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Jean-Féry REBEL, Henry Guichard - ULYSSE - Hugo Reyne, La Simphonie du Marais (Laurens, Chuberre, Révidat, Crook, Deletré) - I - L'Ingénu au concert, les coupures

De même que nous nous étions immergés pendant quelque temps dans l'univers de Pyrame et Thisbé, volons à la rencontre d'Ulysse.




(L'oeuvre a finalement été enregistrée de façon imprévue, et le disque a paru en novembre.)


1. L'Ingénu au concert

Par l’odeur du travail attiré, CSS de passage à Paris pour une douzaine d’heures ce 9 juin put se rendre, par le bonheur d’une coïncidence bénie de dates, à la Cité de la Musique, sans la compagnie de ses lutins.

Après avoir traversé le parc des Buttes-Chaumont, pâle copie de notre Jardin Public, puis remonté les allées piétonnes Poulenc et Milhaud, guère élégantes mais très agréables, nous tâchons de pénétrer dans le sanctuaire, vaste machin dont aucune des nombreuses entrées ne semble ouverte – sauf celle qui nous est cachée, bien entendu.
Heureuse surprise, l’intérieur nous paraît d’un goût heureux, avec sa structure en spirales, surmontée de verrières – si bien que l’on pense plus d’une fois à Pei –, et paré d’un accueillant mobilier concave assorti.

La salle elle-même se révèle extrêmement confortable, dotée de sièges douillets, avec une place estimable pour les jambes. Cet amphithéâtre de dimensions mesurées se pare d’ouvertures bizeautées en profondeur et baignées d’une lumière bleutée, avec des reflets ocre-doré sur les embrasures. Bien que les cintres soient à nu au plafond, ce qui pose une double question accoustique et esthétique, de petites lumières y scintillent agréablement dans un firmament imaginaire. Cet environnement poétique, propice à la détente, se révèle précieusement accueillant au voyageur harassé de travail.
Pendant le concert, ne restera plus que la couleur bois dans les ouvertures.

Entrent les artistes. En chemises noires ou lie-de-vin. Chose appréciable pour le provincial, ils sont applaudis jusqu’au bout, par un public de toute façon choisi – une tragédie lyrique inconnue qui rivalise dans la programmation du moment avec le Lohengrin de Heppner/Meier [1] et le Bal Masqué avec Marcelo Álvarez… Et puis, comme le disent les autochtones, c’est si loin, la Cité de la Musique. Si bien que les tribunes vides et le parterre pas vraiment plein sont emplis d’un public manifestement très friand du répertoire pour lequel il s’est déplacé.
D’emblée, on est frappé par le son incroyablement aéré des applaudissements. Et satisfait de la lumière qui nous demeure pour écrire.

Hugo Reyne nous gratifie, exercice pas toujours confortable pour un musicien, d’une introduction précise avant de débuter. Puis résonne dans cette accoustique aérée le son d’un orchestre – et, souffle la mémoire de l’oreille accoutumée à l’ONBA, d’un vrai –, qui nous plonge, il faut le confesser, dans un émerveillement stupide, ému devant une beauté offerte soudain, inattendue à ce degré.


Mais foin de contextes superflus, au fait.







2. Les coupures

Avant toute chose, considérons l’état de la partition qui nous est ainsi livrée. La partition, reconstituée à partir de sa version réduite (voix/dessus/basse) déposée à la BNF et du matériel d’orchestre abîmé déposé en Suède et signalé par Catherine Cessac à Hugo Reyne, est assez largement coupée. Les danses sont rares (même la passacaille du V a disparu), les ariettes supprimées, les interventions divines escamotées ; quant au Prologue, il se trouve réduit à la portion congrue : entrée d’Orphée, une réplique d’un sauvage, et c’est immédiatement le grand saut dans le premier acte.
Dommage, alors qu’Hugo Reyne vante précisément la subtilité de son Prologue qui – comme pour Atys ou Armide, cela dit – joue volontiers de l’ambiguïté entre l’éloge du roi et celui du héros vanté dans la tragédie.

On apprend dans l’entrevue qui précède la radiodiffusion qu’il a désiré couper les « redites » pour le concert (!). Le tout a cependant été enregistré (indépendamment donc de la représentation de juillet), devant le succès du concert. Le paquet est donc vendu deux fois, comme c’est devenu la mode [2] - une façon habile de contourner les problèmes de l'industrie discographique.
Il faut dire que la tragédie lyrique s’est inventée un beau modèle économique : version de concert, parution d’une documentation sérieuse, radiodiffusion (et parfois vente) de la version coupée, publication de l’œuvre intégrale. On peut penser à Callirhoé, à Proserpine, à Sémélé, à Pyrame & Thisbé, et bien sûr à cet Ulysse. Cette démarche est si enrichissante pour l’amateur du genre qu’on se gardera de récriminer sur ces petites astuces. L’embarras sensible d’Hugo Reyne – à rapprocher de la démesure autojustificatrice d’Hervé Niquet – le montrait assez bien.




Mise à jour : Des coupures sont maintenues au disque cependant, particulièrement un air de Pénélope jugé « bizarre prosodiquement » (sic). Etrange gêne d’Hugo Reyne, peut-être contraint par la limite de deux CDs, ou par la précipitation dans laquelle l’enregistrement s’est décidé.




La suite, plus substantielle, est en gestation.

Notes

[1] Et surtout Mireille Delunsch bien sûr.

[2] C'est aussi le cas pour la Proserpine de Lully par Niquet. Absence de Prologue lors des représentations ; publication de la captation des représentations avec Le Monde 2 ; enfin le disque, comprenant le Prologue. Coupures à la scène et non coupures au disque valent aussi pour Sémélé de Marais par le même Niquet.


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