Carnets sur sol

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mardi 29 juillet 2025

Le violentomètre Golaud


La troisième notule des nouveautés sur le front de Pelléas que je souhaitais vous proposer – après la question de l'emploi divergent des leitmotive pelléassiens et la transformation horrifique des motifs du grand duo de l'acte IV – adopte une angle plus léger.

Il y a quelques jours, tandis que je disais tranquillement du mal du cinquième acte (vaste question, on y reviendra en tant voulu), et que je souligne que son seul moment d'animation réside dans la terrifiante torture de Mélisande par Golaud, on me répond pour badiner « oh, il parle un peu fort, c'est tout ».

Dans mon esprit, le parallèle est immédiat : minimisation de violences intra-familiales → documentation de prévention → Golaud et le violentomètre.

J'ai d'abord tout de suite bricolé quelques flèches sur le document officiel, pour prouver mon argument et plaisanter un peu, puis, pris au jeu, je me suis dit que je ne pouvais pas sérieusement avancer de telles choses sans des sources circonstanciées. Me voilà donc à chercher les correspondances, ce qui se déclina en en un grand jeu collaboratif avec Christelle en IDF (qui ne parle hélas pas de Pelléas dans ses contenus publics, vous ne devinez même pas quelles takes vous manquez) sur le trajet du domaine co-dessiné par Hubert Robert – vous n'avez pas idée à quel point nos vies sont stylées !

Le résultat tient dans l'infographie que vous voyez, faisant correspondre à chaque item les citations correspondantes. Parcours transversal amusant à travers l'ouvrage – bien sûr, pour la relation entre Golaud et Mélisande, ce seront prioritairement les scènes I,1 (la rencontre dans la forêt), II,2 (Golaud blessé et l'anneau perdu), III,4 (l'espionnage avec l'enfant), IV,2 (l'outrage devant Arkel), IV,4 (le meurtre) et V (l'interrogatoire final) qui seront convoqués.

Amusant parce que façon ludique de redéployer thématiquement, dans le désordre, la matière littéraire de Pelléas. Mais cela va un peu au delà : comme le personnage de Pelléas est particulièrement évanescent, très peu incarné psychologiquement, et que Mélisande demeure assez mystérieuse et multiple (cf. notule traînée de Mélisande et commentaires en fin de vidéo du neuvième épisode de la série Pelléas), Golaud incarne facilement, pour le public, la mesure humaine du drame, muni d'affects familiers et compréhensibles. Cela se renforce même, à mon sens, dans ses travers – Yniold qui ne comprend rien et braille pendant un quart d'heure est tellement insupportable qu'on peut ressentir de l'empathie pour ce père autocentré qui cède à la colère stérile. Ce moment me fait toujours frémir, car je peux avoir l'impression de sentir plus d'empathie (du moins dans ce dispositif théâtral !) pour l'abuseur que pour sa victime.

C'est en cela que ce synoptique recèle, à mon sens, un intérêt véritable : il permet de se rendre compte de ce que serait Golaud dans le monde réel. En tout cas celui du temps de la création et de la réception actuelle, car on peut supposer que dans le contexte médiévalisant imaginaire de Maeterlinck, le crime d'honneur est bien mieux admis – c'est en tout cas ce que laisse supposer l'attitude déférente du Médecin, et l'absence manifeste de conséquence des deux meurtres.
Le décalage amusant entre la perception de Golaud par les autres personnages et cette grille de lecture (anachronique, mais assez raisonnable) met assez bien en évidence, je trouve, la tension entre le Golaud dramaturgique, central et humain, et le Golaud psychologique, bien plus inquiétant. Tension qui autorise des lectures très divergentes (je mets de côté l'ogre George London, qui paraît assez hors de propos), depuis le menaçant Tomlinson et le grimaçant MacIntyre jusqu'au patelin van Dam, en passant par des portraits intermédiaires comme l'aristocratique H. Etcheverry, qui paraît toujours faire mine de planer au-dessus des contingences du monde, rendant son passage à l'acte très imprévu.

En cela, ma proposition me paraît stimulante pour dialoguer, en quelque sorte, avec l'oeuvre depuis là où nous sommes.

Pour information, Mélisande (qui paraît toxique par certains aspects) arrive au niveau 10 et Pelléas, qui paraît tellement innocent… au niveau 21 !  (Si l'on extrapole les colombes qui quittent la tour sur le leitmotiv de Mélisande, et que l'on prend en considération qu'il refuse de lâcher ses cheveux.)  Il est vrai que Pelléas coche par ailleurs très peu d'autres conduites déviantes dans le tableau.

Je vous laisse à présent profiter du relevé consacré à Golaud… et frémir avec moi.

violentomètre Golaud dans Pelléas et Mélisande version Debussy

Transcription pour permettre les recherches en plein texte – et si jamais l'image s'avère difficile à lire selon la diagonale de votre écran (j'ai dû la compresser par erreur dans le logiciel, le texte me paraît un peu flou).



1. Respecte tes décisions, tes désirs et tes goûts
OUI
➤ « Je ne vous toucherai plus ! » (I,1)
puis clairement NON (cf. items suivants)

2. Accepte tes amies, amis et ta famille
Non pertinent : Mélisande est seule.

3. A confiance en toi
NON :
➤ « Et cependant, je suis moins loin des grands secrets de l’autre monde que du plus petit secret de ces yeux ! » (IV,2)
➤ « Je suis trop vieux ; et puis, je ne suis pas un espion. J’attendrai le hasard ; et alors… Oh ! alors !…  » (IV,2)

4. Est content quand tu te sens épanouie
NON :
➤ « Voyons, tu n’es plus à l’âge où l’on peut pleurer pour ces choses… » (IV,2)

5. S'assure de ton accord pour ce que vous faites ensemble
OUI :
➤ « Voulez-vous venir avec moi ? » (I,1)
puis NON :
➤ « Je ne sais ni son âge, ni qui elle est, ni d’où elle vient et je n’ose pas l’interroger […] Il y a maintenant six mois que je l’ai épousée et je n’en sais pas plus qu’au jour de notre rencontre. » (I,2)

6. Te fait du chantage si tu refuses de faire quelque chose
➤ « Il faut dire la vérité à quelqu’un qui va mourir… Il faut qu’il sache la vérité, sans cela il ne pourrait pas dormir… » (V)

7. Rabaisse tes opinions et tes projets
➤ « Mais il faut une raison cependant. On va te croire folle. On va croire à des rêves d’enfant. » (II,2)
➤ « C’est donc cela qui te fait pleurer, ma pauvre Mélisande ? — Ce n’est donc que cela ? — Tu pleures de ne pas voir le ciel ? — Voyons, tu n’es plus à l’âge où l’on peut pleurer pour ces choses…  » (II,2)

8. Se moque de toi en public
➤ « Pourquoi tremblez-vous ainsi ? — Je ne vais pas vous tuer. » (IV,2)
➤ « Ils sont plus grands que l’innocence !… Ils sont plus purs que les yeux d’un agneau… Ils donneraient à Dieu des leçons d’innocence !  » (IV,2)
➤ « Plus que de l’innocence ! On dirait que les anges du ciel y célèbrent sans cesse un baptême !… » (IV,2)

9. Est jaloux et possessif en permanence
➤ « Pelléas et petite-mère ne parlent-ils jamais de moi quand je ne suis pas là ? » (III,4)
➤ « Ils ne s’approchent pas l’un de l’autre ? […] Et le lit ?… Sont-ils près du lit ? » (III,4)
➤ « Vous espérez voir quelque chose dans mes yeux, sans que je voie quelque chose dans les vôtres ? — Croyez-vous que je sache quelque chose ? » (IV,4)

10. Te manipule
➤ « Mélisande, as-tu pitié de moi, comme j’ai pitié de toi ?… Mélisande ?… » (V)

11. Contrôle tes sorties, habits, maquillage
➤ MÉLISANDE. Je voudrais m’en aller avec vous… C’est ici, que je ne peux plus vivre…
GOLAUD. Mais il faut une raison cependant. On va te croire folle. On va croire à des rêves d’enfant. (II,2)

12. Fouille tes textos, mails, applis
➤ « À propos de Mélisande, j’ai entendu ce qui s’est passé et ce qui s’est dit hier au soir. » (III,3)
➤ « Ne fais pas le moindre bruit ; petite-mère aurait terriblement peur… La vois-tu ? — Est-elle dans la chambre ? » (III,4)
➤ « A-a-h ! — Il est derrière un arbre ! » (Mélisande, IV,4)

13. Insiste pour que tu lui envoies des photos intimes
Non représentable sur une scène du XIXe siècle – et non pertinent : ils vivent au même endroit et n'ont pas la technologie idoine de toute façon. 

14. T'isole de ta famille et de tes proches
➤ « Évitez-la autant que possible ; mais sans affectation d’ailleurs ; sans affectation. » (III,3)

15. T'oblige à regarder des films porno
Non représentable. Et technologie inexistante.

16. T'humilie et te traite de folle quand tu lui fais des reproches
➤ « On va te croire folle.  » (II,2)
➤ « Voyez-vous ces grands yeux ? — On dirait qu’ils sont fiers d’être riches… » (IV,2)

17. Se lance dans des colères incontrôlables lorsque quelque chose lui déplaît
➤ « Ah ! vos mains sont trop chaudes… Allez-vous-en ! Votre chair me dégoûte !… » (IV,2)
➤ « Je ne veux pas que tu me touches, entends-tu ? » (IV,2)
➤ « Laissez-moi seul !  laissez-moi seul avec elle !… » (V)

18. Menace de se suicider à cause de toi
➤ MÉLISANDE. Qui est-ce qui va mourir ? — Est-ce moi ?
GOLAUD. Toi, toi ! et moi, moi aussi, après toi !… Et il nous faut la vérité… (V)

19. Menace de diffuser des photos intimes de toi
Non représentable. Pas la technologie non plus.

20. Te pousse, te tire, te gifle, te secoue, te frappe
➤ « — Vous allez me suivre à genoux ! — À genoux ! — À genoux devant moi ! — Ah ! ah ! vos longs cheveux servent enfin à quelque chose !… À droite et puis à gauche ! — À gauche et puis à droite ! — Absalon ! Absalon ! — En avant ! en arrière ! Jusqu’à terre ! jusqu’à terre !… » (IV,4)

21. Te touche les parties intimes sans ton consentement
Pas passé loin :
➤ PELLÉAS. Était-il tout près de vous ?
MÉLISANDE. Oui ; il voulait m’embrasser…
PELLÉAS. Et vous ne vouliez pas ?
MÉLISANDE. Non. (II,1)

22. T'oblige à avoir des relations sexuelles
➤ « Votre frère avait un mauvais rêve. Et puis ma robe s’est accrochée aux clous de la porte. Voyez, elle est déchirée. » (IV,4)
 
23. Te menace avec une arme
➤ « Oh ! Ces petites mains que je pourrais écraser comme des fleurs… » (II,2)
➤ « Où est mon épée ? Je venais chercher mon épée… » (IV,2)
➤ « Pourquoi tremblez-vous ainsi ?  Je ne vais pas vous tuer. Je voulais simplement examiner la lame. » (IV,2)
➤ « Fermez-les ! Fermez-les ! ou je vais les fermer pour longtemps !… » (IV,2)
➤ « Ce n’est pas de cette petite blessure qu’elle peut mourir ; un oiseau n’en serait pas mort… ce n’est donc pas vous qui l’avez tuée, mon bon seigneur » (le Médecin, V)

lundi 28 juillet 2025

Pelléas & Mélisande – les cellules musicales de l'amour pour exprimer l'horreur


Autre élément que je voulais soumettre à votre sagacité, la structure du troisième grand duo entre Mélisande et Pelléas – II,1 ; III,1 ; IV,4 –, le retour à la fontaine pour le seul duo d'amour explicite de l'œuvre.

Comment mentionné dans la précédente notule, à l'inverse de l'acte I où les références transversales sont nombreuses, certaines scènes de Pelléas semblent exclusivement bâties sur leur propre matériau sonore : la dernière scène de l'acte II (la grotte), tout l'acte III à l'exception de la dernière scène (la torture d'Yniold), et à peu près tout l'acte IV.
Le duo d'amour n'est donc pas seulement l'occasion d'une récapitulation – les retours thématiques externes (la nuit de I,1, le destin de II,1, l'impatience de IV,1) occupent surtout le début de la scène, et ce sont plutôt des formules parentes qu'à proprement parler des motifs identiques. Ce duo, en réalité – en particulier après la déclaration de Pelléas – repose d'abord sur le développement de motifs internes à la scène.

Et leur évolution est assez spectaculaire. Je prends deux exemples frappants. Lorsque Pelléas arrive et prépare le public à son aveu à venir, on trouve cette une formule de ponctuation, par deux fois. Liée, donc, au départ, à l'impatience.

acte IV pelleas & melisande
Une formule parente, plus régulière rythmiquement, plus hoquetante mélodiquement, mais assez équivalente (même visuellement !), apparaît au moment où les portes sont fermées. L'orchestre produit d'abord un son mimétique d'un bruit sourd, puis commente avec la première partie du motif de Golaud (souvent lié à l'idée de surveillance et de menace), et aboutit sur ce motif comparable.
acte IV pelleas & melisande
Le même motif se trouve exactement utilisé lorsque Pelléas propose de s'interposer face à Golaud (fermate !), dans une situation où l'enfermement contient des conséquences plus tragiques. On évolue ainsi d'une formulation qui accompagne le départ de Pelléas vers une situation où la fuite est impossible, puis où la mort est certaine. Et tout cela s'agite progressivement, avec des marches harmoniques (progressions de la même structure musicale, par paliers) de plus en plus longues et menaçantes.
acte IV pelleas & melisande
C'est à ce moment qu'intervient la version en miroir du même motif, quand le piège est refermé sur les amants et que le motif d'exclusion se change en motif d'amour éperdu. Renversement de matériau et de sens impressionnant.
acte IV pelleas & melisande
Il se produit la même chose, plus évidente à l'oreille, pour le motif de l'amour des amants – la première chose que Debussy a écrite dans Pelléas !  Au moment où Pelléas s'émerveille de la réponse de Mélisande : « On dirait que ta vois a passé sur la mer au printemps », avec sa volute de quintolets (cinq notes groupées, ce qui est inhabituel dans des mesures où tout fonctionne par deux ou par trois) énoncée au cor puis à la flûte.
acte IV pelleas & melisande
Ce motif, qui n'apparaît, me semble-t-il, que dans cette portion de la scène 4 de l'acte IV, se resserre toujours plus au fil du désir plus pressant et de l'action plus tendue, jusqu'à éclater dans l'abandon des baisers finaux, avec des couleurs harmoniques plus inquiétantes (accord de quinte augmentée). (oui, il y a une erreur de bémol à la main droite au piano, lab et non dob)
acte IV pelleas & melisande
On pourrait même relever que la scène s'achève sur un autre motif, qui parcourt la fin de la scène – la vengeance de Golaud –, qui s'enroule sur lui-même, et qui semble une sorte de contamination de cette volute des amants par les intervalles de seconde du motif de Golaud. C'est davantage un ressenti à l'écoute qu'une évidence à la lecture, mais je trouve quelque chose, volontaire ou non, de proche du galbe du motif amoureux et de la sévérité du motif de Golaud (ou même des octaves ascendantes de sa vengeance). Je n'ai rien trouvé sur l'intention de Debussy, pas sûr qu'il l'ait commentée : ce peut aussi bien être une trouvaille délibérée qu'instinctive, ou même simplement une coïncidence que je relève parce que je suis baigné des différentes « briques » qui constituent le discours musical de Pelléas – toute proximité n'est pas parenté, ni même intention.
acte IV pelleas & melisande

Dans tous les cas, je suis impressionné par le caractère très organique de l'écriture de Pelléas, et notamment de cette scène, où des couleurs harmoniques, des formules reviennent, pas toujours chargées de sens, mais très cohérentes entre elles – si bien que l'atmosphère de Pelléas diffère profondément de toute autre œuvre de Debussy. C'est un univers en soi, avec des moyens musicaux mobilisés très spécifiquement, qui ne relèvent pas simplement d'une habitude stylistique.

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Comme vous le voyez, il n'est pas évident de regarder tout cela sans extraits sonores, sans manipuler, sans s'interroger, nuancer chaque élément – surtout considérant la façon dont Debussy traite son matériau, tantôt signifiant à l'échelle de l'opéra, tantôt à l'échelle d'une scène seulement, faisant basculer des motifs porteurs de sens en accompagnement, ou faisant émerger des accompagnements liés à des types d'atmosphères définis… Il faudra donc être patient et attendre les vidéos consacrées aux motifs de l'acte IV, dans quelques mois… J'attendrai, j'attendrai…

J'ai une troisième notule à vous soumettre sur mes dernières marottes du côté de Pelléas. Elle arrive très vite, en principe, avant une grande notule consacrée à un panorama des pochettes de disque les plus remarquables (pas toujours en bien…) !

dimanche 27 juillet 2025

Les leitmotive élusifs & les formules purement musicales de Pelléas


violentomètre Golaud dans Pelléas et Mélisande


Je voulais faire un point sur mes dernières observations pelléassiennes : les vidéos qui explorent méthodiquement l'apparition des leitmotive / motifs récurrents dans l'œuvre continuent de paraître chaque samedi, s'approchant de la fin de l'acte I. Cependant, de mon côté, j'en suis déjà au milieu de l'acte III. Et, surtout, je trouve bon de tirer parti de cette série vidéo pour poser quelques points d'étape dans cette découverte des jolies ficelles de Debussy. Avant, je l'imagine, en fin de parcours, de pouvoir constituer quelques notules plus « transversales », autour de l'évolution d'un motif particulier par exemple.

Vous le verrez, ça ne tourne pas comme prévu.

C'est parti pour la première des trois notules.




Après avoir été très surpris de la densité en motifs porteurs de sens, dans les trois tableaux de l'acte I, et vous l'avoir signifiéPelléas est peut-être encore plus sophistiqué et précis en sens que la plupart des scènes du Ring, de ce point de vue ! –, j'ai été à nouveau étonné du changement : dans l'acte II, le phénomène s'atténue, et dans la plupart des scènes l'acte III, la logique compositionnelle semble avoir changé.

Si je résume mes trouvailles, donc.

1) Oui, il existe incontestablement des leitmotive dans Pelléas, ces thèmes ou cellules musicaux qui sont porteurs de sens et évoluent au fil de leurs itérations dans l'opéra. Ils ne se limitent pas aux personnages, contrairement à ce qu'assertait Maître Pierrot.

2) Leur contour est assez différent de ceux de Wagner. Debussy altère énormément ses motifs : il n'en utilise qu'un fragment lorsqu'il le convoque (ainsi Golaud se résume souvent à un rythme pointé ou à une alternance binaire-ternaire avec syncope), en change l'harmonie et même la mélodie. C'est souvent surtout le rythme, ou le type d'intervalle, qui permet d'en retrouver la trace. Ceux de Wagner restent beaucoup plus fermes, en particulier dans la mélodie qui n'est guère altérée en général, et même souvent dans l'harmonisation.

3) Les motifs debussystes apparaissent souvent dans des endroits où ils n'ont pas encore pris leur sens (interludes, ou avant que le texte ne les désigne comme tels) ; ils peuvent aussi être repris comme pure matière musicale (sans sens particulier) ou se transformer en formule d'accompagnement.

4) Certains motifs sont transversaux à tout l'opéra, mais la majorité d'entre eux reste interne à des scènes précises. Par exemple, dans la scène de la Tour (III,1), le motif des cheveux est très identifiable, mais ne correspond pas du tout au matériau musical utilisé dans la scène de la fontaine (II,1). De même pour la clarté, avec des trouvailles marquantes, mais qui changent dans chaque scène où la lumière paraît.

5) Debussy utilise aussi énormément de formules récurrentes, des enchaînements harmoniques en particulier, qu'on ne trouve pas forcément ailleurs que dans Pelléas mais qui ne correspondent pas, pour ce que j'ai pu en juger, à des notions précises – ou alors très vaguement attachées à une atmosphère mélancolique, par exemple. Pour résoudre cette ambiguïté, j'ai fini par par les appeler « formules (musicales) », afin de les différencier des « motifs (signifiants) »

→ On peut donc nuancer l'idée de leitmotive : il y en a (berger, où vont-ils ?), et qui mutent encore davantage que chez Wagner, mais certains restent cantonnés à la matière musicale de leur scène close, et d'autres formules récurrentes ne sont pas nécessairement porteuses de sens.
Par ailleurs les leitmotive peuvent eux-mêmes être utilisés hors de leur sens propre, simplement comme matière sonore, sans doute pour conserver une homogénéité d'ambiance.

Pour le dire autrement : cela varie beaucoup d'une scène à l'autre, et explique pourquoi on peine à nommer ces motifs : ils se cachent beaucoup, et souvent ce ne sont que des « formules » musicales récurrentes, qui ne sont pas attachées à un sens particulier. Ou alors des motifs signifiants récurrents, mais à l'échelle d'une scène seulement et pas repris ailleurs. Il faut bien voir que Debussy a écrit son opéra acte par acte, mais en commençant par le quatrième, sur quasiment une décennie, ce qui explique potentiellement les différences de conception d'un acte à l'autre, et la plus forte densité en motifs transversaux aux actes I & II qu'aux III & IV, je suppose.

Vu comme cela, tout paraît sans doute bien abstrait, mais il est impossible de détailler tout en notule écrite (aucun ouvrage publié ne le propose, d'ailleurs) – je le ferai sans doute sur un leitmotiv à titre d'exemple, quand j'aurai les idées bien claire à la fin du parcours, mais pas tout de suite –, aussi je vous invite à jeter un œil sur les vidéos si le sujet vous rend curieux. Je sais que le format (plan fixe, son moyen) n'est pas très avenant, a fortiori comparé à la qualité professionnelle qui est devenue la norme sur YouTube, mais je ne dispose pas du temps pour proposer un contenu cinématographiquement satisfaisant. En revanche, quitte à picorer dans telle ou telle vidéo, je pense qu'il y a de quoi comprendre un peu mieux ce que j'avance ci-dessus : on met vraiment les mains dans le moteur, mesure par mesure.

samedi 12 juillet 2025

Nouveautés discographiques en vidéo & Samuel COLERIDGE-TAYLOR


Tentative d'un nouveau format vidéo :

→ TUTO nouveautés discographiques (où les trouver et où les écouter) ;
→ Nouveautés discographiques de cette semaine ;
→ Samuel COLERIDGE-TAYLOR : nouveautés & discographie.

https://www.youtube.com/@carnetsol/videos

(Comme je n'ai pas le temps de tout écrire sur les nouvelles parutions, je tente ceci.)

mardi 8 juillet 2025

Le retour de Fourdrain – Les Contes de Perrault, mash up de récits et de musiques

Article
L'étonnant programme de ce mash up.
L'étonnant programme de ce mash up.

Alors même qu'il n'existe rien – ou peu s'en faut, trois pistes isolées, dont deux assez récentes – de Félix Fourdrain au disque, le compositeur était (grâce aux précieux conseils d'Alexandre Dratwicki, je dois lui rendre justice !) au cœur de mes déchiffrages ces derniers mois — j'en parle ici.


Parmi mes découvertes :

¶ le drame naturaliste La Glaneuse (achevé en 1908, création à Lyon), organisé par des leitmotive et bâti sur un livret très prenant ;
¶ le drame historique révolutionnaire Madame Roland (1910, Rouen), d'une belle franchise vocale ;
¶ le wagnérisant Vercingétorix (1911, Nice), farci de beaux leitmotive, d'une tension dramatique jamais relâchée (sauf dans les ballets), d'une grande générosité dans les récitatifs ; je l'avais même capté en déchiffrage et commenté en direct sur Twitch

L'oubli dans lequel il est tombé s'explique sans doute en partie par le fait que ses opéras sérieux ont été créés en province, et que les recherches de figures méconnues se portent d'abord sur les compositeurs emblématiques de la capitale.

… Et voilà que, sans crier gare, Les Frivolités Parisiennes en proposent une œuvre à l'Athénée !


Grosse surprise en découvrant ces Contes de Perrault (1913), conçus avec les mêmes librettistes que les trois opéras cités, Antoine Bernède & Paul de Choudens, qui ne ressemblent pas vraiment aux autres œuvres du trio.


Il s'agit en effet d'une concaténation de contes, comme par exemple, à la même époque La Forêt bleue de Louis Aubert (il existe une bande de la RTF) ou Brocéliande d'André Bloch (où voisinent crapauds amoureux parlant grec et fée Carabosse, merci la Compagnie de l'Oiseleur). Et elle est particulièrement insolente et réussie, avec ces changements d'identité – le Petit Poucet, par l'effet de charmes successifs, devient le Prince Charmant puis Riquet à la Houppe, et cela affecte à la fois son caractère individuel et son être social ; idem pour Cendrillon qui, au faîte de son triomphe, devient Peau d'Âne et change de vie – qui permettent un passage fluide d'un épisode à l'autre, sans en renouveler tous les personnages. La liberté de ton, les emprunts contemporains, la variété des registres de langue permettent de surprendre sans cesse l'auditeur. Et la musique de Fourdrain épouse cette diversité, empruntant tantôt à la couleur féerique des Français qui ont entendu Tristan, tantôt à la tradition démodée de l'opéra romantique, et même quelquefois à l'opérette et au café-concert.


Bien que, contrairement au Roi Carotte d'Offenbach (« opéra bouffe-féerie », « opérette féerie »), l'œuvre soit simplement nommée « féerie lyrique », il ne s'agit pas d'un opéra composé de bout en bout. Elle inclut des dialogues, à tel point que certains numéros musicaux, comme l'Introduction ou la musique de scène pour l'entrée du Chat Botté (qui chasse les petits lapins après le premier lever de rideau, scène coupée dans la production des Frivos), ne durent qu'une poignée de secondes.


Commandé pour le Théâtre de la Gaîté, son écriture musicale est plus consonante que pour les titres sérieux, mais on y retrouve la qualité de sa gestion de la tension par les progressions harmoniques – la musique ne reste pas en repos sur un seul référentiel, mais évolue volontiers, y compris dans les numéros simples.

Pour autant, l'aspect comique léger y est très sensible, avec beaucoup de couplets – des airs aux mélodies simples et aux reprises strictement strophiques, de forme A-A ou A-A-A).

L'héritage d'Offenbach y est ainsi sensible, avec, évidemment, ce Galop infernal,


puis ce chœur qui répète servilement, parodie des chœurs commentateurs de l'opéra italien début XIXe, qui évoque les couplets de Pâris dans La Belle Hélène « Je suis gai, soyez gais, il le faut, je le veux ! » ou la fin du chœur a cappella en canon à la fin de l'acte I du Barbier de Séville de Rossini (« Sì Signor ! Sì Signor ! Sì Signor ! Sì Signor ! »).


Même les parodies de grand opéra (ou d'opéra sérieux) sont dans la veine comique française – on peut penser à une parodie du chœur affligé de Lucia di Lammermoor après la noce sanglante (« O qual funesto avvenimento »), au grand ensemble de stupeur au I des Vêpres Siciliennes, à l'ensemble de la conspiration dans les Huguenots (« Pour cette cause sainte ») ou encore à la parodie de grand opéra dans Le roi Carotte d'Offenbach, avec le chœur des armures (« Oses-tu bien invoquer tes ancêtres »).


On y croise même quelques citations plus littérales, comme l'air qui doit éveiller les nonnes damnées à l'acte III de Robert le Diable, ici pour les épouses retrouvées de Barbe-Bleue – mais chanté avec bouffonnerie par un chœur d'hommes. Robert était encore souvent donné au début du XXe siècle, la référence était immédiate pour le public, comme si l'on nous jouait aujourd'hui une parodie d'Imagine ou de L'Hymne à l'amour.


En certains endroits, ce sont plutôt les doublures de Puccini ou les courbures mélodiques de Massenet (les plaintes dans Cendrillon, en particulier, comme de Parazar) qui paraissent très parentes, sans citation explicite.


Deux passages en revanche m'ont semblé si hardis que j'ai, je l'avoue, douté de leur authenticité. D'abord ces couplets de l'héroïne ; l'expression « être laide à donner la colique aux moineaux », très fantaisiste (quel rapport, vraiment ? ce n'est même pas une expression courante, à ma connaissance), ne se rattache à rien de ce que je savais de l'humour scénique français de ces années.

Pourtant, après vérification dans la partition, tout est authentique. (Les élisions de l'oralité d'oïl, en fin de capture, sont beaucoup plus fréquentes pour affecter le parler populaire, dans le chant lyrique où elles ne sont pas la norme.)


Pour finir, particulièrement improbable, au sein des enfers et de l'empire de Barbe-Bleue, tandis que l'héroïne est en danger de mort, les méchants (Barbe-Bleue et Croquemitaine) discutent ainsi :


C'est-à-dire les « couplets du bicarbonate de soude ». Surprise renforcée par un couplet (qui ne figure pas dans le piano-chant, mais bien dans la version imprimée du livret) utilisant un registre très familier, sur les ténors qui [braillent].

L'usage de fragments syllabiques est fréquent dans l'esthétique d'Offenbach, mais virant à ce point au scat, et sous la forme d'une publicité pour un produit industriel, 1913 me paraît très tôt ! J'aurais plutôt pensé à la génération Yvain, voire Misraki, des opérettes des années 20-30, pas un opéra comique de la première moitié des années 10. Même le déhanché du mouvement semble avoir un peu décanté de jazz.

Une fois que l'on sait que cela a bien été écrit par Fourdrain-Bernède-Choudens, on peut tout de même penser au stupéfiant Burlesque Opera of Tabasco de Chadwick, un exemple d'opéra publicitaire, dès 1894 ! J'en avais dit un mot lors de mon tour du monde des raretés lyriques 2018.

Intrigue minimale : Hot-Heddam Pasha menace de décapiter son cuisinier français (en réalité un imposteur irlandais) si celui-ci ne relève pas davantage ses plats. Après une recherche désespérée à travers la ville, c'est la mystérieuse fiole d'un mendiant aveugle qui fait l'affaire, en réalité une bouteille de sauce au piment Tabasco.
→ C'était au départ une simple commande locale d'une milice de Boston, à l'occasion d'une levée de fonds pour une nouvelle armurerie. Mais le succès fut grand, les droits rachetés par un producteur ambitieux, un accord passé avec l'entreprise créatrice de la sauce, ce qui a transformé la petite pièce légère en grand événement traversant le continent dans une forme de cirque extraverti (distribution de produits, immense bouteille en carton-pâte sur scène).
→ Musicalement, nous avons affaire à de la pure veine légère anglophone, quelque part entre Sullivan et Candide de Bernstein, très agréablement réussi. [Je ne crois pas qu'il en existe d'intégrale officielle, mais YouTube en fournit plusieurs extraits.]
→ George Whitefield Chadwick est un des plus beaux représentants du romantisme musical américain, à la fin du XIXe siècle (1854-1931) – de la Second New England School, comme Amy Beach. Sa Deuxième Symphonie témoigne d'une belle maîtrise de tous les aspects d'écriture, dans une veine simple et lumineuse. Mais les Symphonic Sketches sont encore plus intéressants, plus personnels – culminant dans le mouvement lent, « Noel », tout à fait dans l'esprit folklorique de la Neuvième de Dvořák !


Outre quelque coupures, la seule adaptation majeure que j'aie pu repérer dans cette production était l'adoption de la vraisemblance sexuelle, en remplaçant le Prince Charmant, un soprano (chanté à la création par Yvonne Printemps !), par un ténor (Enguerrand de Hys, qui s'en acquitte magnifiquement par ailleurs), ainsi qu'on le fit souvent dans la Cendrillon de Massenet, ou désormais avec les contre-ténors dans le seria (alors ce que sont des rôles conçus pour des castrats ou des femmes, des types de voix très différents des falsettistes).



La réalisation scénique et musicale en était en outre exceptionnelle – sans surprise avec Les Frivolités Parisiennes, c'est toujours le cas, et le succès de cet orchestre spécialiste fait vraiment plaisir à voir.

Valérie Lesort, tout en conservant dans la mise en scène sa veine visuelle burlesque, toujours pleine d'invention, qui fait sa marque – et qui ravit le public, moi le premier –, complexifie la substance dramatique en appuyant davantage, dans les dialogues, sur les enjeux d'identité et de responsabilité. Les héros ne sont pas seulement des épures de contes, mais aussi des tempéraments humains dont on peut questionner la moralité et les motivations. Ces changements à la marge n'affectent pas la logique déjà féerique et bouffonne de l'œuvre, mais lui offrent, je trouve, une dimension supplémentaire. Finalement une œuvre assez profonde, vu comme cela.

Côté chant aussi, c'était la fête, des interprètes judicieusement choisis parmi lesquels je retrouve quelques chouchous aux dictions claires et aux timbres personnels (Julie Mathevet, Enguerrand de Hys, Philippe Brocard et l'irrésistible Lara Neumann), et en particulier une révélation, Romain Dayez, qui ne m'avait pas particulièrement bouleversé dans Les Bains macabres de Connesson (le meilleur opéra contemporain que j'aie vu) où la technique qu'il employait était beaucoup plus traditionnelle, et qui fait ici une démonstration de chant sidérante dans la dernière scène : émission très libre, claire, haute, avec une impédance basse, très peu de couverture vocale, juste ce qu'il faut pour ne pas se blesser. Résultat : le texte claque, la voix claque, audible en bas, glorieuse en haut, la projection est largement supérieure à tout ce que l'on a l'habitude d'entendre de nos jours sur une scène d'opéra. Et pourtant le grain du timbre conserve de sa couleur sombre. Parce qu'au lieu de chercher le fondu et l'épaisseur, il projette sa voix dans sa zone la plus efficace, sans chercher à l'arrondir. Le résultat est saisissant, ça faisant longtemps que je n'avais pas entendu ça – ce type de positionnement vocal est devenu de plus en plus rare et n'est plus guère enseigné, ce qui pose plein de questions sur l'avenir de l'opéra (quel intérêt de chanter sans micro si on entend mal et qu'on ne comprend rien ?).

Je me suis laissé dire que le projet était ruineux et a beaucoup entamé les finances des Frivos sur la saison (j'en déduis qu'ils avaient loué l'Athénée au lieu d'être mandatés par la salle ?), mais on voit qu'il est possible de jouer à guichet fermé devant un public enthousiaste et une critique dithyrambique, pour peu qu'on la choisisse bien et qu'on la réalise avec soin. Ici, tout était réuni : nom et sujet connus de n'importe quel résident français, musique originale et accessible, mise en scène plaisante visuellement et très vivante, plateau de très grande qualité. C'est donc possible. (Je ne repars pas sur ma marotte : si on recréait des titres de qualité dont le nom fait rêver, comme Vercingétorix de Fourdrain, ou si l'on commandait des opéras sur des sujets parlants pour un vaste public et dans un langage musical cohérent avec le sujet, par exemple autour de One Piece, Harry Potter, Star Wars, The Walking Dead ou Squid Games, on pourrait véritablement remettre l'opéra au centre du jeu culturel hexagonal. Car, en fin de compte, ce qui caractérise l'opéra, c'est l'absence d'amplification des chanteurs et la présence d'un accompagnement par des instruments acoustiques ; le reste est simplement un choix stylistique, qu'il n'est absolument pas interdit d'adapter.)

À l'échelle du monde, on le voit bien : des œuvres ultra-consonantes, d'autres qui ressemblent à de la musique de film, qui empruntent au jazz ou à la pop, et puis d'autres purement atonales, avec des aplats d'agrégats… tout est possible. En France, on semble vraiment bloqué dans l'alternative : patrimoine de tubes ou avant-garde radicale. Il existe d'autres voies, et notamment celle d'un opéra plus proche des esthétiques grand public, qu'il appartienne à la production du passé ou qu'il soit commandé pour l'occasion. Si j'en parle souvent, c'est que cela permet à l'art de rester vivant et de sortir un peu de sa niche ultraspécialisée. (Cela ne veut pas dire qu'il faut arrêter les cycles LULLY et ne plus jouer les tubes de l'opera seria, bien sûr. Tout cela peut coexister et rendre l'offre un peu plus variée et attractive.)

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J'en espère d'autres ! La saison prochaine l'Athénée se remet un peu à l'opéra contemporain (deux propositions à quelques jours d'intervalle). Les Frivos, entre La Cage aux Folles, No, no, Nanette et Tosca, seront sur d'autres fronts. Il faudra patienter un peu et suivre l'actualité des conservatoires (cette année, il y avait un opéra du père de Nadia & Lili Boulanger, tout de même !) et des valeureuses compagnies comme celle de L'Oiseleur, qui permettent de découvrir ce patrimoine occulté.


mercredi 2 juillet 2025

Leitmotive de PELLÉAS & Fortune du FREISCHÜTZ – les notules vidéo


vidéos Carnets sur sol
Aperçu des prochaines publications en format vidéo.



A. Le concept

À présent que la série Leitmotive de PELLÉAS est lancée en vitesse de croisière (tout l'acte I est capté, ainsi que la première scène de l'acte II, échelonnement de publication tous les samedis jusqu'à fin juillet) et que la série Fortune du FREISCHÜTZ est achevée (publication automatique tous les mercredis, jusqu'en septembre), je ne reviendrai probablement pas ici sur chaque nouvelle parution. Mais je voudrais en dire un mot supplémentaire.

Sachez donc que cette série qui explore les leitmotive dans Pelléas – un phénomène réel, quoi qu'en die Pierrot le Fou –, et de même, celle dédiée à l'influence de la Gorge du Loup, dans le Freischütz de Weber, sur toute la musique du XIXe siècle, sont issues de désirs de notules contrariés par la lourdeur logistique de l'entreprise et la charge considérable en temps à allouer.

Je me figure, dans l'imaginaire épique qui est le mien, qu'un certain nombre de lecteurs fidèles se sentent apassablement trahis par ce passage de l'écrit, plus structurant (et plus rapide à ingérer !), au profit de la superficialité de la vidéo, accréditant toutes les craintes de tiktokification de l'humanité.
Pourtant ce n'est pas un renoncement à la notule écrite – j'ai conscience qu'elle est plus commode, et je suppose que les lecteurs réguliers de CSS sont attachés à son format, à son ton –, mais bien la possibilité de faire vivre celles qui, trop ambitieuses, ne pourraient jamais voir le jour.

En réalité, outre que ce format m'était réclamé depuis un certain temps par quelques lecteurs ou amis, l'impact se révèle nul sur la production de notules écrites : ce n'est pas le même quota temps qui est utilisé. Et, surtout, ce travail que je souhaitais réaliser depuis longtemps peut voir le jour à court terme, tout simplement impossible à réaliser en notule, puisque je joue dans l'ordre l'intégralité de l'opéra, en l'entrecoupant de commentaires et de références à d'autres œuvres. La quantité de texte à écrire et de sons à incruster (passage complet, sous-passage, détail, parentés…) n'est tout simplement pas envisageable, sauf à en faire un temps plein sur plusieurs années.

S'il en existe un jour une déclinaison écrite, ce sera donc plutôt la transcription du texte des vidéos sans les extraits afférents, en guise de témoignage.

En revanche, je prévois bien, à la fin de l'exercice (un mois et demi pour publier les 11 épisodes de la scène 1, je vous laisse mesurer le temps qui nous sépare de l'achèvement du cycle), de produire quelques notules autour des faits « motiviques » les plus marquants de Pelléas : quelques-unes des mutations ou des superpositions les plus parlantes ; ou bien certains thèmes que je n'aurais pas rencontrés dans les livres mais que j'aurais identifiés, à travers plusieurs moments de l'œuvre – le motif de la clarté me semble un client intéressant pour cet exercice, mais il faut encore que je confronte mon intuition à l'entièreté de la partition d'abord, et du corpus critique ensuite. Car il est possible que je n'aie pas encore lu les pages où il est identifié, ou bien qu'il soit attribué à une autre idée – ce qui m'amènera à coup sûr à débattre des différentes hypothèses.
Bref, il faudra vraisemblablement attendre avant que tout ceci ne soit publié sous forme écrite, et de façon très partielle. C'est pourquoi j'invite les pelléassiens curieux, qui sont nombreux parmi les lecteurs de ces pages, à aller jeter un œil à la série.

Certes, c'est, pour des raisons évidentes de temps – j'abomine le montage, aussi, très long et abrutissant –, produit de façon totalement brute : capté sans interruption, cadrage fixe, vraiment juste une communication filmée. Rien à voir avec les productions merveilleuses qui sont devenues la norme sur YouTube, où des professionnels de la musique jouent parfaitement filmés sous huit angles, avec des incrustations d'images rigolotes, des écrans dans l'écran et un montage extrêmement rythmé. Par ailleurs, dans les premiers épisodes, en l'absence de matériel adéquat, la voix paraît captée de façon un peu lointaine, il faut clairement pousser le potentiomètre par rapport aux autres vidéos de la plate-forme. (Mais je passe quelques heures à enregistrer ça, vous pouvez bien, si le contenu vous intéresse, augmenter un peu le volume, ce n'est pas un drame. Simplement ça ne s'adressera qu'à un petit contingent, aucun spectateur externe ne sera attiré par la forme, clairement. Même si, croyez-le ou non, des non mélomanes que je ne connais pas regardent et semble-t-il apprécient ! Leur intrépidité m'impressionne.)

Surtout, je pense que ce format, même sous sa forme rudimentaire actuelle, conserve plusieurs atouts.

1) Il n'existait pas, à ma connaissance, de proposition vidéo un peu précise et longue sur la structure musicale de Pelléas. Les ouvrages qui l'abordent le font, par une contrainte évidente de place, de façon très ponctuelle et fragmentaire, en isolant quelques exemples frappants pour illustrer leur propos : aucune étude sur toute la longueur de l'œuvre, mesure après mesure, n'a été publiée, pour ce que j'ai pu en voir. Par ailleurs, lorsque ces questions sont abordées, c'est souvent de façon assez technique, sous-entendant une connaissance préalable de la théorie musicale.
Mon projet était donc de proposer une approche aussi exhaustive que possible, qui commente l'intégralité de la partition et non seulement des moments significatifs, afin de bien prendre la mesure de la dimension structurante et de la récurrence des motifs ; et cela tout en explicitant à chaque fois les événements dans un langage vulgarisé, accessible même sans lire la musique. (C'est toujours un défi pour l'harmonie, sujet autoréférentiel s'il en est, mais pas impossible en expliquant la fonction « mécanique » ou expressive des couleurs et attractions.)
J'ai ainsi tâché de tenir un double objectif qui, à mon sens, peut être fécond : d'une part être aussi complet et minutieux que je le puis, en relevant chaque occurrence que je peux rencontrer. Le format feuilleton le permet bien, surtout que les titres et descriptions peuvent orienter les curieux qui seraient intéressés par une parenté, un aspect en particulier. D'autre part rendre la série accessible à tout mélomane qui aurait simplement entendu l'œuvre, sans connaissances préalables, y compris solfégiques.

2) Le format vidéo permet un déroulé très progressif et précis de la pensée musicale : on peut reprendre plusieurs fois le même motif, le faire tourner, le décomposer. Ce n'est pas infaisable du tout en notule, mais la longueur extrême du découpage en fragments et de la mise en forme limite mécaniquement l'explication, la reformulation. Sous forme de notule, la série sur le Freischütz aurait pris au moins une centaine d'heures de travail (et je pense davantage), assez fastidieuse de surcroît (planifier tous les extraits, les enregistrer, faire de même avec les partitions à mettre en regard, tout organiser et mettre en page...).
Le plus probable est que j'y aurais finalement renoncé – près d'un an après avoir conçu le projet, alors que j'avais relevé toutes les références que je voulais mettre en évidence, je n'avais toujours pas achevé la simple récolte d'extraits sonores, encore moins des fragments de partitions, et rien de la rédaction. Dans le meilleur des cas, vous auriez eu une notule de ce genre tous les deux ans, au lieu d'avoir tout de suite, ici, deux séries ambitieuses intégralement disponibles en l'espace de quelques mois.

3) Le fait de jouer soi-même les extraits permet de ne pas dépendre des prises de son (à l'orchestre, on n'entend pas toujours bien les parties intermédiaires), de posséder les droits des extraits (la notule n'est pas dépendante d'une potentielle réclamation), et surtout de pouvoir détailler des éléments en les isolant (telle mélodie cachée dans l'ensemble, comme le thème de la forêt lointaine dans Pelléas, souvent indiscernable lorsqu'il se mêle à d'autres accords). Ce peut être utile pour rendre accessible l'explication harmonique, par exemple : si on ne le sort pas de son contexte immédiat et touffu, seuls ceux qui savent déjà pourront comprendre.
Par ailleurs, je trouve l'aspect « conversation autour d'un piano » plus convivial qu'une simple « conférence », surtout avec ce format rudimentaire en plan fixe. C'est un peu d'animation. (Et je trouve très sympathique, comme pour la série Musique en Ukraine, le côté artisanal de tout faire : recherche, textes, exécution musicale, captation, montage. L'impression de dorloter mon lectorat / spectatorat.)




B. Réception

Je suis impressionné de constater des statistiques confidentielles mais régulières, avec un petit noyau de passionnés qui suivent tout. C'est plus que je n'en espérais – je comptais simplement le déposer là, si jamais quelqu'un était intéressé, moi ça m'amuse à produire et j'avais, pour Pelléas, de toute façon prévu d'en explorer la structure pour mon usage personnel avec ou sans notule ! –, quelques dizaines pour chaque vidéo, et des retours, des commentaires positifs, même quelques purulents qui attendent chaque nouvel épisode. Et j'imagine que les statistiques gonfleront un peu au fil des mois, puisque j'ai beaucoup publié (et peu annoncé) ; tout le monde ne peut pas suivre le rythme, et tout le monde ne regardera pas tous les épisodes.

J'ai aussi essayé, comme produit d'appel, les shorts. L'idée était de profiter de l'algorithme de YouTube (je ne me suis pas épuisé à dupliquer sur d'autres plates-formes, l'objectif n'est pas de faire des vues, et j'imagine que ce sera plutôt regardé par une fraction de ceux qui ont déjà l'habitude de lire le site) pour attirer quelques curieux supplémentaires. Ce ne sont que des fragments d'une minute, très faciles à produire (il suffit de sélectionner le passage dans la vidéo d'origine et hop, le short est créé), pas du tout montés, donc pas réellement des raisonnements complets, juste des instantanés (que je prends très peu de temps à sélectionner, donc un peu arbitraires).
Quelle ne fut pas ma surprise en constatant les chiffres hallucinants de leur visionnage : souvent plus de 1000 ou 1500, et même l'un d'eux (pas spécialement le plus spectaculaire ou intéressant) à plus de 6000 spectateurs. Absurde.
J'imagine que l'algorithme refourgue ça aux gens qui regardent de la musique pour piano, ça doit entrer dans une case où ils manquent d'offre… Ça n'a d'ailleurs pas vraiment d'effet sur la chaîne (vues, abonnements sur les autres vidéos), mais c'est assez déconcertant, un peu comme les fausses musiques ou les chansons interprétées par des avatars qui submergent les plates-formes de musique et de vidéo – je doute que ça touche vraiment son public, même s'il y a en effet des likes et des réactions positives (que je ne m'explique pas trop).

En somme, il existe un public, même si moins vaste (pour ceux réellement intéressés) que pour les notules, et cela me permet d'opérer un travail de documentation parallèle à ce qui est fait à l'écrit sur le site, avec un effort de production et une chronophagicité bien moindres. La possibilité de communiquer sans effort sur des sujets que je tiens par-devers moi depuis des années, impressionné par l'énergie nécessaire pour sa présentation et sa rédaction, rend même la facilité de ce nouveau format un peu grisante !




C. Productions futures

À présent que la série Freischütz est achevée, avec quoi faire alterner la série Pelléas ?

Pour situer : l'idée est plutôt de ne pas refaire des notules existantes – moins stimulant pour moi, et vu que les vidéos font beaucoup moins de lectures que les notules, pas sûr que ce soit une contribution essentielle –, et de privilégier les sujets où la plus-value de jouer des extraits en direct est la plus évidente. Donc pas de commentaires discographiques, par exemple. (Pour ce format, j'aimerais plutôt le faire avec des amis, ce pourrait être sympathique, je pose ça là, n'hésitez pas à me signaler si vous êtes tentés, par exemple les dernières trouvailles discographiques, nouveautés ou non, ou conseiller des découvertes par thème…)

Je m'interroge.

La suite des leitmotive ? Je ne voudrais pas faire que cela sur la chaîne, mais il y a encore quelques beaux candidats. J'aurais beaucoup aimé faire Arabella de Richard Strauss, peut-être l'exemple le plus vertigineux que je connaisse en la matière ; mais je crains de tomber exactement dans un creux entre deux formats : peu de monde connaît déjà suffisamment l'œuvre pour disposer d'un public minimal, et ce n'est pas non plus une découverte d'œuvre qui pourrait attirer un autre type de curieux. Tosca de Puccini paraît un candidat plus fructueux : tous les amateurs d'opéra le connaissent, et on l'écoute rarement en soulignant cet angle (pourtant il y a là aussi des motifs partout, même si les concaténations et mutations y sont assez peu spectaculaires par rapport à nos précédents exemples francogermaniques). C'est par ailleurs très agréable à jouer et il y a de jolies choses à dire.
Dernière possibilité, L'Aigle de Jean Nouguès, un inédit qui n'a pas vocation dans une telle série à être joué en entier, mais dont je pourrais détailler des extraits significatifs : variations & fugato sur la Chanson de l'Oignon, empilement de chants révolutionnaires, consulaires & impériaux qui constituent, retravaillés, l'essentiel de la matière musicale de l'opéra ! – La Carmagnole, Ah ça ira, Nous n'irons plus au bois, Il était un petit homme tout habillé de gris, Veillons au salut de l'Empire, Marche consulaire de Marengo, Le Chant du Départ, La Marseillaise… J'en ai déjà capté deux épisodes, je trouve cette musique vraiment incroyable ; mais je ne suis pas certain que ce type de travail de détail sur un inédit puisse réellement toucher son public. Je suis curieux des retours, je publierai probablement ça avant la fin de la série Freischütz, afin de recueillir des retours et des statistiques. Dans ce même esprit, il y a La Glaneuse de Félix Fourdrain, un drame naturaliste particulièrement intense et inspiré, mais pour profiter des motifs, il faudrait tout jouer, et on retomberait un peu dans l'esprit des « déchiffrages filmés », dont il reste un peu difficile de s'emparer, je trouve – j'adore faire ça, mais je ne pense pas que ce soit ce qui apporte le plus aux visionneurs.

Une autre grande série thématique ? Par exemple la suite de la série ukrainienne. (Mais ce sera davantage enregistrer des pièces de musique avec du contexte et moins du commentaire de détail.) J'ai quelques bijoux inédits de Bortniansky et d'Akimenko sous le coude, par exemple. Et je serais ravi de parler de Mosolov, Roslavets, Ornstein
Ou bien une série sur les chants de la Révolution et leur usage musical, sans doute pas mal à chercher et à montrer, et accessible à un vaste public !  À étendre peut-être à l'exploration du style révolutionnaire.
Problème : beaucoup d'œuvres ne sont pas aisément disponibles en partition par mes réseaux habituels. Pourquoi pas sous forme assez courte : je donne un peu de contexte sur le compositeur (et éventuellement les enjeux de son attribution nationale), je joue une pièce, je souligne quelques-unes de ses caractéristiques intéressantes.

¶ Des inédits décortiqués, quelque chose d'équidistant entre mes déchiffrages filmés et l'approche minutieuse de Pelléas : vraiment donner la becquée au public pour pouvoir s'approprier une œuvre inconnue. C'est que j'ai été bouleversé par Le vieil Aigle de Raoul Gunsbourg à chaque lecture, combinaison d'un livret simple mais bouleversant, et d'une musique intelligente qui va droit au but et touche juste à chaque fois. Mais idéalement, il me faudrait le concours, sinon de chanteurs, de récitants. (Et bosser quelques passages périlleux, ça se lit à vue sans effort et sans chausse-trappe la plupart du temps, mais il y a des marines assez virtuoses à des moments critiques qu'on ne peut pas affaiblir sans diminuer l'œuvre elle-même.)
Vercingétorix de Félix Fourdrain pourrait aussi intéresser un public assez vaste, j'avais commencé à en diffuser le déchiffrage avec des commentaires (1,2), parmi les premières vidéo de déchiffrage de la chaîne. Et cela dépasse la musique (leitmotive également, couleurs harmoniques, etc.), puisque cela entre évidemment en résonance avec nos interrogations actuelles sur les évolutions et l'usage du roman national.
Plus simple à réaliser, car plus court (et déjà un peu travaillé), une version vidéo et commentée de la Symphonie de la Tour Eiffel d'Adolphe David, mon étrange trouvaille d'il y a deux ans.

¶ Ou encore (et cela adviendra sûrement à un moment ou un autre), des épisodes isolés, sur des remarques précises. Là tout de suite, je pense à des choses aussi disparates que des trouvailles dans des inédits ou des détails d'architubes. D'une part, représentation d'une troublante justesse des viols de guerre à la fin de l'acte II d'Ivan le Terrible de Raoul Gunsbourg – qui fut médecin de guerre du côté russe contre les Turcs, et même un contributeur actif à la victoire de Nikopol. D'autre part, les détails qui répondent à la question Pourquoi Mozart est-il aussi génial ?, les mutation du motif pointé initial dans le mouvement lent de la Quatrième Symphonie de Beethoven (avec un solo de timbale à peu près totalement inédit, je crois, hors concertos et roulements), l'usage des modulations pour varier les éclairages et les émotions dans Die Winterreise de Schubert… Donc différents degrés de découverte un peu inédite ou au contraire de vulgarisation.

Bien sûr, s'il y a des avis et des souhaits dans cette liste ou hors liste, je prends note ! Vu le faible nombre de personnes concernées, deux ou trois demandes convergentes peuvent valoir commande. Pour l'heure, la principale suggestion convergente, de plusieurs regardeurs, portait sur un décorticage de Wozzeck de Berg sur le modèle de Pelléas – mais j'ai poliment décliné pour l'instant, cette musique m'affecte tellement violemment que si je mets le nez dedans au quotidien, cela va littéralement ruiner ma vie.




D. Le contenu

Cette notule a été longue à paraître parce que je ne souhaitais pas me contenter d'une autopromotion satisfaite, l'idée est tout de même de fournir un peu de contenu informatif.

Par conséquent, à présent qu'on a réalisé le petit tour d'horizon du principe (et des prochains thèmes), comme je ne voudrais pas avoir l'air de dépouiller le site en renvoyant simplement aux contenus vidéo, je vous propose ici une petite table des matières. Ainsi vous pourrez retrouver, même sans regarder les vidéos, les contenus des investigations et les moments où chercher dans la partition. (C'est tout de même plus facile en regardant, évidemment.)

Dans les deux séries, ce sont des vidéos de 20 à 40 minutes : dans l'idée d'être assez long pour pouvoir développer le propos, mais assez bref pour rendre l'ingestion en une seule fois indolore.



Série Leitmotive de Pelléas

Publication :
Tous les samedis.

Présentation :
« Série consacrée à la structure en leitmotive – très dense, davantage encore que dans le Ring selon les scènes ! – de Pelléas & Mélisande de Debussy. »
Et cela va à l'encontre de ce que l'on entend le plus souvent sur Debussy (coucou Pierrot), peut-être pour avoir pris trop au sérieux les propres déclarations du compositeur.

La playlist leitmotive pour retrouver toutes les vidéos.

Les notules autour de l'œuvre – les dernières abordent précisément cette question.

Épisodes :

0. Le pilote : 1h45 d'investigations motiviques dans le grand duo de l'acte III de Die Walküre de Wagner.

1. « Allemonde ou la forêt lointaine ? ». Dans ce premier épisode, apparition d'un premier motif (Allemonde ?  la forêt ?  les temps lointains et mystérieux ?). Opposition (stylistique, mais aussi modale) au motif de Golaud.

2. « Golaud et les destructions de la gamme par tons ». Dans ce deuxième épisode, apparition du motif de Golaud. Ses composantes. La gamme par tons et ses conséquences destructrices pour la tonalité.

3. « Motifs attachés à Mélisande ». Dans ce troisième épisode, apparition du motif principal de Mélisande. Mais ce n'est pas du tout celui qui la caractérise le plus souvent dans cette première scène !  Plutôt ceux attachés au désir de Golaud pour elle et au rejet de Mélisande envers lui (ou au passé de Mélisande ?).

4. « Entrée de Golaud (chasse, première superposition…) ». Dans ce quatrième épisode, le rideau est levé et Golaud prononce sa première réplique !  On observe comment les deux premiers leitmotive de l'opéra (la forêt lointaine & Golaud) vont déjà se superposer.

5. « Comment délimiter les motifs ? » Dans ce cinquième épisode, on se pose la question de la limite entre un élément identique au motif (intervalle mélodique, rythme) et la volontaire référence à ce motif par Debussy. Pas toujours facile.
Moment : fin de la première tirade de Golaud.

6. « Motifs du désir, du rejet, de la couronne… et premières fusions ! » Dans ce sixième épisode, on découvre le motif du désir de Golaud, celui du rejet de Mélisande, celui de la couronne… et on observe déjà des mutations impressionnantes où leurs caractéristiques respectives se mêlent.
Moment : acte I, scène (tableau) 1. De « J'entends pleurer » à « Y a-t-il longtemps que vous avez fui ? ».

7. « Le "vrai" motif Allemonde et... Tosca ! ». Dans ce septième épisode, on explore le figuralisme de la couronne, les mutations du motif de Mélisande, et on parle un peu de Boris Godounov et de Tosca.
Moment : acte I, scène (tableau) 1. De « Qu'est-ce qui brille ainsi au fond de l'eau » à « Si, si, je les ferme la nuit ».

8. « Boris Godounov (et syncopes, accompagnements, fusions...) ». Dans ce huitième épisode, on observe la suite des fusions des motifs et des naissances de nouveaux... et l'on explore la fameuse parenté avec Boris Godounov de Moussorgski. (Tout en annonçant celle entre le motif initial de la forêt et un extrait mineur des Huguenots de Meyerbeer.)
Moment : acte I, scène (tableau) 1. De « Pourquoi avez-vous l'air si étonnée » à « Je n'en sais rien, je suis perdu aussi ».

9. « Rivalités de sopranes, procès, duel, Huguenots, portraits de Mélisande ». Un neuvième épisode assez dense : on regarde la citation (involontaire) des Huguenots en examinant les hypothèses de cette parenté, on rappelle la genèse de Pelléas (le blanc-seing de Maeterlinck et le procès perdu, la compétition entre les sopranos Germaine Leblanc et Mary Garden, la question de la diction, la provocation en duel, l'assassinat de la chatte de Maeterlinck…), et on se pose aussi la question des interprétations possibles du personnage de Mélisande (fillette, victime, coquette, vouivre ?). Tout en poursuivant notre avancée chronologique sur les motifs.
Moment : acte I scène 1 « La nuit sera très noire et très froide », puis début de l'interlude entre les scènes 1 & 2.

10. « Sommeil de Brünnhilde et hallucinations de Boris Godounov ». Dans ce dixième épisode, on regarde la version longue du premier interlude, et on observe les réminiscences de fragments du sommeil de Brünnhilde et des hallucinations de Boris Godounov.
Moment : acte I, interlude entre les scènes 1 & 2.

11. « Apparition de Parsifal ». Ce onzième épisode est l'occasion d'explorer de près la fameuse référence à la marche qui ouvre et innerve la première musique de transformation de Parsifal : contrairement à ce que suggèrent beaucoup de résumés de cette affaire, cette cellule est déjà présente dans la version courte de l'interlude entre les deux premières scènes de Pelléas !  Mais elle est plus développée, et encore plus proche, dans sa version longue, ce qui explique les remarques soulignant qu'un Debussy pressé écrit du Wagner – rappelez-vous, Albert Carré, directeur de l'Opéra-Comique, commande l'allongement des interludes, trop brefs pour la machinerie de scène, mais seulement au moment les répétitions, quelques semaines avant la première (et Debussy lui répond en substance qu'il ne peut pas écrit de musique au kilomètre). C'est pourquoi on retrouve dans les (incroyables) interludes longs beaucoup de matière issue des différentes scènes de l'opéra, parfois sans lien direct avec les scènes entre lesquelles elle se trouve (il faut y prendre garde lorsqu'on feut faire l'exégèse du sens des motifs !
Comparaison des deux interludes en fin d'épisode.
Moment : interlude long (version définitive après répétitions de 1902) et interlude court (version d'origine avant répétitions) entre les scènes 1 & 2.

12. « La lettre & la généalogie ». Ce douzième épisode tourne autour de la lecture de la lettre par Geneviève. On met le doigt sur un motif qui pourrait lui être lié (et manifestement parent du motif du « monde lointain » qui ouvre l'opéra), on réentend quelques suggestions évoquant la forêt du début ou Mélisande ; mais domine surtout la sobriété, qui accentue cette impression de hiératisme propre à ce Moyen Âge de fantaisie.
On pose aussi la question de la généalogie. Geneviève est-elle la mère de Golaud & Pelléas ?  Est-elle la fille d'Arkel ou issue de l'alliance avec une famille extérieure ?
Moment : I,2. Lecture de la lettre.

13. « Arkel, la guerre, le réel, Dieu, les neumes ». (Parution le samedi 5 juillet.) Ce treizième épisode explore la tirade d'Arkel :
a) Écriture qui évoque le plain-chant à faux-bourdon. Je raconte à cette occasion l'histoire incroyable de la redécouverte des neumes grégoriens par Félix Danjou, et l'engouement qui s'ensuivit, ainsi que les rivalités dans les églises. Cf. cette notule.
b) Éléments de réalité (ici, la guerre) qui affleurent dans l'univers éthéré de Pelléas. Cf. cette notule.
3) La place de Dieu dans Pelléas. Cf. cette notule.
Moment : I,2. Tirade d'Arkel entre la lettre et la première entrée de Pelléas.

14. « Pelléas-personnage, la jalousie, le danger ». (Parution le samedi 12 juillet.) Ce quatorzième épisode dévoile plusieurs motifs importants :
a) celui, peu marquant de prime abord, attaché à Pelléas, qui pourra par moment fusionner avec d'autres (Mélisande, évidemment !) ;
b) celui lié à la jalousie et aux tentations de violence de Golaud (ces octaves ascendantes) ;
c) une couleur spécifique liée au danger (au destin ?) en plusieurs endroits.
Moment : I,2. Entrée de Pelléas.

15. « Interlude n°2 (long et court), harmonie parsifalienne, retour du désir ». (Parution le samedi 19 juillet.) Ce quinzième épisode explore la version courte et la version longue du deuxième interlude de Pelléas, avec notamment :
a) nouvelles réminiscences parsifaliennes (harmoniques notamment) ;
b) retour du motif du désir, intégré et retravaillé.
Moment : interlude entre les scènes I,2 (la lettre) et I,3 (le navire).

16. « Sombre ou clair ? ». (Parution le samedi 26 juillet.) Ce seizième épisode se concentre sur le contraste obscurité / lumière, et la nature de motifs d'accompagnement, qui s'oppose à la réutilisation de motifs récurrents :
a) formule simple et répétitive pendant l'évocation des jardins « où ne pénètre jamais le soleil » ;
b) motif de Pelléas qui intervient au moment où il est question de la clarté, avant même que le bruit de ses pas ne soit évoqué ;
c) poussée harmonique et illumination d'accords « purs » de trois sons (procédé pour figurer la lumière ?).
Moment : début de la scène I,3, « Devant le château ».

17. « Les marins : Golaud ou la mer ? ». (Parution le samedi 2 août.)  Ce dix-septième épisode s'esbaudit de l'ambiguïté, dans toute la scène du navire qui sort du port, du motif de Golaud – qui paraît aussi un motif de la mer :
a) omniprésence du motif de Golaud ; désigne-t-il Golaud qui a conduit Mélisande en bateau depuis le pays lointain de la première scène ?  le voyage (pour cette même raison) ?  le danger en général (la mer déchaînée d'une part, la colère de Golaud d'autre part, puisqu'on sait que Mélisande a aimé Pelléas au premier regard) ?  ou faut-il, comme certains érudits, le considérer comme un motif à plusieurs sens, pouvant aussi bien désigner Golaud que la mer (je ne suis pas convaincu, mais des gens sérieux l'ont écrit) ;
b) contraste de formules ténébreuses (« il y a encore une brume sur la mer »), avec ces accords dans le grave prodigues en quintes directes, et des motifs lumineux (« le navire est dans la lumière », avec ses triolets pépiants), qui ne constituent pas nécessairement des motifs récurrents (à surveiller pour la suite) ;
3) superposition du choeur des martins, des motifs de Mélisande, de Golaud, et de la formule d'accompagnement du début de la scène, tout cela simultanément avec des répliques de personnages.
Moment : scène I,3, "Devant le château", observation du port et choeur des marins hors-scène.

18. « II,1 : motifs aquatiques, Pelléas qui affleure, Fiodor Godunov... ». (Parution le samedi 9 août.) Ce dix-huitième épisode suit l'apparition des premiers motifs de l'acte II :
a) Pelléas, qui ouvre la scène à la flûte solo et glisse ensuite en plusieurs instances ;
b) liquidités aquatiques sur plusieurs motifs (pas nécessairement récurrents) ;
c) les accords d'Allemonde / d'Arkel / du destin, pour la « fontaine miraculeuse » ;
d) le motif de l'eau silencieuse, avec ses acciaccatures, qui impose à chaque fois une rupture harmonique très soudaine ;
e) une parenté étonnante entre le motif liquide de l'eau (les petites volutes descendantes) et la scène où Fiodor, fils de Boris Godounov, étudie la géographique (chez Moussorgski, donc).
Moment : scène II,1 « Une fontaine dans le parc », début.

19. « L'arbitraire de l'harmonie coloriste, dialogues avec Ernest Guiraud ». (Parution le samedi 16 août.) Ce dix-neuvième épisode poursuit l'exploration du matériau du premier tableau de l'acte II. On s'y attarde, autour du motif de l'eau étale et silencieuse, sur le caractère coloriste plutôt que fonctionnel d'une partie des enchaînements d'accords chez Debussy. (À travers notamment ses conversations avec son maître Ernest Guiraud, le compositeur des récitatifs de Carmen et des Contes d'Hoffmann, dépositaire d'un langage plutôt conservateur – telles que notées par Maurice Emmanuel, camarade et ami de Debussy.)
Moment : II,1 (suite).

20. « Souvenir de la rencontre, l'anneau & les symboles ». (Parution le samedi 23 août.)
Ce vingtième épisode aborde la conversation sur la rencontre de Mélisande avec son futur mari, sur un soubassement obstiné de fragments du motif-de-Golaud. On y rencontre le motif de l'anneau, on se pose la question sur son importance symbolique, encore plus évidente dans le tableau suivant, où Golaud semble comprendre que, dans un drame symboliste, l'objet a autant de valeur que la chose même – et que perdre l'anneau, c'est perdre le lien, perdre son empire sur sa femme. [Un forum entier est dédié à cette question.]
On s'intéresse aussi aux motifs aquatiques, pas forcément transversaux dans l'opéra (donc pas toujours des leitmotive), qui parcourent toute la scène.
Moment : II,1. Le souvenir de la rencontre avec Golaud et la perte de l'anneau.

Vous pouvez aussi aller lire les notules autour de l'œuvre – les dernières abordent précisément cette question.

Je dois enregistrer demain les épisodes 21 (comparaison des interludes entre II,1 et II,2, la version longue est vraiment plus généreuse et étrange) et 22 (début de II,2, la blessure de Golaud). L'aventure se poursuit !

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Série Fortune du Freischütz

Publication :
Tous les mercredis.

Présentation :
« Le principe de cette série ?  Explorer les influences considérables de la scène de la Gorge du Loup sur les compositeurs du XIXe siècle – jusqu'à la fin du siècle et même jusqu'en Russie ! »

La série est désormais achevée, 16 épisodes qui seront diffusés jusqu'à mi-septembre ; vous pouvez en retrouver la playlist ici.

En jouant une poignée de fois, pour mon édification personnelle, la scène de la Gorge du Loup – il y a un an environ – j'ai été frappé par le nombre de correspondances qui s'imposaient dans mon esprit : Mendelssohn, Marschner et Wagner, en bonne logique, mais aussi Schubert, Meyerbeer, Halévy, Berlioz et même Tchaïkovski !  C'est ainsi que m'est venu l'envie de faire remarquer la densité de cette scène en matériau, à peu près inédit à l'époque de la création, qui est ensuite devenu le langage commun à toute l'Europe symphonique !

L'autocitation, aussi, à ce degré, c'est peut-être une première ; et cela ouvre la voie ensuite aux versions altérées de ce genre de répétitions – les leitmotive. Les plus frappants éléments précurseurs que je connaisse autrement se trouvent dans les Huguenots, très ponctuellement (et 15 ans plus tard !).

Épisodes :

1. « Trémolos, orchestration, chromatismes ». Dans ce premier épisode :
→ La clausule joyeuse (mais plagale) du tableau précédent.
→ Explication de la question du référentiel musical (« la tonalité pour les nuls »).
→ L'usage dramatique du trémolo depuis Gluck.
→ Différences pratiques et esthétiques entre le trémolo de cordes et celui au piano.
→ Les choix d'orchestration. L'histoire du trombone dans l'orchestre classique (à l'Opéra).
→ Le principe du chromatisme.
Moment : fin du premier tableau de l'acte II et début de la Gorge du Loup.

2. « Les portails de téléportation (ou quintes diminuées) ».
Dans ce deuxième épisode :
→ L'usage (préexistant mais très développé dans le Freischütz) des accords de quinte diminuée. Je tâche d'expliquer, sans avoir besoin de préalables solfégiques particuliers, ce que cette astuce permet : couleur sombre, effet de tension, téléportation possible dans beaucoup d'autres référentiels…
→ Les cris de chanteurs hors scène, avec rappel de l'histoire du chant choral hors scène et de la transgression, ici spectaculaire, des tessitures.
→ Dichotomie majeur / mineur.
Moment : Chœur hors scène qui parle du lait, de la lune et du sang sur la toile d'araignée.
3. « Fantastique, paternités musicales & autres contraintes, opéra allemand ».
Ce troisième épisode pose quelques grandes questions générales sur la musique :
→ Le fantastique à l'opéra. Influence du Freischütz en Europe. (De façon générale et très peu érudite.)
→ Comment déterminer la paternité musicale d'une invention sonore ?  Les précautions à prendre.
→ Contraintes intrinsèques de la grammaire musicale : faute de référent concret (la musique ne décrit rien), les possibilités de rupture sont limitées sans perdre totalement le lien avec les émotions du public.
→ Rapide rappel de l'histoire de l'opéra allemand.
Moment : Chœur hors scène qui parle du lait de la lune et du sang sur la toile d'araignée. (Je joue très peu de musique dans cet épisode.)

4. « Influences sur La Walkyrie & Dalibor (Smetana), le mélodrame musical ». Dans ce quatrième épisode :
→ Le mélodrame à l'opéra : dispositif musical de type voix parlée + accompagnement musical. Ses contraintes. (Où je parle même du Théâtre de l'Odéon…)
→ Chœur de spectres qui sert de matrice au chœur du public au procès de Dalibor, chez Smetana.
→ Accords de tension et ponctuations de timbales dont procèdent manifestement l'Annonce de la mort (Todverkündigung) dans Die Walküre de l'horrible Richard Wagner.
Moment : Chœur hors scène qui parle du lait de la lune et du sang sur la toile d'araignée. Invocation de Samiel (le chasseur maudit et démoneau local) par le méchant Kaspar. Apparition de Samiel.

5. « Matrice de La Juive, de Don Carlos ; refontes de Castil-Blaze, Berlioz… ». Dans ce cinquième épisode :
→ Le motif de l'invocation de Samiel par Kaspar se retrouve comme intermède de l'air le plus célèbre de La Juive d'Halévy (14 ans plus tard).
→ Apparition d'accompagnement / transition en accélération, comme on en trouve dans « Toi qui sus le néant » / « Tu che le vanità » de Don Carlos de Verdi.
→ Succès européen du Freischütz, et notamment les adaptations françaises – le Robin des Bois de Castil-Blaze, la version avec récitatifs de Berlioz, ou encore Durdilly, le pote de Gounod.
Moment : Kaspar invoque Samiel et renégocie la durée de son séjour sur Terre.

6. « Arabella de Richard Strauss ». Dans ce sixième épisode :
→ Une étonnante concordance, dans l'évolution de l'idée musicale réutilisée dans La Juive d'Halévy (épisode 5), avec le leitmotiv le plus central dans Arabella de Richard Strauss.
Moment : Kaspar invoque Samiel et renégocie la durée de son séjour sur Terre.

7. « Robert le Diable de Meyerbeer ». (Parution programmée le mercredi 9 juillet.) Dans ce septième épisode :
→ La matrice de l'air « Nonnes qui reposez sous cette froide pierre» avant le ballet fantastique des nonnes damnées à l'acte III de Robert le Diable de Meyerbeer.
→ Les leitmotive, dont l'embryon apparaît chez Weber puis Meyerbeer.
Moment : Kaspar invoque Samiel et renégocie la durée de son séjour sur Terre.

8. « Autocitation, Mozart, Mendelssohn, Berlioz, Tchaïkovski ». (Parution programmée le mercredi 16 juillet.) Dans ce huitième épisode, pléthore de parentés en à peine quelques mesures :
→ réminiscences de Don Giovanni de Mozart ;
→ source de l'orchestration des bois chez Mendelssohn (A Midsummer Night's Dream) et Tchaïkovski (Roméo & Juliette) ;
→ source de l'imaginaire de la cavalcade dans La Damnation de Faust de Berlioz ;
→ à nouveau Meyerbeer ;
→ autocitation et naissance du leitmotiv.
Moment : Kaspar invoque Samiel et renégocie la durée de son séjour sur Terre.

9. « Le Vampire & le Hollandais volant ». (Parution programmée le mercredi 23 juillet.) Dans ce neuvième épisode :
→ modèle du mélodrame au premier acte de Der Vampyr de Marschner ;
→ source de plusieurs effets utilisés dans Der fliegende Holländer de Wagner ;
→ usage du cor.
Moment : Kaspar invoque Samiel et renégocie la durée de son séjour sur Terre.

10. « Autocitations & Vaisseau fantôme ». (Parution programmée le mercredi 30 juillet.) Dans ce dixième épisode :
→ autocitation du motif de la dérision de Kaspar et de celui de la scène de dérision du village qui ouvre l'opéra ;
→ trémolos et harmonies comparables à Der fliegende Holländer de Wagner.
Moment : Max arrive en haut de la cascade qui domine la Gorge du Loup, et hésite à rejoindre Kaspar.

11. « Auf dem Wasser zu singen (!) & autocitations ». (Parution programmée le mercredi 6 août.) Dans ce onzième épisode :
→ parenté avec le lied superstar de Schubert ;
→ autocitation de l'air de Max ;
→ effets de circulation du matériau thématique dans l'Ouverture.
Moment : Max voit une image d'Agathe prête à se jeter dans la cascade, et se décide à descendre dans la Gorge.

12. « Oiseaux de nuit berlioziens & chromatisme huguenot ». (Parution programmée le mercredi 13 août.) Dans ce douzième épisode :
→ chromatisme dramatique simple, avec l'exemple du grand duo du IV des  Huguenots de Meyerbeer (« JE T'AIME ») ;
→ retour du motif de Samiel (parent du Destin et de l'Annonce de la mort dans La Walkyrie de Wagner) ;
→ disposition d'accords, rythmes et orchestration de l'évocation des oiseaux de nuits, très similaire à celle de Berlioz dans sa Course à l'Abîme de la Damnation de Faust.
Moment : fonte des première et deuxième balles.

13. « La jeune Fille & la Mort, le Winterreise et… Armide de LULLY ». (Parution programmée le mercredi 20 août.) Dans ce treizième épisode :
→ à nouveau, parentés frappantes avec Schubert (avec quelques années d'avance de Weber, et donc potentiellement d'influence) : la variation-climax du thème & variations du Quatuor n°14 de Schubert (sur le second thème du lied Der Tod und das Mädchen), mais aussi le Winterreise (en particulier « Die Post », et potentiellement « Erstarrung ») ;
→ un clin d'œil à la Passacaille d'Armide de LULLY.
Moment : Fonte des troisième, quatrième et cinquième balles.

14. « Sources littéraires & création "dans le noir" ». (Parution programmée le mercredi 27 août.) Dans ce quatorzième épisode :
→ sources littéraires du livret de Friedrich Kind (Gespensterbuch & Hoffmann) ;
→ état initial du livret (duo liminaire entre Agathe et l'Ermite) ;
→ vedettes présentes dans la salle (Heine, Hoffmann, Mendelssohn !) ;
→ évolution de la commande (de Dresde à Berlin) et opinion de Weber.

15.  « Chasseurs damnés, Vaisseau fantôme, références déformées de l'Ouverture ». (Parution programmée le mercredi 3 septembre.) Dans ce quinzième épisode :
→ motif des chasseurs damnés, inspiration manifeste de celui des marins spectraux du Vaisseau fantôme ; → autoréférences (altérées) avec l'air de Max et l'Ouverture. Exploration des différences.
Moment : Fonte de la septième balle et début de l'orage final.

16. « Orage final : follets Nonnes damnées, feu de Wotan, cabalette Vampyr ». (Parution programmée le 10ercredi 3 septembre.) Dans ce seizième (et dernier) épisode :
→ l'orage final, finalement très original et peu copié (les parentés sont plus diffuses que précédemment) ;
→ feux follets du début du ballet des Nonnes damnées dans Robert le Diable de Meyerbeer ;
→ apparitions de Loge & enchantement du feu de Wotan pour le sommeil de Brünnhilde ;
→ cabalette d'Aubry dans Der Vampyr de Marschner ;
→ conclusion générale sur l'impact de cette scène dans l'imaginaire musical européen.
Moment : Orage final. Fin de la série.

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« Série révolutionnaire » : usage de chants révolutionnaires, consulaires & impériaux comme leitmotive

Parmi toute la liste des sujets possibles, j'avais très envie de proposer au moins des fragments (je doute que davantage que quelques épisodes puisse trouver un public de plus de deux personnes) de L'Aigle de Jean Nouguès, un opéra à la gloire de Napoléon, avec un livret lourdement hagiographique, mais une musique d'un esprit incroyable : l'essentiel de la matière musicale repose sur l'usage, la concaténation, la superposition, la mutation de chants traditionnels ou patriotiques. Ah ça ira, La Carmagnole, Le Chant du Départ, La Marseillaise, Marche consulaire de Marengo, Veillons au salut de l'empire, Nous n'irons plus au bois, Il était un petit homme tout habillé de gris… Et bien sûr, au sommet, cet interlude orchestral en forme de variations sur J'aime l'oignon frit à l'huile !

Épisode 1 – l'interlude de l'Oignon, avant le tableau de Marengo.

Épisode 2 – début de l'opéra et premières superpositions (quelquefois la seconde moitié du chant se superpose sur lui-même !).

Pour l'instant, deux épisodes captés, que je diffuserai sans doute très prochainement, afin de disposer d'un premier retour en commentaires ou en statistiques et de décider de la prochaine série au long cours.

Tiennent la corde pour l'instant : les leitmotive de Tosca, l'usage des chants révolutionnaires, la série ukrainienne. Mais qui sait ?

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À bientôt pour de nouvelles aventures (écrites) !

David Le Marrec

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