Diaire sur sol

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dimanche 17 mars 2024

Baermann – Quintettes avec clarinette

Un peu déçu par les trois quintettes parus chez Brilliant Classics, j'avais un meilleur souvenir du corpus. Mais on peut tout de même s'amuser d'entendre le début de la Quarantième Symphonie de Mozart et quelques autres traits propres à l'époque qui affleurent çà ou là. C'est charmant, mais plutôt en deçà de ceux de Mozart, Weber, Neukomm et Rejcha, contrairement à mes impressions passées (pourtant appuyées sur des écoutes régulières). Il faut dire que celui que j'ai le plus écouté, l'opus 23, ne figure pas sur ce disque.

Intégrale symphonique Mendelssohn – Tonhalle Zürich, Paavo Järvi

Järvi continue de pratiquer exclusivement le répertoire le plus couru ; mais comme il apporte souvent une haute qualité, on le lui pardonne aisément. (Tchaïkovski très marquants par exemple, certains Bruckner et Nielsen très réussis.)

Je suis moins enthousiaste sur son Mendelssohn, un peu rectiligne et gris, en particulier sur les deux premiers symphonies qui n'en sortent pas grandies. En revanche, son Italienne est remarquable, et atteint des sommets dans la fermeté de touche et la capacité d'irisation de sons au départ peu colorés. De même pour la musique de scène pour le ''Songe d'une nuit d'été''. Le reste est vraiment moins marquant, au sein d'une discographie qui s'est beaucoup améliorée dans cette dernière décennie, désormais dotée de propositions particulièrement excitantes : Europe CO & Nézet-Séguin, Potsdam KA & Manacorda, Heidelberg SO & Fey, Saarbrücken PO & Poppen, Freiburger BO / Radio Bavaroise / Heras-Casado, Hanovre & Manze, Bergen & Litton…

(Auparavant, à part Dohnányi, il fallait se contenter de versions plus tièdes et moins « informées », même si Ashkenazy et Weller étaient tout à fait convenables.)

Franz Joseph Aumann

Avec la Passion qui vient de paraître chez Accent, c'est la seconde œuvre vocale d'Aumann que j'écoute… et qui m'ennuie assez. Il faut vraiment privilégier sa musique instrumentale, qui est, elle, particulièrement inspirée (Ars Antiqua Austria en a enregistré de très beaux bouquets).

samedi 16 mars 2024

Nouveautés du 15 mars 2024

Oh la belle moisson de nouveautés !

Des compositeurs que je ne connais pas, une nouvelle œuvre de mon chouchou Aumann, un cycle de Louis Beydts que j'avais déchiffré il y a plus de dix ans, et une nouvelle intégrale d'un des plus beaux corpus avec Paavo Järvi…

[https://open.spotify.com/playlist/19ivXXDL7ujXZJmwA7SlF7?si=0c7470016ae24ef7]

mardi 5 mars 2024

« In the Shadows » – Michael Spyres, Les Talens Lyriques

Michael Spyres, non content de parcourir le répertoire le plus élargi de sa génération – en tout cas pour les rôles de ténor très exposés vocalement –, et de conserver sa voix en éclatante santé (elle a énormément évolué, mais ne s'est pas du tout abîmée), propose un nouveau récital ambitieux passionnant : parcourir en quelques airs (très marquants), plutôt rares (et certains même très rares, comme ceux d'Agnes von Hohenstaufen ou Hans Heiling), la distance qui sépare la fin du XVIIIe siècle français jusqu'aux débuts de Wagner.

Des airs héroïques, aux sujets bibliques, historiques, fantastiques, des contes aussi… qui montrent l'étendue du répertoire du premier XIXe siècle (italien, français, allemand), mais aussi les points communs dans la pensée récitative et déclamatoire.

Les Talens Lyriques merveilleux d'articulation, de couleurs, ravivent absolument ce répertoire comme ils l'ont fait pour La Vestale ou les Tragédienne II & III avec Véronique Gens.

lundi 4 mars 2024

Le plus beau rôle de ténor

En finissant de réécouter Haÿdée, et redécouvrant l'incroyable acte III que je n'avais pas ouï depuis quelques années (adieux à Venise, duo du dévoilement), je me fais la réflexion que, si le plus beau rôle de baryton est peut-être Ruthven, le plus beau rôle de ténor doit décidément être Lorédan.

Il est très rare de disposer pour un rôle de ténor de récitatifs aussi développés et éloquents, de grandes scènes qui ne soient pas essentiellement fondées sur le lyrisme, la ligne, les notes aiguës ou la vaillance. Par ailleurs, il est rare également que leur psychologie soit aussi travaillée – a fortiori pour un héros positif. (Mais finalement, comme ténor représentant un personnage d'autorité avec des faiblesses et qui a vécu, il s'agit sans doute d'un dispositif comparable à celui d'Éléazar dans La Juive d'Halévy, un autre rôle de ténor qui ne ménage pas sa part psychologique et théâtrale, opposé à un jeune premier à peine esquissé qui reste un personnage secondaire !)

Brumel – Missa « Et ecce Terra motus » – Graindelavoix

Brumel est à l'origine de ce qui est peut-être ma pièce chouchoute de toute la Renaissance : ses Lamentations de Jérémie.

Cette messe est à la hauteur de sa verve, qui parvient à donner un relief presque déclamatoire à l'écriture purement contrapuntique des textes sacrés qui prévalait alors. Et impeccablement chantée par les spécialistes de Graindelavoix.

Cependant, les compositions électro-acoustiques de Manuel Mota qui s'intercalent, et s'insinuent même pendant l'œuvre, me procurent un effet de lassitude presque immédiat, l'impression d'être immergé dans le bourdonnement d'un trafic urbain qui fait augmenter la tension artérielle davantage que les émotions.

L'idée n'est pas mauvaise, l'œuvre considérable et l'interprétation très belle, mais j'ai vraiment dû passer les pistes électro, d'autant que les mouvements sont longs – et qu'ils n'évoluent pas du tout, sans cesse le même flux de son entêtant.

20 ans du Concert d'Astrée

L'album paru à l'occasion (aussi nommé Une nouvelle fête baroque) atteste, s'il était besoin, qu'il existe bel et bien des artistes en activité (Negri, Zaïcik, Sicard…), y compris étrangers (Timoshenko !), capables de phraser un beau français dans ce répertoire.

Tout est magnifique là-dedans, y compris dans la partie italienne, avec le plus beau « Armatæ face et anguibus » de Juditha Triumphans qui m'ait jamais été donné d'entendre (avec Lea Desandre, jamais aussi fulgurante qu'ici !) et tant d'autres merveilles.

dimanche 3 mars 2024

Lockrem Johnson – Une lettre pour Emily Dickinson / Debussy – La Chute de la Maison Usher

Concert sur sol n°88.

La Compagnie Winterreise d'Olivier Dhénin Hữu reprenait sa Chute de la Maison Usher dont j'ai déjà parlé lors de sa création à L'Arlequin à Paris, mais cette fois couplé avec un opéra inconnu du compositeur américain Lockrem Johnson, consacré à Emily Dickinson (une création de 1951).

L'histoire n'est évidemment que très peu spectaculaire : Emily Dickinson est méprisée par son père, qui ne voit en elle qu'un supplétif de ménage et de cuisine aux aptitudes littéraires inexistantes. Elle attend la visite d'un prestigieux colonel, homme de littérature, mais en fin de compte celui-ci lui propose en filigrane le mariage tout en laissant entendre que ses qualités poétiques ne sont pas évidentes. L'idée du livret est d'expliquer par là la réclusion d'Emily Dickinson, qui n'essaie plus de se faire publier et n'écrit plus que pour elle-même, demandant à sa sœur Lavinia de brûler ses papiers à sa mort.

Langage musical simple, pas très contrasté, ça danse légèrement, on reste dans les mêmes couleurs de la conversation en musique de la génération Damase (mais avec beaucoup moins de lyrisme et d'esprit que Damase).

Surtout, la traduction française est catastrophique : une fois mise en musique, la prosodie en est incompatible avec langue française. « Absorbé par ses DOssiers, il n'aime que MON pain, auJOURdh'ui, réVEILlé, COU-OUsu »… on se croirait dans un son de La Fouine. (Je serais prêt à travailler bénévolement pour rectifier ça…)
Je n'ai rien contre cette prosodie-là dans un contexte esthétique cohérent, mais à l'opéra pour évoquer une jeune femme bien rangée des communautés puritaines du Massachussets, ça ne fonctionne pas bien.

Dans le même registre, perplexe sur l'idée qu'elle accueille seule un homme qu'elle ne connaît pas, et dans cette mise en scène dans une robe blanche à traîne qui est presque une robe de mariée. Très étrange.

Pour autant, je suis très content de découvrir cette œuvre dont je n'avais aucune idée, même si elle ne me bouleverse pas vraiment.

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Après ces 35 minutes, retour à la proposition d'une Chute de la Maison Usher la plus complète possible, qui fonctionne vraiment très bien.

Je suis frappé de penser combien les compositeurs ultérieurs ont cherché à imiter Pelléas alors que Debussy lui-même était parti tout autre chose, au fil des livrets choisis. Usher est infiniment plus sombre. J'y trouve beaucoup moins de belles idées musicales (et les parties avec Madeline ou Roderick sont assez monochromes), mais les deux duos entre l'Ami et le Médecin ont vraiment quelque chose de très réussi dans leur étrangeté.

Insertion des Proses Lyriques de Debussy (vraiment assez différentes), de pièces pour piano (Préludes, Les soirs illuminés par l'ardeur du charbon…) mais surtout de Ce qu'a vu le vent d'Ouest, qui sert de soutien en forme de mélodrame à toute la fin (la lecture de l'ami, la découverte de l'enterrement de Madeline, l'effondrement de la maison), avec une progression pendant l'orage assez incroyable, et qui s'attelle parfaitement à la fin écrite par Debussy (une dizaine de secondes seulement). La proposition la plus frappante à ce jouer pour restituer cet opéra inachevé – à moins de recomposer carrément ce qui manque, comme l'a brillamment fait Robert Orledge, dans l'exact même style que le reste de l'œuvre !

Le film d'Olivier Dhénin Hữu, simultanément projeté en transparence, permet aussi de compenser la lenteur de l'action par des images assez poétiques des interactions entre les personnages filmées dans les splendides espaces du lycée Jacques Decour (et au Bois de Vincennes).

Parmi les (excellents) artistes Olivier Gourdy et Bastien Rimondi merveilleux comme d'habitude, et Emmanuel Christien d'une aisance folle au piano.

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Soirée follement ambitieuse, et passionnante à tout point de vue – au Théâtre Watteau de Nogent-sur-Marne, où Olivier Dhénin Hữu est actuellement en résidence. Compagnie à surveiller.

Sonates violoncelle-piano de Cras, Ferroud, Soulage – Siranossian, Gouin

Concert sur sol n°86.

Quelle satisfaction d'entendre enfin la Sonate de Jean Cras en concert ! Le versant le plus romantique de Cras, très lyrique, avec une structure pas toujours évidente à saisir – c'est d'ailleurs l'œuvre qui, à la sortie, avait le moins touché le public – et peut-être moi aussi, mais seulement en comparaison avec les autres bijoux, eux inédits, présentés ce soir-là !

Pierre-Octave Ferroud est toujours là où on ne l'attend pas, avec une proposition qui tire davantage vers une forme de néoclassicisme étrange que vers le futurisme motorique de sa Symphonie en la, ou vers l'atonalité très personnelle de Chirurgie (il faudra que je parle un jour de mon déchiffrage de cette chose…). Œuvre tirée du récent legs de la famille Ferroud à la Bibliothèque La Grange – Fleuret qui organisait le concert.

Marcelle Soulage est la révélation de la soirée, une élève de Nadia Boulanger. D'emblée un emportement généreux et lisible, avec un très beau geste affirmatif pour présenter son premier thème, puis une berceuse qui débute transparente en quartes à vide mais s'anime beaucoup au fil de la progression, un final façon boogie-woogie (mais Suicide in an Airplane de Leo Ornstein n'est pas si loin, dans les moyens compositionnels).

Très beau duo de musiciens – j'étais en particulier ravi d'entendre enfin Nathanaël Gouin dont le disque d'arrangements pour piano d'œuvres de Bizet m'avait beaucoup marqué non seulement pas son contenu, mais aussi par son aisance pianistique.

Canticles de Britten avec Allan Clayton

Concert sur sol n°84.

Je ne suis pas un fanatique de l'œuvre, typiquement dans la prosodie un peu grise et l'harmonie errante (assez peu tonifiante) typique de Britten… mais superbe atmosphère nocturne avec quelques lumières ponctuelles sur scène (façon bougies), et Allan Clayton est un diseur exceptionnelle, assouplissant sa vaste voix pour l'intimité du moment, tout en conservant son fruité et son autorité. Le premier Canticle (sur Francis Quarles) est donc en bonne logique mon chouchou.

Le deuxième (le dialogue entre Isaac et Abram) aussi me plaît beaucoup, mais je suis un peu mal à l'aise avec la rhétorique de l'adulte abuseur qui demande simultanément pardon – je suis encore trop marqué par le rapport de la CIASE, et les biographies évoquent l'attirance de Britten (non assouvie d'après ce que l'on en sait actuellement, mais dans ces affaires, on ne sait pas avant que de savoir) pour les enfants, si bien que mon esprit est un peu trop accaparé par des raisonnements défensifs pour profiter pleinement de l'œuvre.

Très belle expérience proposée, une fois de plus, par l'Athénée : à chaque fois des programmes originaux pour les lundis musicaux, mais cette fois c'est en plus un programme qui dépasse la cohérence, un témoignage complet et total, avec scénographie (et même déclamation britannique des poèmes). Je crois que la programmation en est resté confiée à Alphonse Cemin, et l'excellence ne s'en dément pas, s'approfondit même au fil des saisons.

Emilie Mayer, Symphonie n°1 par Insula Orchestra

Concert sur sol n°85

Surtout séduit par les mouvements extrêmes. L'œuvre gagne à être entendue – plutôt que dans les disques CPO un peu tradis – avec le relief des instruments anciens. Ce n'est pas un chef-d'œuvre absolu, mais de belles idées (malgré un peu trop de solos et doublures de flûte…), voilà qui renouvelle l'écoute – et documente la première femme à avoir vécu de l'argent des concerts de ses œuvres (si l'on excepte les compositrices interprètes comme Clara Wieck-Schumann).

J'ai aussi été très frappé par la Quatrième de Schubert vue par Laurence Equilbey : au lieu de travailler surtout l'élément mélodique comme c'est souvent le cas dans cette symphonie, elle propose une lecture beaucoup plus dramatique, verticale (un peu dans l'esprit de la Cinquième de Beethoven par Les Siècles & Roth). On y sent davantage la filiation de Gluck que la préfiguration de Brahms, et c'est vraiment pour le meilleur, soudain la symphonie mérite son surnom et gagne en intensité, en cinétique… je ne me rappelle pas l'avoir autant aimée que ce soir !

vendredi 23 février 2024

Frédéric Vassar – Wotan

Réécoute des fragments d'un des meilleurs Wotan que j'aie pu entendre : Frédéric Vassar (28 ans !) à Gand, tellement de clarté et d'impact !

Je ne crois pas avoir déjà entendu un Wotan à l'émission aussi libre ; tout est absolument magistral, l'assise, le mordant… et beaucoup de mots !

Surnaturel – vraiment.


Beethoven – discographie comparée Missa Solemnis

Mis en appétit par mon cycle Spering – une lecture furieuse, aux couleurs généreuses, aux articulations très détachées des spécialistes de l'instrument d'époque, mais avec une qualité de poussée continue et de lisibilité des plans que tous les tradis non plus, loin s'en faut, n'ont pas : je n'ai pas entendu mieux que ça ! –, car frustré de la présente de seulement trois mouvements (Kyrie, Credo, Agnus Dei) sur le disque Phoenix, je me suis lancé dans quelques réécoutes.

Jacobs est, sans surprise, tout à fait valable (on pourrait n'écouter que ça et s'en porter très bien), mais au jeu de la comparaison – ce qu'il ne faut pas faire, si vous avez bien suivi – les couleurs sont moins radieuses, l'interprétation beaucoup plus mesurée et littérale, et surtout le RIAS Kammerchor n'est vraiment plus ce qu'il était à la fin des années 90 (les Brahms avec Creed en témoignent lumineusement !) : devenu beaucoup plus gris, des voix plus opératiques et rondes, des timbres assez gris, des sopranos moins purs, des ténors plus empâtés, peu de vraies basses. J'en ai été frappé à chaque nouvelle écoute en salle ou au disque ces dernières années, pourtant dans leur répertoire de prédilection (Fidelio, Elias, de l'a cappella germanique…)

Gardiner m'a davantage touché que lors de mes précédentes approches, sans doute parce que j'étais encore très marqué par les lectures symphoniques très amples, fondues et généreuses des versions de vieux chefs sur instruments modernes. (Il y en a quelques-unes d'assez phénoménales, Karajan 66, Bernstein-Concertgebouw, Solti-Berlin, Levine-Vienne, Mackerras-Sydney…) Énormément de détachés et de respiration entre les accords ; ce n'est pas la version qui exalte le plus la continuité des progressions, mais sa beauté à chaque instant reste particulièrement intense.

À suivre, peut-être pour une véritable discographie sur le site principal.

lundi 19 février 2024

Crucifixus par l'Ensemble Poséidon

Concert sur sol n°82.

De retour de la promenade travaillée m'attend ce petit bonbon que j'ai failli ne pas voir, par l'un de mes ensembles chouchous (c'est redonné demain). C'est ça,le Marrec Way of Life.

Que des raretés extrêmes (et de qualité). Des Gesualdo bonus.

Livret de salle gratuit avec texte et traductions ! Libre participation au chapeau.


Non seulement le programme était fou, mais de surcroît le chœur d'amateurs était phénoménal (jusque pour les solos) : 95% des chœurs pros baroques que j'ai entendus en salle chantent moins bien que ça.

J'y vois deux raisons :

1) le recrutement de haut niveau (clairement, ils savent chanter, et niveau solfège, tenir des sections à un par partie et jusqu'à seize voix polyphoniques, sans se décaler), obtenu par des auditions étendues et minutieuses ;

2) le type de technique vocale, voix moins couvertes, moins fondues (et donc plus nettes et franches) que la plupart des pros – et cependant très bien charpentées ;

3) le travail du chef, spécialiste du baroque français, qui les fait travailler très intensément sur des sessions de deux semaines, avec passion (et bienveillance), et un soin tout particulier à la rhétorique textuelle et musicale. (Latin à la gallicane bien sûr !)

jeudi 15 février 2024

Samuel Coleridge-Taylor

Je suis en route pour l'intégrale (discographique) de Samuel Coleridge-Taylor. Véritable coup de cœur pour le lyrisme immédiat, les réminiscences folkloriques africaines, et la finesse de construction de ses phrases musicales.


lundi 12 février 2024

Changements de distribution

Il ne faut vraiment pas réserver ses billets pour entendre un chanteur en particulier… Rien que ce début mars, en voulant compléter l'agenda, je m'aperçois que pas mal de chanteurs emblématiques ont été remplacés sans tambour ni trompette : Jean Teitgen (la grande basse vedette française) est remplacé par Nicolas Cavallier dans L'Heure espagnole à l'Opéra-Comique, Xabier Anduaga (le ténor rossinien) et Benjamin Appl (le formidable liedersänger) par Jonah Hoskins (même genre) et Joshua Hopkins (style inverse) dans Les Pêcheurs de perles au Théâtre des Champs-Élysées, et dans le même lieu, le Boris Godounov avec Matthias Goerne en guest star sera finalement avec… Alexander Roslavets (ce qui sera en toute honnêteté pour le mieux, considérant le déclin de Goerne et les grandes qualités de Roslavets, mais n'en demeure pas moins une tout autre proposition !).

Les raisons peuvent être multiples : meilleurs engagements, méforme, rôle qui ne correspond finalement pas (ou plus) à la voix… Mais pour le public qui suit parfois avec fidélité ces chanteurs – qui apportent véritablement un tempérament singulier, et pousse les admirateurs à franchir le pas vers d'autres genres musicaux… –, c'est à chaque fois un coup dur.

En l'occurrence, ce sont des remplaçants de qualité, pas du tout des pis-aller, même si on peut regretter l'absence de certains de nos chouchous.

samedi 10 février 2024

Psyché de Franck / Calligrammes, Ondes Plurielles

Concert sur sol n°79.

Dans la fascinante église Saint-Marcel, l'une des plus belles et surprenantes de Paris (ses soffites en pyramidions, son puits de jour invisible qui tombe sur le béton nu de l'abside et sur ce Christ crucifié sans croix, mi-souffrant, mi-triomphant et ascensionnel), l'occasion rare d'entendre Psyché de Franck, un grand poème symphonique avec chœurs, dans sa version intégrale.

Œuvre pudique et généreuse à la fois, devant beaucoup à Tristan et usant d'un lyrisme généreux qu'on associe peu à ce compositeur – je ne m'explique pas que le V, « Psyché & Éros », ne soit pas joué en séparé, par exemple en ouverture ou interlude de concert (comme on le fait souvent de l'interlude « La Nuit et l'Amour » de Ludus pro Patria d'Augusta Holmès ou de la chasse royale des Troyens de Berlioz), tant sa courbure mélodique et son caractère élancé le rendent immédiatement séduisant, pour ne pas dire grisant.

Merci aux amateurs de haut niveau du Chœur de chambre Calligrammes (toujours dans les programmes thématiques les plus fous : programme basque contemporain, XXe scandinave, baroque allemand du XVIIe, chœurs de d'Indy & Schmitt, de Mendelssohn & Wolf, messe à double chœur de Rheinberger…) et à l'excellent orchestre Ondes Plurielles – l'effet produit n'est vraiment pas éloigné d'un orchestre professionnel, il faut vraiment s'approcher pour entendre les détails moins parfaitement immaculés que chez les orchestres salariés ! (Sensiblement du même niveau qu'Ut Cinquième, dont certains membres sont issus.)

Mlle Duval – Les Génies – Il Caravaggio

Dans l'esprit du Destin du Nouveau Siècle de Campra, ballet allégorique où le compositeur montre tout son savoir-faire, cet autre opéra-ballet, par l'énigmatique Mademoiselle Duval (dont on sait fort peu de chose), joue de toutes les possibilités musicales offertes par un format peu soumis à l'intrigue. Tout y est délicieux, dans un goût galant qui n'est pas encore tout à fait du Rameau, conserve l'armature hiératique et héroïque de l'écriture post-LULLYste, et culmine dans ces coloratures furieuses de Zoroastre accompagné de chœurs, en plusieurs occasions.

R. Strauss – 4 derniers lieder – Asmik Grigorian

À concept incompréhensible, résultat… douteux. Les Vier letzte Lieder accompagnés à l'orchestre puis au piano.

Autant la voix est glorieuse et expressive en salle, autant au disque, on n'entend que la puissance de l'instrument, et pas les mots, ni même les qualités de timbre. Peu de voyelles, pas de consonnes, des problèmes sérieux de legato avec des ruptures de flux assez audibles, et une version où le piano semble capté du fond d'une baignoire – et je ne parle pas des loges de théâtre, entendez-moi bien. Je ne comprends pas le but de cet objet (pourtant servi par de très grands interprètes d'aujourd'hui).

(Ah oui, et la pochette est particulièrement redoutable, ce qui fait d'autant plus souffrir considérant le passé d'Alpha comme modèle d'élégance – le label avait d'ailleurs fidélisé son public avec de beaux livrets illustrés de belles peintures XVIIe, puis par ses jolies photos noir & blanc.)

vendredi 9 février 2024

Hindemith / Salonen

Concert sur sol n°77.

Salonen et l'Orchestre de Paris dans Elgar et Hindemith.

Très bonne surprise de ce Bach assez jubilatoire, plus organique qu'attendu, aux ruptures expressives étonnantes par la seule orchestration – qui se termine en Disney (façon Apprenti sorcier).

Ragtime et Mathis de Hindemith en première audition de concert pour moi (je n'avais assisté qu'à l'opéra), rythmes endiablés et couleurs fluorescentes, dans une lecture à la fois froide et sensible aux progressions, assez typique de Salonen.

jeudi 8 février 2024

Défrichage et ressassement

Jacobs revient à Paris avec L'Orfeo de Monteverdi… Comme Christie et tant d'autres, c'est un mystère pour moi : après avoir tant défriché, se complaire dans une poignée de mêmes œuvres ressassées… pourquoi ? Ne se sentent-ils plus une mission, ou même une envie ?

Vous me direz, c'est plein, alors pourquoi s'interroger ?

Mais tout de même, comment, après avoir exhumé des Cavalli ou des Conti et y avoir été un peu le meilleur, se contenter de produire des symphonies de Schubert plates et un millième Orfeo moins bon que ses précédents ?

Ça semble être un vrai truc de vieux chef, le rabougrissement de répertoire. Je sais bien que lorsqu'on est jeune, on est obligé d'accepter les propositions d'œuvres contemporaines moches, mais pour des gens qui paraissaient si passionnés par la découverte ?

Dans un autre registre, je m'étais beaucoup interrogé sur la fin de carrière d'Abbado : le prix des places avait explosé, et pour quelqu'un proche des communistes qui jouait dans les usines, je me demandais comment il vivait de faire des concerts pour une élite économique.

dimanche 28 janvier 2024

Jean GALARD – Madame Élisabeth

ConcertSurSol n°68

Madame Élisabeth de Jean Galard. À Saint-Roch.

Un opéra qui est plutôt un oratorio pour orgue et voix – sur la fin de la vie de la sœur de Louis XVI, sur un livret plutôt bien écrit (Dominique Sabourdin-Perrin : équilibré, ni bavard ni caricatural), mais avec une caractéristique étonnante : tout, les récitatifs, les airs, les chansons des Révolutionnaires, la joie de Fouquier-Tinville, tout est écrit comme une psalmodie de messe. C'est délibéré, mais un peu perturbant pour qui en a déjà entendu.

Au demeurant quelques beaux chœurs (le final voulu « à la grecque » du I, qui sonne façon Alceste ou Atys de LULLY) et d'excellents solistes (Marthe Davost, également une grande Mélisande, est idéale) : Anne-Laure Dollié, Candice Albardier, Ciarran Woods, Alexandre Perret…

Le projet s'inscrit dans le prolongement des festivités et actions autour de la démarche en béatification de Madame Élisabeth. L'essentiel du public semblait provenir, à entendre les conversations, d'associations liées aux traditions et/ou à la chrétienté, davantage que des amateurs de musique, et encore moins d'opéra. [J'y ai notamment conversé avec les derniers La Rochefoucauld, hé oui.] Et c'est donc, en bonne logique, redonné ce dimanche à 15h à Saint-Louis de Versailles.

jeudi 25 janvier 2024

Ligeti, Le Grand Macabre – ONF, Roth (décembre 2023)

Très belle réalisation, avec une réserve du côté de l'œuvre : la prosodie, c'est vraiment n'importe quoi. Il faut dire que non seulement le langage de Ligeti est peu compatible avec un chant proche de la parole, mais en plus qu'il existe des versions en quatre langues (suédois, allemand, anglais, et en français, deux traductions distinctes) ! J'ai aperçu deux fautes d'orthographe dans la version imprimée comme surtitrée, je me demande si c'est aussi le cas dans le texte fourni par les traducteurs.

Pour autant l'inventivité de sa musique est toujours aussi réjouissante, et les moments purement instrumentaux (klaxons, première évocation apocalyptique, entrée de la Suite de Nekrotzar, Canon après l'anéantissement…) sont assez merveilleux. Dommage que le surtitrage n'ait pas inclus les didascalies, ceux qui ne connaissaient pas l'œuvre ou n'avaient pas ouvert le livret (fourni, merci Radio-France ! I love you) ont dû passer à côté de l'essentiel.

Autre réserve, la « mise en espace » de Benjamin Lazar, je n'ai pas compris ce que c'était, parce que même pour les échanges très graphiques comme les casseroles sur la tête ou se cacher sous une table (sans parler, donc pas de contrainte de pupitre), il ne se passe strictement rien visuellement. Pour moi une simple version de concert, même pas particulièrement « jouée scéniquement ».

Mais ça reste une expérience très singulière que je rêvais de faire depuis toujours – la photo l'anéantissement selon Mesguich était partout dans les livres d'opéra quand je vivais en province.

mercredi 20 décembre 2023

Il Fauno di marmo : la MALEDIZIONE

(avec la bémol interpolé)

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Concert sur sol n°52

N'allez jamais avec moi au cinéma : deux fois que j'y vais en 15 ans de vie parisienne. Et à chaque fois, la guigne.

La première fois, à la Cinémathèque Française, je vais voir un incunable de Jacques Rozier. La séance se déroule bien, même si je trouve le film particulièrement mauvais ; mais à la fin de la séance, la dame qui présentait revient à l'avant-scène : « toutes nos excuses, ce n'est pas du tout le film prévu, nous avons manifestement envoyé les rushes à la restauration au lieu du film monté, il faudrait donc tout refaire à nouveau ».

La seconde fois, c'était hier à la Fondation Pathé : Il Fauno di marmo (1920), de Mario Bonnard. L'intrigue est tirée d'un roman de Nathaniel Hawthorne : au début du XXe siècle, une princesse danoise épouse un vieil homme ; celui-ci se fait accuser de complot contre la couronne, et meurt en se débattant pendant l'interpellation. L'héroïne part alors à Rome où elle vit avec son nouveau fiancé et un couple d'amis. Une grande partie de l'intérêt du film réside dans les très belles vues de Rome.

19h31, la séance commence. Une dame vient présenter le film et nous annonce : « la pellicule a été restaurée par la Cineteca Nazionale, mais pas en entier, la partie en Rome en particulier est fortement coupée, on vous a mis le résumé dans un des intertitres ».
Rien qu'ici, c'est cocasse : on nous propose un film dont on a coupé le centre d'intérêt. Mais ce qui est arrivé l'est encore davantage : l'intertitre ne résume pas du tout l'intégralité de ce qui est coupé, et l'on passe sans explication d'une déclaration d'amour dans un jardin romain à une forêt équatoriale peuplée de Tyroliens où un moine franciscain qu'on n'a jamais vu apparaît ; l'héroïne dit le détester mis abandonne immédiatement son fiancée pour le suivre. Plan suivant, on revient à Rome, mais pas du tout dans le jardin initial. Rien n'est expliqué, rien n'est compréhensible.

Vraiment, n'allez pas au cinéma avec moi. Je porte la poisse.

Pour autant, malgré ces manques et les événements peu vraisemblables qui s'enchaînent – le meurtre du moine, croisé dans la rue de la roche tarpéienne, souhaité dans l'instant par l'héroïne et réalisé sans réflexion par le peintre, sans aucun lien avec leurs personnages et tempéraments exposés durant tout le film… –, film assez réjouissant, qui montre de très belles images de Rome, de la campagne italienne, de châteaux médiévaux aménagés… Et des situations assez originales, puisque absolument pas vraisemblables ni cohérentes.

Le titre n'est jamais expliqué, il y a bien un portrait du nouveau fiancé en faune, mais le plan dure quelques secondes et il y a des copeaux de bois partout…

Accompagnement tout en accords debussystes par Mathieu Lecoq (ancien élève de la classe de Jean-François Zygel au CNSM, comme pour tous les films de la Fondation Pathé), qui a la particularité de toujours improviser au piano et en même temps au violoncelle – il le tient entre ses jambes devant son clavier, et joue du violoncelle sur la résonance du piano grâce à la pédale forte ou simplement de la main gauche au piano, tandis que l'archet actionne une corde à vide de la main droite. Joli tour de force très astucieux que je l'ai déjà vu pratiquer plusieurs fois. Et belles idées musicales, avec le parti pris de seconder le film et de s'effacer derrière lui, créant l'atmosphère et la tension, mais ne cherchant à pas à créer des événements, des ruptures, à souligner des éléments visuels ou à jouer avec l'auditeur-spectateur.

mardi 19 décembre 2023

Marguerite Canal, mélodies inédites

Je joue dernièrement les mélodies de Marguerite Canal, de véritables bijoux, tout est tellement finement inventif, calibré sur le texte et l'expression (l'orientalisme, la comptine, le symbolisme, elle change tout en or…).

samedi 16 décembre 2023

L'opéra nouveau

Je me plains récurremment du faible renouvellement du répertoire d'opéra à Paris, mais en version de concert, depuis septembre, ce fut un défilé très impressionnant d'opéras contemporains ambitieux ! Pas nécessairement les opéras sympathiques qu'on a envie de réécouter encore et encore, mais de grands projets que seules de grandes maisons peuvent monter : Lessons in Love and Violence de Benjamin, Sonntag aus Licht de Stockhausen, Einstein on the Beach de Glass (même si ça s'est révélé être une œuvre « inspirée de »), Le Grand Macabre de Ligeti, l'occasion de découvrir des mondes, avec des compositeurs qui osent proposer des objets pas du tout conformes à ce qu'une scène peut offrir – typiquement Sto et Ligeti, vraiment de grands fadas. Et voilà qui renouvelle le plaisir et permet de découvrir des horizons nouveaux !

Tuilages

Requiem de Campra lundi, Elias de Mendelssohn vendredi, Missa Corporis Domini de Zelenka samedi… c'était la semaine des tuilages vertigineux. Trois œuvres où le souffle de la musique fait tourner la tête (est-ce vers le Ciel, je ne sais).

Songs de compositrices (Lehmann, Barns, Maddison, Clarke, Smyth, Boyle…) par Richardot & Fornel


Concert sur sol n°35

Très belle sélection – en particulier séduit par Liza Lehmann, également compositrice d'opérettes, capable de tirer le meilleur de la richesse des langages du début du XXe siècle en le combinant avec une très belle veine mélodique et quelquefois des déhanchements plus populaires.

Toujours autant séduit par la voix extraordinaire (et quel bel anglais !) de Lucile Richardot – j'ai une notule sur le feu à lui consacrer – et par l'éloquence plastique d'Anne de Fornel, où chaque phrase est individualisée et pensée, à égalité avec le chant (pour ne rien gâcher elle fait de superbes trouvailles comme musicologue, il n'est pas fréquent d'avoir les deux !).

samedi 9 décembre 2023

« Messiaen c'est moche »

Le meilleur de Messiaen se trouve à mon avis dans son clavier : Ascension, 20 Regards, Nativité, Catalogues d'oiseaux, Livre du Saint-Sacrement… Le langage paraît dissonant à l'aune du langage standard auquel nous sommes habitués, mais une fois qu'on a dans l'oreille les consonances (plutôt à 4 sons qu'à 3) de Messiaen, tout sonne aussi limpide que du Mozart – c'en est presque prévisible quelquefois… C'est l'une des expériences les plus étonnantes d'acclimatation que j'aie vécues en musique.

mercredi 15 novembre 2023

Deux tragédies de la Renaissance : Hécube de Lodovico Dolce (1543) et Marin Držić (1559)


Expérience ultime dans le goût de Carnets sur sol : j'ai dû traverser l'Île-de-France en train du Nord-Est au Sud-Ouest après le travail pour me rendre au ''Centre d'Art et de Culture de Meudon'', accessible après vingt minutes de ''marche de nuit'' en zig-zaguant entre les pavillons moches et quantités de petits squares sympathiques (je ne sais combien représente le budget tilleuls !), et découvrir une architecture de parking des années 90 (assez bien esthétisé, j'aime beaucoup), où l'on patiente devant une expo d'art contemporain… avant d'assister à une ''Hécube'', d'après Euripide après traduction par Érasme, par le Vénitien Lodovico Dolce, traducteur italien à son tour traduit ''en croate'' par Marin Držić.

La représentation, essentiellement chantée, mélange la version italienne et la version croate, accompagnée d'instruments « savants » du temps (vièle, viole, traversos) et traditionnels croates (lijerica, un instrument piriforme  à trois cordes frottées ; dvojnice, une flûte double en forme de parallélépipède rectangle). Le chœur est chanté par un ensemble à cinq voix de chanteurs traditionnels croates – dans un style très parent des polyphonies corses, avec trois voix de basse en bourdon, et deux voix de dessus (comme la ''terza'' et la ''seconda'' corses).

Le mélange se suit avec une fluidité déconcertante, et le style musical se partage entre les improvisations dans le style de la Renaissance, les accompagnements plus opératiques (ponctuations comme des récitatifs) ou filmiques (aplats permanents) et des frottements beaucoup plus XXIe siècle.

Plaisir de retrouver Francisco Mañalich (ténor et violiste, également superlatif dans les deux ; un habitué des ensembles chouchous Il Festino et Faenza), voix parfaitement timbrée, diction précise, allègements délicats et poétiques.

Une petite idée en vidéo du spectacle (beaucoup plus fluide en réalité).

Ensemble Dialogos & Kantaduri
Direction musicale et scenario, Katarina Livljanić
Mise en scène, scénographie, costumes, surtitrage, Sanda Hržić
Reconstruction musicale, Katarina Livljanić, Francisco Mañalich, Joško Ćaleta
Reconstruction musicale instrumentale, Norbert Rodenkirchen, Albrecht Maurer
Lumière et technique, Srećko Damjanović

Solistes
Katarina Livljanić, Hécube
Francisco Mañalich, esprit de Polydore, Polyxène, Polymnestor
Tonko Podrug, Ulysse
Milivoj Rilov, Agamemnon
Srećko Damjanović, serviteur

Instrumentistes
Norbert Rodenkirchen, flûtes, dvojnice
Albrecht Maurer, vièle, lirica
Francisco Mañalich, viole

Chœur
Kantaduri
Joško Ćaleta, voix et direction
Srećko Damjanović, voix
Nikola Damjanović, voix
Tonko Podrug, voix
Milivoj Rilov, voix


Schiller – Marie Stuart – Maryse Estier, Théâtre Montansier


Peu de pièces peuvent se vanter de m'avoir retourné comme Die Räuber de Schiller, avec sa demi-douzaine de coups de théâtre et de renversements logiques, rien que dans le dernier acte. Je n'aime pas tout au même degré dans son théâtre, et je craignais du côté de Marie Stuart, dont ma seule expérience fut malheureuse – j'ai failli mourir d'un choc anaphylactique, enseveli dans la poussière de six mois sans ménage au théâtre-phalanstère du Nord-Ouest… (J'ai vraiment dû quitter la salle parce que le bout des doigts me picotait et que je commençais à ne plus pouvoir bien respirer… Malgré leur programmation remarquablement ambitieuse, à base d'intégrales visibles nulle part ailleurs, je n'y ai plus remis les pieds depuis.)

Je craignais une idéalisation un peu pénible de ce personnage politique (que je trouve peu sympathique), mais Schiller tient justement assez bien la corde entre la victime sublime qui se lève contre la fatalité, et la fille de roi pleine de morgue, incapable de taire ses ambitions un instant, fût-ce pour survivre. La pièce est moins juste avec Élisabeth Ière, présentée avant tout comme une femme un peu nymphomane et indécise, effet accentué par les choix de Maryse Estier dans les consignes données à Clémence Longy (qui joue le rôle de façon détachée, avec une voix délibérément un peu grêle).

On retrouve aussi toutes les stimulations du drame romantique, avec ses beaux effets de renversement de fortune. J'ai été très sensible à la scène où le petit huissier à l'essai se voit confier l'ordre d'exécution, et où, malgré toutes ses tentatives de demander un ordre clair, la reine le quitte sans lui répondre sur la nécessité de le transmettre pour application ou de le conserver dans le secrétaire – afin de ne prendre aucune responsabilité et de pouvoir à tout moment se dédire sur le dos du petit personnel. Scène particulièrement amusante et terrible.

Le livret de Bardari pour la Maria Stuarda de Donizetti suit certes la structure générale de la pièce, mais les geôliers occupent l'essentiel de la place dans la pièce d'origine, pas les cantilènes amoureuses. Et le verbe est tellement affadi, les personnes tellement lissés et rendus les plus stéréotypés possibles… à quoi bon prendre des sujets intenses pour en faire un tel brouet. Seules les quelques répliques de l'entretien imaginaire des reines dans la prison et les insultes qui fusent laissent encore affleurer l'intensité du drame de Schiller. (Mais je ne trouve de toute façon pas terrible la musique de la trilogie Tudor… Pour du belcanto de cour royale, Maria Padilla, c'est un tout autre niveau !)

Très belle interprétation engagée et crédible (en particulier Margaux Le Mignan, dans tous les visages du rôle-titre), une belle expérience de théâtre.

Mise en scène et adaptation Maryse Estier assistée de Mathilde Belingard, scénographie Marlène Berkane, costumes Clément Vachelard, son et musiques originales David Hess, lumières Lucien Valle.
Avec Margaux Le Mignan, Clémence Longy, Pierre Cuq, Axel Mandron, Daniel Léocadie, Nicolas Avinée, Dylan Ferreux.
Coproductions Théâtre Montansier/Versailles, CDN/Sartrouville, CDN/Nancy.

mercredi 8 novembre 2023

Album Jonathan Tetelman « The Great Puccini »

Je suis amusé : je n'avais pas remarqué à quel point la voix semble un compromis entre Pavarotti et Kaufmann, vraiment des points communs avec les deux voix – pourtant aussi distantes que possible.

Remarquable chanteur au demeurant, et il joue les scènes entières, duos de comprimari inclus !

dimanche 5 novembre 2023

Die Winterreise pour chœur

Oh zut, le disque du Gewandhauschor n'est pas vraiment un arrangement pour chœur (ce qui m'aurait passionné), mais une version du Winterreise pour soliste et accompagnement d'accordéon parfois renforcé de chœurs (qui sonnent assez kitsch, façon chœurs en « hou-hou » de la Fiancée de Cadix).

(De surcroît le chœur, audiblement amateur, n'est pas le meilleur d'Allemagne.)

Restent la belle diction de Tobias Berndt et quelques réussites comme Das Wirtshaus, qui semble vraiment sur le papier le lied le plus conforme. Et ici, pas d'accordéon, chœur d'hommes, ça fonctionne bien.

dimanche 22 octobre 2023

Lohengrin à Bastille (Srebrennikov / Soddy)

Concert sur sol n°23

Lohengrin pour grand orchestre, ça n'a pas trop pris pour moi. Ça souligne tout ce qui est encore bancal dans le Wagner de transition, ces moments un peu tradi-fades au milieu des trouvailles impensables en son temps.

Cependant j'ai été une fois de plus enchanté par les chorals de bois et l'écriture chorale. Le chœur a vraiment fait attention à ne pas crier, même si les barytons et basses sont vraiment ternes – et si la diction reflète clairement le recrutement très international…

Pour le reste, peu à dire, car j'ai surtout été frustré par l'impossibilité, depuis le second balcon de Bastille (et à peu près partout ailleurs de toute façon) de comprendre ce qui était chanté. Ce n'est pas la faute des chanteurs : j'ai déjà entendu Oostrum, Gubanova, Beczała, Koch et K. Youn dans d'autres contextes, ce sont d'excellents diseurs, zéro problème de texte avec eux – et à part Beczała, tous spécialistes de ce répertoire. Je les aime beaucoup, les timbres sont beaux (un peu fatigués hier en fin de série), mais on ne peut pas faire correctement de l'opéra dans cette salle à moins de voix exceptionnelles comme Skelton ou Vogt…

Et je me suis rendu compte pendant la représentation que je l'avais déjà entendu en 2017 (et non seulement 2003 comme je me souvenais) avec un plateau justement exceptionnel – Serafin, Schuster, Skelton, Konieczny, Siwek. Donc réentendre à aussi peu d'intervalle une œuvre que j'ai souvent entendu et jouée, dans des circonstances défavorables, j'ai eu du mal à adhérer, alors même que la soirée était de qualité. (Depuis quelques années, j'essaie d'aller plutôt voir de véritables inédits pour éviter ce syndrome.)

Rien de spécial à dire sur la mise en scène, qui raconte autre chose, mais avec un certain sens de la cohérence scénique : les doubles dansés d'Elsa sont chouettes, l'hôpital de campagne fonctionne bien. Je ne sais pas trop à quoi ça sert (l'auto-hypnose de la note de programme, je ne l'ai pas vue !), mais on peut se concentrer sur l'action et la musique sans trop de parasites.

Carmen renouvelée (mais décapitée)

Concert sur sol n°22.

Il est très rare que je me rende voir et revoir des tubes, d'autant plus d'œuvres qui ne sont pas les plus proches de ma sensibilité – Carmen est un incommensurable chef-d'œuvre, un monument de finesses musicales, d'invention permanente, de puissance évocatrice, sur un sujet vraiment original ; mais pour l'avoir entendu trop jeune (grande section…) dans des conditions peu favorables, je peine à l'entendre sans le filtre un peu négatif de l'espagnolade vulgaire (et des pubes pour détergents).

Il y aura au demeurant prochainement une notule sur le sujet – il existe déjà un podcast : pourquoi Carmen est-il un opéra aussi célèbre ? .

Malgré ma réticence à aller revoir ce type d'œuvre, plusieurs promesses m'ont attiré à Sainte-Croix des Arméniens catholiques (rue Charlot, dans le Marais) : je n'ai vu qu'une seule fois Carmen en concert, et cette fois la proposition avec piano, pour mettre à nu les procédés rythmiques et les audaces harmoniques de Bizet, était fort tentante. D'autant plus que le plateau de jeunes chanteurs disposait de plusieurs atouts, en particulier le Don José de Kaëlig Boché – immense mélodiste –, qui promettait une lecture totalement neuve du rôle.

Je dois d'abord confesser avoir été horrifié lorsque j'ai compris que la « version avec récitant » ne signifiait pas seulement la disparition des dialogues ou récitatifs, mais d'un grand nombre des numéros de l'œuvre ! Tous les chœurs, toutes les sections où apparaissent Morales ou Zuñiga ont disparu – incluant des morceaux du final de l'acte II ! Et ce n'était indiqué nulle part. Ce n'est pas honnête, et pas respectueux des spectateurs. Personne n'a manifesté sa réprobation, et peut-être bien que je suis le seul à vouloir entendre une version qui ne soit pas totalement rabotée du final du II ou du duel, mais ce n'est pas aux organisateurs et artistes d'en juger à ma place : je comprends tout à fait les contraintes pratiques qui conduisent à donner une version coupée, mais je demande simplement à être informé.

Comme je m'y attendais, grand plaisir à entendre la partition fonctionner au piano sous les doigts de Magali Albertini (et à observer son tourneur de page, totalement à fond dans la musique) ; l'exécution n'était pas d'un abandon complet, mais pour avoir mis mes doigts dessus, je sais la difficulté invraisemblable de la partition, sous ses abords grand public. Bizet était réputé pianiste virtuose d'un niveau fulgurant, et l'on constate bien à la lecture des versions réduites de Carmen qu'il ne connaissait manifestation à peu près aucune limite digitale pour entraver son imagination.

Vocalement, je n'ai regretté le détour.

Pas trop aimé Antoine Foulon (Escamillo), encore une voix à haute impédance, ça fait beaucoup d'harmoniques, mais c'est très peu efficace dès que la source du son s'éloigne, ne favorise pas la diction, ne permet pas de varier la couleur – d'autant que la voix est bâtie à partir du grave. Il allège l'aigu, mais on sent la fragilité du procédé. Je ne reviens pas sur mes marottes en matière de technique vocale, mais si ça fait totalement l'affaire pour une version pour piano, ce n'est clairement pas optimal du point de vue de l'auditeur.

Très belle surprise avec Éléonore Pancrazi (Carmen) : je l'avais trouvée merveilleuse diseuse dans des extraits de tragédie en musique, et depuis (Cherubino, Dorabella notamment) j'avais surtout déploré l'émission très ronde, la diction lâche, l'impact limité. Ici au contraire, elle trouve davantage de clarté, déclame avec beaucoup d'intelligence, et possède, pour une si jeune chanteuse, tous les recoins du rôle, gère très habilement les mixtes de poitrine, n'appuie jamais le trait sans chercher à donner la vision d'une Carmen rénovée. J'ai rarement entendu le rôle aussi bien pensé dans chaque phrase, et la voix s'éclaire et se projette très agréablement en français. J'espère qu'elle poursuivra dans cette voie, mais je ne peux m'empêcher de redouter que d'un point de vue pratique, il y ait peu de rôles de mezzos assez importants dans le répertoire courant pour faire une belle carrière sans sacrifier aux répertoires où je l'ai trouvée moins performante.

Erminie Blondel (Micaëla) m'avait beaucoup impressionné en retransmission, et de fait, la voix ample impressionnante pour ce rôle. Sur la durée cependant, certains aigus sont un peu plus difficiles, et la diction se relâche, à cause d'une émission très couverte qui uniformise trop les voyelles et empêche l'émission audible des consonnes. C'est un beau halo, assez glorieux même, mais il y aurait à creuser du côté de la clarté. Proposition inhabituelle et plaisante en Micaëla, quoi qu'il en soit.

Enfin Kaëlig Boché (Don José), un fabuleux mélodiste et la raison principale de mon déplacement. Son don José tient toutes ses promesses : non pas le don José égaré et abattu de Mérimée, ni le don José fauve des grands ténors internationaux (immortalisé par le film de Rosi avec Domingo), mais vraiment le don José d'opéra comique, un garçon rangé et timide qui, séduit et frustré, révèle une personnalité inquiétante, avec des éclats terrifiants – mais des éclats qui se fondent sur le timbre soudain perçant, rien à voir avec les grands aigus tonitruants des titulaires célèbres. À ce titre, la petite mise en espace était très réussie, on y voit Carmen effrayée dès le premier éclat de José, dans la taverne de Pastia à la fin de l'acte II. Personne ne rend mieux que lui la transformation de personnalité et le mordant soudain de ce gentil caporal de garnison très sagement rangé.

Mission accomplie et excellente soirée, donc, avec des interprètes de qualité et une proposition artistique très aboutie – mais la prochaine fois, par respect du public, prévenez que vous jouez une version ultracoupée – s'il vous plaît.

mercredi 18 octobre 2023

La lecture rapide, une chimère

Ce que j'ai appris aujourd'hui : la lecture rapide serait une vaste escroquerie, contredite par les études scientifiques, et tous les championnats du monde seraient organisés par des vendeurs de développement personnel français où seuls les gourous et leurs disciples concourent (il faut être inscrit à un de leurs programmes pour pouvoir participer). Plus amusant encore, beaucoup de lauréats sont les entrepreneurs eux-mêmes et certains font partie… des arbitres de la compétition !

Référence pour les données scientifiques : https://lecture.org/revues_livres/actes_lectures/AL/AL91/page31.PDF

Et en version vulgarisée : https://futura-sciences.com/sante/actualites/psychologie-enquete-dit-science-lecture-rapide-86815/

(Les bâtonnets que nous avons en périphérie ne permettent pas la netteté requise pour lire, et le nombre de saccades occulaires possibles nous limite en vitesse – il faut peu ou prou une saccade par mot, si je me souviens bien.)

Enfin, sur le business model lui même, cette vidéo (vous pouvez afficher la retranscription si vous n'avez pas le temps de regarder) : https://www.youtube.com/watch?v=T1YZsP3rnOk.

dimanche 15 octobre 2023

Mina KAVANI – I'm Deranged

Concert sur sol n°20

Spectacle seule en scène écrit par l'actrice – obligée de quitter Téhéran après avoir joué, cheveux découverts et corps dénudé (jusqu'où, je ne sais) dans Red Rose de Sepideh Farsi. Elle y raconte comment elle a toujours été élevée dans l'idée que sa famille quitterait l'Iran – le père est parti deux ans aux États-Unis pour essayer de ramener un visa pour la famille, mais en est revenu scandalisé par l'abrutissement des écrans et la qualité de la nourriture. Se lançant à corps perdu dans les fêtes clandestines, elle finit par partir pour Paris, ville où elle rêve de faire carrière. Et, à en lire sa biographie, elle fait plutôt bien carrière !

Cependant le spectacle ne propose pas réellement de présentation artistique… elle se contente d'expliquer au premier degré comment elle ne trouve sa place nulle part, comment à présent qu'elle accomplit ses rêves elle regrette son pays, comment « je vivais à Téhéran dans mes rêves, à Paris dans mes souvenirs ». Seul moment un peu esthétisé, l'histoire du rêve qu'elle raconte, où elle voit toute sa famille à table ; mais ce rêve n'a rien de farfelu ni de troublant, chaque membre de la famille expose très raisonnablement ses arguments sur le pour et le contre d'avoir quitté l'Iran.

J'espérais de ce soliloque une fenêtre un peu plus précise sur ce le vécu dans l'Iran, mais en réalité, ce mal-être très personnel est traité sous toutes ses coutures, sans donner guère de détails pratiques. Le seul moment un peu révélateur est lors de son grand emportement, où elle accuse ses parents de l'avoir élevée dans l'espoir d'être ailleurs, et les Iraniens de vivre dans le culte de leur grandeur passée au lieu d'avancer et de jeter par-dessus bord ce qui les retient de faire mieux.

Tout cela se suit sans déplaisir, mais disons que je n'ai pas vu la valeur ajoutée par rapport à un entretien de radio avec une artistes exilée – les expérimentations esthétiques, les jeux de Satrapi avaient peut-être exagérément créé des attentes sur ce qu'il était possible de faire pour raconter un vécu étranger.

Ma vie a changé (2)

J'ai testé le pâté nutriscore B « terrine de canard aux tomates semi-séchées et thym ». Le tour de passe-passe, c'est que le liant n'est pas fait de graisse mais de purées pommes de terre, de carottes, de tomates et de pois. Je suis très convaincu – meilleur que la plupart des pâtés, beaucoup moins salé pour commencer. Pas d'additifs non plus.

(Comme je m'astreins à ne plus manger que du A ou du B, voilà qui redonne de la lumière à ma vie.)

Ma vie a changé (1)

Hier, premier essai du TÀD (transport à la demande). Une simple application (TÀD IDF) permet de réserver gratuitement un bus privé qui permet de se promener entre groupements de communes, au delà des terminus de train et entre les mailles du réseau ferré. C'est assez puissant, et autorise la multiplication des points d'intérêt déjà présents dans ce tableau de la promenade par transport ferré en Île-de-France.

vendredi 13 octobre 2023

Georges BENJAMIN – Lessons in Love and Violence

Concert sur sol n°19

George Benjamin, Lessons in Love and Violence
Orchestre de Paris
Philharmonie de Paris

Hélas, pas d'illumination pour moi : un orchestre toujours présent en aplats continus, peu dramatique, un texte un peu schématique, une belle écriture atonale toujours agréable mais peu lisse et uniforme – en somme, Lessons in Love and Violence de Benjamin ressemble à à du Benjamin. Ou, en tout cas, me fait exactement le même effet que ses œuvres d'il y a quinze ans, comme Palimpsestes, ouï en 2005 à Radio-France.

Dommage pour moi, beaucoup de monde semble aimer passionnément Benjamin.

La dernière scène fait davantage usage de discontinuités ; l'effet de cordes à la fois stridentes et translucides est très réussi, sent vraiment la conclusion – et James Way y rayonne.

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Je ne peux m'empêcher de penser qu'il existe quantité d'opéras contemporains plus accessibles / rythmés / originaux à programmer, plutôt que de l'atonalité tradi sur des adaptations mi-figue mi-raisin d'œuvres théâtrales de la Renaissance.

Et je trouve que la Philharmonie programme vraiment les opéras les moins user-friendly – même s'il y a un public pour Glass et que je me régale pour les Stockhausen, ces choix semblent tout de même pensés pour du public de cultureux éveillé – et assez exigeant à l'écoute.

mardi 10 octobre 2023

(déchiffrage) Violon-piano de Lekeu et Posa

Après m'être déchiffré au piano les symphonies de Beethoven (2,3,4,5,7), Mendelssohn (3,4,5), Schumann (2,3,4), Brahms (1,4), Bruckner (3,4,5,6,7), Mahler (2,3,9)… je suis parti pour une crise sonates violon piano.

Rien que ce soir : le premier mouvement de Lekeu, celui de Posa, le mouvement lent de d'Indy… (J'ai ouvert et refermé celui de Dubois, où il y avait peu de choses exaltantes à jouer.)

Le premier mouvement de la Sonate de Lekeu, c'est comme pour Posa : on pourrait enlever le violon et ce serait déjà un immense chef-d'œuvre. Cette fièvre qui s'empare du motif initial et ne relâche jamais, dans les deux cas, c'est magistral – et grisant.

samedi 7 octobre 2023

Season's Canon (de Crystal Pite)

Concert sur sol n°15

J'admets que ce ballet mérite totalement sa réputation : complètement organique, des gestes décalés extrêmement précis, comme des fractales (ou un canon… ) qui se révèlent. Jubilatoire et accessible à tous.
Public en délire (cris, parterre debout…).

Couplage avec des ballets (Last Call de Marion Motin, Horizon de Xin Xie) bandes sonores désagréable fortes (vrombissements sourds omniprésents), et le propos m'a moins passionné. [Je suis sans doute insuffisamment balletomane pour apprécier ce type de proposition sans narration et quasiment sans musique.]

dimanche 1 octobre 2023

Défi improvisation, un mois après

En plus de mes déchiffrages quotidiens, je me suis tenu, depuis fin août dernier, à ma pratique quotidienne de l'improvisation (en fin de séance, dix minutes de libre errance, en essayant de bâtir quelque chose de cohérence). En général, je m'inspire du langage et des thèmes de ce que je viens de jouer, pour me donner un point de départ.

Je trouve vraiment que la démarche permet de mieux comprendre les œuvres, on sent mieux ce qui est de l'ordre de la formule naturelle (qu'on aurait presque pu trouver aussi) et au contraire ce qui ressortit à l'intuition géniale du compositeur (qu'on ne peut pas avoir comme ça).

Je commence aussi à produire des choses qui m'intéressent un peu (aujourd'hui, impro en travaillant autour des deux principaux thèmes du premier mouvement de la symphonie de Franck), et je n'aurais jamais pensé que ça puisse arriver en un mois !

Je précise que je n'ai jamais vraiment pratiqué l'improvisation (un peu de réalisation de basse continue, mais ce n'est vraiment pas la même chose, on habille une musique déjà écrite). J'ai l'impression que ça peut vraiment aider à débloquer des choses, d'un point de vue pédagogique, chez les pianistes amateurs, même si on ne se destine pas à produire de belles choses.

Une nuit dans les jardins de Vaux-le-Vicomte


Testé hier la nocturne aux chandelles à Vaux-le-Vicomte. L'entreprise très efficace menée par cette famille propriétaire impressionne, et la nocturne est très réussie, grâce au lieu d'une tenue impeccable, avec la touche finale du feu d'artifice bicolore (or & argent) inspiré par les premiers feux d'artifice monochromes qui furent tirés lors de la fatale royale fête donnée par Fouquet.

Je sais que quelques lecteurs ont demandé un ''retex'' : l'éclairage à la bougie est joli (mais dans la nuit, fait un peu piste d'avion, finalement), pas toujours équilibré avec les éclairages artificiels ; en revanche l'expérience d'être dans un tel parc au coucher au soleil puis dans la nuit, environné de silence et pas du tout enseveli sous le monde, sans avoir à guetter l'heure de fermeture, est tout à fait extraordinaire et mérite amplement l'expérience. Le billet n'est pas très cher (16€) pour ce type d'événement, la navette depuis Paris Nation très commode, mais c'est là où ils font le bénéfice (27€ aller-retour, ce qui est quand même nettement moins onéreux que le taxi).

Et puis le parc est d'une telle grâce, à la fois vaste et à taille humaine, totalement mis en eau, mêlant les parterres français à des bosquets sauvages (croisé un tout petit chevreuil, vu des traces de sangliers…), donnant de partout une perspective différente sur le dôme qui fait tout le caractère de la façade intérieure…



mercredi 27 septembre 2023

Anderson & Roe au « Rungis piano-piano Festival »


. #ConcertSurSol #13

Anderson & Roe au « Rungis piano-piano Festival ».

Le meilleur duo de pianistes de tous les temps fait entendre ses incroyables arrangements (« Marche turque » de Mozart, Carmen, America de West Side Story, Libertango, Hallelujah de Cohen, Let it be…) : changeant le style, ajoutant des strates de musique pure, c'est de la réelle substance musicale, toujours surprenante dans ses bifurcations et ses nouvelles atmosphères, qui se mêle aux originaux – et pas seulement quelques arpèges pour faire impression.

Cela n'empêche pas le duo d'amuser son public (changeant de siège, naviguant entre les deux pianos…), mais l'aventure est avant tout musicale, et je la suis avec passion depuis au moins une douzaine d'années.

Moins passionné par leur sonate de Mozart à deux pianos, approche très romantique, mais cette musique n'est pas conçue pour ces grands pianos de concert, où elle sonne immanquablement un peu rigide & pauvre. Tout de suite mieux sur de véritables boïng-boïngs à crincrins d'époque.

En tout cas, charisme fou qui a ravi les vieux fans comme moi, mais aussi le public qui s'est levé, totalement étourdi par les coups qu'il venait de prendre (gros succès pour la Marche Turque, Carmen et Hallelujah notamment).

Le festival continue toute la semaine. J'ai appris qu'il avait été fondé au sortir du covid, et je tire mon chapeau aux concepteurs d'avoir osé un principe aussi original dans un lieu dont la notoriété / l'accessibilité ne sont pas optimales.

Pourtant, j'avais pris mon après-midi pour visiter la ville, et c'est absolument adorable, incroyablement calme et paisible pour une telle proximité avec Paris, trois autoroutes, le Marché, Fresnes et les pistes d'Orly. Énormément de verdure, d'aires piétonnes, de trace de petites sources… (Et les pavillons sont assez variés, tous neufs ou très bien entretenus.)

samedi 23 septembre 2023

Mendelssohn – Intégrale des symphonies pour cordes (Dogma Chamber O)



Très vive et affûtée version des symphonies pour cordes de Mendelssohn dirigée par Gurewitsch chez Gold MDG : le meilleur des deux mondes, tempi vifs, attaques tranchantes, plénitude du sostenuto des cordes, ces œuvres de prime jeunesse paraîtraient issues de la meilleure maturité d'un grand compositeur.

vendredi 15 septembre 2023

« Miniatures »


Nouveauté de l'Orchestre de Bretagne. Je suis frappé par la transfiguration de l'orchestre depuis leurs Le Flem chez Timpani il y a seize ans… (spectre opaque, timbres incertains) – on entend vraiment du très haut niveau aux timbres splendides et parfaitement étagés.

(Pour le reste, ce sont des tubes d'opéra français version violon, magnifiquement joués mais ce n'est évidemment pas mon cœur de cible.)

mercredi 13 septembre 2023

Un opéra naturaliste inédit de Ravel ?

Connaissiez-vous l'opéra naturaliste de Ravel autour de l'amour impossible entre une fille de riches vignerons et un pauvre saisonnier vendangeur ?

Ce moment vous est offert par France Culture.

Playlist 'Offertoires de Requiem'

Nouvelle playlist, consacrée aux Offertoires de Requiem.

(Mes chouchous sont bien sûr Gilles, Campra, Verdi, Dvořák et Britten, mais on y rencontrera aussi Morales, Gossec, Cherubini, Desenclos, et quelques autres qui méritent le détour !)

Il existe déjà une notule autour des plus beaux Requiem.

Improvisation et formules

Côté improvisation, du nouveau. Je m’aperçois – car je suis un garçon profond – que la pratique de l’écoute et du déchiffrage nourrit énormément : je me retrouve avec tout un répertoire de formules que je peux emprunter et combiner… C’est ainsi que je me suis amusé, après avoir déchiffré trois différents medleys de Star Wars (un officiel, deux officieux), à redéployer certains motifs (la Force, Leia…) en les superposant avec ceux de la Femme sans ombre (chasse, biche, pierre, Impératrice…) et quelques moments du Vampyr de Marschner. J’ai ainsi combiné la Force avec la Chasse, Leia avec « Er wird zu STEIN », etc. C’est assez facile de réutiliser, d’une part, et d’autre part j’essaie de réemployer des astuces pour renouveler le discours – modulations de relance le temps de trouver d’autres idées, fusées façon Arabella pour déguiser les chromatismes, ajout de neuvièmes-onzièmes-treizièmes un peu partout, nouvelles mélodies inventées à partir de mouvements mélodiques et rythmiques déjà lus…

En réalité, sauf à avoir déjà soi-même un style de compositeur, il n’est pas si difficile de réemployer des formules qu’on a déjà croisées, de les déformer, de les combiner pour créer quelque chose de neuf. C’est infiniment plus accessible que je ne l’aurais pensé, surtout en fin de séance lorsqu’on a baigné dans le langage de tel compositeur. (Évidemment, plus le langage est tardif et dissonant, moins on sent les errances et limites culturelles et/ou techniques de l’improvisateur.) De surcroît, j’ai l’impression d’avoir davantage appris de la mécanique interne de la musique en deux semaines de pratique désordonnée de l’improvisation sur un style donné qu’en un semestre d’étude méthodique ponctuelle de l’harmonie (nécessaire tout de même pour comprendre ensuite ce qu’on fait).

Attention, bien sûr, ce n’est pas du tout que j’improvise bien, très loin de là, il y a des fausses routes, des platitudes, des erreurs, et je ne fais finalement que piller mentalement des choses lues pour les enchaîner en les déformant volontairement (ou pas, ma mémoire me trahit quelquefois). Cependant je reste impressionné par le caractère très accessible de l’approche, je pensais qu’il me faudrait des semaines ou des mois avant que de pouvoir m’amuser un peu. Je ne sais pas si c’est généralisable pour les pianistes qui lisent peu de musique – le risque est alors d’être bloqué dans la petite zone de confort des quelques enchaînements qu’on connaît, comme je l’avais vécu dans mes précédentes tentatives où j’avais voulu improviser dans « mon style » et en ne faisant pas de « fautes », ce qui avait conduit à l’enfermement dans les plus conventionnels des schémas, et l’impossibilité de faire évoluer le discours ou de produire quoi que ce soit de stimulant.

Mais en acceptant le jeu du pastiche et la possibilité de l’erreur, en se concentrant moins sur l’intérêt de ce qu’on produit que sur les processus (et en lâchant prise aussi, je retrouve les impressions « d’écriture automatique » que j’ai parfois en jouant des partitions difficiles, où au bout d’un certain temps mes doigts inventent des morceaux du spectre sonore en restant dans le style, sans que ma tête commande grand’chose…), on peut accéder à une compréhension assez passionnante et plus intime du processus de composition. (Du moins, d’un fragment de celui-ci.) Incroyable aventure que je recommande – de surcroît on tend à improviser à son propre niveau technique, ce qui veut dire qu’on rencontre moins la barrière de la difficulté pratique.

Fin de Gutenberg / improvisation

Le déchiffrage quotidien au piano se poursuit, adjoint de relectures et d’improvisation. Je n’ai pas le temps de le commenter tous les jours. Aujourd’hui, c’était le déchiffrage de l'acte III de Gutenberg de Loewe, vraiment une œuvre insolite et considérable qu’il me faudra trouver un moyen de partager et de commenter. (Pour une œuvre de 1837, la filiation mozartienne est vraiment étonnante, avec par endroit des sorties de route qui paraissent au contraire excéder Schumann !)

Un peu de travail sur 1812 de Tchaïkovski, relecture du prélude sur la Moskova de Mouss' et de sa Grande Porte de Kyiv. Pour finir, improvisation sur des cantiques orthodoxes (en ajoutant de plus en plus de notes étrangères, avec effets de cloche et d'agrégats).

Un Mont Rushmore à la française…

J'ai vu passer une question sur les réseaux qui m'en pose beaucoup d'autres.

« Si on concevait un mont Rushmore à la française sur le mont Peney, et qu'il fallait choisir 4 personnalités historiques à sculpter, qui choisiriez-vous et pourquoi ? »

Ma proposition :

¶ Charles-Michel de L'Épée
¶ Pierre-Michel Moisson-Desroches
¶ Marcel Deprez
¶ Antoine-Joseph Jobert de Lamballe

Pierre Michel Moisson-Desroches : c'est l'auteur du fameux rapport de 1817 suggérant le raccourcissement des distances grâce à un réseau ferré en étoile depuis Paris (directions : Bordeaux, Nantes, Le Havre, Calais, Lille, Mayence, Gênes). Il est aussi un conseiller important lors du déploiement du chemin de fer sous la Restauration. Donc réellement quelqu'un qui a eu un impact sur nos vies, plus durablement (et plus positivement…) que Napoléon – et je ne crois pas qu'il existe aucune trace de sa bouille.

[En réalité, Napoléon a peut-être vraiment eu une influence durable sur nos vies, puisqu'il existe une hypothèse, lue en plusieurs endroits, sur la propension aux varices dans la population française. #MerciNapo ]

Marcel Deprez. L'ingénieur à l'origine des premiers transports d'électricité sur des distances significatives, en Allemagne et en France, au début des années 1880. Tout commence – comme une belle rando – par un Paris-Creil. Il a clairement davantage influencé nos vies que n'importe quel maréchal d'Empire…
(sauf pour les varices, si vous avez bien suivi)
Je me demande s'il y a beaucoup de rues à son nom.
(probablement pas)

Antoine-Joseph Jobert de Lamballe : travaux (et pratique) importants dans l'autoplastie (réparation de tissus par les tissus sains proches), l'élitroplastie, l'anesthésie générale. Si l'on souffre moins, c'est grâce à lui (et pas à Jibé Kléber ou Paul Doumer).

Pour finir, l'abbé de L'Épée que tout le monde connaît ; à la fois la charité et la pédagogie, quelqu'un qui non seulement a tâché de soulager les souffrances de ses contemporains, mais a de surcroît bâti à cet effet un système de pensée pérenne.

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Et si l'on fait plutôt le choix de mettre des artistes :

→ Marc-Antoine Girard de Saint-Amant
→ Jean-Jacques Lequeu
→ Jean Cras
→ Patrick Edlinger

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Tout ce petit monde donne une idée, je crois, de la représentation tout à fait fantaisiste que nous nous faisons des grands hommes. Et de notre piètre perception de ce qui est réellement important. Bouvines et Austerlitz, c'est bien gentil, mais qu'est-ce que ça a changé dans nos vies par rapport à l'électricité, au train, à l'anesthésie générale ?

… Je propose donc de remplacer toutes les rue Hoche par des rue de l'élitroplastie.

Plagier avec discernement

Les histoires de plagiat me fascinent par bien des points.

Et notamment par la mansuétude avec laquelle elles sont accueillies. Dans cet entretien, le directeur du comité d'éthique de Polytechnique explique que si le faussaire avait répondu poliment, ça passait.

nous pensions possible qu’il reconnaisse ses erreurs et se confonde en excuses, comme tout étudiant de bonne foi l’aurait fait, et nous nous préparions à trouver une solution à l’amiable.

(Bonne foi, quand on fait un plagiat ? Une fois qu'on est pris bien sûr.)

Le reste des membres se penchent sur la thèse et constatent le plagiat intégral du chapitre XIII, mais aussi qu’il y a très peu de copier-coller dans les autres parties de la thèse.

1) Donc tout va bien, ce n'est que le chapitre central de la thèse (contenant un code qui justifiait l'embargo, empêchant donc la vérification par des tiers).

2) « très peu de copié-collé »… à quel moment c'est acceptable, « très peu de copié-collé ? »

La mansuétude des jurys me navre, vraiment. Une phrase copiée-collée devrait être suffisante pour disqualifier l'ensemble d'un travail. C'est malhonnête. Point final.

Et c'est lourdement systémique. Pour Derambarsh, de même, on a pu lire l'explication de la commission disciplinaire que 80% (je ne sais plus le chiffre) c'était quand même beaucoup. Alors que 0,1% de plagiat, c'est déjà la démonstration d'une incompétence (pas capable de le dire soi-même), et évidemment d'une malhonnêteté. J'entends les directeurs de thèse déplorer la propension au plagiat : refusez les travaux plagiés, même à toute petite dose. Nommez les plagieurs. Copier un paragraphe, c'est déjà malhonnête. En l'occurrence, on ne parle même pas de propos empruntés maladroitement reformulés où l'erreur d'appréciation d'un jury est possible, mais vraiment de crtl+c ctrl+v sans coquetterie.

De même pour Étienne Klein, qui utilise Bachelard pour meubler les pages de ses essais, et à qui l'on a retiré deux hochets inutiles, mais les livres sont toujours là, son rond de serviette à France Culture et les invitations diverses aussi.

Incompréhensible.

samedi 7 février 2015

'Playlist' de la semaine du 2 février

Samedi 31 janvier

Saint-Saëns – Habanera – Nicola Benedetti
Chausson – Poème pour violon – Nicola Benedetti

Szymanowski – Concerto pour violon n°1 – Nicola Benedetti
Szymanowski – Concerto pour violon n°2 – Stryja

Martinů – Symphonie n°4 – Bamberg SO, N. Järvi
Martinů – Symphonie n°3 – Bamberg SO, N. Järvi

Mozart – Concerto pour basson – Thunemann
Mozart – Concerto pour clarinette – Friedli
Mozart – Concerto pour hautbois – Harnoncourt
Étonnant, ce ton « méchant » !
Mozart – Concerto pour clarinette – Harnoncourt

¶ Minute glotte : Sonia Yoncheva dans Thaïs (« C'est toi, mon père »). Tout rond, assez opaque.
¶ Minute glotte : Sonia Yoncheva dans Traviata. Extraits avec Chaslin à Valence et avec Borras à Tokyo. Là, beaucoup d'enthousiasme et d'ampleur.

Rihm – Sieben Passions-Texte – EXAUDI
Remarquable, sorte de Lassus déformé au gré d'un étrange vortex. Frotte, mais toujours joliment, toujours dans une véritable direction. « Caligaverunt » pourrait presque être pris pour un pastiche de Gesualdo des derniers livres.
Nono – ¿ Dónde estás, hermano ? – EXAUDI
Écrit pour son Prometeo, avec quatre voix féminines solos. Je ne suis d'ordinaire pas très intéressé par ces compositions qui jouent avec le silence, mais ici, les voix émergent comme des cris sur de belles harmonies, tendues, mais qui sonnent assez fonctionnelles… Comme des fragments de parole qui échappent brièvement au silence. Vraiment émouvant.
Rihm – Mit geschlossenem Mund – EXAUDI
Une harmonie complète, assez homophonique, de véritables couleurs mouvantes et une progression logique. Très beau.
Nono – Sarà dolce tacere – EXAUDI
Écrit dans une harmonie assez conventionnelle, sorte d'écho de partiels, beaucoup moins directionnel et discursif que Dónde estás. Ça reste joli si c'est bien chanté.

Rihm – Quatuor n°12 – Minguet SQ
Par un grand quatuor, ça change tout.

Varèse – Amériques – DSO Berlin, Metzmacher

Dimanche 1er février

Rihm – Astralis – RIAS KCh
L'œuvre est très belle, mais avec ce chœur, la pâte paraît sacrément brahmsienne : on perd sur les tensions et les angles, on dirait vraiment une œuvre postromantique avec quelques petites tensions supplémentaires comme les Nordiques en ont tant écrit au XXe siècle. Harmonie totalement fonctionnelle et lisible.

Boismortier – Don Quichotte chez la Duchesse – Niquet studio
Toujours phénoménal.

Rihm – Fragmenta Passionis – RIAS KCh
Partition moins clairement articulée, moins convaincu aussi.

Takemitsu – Coral Island – Rie Hamada, Yuzo Toyama

Rameau-Klemperer – Gavotte de la Suite en la – Klemperer

Cambini – Quatuor n°4 – Le Ricordanze
Cambini - Quatuor n°5 – Le Ricordanze
Cambini - Quatuor n°6 – Le Ricordanze

Mozart – La Clemenza di Tito (acte II) – Harnoncourt studio
Mozart – Die Zauberflöte, Ouverture – Harnoncourt studio

Borodine – Quatuor n°1 – Stamitz SQ
Borodine – Quatuor n°2 – Stamitz SQ

Lundi 2 février

R. Strauss – Elektra (jusqu'à l'entrée de Clytemnestre) – Thielemann studio

Tchaïkovski – Quatuor n°2 – Borodin SQ
Tchaïkovski – Quatuor n°3 – Borodin SQ
Pas la version que j'écoute le plus souvent (plutôt Prague SQ, Taneyev SQ, Carmina SQ ou Franz Schubert SQ), mais quand même très bonne dans son genre robuste !

Mardi 3 février

Taneïev – Quatuors vol.5 – Taneyev SQ

Casella – Serenata (clarinette, basson, trompette, violon et violoncelle) – Ex Novo

Albéniz – Merlin – Eusebio

Mercredi 4 février

Albéniz – Merlin (à nouveau !) – Eusebio

Wagner – Meistersinger (acte I) – Wiener Phkr, Solti

Haydn – Quatuor Op.33 n°5 – Terpsycordes SQ

Jeudi 5 février

Wagner – Meistersinger (actes II et III) – Wiener Phkr, Solti

Wagner – Meistersinger (acte II) – Wiener Phkr, Solti

Schubert-Denisov – Lazarus
Schubert – Lazarus – Bernius

Vendredi 6 février

Wagner – Meistersinger (acte III) – Wiener Phkr, Solti

Schubert – Lazarus – Bernius

Samedi 7 février

Schönberg – Moses und Aron – Cambreling
Pas beaucoup plus varié que du seria au bout d'un moment, mais ça s'écoute très facilement en fin de compte, et les alliages orchestraux sont somptueux. (Superbe version sur tous les plans.)

Gluck – Iphigénie en Tauride (extraits) – Véronique Gens en 2010 et 2014 au Theater an der Wien. La prod de Torsten Fischer a l'air très prenante.
Gluck – Iphigénie en Tauride (début) – Sebastian
Crespin ou pas, sans le style, ça s'affaisse vite.
Gluck – Iphigénie en Tauride – Minkowski studio
Là, c'est formidable. Et qu'est-ce que Delunsch chante mieux que toutes ces voix postérisées à la mode, tout de même…

Schein – Motets – InAlto, Colson
Beaucoup de musique instrumentale contrapuntique incluse : ce répertoire me paraît moins passionnant sans le verbe.

mardi 3 février 2015

Victoires de la Musique Classique 2015


Les Victoires de la Musique Classique ne sont vraiment pas formatées pour le mélomane de gros appétit, mais elles restent un moment un peu incontournable pour moi : quand j'étais gosse, c'était plus ou moins la seule façon de regarder de la musique classique en direct… Évidemment, aujourd'hui, ça n'a plus la même importance, c'est sûr. Parce que j'ai envie d'écouter autre chose que des bouts de scies, parce que j'ai souvent déjà entendu les artistes (dans de meilleures conditions), parce que le concept reste quand même assez peu festif… et surtout parce qu'on a de la musique en vidéo et même du direct partout tout le temps.

Mais je le survole tous les ans en rediff' à la demande, ça permet de voir un peu ce qui est communiqué au grand public (enfin, plus exactement au public occasionnel de la musique classique, qui n'est déjà plus le grand public).

Bien sûr, on peut trouver mille choses à redire — ne pourrait-on pas faire plus ludique, avec des explications un peu pédagogiques, des comparatifs entre interprètes, mettre les compositeurs un peu plus à l'honneur, faire des démonstrations, donner des anecdotes sur le fonctionnement d'un orchestre ou le métier de chanteur d'opéra… Mais c'est comme les Césars : ça reste avant tout cérémoniel, ça n'a aucun intérêt si on n'a pas vu les films, mais tout le monde regarde quand même. Dont moi — en n'écoutant que des extraits de chaque prestation musicale et à peu près aucun commentaire, mais tout de même.

Et ce que j'entends cette fois-ci est très plaisant (on est plus dubitatif certaines années). Les numéros plus cross-over sont assez bien conçus, de surcroît.

samedi 31 janvier 2015

'Playlist' de la semaine du 26 janvier


Comme on ne peut pas parler de tout, si certains veulent causer de telle œuvre ou interprétation…


jeudi 8 janvier 2015

Verdi — Il Trovatore — Giulini studio

J'ai toujours beaucoup aimé cette version, mais à la réécoute cette fois-ci, plus que par les belles atmosphères nocturnes, je suis frappé par la mollesse d'articulation de Giulini. Certes, c'est du Giulini, donc à part en prime jeunesse, toujours assez franchement indolent, mais ici, c'est au point que beaucoup d'accords, dans les récitatifs sont carrément en retard

Étrangement, la tension monte subitement à certains moments (final du II, très intense !), avec grand renfort de cymbales (mais vu que c'est aussi le cas avec d'autres orchestres et d'autres chefs, je suppose qu'il y a une part de responsabilité des ingénieurs de DG sur ce point précis). D'une manière générale, la seconde moitié de l'intégrale est beaucoup plus dense que le début extrêmement indolent (le « Prologue » explore même les confins de la léthargie).

Après ça, il est vrai que vocalement le quatuor est assez fabuleux, avec Plowright et Domingo certes opaques, mais insolents de santé dans leurs jeunes années — et, surtout, l'altier et mordant Zancanaro, et Fassbaender à son sommet, qui mixe avec de la voix de poitrine en permanence tout en ouvrant les voyelles, une enchanteresse magnétique à laquelle personne ne peut se mesurer.

samedi 29 novembre 2014

R. Strauss — Vier letzte Lieder — Netrebko, Staatskapelle Berlin, Barenboim


Sans surprise, lecture très instrumentale, avec un bel orchestre moelleux et épais, une voix dans un allemand improbable (mais insuffisamment articulé pour que ce soit réellement moche…). La lecture de Netrebko, dans son genre très instrumental, est plutôt étonnante, avec un grain très intense, presque une lecture rageuse de ces pages. En tout cas dans Im frühling et September, parce que les deux derniers plongent un peu dans une mollesse hédoniste qui est encore moins ma tasse de thé.

C'est beau, mais à peu près l'exact inverse de ce que j'ai envie d'entendre.

Ce qui serait ? Plutôt du côté, pour en rester aux voix larges et glorieuses, de Grümmer-Kraus, Steber-Levine ou Jurinac-Sargent. Et puis, dans d'autres types plus affûtés, Te Kanawa (Solti, mais aussi Abbado), Cotrubas (bande avec Sinopoli), Meier (bande avec Metzmacher), Stich-Randall ou Kaune.

mercredi 22 octobre 2014

Donizetti — L'Elisir d'amore — Ferro 1986 & Pritchard 1977

Je me suis replongé dans deux versions que j'avais très peu pratiquées (fasciné depuis toujours par Pidò / Dunlop, je remets presque tout jour ça lorsque j'ai envie d'écouter l'iÉlixir/i, ce qui arrive pourtant assez souvent).

Ferro 1986, avec Bonney, Winbergh, Weikl et Panerai.
Très chouette : bien chanté, avec élégance. Ce n'est pas du théâtre en barres, mais au moins, c'est délicat (or dans la discographie, les horreurs glottopathologiques du genre Bonynge-Sutherland-Pavarotti ou Levine-Battle-Pavarotti abondent).

Pritchard 1977, avec Cotrubas, Domingo, Wixell et Evans.
Et là, c'est la révélation. J'avais déjà trouvé ça bien, mais je bloquais sur Domingo : quand même un peu sombre et sérieux. En réalité, non : il allège au maximum, et non sans malice.
Contre toute attente, parmi les meilleurs (et bien d'autres reprennent ses tours). Cotrubas dans sa jeunesse, encore très légère, est fantastique d'espièglerie, et toujours cette couleur extraordinaire. Pareil pour Wixell, qui malgré son accent un peu prononcé sur les premières syllabes, fait du sillabando avec une rare aisance et de superbes variations chromatiques.
Et le plus fort, c'est la direction de Pritchard : on entend les détails avec nerf et ampleur à la fois, c'est beau et ça fouette, et on pénétère dans une partition non sans beautés, et jouée avec une ardeur rare, comme si les musiciens étaient totalement possédés par le scénario de Scribe.
Seule réserve, le Dulcamara d'Evans un peu gras et embarrassé, pas très intéressant, mais enfin, vu la qualité du reste, on ne va pas se plaindre.

Pritchard égale, au minimum, Pidò dans mon estime. Je suis amené à le réécouter souvent (ce que j'ai déjà fait, soit dit en passant).

J'en profite pour redire combien je suis à chaque fois impressionné par cette œuvre : comment Donizetti peut-il, une seule fois dans sa carrière, prodiguer autant de mélodies, d'effets, de modulations subtiles, de rythmes assez déjantés (beaucoup de départs un peu bancals, de syncopes, d'accentuations sur des syllabes faibles, de gammes corrompues…), de jolis effets d'orchestration (le jeu des bassons qui imitent les cors tandis que les cors font autre chose, à la fin du I !)… et avoir produit tant d'immondes daubes supposément sérieuses à côté ?

Et ce n'est même pas comme Rossini, une veine comique indépendante : Don Pasquale ressemble à… du Donizetti. :|

J'en déduis qu'il aurait dû adapter Scribe plus souvent.

vendredi 19 septembre 2014

Dutilleux, Lalo, Tchaïkovski — OP, P. Järvi

Je reviens du concert de l'Orchestre de Paris, dirigé par Paavo Järvi.

Dutilleux — Métaboles
Lalo — Concerto pour violoncelle
Tchaïkovski — Symphonie n°5

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Les Métaboles sont forcément sympas en concert ; de même pour le Concerto pour violoncelle de Lalo, avec son ton schumanien et sa veine mélodique populaire façon d'Indy dans chaque mouvement…
Très agréablement surpris par Xavier Phillips, d'ailleurs, dont j'ai toujours trouvé le son désagréablement appuyé en retransmission, mais qui projette remarquablement (y compris sa voix !) le son avec puissance et chaleur. En bis, il ose la Première Strophe sur le Nom de Sacher de Dutilleux, jouée avec une maîtrise et surtout une évidence logique du discours que je n'avais jamais entendue : d'ordinaire, je n'aime beaucoup beaucoup cette pièce qui multiplie les effets… là, c'était dense et éloquent comme du Kurtág. Chapeau.

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Mais la Cinquième de Tchaïkovski, c'était carrément la sidération :

¶ Järvi a complètement changé l'économie sonore de l'orchestre : c'est net, ça claque sans sécheresse, tout ce qui fait ses qualités personnelles et qui n'ont jamais été le propre des orchestres français en général et de celui-ci en particulier. Techniquement, il reste d'ailleurs des traces de l'ancienne manière (les cordes ont tendance à jouer un peu en dehors, avec des entrées pas parfaitement exactes), mais l'esprit est totalement différent.

¶ L'intégration structurelle est stupéfiante : le rubato sert uniquement à emboîter le thème dans sa mutation suivante, avec une adresse et un naturel exceptionnelle.

¶ C'est tendu, tout le temps, au maximum. Exactement comme ses deux dernières symphonies de Sibelius, pour ceux qui y étaient, ou le dernier mouvement de la Symphonie en mi de Rott.

J'ai entendu, dans la même salle, à la même place, cette œuvre par Jansons et le Concertgebouworkest… cent coudées en-dessous. Pas techniquement (la discipline et la virtuosité individuelle sont clairement d'une autre farine à Amsterdam), mais le rendu était purement hédoniste, avec plein d'effets destinés à montrer les possibilités de l'orchestre (je m'étais presque poliment ennuyé, alors que c'est possiblement la symphonie que j'aime le plus de tout le répertoire), là où Järvi construit une progression qui ne se relâche jamais, et qui donne un sens à toute la forme. Totalement exaltant.

jeudi 21 août 2014

Beckmesser jouvenceau – Die Meistersinger par Alden, Eröd & M. Albrecht


Outre qu'il s'agit de l'une des versions les mieux chantées de ces dernières années (Mayer en Sachs, Miles en pleine forme pour Pogner, Oliemans en Kothner, Blondelle en David et, comble du luxe, Adrian Eröd en Beckmesser), les mieux jouées aussi (pas étonnant, avec le Philharmonique des Pays-Bas, l'un des meilleurs orchestres du monde, d'un niveau d'engagement sans comparaison avec le Concertgebouworkest d'aujourd'hui)… l'ensemble est visuellement très intéressant.

Des bandes vidéo de la télévision néerlandaise circulent, et la mise en scène se classe parmi ce que Christopher Alden a commis de mieux, jouant habilement de références temporelles croisées qui soulignent assez bien les différences de statut et de contraintes des personnages, généralement plus abstraites dans ce Moyen-Âge de fantaisie.

La trouvaille majeure, plus que scénographique, tient dans le traitement du caractère de Beckmesser : Adrian Eröd, dans son ensemble violette, campe un jeune dandy très éloigné du barbon grotesque (et peu intéressant) que l'on (se) représente traditionnellement. Sa taille fine, ses talents d'acteur exorbitants, son verbe qui sonne et sa voix qui claque (même s'il est mille fois plus impressionnant en salle) permettent d'explorer l'option très à fond. Ses pédanteries le rendent peut-être encore plus odieux, mais en réalité, cela fonctionne bien mieux, et il campe un rival tellement plus adroit et inquiétant… On pourrait faire le même genre de chose pour Mime, au lieu de le représenter en nabot perfide et prévisible — suis-je le seul à être désespéré lorsque Siegfried tue son père sur un coup de colère ?

Par ailleurs, même si cela tord un peu le contexte originel, les Maîtres qui jouent de vieux instruments passés de mode leur donne quelque chose de ce lustre légèrement ridicule que voulait, il me semble, Wagner.

Version très stimulante, trouvable pour l'instant sur les grosses plates-formes vidéo.

Röntgen – Concertos pour violoncelle – Horsch, Porcelijn

Vous aimez « le » concerto pour violoncelle de Dvořák ? En voici trois autres (avec un peu de célesta en prime).

Très joliment interprétés, comme toujours avec ce chef, cet orchestre (et un soliste judicieusement choisi).

Version : Horsch, Symphonique des Pays-Bas, Porcelijn (CPO).

mercredi 16 juillet 2014

Schumann – Kreisleriana – Jenő Jandó (Naxos)


Miracle d'énergie et d'articulation. La netteté absolue et la plus grande chaleur, simultanément.

Dans une discographie tellement prodigue, je ne ressens plus le besoin d'en écouter d'autres versions.

lundi 9 juin 2014

R. Strauss – Der Rosenkavalier – R. Ticciati, R. Jones

Le Festival de Glyndebourne propose, comme chaque année désormais, ses productions-phares en accès libre sur son site pendant quelques jours (jusqu'au 15 juin, en l'occurrence).

http://glyndebourne.com/Festival-2014-in-cinemas

Le titre choisi est un grand classique, mais servi par des chanteurs dont la renommée n'est pas encore immense (Teodora Ghoerghiu en Sophie, Andrej Dunaev en Chanteur Italien), ne l'a jamais été (Michael Kraus en Faninal), voire tout de bon des chanteurs sans renommée particulière (Tara Erraught en Octavian, Lars Woldt en Ochs, Robin Ticciati à la direction).

Tous très valeureux, mais pas de surprises majeures : Dunaev s'épanouit autrement en russe, dans des rôles plus nuancés où il introduit pourtant une forte intensité vocale ; Erraught, très bien au demeurant, dispose d'un vibrato disgracieux (grande amplitude, et détimbrage pendant les « battements ») et n'est pas une très grande actrice. Je me demande d'ailleurs pourquoi Lucy Schaufer, présente dans la production Marelli de Hambourg, énergique vocalement et d'une crédibilité scénique extraordinaire, ne fait pas davantage parler d'elle à l'international.

Parmi les célèbres, pas d'immenses étoiles (Gwynne Howell en Notaire, on est loin du luxe absolu tout de même). Richard Jones fait une lecture qui souligne bien le phénomène de cour, mais en exaltant exagérément le mauvais goût (pourquoi, chez la Maréchale, alors que tout repose sur l'opposition des mondes ?) : ce n'est pas très beau, ça ne bouge pas beaucoup, ça ne raconte pas grand'chose. Il était autrement inspiré dans L'Enfant et les Sortilèges à Garnier.

Quant à Kate Royal en Maréchale, c'est la grande surprise : je l'avais découverte en Woglinde, pleine de mots et irradiant de fraîcheur, avant de trouver que sa promotion précipitée avait terni le timbre (un peu durci, un vibrato où le timbre devenait plus gris)... et je la retrouve comme au premier jour, dans un rôle a priori inaccessible pour le lyrique léger qu'elle était. Éloquence naturelle, clarté du timbre malgré la tessiture basse... une grande Maréchale. Il est si rare que les voix, dans le tourbillon de la carrière, puissent ainsi inverser le cours de leurs problèmes vocaux, que c'en est doublement réjouissant, au delà de la qualité de l'interprétation !

samedi 7 juin 2014

The Romantic Hero – Récital français de Vittorio Grigolo

Écoute du récital qui vient de sortir, The Romantic Hero, où il n'y a aucun héros, et qui est tout en français. Bref.

L'énergie articulatoire très importante qu'il sollicitait jusqu'à présent pour atteindre ses aigus semble avoir disparu. Très beau récital, très bien chanté, stylé (malgré une couverture audible des sons), avec une belle voix homogène, ni claire ni sombre.

Côté répertoire, uniquement des hits du milieu du XIXe (1835 à 1892) : La Juive, L'Africaine, Faust, Roméo, Hoffmann, Carmen, Manon, Le Cid, Werther.

Très beau partenariat avec Yoncheva, Pidò et la RAI en grande forme – on a rarement entendu aussi poétique pour Manon. Car, contre-intuitivement sans doute, on ne trouvera pas un pouce d'épate dans ce récital vivant mais très sobre.

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Aucun répétiteur de français n'a été maltraité pendant l'enregistrement – il n'y en avait pas. Témoin ce vers de Werther : « Ils ne trouveront plussss que deuil et que misère ».
Mais le français de Grigolo est très bon, autrement, même pas italianisant, à de très rares instants près.

Chtchédrine – la chorégraphie de Carmen

Le ballet adapté pour cordes et percussions par Rodion Chtchédrine, à partir de la matière de l'opéra de Bizet, est l'une des œuvres les plus immédiatement enthousiasmantes, pour tout public, qu'on puisse trouver dans le répertoire : les hits de l'opéra sont concentrés ensemble, répétant les instants ineffables qui le méritent (variations sur l'étonnant fragment du final du II « Tu n'y dépendrais de personne »), et magnifiés par des rythmes incantatoires.

Quelle déception, alors, en découvrant la chorégraphie d'Alberto Alonso pour Maïa Plissetskaïa, à l'origine de la composition ! Une suite d'espagnolades sans épaisseur, quasiment sans propos, et réduisant l'histoire pourtant pas bien compliquée à une suite de clichés à la fois absents de l'original et particulièrement sommaires.

Bref, à écouter absolument au disque et en concert, mais il ne faut pas forcément regretter l'absence du ballet dans les salles. Une nouvelle chorégraphie, avec l'accord du compositeur, ne serait pas malvenue.

Pour les franciliens résidents ou de passage, l'œuvre sera donnée par l'Orchestre de Paris et Josep Pons, les 8 et 9 octobre prochains (à Pleyel).

Pour les mêmes et les autres, la discographie est assez riche : la récente Mikhaïl Pletnev / Orchestre National de Russie (DG) est à la fois la plus virtuose et la plus spirituelle que j'aie entendue, mais la version la plus diffusée à ce jour, Theodore Kuchar / Orchestre Symphonique de l'État Ukrainien (Naxos), tient très bien son rang, avec des cordes clairement moins voluptueuses, mais un engagement qui reste palpable. Dans un genre virtuose un peu moins subtil, Rico Saccani / Orchestre Philharmonique de Budapest (BPO Live) a ses mérites. Je ne crois pas qu'il existe de version réellement ratée, tant l'écriture des cordes et les effets de percussions, très habilement étagés, assurent la réussite, vu le relief musical de la matière première.

Rameau – Les Indes Galantes – Reyne

Le disque des représentations viennoises vient de paraître...

J'aime beaucoup. Techniquement, on est loin de la perfection léchée de Christie (ou même des récentes représentations avec Rousset), mais il y a là une simplicité et une vérité théâtrale que je trouve extrêmement prenantes. Les continuistes ne sont pas les meilleurs, les chanteurs n'ont pas tous des timbres agréables (Gabail et Geslot, je suis toujours séduit, mais on peut ne pas adhérer), et pourtant, il y a, jusque dans les imperfections, une générosité discrète que j'aime beaucoup.

Au disque, un premier choix (a fortiori considérant que le studio Christie, comme son Atys, est extrêmement figé).

dimanche 6 avril 2014

Debussy – Pelléas & Mélisande – Angers-Nantes 2014 : d'Oustrac, Noguera, Lapointe, Kawka

Représentations et retransmission très attendues. Le résultat est intéressant, car il n'intéresse pas où on pouvait le prévoir.

La surprise n'émane pas des deux barytons : le premier, Armando Noguera, est un peu robuste pour le rôle (et son français coloré d'un accent qui ne l'aide pas), pas particulièrement subtil dans les intentions – étant difficile d'auditionner pour Pelléas, il a dû impressionner grandement par son la 3, d'une sûreté et d'un éclat admirables en effet.

Quant à Jean-François Lapointe, il doit être marquant en salle, comme souvent, mais en retransmission, la voix paraît forcée, comme si ce Pelléas s'efforçait sans cesse d'entrer dans les chaussures de Golaud – le déplacement forcé du centre de gravité est audible. Sinon, son portrait de Golaud, vif et assez brutal, à l'élocution directe et claire rejoint de près celui d'un autre métamorphosé, François Le Roux – sans la même variété d'intentions, mais il est probable, vu l'instrument et les habitudes du style, que ce devienne un grand Golaud, à l'instar de Laurent Naouri (qui avait fort mal commencé, d'ailleurs, comme en témoigne le terne disque Naïve).

Stéphanie d'Oustrac était un vrai pari : serait-elle trop incarnée dans un rôle évanescent, trop charnue pour le mystère, trop affirmative pour l'absence de réponse ? On pouvait espérer que sa générosité tire Mélisande du côté d'un personnage fascinant par son verbe et sa présence, quitte à être plus décidé qu'à l'ordinaire. À l'écoute (mais ici encore, prise de rôle), c'est plutôt l'hypothèse négative qui se confirme : la voix est vraiment celle de Geneviève plutôt que d'une Mélisande mezzo-soprano ; d'abord techniquement, car les transitions sont audibles dans le médium aigu, et les allègements impossibles ; la diction aussi est intimement liée à l'émission lyrique, et pas « indépendante » comme chez la plupart des grands interprètes de Pelléas, ce qui rend la mobilité expressive plus difficile, alors qu'elle est capitale en Mélisande. Pis, les contrainte vocales mènent parfois d'Oustrac à adopter un ton d'autorité, voire d'agressivité, que je peine à relier à Mélisande malgré mes bonnes dispositions envers son inspiration d'interprète. Dans le grave, la lourdeur de l'instrument (terni par la tessiture) n'a plus grand rapport avec les aphorismes d'un rôle conçu pour la touche légère des sopranos pépiants (Mary Garden).
Néanmoins, pour qui l'a entendue en salle, on devine, malgré un petit abus de couverture (sans doute la prudence des premières représentations), la présence physique de la voix, toujours très saisissante.

En somme, pas de quoi faire un disque sans doute, mais ce devait être très dépaysant et très chouette dans la salle.

Certes, on a pris la peine de distribuer Geneviève à un instrument plus sombre, grâce à l'excellent mezzo grave Cornelia Oncioiu, mais on se retrouve finalement avec une Mélisande-Geneviève et une Geneviève trop héroïque, là où la partition requiert peu de volume au profit d'une déclamation délicate.

Mais la soirée reste fascinante, contre toute attente du côté orchestral : l'Orchestre National des Pays de Loire, malgré sa modestie en virtuosité et timbres, joue impeccablement une partition qu'il possède à la perfection, et la familiarité avec la partition de Daniel Kawka, spécialiste de la musique contemporaine, est complètement audible. Transparence maximale qui n'est pas seulement due à l'effectif réduit, je ne crois pas avoir déjà entendu une telle radiographie de Pelléas, où les motifs sont exaltés sans être jamais soulignés, et où la mise en valeur de chaque plan n'empêche pas une poussée permanente. Il faut au moins écouter la scène de la grotte (II,3), miraculeuse... chaque détail est saillant, et pourtant on a l'impression d'être sans cesse rejeté par l'avant. Et quelle élégance suprême dans le grand duo de l'acte IV – par exemple le hautbois dans « on dirait qu'il a plu dans mon cœur », qui prend son temps avec liberté, ineffable comme jamais.
Les équilibres, les respirations, tout force l'admiration. Une des grandes directions de Pelléas.

samedi 22 mars 2014

Rameau – Les Indes Galantes – Rousset, Scozzi

En regardant des extraits de la production, créée à Toulouse il y a deux ans, donnée à Bordeaux il y a un mois, je suis frappé encore une fois par la virtuosité de Laura Scozzi. Musicalement, ce n'est évidemment pas le meilleur répertoire de Rousset, dont le manque d'entrain se ferait sentir en audio seul... mais visuellement !

Les transpositions scéniques sont très souvent un aveu d'inculture, d'absence d'inspiration ou d'intérêt, une excuse pour ne pas parler du sujet... ici, je suis au contraire impressionné par la justesse de la conception de Scozzi. Ces Indes de Rameau, qui paraissent si conventionnelles aujourd'hui avec leur exotisme stéréotypé et confit, sont remplacées par nos propres stéréotypes, non plus ceux de la littérature à la mode, mais ceux qu'on trouverait dans un cycle d'info de 24h : naufrage d'Européens sur des rivages lointains, affrontements mafieux en Amérique Latine, paradoxes de la condition féminine en Iran (naviguant entre théorie oppressive, réalité plus libre, et tout de même des exactions spectaculaires qui font les unes internationales), et surtout la savoureuse entrée des Sauvages, décrivant à la fois l'étrangeté de la société de consommation... et le retour à l'état de nature après la crise.

Je doute, tout pertinent que ce puisse être, que cela ait pu fonctionner si le trait avait été lourdement didactique ou téléologique ; mais bien loin d'épiloguer sur sa substitution (intéressante pourtant), Laura Scozzi brille surtout par ses talents de chorégraphe... les tableaux se succèdent au fil de pantomimes d'un esprit épigrammatique assez irrésistible, dans le goût de la Guerre des Sexes du dernier acte de Platée chez Pelly-Minkowski, dont elle avait elle-même réglé les chorégraphies.

Ce n'est pas beau visuellement, on peut considérer le résultat trop invasif sur la musique, ou exagérément éloigné du propos d'origine (plus allégorique et esthétisant que démonstratif et prosaïque), mais il est difficile de ne pas être impressionné par ce que le spectacle révèle d'intelligence, à tous les sens du terme.

La vidéo reste visible sur CultureBox : http://culturebox.francetvinfo.fr/les-indes-galantes-de-rameau-a-lopera-national-de-bordeaux-148215 .

Wyschnegradsky gratuit

Vendredi prochain, à 19h, à la salle d'orgue du Conservatoire Supérieur de Paris (à côté de la Cité de la Musique), vous pourrez entendre un concert gratuit dédié à Wyschnegradsky, à l'issue des deux journées d'étude (également ouvertes au public, mais en journée).

Méditation sur deux thèmes de la Journée de l'Existence pour violoncelle et piano.

Trio à cordes Op.53 (commenté en détail pendant les journées d'étude).

Étude pour les mouvements rotatoires Op.45a, pour quatre pianos.

Plus de détails ici : http://www.ivan-wyschnegradsky.fr/fr/actualites/ .

Les amateurs de surprenant et de bizarre seront à la fête avec cette figure puissamment originale de la création musicale au XXe siècle, rarissimement enregistré, alors donné en concert... !

samedi 15 mars 2014

Berlioz – Symphonie Fantastique – Lamoureux, Markevitch

Exactement comme pour sa Damnation de Faust – probablement le disque où le chef met en évidence la logique profonde de chaque détail d'articulation et d'orchestration, où tout devient miraculeusement évident et insolent, là où l'on n'entend d'ordinaire qu'une belle globalité –, Markevitch exalte chaque élément de la partition, on entend la plume crisser sur le papier, on sent croître en nous la force de l'intuition géniale qui a guidé le compositeur en remplissant chaque portée.

Ça a l'air de mots, dit comme ça, mais beaucoup d'auditeurs de ces disques conviennent que ça s'entend.

Les spectaculaires deux derniers mouvements ne sont pas les plus réussis de la discographie pléthorique, en revanche les trois premiers, plus délicats (et surtout la Scène aux champs, tellement étirée et répétitive, rarement aimée des mélomanes), sont portés au plus haut niveau d'intelligence. Il faut entendre le parcours hallucinatoire de la Valse, au fil des effets de l'opium : la mélodie est d'abord jouée legato, égale, floue, en dehors du temps (loin des démarches inégales et éméchées, très intéressantes d'ailleurs, que certains chefs ont essayé), avant qu'émerge de la brume une sorte de frénésie qui se met à « battre la mayonnaise » avec emportement, faisant résonner l'armature des trois temps jusqu'à l'absurde. Les tempes bourdonnent.

Difficile de respecter plus exactement le programme tout en faisant de la meilleure musique.

Pour ceux qui ne l'ont pas sous la main :

http://www.musicme.com/Igor-Markevitch/albums/Berlioz:-Symphonie-Fantastique-Op.14-8888880002444.html?play=02

mercredi 5 mars 2014

Mahler – Symphonie n°8 – Gürzenich, Stenz

Cette Huitième offre à Stenz l'occasion de faire valoir ses meilleures qualités de structure et d'énergie : aucun affaissement de tension, tout fait sens sans effort, dans une belle poussée logique.

Entre les abîmes de Conlon et les faîtes de Stenz, le Gürzenich s'est complètement transfiguré en l'espace d'un lustre.

Et puis le plaisir de retrouver Orla Boylan chez les sopranos.

Mahler – Symphonie n°1 – OP Slovaquie, Košler

J'en espérais une lecture dansante et lumineuse, et de fait, les limites des musiciens et des instruments utilisés sont totalement transcendées par un beau sens de la tension et du rebond, dans une lecture très cursive, pas trop typée Mitteleuropa (rien du pittoresque d'Ančerl par exemple), mais qui en manifeste la culture, en chantant avec naturel et déhanché.

Version : Slovenská Filharmónia, Zdeněk Košler (Naxos).

Mahler – Symphonie n°1 – Wien SO, Luisi

Les timbres des Wiener Symphoniker ne sont pas proverbiaux (grisaille...), mais pour une fois, leur engagement est remarquable, grâce à Luisi probablement. Paru chez le label de la phalange.

Mahler – Des Knaben Wunderhorn – Oelze, Volle, Güzenich, Stenz

Étrange volet : toutes les symphonies sont réussies, mais ici, Stenz, à l'opposé de sa manière habituelle (pas que dans Mahler), semble privilégier les effets d'orchestration sur le discours (il est vrai moins structuré, lieder obligent).

Christiane Oelze et Michael Volle sont bien sûr superbes, mais soudain, on entend une voix qui murmure dans le micro avec le potentiomètre à fond... c'est Oelze qui chante Urlicht. Le déséquilibre de mixage avec les autres pistes patent, on dirait un équilibre de pop, avec la voix très en avant et intégrée au fond sonore. Au demeurant, le résultat est assez beau (sans doute moins convaincant en salle pour des raisons évidentes de projection).

Cycle complet (moins un). À ce jour, le seul cycle absolument intégral est celui de Chailly, me semble-t-il (quinze titres). Abbado et Boulez le sont presque.

Mahler – Symphonie n°2 – Gürzenich, Stenz

Au sein de cette intégrale extraordinaire (parue chez Oehms), la Deuxième n'est pas le meilleur maillon : ses articulations sont tellement « carrées » et évidentes qu'elles en deviennent prévisibles. Néanmoins une très belle réalisation à tout point de vue. Très bel Urlicht qui ne priviligie pas la platisque (Michaela Schuster est surtout une superbe diseuse à la voix mûre), crescendo de percutions comme infini, et une tenue d'ensemble, un respect scrupuleux des changements de tempo indiqués sur la partition...

jeudi 27 février 2014

Transposer pour dire moins

Il arrive fréquemment que les transpositions scéniques diminuent le propos de la pièce originale, parce que les références littérales se perdent dans les sables d'un nouveau système symbolique.

Mais il est aussi possible, en réussissant sa transposition, de changer un propos audacieux en... autre chose.

En revoyant des extraits du Così fan tutte de Calixto Bieito, je me faisais cette remarque. Je ne suis pas pleinement convaincu par la direction d'acteurs et par nombre de détails, mais le déplacement dans les relations libres du Flower Power paraît cohérente avec le récit de la pièce.

Seulement : le milieu de départ des sœurs n'est absolument pas libéral ; en le transposant, on fait d'une histoire subversive sur l'impossibilité de la fidélité (et les conséquences dévastatrices de liens possessifs et exclusifs) une histoire qui montre au contraire les déboires de hippies qui se croient libres mais ressentent de la jalousie. Au lieu de critiquer la société, on critique les marginaux.
Pour un metteur en scène présenté comme sulfureux, ça fait désordre à force de faire petit-bourgeois.

C'est l'un des effets secondaires possibles de la transposition : sauf à être totalement maîtrisée et motivée par la nécessité de montrer un aspect précis de la pièce, on convoque des références exogènes et contradictoires dont on maîtrise mal les implications.

[Par ailleurs, j'apprécie d'autres lectures de Bieito, par exemple son Wozzeck asservi par le travail, très probant.]

Hjalmar Borgstrøm – le manuscrit autographe de Thora på Rimol

Après des années à l'espérer, j'ai enfin mis sur la main sur l'autographe de Thora på Rimol de Hjalmar Borgstrøm !

L'Ouverture est encore mieux écrite que je croyais, vraiment originale, remarquablement orchestrée (pas mal de points communs avec Sibelius), beaucoup de belles appoggiatures, d'appuis pas tout à fait sûrs, de ternaire qui surgit... Une multitude de petits procédés pour donner de l'élan en fin de mesure (triolets...) ou de la tension aux débuts (par l'orchestration ou l'harmonie).

À défaut de programmer l'opéra, somptueux, il faudrait au moins jouer cette pièce en concert, largement du niveau des ouvertures d'Oberon ou d'Euryanthe...

...

Plus loin, tandis que la mezzo descend au fa#2, l'accompagnement se limite à un tapis (thématique) de cor anglais, clarinette, deux bassons et harpe !

Après les grands éclairs qui accompagnent les craintes de Karker, voilà le grand récit de baryton parcouru de leitmotive enivrants... on n'avait rien écrit de tel depuis le monologue du Fliegende Holländer.

Le disque, lui, se trouve – et pour ne rien gâcher, il est merveilleusement interprété et capté.

Beethoven - Leonore Prohaska WoO 96

Bien que ce soit surtout sa marche funèbre qui soit donnée quelquefois, il faut écouter la musique de scène complète (quatre numéros), qui contient quelques moments étranges et délicieux, comme cette délicate monodie de soprane avec harpe, ou ce mélodrame avec harmonica de verre.

Là aussi, ça ne se trouve, semble-t-il, que dans l'intégrale Beethoven de Deutsche Grammophon.

Beethoven – König Stephan, Op.117... mélodrames inclus

Dans l'intégrale Beethoven de Deutsche Grammophon, le cinquième volume de la musique de scène contient une version complète. Dommage que Dietrich Fischer-Dieskau lise le bottin en susurrant dans le micro, mais au moins on dispose de la musique (et du texte).

Étrange qu'on ne la joue pas davantage, au moins par extraits, elle est tellement plus intéressante que celles des Créatures de Prométhée ou d'Egmont, plus souvent enregistrées (et même quelquefois donnée en concert, pour la seconde).

Beethoven – König Stephan, Op.117

Cette belle musique de scène n'a jamais été enregistrée intégralement, à ce qu'il semble. La seule captation un peu ambitieuse que j'aie trouvée est celle de Michael Tilson-Thomas avec le LSO (chez BMG), qui contient tout... à l'exception de deux sections de mélodrame (dont une très longue et particulièrement riche orchestralement).

Il faut néanmoins la découvrir : ouverture sympathique, marche turque assez spectaculaire... mais surtout la mystérieuse et extatique Geistlischer Marsch pour quatuor d'orchestre, dans le même esprit que la Canzona di ringraziamento offerta alla Divinità da un guarito du Quinzième Quatuor.

Et le disque contient de très beaux compléments particulièrement rares : la très belle introduction de l'Elegischer Gesang, Opferlied qui évoque étrangement « Per pietà » de Così fan tutte, le joyeux Bundeslied et Meerestille und glücklische Fahrt, dans le goût de la Fantaisie Chorale et de la Neuvième Symphonie.

En attendant de mettre la main sur une version réellement intégrale de la musique de scène ; c'est du Beethoven de maturité, il y a bien un pékin qui a enregistré ça...

samedi 8 février 2014

Schubert - WINTERREISE - Güra, Berner


Christoph Berner s'y trouve plus habité que dans ses autres enregistrements et concerts, plutôt compassés (lieder de Wolf en concert, ensembles liederistiques de Schubert au disque et en concert...). Werner Güra aussi paraît assez motivé par l'ascension du monument, multipliant les accents expressifs sur les mots importants ; pourtant sa lecture reste extrêmement lissée et traditionnelle. C'est impeccable, mais pas vraiment bouleversant ; de plus, en vrai, la voix sonne très charpentée et opératique, et au disque on entend l'aigu perdre en timbre au lieu de s'alléger élégamment.

Paru chez Harmonia Mundi en 2009. Très bon disque, tout à fait dispensable dans le cadre de la discographie.

Schubert – WINTERREISE – Hynninen, Gothóni (I)


Dans un style très similaire au DVD réalisé cinq ans plus tard, le disque Ondine de 1988 révèle les mêmes étranges qualités. Jorma Hynninen ne s'appuie pas tellement sur les consonnes, sur les couleurs des voyelles ou sur l'accentuation pour être expressif, tout coule d'un flux assez égal, sur une voix sombre et lassée, légèrement soufflée (mais jamais détimbrée)... et pourtant, l'intensité vocale rend toujours le sens extrêmement présent. C'est, même, de ce point de vue, l'une des versions les plus habitées de la discographie.

De mon point de vue, peut-être le disque du Winterreise le plus également réussi dans chaque lied, avec une profondeur de sentiment pénétrante et pas loin d'être abyssale.

Cela s'appuie sur l'accompagnement de Ralf Gothóni, pas aussi déterminant que dans leur Meunière, mais parfaitement maîtrisé et tout à fait éloquent, jusque dans la sobriété extrême des derniers lieder.

samedi 25 janvier 2014

[Pleyel] Pierrot Lunaire (Sukowa), Salome & Don Juan de R. Strauss (M. Franck, OPRF)

Dans une salle spectaculairement vide (quinze personnes au second balcon, et le reste n'était pas plein du tout non plus), énormément de satisfactions :

Pierrot Lunaire dans une esthétique déclamatoire : Barbara Sukowa est spécialiste du mélodrame et du sprechgesang (actrice de métier, même si elle dispose manifestement de solides références en chant), et sa voix légèrement rauque (ouvertement sonorisée dans la salle, mais sans excès) fait merveille dans les mouvements expressifs insolites de Pierrot. Elle réussit à redonner à cette partition étrange le naturel de la parole, tout en assurant une véritable variété de timbres, de couleurs et d'inflexions – d'autant plus difficile qu'un ambitus parlé est généralement plus restreint, ce qui n'est de toute évidence pas son cas !
Disque DeGaetani excepté, je n'ai jamais retiré de telles satisfactions de l'œuvre (au demeurant une petite merveille d'étrangeté).

¶ Du Richard Strauss par un orchestre qui se surpasse toujours dans les pages d'un lyrisme intense (chez les Russes notamment).

Superbe de bout en bout !

jeudi 23 janvier 2014

Brahms – Chœurs symphoniques et Symphonie n°2 – Blomstedt (Pleyel)

Les Chœurs de l'Orchestre de Paris superbes comme d'habitude, même si l'écriture très homogène noie un peu le détail du texte (ce n'est pas vraiment leur faute !).

Quant à Brahms, on a beau dire, mais les symphonies de Schumann, c'est autrement mieux orchestré que la mélasse des trois premières de Brahms... quelle mélasse, tout de même. Et les alternances vents / cordes, dans le genre systématique. Autant j'adore au disque, autant en salle, il n'y a guère que la Quatrième, de tout le Brahms symphonique, qui m'ait convaincu.

Sinon, j'ai enfin entendu l'Orchestre de Paris pas très discipliné, tel qu'on me l'avait décrit ! Peut-être parce que je ne l'avais entendu qu'avec de très grands chefs (Metzmacher, Billy, P. Järvi, K. Järvi), mais d'ordinaire, engagement et plasticité sont de mise. Cette fois, j'ai davantage entendu la disparité des attaques, ou la paresse métronomique (Blomstedt n'étant pas à dédouaner) de traits bien réguliers, même pas phrasés. Enfin, davantage que d'habitude, parce que c'était bien quand même.

mercredi 22 janvier 2014

Léo DELIBES – Lakmé – Roth, Baur, Devieilhe (Opéra-Comique 2014)

Représentation du 20 janvier (dernière).

Pendant une semaine, tout le monde semblait en extase dans la presse et chez les spectateurs. À juste titre.

Plateau remarquable :
¶ du côté de Lakmé : Sabine Devieilhe, timbre tès nettement focalisé, avec des couleurs à la Gillet ; vocalisation sobre, très raffinée, maîtrisant le vibrato ; médium qui reste dense malgré sa luminosité ;
¶ de Gérald : Frédéric Antoun, dont la voix s'élargit au fil de la représentation, avec ses aigus tous délicieusement mêlés du son [ou] ;
¶ de Frédéric : Jean-Sébastien Bou, mordant, esprit, éloquence, tout y est pour l'un des plus beaux rôles de tout le répertoire ;
¶ des fiancées : Marion Tassou (Ellen) et Roxane Chalard (Rose), nettement articulées et pleines de fraîcheur, sans aigreletteries.

Confier Mistress Bentson à l'immense Hanna Schaer était un contre-sens : elle reste souveraine dans des répertoires difficiles et dans le lied, mais l'abattage comique et les poitrinés ne sont pas spécialités, si bien que le rôle occulte ses qualités.

Et je n'ai pas aimé (comme d'habitude) Élodie Méchain : je trouvais que la voix était très engorgée, épaisse, opaque et mal articulée (ce qui est assez rédhibitoire pour moi, surtout dans le répertoire qui est le sien), mais elle a de plus mal vieilli. Cela bouge beaucoup, on dirait une voix qui a quarante ans de carrière, alors qu'elle doit être dans sa trentaine (d'années de vie, pas de carrière !). Rien de déshonorant non plus, mais à l'aune de la réputation flatteuse qui la précède partout, je suis frustré de ne pas entendre ce que les autres lui reconnaissent.

Grâce à Accentus, je n'avais jamais entendu les chœurs (à l'occasion complexes, mais rarement raffinés) de Lakmé chantés avec autant de netté et de clarté. Comme d'habitude avec eux (oratorio,opéra,motets, encore opéra...).

Orchestralement, les instruments d'époque des Siècles et la disposition circulaire (pour recréer l'orchestre de dos, face à la scène, tel qu'on le pratiquait au XIXe siècle) permettaient d'obtenir de très beaux équilibres. Les timbres en eux-mêmes sont assez rêches, mais cela empêche le fondu et le legato, ce qui est un atout pour la transparence (et un rempart assez puissant contre la sirupification). Autre avantage : présence sonore très discrète qui permet d'entendre les chanteurs sans effort, et donc pour eux de soigner la diction plutôt que de renforcer leur métal.
Surtout, François-Xavier Roth se montre un grand chef, attentif aux détails de phrasés très délicats, à l'opposé des formules mécaniques d'accompagnement qu'on peut entendre chez les spécialistes du belcanto qui jouent cette œuvre.

Visuellement, Lilo Baur parvient, tout en restant parfaitement traditionnel, à éviter l'abus de couleur locale et l'immobilité. Le talus du I oblige les chanteurs à se déhancher un peu... et le très beau saule exotique du III, dans les lumières changeantes et poétiques de Gilles Gentner, compense en atmosphère ce que le (bon) livret de Gondinet et Gille peut avoir de distendu – car si la matière en est stimulante, la temporalité en est souvent paresseuse.

La partition elle-même est un enchantement, on y entend de jolis motifs récurrents (pas de véritables leitmotive), la préfiguration des tuilages obsédants du marché de l'Aladdin de Nielsen, et surtout de très belles harmonies : très souvent, Delibes remplace l'accord principal attendu par un accord proche (deux notes en commun sur les trois). Par exemple un fa mineur ou un ut mineur à la place d'un la bémol majeur dans « Fantaisie aux divins mensonges », ce qui procure de petits contrastes d'éclairage, sans rien de spectaculaire, mais instinctivement sensibles. Il y a quelque temps déjà que je comptais en exposer le détail, ce sera fait à l'occasion.

samedi 18 janvier 2014

Reynaldo HAHN – La Colombe de Bouddha

(Temple du Luxembourg, mercredi 15 janvier.)

Très belle partition aux harmonies raffinées (on y entend généreusement des orientalismes debussysants), un plateau très investi (avec en particulier Loiseleur des Longchamps excellent dans le registre rêveur, et Jérôme Varnier toujours aussi magnétique). Par-dessus tout, l'accompagnement au piano de Paul Montag ne donne même pas envie d'entendre la version orchestrée !

Enregistrement en cours et démarchage amorcé pour faire monter la pièce en version scénique. Si certains se sentent une âme de mécène...

Mozart - Missa Solemnis en ut mineur K.139

Bien que n'ayant jamais jamais été particulièrement ébloui par la grande Messe en ut mineur ou les Vêpres solennelles pour un confesseur, je découvre (ou du moins je n'avais jamais remarqué) avec enchantement la Missa Solemnis, également en ut mineur, K.139. C'est donc une œuvre de jeunesse, à une époque de la vie de Mozart où les pièces de haute volée ne sont pas encore très fréquentes.

Et pourtant, quelle animation remarquable ! On retrouve les mêmes qualités d'orchestration que dans les symphonies, avec les entrées des vents par touches, toujours au bon endroit pour renforcer un effet, et puis une certaine liberté rythmique pour l'époque. Pour un résultat qui peut se comparer à l'ardeur de la 25e Symphonie (en beaucoup plus optimiste) – car bien que présentée comme ut mineur, l'essentiel de la messe est en franc majeur.

Version recommandée :
Nikolaus Harnoncourt, Concentus Musicus Wien, Arnold Schönberg Chor (Teldec).
Solistes : Barbara Bonney, Jadwiga Rappé, Josef Protschka, Håkan Hagegård.
Malgré des zones de flou dans le spectre, version qui échappe à la mollesse vaguement monumentale de beaucoup d'autres versions (même avec des gens informés comme Creed).

mercredi 15 janvier 2014

Frederic RZEWSKI – The Turtle and the Crane

Ici au contraire, les ostinati furibonds, sur une seule note ou de petits groupes, et sur de longues périodes, exaltent un minimalisme beaucoup plus formel qu'évocateur, évoquant davantage les expériences extrêmes de Terry Riley. Très différent de la versatilité extrême de son célèbre et monumental cycle de variations sur El pueblo unido jamás será vencido.

Version :
Toujours Christina Petrowska chez Centrediscs.

Le reste du disque contient notamment les Études 4 « Fanfares » et 5 « Arc-en-ciel » du Premire Livre de Ligeti et Les Yeux Clos de Takemitsu, ainsi qu'une superbe Rhapsodie sur un thème de Brahms, semi-romantique, de Peter Paul Koprowski.

Ann SOUTHAM – Rivers, Book 3: No.8

Southam est davantage renommée pour ses collaborations électro-acoustiques pour le ballet que pour ses œuvres pour piano, et pourtant...

Un mouvement perpétuel fascinant, imitant explicitement les flux cycliques de l'eau vive. Quoique pas du tout friand de minimalisme, il est difficile de ne pas se sentir emporté.

(En revanche, petit conseil, n'écoutez pas plus d'une pièce du cycle des River Sets à la fois, sinon vous risquez d'entendre des carillons rémanents pendant quelques heures après la prise.)

Version :
Tiré du même disque de Christina Petrowska-Quilico chez Centrediscs. (Qui a également gravé une vaste anthologie des Rivers Sets chez le même éditeur, dans une prise de son plus rudimentaire.)

Steven GELLMAN – Fantaisie sur un thème de Robert Schumann

Une œuvre pas mal faite, mais il est impossible d'identifier le thème, alors que je crois avoir écouté ou lu (régulièrement, en plus !) à peu près tout ce que que Schumann a publié. Quand je dis que l'intelligibilité est l'enjeu majeur pour les compositeurs d'aujourd'hui... si les pauvres types qui écoutent la musique en masse et la pratiquent régulièrement ne parviennent pas à suivre, alors celui qui a simplement envie d'écouter ponctuellement... je lui conseille clairement de mettre un disque de Mozart. C'est plus facile et ça fait plus plaisir.
Difficile de demander aux gens de faire plus d'efforts pour en retirer moins de satisfactions que d'autres répertoires de qualité au moins égale, désormais libres de droits, accessibles partout, et immédiatement rétributifs.

Version :
Tiré d'un formidable disque de piano « second vingtième » par Christina Petrowska, paru chez Centrediscs (même pas disponible chez Amazon, il faut aller chez Classicsonline ou sur le site de l'éditeur).

Un programme Gellman / Ligeti / Takemitsu / Southam / Rzewski / Koprowski, dans le même esprit que le fameux disque Webern / Wolpe / Messiaen / Takemitsu / Knussen / Lieberson / Wuorinen du grand Peter Serkin (le fils, bien plus intéressant, du pianiste célèbre). À ceci près que le voyage de Serkin se situait dans des terres plus ascétiques et méditatives, tandis qu'ici Petrowska nous emmène dans des contrées dominées par différentes expressions rattachables au minimalisme.

mercredi 8 janvier 2014

VERESS Sándor - Trio avec piano « Tre Quadri »


Un des maîtres de Kurtág, de moins de vingt ans son aîné, contemporain de Chostakovitch. Il ne doit pas être pour rien dans la transmission d'un goût commun pour le folklore ; sont surtout célèbres des œuvres pour vents, assez légères, presque néo-classiques par certains aspects.

Ce Trio avec piano va beaucoup plus loin, avec un certain bonheur : les relations harmoniques sont assez limpides, et cela semble écrit dans une tonalité simple... mais surchargée de babillages et de notes étrangères, mouvante, émettant comme une sombre lumière. Une forme de gaîté un peu sophistiquée, très plaisante.

Il illustre (de façon plus distante que figurative) trois tableaux emblématiques : Gellée, Poussin, Brueghel.

Version :
Trio Absolut, chez le label Musiques Suisses.
Couplages tout aussi rarissimes avec le Trio n°2 de Volkmar Andreae (surtout célèbre pour ses Bruckner très vifs), dans un langage postromantique assez traditionnel, et 6 Miniatures de Raffaele d'Alessandro.

samedi 28 décembre 2013

Lignes

En relisant mon Beethoven, je me rends compte à quel point les bassons ont des parties invraisemblables, de vrais solos mélodiques, des contrechants extraordinaires, ou des rôles déterminants dans la texture, les entrées... C'est un phénomène qui a sa célébrité chez les bassonistes, il me semble (Rameau les émancipe de la basse continue et Beethoven les traite comme des solistes), mais quand on écoute toutes les symphonies de Beethoven à la suite après avoir plutôt baigné pendant quelques semaines dans Mendelssohn, Brahms, Mahler et leurs contemporains... la part très particulière donnée à ce pupitre en général plutôt utilitaire (repère de basse pour les bois) apparaît comme une évidence.

mercredi 25 décembre 2013

Prokofiev - Eugène Onéguine


À l'occasion du centenaire de la mort de Pouchkine, Prokofiev écrit, en 1936, trois musiques de scène, dont une pour Boris Godounov, une autre pour l'adaptation le film Romm d'après La Dame de Pique... et celle de cet Eugène Onéguine destiné à une adaptation théâtrale. C'est une suite étrange de scènes très différentes, où l'on trouve deux chansons en français, un chœur en russe, deux pièces pour clavecin, une longue valse pour piano (sept minutes et demie) précédant leur rencontre à Pétersbourg...

Le langage en est sensiblement plus lisse et purement romantique que le Prokofiev habituel : les couleurs sont les mêmes, mais dans une tonalité plus traditionnelle, les audaces harmoniques et les mélodies déceptives étant réduites à l'état d'allusions, et plus comme base de son langage, alors que l'œuvre est contemporaine de Roméo & Juliette et Pierre & le loup.

Parmi les points forts, un très beau thème qui sera repris dans Guerre & Paix (attaché au printemps et à l'amour d'Andreï), mais qui, pris dans la suite d'orchestre continue et non dans la durée scénique, paraît réutilisé jusqu'à la corde. Sinon, le début, avec l'entrée progressive des bois à nu, est réellement très beau.

Une curiosité plaisante.

Version : suite arrangée par Edward Downes, dirigée par Mikaïl Jurowski, avec l'Orchestre de la Radio de Berlin (Est). Chez Capriccio.

dimanche 20 octobre 2013

Rameau - Les Surprises de l'Amour - Sébastien d'Hérin


Une nouveauté dont j'attendais peu, mais qui se révèle remarquable.

1) Malgré sa forme (opéra à entrées, donc à peu près sans intrigue), le livret de Gentil-Bernard (le librettiste de Castor & Pollux) parvient à ménager des climats avec une grande célérité, si bien que le peu de mots disponibles est bien exploité.

2) La musique de Rameau est assez bonne, même dans les récitatifs – ce qui n'a jamais été son point fort pourtant, malgré les raffinements harmoniques nouveaux qu'il y dispense.

3) Les grands ensembles spécialistes se sont un peu encroûtés : les Arts Florissants ne jouent quasiment plus de nouveautés depuis dix ans (et disposent désormais d'un son exceptionnel, digne d'un orchestre symphonique), les Musiciens du Louvre ne jouent plus de baroque (et leur son s'est considérablement lissé, témoin leur Alceste récente), les English Baroque Soloists n'apparaissent plus que dans Bach (sinon les musiciens jouent surtout du XIXe, sous le nom d'Orchestre Révolutionnaire et Romantique), d'autres restent fragiles (La Grande Écurie et la Chambre du Roy, Les Talens Lyriques...), et même Harnoncourt a largemnt embourgeoisé ses manières, avec des textures moins acides, des phrasés moins brusques... et la fréquentation majoritaire des grands orchestres symphoniques.
Les ensembles plus récents se caractérisent majoritairement soit par leur sècheresse percussive (pour ceux spécialisés dans le seria, comme Mathéus ou Modo Antiquo), soit par une attitude plus apaisée et lisse (Le Concert d'Astrée, typiquement).

Les Nouveaux Caractères me font retrouver la verdeur des timbres des premiers ensembles baroques, leur personnalité violemment différente, mais avec un niveau de facture instrumentale et de technique individuelle très supérieur. Les avantages des deux périodes, d'une certaine façon. Le petit ensemble (2x4 violons, 3 altos, 3 violoncelles dont un continuiste, 1 contrebasse) n'est pas tout à fait chambriste, mais permet d'oser des couleurs très particulières. Par ailleurs, les souffleurs sont d'un niveau assez exceptionnel, aussi bien flûtes et piccolos que cors, j'en ai rarement entendus d'aussi bien timbrés, maîtrisés et chantants dans ce répertoire.

Je n'ai jamais entendu d'aussi belles danses dans Rameau, c'est à mettre aux côtés (et même au-dessus, me concernant) des Suites de Brüggen et des intégrales de Gardiner. Le sens du mouvement, bien sûr, mais aussi le caractère de chaque danse, et une grâce omniprésente.

4) Vocalement, on dispose des meilleures voix, dictions et styles dans le domaine : Virginie Pochon, Amel Brahim-Djelloul, Anders Dahlin, Jean-Sébastien Bou, Pierre-Yves Pruvot...

mercredi 28 août 2013

Egon WELLESZ - Der Abend Op.4 (1909-1910)

I. Pastorale - II. Angelus - III. Dämmerstunde - IV. Wind auf der Heide

Le sommet de l'œuvre pour piano de Wellez. Il a beaucoup écrit, mais rarement atteint, dans cette simplicité, ce pouvoir d'évocation. Des pièces simples, assez radieuses pour du postromantisme aux teintes décadentes, qui imposent des atmosphères prégnantes.

On pourrait parler d'équivalent des pièces de caractère de Sibelius, dans un goût germanique qui fait moins la part au pittoresque. (Ou le rapprocher des Crépuscules et des Ombres de Schmitt, dans un hypothétique miroir diurne.)

Les autres cycles sont passionnants aussi. A découvrir dans l'intégrale jouée avec clarté et goût par Margarete Babinsky, et captée très confortablement par Capriccio.

Philippe GAUBERT - Mélodies

On navigue entre le Debussy du Faune (la mélodie, pas le poème symphonique), le Ravel des Histoires Naturelles, et des langages « modernes » mais plus stables (Ropartz, Koechlin, Cras...). Sans être absolument neuf, l'ensemble s'inscrit dans le courant des expérimentations de cette époque.

J'aime tout particulièrement les Trois Nouvelles Ballades sur Paul Fort, très colorées et évocatrices. Les Six Poèmes (Baudelaire, Fort, Réginer) sont aussi très beaux, un peu moins originaux, plus confortables et « aquatiques ».

Version : Parution récente, seul Timpani l'a enregistré... et c'est difficilement égalable. Mélanie Boisvert, Lionel Peintre et Alain Jacquon sont des spécialistes du genre depuis longtemps, et il est inutile de prendre du temps à détailler leurs vertus : tout est idéal, la beauté des timbres (piano inclus), la diction exceptionnelle, l'élégance suprême, la maîtrise de tous les aspects de ce style si spécifique...
Il faut l'entendre. (Et même l'acheter, pour que Timpani puisse poursuivre sa contribution exceptionnelle au patrimoine culturel français.)

samedi 24 août 2013

Ponchielli - Poèmes symphoniques et symphonies - Frontalini

Dans son œuvre orchestrale, Ponchielli manifeste les qualités purement musicales déjà sensibles dans son œuvre lyrique ; contrairement à beaucoup de compositeurs italiens du XIXe siècle, sa musique dispose d'une réelle substance, qui peut passer l'épreuve de la « musique pure » sans superficialité, virtuosité ni galanterie.

Il faut distinguer tout particulièrement les deux Sinfonie et la Scena campestre (« Scène champêtre »), où la qualité de l'inspiration mélodique, la variété des climats et la fluidité de construction – malgré les juxtapositions thématiques, cela ne sent pas trop le pot-pourri à la façon des ouvertures d'opéra.

Symphonies extrêmement brèves d'ailleurs : 11 minutes pour la première, 7 pour la seconde. Aussi aphoristique qu'une sinfonia baroque, et cela en un seul mouvement où ne voisinent pas de grands contrastes de tempo.

Référence : Silvano Frontalini dirige le Philharmonique de Minsk (avec un capital sonore sans nul doute meilleur qu'un orchestre italien) sur ce disque Bongiovanni, où figurent également Sulla tomba di Garibaldi, écrit l'année de la mort du héros national, les ouvertures d'I Lituani et d'I promessi sposi, et la Gavotte poudrée (en français dans le texte), orchestration d'une pièce pour piano.

L'ensemble est tout à fait séduisant, mais ces œuvres ayant été reconstituées ou arrangées par le chef, il n'est pas toujours facile de déterminer les qualités d'orchestrations propres à Ponchielli – quoique ce soit fait sans éclat particulier, avec la simplicité caractéristique de l'orchestre italien d'alors.

lundi 19 août 2013

Mendelssohn - A Midsummer Night's Dream - Balanchine

Bien que le matériel sonore de ce ballet change l'ordre de la musique de scène, en omette des numéros et inclue d'autres ouvertures du même compositeur (Athalie, La Belle Mélusine, Première Nuit de Walpurgis, Retour de l'étranger –€ ainsi que des extraits de la Neuvième Symphonie pour cordes), il constitue une mise en contexte très avantageuse de la musique de Mendelssohn.

Je ne manque jamais de sentir ce que sa musique a de frémissant, de mélancolique, en un mot de romantique ; néanmoins aux oreilles de public ayant vécu avec Mahler et Chostakovitch, la naïveté (comparative) du langage de Mendelssohn peut occulter cet aspect. Il se situait pourtant, sans être aussi radical que Berlioz, Chopin ou Schumann, plutôt à la pointe de son époque –€ à mettre du côté des expérimentateurs raisonnables, comme Meyerbeer.

Il se trouve que les disques ne rendent jamais justice aux musiques de scène, même en saupoudrant un peu de texte autour ; et les très rares cas où la pièce est incluse ne sont pas daantage des révélations, il manque la scène. Au passage, je trouve décevant que personne ne semble oser jouer dans leur intégralité les pièces avec la musique de scène. Ce serait à essayer, au moins de temps à autre ; oui, ce serait long et coûterait cher, mais on fait bien d'autres expériences, et sur des concepts rarement aussi éprouvés. Je suis assez persuadé que le public d'aujourd'hui ferait une indigestion, aussi bien en durée qu'en intensité –€ et puis ce sont des musiques de scène qui « actualisaient » les sentiments, mais qui sonnent aujourd'hui, pour beaucoup, comme du passé pour nous. Il n'empêche que j'aimerais avoir l'occasion de le dire moi-même, après expérience.

En ce sens, la proposition du ballet est précieuse ; et le langage assez épuré de la pantomime romantique, chez Balanchine, sied parfaitement au propos. On retrouve ici quelque chose du panache neuf de ces pages (particulièrement pour l'ouverture de 1826, la musique de scène de 1842 en prolongeant très habilement la matière), avec les palpitements électriques des elfes ou le grand maintien d'Obéron –€ particulièrement impressionnant dans la haute stature de Roberto Bolle (captation de la Scala disponible en DVD).

Il se passe ici quelque chose qui, malgré son éloignement de la lettre (la musique de ponctuation ou d'accompagnement n'est pas forcément de la musique de danse ; l'ordre et le contenu bouleversés), me paraît remonétiser les affects présents dans cette musique. Une expérience précieuse, à recommander peut-être encore plus vivement si Mendelssohn paraît lointain et fané.

Version :
Nir Kabaretti, Orchestre et Ballet de La Scala (2007, TDK).
Très belle exécution musicale, très habitée, ce qui est plutôt rare dans l'univers du ballet, et d'un niveau instrumental très supérieurs aux habitudes de la Scala.

mercredi 7 août 2013

Debussy - Le Martyre de saint Sébastien - Sophie Marceau, Simon Rattle

Donné dans un couplage généreux et particulièrement intense (Le Roi des Étoiles de Stravinski et la Cinquième Symphonie de Sibelius), le Philharmonique de Berlin avait proposé, en septembre 2007, une très belle version du Martyre de saint Sébastien, dans des dimensions respectables (soixante minutes de musique, la plupart du texte conservé étant déclamé pendant la musique).

L'œuvre en elle-même est assez bancale, avec ses numéros très fermés, souvent à plusieurs (solistes ou chœurs, si bien que le texte en est peu intelligible) et ses tirades enflammées, à la fois mystiques et très théâtrales –€ ce qui est toujours difficile à conjuguer, à plus forte raison à une époque où les auditoires ne sont plus nécessairement acquis à la cause sacrée.

La bande sonore du concert est audible dans la notule correspondante sur Carnets sur sol.



Certains récitants prennent le parti de l'hystérie façon Jeanne d'Arc (on pourrait presque les qualifier de lecture « critique »), d'autres d'un certain hiératisme, au risque de paraître un peu formel et figé.

Le parti pris de Sophie Marceau me séduit beaucoup, alors même que les acteurs habitués de l'amplification m'ont rarement paru adéquats dans ce genre d'exercice. Elle assume la présence de micros en ne se lançant pas dans une émission théâtrale projetée, mais reste très timbrée et n'abuse pas des murmures ; la posture est celle de la confiance extatique, et c'est sans doute la plus difficile à tenir, car elle réclame une adhésion intellectuelle (même feinte) sans faille de la part du récitant, sous peine de voir se briser l'illusion et de sombrer dans le ridicule de la fausse extase mal jouée. Et je dois dire que cette douce ardeur est réussie avec une assez belle constance et une maîtrise de l'équilibre, jamais emphatique, jamais empesée...

Dans le détail, on remarque la précision apportée au débit, pour que chaque syllabe sonne, ainsi que la perfection (rare) des consonnes.

Il est probable aussi que, bien que s'exprimant devant un public germanophone (trois soirs successifs à la Philharmonie de Berlin), elle avait beaucoup plus travaillé son texte que la moyenne des récitants, qui abusent trop souvent du privilège de conserver un pupitre pour ne pas trop les ouvrir avant la représentation. Le texte fragile de Gabriele D'Annunzio n'autoriserait pas les bafouillages, mais on est au delà de la simple netteté : pour obtenir le juste poids, et le réussir sur le vif devant un vaste public, il est vraisemblable que beaucoup de soin a été apporté à la préparation.

Afin d'éclairer le propos, je précise que je ne suis pas du tout à compter au nombre des inconditionnels de Sophie Marceau, dont j'ai trop peu fréquenté le legs pour avancer un jugement raisonné. En l'occurrence en tout cas, elle tient son rang mythologique.

Côté musique, le Philharmonique de Berlin offre évidemment une sûreté et une beauté qui sont au-dessus de tout reproche, et certains frémissements peuvent rappeler ce que Rattle a fait de mieux –€ notamment ses Shéhérazade de Ravel avec Kožená ou son Pelléas de Salzbourg (en 2004, avec Kirchschlager, Keenlyside et van Dam). Le Chœur de la Radio de Berlin offre de fantastiques demi-teintes comme à son habitude, même si l'articulation n'est pas idéale –€ leur spécialité étant davantage l'oratorio et le concert que les répertoires où le texte est réellement mis en avant. Je suis en revanche moins enthousiaste sur la distribution vocale : Susan Gritton, Monica Bacelli (une Mélisande) et Nathalie Stutzmann (une Geneviève) sont peut intelligibles, de style assez peu gracieux, et leur format leur interdit de toute façon les teintes diaphanes et les notes suspendues ou filées. Je n'ai jamais entendu une distribution qui m'emporte très loin, de toute façon, et il est vrai que la musique ne leur offre pas non plus beaucoup d'espace pour l'éloquence pure ; il est d'autant plus précieux que le récitant soit à la hauteur.

Pour ne rien gâcher, une voix de femme sied assez bien à la représentation qu'on peut se faire de Sébastien via l'iconographie, c'est un petit plaisir supplémentaire.

Merci à Xavier d'avoir attiré l'attention sur cette bande !


Beethoven - Symphonie n°1 - LPO, Tennstedt

Expérience quasiment hallucinatoire : quoique cette symphonie outrepasse déjà de beaucoup Haydn, Tennstedt y déploie la même densité de motifs, la même tension implacable qu'on entend habituellement dans la Cinquième. L'orchestre n'est pas particulièrement apprêté au niveau des timbres, mais pour l'énergie et la construction, personne ne peut lui disputer la palme.

Étrangement, la Cinquième couplée sur le même disque (BBC Legends) est moins singulière, presque mesurée en comparaison.

samedi 3 août 2013

Mozart - Symphonies 35 & 36 - Mackerras, Scottish Chamber Orchestra

Si un chef a su s'intéresser aux découvertes musicologiques et s'adapter aux évolutions esthétiques de son temps, c'est bien Mackerras.

Quel chemin parcouru depuis ses (horribles) Mozart avec le Philharmonique de Londres (EMI), d'un fondu extrême, aux articulations molles, et très loin de la qualité de phrasé de Menuhin, de l'autorité de Böhm ou même des qualités décoratives du Karajan de maturité !

Ce bouquet de symphonies a assez exactement les mêmes saveurs que son intégrale avec l'Orchestre de Chambre de Prague (dans les deux cas, orchestre moderne avec cuivres anciens qui apportent un chaleur et un tranchant très particuliers) –€ je la considère comme la plus belle intégrale, et c'est à peu près valable symphonie par symphonie : de la vivacité, de l'incisivité, mais aussi une qualité de sostenuto qui permet de ne pas affaiblir les mouvements lents (le problème avec les archets anciens et les boyaux), et surtout quelque chose de difficile à isoler qu'on appelle la grâce.

Dans cette anthologie avec l'Orchestre de Chambre d'Écosse, le ton est sans doute plus extraverti, en particulier à cause de cuivres un peu plus massifs mais aussi plus fruités, plus insolents... les mouvements extrêmes y gagnent une forme de jubilation non plus primesautière comme avec Prague, mais plutôt triomphante.

Pour ne rien gâter, c'est un type de lecture susceptible de ravir à peu près tout le monde.

Paru chez Linn, en ensembles doubles (deux CDs pour les 29, 31, 32, 35, 36 et 34, sauf le dernier mouvement ; deux CDs pour les 38 à 41).

Mozart - Symphonie n°34 - Jaap ter Linden, Mozart Akademie Amsterdam

Après avoir entendu tant de mal sur cette version intégrale des symphonies chez Brilliant, je suis forcé d'admettre que mon préjugé favorable était on ne peut plus fondé : une lecture sur instruments anciens prodigue en vivacité et en couleurs. Bien sûr, si l'on aime le Mozart ample ou les lectures extrêmes, il ne faut pas chercher de ce côté-là ; mais Jaap ter Linden ne pâlit pas, loin s'en faut, de la comparaison avec Pinnock, Hogwood ou Koopman.

(Paru chez Brilliant Classics.)

jeudi 1 août 2013

Henryk GÓRECKI - Amen Op.35 - M. Brewer

Sorte de cri extatique dont la répétition amène toujours de nouvelles moirures, un véritable moment de grâce –€ que je place tout à fait au sommet de l'œuvre de G€órecki, pas forcément prodigue en la matière.

Et faire six minutes aussi tendues sur les deux syllabes d'un même mot, et sans user de tuilages contrapuntiques, quel tour de force !

Version : Great Britain National Youth Choir, Mike Brewer (chez Delphian). On entend un peu de souffle sur les timbres, et les couleurs sont assez pâles.

J'ai donc réécouté la version de référence : Chicago Lyric Opera Chorus, Chicago Symphony Chorus, John Nelson (chez Nonesuch). Les voix sont peut-être un peu rugueuses (choeur d'opéra...), mais finalement très congruente avec l'esthétique massive de G€órecki, et la réverbération d'une vaste nef valorise très joliment le caractère fervent de ces pièces. Couplé avec le Miserere (aussi nu et répétitif que du vrai plain-chant), Euntes ibant et flebant, et plusieurs chœurs polonais d'inspiration traditionnelle.

mardi 23 avril 2013

Bruckner - Symphonie n°2 - Rögner

Contrairement à ce qu'on se dit quelquefois, les prises de son Eterna / Berlin Classics ne sont pas forcément suffisantes pour électriser. De même que pour les Beethoven et Bruckner de Herbig (chef admirable par ailleurs), très pondérés, cette messe semi-grégorienne avec la Radio de Berlin Est (Rundfunk Sinfonieorchester, Rundfunkchor) souffre un peu de voix féminines vraiment trémulantes, presque flétries. Cela sonne un peu épais pour le répertoire, la malgré la prise de son très flatteuse.

Ce choeur fantastique semblait ou peu adapté, ou en méforme.

Version très écoutable au demeurant, mais un peu hors-style, eu égard à ses sources d'inspiration.

Beethoven - Quatuors 12,14,15,16 - Brentano SQ

Aeon vient de publier deux volumes interprétés par le Quatuor Brentano. Le résultat est très impressionnant et s'impose comme majeur dans une discographie pourtant très concurrentielle.

Sans être pourtant signalés comme "baroqueux" ou jouant sur instruments d'époque (et effectivement, on entend bien que ce ne sont pas des boyaux), les Brentano font le choix d'un vibrato très parcimonieux, et d'un tranchant exceptionnel. La netteté du trait, la clarté du discours, l'intensité des affects impressionnent. Ils disposent en plus d'une superbe maîtrise du cantabile, si bien qu'ils semblent additionner les vertus des meilleures versions de chaque type. Et pourtant, malgré le niveau technique ahurissant (je ne suis pas sûr d'avoir déjà entendu autant de sûreté instrumentale chez un quatuor), on n'entend pas les interprètes en premier, mais bien l'oeuvre, sans effets ni originalités ostentatoires.

A mettre dans la même famille que le Quatorzième de Schubert par les Jerusalem (ou, dans un genre plus audacieux, par les Voce).

Gluck - Don Juan

Peu de ballets (en tout cas non vocaux) de l'ère classique sont publiés, et, qu'on inclue les ballets d'opéra ou non, Don Juan de Gluck règne sur le répertoire diffusé à ce jour. [J'en profite, je vais prochainement médire de Gluck.]

Une hauteur d'inspiration (mélodique comme dansatoire) rare dans ce répertoire, et une qualité musicale autonome qui ne néglige pas pour autant la dimension épique du sujet - même si le terme est impropre, l'auditeur d'aujourd'hui ne peut manquer de le ressentir !

Version : Gardiner chez Erato clairement, en raison de sa qualité de danse (comme souvent dans ce XVIIIe français), de l'homogénéité de sa pâte, et de la prise de son très agréable, dans de beaux volumes. Ce qu'ont fait Bolton ou Weil reste bien sûr tout à fait valable.

Arnold BAX - Quatuor n°2

Plus sévère et déprimé, en tout cas plus farouche et complexe que le premier ; convaincant lui aussi.

Version : Quatuor Maggini chez Naxos.

C.-M. SCHOENBERG - On My Own (Les Misérables) - Lea Salonga

Cet air donne lieu à énormément de lectures très différentes ; il faut dire que la liberté de changer la partition, dans ce répertoire, ouvre bien des perspectives. Sans parler les types d'émission innombrables qui sont compatibles avec les micros, contrairement aux modes de chant projetés, qui sont moins nombreux. La prise de rôle de Salonga à Broadway (1993), puis à Londres (1996), pourtant jusque là largement spécialisée dans les rôles d'ingénues, marque une rupture dans la conscience du public et des interprètes vis-à-vis d'Eponine.

Jusqu'alors, la norme était plutôt aux Eponine fillettes ou garçonnes, en tout cas timides - à commencer par la créatrice de la version anglaise, Frances Ruffelle. Salonga est la première, du moins parmi les interprètes les plus célèbres, à en proposer une lecture à la fois plus combattive et plus lyrique. On ne se limite plus à la louseuse, le personnage se tourne du côté du désespoir véhément, du pathétique bruyant, quasiment de la révolte.

C'est aussi, d'un point de vue vocal, une interprétation beaucoup plus mainstream, qui ressemble davantage aux standards des chansons pop. Le portrait fonctionne à merveille ici, grâce à un engagement remarquable, et grâce à quelques détails (de petits décalages volontaires, des flexions de rythmes) qui, avec l'effet-loupe des micros, procurent tout le frémissement nécessaire.

Depuis, beaucoup ont suivi cette voie, sans bénéficier toujours de la même générosité - par exemple la plus récente titulaire du West End, Samantha Barks (issue d'un émission télévisée, avec Andrew Lloyd-Webber sur un trône chamarré... un truc anglais). Le problème avec des voix au centre de gravité plus élevé et une pulpe vocale moindre est qu'on peut vite sentir une forme de tension un peu pauvre, voire stéréotypée.

Mozart - Quatuors 14 à 23 - Franz Schubert SQ

Les quatuors classiques sont particulièrement difficiles à réussir : trop d'évidence les aplatit, trop de matière les coule. L'équilibre des parties doit être parfait, et ménager tout de même une subtile imperfection de la gravité, pour conserver suffisamment de relief.

Le Quatuor Franz Schubert a tout cela, et livre un Mozart très stable dans ses rapports timbraux, mais aussi éminemment lyrique du côté du premier violon (pas totalement soliste néanmoins), et avec quelque chose d'un peu bondissant, voire chaloupé, qui exalte la danse et les reliefs qui font la singularité du style Mozart. J'y reviens sans cesse, au point de négliger les autres versions que je découvre au fil du temps.

Une référence, chez Nimbus (son très raisonnablement réverbéré).

Arnold BAX - Quatuor n°1

Ecriture concentrée, assez lyrique, avec des poussées de folklorisme (assez fortement récrit et complexe). Très beau.

Version : Quatuor Maggini, spécialiste de la musique britannique du XXe, chez Naxos. Superbe comme d'habitude.

mardi 19 février 2013

Francis POULENC - Les Animaux Modèles

Plus sophistiqué (et peut-être moins primesautier et séduisant) que les Biches. Je suis frappé par l'harmonie complètement damasienne (1,2,3,4,6,7,8,9 et 10) du dernier numéro de la Suite, le « Repas de midi », exactement la couleur (simple et mélancolique) du début et de la fin de L'Héritière, par exemple.

Versions : Darlington (Timpani), Latham-König (Avie). La première est très recommandable.

Francis POULENC - Les Biches

Un petit bijou, dans la veine naïve de Poulenc, celle de la Sonate pour clarinette et basson... dans une écriture harmonique et rythmique à la fois classique (pour l'essentiel) et enrichie çà et là de choses étranges qui ne peuvent appartenir qu'à une période beaucoup plus tardive, mais sans l'impression de ruptures de ton comme chez Prokofiev ou Chostakovitch.

Dans le même goût, on peut écouter des oeuvres pour petit ensemble de Vincent d'Indy (Suite dans le Style Ancien, Chansons et Danses...), les Danses de Cour de Pierné, celles de l'Henry VIII de Saint-Saëns, voire Cras (Deux Chants Bretons), Koechlin (Chants bretons aussi) ou Le Flem (final de la Première Symphonie)... Très différent des hellénismes de Milhaud (Les Choéphores - 1,2) ou Prodromidès (Les Perses), ou du néo-classicisme formel. Ici, le ton ressortit davantage au pastiche riant (et très roboratif) du premier ballet romantique (ou des chansons folkloriques et danses baroques, dans les autres cas cités). Assez jubilatoire en réalité, qu'on soit ou non habitué au répertoire auquel le clin-d'oeuvre s'adresse.

Version : Denève (Hänssler), excellente (sauf les choeurs pas très nets).

lundi 10 décembre 2012

Arnold BAX - Symphonie n°2

Je n'avais pas gardé la trace d'une symphonie si marquante, plutôt séduit par les dernières.

En réalité, celle-ci est bien plus tourmentée, beaucoup moins debussyste aussi. Des effets de fanfares et d'ostinatos sauvages assez marqués par Stravinski, un superbe mouvement lent, des moments de tensions straussiens, d'autres plutôt russes (sorte de Tchaïkovski modernisé de Boris symphonique). Sa fin étrange évoque même l'univers de Schreker (avec une profondeur de son supérieure).

En tout cas original et très marquant.

Version : Royal Scottish National Orchestra, David Lloyd-Jones (Naxos).

Reynaldo HAHN - Le Rossignol éperdu

Grand cycle en trois parties, aux titres évocateurs. Mais loin d'être une collection de couleurs locales, il s'agit d'une exploration très en profondeur des possibilités du piano, avec une diversité bien supérieure aux cycles de Gabriel Dupont ou Charles Koechlin, par exemple - on se situe davantage dans la variété de moyens et l'étendue d'inspiration des Préludes de Debussy. Un cycle majeur du piano, très rarement donné, et d'une richesse sidérante.

Je tâcherai d'y revenir sur CSS.

Version : Earl Wild (Ivory Classics) - superbe.

Kalivoda / Kalliwoda - Symphonie n°2

Emotions très positives, à rapprocher de la Première (qui n'existe au disque, il me semble, que dans la version pour piano à quatre mains de Czerny, et qui semble encore plus magnifique). La Troisième fait sentir davantage de longueurs, et les tonalités mineures sonnent de façon beaucoup plus grises sous cette plume qui trouve son meilleur épanouissement dans le roboratif.

Version : Die Kölner Akademie, Michael Alexander Willens (CPO). Remarquable version.

Felix WEINGARTNER - Symphonie n°2

Après avoir été un peu déçu à la réécoute de la Première Symphonie (un des premiers disques du jour), je ne suis pas totalement convaincu par cette Deuxième.

De caractère beaucoup plus affirmé et héroïque dans le premier mouvement, mais moins personnel que la pastorale Première, on y entend beaucoup plus de Schumann (et toujours une pointe de Richard Strauss). Le deuxième mouvement, lui, est clairement inspiré des scherzos du jeune Mahler (en particulier celui de la Première Symphonie). Troisième mouvement presque beethovenien, avec un étrange violon très concertant. La douce fanfare (avec ponctuation de timbales) du quatrième mouvement sonne très anglaise.

L'impression générale est celle d'une grammaire assez rétro, et d'une esthétique très disparate selon les mouvements. Très bien écrit, agréable, séduisant par moment... mais pas tout à fait probant, en tout cas eu égard à la cohérence et à la qualité de climat (et d'écriture) de la Première.

Version : Orchestre Symphonique de Bâle, Marko Letonja (CPO).

Arnold Bax - Walsinghame (1926)

Beau poème symphonique étale, d'après sir Walter Ralegh, avec très belles couleurs orchestrales, d'un postromantisme debussysé. Comme souvent avec les poèmes symphoniques, ce n'est pas le meilleur de Bax, mais l'oeuvre en elle-même fonctionne assez bien.

Version : Martyn Hill, Lyrone McWhirter ; Royal Philharmonic Orchestra et Brighton Festival Chorus ; direction Vernon Handley (Chandos).

Ludwig SPOHR - Symphonie n°7

Oeuvre assez décorative comme souvent chez Spohr, mais dans une veine plus sérieuse et moins galante qu'à l'accoutumée (musique de chambre, musique concertante...).

Le mouvement lent avec la clarinette concertante est remarquable.

Version : Orchestre Philharmonique d'Etat Slovaque, Alfred Walter (Marco Polo / Naxos).

Arnold BAX - Concerto pour violoncelle et orchestre (1932)

Belle oeuvre, de ton un peu solennel. Une vision bien plus symphonique que concertante ; l'oeuvre coule d'un flux, avec une fusion du soliste plus qu'un dialogue. Ecriture assez peu mélodique - même si cela n'a jamais été le charme premier de Bax, c'est particulièrement sensible dans cette oeuvre très postromantique (sans les effluves debussystes de sa musique de chambre ou de ses symphonies).

Oeuvre valable, mais mineure dans la production du compositeur.

Version : LPO / Bryden Thomson (Chandos).

dimanche 9 décembre 2012

Brahms - Symphonie n°1 pour quatre mains

Comme beaucoup d'oeuvres majeures de Brahms (dont les quatuors et sextuors, dont les sérénades, dont les concertos pour piano, dont le Deutsches Requiem !), il existe une version pour quatre mains de chaque symphonie (et même, en ce qui concerne la Quatrième, une autre version pour deux pianos). Toutes convaincantes, mais celle de la Première est réellement remarquable. On entend vraiment autrement, et peut-être mieux : le son du carillon au début du dernier mouvement se pare d'une réalité spectaculaire...

Version : A écouter par le duo Matthies / Köhn (Naxos), peut-être le meilleur duo pianistique jamais enregistré. Et qui a offert notamment l'intégrale de cette musique pour quatre mains (une vingtaine de volumes au disque).

Antonio Cartellieri - Concerto n°3 pour clarinette et orchestre

De même que pour ses symphonies, Cartellieri fait montre d'une inspiration rare à son époque dans le genre instrumental, sorti de Mozart, Haydn, Salieri et des Wranitzkybrüder. Ce troisième est le plus inspiré de ses quatre concertos pour clarinette (dont un double), et exploite des couleurs qui évoquent furieusement Mozart, sans qu'on puisse relever au demeurant la moindre citation. Juste le charme suprême des oeuvres pour clarinette de Mozart, et beaucoup de trouvailles assez modernes aussi.

Le Premier mérite également le détour, plus simple et lumineux. Le double concerto, quant à lui, évoque davantage Krommer (donc très beau, mais moins vertigineux.

Version : Dieter Klöcker (extraordinaire qualité de timbre et de phrasé sur toute la tessiture), Orchestre de Chambre de Prague (un des meilleurs au monde pour ce répertoire, il suffit d'entendre l'intégrale Mozart de Mackerras), direction Karel Stadtherr. Chez Gold MDG. Existe en séparé, ou sous forme de l'intégrale concertante et chambriste des oeuvres avec bois solos (clarinette et flûte).

Franz Schmidt - Symphonie n°2

Très différente des deux derières, elle est au contraire lumineuse et très optimiste. Elle se situe non pas du côté postwagnérien dépressif des symphonies 3 et 4 (magnifiques par ailleurs), mais affirme plutôt une profusion très straussienne, avec couleurs orchestrales qui évoquent davantage Martinů.

Version : Orchestre Symphonique de Malmö, Vassily Sinaisky (Naxos). Excellente et dans une excellente prise de son.

mercredi 28 novembre 2012

Grétry - Le Magnifique - Ryan Brown, Opéra Lafayette

Opéra comique de bonne facture, livret de Sedaine d'après La Fontaine ; pas le sommet de Grétry, mais écrit avec beaucoup de soin, on ne se limite pas aux formules figées.

Ryan Brown un peu plus vif qu'à l'accoutumée (contrairement au sinistre Déserteur de Monsigny, ravagé par l'indolence...), même si la pièce perd l'essentiel de son intérêt à cause de la suppression de l'ensemble des dialogues.

Plateau masculin de spécialistes : Jeffrey Thompson (parfait en soupirant vindicatif et ridicule), Emiliano Gonzalez-Toro, et très belle découverte du jeune Karim Sulayman, délicieux léger à la belle diction.

dimanche 25 novembre 2012

Debussy - Pelléas & Mélisande - Auberson 1969

Il est extraordinaire d'entendre aussi bien le son du théâtre, prise de son manifestement depuis la salle (archives du théâtre). Un climat formidable se dégage de la soirée, et Eric Tappy y est remarquable (alors que ses nasalités poussives sont très pénibles dans le studio d'Armin Jordan, dix ans plus tard). Avec Erna Spoorenberg et Gérard Souzay. Les bois très français de l'Orchestre de l'Opéra de Genève sont assez stridents et pas très justes, mais l'ensemble dégage une atmosphère très prégnante. Une grande version de Pelléas.

Verdi - La Traviata en allemand

Parmi les séries extraordinaires d'extraits de Berlin Classics par Patané (la plupart avec Dresde !), ce volume est particulièrement précieux, je l'écoute très souvent. Une tension, une beauté sonore, un texte détaillé, une prise de son hallucinante... ce qu'on peut faire de mieux dans un disque. Pitié, vraiment, que Patané n'ait pas enregistré tous ces opéras en intégralité, ce sont tous, au moins orchestralement, des références.

Avec Annelise Rothenberger, Anton de Ridder, Wolfgang Anheisser, Staatskapelle Dresde, Giuseppe Patané. Berlin Classics.

samedi 10 novembre 2012

Santiago de Murcia - Suites de danses pour guitare baroque

A mon avis le plus beau du corpus écrit pour l'instrument. Dansant, primesautier, lumineux, obsédant.

Bien qu'il existe de belles versions au disque (notamment Rolf Lislevand dans le vieux disque Auvidis), j'en reviens toujours à cette version d'Anna Kowalska, prise au vol pendant un concert ukrainien.

Verdi - Ernani - Previtali 1958

Malgré toutes les limites imposées aux fulgurances de l'original par la censure et ce langage musical post-belcantiste, la partition recèle des ensembles remarquables et surtout des instants de récitatifs qui figurent parmi les plus grands moments de tout Verdi. Par exemple"Il vecchio Silva stendere" au milieu de la première cavatine... à rapprocher de "Ne m'ebbe il Ciel" dans le Trouvère, ou de "Ah taci, il vento ai tiranni dans Boccanegra''.

Version : RAI Roma, Fernando Previtali, 1958. La version affiche Mario Del Monaco, assez sobre, toujours prompt aux belles agitations agogiques et dramatiques, même si le legato n'est pas toujours aussi soigné (personnellement, c'est davantage tant mieux que tant pis !) ; lecture très intense qui cadre mieux avec le caractère du personnage que les ténors des autres versions couramment distribuées (Bergonzi, Pavarotti...). Mario Sereni est moins raffiné qu'en studio avec Schippers, mais évidemment tout aussi électrique. Siepi dans ses années d'apprentissages, pas encore très mobile dramatiquement (sauf dans sa superbe fureur du II), mais voix abyssale. Constantina Araújo est la moins célèbre de la distribution, et non sans raison : la voix a un grain ancien (plus proche de Caniglia que de Stella, ou même de Tebaldi) tout à fait agréable, mais elle chante très faux dans les aigus (très bas, régulièrement d'un ton... ce soir-là le haut de la tessiture ne passe pas), ce qui handicape un peu la tenue des ensembles, déjà que les autres chanteurs ne sont pas des modèles de sobriété.
Interprétation cela dit très intense, l'une des rares où la tension est constamment tenue.

Messiaen - Eclairs sur l'Au-delà

Comme toujours avec Messiaen, je suis frappé par la gaîté paradoxale qui émane de cette harmonie très chargée - une fois qu'on accepte sa logique propre, la jubilation sonore est équivalente à la pureté des 'accords parfaits'.

Version : Cambreling / SWR.

Verdi - Nabucco

J'ai beau voler d'enregistrement en enregistrement, la partition exige des écarts de dynamique qui passent assez mal au disque. Et de façon un peu systématique.

En revanche, la variété de l'orchestration (soli, associations vents-cordes pour changer la couleur, fanfares hors-scène, figuralismes) et l'usage de procédés harmoniques peu ordinaires dans la musique italienne de l'époque (marches harmoniques notamment) ont sans doute sonné comme une déflagration dans le paysage sonore d'alors. Il suffit de comparer avec n'importe quel autre opéra italien entre 1800 et 1850 : en dehors de Norma de Bellini et du Diluvio Universale de Donizetti (et tous deux bien en deçà), les autres ouvrages se situent à des années-lumières des explorations de Nabucco, même si elles peuvent paraître (et elles le sont !) tapageuses et schématiques.

Version : Oren chez Auvidis. Belle version cursive, qui n'exalte pas forcément le rythme, mais qui évite le bruit. Et très belle distribution (Guleghina, Armiliato, Bruson, Furlanetto).

vendredi 9 novembre 2012

Beethoven - Symphonie n°5 - Richard Strauss

A la tête de la Staakskapelle de Berlin (1927 environ).

Les témoignages d'avant-seconde guerre sont toujours très intéressants, parce qu'ils démontrent à chaque fois que la tendance brucknéro-bulldozerienne qui s'est emparée des chefs pendant le vingtième siècle ne provenait pas du tout, comme on le croit souvent, du lointain passé. En réalité, cette tendance s'est à peu près limitée à un intervalle tenant entre la fin des années 50 et la fin des années 80. Auparavant, on jouait plus vite, plus allant, avec un métronome souple et changeant, une pâte bien plus légère. Je me demande jusqu'à quel point la fascination pour Furtwängler n'a pas égaré un certain nombre de chefs - en tout cas sa manière "massive" n'avait rien en commun avec les styles de direction qui l'ont précédé et qui lui ont été contemporains.

Richard Strauss entre tout à fait dans le cadre de ces chefs d'avant l'avant-baroquisme : pas forcément net sur les départs (on entend presque systématiquement de doubles attaques en début de phrase), en revanche très limpide, rapide, et doté d'une véritable tension... rien d'hédoniste, pas de recherche plastique dans cette direction. On sent avant tout la direction de la phrase et l'allant de la musique qui se déroule - l'essentiel, en somme.

Dvořák - Symphonie n°9 - Kabasta 1944

Avec le Philharmonique de Munich.

Assez étonnant. Dans le dernier mouvement, le thème est très détaché et pur, aussi bien aux cuivres qu'à la reprise par les cordes, très élégant et net... tandis que l'accompagnement, dense, opaque, tumultueux, semble bouillonner autour. Etrange décalage, assez convaincant au demeurant.

Merci à Mélomaniac pour sa suggestion d'écoute !


Peter SCULTHORPE - Concerto pour piano

Atmosphère planante, assez plaisante, pas de virtuosité, d'éclats ni d'affrontements. Néanmoins l'oeuvre reste très mineure - dans le même goût contemplatif, Takemitsu dans Quotation of Dream propose une tout autre densité musicale...

Pas eu beaucoup de bonheur aujourd'hui avec mes essais Sculthorpe.

Version : James Judd, New Zealand Symphony Orchestra (Naxos).

Peter SCULTHORPE - Memento Mori

Pas beaucoup mieux. Un dies irae peu discret s'épanche longuement sur de jolies cordes, avec une émotion larmoyante assez comparable à de la musique de film un peu "facile". Pas terriblement original, de se contenter d'harmoniser le dies irae.

Version : James Judd, New Zealand Symphony Orchestr (Naxos). Superbes cordes, au passage.

Peter SCULTHORPE - Earth Cry

Sculthorpe m'avait laissé une forte impression avec sa musique funèbre et ses quatuors, mais en y retournant par le biais de la musique symphonique, je suis assez désappointé.

Earth Cry pourrait constituer une sorte de parodie de musique à expédients et à effets. A défaut d'avoir beaucoup de contenu à communiquer, Sculthorpe utilise son habituel didgeridoo, et introduit des bruits animaliers sur fond de cordes un peu larmoyantes. De la musique pour documentaire...

Version : James Judd, New Zealand Symphony Orchestra (Naxos). D'excellente tenue, comme toujours avec ces séries d'exploration Naxos, qui a passé depuis fort longtemps l'époque où la firme embauchait des artistes cachetonneurs.

jeudi 8 novembre 2012

Frank BRIDGE - The Sea

Bridge n'a pas très bonne réputation parce qu'il est anglais, et parce que sa vision de la musique est plus caressante qu'en opposition à l'auditeur - d'une certaine façon, suivant une vision téléologique de l'histoire musicale, on peut considérer qu'il n'aurait pas sa place au XXe siècle. Mais je me demande surtout si on ne lui reproche pas d'avoir été de façon assez évidente une source d'inspiration pour Herbert Stothart (la parenté du troisième mouvement, "Clair de lune", avec le langage continu de Stothart est en effet frappante).

Très belle oeuvre de toute façon, que je réécoute toujours avec plaisir.

Version : New Zealand Symphony Orchestra, James Judd (Naxos). Petite harmonie (timbres et justesse) et équilibres plus réussis que l'Ulster Orchestra avec Thomson, à mon gré.

Debussy - La Mer - Hallé / Elder

Encore une fois, je suis frappé par la chatoyance remarquable du label autoproduit du Hallé Orchestra de Manchester. Sans rutilance excessive, beaucoup de détail et d'impact. Très réaliste, en fait.

De loin la meilleure prise de son des labels autoproduits - dont beaucoup sont assez décevantes (Philharmonia, LSO, LPO, CSO-Resound, Mariinski, et même le Concertgebouw, un peu terni).

Arnold BAX - The Garden of Fand

Comme la plupart des poèmes symphoniques de Bax (par ailleurs immense symphoniste), assez inégal.

Fondé sur une trame narrative, de la saga Serglige Con Culainn, l'oeuvre est très figurative, s'inspire énormément de La Mer de Debussy. Etrangement, alors que les naufragés humains sont engloutis avec les immortels de l'Autre Monde, c'est le premier climax, celui de l'échouage heureux, qui est réellement impressionnant - alors que l'engloutissement ne se remarque que par le retour du motif maritime initial...

Version : Ulster Orchestra, Bryden Thomson (Chandos). Admirable comme toujours.

Arthur BLISS - Quatuors à cordes

Mieux construit et tenu sur la longueur que la musique de chambre de Frank Bridge, mais le sentiment qu'on se situe dans la même famille : pas énormément de matière, très loin en tout cas des meilleures pièces de Bliss, comme le Quintette avec hautbois.

Version : Fanny Mendelssohn Quartet (Troubadisc). A éviter, techniquement hétérogène, avec un son d'ensemble assez moche. Il m'avait semblé entendre bien mieux de la part de cette formation.

George Butterworth - A Shropshire Lad, le poème symphonique

Moins célèbre que le cycle de mélodies (voir sur CSS, où il en a été question), le poème symphonique est d'une rare qualité évocatrice dans l'univers joliment confit du poème symphonique anglais. Vraiment une des oeuvres à découvrir en priorité dans ce répertoire, même si on ne l'aime pas d'abord.

Version : Hallé Orchestra, Mark Elder (label Hallé).

Rameau - arrangements pour orgue (Yves Rechsteiner)

Arrangements pour orgue (et quelquefois percussions, ce qui rend le défi de la transcription moins complet) d'extraits d'opéras de Rameau.

Assez bien faits, sur l'orgue extraordinaire de Cintegabelle (Moucherel 1742 / Lépine 1754), dont les jeux d'anche, très français, sont d'une rare densité et d'un très grand caractère.

En revanche, cette musique, ainsi réduite à son squelette musical, l'orgue (du fait de son son pur et continu) étant sans pitié sur les questions d'harmonie, laisse plutôt voir ses limites, pour ne pas dire une relative pauvreté.

Il aurait fallu orner ou compléter ; ainsi présentée, je trouve le résultat assez peu enthousiasmant.

Disque : Yves Rechsteiner, Alpha.

Elliott Carter - Symphonie n°1

Très loin des oeuvres arides, cinglantes ou intenses qui ont fait sa gloire, une symphonie très marqué par le ton américain, en particulier le mouvement lent méditatif et lyrique.

Très bel exemple de ce style, moins sirupeux que du Copland orchestral, moins novateurs que du Ives.

Arthur Bliss - Metamorphic Variations

Le concept est très avenant, celui de variations "typées", qui veulent chacune imiter un type de "discours". Le résultat reste celui de variations orchestrales, donc un peu répétitif et studieux.

Version : BBC Welsh SO, Barry Woodworth (Nimbus).

Hindemith - Sonate pour violoncelle et piano Op.11 n°3

Austère et moche, comme beaucoup du premier Hindemith, mais ici l'esthétique n'est pourtant plus de l'ordre du postromantisme sinueux, on a un bel exemple de modernisme dépressif, le genre de chose qu'on reproche d'ordinaire (tout à fait injustement à Hindemith).

Pour une fois, c'est vrai.

Version : Henkel / Pludemacher (chez Henkel).

Arthur Bliss - A color symphony

Très belle tentative de coloriste orchestral, ensemble très réussi et assez poétique.

Version : BBC Welsh SO, Barry Woodworth (Nimbus).

Richard Strauss - Sonate pour violoncelle et piano Op.6

Comme toute la musique de chambre de Strauss, de jeunesse, une oeuvre assez lumineuse, aux rapports harmoniques très consonants, une sorte de "salon" qui paraît totalement anachronique lorsqu'on songe à Strauss. Néanmoins tout à fait agréable, à défaut d'être majeur - quelque chose qui peut se comparer à la musique pour piano de Wagner (même si je trouve cette dernière à la fois plus maladroite, et plus attachante et visionnaire).

Version : Henkel / Pludermacher (chez Henkel). Mais il en existe des tas d'autres largement aussi bonnes.

Pfitzner - Sonate pour violoncelle

Du postromantisme sérieux mais bien écrit, du Pfiztner tout craché, et ce n'est pourtant que son opus 1.

Version : Henkel / Pludermacher (chez Henkel).

Duparc - Sonate pour violoncelle


Une belle oeuvre, très différente de ses lieder. Elle explore, dans un langage en avance sur son temps, mais moins profondément original, des chemins dans la structure et les thèmes d'une sonate. Le quatre mouvement, lent, Le Chant de Mignon, est assez déroutant.

Version : Clavreul / Nedeltchev, chez Giga New.

samedi 15 septembre 2012

Karl RATHAUS - Symphonie n°2 (Op.7)

Musique totalement dépressive, typique de la déliquescence tonale vers une sorte de mollesse désespérée... Mêmes "blocages" que Mahler dans ses premières symphonies, l'accord est simplement plus chargé et beaucoup moins spectaculaire dans l'orchestration et surtout dans sa place centrale, son contraste. Petit côté cursif à la Hindemith, aussi.

Sacrément grisaille.

samedi 25 août 2012

Holmboe - Symphonies

En écoutant le début du premier mouvement de la Dixième (mais c'est valable aussi pour le deuxième), à la tristesse policée, timide et plutôt plate, je me fais soudain la remarque : « je n'avais jamais remarqué que la musique pouvait avoir une expression de chien battu ». C'est méchant quand même, j'ai eu honte de moi - mais j'ai fait mes délices de le répéter.

vendredi 24 février 2012

Bach - Johannes-Passion - Fasolis

C'est une version que j'aime beaucoup, l'une de celles qui fonctionne de bout en bout, sans sentiment de longueurs ou de ruptures de tension, ce qui est très rare (en tout cas dans mon ressenti personnel). Pour être plus précis, j'en vois peu d'exemples (à part Suzuki, sans doute).

Sans éclat particulier quant à la distribution, mais sans écart non plus, tout est humble, merveilleusement conçu, et l'air de la consommation par Claudia Schubert constitue une réussite très impressionnante pour ce type de voix, sans doute moins facile à "fêler" que pour un falsettiste.

On notera la très belle idée des percussions funèbres dans le choeur d'entrée, comme des tambours de basque voilés de crêpe.

Schubert - Symphonies 1 & 2

Quelquefois, je me demande si on ne juge pas la qualité des oeuvres à travers leur nouveauté, et plus encore leur nouveauté d'après leur noirceur précoce.

Ces deux symphonies, considérablement plus lumineuses et primesautières que les suivantes (la Troisième a quelque chose de déjà plus "motorique"), sont pourtant de très grande qualité, disposant d'une poussée (et d'une beauté thématique) permanente.

(Version recommandée : Roy Goodman & Hanover Band, chez Nimbus.)

Boris BLACHER - Music for Cleveland

Musique brillante et virtuose tout à fait sympathique, à défaut d'être profonde : très clairement une pièce de démonstration.

Ce qui m'amuse est surtout d'entendre un certain nombre d'échos orchestratoires de Nielsen - je me demande si Blacher s'y était plongé ou s'il s'agit d'un héritage plus global du premier vingtième siècle.

(Ecouté dans la version du Berlin Deutsche Symphonie-Orchester, dirigé par Ashkenazy chez Ondine.)

Boris BLACHER - Der Grossinquisitor

Objet très étonnant, avec choeur et baryton solo, de très beau extraits de modalité en hommage à la Renaissance, vraiment une composition atmosphérique assez réussie, même sur sa durée.

(Se trouve par Kegel chez Berlin Classics.)

C.P.E. Bach - Markus-Passion

L'usage de la forme de la Passion dans un langage classique se révèle très réussi, et malgré la netteté et la rigueur inhérente à la grammaire musicale de ce courant (de plus dans son versant assez galant chez C.P.E.), on ne perd pas la force expressive des situations - même si on reste loin de la puissance de "la" Saint-Jean, ou de la Saint-Marc de Keiser.

Wagner - Tristan - Karajan II

Amusant de comparer cette face (le sommet de la beauté orchestrale, et expressive en plus) avec celle que montrait le Karajan de 52, au contraire très sèche et dont la réussite doit tout aux chanteurs - beaucoup plus "neutres" dans ce studio, tous les sentiments étant communiqués par l'orchestre.

Deux des plus belles versions de cette oeuvre, au demeurant.

Cornelis DOPPER - Symphonie n°2

Décevante par rapport à l'ampleur de la Septième, on entend ici une sorte de Pastorale, avec beaucoup de thèmes fokloriques. Mais le mouvement lent est de toute beauté, son lyrisme champêtre s'étend longuement avec beaucoup d'inspiration.

jeudi 11 août 2011

Bruneau et Lazzari

Etonnant, une des cellules musicales récurrentes de L'Attaque du Moulin rejoint celle de la vindicte dans La Lépreuse de Lazzari... Deux drames naturalistes français de la même période.

A creuser.

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Au demeurant, j'ai le souffle coupé par la beauté de L'Attaque du Moulin de Bruneau. On est très loin du Rêve (que j'ai aussi joué) et de Messidor, ou même du Requiem, question inspiration musicale !

Hugo Alfvén - Symphonie n°1 - scherzo

Indépendamment du fait que cette symphonie est magnifique, je remarque pour la première fois une parenté du début du scherzo avec les mouvements extrêmes de la Première Symphonie de Prokofiev.

Amusant, parce qu'on ne rattache pas spécialement Alfvén à un classicisme quelconque, ayant tout du grand postromantique - un peu attardé, mais pas le moins du monde académique, comme en atteste sa Quatrième Symphonie.

mercredi 10 août 2011

Leonard Bernstein - Trio avec piano

Certes, on y trouve ici ou là un côté un peu bouffon alla Français, ou des jeux d'autmate, mais globalement l'oeuvre reste de facture classique et beaucoup moins divertissante qu'on pouvait l'espérer.

Ross Edwards - Trio avec piano

Facture lyrique, mais soutenue par des rythmes et des motifs de type blues. Pas ultime, mais étonnant et plaisant.

Florent Schmitt - La Tragédie de Salomé (suite) - Nézet-Séguin / Met

En me remettant à petit bijou, je suis très frappé par ses parentés en termes de thématiques, de textures et de coloris avec les Gezeichneten et l'Oiseau de feu, deux de mes oeuvres de chevet.

Michael Brimer - Trio avec piano

Mélancolique et très contemplatif, une grande sobriété, beaucoup de moments très posés et parcimonieux. Univers pas très éloigné de l'esprit français début XXe.

Très très beau, un des trios que j'aime tout particulièrement dans le répertoire.

Schubert - Die Winterreise - Nimsgern / Pflüger

Vraiment une version singulière de baryton dramatique fatigué (intonation souvent très basse). La tessiture choisie est très grave, ce qui ne permet pas les éclats, et le résultat est finalement un peu uniforme, malgré un texte soigné ; néanmoins quelque chose d'une grâce (paradoxale) et d'une électricité demeurent.

J'aime beaucoup, sans doute parce que j'aime beaucoup les manières Nimsgern... mais ce n'est clairement pas une version à conseiller.

Il est vraisemblable que la noirceurs et les éclats du Schwanengesang auraient mieux convenu.

Bruckner - Symphonie n°7 - Celibidache, Berlin 1992

En en écoutant l'adagio, je suis frappé de l'absence de baisse de tension, malgré la lenteur extrême du tempo. Certes, ce n'est pas ce qu'on peut appeler une lecture contrastée, tout y est très linéaire, mais considérons le thème intermédiaire, pas forcément très séduisant (à peine mélodique et développé à coups de marches harmoniques), et facile à rendre insispide ou traînard. Ici au contraire, la poussée, sans être très grande, demeure durant tout le mouvement.

Très prenant, si l'on ne cherche pas les contrastes spectaculaires lors des reprises du thème principal.

Ravel, Introduction et allegro, label Festival Marlboro

Le label du festival vient de sortir un disque où l'on trouve aussi les quatuors de Ravel et Debussy. Le quatuor de Ravel est assez décevant, très sage et plane, mais pour l'Introduction et Allegro, la chaleur communiquée par les musiciens est réellement hors du commun. Si l'on aime cette oeuvre, c'est à tenter résolument.

Smetana - Trio avec piano Op.15

Juste pour dire que je suis frappé de la parenté amusante (et tout à fait fortuite) du thème du final avec l'air du spadassin de Fiesque de Lalo ("Ce n'est pas une grosse somme"). Très divertissant de l'écouter sous cet aspect.

Tchaïkovsky - Trio avec piano - Australian Trio

Version étonnante, qui exalte beaucoup les cellules brèves, les motifs qui s'articulent au sein de chaque phrase musicale. Avec un effet de fragmentation assez rare.

Une très belle version, très originale, aux antipodes de ce dont on a l'habitude, de l'enveloppant Perlman au net Amoyal, en passant l'épique façon Feigin. Vraiment différent.

mardi 5 juillet 2011

Rodion Chtchédrine (Shchedrin) - Carmen suite - Theodore Kuchar

La version à laquelle je reviens tout le temps, avec l'Orchestre Symphonique d'Etat Ukrainien. Elle met en valeur toutes les qualités de l'oeuvre, et notamment l'incroyable relief et la variété de couleurs infinie, obtenus avec des cordes seules (et percussions).

Les thèmes de l'opéra sont réagencés dans le désordre, mais avec progression dramatique, et le résultat prouve (ce dont je ne suis pas toujours convaincu à l'écoute de l'oeuvre originale) le génie de mélodiste de Bizet.

Vraiment une oeuvre incantatoire et jubilatoire, tout à fait incontournable, qui gagnerait à être jouée souvent en concert, plairait au grand public et remporterait des triomphes.

Pehr Henrik NORDGREN - Summer Music - Juha Kangas / Turku PO

Sur le même disque (Alba) que la Septième Symphonie, ce poème symphonique trouve des accents et des couleurs très proches de la Sérénade de Britten, autrement dit un vrai climat de mélancolie, très prégnant. Si l'on est sensible à ces tons-là, à écouter, vraiment.

Pehr Henrik NORDGREN - Symphonie n°7 - Juha Kangas / Turku PO

Davantage familier de la Quatrième, j'ai été ravi de trouver ici de beaux aplats, riches et pénétrants, si bien qu'en dépit d'une structure un peu rhapsodique, cette symphonie conserve toujours quelque chose d'assez magnétique.

On y reste dans une vision tonale (mais moderne) du vingtième siècle d'une assez belle façon.

Christopher Rouse - Symphonie n°2 - Alan Gilbert / Stockholm RPO

En réécoutant l'oeuvre dans la perspective de nourrir une notule pour CSS, je retrouve les impressions agréables que m'avait laissées cette symphonie. Certes pas la profondeur même, mais un climat babillard, assez primesautier, qui n'est pas si courant dans la musique contemporaine.
Evidemment, rien de neuf dans le langage utilisé, mais on n'écoute pas de la musique pour avoir forcément du nouveau. Rouse dipose d'une voix propre, d'une plume assez inspirée, et c'est déjà beaucoup.

Karl Amadeus Hartmann - Symphonie n°5

L'oeuvre est assez décevante, ses mélodies faciles de trompette tiennent quasiment du cabaret-Schulhoff, l'humour en moins.

Vraiment pas du niveau du "grand Hartmann", certes sinistre, mais généralement assez prenant.

Igor Stravinsky - L'Oiseau de feu - Yoel Levi

Parution toute récente chez Glossa d'une nouvelle version de l'Oiseau, par Yoel Levi et l'Orchestre de la Radio Flamande.

Dans une oeuvre aussi écrite, les différences entre plusieurs versions ne sont pas aussi flagrantes que dans les répertoires plus anciens (même le répertoire postromantique...), et c'est plutôt la prise de son qui fait la différence, d'où la tentation d'aller voir du côté de chez Glossa.

On y retrouve effectivement un détail et une rondeur qui sont propres à la firme. Et dans ce répertoire inhabituel pour Glossa, on profite d'un son assez chaleureux et aéré, du vrai métier - le son ressemble vraiment à celui qu'on percevrait au fond d'une salle de concert. Cet orchestre ayant de plus toujours été très beau (en l'occurrence, pas par la douceur de ses timbres, mais par sa personnalité intense), on peut se régaler de ses bois très mis en valeur par la captation, et même leurs petites aigreurs sont agréables.

Sans remplacer les versions que j'ai l'habitude de fréquenter avec le plus de plaisir (Metzmacher / ONF, Craft / Philharmonia, Thierry Fischer / BBC Pays de Galles, Doráti / LSO - De Waart / Sydney, Ozawa / Paris, Inbal / Philharmonia), elle pourrait s'en approcher ou y prendre part à l'avenir.

Igor Stravinsky - Le Sacre du Printemps pour orgue - Bernard Haas

L'arrangement fonctionne bien, et les équilibres changés par la puissance des jeux respectifs ne nuisent pas à la lisibilité ni à la tension de l'ensemble. Bien sûr, on perd en variété de dynamiques (le clavier de l'orgue n'a pas d'intensités, on ne peut le faire que globalement avec la pédale d'expression), mais pas énormément en force de percussion, tout simplement grâce aux harmonies chargées : à l'orchestre, on entend surtout les effets de timbre, cassants... mais l'écriture harmonique y effectue exactement le même genre de travail !

Un bon disque, chez Audite, couplé avec une intéressante Sonate en si de Liszt (pour orgue également).

samedi 2 juillet 2011

Asger Hamerik - Symphonie n°5 - Thomas Dausgaard

Dans cette symphonie, Hamerik renoue avec les qualités des deux premières - dont la 1 a été commentée sur CSS. Le ton est certes devenu plus sombre, mais on y retrouve la simplicité d'articulation et une certaine naïveté joyeusement mélancolique, absolument délicieuse.

Les symphonies 3 et 4 s'étaient un peu éloignées de cette lumière-là, et la Sixième est tout de bon autre chose (pour cordes seules, un tour de force d'ailleurs vu la qualité de coloris du résultat).

On songe beaucoup à Beethoven et Mendelssohn pour une oeuvre du début du vingtième, mais le résultat est là, ces symphonies sont réellement émouvantes - et même assez personnelles, se dégageant un véritable style (rétro) Hamerik sur la durée...

La seule intégrale, Dausgaard / Helsingborg chez Da Capo, est tout à fait réussie, ce qui est salutaire lorsqu'on joue un compositeur peu célèbre qui écrit dans un style conservateur que la morale musicale tend à réprouver...

mercredi 22 juin 2011

Giuseppe Verdi - Macbeth (Macbetto) - Daniele Callegari (Naxos)

J'avoir avoir été extrêmement pris par cette version. Les chanteurs y sont très bons, mais ce ne sont pas non plus des voix impressionnantes en tant que telles... Ce qui a rendu cette lecture prenante, c'est encore une fois la direction de Daniele Callegari, décidément un très grand chef.

Lisibilité, petite sècheresse précise, beaucoup de vivacité, du rebond... les partitions s'animent avec lui, dans tous les sens du terme - et que ce soit du Chausson ou du Verdi.

mardi 21 juin 2011

Schumann - Quatuor n°3 - Vertavo SQ

Le pouvoir des Vertavo est décidément bien grand, puisqu'ils parviennent à rendre électriques ces quatuors assez formels et figés de Schumann.

Ils jouent beaucoup de musique contemporaine, et leur aisance sert grandement leur flamme...

lundi 20 juin 2011

Carl Nielsen - Quatuors - Quatuor Vertavo

Plus j'écoute ce disque, plus je suis fasciné, aussi bien par les oeuvres que par le feu ininterrompu que leur confèrent les interprètes.

On songe au passage beaucoup à Dvořák dans le dernier mouvement de l'opus 5... et on admire la belle place de l'alto (trémolos qui agitent seuls le reste du discours, lignes solos mélismatiques...).

samedi 11 juin 2011

Johann Christian Bach - Amadis de Gaule - Helmut Rilling

Comme on a recommandé l'oeuvre (qui est programmée la saison prochaine à l'Opéra-Comique) à partir de bandes non officielles, il faudrait peut-être préciser que l'enregistrement le plus aisément disponible, celui chez Hänssler, comporte le défaut, en plus d'être traduit en allemand (au lieu de conserver le texte littéral de Quinault, ce qui était un intérêt non négligeable de l'aventure), d'être joué de façon très lisse, un peu comme (l'excellent) Mendelssohn de Rilling.

Par ailleurs, le texte allemand lui-même n'étant pas très bien articulé par les chanteurs, on subit un peu la double peine dans cette oeuvre qui devait faire la part belle à la puissance de la déclamation...

Stephen Schwarz - Wicked

Ce succès de Broadway reste, sur la longueur, une histoire d'amitié mêlant le quotidien adolescent à la magie, dans une langue musicale extrêmement consonante et lisse - ce qui est certes la norme à Broadway, mais cela n'empêche pas l'inspiration dans les meilleures partitions.

Mais je nourris une tendresse toute particulière pour le tube "Defying gravity", très belle gestion dramatique d'un moment, et pourvu d'une composante glottophile non négligeable. [Au point d'en collectionner les versions (langues et représentations), une mine d'informations techniques sur le belting !]

Par ailleurs, d'autres moments, avec l'aide de la scène et de chanteuses aussi virtuoses verbalement que Kristin Chenoweth, peuvent se révéler délicieux, comme "Popular", assez amusant en dépit d'une substance musicale sans intérêt.

Giuseppe Verdi - Don Carlos - premier duo Carlos / Posa

La version originale de ce duo est certes moins prenante, moins sophistiquée harmoniquement, moins mélodique et continue que dans la révision italienne. Mais comment ne pas être frappé par la gestion incroyable du silence, où les voix claquent, nues, dans cette lecture française !

Franz Liszt - Don Sanche ou le château d'amour - Tamás Pál

Ce premier et unique opéra de Liszt, composé à l'âge de treize ans, est d'une qualité proprement scandaleuse. J'aime souvent à y revenir pour sa couleur franche et optimiste, il y a là un côté rossinien légèrement lissé qui est très poétique et très séduisant, sans la platitude des formules figées italiennes, et de superbes récitatifs français.

L'unique version, par Tamás Pál (chez Hungaroton), est très réussie, dans un français pas toujours idéalement clair mais jamais déformé, toujours élégant, et dominé par la très belle couleur mixte de Gérard Garino dans le rôle-titre.

Massenet - Cendrillon - Minkowski

En réécoutant régulièrement l'oeuvre, déjà présentée sur CSS, je demeure toujours très impressionné par la diversité et la fusion des styles (aussi bien pour le texte que la musique), avec ces nombreux archaïsmes à la fois très inspirés et très intégrés, peut-être plus fort encore que dans Panurge qui n'a pas ce défi de l'hétérogénéité.

Le motif de Madame de la Haltière est particulièrement heureusement trouvé.

vendredi 10 juin 2011

Gustav Mahler - Symphonie n°6 - David Zinman

Je suis une fois de plus très impressionné par les qualités de David Zinman dans ce répertoire, à la fois moelleux et incisif, et toujours lisible, avec des tempi allant et un propos d'une rare évidence.

Son intégrale en cours est l'une des rares à me combler à chaque volume. Sa Deuxième étant parmi les plus réussies de la discographie (il n'y a guère qu'Abbado Lucerne et le dernier Bernstein pour faire plus prenant), du moins pour la large partie que j'ai parcourue en suivant mes inclinations, j'attends beaucoup de l'écoute de la Troisième au sein de l'intégrale achevée il y a peu.

L'absence de pathos superflu rend aussi plus digeste cette symphonie centrale - étant moins sensible aux 5,6,7 qu'aux autres : on lui retranche de ses outrances et de son décorum un peu bruyant.

Au passage, le dernier thème doux de l'oeuvre a un côté mi-champêtre mi-funèbre qui m'évoque furtivement les jardins troubles d'Elysée chez Schreker.

jeudi 9 juin 2011

Pelle Gudmundsen-Holmgreen - Near distant still pour cor, violon et piano

Un peu planant, avec des effets assez figuratifs, plus de rugosité qu'à l'accoutumée : la pièce n'est pas désagréable, mais ne montre pas le meilleur visage de Pelle Gudmundsen-Holmgreen.

J'attends depuis des années l'édition discographique de son Concerto pour violon, farci de références complices et de cadences interrompues. Christina Åstrand (qui officie aussi sur ce disque de trios pour cor, violon et piano) l'avait créé en 2003, mais c'est celui de Ligeti qui a été enregistré pour le disque aux côtés de Helle Nacht de Nørgård.

Søren Nils Eichberg - Trio pour cor

Le trio pour cor du jeune (né en 1973) compositeur danois Søren Nils Eichberg, vainqueur en 2001 du Concours Reine Elisabeth, est assez étonnant dans le paysage actuel. Il est clairement écrit dans un langage tonal, et même franchement consonant par moment, mais comme trouvé, un peu fantomatique.

Ce n'est pas la tonalité post-bergienne très complexe que l'on trouve chez quantité de contemporains qu'on appelle néo-tonals (y compris Escaich qui passe pourtant pour un "gentil"), ni l'hyperchromatisme aux confins de la tonalité de Dutilleux, ni la tonalité mouvante et sombre que l'on trouvera chez Greif... c'est de la vraie tonalité franche, presque du Beethoven, à ceci près qu'on y trouve beaucoup de procédés suspensifs, de moments où la texture l'emporte sur le discours harmonique... comme c'est souvent le cas dans la musique contemporaine.

Etrange objet, pas majeur, mais intéressant.

Bruckner - Messe n°2 - Rilling

Je crois que cette messe est réellement le chef-d'oeuvre de Bruckner. Entre ses références au grégorien et son ton post-mendelssohnien, il y a là quelque chose de totalement hors du temps, d'une beauté musicale ineffable, mi-mélancolique, mi-extatique.

Je nomme Rilling dans le titre parce que je le réécoute en ce moment même, et qu'il réussit particulièrement bien cette oeuvre, au même titre que les oratorios de Mendelssohn.

mardi 7 juin 2011

Kurt Atterberg - Symphonie n°1

La première et la meilleure, la plupart des autres étant d'un intérêt bien moindre à mon sens. La Neuvième, sorte de poème symphonique vocal, est assez différente, mais n'appartient plus véritablement au domaine de la symphonie à proprement parler (ou alors au même titre que la Huitième de Mahler, le Chant de la Terre ou la Sixième de Tichtchenko).

Un sens du climat hors du commun, très poétique, très évocateur, assez dramatique aussi, dans une belle consonance qui n'exclut pas la richesse.

Une des symphonies qui reviennent souvent dans mes écoutes, sans comparaison avec les dernières de Dvořák auxquelles elle doit pourtant beaucoup.

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Version recommandée : Rasilainen chez CPO, excellente prise de son de surcroît.

Poul Ruders - Trio pour cor (violon et piano)

Très belle pièce épurée et poétique, parcourue d'appels mystérieux. Ca et là, des bouts de formes plus classiques du trio surgissent.
A classer parmi les plus belles réussites de Poul Ruders.

En plus proposé avec un chouette couplage d'autres trios pour cors de rien de moins que Pelle Gudmundsen-Holmgreen, très en cour sur CSS (et Eichberg).

Et côté interprètes, Da Capo nous propose le Danish horn trio, où la grande virtuose spécialiste du XXe siècle Christina Åstrand tient le violon...

Bruckner - Symphonie n°9 en partition

J'aimais beaucoup le caractère distendu, méditatif et furieusement wagnérien de cette symphonie. Du moins jusqu'à ce que j'ouvre la partition : grosse déception pour son adagio avec sections ultra-visibles. Et la quasi-citation (mi-Siegfried, mi-Graal) n'est que réitérée, sans exploitation.

Etrange, je la trouve très belle, et pourtant, ouvrir la partition me fait voir les coutures, comme une forme de trivialité décevante. Chose qui n'était pas adenue pour la Troisième et la Quatrième, où la partition avait au contraire accru le plaisir.

A ce jour, il n'y a que Roslavets, dont je vénère les Préludes pour piano, qui m'ait causé ce genre de déception à la lecture - dans ce cas, la musique semble posée si aléatoirement qu'on a l'impression que les phrasés du pianiste créent tout l'intérêt de l'oeuvre, en réalité peut-être discutable. Du moins à la lecture, parce que je reste tout aussi magnétisé à l'écoute (de différentes versions au demeurant !).

lundi 6 juin 2011

Rachmaninov - Intégrale des concertos pour piano - Peter Rösel, Kurt Sanderling

Impressions confirmées sur cette version : bel orchestre, au son un peu froid, toucher assez dur de Rösel qui aborde ces concertos de manière très physique.

Au passage, l'écoute à la suite de ces concertos montre qu'ici, la postérité n'a rien laissé dans l'ombre : le 4 et surtout le 1 sont d'un intérêt mineur par rapport aux deux célèbres. En revanche, pourquoi le Deuxième est-il plus joué alors que le Troisième me paraît plus roboratif. Peut-être, précisément, à cause de cette mélancolie du 2, et puis de ses amorces de mouvement très prenantes ?

dimanche 5 juin 2011

Rachmaninov - Concerto n°2 - Felicja Blumental / Gielen

Cet enregistrement avec le "Vienna Musikgesellschaft Orchester" (que désigne exactement ce titre ?), paru chez Vox (couplé avec le Premier de Tchaïkovsky) et republié chez Brana (couplé avec le Rondo sur des thèmes folkloriques russes Op.98 de Hummel), dispose d'une prise de son bizarre (le piano se timbre mal et surtout de façon très peu naturelle dans l'introduction solo).

Néanmoins, sur la durée, l'intégration entre solo et orchestre est remarquablement organisée, et la fluidité du discours de Blumental et Gielen en fait l'une des versions les plus agréables à écouter que j'aie fréquentées.

Pas sûr qu'elle contente les amateurs sérieux de piano, ni ceux qui seraient sensibles aux timbres excessivement moches de l'orchestre (violoncelle solo sec et pas très juste, vents au son étranglé...), mais pour l'élan du discours général, sans emphase superflue, j'y trouve tout à fait mon compte.

Rachmaninov - Concerto n°2 - Rösel / Sanderling

Assez déçu, malgré sa réputation flatteuse (superbe intégrale Brahms, et présenté comme l'un des plus grands techniciens actuels) par Peter Rösel ici.

Certes, le timbrage des accords initiaux est impressionnant, variant réellement entre les nuances, pour aboutir à une puissance considérable et sans jamais paraître "cassant". Néanmoins, pour une oeuvre aussi lyrique, le résultat général demeure d'apparence assez "cognée". Ce qui faisait le charme de ses Brahms, ces strates nettes et détachées, paraît ici comme une forme de dureté.

Même la prise de son Berlin Classics et le Symphonique de Berlin ne me ravissent pas autant que d'habitude.

Cela reste une très bonne version, bien entendu.

Boismortier - Deuxième suite de clavecin - Béatrice Martin


Même jouées par la princesse du continuo, ces pièces demeurent assez pauvres en substance, presque au niveau des motets. A part Don Quichotte chez la Duchesse, dont l'entrain musical est incomparable et dont les traits d'esprit sont si fidèles à Cervantès... on peine à trouver de la littérature de premier intérêt chez lui.

Les Danses de village sont néanmoins assez agréables, même si elles demeurent dans le pur divertissement "facile".

vendredi 3 juin 2011

Francoeur & Rebel - Zélindor, Roi des Sylphes (Ausonia)

Ce petit bijou ramiste a cependant une forte personnalité musicale, on retrouve très bien la petite mélancolie et le beau lyrisme déclamatoire de Pyrame et Thisbé...

Une musique à mon sens beaucoup moins décorative que la troisième école de type ramiste, il reste encore chez Francoeur et Rebel l'hyperdramatisme propre à la période précédente... et aussi quelque chose de plus touchant dans les couleurs harmoniques (qui évoque les motets de Desmarest).

Sibelius - Symphonie n°1

Je suis une fois de plus frappé par le caractère profondément tchaïkovskien du deuxième mouvement... mais étrangement, ses cordes larmoyantes et ses tutti tapageurs s'entendent comme tels, alors que chez Tchaïkovsky, l'inspiration et l'authenticité font que je ne le ressens jamais comme tel.

Néanmoins, dans un interprétation qui met en valeur les pupitres de bois (la question se pose sans doute moins en salle qu'au disque), il reste de quoi faire un petit régal, à commencer par les autres mouvements...
Dans cette perspective, K. Sanderling ou Berglund sont particulièrement opérants, avec des timbres un peu plus aigres peut-être, mais aussi beaucoup plus de clarté dans les strates.

Impressionnant aussi comme sur la partition tout est clairement arrangé par bloc, le thème revenant forcément aux bois OU aux cordes OU aux cuivres, et souvent sucessivement (quelquefois la flûte et quelques autres bois sont autorisés à doubler les cordes, dans les grands tutti). Malgré les belles couleurs dispensées par Sibelius, dans cette première symphonie, on est même en deçà du fondu orchestral de Bruckner !

samedi 28 mai 2011

Carnet d'écoute : Antonín Dvořák, Requiem

En écoutant une version inédite de ce Requiem (avec Lucia Popp, ce qui a valu à l'archive radio de circuler parallèlement aux publications officielles), je suis une fois de plus frappé par sa force dramatique et sa qualité lyrique, alors que musicalement les moyens restent sobres. L'un des tout plus beaux du répertoire pour moi.

Versions suggérées : Ančerl II (1964, version avec Rose en soprano), Sawallisch, et sinon Mácal.

Versions déconseillées : Kertesz, Ančerl I (1959, abominablement filtrée dans la "Gold Edition", version avec Stader en soprano)

Carnet d'écoute : Les Contes d'Hoffmann version Keck

En réécoutant les représentations de Lausanne 2003 (Minkowski, Delunsch dans les quatre rôles, D'Oustrac, Miller, Naouri, Cole), je suis frappé par le caractère décousu et les nombreux va-et-vient dans la temporalité. On dispose ainsi du début de l'acte I pendant la fin du Prologue, et autres inversions étranges.

L'oeuvre, inachevée, donne le plaisir d'entendre très souvent des éditions différentes, et celle-ci est particulièrement dense musicalement (même si, à titre personnel, j'ai plus de tendresse pour les choix Choudens de la sérénade de Niklausse et de l'air de Coppélius), et très tenue dramatiquement. Les dialogues sont finement gérés également, sans doute comme l'ensemble largement rendus crédibles par l'intervention de Minkowski.

Mais indépendamment de ces beautés, l'intrigue demeure tout aussi emberlificotée dans l'inachèvement de la partition, malgré les inédits prévus par Offenbach que Jean-Christophe Keck a restitués.

En revanche, le rétablissement de l'ordre originel des actes procure, dans cette version comme dans les autres, une couleur plus pessimiste à l'évolution amoureuse du personnage (qui finit par se tourner vers les courtisanes, au lieu d'en faire une expérience de jeunesse comme dans les romans d'apprentissage), tempéré toutefois, chez Keck, par le retour de Stella à l'issue de l'opéra, même si elle manque Hoffmann.

Carnet d'écoute : Buxtehude, orgue et cantates

Si je prends, malgré son aboutissement moindre, un plus grand plaisir subjectif à l'oeuvre pour orgue de Buxtehude qu'à celle de Bach, je suis au contraire totalement subjugué par ses cantates à la fois sobres, volubiles et profondes. J'en parlerai probablement prochainement sur CSS.

mercredi 25 mai 2011

Carnet d'écoute : Vladimir Vladimirovitch CHTCHERBATCHOV (Shcherbachov)

Ecoute de la Cinquième Symphonie, composée pendant la guerre de 40. Assez étonnant, à la fois consonant, avec des formes fixes traditionnelles, des motifs obstinés (celui de la première section vive est particulièrement obsédant pour le compositeur)... et quelque chose de plus audacieux et personnel.

Cela est bien loin de son formidable Nonette avec voix, une sorte d'expérimentation sans modèle, tout à fait tonale, mais très étrange.

vendredi 1 janvier 2010

Quelqu'un

a osé se pointer sur CSS en entrant comme mots-clefs 'Florent Pagny opérette YouTube'.

Je suis comme qui dirait vexé.

lundi 28 décembre 2009

Vilains terroristes

On les avait pourtant chassés de leurs repères, et les voilà au Yémen. Comme c'est étonnant, ils n'ont pas attendu les militaires.

Eh oui, avec les Basques, c'est plus facile, ça se disperse moins...

Des fois, on s'émerveille des illusions de perfection des meilleurs spécialistes.

mercredi 7 octobre 2009

Franprix, la littérature près de chez vous

Hier, causé Flaubert avec la caissière de mon supermarché.

Ca, c'est sympa.

Et ce n'était même pas dans une action militante pour sauver la popularité de Madame de La Fayette.


mercredi 16 septembre 2009

Thomas Quasthoff aujourd'hui

Divagations sur l'évolution d'une technique.

Lire la suite

dimanche 16 août 2009

I Pagliacci à Orange 2009

Noté ailleurs aujourd'hui.

J'ai regardé ce qui se trouvait en ligne du Paillasse d'Orange... Je ne saisis pas du tout ce qui est reproché à Roberto Alagna, dans les nombreuses recensions, toutes négatives, que j'ai pu lire... Qui chante mieux ça que lui aujourd'hui ? On peut avoir pour référence Di Stefano, Bergonzi, Domingo ou Pavarotti, mais c'est fini... Et en l'occurrence, c'est quand même assez remarquable de tenue. Un Paillasse très épris, assez peu cabotin et pas violent pour un sou, c'est en plus une incarnation un peu inusuelle.

Si on compare aux ténors actuels qui ont abordé le rôle, comme José Cura ou Salvatore Licitra, il y a une différence de classe et même de moyens qui est patente.

Il a dû énormément travailler pour éliminer ses attaques par palier, elles ont disparu :!: Il se ménage aussi dans la durée des aigus, et fait souvent retomber leur poids, avec sagesse, sur la note suivante.

Après, les voyelles sont de plus en plus ouvertes, il risque avoir quelques difficultés dans les mois à venir s'il chante comme cela des rôles aussi exposés...

Il y a manifestement, lié à sa fanfaronnade naîve, un rapport émotionnel très épidermique à Alagna, toujours attendu au tournant alors qu'il reste tout de même l'un des ténors les plus passionnants de sa génération, en plus avec un répertoire qui, ces dernières années, fait la part belle à quelques raretés.

[Notre avis plus général sur le chanteur se trouve ici, sur Carnets sur sol.]

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J'ai noté aussi que la direction de Georges Prêtre était comme à l'accoutumée dans l'opéra italien assez plate (quoique intense dans le son), et surtout, ici, extrêmement lente ! Le drame est vraiment étouffé, dans ce qui n'était déjà pas du tout son meilleur répertoire.

jeudi 2 juillet 2009

Troisième Concours International d'Art Lyrique de Strasbourg - 2 - Jung Seung-Gi


Ce jeune baryton coréen a lui aussi écumé les grands prix, et remporté en 2008 le premier prix masculin du Concours International de Chant de Toulouse.

Urna fatale del mio destino de la Force du destin de Verdi ; Scintille, diamant des Contes d'Hoffmann d'Offenbach.

Une voix typiquement coréenne : valeureuse, solide, mais assez froide. Cette voix a un côté incontestablement italien, avec des résonances riches dans les os de la face (le fameux masque), quelque chose d'un peu agressif et brillant ; mais aussi un côté forcé. C'est fréquent dans cette école de chant : il reste un appui assez guttural, qui sonne presque braillé, comme une mauvaise imitation de la volonté de faire du bruit à l'Opéra.
Autre problème récurrent, les notes de transition musicale qui ne sont pas longtemps tenues (par exemple les ornementations de type gruppetto comme dans le Verdi) sont mal timbrées, avec des sonorités qu'ont les débutants qui ne soutiennent pas - c'est-à-dire qui ne font pas reposer les notes sur le souffle et poussent avec la gorge.

Entendons-nous bien, c'est techniquement extrêmement solide ; mais l'aspect général n'est finalement pas très séduisant, et il faudra que les écoles coréenne et chinoise intègrent (c'est partiellement le cas en Corée depuis assez longtemps), particulièrement pour les voix d'homme, ces paramètres si elles veulent séduire. Déjà que cela demande un effort de mémorisation (beaucoup de patronymes identiques, de Kim ou de Lee), si en plus leurs voix paraissent interchangeables ou banales, ils conserveront sur le dos ce cliché de standardisation.

Jung Seung-Gi a en plus un problème de vibrato, qui chevrote un peu, paraît artificiel. On peut aussi s'inquiéter de sa façon d'émettre les aigus déjà en deux fois, très clairement sur le modèle de Leo Nucci (la mâchoire se décroche alors que le son a déjà commencé à être émis). L'école italienne se manifeste aussi dans sa façon très traditionnelle de couvrir les sons ([a] dans l'aigu est ainsi émis [o]).

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Côté interprétation, on ne peut pas nier, sans que ce soit brûlant, qu'il y ait de l'investissement de sa part ; mais comme souvent, il existe une réserve dans cet engagement : le personnage est incarné, mais le texte paraît totalement abstrait (une petite faute d'articulation d'italien en plus à la fin de l'air).

Mêmes remarques pour l'air des Contes, où l'aspect forcé est plus désagréable évidemment, avec un français très international mais correct.

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En somme, une voix très valeureuse, pleine de sûreté, qui ne déparerait pas une distribution. Quelqu'un que les directeurs de théâtre seront heureux d'avoir. Mais qui ne deviendra pas un chanteur majeur du circuit, vu les réserves qu'on a exprimé.

Et encore une fois, même si on peut le regretter, la nature exotique du nom et de l'aspect demandent un surcroît de qualités pour être reconnus en Europe. Il y a aussi le fait que cette approche très vocale et un peu uniforme du chant ne correspond pas à la culture d'opéra telle qu'elle existe en europe - où la seule puissance, pourtant très vantée, n'est finalement pas autant valorisée dans les faits que la beauté du timbre ou la personnalité de la voix.

mercredi 1 juillet 2009

Finale du Troisième Concours d'Art Lyrique de Strasbourg - 1 - Anna KASYAN


Anna Kasyan, soprano lyrique léger géorgien, est bien connue des concours de chant. On l'avait déjà entendue au Concours Reine Elisabeth 2008, où elle avait été finaliste.

Air de Rosina dans le Barbiere de Rossini ; cavatine de la petite table dans Manon de Massenet.

Le français est assez moyen, l'italien marqué par ses ascendances slaves, correctement international. C'est tout à fait professionnel, mais sans timbre individuel ou séduisant, ni grâce. Le suraigu est très dur. Par ailleurs, le jeu n'est vraiment pas bon.

Pas passionnant, disons.

Finale du Troisième Concours d'Art Lyrique de Strasbourg - 0 - modalités

La présentation de notre projet et l'adresse du visionnage se trouvent sur Carnets sur sol.

mercredi 20 mai 2009

En ce moment

Après un cycle Arnould, après un cycle Rostand... عنترة بن شداد العبسي.

vendredi 24 avril 2009

Fétu n°8

Où cela se joue-t-il, voyons !





Fétu n°7

Celui-ci est sans doute un peu moins juste... Mais comporte beaucoup d'indices.


Un texte de Gabriel Nigond.
Frédéric Chaslin, Doris Lamprecht et Sophie Marin-Degor.

Fétu n°6

Puisque personne ne semble avoir trouvé... C'est bien la peine d'informer les gens !

Autre indice précis.


Ou plus vraisemblablement, vu nos habitudes :


Non seulement le titre des oeuvres, mais déjà le style de la musique sont des indices précieux.

mercredi 22 avril 2009

Fétu n°5

(A lire impérativement dans l'ordre de 1 à 5.)

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Indice.


Un texte de Jean Anouilh. Dit par Eric Huchet.

(Pour ceux qui voulaient plus de précisions.)

Fétu n°4


Indice.


Le titre est éloquent, il me semble.

Fétu n°3


Indice.


Un texte de Madame de Saintonge. Dit par Serge Goubioud et Mark Tucker.

Fétu n°2


Indice.


Un texte d'Eichendorff (dit par Sena Jurinac sur une musique de Schumann).

Texte et traduction :
http://www.recmusic.org/lieder/get_text.html?TextId=41583

mardi 17 mars 2009

Fétu

La vie de château.

jeudi 26 février 2009

Fatigue

En parcourant la Toile pour tâter un peu le pouls de la sphère autorisée, aficionados toujours dans la traîne des étoiles ou professionnels reconnus du commentaire, une impression de fatigue lourde.

Comme chacun se plaît à distribuer les points, à porter des jugements hâtifs sans connaître le contexte d'une production, sans prendre en considération le caractère limité de tout métier humain ! Comme chacun balaie du haut de son expertise, parfois réelle, parfois illusoire, une entreprise tout entière, réclame la satisfaction immédiate de ses goûts, ricane des sentences morales avant même que les informations soient confirmées, se délecte par avance des crises qu'il imagine...

Je reste fasciné, dans ce milieu comme ailleurs, devant l'entrain que mettent les gens à rendre tragique (peut-être pour se faire oublier son caractère accessoire ?) ce qui est leur divertissement.

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Généralité gratuite bien sûr, notamment inspirée par quelques spécimens particulièrement épuisants, voire vaguement écoeurants de suffisance ou de hargne. Mais la propension au jugement lapidaire et la prodigalité en leçons faciles est cela dit plutôt bien répandue.

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Bref, mieux vaut en revenir aux fréquentations habituelles, par exemple, pour ce qui est de la Toile, aux honnêtes esthètes de la liste de liens de CSS, dont la conversation est de plus tout à fait aimable.

dimanche 22 février 2009

Bach - Variations Goldberg - Catrin Finch, harpiste

Autre disque récent.

Juste pour montrer que la DGG n'investit pas seulement sur des entreprises sans profondeur. Non pas que Bach à la harpe soit du domaine du bon goût absolu - et d'autant que l'interprète en question livre une lecture assez sucrée de l'oeuvre -, mais c'est à ma connaissance une première. Et Bach, et en particulier les Goldberg, se prêtent si bien aux transcriptions diverses...

On peut rappeler nos références personnelles et très subjectives des Goldberg, en commençant par les plus essentielles pour nous :

  • Kurt Rodarmer, avec une guitare au son assez métallique, qui frotte et danse incroyablement.
  • Murray Perahia, pour la poésie de son piano et de ses nuances - évidemment.
  • Glenn Gould 1955, pour le rebond et l'articulation remarquable de chaque voix.


Pas de clavecin, car pour Bach dans ses oeuvres qui ne sont pas des suites, c'est pour nous une épreuve : comment faire vivre cette musique à la régularité rythmique déjà potentiellement étouffante si l'on ne dispose pas de nuances dynamiques ? Se pose aussi la question des silences, le plus souvent absents des partitions, mais dont la respiration permet de faire vivre la musique de Bach (et distingue les grands interprètes), plus difficile à obtenir sur clavecin du fait de l'absence d'étouffoirs (la résonance ne peut pas être maîtrisée aussi 'injonctivement' qu'au piano).

Le Temple du bon goût

Rien que pour le plaisir, la pochette merveilleuse du dernier album de Domingo dont je découvre à l'instant l'existence :

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(On notera le très habile collage entre une photo déjà vue - même série que celle du Tristan ou bien de l'intégrale des airs de Verdi ? - et l'image estompée du saint homme disparu.)

A bien y réfléchir, j'avais dû en entendre parler, mais je n'avais pas souvenir que Domingo était de la partie...

Il aura décidément tout fait. Entre les siruposités pucciniennes (mais orchestrées comme du Donizetti et harmoniquement restées à Cannabich) et les jolis slows avec boîte à rythme, c'est décidément très amusant, d'autant qu'à son habitude son aptitude idiomatique est assez... espagnole. Même pour le français que je suis, son italien ressemble assez peu à de l'espagnol.

Sa voix calibrée pour être sonore et large, qui n'a jamais été facile, et accessoirement vieillie, a qui plus est des difficultés à se prêter à l'exercice.

On a eu la bonne idée de le flanquer de chanteurs plus spécialistes de ce répertoire, qui s'en tirent mieux et mettent surtout en évidence son exotisme linguistique. Bocelli, dans ce répertoire léger, capté de plus près par les micros et dont la voix plus ténue mais plus franche n'est pas réverbérée par les arrangeurs, rayonne, de même que le délicieux filet gracieux de Katherine Jenkins (qui vaut bien Kirkby). Il est vrai que l'anglais ne flatte pas le volapük occidental qui semble son mode d'expression le plus naturel.

On s'épargnera le commentaire sur la qualité littéraire des chefs-d'oeuvre de Wojtyła, naturellement - ce serait mesquin, d'autant que repris par le choeur de séraphins, qui résisterait ? [Et par ailleurs, c'est plutôt de la jolie prose, pas vraiment des poèmes, des sortes de pensées joliment agencées.]

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C'est simplement de l'amusement, qu'on ne se méprenne pas, sans condescendance ni sarcastiqueries : il existe un public pour ce type de musique, par ailleurs très agréable à écouter. Et qui n'a pas de quoi être méprisé, ça ne répond tout simplement pas aux mêmes besoins que les Variations opus 31 de Schönberg - et je ne suis pas tout à fait sûr de ce que je préfèrerais écouter des deux, à dire vrai.

Mais il est vrai que l'association entre la dévotion un peu idolâtre à une figure humaine, le surf mercatique sur la disparition d'un personnage populaire, la maladresse de la confection de la pochette et le caractère suprêmement kitsch du contenu (poèmes gentillets et musique conçue pour être facile et sentimentale) et du mélange entre les intervenants fait immanquablement sourire par toutes les caricatures qu'elle assemble d'un seul coup.

Et vous pouvez rire gentiment avec nous en écoutant les généreux extraits fournis par Deutsche Grammophon Gesellschaft.

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Dans le genre, on peut tout de même plutôt se tourner vers des valeurs sûres (assez roboratives). Et plus à même de satisfaire l'amateur de lyrique du fait de leur son nettement moins trafiqué (les boursouflures et raccommodages des plans sont tout de même épouvantables dans Amore infinito).

En premier lieu du lyrique dégoulinant mais terriblement convaincant, avec un effet psychostimulant très efficace pour donner du coeur à l'ouvrage sur un travail un peu fastidieux.

Et puis, tout récemment, un disque moins à mon goût, mais qui force l'admiration. Les arrangements, pourtant par le même auteur que pour le disque d'hommage à Mariano (où ils étaient assez terrifiants), sont très colorés et assez savoureux, tandis qu'Alagna adapte avec bonheur son émission à un genre semi-lyrique. Et puis ses talents de bateleur sont connus, et éclatent enfin sans retenue. [Ce qui donne sans doute une petite idée du type de Pelléas qu'il disait vouloir chanter.]

Manqué !

dimanche 25 janvier 2009

Georges Aperghis, Avis de Tempête

Mauvais bricolage de non-Shakespeare, avec des sons électroniques trop proches, très acides... assez inécoutable sans le visuel, d'autant que le livret n'est pas fourni dans le disque, manifestement...

Le texte est de toute façon inintelligible et trop mixé pour prendre sens.

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Dommage. On en revient donc à la recommandation des indispensables et poétiques Machinations pour quatre voix de femme et ordinateur, sans nul doute l'Everest de la musique électronique du vingtième siècle.

Jacques Duphly par Gustav Leonhardt

Comme toujours, une petite raideur dans le maintien, ça ne danse pas beaucoup, mais toutes les strates sont audibles et phrasées, du grand art. Une lecture très sérieuse de la musique française, qui danse peu et trille avec sévérité, mais aussi une qualité analytique rare dans cette musique.

C'est plutôt le clavecin très riche (qui sonne toujours comme en triple clavier accouplé...) qui est un peu fatigant sur la durée.

Double CD Seon, couplé avec une lecture de Forqueray un peu chargée. Il vaut mieux ici se reporter vers la très fluide intégrale Yannick Le Gaillard, malgré la moitié du corpus affligé d'un clavecin très acide assez pénible.

Duphly et Rameau

Amusant, un des doubles de La Pothouin de Duphly s'apparente jusqu'à l'exactitude à un autre des doubles de la Gavotte de la Suite en la de Rameau. Pour mettre de l'eau au moulin de ceux qui reprochent l'uniformité à l'ère pré-1800.

Il est exact que la distance est moindre entre Haendel et Duphly qu'entre deux opéras de Massenet, mais c'est justement cette esthétique de la nuance, de la variation qui est alors séduisante.

Et, parfois, il y a comme des télescopages...

Dutilleux : Strophes sur le nom de Sacher & Quatuor Ainsi la nuit

(Label Erol)

David Geringas au violoncelle donne à ces pièces un peu arides une évidence à ne pas manquer pour aborder l'oeuvre. Les Strophes sortent de l'abstraction où on les place parfois pour devenir discours - ce qui paraît plutôt logique.

Quant à l'interprétation du Quatuor Sine Nomine, elle est généralement présentée à référence, et il est vrai qu'elle veille à l'équilibre constant entre un certain lyrisme postromantique et un refus de la complaisance sonore. Il n'en demeure pas moins que, comme souvent chez Dutilleux, l'oeuvre peut ravir par ses raffinements harmoniques ou lasser sérieusement par une certaine tendance à un hédonisme un peu abstrait.

Boismortier au clavecin par Laurence Boulay

Suite de l'ancien disque Erato bradé par Warner chez Apex.

La musique pour clavecin de Boismortier est semblable au reste de sa production, charmante mais assez peu profonde, avec des tournures assez impersonnelles et, malgré une séduction avant tout mélodique, une veine thématique un peu faible. On peut tout à fait, de mon point de vue, en rester au chef-d'oeuvre de dérision, bien dans l'esprit de l'original, de Don Quichotte chez la Duchesse.

Le clavecin de Laurence Boulay sonne presque à la moderne, un peu électrique, pas très séduisant - ce qui n'est pas réellement compensé par un jeu hors du commun, mais que faire de ces pièces un peu mineures ?

En tout cas un programme intéressant pour pas cher, avec de beaux Duphly.

Jacques Duphly par Jos van Immerseel

Amusant, la main gauche est un peu régulière et lourde, on sent le pianiste... Je ne devrais pas dire cela, soutenant habituellement qu'il n'est pas bien malcommode de s'adapter au clavecin pour un pianiste, mais malgré les parentés classiques très fortes de l'écriture de Duphly (qui utilise fréquemment les basses d'Alberti, ornemente relativement peu, n'écrit quasiment que des mélodies accompagnées et travaille surtout la séduction des atmosphères), il reste un petit fossé dans la souplesse de l'accompagnement.

Par ailleurs, superbe clavecin, et une profondeur de ton admirable pour ces pièces si légères, un disque vraiment recommandable (et pas cher du tout chez Apex, couplé avec des oeuvres de Boismortier par Laurence Boulay).

Vous pouvez vous en faire une idée sur Musicme.

Sinon, on peut bien sûr se tourner vers l'intégrale Le Gaillard, débordant d'esprit.

samedi 24 janvier 2009

Chaconne de Didon de Desmarest

J'écoute en ce moment même la (longue !) chaconne de Didon, sur le modèle de celle d'Armide, avec haute-contre soliste et choeurs.

Comme je l'avais déjà signalé, la parenté mélodique avec le divertissement (également à l'acte I) de Cadmus est patente. Mais entendre cette tournure très heureuse sur près d'un quart d'heure, quel délice !

Une particularité de cet opéra : les divertissements de fin d'acte sont toujours suivis d'une reprise de l'action qui les prolonge et qui annonce l'acte suivant. (C'est comparable à l'acte II de Pyrame & Thisbé de Francoeur & Rebel.)

Mystère

Amusant : alors que le lamento du III d'Armide me semblait plus réussi chez Herreweghe au disque que chez Christie dans la salle, et que c'était l'inverse pour le monologue du V, plus précis et intense pour D'Oustrac, à l'écoute de la captation radio des mêmes soirées, tout change.

samedi 3 janvier 2009

Lectures (wagnériennes) du jour

  • Les drames musicaux de Richard Wagner par Carl Dahlhaus et Madeleine Renier. Bon bouquin généraliste.
  • Wagner par ses rêves par Philippe Muller. Consternant.
  • Nietzsche, adversaire de Wagner par Dominique Catteau. Un essai de synthèse de la philosophie wagnérienne franchement bien conçu. Notamment la mécanique christiano-érotique de sa réflexion.
  • Drama and the World of Richard Wagner par Dieter Borchmeyer et Daphne Ellis. La question de l'amour, du mariage et de sa consommation est traitée de façon assez passionnante (on se rend compte, en fait, que le couple dissident de 1984 a une conception wagnérienne de l'amour, où le péché se trouve dans le mariage et non dans la sexualité).

Strauss - DER ROSENKAVALIER - Karajan Vienne 1960

  • Die Marschallin : Lisa Della Casa
  • Octavian : Sena Jurinac
  • Sophie : Hilde Gueden
  • Baron Ochs : Otto Edelmann
  • le chanteur italien : Nicolaï Gedda

Vienne se prend totalement les pieds dans le tapis pendant tout le premier acte (superbe pain aux cors sur la deuxième note accentuée, prélude décalé, violon solo faux et discontinu à la fin de l'acte, etc.), c'est réjouissant.
Della Casa fabuleuse, enfin une Maréchale charismatique (le rôle est écrit sur les mauvaises notes, difficile à faire sonner).

Jurinac, qui a aussi beaucoup chanté Donna Anna (!), joue avec beaucoup d'aplomb son Quinquin, en prenant un timbre assez viril, ce qui me convainc toujours modérément - le caractère gracieux et androgyne n'est pas pour rien dans la séduction du rôle. Mais elle connaît son affaire, ça file bien comme il faut.
Côté Gueden, qui chante pourtant parfaitement Zerbinette, il faut supporter des suraigus entièrement droits, un peu criés dans la Présentation de la Rose, ce qui cause quelque inconfort, malheureusement, aux esgourdes. Une soirée de méforme sans doute.

Les protagonistes de cette mise en scène (qui a l'air bougrement vive...), de gauche à droite : Hilde Gueden, Sena Jurinac, Lisa Della Casa.
(source de l'image : Cantabile-subito.de)

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Tout ça pesé, on comprend bien que le disque a avant tout été publié pour documenter la Maréchale de Della Casa (qui a assuré les trois rôles dans un temps assez bref...). Avec une vraie réussite, d'ailleurs, parce qu'Edelmann est survolté, parle à merveille (loin de la vulgarité du studio de 56 et des sons très vilains qu'il y faisait) ; parce que Della Casa est bel est bien sublime ; et parce que Karajan, en bousculant Vienne, trouve un ton survolté assez réjouissant dans l'oeuvre, loin des mollesses cotonneuses - assez pénibles - de son studio.

C'est là aussi le seul témoignage disponible de Della Casa en Maréchale, puisque Walter Legge l'a faite remplacer par sa femme pour la vidéo enregistrée en studio dans la même distribution et les mêmes costumes.

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A notre avis une très belle version, qui soutient la tension comme peu.

Mais c'est un peu le bazar ce soir-là, il vaut mieux être prévenu.

(Le meilleur orchestre du monde mon oeil !)

dimanche 21 septembre 2008

L'Age d'Or du lied

On le dit souvent par ici, c'est maintenant.

A cause de la diversification des « tubes » (bien plus nombreux que les quelques scies enregistrées jadis), grâce au choix merveilleux que permet le support discographique. Bien sûr. [1]

Mais aussi chez les interprètes, qui se révèlent bien plus concernés par ce qui fait l'essence du genre, à savoir le rapport de la musique au texte, que leurs aînés. (S'il faut généraliser, bien entendu.)

Suite à une question qui nous a été posée, voici les quelques notes informelles d'un embryon de réponse.

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Quels liedersänger [2] expressifs dans l'ancien temps ?

Je vois surtout Dietrich Fischer-Dieskau et Elisabeth Schumann (on pourra en proposer en section libre de droits). J'en oublie assurément. Je vois cité Gerhard Hüsch, et c'est très bien en effet. Même de très bons diseurs comme Lotte Lehmann se révèlent assez rigides au lied, il me semble.

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Mais pourquoi diable les interprètes plus récents seraient-ils plus soigneux dans l'expression ?

A mon humble avis.

C'est une différence globale d'attitude, liée au changement de statut du lyrique, qui revient un peu à son état premier (à la fois du théâtre [3] et de la musique) après plusieurs siècles de domination musicale.

Après, à toutes les époques, on trouvera de bons et de mauvais diseurs, mais disons qu'à l'exception de Fischer-Dieskau, les très bons diseurs, je les rencontre plutôt à partir des années 80, et même surtout depuis le renouveau baroque qui a promu de petits formats plus à même d'articuler clairement un texte et de respecter une ligne fine.

C'est une évolution globale, une diversification des spécialités. Dans les années 50 en France, par exemple, tous les chanteurs, même le moindre choriste, avaient une diction parfaite (pour tout un tas de paramètres qui s'expliquent [4]), et pourtant, si l'on regarde les interprétations de mélodie française par Panzéra ou Maurane, voire Souzay, l'ensemble est beaucoup plus fade textuellement que ce que font des chanteurs moins spécialisés, aujourd'hui (qui sont souvent moins compréhensibles et moins en style, d'ailleurs).

Pour prendre un exemple, je ne crois pas qu'un profil du type Le Roux ou Corréas aurait pu exister dans les années cinquante. (D'ailleurs plutôt que Bernac, dont je n'aime ni la voix ni l'expression, je recommanderais plutôt, dans le même format de baryton aigu et le même répertoire, Michel Carey - plus précis dans l'expression.)

Je pense donc que cela s'explique concrètement, de même qu'on peut expliquer la perte de style pour certains répertoires, dont la mélodie française, la plupart du temps chantée comme du lied ou comme du Donizetti...
La révolution baroque, la théâtralisation de l'opéra sont pour beaucoup dans ce changement positif, je crois. Pour la perte de style, c'est plutôt l'internationalisation des répertoires qui est en cause.

Et en tout cas, cela explique que les chanteurs de lied récents soient plus proches de la sensibilité des lutins, sans discréditer les autres (d'autant qu'il existe d'excellentes choses anciennes).

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Et au concert ?

[Ce qui ne nous empêche pas de regretter avec insistance l'absence absolue d'originalité des programmes de lieder (à part, parfois, dans les pays germanophones), se limitant à peu près toujours à :

  1. Die Winterreise (Schubert)
  2. Die Dichterliebe (Schumann)
  3. Bouquets de lieder de Schubert
  4. Avec orchestre, les Mahler
  5. Der Schwanengesang (Schubert)
  6. Liederkreis Op.39 (Schumann)
  7. Avec orchestre, les Wesendonck-Lieder (Wagner)
  8. Die Schöne Müllerin (Schubert)
  9. Parfois des bouquets de lieder de Schumann
  10. Un peu de Richard Strauss (toujours les cinq mêmes)
  11. Liederkreis Op.24 (Schumann)
  12. Un peu de Wolf, mais toujours les mêmes Möricke (voire quatre Goethe) - surtout dans les pays germanophones
  13. Il peut arriver que les trois plus célèbres de Liszt (parce que mis en musique aussi par Schubert ou Schumann) soient joués, une petite mode depuis peu


Vous aurez beaucoup de peine à entendre autre chose en concert. Vraiment beaucoup. Pourtant il existe d'autres cycles de Schubert, énormément de lieder jamais exécutés mais exceptionnels de Schubert, d'autres cycles de Schumann, et quantité d'autres compositeurs majeurs de lieder : Clara Wieck-Schumann, Max Reger, Alma Schindler-Mahler, Anton Webern... et bien d'autres compositeurs au minimum intéressants : Zelter, Loewe, Reichardt, Franz, Zemlinsky, Marx, Křenek, Holl...]

N.B. : Il n'a pas été possible d'ajouter tous les liens correspondants, mais vous pouvez vous reporter aux chapitres consacrés au lied, dans la colonne de droite de Carnets sur sol. Beaucoup d'auteurs ont été abordés.

Notes

[1] En revanche, la mélodie française, même si elle bénéficie du disque, est interprétée dans un nombre généralement très limité d'oeuvres-phares, plus jamais donnée seule au concert, et très rarement en style ou même avec une diction impeccable.

[2] Chanteurs de lied

[3] En est témoin la place aujourd'hui réservée à des metteurs en scène inventifs ou prestigieux, ce qui n'était pas du tout le cas jadis.

[4] Notamment le fait de ne chanter que dans sa langue et devant un public de sa langue, ce qui est à la fois plus facile pour maîtriser sa phonation que dans une langue étrangère et plus exigeant pour être compris que devant un public qui en tout état de cause ne maîtrise pas la langue de l'oeuvre.

mardi 16 septembre 2008

Le piège

Comment Plácido Domingo a-t-il pu accepter de se prêter à un tel jeu de dupes ?

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jeudi 14 août 2008

Gounod - Faust - Plasson, Orange 2008

En plus, la mise en scène de Nicolas Joël ressemblait fortement à du bâclage (ou alors quelque problème de nous inconnu l'a empêché de produire ce qu'il pouvait). Aucune direction d'acteurs (seul Alagna, tout à son enthousiasme d'être en contact avec son public, riait et bondissait sans arrêt). Une esthétique du sabre et du goupillon (pourtant décriée par le metteur en scène). Des chanteurs perdus, aucun mouvement (la scène foisonnante du II, où Faust et Méphisto se frayent un chemin parmi les danseurs, ne voit que trois couples de valseurs au milieu de la scène immense), et plusieurs sabotage de l'économie dramatique de l'oeuvre. Entrée pour ainsi dire par la porte du démon au I, et surtout avancée paisible de Faust écoutant Marguerite à la fin du III, alors que la surprise par l'amant du moment d'aveu solitaire porte à elle seule tout le tragique de ce qui suit - l'enfant, la mort, la damnation potentielle. Tout est donc aplani sans la moindre recherche, jusqu'à saper ce qui est bien écrit.
Une idée séduisante cependant, à la toute fin : le retour à l'état initial de Faust, sorte de punition qui le condamne à mourir vieux et fatigué, la damnation en plus.

Côté orchestre, une direction lente, sans grand relief, mais soignée, avec de belles couleurs, de la part de Michel Plasson. Les choeurs, bien que nombreux, disposent d'un timbre proportionné, très agréable, et d'une diction à peu près correcte, ce qui est rare et doit être salué comme il se doit.

Côté interprètes, on note avec un peu d'étonnement un début très précautionneux pour René Pape, qui peine à trouver les voyelles justes avant le III, et peine à s'investir - alors que la radiodiffusion new yorkaise, en 2006, montrait un démon certes un peu noir pour un Méphisto goethéen, mais très complet et assuré. Comme on ne peut pas prétendre que l'absence de mise en scène ait troublé un habitué des versions de concert et surtout du Met, on peut penser à une soirée de relative méforme - mais attention, malgré un manque total d'originalité, l'ensemble était vocalement parfaitement assumé, et surtout, il faut toujours se méfier des voix de basse, qui ont un impact énorme en salle, pas toujours rendu par les micros (c'est le cas par exemple de Fernand Bernadi et de Nicolas Testé, voix très peu phonogéniques, et pourtant d'une présence extraordinaire en vrai). Il est donc possible qu'une présence très particulière se soit tout de même manifestée - alors que la retransmission donnait l'impression à tous les coups fallacieuses d'une projection un peu difficile !

Inva Mula a, en peu d'années, abandonné sa luminosité un peu monochrome au profit d'une voix plus ferme, légèrement plus dramatique, d'une diction plus affirmée, d'une qualité d'attaque supérieure. Le timbre en est moins séduisant, mais le résultat combien plus varié et intéressant ! Il est rare que les artistes soient capables, au sein du galop d'une carrière, de modifier ainsi leurs qualités propres, c'est à saluer.

Jean-François Lapointe semble résoudre de plus en plus nettement sa tendance à l'engorgement, et parfois au prosaïsme, avec une présence scénique tout à fait honorable dans le monde anesthésié de cette soirée. Pour un baryton martin, l'aigu n'est pas très libre et beau, mais son Valentin convainc. Un chanteur de plus en plus intéressant, dont le Pelléas très viril nous avait d'ailleurs étonné il y a peu.

Enfin, Roberto Alagna,

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Tchaïkovsky - La Dame de Pique - Rozhdestvensky, Dodin

Une esquisse, quelques pistes.

Visionné tout récemment la mise en scène parisienne très décriée de Lev Dodin. En effet, le choix de la situation dans l'asile, donc à l'issue de la folie d'Hermann (qui ne mourrait pas), qui peut sembler cohérent, se révèle extrêmement stérilisant.

  • Toutes les alternances de groupes qui scandent le drame et en particulier l'acte I sont réduites à un défilé en hauteur, hallucinations figées au-dessus du lit d'Hermann. Jusqu'à l'opéra mozartien du II, tout est présenté sur cette estrade figée, où des personnages en haillons, camarades de folie ou créatures imaginaires, posent, immobiles, interminables.
  • Toute variété, tout mouvement sont proscrits, aucune action ne se déroule sur scène - ce qui est tout de même un non-sens assez important lorsqu'on réalise une mise en scène.
  • La cohérence du procédé s'effrite au fil des actes, lorsque des personnages descendent dans l'arène, ou lorsqu'Hermann vient menacer la vielle comtesse. Qui sont-ils, à quoi servent-ils ? Le parti pris, totalement stérile en lui-même (puisqu'il n'apprend rien que l'on ne sache et sabote totalement la logique dramatique de l'oeuvre et sa respiration vive), se trouve donc de surcroît largement pris en défaut.
  • Ajoutons à cela que la partition n'est pas épargnée, puisque la cohérence du récit de Tomsky est brisée par l'intervention au discours de la Comtesse dans son monologue, ce qui est un non-sens dans une séance de conteur, et accessoirement du charcutage musical...


Pour ne rien arranger, la direction de Ghennady Rozhdestvensky, vraiment lente et dépourvue d'angles (et pourtant pressée de relâcher le dernier accord), accentue ce caractère lisse et contemplatif.

L'ensemble est sauvé par les chanteurs. Vladimir Galouzine, contrairement à ce que pouvaient laisser penser ses incarnations italiennes pâteuses et rustaudes, n'est absolument pas en perte de moyens, loin s'en faut. Le placement en arrière imposé par le russe correspond beaucoup mieux à son émission qui repose assez sur la gorge. Il compose un personnage d'une variété, d'une force de conviction et d'une insolence vocale hors du commun, tenant à lui seul ce qui reste de drame dans cette lecture scénique terriblement pauvre. Si bien que la voix en finit légèrement plus mate à la fin de l'oeuvre, tant le chanteur refuse de se ménager, et s'investit à corps perdu dans les affres du dément.
Il paraît, de surcroît, que sa puissance en salle est assez extraordinaire.

Hasmik Papian, loin de la réputation braillarde que lui ont procuré des prestations peut-être écoutées trop rapidement,

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mardi 29 juillet 2008

Mozart - DON GIOVANNI - Östman

Ecoute in progress. Etat de nos notes au cours de la première écoute, limitée pour l'instant à l'acte I.

C'est un peu le jeu de CSS : des instantanés. Nous sommes assez certains de réviser notre avis, peut-être radicalement, à la fin de l'écoute et surtout à la réécoute, en intégrant le principe de traiter l'oeuvre comme de la musique légère et secondaire, antidramatique, qui n'est pas notre goût mais qui est peut-être très réussi lorsqu'on l'a accepté.
Comme nous ne parlons pas de choses négatives et ne nous permettons guère de critiquer vertement les artistes lorsqu'il en est question, ce sera une exception potentiellement intéressante pour voir les coulisses de CSS, lorsque nous portons les premières impressions brutes sur papier, avant de comprendre le parti pris des interprètes. Le gros avantage étant que vu l'ancienneté de l'enregistrement et l'absence d'artistes francophones, il y a peu de chances de les blesser, ce qui fait partie de notre cahier des charges...

Commentaire au fil de l'écoute.

Ouverture.

Nous n'avons jamais beaucoup aimé Arnold Östman et son orchestre, qui sonne petit, étriqué et surtout avec un son aux cordes absolument égal entre l'attaque (plate) et le sostenuto [1] de la note (malingre). Comme chez Hogwood, sauf que l'orchestre de Hogwood a de belles sonorités, voluptueuses au besoin.

Gilles Cachemaille (Leporello) entre. Le français est moins mauvais qu'avec Harding à Aix, et la voix se tient mieux, mais ce n'est pas fameux pour autant. La lecture se veut gouailleuse, avec pour résultat des traits un peu gras et des accents un peu vulgaires.

Entrent Don Giovanni et Donna Anna. Tempo extrêmement vif, mais sans aucune urgence, tout est léger et froid. Une romance vive débitée en pensant à autre chose. Pour nous, voilà qui est totalement rédhibitoire, nous avons immédiatement envie de passer à autre chose (et cet état de fait se confirme au fil de l'écoute). Au moins, Kuijken - également très froid et peu dramatique - tentait une forme d'hédonisme, voire de poésie. Même si ça ratait, ça se défendait.

Pour notre part, l'impression persiste d'une recette appliquée pour vendre le nom Drottningholm, avec des tempi très vifs et des sons droits et très allégés, pour bien montrer qu'on est un authentique pionnier. En fait, à cette date (1990), c'est d'un conformisme affligeant.

On continue ?

Håkan Hagegård entre donc, et malgré quelques excès sur la ligne, pas forcément indispensables, le personnage est campé avec beaucoup de clarté et de fougue. Engageant.
Par la suite, son mordant et son expression le rendent proprement passionnant.

Las ! Son Commandeur, Kristinn Sigmundsson, qu'on entend à peine à ce tempo-là (le trio de la mort est expédiée en un instant, avec une indifférence proche du ridicule, il nous a fallu le remettre pour comprendre ce qui se passait), sonne extrêmement frêle. Et cette rupture de l'orchestre, suspendue comme un disque interrompu, mécanique, froide, n'arrange rien pour dramatiser sa mort - ou à tout le moins en respecter la solennité.

Mais ce ne serait rien s'il n'y avait Arleen Augér, absolument perdue. Qu'est donc devenue la déclamation tragique, millidoles ! Une telle indifférence à la situation dramatique est-elle concevable ici ? Témoin Ah, l'assassin mel trucidò ! ("Ah, l'assassin me l'a tué !"), d'une mollesse difficile à justifier.

A la réécoute, on finit par trouver quelque chose, mais en réalité, cette Anna tient plus de l'hystérie superficielle que du désespoir tragique qui plombe en principe tout le Don Giovanni. Ce que corrobore assez ce très joli cri d'entrée :

.

Et tout à l'avenant. Nous éprouvons d'autant plus de peine à le confesser que nous aimons beaucoup Mlle Arleen Augér, dans une veine à la réflexion sans doute plus sulpicienne...

Faut-il qu'en plus nous évoquions ces récitatifs ? Certes, ils ne sont pas le meilleur de Mozart, mais par rapport aux Noces, ils sont concis et très efficaces - drôles aussi. Ici, leur lenteur et l'indifférence du continuo dynamitent pour partie les efforts des interprètes.

La voix de Bryn Terfel (Masetto), déjà très solide et impeccablement placée, n'a pas encore acquis sa couleur si spécifique, et lorgne un peu ici vers les harmoniques de la basse standard (avec un vrai bonheur, mais peu d'expression). Dans ces années, il est de façon générale assez peu intéressant eu égard à ce qu'il est devenu. L'italien en revanche est déjà excellent (cette formation était inclue dans ses études, avec notamment l'escrime...).

Barbara Bonney propose une Zerlina légère, très lyrique, un peu maniérée. Il faut dire que la doctrine d'appoggio [2] d'Östman n'aide pas franchement au naturel. Pas très concernée par son texte non plus, mais suffisamment pour que le personnage vive. A l'époque, son accent américain reste tout à fait raisonnable.

Heureusement qu'on trouve Della Jones (Elvira) dans le coin, pas du tout intense et violente comme on aurait pu le penser, mais au contraire toujours tendre, et avec un vrai bonheur. En voilà une qui a des mots et une voix parfaitement au service de son personnage !

L'Ottavio de Nicol van der Meel aussi est un bon point, avec une belle couleur de haute-contre, légèrement élimée, mais gracieuse et noble. Un des rares à profiter de l'esthétique d'Östman.

Enfin, nous ne pouvons que rejoindre les éloges sur la fête paysanne tout à fait dans le caractère, lente et un peu pesante, voire pataude. Très réussi et amusant, cela s'impose comme une évidence.
Autre satisfaction, Là ci darem la mano qui s'impose à titre personnel comme une référence, avec son élan léger et pressant, et un Hagegård redoutablement enjôleur. Splendide, j'ai même pu écouter cette scie en entier - et avec plaisir !

Le final du I semble plus travaillé, avec de beaux changements de couleur, même si tout est toujours pressé (et les passages les plus rapides traditionnellement, ralentis, de façon à sembler toujours au même tempo...). L'orchestre semble gagner en épaisseur et en urgence.

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Nous n'aimons pas être dur, mais c'est là tout de même un sacré gâchis : avec une réalisation technique parfaite, nous entendons le seul Don Giovanni (devant Kuijken) qui n'ait absolument rien produit en nous, alors que même mal joué, le résultat est toujours magnifique. Du sabotage pour en faire un épigone du pire Martin y Soler.

De ce naufrage, nous sauvons tout de même quelques prestations exceptionnelles comme l'Elvira de Della Jones (mais nous sommes assez inconditionnels de sa voix et de son expression, quoi qu'elle fasse, et elle se montre ici sous un jour assez pâle) et Hagegård, qui forment un couple-passerelle buffo-serio assez idéal. Nicol van der Meel représente aussi une belle friandise.

Nous sommes surtout très agacé par ce traitement en surface, sans aucun impact dramatique, réalisant minutieusement chaque appoggiature, mais rejetant toute expression textuelle comme un manque de goût, au point de rendre l'un des opéras les plus urgents du répertoire d'une jolie fadeur assez inférieure à la valeur de la partition.
En l'acceptant, il doit être possible de passer un excellent moment, car la réalisation technique est parfaite. [3] Une fois de plus, tout dépend des critères de chacun...

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Notes

[1] C'est-à-dire le 'soutien' de la note, le coeur de celle-ci, après l'attaque.

[2] On parle ici de l'attaque surélevée de la première de deux notes égales en hauteur, chez les chanteurs, une appoggiature non écrite, mais exécutée à l'époque.

[3] Sur le plan de la qualité sonore, on entend tout de même une rupture très audible entre Fin ch'han dal vino et le récitatif qui précède.

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vendredi 18 juillet 2008

Divertissement sur sol

Une adorable caricature en vidéo de la présidentielle américaine.

Deux précisions sur la traduction française :

  • un jeu de mots sur le containment vietnamisant d'Al-Qaida (scène du porte-avions) n'a pas été traduit ;
  • on entend très bien l'accumulation absurde de mots creux autours du change chez Barack Bambi, ne pas se laisser abuser par le texte français à peu près sensé.

mercredi 9 juillet 2008

La jungle perdue

Si même les habitants de la forêt équatoriale américaine (certains malgré eux sont très présents ces derniers jours) se mettent à parler de forêt tropicale indienne pour causer d'eux-mêmes, le sens premier est définitivement perdu...

Requiescat in pace.

mardi 8 juillet 2008

Votez Hulot

Etrangement, la Bacchanale de Chopin (oui, ça existe) a résonné à mes oreilles.

Chouette.

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N.B. :
Tao-Lseu a dit : il faut savoir pour comprendre.

dimanche 6 juillet 2008

Maurice OHANA, guitare intégrale (Stephan Schmidt)

Beaucoup de simplicité dans cette lecture fortement consonante et avenante, mais sans volonté néo-, réellement contemporaine. Sans nulle surcharge, des climats poétiques, où la répétition, voire le silence ont aussi bien leur place que la recherche de textures ou d'harmonies.

Exécution aux caractères très variés de Stephan Schimdt, dont le son (de pair avec Ohana, de toute façon) est un peu gris, à mi-chemin entre le métal et la rondeur, mais dont l'interprétation bénéficie d'un certain degré d'évidence.

vendredi 4 juillet 2008

Valeureux sénateurs

En ce moment même, depuis vingt minutes, se déroule un débat autour de l'insertion d'une virgule dans un article du projet de loi sur la modernisation de l'économie. Respect.

mercredi 2 juillet 2008

Parangon du mauvais goût

On parle régulièrement ces temps-ci, dans nos fréquentations inavouables, d'Albert Ketèlbey, compositeur britannique qui symbolise ce que le mauvais goût a produit de plus redoutable.

C'est un mélange entre pittoresque de pacotille, assez drôle, comme on en trouve en abondance dans les opéras français du XIXe siècle (avec des démons qui dansent la valse ou des tamouls avec la pureté de langue de Diderot), et pour 90% du dégoulinage anglais qu'on retrouve essentiellement désormais en musique de film (mais ici à dose très condensée).

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La pochette la plus conforme à l'art de Ketèlbey.

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Réputation méritée. Ca a du charme, mais tous ces poèmes symphoniques (la seule chose qu'il ait commise) sont dans un style totalement identique, parfaitement interchangeables. Attention : à doses trop rapprochées, Ketèlbey favorise l'acquisition d'un diabète de type 2.

Je penche tout de même pour un peu de second degré, si j'en crois mes oreilles pour le texte du _bazar persan_ :
Bak-chich, bak-chich A-allah !
Bak-chich, bak-chich A-allah !

Humour anglais...

dimanche 22 juin 2008

Permanence mythique

Nous sommes sauvés, les mythes fondateurs se perpétuent, en s'adaptant toujours avec imagination et goût à leurs contemporains.

Merci France 2 ! [Qui est déjà, rappelons-le, ainsi que toute la classe politique l'a martelé, un service public de qualité.]

ELEKTRA

Dimanche 22 juin à 23:35 sur France 2 (95 min)
En 16/9
Interdit aux moins de 10 ans

L'histoire

Après la mort sanglante de ses parents, Elektra découvre qu'elle est ressuscitée. Dès lors, elle n'aspire plus qu'à se venger et se condamne à l'exil. Elle s'entraîne dans la plus pure tradition du ninjitsu et devient une tueuse professionnelle, la meilleure du circuit, une véritable légende. Mais elle découvre bien vite que donner la mort ne suffit pas à justifier son action. A bout de nerfs, elle sait que sa prochaine mission sera la dernière.

samedi 21 juin 2008

Cosma - Marius & Fanny - studio

CSS souhaite depuis plusieurs mois revenir sur cet opéra, qui pose beaucoup de questions sur la nature même du genre, ses frontières, et qui imite des recettes anciennes de façon assez surprenante.

Mais il faut juste signaler que le studio dirigé par Cosma, s'il conserve en effet les meilleurs moments, exalte plutôt les faiblesses de l'oeuvre, et présente une artificialité de son assez dommageable. Ne pas s'en tenir là pour en conclure qu'il s'agit de racolage facile.

La version de la création à Marseille, dirigée par Jacques Lacombe, révèle d'autres qualités.

En effet, l'oeuvre montre beaucoup de faiblesses : les vers (ou la prose) sont parfois très mauvais, la prosodie à plusieurs reprises maladroite, les récitatifs parfois ratés, on note une incapacité absolue à développer les thèmes (une pensée très filmique de la musique, par séquences brèves et autonomes), et de ce fait, on a l'impression d'une musique calibrée pour le disque d'extraits qui allait suivre, une suite de numéros de caractère, décousus.

Cependant, le résultat est d'une grande fraîcheur, extrêmement accessible, touchant parfois, avec quelque chose d'une maladresse véritable, très attachante. Il nous faut l'avouer l'avoir écouté assez régulièrement, après une certaine défiance initiale. Quelque chose de l'esprit de l'opéra comique du premier XIXe - de la simplicité, de la naïveté même, de la morale, mais aussi de la dérision. On y reviendra sans doute avec quelques extraits de la création pour en donner une idée.

Lully - Proserpine - Niquet

... juste un mot pour noter que le studio (contrairement à Callirhoé) est plutôt supérieur aux représentations de la recréation, et qu'on peut donc se précipiter. Son très confortable, pas trop artificiel, artistes plus en forme vocalement, et surtout plus nuancés. Toutes les outrances de Stéphanie D'Oustrac, très affectée en Callirhoé, ont disparu, les nuances tirent beaucoup plus vers le piano, avec beaucoup de tendresse et d'énergie, sans exagérer les poses. Les tempi du chef, comme pour Callirhoé, se sont un peu ralentis et variés au studio, mais avec un gain, ici, en subtilité.

On dispose de surcroît du prologue manquant au concert (et donc dans la parution du Monde 2).

On peut se précipiter, d'autant qu'il s'agit, musicalement parlant, d'une des toutes plus belles tragédies lyriques de Lully et d'une des plus belles interprétations dans ce domaine. Même les plus rétifs aux instruments d'époque pourront apprécier la rondeur absolue, et la variété des couleurs du Concert Spirituel.

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Et toujours avec le livre-disque indispensable de Glossa, extrêmement nourrissant intellectuellement, la parade invincible contre le piratage.

jeudi 19 juin 2008

Čiurlionis : Tchaïkovsky toujours d'actualité


Mikalojus Konstantinas Čiurlionis, qui est emblématiquement à la Lithuanie ce que Peteris Vasks est à la Lettonie, est l'un des très rares artistes doubles, autant connu en tant que peintre qu'en tant que compositeur.

Une musique aimable, habile, pas essentielle du tout mais assez réussie. [1]

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Son poème symphonique Dans la forêt semble teinté d'un gentil tchaïkovskysme, qui peine un peu sur la durée, mais sans déplaisir aucun. Dans les 'murmures de la forêt', on perçoit aussi quelques accents wesendonckiens. Le tournage dans le vide final semble aussi vouloir imiter Wagner (ou Mahler, ou Bruckner ?), mais avec moins de bonheur. On pense plutôt à la fin de la deuxième partie des Scènes de Faust de Schumann, chef-d'oeuvre absolu, mais qui à ce moment-là n'est pas précisément de la même ambition harmonique qu'un Wagner de la maturité...

Un peu faible, mais charmant, surtout dans ses murmures centraux.

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Il en existe un enregistrement par Vladimir Fedosseyev.

Notes

[1] Attention, ce n'est pas notre avis sur Vasks, on parle bien de Čiurlionis uniquement...

Ladislav Kupkovič, la vengeance du slovaque

Petit conseil divertissant, manière de pouvoir enfin goûter un compositeur slovaque à peu près valable - l'emblématique Suchoń se complaisant malheureusement dans un postromantisme assez gris et fade : Souvenir, une pièce de concert conçue pour les bis, un ressassement à l'infini d'un non-thème (furieusement tonal), et la déception pendant plus de dix minutes de cadences et de nuances trompeuses qui semblent annoncer mille fins.

Très amusant. Existe au disque chez Philips (Gidon Kremer au violon, Elsbeth Moser à l'accordéon, Oleg Maisenberg au piano).

Haydn - Quatuors Op.76 - Kuijken



Quatuor de la famille Kuijken sur instruments d'époque. Aigre à n'en pas croire ses oreilles - sauf pour qui connaît le son Kuijken, très néerlandais [1], très direct, mais aussi très peu esthétisé. Sans concession, presque mécanique, donc un peu rude à l'écoute, mais au moins, voilà un Haydn qui n'est pas joué comme du Mendelssohn ! Et qui a beaucoup de caractère.

Les mouvements de danse sont extrêmement réussis - on sent bien ce que la formation de musiciens à l'école baroque a de précieux de ce point de vue. Il ne faut pas oublier que Sigiswald Kuijken a dirigé un Zoroastre de Rameau admirable de poésie... Ce qui suppose une excellente conscience des accentuations et une maîtrise parfaite de l'inégalité des notes égales.

A connaître, vraiment.

Notes

[1] Même s'ils sont belges, mais ça, c'est une autre affaire.