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Pourquoi l'on aime Beethoven… (incluant motifs rebelles et Basson-superstar)


A. La Quatrième Symphonie

La Quatrième Symphonie de Beethoven est l'une des moins fêtées – et autant j'ai toujours considéré les 1,2 et 8 comme majeures, malgré la résistance de l'opinion majoritaire, autant je m'abusais moi aussi sur l'intérêt de celle-ci, tout en ruptures, plus systématique, hors son mouvement lent extraordinaire (assez différent d'ailleurs de ceux de ses autres symphonies)…

Pourtant, en la réentendant récemment, non seulement je figure au rang des nouveaux convertis (toutes les symphonies de Beethoven sont donc géniales au dernier degré, l'audace de CSS ne connaît plus de bornes ces temps-ci) je me suis dit qu'il serait plaisant de la prendre pour support d'une petite exposition de quelques-unes des raisons pour lesquelles Beethoven fascine tant. Sur le modèle de ce j'avais proposé pour Mozart (émotion), Bellini (harmonie), Donizetti (orchestration), Verdi (accompagnements) ou Debussy (prosodie), une petite balade dans quelques raisons concrètes qui font que nous sommes immédiatement séduits par Beethoven.



B. Le rôle du basson

Je prends pour cette symphonie le truchement du basson, qui y connaît une fortune particulièrement rare dans le répertoire symphonique.

Le basson est à l'origine un instrument de renforcement de la basse, dès avant l'invention de la basse continue, à l'instrumentation variable et à la large part improvisée aux claviers et cordes grattées. Renforcement des basses d'un chœur dès la fin de la Renaissance (en particulier dans la tradition ibérique, témoin le fameux Requiem de Tomás Luis de Victoria), et tout simplement élargissement de l'assise d'un orchestre un peu vaste en doublant la viole de gambe, puis le ou les violoncelles, à l'époque baroque.

Rameau est réputé être l'un des premiers à avoir individivualisé la ligne des bassons. En réalité, c'est déjà le cas dans la scène infernale centrale [son] de la Médée de Charpentier (1693), dans des solos pour plusieurs airs d'opéras de Haendel (« Venti, turbini » dans Rinaldo [son] ou « Scherza, infida » dans Ariodante [son], pas exactement des airs occultes), bien sûr dans les concertos qui lui sont dédiés chez Vivaldi… et possiblement dans d'autres œuvres antérieures moins célèbres.

Chez les Français, il conserve en général un caractère funèbre (les Enfers chez Charpentier ou Rameau – Hippolyte –, la déploration dans « Tristes apprêts » de Castor et Pollux, peut-être dans « Scherza, infida »), mais il acquiert aussi ce caractère italien plus virtuose (premier air d'Abramane dans Zoroastre [son]).

Effectivement, à partir de Rameau, son autonomie devient de plus au plus automatique (au lieu d'être exceptionnelle, comme dans les autres exemples cités) dans les nomenclatures orchestrales. Néanmoins, au moment où Beethoven écrit la Quatrième Symphonie (1806), son rôle est rarement déterminant, étant en général employé comme contrechant discret ou basse dans la partie des vents.

Beethoven a toujours pris grand soin de mettre en valeur tous les pupitres, de leur donner un rôle décisif dans l'économie de l'œuvre (pas simplement confier le remplissage de la trame musicale à telle ou telle couleur orchestrale)… et en particulier les bois. Mais aucune ne met autant en valeur le basson que la Quatrième, de façon assez généralisée et plutôt étonnante.



C. Un parcours

Pour plus de simplicité, je propose d'abord une découverte chronologique des interventions remarquables de basson, dont j'ordonnerai plus loin les différentes tendances. Peut-être souhaiterez-vous, avant d'entrer dans le détail, ou après l'avoir fait, réentendre l'œuvre, dont voici une (bonne) version parmi un millier d'autres, proposée sur la chaîne de la radio-télévision néerlandaise : le Philharmonique de la Radio Néerlandaise y est dirigé par Dmitri Slobodeniouk.

Les extraits proposés sont, eux, tirés d'une version où l'on entend bien le grain du basson (et avec un changement de couleur au cours de l'émission), celle de la Philharmonie de Chambre de Brême (Deutsche Kammerphilharmonie Bremen) dirigée par Paavo Järvi.

On peut en principe suivre avec les seuls extraits sonores, et même sans lire la musique, il suffit garder à l'esprit que le temps s'écoule horizontalement pour repérer les entrées d'instruments. C'est suffisant pour suivre mon propos, qui ne portera pas sur les structures complexes, mais simplement sur quelques points de détail qui épicent réellement, je vous le garantis, une écoute qui peut par ailleurs rester grandement ingénue.

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Premier mouvement (adagio allegro vivace)

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La ligne de basson est notée « Fg. » (Fagott en allemand).

Début de l'œuvre. Grands accords doux, sombres et solennels. Les premiers violons émergent entre deux silences, et immédiatement, la première ligne mélodique mise à nu est tenue par le basson. Puis même chose, avec une évolution harmonique.


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L'allegro vivace a débuté. Au premier moment de calme, alors que les autres pupitres (hautbois, clarinettes, cors, premiers violons) posent des aplats ou restent sur un trémolo obstiné (les altos, notés « Vla. »), les bassons exécutent des arpèges staccato simples, mais à deux et entouré de nuances aussi douces, ils sont très nettement audibles et immédiatement mis en valeur, semblant dialoguer avec les sortes de trilles des premiers violons qui s'installent progressivement.

À la fin de l'extrait, l'accompagnement des bassons mute aussi pour se conformer à l'harmonie, avant de se mettre à bramer (son sol bémol sonne comme celui des barytons – « Che ! AmeeeeeEEEElia ! ») avec le reste des vents qui le rejoignent.

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Premier exemple de relance :

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Le basson est celui qui initie le nouveau motif, repris en écho par les autres bois.

Et même lorsque les cordes reprennent, le basson est le premier à entrer pour proposer un contrechant très exposé :

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Et l'on retrouve la même situation juste après, avec la relance de la clarinette :

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Le fait que ce soient des solos montre bien leur importance thématique, et clarinette et basson se complètent en canon…


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Même en seconde place, le basson est très exposé (ici, comme seul soutien de la clarinette, en dialogue avec les violons / altos).

Et si vous tendez l'oreille, on perçoit nettement la tension qu'il apporte, la noirceur dont il imprègne les tutti (troisième itération) :

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Car il est tout seul, avec la clarinette, à d'abord colorer (timbralement, mais aussi harmoniquement) les trémolos statiques des cordes.

Toutes ces interventions dans l'allegro se déroulent en quelques instants, vérifiez-en l'enchaînement (les extraits commencent à 20') :

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Par ailleurs, souvent pour quelques instants, le basson dépasse soudain de la masse orchestrale, emprunte un bout de motif ou donne l'impulsion nouvelle :

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Deuxième mouvement (adagio)

Ce deuxième mouvement lent est l'un des plus extraordinaires de tout le Beethoven symphonique (la palme revenant bien sûr aux quatuors…), et très caractéristique de l'art très particulier de Beethoven. Aux grands thèmes mélodiques (qu'il manie à merveille), il préfère régulièrement le motif très bref, trivial, mais immédiatement prégnant, et qu'on peut faire évoluer à sa guise – nul besoin d'aller chercher loin l'inspiration de Wagner pour le leitmotiv dans le cadre de la musqiue scénique.

C'est exactement le cas au début de ce deuxième mouvement, où il annonce pourtant une très belle mélodie pour ce qui pourrait être un simple mouvement à variations :

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Pourtant, le simple canevas régulier qui l'accompagne devient progressivement un matériau de premier plan, un motif thématique à part entière, comme à la fin des crescendos :

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Voyez comment, un peu plus loin, ce qui était la simple répétition d'une figure de soutien contamine peu à peu tout l'orchestre :

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Ce genre de mutation, de jeu de références, de transferts et de transformations est l'une des grandes sources de plaisir dans l'écoute (même distraite) de Beethoven… qui trouve son point culminant dans toute la Cinquième Symphonie, évidemment, marquée par le même martèlement en tierce, anodin mais hautement caractéristique (et persuasif !).

Hé bien, notre basson ne va pas rester sur le bas-côté du génie, non, non ; après l'épisode tempêtueux central, les violons se trouvent seuls à poursuivre leurs volutes, et alors…

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… le basson solo est celui qui réanime le motif-thème disparu !  Repris par les violoncelles et contrebasses, et même par les timbales (fait rarissime, et quoiqu'il existe des – peu exaltants – concertos pour timbales dans le dernier quart du XVIIIe siècle, ce n'est pas la même chose !).

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Troisième mouvement (menuetto
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Menuet qui a tout d'un scherzo. Dans le trio, c'est comme souvent le bonheur des vents :

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Et, tandis que les cors tournoient discrètement sur une note obstinée dans l'aigu (un fa), les deux bassons sont seuls à présenter un bout de thème, bien loin d'un instrument dont la fonction est simplement de procurer une assise au spectre sonore – certainement pas l'équivalent de la contrebasse, du trombone basse ou du tuba !

Il est d'ailleurs le seul à dialoguer avec les autres bois (flûtes et hautbois), et double, également seul, le retour des cordes…

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Quatrième mouvement (allegro ma non troppo)

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Rapidement, le basson solo est à nouveau en première place, lançant des propositions de motifs repris en imitation par les autres bois.

Mais surtout, il y a la dernière reprise, un des témoignages les plus évidents de l'intérêt de Beethoven pour le basson :


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C'est la fin de la symphonie, juste avant la coda… et qui donne le départ des festivités furieuses ?  Un grand solo virtuose de basson énonce le thème débridé (amorce ci-dessus), qui contamine ensuite les autres pupitres.

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Un des grands moments de jubilation beethovenienne.

Pour finir, lorsque vient la cadence et le moment d'annoncer la coda :

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… les bassons sont les premiers à annoncer la figure descendante qui va terminer la symphonie. Una cinquantina, amico ! Ou full house, comme vous voulez.

Quelle présence décisive, décidément, pour un instrument de second rang. Les autres œuvres avec orchestre de Beethoven ménagent de très belles choses pour les bassons, mais plutôt de l'ordre du contrechant, rarement à ce degré d'évidence, pas surtout pas aussi fréquemment.



D. Beethoven, étalon de l'Invention

Fidèle à sa réputation en matière de limites repoussées, il explore ici une gamme assez exhaustive d'usages du basson, toujours à son avantage. Ce peut être une simple coloration du spectre orchestral, des accompagnements très audibles, des contrechants de motifs importants… mais aussi beaucoup de solos, de ponctuations motrices comme il en propose souvent pour les bois (voir par exemple cet instant ineffable-ci dans la Deuxième symphonie). Et dans cette Quatrième Symphonie, il offre davantage encore : le basson est régulièrement à la source de l'impulsion d'un nouveau thème ou d'une articulation décisive, quand ce n'est pas tout de bon, comme dans le mouvement lent, lui qui offre le motif central.

… À travers ce parcours, je crois qu'on perçoit deux aspects importants de la fascination qu'impose Beethoven à ses auditeurs : le vertige des motifs (au besoin autonomes de la forme thématique post-classique), qui tournoient, se transforment, sortes d'incantations omniprésentes.
Mais aussi, peut-être moins souligné, la qualité d'orchestration de ses œuvres symphoniques : les instruments ne remplissent pas une musique pré-établie (souvent au piano, mais pas nécessairement), ils semblent au contraire, par la répartition de leurs interventions, susciter la musique. Au lieu d'apporter de la variété dans une forme connue, on a l'impression sans cesse confirmée que les instruments eux-mêmes, comme pourvus d'une volonté propre, imposent à la musique un déroulement en accord avec leur propre personnalité. Cet équilibre très particulier, qui rend chaque partie passionnante – il était amusant de convoquer le basson, mais on aurait pu le faire encore plus aisément pour la clarinette, les cors, les timbales, sans même parler du hautbois et des cordes (les trompettes, du fait des limites de leur facture à l'époque de Beethoven, étant sans doute les seules à s'ennuyer un peu) –, n'est pas pour rien dans la force de persuasion du massif orchestral le plus joué au monde.

Je crois, au demeurant, que Beethoven doit être à peu près le seul compositeur rebattu dont je ne songe jamais à me plaindre, tant sa programmation me paraît nécessaire, légitime et logique. (Je veux dire en dehors de mes goûts personnels, parce que je ne râle pas non plus quand on me propose des symphonies de Schumann ou de Tchaïkovski, même si c'est tout le temps – mais c'est parce que je les réentends volontiers, pas parce que ça me paraît aussi impératif, toutes géniales qu'elles soient.)



E. Par qui ?

Pour commencer, et réécouter sans tarder la symphonie en repérant tous ces petits détails, j'ai proposé en début de notule une très bonne version mise à disposition par le producteur du concert (Philharmonique de la Radio Néerlandaise & Dmitri Slobodeniouk, proposée par Avro).

Pour le reste, Beethoven résiste remarquablement à tous les traitements, donc le choix de la version n'est pas forcément décisif – je l'ai déjà dit, j'ai été très satisfait d'entendre l'Orchestre Universitaire de Bordeaux jouer la Cinquième deux fois plus lentement que la norme, et avec des écarts de justesse de l'ordre du quart de ton dans les cordes (au bout d'un quart d'heure à répéter le mouvement lent, le violoncelliste solo s'est aperçu qu'il jouait un ré au lieu d'un do, personne n'avait rien remarqué). Pourtant, ça fonctionnait très bien, parce que (outre l'enthousiasme communicatif des musiciens) la simplicité et la force de la structure de cette musique restent présents quelle qu'en soit l'exécution – ce n'est pas comme une œuvre avec des accords complexes et inhabituels (façon Szymanowski), ou alors fondée sur le style juste (Mozart…), qui sont sensiblement plus fragiles, et surtout si les musiciens sont un peu à la traîne.

Mais tout de même, si jamais vous avez envie de fouiller… Dans celle-là, je vais plutôt vers Hogwood et le dernier Harnoncourt (avec le Concentus Musicus Wien), Zinman aussi. Si vous êtes plutôt tradi, Solti-Chicago (la première intégrale de 74, la seconde de 84 a les mêmes caractéristiques, avec quelques défauts en sus) ou Wand-DSOB sont de très belles réussites.

Côté intégrales, je reviens inlassablement à Dausgaard, Immerseel, Hogwood, Gardiner, Goodman (donc à peu près toutes les versions sur crincrins et pouêt-pouêts, ou qui s'en inspirent comme Dausgaard), mais aussi, côté tradis, à Dohnányi l'équilibre parfait), Karajan (77, je l'assume), Solti 74 et Hickox – avec quelques autres plus inégaux (Leinsdorf, Szell) ou moins superlatifs (Zinman, P.Järvi, Wand-Hambourg, Abbado-Berlin) qui restent largement grisants.

L'essentiel de tous ces gens se trouvent aisément sur les sites de flux légaux (Deezer, MusicMe) ou semi-légaux (YouTube, vu les accords passés), et pour large part sans chercher trop longtemps chez les disquaires.



Il existe bien sûr nombre d'autres raisons pour lesquelles on/vous/les-autres/moi aimons Beethoven, et je n'ai pas réellement abordé la fabrique mélodique, ni sérieusement la structure, ni même (mais c'est toujours plus délicat à expliquer à un public non défini) l'harmonie. Partie remise, pour de prochaines aventures !


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Commentaires

1. Le jeudi 23 mars 2017 à , par Diablotin :: site

Mieux vaut tard que jamais ! C'est, pour ma part, l'une de mes préférées depuis longtemps ;-) notamment pour ses deux premiers mouvements.
Pour le coup, je suis un inconditionnel de Karajan 1962, sans doute le fleuron de cette intégrale, et beaucoup mieux -et assez différent, avec un second mouvement quasi schubertien- que ses quatre autres enregistrements officiels, même si je connais ton faible pour les versions de 75-77 : si tu ne connais pas, tu devrais essayer !
On trouve aussi une fameuse répétition du deuxième mouvement par Carlos Kleiber, en ligne sur le tube, et son fameux "Thérèse Thérèse, Thérèse...", et son interprétation de l'oeuvre est souple et chantante.

2. Le vendredi 24 mars 2017 à , par Olivier

Bonsoir,

Deuxième mouvement (adagio)

Ce deuxième mouvement lent est l'un des plus extraordinaires de tout le Beethoven symphonique (la palme revenant bien sûr aux quatuors…), et très caractéristique de l'art très particulier de Beethoven. Aux grands thèmes mélodiques (qu'il manie à merveille), il préfère régulièrement le motif très bref, trivial, mais immédiatement prégnant, et qu'on peut faire évoluer à sa guise .

Les lignes ci-dessus me rappellent les 2/3 pages intéressantes de Charles Rosen dans son ouvrage "aux confins du sens" sur cette capacité de LvB de créer une "petite molécule musicale d'où provenait la structure élargie", et un peu plus loin "le motif de base semble une réalité idéale presque indépendante de ses différentes concrétisations sonores".
Suit une comparaison avec le motif schubertien, "plus fluide et plus indéfini".
Pour C.R., cette faculté de LVB de transformer motifs et thèmes "impose(nt) une appréhension presque métaphysique de la nature d'une oeuvre musicale".
La métaphysique, une des raisons "pour lesquelles on/vous/les-autres/moi aimons Beethoven," ? Pourquoi pas?

3. Le lundi 27 mars 2017 à , par David Le Marrec

Bonsoir Messieurs !

@ Diablotin :

J'ai dû écouter ce Karajan, mais comme tu le soulignes, ne fréquentant pas trop sa première intégrale berlinoise (indubitablement excellente, mais dans la largeur de l'offre, je vais plutôt vers Dohnányi ou Solti I, pour les ampleurs ardentes), je ne vois plus guère à quoi ça ressemble, hors de l'esthétique générale du cycle. Je vais réessayer. Il ne fond pas trop les bois, justement ?

Oui, Kleiber, forcément – mais il tend à m'indisposer, parce que l'intérêt très réel de ses interprétations est rarement proportionnel (à part pour le Freischütz, en tout cas à l'époque) à la singularité de ses lectures ou à leur supériorité supposée… J'ai dû écouter ça aussi à un moment ou à un autre, à retenter, mais à tout prendre, j'irai plutôt vers ton éloge très persuasif de Karajan II.

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@ Olivier :

Je ne peux pas me prononcer sur la métaphysique, étant un garçon aux visées beaucoup plus restreintes – mais le rapprochement avec Charles Rosen est immanquablement flatteur pour ma modeste enseigne.

Ce qu'il y a de sûr, c'est que sa démarche du motif comme micro-structure mélodique innervant la macrostructure formelle a clairement infléchi le cours de l'histoire musicale… Meyerbeer, et évidemment Wagner en feront un usage frappant !

4. Le mercredi 29 mars 2017 à , par Diablotin :: site

Non, les bois ne sont pas si fondus que dans l'intégrale postérieure... Karajan aimait beaucoup cette symphonie, qu'il considérait comme la plus difficile à diriger, et, dans cette intégrale, elle fut enregistrée parmi les dernières (dans l'ordre : 1,2,8,6,5,7,4,3,9), signe de l'attention qu'il lui portait. L'interprétation est vraiment excellente, le deuxième mouvement me semble idéal :-)

5. Le mercredi 29 mars 2017 à , par DavidLeMarrec

Réécoutée aujourd'hui. C'est vrai qu'elle est très réussie : quel élan lyrique, quel soutien de la tension (du Mahler, quasiment !).

Ensuite, je trouve justement ça un rien élancé et lyrique, il me manque un peu d'angles je crois pour en faire une version de chevet. Magnifique néanmoins, je suis totalement convaincu, et c'est assez différent de toutes celles que j'ai écoutées, dont celle de l'intégrale de 77, plus épaisse en effet – comme tu le disais, aucune peine pour entendre les bois. (Pourtant, dans les autres symphonies et même dans l'intégrale avec le Philharmonia, on sent une façon spécifique de les traiter plutôt comme des éléments du tutti qu'en tant qu'individualités solistes spécifiques.)

Merci pour la recommandation !

6. Le jeudi 30 mars 2017 à , par Diablotin :: site

Je pense qu'à cette aune, c'est désormais toute l'intégrale de 1961-62 que tu peux réévaluer ;-) Si elle t'est un peu sortie de l'oreille, tu pourrais n'avoir que de bonne surprises, nonobstant, selon les rééditions, une prise de son parfois un peu réverbérée -surtout dans 7 et 8-. Mais 3 est à la hauteur de cette 4, avec une "Marche funèbre" d'une beauté formelle qui n'éteint pas l'émotion comme en 75, par exemple et une tension plus soutenue généralement qu'en 75-76, où le rouleau compresseur sonore est certes très impressionnant mais un peu uniforme.

7. Le samedi 1 avril 2017 à , par David Le Marrec

Je l'ai réécoutée il y a assez peu (au moins les 1,2,3,5,7,8), et je le fais assez régulièrement : je ne crois pas que je serais très surpris.

La 3 des années 70 reste complètement fascinante pour moi ; on peut effectivement discuter le détail (réverbération, équilibre bizarre, hyperlegato omniprésent), mais l'élan, l'expansion infinie de l'ensemble est irrésistible pour moi. [Cela dit, avec le temps qui passe, je n'écoute quasiment plus que les crincrins, donc plutôt Dausgaard, Hogwood et Immerseel dans la 3…]

Alors que la 3 des années 60 est magnifique, d'un goût beaucoup plus équilibré, et a finalement quelque chose d'un peu trop léché pour moi, ce n'est pas aussi personnel (voire dérangé…). Enfin, « un peu trop léché », j'adore cette première intégrale avec Berlin, entendons-nous bien ! Je parle seulement dans la perspective d'une comparaison. Je crèverais d'exultation d'entendre ça en concert, comme mille autres versions que je trouve un peu banales (pas celle-ci) dans l'abondance discographique des symphonies de Beethoven, et qui me raviraient au dernier degré si je n'en avais qu'une poignée !

8. Le mercredi 5 avril 2017 à , par antoine

Tout le monde aime les symphonies de Beethoven, même si l'on est parfois à la limite de l'overdose, y compris la quatrième, même si le final n'est pas tout à fait à la hauteur de ce que l'on aurait pu attendre d'une telle plume.

9. Le mercredi 5 avril 2017 à , par David Le Marrec

Et pourtant, je pourrais citer plus d'un mélomane illustre qui ne les porte pas dans son cœur. Tout est possible.

(Avec le temps, je l'aime beaucoup, ce final, en fin de compte – effectivement, je trouvais que les mouvements extrêmes radotaient un peu trop leurs contrastes brutaux.)

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[Au passage, j'ai réécouté la Nullte de Bruckner – pas par Mehta, que je n'ai pas trouvé, mais par Venzago (avec Tapiola), qui m'a ravi au plus haut point, clarté des lignes, soin extraordinaire des dynamiques (les phrasés de cordes, sans vibrato, mutent en un instant !), élan général. Certes, il y a de plus beaux timbres, mais à ce degré d'intérêt, on s'en moque. Et puis l'œuvre, à peu près ce qu'il a fait de mieux, décidément !]

10. Le mercredi 5 avril 2017 à , par antoine

Ouais mais les 3ème et 9ème sont de toute façon incontournables. Le final de la quatrième est désossé, va dans tous les sens et n'imprime que si peu de choses. Pour la nullte, Venzago, beurk, mais Mehta, tellement ravissant qu'on se prend à regretter que sa première période n'a pas duré plus longtemps!
Ps je tiens toujours mes promesses (raison, entr'autres, pour laquelle je ne me lance pas dans la politique) mais je ne retrouve pas mes cd Alfano que je n'ai pourtant pas balancés, mais de justesse, dans ma poubelle de l'histoire musicale. Je n'ai donc pas pu à ce jour m'y remettre mais j'ai pendu des ciseaux...

11. Le vendredi 14 avril 2017 à , par DavidLeMarrec

Bonsoir Antoine !

Les 3, 5 et 9 de Beethoven sont incontournables historiquement / musicologiquement, mais après, on aime ce qu'on veut, et il n'y a pas grand'chose qui ne soit ébouriffant ni proprement inouï (y compris, souvent, après lui !) dans cette partie de son catalogue.

Pour Venzago, ça dépend bien sûr de ce qu'on souhaite entendre, mais ça me paraît au minimum une lecture très complète et aboutie – contrairement à plein de chefs qui font de la mélasse parce que les autres en ont fait avant eux, sans se rendre compte qu'eux proposaient des contreparties. Mehta première manière, en effet, c'est en général impressionnant – ses Verdi des années 70 (le Trouvère au Met ou, encore plus, à Tel-Aviv) sont les seuls à être joués avec cette précision (et cette flamme !). Quand je dis les seuls, je n'exagère pas : certains rythmes (doubles pointés, doubles, triples…) sont un peu arrondis par tous les chefs, et lui pousse les chanteurs (et les instrumentistes, vu les tempi !) dans leurs retranchements solfégiques – ce qui peut advenir assez vite pour des chanteurs verdiens.
Par la suite, il a beaucoup dirigé, beaucoup fait de happenings, et s'est manifestement moins intéressé au renouvellement des interprétations.

Alfano doit, autrement, se trouver en ligne. Mais si vous n'aimez pas les symphonies, alors écoutez peut-être sa Sonate pour violon et piano, un bijou très marqué par la France…

12. Le samedi 15 avril 2017 à , par antoine

David, pardonnez-moi, je me suis mal exprimé mais sur l'instant cela m'a semblé évident. Je ne parlais pas la première période de Mehta mais de celle de Bruckner, soit jusqu'à sa deuxième symphonie incluse, davantage dans la lignée de ses prédécesseurs, plus chantante et moins wagnérisée, car il savait faire dans le genre aussi le bougre. Je ne dis pas ne pas aimer du tout les symphonies d'Alfano, mais il y en a tellement d'autres qui m'ont paru prioritaires et comme mes journées ne font hélas que 24h. Je ne voudrais pas accabler outre mesure Venzago, dont j'apprécie beaucoup la 7ème, mais pour la nullte, c'est sec, pas chantée du tout alors que Mehta...!

13. Le dimanche 16 avril 2017 à , par DavidLeMarrec

C'est même une deuxième période, alors, dans la mesure où la « symphonie d'étude » en fa mineur est dans un style romantique plus standard que les 0 et 1, déjà très personnelles. Moins brucknérisée, je dirais surtout, car la Nullte, en particulier, ressemble à du bon Wagner en bien des endroits (les aplats et contrepoints de Parsifal, pourtant pas encore composé…).

Je trouve au contraire Venzago très chantant, mais c'est un chant d'une autre perspective, pas du grand lyrisme tchaïkovskien à vibrato, plutôt une forme de mélodie sèche, très ferme et prégnante, mais sans emphase… ça me touche beaucoup, mais c'est un genre plus « baroqueux » auquel il faut être réceptif, et qu'on entend peu dans Bruckner, en effet.

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