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Résurrection - les 24 Violons du Roy dans Psyché II de Lully


... et un mot sur le countertenor.

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Merci à Era qui nous signale cette vidéo :

http://plus7.arte.tv/fr/1697660,CmC=2954374.html . (Disponible gratuitement une semaine seulement.)

On peut y voir Les Folies Françoises de Patrick Cohën-Akenine, ensemble jadis nerveux et réduit, très inspiré, dans sa nouvelle formation : on a recréé les anciens instruments disparus, hautes-contre, tailles et quintes de violon.

Le sujet avait déjà été abordé sur CSS, brièvement, par deux fois.

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L'ensemble était très hésitant lors de ses débuts médiatisés - et c'est bien naturel, en plus d'être difficile de recréer instruments et modes de jeu, la tenue de ces outils est très peu confortable, on voit bien comme le jeu est contraint. (La réalisation d'Olivier Simonnet privilégie très joliment l'esprit d'ensemble sur le détail des instruments, et on ne s'en aperçoit pas parfaitement sur cette dernière vidéo.) La justesse en particulier était vraiment moyenne.

Plus rien de cela aujourd'hui, le rendu est véritablement parfait. On entend d'autant mieux la répartition spécifique inventée par Lully : n'étant pas claviériste, il n'avait pas la tendance de ses contemporains italiens à écrire une basse très séparée des autres instruments, groupés comme un accord de la main droite sur un clavecin. Cet étalement des registres, cet équilibre donnent quelque chose de l'ampleur et de la noblesse de cette musique.
Le fait d'employer des instruments étagés accroît bien évidemment cette impression.

Le corollaire esthétique est cependant, vu le nombre d'instrumentistes, la moindre maniabilité des instruments et l'étagement des timbres, une certaine homogénéité, une plus grande mollesse. A mon sens, ce qu'on gagne en curiosité, en équilibre, en fondu et peut-être en authenticité, on le perd sur la grande victoire de la révolution baroqueuse, qui est parvenue à insuffler une urgence formidable à tout ce qu'elle a touché. L'incisivité, le rebond sont considérablement amoindris.

Cet orchestre est désormais en mesure de combler ceux qui regrettent le caractère malingre des orchestres baroques (en-dessous de la vérité historique pour des raisons budgétaires, mais qui en ont tiré parti par une imagination interprétative hors du commun). Pas sûr en revanche que ce soit tellement une révolution dans l'interprétation.

Passionnant quoi qu'il en soit, et recommandé à visionner, d'autant qu'on ne dispose que d'un seul enregistrement Stubbs / O'Dette pour Psyché II (version tragédie lyrique), ici présentée, et que d'une bande radio Christie pour la version originale en partie parlée (qui date d'avant Cadmus).

On peut signaler, sans surprise, l'admirable prestation de Mathias Vidal (haute-contre). On avait déjà signalé son site, qui permet notamment d'entendre un air d'entrée de Pygmalion de Rameau vraiment inoubliable.

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A noter : la traduction proposée par Arte pour hautre-contre, countertenor, n'est pas erronée. Les Anglais disposaient à l'époque de plusieurs catégories de voix d'homme hautes, toutes nommées countertenor ; il pouvait s'agir de français venus avec la technique de haute-contre (les countertenors graves, élevés d'une tierce au-dessus du ténor traditionnel) ou de falsettistes pour tenir des parties plus aiguës (culminant amplement au-dessus de l'ut 4, de véritables alti). La confusion entre les deux techniques, pourtant fondamentalement différentes, a été largement entretenue par cette ambiguïté sémantique anglaise.


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Commentaires

1. Le mercredi 2 décembre 2009 à , par Era

Tu as raison, l'orchestre est chouette mais rien n'est révolutionnaire dans l'urgence de l'interprétation, il n'y a rien d'un Minko par exemple. Cependant c'est vraiment un beau son, c'est très soigné, et puis, on ne peut pas faire du Minkowski sans cesse ! Mais il faut bien souligner que ce n'est pas mou, comme peut l'être (parfois, dans ses mauvais jours) l'orchestre de Reyne, ou plat comme peut l'être Rousset..!

J'ai aussi beaucoup aimé Mathias Vidal, vraiment de l'intelligence dans la diction et le jeu.
Ana Quintans est marquée comme dessus (soprano), au vu de son timbre je l'aurais plutôt qualifiée de mezzo mais comme tu le dis dans ton article qui suit, chez Lully c'est souvent du pareil au même. En tout cas je ne connaissais pas cette chanteuse, et j'aime bien cette diction éclairée, même si la voix est placée un peu "derrière" ce n'est même pas dérangeant grâce à cette diction.

2. Le mercredi 2 décembre 2009 à , par DavidLeMarrec :: site

Oui, tu as raison de le souligner, c'est très bien. Mais ça reste assez peu dansant à mon goût, surtout si on compare aux Lully précédents de Cohën-Akenine (qui étaient une sorte de Minko extrême).

Oui, c'est bizarre, au timbre on dirait qu'elle est mezzo (ou du moins vraiment un soprano demi-caractère), alors que pour Céline Ricci on marque bas-dessus. Ca n'est pas une erreur, ça rejoint juste, comme tu le dis, la notule suivante : Quintans tient le rôle de l'héroïne à voix claire (dessus) et Ricci de l'opposante à voix sombre (bas-dessus). Comme dans l'Amadis de Reyne (avec Laurens-Oriane et Ricci-Arbadonne).

On les présente donc par leur emploi plus que par leurs qualités vocales intrinsèques.

C'est plus un léger souffle dans la voix (ce qui donne ce côté un peu mat, presque râpeux, mais n'oublie pas que c'est quand même un son très compressé sur la vidéo en version moyen débit...) qu'un placement très en arrière que j'entends. Mais j'aime bien ce qu'elle fait, moi aussi. <]:-D

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