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Le blockbuster est un opéra - ancienne version

En fouillant dans mes archives pour reprendre un projet de notule amorcé en 2006 ou 2007, je le découvre déjà largement achevé. Mais pas publié en raison de ses longues digressions (avec pas mal de remarques sociétales). Je n'exprimerais sans doute plus les choses de la même façon (un peu touffue). Pourtant, il comporte quelques éléments qu'il serait peut-être intéressant de fouiller.

Quelques paragraphes subsistent sous forme de notes, mais c'est assez aisé à appréhender, je pense.


films américains Par surprise, je me trouve devant un début de film hollywoodien (quinze minutes). Amusant, pour moi qui ai pour principe, outre de m'abstenir sur beaucoup de films (m'abstenir de regarder s'entend),  de ne jamais commencer, à moins qu'il soit vraiment prometteur, avant la fin de la première demi-heure - on s'amuse beaucoup plus à essayer de comprendre, les expositions étant trop souvent martelées. A l'opéra, c'est différent, elles sont juste lentissimes, la plupart du temps. Heureusement qu'il a existé quelques Pierre-Charles Roy  : exposition complète, précise et évocatrice en six vers !

Les rebelles vaincus fuyaient devant nos traits,
Malgré mon sang versé, jusqu'au fond des forêts
La victoire m'entraîne ; je tombe.
Je trouvais d'heureux et prompts secours,
Par le temps et les soins, je respirais à peine  -
J'apprends qu'à Corésus vous unissez vos jours.


Et cette exposition hollywoodienne (je n'en avais pas vu depuis plus d'un lustre)  frappe mon esprit lyricophage. J'ai assisté, mi-agacé mi-fasciné, au déroulement de codes immuables que j'avais toujours pressentis, mais que je n'avais jamais pris la peine de formaliser aussi précisément.
Comme on a pu le remarquer, la question des conventions formelles, plus sensible à l'opéra qu'ailleurs - sans doute parce que contrairement à d'autres arts, on peut difficilement s'y plonger sans les accepter  -,  m'aiguillonne régulièrement (cycle Kunqu/Opéra, série pas encore achevée Tragédie grecque/Opéra...). Et pourquoi pas Hollywood [au sens du Blockbuster s'entend], ce divertissement de masse qui n'est certes pas un monceau d'images composé au hasard ? 
Les codes, avec le recul de ces quelques années sans contact avec ces films, sautaient littéralement à la figure, et c'est pourquoi je propose de m'y arrêter joyeusement.

Il s'agissait, et vous comprendrez pourquoi j'ai plus prêté attention qu'à un autre, disposant de points de comparaison, de Tristan & Isolde  (après vérification, film de Kevin Reynolds de 2006).
J'ai bien conscience que ces réflexions-ci ne vous auront pas échappé, et qu'il n'y a pas là de quoi, comme je l'ai joliment entendu il y a quelques années, casser trois pattes à un chat. Mais c'était en attendant que je boucle une notule sur Hölderlin (oui, tout de suite beaucoup plus chic).



1. Les invariants du schéma hollywoodien

Plusieurs éléments idéologiques sont absolument récurrents dans toute production hollywoodienne. Ils appartiennent au fonds culturel et moral du public pour qui ces films sont conçus, et doivent être partagés par tous. Vu d'Europe, on note déjà quelques décalages, mais dans ce cas, le film nourrit l'imaginaire, et comble ainsi le petit fossé qui pouvait séparer les deux mondes.

    D'abord, l'idéologie de l'unité. Tout est valorisé lorsqu'unifié. Mieux, l'unité est morale. On reconnaît bien là une représentation américaine typique de l'indivisibilité quasiment ontologique du territoire, inscrite dans le serment d'allégeance. L'Empire romain est présenté comme une idéal (passé, dans ce Tristan & Isolde) d'unité calme, malgré l'asservissement et la perte d'identité qu'il signifiait pour les populations soumises, et dont on a peut-être plus conscience en Europe du fait de l'impact direct dans nos cultures, nos langues, nos paysages. La justification de l'impérialisme est possible, car on ne s'identifie naturellement pas aux occupés, mais aux Romains civilisateurs, porteurs visionnaires d'un ordre supérieur et universel. Le lien avec le christianisme est de surcroît possible à la fin de l'Empire.
    La référence à Rome est d'ailleurs dans ce film assez idéologique et gratuite dramaturgiquement, puisque la situation politique (imaginaire)  très succinctement décrite n'en a guère besoin : il s'agit du rêve d'unité entre plusieurs grands fiefs, pas nécessaire de convoquer Rome pour si peu.
    Cependant on peut concevoir qu'il s'agit d'une référence qui, outre son caractère dogmatique, "crédibilise" le propos historique, d'une façon "vérifiable" par le public.

    Je disais représentation américaine typique, mais à bien y réfléchir... qu'est-ce que l'Union Européenne, que sont les Lumières ?  Pour la première, un éloge de l'union des peuples, certes composés de nations en Europe, mais l'ouverture et l'unité semblent porter en elles-mêmes, à présent que les risques de guerre ne sont plus réels, une vertu. Moi-même tout à fait favorable à la construction européenne (y compris à feu le Traité Etablissant une Constitution), je n'ai jamais bien saisi en quoi l'Europe était une nécessité morale, nécessairement un bienfait. Evidemment, la démarche est plus positive que le repli d'extrême-droite (qui reprend explicitement la formule de Mistral sous toutes les coutures : j'aime mon pays plus que ton pays, ma province plus que ta province, mon village plus que ton village, mon frère plus que mon cousin - ou bien, jolie version biblifiée, mon prochain plus que mon lointain) ou d'extrême-gauche (les pauvres de là-bas vont nous voler nos emplois au lieu d'attendre sagement dans la misère les matins qui chantent, les insolents). Elle porte aussi un superbe de symbole de mise en commun des destins, de coopération quasi-universelle. Fort bien. Mais en quoi la constitution d'un gouvernement suprême, d'une fédération, l'ouverture au plus de pays possibles est-il nécessairement bien, moral et vertueux ? Je ne l'ai jamais vraiment bien su, et je soupçonne que nous aimons nous laisser abuser là-dessus, parce que cette réflexion serait vraiment vertigineuse vu nos habitudes culturelles.
    Ces habitudes culturelles, justement, sont nos Lumières, que nous prétendons universelles. Là aussi, si le déplacement bipède et la parole sont deux caractéristiques universelles de l'homme, le suffrage universel, la liberté d'expression, le libre arbitre, la tolérance et la fraternité, pour positives qu'ils soient, constituent-ils vraiment un universel impossible à séparer de l'homme, et qu'il faudrait lui imposer ?  Je crains que ces choses ne soient pas plus universelles que la musique de Mozart - bien que tout aussi précieuses vues depuis ma sphère culturelle.
   
    Donc, oui, adressé à un public américain, mais la valorisation
a priori de l'unité et l'idée d'un ordre de valeurs supérieur et universel détenu par nous - fût-il conçu avec un mode d'expansion plus débonnaire -  n'est pas franchement étranger au public européen, et ce film lui parle tout aussi bien.
    L'aurait-on seulement remarqué, si le parallèle avec l'Empire Romain n'avait pas été aussi brutal dans notre mémoire et aussi peu en sujet dans le film ?


    Autre constante, l'argument 'familial' de la vertu. Le bien, mis à l'épreuve, doit triompher, dans une éternelle répétition du schéma dialectique articulé autour de la promesse de mort et de l'obtention du salut. Un modèle apporté aux jeunes générations, qui peuvent d'autant plus légitimement venir grossir les rangs des spectateurs, et ne pas retenir leur parents - voire les inviter à assister au spectacle.
    Simultanément, on cherche à séduire le spectateur adulte par la vision de l'enfant, image idéalisée et épurée,  en pleine innocence. La partie de la jeunesse semble assez développée ici, et c'est souvent le cas dans ces films, même sans convoquer les épisodes "précédents" de Star Wars (qui débutent avec la naissance du père de la figure centrale des autres volets, sauf erreur de ma part).
    Il s'agit aussi, en plus de cette séduction par la vertu, de bâtir assez rapidement une forme de mythe, une légitimité à l'histoire narrée. Qu'on se remémore le drame que représente pour tout wagnérien débutant la mort de ce Siegfried qu'on a contribué à élever, qu'on a suivi et veillé avant même sa naissance - en ce sens, l'attitude de Brünnhilde épouse assez exactement le regard du spectateur pendant les trois journées. Le personnage de Götterdämmerung (et même de Siegfried) n'est pourtant guère attachant. La longueur de temps contribue ainsi à la solidarité instinctive avec le héros. Inversement, l'anéantissement de ces aimables Phéaciens tardivement apparus ne constitue pas un choc fondamental dans l'Odyssée.

    La répartition des rôles se doit d'une clarté absolue, avec des bons sans ambiguïté
(grands guerriers, bons pères, bons époux, braves patriotes), et des opposants qui repésentent une incarnation parfaite du mal, presque conceptuelle, de façon à ce que le spectateur ne puisse à aucun moment se méprendre sur le sens de l'exemple qui lui est présenté. Pas d'ambiguïté possible, avec des personnages qui seraient valorisés mais demeureraient complexes. Pour pousuivre le parallèle avec l'opéra, prenons Calaf dans Turandot, qui bien que le héros, celui auquel le spectateur d'identifie, celui doté de l'air le plus marquant de l'oeuvre (Nessun dorma), n'en constitue pas moins un personnage bien répugnant. Epris de la princesse sanguinaire Turandot pour sa seule beauté, il s'impose, bien que déjà victorieux, une épreuve supplémentaire pour flatter son orgueil, ce qui vaudra la mort de la fidèle Liù, et n'empêchera en aucune façon des avances brûlantes alors que le cadavre a à peine été sorti de scène. Inutile de préciser que certains metteurs en scène (David Poutney, par exemple) ont placé le dernier duo d'amour à la morgue, au-dessus du corps de Liù, en explicitant l'indécence latente.
    Cette disposition du soupçon, ou simplement de l'ambiguïté, n'est pas concevable dans le cadre du film hollywoodien, dont le but (pas plus indigne qu'un autre) est d'abord de divertir. Cependant, le divertissement se veut éducatif, et la réflexion sur la morale n'en est donc pas exclue, mais sous forme d'apologie. C'est bien là ce qui agace l'observateur, parce que le spectateur n'est pas incité à penser, mais à assimiler des codes qui lui sont imposés. 
    Par  conséquent, cette répartition simplement binaire apparaît frustrante, aussi bien pour la crédibilité


Et on repart toujours, rebuild est le maître-mot, comme Tara pour d'autres... On se situe dans un bain culturel qui surprend sans doute la morale d'esclave à la française, plus prompte à récriminer ou à exiger l'assistance de l'Etat-poule.
Mort fondatrice des innocents, fautes expiées pour le rachat, fondement sur la lutte difficile (reliquats chrétiens?). Souvent une représentation stéréotypée, fondée sur la pratique actuelle, de la séduction (mythologie du coup de foudre, caractère protecteur, spirituel et arrogant de la part masculine, seulement gracieux de la part féminine).

Gros anachronismes pour faire de l'effet, avec ces cartes sophistiquées, ce clin d'oeil au milieu d'une réunion sérieuse, impensable vu l'état de la société d'alors.

 Il faut toujours cette blessure initiale (la perte de la famille, les parents pour l'enfant, l'épouse et les enfant pour l'adulte). Et bien sûr une rythme de combats sanglants. Souvent, on ajoute une couche de culpabilité bien judéo-chrétienne : un malheur est survenu pour racheter une faute (l'imprudence, ici), et on en porte la culpabilité qu'il faut donc expier une seconde fois ! On est servi, dans ce film-ci : l'enfant, en plus d'être orphelin, est responsable de la mort du père (qui, pense-t-on inévitablement, en tant que brave, aurait pu tous les sauver, ce qui fait porter implicitement la responsabilité totale sur l'enfant), et il est le premier à découvrir son cadavre, ainsi que celui de la mère. Car, bien évidemment, des ennemis sont forcément de mauvaises gens qui ne font pas de prisonniers et tuent pour le plaisir. C'est sans doute, outre son caractère formellement racoleur, ce qui irrite le plus dans ces films-là : l'absence essentielle de nuance (de même, Melot sera l'éternel frère ennemi envieux, et je devine qu'il sera aussi le rival amoureux). Comment voulez-vous apprendre à "penser le monde", comme on dit chez les bons pédagogues, avec l'idée que la perception subjective et la plus polarisée possible est forcément la bonne, que ma vision du monde n'est pas relative mais absolue ?
    C'est sans doute ce qui prive ces productions cinématographiques d'une considération artistique, malgré le caractère soigné et très efficace de ses mises en image.
    Mais il serait un peu aisé de se contenter de montrer du doigt le cinéma hollywoodien. Il faudrait que je prenne mon courage à deux mains pour voir un film français type, pour tenter de saisir ce qu'il y a chez nous de similaire. Je crains de le deviner et j'en suis d'avance consterné, aussi on attendra une occasion comme celle-ci, je pense.

Langage spécifique, avec peu de dialogues mais régulièrement, et surtout une place prépondérante des images, qui suffisent à elles seules à faire comprendre l'histoire !  






2. Caractéristiques formelles

Le ton "sérieux" semble donné, pour autant que j'en puisse juger, par le bain de ces éclairages crus, à la mode pour représenter les oaysages "celtiques".

Superposition intéressante du rire rompu par le cri de guerre - modulation subito de la musique, qui assure un effet cardiaque.

Ralentissements, rupture des bruits "de scène" omniprésents. Temps totalement psychologique, à l'extrême : soirée de fête constituée de raccourcis (les branches devenues bracelet donné à la mère, puis tout de suite pendant le dîner).


Je comprends mieux le caractère physiquement toujours très pénible pour moi de ces films, qui jouent totalement de l'adhésion instinctive et épidermique à l'action et aux personnages. Toute la réalisation est fondée sur le seul but d'impact physique.
Mais il faut reconnaître que ces films, si on passe leurs facilités larmoyantes et leur complaisance sanguignolantes, non seulement atteignent parfaitement leur cible, mais disposent surtout d'un potentiel esthétique qui fait défaut à beaucoup de productions plus "cérébrales" - comme si le cinéma était de la philosophie, non de l'art, et que seule l'argumentation y comptait, pas la forme.

Par ailleurs, je suis assez gêné d'une forme plus avancée encore de vraisemblance, l'illusion réaliste - quelle que soit l'invraisemblance, il faut que tout ait l'apparence du plus strict réel, et pas seulement dans le genre fantastique. Le résultat est qu'
on veut trop souvent nous faire croire que faire vrai est aussi faire bien ou profond, en cherchant absolument à ce que le spectateur éprouve des impressions très fortes pour qu'on considère le film comme réussi.



3. Le rapport à l'opéra ?

    En tant qu'amateur d'opéra, je suis très intéressé par cela. On voit combien, à partir d'une norme commune, voire d'un canevas commun, on développe une série de récits cinématographiques dont le fond n'est absolument pas l'histoire de la culture commune dont on se réclame. Dans l'opéra belcantiste, par exemple, Rinaldo n'est pas inspiré par la représentation de la splendeur des jardins d'Armide, mais le support à rêverie autour de ce thème et des airs de tendresse et de bravoure, aux scènes magiques qu'on peut y insérer. Ici, de même, tout un tas de sections attendues que je me dispense de lister sont à fournir au spectateur. Mais une classification de type Propp n'y prendrait pas trente ans, les marges de transgression sont infimes. (A tel point que, si j'en crois le début que j'ai pu voir, on nous présente les tribus de Tristan et Isolde comme deux composantes rivales du même groupe social, en modifiant complètement les enjeux de la légende habituelle, pour en faire un Roméo & Juliette celtique... Je m'aperçois d'ailleurs à l'instant, en allant chercher le nom du réalisateur, que l'argument est précisément 'avant R&J, un R&J médiéval'.)
   
    Amusant, à l'époque où la qualité de l'art se définit largement selon le degré d'innovation, de voir persister une école contraire, celle de la variation infime sur canevas attendu. Certes, on ne peut pas faire l'analogie directe avec l'Opéra-Comique (et sa part également moralisatrice), l'opéra italien des fin XVIIe à début XIXe siècle, l'opéra français du XIXe siècle, les publics ne sont pas comparables. Néanmoins, certains attendus de l'ordre du divertissement qu'on trouvait alors sous leur forme la plus exacerbée à l'opéra - et qui vaut encore pas mal de mépris à certaines écoles considérées comme honteusement "bourgeoises" - semblent avoir passé du côté de l'industrie cinématographique, en laissant l'opéra dans une situation d'attente tout à fait intellectuelle, même vis-à-vis de ses vieux titres. On ira ainsi voir un Meyerbeer en espérant l'absence de coupures, le grand niveau instrumental et vocal, les nouveautés dans la caractérisation des personnages, en attendant beaucoup du grand accomplissement dramatique des ouvrages de Scribe, etc. Et plus guère pour voir de beaux décors, de gracieuses danseuses et des histoires de démons à faire peur.
   
    Cette analogie à travers les temps, et aujourd'hui cette dichotomie, ne peuvent que laisser rêveur. Du coup, malgré le caractère pénible du visionnage en lui-même, la connaissance même très superficielle de ce cinéma-là a quelque chose de très stimulant pour la réflexion de l'amateur d'opéra.





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Commentaires

1. Le samedi 16 mai 2009 à , par Morloch :: site

Il y a des choses intéressantes dans ce que tu dis, mais tu pêches un peu par manque de connaissance de ton sujet et tu te perds dans de grandes généralités qui sont à la fois irréfutables, vu le degré de généralité auquel tu te situes, et indémontrables, pour la même raison (J'ai toujours su que ton idole cachée était Alain Minc).

Et les prémisses de ta démonstration sont un peu fragiles, car ce Tristan + Isolde que tu choisis en trame de fond n'est pas du tout un blockbuster, mais beaucoup plus un série B sans prétention. Cela se ressent à tous les niveau, scénario peu travaillé, façon de filmer conventionnelle, acteurs sympathiques mais pas de stars, budget qu'on sent un peu serré. Je n'ai pas détesté ce film que j'avais vu il y a un an en DVD (d'ailleurs, il est si peu blockbuster, ton exemple de blockbuster, qu'il a été un "direct-to-DVD" -pour choisir un autre anglicisme- hors des Etats Unis). Disons que les cellules grises ne sont pas stimulées de façon excessive, et la petite histoire d'amour est presque touchante.

Même si ton parallèle entre grand opéra et blockbsuters est intéressante, et qu'il y aurait certainement beaucoup à dire et de choses exactes, je suis plutôt frappé par le contraire de ce que tu dis : une grande sophistication des scénarios et des trames depuis plusieurs années dans le cinéma grand public américain (et pouf, je généralise le plus possible, rester sur le terrain de l'adversaire, c'est le secret du contournement stratégique).

Mais il y existe un métier qui devrait te fasciner : celui de script-doctor, tâcheron cultivé dont le métier consiste à rendre dramatique un scénario jugé trop prévisible ou incohérent. Avec des batailles entre les réalisateurs qui veulent faire entendre leur spécificité et les script-doctors envoyés par des producteurs inquiets de voir des projets échouer à cause de réalisateurs qui ne sont pas à la hauteur de leur prétentions (tu imagine ça, la direction de l'Académie royale de musique envoyer des script-doctors pour rattraper le travail de Scribe dans Robert le Diable en 1830, quel chef d'oeuvre nous aurions alors eu ?)

Là où, peut-être, ta démonstration marche quand même, c'est qu'on peut voir ce Tristan modeste comme un exemple de blockbuster simplifié, et dont la simplicité même fait mieux ressortir les tics de ce cinéma, mais je ne suis pas convaincu.

2. Le samedi 16 mai 2009 à , par DavidLeMarrec :: site

Je commence à avoir des opposants, signe indubitable de la gloire ! :-)

(tu imagine ça, la direction de l'Académie royale de musique envoyer des script-doctors pour rattraper le travail de Scribe dans Robert le Diable en 1830, quel chef d'oeuvre nous aurions alors eu ?)

Et ça commence avec un magnifique troll pas très discret.

Là où, peut-être, ta démonstration marche quand même, c'est qu'on peut voir ce Tristan modeste comme un exemple de blockbuster simplifié, et dont la simplicité même fait mieux ressortir les tics de ce cinéma, mais je ne suis pas convaincu.

Je rappelle que je n'ai vu que des morceaux des vingt premières minutes, donc j'ai du mal à avoir une vision globale de celui-ci en particulier, mais enfin, ça m'a furieusement rappelé Braveheart, qui pour le coup a été, je crois, un gros succès international.


Il y a des choses intéressantes dans ce que tu dis, mais tu pêches un peu par manque de connaissance de ton sujet et tu te perds dans de grandes généralités qui sont à la fois irréfutables, vu le degré de généralité auquel tu te situes, et indémontrables, pour la même raison

Je suis d'accord avec ce point, je n'ai guère retouché l'original, et il aurait fallu déterminer un corpus.

Mais enfin, ce que je dis sur le canevas est très sensible, il me semble, et se retrouve dans des films comme les Star Wars, Braveheart, Independence day, et même... Ben-Hur. Ce sont quand même des traits très communs qui se retrouvent dans un nombre considérable de films, ça me paraît assez difficile à infirmer.


Et les prémisses de ta démonstration sont un peu fragiles, car ce Tristan + Isolde que tu choisis en trame de fond n'est pas du tout un blockbuster, mais beaucoup plus un série B sans prétention. Cela se ressent à tous les niveau, scénario peu travaillé, façon de filmer conventionnelle, acteurs sympathiques mais pas de stars, budget qu'on sent un peu serré. Je n'ai pas détesté ce film que j'avais vu il y a un an en DVD (d'ailleurs, il est si peu blockbuster, ton exemple de blockbuster, qu'il a été un "direct-to-DVD" -pour choisir un autre anglicisme- hors des Etats Unis). Disons que les cellules grises ne sont pas stimulées de façon excessive, et la petite histoire d'amour est presque touchante.

Pourquoi, un blockbuster est censé activer la réflexion ? :-)
J'ai du mal à suivre où tu veux en venir. On peut discuter sur les termes, si nécessaire. Si on dit Hollywood, on englobe toute une histoire, et bien des films qui ne sont pas du même tonneau. En parlant de grosses productions à destination populaire, je pensais que ça conviendrait mieux. Si tu as un terme générique plus efficace pour ces films, je suis prêt à l'adopter bien entendu.

La façon de filmer n'est pas originale, mais j'admire beaucoup la qualité d'artisan (à défaut de créateur) de la photographie dans ce type de film, infiniment plus soignée que tout le cinéma qui, se prétendant profond, bannit toute préoccupation esthétique - c'est sans doute vulgaire...

Je n'ai pas vérifié le budget en revanche, et tu as peut-être bien raison sur la dimension économique de ce film-là. Mais je désignais par là les productions spectaculaires standardisées destinées au grand public, si tu préfères.


Même si ton parallèle entre grand opéra et blockbsuters est intéressante, et qu'il y aurait certainement beaucoup à dire et de choses exactes, je suis plutôt frappé par le contraire de ce que tu dis : une grande sophistication des scénarios et des trames depuis plusieurs années dans le cinéma grand public américain (et pouf, je généralise le plus possible, rester sur le terrain de l'adversaire, c'est le secret du contournement stratégique).

Ce n'est pas vraiment une question de sophistication (Meyerbeer aussi c'est sophistiqué, comme tu l'auras remarqué).

Ce que je voulais souligner, mais ce sera sans nul doute plus clair lorsque j'aurai publié la version plus récente (qui est en effet moins dispersée), c'est :
1) qu'il y a une sorte de glissement du public depuis l'opéra vers le cinéma, qui en a emporté les défauts pour en faire un art intellectuel qu'il n'était pas au XIXe siècle ;
2) qu'il y a une parenté assez frappante dans la façon de construire des variations autour de situations récurrentes, très codées. Beaucoup de ces situations sont d'ailleurs communes entre les deux genres.

3. Le samedi 16 mai 2009 à , par Morloch :: site

Je commence à avoir des opposants



Oh oui, et saches qu'ils sont farouches et hostiles !

Mais enfin, ce que je dis sur le canevas est très sensible, il me semble, et se retrouve dans des films comme les Star Wars, Braveheart, Independence day, et même... Ben-Hur. Ce sont quand même des traits très communs qui se retrouvent dans un nombre considérable de films, ça me paraît assez difficile à infirmer.



Mais je n'ai pas dit que tu disais n'importe quoi, mais que l'exemple était mal trouvé. Blockbuster, ça correspond à un ensemble de choses, ça implique : importance du budget, acteurs vedettes, un réalisateur connu pour sa solidité (réaliser un blockbuster, cela signifie coordonner des milliers de personnes pendant des mois tout en gardant un certain cap artistique, ambitieux ou pas), une énorme campagne de publicité pour la sortie et pour faire monter la pression avant la sortie, sortie programmée l'été (la saison des blockbusters), mais aussi, comme tu le soulignes, une trame qui puisse paraître consensuelle mais aussi originale, car il faut dès la première semaine de sortie, écraser le blockbuster du concurrent.

Et ce que je voulais dire aussi, mais tu l'avais compris, c'est que de la même façon que le grand opéra était plus riche et subtil qu'on ne le dit dans les histoires de la musique, les blockbusters américains sont plus riches et variés qu'on ne le dit dans Telerama.

La façon de filmer n'est pas originale, mais j'admire beaucoup la qualité d'artisan (à défaut de créateur) de la photographie dans ce type de film, infiniment plus soignée que tout le cinéma qui, se prétendant profond, bannit toute préoccupation esthétique - c'est sans doute vulgaire...



Là, je suis d'accord, et tu mets le doigt sur un des gros points faibles d'une certaine conception du cinéma d'auteur européen, qui n'est pas capable de faire autre chose que du mauvais théâtre mal filmé en champ/contrechamp/champ/contrechamp.

Une adresse de blog qui pourra te distraire, et qui a comme cheval de bataille cette indigence artistique d'une grande aprtie du cinéma dit d'auteur :

http://www.matierefocale.com/categorie-119615.html

avec un idéal intéressant, ne parler que de la forme des films et pas du fond, et d'appliquer cette démarche à tous les films, ceux dits d'auteurs comme au pire navet philippin. Démarche inverse, selon eux, de toute la critique officielle qui ne parle que du fond et jamais de la forme (le pire, c'est que ce blog pourrait t'intéresser...)



4. Le samedi 16 mai 2009 à , par DavidLeMarrec :: site

Oh oui, et saches qu'ils sont farouches et hostiles !

Implacables serait plus exact. >:'-(

Mais je n'ai pas dit que tu disais n'importe quoi, mais que l'exemple était mal trouvé.

C'était aussi bien un déclencheur qu'un exemple. Donc, si je comprends bien, ce film est sorti l'hiver, les acteurs ne sont pas connus, le budget pas très gros et le réalisateur peu connu ?
C'est vrai que ça rend sa classification un peu bancale, mais enfin, d'un point de vue dramaturgique et esthétique, ça me paraît totalement fondé sur le même patron (c'était ce qui m'intéressait).

... et avec tout ça, comment faut-il appeler le non-bluckbuster qui en imite les recettes ? Série B, c'est un peu vague, il me semble. :-s

Et ce que je voulais dire aussi, mais tu l'avais compris, c'est que de la même façon que le grand opéra était plus riche et subtil qu'on ne le dit dans les histoires de la musique, les blockbusters américains sont plus riches et variés qu'on ne le dit dans Telerama.

En fait, je cherchais à dire la chose de façon inverse : le Grand Opéra était aussi un divertissement de masse (pas autant évidemment, et réservé à certaines classes sociales), avec ses invariants un peu rigides pour plaire au public (le ballet pour les financeurs des ballerines sans qui l'on aurait jamais eu les plus belles parties de Garnier, par exemple...).


avec un idéal intéressant, ne parler que de la forme des films et pas du fond, et d'appliquer cette démarche à tous les films, ceux dits d'auteurs comme au pire navet philippin. Démarche inverse, selon eux, de toute la critique officielle qui ne parle que du fond et jamais de la forme (le pire, c'est que ce blog pourrait t'intéresser...)

L'idéal est passionnant, mais en jetant un oeil, le résultat semble... conceptuel. <|:-o

Cela dit, effectivement, d'un point de vue formel (et même souvent du propos...), j'ai infiniment plus de respect pour l'artisanat virtuose du blockbuster que pour les fadeurs idéologiques habillées de misérabilisme visuel. Pof.

[Vu tes goûts horribles, j'imagine que tu es dans le même cas, à un degré peut-être un brin plus grave.]

5. Le samedi 16 mai 2009 à , par Morloch :: site

Bref, tu as encore raison (comme toujours).

Pour ce Tristan, je ne sais pas trop comment l'appeler, en effet série B avait une définition précise, ça n'existe plus. Blockbuster fauché, pourquoi pas...

Matière focale, la démarche est intéressante mais [strike]l'humour potache[/strike] l'écriture post-moderne brouille leur message, parfois...

6. Le samedi 16 mai 2009 à , par DavidLeMarrec :: site

Bof, raison... (Comme tu ne l'as pas dit,) on sent bien que la notule n'était pas bien dégrossie. Mais je n'ai pas pu poster la version actualisée aujourd'hui. C'est toi qui me fais l'honneur de réagir vite à mes amusettes. :)

7. Le dimanche 17 mai 2009 à , par Papageno :: site

J'ai toujours pensé que Star Wars, Indiana Jones, ou The Lord of the Ring étaient les le prolongement naturel XXe siècle des opéras wagnériens et véristes, heureux de voir que les CSS développent ce point de vue dans tous les détails et même un peu au-delà !

un remarque purement formelle: tout une article en police taille 7 ça fait un peu mal aux yeux...

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