch?v=RkhdzmNkwY8

Larsson – Symphonie n°1 – Helsingborg SO, Manze (CPO)
Une semaine n'est pas complète sans son petit shoot CPO. Même si la poésie fonctionne moins avec orchestre qu'en quatuor, chez Larsson.

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 Massenet, Thaïs. Marseille 91 : Veltri avec Cassello, Sirera et van Dam. Très belle version (il n'y en a pas tant où l'on entend bien l'orchestre tout en restant plutôt bien chantées). 

 Massenet, Thaïs. Au Stanislavski, en russe. (acte I seulement) 
Les chœurs des cénobites par des Russes, c'est quelque chose. Shocked Sinon, l'adaptation est assez peu réussie prosodiquement (beaucoup de rythmes changés, et ça ne tombe pas toujours bien dans la langue).

 Massenet, Marie-Magdeleine. Version Loré : Command, Sebron, Lamy, Courtis. Bien sûr très lisse et gentiment sucré, mais tout est beau, et les moments de lumière sont très exaltants. (Évidemment, ce n'est pas prioritaire, mais j'y reviens de temps en temps, ne serait-ce que pour la réussite du Noli me tangere.)

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Różycki – Eros i Psyche (Operavision)
Tient toutes ses promesses. Même la naïveté du livret fonctionne très bien. I love you

Tchaïkovski – Manfred – Opéra de Munich, K. Petrenko (bande de la radio WQXR)
Lecture de feu – si on augmente bien le son, on sent le grain des cordes, et la réverbération sur les murs de la salle ! I love you
https://www.wqxr.org/story/kirill-petrenko-conducts-bayerisches-staatsorchester-live-carnegie-hall/

C.-M. Schoenberg – Miss Saigon – Salonga

Kodály – Duo violon-violoncelle – J. Fischer, Müller-Schott
Schulhoff – Duo violon-violoncelle – J. Fischer, Müller-Schott
Ravel – Sonate violon-violoncelle – J. Fischer, Müller-Schott
Halvorsen – Passacaglia, d'après Haendel– J. Fischer, Müller-Schott

Legrenzi, La Divisione del Mondo, extraits

Wagner – Das Rheingold, deuxième tableau – Solti Bayreuth 1983

Stravinski – Le Sacre du Printemps – Atlanta SO, Levi (Telarc)
J'aime beaucoup leur association, mais ce n'est pas dans le Sacre qu'elle fonctionne le mieux.

Brahms – Quatuor avec piano n°2 – Capuçon, Caussé, Capuçon, Angelich (Virgin)
Rarement donné hors des intégrales Brahms, car long (presque une heure à lui tout seul), mais le meilleur des trois, même si j'aime beaucoup le Troisième !

Crusell – Concerto pour clarinette n°1 – Kriikku, Radio Finlandaise, Oramo (Ondine)
Crusell – Concerto pour clarinette n°2 – Kriikku, Radio Finlandaise, Oramo (Ondine)
Crusell – Concerto pour clarinette n°3 – Kriikku, Radio Finlandaise, Oramo (Ondine)
Des mélodies de Mozart avec du ploum-ploum de ballet façon Boïeldieu-Adam-Hérold, vraiment délicieux, surtout le 2 !

Bartók – Concerto pour piano n°1 – Kocsis, Budapest FO, Iván Fischer (Philips)
Bartók – Concerto pour piano n°2 – Kocsis, Budapest FO, Iván Fischer (Philips)
Bartók – Concerto pour piano n°3 – Kocsis, Budapest FO, Iván Fischer (Philips)
Le Deuxième, le Deuxième… quelle orgie !
(en termes de versions, il y a plus grisant, sinon)

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Prokofiev – Symphonie n°5 – Radio Finlandaise, Oramo
Oh, à la fin du deuxième mouvement, exactement les mêmes intervalles et rythmes que le début de « I could have danced all night » !

Beethoven – Duo avec lunettes obligées
Le Duo avec lunettes obligées de Beethoven, pas du tout une œuvre anecdotique : la qualité mélodique de Mozart, l'animation des figures d'accompagnement des derniers quatuors de Haydn, et une fougue qui n'est qu'à lui.
Remarquable version en concert dans une église lusophone par ici.

van Gilse – Symphonie n°2 – Symphonique des Pays-Bas (sis à Enschede), Porcelijn
Comme quelqu'un a commis l'imprudence de nommer Jan van Gilse devant moi, me voilà reparti pour une intégrale de sa musique disponible, en débutant par la Symphonie n°2 (ce début qui innerve tout !).

van Gilse – Thijl
Par un orchestre aujourd'hui dissout, ou plus exactement fusionné, le Philharmonique d'Amsterdam (beaucoup de cas aux Pays-Bas, comme Utrecht, la Chambre de la Radio…). Pourtant, qu'est-ce qu'il était bon…
Œuvre assez radicale et étrange (le sprechgesang en néerlandais, voilà qui dépayse), plutôt sombre, pas du tout chatoyante comme le reste du van Gilse disponible, ni conformément à ce que son sujet pouvait laisser supposer. Ses contemporains néerlandais, pourtant en général plus tourmentés dans leurs symphonies, avaient pour certains une veine bien plus lyrique et lumineuse à l'Opéra. Étonnant !

Berlioz – Symphonie fantastique – Orchestre d'État de l'URSS, Oskar Fried
Après avoir (beaucoup) écouté ses compositions, je découvre Oskar Fried là où il est célèbre, comme chef.
Ourgh.
Ce n'est vraiment pas bon : cela ressemble aux orchestres de conservatoires régionaux dont les musiciens sont bons mais dont les effectifs tournent sans cesse (et manquent d'expérience).  Tout est si mou et vaguement précis…  Le niveau a incroyablement monté, et on ne peut pas parler ici d'effet Seconde guerre mondiale… qu'était-ce donc au XIXe ?  Il est vrai qu'il n'avait sans doute pas l'habitude de collaborer avec l'Orchestre d'État de l'URSS.

Mahler – Symphonie n°2 – Sk Berlin, Oskar Fried
C'est certes mieux (enfin, pour ce qu'on peut percevoir des tuilages inaudibles), mais lorsque je vois ce qu'on lit dans les critiques sur les orchestres actuels (tout en se pâmant sur l'Âge d'or perdu…), il faut vraiment se fier à son imagination plus qu'à l'écoute rigoureuse des enregistrements. Même chez ces orchestres de première ligue, on se trouve assez loin de la simple mise en place qu'on attendrait d'un orchestre pro de ville moyenne, aujourd'hui.

Beethoven – Sonates et variations pour violoncelle et piano – Karttunen
Sur crin-crin et plong-plong ; et la meilleure version du marché !

Sinding – Symphonie n°1 – Philharmonie de la Radio de Hanovre, Dausgaard
Pour ceux qui aiment la symphonie de Rott, la Symphonie n°1 de Sinding n'est pas sans point commun – l'Andante qui préfigure Parsifal et Fafner, merveilleux de surcroît, ses appels de cor du scherzo…  Je la trouvais jusqu'ici gentiment lyrique, mais non : du niveau des trois autres.
Il est vrai qu'elle est écrite assez tard, toute Première qu'elle est : 1892 – pour un compositeur né en 1856 !  Donc Parsifal est bel et bien dans l'oreille, pas une parenté fortuite d'air du temps.

Sinding – Symphonies 2,3,4 – Philharmonie de la Radio de Hanovre, Dausgaard / Porcelijn
Quelles merveilles élancées du romantisme tardif !  Une autre voie que celles de Brahms, Raff, Tchaïkovski ou Mahler.
On croit souvent que je parle de raretés pour la (ma) gloire ou par simple curiosité ; pourtant le fait est que j'écoute plus souvent les symphonies de Hamerik et Sinding que de Mendelssohn et Brahms (que j'adore), ces dernières années. Plaisir différent et renouvelé : on peut y entendre des choses qui n'existent pas dans le corpus réduit des grands compositeurs célèbres… ou même, sans ambitionner davantage, simplement y trouver des personnalités qui s'accordent mieux à la nôtre, fussent-elles moins déterminantes sur le plan de l'Histoire de la Musique.

Mozart – Symphonies 39,40,41 – CMW, Harnoncourt
Incroyable comme il parvient (et de façon cohérente) à renverser totalement le spectre (les vents priment), à mettre en avant les trouvailles d'accompagnement, à tirer tout cela vers Gluck !

Boulez – Domaines, pour clarinette et ensemble – Portal
 En 1968, c'était la création des deux versions de Domaines de Boulez (clarinette seule, puis avec ensemble sollicité dans un ordre libre). Ça n'a rien de très exaltant sur le papier, mais j'adore ce truc : babillard mais très vivant, et comme des retours audibles de matière.

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Et quelques impressions un peu plus développées.

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Meyerbeer – Le Prophète – Philharmonique d'Essen, Carella (Oehms)



Donc écouté la production d'Essen, très bonne, mais je ne suis pas très enthousiaste pour autant.

¶ Sur le plan de l'interprétation, tout le monde est impeccable, mais ça manque un peu de saveur, tout est très bien chanté (Cornetti peine quand même un peu dans son grand air du V, mais c'est très difficile). Ça suffit pour faire décoller un Verdi ; pour Meyerbeer c'est un peu plus frustrant, il faut des personnages aussi.
Et puis Carella n'était pas franchement un bon choix : il fait le même Carella voluptueux qui fonctionne très bien dans le belcanto (tout est rond et agréablemet coloré), mais là encore, on attendrait un peu plus de drame.

¶ Surtout, ce n'est pas le grand Meyerbeer des Huguenots, du III de Robert, des épisodes masculins de Dinorah… peu de sourires là-dedans, il reste surtout la pompe, et comme les interprètes ne tirent pas parti de la saveur des personnages (ce qui est à peu près impossible dans l'Africaine, mais pas dans le Prophète, où les ridicules ne sont pas absents), tout ça correspond un peu à la grande choucroute décrite par les détracteurs de Meyerbeer.

Le studio de Lewis parvient, par sa flamme particulère et son plateau de folie (McCracken, Horne, Scotto, Bastin…), à rendre l'opéra fascinant, mais par un orchestre allemand un peu gris avec un chef italien un peu contemplatif et des chanteurs valeureux mais pas très savoureux, je m'ennuie un peu. Ce n'est pas vraiment leur faute, c'est juste que j'ai besoin de davantage pour adhérer. Meyerbeer est à la fois très exigeant en termes de technique vocale (assez grands formats, grande agilité, bonne projection, grande endurance…) et très délicat quant à la juste expression et à l'épaisseur des incarnations par les chanteurs. C'est ainsi.

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Liszt – Eine Faust-Symphonie

Je vais réessayer pour la millième fois moi aussi : je n'arrive pas à y trouver d'aspérité (certes, peu de mise en valeur par l'orchestration), même dans le discours. Autant les poèmes symphoniques sont au moins rigolos et expansifs, autant là…

Si je trouve une version déviante et illuminante, je vous dis. (Sinopoli y est dans sa veine très homogène, vraiment pas ce qu'il faut ici, essayé de multiples fois ; Bernstein, il me semble aussi que ça ne m'avait pas trop impressionné.)

J'hésite entre Häselbock pour les crincrins (mais je le trouve raremen exaltant) et Chailly pour la lisibilité.

Donc, Chailly-Concertgebouworkest : ça a l'air très bien, tendu, transparent, mais trop de fondu, ça ressemble trop aux autres versions, ça ne va pas fonctionner pour moi.

Donc je suis parti sur Haselböck sur crincrins : Dieu que le son d'orchestre est hideux ! Ça grince de partout, même les bois. Mais on entend parfaitement chaque entrée, chaque détail d'orchestration, comme jamais je ne l'ai entendu dans un disque : ce qu'il me faut.

Hé bien, c'est uniformément mélodique, et pas très marquant de ce point de vue : de longues lignes étales, dont je me demande toujours à quoi elles servent. Effectivement, comme souligné par Benedictus, quelques coquetteries harmoniques surprenantes dans le mouvement de Gretchen, avec ces harpes qui jouent une harmonie étrange, parente du Binary Sunset dans A New Hope

En revanche, on peut y entendre des choses dérobées (et magnifiées) par Wagner, comme cette longue descente chromatique d'accords, comme pour le sommeil de Brünnhilde.

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Max Reger – Eine Ballettsuite.

Stupéfaction (et émerveillement) en découvrant cette Suite de ballet.

Cela ne ressemble ni vraiment à du ballet (hors la valse bien dansable), ni même à de la musique germanique…

Malgré toutes les titres pittoresques incluant Arlequin ou Pierrot & Pierrette, j'y entends beaucoup l'Oiseau de feu de Stravinski. Aussi du ballet plus léger, plus français (à la façon de ceux de Poulenc).

Impossible d'y reconnaître l'auteur un peu monumental (et assez gris) de la Suite Romantique ou des épais Böcklin !

Il y a quand même un peu de Wagner, plus furtivement, dans les harmonies ou les effets d'orchestration : retour vers les Ases dans le dernier tableau de Rheingold, duos de Walküre ou de Tristan…

Je recommande très vivement (plutôt par Suitner / Sk Berlin que par C. Davis / Radio Bavaroise ou même Zender / SWR, la différence d'animation est assez considérable). Si vous aimez Reger, bien sûr ; mais aussi si vous le détestez, puisque ça n'y ressemble en à peu près rien !


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Henri Rabaud – Mârouf, savetier du Caire

Revu à l'Opéra-Comique : Minkowski et l'ONBA, avec Bou, Santoni, Teitgen, Leguérinel, Peintre, Legay, Contaldo, Yu Shao, Bertin-Hugault…

Un extraordinaire babillage sous forme de pastiche orientalisant exubérant et complexe, ravélien en 1914, harmoniquement aussi avancé que Schreker à la même époque. Toujours stupéfiant.

Distribution de feu (Bou a encore gagné en vaillance, et quel acteur !), production Deschamps qui reste aussi réjouissante, et grande et belle surprise de l'ONBA, rajeuni et féminisé, tendu à bloc, d'une acidité si française !
(Certes, toujours la même tendance à ne pas faire la même longueur d'archet, et à finir par ne plus vibrer les notes, sur les dernières chaises… mais ça ne se percevait pas à l'oreille)

Le reste de la distribution est très adéquat, en particulier la haute stature de Teitgen qui s'acquitte parfaitement de la lourde tâche de succéder à Courjal (le timbre est un peu moins immédiatement séduisant, mais le résultat est tout aussi convaincant, comme toujours), et Lionel Peintre, avec son émission de baryton ténorisant complètement ouverte, en grande forme hier soir.


Il y a clairement un vivier à faire renaître, des œuvres beaucoup plus audacieuses et personnelles qu'il n'y paraît, dans ce début de siècle français. A. Bloch, Dupont, Hirchmann, Nouguès, Gunsbourg, Salvayre
On se trompe en le limitant à debussystes vs. tradis.

Parmi les grands moments :
∆ la folle embardée de la bastonnade (à la façon de la reprise hystérisée de Robert le Diable par Korngold (voir ici : http://carnetsol.fr/css/index.php?2010/08/20/1587-fortune-de-robert-le-diable ),
∆ les doublures exaltantes de la marche du Sultan,
∆ le grand numéro polytonal au III, façon Aladin de Nielsen,
∆ la magie de la Caravane,
∆ les pizz et staccatos omniprésents,
∆ les rythmes complexes, les harmonies surprenantes qui outrepassent de très loin le prétexte de la couleur orientale outrée,
∆ le concerto pour harpe permanent (jamais vu autant), dans opéra ou symphonie !

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[Rappel : les tartelettes sont toujours positives. Une tartelette n'appelle pas forcément la réécoute, mais leur présence indique que j'ai (subjectivement) apprécié, ce n'est pas une note sur cinq, rien à voir. Elles ne concernent que les compositions, pas les interprétations.]

À bientôt pour de nouvelles aventures !

vendredi 20 avril 2018

Les meilleures versions symphoniques de Star Wars


1. La part de Williams

Il y a assez longtemps que j'ai découvert que ce qui m'avait toujours le plus fasciné dans Star Wars, longtemps avant que je ne devienne mélomane, à l'âge où l'on est fasciné pour les cabrioles néons à la main, était le pouvoir de suggestion de sa musique. Bien sûr, l'univers est riche et cohérent, parvient très adroitement à faire référence à des cultures diverses ainsi qu'à lui-même, l'équilibre entre épopée et humour, tout ce qu'on voudra ; mais je crois que c'est réellement la musique qui, même pour les non mélomanes, fait tenir tout cela. Figurez-vous du Glass ou un discipline un peu terne d'Alfred Newman, et considérez ce que ce pourrait donner. Il n'y aurait probablement pas eu de suite.

Les thèmes wagnériens, les élans richardstraussiens, les bataillées marquées par Stravinski et Prokofiev, tout cela aboutit pourtant à un ensemble très varié stylistiquement mais cohérent, interpénétré de lui-même, largement fondé sur la technique du leitmotiv utilisée par Wagner et Strauss. À la fois limpide dans ses thèmes et atmosphères pour le grand public captivé par l'action, et remarquablement soigné et inventif dans le détail. Surtout, tout cela porte l'essentiel des atmosphères, même si les films (enfin, certains…) disposent de leurs propres considérables vertus.

Au demeurant, John Williams, très talentueux creuset du meilleur de la musique qui l'a précédé (il a même recréé, vraisemblablement sans la connaître, un des beaux passages de la Natursymphonie de Hausegger), m'impressionne moins dans ses autres œuvres : chacune a sa couleur propre, mais les thèmes ne paraissent pas à ce point tous dériver les uns des autres, ni mener aussi décidément la conduite du drame lui-même.
Il y a tout de même de belles choses à entendre en dehors des fanfares de Superman ou des hymnes d'Indiana Jones, comme son Concerto pour basson, qui sans être un chef-d'œuvre, dispose d'un charme plus spécifique que ses autres concertos (qui sont pourtant plus ambitieux).



kozena_vader
All this time, Darth Maugda was a hidden Sith Lord.



2. Star Wars sous son meilleur jour

Lorsqu'on est vraiment intéressé par la question, l'univers SW est assez peuplé en fans pour mettre la main sur les BOs complètes, incluant l'accompagnement des dialogues saccagés par le texte et les bruitages (dans la prélogie, il est vraiment difficile d'entendre la musique de certains moments), même lorsqu'il n'y a pas eu de publication officielle en disque de l'intégralité de la musique. Les partitions, intégrales ou réduites, aussi s'achètent ou s'échangent assez aisément.

Néanmoins, le plaisir de voir en action tout cela est assez particulier, et je vous suggère donc le meilleur de la très abondante offre vidéo.

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a) La plus belle Suite

La Suite traditionnelle (Fanfares d'ouverture du IV, Thème de Leïa du IV, Marche impériale du V, Salle du Trône du IV) existe en de très nombreuses versions.

La limpidité et l'élan de celle du Philharmonique de Bergen dirigé par Andrew Litton surpasse tout ce que j'ai entendu par ailleurs. C'est peut-être également lié à mon tropisme, que je ne nie pas, pour les timbres acidulés et clairs des orchestres nordiques (et en particulier norvégiens), dont Trondheim, Bergen, la Radio Norvégienne et l'Opéra d'Oslo sont les plus exaltants représentants.

La vidéo est disponible uniquement sur le site de critiques Bachtrack, qui dispose de tout un fonds établi en partenariat avec de très grands orchestres européens de première veine, simplement moins célèbres qu'Amsterdam ou Berlin : Philharmonique de Bergen, Radio Norgévienne, Chambre de la Radio Néerlandaise mais aussi, très abondamment représentés au disque, Symphonique de Göteborg (DGG, Chandos), Philharmonique Royal de Stockholm (BIS) et Gürzenich de Cologne (EMI, Oehms).
Pourquoi cacher ainsi ce fonds extraordinaire dont la visibilité doit être dérisoire par rapport aux maisons qui diffusent directement sur YouTube, comme la Radio de Francfort (ou, plus épisodiquement, le Symphonique de Trondheim) ?  En tout cas, il existe, et mérite véritablement de s'y attarder, de s'y perdre même.

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b) La Suite alternative

Encore à Bergen, où Edward Gardner (décidément, les grands chefs ne se trompent pas et s'y succèdent, comme Urbański à Trondheim…) a donné en plein air la Suite, un peu moins léchée (et puis amplifiée…), mais sous un état différent, la Marche Impériale étant incluse dans le premier numéro habituel, et le thème de Leïa étant remplacé par le thème de Rey – une des grandes réussites musicales des derniers épisodes, là aussi simplicité et typicité, même si l'imaginaire sonore de Williams semble s'être sensiblement déwagnérisé. Voyez cette présentation qui met en valeur se trois principaux motifs (le premier rythmique, les deux autres plus mélodiques).

On trouve aussi, tiré du même concert, les Suites de Harry Potter et de James Bond (incluant le générique historique et un arrangement de Skyfall !).

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c) La (très) grande Suite

Mais, plus important que tout cela, l'Orchestre National du Danemark a donné un concert constitué d'une heure (contre 15 à 30 minutes pour les Suites habituelles) de musique tirée des deux trilogies. Il existe certes orchestres plus virtuoses ou chatoyants en Europe, mais il peut tout jouer néanmoins, et se trouve dirigé par Antony Hermus, manifestement très enthousiaste – et un spécialiste des musiques germaniques décadentes.
[Vous pourrez également trouver une courte Suite de Star Trek par le même orchestre, qui juxtapose les musiques des différentes productions, depuis TOS – les ondes Martenot y sont remplacées par le chœur ! – jusqu'aux derniers films, en passant par Jerry Goldsmith évidemment.]

C'est une occasion assez rare de voir jouer certains moments emblématiques dans les films, mais peu donnés au concert : les grands affrontements (contre Darth Maul dans le I, sur la planète-fonderie dans le III), les tricots vénéneux de l'incertain thème d'Anakin (début du III), les élans lyriques des scènes d'amour sur le balcon de la Résidence d'Été de Naboo (dans le II)…

Bien sûr, j'aimerais aussi voir toutes les musiques de transition et de dialogue, comme Naxos l'a fait en reconstruisant The Sea Hawk (partition détruite) de Korngold, et cela s'écoute remarquablement en musique pure, tout autant les passages masqués, d'autant plus dans des partitions où chaque articulation est soignée (beaucoup de musiques de film peinent à survivre sans l'image, même en en conservant les meilleurs morceaux).

Je compte pour cela sur les ciné-concerts (où, certes, les dialogues et bruitages vont concurrencer pour partie la musique), et il se trouve que la Philharmonie me fait la saison prochaine la grâce (par mon chouchou l'ONDIF, de surcroît !) de programmer quatre journées de la saga (IV,V,VI,VII). Que j'ai hâte de pouvoir contempler dans leur entièreté, donc.

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d) Vieilles références

Bien sûr, John Williams, lui-même chef très compétent, demeure très fréquentable dans ses œuvres (ici, le thème de Rey par le Symphonique de Seattle, qui ne m'avait jamais frappé par son caractère si capiteux !), en particulier dans les originaux avec le LSO. On peut en particulier y savourer le timbre inimitable du cor de David Cripps, vraiment différent de ceux qu'on entend d'ordinaire, que ce soit chez les anciens ou chez les modernes.




finley windu
As powerful as Master Findu.



3. Star Wars sur sol

J'ai conscience que Williams n'a pas toujours bonne réputation auprès des mélomanes classiques ; pourtant, c'est un formidable terrain de jeu pour tous les wagnéro-straussiens, on y trouvera le même genre d'amusette.

Il a bien sûr été question de Star Wars sur CSS à de multiples reprises, sur le plan musical. Notamment autour de ses adaptations, comme ces incroyables compositions pour deux pianos à partir du matériau de Williams, ou ces réjouissants pot-pourris pour piano en costumes.

Et, bien sûr, l'hilarant hommage choral de Moosebutter (citations de répliques de Star Wars sur des musiques de Williams dont aucune n'est Star Wars), qui a été très populaire chez les chœurs américains pendant quelques années.

En attendant les nouveautés du prochain volet (il y en a toujours un prochain pas loin, forcément).

Notez bien que les illustrations sont réalisées sans trucage : simple cadrage sans aucune retouche.

mercredi 4 avril 2018

Avril périls fertiles


(Me voilà prêt à écrire un livret de Wagner – ou un titre de Boulez.)

Comme naguère, vous trouverez ici le planning PDF où apparaissent tous les dates et lieux sélectionnés, quantité de petits concerts (ou au contraire de concerts très en vue) dont je ne parle pas ci-dessous.

N'hésitez pas à réclamer plus ample information si les abréviations (tirées de mon planning personnel, destiné au maximum de compacité) ou les détails vous manquent.
(Les horaires indiqués le sont parfois par défaut par le logiciel, vérifiez toujours !)



0. Rétroviseur

Auparavant, les impressions de mars, cliquez pour lire les impressions succinctes sur les œuvres et les interprètes :

►#68 L'Amour africain de Paladilhe. Première mondiale, une Ariadne à la française autour du personnage d'un vieux Prix de Rome déprimé, farci d'ensembles facétieux. Notule complète.
►#69 Le défi (relevé) de My Fair Lady de Loewe par la Maîtrise Populaire de l'Opéra-Comique.
►#70 Pelléas, la pièce de Maeterlinck.
►#71 La Symphonie de Franck et Mahler n°1 sur instruments anciens français et viennois.
►#72 La Symphonie Fantastique dans les murs (égyptiens) de sa création !
►#73 La Princesse légère de Violeta Cruz, un problème d'étiquetage.
►#74 Ives et Mendelssohn (n°3) au CNSM.
►#75 Programme Schumann du LSO et Gardiner.
►#76 Rikako Watanabe, Improvisations sur de vieux poèmes japonais. Par le remarquable pianiste Tsubasa Tatsuno, également inspiré dans les Études de Debussy.
►#77 Suite algérienne de Saint-Saëns, Symphonie afro-américaine de Still, Passacaille de Tan Dun… par les étudiants de la Sorbonne.
►#78 La Messe de Bernstein, un dépaysement.
►#79 Das Rheingold par le Mariinsky. Quels chanteurs miraculeux…
►#80 Die Walküre par le Mariinsky (déjà abordé certains détails de l'œuvre à cette occasion dans la dernière notule)
►#81 Schumann 1 et le Divertimento de Bernstein par la Radio Bavaroise et Jansons (pas vraiment impressionné, étrangement).
►#82 Tchaïkovski 2 & 4 ébouriffants par l'Orchestre de l'Opéra.
►#83 Lauréats de la Fondation de France (et présentation du compositeur Eugène Bozza, Prix de Rome).
►#84 Mahler 4 par Hengelbrock.
►#85 Classe de direction de chant (opéra français XIXe, ici), d'Erika Guiomar, toujours un grand moment. Pas encore commenté en détail, c'est en cours.
►#86 Auber, Le Domino noir (Hecq-Davin)

Et quelques déambulations illustrées :
☼ balade de printemps, de Luzarches à la Malmaison (en cours de narration).



00. Manqué !

En raison de l'expiration de mon Pass UbiQui'T, je n'ai pu tout voir, tout entendre. Voici, à titre purement indicatif, quelques autres soirées qui ont attiré mon attention, à titre de curiosité.

Opéra / ballet
● Gluck, Orphée et Eurydice traduit en allemand (version Bausch, avec Hengelbrock et son ensemble).

Musique chorale ou sacrée
● Leçons de Ténèbres de Couperin à l'Oratoire du Louvre (Les Ombres, avec un duo plus équilibré que dans leur disque : Warnier, Margouët). Mais comme du fond on n'y voit rien (et que c'est cher sinon), j'ai dû m'en passer.
● Chœurs français de Paladilhe à Ravel par le Palais-Royal.
● Chœurs russes par le COSU (notamment Schnittke !).

Musique symphonique
● Musiques de plein air de Haendel par les Folies Françoises.
● Schumann n°2, Hindemith Kammermusik n°4, OP-Harding.
● Intégrale Brahms par Brême et P. Järvi au TCE.
● Sibelius n°3 par l'OPRF.
● Copland, Barber, Bernstein, Márquez, J. Williams pour cuivres aux Invalides.
● Weinberg n°4 par le Philharmonique de Varsovie et Kaspszyk (!), à la Seine Musicale. (Ça s'est contre toute attente trop bien vendu, il ne restait plus de places abordables… La Quatrième n'est certes pas la meilleure de Vainberg, loin s'en faut, mais tout de même, entendre cet orchestre en vrai dans un répertoire aussi spécialisé !)

Musique de chambre
● Récital à deux clavecins, dont du Couperin (Cuiller), à Soubise. Gratuit en plus.
● Intégrale du violon solo de Bach par K.W. Chung au TCE (annulé).
● Quatuors avec piano de Schumann et Chausson au CNSM (et étudiants de Manchester).
● Anniversaire Debussy au Ministère de la Culture.
● Trio et soprano : Wagner, Debussy, L. Boulanger, au Musée d'Orsay.
● Debussy et Durosoir pour violoncelle et harpe, CNSAD.

Airs de cour, lieder & mélodies
● Monteverdi par Desandre et Dunford, salle Cortot.
● Purcell accompagné par Achten au Théâtre Grévin.
● Purcell et Haendel par Zaïcik et le Taylor Consort.
● Lieder de Spohr avec clarinette et piano (et Cécile Achille !) au CNSM.
● Mélodies symphoniques françaises (dont du Théodore Dubois) par Piau et Chauvin à la Seine Musicale, là encore hors de prix sur les places restantes.
● Soldats musiciens (classe d'Anne Le Bozec et étudiants du Conservatoire de Manchester).
● LeMarois, musique de chambre de Franck, Chausson, Debussy, M. Emmanuel, Rochberg.

Ciné-concert
● Muets de la Première guerre accompagnés par des étudiants du CNSM

Masterclasses
● Quatuor Modigliani au CNSM.
● Gary Hoffman au CNSM.

Théâtre
● Lecture d'Empereur et Galiléen d'Ibsen au Théâtre du Nord-Ouest.



À présent, la prospective.

J'attire en particulier votre attention sur quelques perles.

(En rouge, les œuvres rarement données – et intéressantes !)
(En bleu, les interprètes à qui je ferais confiance, indépendamment du seul programme.)



A. Opéras & cantates

Gluck, Orphée & Eurydice(version de Paris traduite en allemand – apparemment version de Paris avec orchestration Berlioz aussi, les indications que je lis ne sont pas toutes cohérentes). Si jamais vous n'avez pas attentivement regardé la saison de ballet (version Pina Bausch), vous êtes peut-être passé à côté d'une version de cet opéra avec, selon les dates, Wesseling et Hengelbrock (avec son ensemble radical sur instruments anciens et non avec l'Orchestre de l'Opéra). Les extraits entendus, en revanche (série de 2014, mêmes Orphée & Eurydice, même orchestre, même chef), ne paraissent vraiment pas très tendus – plutôt le côté étique du son du Balthasar-Neumann Ensemble, et une distanciation liée au dispositif du ballet, qui semblent l'emporter en fin de compte.

Auber, Le Domino noir. Une de ses œuvres les plus célèbres – possiblement parce qu'une des plus accessibles au disque, le studio Bonynge avait été largement distribué –, et incontestablement parmi les bons Auber, une intrigue vive, une musique toujours agréable et élégante. Ce n'est pas délirant comme Les Diamants de la Couronne, ni enjôleur comme Haÿdée, cependant on demeure dans cet esprit français de quiproquos charmants. Nettement plus dense musicalement que La Muette de Portici (malgré son ambition, et son importance historique), ou que Fra Diavolo. À partir du 26 à Favart – splendide plateau, comme c'est devenu la règle dans cette maison. Jusqu'au 5.

Berlioz, Benvenuto Cellini. Le seul opéra un peu normal de Berlioz, et pourvu de fulgurances incroyables pour autant, surtout dans sa version avec récitatifs. Quels ensembles virtuoses !  L'accueil de la production Gilliam a été moins unanime à Paris qu'à Londres, mais c'est un très beau plateau, et apparemment une scène assez vivante (que ce soit trop ou bien a été sujet à débat). Je ne vais qu'à la dernière, pour que l'Orchestre de l'Opéra commence à jouer de façon un peu intéressante, donc ne m'attendez pas pour vous décider… Jusqu'au 14.

Lehár, Die lustige Witwe. Spectacle donné dans le cadre des cours de pratique scénique d'Emmanuelle Cordoliani au CNSM (accompagnement au piano par de remarquables chefs de chant), en général très féconds et agréables à voir. Sans moyens, souvent tout à fait captivant – ce qui n'est pas toujours le cas des productions dispendieuses où les vedettes de la mise en scène font joujou avec leur dispositif au lieu de s'occuper des acteurs et du texte. Et bien chanté. Et gratuit. (Les 12 et 13.)

Rabaud, Mârouf, Savetier du Caire. Une fantaisie picaresque orientalisante, un Peer Gynt des sables, dans une musique elle aussi luxuriante, hardie, assez indéfinissable, étrange sans être dépourvue de familiarité… Reprise, dans une distribution similaire, de la production qui avait été un grand succès de l'Opéra-Comique nouvelle manière (mais y a-t-il eu autre chose que de grandes réussites, dernièrement dans cette maison ?).

Atelier lyrique de Vincent Vittoz au CNSM les 5 et 6. Spectacle complet de forme variée, où le chant et le jeu sont sollicités, accompagnement au piano. Je n'ai pas encore pu obtenir le détail, mais j'ai réservé la date, toujours stimulant… Gratuit.
Mise à jour, voici. Inspiré de tableaux (dont la Nuit étoilée et la Grande Jatte), 8 petits récitals incluant Haendel, Mozart, Schubert, Loewe, Wagner, Massenet, Offenbach, Puccini, Berg, L. Aubert, Respighi, Barbara, Kosma, Messiaen, Berio, Sondheim, C.-M. Schoenberg… et Sardou (non, pas le dramaturge) !



B. Musique chorale

Motets de la famille Bach et de Kuhnau (le 3). Le meilleur de la production sacrée de Bach, riche en tuilages, mais aussi en mots et en émotions, moins formel que d'autres partitions… celle de ses ascendants et contemporains est de la même farine, vraiment réjouissante.

Mendelssohn, Elias, comme la saison passée à la Philharmonie et sur instruments anciens, cette fois avec le très capiteux Freiburger Barockorchester et Pablo Heras-Casado, qui avaient totalement renouvelé le spectre sonore des symphonies. Avec le RIAS-Kammerchor, Sophie Karthäuser, Matthias Goerne… voilà qui promet !

Clémence de Grandval, Stabat Mater. Compositrice prolifique, autrice de plusieurs opéras (dont un Mazeppa !), elle a consacré sa vie d'épouse de la bonne société à la composition. Élève de Saint-Saëns (et brièvement de Chopin pour le piano…), elle est même tardivement lauréate de plusieurs prix de composition (ce qui, en 1880 et 1890, n'est pas rien pour une femme). La Compagnie de L'Oiseleur redonne son Stabat Mater (en le chantant à un par partie avec accompagnement d'orgue, miam), après une première audition il y a quelques mois. Je n'ai pas été ébloui à la lecture de la partition, mais je leur fais confiance pour bien la servir, et pour avoir perçu des beautés simples qui m'auraient échappé – car ce n'est pas un discours hypermodulant, pour sûr, on se situe vraiment dans la veine majoritaire du style français du second XIXe, un peu lisse.

Jeunes chœurs (aguerris) de l'Orfeón Donostiarra et de l'Orchestre de Paris dans un programme essentiellement basque (mais pas de chants traditionnels), le 8.



C. Musique symphonique

La Symphonie en mi de Rott (car il en existe une autre, en la bémol, bonne mais senseiblement moins marquante), une merveille dont il a souvent été question dans ces pages (et une des œuvres les plus jubilatoires du répertoire, pour qui aime le formalisme de Brahms-Bruckner-Mahler), par Constantin Trinks, qui vient d'en enregistrer une bonne version.
Couplé astucieusement avec la Totentanz et le Premier Concerto de Liszt par Berezovsky pour assurer le remplissage. Tant que ça me permet d'avoir du Rott programmé, je marche – même si je n'aurais pas rechigné, à entendre le Quatuor en première partie (ou une petite suite de Klami…). Le 13.

Suite de Ballet de Reger, Sérénade de Glazounov, Second concerto pour violon de Chostakovitch, par l'excellent ensemble orchestral (qu'il faudra bien baptiser un jour !) d'Éric van Lauwe. À Saint-Joseph-Artisan, le 21. Libre participation.

Maiblumen blühten überall, courte mélodie (ineffable) pour sextuor et soprano, puis la Symphonie Lyrique, de Zemlinsky (une œuvre à laquelle je tâche activement de me convertir, assez convaincu en orchestration de chambre, à rester cette fois grandeur nature), avec Aga Mikolaj (une gloire du chant slave, impressionnants moyens et grande générosité) et Christopher Maltman.

Concerto pour violoncelle n°1 de Martinů (Sol Gabetta, OPRF, Franck). Une petite merveille aux accents américains, mais très différent de Dvořák évidemment, plus expérimental, presque néo- par endroit. Peu souvent donné et très beau (il n'y a pas tant de concertos pour violoncelle pas lourds-pateux, finalement). Couplé avec les Pins de Rome et les plus rares (et roboratives) Fontaines de Rome de Respighi, dans une veine moins élégante – mais paraît-il assez spectaculaire en salle. Le 6.

♦ Au sein d'un programme de tubes absolus, un extrait de Qsar Ghilâne de Florentz, un monument de chatoyance. Par les Lamoureux et Deroyer, en espérant que ce soit la minutie (pas très exubérante) de Deroyer qui prenne le pas sur la somnolence des Lamoureux devant le public du dimanche après-midi…



D. Musique solo et chambriste

Duo de guitares : Couperin, Scarlatti, Haydn (Op.2 n°2), Sor, Granados, Castelnuovo-Tedesco. La guitare polyphonique (et a fortiori à deux) est l'une des plus belles choses qui soient. Le 11.

6 Sonates pour clavecin de C.P.E. Bach, le 25. Gratuit.

Un quintette avec hautbois de Kreutzer et une pièce violon-piano de Baillot (avec Mozart et Beethoven), mais dans la cathédrale des Invalides, annonçait la brochure de début de saison (on ne devrait à peu près rien entendre). À vérifier, le 13.

♦ Le violoncelle français par Raphaël Pidoux : Duport, Franchomme, Bréval… pour une somme très modique, mais c'est le midi (le 13).

Trios de Beethoven arrangés pour alto, violoncelle et piano. Voilà qui doit donner du grain !  Le 9.

Arrangements de lieder par Liszt, pour piano solo : mélodies de Chopin, lieder de Schumann, Parsifal… et les 12 Études. Bertrand Chamayou, le 6.

Orgue : Mendelssohn (Sonate n°6), Peeters, Guillou, choral de Bach à Saint-Louis-en-l'Île.Le 8. (Gratuit, je crois.)

Till l'Espiègle de Strauss réduit pour quintette à vent (et l'Octuor de Schubert). Le 23, Bouffes-du-Nord.

♦ Œuvres pour ensemble de violoncelles : Second chant de Nyandura de Florentz, Bachianas 1 & 5 de Villa-Lobos, le classique Messagesquisse de Boulez, et une création de Nicolas Charron, à l'Amphi Bastille, le 16.

24 Préludes pour violon solo de Weinberg, et du Pärt, de Pelécsis, du Čiurlionis, et 5 pièces de Pushkarev qui accompagne au vibraphone Gidon Kremer. Désormais trop cher pour moi au Musée d'Orsay (40€ pour un concert de musique de chambre), mais programme aventureux très intriguant (d'autant que j'aime bien Vainberg et Čiurlionis).

Œuvres de Nguyen Thien Dao jouées en hommage à la Médiathèque du CNSM. Gratuit.



E. Lieder, mélodies & airs de cour

Monteverdi, Rovetta et Cavallli avec accompagnement de guitare baroque… et Zachary Wilder (ténor spécialiste passé par le Jardin des Voix, doté d'une très belle projection), le 9.

Musiques jésuites baroques latino-américaines par Kusa, Mancini et Egüez. Bárbara Kusa excelle dans ce exercice d'airs baroques aux confins du populaire, avec une technique lyrique qu'elle coule très avisément dans les autres styles. Le 4.

Airs et cantates de LULLY (Ballet royal de la Raillerie, Grotte de Versailles, Bourgeois gentilhomme, Atys), Jacquet de la Guerre, Mouret, Steffani, Caldara, Vinci… par Cécile Madelin et Paul-Antoine Bénos, deux des tout meilleurs truchements du répertoire baroque français. Le 28.

Mélodies françaises de Berlioz, Fauré, Chausson, Debussy, Hahn (dont rare Charles d'Orléans), Séverac, par Léa Desandre. Petit volume et bonne diction faits pour ce répertoire. Le 26.

Mélodies françaises célèbres, accompagnées par le piano, la flûte et le violoncelle dans diverses configurations. Beaucoup de tubes à mon gré (il a fallu acheter ça à l'aveugle), et de pièces instrumentales dont la plus-value me paraît discutable dans ce contexte (Isle joyeuse, Clair de lune piano-flûte, Gnossienne 1, Sicilienne et Élégie de Fauré en flûte/violoncelle-piano). Néanmoins, le plaisir d'entendre Anne-Catherine Gillet dans l'exercice de la mélodie me convaincra peut-être d'aller entendre ces standards (Invitation au voyage, Berceaux, Après un rêve, Heure exquise, Je te veux, Les Chemins de l'amour… à part un Massenet, un Saint-Saëns et un Dell'Acqua, rien que du très célèbre). Le 26

Lieder de Pfitzner, Wesendonck-Lieder pour baryton, par Matthias Goerne. (Et puis du Wolf et du Strauss.)  Le 22.

Canciones, notamment de Granados, par Adriana González, grande curieuse de la mélodie (et ancienne de l'Atelier Lyrique de l'Opéra). Une bonne voix par ailleurs. Le 12.

Mélodies de Čiurlionis, Tormis, Pärt et mélodies françaises, alternant avec des contes Baltes (Anne Baquet et Isabelle Grandet). Le 14.




F. Autres répertoires

♦ Nuit de l'oûd à la Cité de la Musique, du 6 au 7.



G. Pour le plaisir de retrouver quelques chouchous

♦ Trio Sōra dans Haydn 43 et Schubert 2, au Château d'Écouen. Gratuit mais déjà complet depuis un moment.

♦ Stanislas de Barbeyrac à l'Éléphant-Paname. (C'est cher, mais on vous offre la coupe de champagne. Bon.) Je ne disposais pas du programme, mais il vient d'en donner un superbe à l'Athénée (Nuits d'été et Ferne Geliebte).

♦ Paavo Järvi dans une intégrale Brahms au TCE, sans doute plutôt allégée, avec la Deutsche Kammerphilharmonie Bremen. (Les 4 & 5.)



H. Cours publics et masterclasses

♦ L'immense violoncelliste Gary Hoffman au CNSM de 10h à 17h30 les 3 et 4. Gratuit.





I. Théâtre

Phèdre de Sénèque à partir du 29 avril, au Studio de la Comédie-Française (galerie du Carrousel du Louvre). Malgré l'horaire difficile (18h30), c'est déjà complet depuis longtemps sur toutes les dates.

Shakespeare, As You Like It jusqu'au 13 avril à Malakoff (en français).

Faust de Goethe au Vieux-Colombier à partir du 21. Pas vérifié quel état du texte, ni quelle traduction.

Hugo, Mille francs de récompense, tiré du théâtre en prose et « en liberté ». Pas là qu'on trouve le plus grand Hugo, mais il demeure toujours de solides charpentes, même dans les plus légères. À la Cartoucherie, jusqu'au 8.

L'intégrale Ibsen au Théâtre du Nord-Ouest (TNO sur le calendrier), de maintenant jusqu'à juin ! Certaines pièces sont simplement lues (par une ou deux personnes, selon les cas), mais beaucoup de très rares sur les scènes françaises sont représentées, notamment en ce mois d'avril Brand, La Ligue des Jeunes, Un ennemi du peuple… Téléchargez le calendrier de l'alternance sur leur site pour vérifier.
♦♦ J'avertis tout de même sur les conditions, que vous ne soyez pas surpris comme je l'ai été : très petits moyens (quasiment pas de décors ni d'accessoires), textes débités rapidement (une séance à 19h et une à 20h45, dans la même salle !), en général des coupures. Et surtout, des conditions sanitaires délicates : tenace odeur de tabac froid incrustée, ménage fait tous les six mois (ce n'est pas une image, on a demandé…), donc il peut y avoir, en soulevant les décors, de très importantes quantités de poussières dans l'air (suivant la date du dernier ménage). En principe, ils le font au début de chaque nouvelle série, ce doit donc être le bon moment pour y aller !
♦♦ Le TNO se décrit lui-même comme un phalanstère (qui doit plus coûter que rapporter !), il faut le voir comme une volonté militante de mettre en valeur un auteur dans son entièreté, pas en attendre la plus grande expérience de théâtre de votre vie.

Wedekind, L'Éveil du Printemps, une pièce pleine de sève, à la Comédie-Française à partir du 14.

Adaptation de Kristin Lavrandsdatter de Sigrid Undset (au TNO) – un roman à l'origine ; au Moyen-Âge, une femme déchirée entre sa liberté et sa religion.

Ménagerie de verre de Tennessee Williams au T2G (Gennevilliers), jusqu'au 2. Et à Saint-Quentin-en-Yvelines le 7. (On m'a dit que c'était bien.)



J. Expositions

Ultima Thulé, photographies du Groenland à la Maison du Danemark sur les Champs-Élysées. Gratuit, je crois.

♦ Je ne fais pas la liste de ce qui passe au Louvre, à Guimet et dans les autres grandes maisons, Exponaute le fait très bien, et aprèsle renouvellement de printemps, je n'ai encore vu à peu près aucune des nouvelles.



K. Biz & bicrave

Toutes l'année, suite à des ajustements d'emploi du temps (et quelquefois simplement pour aller à un autre concert !) je revends des places, bien placées, pas chères.

Par ici.

(En ce moment, Ives 4, Zemlinsky Lyrique, Parsifal…)



Bon défis d'avril !

David Le Marrec

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