Carnets sur sol

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dimanche 14 février 2016

Rinaldo : le seria, les vraies voix et quelques trolls


Un bref retour sur le Rinaldo de Haendel (version originale de 1711) donné au Théâtre des Champs-Élysées mercredi.

lagrenée renaud putto cara sposa
Franco Fagioli chante Cara sposa, amante cara.



1. Antécédents

Manière de se représenter qui parle.

Il y avait fort longtemps que je n'avais pas vu un opéra seria en concert ou sur scène – si j'exclus les oratorios (le Messie, puisque c'est surtout ce qu'on donne… mais il pourrait tout aussi bien y avoir Israel ou L'Allegro), ce doit remonter à Farnace de Vivaldi (par Savall) en 2003, Giulio Cesare en 1999 et La Clemenza di Tito en 1998… Un peu de belcanto romantique dans l'intervalle (I Puritani, deux fois L'Elisir d'amore, du Rossini bouffe ou semisérieux), mais pas vraiment de seria baroque ou classique.
Pour la Clemenza, cela s'explique plutôt par une absence d'opportunité : trop de choses à voir en Île-de-France, la priorité cédée à d'autres titres plus rares donnés simultanément, mais c'est peut-être, aujourd'hui, l'opéra que j'aime le plus de Mozart – donc vraiment pas un rejet de principe.

Pour la plupart des autres, oui, il y a quelque chose de plus délibéré – et ce même si j'ai laissé passer, çà et là, des titres qui me sont chers :  Ariodante de Haendel, Griselda, Motezuma de Vivaldi, Cleofide de Hasse…

C'est que le seria pose plusieurs problèmes structurels quand on s'intéresse à l'opéra comme objet prosodique ou théâtral, pas uniquement musical, et surtout pas uniquement vocal :

¶ la primauté absolue de la voix, à partir du début du XVIIIe siècle (sauf en France, bien sûr), entraîne la fragmentation du discours musical en airs très ornés qui expriment longuement les émotions et récitatifs secs (recitativi secchi), sans grand intérêt la plupart du temps, destinés à faire progresser l'action entre deux airs ; si l'on aime la déclamation, elle est clairement traitée par-dessus la jambe dans l'opéra seria ;

¶ la grande homogénéité (tonalités, orchestration, traitement vocal) des airs entre eux (d'ailleurs interchangeables entre les opéras, il n'existe pas de couleur propre à chaque œuvre) ; s'il n'y a pas de mélodies extraordinaires comme dans Rinaldo ou La Clémence de Titus, ou de poussée dramatique particulière comme dans la version originale de Motezuma de Vivaldi (celle gravée par Curtis et non le pasticcio de Malgoire), on peut vite avoir l'impression d'entendre exclusivement des airs sur les mêmes patrons (très peu de chœurs, de danses, d'ensembles de toute façon), qu'on pourrait invertir au sein même de l'œuvre. Beaucoup de ces remarques seraient appliquables à l'essentiel du répertoire baroque, mais se manifestent avec encore plus de densité dans ces opéras ornés à l'italienne ;

¶ les livrets sont à peu près complètement indifférents à toute forme de caractérisation : les noms des héros sont seulement des produits d'appel, et rien ne distingue ni la façon de s'exprimer, ni les situations d'un tyran oriental d'un consul romain, d'un chevalier croisé d'une divinité pastorale… Car non seulement la musique pouvait voyager, mais le texte des airs suivait en général avec elle !  Et toujours les mêmes métaphores complètement délavées de bateaux battus par les flots, les mêmes stéréotypes amoureux ; non pas que l'opéra ait par ailleurs été le lieu de l'innovation littéraire, mais dans la tragédie en musique de la même époque, on essaie de souligner des aspects propres à chaque héros (même si la musique ne change pas vraiment selon les mythes abordés), et dans le belcanto romantique, les personnages ne s'expriment pas exactement de la même façon entre les prêtresses gauloises et les adolescentes shakespeariennes. Je crois que c'est cet aspect qui me rebute le plus : l'impression de voir se déverser des torrents d'alibis tièdes pour faire entendre des exercices de chant dont on prétend qu'ils veulent dire quelque chose.

Aussi, même si le seria est le genre avec lequel j'ai découvert de l'intérêt pour l'opéra (ce qui n'avait pas fonctionné avec Rigoletto, Tristan, Aida ou Carmen, dans mon très jeune âge), c'est clairement le répertoire lyrique que j'écoute le moins (la palme revenant au seria classique, où il n'y a pas la même fougue des diminutions, des inventions du continuo…).

Contrairement à ce qu'on pourrait croire, et même si j'aime à m'en moquer, je n'ai en revanche pas du tout d'aversion pour le genre, et reviens avec beaucoup de plaisir aux titres que je nommais (Serse aussi, pour d'autres raisons, et quelques œuvres en langues exotiques). Simplement, contrairement à à peu près tous les autres portions du genre opéra, j'ai peu ou prou renoncé à explorer le répertoire, considérant que les surprises sont particulièrement ténues (et les livrets désespérants).

Tout cela pour situer que les réjouissances et préventions qui seront les miennes peuvent s'interpréter aussi par la perspective de mon écoute – et expliquer pourquoi elles diffèrent tellement des commentaires que j'ai lus par ailleurs.



2. Objectifs

Pourquoi ce concert, alors ? 

D'abord pour voir Rinaldo, dont la veine mélodique extraordinaire, la variété de climats orchestraux, la spécificité du livret, la concentration en tubes (préparée pour assurer le succès du premier opéra de langue italienne spécifiquement composé pour Londres, en y incluant quelques airs à succès antérieurs) sont assez irrésistibles, seria ou pas.

Ensuite, et j'ai bien conscience d'émettre un gigantesque troll ce faisant, pour l'orchestre : je n'avais jamais entendu Il Pomo d'Oro en salle, récemment formé (2012), mais déjà abondamment documenté par la radio et le disque. Or son engagement et ses choix originaux ne transigent pas avec le lyrisme, comme d'autres ensembles à la mode ces dernières années pour leur style « percussif » (Il Giardino Armonico, Europa Galante, Il Concerto Italiano, I Barrochisti, Matheus, Modo Antiquo), sans appartenir non plus à ces ensembles qui ne cherchent pas les sonorités nouvelles (I Suonatori della Giososa Marca, Academia Montis Regalis, Orchestre Baroque de Venise, Accademia Bizantina) ; je n'ai cité que de très belles formations (Il Giardino Armonico et I Barrochisti sont, en ce qui en ce qui me concerne, des modèles !), mais Il Pomo d'Oro se trouve justement à équidistance des deux positions, ne cherchant pas un profil sonore très innovant, mais travaillant néanmoins, dans le détail, à quantité de nouveautés (les diminutions et variations, dans les reprises, affectent l'orchestre également, le travail des timbres est permanent selon le caractère du morceau).

La distribution, très belle, composée de plein de gens célèbres que je n'avais jamais entendus en salle, ne déparait rien, mais ce n'était pas vraiment mon sujet premier.



3. La soirée

Cerné par des glottophiles ardents (mais en général plutôt bon enfant, comparés à ceux du romantisme italien, franchement féroces), j'ai pourtant assez bien survécu. Quelques incontinents à la fin des airs, applaudissant entre la levée des archets et la fin de la résonance, mais globalement une belle qualité d'écouté et un public pas trop pénible, malgré quelques bizarreries – des camions entiers de resquilleurs, dont une spectatrice avec un côté institutrice du temps qui faisait la circulation, réservait les sièges et contrôlait les billets de tout le monde pour que la resquille se déroule avec discipline, sans causer de trouble à l'ordre public.
Il faut dire qu'entre les prix élevés, la visibilité médiocre, l'affiche prestigieuse et la salle complète, tout était réuni pour que l'événement soit aussi dans la salle – ce qui n'a, en définitive, pas trop été le cas.

En tout et pour tout un hueur (contre Fagioli) aux saluts, ça ne se fait pas dans ce répertoire (où, il est vrai, il est plus facile de recruter des voix adéquates, puisque les tessitures restent humaines et les nécessités de puissance limitées). Les mêmes circonstances avec Semiramide de Rossini ou Anna Bolena, ce doit être sanglant ! 

À la pause, pas pu m'empêcher de taquiner un peu mes voisins :
DAME — Mais où sont passés nos voisins ? 
SURSOL, feignant de ne pas partager l'opinion qu'il rapporte — Ils sont peut-être rentrés satisfaits chez eux, après tout « le seria c'est tout le temps pareil ».
(Succès mitigé mais non nul.)



4. Principes : coupures, tessitures et falsettistes

J'ai envie de prendre une minute pour détailler un peu ce qu'on pouvait entendre dans la salle, dans la mesure où ma perception ne rejoint absolument pas celle majoritaire des auditeurs plus assidus.

D'abord, quelques coupures malgré la version (originale) de 1711 annoncée, notamment :
– les Sirènes ; ne pas embaucher deux sopranos pour trois minutes, je me le figure bien, mais on en avait deux sur le plateau, et l'on était dans une version de concert… ;
– le Mage chrétien, ce qui fait manquer un tournant assez capital dans l'intrigue, pour expliquer la victoire soudaine des Croisés face à la magie d'Armide ; il dispose en outre d'un bel air, chantable par une basse ou un alto (là aussi, on en avait à disposition) ;
« Col valor, colla virtù », il me semble ; pourtant l'air le plus intéressant du rôle postiche d'Eustazio (avec « Sulla ruota di Fortuna », avant tout pour son accompagnement bondissant aux cordes graves, très inhabituel) ;
– plus bizarre, « Il Tricerbero umiliato », air de fureur formidable du rôle-titre (« Je traînerai Cerbère humilié à mes pieds, je reproduirai les hauts faits d'Alcide ») ; je me suis figuré que, particulièrement grave au sein d'un rôle lui-même déjà très bas, il ne mettait pas vraiment en valeur Fagioli et que sa suppression avait été décidée sur cette base (pas infondée, considérant comment les états d'une partition se préparaient à l'époque – selon des modalités tout à fait pratiques) ;
– le plus clair des récitatifs (même les mieux écrits, comme l'échange avant le départ de Rinaldo sur l'air au Cerbère, vainement retenu par ses compagnons) a été raccourci ou supprimé, juste de quoi ne pas superposer deux airs.

Vu la longueur et la relative homogénéité musicale de ce type d'œuvre, je ne peux pas trop les blâmer, mais je suis un peu dubitatif sur la lucidité des choix opérés (néanmoins « Ah, crudel ! » a reçu un très beau succès) ; dans le même temps, des airs assez plats de Goffredo (il y en a beaucoup, passé le « Sovra balze » liminaire), d'Eustazio et même d'Armide (« Ah crudel, il pianto mio ») demeurent.

rinaldo tricerbero

Côté chanteurs, il semble que je me situe à l'opposé de pas mal d'amateurs plus fidèles du genre.

Pour commencer, je reste dubitatif, par principe même, sur l'emploi de contre-ténors en dehors de chœurs, de musique sacrée ou d'emplois très spécifiques. Ces rôles n'ont jamais été pensés pour ce type de technique, et on ne les distribue que par vraisemblance sexuelle (alors qu'un héros martial qui chante en fausset sur le champ de bataille pour vaincre une magicienne, hein, c'est le comble du naturel), afin de nourrir une sorte de fantasme du castrat, largement prolongé par tous ces disques d'hommage à Senesino, Carestini, Farinelli ou Caffarelli. Or, les deux techniques et les deux morphologies n'ont rien de commun : les castrats disposaient d'une soufflerie adulte (poumons), sur laquelle se trouvait un larynx d'enfant, étroit et plus haut (donc plus près des cavités résonantielles), ce qui occasionnait un son aigu, clair, brillant, mais puissamment soutenu et très sonore, contrairement aux voix d'enfants. Par ailleurs, les castrats étaient souvent grands (l'hormone de croissance n'étant pas compensée par la testostérone), donc leurs résonances corporelles étaient tout sauf malingres.

En somme, pour chanter ces emplois aujourd'hui, la seule solution légitime est d'utiliser, comme du temps de Haendel, des femmes pour remplacer les castrats. Il serait, à tout prendre, moins douteux d'adapter les œuvres aux voix telles qu'elles existent aujourd'hui, et de tout transposer à la quinte inférieure pour que des ténors puissent les aborder. Il y aurait plus grande congruence avec le caractère héroïque et un peu surnaturel des castrats en utilisant un ténor mixant dans une tessiture un peu aiguë, plutôt que des voix coincées dans le registre de fausset.

Car ce sont des voix qui sonnent, à quelques exceptions près, très partielles, coincées dans un mécanisme univoque qui ne permet absolument pas la diversité des affects imposée à l'opéra. De la même façon, d'ailleurs, je suis dubitatif sur la tendance à respecter absolument les tonalités et diapasons alors que les techniques ont changé : on embarrasse souvent les chanteurs, dans le baroque, en les faisant chanter trop bas (même les contre-ténors et les voix de femme) – faute de pouvoir retrouver la technique exacte d'autrefois, autant adopter la même méthode, et adapter les tonalités selon les aptitudes des nouveaux interprètes.



5. Résultat

En somme, ce n'est pas vraiment une surprise si j'ai trouvé Franco Fagioli (Rinaldo) valeureux, mais un peu terne. Le volume sonore est très honorable pour une émission de ce type, et l'interprète indéniablement engagé. En revanche, comme toute son énergie est concentrée vers la production du plus de son possible (émis assez en arrière, il reste rapidement couvert par l'orchestre ou les femmes), l'expression demeure très limitée, assez univoque.
Et, d'une manière générale, on demeure dans les traditionnels problèmes de ce type d'émission : trop retenue à l'intérieur, peu d'impact, pas d'une exceptionnelle intelligibilité, un peu molle, monochrome, plutôt blanchâtre, pas du tout héroïque. Même dans l'élégie, le manque de fermeté est patent.

Au demeurant, ce qu'il fait est au-dessus de tout reproche : c'est à peu près le maximum de ce qu'on peut faire avec ce type de contrainte, même si je trouve que des voix plus perçantes sont tout de suite beaucoup plus intéressantes – Bejun Mehta, Lawrence Zazzo, voire Dominique Visse ont d'autres possibilités expressives, et un impact sans commune mesure, je crois (je n'ai testé que le dernier en salle).

De même, Terry Wey (Eustazio), que j'aime beaucoup au disque, est un peu aigrelet en salle, mais tout à fait plaisant.

En tout état de cause, ils sont plus convaincants que Daria Telyatnikova, très jolie voix douce, mais totalement éteinte par la tessiture de Goffredo, beaucoup trop grave pour elle, rendant la projection impossible.

Je suis à rebours aussi pour Karina Gauvin (Armida), que je trouve remarquable dans le répertoire romantique (à cause d'une concentration et d'une fraîcheur rares dans ce répertoire), mais un peu hululante pour le baroque (entre l'émission flottante et les coups de glotte, on n'est pas tout à fait dans la vérité musicologique, disons). Néanmoins, là encore, il n'y a pas réellement de reproches objectifs à formuler, en dehors de la question, plus idéologique (voire personnelle), du profil stylistique.

Deux grands coups de cœur dans la soirée. D'abord et surtout Andreas Wolf (Argante, issu du Jardin des Voix de Christie), qui ne m'avait pas particulièrement impressionné jusqu'ici (notamment dans le Così fan tutte mis en scène par Hanecke, où il est fort bon, parmi d'autres titulaires) : la voix de baryton-basse est saine, sonore, mordante ; son expression est facile et mobile ; l'ambitus, large, s'éclaire de belle façon dans l'aigu, ouvrant la voie à une large gamme de demi-teintes (pas seulement poussé ou vaillant). Je n'avais pas vérifié sur le programme, et j'avais cru entendre un chanteur italien (la technique s'y apparente vraiment) ; même l'agilité est exemplaire. Assez éblouissant, surtout que la facilité scénique et la variété des inflexions outrepassent la seule perfection vocale. Pourtant, il est si jeune encore pour une voix grave !  Aucun signe de verdeur ici, en voilà un qui ne se repose pas sur les dons de la Nature (comme c'est si souvent le cas dans ces tessitures).
Aux saluts, l'ovation fait jeu égal avec celle de Fagioli (qui a le rôle-titre, et sur le nom duquel le public s'est déplacé), ce qui est significatif.

Par ailleurs, Julia Lezhneva (Almirena), que je découvrais, a reçu beaucoup de réactions mitigées ; certes, l'actrice a toujours été gauche et la voix reste un peu dure ; mais précisément, la résonance pure, qui se bâtit à l'arrière de la bouche mais transperce le masque, comme un laser (le petit emplacement exact qui permet de lancer des sons purs et très sonores), m'a beaucoup séduit. Effectivement, lorsqu'elle monde, la voix se tend au niveau du passage avant de se libérer à nouveau (et les [è] sont moins bien placés que le reste de la voix), mais cela produit un instrument très dense, pas du tout pâteux, pourvu d'une très belle autorité en salle. Plus étonnant encore, un legato extraordinaire, où les syllabes sont très bien individualisées, et pourtant où aucune césure, et à l'inverse aucun portamento ne sont décelables : le comble de l'art, l'artifice étant imperceptible.
Son atypique « Lascia ch'io pianga » m'a impressionné par la concentration du son, l'affirmation des silences, l'aisance des diminutions à la reprise, tout cela sans ostentation.

Enfin, l'ensemble Il Pomo d'Oro, sous la direction de Stefano Montanari (qui remplaçait Riccardo Minasi) a tenu toutes ses promesses : ne cherchant pas le caractère percussif à la mode, mais toujours très vif, servant le lyrisme sans fondu excessif, proposant des variations très adroites (naturelles mais remarquables) dans les reprises, ou variant la dynamique (la dernière ritournelle étant souvent plus impérieuse, plus impliquée). Si la flûte solo (trop haute, l'instrument n'a pas été suffisamment chauffé apparemment, ce qui rendait les longues tenues un peu douloureuse) et le hautbois solo (son peu puissant, problèmes d'agilité) n'étaient pas au niveau des meilleurs titulaires, tout le reste ne méritait que les plus grands éloges, en particulier les cordes graves (il est vraiment indispensable de laisser au moins une contrebasse, merci de l'avoir fait) d'un grain et d'une implication peu communs, et le claveciniste, qui ne se contente pas d'harmoniser comme on le fait souvent dans ce répertoire, mais distille quantité de contrechants qui, sans attirer spectaculairement l'attention, enrichissent considérablement le discours.



C'est hautement satisfait que j'ai quitté la salle : un seria judicieusement choisi avec un orchestre imaginatif et impliqué, voilà qui change tout.

samedi 7 février 2015

Versailles 2015-2016 : rare et beau


… comme d'habitude, en somme. Depuis la rénovation de l'Opéra Royal, quelle farandole de gourmandises !

Ça a paru sur le site, mais pas toujours très clairement.

Essai d'ordonner cela (avec quelques conclusions et interrogations) :

Répertoire italien « archaïque » XVIIe

Suite de la notule.

dimanche 1 février 2015

D'où vient l'émotion ? — Pourquoi Mozart est-il aussi différent / génial ? — La preuve par l'exemple


Cette notule, bien que comportant des extraits de partitions, se veut accessible pour tous… n'hésitez pas à faire des remarques s'il reste des points d'obscurité. (En l'occurrence, pour utiliser l'image, il suffit d'être conscient qu'une partition se déroule chronologiquement de gauche à droite, et de suivre les entrées des instruments. À défaut, l'extrait sonore devrait de toute façon se montrer suffisant.)


1. Ce que tout le monde se demande sur Mozart

La question est souvent posée : qu'est-ce que Mozart a de si différent ? Et, de fait, elle n'est pas injustifiée : après tout, on trouve personnalités fortes et audaces chez certains de ses contemporains, au cœur de la période la plus homogène de l'histoire de la musique (le classicisme du second XVIIIe). Pas seulement les facéties de Haydn, qui sont assez subtiles et demandent quelques notions d'analyse musicale, mais rien que la mélodie continue de Tarare (un flux semi-mélodique aboutissant à des sortes d'ariosos, comme le fera Wagner pour le style romantique) ou les Variations sur la Follia de Salieri (l'invention de l'orchestration !), ou le déjà romantique Oberon de Pavel Vranický (du vrai Weber de premier choix… en 1780).
Et bien sûr Mozart lui-même : les gammes modales (différentes « versions » qui s'éloignent de la gamme standard) dans la scène du Commandeur, l'orchestre dégingandé où les mesures se superposent dans le final du premier acte de Don Giovanni (« invention » de la « musique subjective », représentant sa propre perception déformée), les tournures mélancoliques dans les opéras gais (Così fan tutte, bouffonnerie déchirante), le fugato échevelé qui clôt la 41e Symphonie en en mêlant tous les motifs simultanément…

Évidemment, la réponse magique sur la Grâce reçue de Dieu ou de l'Esprit de la Musique n'est pas très convaincante, et tout n'est certes pas du même tonneau chez Mozart — même si, comme pour Schubert, les dernières années ne contiennent quasiment que de très hauts chefs-d'œuvre. À l'inverse, ce n'est tout de même pas pour rien (comme chaque compositeur devenu et resté célèbre) qu'il tant admiré chez les érudits et immédiatement séduisant pour l'ingénu.

C'est en réalité la même chose qui les intéresse, comme on va le voir.

2. En musique, d'où vient l'émotion ?

D'une manière plus générale, on se dit quelquefois, tellement la nuance entre l'ennui et l'extase paraît insaisissable, que l'émotion dégagée d'une musique dépend plus ou moins d'une fibre personnelle, de l'énergie des interprètes… C'est vrai pour partie : personne ne reçoit les mêmes sons de la même façon, selon son vécu, sa norme sonore, sa perception purement physique ; de même, une corde mise en vibration avec enthousiaste s'entend comme telle.

Néanmoins, il existe tout de même des faits objectifs qui peuvent être identifiés, dans une partition. C'est l'exemple qu'on va tenter ici, répondant à la fois à la singularité de Mozart et à la naissance de l'émotion.

3. La preuve par l'exemple

Nous sommes dans la Clémence de Titus. Au début de l'acte II, son ami Sextus (Sesto) est arrêté pour avoir participé au complot contre sa vie, par amour pour Vitellia (mais ça, personne ne le sait). La réplique de Sextus qui débute l'extrait (le passage inscrit sur la partition débute à partir de 0'24) insiste sur son sacrifice pour Vitellia : il va mourir, et personne ne saura qu'elle était l'instigatrice du complot. Suit la réplique de Vitellia en aparté : « Il marche à la mort pour moi, / Où puis-je me cacher ? ».
Le but va être de montrer que Mozart ne fait pas qu'accompagner de jolies mélodies, mais suggère des émotions par des procédés qui peuvent passer d'abord inaperçus.


Kate Lindsey (Sesto), Karina Gauvin (Vitellia), le Cercle de l'Harmonie et Jérémie Rhorer dans la version captée en décembre 2014 au Théâtre des Champs-Élysées à Paris. Choisie pour sa lisibilité, on perçoit particulièrement bien les événements orchestraux dans ce passage.



Il y aurait déjà beaucoup à dire sur la qualité de la réplique de Sextus, et par exemple les rythmes plaintifs et un peu déhanchés qui l'accompagnent : la basse fait note-silence-note, comme pour une marche implacable, tandis que les violons font silence-note-note, davantage comme une plainte, les deux se superposant. En marron sur la partition.

Sextus vient donc de faire ses adieux.

1 – Sur la dernière note, les violons passent en doubles croches (deux fois plus vite) : changement de caractère, qui traduit l'agitation.
1 – L'accompagnement est plus bref que la note chantée, mais celle-ci est doublée par les cors. La note tenue donne un sentiment d'attente, fait naître la tension.

2 – Les cors font un accent dramatique qui préparent la couleur de la réplique de Vitellia.
2 – La basse (violoncelles et contrebasses) est altérée et annonce une modulation : on va changer de tonalité, de couleur et d'univers sonore.
2 – Entrée du premier basson qui renforce la même note tenue par les violons et les cor. Le basson, outre qu'il va colorer de façon plus sombre la pâte orchestrale, est aussi l'instrument funèbre par excellence depuis très longtemps — seul instrument des requiems espagnols de la Renaissance, doublant la ligne de basse, ou utilisé pour les Enfers et les déplorations (« Scherza, infida » dans Ariodante, « Tristes apprêts » dans Castor & Pollux !).

3 – Entrée de Vitellia. En anacrouse, c'est-à-dire avant la mesure principale, de façon à donner de l'élan. Le procédé est très commun (on segmente très souvent les mélodies en mélodies avec anacrouse et mélodies sans anacrouse, un peu comme les vers avec ou sans Auftakt en allemand. Ici, cela permet aussi à Mozart d'éviter de submerger l'auditeur sous les informations, et ménage de l'espace pour l'effet 4, le point culminant de ce moment.

4 – Le second basson entre à son tour sur le premier appui fort des mots de Vitellia. Il entre avec douceur, mais sur une note étrangère à l'accord, qui dissone (sur un accord de mi bémol mineur, déjà assez rare et considéré comme particulièrement désespéré).
C'est le point culminant de l'extrait : tout ce qui était avant faisait monter la tension… ici, elle est à son comble, parce qu'au lieu de débuter une nouvelle mélodie normalement, elle reste chargée de la tension qui précède, à cause de cette note étrangère assez inhabituelle dans la littérature classique. Nous ressentons cette fêlure, mais pour les oreilles d'alors qui n'avaient pas encore entendu le Sacre du Printemps (ni même les symphonies de Schumann !), ce devait être particulièrement spectaculaire.
Comble du raffinement, sur quel mot tombe cet effet de discordance, où les deux bassons, contrairement à ce qui est attendu, se disjoignent et « frottent » au lieu de se fondre l'un dans l'autre ? Sur le mot « moi », bien sûr. La musique figure littéralement le déchirement de Vitellia, déchirée entre son intérêt personnel et le désir de faire justice à Sextus, se blâmant de sa lâcheté, de séparant d'elle-même.

Suite de la notule.

vendredi 25 octobre 2013

Ouah ouah


Après des commentaires élogieux, j'ai donc jeté une (timide) oreille au récital studio et à quelques prises sur le vif de David Hansen, jeune sopraniste dont il est beaucoup question ces derniers temps – largement du fait de la proximité des parutions, il a abondamment été comparé à Philip Jaroussky « de Virgin » et Franco Fagioli « de Naïve ».

Au résultat, je ne suis pas très favorablement impressionné. Certes, il donne pour la première fois la version originale de « Son qual nave agitata » de Broschi, le méga-hit pour virtuose émasculé. L'argument publicitaire nous dit que c'est parce que ses concurrents auraient été effrayés de se mesurer aux diminutions écrites par Farinelli lui-même ; à mon humble avis, c'est surtout parce que cette version (qui n'a plus grand'chose en commun avec l'air passé à la postérité*) n'a pas grand intérêt au niveau mélodique, tandis que les premières mesures chantées sont assez prégnantes chez l'autre.

* à la réécoute de l'air habituellement enregistré (ce que je n'avais pas fait depuis quelque temps), en fait, si, mais le manque de soin des phrasés détruit beaucoup de liens logiques entre les notes-pivots de la mélodie...


Vocalement, ce n'est pas exactement mauvais, mais on assiste à une caricature de l'air du temps, avec une voix apparemment peu projetée malgré les effets de prise de son (très bien faits, on croirait vraiment percevoir la rétro-audition d'une salle de spectacle) – or il est possible de chanter en alto avec une voix sonore, même si les exemples célèbres ne sont pas foison en dehors de Deller. De même pour la couleur translucide – « angélique » dirait la présentation, et c'est le cas, oui, comme un petit braillard –, très à la mode, et les aigus certes puissants, mais quasiment criés. Il semble constamment passer entre une émission épurée peu projetée et une émission plus résonante et « saturée », particulièrement aigre (d'aucuns, moins délicats, parleraient dans ce second cas d' « émission chapon »).
Phénomène amusant – et très vite lassant –, tous les [a] vocalisés ou aigus deviennent des [ia] ou des [wa], et la ligne se perd facilement, à telle enseigne que dans les moments les plus emportés l'on assiste bel et bien à une suite d'aboiements – dans un registre étrange qui évoque difficilement la voix humaine. Très troublant, mais certainement pas au sens érotique du terme.

Bref, malgré l'agilité (mais relative, si l'on prend en compte la qualité de la ligne), je n'ai pas aimé. Il faut dire que si je suis toujours plus dubitatif sur la présence des contre-ténors dans le répertoire dramatique, je suis de toute façon davantage sensible aux voix charnues et rondes, même peu projetées, qu'aux visions plus translucides. Mais pour Jaroussky, au moins, je rends les armes devant la qualité technique et la musicalité extrême (voire l'inspiration dramatique, dans certains cas), du moins dans son répertoire de prédilection – dans les mélodies, c'est tout simplement impossible pour des raisons d'assise vocale, de manque de naturel, de couleurs et surtout d'articulation des mots.

Je n'ai en revanche aucun problème avec le contre-ténorat dans le répertoire religieux, l'écriture ne requiert pas du tout les mêmes impératifs d'éclat, les personnages (lorsqu'il y en a...) ne sont pas censés être héroïques, et en tout cas marqués par le surnaturel, donc forcément différents. Par ailleurs, les impératifs de puissance (acoustique aidant...) ne sont pas comparables.
Dans les chœurs, je trouve même le choix des falsettistes excellent pour remplacer les altos féminins, car cela évite d'alourdir le spectre (souvent des mezzos qui forcent en bas et alourdissent le milieu de l'harmonie).

Pour une fois, je me fais donc le plaisir d'une petite tranche de médisance. Je suppose que, comme pour Wagner, à force d'écouter des difformités, on finit par ne plus se rendre compte que c'est horrible. Il se trouve que le seria est à peu près le seul répertoire « classique » post-1600 où je ne suis que distraitement les parutions, je suppose que je dois donc être moins mithridatisé que pour d'autres répertoires – car il faut bien l'admettre, les voix d'opéra, c'est moche.
Seulement, la justification à cela tient dans la projection par-dessus un grand orchestre romantique, et le baroque peut donc y échapper tout à fait, sauf à le jouer dans des théâtres immenses. Pas de chance, les falsettistes sont là pour nous rappeler qu'il faut savoir souffrir pour être cultivé.

Une seule conclusion d'impose :

Suite de la notule.

lundi 20 mai 2013

Gazouillis dramatiques - Vincenzo BELLINI, Norma ; Cecilia Bartoli, Sumi Jo, John Osborn, Giovanni Antonini (Decca)


Suggestions discographiques en fin de notule.


Ecoute intégrale, gratuite et légale possible en ligne en cliquant sur la pochette. De quoi accompagner la lecture de la notule.


1. Concept

Je n'ai jamais fait mystère de mon intérêt pour les voix minces surdistribuées dans des rôles dramatiques - tout simplement parce qu'elles sont généralement moins sombres et couvertes, et que la couleur, la tension et la diction sont supérieures de ce fait. Ce n'est évidemment pas possible partout, mais dans les petites salles, avec des effectifs allégés ou encore en studio, il n'y a pas de raison de se priver.

J'attendais donc avec curiosité la version à paraître, dirigée par Giovanni Antonini - directeur musical historique du Giardino Armonico, explorant le XIXe siècle ces dernières années, avec notamment une intégrale des symphonies de Beethoven avec l'Orchestre de Chambre de Bâle (sur instruments d'époque). Le Casta diva de studio de Cecilia Bartoli était d'ailleurs prometteur : pur produit de studio, baissé et murmuré, mais avec beaucoup d'intensité et d'original - non plus tour de force, mais prière murmurée.

Cette intégrale, dans cette perspective, tient ses promesses. En un sens, elle ressemble assez (le style en plus !) aux intégrales faites autour d'Andrea Bocelli par Decca : la première star de la distribution (peut-on encore parler de prima donna ?) voit son volume vocal confidentiel élargi par le potentiomètre, sans changer sa voix, tandis que les partenaires sont rejetés un peu en arrière, dans la zone de réverbération (même dans une cathédrale, on n'obtient pas un son aussi ample, on se croirait dans une immense carrière de marbre). Rien de tout cela n'est une injure dans ma bouche : il s'agit d'un produit assez grand public, qui tient à son confort sonore, et dont l'objectif n'est pas de rendre de compte fidèlement de ce qui se produirait sur scène - et de fait, le résultat est très différent du final de Norma déjà entendu il y a quelques années par Bartoli et Osborn.

Et en effet, on a de la nouveauté (vraiment quelque chose de neuf à entendre dans une oeuvre aussi courue, ce n'est pas tous les jours), de l'éclat, de la virtuosité vocale, du drame... A tout point de vue on peut estimer qu'on a une vraie Norma, ainsi qu'un produit différent. On peut ensuite discuter le détail.

2. « L'orchestre de Bellini »

L'argument de vente, outre Bartoli, se fonde sur le fait qu'on entendrait, plus ou moins pour la première fois (Fabio Biondi ayant déjà procédé à des expérimentations sur instruments anciens), des équilibres d'orchestre différents, conformes à la volonté du compositeur et à ce qui se produisait à l'époque.

Carnets sur sol regorge de considérations critiques à propos de la notion d'authenticité, en général davantage le fait des éditeurs que des artistes, plus lucides sur ce point, je ne reviens donc pas sur l'impossibilité de se fier aux seuls mots (parviendrait-on à donner une image fidèle d'un chanteur d'aujourd'hui rien qu'avec des mots), aux témoignages d'époque (souvent de qualité très médiocre), et par-dessus tout au ressenti de gens qui étaient nourris de latin et n'avaient pas encore entendu le Sacre du Printemps ni vu le dernier Tarantino - on comprend mieux, dans cette perspective, qu'on ait tant pu pleurer aux créations des deux Iphigénie de Gluck... On pourrait ajouter à cela l'écart déjà immense qui nous sépare du début du XXe en termes de technique vocale parlée ou chantée, rendant tout simplement inconcevable l'aspect des voix du premier XIXe siècle... et la discussion de l'intérêt de limiter la portée d'une composition à ses premiers interprètes.

En plus de tout cela, je trouve que le résultat sonore apparaît vraiment très « années 2000 », conforme au son à la mode dans les ensembles baroques : très tranchant, presque percussif, marqué par la génération des Biondi, Alessandrini, Spinosi & Sardelli. Pas très étonnant, dans la mesure où Antonini a été l'un de ceux qui sont allés le plus loin dans l'exploration des possibles des concertos de Vivaldi - écoutez par exemple l'Hiver de ses Quatre Saisons, au moins aussi fort que Biondi dans le figuralisme, et en plus de cela sans jamais rien céder à la musicalité pure. Cette vision de l'interprète qui réinvente la partition outrepasse vraisemblablement la part improvisée prévue dans ses musiques, où le compositeur ne prenait pas la peine de tout noter pas tant pour en faire une oeuvre ouverte que parce que les interprètes pouvaient très bien compléter seuls des schémas familiers.
C'est pourquoi je me garde d'autant plus de formuler une opinion sur le caractère proche ou non des origines. Que l'orchestre de Bellini soit plus malingre que les lectures post-brucknériennes qu'on en a fait tout au long du XXe siècle, je n'en doute pas une seconde. Qu'il ait eu cette chaleur, ce tranchant et cette virtuosité, j'en suis moins certain, surtout si l'on observe le niveau des orchestres italiens au début du XXe siècle - à une époque où il avaient pourtant sûrement progressé pour pouvoir jouer Wagner et Puccini !

Je me contente donc d'émettre un avis sur ce que j'entends. Globalement des tempi très rapides, qui resserrent le drame et sortent pour partie Norma de son atmosphère nocturne habituelle. Comme pour les Parsifal de Boulez, je trouve que cela apporte une forme d'urgence et surtout d'évidence ; on évite ainsi les grands aplats harmoniques immobiles, qui peuvent ennuyer les moins glottophiles d'entre nous (je veux dire les gens bizarres qui écoutent un peu la musique quand ils écoutent de l'opéra). Cet opéra qui tirait beaucoup sur l'oratorio dramatique se replace ainsi beaucoup mieux dans sa généalogie et son économie dramatique.

Je ne suis pas très convaincu par les sections les plus sonores, où cymbales et cuivres résonnent avec une agressivité qui change le pompiérisme habituel plutôt qu'elle ne le résout. Il est vrai que l'orchestration le veut, mais la tendance à peu près systématique à accélérer sensiblement le tempo à la fin de chaque section ou à chaque fois que le volume sonore augmente ne s'apparente pas exactement au meilleur goût.

En revanche, dans tous les moments suspendus ou délicats (de loin les plus nombreux), les cordes ne sonnent pas malingres, et surtout, on entend des vents d'une beauté à couper le souffle, fortement caractérisés - et un gros travail du chef perceptible sur l'éloquence de chaque solo. La clarté des plans sonores rend aussi plus sensible l'élan motorique, mais sans accentuer chaque temps comme le font souvent les chefs dans ce répertoire... au contraire, l'orchestre s'efface doucement dans une bienheureuse régularité, sans jamais battre la mayonnaise.

Pour ma part, donc, très convaincu, pour ne pas dire enthousiaste. Il faut dire que la concurrence n'est pas sévère, mais d'ordinaire les grandes bonnes directions sont celles qui secondent le mieux l'élan dramatique, sans être pour autant tapageuses. Ici, on assiste à un véritable travail de chef, passionnant en tant que tel alors qu'il ne s'agit que d'accompagnements - comme pour les lieder de Schubert, on a quelquefois l'impression qu'on pourrait accéder au ravissement même sans les voix.

3. Cecilia Bartoli avant Norma

Précisons, pour plus d'honnêteté, où je me situe vis-à-vis de Bartoli.

Suite de la notule.

jeudi 4 avril 2013

Michelangelo FALVETTI, Le Déluge universel : l'esthétique intermédiaire du baroque italien


A l'occasion de la réécoute, cette fois en salle, du fascinant oratorio exhumé en septembre 2010 par la Cappella Mediterranea de Leonardo García Alarcón, l'envie d'évoquer cette étape du style italien encore très parcellairement documentée par le disque.


Vidéodiffusion de la RTBF, mise en ligne par Fernando Guimarães - l'interprète de Noé.


1. Style général

L'oeuvre est écrite en 1682 pour Messine, bien postérieurement à la naissance du genre opéra, et sensiblement avant que la fascination pour la voix humaine ne fasse totalement changer de face l'histoire du genre.

Si l'on doit rapidement situer :

Dans la première moitié du XVIIe siècle,

différents styles coexistent, mais quel que soit leur degré de lyrisme et d'ornementation, ils se caractérisent tous par le souci de renforcer la déclamation. Bien que les livrets soient déjà moins profonds, plus divertissants que les pièces parlées « sérieuses », la musique a avant tout pour tâche d'en seconder le sens et d'en souligner les effets. Cela s'entend tout particulièrement chez Peri, dans les Monteverdi baroques (Le Retour d'Ulysse et Le Couronnement de Poppée), et bien sûr chez Cavalli.
Les "airs" proprement dits sont ponctuels, destinés à laisser s'épancher un sentiment précis.

Au XVIIIe siècle au contraire,

l'intérêt du public pour la voix (ainsi que le développement technique des chanteurs, vraisemblablement) a conduit les compositeurs à écrire des oeuvres toujours plus virtuoses, où les ornements engloutissent tout entier un texte de plus en plus prétexte. Il suffit de comparer, dans cet âge de l'opéra belcantiste baroque (celui que nous nommons usuellement opera seria), l'ambition de panache et de couleur locale des titres (antiques mythologiques, antiques historiques, médiévaux...), et leurs trames, toutes semblables, et plus encore leur vocabulaire, complètement identique. Les même situations de quiproquos amoureux soi-disant tragiques (mais avec lieto fine obligé), les mêmes métaphores des yeux-lumières et de l'âme-tourmentée-bateau-dans-la-tempête se trouvent partout, et sans variation véritable.

Ces oeuvres se structurent par ailleurs, contrairement à la déclamation libre du siècle précédent, dans un carcan très serré : alternance entre récitatifs (« secs », c'est-à-dire accompagnés par la seule basse continue) et airs (exceptionnellement des duos, des choeurs ou des ensembles). Les récitatifs restent presque toujours sans grand intérêt musical, même chez les grands compositeurs souverainement dotés, et servent à faire progresser l'action. Tout l'intérêt de ce théâtre se situe dans les airs, qui expriment des sentiments stéréotypés, mais avec une grande agilité et quelquefois un effort de couleur (harmonique) pour dépeindre les affetti.

La seconde moitié du XVIIe siècle

est en réalité très peu documentée par le disque - et les partitions ne sont pas rééditées, ni toujours trouvables, même à travers le monde ! Le Festival de Schwetzingen a monté, en 2007, une production d'Il Giustino de Giovanni Legrenzi qui était un des rares actes de réapparition au grand jour de cette période de la musique italienne (dans d'excellentes conditions musicales : Hengelbrock, Balthasar-Neumann-Ensemble, Kulman, Nigl, Wey, Galou...). Radiodiffusée à travers l'Europe, cette recréation n'a en revanche jamais été publiée en disque. Je ne puis pas garantir que ce soit absolument le point de départ, mais ce le fut en tout cas pour l'opéra.

On pouvait y entendre un langage étonnant, où les finesses harmoniques du premier baroque se mêlaient à une écriture plus vaillante et virtuose (en particulier du côté des voix), sans renoncer à l'importance de la déclamation. Depuis, un nombre important de publications Legrenzi ont suivi (oratorios, musique cultuelle, musique de chambre...).

Michelangelo Falvetti appartient à cette période, et Il Diluvio universale représente également une révélation importante.


Dessin d'Henri Gissey à l'encre brune et à l'aquarelle (1670), vraisemblablement le dessin préparatoire pour une embarcation sur le Grand Canal de Versailles.


2. Il Diluvio universale - Structures

Le genre de l'oratorio (surtout dramatique) est en lui-même une forme un plus récente par rapport à l'opéra et bien sûr à la musique liturgique - il en existe néanmoins dès le début du XVIIe siècle, même si son apparition est postérieure à celle de l'opéra (dont elle suit pour partie les modèles). L'oratorio a un sujet sacré, mais au contraire de la musique liturgique, il est le plus souvent d'essence dramatique (parfois "romancé"), et destiné à être joué (certes à fin d'édification) en dehors du culte. Une sorte de célébration profane, dont il n'est pas toujours aisé de démêler la part de mondanité hédoniste de l'enthousiasme mystique.

La constitution du Déluge de Falvetti est particulièrement remarquable (et simple) ; chaque "entrée" comprend ainsi :

  • des dialogues (accompagnés par tout l'orchestre, pas de recitativi secchi), destinés à faire avancer les idées, et souvent dotés d'un caractère un peu dialectique ;
  • un air (orné, mais dans un style plus proche du premier XVIIe que que premier XVIIIe), la plupart du temps sur un motif cyclique et obstiné à la basse continue ;
  • un choeur final (en réalité un ensemble prévu pour cinq chanteurs, davantage de type madrigal) ; ces "choeurs" constituent à chaque fois un sommet musical à la fois très varié d'une section à l'autre, et très impressionnant en termes de qualité et d'audace.


Le livret lui-même, dû à Vincenzo Giattini, est vraiment étonnant : les Eléments y devisent sur le sort de l'humanité, Noé y dispute avec Dieu (et y incarne davantage la voix de la tempérance et de la raison que son Interlocuteur !), la Mort y danse la tarentelle, un choeur entier périt sous les eaux et la Nature Humaine sombre dans l'abîme !

3. Grands moments

Leonardo García Alarcón a l'honnêteté (rare pour ce genre de découverte) de rendre précisément hommage à l'auteur de la découverte (Vincenzo Di Betta, choriste ténor dans l'ensemble vocal Antonio il Verso, lors d'une répétition à Palerme, en 2002), et raconte comment il a été avant tout intrigué par l'air de victoire de la Mort, écrit très joyeusement en majeur sur un rythme endiablé de tarentelle.
Ce n'est néanmoins pas le moment le plus nourrissant musicalement, et même pas le plus bel air de la partition, mais il est vrai que dans la logique du livret, voir la Mort descendre se vanter plaisamment de l'extinction de l'humanité, et voler la vedette au message moral du Déluge (pour ne pas dire à Dieu lui-même !) a quelque chose de puissamment incongru - presque dérangeant. Le genre de fantaisie que n'autorisent pas, en principe, les grands sujets édifiants des oratorios.

En réalité, si l'on passe sur de superbes trouvailles (touchant et long duo entre Noé et sa femme, brillant colloque des Eléments, grandiose leçon de la Justice Divine en guise de Prologue...), les moments les plus intenses se trouvent systématiquement au moment des ensembles à la fin de chaque séquence :

  • l'ensemble de la Justice Divine et des Eléments, dans une veine assez figurative et très spectaculaire, au terme d'une scène qui utilise le style concitato (la colère monteverdienne, celle de Tancrède et Clorinde) à cinq voix ;
  • le duo extatique (en réalité fondé sur une imploration) des époux Noé ;
  • le choeur (divisé) du Déluge proprement dit ;
  • le choeur d'agonie des Hommes, extrêmement saisissant, qui se termine sur une phrase inachevée (là aussi, un procédé très inhabituel avant les romantiques !), ingoio la Mor... (« j'avale la Mo... ») ;
  • le choeur de déploration sur le Monde et la Nature engloutis (un madrigal à cinq voix magnifique) ;
  • le choeur de jubilation de la fin de la montée des eaux ;
  • le choeur en beaux tuilages de l'arc-en-ciel ;
  • le choeur d'action de grâce final, une sorte de Schlußchor avec l'exaltation du Messie de Haendel (Worthy the Lamb...), mais un langage qui évoque largement L'Orfeo de Monteverdi.


Ces différents épisodes, tous à la fois originaux et remarquablement aboutis musicalement, font tout le prix de cette oeuvre, qui serait sans cela avant tout une plaisante bizarrerie. Mais la quantité d'excellente musique y est en fin de compte assez considérable.

L'oeuvre a en outre le mérite de la brièveté, élaborée en une seule grande partie et des sections très resserrées, ce qui procure une impression de densité assez délectable - sans l'impression de redondance librettistique ou musicale qui advient très régulièrement dans les opéras du baroque italien, quelle qu'en soit l'époque. [1]

4. La part du XXIe siècle

Si l'on veut être tout à fait lucide, Giattini et Falvetti ne sont pas les seuls à féliciter.

L'orchestration n'étant selon toute vraisemblance pas indiquée sur la partition originale, il faut en créditer le chef (ou son équipe). Elle n'a rien d'exceptionnel : outre les cordes frottées, on y trouve les cornets à bouquin (instruments en perte de vitesse à cette date - choix un peu archaïsant vu l'audace de la partition !) et les sacqueboutes (là aussi, on pourrait discuter leur grande intégration à l'orchestre) ; et au continuo, deux théorbes (je n'ai pas pu vérifier l'accord, plus aigus, aigrelets et mélodiques, n'étaient-il pas plutôt des archiluths ?) [2], une harpe (là aussi, choix un peu Renaissance), deux violes de gambe, un violoncelle, une contrebasse et un positif.

L'organisation des chanteurs aussi était un choix du chef, avec des effets de groupe très réussis : au sein d'un même "numéro", pour éviter le sentiment de redite, les choeurs venaient renforcer certains solistes, puis se retiraient, ce qui procurait un certain relief (y compris dramatique) à des pièces qui auraient pu être plus statiques.
A l'origine, il s'agissait même d'un dialogue (genre caractéristique de la musique sacrée, en particulier italienne, très en vogue au XVIIe siècle) pour cinq voix - donc vraisemblablement sans choeur.

Mais surtout, les parties récrites, en particulier au continuo (Thomas Dunford et Francisco Juan Gato s'en sont donné à coeur joie !), étaient extrêmement importantes. Non pas des improvisations, mais un travail de co-compositeur avec Falvetti, à quelques siècles de distance. Quantité de mélodies non écrites, de contrechants, de figures d'accompagnement s'ajoutaient ainsi. Souvent avec bonheur, comme cette lente esquisse de l'apparition de la pluie (absolument pas évoquée dans la musique réellement écrite qui suit), ou comme ces émergences du silence ; parfois de façon un peu excessive, comme ces ritournelles qui évoquent davantage Santiago de Murcia ou Gaspar Sanz que l'Italie du second XVIIe, et certainement pas l'atmosphère d'un oratorio, même un peu loufoque !
La quantité de musique écrite pour l'occasion est en réalité assez considérable : en dehors des choeurs, où toutes les parties vocales doivent être écrites, il y a beaucoup des continuistes et du chef dans la partition jouée !


Dessin à la plume, à l'encre brune, à la pierre noire et au lavis gris (traces de sanguine), attribué à Pierre Lepautre et représentant un lit en forme de nef. Réalisé entre 1680 et 1705, d'après Jean Berain.


5. Authenticité ?

J'ai déjà eu l'occasion de dire, à de multiples reprises, ma défiance vis-à-vis de ce concept (voir par exemple : 1,2,3), mais on se pose quand même légitimement la question : avec tous ces ajouts, entend-on réellement l'oeuvre, ou une distorsion infidèle d'icelle ?

Lire la suite.

Notes

[1] Cette affirmation gratuite demanderait à être explicitée avec des faits plus précis, mais vu la quantité de remises en contexte déjà nécessaires pour cette notule, on y reviendra plus tard si l'occasion s'en présente - ou bien dans les commentaires, si des contestations se font jour. Ceci simplement pour signaler que cela procède certes d'une évaluation personnelle de ce qui est long ou non, mais se fonde tout de même sur quelques caractéristiques qu'il est possible de nommer.

[2] Après vérification sur le programme, il est question de "luths", ce qui corroborerait cette impression. Mais ce sont essentiellement les notes de l'accord et son organisation rentrante ou non qui font la différence, difficile à dire sans l'avoir vérifié soi-même...

Suite de la notule.

mardi 14 août 2012

Ensembles baroques : l'heure de la succession


A l'occasion de la radiodiffusion du spectacle d'Aix (encore disponible sur le site de France Musique), où les Arts Florissants étaient dirigés par Paul Agnew dans quelques standards de leur répertoire (Médée de Charpentier, Les Indes Galantes) ou des compositeurs familiers (Lully), difficile de ne pas songer au moment assez particulier que nous allons vivre dans les prochains mois : l'inévitable transmission des ensembles baroques.

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1. Aux origines du mouvement

Ce souhait de retour aux instruments d'époque n'était pas neuf : Henri Casadesus écrivait pour la viole d'amour (parfois sous forme de pastiches vendus avec le noms de compositeurs « d'époque » ) dans la première moitié du vingtième siècle, et Paul Hindemith avait pris position, critiqué par Adorno, pour l'usage d'instruments d'époque. Il s'était même mis à travailler le cornet pour son propre compte.

Jusqu'alors, on jouait de loin en loin les pièces baroques (Monteverdi et Haendel, mais aussi quelquefois Lully, Charpentier ou Rameau), mais avec une esthétique romantique : les harmonisations piano ne respectaient pas les chiffrages du compositeur (j'en montrerai des exemples à l'occasion d'une autre notule) et abusaient des octaves à la main gauche, conçus pour renforcer la résonance du piano - le peu d'usage d'appoggiatures et retards dans ces réalisations rendait un son harmoniquement très dur et pauvre. Et les tempi étaient ceux, même pour les sections rapides, de cantilènes uniformément lentes, une vision hiératique qui tenait d'une sorte de fantasme sur la noblesse d'une Antiquité retrouvée - pourtant aux antipodes de ce que le principe du recitar cantando et de ses divers avatars peuvent laisser supposer.

On considérait cette musique comme le fruit d'une sorte d'époque d'apprentissage imparfaite, et on la différenciait mal, il faut dire, des nombreux pastiches (Arie Antiche) mal écrits et censés imiter ce style - en n'imitant finalement que le caractère erroné qu'on lui donnait (il serait bien difficile rendre intéressants ces arie antiche, même avec instruments d'époque).

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2. Le Compositeur et le Comte

Le souhait de Hindemith peine à se réaliser : à son retour en Europe, en 1953, il prépare une production de L'Orfeo de Monteverdi pour les Wiener Festwochen, comme il avait fait en 1944 pour Yale où il enseignait. Mais sa restitution devra pour la première fois s'appuyer sur les données visuelles et sonores d'époque. Ce n'est pas trop compliqué pour les décors, mais il peine à trouver les instrumentistes et même les instruments, surtout les plus volumineux (organo di legno, régale...). C'est alors que se produit l'étincelle : dans l'orchestre de la radio viennoise (les Wiener Symphoniker), l'intendant du Konzerthaus lui signale un jeune violoncelliste au passe-temps bizarre. Avec son épouse, il a fondé un ensemble, qui n'a même pas encore de nom, et dont l'occupation est de travailler le répertoire ancien sur ces instruments qui ne sont plus joués.

La rencontre entre les deux se solde par un marché : on prêtera à Hindemith tous les instruments de la nomenclature de L'Orfeo... mais le violoncelliste sera de la partie. Hindemith n'apprécie pas cependant la verdeur du résultat, et renvoie une grande partie de l'effectif, remplaçant immédiatement les cornettistes par des cors anglais, jugeant l'improvisation des continuistes trop fantaisistes... en tant que chef d'expérience (et compositeur soucieux d'exactitude), il désirait manifestement tout de suite un résultat professionnel. Autant il est assez facile de s'adapter à une nouvelle sorte d'orgue, autant souffler correctement dans des tubes dont la facture et la technique d'usage laissent encore à désirer demande du temps.

Du haut de ses vingt-quatre ans, le pourvoyeur d'instruments fulmine sans doute à la vue de l'anéantissement de ses préparatifs, mais l'enthousiasme de la découverte de Monteverdi pour lui - et la sagesse de la prévision des retombées pour son ensemble - l'emportent.

Ceux qui ont entendu cette soirée de 1954 ne peuvent qu'être frappés par la nouveauté étonnante, même pour aujourd'hui : les couleurs instrumentales sont totalement neuves (et assez maîtrisées), le tempo global assez vif, et si les récitatifs sont vivants, les ensembles sont réellement virevoltants, avec beaucoup de rebond. Les chanteurs, eux, utilisent des voix un peu lourdes et pas très gracieuses, sans doute décontenancés par les tessitures très basses ; peu importe, l'intérêt est ailleurs les instrumentistes se montrent non seulement très engagés... mais remarquablement justes (sauf les orgues, mal harmonisés). Même les choeurs brident leur vibrato de jolie façon.

Ces qualités de couleur, de danse, d'allant se rapprochent assez fort de ce qu'accomplira notre violoncellistes - qui n'est rien de moins que le comte de La Fontaine, passé à la postérité sous l'un de ses autres patronymes, Harnoncourt.

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3. Le temps des chefs d'ensemble

L'explosion internationale se produit, comme chacun sait, avec le studio d'Harnoncourt pour la même oeuvre, enregistré au Casino Zögernitz de Vienne, à la fin de l'année 1968. Ce qui le rend si singulier, outre l'enthousiasme perceptible de chaque musicien, le sens de la danse et du drame, l'originalité et la beauté des timbres, le soin extrême de la consonance et du geste déclamatoires... ce qui le rend si singulier, c'est à mon avis la couleur particulière des timbres, car je ne crois pas que personne ait en réalité, même Harnoncourt, rejoué L'Orfeo avec cette « vraie » nomenclature (les parties orchestrées ne sont pas indiquées sur la partition, mais on dispose de la liste des instruments présents à la création).
Et cela, c'est le fruit de quinze ans de perfectionnement technique sur instruments bizarre et de maturation de la conception du chef d'ensemble depuis la soirée avec Hindemith. La qualité des appuis, par exemple, est sans commune mesure, et va fonder toute la tradition de l'accentuation baroque jusqu'à aujourd'hui, ce sens de la danse si singulier.

Je laisse de côté les cas de Claudio Scimone, Jean-François Paillard ou Neville Marriner, qui ont été des chefs d'ensemble investis dans la promotion du répertoire ancien sur petits effectifs (bien que le troisième ait surtout joué les standards), mais leur perspective était totalement différente, et leurs réalisations n'avaient jamais le souci de la restitution, avec l'impression, pour nous depuis le futur, qu'ils sont un peu passés à côté de la cause (surtout pour les deux derniers), en ne remettant finalement rien profondément en cause. Michel Corboz, plus "avancé" dans son approche, n'avait pas d'ensemble approprié, ce qui a limité l'établissement de sa présence.
Car aujourd'hui, même les détracteurs du principe des version "musicologiques" en écoutent les moins défrisantes sans déplaisir, tant la variété de lectures permet de trouver son bonheur là où la littéralité empesée des versions "traditionnelles" ne procure pas les mêmes surprises. [Je le dis d'autant plus volontiers que sur le principe, l'authenticité est un précepte tout à fait douteux, qui n'a réussi que parce qu'il a été mis au service d'imaginations hardies, qui n'en sont pas resté là.]

Eclosent donc les ensembles que nous connaissons aujourd'hui, et qui vivent en autonomie vis-à-vis des orchestres permanents. Susceptibles par définition de changer de forme selon les oeuvres, se "prêtant" les musiciens qui circulent d'un orchestre ou d'un choeur à l'autre... un nouveau monde naît. Et les grands ensembles respectables d'aujourd'hui ont désormais une vénérable histoire :

  • Concentus Musicus Wien (A. & N. Harnoncourt 1953)
  • La Grande Ecurie et la Chambre du Roy (Malgoire 1966)
  • Early Music Consort (Hogwood & Munrow 1967)
  • Collegium Vocale Gent (Herreweghe 1970)
  • La Petite Bande (Kuijken 1972 - fondée pour le Bourgeois Gentilhomme par Leonhardt)
  • Academy of Ancient Music (Hogwood 1973, succession Egarr 2006)
  • The English Concert (Pinnock 1973, succession Bicket 2007)
  • Taverner Consort and Players (Parrott 1973, puis direction Holloway, et ?)
  • Musica Antiqua Köln (Goebel 1973)
  • La Chapelle Royale (Herreweghe 1977)
  • London Classical Players (Norrington 1978)
  • English Baroque Soloists (Gardiner 1979)
  • Amsterdam Baroque Orchestra (Koopman 1979)
  • Les Arts Florissants (Christie 1979)
  • The Sixteen (Christophers 1979)
  • Tafelmusik Baroque Orchestra (Solway & Graves 1979 - dir. Lamon depuis 1981)
  • The Hanover Band (Caroline Brown 1980 - dir. par chefs invités)
  • The King's Consort (King 1980)
  • Rondò Veneziano (Reverberi 1980)
  • L'Orchestre du XVIIIe siècle (Brüggen 1981)
  • Gabrieli Consort and Players (McCreesh 1982)
  • Les Musiciens du Louvre (Minkowski 1982)
  • Accademia Bizantina (1983 - dir. Dantone & Montanari depuis 1996)
  • New London Consort (Pickett - 1985 ou un peu plus tôt)
  • Concerto Köln (sans chef 1985)
  • Il Giardino Armonico (Pianca & Antonini 1985)
  • Orchestra of the Age of Enlightenment (sans chef 1986)
  • Freiburger Barockorchester (sans chef 1987)
  • Anima Eterna Brugge (Immerseel 1987)
  • La Simphonie du Marais (Reyne 1987)
  • Le Concert Spirituel (Niquet 1987)
  • Das Neue Orchester (Spering 1988)
  • Europa Galante (Biondi 1989)
  • I Sonatori della Gioiosa Marca (sans chef - fin années 1980)
  • Collegium Musicum 90 (Hickox & Standage 1990)
  • Bach Collegium Japan (Suzuki 1990)
  • Les Talens Lyriques (Rousset 1991)
  • Academia Montis Regalis (sans chef 1994 - plus récemment De Marchi chef permanent)
  • I Barocchisti / Ensemble Vanitas (Fasolis 1995, à partir de l'ancienne Società Cameristica di Lugano fondée par Loehrer qui adorait massacrer le répertoire archaïque, au début des années 50)
  • Les Agrémens (1995 van Waas depuis 2001)
  • Orchestre Baroque de Venise (Marcon 1997)
  • Le Concert d'Astrée (Haïm 2000)
  • ... et quelques autres. Il en manque et je n'ai pas non plus cité les plus récents (dont l'avenir public est incertain), ni les plus petites formations.


Dans cette liste, un seul chef sûrement établi a laissé la main (Pinnock), d'autres ont brillamment rebondi après des périodes où ils incarnaient les has-been à la technique précaire (Malgoire, Kuijken). Il est amusant de noter que l'accomplissement médiatique ou discographique est assez décorrélé de la date de création : Malgoire, Koopman, Pinnock, Gardiner, Biondi, Haïm ont immédiatement été célébrés, alors que Goebel, Reyne ou Niquet ont eu une période d'apprentissage relativement anonyme assez longue...

La plus grande tragédie étant celle de Gian Piero Reverberi, qui n'est plus tout à fait le même depuis qu'il fut électrocuté par une lirone, lors d'une répétition de La Tancia de Francesca Caccini.

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4. La situation actuelle

A quelques très rares exceptions près, comme l'arrivée tardive d'un chef aimé des producteurs (Bruno Weil comme chef invité de Tafelmusik, Ottavio Dantone ou Guy van Waas pour leurs ensembles respectifs), on constate que les choses sont telles qu'elles ont débuté. A part Leonhardt qui est récemment parti (mais était retiré depuis longtemps), King (dont la carrière a été brisée suite à son incarcération, mais qui est toujours présent), Pinnock (qui, lui, s'est arrêté), tous sont là, plus présents que jamais (même Kuijken, du fait des menaces sur son ensemble, de nombreuses rééditions, de ses essais comme chef d'orchestre, etc.).

Presque tous. La transition a débuté en Angleterre : Richard Egarr a succédé en 2006 à Christopher Hogwood, Harry Bicket en 2007 à Trevor Pinnock. Le premier ensemble n'a plus du tout la même place internationale, et concernant le second, il était même considéré comme dépassé dès les années 90. Mais n'ayant pas beaucoup d'occasion de l'entendre ni même de retours, il difficile d'en tirer des conclusions, en fait.

Richard Hickox, lui, est resté jusqu'à son décès en 2008 à la co-direction, avec le violoniste Simon Standage, de Collegium Musicum 90, ensemble surtout célèbre pour ses disques, dont je n'ai plus aucun écho depuis... Pas de site officiel, pas de mentions de concerts... Difficile également de se prononcer sans plus ample information - et à plus forte raison, impossible de parler de l'évolution politique ou musicale de la formation.

Quant à Andrew Parrott, il a tout de bon été s'engager ailleurs (depuis 2000 chez les vénérables London Mozart Players, où son profil fait figure de révolutionnaire, succédant à Jane Glover et Matthias Bamert), ayant cédé la place avant les années 90. Là encore, n'ayant guère de nouvelles de son ensemble (existe-t-il encore ?), comment épiloguer ?

Aucun de ces ensembles, de toute façon, n'était sur le devant de la scène à l'époque de sa succession, cela ne répond donc pas vraiment à notre interrogation initiale.

D'où une vraie question : comment ces ensembles, parfois très collaboratifs, parfois très hiérarchisés, mais dans tous les cas à la fois prestigieux et fragiles, gèreront-ils le retrait de leurs fondateurs ? Beaucoup d'entre eux sont assez âgés, et pourraient souhaiter passer le flambeau prochainement. Considérant que la compétence n'est pas forcément dans ce cas le premier critère de choix, et que même la compétence ne serait pas unanimement reconnue, comment réagiront les musiciens (de façon aussi bien "politique" qu'artistique), comment réagira le public à une inévitable évolution de l'identité de ces ensembles ?

Je suis très curieux, et en même temps pas complètement rassuré, de songer aux changements qui peuvent survenir.

Il est évident que certaines personnalités ne seront vraiment pas remplaçables (Harnoncourt, Gardiner, Christie, et plus tard Minkowski) pour leurs talents de découvreurs, d'innovateurs, de pédagogues, de musicologues, d'interprètes, de chefs d'ensemble ou d'orchestre... sans eux, tout se passera peut-être très bien, mais autrement. Et personne ne sait comment ce type de formation peut réagir lorsqu'elle est soumise à un changement de chef : aucun de ces ensembles n'a fait l'expérience de se séparer complètement de son chef privilégié. Celui qui a formé le son, défini les répertoires, ménagé l'équilibre des personnalités (au besoin en imposant la sienne par-dessus toutes les autres)...
Comment évolueront donc les musiciens avec une nouvelle direction, il est impossible de le prévoir.

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5. Les Arts Florissants, laboratoire de la crise

Suite de la notule.

mercredi 14 mars 2012

Pagliardi / Dumestre : Caligula poupon


Caligula delirante de Giovanni Maria PAGLIARDI à l'Athénée.

Concept amusant des pupi (siciliens...) pour cet opéra vénitien à marionnettes, effectivement très parent de l'Incoronazione di Poppea et de Cavalli (bien que composé sensiblement plus tard, en 1672). Evidemment, c'est lui qui a attiré une bonne partie du public.

L'intrigue de cour "circulaire" (celui qui est aimé aime un autre qui à son tour, dans le cadre clos d'une cour hostile) est celle qui prévaudra à l'époque du seria triomphant de la première moitié du XVIIIe siècle (Giulio Cesare, La Verità in Cimento, Motezuma...). Ce n'est pas une innovation pour autant, le livret de l'Artemisia de Cavalli est déjà complètement (et de la façon la plus réussie qui soit) dans ce schéma.

Musicalement, on retrouve une sècheresse semblable du récitatif, mais avec de beaux moments de lyrisme, sans qu'il soit facile, pour ce type d'oeuvre, de différencier le son de l'interprète (Vincent Dumestre et les membres du Poème Harmonique) de celui du compositeur (puisque les partitions n'indiquent qu'une basse, rarement chiffrée d'ailleurs, et quelques dessus). La comparaison avec la Poppée monteverdienne me semble tout à fait parlante.

L'oeuvre (et sa mise en scène avec marionnettes) porte une dimension assumée de stéréotype et de parodie (la résurrection de Caligula amuse beaucoup le public !), sans doute liée au contexte de création (le carnaval), mais je m'interroge sur la durée très brève de ses actes : y a-t-il eu deux tiers de coupures sur un opéra de trois heures, ou est-ce une oeuvre volontairement "légère" et courte ?
Car Vincent Dumestre est crédité à l' "adaptation" du livret... est-ce pour l'action sur son versant parodique, ou plutôt sur sa durée ?

Suite de la notule.

vendredi 11 novembre 2011

Baldassare GALUPPI - Sonates pour clavier


Juste un mot pour signaler la belle intégrale en cours chez Naxos (parution ces jours-ci du deuxième volume).


Baldassare Galuppi est surtout renommé (à défaut d'être célèbre, bien sûr) pour ses opéras de type seria. Il a notamment écrit une Clemenza di Tito sur le livret de Métastase.

Dans cet opéra,

Suite de la notule.

dimanche 6 novembre 2011

Les plus beaux récitatifs - V - Donizetti, Lucie : la fin d'Edgar


1. Un choix

Très célèbre, un peu moins dans sa version française qui a tout de même été célébrée par une double sortie CD / DVD avec Natalie Dessay et Roberto Alagna (Patrizia Ciofi et Marcelo Álvarez ont également été captés par la télévision ou la radio dans la même production).

Ici, au contraire des récitatifs proposés jusqu'ici dans cette série, la prosodie n'est pas particulièrement exceptionnelle, même en italien. Au contraire, des expressions fortes sont parfois diluées dans des mélismes musicaux, des cadences, ou encore situées sur des hauteurs qui uniformisent le ton du chanteur.

D'où provient le charme particulier de ce récitatif, alors ?

Je vois essentiellement trois paramètres :

  • de très belles courbes mélodiques qui esthétisent remarquablement le texte ;
  • de belles couleurs harmoniques simples, qui touchent par leur consonance tout en ménageant de nombreux changements d'éclairage (modulations) ;
  • une situation dramatique et des mots graves ; même s'ils n'échappent pas à certaines ficelles de la littérature librettistique, une fois portés par la musique, ils s'envolent avec une grande force.


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2. Pourquoi en français ?

Le texte d'Alphonse Royer (1803-1875) et Gustave Vaëz (1812-1862) est de qualité sensiblement égal à l'original italien. Certains mots sonnent avec bonheur (la rupture pathétique du lexique héroïque avec "infortuné débris", par exemple), et d'autres vers semblent user de stéréotypes pour compléter la rime. Beautés et coutures, exactement comme en italien.

J'ai donc choisi le texte français, plus rare, et auquel je rends en bonne logique moins injustice.

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3. Une captation

Comme pour l'ensemble de cette série, je me suis astreint (pour mon grand amusement et pour votre profonde détresse) à réaliser moi-même les illustrations sonores.

Chaque section (récitatif initial, cantilène, cabalette) étant reliée par des récitatifs de même saveur, j'ai publié l'intégralité de la scène. Par principe, je ne m'interdis aucune tessiture, mais ici, elle est sensiblement plus aiguë que les basses claires, les barytons lyriques et les ténors courts que j'ai l'habitude de fréquenter, avec un vrai ténor lyrique. Cela s'entend, et n'arrange rien dans l'approximation des carrures et de l'accompagnement.
Une fois, de plus, c'est uniquement un document, et ici de surcroît, un pur amusement puisque le disque se trouve dans le commerce.

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Pour retrouver la série : http://operacritiques.free.fr/css/index.php?Les-plus-beaux-recitatifs .

dimanche 21 août 2011

La légitimité du falsettiste aujourd'hui : contre-ténor et contre nature ?


A l'occasion d'une autre causerie avec Sandrine, où l'on trouvera également une méthode de différenciation et une liste des hautes-contre captés par le disque, j'ai été conduit à exprimer mon sentiment, sans doute un peu plus tranché que d'habitude, sur la question des falsettistes. Je le reproduis ici, il peut être matière à débat.

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1. La mode du fausset

Depuis le début du renouveau de l'interprétation baroque, la démarche d'une interprétation à la recherche, sinon de l'authenticité (voir ici l'aporie), du moins d'une source d'inspiration dans l'exactitude stylistique, la restitution de méthodes d'antan... allait de pair avec la réapparition de chanteurs maîtrisant la voix de fausset, ce qui avait à peu près disparu, en dehors de l'opérette, depuis l' "invention" de la couverture vocale dans les milieux napolitains du début du XIXe siècle.

Mais il s'agit chez le contre-ténor (synonyme de falsettiste, du moins en français) d'un fausset intégral, et non plus seulement au delà du "passage" (autrement dit pour les aigus). Pour la distinction entre tous ces termes assortie d'exemples sonores, voir la notule appropriée. Toute la tessiture du chanteur est donc émise avec cette voix légère.

C'est dans cette catégorie que se trouvent Alfred Deller (dont le répertoire était parfaitement pertinent, et la voix infiniment plus incarnée que ses collègues ultérieurs), Paul Esswood, James Bowman, David Daniels, Bejun Mehta, Max Emmanuel Cencic, Philippe Jaroussky, etc.

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2. La légitimité du fausset

Ce type de voix pouvait être employé dans la musique religieuse ou dans des rôles secondaires d'opéra (confidents par exemple). Or, très souvent, ils sont utilisés aujourd'hui pour remplacer les rôles tenus par les castrats.

Cela pose deux problèmes.

a) A l'époque de la création des oeuvres où l'on employait les castrats (opéra seria du XVIIIe siècle, essentiellement), on pouvait faire alterner dans ces rôles des voix de femme, et pas des falsettistes. Ce n'est donc pas une solution "honnête" quand on prétend s'inspirer des pratiques interprétatives originelles.

b) La voix d'un castrat est comparable à une voix d'enfant montée sur un corps d'adulte : l'ablation d'une partie des organes producteurs hormones entraînait une transformation seulement partielle du corps à la puberté, ce qui leur conférait cette voix étrange, à la fois claire et puissante.
Une voix de castrat a plus de relation avec le côté ductile et glorieux d'une voix de femme qu'avec le chant translucide et sans puissance de l'émission en fausset d'une voix d'homme normale - qui sonne comme un usage partiel de la voix.

Le résultat n'est donc pas du tout équivalent.

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3. Pourquoi dans ce cas distribue-t-on des contre-ténors dans ces rôles ?

Tout simplement pour des raisons de vraisemblance sexuelle (sinon on ne trouverait quasiment que des femmes dans les distributions), et aussi par mode, parce que cela nourrit l'imaginaire que le grand public se fait des castrats.

Quand on voit la plasticité de la distribution des rôles à l'époque, ce genre de bricolage n'est pas si absurde, mais sans fondement sérieux en tout cas - un peu comme le Regietheater qui peut faire de très belles choses, mais pas en respectant l'oeuvre.

Mais surtout, il se pose une question d'adéquation de ces voix à cette musique ; leur impact vocal, du fait de leur émission par essence "partielle", est très minime, et si leur caractère éthéré fait merveille dans les cantilènes, les parties rapides posent de réels problèmes de netteté ou alors de volume sonore - les deux n'étant réunis qu'exceptionnellement, chez des interprètes d'exception précisément.

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4. Le doute me gagne

Plus le temps passe, plus je suis profondément sceptique sur les falsettistes, que j'aimais bien il y a quelques années :

1) A part dans la musique religieuse (où ils ont toute leur place historique - et esthétique !), ils n'ont aucun fondement historique légitime, alors que c'est ce avec quoi on nous les a vendus. C'est donc une déformation volontaire des nomenclatures des partitions, dont l'intérêt du principe est réellement à prouver.
En réalité, on les a mis à l'honneur pour des questions de vraisemblance sexuelle (pour s'éviter le trouble de voir des femmes partout, sur la scène) et bien sûr aussi à cause de tout l'imaginaire qui entourait les castrats - avec lesquels ils n'ont rien en commun sur le plan physiologique et technique. Une voix de femme est sans doute bien plus proche de ce qu'était la voix singulière du castrat que la voix "amputée" du falsettiste.

2) Le fausset intégral comporte plusieurs défauts :
=> il représente un usage "partiel" des capacités vocales, on a toujours l'impression qu'on n'émet qu'une partie de la voix ;
=> blanchissement et uniformité du timbre (et des voyelles) ;
=> manque de fermeté, ce qui conduit souvent à des phrasés mous, et à des paroles totalement inintelligibles ;
=> et justesse plus difficile, mais ce dernier point se soigne.
Ce qui fait qu'en dehors de chanteurs particulièrement talentueux, on entend souvent une soupe fantomatique et assez invertébrée, un objet dépourvu d'angles et de texte.

3) En salle, les voix de fausset portent la plupart du temps très mal. Le timbre qui est peut-être le plus intéressant du marché, celui de Max Emmanuel Cencic (il utilise des résonances de poitrine qu'il ajoute à un mécanisme phonatoire en fausset), n'empêche pas qu'en salle, même petite, le timbre n'a aucun impact. Pour un oratorio en latin dans une église, c'est parfait, mais à l'opéra, même pour du Monteverdi, c'est un peu chiche. Et je parle ici de l'un des meilleurs titulaires au monde.

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5. Quelles conséquences ?

Evidemment, cela ne signifie pas qu'il faudrait supprimer les falsettistes du marché, il existe désormais toute une tradition, assez brillante d'ailleurs, servie par des chanteurs exceptionnels, attendue du public et très appréciable dans certains cas.

Mais sur le principe même, j'ai tendance à considérer le phénomène des falsettistes comme à rebours de la logique : plus difficile à fournir, moins efficace, et absolument contrainre à l'authenticité que veulent nous vendre les éditeurs.

Ce type de voix reste très adéquat dans la réverbération d'une église, avec un répertoire plus contemplatif et éthéré, et des textes rituels en latin - qu'on n'a pas besoin d'entendre nettement pour être assuré de ce qui se dit. A l'opéra, du moins dans les grands rôles du seria, c'est plus sujet à caution, en tout cas par rapport aux avantages comparatifs d'une voix de femme

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6. Alternative

Ou alors, on change tous les contre-ténors en barytons de variété. Solution qui peut s'avérer plus séduisante qu'on pourrait le supposer de prime abord.

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7. Y voir clair

Suite de la notule.

mercredi 12 janvier 2011

Haendel en français - RINALDO - Aria d'Almirena, "Lascia ch'io pianga"


Ossia :
Air d'Almirène en français, "Pleure, pauvre âme, ton sort funeste".

Une autre première mondiale, bien qu'il soit toujours possible, pour celle-ci, qu'un plaisantin en récital m'ait grillé la priorité dans les années 40.

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J'ai trouvé cette partition, il y a quelques années, dans les archives, d'une ancienne chef de chant à l'Opéra de Bordeaux dans les années 40. Tout un répertoire intact qui m'a été généreusement transmis par sa propriétaire, et qui révèle une photographie fidèle de ce qui pouvait être joué en province à l'époque. Enormément de mélodies françaises naïves, salonnardes si l'on veut, et parmi des centaines de titres, si l'on trouve beaucoup de Fauré, et même du Chopin et du Grieg traduits, un seul Debussy, un Ropartz, mais pas le moindre Caplet / Ravel / Cras. Autrement dit, quelque chose de très éloigné du répertoire musical tel que le décrivent les histoires de la musique, qui ne prennent en compte que les innovations et non pas l'époque où elles s'imposent réellement au répertoire. Et surtout négligent ce qui se jouent simultanément.

Parmi ces volumes figurait notamment des "airs favoris" de Haendel en version française, dont les traductions (en prose) étaient très heureuses, plus raffinées que les clichés métastasiens. Et quel plaisir d'entendre ces airs s'incarner dans sa propre langue !

J'avais déjà proposé le larghetto de Xerxès, sans le commenter sur CSS : http://www.youtube.com/watch?v=6mF9Gemrnlo.

Je me suis particulière efforcé, dans cet air tiré de Rinaldo, de rendre autant que possible au piano (la réduction de cette édition est d'assez bonne qualité) une petite inégalité des notes égales, à la française, pour conserver les accentuations de la sarabande, et d'arpéger certains accords pour sonner moins dur, avec une souplesse plus proche du continuo.

Curiosité : l'édition française est arrangée en 3/4 au lieu du traditionnel 3/2 de la sarabande, que vous pouvez voir sur l'image.

On remarquera aussi, comme c'est fréquemment le cas à l'époque, l'ajout de références religieuses dans des textes au départ bien moins tournés vers l'Au-delà.

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Vidéo et texte :

Suite de la notule.

mercredi 29 décembre 2010

Histoire de l'opéra allemand : essai (raté) de schéma


Contrairement aux développements de genres et styles parallèles dans l'histoire de l'opéra français ou aux ruptures dans l'histoire de l'opéra italien, l'opéra allemand suit en réalité un chemin assez linéaire, qui ne se complexifie qu'à l'orée du XXe siècle.

Toutefois, à cette date, les courants et les langages deviennent si riches, si complexes, s'entrecroisant et se contredisant jusque chez un même compositeur, et quelquefois menant deux courants idéologiquement antagonistes à des résultats sonores similaires... qu'il est assez difficile de proposer cela sous forme synthétique. On serait incomplet, ou bien allusif et obscur, ou au contraire trop détaillé.

En l'occurrence, le résultat sera trop touffu pour les lecteurs plus néophytes.

Bref, le résultat de cette tentative n'est pas satisfaisant, mais on le livre tout de même, à titre de repère (un tiens valant mieux...)

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1. Exception hambourgeoise : un seria local

L'opéra allemand n'existe pas au XVIIe siècle en tant que genre. Il existe peut-être des partitions expérimentales enfouies, mais je n'en ai jamais vu, et elles resteraient de toute façon marginales.
On cite une Dafne de Schütz (1627), dont seul le livret subsiste, mais rien qui puisse permettre de documenter un genre en tout cas.

Il faut attendre le XVIIIe siècle pour voir apparaître des exceptions locales. On jouait alors l'opéra italien partout en Europe, sauf en France, et plus précisément cet opéra seria. Ce genre opératique était né en Italie de la fascination croissante pour la voix comme instrument, au détriment du projet original d'exalter un poème dramatique par la musique. On y trouvait des airs clos (dits "à da capo", c'est-à-dire de forme ABA') très virtuoses, entre lesquels l'action avançait rapidement par des "récitatifs secs" (une écriture rapide et peu mélodique, calquée sur la prosodie italienne et uniquement accompagnée par la basse continue).

Il a cependant existé, pendant des périodes plus ou moins restreintes, des exceptions locales en Europe (cour de Suède par exemple), et spécialement dans certaines villes d'Allemagne. On y écrivait aussi du seria, avec les mêmes recettes... mais en langue allemande.

Quelques compositeurs célèbres se produisirent à Hambourg : Haendel (son premier opéra, Almira, Königin von Kastilien, était en allemand sur un livret adapté de l'italien) et Telemann, mais aussi Reinhard Keiser, qui produisit près de 70 opéras, et quasiment tous pour Hambourg. On trouve aussi mention de Philipp Heinrich Erlebach, Georg Caspar Schürmann ou Johann Christian Schieferdecker, dont certaines oeuvres sont disponibles au disque, mais qui n'ont pas, aujourd'hui encore, de grande renommée.
L'Orpheus de Telemann, comble du syncrétisme, mêle même des airs en italien et des choeurs en français, selon le caractère recherché, à une trame allemande.

L'opéra hambourgeois est un opéra virtuose, bien écrit, qui adopte certaines tournures harmoniques spécifiquement germaniques, et dont les récitatifs sont par la force des choses assez différents des italiens... mais il ne s'agit que d'une adaptation limitée géographiquement d'un genre qui vient de l'étranger. On est très loin d'un opéra proprement national.

2. Le Singspiel, première forme originale

Au milieu du XVIIIe siècle, apparaît une forme nouvelle, une version comique de l'opéra, qui s'apparente à l'opéra comique français : des "numéros" musicaux (airs, ensembles, parfois pièces d'orchestre...) clos sont entrecoupés de dialogues parlés, le tout étant en langue allemande.

La forme trouve probablement son origine avec les miracles du XVIIe siècle, mais on considère que ses "inventeurs" sont Hiller & Weisse, qui collaboraient ensemble vers le milieu XVIIIe siècle.

C'est le genre dans lequel sont écrits les opéras allemands de Mozart : Bastien und Bastienne, Die Entführung aus dem Serail, Die Zauberflöte. Peu d'oeuvres d'autres compositeurs de l'époque sont disponibles au disque : Holzbauer par exemple, qui est extrêmement intéressant ; ou (Paul) Wranitzky dont l'Oberon, König der Elfen (1789) est un bijou déjà très romantique, bien plus moderne que la Flûte Enchantée (1791) par exemple.

Ainsi, la naissance d'un opéra réellement attaché à la langue allemande se fait sous la forme comique et hybride du parlé et du chanté. Ce qui n'aura pas une conséquence durable sur son évolution.

3. Développement sérieux du Singspiel

Suite de la notule.

mercredi 22 décembre 2010

Histoire de l'opéra italien : essai de schéma

Sur le même principe que pour l'opéra français, on tente de brosser à grands traits l'histoire de l'opéra italien.

On pourrait d'ailleurs parler d'histoire de la musique italienne, tant le vocal prévaut sur les autres genres dans la péninsule.

Suite de la notule.

mardi 9 novembre 2010

[Avant-concert] Otello de Rossini - (Osborn, Kortchak, Antonacci, Pidò)


Juste un petit signalement posté à l'instant dans un lieu voisin :

Je signale juste à ceux qui n'aiment pas le Rossini sérieux (hors Guillaume Tell, un fleuron du Grand Opéra à la française qui n'a pas grand rapport avec le reste de sa production) et qui seraient tentés par Otello au TCE (ou tout simplement par une découverte au disque) que c'est vraiment l'opéra tout indiqué pour s'y convertir.

Contrairement aux daubes infâmes qu'il a pu produire (Elisabetta Regina d'Inghilterra est au moins aussi mauvais que les opéras de Glass), ou aux usines à vocalises plus (Maometto II) ou moins (Semiramide) sympathiques qu'il a pu produire, Otello a véritablement une place à part.

A plusieurs titres :

  • la qualité mélodique en est grande, plus inspirée que dans les autres oeuvres de son répertoire serio, et les lignes ne se contentent pas de coloratures prévisibles ;
  • l'orchestration est réellement soignée ; rien de révolutionnaire, mais un véritable effort d'apporter des couleurs de bois ou de cors, de trouver des figures expressives d'accompagnement, loin des ponctuations sèches qui sont souvent la norme du belcanto romantique de cette époque ;
  • dramatiquement, l'oeuvre dispose d'un rythme et d'une densité d'intrigue assez supérieurs, on est tiré vers l'avant là où en général ces livrets se traînent épouvantablement en affadissant les plus grands chefs-d'oeuvre (ou pas) de la littérature ;
  • enfin, il faut noter la plus-value d'un véritable sens de la danse, beaucoup d'épisodes 'rebondissent' bien, s'éloignant ici aussi de la tradition de ploum-ploums assez rectilignes.

Suite de la notule.

dimanche 1 novembre 2009

Nicola PORPORA - une introduction

Puisqu'une présentation m'a été réclamée dans un lieu aimable et voisin, en voici un peu la teneur pour les lecteurs de CSS.

(On trouve aussi Niccolò et Nicolò, mais c'est son prénom exact.)

Porpora est un personnage majeur du XVIIIe siècle musical à plusieurs titres.

Suite de la notule.

mardi 27 octobre 2009

Qu'est-ce que le belcanto ?

Puisqu'on m'y a invité chez d'aimables voisins, en voici la retranscription ici.

Avec quelques ajouts.

Beaucoup de confusions existent autour de l'emploi du terme belcanto, qui peut en effet porter plusieurs sens.

Suite de la notule.

samedi 10 octobre 2009

[Carnet d'écoutes] Porpora, Caldara, Graun, etc. - album Sacrificium de Cecilia Bartoli



Le visuel a comme toujours été abondamment commenté.

Suite de la notule.

dimanche 13 septembre 2009

Brèves savoureuses sur... Capriccio - 5, L'origine des chanteurs italiens


Dépêchez-vous, après, il n'y en aura plus !

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1. Strauss et les chanteurs italiens

On connaît l'attrait de Strauss pour la représentation, mi-hédoniste, mi-parodique, de chanteurs italiens en action - constituant sa forme favorite de théâtre lyrique dans le théâtre lyrique. On rencontre en particulier le dispositif chez le Chanteur italien du Rosenkavalier (qui n'est pas écouté) et dans le chant nostalgique du jeune piémontais venu informer la cité assiégée un peu avant le matin du 24 octobre 1648 (qui sert ici aussi de toile de fond aux conversations inquiètes des soldats).

Dans Capriccio, les chanteurs italiens sont particulièrement dépréciés et ridicules, et leur chant n'a pas le magnétisme des deux autres exemples que nous citions. Leur duetto, dont la mise en musique est plate à l'extrême, a quelque chose d'assez péniblement grotesque, à la façon d'Annina & Valzacchi, les deux intrigants misérables mais efficaces du Chevalier à la Rose - cependant ici le duo est pourvu de lignes longues et fades et non de caquetage parléchanté précipité.


Arleen Augér et Anton de Ridder en chanteurs italiens pas très idiomatiques, dans la version de Karl Böhm (Orchestre de la Radio de Bavière, studio de 1971), vous présentent notre objet de travail.


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2. A la recherche de la source

Les lutins ne s'y seraient donc pas arrêtés s'ils n'avaient repéré chez un commentateur la mention de la source du texte italien, qui malgré sa grande banalité n'est pas un pastiche, mais bien un original du XVIIIe siècle, tiré de Métastase. Le seria italien n'était pas forcément ce qu'on écoutait avec le plus de ferveur en France à cette époque, où l'on appréciait beaucoup la comédie transalpine, et où on avait vu la tragédie lyrique évoluer vers un modèle plus schématique et plus 'vocal' (dans le sens de 'moins déclamé'), mais pas spécialement italien, puisque les ariettes à agilités qui se développaient chez Rameau ont à peu près disparu avec ce que l'on appelle la 'réforme gluckiste'.

Suite de la notule.

mardi 7 juillet 2009

Francesco Bartolomeo CONTI - Don Quichotte de la Manche dans la Sierra Morena - René Jacobs

Suite à la production impromptue d'une courte note sur le sujet, on en propose une version un peu étoffée pour CSS.


Un autre Florentin.

Florence 1681 - Vienne 1732.

On connaît essentiellement de Conti son Don Chisciotte della Mancia in Sierra Morena (« Don Quichotte de la Manche dans la Sierra Morena »), créé à la cour de Vienne en 1719. C'est un opéra seria un peu particulier, puisqu'il comporte quasiment des finals en fin d'acte, une suite de "numéros" [1] et d'ensembles en particulier, ou au minimum un "numéro" libre et développé, à la manière de l'opéra classique, tel qu'on le connaît par exemple chez Martin y Soler ou dans les Da Ponte de Mozart. (Donc passablement moderne !)

L'argument est tiré de l'épisode de la traversée (puis de la retraite, au sens religieux du terme) de la montagne espagnole par Don Quichotte. C'est un épisode célèbre du premier livre de ses aventures, qui comprend les fameuses Folies de Cardenio mises en musique par Lalande, et qui raconte dans un récit inséré l'histoire de Dorothée. C'est là où Don Quichotte, qui se prépare à mourir d'inanition exposé au soleil en songeant à Dulcinée, est ramené chez lui sous prétexte de remettre la fantasmagorique Micomicona sur son trône.

C'est une oeuvre intéressante à plusieurs titres.


Le duetto final de l'acte I, quasiment un final tout court. Dans le récitatif, Sancho (Christophoros Stamboglis) oppose à toutes les raisons séductrices de Maritorne (Maria Cristina Kiehr) le leitmotiv du muletier qui peut revenir le rosser... et l'obsession du gouvernement d'île qu'on lui a promis, et qui est également utilisée par Boismortier et Massenet dans leurs opéras quichottesques respectifs.
Bois rigolards, castagnettes, coups de talon à la façon du flamenco, continuo déchaîné... A Innsbruck, René Jacobs et l'Academie für Alte Musik Berlin violemment inspirés. L'orchestration, si elle est d'origine, évoque également les derniers feux du seria, avec tous ces bois en particulier - soit quelque chose comme soixante ans d'avance !


Lire la suite.

Notes

[1] C'est-à-dire une partie chantée valorisée et close, un air ou un duo par exemple.

Suite de la notule.

lundi 3 septembre 2007

Magdalena KOŽENÁ

Voilà quelques jours que nous songions à parler de cette interprète, chérie depuis longtemps par les équipes de CSS.

A la faveur de la réécoute de sa Mélisande, commentée ici même, puis de sa Shéhérazade, sans parler de ses récitals Dvořák/Janáček/Martinů et Ravel/Britten/Chostakovitch/Respighi/Schulhoff/, chez DGG ou en concert, on désirait en dire un peu plus long peut-être.

Mais, quoi qu'il en soit, le prétexte nous est fourni par cette entrevue, filmée pour Virgin avec des moyens rudimentaires, mais très intéressante quant à notre réception des choix interprétatifs de cette artiste :

Suite de la notule.

lundi 9 juillet 2007

Longueurs

Ce soir, diffusion du récital Prina/Dantone/Vivaldi. Sonia Prina toujours avec cet aplomb formidable, cette présence véritablement magnétique, avec cette voix enflée qui donne en scène une idée du type de sensations que pouvait fournir une voix comme Callas.[1]
Et une très belle réalisation, avec cette vocalisation effleurée, toujours sur le fil.

Mais nous avions surtout la participation en guest star du d'Olivier Bernager. Qui nous a proposé un complément judicieux :

Notes

[1] On signale tout de suite que cette comparaison porte sur l'hypothèse d'un ordre d'idée de l'impact physique de la voix, et n'est en rien une comparaison du type de voix, des moyens, du volume...

Suite de la notule.

samedi 17 mars 2007

Vivaldi fréquentable - I - difficultés méthodologiques

Où l'on s'interroge sur la difficulté méthodologique de l'ingurgitation sérieuse de l'opéra seria.

Suite de la notule.

mercredi 14 février 2007

BaaAAAAAARRbaaaaAAAARHAaaaa

Oui, un titre moins académique et informatif qu'à l'habitude, mais je n'en voyais guère d'autre de possible, vous en conviendrez avec moi après lecture.

J'y faisais allusion dans ma réponse au dernier compte-rendu de Sylvie Eusèbe.

Il s'agit d'une de mes perversions personnelles, et il n'y a nulle raison que vous n'en profitiez pas aussi.

Suite de la notule.

Partitions, domaine public - IV - Antonio VIVALDI, Cessate, omai cessate !

A l'attention des mauvais esprits : non, la citation originale n'est pas :

Suite de la notule.

David Le Marrec

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6 => Nasal ou engorgé ?
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8 => Les trois vertus cardinales de la mise en scène
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