Puissance, volume, projection et résonance
Par DavidLeMarrec, jeudi 16 avril 2009 à :: Pédagogique - Glottologie :: #1206 :: rss
Quelques termes souvent confondus. La distinction est simple.
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Volume (ou puissance) :
Le volume est le nombre de décibels produit par une voix (ou un instrument). C’est une valeur absolue, mesurable, et souvent liée à la nature de la voix (bien sûr développée par le travail).
Dans certains répertoires, mieux vaut disposer à la fois d'une grande puissance et d'une excellente projection.
Wagner vu par Kietz en... 1840 ! On n'avait encore rien vu.
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Projection :
La projection désigne la façon de « faire passer » un son, même faible, de façon à ce qu’il soit entendu. Cela passe tout simplement par une concentration du faisceau sonore. On peut ainsi rendre audible un son très fin et doux dans une grande salle.
Dans le chant lyrique, la bonne projection passe souvent (pas toujours), outre par un bon soutien indispensable (c’est-à-dire une bonne maîtrise du souffle), par l’usage du formant du chanteur, c’est-à-dire d’un réseau d’harmoniques qui ne sont pas présentes dans les orchestres et qui permettent de se faire entendre longuement et sans se fatiguer derrière le mur sonore d’un orchestre.
D’autres traditions lyriques n’imposent pas l’usage du formant du chanteur :
- lieder et mélodies (avec piano), vu l’équité des forces sonores en présence ;
- musique sur instruments anciens, parce que les instruments naturels ont des harmoniques différentes de celles de la voix chantée, et ne risquent pas la recouvrir. C’est une des raisons (en plus de l’allègement des effectifs, de l’incisivité des traits de la suppression du vibrato) pour laquelle on entend mieux les détails dans un orchestre baroque ;
- chant de flamenco ou de muezzin, puissants et bien projetés, mais brefs (et sans orchestre pléthorique…) ; l’effort articulatoire est intense, mais sans nécessité de durée comparable à un opéra.
Pour la tradition chinoise, on s’était posé la question de l’utilisation du formant (on pourrait le faire aussi sur la couverture des sons, qui ne semble pas pratiquée, ou en tout cas pas de la même façon). Ce n’est peut-être pas nécessaire en raison de l’utilisation d’instruments naturels, mais tout de même, ces voix semblent bien robustes et solidement projetées… est-ce le miracle du seul souffle, ou y a-t-il bien sollicitation de résonateurs amplificateurs ? (Dans le cas du formant, ce sont les os du crâne qui produisent les harmoniques recherchées.)
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Résonance (ou « impact physique », ou « présence ») :
Certaines voix (et en particulier les voix graves d’homme) ménagent des surprises lorsqu’on les entend en salle ; un impact physique particulier se dégage, une fréquence qui semble courir sur la peau ; ou bien une résonance qui semble venir de toute la salle et nous envelopper. Ou, simplement, un halo qui dépasse la voix.
Dans le premier cas, on peut citer Mireille Delunsch, voix peu puissante, imparfaitement projetée, mais qui dispose, en plus des qualités de l’interprète aux commandes, d’un véritable contact physique avec l’auditeur, quelque chose de très spécifique.
Dans le deuxième cas, on peut citer certaines voix de basse, comme Nicolas Testé (dont la voix sonne si sèche et malingre au disque !), mais l’exemple le plus impressionnant que nous ayons rencontré demeure Matthias Goerne, semblant contenir la salle dans sa voix, semblant chanter depuis les murs du théâtre.
Par ailleurs, bien des voix de basse de qualité (en particulier les physiques longilignes) disposent d’un « halo » surnaturel autour de leur voix, qui ne passe pas non plus à la radiodiffusion. Par exemple, pour parler de chanteurs encore jeunes, bien que leur carrière soit déjà ancienne, Jérôme Varnier et Fernand Bernadi – ce dernier dispose d’une cavata, c’est-à-dire d’une ampleur, proprement magnétique.
On rappellera aussi la surprenante expression de Sylvie Eusèbe, entendant Alan Ewing chanter en double.
C’est pour cela qu’il faut toujours être prudent tant que l’on n’a pas entendu une voix « en vrai ». Bien des carrières brillantes s’expliquent par cette présence particulière. [Et, au contraire, des voix de studio charismatiques se révèlent étouffées... On a discuté récemment de Laurent Naouri ou Nathan Berg.]
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En somme :
Ainsi, trois critères différents :
- la puissance (les « grosses voix »), qui peut ne servir à rien si la voix est mal projetée ;
- la projection (la capacité à se faire entendre parfaitement, même avec un filet de voix), essentielle à l’opéra ;
- la résonance, l’impact physique, qui distinguent certaines voix très marquantes dans les salles de concert, et qui sont inaudibles sur les enregistrements.
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