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Théâtre des Champs-Elysées 2012-2013 : la grande fête


Pour le centenaire, le Théâtre des Champs-Elysées propose une saison particulièrement généreuse. Je risque fort de ne pas m'y rendre du tout cette saison-ci, alors que c'était la salle que j'avais le plus fréquentée il y a deux ans.

Mais la saison prochaine est particulièrement riche, à commencer par le concept sympathique de la triple Médée. Il faut supporter celle de Cherubini (en version française, ce qui est déjà mieux que dans la version noyée de récitatifs très médiocres et uniformes), mais en raison de son spectaculaire vocal, elle trouvera facilement son public. Qui n'est pas forcément le plus enclin à s'enthousiasmer pour les sacrilèges du profane Warlikowski - je n'ai pas encore vu la captation bruxelloise, mais il paraît que l'ensemble était tout de même scéniquement réussi.
Même s'il s'agit (et d'assez loin à mon sens) de l'oeuvre scénique la moins intéressante de Dusapin, Medeamaterial n'est pas un choix absurde.
L'enthousiasme, en réalité, vient surtout de la programmation du chef-d'oeuvre de Charpentier, l'une des plus grandes tragédies lyriques jamais composées - même si je redoute ici que Pierre Audi y fasse les mêmes traitements indolents (et assez loin de l'esprit) que pour ses mortels Rameau. Côté distribution, la grande question est autour de Michèle Losier, excellente chanteuse, encore meilleure actrice, mais dont la diction me paraît un peu lâche pour ce répertoire. Seule réserve : il va falloir subir pendant des mois l'inévitable avalanche de commentaires ouvertement sexistes (et généralement tout à fait gratuits) sur la personne d'Emmanuelle Haïm, ce qui risque d'être pénible, sauf à s'isoler de nombre de passionnés du répertoire.

Avec la Pénélope de Fauré, si même le TCE se met à programmer de l'opéra français rare ! ... vu la ligne programmatique de Favart et les compléments apportés par Pleyel, il y a de quoi compenser la chicherie de l'Opéra National, bien plus que si l'on y avait fait un effort sur ce pan du répertoire, d'ailleurs.

Ici encore, je remarque la présence de Hasnaa Bennani en sorcière de Dido & Aeneas et en Venus de Venus & Adonis (avec Nicolas Rivenq en Adonis !).

On n'a pas lésiné pour les opéras : les versions de concert disposent de distributions affolantes, de quoi réveiller de façon affreusement violente le glottophile qui sommeille en tout amateur de lyrique. Rodelinda, Fidelio, I Puritani, Don Carlo'', qui ne sont pas spécialement les raretés de l'année, donnent furieusement envie de se déplacer. L'opération d'image "théâtre expert des grandes voix" me paraît totalement réussie, d'autant plus qu'elle ne se fonde pas que sur des noms, et que les choix me paraissent très pertinents, la direction ne rechignant pas à embaucher des noms moins célèbres mais parfaitement adéquats.

Les récitals vocaux en revanche ne sont pas très exaltants, uniquement des thèmes ou des airs dépareillés, de façon à mettre en valeur le disque ou les aptitudes techniques des interprètes, mais qui ne revêtent pas un intérêt musical majeur.

Beaucoup de très belles choses en musique de chambre (le trio de d'Indy !) comme en orchestral (quantité de Mer, de Valse et de Sacre, bien sûr), trop longues à lister.

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Au chapitre des anecdotes :

=> Hervé Niquet (et le Choeur de la Radio Flamande avec lequel il travaille régulièrement pour Glossa) jouera exactement le même programme que Minkowski à la Cité de la Musique : Magnificat de Bach et Dixit Dominus de Haendel. Au disque, je choisirais peut-être Niquet, mais en salle, et à plus forte raison pour du Haendel et du Bach, ce sera Minkowski : les couleurs des Musiciens du Louvre sont incroyables en "vrai", surtout dans ce répertoire.

=> La Passion selon saint Jean sera exécutée par un gang de Davies : bien sûr la basse Neal Davies (qui a notamment collaboré activement à l'intégrale Hyperion des lieder de Schubert), mais aussi Iestyn et Robert, chanteurs moins célèbres.


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Commentaires

1. Le mercredi 4 avril 2012 à , par Ugolino le profond

Une saison entièrement et uniquement pour les glottophiles malades.
Pour ma part, j'ai eu envie de vomir à la lecture de la saison.

(et j'ai compté 13 sacre du printemps entre le 29 mai et le 21 juin, est-ce que cela mérite un commentaire ?)

2. Le mercredi 4 avril 2012 à , par DavidLeMarrec

Bien sûr que ce n'est pas ton répertoire. Mais jouer Médée de Charpentier une fois tous les dix ans et Pénélope de Fauré (même si Fervaal est plus abouti) de loin en loin, ce n'est pas de la glottophilie purulente. La présence d'Alagna va rendre les places plus compliquées à obtenir, mais aussi mettre à l'honneur ce répertoire pour ceux qui ne se seraient pas déplacés, je trouve ça chouette.

Même en symphonique, un couplage Sibelius 5 et Hindemith, c'est quand même pas mal, par exemple !

Et pour finir, tant qu'à programmer du Donizetti, que ce soit avec des chanteurs gracieux et inspirés me paraît tout à fait salutaire.

Après, c'est sûr, tu n'es pas du tout concerné par la programmation du TCE, de même que ceux qui n'aiment pas la musique de chambre ne sont pas concernés par la programmation de l'Auditorium du Louvre, mais je ne vois pas en quoi c'est un problème...

3. Le jeudi 5 avril 2012 à , par klari :: site

Toutefois, on peut leur pardonner de fêter une fois par siècle leur centenaire ! ;-p

(où ça, qui ça la 5è de Sibelius ?)

4. Le jeudi 5 avril 2012 à , par Ugolino le profond

Gatti avec l'ONF pour la cinquième. Je suis plus intéressé par la troisième de Davis avec les mêmes. Les quelques rares concerts intéressants de l'ONF, entre une intégrale Brahms et une intégrale Beethoven (on remarquera que l'orchestre s'appelle l'Orchestre NATIONAL de FRANCE).

David : deux opéras, qui restent dans un registre passéiste, sur un nombre hallucinant de productions. Et Pénélope, c'est bien mignon, mais ce n'est pas la résurrection du siècle non plus.
Et c'est un problème parce que c'est ultra-conservateur et populiste. Je l'ai déjà écrit : pour moi, une institution entièrement centrée sur le passé (de plus d'un siècle, voir un siècle et demi) n'a aucune légitimité à exister, et le relativisme du goût ne peut pas en constituer une défense.

Et fêter leur centenaire, ca semble se résumer à jouer les mêmes choses que d'habitude en le criant plus fort que d'habitude...

5. Le samedi 7 avril 2012 à , par DavidLeMarrec

Ugolino :
Et Pénélope, c'est bien mignon, mais ce n'est pas la résurrection du siècle non plus.

Je suis d'accord (surtout à cause de la malédiction du livret-pourri), mais c'est quand même une façon de faire découvrir en douceur ce courant. Si on leur balançait tout de suite du Lazzari chanté par Saelens, je doute que ça ait le même effet que Fauré par Alagna en termes de "prestige" et de remplissage.


Et c'est un problème parce que c'est ultra-conservateur et populiste.


Populiste : Qui est partisan du populisme, qui défend les intérêts des couches populaires.
Populisme : Tout mouvement, toute doctrine faisant appel exclusivement ou préférentiellement au peuple en tant qu'entité indifférenciée.

Le bon peuple au TCE, je veux bien, moi, mais je ne l'ai pas encore vu. :)


Je l'ai déjà écrit : pour moi, une institution entièrement centrée sur le passé (de plus d'un siècle, voir un siècle et demi) n'a aucune légitimité à exister

Excellente initiative, détruisons les églises, fermons le Louvre - et brûlons le dépôt légal, tant que nous y sommes.

Outre que je ne vois pas en quoi il est illégitime de jouer de la musique d'autrefois si elle est bonne, j'ai envie de dire que si la musique "classique" d'aujourd'hui avait des qualités similaires, elle aurait un public (je veux dire, suffisant pour remplir le TCE). Déjà, pour aimer le classique, ça demande de la bonne volonté, avec toutes ces oeuvres longues et complexes... mais passé une certaine date, on peut parler de sacerdoce. Et ce n'est pas avec du sacerdoce qu'on remplit les salles, même pour de la très bonne musique !

Cela dit, l'avantage est que ça te permet de râler, petit plaisir dont tu serais privé s'ils faisaient la saison que tu veux. :)

6. Le samedi 7 avril 2012 à , par Ugolino le profond

Populiste : Qui est partisan du populisme, qui défend les intérêts des couches populaires.
Populisme : Tout mouvement, toute doctrine faisant appel exclusivement ou préférentiellement au peuple en tant qu'entité indifférenciée.


Si on réduit au cadre de la musique savante, cela fait parfaitement sens. Il y a l'aristocratie de la musique savante et la masse ;-).

Excellente initiative, détruisons les églises, fermons le Louvre - et brûlons le dépôt légal, tant que nous y sommes.


Certains seront heureux d'apprendre que la religion est nécessairement passéiste. Le dépot légal, lui, ne passe pas son temps à réenregistrer les livres parus au XIXème siècle. Quant au Louvre, s'il s'arrêtait à 1900, je serais pour sa fermeture, oui.

Outre que je ne vois pas en quoi il est illégitime de jouer de la musique d'autrefois si elle est bonne, j'ai envie de dire que si la musique "classique" d'aujourd'hui avait des qualités similaires, elle aurait un public (je veux dire, suffisant pour remplir le TCE).


Il est illégitime de ne jouer QUE CA. La mise au musée de l'art est symptomatique de sa mort. Un art mort n'a aucune raison d'exister (c'est tautologique).
Ces "qualités similaires", c'est quoi ? Effectivement, s'il s'agit de répondre dans le confort de la distance à une sensibilité dépassée, ça va être compliqué.

Cela dit, l'avantage est que ça te permet de râler, petit plaisir dont tu serais privé s'ils faisaient la saison que tu veux. :)


Mais à la place, je pourrais parler de choses intéressantes.

7. Le mercredi 11 avril 2012 à , par DavidLeMarrec

Si on réduit au cadre de la musique savante, cela fait parfaitement sens. Il y a l'aristocratie de la musique savante et la masse ;-).

Mais la masse de la musique classique, ce n'est certainement pas le TCE, même pas Diapason... ce doit être plus proche d'André Rieu (le classique "pour tous"), le populisme musical, non ?

Et puis il y a une forme de démagogie à rebours, plus élitiste (voire un brin affectée), celle du discours sur la Grande Musique supérieure à tout ce qui a été créé, même ce qu'on n'a pas entendu (qu'on retrouve quelquefois dans l'éloge exclusif de tel ou tel compositeur).


Certains seront heureux d'apprendre que la religion est nécessairement passéiste.

Elle est rarement le fer de lance de l'innovation morale (et heureusement, car ce n'est pas du tout son utilité), mais je parlais bien sûr de l'architecture des églises traditionnelles. D'ailleurs mon propos n'était pas si théorique : on en détruit un certain nombre (les néo-gothiques non classées) lorsqu'elles coûtent trop cher au contribuable local. En l'occurrence, ça se justifie assez bien, parce qu'on peut les remplacer par des salles polyvalentes un peu moins jolies mais plus commodes, même pour les fidèles (chauffage !) ; mais ici, il s'agit de rationnalisation, pas d'illégitimité comme celle que tu avances. :)


Le dépot légal, lui, ne passe pas son temps à réenregistrer les livres parus au XIXème siècle.

Il est pourtant par essence exclusivement tourné vers le passé, puisqu'il ne crée rien de présent ni de futur... :)


Quant au Louvre, s'il s'arrêtait à 1900, je serais pour sa fermeture, oui.

C'est quand même l'essentiel de ses collections... Là, c'est purement idéologique (ou rhétorique) de dire qu'à cause d'un peu de Pei et de quelques mètres carrés (temporaires, je suppose ?) on peut sauver le Louvre.

De toute façon, je ne vois pas bien l'intérêt d'ériger un goût personnel en politique publique... La création d'après 1900 n'a pas intrinsèquement une valeur supérieure ou inférieure à celle qui précède, ou alors sur des points tout à fait précis qui ne concernent pas la totalité des paramètres musicaux.

La conservation du patrimoine et sa réinvention constante est au contraire un immense mérite de notre époque : lorsqu'on voit ce qu'était la programmation musicale avant 1900, où l'on ne jouait que ce qui était à la mode. J'ai beau les aimer très fort, si on ne me jouait que Lully ou Meyerbeer, je serais sans doute ailleurs que dans les salles de concert !


Il est illégitime de ne jouer QUE CA.

La grande question est : pourquoi ? Mis à part le fait que ça te ferait plaisir. :)


La mise au musée de l'art est symptomatique de sa mort. Un art mort n'a aucune raison d'exister (c'est tautologique).

Ca reste des mots : en quoi la muséification du répertoire (qui se renouvelle cependant toujours, muséification partielle par conséquent) produirait-elle la mort de l'art ? Après tout, l'immense majorité des arts traditionnels ont réutilisé la même matière pendant des siècles, sans que personne ne les décrète morts.

Par ailleurs, c'est à mon humble avis inverser les causes : si la musique écrite aujourd'hui était (majoritairement) attractive, elle remplirait les salles et elle serait donc programmée.
Ca ne veut pas dire qu'il faille donner des ordres aux créateurs, mais on peut supposer que cet état de fait ne sera pas éternel, et ne pas en tirer de conclusions définitives...


Effectivement, s'il s'agit de répondre dans le confort de la distance à une sensibilité dépassée, ça va être compliqué.

C'est un charme absolument pas négligeable, et moins stérile à mon avis que la mode.


Mais à la place, je pourrais parler de choses intéressantes.

Qui te retient ?

Je suis sûr que plein de monde serait intéressé par des commentaires ou recommandations plus "positifs" de ta part, tu maîtrises suffisamment le répertoire pour ça... Alors qu'en allant pester contre ce que les gens aiment, forcément, c'est moins fécond.

Enfin, à mon avis, hein, puisque tu sembles voir les choses autrement. :)

8. Le vendredi 13 avril 2012 à , par klarisounours :: site

"plein de monde serait intéressé par des commentaires ou recommandations plus "positifs" de ta part, tu maîtrises suffisamment le répertoire pour ça"

moi ! moi !

9. Le samedi 14 avril 2012 à , par Ugolino le profond

La grande question est : pourquoi ? Mis à part le fait que ça te ferait plaisir. :)



Si tu n'as pas la moindre idée du pourquoi, c'est que nous séparés par un gouffre qu'il me faudrait trop de temps à combler, pour un effet minimal. Je ne réponds donc pas sur le reste.

Ca reste des mots : en quoi la muséification du répertoire (qui se renouvelle cependant toujours, muséification partielle par conséquent) produirait-elle la mort de l'art ?


Je n'ai pas écris que la muséification produisait la mort de l'art, mais qu'elle en était symptomatique.

Je suis sûr que plein de monde serait intéressé par des commentaires ou recommandations plus "positifs" de ta part, tu maîtrises suffisamment le répertoire pour ça... Alors qu'en allant pester contre ce que les gens aiment, forcément, c'est moins fécond.


Mais je suis tout à fait pour que les gens soient contents. S'ils ont un contentement scatophile, c'est égal.

Après, si des jeunes filles se mettent à quémander, cela peut se discuter (j'ai aussi mes faiblesses, comme tout le monde).

10. Le dimanche 15 avril 2012 à , par DavidLeMarrec

Si tu n'as pas la moindre idée du pourquoi, c'est que nous séparés par un gouffre qu'il me faudrait trop de temps à combler

Oh, je vois quantité de bonnes raisons de ne pas vouloir jouer essentiellement du patrimoine... mais aucune qui rende scandaleuse le fait que certaines salles ne programment pas grand'chose de neuf.

En fait, le gouffre est plutôt dans la dramatisation de cet enjeu : ça ne me bouleverse pas si le TCE ne met pas de XXIe (ou pas d'opéra italien, ou pas de polyphonie Renaissance) dans sa programmation. Même si la musique devait disparaître, ce ne serait pas si grave après tout.


Je n'ai pas écris que la muséification produisait la mort de l'art, mais qu'elle en était symptomatique.

Dont acte. Il te reste donc juste à prouver que l'art est mort. :)


Après, si des jeunes filles se mettent à quémander

Ok, ok, je ménagerai donc ma fatigue. :)

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