Carnets sur sol

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samedi 30 septembre 2023

#ConcertSurSol #14 : Richard Strauss, Josephs Legende


Richard Strauss
La légende de Joseph – Fragment symphonique

Richard Strauss
Concerto pour violon

César Franck
Symphonie en ré mineur

Orchestre de Paris
Paavo Järvi, direction
Renaud Capuçon, violon

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Après l'annulation en début d'année par le Philharmonique de Radio-France, revoici La Légende de Joseph, un ballet de R. Strauss créé à l'Opéra Garnier en 1914, sur un argument de Hofmannsthal et Kessler.

Sujet assez bizarre en soi, entièrement centré sur la concupiscence de la femme de Potiphar (l'officier de Pharaon qui rachète Joseph, vendu initialement par ses frères) : la Sunamite (Sulamith) qui réchauffe David et fait tant fantasmer les compositeurs du temps – Rubinstein, Klenau y ont sacrifié de belle façon (parfois en la combinant avec celle, élusive du Cantique des Cantiques – se retrouve à danser pour la fête liminaire, Joseph rêve sans cesse à son ange gardien, qui finit par le libérer magiquement de ses chaînes lorsqu'il est découvert nu (malgré lui) dans les bras de la femme de Potiphar… Celle-ci finit étouffée avec son collier de perles – là aussi, une obsession pour le lien entre sexe, bijoux et mort est très répandu dans les opéras du temps, c'est le nœud de Der Schatzgräber de Schreker (et l'histoire de son héroïne Else) par exemple, et très présent jusque dans les opéras français (l'anneau de Mélisande, les longs cheveux parés avec lesquels Genièvre se pend…). Mais le détail qui me ravit le plus, c'est l'ouverture de la fête chez l'officier de la Cour de Pharaon, dans eine mächtige Säulenhalle im Stille des Palladio (« un majestueux portique dans le style de Palladio »), bref, dans un palais d'allure grecque dans le style vénitien du XVIe siècle…

Hélas, il ne s'agissait que des « fragments symphoniques », arrangés par Strauss à la fin de sa vie pour permettre des exécutions en concert. 20 minutes au lieu d'1h10, ce qui laisse moins le temps de s'immerger et ne fait qu'accentuer l'impression générale d'une certaine extériorité émotionnelle – c'est déjà une musique assez peu dramatique, très décorative en un sens malgré ses innombrables contrastes –, en sélectionnant une poignée de numéros, et pas forcément les plus différents – il manque aussi tous les « ponts » écrits pour les pas d'action.

Il n'empêche que je reste très admiratif devant le savoir-faire orchestral immense du compositeur, multipliant les trouvailles et lançant sans compter toute la générosité sonore dont il sait faire preuve. L'élan mélodique, les ruptures harmoniques dès que le confort pourrait s'installer, le renouvellement des scintillements orchestraux ne s'arrêtent jamais, c'est d'une richesse assez insensée – il manque simplement le drame et la menace qui, eux, sont bien mieux sensibles dans le ballet intégral (qui pour autant ne se départit jamais complètement d'un certain sourire). Avec une chorégraphie, l'effet incantatoire doit être saisissant !
Voilà qui serait un beau projet, faire renaître un ballet avec un sujet biblique, une musique jamais donnée et d'une qualité extraordinaire, des possibilités chorégraphiques très étendues (entre l'incursion du merveilleux et la variété très dynamique de la musique), on pourrait, en le vendant bien, en faire un événement ! (Mais j'ai quelquefois l'impression que je m'inquiète bien plus pour le rayonnement et l'avenir de la musique que nos amies les salles subventionnées.)

Je profite de cette notule pour tirer mon chapeau à Renaud Capuçon : avec le type de notoriété qu'il a, il pourrait très bien vivre de ne jouer que les concertos de Beethoven et Tchaïkovski (certains bien moins célèbres que lui y parviennent…), et pourtant il continue d'explorer des œuvres très rares et très exigeantes (en un an, à Paris on a pu l'entendre dans Korngold, Goldmark et R. Strauss !).
Je trouve en l'occurrence le concerto de Strauss particulièrement peu intéressant, et je l'avoue, le son, le phrasé très égal et legato de Capuçon me posent souvent des problèmes de compréhension dans les œuvres qu'il aborde (je ne perçois pas les articulations / les phrasés / la forme, joué ainsi), mais même si je ne suis pas inconditionnel du point de vue violonistique, je pense clairement qu'il est l'un des prophètes qui nous montrent la voie. Car il s'appuie sur sa célébrité non pour faire un concours sur qui entrera dans le Diapason de demain comme « le meilleur interprète de Brahms », mais se met au service du répertoire – et non seulement mène un vaste public à entendre autre chose, mais nous permet même à nous, mélomanes concertopathes purulents, d'accéder à des œuvres auxquelles nous n'aurions pas accès sans lui. Gloire à Renaud Capuçon.

Pour le reste, Paavo Järvi bâtit la tension avec énormément de science et de contrôle, construction très étagée, dans Strauss comme dans Franck – dont c'est une version tradi, pas forcément colorée mais très intelligemment articulée.

mercredi 27 septembre 2023

Wieck instrumentalisée



Manuscrit autographe d'Am Strande.

J'avouerai mon impatience devant la quantité hallucinante de disques et de concerts Schumann-Wieck-Brahms.

Bien sûr, tisser ensemble la musique des époux Schumann a du sens – ils l'ont eux-même fait dans leur musique, du moins au début de leur relation (Robert s'est vite renfermé et a relégué Clara aux tâches utilitaires comme torcher les gosses ou, musicalement, organiser les répétitions de ses œuvres les plus ambitieuses).

Pour autant, cette tendance suscite trois problèmes :

1) on entend toujours les mêmes œuvres. En général les romances violon-piano de Wieck, quelquefois (si on est veinard) un peu de piano solo ;

2) toujours en saupoudrage, on sent bien que Madame est le prétexte pour vendre de la cohérence programmatique et, idéalement, du rêve à l'auditeur. Vous pouvez chercher les disques Wieck agrémentés d'une pièce mineur de Schumann ou Brahms… il n'y en a pas ;

3) comme on est contraint par l'effectif instrumental embauché (et que manifestement les interprètes jouent ce qui leur tombe sous la main sans trop s'être posé la question de la contribution la plus significative de Wieck), on ne joue pas ses bonnes œuvres. Ce qui, en plus d'être rageant, a pour effet de renforcer le préjugé de « compositrice » / « femme-de » forcément inférieure aux grands hommes qu'elles accompagnent.

Or, autant les Romances violon-piano sont gentiment aimables, autant il y a quelques pépites pour piano (les deux scherzos !) mêlées à une production donc l'aire d'ambition semble davantage le salon que l'Histoire de la musique, autant les lieder sont tout à fait considérables, et parmi l'un des plus beaux corpus de tout ce premier XIXe siècle, à mettre aux côtés de Schubert, Loewe et Schumann. Beaucoup de traits la rapprochent de Schubert dans cette part de sa production : l'évidence mélodique, l'esprit de modulations toujours en lien étroit avec l'émotion du texte, la capacité à produire des lieder strophiques dont la substance est suffisamment adroite et évocatrice pour ne pas lasser ni se contorsionner à la redite… Et elle ne met pas non plus n'importe qui en musique (beaucoup de Heine et Rückert).

Hélas, je ne connais que très peu de disques (spontanément, je ne vois que le Bonney-Ashkenazy) qui prennent réellement au sérieux l'idée d'un panache des lieder des époux. Et on reste assez un nombre assez limité d'intégrales de ces lieder, malgré leur intérêt de toute première catégorie.

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Aussi, à la longue, j'avouerai que la paresse qui consiste à mettre les mêmes œuvres ensemble pour disposer d'un programme « l'amour incroyable des époux Schumann » (ce qui n'est pas du tout conforme à la réalité de leur relation passé les premiers mois du mariage – clairement Robert a vite arrêté de faire des efforts…), sans considération de la musique qu'il serait intéressante de montrer chez Clara Wieck, m'urtique un peu.
Quitte à proposent des constructions intellectuelles qui contraignent le choix des œuvres, au moins variez un peu vos choix et changez de disque !

On s'étonnera avec ça que le disque aille mal, quand des interprètes de peu de notoriété empilent les mêmes œuvres sans fin… il y a un moment où il n'y a plus de place sur le marché qui est déjà une niche. Non pas que les raretés se vendent bien, mais au moins le disque sert alors de document pour les générations futures. La nouvelle version des Romances (mineures) de Wieck par quelqu'un que personne ne connaît (et qui n'a pas toujours une proposition interprétative meilleure que les autres ni d'une étourdissante singularité), est-ce bien la bonne chose à enregistrer ?

Bref, écoutez les lieder de Wieck (très belle intégrale chez Hyperion, qu'on devrait bientôt trouver en flux), buvez de l'eau et ne vous énervez pas pour si peu.

mardi 26 septembre 2023

Max von SCHILLINGS – Ingwelde (1894)


(déchiffrage piano)

Un opéra que vous n'entendrez peut-être jamais.

Drame médiéval autour d'un père et du fils adoptif qu'il a fait venir dans sa famille pour l'élever. Ça chauffe. Le père de famille refuse évidemment sa fille au jeune homme de moindre lignage.

La musique est pleine d'invention, l'accompagnement remarquablement riche, d'un postromantisme généreux et sophistiqué, la ligne vocale belle, expressive, naturelle. Le résultat est tout à fait dramatique et assez passionnant… Je n'en ai lu que l'acte I, un petit bijou dont j'ai hâte de découvrir la suite !

Alors pourquoi ne l'entendrez-vous jamais ?


C'est que Schillings était membre du NSDAP, et si zélé que bien que mort en juillet 33, il avait eu le temps d'expulser Mann et Werfel, de faire démissionner Schönberg d'un poste à vie, de mettre Schreker à la retraite et de dénoncer diverses personnes juives pour les mettre à l'écart (et en danger).

Pas évident de le célébrer, de le marketter, d'encaisser la polémique en le programmant plutôt que Schulhoff ou Waltershausen. Quand on voit que Venzago a fait récrire le livret en profondeur pour jouer Das Schloß Dürande de Schoeck – qui ne parlait décidément pas de nazisme, et dont le compositeur n'est pas lié à l'idéologie natio-so non plus (c'était le vocabulaire du livret qui posait problème) –, tout en se confondant en excuses et justifications diversement convaincantes, fournies par un comité scientifique & éthique ad hoc… on imagine la difficulté de remonter une œuvre ambitieuse et narrative comme un opéra, d'un compositeur aussi ouvertement compromis (et humainement détestable).

CPO fera peut-être une captation dans un petit théâtre courageux qui le présentera avec une mise en scène « déconstruite », mais il est très probable que vous ne l'entendiez jamais. Peut-être fournirai-je la bande de mon déchiffrage pour les curieux.

Détail surprenant, l'opéra a semble-t-il donné son nom à l'astéroïde 1905 QG de la ceinture principale !

[déchiffrage piano] Schubert, Quatuor n°14



Relecture des deux premiers mouvements (souvent joués ces dernières années), déchiffrage des deux autres, finalement accessibles.

L'une des rares œuvres, vraiment, où les années passent et où la fascination ne décroît pas – en particulier frappant chez Schubert, où je trouve que le charme essentiellement mélodique s'émousse plus vite que chez d'autres (l'Arpeggione, les Sonates, même les symphonies… une fois qu'on a intégré les mélodies et qu'on s'est habitué aux modulations toujours inspirées, il reste peu à découvrir).

Mais les lieder et peut-être plus encore les quatuors (en particulier les 13 et 14, bien sûr), l'admiration reste intacte.

Ici, le tuilage des triolets dans le premier mouvement est absolument vertigineux, je ne m'en lasse décidément pas, et c'est encore plus grisant à sentir sous ses doigts. Le reste du mouvement (le pont, le thème B…) est plus lyrique, plus répétitif, moins contrapuntique, il ménage moins de surprises à la réécoute – et il est très difficile à exécuter au piano avec la virtuosité violonistique à superposer à toutes les voix, et avec les doigtés qui ne sont pas pensés pour l'instrument évidemment (vraiment patent dans les exaltantes volutes sauvages du violoncelle, à jouer à la main gauche et qui semblent écrits pour la main droite…).
La fin du mouvement est un extraordinaire moment de grâce, sorti d'on ne sait où : une sorte de coda lente, où le matériau est réutilisé mais s'épure totalement, où les modulations originales (et très expressives, on passe d'abîme en abîme émotionnels) font sans cesse changer le discours de direction. Une sorte de Transfiguration. Je trouve cela, même après des années de mélomanie à explorer les catalogues, absolument hallucinant pour 1824 – je lui donnerais volontiers 50 à 70 ans de plus (même si le style d'autres tournures a certes muté dans l'intervalle).


De même pour les variations sur le lied de Claudius, on à peine à croire à cette liberté et cette qualité d'invention. Il y a bien sûr les moments très touchants comme le solo de violoncelle de la deuxième variation, mais les accords furieux de la troisième (je pense à la chaconne d'Armide de LULLY, mais je suis sans doute un peu conditionné), la grâce totalement inattendue de la quatrième en majeure, animée par ses triolets et ornée de notes de goût étonnantes, qui mute progressivement (triolets puis simples doubles croches) dans une cinquième très agitée.
Cette cinquième variation finit par dégénérer complètement, avec des basses telluriques du violoncelle, et culmine dans son chant dégingandé, complètement dépareillé, qui fait dialoguer l'aigu et le grave avant de culminer sur des couleurs harmoniques inédites et tout à fait inattendues.
La fin n'est même pas tout à fait rigoureusement une variation, comme pour le premier mouvement il s'agit d'une coda assez libre et pleine d'idées, de bifurcations harmoniques.

Je lisais pour la première fois les deux derniers mouvements au piano, qui sont moins profondément imaginatifs dans la forme et l'harmonie, mais dont le langage reste tout à fait hors de saison – cette atmosphère sauvage me frappe décidément. Les acciaccatures insolentes (les petites notes collées), en particulier, font leur petit effet.

Le temps passe et je ne m'y fais pas. De même que pour les symphonies et quatuors de Beethoven (ou que les deux finals de Don Giovanni…), on les entend depuis toujours et on persiste à se demander comment il était possible d'imaginer ces audaces à cette date, ou même tout simplement comment la puissance combinatoire d'un cerveau humain pouvait atteindre non seulement cette complexité, mais surtout cette efficacité émotionnelle, cette façon très directe (et, à en croire par leur réception, très largement partagée) d'atteindre notre sensibilité et de la retourner de part en part.

Quel bonheur, en conséquence, de pouvoir le mettre sous ses doigts – la rémunération de ma remise sérieuse au clavier depuis un an, pouvoir accéder enfin à des pièces qui me paraissaient inaccessibles.

dimanche 24 septembre 2023

[1 jour, 1 opéra] Rene ORTH – 10 Days in a Madhouse – Wilma Theater (Philadelphia)



🔵 Ce 21 septembre, la compagnie torontoise Tapestry Opera donne,
au Wilma Theater de Philadelphie,
10 Days in a Madhouse, de Rene ORTH.

Il s'agit d'une création mondiale, autour de l'expérience de la journaliste Nelly Bly, un des premiers représentants du reportage clandestin dans les années 1880. Sa première enquête a lieu dans une conserverie, et fait grand bruit, mais le patron du journal la remise aux colonnes artistiques sous la pression des industriels mécontents. Une fois la tempête passée, il la laisse s'infiltrer dans une trèflerie, et le même scénario se reproduit. Nellie Bly rencontre alors Joseph Pulitzer qui lui promet un contrat si elle produit un reportage en immersion dans un asile d'aliénés.


Donnant à voir ce que les médecins veulent, elle est internée et peut en raconter les conditions inhumaines (nourriture avariée, vermine partout…). C'est le sujet de cet opéra. Dans la même décennie, elle infiltre la maffia (Phelps est inculpé à la suite de ses révélations), écrit un roman (un policier à en juger par le titre), et réalise un tour du monde en 72 jours pour battre le fictif Phileas Fogg !


Cette figure, singulière et puissante, est mise en musique par la compositrice américaine Rene Orth – s'agissant d'une création, je n'ai pu écouter l'œuvre ; son langage est d'ordinaire tonal-moderne, cousin de Britten, avec des mélodies peu intuitives.


C'est l'Opéra de Philadelphie qui programme, mais avec une compagnie de Toronto (Tapestry Opera) et dans un théâtre distinct, le Wilma Theater, pensé comme un théâtre pour des créations locales, fondée en 1973 et géré de 1979 à 2010 par le couple Zizka – qui avait fui la Tchécoslovaquie. Le bâtiment lui-même, avec sa salle de 300 places, est ouvert par leurs soins en 1996.

Encore un témoin du renouvellement des sujets et de la vitalité de l'opéra, lorsque celui-ci s'empare des questions qui intéressent le spectateur plutôt que de chercher à se conformer à un idéal à la fois abstrait et passé de mode.

samedi 23 septembre 2023

(nouveauté) Schubert – Die schöne Müllerin – Hasselhorn, Bushakevitz



Lorsque j'ai découvert (et adoré) Hasselhorn dans le lied, pendant qu'il étudiait à Paris (au CNSM), je me suis demandé s'il pourrait faire carrière. Diseur remarquable, plutôt émise larynx haut, et donc un peu bloquée au niveau du passage, qui ressemblait à une voix de ténor non sortie, mais qui permettait une clarté d'élocution et des irisations superbes dans l'aigu. En revanche, la mécanique était fragile : il n'était pas capable de chanter fort, et selon les langues (l'anglais) le timbre se ternissait totalement. Mais dans le lied (et dans une moindre mesure la mélodie française), c'était assurément l'une des propositions les plus séduisantes de la scène mondiale du liederabend.

La tendance s'est confirmée au Concours Reine Élisabeth – que j'ai été très surpris de lui voir remporter, dans une compétition plutôt orientée « opéra » en général –, grande personnalité, énormes aptitudes poétiques, mais dès qu'il y a un orchestre, même dans un répertoire d'oratorio (air d'Elias de Mendelssohn), la voix est limitée en amplitude et en couleurs. J'ai donc accueilli avec beaucoup de bonheur ses disques, consacrés au lied et captés de près. Son album consacré à l'Intermezzo de Heine m'avait passionné, juxtaposant Die Dichterliebe de Schumann à d'autres mises en musiques. Le Schumann de 2019, était tout à fait bouleversant, juxtaposant des ballades peu courues (et exécutées avec une grande inspiration), un très beau cycle Kerner et triomphant même dans les architubes Belsatzar et Die Löwenbraut – c'est même, pour ce dernier, probablement la plus saisissante version que j'aie entendue, tout en frémissements (alors que la musique ne s'en anime que très progressivement). Et son plus récent récital, des tubes isolés de Schubert (2022), faisait entendre sa double nature, l'inspiration comme les petites fragilités techniques, toujours avec cette qualité de lumière dans le timbre qui n'appartient qu'à lui. On pouvait percevoir une petite inflexion dans l'émission (des résonances nasales plus charpentées et efficaces), mais seulement pour renforcer l'aigu.

J'étais donc tout à fait rassuré, la Carrière ne l'avait pas brisé et il s'était bel et bien consacré au lied comme l'exigeait son talent.
Et puis arrive 2023.

Le premier signal d'alarme vient d'une participation pour quatre pistes du disque An Invitation at the Schumanns', en août dernier, où je trouve non seulement la proposition peu radieuse, mais la voix changée. Et enfin cette Meunière très attendue, qui aurait dû être idéale pour lui.

Bien sûr, l'artiste reste présent, et certaines pièces manifestent toujours la hauteur de son inspiration : Pause, Eifersucht und Stolz (particulièrement animé et charismatique), Die böse Farbe (un lied véhément où on l'attendait moins a priori), et la berceuse finale Des Baches Wiegenlied (finement pesée), font valoir un naturel d'élocution et poids des mots hors du commun. En revanche, plus globalement, il semble avoir retravaillé en profondeur sa technique, avec un résultat débattable : son médium et son grave ont été renforcés, avec un aspect plus baryton et plus « construit », ce qui le rend sans doute polyvalent… mais a éteint la lumière de l'aigu et le naturel de l'émission, qui rendaient son expression si poétique et si directe. Comme je ne suis toujours pas complètement convaincu de sa nature de baryton, je ne suis pas non plus certain qu'à terme il lui soit possible de construire un instrument vraiment efficace de cette façon, mais en tout état de cause je fais un peu le deuil – même si sa nouvelle voix est plus solidement fondée – des qualités très spécifiques qui faisaient la différence avec les autres liedersänger.
Il va de soi que la diction reste souveraine, et peut-être même renforcée dans le médium, mais la proposition devient beaucoup moins singulière et cette Meunière ressemble, en définitive, à beaucoup d'autres propositions d'excellents barytons spécialistes.

En fin de compte, l'atout le plus personnel de ce disque, c'est Ammiel Bushakevitz, le piano israélo-sud-africain qui propose une approche très vive, très liquide, qui anime remarquablement ce cycle – où les mises en musique strophiques peuvent dans certains cas paraître un peu statiques.

Très belle version donc, mais qui marque aussi, manifestement, un tournant dans la technique de Hasselhorn – et tout en gommant ses fragilités techniques passées, laisse un peu de côté ses qualités vocales les plus originales.

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Discographie

Parmi les versions récentes, je recommanderais plutôt Roderick Williams & Iain Burnside (Chandos 2019) pour l'élégance, le naturel (et un piano magnifique comme toujours), si importants dans ce cycle.

Ou Konstantin Krimmel & Daniel Heide (Alpha 2023).
D’abord, parce que Krimmel essaie quelque chose dont j’ignore la pertinence musicologique, mais qui fonctionne idéalement : dans les nombreux lieder strophiques (la musique est la même alors que le texte change), il varie le rythme ou les ornements des reprises. Avec énormément de goût, de variété, et toujours très en style (Schubert a écrit, ailleurs, les choses qu’il fait). L’effet de renouvellement est puissant par rapport aux autres versions, et évite la redite parfois lassante au sein de chaque lied.
Ensuite, l’interprétation elle-même : Krimmel fait parler le texte, nous raconte une histoire comme il sait si bien le faire, et se coule dans le caractère de chaque situation en adoptant (sans aucune affectation ni artificialité) une émission vocale plutôt baryton (avec un médium dense) ou plutôt ténor (avec une focale fine et une émission plus claire et étroite), pour coller au mieux au caractère des scènes et aux contraintes techniques des lieder, sans qu’on sente du tout de rupture. Malgré la souplesse des moyens, on est à peu près à l’opposé de l’esthétique Gerhaher (qui multiplie les effets et les changements d’émission pour accompagner le texte) : ces choix se font au profit d’une approche globale qui laisse parler les poèmes sans les seconder exagérément.

Et sinon, évidemment, on peut revenir aux grands classiques :
Ian Partridge & Jennifer Partridge (EMI 1973) – brillant, généreux, élancé, insolent, ciselé, on ne fait pas plus excitant ;
Christian Gerhaher & Gerold Huber (Sony) – très sophistiqué et construit, d'une variété d'émissions, d'expressions assez hallucinante ;
Hans Peter Blochwitz & Cord Garben (DGG) – naturel d'une belle voix éloquente ;
Josef Protschka & Helmut Deutsch (Capriccio 1986) – attaques mordantes, élan du ténor, et fermeté de conduite chez Deutsch ;
Gérard Souzay & Dalton Baldwin (Philips) – pour la conduite vocale merveilleuse et l'élégance absolue de Souzay (un Meunier-Darcy, certes) ;
Ian Bostridge & Mitsuko Uchida (EMI 2003) – la version la plus aboutie de Bostridge à mon sens, avec ses contorsions caractéristiques, mais sans s'éloigner de l'esprit du cycle (la version avec Graham Johnson, Hyperion 1994, plus directe et naïve, est elle aussi hautement recommandable) ;
Hans Jörg Mammel & Arthur Schoonderwoerd (Raum Klang) – avec pianoforte, voix étroite et un peu blanche, mais sensible à l'expression ;
Olaf Bär & Geoffrey Parsons (EMI) – peut-être la diction la plus naturelle et le plus délicat volkslied de tous, mais le piano indolent et poisseux de Parsons gâche vraiment la fête, ce reste un second choix.

Et puis quelques versions déviantes :
Matthias Goerne & Eric Schneider (Decca 2003) – traité comme un Winterreise bis, très sombre, mais d'une cohérence et d'une finition assez absolues, avec un accompagnement lyrique d'une grande beauté ;
¶ dans le même esprit, Jorma Hynninen & Ralf Gothóni (Ondine) – voix très sombre, et piano d'un tranchant exceptionnel, construisant des danses qui tiennent davantage du Mandarin merveilleux que de la galanterie pastorale ;
¶ par une femme, bien sûr Brigitte Fassbaender & Aribert Reimann (EMI) – version doucement sarcastique, aux couleurs vocales vénéneuses et au piano anguleux ;
¶ à la guitare, Olle Persson & Mats Bergström (Caprice 1994) – le cycle se prête très bien à cette transcription, il en existe plusieurs propositions, mais le naturel absolu, la diction précise et le très beau timbre léger et doux de Persson en tirent idéalement tout le meilleur ;
Max van Egmond & Penelope Crawford – la voix du merveilleux van Egmond s'est complètement asséchée, mais cette proposition quasiment parlée ne manque pas de charmes, considérant la souveraine inspiration de ce chanteur exceptionnel.

Pour l'esprit de chanson populaire, on ne fait pas mieux que Fouchécourt & Planès, pas paru officiellement, mais capté par France Musique et disponible en ligne.

Par ailleurs, quantité d'autres très belles versions que j'aime un peu moins mais qui sont tout à fait réussies : Marshall & Kraus, de Mey & Penson, Schade & Martineau, Trekel & Pohl, Kobow & Bezuidehout, Hendricks & Pöntinen, Jarnot & Schmalcz, Prégardien & Gees, Krebs & Schröder, Navál & Pilz, Haefliger & Dähler, Dermota & Dermota…

mercredi 20 septembre 2023

Edelweiss – Panorama de l'intellectualité collaborationniste



J'étais très curieux d' Edelweiss France Fascisme mis en scène par Sylvain Creuzevault : j'avais déjà été séduit par son adaptation des Démons de Dostoïevski, polyphonique, ressassante, sarcastique, fresque simultanée de sourires et de folie… et ce malgré malgré un certain empilement de « trucs » de théâtreux un peu inutiles et assez intrusifs (tabac et fumigènes dans la face, sono à fond (ambiance discothèque pendant 5 minutes), contrastes lumineux délibérément aveuglants (amis épileptiques bonjour), éclairage au stroboscope, acteurs qui marchent *sur* le public, et avec pour point d'orgue l'exécution simulée d'une spectatrice montée sur scène, qui était terrifiée…
Le foisonnement, les ajouts très actuels (pour une intrigue très liée aux groupes nihilistes du XIXe tardif russe), concordaient particulièrement bien avec l'esprit de la narration de Dosto, avec ces voix discordantes qui se superposent (qui parle, bon sang ?), ces palinodies empilées…

J'espérais donc assez haut pour cette proposition inhabituelle de mise à l'honneur des écrivains collaborationnistes. En effet le spectacle, co-écrit par les acteurs (issus du Théâtre National de Strasbourg et de son école), se fonde très largement sur les écrits d'intellectuels et hommes politiques collaborationnistes, à peine remis dans le contexte de petites conversations imaginaires, juxtaposées les unes aux autres. Une mosaïque de propos tenus par Robert Brasillach, Lucien Rebatet (les deux plus présents), Marcel Déat, Philippe Henriot, Pierre Drieu la Rochelle, Céline, Jacques Doriot, Pierre-Antoine Cousteau, Joseph Darnand, Fernand de Brinon…

Structurellement, pas de folie : de petites scènes plutôt chronologiques (on débute par le procès de Brasillach, puis on repart en arrière pour suivre toute la guerre jusqu'aux exécutions des intellectuels), assez didactiques – ils n'hésitent pas à s'appeler par leurs noms complets à plusieurs reprises, portent des panneaux avec leurs prénoms, etc.
D'un point de vue formel, donc, on pourrait dire – je doute que ça fasse plaisir à Creuzevault – que ce n'est pas très différent d'une pièce de Michalik.
Mais ce n'est vraiment pas un blâme de ma part : on échappe aussi à tout ce qu'il pouvait y avoir d'intrusif dans Les Démons. À part quelques sons un peu forts (mais quelques secondes et tout à fait supportables) et de longs effets stroboscopiques – deux scènes constituées de bouts de documentaires concaténés à un fragment par seconde… –, rien d'inconfortable. Si, plusieurs nus : Rebatet (joué par une femme) se fait ausculter par Céline, mais ça entre plutôt bien dans le récit et est traité sur un mode loufoque qui diminue la potentielle gêne ; et une sorte de ballet aryen par trois acteurs et deux actrices intégralement nus (et dont la nudité paraît dispensable), mais on voit ça tellement souvent au théâtre que je ne sais même pas si c'est encore la peine de prévenir…

Globalement, une forme simple, mais très lisible, qui permet de façon de suivre très intuitive le parcours de ces figures, tout en échappant à tout interventionnisme didactique. C'est ce que j'espérais du spectacle, et cela réussit : on peut se plonger dans la pensée fasciste de ces années sans s'infliger mainte monographie, c'est une galerie de portraits qui fait défiler des positionnements très divers, sans que Creuzevault nous prenne la main pour nous rappeler que le racisme c'est mal et qu'assassiner des innocents c'est pas bien. On nous laisse tranquille pour nous balader et observer ces figures, très caractérisées (Rebatet l'exalté fantasque, Drieu le dandy, Déat l'arriviste raté, Brasillach le vilain petit canard trop modéré…), chacune avec son agenda propre : Laval le pacifiste qui fournit l'Allemagne en soldats pour se conserver l'illusion que la France ne fait pas la guerre, ceux qui souhaitent l'aide de l'Allemagne de se débarrasser des Juifs, ceux qui acceptent de se débarrasser des Juifs pour être libérés de l'Allemagne, ceux qui collaborent pour sauver ce qui peut l'être de leur France rêvée, ceux qui collaborent pour que la France ressemble à l'Allemagne, ceux qui souhaitaient la victoire de la France et se résignent à la défaite, ceux qui souhaitent la victoire de l'Allemagne…

Antisémitisme, anticommunisme, nationalisme français, admiration pour le nazisme et quelquefois même admiration pour l'Allemagne plus que de la France, les ressorts des collaborationnistes sont exposés dans toute leur diversité et s'incarnent dans leurs débats véhéments, souvent loufoques. C'est une belle fenêtre sur la complexité du monde, et certains raisonnements, déconnectés de leurs écrits (moins sympathiques) paraissent presque raisonnables ou respectables – tels Brasillach et Drieu qui, dans leurs procès, assument d'avoir misé sur le mauvais cheval et d'avoir espéré atteindre leur agenda personnel via la collaboration.
Je trouve que cela rend compte de façon intéressante de ce que pouvait être la logique interne de leur raisonnement qui nous paraît monstrueux en le regardant avec notre propre morale, mais qu'il est intéressant de comprendre de l'intérieur.

Tout cela est par ailleurs agencé d'une façon assez habile, qui évite l'écueil de la sympathie / fascination / complaisance, mais ne dit pas non plus quoi penser ; beaucoup de distance et de dispositifs amusants qui permettent de rappeler que ces personnages restent des personnages de théâtre, et que ce n'est pas tout à fait le véritable collaborationniste criminel qu'on voit sur scène : ainsi la scène de la formation du nouveau gouvernement de Pierre Laval, où tous sont alignés avec leur téléphone et déclenchent du pied leur propre sonnerie, où les conversations sont précipitées, les téléphones raccrochés au nez, contractant en quelques minutes toutes les fastidieuses complexités des refus, des exigences, des rapports de force. Ou la traduction incongrue des salutations nazies exprimées par l'ambassadeur (« salut Hitler, oui mon guide »), l'interprétation de Rebatet et Brasillach par des femmes, les chansons insérées, la voiture qui est à moitié imaginaire (seul l'avant est figuré, mais tous ouvrent soigneusement les portes invisibles), etc.

Je ne dis pas que tout cela décolle vers le sublime – le sujet est complexe, et tout est parfois exposé de façon un peu trop claire (mais on peut de ce fait très bien suivre sans y connaître grand'chose, je pense !) –, mais c'est du beau théâtre, avec beaucoup d'idées scéniques efficaces, et l'accès à un pôle de la pensée souvent évoqué en globalité, et qui retrouve ici ses innombrables tensions et contradictions. Les débats sanglants entre Rebatet (admirateur sans bornes de l'Allemagne) et sa mère (Action Française anti-allemande) ou l'exclusion de Brasillach de Je suis partout (pour ne pas mentir en cachant la défaite de Mussolini et seulement se concentrer sur les problématiques de Révolution Nationale) sont à ce titre assez stimulantes par ce qu'elles donnent à comprendre et à imaginer, dans une forme qui reste assez poétique – car le cadre est toujours suggéré, jamais totalement représenté.

Dans l'idéal, j'aurais aimé encore moins de didactique – les petits documentaires insérés sur les raffles et les résistants ne me paraissent pas avoir de rapport direct avec le sujet, et semblent là pour bien rappeler que, non, les concepteurs ne sont pas des nazis –, mais en réalité sans cela il ne serait pas toujours facile de suivre les personnages (qu'on connaît mal et qui ne sont pas nécessairement campés de façon ressemblante !) et les procédés de mise à distance procurent une variété bienvenue. Les 2h20 passent de façon très fluide.

La vraie différence, je crois, c'est bien sûr le savoir-faire scénique du metteur en scène, et mais aussi et surtout l'usage de textes d'origine : cela évite tout prêchi-prêcha, toute caricature, tout euphémisme – c'est la pensée crue de ce qui était dit et publié à l'époque, et c'est au public d'en faire ce qu'il voudra. Sylvain Creuzevault le dit très clairement, et il l'a fait.

Question : Comment allez-vous manier ce matériau dangereux, explosif ?
Creuzevault : Au calme. L’intelligence est dans l’œil du spectateur. 

C'était la première des deux avant-premières, et à mon sens une expérience qui devrait satisfaire les curieux.

lundi 4 septembre 2023

L'agenda de la rentrée 2023


Comme c'est la tradition, en septembre CSS propose un agenda assez vaste de l'offre francilienne – toujours accessible en haut à gauche de toutes les pages du site. Cette année, je me suis vraiment concentré sur le mois de septembre, en relevant les propositions de plus de 100 salles / institutions / ensembles / artistes. Beaucoup de choses très originales, c'est pourquoi je fais un tout petit peu d'éditorialisation pour cette fois.

La tâche étant colossale à moi seul, j'ouvre, pour les mois suivants, le fichier à d'autres contributeurs – je serai ravi de vous inclure si vous m'envoyez un petit message. De manière à pouvoir couvrir le maximum de salles et de dates.



http://piloris.free.fr/css/images/rungis_piano.jpg



1. Opéra

Ce n'est pas encore le moment de l'offre pléthorique, uniquement des choses déjà données : Les Boréades de Rameau (TCE) et La Fille de Madame Angot de Lecocq (Favart) dans des distributions similaires à celles déjà entendues, reprise de l'excellent Don Giovanni de Guth une quinzaine d'années après sa création à Salzbourg (que restera-t-il de la direction d'acteurs ?), et début octobre Ariodante de Haendel en version … pas de découvertes majeures en ce début de saison.

Un pas de côté est cependant possible avec le week-end Japon de la Philharmonie : du et du kyōgen (variante supposée comique, mais ce sont en réalité plutôt des œuvres assez lentes, hiératiques et sérieuses, simplement elles évoquent plutôt la vie quotidienne, l'accueil du mari chez sa belle-famille par exemple) du 23 au 26 septembre !



2. Ballet

C'est la reprise du mythique The Season's Canon de Pyte (sur l'arrangement de Max Richter des 4 Saisons), c'est de la musique enregistrée mais il paraît que c'est le ballet qui magnifie le mieux les danseurs de l'Opéra. J'attendais depuis longtemps l'occasion de le voir après en avoir entendu tant de bien unanime – et je serai donc probablement un peu déçu vu les superlatifs entendus au préalable.



3. Symphonique

Berlin, Boston, Tel-Aviv, Vienne, Milan… beaucoup d'orchestres prestigieux de retour à Paris, dans des programmes pas toujours très originaux, mais tout de même quelques pépites à glaner (la pièce contemporaine chez Boston, les variations Mozart de Reger chez Berlin…). Et tout le monde dit le plus grand bien de l'association Vienne-Hrůša.

Les Cloches de Rachmaninov en ouverture de saison pour l'Orchestre de Paris, avec une belle distribution russophone (Peretyatko, Petro, Markov).

Et une courte symphonie contemporaine en ouverture du concert du Peace Orchestra Project – on vous l'a vendu comme un concert Argerich, le concerto à deux pianos de Poulenc a déjà été déprogrammé et son état de santé actuel laisse penser qu'elle ne sera pas là, si jamais ça compte pour vous. Mais le début et le clou du spectacle, c'est la Symphonie n°2 de Nicolas Campogrande, inspirée par la guerre en Ukraine, une jolie symphonie tonale simple, très brève, lumineuse, qui a déjà beaucoup tourné chez les grands orchestres d'Europe. Ça s'écoute très agréablement, c'est de la musique positive et excessivement accessible (sans être plate ni pauvre).



4. Musique de chambre

Quelques concerts assez merveilleux : dimanche 3 septembre à Saint-Merry, Phantasy Quartet de Britten avec hautbois, Trio pour deux violons et alto d'Ysaÿe, et autres raretés de Milhaud, Isang Yun… Très original et gratuit.

Intégrale de la musique de chambre de Schumann à l'Orangerie de Sceaux, le 15 septembre. Ces trios, pourtant largement aussi aboutis que les Sonates violon-piano, sont très rarements donnés en concert, même séparément. Alors les trois !

Et le Festival de duos de piano de Rungis !  Ils invitent plus cette année Anderson & Roe, le meilleur duo de pianistes de tous les temps, incroyablement inventifs,  j'ai parlé à plusieurs reprises de leur travail ici. Leur dernier album (avec des originaux de Mozart) n'est pas le plus intéressant (outre leurs Star Wars Impressions en concert qu'ils n'ont jamais eu le droit de rejouer mais qui ont fait beaucoup pour leur notoriété, l'album When Words Fade a été le sommet), mais ils y adjoignent des réécritures réjouissantes tirées de leur répertoire passé. Et on peut espérer quelques bis croustillants !
On a aussi du Rachmaninov-Medtner à deux pianos et un duo de clavecins (Baumont & Delage !) autour de Le Roux, Couperin, Krebs et Johann Christian Bach !



5. Lied et mélodie


Auprès de jeunes chanteurs de l'Académie du Wigmore Hall, concert (pour 7 chanteurs de toutes les tessitures) de mélodie française (après un an de classes avec Lott et Le Roux !). Programme très attirant : Lalo, Falla, Viardot, Debussy, Duparc, Chausson, Chaminade, Barraine et Cras ! Le mardi 5 septembre à Cortot (15€).

Concert gratuit de l'Atelier Lyrique de l'Opéra de Massy le 26, avec des airs sacrés et profanes de Poulenc.

J'ai aussi repéré, à la Scala Paris, le récital de sortie de disque pour du Schubert accompagné à la guitare et chanté par l'emblématique Maria-Christina Kiehr – chanteuse baroque à la carrière extraordinaire, elle était déjà dans la BO de Tous les matins du monde !  Elle chante désormais dans des tessitures basses, mais l'émission reste très conforme à ce qu'elle était, ce devrait être très beau.

Le clou, ce sera la journée de Royaumont autour du lied postromantique et décadent, le 16 septembre : communications le matin (avec extraits sonores, notamment du Oskar Posa, grand compositeur oublié qu'on programmait à Vienne sur les mêmes concerts que Mahler et Schönberg), et la journée, après maint développement, se clôture sur le récital du spécialiste Christian Immler (qui forme les jeunes à Royaumont) dans Mahler, Schönberg, Zemlinsky, Schreker (les Cinq Chants pour voix grave !) et Robert Gund !  Ça va être dément.



6. Création

Énormément de cycles de création contemporaine sur une seule semaine : à la Scala Paris (11 septembre), à l'Échangeur de Bagnolet (le théâtre !) les 13 et 16, à la Cité de la Musique le 14 (James Dillon), à Royaumont le 17 (compositrices)… !



7. Concours publics

Académie du joué-dirigé organisée par l'Orchestre de Chambre de Paris (8 septembre).

Concours de chant lyrique « Paris Opera Competition » au Théâtre des Champs-Élysées (15 septembre).



8. Glotte

Les 4 derniers lieder de R. Strauss par l'impressionnante Asmik Grigorian (quelle ampleur, quelle aisance !), à la maison de la radio (15 septembre). En revanche Mikko Franck y rejouera la Sixième de Tchaïkovski (pour la sixième fois ?).

Le chœur de la Scala dans les hits de Verdi au TCE (12 septembre).



9. Gratuité

Un certain nombre de concerts gratuits ou au chapeau ; je n'ai pas pu relever toutes les églises et auditions d'orgue de Paris (Saint-Sulpice le dimanche à midi, Saint-Eustache le dimanche à 17h, en général c'est programmé chaque semaine, et de haut niveau), par exemple.

Mais il y a l'ONDIF au Blanc-Mesnil, toute la saison (chaque semaine que Dieu fait, même l'été) de l'Accueil Musical de Saint-Merry, tous les dimanches, extrêmement varié et ambitieux (retour de l'orchestre impermanent de La Haye, qui m'avait impressionné dans l'écrasante Troisième Symphonie de Sibelius !).

Et deux spectacles dans le Parc de Sceaux, les 9 et 10 septembre (dont un superbe programme d'Adélaïde Ferrière aux percussions diverses, mêlant Xenakis, Gerswhin et compositeurs vivants !).



http://piloris.free.fr/css/images/sceaux_festival.png



10. Codes promos

Pour finir, c'est l'apparition de codes promos « Carnets sur sol ». Je n'ai rien demandé pourtant (ni à l'institution, ni en échange), mais le Festival de l'Orangerie de Sceaux m'a contacté pour me proposer une promotion spécifique au site.
Comme les propositions sont assez chouettes – quelques raretés, et d'excellents artistes, dans le cadre incroyable du Parc de Sceaux, une des plus belles choses de toute l'Île-de-France – et les tarifs relativement élevés (tarif unique 35€, pas cher du tout pour un premier rang, mais cher si l'on a l'habitude des dernières catégories), c'est une aubaine que je partage.

[Je précise que je n'y gagne rien – pas de rémunération, de soirée spéciale, d'entretien exclusif… j'ai le droit d'être invité pour le concert qui me tente le plus (intégrale des trios de Schumann, déjà rares en individuel !), mais il est très probable que je ne sois de toute façon pas disponible à cette date. C'est vraiment pour aider le festival et avantage les lecteurs que je prends ce rôle d'intermédiaire.]

Trois concerts sont concernés :

Le jeudi 7 septembre : Jean Baptiste FONLUPT, piano
Giuseppe Verdi (1813-1901) / Franz Liszt (1811-1886)
Ernani, paraphrase de concert S. 432
Danse sacrée et duo final S. 436, transcription de Aïda
Richard Wagner (1813-1883) / Franz Liszt (1811-1886)
Elsas Brautzug zum Münster, de Lohengrin S. 445
Ouverture de Tannhäuser
Igor Stravinsky (1882-1971)
Petrouchka
Sergueï Prokofiev (1891-1953)
Romeo et Juliette, Opus 75 no.10 « Romeo et Juliette avant la séparation »
Maurice Ravel (1892-1937)
La Valse
Avec le code « Carnets sur sol » en appelant la billetterie, vous disposez d’une place offerte pour une place achetée.

Le vendredi 8 septembre : Amaury COEYTAUX (violon solo du quatuor Modigliani), Geoffroy COUTEAU (piano)
Ludwig van Beethoven (1770-1827)
Sonate pour violon nᵒ 5 en fa majeur, Opus 24
Eugène Ysaÿe (1858 – 1931)
Poème élégiaque en ré mineur, Opus 12
Johannes Brahms (1833-1897)
Sonate pour violon et piano nᵒ 3 en ré mineur, Opus 108
Avec le code « Carnets sur sol » en appelant la billetterie, vous disposez d’une place offerte pour une place achetée.

Le dimanche 17 septembre (à 11h), « Le Carnaval des animaux sudaméricain »
avec Elliot JENICOT comédien (ancien de la Comédie-Française), et l'Ensemble ALMAVIVA, petite mise en scène.
Avec le code « Carnets sur sol » en appelant la billetterie, toute la famille a le droit au tarif enfant.




Avec tout ce choix, vous devriez avoir de quoi occuper les soirées de septembre encore trop chaudes pour profiter du plein air !

David Le Marrec

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