François-Joseph GOSSEC, Le Triomphe de la République
Par DavidLeMarrec, lundi 14 mai 2007 à :: Opéra-comique (et opérette) :: #609 :: rss
Je n'y avais pas fait attention, mais Radio-Classique doit voter à droite (sans blague, me direz-vous).
Parce que programmer Le Triomphe de la République à une semaine des élections, alors même qu'on n'y passe plus que des oeuvres très célèbres, ce ne peut être innocent !
C'est une idée franchement rigolote, qui met très bien en regard la propagande électorale avec le texte totalement emphatique et creux du divertissement. (Ah, finalement, ce n'est peut-être pas si favorable à la droite que ça.)
Oui, j'en viens à la musique, un peu de patience, on clique ci-dessous et tout ira bien.
Il s'agit d'une oeuvre du temps,
où la simplicité prime, bien entendu.
La scène est à Gran-Pré, dans le camp des Français, qui est séparé du Camp des prussiens [sic] par la rivière de l'Aisne.
Domine l'orchestre extrêmement chatoyant des Barocchisti dirigés par Diego Fasolis. Indispensable pour donner vie à cette musique qui ne brille pas, et c'est le principe de cette esthétique, par les surprises rythmiques et la complexité harmonique.
Le texte de Marie-Joseph Chénier, lui aussi, est d'une profondeur abyssale (à force d'être creuse) :
LA LIBERTE :
N'envie point la Grèce antique,
Et Rome, et l'Helvétie, et l'heureuse Amérique ;
La Nation Française a mieux connu ses droits ;
Elle a su proclamer, en bannissant ses rois,
L'unité de la République.
Vingt Peuples, sur mes pas réunis en ce jour,
Viennent dans nos remparts chercher un grand exemple :
La France est désormais le Temple
Où je dois fixer mon séjour.
Hervé Niquet peut toujours ironiser sur le caractère désuet et falot de l'éloge au roi, au moins les vers tenaient un tant soit peu debout. Parce que le premier vers me semble bien un octosyllabe manqué... sans compter les césures douteuses (vers 6) et les béquilles (le vers 3, certes très mignon, ne contient que cela). D'une façon générale, la phrase se brise au moment de la chute (l'apodose est le terme consacré), et, tandis que l'inégalité des vers était chez Quinault, Thomas Corneille ou Roy le moyen de propulser la phrase, de varier les effets musicaux, elle paraît ici destinée avant tout à faciliter le travail du librettiste.
L'oeuvre peut paraître rebutante, à cause - outre de son ton un rien grandiloquent - de son peu de modulations, avec ces numéros enchaînés. Le manque de dialogues pour créer du contraste se fait cruellement sentir, mais il s'agit bel et bien d'un divertissement lyrique, et non d'un opéra comique, fût-il diligemment de propagande. Cette nécessité des dialogues dans l'esthétique de l'opéra comique et du singspiel est un point sur lequel il nous faudra revenir - l'un de nos lecteurs ne nous contredira pas.
Mais au savoir-faire de l'écriture musicale, agréable, se joignent quelques belles danses issues de la tradition baroque française, et censées représenter les différents peuples, tous fécondés par le nouveau messianisme (français). Elles font, en somme, tout le prix de cette fête, avec l'héritage des réussites de la tragédie en musique et autres divertissements et ballets.
Une réussite plaisante, en fin de compte, dont témoignera cet extrait :
Vous le constatez, beaucoup de répétitions, pas grande variété, mais un vrai savoir-faire orchestral, notamment dans l'usage des bois (bien plus original que du Rameau). Ces quinze minutes de ballet final constituent le plus convaincant de l'oeuvre.
On y entend déjà les danses villageoises de la Ferne Geliebte et de la Pastorale de Beethoven.
Quelques précisions sur ce disque Chandos ici.
L'oeuvre était judicieusement "complétée" par la Leonore de Beethoven dans la version très réussie de Blomstedt (Moser, Cassily, Ridderbusch, Donath). La semaine prochaine, inutile de se précipiter : Faust de Gounod. (Version Plasson ou peut-être Cluytens, à n'en pas douter.)
Commentaires
1. Le lundi 14 mai 2007 à , par Bajazet
2. Le lundi 14 mai 2007 à , par DavidLeMarrec
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