Dans le même registre que la notule qu'on vient de publier à l'instant, on a trouvé une sympathique réminiscence (tout à fait volontaire et très voyante celle-là) de l'indémodable Marche nuptiale de Mendelssohn, tirée de sa musique de scène pour Le Songe d'une nuit d'été de Shakespeare. Tout le monde la connaît, inutile de la fournir : c'est celle qu'on joue à chaque mariage (avec parfois celle de Lohengrin en prime, manière de boucler la boucle des mariages paisibles et heureux).
Born to be bad (celui de Nicholas Ray en 1950, pas celui de Lowell Sherman en 1934), inspiré du roman All kneeling d'Anne Parrish (un très grand succès en Amérique à sa parution en 1928), reprend un thème assez fréquent au cinéma à cette époque : une jeune orpheline sans scrupules cherche à s'introduire dans une famille aisée - ici en faisant échouer habilement le mariage de celle qui lui a accordé l'hospitalité (pour mieux prendre sa place il va de soi).
Dans l'extrait que j'ai retenu, elle vient de raccrocher après avoir été enfin demandée en mariage : on entend le hautbois un peu interrogatif (elle doute, à ce moment-là), puis le plan suivant montre une cathédrale. C'est alors que se déchaîne cette singulière réminiscence, qui ressemble beaucoup à du Strauss du type Frau ohne Schatten, lyrique mais sombre et paroxystique.
Les lutins facétieux ont déjà décrit certains traits grinçants de cette pièce, avec des illustrations sonores et des extraits de partition.
Aujourd'hui encore, on risque ne rien énoncer d'original, mais on a été frappé de découvrir, au hasard de notre écoute du jour, par une parenté trop forte pour qu'elle ne soit pas une source d'inspiration.
Avec le final de la Troisième Symphonie de Tchaïkovsky...
Après la présentation de la soirée (mise à jour ce soir), on part un peu plus en profondeur dans l'oeuvre d'Ibsen.
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Moment de la tarentelle frénétique : incantatoire mais impuissante à apporter protection tutélaire et miracle. Dans l'admirable réalisation scénique de Stéphane Braunschweig et Chloé Réjon.
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4. Une pièce d'Ibsen
On retrouve dans Une maison de poupée la préoccupation d'Ibsen, sans cesse reformulée en pièce en pièce sous des structures très différentes.
En effet, l'ensemble de ses pièces posent de façon centrale la question de la volonté et des valeurs.
Le cadre est posé dans un contexte relationnel où le mensonge, aux autres comme à soi-même, est très présent, et va se fissurer pour entraîner des changements radicaux dans la conception de la vie et dans l'existence concrète des protagonistes. Cet 'éveil' se produit par des rencontres, qui vont mettre à l'épreuve le cadre initial, que l'hypocrisie ou l'aveuglement rendaient cohérent. Tout le drame consiste dans la révélation de parcelles de vérité, qui vont se montrer déterminantes.
Tout cela serait assez banal si on n'y ajoutait deux caractéristiques fortes du théâtre d'Ibsen.
Dimanche passé, les lutins étaient donc en force (avec du recrutement de grande valeur dans leurs rangs) au Théâtre de la Colline pour assister à la dernière réalisation en date de Stéphane Braunschweig dans le domaine d'Ibsen, avec au programme Une maison de poupée, très régulièrement donnée contrairement aux précédentes pièces qu'il a pu monter de l'auteur.
La raison tient sans doute plutôt dans le propos nettement plus téléologique qu'à l'habitude (où justement c'est tout le contraire), et qui convient si bien à l'air du temps : on aime les causes subversives ET gagnées d'avance, et celle de l'émancipation féminine est alors idéale. On pouvait d'ailleurs lire dans diverses prétentations de saison le manifeste qualitatif comme quoi c'était bien d'une pièce féministe très moderne pour son époque qu'il s'agissait, comme si l'essentiel en allant au théâtre était de se bercer de l'ivresse justicière de combats d'arrière-garde. Ibsen propose au contraire, la plupart du temps, tout l'inverse, puisque son théâtre met en scène, de ses premières à ses dernières pièces, la crise des valeurs.
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L'héroïsme caché du séjour en Italie n'existe, dans les yeux du mari, que sous la forme de cette tarentelle de pacotille (dont on voit ici le costume). Nora s'y jette à corps perdu comme pour implorer protection... Protection et miracle. Les photographies rendent bien compte du travail de Braunschweig parce qu'elles révèlent des choses qu'on ne perçoit pas dans la version animée du spectacle, et montrent combien l'espace est habité par les décors, les couleurs, les gestes, les accessoires, tout faisant puissamment sens.
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2. Mise en scène
Le choix d'aller voir Braunschweig s'est une fois de plus révélé payant. Un décor extrêmement nu, dans une sorte de présent intermporel, qui ressemble à notre quotidien, mais qui n'est pas résolument daté (ni des années 2000, ni des années 70...). Ce choix ne rabaisse jamais l'oeuvre, parce que les accessoires sont toujours réduits au plus pur minimum, et forcément chargés de sens. Pas de décor qui puis permettre de s'échapper à ce qui se joue, ni pour le spectateur, ni pour les personnages : seules les consciences qui se débattent sont présentes dans la maison.
On est en particulier admiratif de plusieurs très beaux effets qui sont extrêmement plats à décrire, voire évidents lors de la lecture ou du déroulement de la pièce, mais réalisés avec une mesure et une poésie parfaites. Ainsi le feu éteint du docteur Rank, qui s'échappe vers la mort qui l'attend - et cette chaise vide, évoquée deux actes plus tôt, qui se balance sinistrement en rappelant l'absent.
On le sait, la tragédie lyrique se distingue en maint point de la tragédie parlée ('la tragédie classique' proprement dite), et notamment concernant l'adjonction d'un Prologue destiné à vanter les mérites du monarque, du moins avant la mort de Louis XIV - puisqu'après, il prend un aspect allégorique qui fait écho avec l'oeuvre à venir, puis disparaît. Cet éloge peut entrer en relation avec le sujet de la pièce (le propos du Prologue d'Armide, par exemple, peut décrire aussi bien Renaud que Louis, et cet ambiguïté ne fait que grandir, bien évidemment, le souverain présent), ou bien être ouvertement détaché du corps de l'oeuvre (comme le Prologue de la Médée de Charpentier, débutant par un très littéral Louis est triomphant / Tout cède à sa puissance).
L'historiographie de comptoir (et parfois un peu plus) attribue généralement à Lully l'intuition courtisane d'assurer le succès de ses oeuvres scéniques en flattant de façon assez ouverte le souverain commanditaire. On connaît son sens de l'intrigue, sa façon (habile ou non, mais toujours efficace) de s'introduire auprès des puissants selon ses intérêts, de s'y maintenir à sa guise et d'écarter méthodiquement les rivaux.
Ce serait donc lui, très logiquement, qui aurait soufflé à Quinault l'idée du Prologue de Cadmus et Hermione.
Cependant, ce n'est pas l'hypothèse la plus vraisemblable. On va en étudier une autre sur l'heure.
Une petite série sur Meyerbeer se prépare. Pour de multiples raisons.
Tout d'abord, parce qu'il est la pierre angulaire du Grand Opéra à la française, et que nous nous étions finalement limité à la retranscription d'une défense sommaire, sans véritable introduction à son oeuvre. Et puis, au tout début de ces carnets, on avait fait allusion à l'évanouissement du fiancé d'Alice dans Robert.
Ensuite, parce qu'on avait promis chez des voisins une notice pour débuter dans Meyerbeer.
Enfin, parce qu'on voulait adapter un vieil article (d'avant CSS) qui précisément s'intéressait au style de Meyerbeer et au pourquoi de son abandon.
On débute donc ici avec une rapide introduction sur sa carrière, suivie d'une présentation de chaque oeuvre de la période parisienne.
La nature d'Allemonde est un grand sujet, pas le premier qui vient à l'esprit, mais pas le moins important si l'on veut situer l'univers dans lequel évolue Pelléas. On a déjà parlé de la question prosodique chez Debussy ; on a déjà questionné les interstices du texte chez Maeterlinck, et ce qu'on peut y mettre ; de même pour l'organisation des métaphores. Il nous resterait aussi à montrer de façon plus étayée l'usage de véritables leitmotive dans sa mise en musique.
Mais en attendant, voyons un peu dans quel contexte s'enchâsse cet univers symbolique.
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Ce qui entoure Allemonde n'est pas le monde quotidien, le monde réel. On y rencontre des jeunes filles mystérieuses et couronnées qui pleurent au bord de fontaines ; on y entre'aperçoit des princesses Ursule. Bref, cet univers, de près ou de loin, ressemble à Allemonde, qui n'est pas un royaume merveilleux, mais tout simplement une partie d'un autre monde ou d'une autre époque que celle que nous vivons. Les costumes de la création de l'opéra montrent qu'on a plutôt appuyé l'hypothèse moyenâgeuse, modérément vraisemblable (et qui fixe sans doute trop ce qui doit rester abstrait), mais qui peut se justifier à la lecture du texte, malgré tout. [Ne serait-ce que cet amour courtois bizarre.]
On aurait tendance à penser, vu le peu de personnages, tous de la même famille à l'exception du berger et du médecin, et appartenant tous directement au château, qu'Allemonde est un lieu quasiment abstrait, où tout n'est que symbole.
Il n'en est cependant rien. Et ce sont de nombreuses preuves qui viennent le confirmer.
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1. Le texte original
Dans le texte original de Maeterlinck, la première scène consiste en une espèce de prologue où trois servantes et un portier donnent une sorte de cadre au drame, en présentant la porte fatale qui se referme, laissant à découvert l'amour et la mort à l'acte IV.
La porte du château.
LES SERVANTES, à l’intérieur : Ouvrez la porte ! Ouvrez la porte !
LE PORTIER : Qui est là ? Pourquoi venez-vous m’éveiller ? Sortez par les petites portes ; sortez par les petites portes ; il y en a assez !…
UNE SERVANTE, à l’intérieur : Nous venons laver le seuil, la porte et le perron ; ouvrez donc ! ouvrez donc !
Il y a quelques jours, les lutins ingénus, furetant toujours plus hardiment avant leur hivernal départ (par roulement) à Thulé, ont fait une belle découverte que tous les amateurs de décadenteries séjournant en Ile-de-France se doivent de connaître.
Le Forum Voix Etouffées organise ainsi tous les deux ans un Festival, rassemblant colloques et concerts pour perpétuer la mémoire et surtout la musique de ce qui fut interdit pour raisons idéologiques sous le nazisme. Il dispose de son propre ensemble instrumental, en résidence au Centre Tchèque de Paris, mais invite aussi beaucoup d'ensembles prestigieux (comme le Klangforum Wien, par exemple).
Début janvier, on pourra notamment entendre Der Kaiser von Atlantis de Viktor Ullmann, une oeuvre-culte de cette période. Tout cela est d'autant plus intéressant que ces concerts ne sont apparemment que très mal référencés. L'occasion de mettre Cadences à l'épreuve.
Cette initiative s'inscrit par ailleurs dans un réseau européen de structures à vocation similaire.
Le programme fait en tout cas rêver, nul doute que nous en serons.
Juste pour signaler un ensemble de petites exégèses autour du commentaire des lutins sur ce concert, grâce au concours bienveillant d'une lectrice fidèle et attentive.
Ce billet, écrit à par DavidLeMarrec dans la catégorie Intendance a suscité :
Une autre introduction, avec enregistrement librement
téléchargeable.
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Wiegenlied D.498 : Schlafe, holder, süßer Knabe
Il s'agit de l'une des trois berceuses écrites par Schubert (en
exceptant celle qui clôt la Belle
Meunière), la deuxième. Celle D.304, sur un
poème de Körner, est très peu connue. La plus
célèbre est cependant la plus tardive, D.867 (Wie sich der Äuglein kindlicher Himmel),
qui reprend inlassablement la même mélodie doucereuse, un
peu écoeurante à force de longueur.
On a récemment fait entendre un bout de celle que nous avons
élue, à l'occasion de la notule récapitulative
autour du vibrato
(Gundula Janowitz diminuait le sien pour s'adapter au volkston de la pièce).
Elle est écrite assez tôt, en 1816 (à moins de vingt ans,
donc), dans une période où les chefs-d'oeuvre deviennent
de plus en plus fréquents (c'est un peu après
l'écriture d'Alfonso und
Estrella), mais n'a été publiée que de
façon posthume (1829).
On a souvent attribué le poème à Matthias
Claudius, sans doute à cause de la similitude du premier vers
avec Die Mutter bei des Wiege
:
Schlaf, süßer Knabe,
süß und mild !
D'autant plus qu'une version de Loewe avait remplacé süßer par holder, ce qui accroissait encore
la ressemblance.
En réalité, ce poème
n'est en l'état des connaissances actuelles pas attribué.
La mise en musique de Schubert a connu quelque succès chez les
anglophones, chez qui il en existe plusieurs versions ; toutes sont
néanmoins de véritables berceuses, réellement
utilisées, qui omettent donc les discordances qui font toute
l'originalité du poème. D'où la
stupéfaction de ceux qui découvrent l'original plus tard.
Poème anonyme
Traduction DLM
Schlafe, holder, süßer Knabe,
Leise wiegt dich deiner Mutter Hand ;
Sanfte Ruhe, milde Labe
Bringt dir schwebend dieses Wiegenband.
Schlafe in dem süßen Grabe,
Noch beschützt dich deiner Mutter Arm,
Alle Wünsche, alle Habe
Faßt sie liebend, alle liebwarm.
Schlafe in der Flaumen Schoße,
Noch umtönt dich lauter Liebeston,
Eine Lilie, eine Rose,
Nach dem Schlafe werd' sie dir zum Lohn.
Dors, cher, doux enfant,
Délicatement te berce la main de ta mère ;
Un profond repos, un chaleureux réconfort,
Que ce bercement auquel tu es suspendu te les apporte.
Dors dans ta douce tombe,
Le bras de ta mère te protège encore ;
Tous les souhaits, tous les biens,
Elle les garde en aimant, toutes les douceurs d'amour.
Dors dans le giron de plumes,
Encore sonore, un chant tendre t'entoure ;
Un lys, une rose,
Tu les auras après ton repos.
;;
Toujours le Koboldekammerensemble, hier. (Les pédales
étant plus lentes, elles grincent moins.)
Cette berceuse pour un enfant mort,
parole qu'on attribue à une mère égarée,
confondant le berceau et la tombe, parlant de réveil tout en
manipulant les objets du deuil, est assez saisissante. L'allemand
permet une concision sobre que n'autorise pas notre traduction, qui en
reprend les principales allusions, mais sans la simplicité
désarmante de la berceuse.
La mise en musique de Schubert rend le résultat
particulièrement impressionnant, glaçant et fascinant. En
alternant imperturbablement sur son balancement régulier tonique
et dominante (le mouvement le plus simple de résolution d'une
harmonie dans le langage occidental), Schubert écrit sur une
mélodie de petit ambitus, simple et touchante, une
véritable berceuse, sans aucune fêlure, calme, sûre,
pleine.
Lui qui peut commenter musicalement un texte jusqu'à
l'hystériese limite ici
totalement à la forme strophique, sans variation au fil
des trois strophes, sans incidences dramatiques.
Cela rend tout à la fois plus troublant et plus gracieux le
résultat.
Pour l'interprétation, il est bien entendu hors de question vu
l'écriture musicale - et aucun interprète à notre
connaissance ne s'est engagé dans cette voie - de
déglinguer la belle musique pour la rendre expressive, encore
que ce serait un parti pris peut-être intéressant du point
de vue de la virtuosité interprétative, et de
l'originalité du résultat. En tout cas, pour notre
suggestion sonore, nous avons plutôt choisi de mettre en relief
les affects forts (beschütz dich)
que la noirceur proprement dite du poème (Grabe / Nach dem Schlafe) ; ceci afin de
conserver l'ambiguïté introduite par la mise en musique
stable et extatique de Schubert.
Poursuite du cycle
Clara, avec enregistrement librement
téléchargeable.
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Warum
willst du and're fragen, Op.12 n°11
Un des plus beaux lieder
de Clara repose sur ce poème de Rückert, qui est un
bon résumé de ce que la légende a
retenu de Clara, épouse musicale, aimante, et musicalement
aimante. [On espère que le long-métrage
annoncé l'incluera dans une version anglaise, ce serait
très divertissant.]
Il est tiré des mélanges de l'opus 12 (Liebesfrühling),
qui contiennent deux autres poèmes amoureux de
Rückert : Er
ist gekommen in Sturm und Regen, et Liebst du um Schönheit,
rendu célèbre par la mise en musique de Mahler
dans ses Rückert-Lieder.
Je l'ai déjà confessé ou plutôt clamé, j'adore Cadences, le mini-magazine promotionnel qui recense les concerts classiques parisiens. Sans prétention et toujours positif, avec ses trois mini-"dossiers" sur des sujets intéressants ; il y a plus à lire en sept pages que dans les quatre-vingt de Diapason.
Le pauvre se traîne néanmoins une sordide réputation, sans doute du mépris aussi parce que gratuit, parce que proposé sur le trottoir, de façon jugée instrusive ?
En tout cas, au sein d'un article très bien fait sur l'histoire du théâtre léger français, on trouve une jolie gamelle qui fait honneur à sa réputation (en substance) :
un opéra que Paris accueilla triomphalement
Le verbe accueiller constituant lui-même, en une subtile mise en abyme, la version légère de la conjugaison d'école française.
Un compositeur a eu une idée de génie pour se faire connaître.
S'inspirant des nombreuses inepties LOLcatisantes qui jonchent la Toile, Mindaugas Piečaitis, jeune chef et compositeur lithuanien, a compilé (de façon assez honnête) des séquences vidéos du même chat, à partir desquelles il a écrit (sans chercher à créer artificiellement des traits mélodiques par un montage sauvage) un concerto dans un genre néotonal particulièrement séduisant, tantôt méditatif façon Górecki ou Golijov (mais de façon bien moins ostentatoire, agréablement mesurée), tantôt sautillant de façon primesautière, avec une véritable maîtrise de l'écriture - ce pourrait être une remarquable BO, par exemple.
Le piano, lui, semble singer certaines écritures planantes amélodiques, avec beaucoup d'esprit.
Bref, c'est une vraie performance d'écriture; c'est drôle, c'est spirituel et en plus c'est beau :
Théâtre des Champs-Elysées, samedi 5 décembre 2009.
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Le premier oratorio de Mendelssohn, sans atteindre la hauteur d'inspiration d'Elias, dipose tout de même d'une très haute qualité d'inspiration, en particulier pour ses choeurs fugués, équivalents évidents, pour ainsi dire explicites, des Passions de Bach, ici transposées à un apôtre. Les textes sont intégralement issus des Ecritures, et au premier chef bien entendu des Actes des Apôtres.
Le paradoxe étant que cette mise à disposition en langue vernaculaire, d'un principe très réformé, a été exécutée pour la première fois devant un public catholique.
L'oeuvre est très belle et se compose de deux parties : la première évoque la persécution des chrétiens depuis la lapidation d'Etienne, puis la conversion de Saul de Tarse. La seconde partie, sensiblement plus courte, s'occupe de la prédication de Paul, qui le mène très vite, dans la compilation de Mendelssohn, à l'hostilité collective, à l'échec, et à la mort délibérée. Une lecture étonnamment noire de la mission paulinienne.
Malgré la grande beauté de l'inspiration, l'écoute continue de cette superbe musique confortable crée un sentiment de lassitude, de trop plein, pour la seconde partie qui aurait presque dû être jouée un autre soir - et dont le propos musical est en outre moins original et moins captivant.
Très agréable de disposer du programme de salle gratuit avec livret, même si on mentionnera pour l'amour du sport qu'on relève un certain nombre de coquilles (surtout dans le texte allemand, et aussi 'Saül' au lieu de 'Saul' dans la présentation).
Avec quantité d'exemples sonores pour tout saisir concrètement.
Le vibrato est un facteur déterminant dans l'appréhension de la voix chantée, puisque la tenue d'un son, contrairement à la voix parlée, entraîne la perception d'une oscillation. Il est pour beaucoup dans l'adhésion ou la répulsion à une voix (ou un style de chant). La même voix vibrée ou non vibrée peut être à proprement parler transfigurée.
[On vous passe l'hymne versifié au vibrato écrit dans notre folle jeunesse , où Mireille rime avec treille.]
Exemple :
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Wiegenlied D.498 de Schubert par Gundula Janowitz et Irwin Gage. Dans ses Schubert, Janowitz réduit volontairement le vibrato pour donner un aspect plus sec, plus populaire à la voix, comme la berceuse d'une femme du peuple (un brin sublimée tout de même). Elle perd du coup en générosité et bonne partie de sa beauté, mais c'est un choix assez logique et tout à fait pertinent sur le principe : le lied à cette date est encore connecté à un imaginaire de la chanson populaire.
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La même interprète avec Herbert von Karajan et le Philharmonique de Berlin dans la gravure légendaire des Vier Letzte Lieder de Richard Strauss (ici, Beim Schlafengehen). Ici, du fait de l'ampleur de l'orchestre, du lyrisme de la ligne, de la tessiture aérienne, Janowitz utilise à plein son vibrato très particulier.
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Le vibrato est propre à une voix détendue. Il est dû au fait que l'appareil phonatoire a du jeu (en particulier les cordes vocales qui bougent), et n'est donc pas rigidement maintenu, vibre en harmonie avec le son émis. C'est donc plutôt un signe de bonne santé vocale. Un son ample et sain sera vibré, et tout l'instrument (le corps, donc) entrera en sympathie, en résonance avec le son produit.
Cependant, il existe deux paramètres fondamentaux pour comprendre le vibrato, avec des implications à la fois vocales et stylistiques.
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1. Vitesse de battement
Le vibrato est une oscillation autour d'une note : le son va alternativement plus haut et plus bas que la note écrite. La répétition de cette note centrale se produit à distance plus ou moins rapprochée.
Vibrato rapide (la note centrale est souvent répétée) :
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Magdalena Kožená dans l'extrait le plus célèbre d'Ariodante de Haendel, le fameux Scherza infida. Ce n'est pas sa version discographique, mais un concert mémorable avec le Kammerorchester Basel (Orchestre de Chambre de Bâle) dirigé par Paul Goodwin. Sur les notes tenues, on entend nettement la répétition du son central, à une fréquence très rapprochée.
Vibrato lent (le mouvement est plus espacé, on peut compter le nombre de répétitions de la note centrale) :
[[]]
L'air de confiance patriotique de Koutouzov dans Guerre et Paix de Prokofiev, dans la version extrêmement coupée de Valery Gergiev au Met de New York. A cette date (2002), on perçoit très bien le vibrato de Samuel Ramey, et on pourrait compter, lors de l'émission d'un son, le nombre de fois que la vibration s'entend.
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2. Amplitude des hauteurs
L'amplitude est le second paramètre toujours cité dans la littérature (même si cela me paraît insuffisant, ce sont tout de même les deux essentiels).
Il s'agit tout simplement de la distance parcourue par le vibrato autour de la note écrite. Ce peut parfois aller jusqu'à atteindre les notes adjacentes.
Vibrato de faible amplitude :
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Jeanette MacDonald dans... Meyerbeer ! Le page Urbain à la fin du premier acte des Huguenots : le récitatif Nobles seigneurs, salut ! et sa cavatine Une dame noble et sage. On connaît l'histoire extraordinaire de cette chanteuse de revue qui, repérée par Lubitsch, va se produire dans son premier parlant avec Maurice Chevalier, et finir par chanter les héroïnes de Gounod (Marguerite et Juliette) à travers toute l'Amérique. Ici, la bande son du film Maytime de Robert Z. Leonard (1937).
Dans ses films, elle alterne avec une rare inspiration chansons de cabaret et performances opératiques. J'avoue ne pas avoir entendu beaucoup mieux que sa Marguerite en particulier, avec un excellent français et une expression délicate et fine que peu de 'concurrentes' ont ainsi maîtrisé. Car elle a hérité de ses expériences de cabaret une forme d'expression directe, qui ne se préoccupe pas que de la qualité du legato, Dieu merci.
Son Urbain est moins célèbre, c'est pourquoi on l'a privilégié même si la vocalisation est imparfaite. Le petit retard au début de la cavatine est demandé par le réalisateur, elle aperçoit son amant dans la salle.
On entend nettement sur les notes tenues que la voix ne parcourt que des zones très rapproches du son de départ, que la vibration se fait de façon très adjacente au son (qui reste parfois fixe), comme une surface aquatique liquide qu'on effleure.
Vibrato de grande amplitude :
[[]]
Kristine Ciesinski à la fin du premier acte des Gezeichneten de Franz Schreker (Metzmacher 2007). Ici, le vibrato parcourt un bon demi-ton, on pourrait écrire plusieurs notes, ce n'est pas seulement une note qui se déforme, on parcourt vraiment une grande distance. Dans son cas, ce n'est pas beau, mais c'est souvent le cas avec les 'grands' vibratos.
Salle idéale (petite, toute capitonnée en bois), interprètes qui révélent en plus de leur son extraordinaire une profondeur de vue et un tempérament hors du commun, et une oeuvre de mon point de vue majeure par son caractère.
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L'oeuvre
Ce Quatrième Quatuor est fondé sur des motifs obstinés d'une façon absolument fascinante. Beaucoup d'influences de Chostakovitch (le maître de Tichtchenko), dont on retrouve : le chambriste désolé des derniers quatuors, l'amateur de motifs récurrents (plus que de développements, un esprit plus wagnérien que brucknerien, disons pour prendre un parallèle germanique), la gaîté minée par des harmonies déceptives, etc. Cependant on ne trouvera pas chez Tichtchenko la même tendance au flux mélodique cabossé mais continué : son expression lyrique est beaucoup plus mesurée ; et de même pour sa tristesse ou son ironie, qui demeurent d'une certaine façon moins névrotiques, plus contrôlées. La segmentation du discours autour de ces motifs récurrents et même la luminosité des thèmes (avec finalement peu de déraillements grinçants au cours d'une même phrase) donne véritablement un relief singulier, qui n'existe pas dans les grands flux qui caractérisent souvent le langage des compositeurs soviétiques.
Ce peut aller jusqu'à une forme de minimalisme, comme dans le mouvement lent où le même motif est incessamment répété, et rarement en formation complète. Mais sans cesse varié (grâce aussi et d'abord à l'investissement phénoménal des interprètes), sans qu'on puisse parler d'évolution à proprement parler - mais bien de mélanges. Cependant, loin de créer une fascination glassienne, un planage feldmanien ou une lassitude, ces répétitions incantatoires sans aucune emphase ont quelque chose de véritablement loquace - oui, c'est assez étrange.
On pourrait penser pour ce deuxième mouvement à un Kurtág tonal qui se mettrait à écrire longuement ; en tout cas à un ascétisme dont la densité est assez étrangère à Chostakovitch - dont l'empreinte est si sensible dans ce quatuor mais qui ne sait pas se départir d'un certain lyrisme presque 'rond' jusque dans ses moments les plus aphasiques et les plus noirs.
Malgré le caractère désolé de l'ensemble, l'évidence et d'une certaine façon l'optimisme du scherzo frappent. Les climax aussi, quoique tout à fait tourmentés, ont quelque chose de réjouissant dans la densité du propos musical qui enchevêtre les textures avec une autonomie assez étonnante, pour un résultat parfaitement lisible.
Petite astuce, parfois méconnue des mélomanes. Dans les messes, les oratorios et dans l'ensemble des oeuvres où la partie soliste ne comporte pas de nom de personnage, on désigne cette partie par le nom de sa tessiture : soprano, mezzo-soprano, alto (ou contralto, ce qui est la même chose), ténor, baryton ou basse.
Cela ne préjuge en rien de l'identité vocale de l'interprète qui l'exécute. Si bien qu'il ne faut pas prêter trop de crédit, pour classer vocalement un interprète, aux intitulés présentés sur les disques, qui ne concernent que l'oeuvre, et pas le chanteur. (De même, si l'on veut, que dans les choeurs certains barytons chantent comme ténor II et d'autres comme basse I.)
Cet aimable bac à sable accueille divers badinages :
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