[concert 8] Liederspiele de Schumann à la Cité de la Musique (Röschmann / Kirchschlager / Bostridge / Quasthoff / Deutsch / Drake)
Par DavidLeMarrec, dimanche 25 octobre 2009 à :: Poésie, lied & lieder - Saison 2009-2010 :: #1389 :: rss
N.B. : Un début en patientant, pour présenter le programme. La notule devrait en principe être complétée demain, avec le détail du concert.
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Pour cette affiche de rêve, il n'y avait plus une place de libre, divine surprise de voir le lied pris d'assaut. Grâce à la générosité de nos voisins de rang, les lutins intrépides ont pu se frayer un chemin jusqu'au prestigieux sextuor.
On jouait divers Liederspiele de Schumann, qui ne sont jamais, même au disque, exécutés ensemble, parce qu'il faut varier sans cesse les associations entre chanteurs (solos, duos et quatuors surtout). [Même concernant les duos Op.34, on n'en trouve que deux versions complètes au disque (assez récentes) en tout et pour tout...]
Le dernier cycle comprenait même un accompagnement à piano à quatre mains, avec Prélude et Intermezzo purement instrumentaux.
Je parle de cycle parce que le principe du Liederspiel était, en principe, de créer une narration miniature, qui devait se partager entre récitation parlée et chant accompagné au piano. Une sorte de Singspiel fondé non pas sur des numéros, mais sur des lieder (c'est-à-dire que les textes sont des poèmes, et accompagnés simplement au piano).
Ceux laissés par Schumann ne comprennent pas, semble-t-il, de pièces parlées qui aient été écrites, et peut-être même jamais prévues par l'auteur. Cela est possible dans la mesure où la succession des textes va tantôt suivre une logique vaguement narrative, tantôt au contraire faire se juxtaposer des situations stéréotypées sans suite réelle, ou contradictoires.
Au programme,
- Spanisches Liederspiel Op.74 (sur les textes espagnols traduits par Emanuel Geibel, plus connus peut-être dans leur utilisation par Wolf dans son Spanisches Liederbuch)
- Minnespiel Op.101 (poèmes de Friedrich Rückert)
- Spanische Liebeslieder Op. posth. 138 (traductions d'Emanuel Geibel)
Le tout de Robert Schumann. Trois cycles tardifs qui datent de 1849.
Les revigorants deux derniers bis (il y en eut cinq !), les plus originaux, mais non annoncés, ont été identifiés par nos services, en voici les références pour ceux qui désireraient en profiter à nouveau.
Liebhabers Ständchen (« La Sérénade de l'Amoureux ») Op.34 n°2, tirée d'un ensemble de quatre duos assez truculents, enregistrés seulement deux fois semble-t-il. Par Dorothea Röschmann et Ian Bostridge eux-mêmes, dans l'intégrale Hyperion des lieder de Schumann par Graham Johnson, et accessoirement, moins en style et moins spirituel, par Petra-Maria Schnitzer et Peter Seiffert accompagnés par Charles Spencer (chez Orfeo). Le jeune homme supplie son amie de le laisser entrer, d'une façon à la fois comique et pleine d'enthousiasme communicatif.
Zigeunerleben (« Vie Tzigane ») Op.29 n°3, tiré des trois poèmes de Geibel dans cet opus. Un quatuor vocal qui décrit l'existence de cette société singulière, et où musicalement chaque soliste dit son mot, de façon très plaisante.
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Plus de détails sur la performance de l'équipe luxueuse demain.
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J'en profite pour adresser un chaleureux salut à mes délicieux voisins qui devraient passer dans les parages, ainsi qu'à S.E. qu'on regrette beaucoup dans ces pages.
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Seconde partie : mise à jour du vendredi 30 octobre 2009.
On préfère consacrer du temps, par ici, aux oeuvres qu'aux exécutions éphémères, d'autant qu'on préfère parler de celles qui nous ont plu, ce qui revient à aligner panégyrique sur dithyrambe.
Qu'importe, on l'avait promis, et on tient ici l'un des concerts les plus exaltants de cette saison pourtant superlative.
Oh, c'est chose simple, on avait ici quatre des grands liedersänger en activité, deux brillants pianistes spécialistes de ce répertoire, dans des raretés de haute qualité. De surcroît, les organisateurs du concert, à défaut de fournir les textes, avaient surtitré le concert, ce qui donnait à tous le loisir de comprendre (et aux amis de l'expression d'allemande de recoller les morceaux des poèmes traduits afin de restituer les originaux par fragments).
On a confirmé nos constats sur le déclin de Thomas Quasthoff, dont la voix semble être devenue moins sonore (ce dont témoignent aussi quelques spectateurs), dont la justesse n'est pas parfaite et dont le timbre a perdu toute celle plasticité de jadis. Néanmoins, nos préventions par rapport à ses prestations de Verbier (Winterreise puis Don Giovanni), elles, ont été levées : c'est un chant valeureux, qui n'est en rien déplaisant, à défaut de séduire. immédiatement.
Ian Bostridge, que j'entendais pour la première fois, non sans une vive curiosité, dans des conditions réelles, semblait en méforme. La voix ne rayonne que tout en haut de la tessiture (difficile, on l'a senti un peu contraint, près de l'accident, à une ou deux reprises), le médium et le grave laissent étrangement paraître un souffle disgracieux. Par ailleurs, malgré ses charmantes contorsions vocales habituelles, l'interprétation paraissait un peu froide et l'apparence totalement impassible ! Surprenant contraste.
Helmut Deutsch et Julius Drake semblaient étrangement en retrait par rapport à leur potentiel d'imagination - et même tout simplement de relief pianistique - dans des programmes qui leur sont plus familiers, se contentant d'accompagner très attentivement.
Plusieurs spectateurs ont semble-t-il été indisposés par la puissance de Dorothea Röschmann (pas beaucoup de coups de glotte, non... on était bien en style) dont la voix, lumineuse dès qu'elle use du vibrato, dominait le quatuor. Cependant, quelle puissance verbale - aux confins assumés de la parodie dans le pathos de Liebster, deine Worte stehlen (Op.101 n°2), plus solennelle et touchante dans Tief im Herzen trag'ich Pein (Op. posth. 138 n°2) -, et quel galbe vocal !
Et sa voix se fondait si bien avec celle d'Angelika Kirchschlager, offrant toujours la même qualité d'incarnation racée, et ce timbre dense, légèrement mordant et pourtant caressant.
Tout ce beau monde, quoi qu'on puisse dire sur nos découvertes des uns et des autres, était, au sens propre vertigineux dans ses associations en quatuor, de quoi défaillir de bonheur. Non seulement de très haut niveau, mais de surcroît inspiré pour une rencontre occasionnelle entre solistes.
Jusqu'à la gestion des entrées des uns et des autres, tout était pensé pour donner une cohésion à ces Liederspiele un peu disparates. Avec un succès assez inoubliable.
Les duos féminins de l'opus 74, le quatuor final de l'opus 101, en plus des deux derniers bis assez riants que nous indiquions, étaient réellement des moments de grâce comme, même à ce niveau d'exécution et d'investissement, on n'en entend pas tous les jours. Il faut vraiment le pouvoir du lied et de ses meilleurs interprètes pour produire ça.
Commentaires
1. Le mardi 27 octobre 2009 à , par Jean-Charles
2. Le mardi 27 octobre 2009 à , par DavidLeMarrec :: site
3. Le jeudi 29 octobre 2009 à , par S.E.
4. Le jeudi 29 octobre 2009 à , par DavidLeMarrec :: site
5. Le lundi 2 novembre 2009 à , par Jean-Charles
6. Le lundi 2 novembre 2009 à , par DavidLeMarrec :: site
7. Le mercredi 11 novembre 2009 à , par DavidLeMarrec :: site
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