¶ L'atmosphère combattive de la Première Symphonie de (Norbert) Burgmüller, une
tempête à couper le souffle, dans le goût du scherzo de la Quatrième
Symphonie de Schumann.
Un extrait du trio (à tempo rapide) du scherzo du Troisième
Quatuor – vous notez aussi les décalages d'entrées, assez typiques de
l'écriture pour quatuor deStenhammar.
¶ Ceux des Quatuors 3
& 4 de Stenhammar,
d'une agitation incessante (le Troisième est insoutenable physiquement
pour des interprètes, toujours
vif, toujours dans l'aigu, le trio cavalcadant encore plus que le
scherzo lui-même…). Très intenses, au sein d'œuvres qui sont des jalons
majeurs du romantisme finissant, à mon sens – la forme stable s'y gorge
de fugatos, d'une belle liberté de contrepoint, d'harmonies étranges
qui, sans du tout subvertir le format traditionnel, lui procurent une
saveur assez neuve – mais toujours « positive », avant que des langages
plus tourmentés n'apparaissent.
[[]]
Philharmonique de la NDR (Hanovre), David Porcelin (CPO).
¶ Les violons prestes (dans le grave) de la Troisième
Symphonie de Sinding (bijou
par ailleurs), progressivement chargés de contrechants de flûtes, cors
ou bassons, toujours avec le même élan motorique (comme imitant un
ressac) que pour le premier mouvement. Pas de trio au demeurant, la
même thématique se charge progressivement de plus en plus d'éléments,
sans être réellement un mouvement à variations (pas de mutations en
valeurs rapides) ou à « étages » (comme les effets de marches
lointaines, du type « Marche au supplice » ou premier acte de Dalibor), le matériau mute plutôt en même
temps qu'il s'enrichit, d'une façon qui annonce plutôt Sibelius. ¶ Le spectaculaire Presto feroce de la Troisième
Symphonie de Röntgen (notule), dont la fureur se mue en poudroiement
doré dans le trio.
[[]]
Chœur Nicolas de Grigny, Orchestre National de Lorraine, Jacques
Mercier (Timpani).
¶ Le mouvement central de L'an mil de Pierné : « Fête des fous et
de l'âne ». Tout crépite comme dans le scherzo de Maab chez Berlioz, mais avec une science d'orchestration qui
n'a pas d'exemple – trompette en ut rythmée par des pistons en
sourdine, et ponctuations de violons (octaves suraigus en glisando avec
une quinte en harmoniques au milieu !) doublées par des fusées de
triples croches sforzando à toute la section de bois !
Et puis les éclats de flûtes doublées par la harpe, les
accompagnements très aérés (les pupitres se partagent une ligne
d'accompagnement), le chœur qui chromatise et crie, la jolie mélodie
entraînante… une fête, assurément.
■ Plus traditionnel, moins essentiel sans doute, le beau scherzo
sombre de la Première Symphonie de Jan van Gilse (notule de présentation), avec ses renforts de
timbales légèrement décalés et son trio où la palpitation des cors
rappelle très vivement l'écriture brahmsienne.
Vous pouvez désormais les retrouver, inclus dans la notule qui présente le genre scherzo, établit
ses limites et propose une liste assez fournie d'exemples de réussites.
Ce billet, écrit à par DavidLeMarrec dans la catégorie Oeuvres a suscité :
Le Vaisseau d'or propose, sauf erreur, son troisième programme,
encore
tourné vers des pans rares en concert du patrimoine français du XVIIe
siècle (et début XVIIIe). Motets
à deux dessus de Campra
(Cum invocarem, inédit au
disque me semble-t-il – toujours à la fois italien techniquement
et un brin hiératique), Bernier
(Laudate Dominum), et la
célèbre Troisième Leçon
de Ténèbres du Mercredi de Couperin.
Pour accompagner votre lecture :
[[]] Nicolas Bernier, Laudate
Dominum pour deux voix de dessus.
Chanté en chapelle (les deux parties mélodiques peuvent être chantées
par l'ensemble des choristes plutôt que par des solistes, ou
alternativement comme c'est ici le cas) par le Chœur d'enfants Jean-Philippe Rameau de Versailles (existe en vidéo sur leur chaîne).
Quitte à recourir à des ensembles vastes (qui font perdre en intensité
prosodique) et à des enfants, je dois dire que j'aime beaucoup les voix
capiteuses de cet ensemble – les membres en sont relativement âgés
(plutôt 12 à 13 que 9 à 11), les filles nombreuses, et la maturité
musicale rare pour un chœur de ce type.
La cantate de Bernier a déjà
été diffusée officiellement (quoiqu'il n'y ait pas eu, je crois, de disque) par le CMBV sur sa chaîne
– en chapelle, c'est-à-dire en faisant assurer les lignes lignes
mélodiques à un chœur à l'unisson – et par des petits braillards (assez
bons au demeurant, Pages & Symphonistes du CMBV), mais elle prend
un tout autre aspect traité comme un petit motet, sans alternance
solos-chœurs, avec simplement deux chanteuses.
Et c'est un véritable
tour du monde des basses continues
: animées, agitées, des arrêts majestueux, des
marches harmoniques, des notes répétées (ce qui est rare, mais très
impressionnant), et même quelquefois des thèmes mélodiques qui prennent
le pas sur le chant (« Edificans Jerusalem »).
La basse mélodique du verset « Edificans Jerusalem ».
Vocalement non, la fête
n'est pas en reste : de beaux frottements de seconde parfaitement italianisants,
des effets de canon et d'imitation à foison… Et, bien sûr, les grands
moments de déclamation brute, même s'ils durent peu dans ce motet de
louange pure.
Imitations en canon des deux
voix, sur une basse au patron rythmique régulier (le schéma des mesures
3-5 est longuement reproduit).
Et la réalisation musicale en
est exceptionnelle. La Leçon de
Couperin qui clôt le concert permet d'en juger très concrètement, par
comparaison – je crois en avoir écouté les queques dizaines publiées au
disque [j'ai une discographie exhaustive à publier sur CSS qui attend
relecture et que j'augmente au fil des ans…] et je les ai à la fois
chantées et accompagnées. Ça ne me donne pas de légitimité
particulière, tout le monde peut allumer Deezer et beaucoup poser des
accords sur un méchant clavier, mais ça permet en tout cas de mesurer
les écueils potentiels. En particulier les moments les plus nus, où la
basse consiste en une seule note longuement tenue de mesure en mesure,
où le chant s'alanguit aussi, où le sujet ne permet pas de presser.
[[]] « Qui sanat » du Laudate Dominum de Nicolas Bernier. Extrait chanté par Julia Beaumier. On entend très distinctement ce galbe incliné vers l'avant, alors que
l'accompagnement est écrit de façon statique.
Remplacé par un soliste du Chœur d'enfants Jean-Philippe Rameau de Versailles. On
admirera la science des agréments
chez la jeunesse. On retrouve l'aspect statique de l'écriture (surtout
avec un accompagnement sans viole de gambe ni théorbe), mais le
caractère méditatif est très réussi, aux antipodes donc des choix du
Vaisseau d'or.
Au contraire de ce que laissent supposer ces moments de la partition, pour Le Vaisseau d'or la poussée est
constante, le sentiment de danse toujours sous-jacent, et surtout,
surtout tout semble toujours calibré en harmonie avec la déclamation du
texte.
Agathe Boudet et Julia Beaumier,
idéalement appareillées (la
première finement focalisée, la seconde plus douce et sonore) exaltent
la prosodie et sont en quelque sorte la mesure du tempo, animé, qui les
seconde toujours.
Surtout, le continuo est
toujours très intense : il
faut entendre la noirceur de certaines entrées plus méditatives,
facilement moins vertébrées, et où claquent soudain les cordes libres (les
plus graves)
du théorbe de Stéphanie Petibon,
où grondent les attaques intenses
d'Ondine
Lacorne-Hébrard à la viole… le climat est constamment nourri.
Et tandis que le texte demeure souverain, tout l'art des musiciens
passegèrement en
dehors
du texte littéral, de façon à créer de légers contours qui amplifient
le phrasé, ou lui donne un discret rebond motorique.
Voir Martin
Robidoux diriger confirme ce sentiment : tout est pensé pour
toujours
renvoyer au texte, et sans cesse emmener le discours vers l'avant. Le
sentiment de l'évidence absolue. Dans la discographie et les bandes
superlatives qui existent, j'ai déjà entendu aussi beau, jamais aussi
constamment soutenu.
Pour couronner le tout, les agréments sont réalisés avec un art
consommé, le français gallican est d'un naturel parfait et les timbres
tout à fait splendides. Bien sûr.
[[]]
L'atypique basse répétitive et régulière de « Magnus Dominus »,
avec ses frottements de seconde à l'italienne et sa majesté
particulièrement adéquate.
Évidemment, la dimension déclamatoire-incantatoire et
les frottements harmoniques sont ici un peu limés par l'exécution d'un
chœur entier, mais le caractère est bien là. Il faut un peu tendre
l'oreille pour percevoir la basse (jouée au seul positif), mais on y
trouve bien la palpitation singulière de l'écriture en notes répétées.
C'est une expérience très particulière, celle de la pensée rhétorique
incarnée dans la musique : souvent invoquée dans les textes,
elle est
rarement aussi concrètement audible qu'avec Le Vaisseau d'or
– il en
allait de même pour leur restitution d'une des deux messes d'Innocent
Boutry, dont j'espère avoir l'occasion de parler prochainement, de pair
avec un petit parcours autour de l'esthétique de messes en province au
Grand Siècle.
[[Extrait sonore supprimé.]]
François COUPERIN, Troisième Leçon
de Ténèbres du Mercredi, pour deux dessus,
par Le Vaisseau d'or.
Les artistes du Vaisseau d'or n'ont pas souhaité diffuser de
sons sous la forme proposée par CSS. Cela rend le propos plus abstrait,
mais la notule a été remaniée en conséquence, de façon à ce que la
présentation des œuvres demeure intelligible, s'il est possible.
Plusieurs autres dates et programmes sont déjà prévus à Paris – car il
ne s'agit pas d'un ensemble qui se repose sur ou deux programmes
rabâchés…
trois en trois concerts, dont deux très neufs, en un année d'existence !
► Le 1er avril, « Un office à Paris vers 1675 », avec du Charpentier (on m'annonce en coulisse que, bien que figurant sur l'agenda officiel, il n'est pas encore confirmé).
► Le 1er juin, « Le Triomphe sur la mort », encore Charpentier (Martin Robidoux y dirige, seul, le chœur amateur La Fontenelle).
Je ne dispose pas encore du détail des effectifs et des programmes,
mais on peut compter sur CSS pour vous en avertir lors des propositions
mensuelles !
Des extraits
de leur premier concert figurent sur leur chaîne (très beau
concert, mais les deux suivants étaient exceptionnels,
encore supérieurs).
En une semaine, vu six
œuvres lyriques françaises quasi-inédites, jouées par cinq
ensembles / compagnies distincts. Outre la possibilité de se trouver
beaucoup plus immergé dans la musique que dans les grandes salles,
c'est aussi l'assurance de rencontrer de réelles nouveautés, et servies
par des musiciens qui ont la foi chevillée au corps – dans l'ensemble
de ces quatre aventures, les musiciens n'ont rien dû gagner, et en tout
cas pas de quoi payer le loyer. Pur amour de l'art.
De fait, le contraste est assez impressionnant avec
les orchestres permanents, objectivement impressionnants, mais, même
lorsqu'ils sont absolument impliqués, pas toujours pourvus de la même flamme très singulière, celle qui
donne le sentiment non pas d'œuvrer pour démontrer son rang dans la
hiérarchie musicale, non pas de servir la vision d'un grand chef sur
telle œuvre du répertoire… mais de redonner la vie à la musique
elle-même, à des musiques oubliées.
Lorsque je vis ce grain direct du son, cette
résurrection de pans du répertoire, ce dévouement des artistes envers
une cause confidentielle, j'ai l'impression d'être au cœur de l'essence
de la musique même. En dehors de la pratique (quand on est
dans un bon jour) ou de la réécoute de ses disques-doudous, je crois
que c'est l'expérience qui s'approche le plus du vécu mélomane ultime.
Évidemment, position purement personnelle : je
conçois parfaitement que, si l'on n'écoute que quelques heures de
musique par semaine, on aille plutôt écouter Don Giovanni pour sa sortie
annuelle à l'Opéra. [Néanmoins, Don
Giovanni dans une petite salle sans vedettes n'est pas forcément
un second choix, suivant qui contribue…]
Mais ces œuvres qu'on n'osait espérer entendre un
jour, ces groupes de musiciens qui prennent le risque de s'endetter en
exerçant leur métier dans un sens qui ne servira pas leur carrière ni
leur notoriété… tout cela mérite
publicité. Et les principales revues, même celles en ligne, y
consacrent rarement beaucoup d'efforts – parce que, même si leurs
rédacteurs y vont, ils chroniquent plutôt ceux qui leur font avoir des
invitations pour des places difficiles à obtenir, et celles qui font du
trafic sur le site, donc les grandes salles. C'est toujours la même
dynamique : plus c'est rare, moins on en parle, moins le public vient,
donc moins on en parle, etc. Il faut réellement ête un vertueux dans
l'âme pour présenter des raretés – plus de travail, moins de
rétribution.
Je n'ai pas beaucoup de pouvoir ou d'influence
là-dessus, mais, je mets toujours ma petite contribution. Je parle
souvent d'œuvres qui ne sont pas données… pourquoi ne pas le faire
aussi sur celles qu'on a fait l'effort de présenter au public ?
Donc, cette semaine :
♫ Mardi 14, Le Passant de Paladilhe par la Compagnie de
l'Oiseleur. Et des extraits de L'Amour africain.
Chloé Chaume, Maria Mirante, Antonel Bodan, L'Oiseleur des Longchamps,
Benjamin Laurent.
♪ Le Passant, en particulier,
propose une écriture au cordeau malgré sa simplicité apparente : un
lyrisme sobre et très immédiat, mais soutenu par une harmonie qui, sans
rechercher l'effet, souligne avec beaucoup de finesse l'évolution des
situations. Une bien belle découverte remarquablement chantée
(particulièrement sensible à l'effet de Maria Mirante dans un rôle
travesti) et accompagnée – Chevereau, Olivon, toujours des
accompagnateurs exceptionnels chez L'Oiseleur (je n'y regrette jamais
l'orchestre) ! En l'occurrence, Benjamin Laurent
semblait lire l'harmonie comme un livre d'émotions précises,
impressionnant.
♪ [Parmi leurs derniers concerts évoqués dans ces
pages, la résurrection de Nausicaa
de Hahn. Et, prochainement, je tenterai une évocation de Brocéliande d'André Bloch, une
découverte fascinante qu'ils ont récemment donnée (avec un rôle de
crapaud créé par Georges Thill…), où l'on pouvait en outre découvrir
deux chanteurs de toute première classe, Marion Gomar (un grand
dramatique rare, et très mobile expressivement) et Georges Wanis (ténor
de format assez dramatique également, éclatant de santé).]
♫ Jeudi 16, Fantasio d'Offenbach au Châtelet –
production de l'Opéra-Comique avec le Philharmonique de Radio-France
dirigé par Laurent Campellone, mise en scène de Thomas Jolly. Celui-ci
n'a pas besoin de publicité : ce n'est pas un Offenbach majeur, mais il
documente un aspect plus sérieux, moins couru de son legs… et joué avec
ce degré d'engagement (par des musiciens statutaires qui ne brillent
pas souvent par leur entrain dans ce répertoire, bravo Campellone !),
animé scéniquement comme cela, tout fonctionne à merveille (alors que
j'étais resté plutôt ennuyé à l'écoute de précédentes versions). Je ne
m'étendrai pas sur la question, puisque l'œuvre ne me paraît pas du
tout majeure, et que la presse a déjà tressé (à juste titre) des
couronnes à cette production. D'une manière générale, toutes les
productions de l'Opéra-Comique sont des valeurs sûres en matière
d'exploration comme de réalisation pratique, j'aurais peine à citer des
soirées décevantes, et beaucoup de superlatives.
♫ Samedi 18, Motets à deux dessus
de Campra (Cum invocarem, inédit au disque me
semble-t-il), Bernier (Laudate Dominum), et la célèbre
Troisième Leçon de Ténèbres du Mercredi de Couperin par Le Vaisseau d'or.
Agathe Boudet, Julia Beaumier, Stéphanie Petibon, Ondine
Lacorne-Hébrard, Martin Robidoux. [Voir la notule
correspondante pour un mot sur les œuvres et le traitement rhétorique
de la musique par Martin Robidoux.]
♫ Dimanche 19, Le
petit Ducde Lecocq par les Frivolités
Parisiennes au Trianon (de Paris). Une production de très haute
volée, encore une fois cet orchestre met une incroyable maîtrise et une
vaste générosité dans un répertoire qui se joue généralement plus à
l'économie – soit par de grands orchestres qui ne se fatiguent pas
trop, soit par des formations plus modestes qui ne peuvent prétendre à
la perfection. La mise en scène amuse beaucoup dans un décor fait de
simples cubes, et tout le plateau étale un français remarquable :
Sandrine Buendia, Marion Tassou, Rémy Poulakis (le seul que je
découvrais, un ténor remarquablement projeté, un beau fondu, aucune
constriction), Jean-Baptiste Dumora… et Mathieu Dubroca,
que je n'avais pas entendu en solo (il est membre d'Accentus…) depuis
plus de dix ans (pour une création théâtrale en occitan), lorsqu'il débutait sa carrière à
Bordeaux (il était même encore étudiant en chant, je crois).
♪ Je ne vois pas spontanément d'exemple de baryton
actuel disposant à la fois d'un français aussi exact et d'une voix
aussi projetée, sans les artifices de ces techniques bâties sur les
graves – son équilibre est plutôt à l'opposé de Tézier et Degout. Par
ailleurs, ce dont je n'avais pu juger jusqu'ici, acteur d'une grande
présence, un des artistes majeurs de la scène française – goût des
programmateurs pour les voix artificiellement sombrées, préjugés sur sa
catégorie vocale, volonté personnelle d'avoir la sécurité de l'emploi
de choriste ? En tout cas, une belle voix parfaite, flexible,
insolente et expressive comme on n'en entend pas tous les jours.
♪ Un seul regret : quel faste, un orchestre complet,
une mise en scène réussie, des chanteurs très aguerris, un théâtre à
l'italienne de mille places où l'on voit bien (et entend
remarquablement) de partout… pour une œuvre très mineure, même au sein
du catalogue de Lecocq. Oui, bien sûr, c'est le projet même des
Frivolités Parisiennes, jouer du répertoire léger avec un niveau
d'exigence et d'excellence équivalent à celui des ouvrages les plus
révérés. Je l'accepte avec gratitude, bien sûr – tout en soupirant
secrètement après une interprétation de Frédégonde de Saint-Saëns, de LaDame de Monsoreau de Salvayre,
d'Hernani d'Hirchmann, du Retour de Max d'Ollone qui serait
donné dans ces conditions extraordinaires.
♫ Mardi 21, Stratonicede Méhul par la Compagnie Les Emportés
qui, comme leur nom l'indique, se spécialise dans ce répertoire lyrique
de la fin de l'Ancien Régime jusqu'à l'Empire. Tout jeunes mais hautement valeureux, à deux pas de
Lachaise ils nous l'ont fait connaître. Réduction piano, mais tout le
texte y est (les dialogues d'Hoffmann sont courts – dans cette représentation d'une heure, il manque juste un hémistiche dit par un soldat…), remarquablement
dit, convaincant scéniquement malgré la proximité, et c'est aussi la
fête du chant – le chouchou Fabien Hyon, et découverte d'Alice Lestang et
Guillaume Figiel-Delpech, dont je me réjouis d'observer les engagements
à l'avenir.
♪ J'ai prévu de revenir sur l'œuvre (en attendant,
un bel article informatif ici sur cette production), que je ne trouve pas
majeure (enfin, le premier quatuor, tout de même, ça claque !) mais qui
occupe une place assez particulière à la charnière des genres. Par
ailleurs, quelques anecdotes à raconter sur la réception des lycéens
qui constituaient l'essentiel du public – il y avait Agnès Terrier, Jérôme Correas, une demi-douzaine de passionnés,
les lycéens, leurs professeurs et moi.
♪ Exemple (non enjolivé, promis) d'adhésion sans
fard de ces jeunes gens, commentant dans un murmure le rôle du médecin
: « C'est un bâtard – il a poucave le Prince ! ».
Vous les aviez manqués ? Ils figuraient dans
la notule qui présentait les immanquables de février, ou dessous, dans ses commentaires ;
comme chaque mois. Vous n'aurez plus d'excuse pour vous plaindre
d'aller voir pour vingtième fois une Flûte
Enchantée moyenne à 280€. Car, autre caractéristique : la
plupart de ces compagnies se produisent à tarif très modique, voire
avec une libre participation au chapeau.
Je peux donner dans cette notule l'impression d'être
ravi de tout ce qui passe (et j'aimerais avoir atteint ce degré
d'ataraxie), mais non, cette semaine réunit simplement mes quelques
ensembles chouchous, dont je suis le plus possible les aventures… Et
alors que réentendre Lohengrin
du fond de Bastille (pourtant dans une distribution très
impressionnante) m'a laissé un peu froid – avec un orchestre qui joue
mollement à l'économie et des mots, des grains de voix qu'on distingue
vaguement sous la voûte du hangar à bateau – quel contraste avec
l'ivresse de ces expériences qui ont toutes en commun la nouveauté de
leur proposition et la passion assez désintéressée de leurs concepteurs.
Qu'ils continuent encore, avec toujours plus de
succès public, à nous stimuler, et à réaliser nos souhaits inavouables
d'auditeurs avides de découvertes ! À quand un Brocéliande rendu avec toute son
orchestration ?
Ce billet, écrit à par DavidLeMarrec dans la catégorie Saison 2016-2017 a suscité :
À la suite de la remise au théâtre (jamais depuis le
XVIIIe siècle, me semble-t-il) de la Chimène,
un mot pour replacer ce jalon important
dans l'ensemble du répertoire,
et en faire entendre quelques extraits.
D'abord, il faut lire la notule d'introduction
consacrée au sujet des querelles et innovations dans la tragédie en
musique du dernier quart du XVIIIe siècle : la révolution Gluck, ses
implications, ses camps. Elle a été écrite spécifiquement pour
introduire cette notule et contient même une liste et une discographie
commentée de tous les opéras français de Sacchini.
1. Piccinni-Sacchini : un
duel jusqu'au sang
Sacchini est sollicité en 1782 pour fournir l'Académie Royale de
Musique en œuvres dans le nouveau
style
– les compositeurs français avaient très peu été sollicités par les
directeurs, hors Grétry et Gossec (très minoritaires au demeurant), et
on menait plutôt une politique de prestige en faisant venir de nouveaux
compositeurs déjà célèbres pour leurs succès à l'étranger dans le style
itanien (Gluck à Vienne, Piccinni à Rome, Sacchini à Londres).
Il est d'abord introduit comme un ami par Piccinni
et mal vu des gluckistes qui essaient de l'empêcher d'être joué, en
tant que représentant du style italien.
Renaud (la suite du sujet de
l'Armide de Quinault, une
véritable sequel
pas trop magistrale) reçoit un bel accueil en 1783, et les gluckistes,
qui n'ont plus de champion (Gluck, malade, s'est retiré après Iphigénie en Tauride
en 1779), veulent s'en servir pour assouvir leur haine contre Piccinni.
On déclare alors (contre toute évidence) que Sacchini est un représentant du style allemand, et
la querelle peut reprendre ; comme pour Verdi et Wagner, pas tant entre
les compositeurs qu'entre leurs sectateurs.
À l'automne 1783, on décide de faire représenter
deux nouvelles œuvres pour un voyage de la Cour à Fontainebleau : Didon de Piccinni le 16 octobre et Chimène ou le Cid de Sacchini le 18 novembre. Il n'y
eut pas véritablement vainqueur Chez Piccinni, on loue bien sûr le
chant et même la déclamation ;
tandis que chez Sacchini, on souligne la qualité particulière des airs
et de l'accompagnement orchestral, tout en remarquant la faiblesse du
récitatif. Toutes remarques qui paraissent assez justes à l'oreille
contemporaine, à ceci près que Chimène
me paraît en définitive bien plus considérable que Didon – qui, il est vrai, n'a
encore jamais été décemment servie.
Quoi qu'il en soit, Chimène reçoit un beau succès (comptant 56 reprises), et Sacchini des
commandes jusqu'à sa mort – Dardanus,
Œdipe à Colone, Arvire et Évélina, tous avec un
livret de Guillard.
2. Guillard
: un livret volé mais raisonnable
Nicolas-François
Guillard est central dans le mouvement de la tragédie en musique
« réformée » : librettistede l'Iphigénie en Tauride de Gluck, de l'Électre de Lemoyne, et plus tard
des Horaces de Salieri,
arrangeant même Proserpine de
Quinault pour Paisiello en 1803 et écrivant La mort d'Adam
pour Le Sueur en 1809 ! Dans une ère où les livrets sont en
général médiocres et simplement conçus pour donner une trame sur
laquelle poser la musique, il fait partie des rarespoètes un peu soignés et ambitieux.
Les Horaces,
dont il sera question prochainement, en attestent vigoureusement :
entre les trois actes, il introduit des intermèdes, sortes d'actes
minuscules intercalés, qui poursuivent l'action, figurent ce qui est
habituellement tu entre deux épisodes ; il y montre notamment le culte
romain, et donc la loi qui conduit les hommes au combat.
Dans Chimène ou
le Cid, le livret est en lui-même déjà digne d'intérêt.
D'abord, il est rare
que la matière soit empruntée aux périodes
récentes (comprendre : pas antiques), l'essentiel se limitant à
la mythologie grecque, plus
rarement biblique (c'est en réalité un autre format…), et, pour les
aventures médiévales, aux épopées du Tasse et de l'Arioste
; quelquefois, plutôt à partir de la Révolution, on peut mettre en
scène des figures historiques de l'Antiquité.
Ce choix s'explique par la présence au répertoire
(parlé) du Cid de Corneille –
mais le problème ne s'était pas posé lorsque Louis-Guillaume Pitra avait adaptéAndromaque
de Racine pour Grétry, évidemment.
Guillard n'a pas pris le même parti que Pitra, qui
avait créé une vive polémique en payant son tribut à Racine par la
citation directe de 80 vers ; ici, une
intrigue empruntée à Corneille, appuyée sur une sélection judicieuse de moments forts,
sans jamais citer ni même pasticher son modèle. Tout au plus
pourrait-on trouver des expressions figées (« ils sont aux mains »
pendant le combat contre Don Sanche), qui ne sont pas spécifiques à
Corneille de toute façon.
Illustration :
Frontispice de l'édition de 1637 du Cid de Pierre Corneille. (Ce n'est
pas ma faute !)
3. Corneille aplati, Guillard triomphant
L'intrigue.
Elle traite en réalité la matière de Corneille seulement à partir de
l'acte III : le duel contre Gormas n'en fait pas partie, même si ses
conséquences portent tout le drame.
Début de l'acte III du Cid
dans l'édition de 1639.
Acte I
Le comte de Gormas est déjà mort, et Rodrigue est en
fuite (oui, c'est une mutation un peu étrange de son caractère). Dans
le palais royal, Chimène s'avoue qu'elle l'aime toujours, et demande
néanmoins toujours justice au roi – qui cherche à lui expliquer la
logique politique : Rodrigue a tué le protecteur de ses États, il faut
compter sur ce jeune héros pour prendre sa place.
Rodrigue survient et s'offre à la vengeance de
Chimène – comme à l'acte III de Corneille, à ceci près qu'il n'est pas
chez feu Gormas mais chez le roi.
Après qu'ils se sont séparés, Rodrigue y croise son
père, qui lui rappelle le danger d'être trouvé, et lui offre un succès
pour se réhabiliter : qu'il aille en secret, avec les amis qu'il lui
apporte, défaire le Maure qui vient de débarquer sur les côtes, un
danger dont le roi n'est pas encore informé.
Acte II
Tout le monde croit à la victoire des Maures, mais
un des combattants apporte le récit de la victoire spectaculaire de
Rodrigue. Triomphe et danses. Chimène persiste néanmoins à demander
vengeance, qui est décidée par un combat en champ clos, avec don Sanche
pour champion.
Acte III
Rodrigue vient faire ses adieux à Chimène, annonçant
qu'il se laissera terrasser. Celle-ci, abandonnant le pauvre don Sache
sans guère balancer, essaie de lui faire entendre son intérêt à
demi-mot, puis lui ordonne de vaincre pour elle.
Terreurs pendant le combat hors scène – mais qu'elle
aperçoit. Finalement Rodrigue semble tomber, et Sanche revient, qu'elle
agonit d'injures sans le laisser expliquer ce que le roi révèle
finalement. Rodrigue a triomphé et épargné don Sanche, l'a envoyé pour
annoncer sa victoire. Néanmoins il n'exige pas sa main, et le roi, pour
les contenter tous, autorise un deuil d'une année avant le mariage.
Fin de l'entretien de l'acte V du Cid, édition de 1639.
Ce dernier acte
suit vraiment d'assez près la
matière de Corneille.
Évidemment, ce n'est pas le cas des mots, qui sont très nus, pas du
tout raffinés comme dans le grand théâtre classique, ici vraiment un
livret de la fin du XVIIIe siècle conçu avant tout comme support à de
la musique.
L'acte I est particulièrement dense en informations,
avec beaucoup d'action
pour une œuvre de ce répertoire, mais il permet de planter tout de
suite une situation assez intense, malgré la langue peu spectaculaire. [Beaucoup de formulations plates
de ce qui était sous-entendu, ou du moins formulé avec plus d'élégance
et de subtilité : « tantôt l'amour triomphe et tantôt c'est l'honneur
», on fait difficilement une symétrie alexandrine plus scolaire. De
même, Rodrigue paraît quelquefois d'une confiance à la limite de la
forfanterie pour un héros classique.]
[[]]
Le premier air de Chimène.
Agnieszka Sławińska et le Concert de la Loge
Olympique, le 13 janvier 2017.
De même, les
incertitudes de l'acte III et l'erreur de Chimène sur le sens du
combat ménagent une tension inhabituelle, avec un dénouement très spectaculaire, particulièrement rare dans le genre
– où les intercessions gratuites, même si elles ne sont plus toujours ex machina, sont davantage la norme.
[[]]
Monologue décrivant le duel hors scène.
Agnieszka Sławińska et le Concert de la Loge Olympique, le 13 janvier
2017.
Le résultat est évidemment sur le strict plan
littéraire assez plat, mais sa
structure librettistique en séquence courtes, propice au spectaculaire,
préparant pour chaque air
(certes pas très subtilement exprimés) un
contexte singulier et fort, en fait l'un des livrets les plus
efficaces de cette quatrième génération de la tragédie en musique. Un redéploiement réussi de la matière
de Corneille – en en coupant les moments fondateurs de l'outrage et du
duel.
4. Sacchini, le Mozart français
Bien qu'érigé, pour contrer Piccinni, en nouveau
représentant du style germanique, Sacchini
écrit une musique
particulièrement italianisante. Ses récitatifs sont assez égaux
et
plats, ni très mélodiques, ni précisément tournés vers l'exaltation de
la déclamation ou même de la prosodie ; et c'est au contraire dans les
numéros isolés (airs et
ensembles), dans la mélodie, dans
l'écriture orchestrale (fusées de cordes ; interventions
de bois expressives, même si ce n'est rien en comparaison d'Andromaque de Grétry présentée
trois ans plus tôt) que se déploie le meilleur de son inspiration.
Traits violonistiques, gammes sinueuses et trémolos.
Fusées et croches obstinées des violoncelles.
Réellement de son temps, sa musique, malgré les
nombreux trémolos de cordes (va-et-vient de l'archet pour agiter une
même note) et les basses trépidantes, malgré les fusées aussi (gammes
rapides) dont il est plus prodigue que ses deux principaux rivaux, nous
apparaît tout de même légère,
sa gamme de sentiments « positive »
– le mode majeur est omniprésent, les basses sur des croches
régulières, comme chez Gluck (et Piccinni) restent la norme.
En revanche, le concertato
final paraît assez terne, et surtout en décalage avec un texte qui ne
dit que la joie, et où l'exultation paraît bien mesurée, alors même que
les lignes musicales s'entrelacent et que l'œuvre se termine. On serait
une poignées de décennies plus tard, on pourrait supposer une réserve
délibérée, pour souligner les fêlures d'un triomphe triste.
[[]]
Concertato final.
Avec les Chantres du CMBV et le Concert de la Loge Olympique, le
13 janvier 2017.
À l'épreuve de l'écoute et de la scène, on est
étonné (ce n'est pas si souvent le cas) de se sentir proche des
commentaires des spectateurs du temps : le récitatif est un peu flasque, manque peut-être un peu de justesse et de
force dans le sentiment (à la lecture de la partition, c'est
surtout l'amollissement de la pulsation de Chauvin dans les récitatifs
qui est en cause, je crois…), mais
l'orchestration est expressive et les airs magnifiques, presque tous assis
sur de belles mélodies. Le
plus étonnant dans tout cela est que, contrairement à d'autres importés
(à commencer par Salieri), on a réellement l'impression d'entendre du Mozart en français. La parenté est
assez frappante dans les conclusions
des airs – bien sûr, les résolutions sont codées, mais le galbe
mélodique et la gestion de la tension, la couleur harmonique
quelquefois, évoque vraiment la matière de base de Mozart (sans les
petits raffinements harmoniques qu'il ménage au milieu de ses airs,
certes). Entendre Mozart en français, et ailleurs que dans les deux
bluettes qu'il nous a laissées, c'est là un luxe donc on ne peut guère
se sentir fâché.
D'où vient ce rapprochement ? Sans doute
surtout de l'autonomie des airs,
qui ont quelque chose de fascinant en eux-mêmes et ne sont plus de
simples extensions des sentiments des personnages, comme c'est en
général le cas dans les tragédies lyriques – même dans les grands
Gluck, les airs paraissent déboucher soudain au gré du drame, et non
être le centre de toute l'attention
comme dans Chimène.
[[]]
L'étrange début de la grande phrase solo d'Elvire, suivante de
Chimène : on croirait entendre la ritournelle d' « Il tenero momento »
de Lucio Silla de Mozart
(1772).
Eugénie Lefebvre et le Concert de la Loge Olympique, le 13
janvier 2017.
[[]]
La fin du second air de Chimène, à l'acte III, où l'on entend
les tournures de « Come scoglio » (Così
fan tutte, 1790) et la résolution mélodique et harmonique de
l'air du Comte Almaviva « Vedrò mentr'io sospiro » (Le Nozze di Figaro, 1786). Ce n'est
pas exclusivement mozartien (on trouve aussi un air typé « Come scoglio
» dans le Falstaff de
Salieri, et ce type de résolution est assez traditionnel), mais cela
marque en tout cas une convergence de Sacchini, plus
grande que chez ses collègues, avec le style européen –
et Mozart en particulier.
Agnieszka Sławińska et le Concert de la Loge
Olympique, le 13 janvier 2017.
Bien évidemment, ce ne peut être comparé
structurellement à Mozart qui n'a jamais écrit de tragédie en musique,
et la musique est loin, très loin de la hauteur de vue de Mozart qui
joue toujours avec la forme et parvient à exprimer des émotions
complexes avec une précision extraordinaire. Mais encore une
fois, comment vendre de la tragédie en musique fin XVIIIe sans un peu
de racolage, dites-moi ? [J'ai ajusté le nom du site en
conséquence.]
Avouez que :
4. Sacchini, le pas tout à fait Mozart pas
exactement français
n'aurait pas eu tout à fait la même allure.
Néanmoins je suis frappé de retrouver cette impression d'écho que j'avais eue entre les débuts
de Don Giovanni
(1787) et de Chimène (1783),
lorsque Les Nouveaux Caractères en avaient restitué une portion en
concert. Le seul compositeur
d'expression française aussi proche du « son Mozart » serait à
mon sens le Grétry de Céphale et Procris, voire de L'Amant jaloux
(mais pas du tout celui de Richard
Cœur-de-Lion, d'Andromaque
et de la plupart des opéras comiques).
[[]]
Le second air de Chimène, complet.
Agnieszka Sławińska et le Concert de la Loge
Olympique, le 13 janvier 2017.
Les plaintes orchestrales de la mort du Commandeur dans Don Giovanni (1787) se trouvent
déjà au début de Chimène ou le Cid
en 1783.
5. Coups de
maître
Quelques moments particuliers qui se remarquent par leur originalité ou
leur réussite :
►
L'entrée de don Diègue à la fin de l'acte I : on attendrait une
entrée vénérable, avec de simples accords majestueux, une introduction
élégante ou des trompettes triomphales, mais ce sont au contraire de
simples trémolos, très animés, dans le grave. C'est un vieillard à la
fois furtif et très agile qui est présenté, à rebours ce qu'on peut
concevoir de don Diègue… mais le changement de psychologie est très
réussi, et l'air qui s'ensuit l'expose très bien : « C'est toi qui m'as
donné l'honneur / Je ne t'ai donné que la vie. ».
[[]]
Entrée de don Diègue et air à la fin de l'acte III.
Mathieu Lécroart et le Concert de la Loge Olympique, le 13
janvier 2017.
► L'exploit de Rodrigue contre les
Maures est présenté, au début de l'acte II, par un récit du hors-scène (et même du passé), ce qui
habituel, mais pour l'essentiel sous forme d'air, ce qui est assez
original. Un des plus beaux du genre est celui du duel entre Tarare et
le fils du Grand Prêtre, et il s'agit d'un immense récitatif très
varié, ponctué de commentaires orchestraux très figuratifs. Ici, au
contraire, l'air répète par définition les mêmes affirmations : « Il
nous retient, il nous ranime / On dirait qu'il se multiplie », avec un
effet incantatoire en réalité très réussi – d'autant plus que la
musique insiste sur des notes répétées, qui assènent encore plus fort
l'ubiquité du héros.
Ce n'est pas la plus belle page de l'opéra, mais
elle étonne, favorablement.
[[]]
Le récit de victoire fait en l'absence de Rodrigue par le
Héraut.
Jérôme Boutillier et le Concert de la Loge Olympique, le 13
janvier 2017.
► Lors des représentations, j'ai eu l'impression
que le thème du chœur des amis de don Diègue était repris au début de l'acte II en
mentionnant les exploits de Rodrigue, ce qui me paraissait un procédé
un peu hardi (et subtil, car pas une citation exacte). Après une
vingtaine de réécoutes de l'œuvre, je ne le sens plus aussi nettement,
il faudrait que je vérifie plus précisément, ce que je n'ai pas encore
fait ; néanmoins le plus probable est la parenté accidentelle, du fait
de l'homogénéité du langage, tout simplement – les possibilités
combinatoires ne sont pas du tout aussi élevées que dans les langages
du XIXe siècle (et ne parlons même pas de la suite).
► On retrouve aussi un procédé déjà audible dans Andromaque de Grétry (1780), le hautbois suspendu menaçant. Ici, il
figure plutôt la révélation de Chimène à elle-même, devant la
suggestion de sa suivante : « Si don
Sanche pourtant emportait la victoire ? ». Le récitatif « Ah !
ce soupçon a révolté mon cœur » éveille ce hautbois tendu (les deux à
l'unisson, en fait, sur un ut 5, donc dans le haut de la tessiture – la
hauteur d'un contre-ut de soprano), et après les trémolos bouillonnants
et interrompus des premiers violons, s'engage l'air où Chimène proclame
« puisqu'il combat, le succès est certain ». Usage très expressif, et
surtout un rare effet de musique
psychologique, voire ce que j'avais appelé la « musique subjective » dans une ancienne notule :
l'auditeur n'entend plus un instrument, mais le son qu'est censé
entendre le personnage (ici, un sifflement, un vertige).
[[]]
Le début du second air de Chimène, au début de l'acte III.
Agnieszka Sławińska et le Concert de la Loge Olympique, le 13
janvier 2017.
► Enfin, une trouvaille qui nous paraît simplicissime, mais qui est
alors un effet structurel très rare : Chimène, après l'air où Rodrigue
annonce qu'il va mourir pour ne pas abattre son champion, révèle la
profondeur de son désarroi en reprenant
le thème alors en majeur pour en faire une tirade en mineur. Ce
n'est à la vérité pas exactement le même thème, mais l'esprit mélodique
et l'accompagnement sont parents, et vraiment conçus comme une réponse.
L'enchaînement avec les cors et trompettes (non présentes dans la
fosse) qui marquent la détermination de Rodrigue marque un
aboutissement assez spectaculaire.
Similairement, l'accompagnement
de l'explication de Chimène, à l'acte I, se change en mineur après « et je t'aimais ».
Ce n'est qu'un expédient trivial pour un auditeur du XXIe siècle, pas
plus raffiné une chanson dont on hausse chaque couplet d'un demi-ton…
pourtant c'est une proposition forte dans le cadre du langage des
opéras de la fin du XVIIIe siècle (cela se fait couramment dans les
musiques instrumentales européennes de la période, en particulier les
variations, mais guère sur scène), et sans doute assez frappante
émotionnellement pour le public d'alors. [Même aujourd'hui, je trouve
que l'effet de soudain obscurcissement est assez réussi dans ces deux
exemples précis.]
[[]]
Extrait du duo entre Chimène et Rodrigue à l'acte I.
Agnieszka Sławińska, Artavazd Sargsyan et le Concert de la Loge
Olympique, le 13 janvier 2017.
D'une manière générale, en constatant comment une pièce classique,
malgré la rhétorique conservée de l'Honneur, est devenue une exaltation
des affects individuels, on mesure à quel point cette Chimène, comme toute la période, exploite des formats dramatiques
préexistants tout en regardant dans une nouvelle direction – il
n'existe pas de rupture nette entre classicisme et romantisme à l'Opéra
(francophone comme italophone, et même germanophone), comme il peut en
exister dans la musique instrumentale… la fin du XVIIIe regarde dans
une nouvelle direction, et le romantisme ne fait qu'accommoder le
langage musical et les émissions vocales à une grande forme qui, en
réalité, demeure sensiblement la même.
6. Le quasi
baptême scénique du fameux Concert de la Loge Olympique
Déjà deux notules sur cet ensemble… que j'entendais pourtant pour la
première fois ! Issu d'une scission au sein du Cercle de
l'Harmonie cofondé par Jérémie Rhorer et Julien Chauvin (violon solo),
qui était de plus de plus identifié à la personnalité du premier (par
ailleurs de plus en plus chef traditionnel, dirigeant le Requiem de Verdi avec l'ONF ou Dialoguesdes Carmélites avec le
Philharmonia), celui-ci est d'un profil assez différent, recentré sur
un répertoire encore plus spécifique, d'où lui vient son nom : la
musique de la fin du XVIIIe siècle. Beaucoup de musique française, mais
aussi la musique italienne du temps. Leur mésaventure avec les avocats
du Comité Olympique – dont il est question dans le lien ci-dessus – et
le toupet de l'institution qui leur reprochait de menacer de la marque
(alors que ladite Loge existait bien avant les Jeux, et correspond à
l'exact répertoire de l'ensemble : Haydn et la musique française), leur
ont finalement fait une publicité sans doute supplémentaire et
bienvenue. Ils se dénomment désormais officiellement Concert de la Loge sur les affiches
et disques, mais il n'y a aucune raison de ne pas les appeler par leur
vrai nom.
C'est, je crois, leur seconde production scénique,
après Armida de Haydn l'an
passé. Leur disque comme leur présence au concert révèle une
personnalité très différente, aussi bien dans le spectre acoustique
(plus moelleux et fondu, moins percussif que le Cercle de l'Harmonie
qui aurait peut-être ma faveur sur ce critère) que dans la pensée
musicale, favorisant moins les contrastes brutaux (les sforzando de Rhorer ont pu paraître
systématiques ou outrés) et davantage une forme de continuité aux
nuances subtiles. Surtout, les répertoires ne sont pas exactement les
mêmes : la dominante du Cercle de l'Harmonie se trouve dans Mozart et
les premiers romantiques français, et essentiellement à l'Opéra ; le Concert de la Loge Olympique
favorise plutôt Haydn et la fin du XVIIIe siècle français (encore que
Rigel soit déjà de l'autre côté).
Dans le vaste théâtre de Saint-Quentin-en-Yvelines,
l'ensemble sonne un peu mince sans doute, sans la résonance à laquelle
nous habituent les grands orchestres sur instruments modernes, mais la
cohésion, malgré le fondu de la pâte, reste belle. Beaucoup de douceur,
pas si fréquente dans ce répertoire, et pas de mollesse.
J'ai déjà eu l'occasion de souligner combien Julien Chauvin était un grand chef ; et il se montre très convaincant avec
sa nouvelle formation, même si sa tendance à alanguir systématiquement
le récitatif, et même à lui dérober totalement sa pulsation, a, a mon
avis, affaibli ceux de Sacchini (plus orchestrale que prosodique, mais
tout de même).
Je puis au passage recommander leur disque Rigel / Haydn, où les rares
et excellentes tempêtes farouches de Rigel voisinent avec un Haydn
précisément tiré du côté français, joué comme du Gluck. En alternance
avec de jolis airs (par Sandrine Piau) de Giuseppe Sarti et (Johann
Christian) Bach, l'immortel auteur de Temistocle
et Amadis de Gaule.
7. Une
production réelle
Je ne vais pas m'attarder sur le sujet, il existe
déjà des recensions en ligne (qui ne parlent pas forcément beaucoup de
l'œuvre, j'ai donc rempli mon office).
Simplement quelques remarques de détail, puisqu'il
s'agissait d'une production complète, scénique, et en tournée, adossée
à l'ARCAL, avec le concours des Chantres
du CMBV, où l'on retrouvait certains de mes chouchous absolus : Eugénie Lefebvre (1,2), Marie Favier, Anne-Marie
Beaudette, Paul Antoine Benos
(1,2,3,4 – putto
d'incarnat 2015-2016 du meilleur contre-ténor)…
Étrange constitution
de l'orchestre – douze violons, deux altos, trois violoncelles,
une contrebasse. Je me demande s'il s'agit là de la restitution d'une
formation particulière – le Concert de la Loge Olympique historique, ou
bien celui de l'Académie Royale pour la création de Chimène ?
Côté solistes, Mathieu
Lécroart (don Diègue) comme toujours très marquant, avec une
grande empreinte vocale et un vrai sens de la déclamation. C'est
magnifique, on voudrait se rouler dedans. J'entendais enfin Artavazd Sargsyan (Rodrigue) en
salle ; voix bien faite, mais très étroite, pas vraiment libérée, ce
qui l'empêche de prétendre à tout éclat… et très vite couvert dans les
duos. L'élégance est parfaite, mais l'héroïsme lui est défendu, c'est
dommage – et rien ne le lui défend intrinsèquement, surtout dans son
répertoire ; c'est simplement une préparation technique à faire.
Agnieszka Sławińska
est un choix plus énigmatique pour ce répertoire – le français n'est
pas mauvais, mais la voix est émise très en arrière (tropisme polonais
difficile à combattre), toutes les voyelles sont mêlées de [eu], et au
début de la soirée, je n'ai pas été loin d'entendre hululer : tendance
à « tuber » pour épaissir les sons, et même des coups de glotte !
Mais au fil de la soirée, elle se chauffe et on s'habitue ; une fois
accepté que la voix n'a pas le tranchant du placement français ni des
standards de ce répertoire, elle s'en tire très bien. En plus, c'est
une très bonne actrice, et la voix est incroyablement phonogénique
! Je ne l'ai pas beaucoup aimée en salle, mais sur ma bande, je
la trouve magnifique…
La mise en scène de Sandrine
Anglade, avec peu de moyens, réussissait de belles choses. La
scène était largement occupée par l'orchestre, coupé en deux, avec
Chauvin dans une fosse en plein milieu (très agréable pour voir ce qui
se passe musicalement), mais les chanteurs n'étaient jamais laissés
inoccupés, et j'ai remarqué quelques jolies postures (la scène inversée
pour le triomphe où les acteurs, de dos, regardent en bas de leur plan)
ou évocations – terrible, ce moment (absolument pas souligné) lorsque
le regard de Chimène croise celui de don Diègue, à l'origine de la
disgrâce et de la mort de son père.
Aussi remarqué beaucoup de bizarreries – pourquoi ce
drapeau de fortune brandi par des Gavroche, pourquoi ces câlins (c'est
la semaine free hugs chez la
noblesse castillane ?), pourquoi ce rire insolent totalement hors
caractère lorsque Chimène répète incrédule « tu vas mourir ? » ?
Mais, globalement, une proposition sobre et convaincante, qui va à
l'essentiel.
Le concert était inclus dans une formule familiale avantageuse, et par
ailleurs tous les collèges du secteur y étaient pour la première : la
moitié, je n'exagère pas, la moitié
des spectateurs avait de dix à treize ans ! Évidemment,
sans être du tout apocalyptique, la qualité d'écoute n'était pas
optimale : entre le livret assez épuré, les répétitions à l'infini des
airs, l'avancée lente de l'intrigue et les voix quand même très
lyriques, comment faire apprécier l'opéra avec ça ? J'ai adoré la
soirée, mais je suis dubitatif. Certains avaient étudié la pièce,
mais autant le Cid peut
fonctionner sur sa substance, expliqué par un adulte, autant sa version
aseptisée en opéra, je ne vois pas trop ce qu'il reste à sauver. Une
heure trente sans entracte, tout de même, et de musique qui sent son
âge, y compris pour les adultes et les spécialistes.
La production sera encore donnée à Massy et Herblay. Je ne sais pas
encore si elle sera captée.
8.
Pour prolonger
♦ Je vous recommande bien sûr l'introduction rédigée spécifiquement pour cette
notule, et qui remet toute la période en perspective, de l'arrivée de
Gluck à Paris jusqu'à la Révolution, en insistant sur la place
spécifique de Sacchini. Elle contient aussi la liste des tragédies en
musique documentées à ce jour par le disque, par la radio, par des
représentations. Un bon point de départ pour explorer.
♦ Il existait déjà une notule sur cet opéra, fondée sur sa comparaison avec Don
Giovanni, postérieur de quatre ans, fondé sur les quelques
extraits sonores dont on disposait alors.
♦ Je vous livre la bande brute de la soirée [MP3] : ce n'est qu'une
prise sur les genoux et elle est traversée de beaucoup de bruits
parasites (à l'exception de mon siège qui grince quelquefois, je plaide
innocent pour tous les autres, les chut
! retentissants, les toux bouche ouverte, les doudounes
froissées… et la plupart des nuisances ont été filtrées par
l'enregistrement !). C'est dommage, mais cela me permet de la mettre à
disposition : ça vous informera, mais ne vous dispensera nullement
d'acquérir l'objet s'il en existe jamais une édition. En attendant,
c'est toujours un moyen d'accéder à la matière de l'œuvre.
♦ Voici aussi la vidéo réalisée à Versailles [FLV] (non éditée
commercialement) par Les Nouveaux Caractères consacrée aux « favoris de
Marie-Antoinette », où l'on retrouve des extraits de la seconde Iphigénie de Gluck, de Chimène de Sacchini, des Danaïdes de Salieri et de Guillaume Tell de Grétry, avec
Caroline Mutel, Sébastien Droy et surtout Jean-Sébastien Bou (quel
Danaüs, quel Guessler !). On peut y voir le début de l'acte I
et le final de l'acte III de Chimène
ou le Cid.
♦ Pour finir, vous pouvez remonter l'incroyable histoire de l'ensemble
Le Concert de la Loge Olympique,
à l'origine de cette exhumation en partenariat avec le CMBV : C'est Haydn qu'on assassine.
Bonnes lectures, belles découvertes, à bientôt pour de nouvelles
aventures !
Bien sûr, lorsqu'on cherche à vous décider d'acheter des places pour un
concert, on vous en dit du bien ; et on est même en droit d'espérer que
les programmateurs ont réellement prévu que ce serait beau. Néanmoins,
est-on obligé de mobiliser les promesses de la Mère Denis pour
promouvoir un tel tube intersidéral ?
Carmen figure au palmarès des opéras
les plus joués dans le monde malgré une réception mitigée lors de sa
création à l’Opéra-Comique en 1875. C’est aujourd’hui un ouvrage «
culte » avec ses airs et mélodies connus de tous et un orchestre
superbement expressif et coloré tant dans les scènes de foules que dans
les moments intimes. Le rôle de Carmen est ambigu dans sa tessiture
puisqu’il présente à la fois les exigences d’une mezzo-soprano et
celles d’une soprano dramatique. Superbe musicienne à la voix
naturellement riche en harmoniques, Marie-Nicole Lemieux est capable de
chanter l’Isabella de l’Italienne, l’Orlando d’une
façon plus furioso que quiconque ou encore une irrésistible
Mrs Quickly. Véritable contralto au riche ambitus et surtout tornade
vocale, elle n’a pas son pareil pour mettre une distribution au
diapason de sa gourmandise et de son espièglerie.
… pouvait-on lire la semaine dernière sur les sites de Radio-France et
du Théâtre des Champs-Élysées. Je ne veux pas médire du TCE, la
relation avec le public est vraiment exemplaire (il reste le statut
ambigu des ouvreurs, mais sinon, aussi bien la communication en ligne
que la gestion humaine de la billetterie, service de tout premier
choix), mais qui que ce soit qui ait écrit le texte : tout de même.
¶ Carmen serait un rôle totalement atypique, réclamant plusieurs voix
(parce que Callas l'a chanté ?). Je ne vois vraiment pas en quoi, c'est
typiquement un rôle de mezzo, très
médium, chanté par tous types de mezzos (du grand dramatique
verdien au petit mezzo lyrique), et même par des sopranos lyriques (au
disque nous disposons de Los Ángeles, Anna Moffo, Angela Gheorghiu…).
Un soprano dramatique serait plutôt embarrassé par ses graves pas
toujours joliment timbrés et ses aigus massifs.
En quoi a-t-on besoin de faire de la tessiture une
exception pour nous vendre le concert ? Pour nous faire croire
que les cent vingt millions d'interprètes de Carmen dans le monde sont
des superhéroïnes ? Alors qu'on pourrait épiloguer sur ce que
l'œuvre à de singuliers, son sujet, ses couleurs orchestrales, son
harmonie. Moins vendeur, je m'en doute, puisque le tropisme glottophile
fait davantage vendre, mais on aurait pu citer les grands noms et les
tessitures différentes qui s'y sont victorieusement frottés, par
exemple.
¶ « Véritable contralto » : le contralto est un animal rare, beaucoup de chanteuses, malgré
l'étroitesse du répertoire, veulent s'arroger la niche. Mais pour cela,
il faut une aisance particulière dans le registre grave, sans avoir
besoin de poitriner exagérément. Or, Marie-Nicole
Lemieux quia effectivement
chanté avec vaillance des rôles de contralto (Orlando chez
Vivaldi, par exemple), n'a pas
beaucoup de graves, en tout cas pas davantage que la majorité de
ses collègues mezzo-soprano. Il n'y a pas de mal à cela : il est
difficile de trouver de grands rôles exploitables pour véritable
contralto (hors Orphée de Gluck et Erda dans le Ring, on se trouve vite, même
lorsqu'ils ont été créés par des contraltos, face à des rôles qui
réclament une belle extension aiguë…), et Lemieux ne pourrait pas faire
la carrière qu'elle fait, et chanter Azucena par exemple, si elle
l'était véritablement. Mezzo non sopranisant, assurément ; contralto,
pas vraiment. Qu'est-ce que cela changerait à sa gloire d'ailleurs,
surtout pour chanter Carmen – un rôle qui a, nous dit-on, « les
exigences d'un soprano dramatique » ?
Sauf si le but est de mentionner un maximum de noms
de tessitures pour impressionner le public et faire croire à une voix
longue – ce qui n'est pas le cas, c'est au contraire une voix assez
centrale.
— Tiens, Marie-Nicole a changé sa couleur.
¶ « Au riche ambitus » : au riche répertoire ou au large ambitus
?
L'ambitus a un sens précis, il désigne
l'étendue vocale (je ne crois
pas que celle de Lemieux soit exceptionnelle, d'ailleurs), qui peut
être longue, mais « riche » renvoie
bizarrement à une notion
qualitative.
Ce n'est pas grave, mais ça trahit un brouet un peu
fumeux qui
cherche à montrer le caractère exceptionnel du concert en enfournant
plein de choses pas trop vérifiées. Marie-Nicole Lemieux a suffisamment
de médailles et de succès à son actif pour qu'on ne fasse pas sa
promotion sans inventer des concepts ad
hoc.
¶ « À la voix naturellement riche en harmoniques », numéro 1.
Pour commencer, une
voix se travaille… qu'elle soit naturellement riche en
harmoniques ou non, ce qui compte, c'est ce que l'on entend en concert
ou au disque, après des années de labeur à se préparer pour la scène
lyrique. La formule a quelque chose de la réclame pour yaourt… au vrais morceaux de fruit (car il
existe de faux morceaux de fruit, sans doute), naturellement riches en vitamines.
¶ « À la voix naturellement riche en harmoniques », numéro 2.
Je dis tout de suite que je ne suis pas un
inconditionnel de Marie-Nicole Lemieux : j'ai bien aimé sa période seria (très séduit par l'énergie de
son Orlando, justement), je suis beaucoup moins convaincu par ce que
j'entends aujourd'hui – aigus courts et passablement criés, émission
très en gorge, qui l'empêche d'être très sonore, diction moyenne. Elle
a incontestablement de la générosité, mais vocalement, il existe mieux
dans les mêmes emplois.
Mais lorsqu'on parle d'harmoniques, il s'agit d'un domaine quantifiable. On peut
mesurer si, physiquement, la voix est pure
(peu d'harmoniques, comme lorsque le cor joue piano) ou riche en harmoniques (comme les
jeux d'anche de l'orgue). Y mettre une connotation morale est
d'ailleurs absurde : il existe de belles voix pures et de belles voix
riches, tout dépend du répertoire choisi et de ce que l'on en fait. La
seule limite est que la voix qui a peu d'harmoniques peut se faire
happer par l'orchestre même si elle est puissante, et qu'on peut
effectivement difficilement chanter Wagner (sauf pour les sopranos, qui
comme Schwanewilms peuvent passer par-dessus le spectre orchestral)
avec des voix qui ne sont pas très riches. Mais dans du Mozart ou du
baroque, on peut apprécier des timbres plus purs, moins chargés (même
si l'inverse n'est pas du tout interdit).
Or, il se trouve que le timbre de Marie-Nicole Lemieux, sans être
translucide non plus, fait plutôt partie de ceux qui ne sont pas trop
riches en harmoniques – notamment parce que la voix résonne plus dans
le pharynx que dans la face. Pour le dire de façon plus positive, c'est une voix qui n'est pas très métallique.
Il s'agit donc, là encore, d'une mauvaise information. Je connais des
tas de mélomanes et glottophiles éclairés qui adorent Lemieux (ce qui
reste un peu mystérieux pour moi, certes), mais ils le font pour de
véritables raisons, pas pour des formules standardisées qui sont à
l'opposé de son identité réelle… D'une certaine façon, je trouve le
procédé un peu vexant, tant de superlatifs pour la présenter… qui ne
décrivent pas ce qu'elle est !
Bien sûr qu'il faut écrire quelque chose de simple, qui claque, qui
crée l'événement, pour donner envie d'aller écouter. Mais autant le
faire en ne désinformant pas le public. Ce serait Parsifal ou Wozzeck, je veux bien qu'on essaie
de rassurer le public en lui promettant un opéra court et accessible,
mais pour vendre Carmen,
était-ce nécessaire, sérieusement ?
Exemple de réécriture.
Carmen figure au palmarès des opéras
les plus joués dans le monde malgré une réception mitigée lors de sa
création à l’Opéra-Comique en 1875. C’est aujourd’hui un ouvrage «
culte » avec ses airs et mélodies connus de tous et un orchestre
superbement expressif et coloré tant dans les scènes de foules que dans
les moments intimes. Le rôle de Carmen a été interprété à la scène et au
disque par les plus célèbres chanteuses, aussi bien des mezzo-sopranos,
comme prévu par Bizet, que par les sopranos les plus différents.
Superbe musicienne à la voix
réputée pour sa chaleur, Marie-Nicole Lemieux est capable de
chanter l’Isabella de l’Italienne, l’Orlando d’une
façon plus furioso
que quiconque ou encore une irrésistible Mrs Quickly. Parcourant les rôles de contralto
comme de mezzo-soprano, véritable tornade vocale, elle n’a pas
son
pareil pour mettre une distribution au diapason de sa gourmandise et de
son espièglerie.
Voilà, c'est pareil, on sous-entend que Carmen est un rôle à part, on
déverse les éloges sur l'interprète (et même, implicitement, sur son
étendue vocale), mais on ne désinforme pas le public.
Après, on croise des gens dans les allées qui affirment « oui, mais
Carmen est un rôle très aigu ». Et qui nettoie après vous, hein ?
--
[Au demeurant, malgré toutes mes préventions, très agréable surprise
que cette première Carmen de Lemieux, pas du tout outrée ni
tempêtueuse, français soigné, personnage nuancé, presque élégant, mais
vivant, voix bien tenue ; pas de poitrinés ni d'effets de manche
d'aucune sorte. Seuls les aigus n'étaient pas bien aboutis, mais on
s'en moque un peu des aigus, surtout pour Carmen.]
Hier soir, La
belle Meunière par Matthias Goerne et Leif Ove Andsnes, en
concert. Goerne était en petite forme (de l'air dans les cordes
vocales…) et avait largement perdu de sa magie souvent décrite dans ces pages. Cela le privait de
ses éclats terrifiants, et le forçait à se replier dans les nuances les
plus douces, chantant à mi-voix, pas toujours complètement timbré.
Néanmoins, du fait de ses habitudes et de son gigantesque talent, il
finit par retourner la salle, dans une seconde moitié complètement
suspendue – envoûtante – où le temps se fait espace, quelque chose
comme ça…
Donc excellente soirée, vraiment, et je ne suis pas
suspect, comme l'indiquent les notules du lien ci-dessus, de mégoter
mon adhésion à l'art de Goerne. Toutefois, il me prend la fantaisie de
détailler les risques, pour ne pas dire les mauvais choix, qui auraient
précipité dans l'impasse tout autre que lui.
♠ D'abord, le voile sur de sa voix
tient sans doute de la fatigue propre à un soir ou une période, mais
aussi à l'évolution d'une voix très
laryngée : plus la voix est placée en arrière, plus le
raidissement des tissus avec l'âge va l'empêcher d'atteindre les aigus.
Cela s'observe régulièrement chez les sopranos aux aigus flottants, qui
perdent parfois leur timbre – je dis l'âge, mais il s'agit en réalité
de l'âge combiné avec la fatigue d'une carrière professionnelle, le
phénomène touche beaucoup moins ceux qui chantent peu, par exemple ceux
qui se reconvertissent tôt comme professeurs et donnent des concerts
occasionnels (on est souvent alors impressionné par leur fraîcheur de
jeunes premiers !).
C'est ce qui fait la spécificité de Goerne, on ne va
pas souhaiter qu'il soit autrement qu'il est, mais c'est un paramètre
qui, clairement, le défavorise dans l'évolution de sa voix, qui perd
davantage en souplesse, comparativement, que s'il utilisait d'autres
techniques.
♠ La transposition
pour voix de basse pose toujours des problèmes vocaux. Par confort, pour
ne pas prendre trop de risque, pouvoir réaliser des nuances dans les
aigus, les barytons, même jeunes et de format assez léger, ont tendance
à prendre des transpositions très basses.
Un ton plus bas que l'original (et parfois, pour des
raisons de doigtés ou de nombre de dièses, un ton et demi, ou un
demi-ton), ce ne change pas vraiment les équilibres, et n'étant jamais
écrit haut comme un air d'opéra claironnant, cela permet à un baryton
de chanter confortablement. Comme ce sont par-dessus tout les barytons
qui chantent ce répertoire, ce sont les versions qu'on entend le plus
fréquemment, plus fréquemment que les versions originales – calibrées
pour la voix de ténor de Schubert.
En revanche, lorsqu'il s'agit de descendre plus bas,
le timbre d'un baryton
s'éteint complètement, et se réfugiant dans les graves, lui se
sent en sécurité, tandis que le public ne bénéficie plus de sa projection ni de sa zone expressive. J'ai le
souvenir de Ludovic Tézier,
dont les aigus sont pourtant au-dessus de tout soupçon (et c'était il y a plus de dix ans !), chanter Die Dichterliebe dans des
profondeurs dont il ne se tirait pas. En revanche, pour les bis de
Liszt, sa voix était complètement chauffée, et lui libéré, c'était
superbe.
Goerne, considérant sa méforme, étant contraint de
choisir une transposition radicale, cela s'entend ; je souligne
simplement que beaucoup (trop) de barytons, peut-être légitimés par les
derniers disques de leurs idoles, font de même tôt dans leur carrière,
ce qui est une erreur, sinon vocale, du moins artistique.
♠ Car la transposition
pour voix basse altère le caractère
de l'œuvre.
Ici encore, Goerne change Die schöne Müllerin en prequel du Winterreise, uniformément désespéré
et remâchant la mort. De ce fait, il soutient vaillamment le paradoxe.
Mais pour les autres chanteurs (et ce soir,
considérant ses limites, en partie pour lui), déplacer à ce point le
centre de gravité nuit à l'économie de l'œuvre. Dans un cycle rempli de chansons, de
pièces strophiques, de références folkloriques, et qui peut sans
grande perte se réduire pour guitare (ainsi qu'en atteste assez
généreusement la discographie), une version pour basse ne peut pas
rendre justice au jeune meunier naïf qui, bien que désespéré, nous
amuse de ses illusions une à une démenties. Et qui chante au bord du
ruisseau des cantilènes rêveuses, quand il ne l'interroge ou ne le
tance pas.
C'est pourquoi le lied fonctionne assez mal ainsi
transposé, même pour d'authentiques basses – le problème est
alors aussi celui de la flexibilité vocale : les ténors ont la
souplesse mais pas l'assise, les basses l'assises mais pas la
souplesse, les barytons disposent des deux.
Ce soir,
la berceuse finale est jouée trois tons sous l'original (en si
bémol au lieu de mi) ! Et ce n'est pas une fantaisie pure de la
part de Goerne : Andsnes utilise le volume officiel de Breitkopf (ou
Peters, je ne puis complètement en jurer) pour tiefe Stimme. Deux tons, cela se
justifie (sinon, le saut de sixte majeure sur un sol dièse piano ferait très mal…), mais
trois, comment faire croire à une berceuse, l'accompagnement ressemble
plutôt aux souterrains de Pelléas, version bien tonale. Toute la
dimension folklorique de ce qui était encore vu comme une imitation du volkslied,
une adaptation du chant populaire au raffinement des salons, est ainsi
engloutie.
♠ C'est donc la même chose pour le piano.
Le jeu de Leif Ove
Andsnes (que j'apprécie pourtant, malgré son caractère toujours
un rien « propret ») sonne assez visqueux, toucher rond mais pas du
tout de relief ni d'accents… Étonnant, dans la mesure où ses disques
avec Bostridge sont très valables – en particulier les accompagnements
du premier en 2002, où il joue aussi l'avant-dernière sonate de
Schubert –, beaucoup plus subtils en tout cas. Je peine à lui en faire
porter la totale responsabilité, dans la mesure où il joue, du fait des transpositions, quasiment en
permanence dans la seconde moitié du clavier, au-dessous du do
central ! Il aurait, à peu de choses près, pu tout jouer à
l'octave supérieure, ça aurait sans doute mieux sonné – mais le
décalage du piano cristallin avec la voix crépusculaire aurait été
difficilement tenable, je l'admets.
Honnêtement, dans ces conditions, même s'il ne
dispensait clairement pas des merveilles de subtilité, on n'entendait
pas grand'chose de toute façon.
♠ À cela s'ajoutait le manque patent de répétitions. Difficile
de travailler avec un soliste qui n'a pas la possibilité de
suivre longuement un chanteur. À plusieurs reprises, on voit Goerne
attendre qu'Andsnes débute sa phrase (ce qui n'est pas une posture
normale) pour enchaîner, ou à l'inverse le laisse complètement se
débrouiller pour essayer de suivre son propre rubato. On sent qu'ils pensent
encore à surveiller ce que fait l'autre, et que leur partenariat n'a
pas le naturel de ceux qui ont longuement travaillé ensemble. C'est
normal, bien sûr – et puis Goerne a surtout chanté avec les meilleurs
accompagnateurs, d'une souplesse absolue, comme Eric Schneider ou Helmut Deutsch, qui ne font
quasiment que de l'accompagnement (de l'orgue aussi, pour Deutsch, et
extraordinairement, mais je crois qu'il ne le pratique plus guère en
public depuis un moment).
Dans l'attitude aussi, Andsnes ménage de petits
retards dans ses phrasés qui sont des sortes de réflexes d'habillage
pour un soliste, mais qui n'ont pas de lien avec le phrasé choisi
par le chanteur juste avant, qui n'ont pas non plus de sens particulier
par rapport au texte ou à la situation : il fait son piano comme il en
a l'habitude, mais on peine à sentir une interaction forte avec le
chanteur ou le texte, comme le font en général les grands
accompagnateurs.
J'ai regretté, je l'avoue, le piano dur et moche de Christoph Eschenbach,
toujours à l'écoute de Goerne, et qui répondait très exactement à ses
climats. Pas toujours du grand piano, mais le duo fonctionnait
parfaitement.
Je le redis, le concert était très émouvant, il me
semble simplement plus intéressant, plutôt que de refaire les éloges
que j'ai déjà énoncés de multiples fois, d'explorer les grains de sable
qui peuvent, chez d'autres que Goerne, déstabiliser une préparation de
qualité.
Donc, chanteurs, si vous n'êtes pas des génies du
lied, ne choisissez pas des transpositions exagérées (un ton et demi
est vraiment la limite pour ne pas tout dénaturer, et à réserver aux
voix de baryton-basse, ou vraiment fatiguées). Enfin, si vous êtes
amateur, vous faites ce que vous voulez, si ça vous permet de le
chanter, ne vous gênez surtout pas. Mais quand vous enregistrez des
disques, ne vous laissez pas abuser par vos sensations : grave, c'est mal, et ça abîme les partitions –
c'est grave.
Et, honnêtement, cela diminue aussi le plaisir (et
la latitude expressive) de vos accompagnateurs.
--
Pour
prolonger :
► Panégyriques de Matthias Goerne. Le lien est vers l'un des
derniers, mais qui renvoie vers les précédents (où il est question,
notamment, du piano d'Eschenbach).
► Discographie exhaustive (en 2014) de Die schöne Müllerin. Faites votre
marché ! (et n'hésitez pas à poser des questions si vous êtes
curieux, j'ai écouté un certain nombre des bizarres de la liste)
Ce billet, écrit à par DavidLeMarrec dans la catégorie Poésie, lied & lieder a suscité :
C'est une question qu'il est souvent facile de se
poser dans le milieu des arts, évidemment. Au delà des questions de
goût, par essence subjectives, il est parfois difficile, pour
l'observateur extérieur, de s'expliquer l'engagement d'un artiste
plutôt que d'un autre, et encore plus lorsqu'il s'agit de grandes
maisons qui ont les ressources et l'influence nécessaires pour
effectuer un vrai choix.
1.
Parce que : la grille tarifaire des chanteurs
Dans La Vestale, je m'étais demandé
la raison de la préséance des
ténors – Andrew Richards,
le rôle principal, n'est pas plus célèbre ni plus sonore que Jean-François Borras (second
rôle), et son français, sa projection,
et même son timbre (pour des raisons objectivables : moins dans la
face, plus dans la gorge) sont inférieurs à son comparse. Par ailleurs,
les centres de gravité des deux rôles sont comparables. Alors pourquoi ?
Tout le monde sait que le milieu fonctionne
essentiellement par réseau ;
il est donc largement possible d'exploiter cette explication, même sans
convoquer le copinage et le népotisme : quand on a déjà travaillé avec
quelqu'un ou qu'on est recommandé, on est prioritairement choisi, dans
ce milieu encore plus que dans les autres.
Je soupçonne qu'il existe aussi une vision financière paradoxale de la
chose : les maisons semblent ne recruter que dans certaines échelles de cachet. Même s'il est
formidable, les maisons principales de Paris, Vienne ou New York
n'embaucheront pas quelqu'un qui ne fait que des seconds rôles en
province, même s'il est le plus qualifié pour ce rôle précis – ou alors
c'est accompagné d'une communication massive qui le transforme en
vedette, et mènera à le distribuer à son tour exclusivement sur les
plus grandes scènes,
Pour les plus
célèbres, ça s'explique très bien : on les fait revenir, même
dans les rôles où il existe mieux qu'eux, parce qu'ils font remplir, et
au delà des seules dates concernées, font de la publicité indirecte
pour l'établissement. La radio me fait prendre conscience que j'ai
manqué Netrebko ou Kaufmann, mais c'est vrai, au
fait, qu'est-ce qu'ils jouent d'autre cette année à l'Opéra ?
Pour les autres, j'ai l'impression que chaque maison
a sa grille par tarif, et qu'on embauchera presque mécaniquement le plus cher dans le premier rôle,
même si quelqu'un de la grille saliariale des seconds rôles est
particulièrement adapté à cet ouvrage particulier. Il est rare, en fin
de compte, de voir des gens appelés ponctuellement (en dehors du
baroque, qui fonctionne davantage en circuit spécialisé) pour leurs
compétences spécifiques dans un ouvrage.
Qu'on ne fasse pas chanter Gérard Théruel tous les
jours à l'Opéra Bastille, d'accord, mais quand on a besoin d'un
Valentin, d'un Lescaut, d'un prêtre de Dagon, pourquoi aller plutôt
chercher des gens qui ont certes une grande carrière internationale,
mais modérément célèbres (qui Stoyanov,
Sgura, Silins font-ils déplacer sur
leur nom ?), et pas toujours maîtres de la langue et du style choisi ?
Je crois que la réponse est assez mécanique : on va
chercher quelqu'un qui est « du
niveau de la maison », alors qu'on pourrait payer moins cher,
mieux, et que le public ne ferait pas du tout la différence de
notoriété en-dessous d'un certain niveau.
Car en matière de célébrité, il y a ceux qui font
venir les grand public (les couvertures de magazines, Dessay, Netrebko, Alagna, Kaufmann), ceux qui peuvent
être décisifs pour les amateurs (Petibon,
Mattila, Radvanovsky, Garanča, Brownlee, M. Álvarez, Tézier, Pape…), et en-dessous, cela
ne concerne plus que les quelques geeks
surinformés, la famille et les amis.
Le grand capharnaüm de la
Renommée,
gravure tirée de la collection du Tessin.
2.
Parce que : raisons artistiques, ou non
Néanmoins, et en particulier, pour les chanteurs, la réponse à ce « pourquoi » se trouve
parfois sur le vif : lorsque Domingo
ou Goerne
ouvrent la bouche, la voix enveloppe
la salle, impossible de se dégager. On comprend alors l'hystérie de
tous ceux qui les ont entendus en vrai, qui nourrit l'intérêt pour
leurs disques et leur assure une crédibilité sans faille – personne ne
va sortir d'un de leur concerts en tempêtant contre la créature
purement discographique.
Pour d'autres, c'est moins évident – il n'y a pas
forcément de plus-value particulière à entendre Netrebko, Alagna ou Kaufmann en vrai, ils
ressemblent assez à ce qu'ils sont, et leur voix n'a pas un impact
particulièrement surnaturel (pour Mattila, c'est même
l'inverse, la voix paraît invertébrée si on est placé trop loin). Mais
leurs qualités d'interprète expliquent assez bien, dès l'écoute des
disques, leur statut – même si l'écart entre excellent chanteur et
chanteur-vedette est purement arbitraire en général (ce pourraient en
être d'autres si on ne parlait que de leur métier).
Il faut aussi considérer les questions extra-interprétatives, qui ne
sont pas neutres : certains capricieux ou de mauvais caractère ne sont plus embauchés. Angela Gheorghiu a été
chassée du Met pour avoir voulu imposer sa garde-robe, exigence alors
passée de mode depuis quelque décennies, et Kathleen Battle a fini par ne
plus être programmée, malgré l'affection du public, en raison de ses
relations humaines exécrables – c'est l'histoire, non vérifiée, de son
coup de fil à son agent pour qu'il appelle le chauffeur de taxi et lui
demande de remonter la vitre.
À l'opposé, je n'ai rencontré, je crois, aucun
mélomane qui aime la voix de Vincent
Le Texier – certes puissante, mais généralement décrite comme
moche (comme poussée, beuglée),
et pas toujours endurante. En revanche, lorsqu'on écoute ses collègues,
il semble être d'un naturel très facile, et lorsqu'on voit la tête de
son répertoire (à part Domingo
– et plutôt dans les années 80 – je ne vois pas quel chanteur en
activité a une telle extension universelle !), on se rend compte qu'il
doit avoir une puissance de lecture et de travail assez phénoménale.
Avoir un artiste qu'on peut appeler et qui peut assurer aussi bien un
Rameau qu'un Messiaen, une mélodie romantique qu'une création pour
ensemble, ça rassure.
Même chose pour certains
instrumentistes : je suis resté pétrifié devant la présence physique inattendue de Leonidas Kavakos (assez moche
au disque, d'une pureté absolue en salle), James Ehnes, Johannes Moser (projection
hallucinante, même de dos et dans les nuances les plus fines), Emmanuel Ax (pas vraiment le
pianiste qu'on place parmi les orfèvres du son)… Pas d'effet Argerich en revanche – elle
est (très) très bien, évidemment, mais elle ressemble à ses disques.
3.
Parce que : l'action souterraine des chefs
Pour les chefs, la plus-value
est difficile à déterminer.
Chez les chefs invités, il y a certes trop peu de services de
répétition pour qu'il ne se passe pas des choses au moment de la
représentation, mais l'essentiel du travail a été fait en amont – dans
bien des cas, l'orchestre, une fois préparé, pourrait fort bien jouer
tout seul le jour du concert… Le chef communique avec des gestes,
certes, mais l'essence de son travail
n'est pas nécessairement visible ; comment juger des remarques,
des conseils, des choix qui n'ont pas été formulés en public ?
Tout au plus peut-on remarquer si leur gestique est
claire ou riche, toutefois ce n'est pas un point déterminant – ce peut
faire gagner du temps en répétition, mais des musiciens aguerris
peuvent très bien décrypter le soir du concert une gestique embrouillée
ou spartiate, si le travail est bien fait en amont.
C'est pourquoi les spectateurs ou critiques (les
deux se confondant de plus en plus de toute façon) qui jugent à la
volée les chefs sur leur maintien me laissent toujours songeur : soit
ils ont un degré de connaissance des coulisses du spectacle, ou de la
technique de direction, très supérieur au mien (ce qui n'est pas
tellement difficile, je l'admets), soit ils font des suppositions au
petit bonheur en les habillant comme des remarques subtiles. [Vu le
nombre de ceux qui le font, moi le premier, je me suis permis de
supposer qu'il y avait au minimum des représentants des deux
catégories.]
Il est donc d'autant plus difficile, pour un chef,
de deviner les raisons de son invitation ou de sa nomination. Il a
sûrement les bons réseaux, mais est-il choisi parce qu'il est gentil
avec les musiciens ? Parce qu'il a une remarquable efficacité de
travail ? Ou vraiment pour des raisons artistiques, parce que sa
hauteur de vue dépasse celle des camarades ? En tout cas, il est
vrai que les mêmes orchestres peuvent être amollis ou transfigurés,
selon les baguettes et quasiment du jour au lendemain.
Cette semaine, en allant voir Carmen (ma première Carmen en salle, d'ailleurs, mais
ça ne vous regarde pas, et vous êtes de bien vilains curieux), j'ai
justement été frappé de comprendrepourquoiSimone
Young avait fait une telle carrière, à un moment où les
injonctions de promouvoir les femmes-chefs n'étaient pas du tout
répandues comme aujourd'hui. Parce qu'à l'écouter, ma foi, ses lectures
sont toujours cursives et efficaces, mais jamais détaillées, poétiques,
surprenantes, intenses ou quoi que ce soit qui rend un chef différent
et le fait admirer des mélomanes. Et pourtant, quelles responsabilités
! Invitée à l'Opéra de Vienne, permanente au Philharmonique de
Bergen (un des plus beaux orchestres d'Europe, et très présent au
disque grâce à BIS), directrice musicale de l'Opéra de Sydney puis de
l'Opéra de Hambourg, abondamment enregistrée en CD ou en DVD…
En salle, c'était la même chose. Sauf que. Ses
gestes sont extrêmement lisibles,
toujours très précis, indiquant les entrées même évidentes, et très sensibles aux besoins des chanteurs
– chez beaucoup de chefs, lorsqu'un chanteur se perd, on sent de
l'irritation, ou alors le patron se tourne ostensiblement vers lui avec
de grands gestes pour lui redonner son emplacement. Chez Young, tout est plus subtil
de ce point de vue : elle ajuste autant que possible, sans rien
décaler, et lorsque son chanteur est déstabilisé, elle répond à ses
regards perdus avec bienveillance, s'ajuste à lui et reprend, toujours
avec sa battue claire. Ce n'est pas vraiment audible, mais on sent
immédiatement combien cette souplesse et cette fermeté doivent être rassurants pour les musiciens : on
est toujours très nettement guidé, et du côté des chanteurs secouru.
Même si ce n'est pas le chef qui a le plus à dire, on voit bien ce qui
peut inciter les grands à vouloir travailler avec elle et les
directeurs à l'embaucher.
De ce point de vue, l'intérêt de lui faire
enregistrer des Bruckner paraît moins évident, mais il faut bien
qu'elle ait des loisirs, n'est-ce pas ?
Le sujet est bien sûr autrement vaste en réalité, mais ce sera toujours
un point de départ à vos méditations du jour.
Ce billet, écrit à par DavidLeMarrec dans la catégorie Discourir a suscité :
Il me reste toujours pas mal d'œuvres exhumées cette saison à présenter
(Messed'Innocent Boutry, Les Horaces de Salieri, Chimène de Sacchini, Brocéliande
d'André Bloch…), des notules sur la technique vocale, des sujets
d'éclaircissement sur les orchestres munichois ou néerlandais… Il ne se
passe
pas de semaine sans que j'y travaille activement, mais les recherches
nécessaires et le dégoût de la monomanie me conduisent à avancer tout
cela de front, et donc lentement.
Pour autant, et malgré le retard accumulé dans mes plans machiavéliques
pour le développement de CSS et la conquête du monde (civilisé), je ne
puis laisser passer le rituel planning du mois, pour votre usage,
estimés lecteurs, frères semblables ou trolls difformes.
1.
Bilan
de janvier
Au 25 janvier, seulement 10 concerts (un peu concurrencés par les
expositions en début de mois), mais je me prépare 6 spectacles sur 3
jours en fin de semaine (facile, quand il y a un pré-concert à 19h !)
qui devraient un peu rééquilibrer ces statistiques dangereusement
déclinantes.
J'ai néanmoins dû renoncer, pour des raisons bassement pratiques (vivre
à peu près socialement, assurer ses fonctions professionnelles avec le
prestigie qui sied, renouveler ses hardes, etc.), à une poignée de
merveilles dont je m'étais fait le chantre ici même :
♠ concert des classiques d'airs de courpar
Léa Desandre et Violaine cochard ; ♠ Le Songe d'une Nuit d'étéd'Ambroise Thomas par la Compagnie de
L'Oiseleur ; ♠ trios de Cécile Chaminade
et Mel Bonis (musée Henner) ; ♠ Hänsel
und Gretelarrangé pour récitant et nonette de cuivres (CRR
de Boulogne) ; ♠Musique pour Cuivres et
Cordes de Hindemith avec
une Symphonie de chambre de Milhaud
(Orchestre d'Éric van Lauwe) ; ♠ orgue
letton (Ešenvalds, Kalniņš,Vasks…) à Radio-France. Pas le
plus beau corpus du monde (et sur ce biniou infâme !), mais très
rare, et de belles atmosphères tradi (enfin, je ne connais pas toutes
les pièces au programme, mais d'après le reste de leur production,
notamment pour orgue, ou celle de leurs collègues…), ♠ mélodies et musique de chambre de Guy Sacre et autres compositeurs
français du second XXe et XXIe (Boisgallais), par Billy Eidi notamment.
Mais j'en ai aussi vu de belles !
♣ Des raretés que je ne verrai probablement pas deux fois :
♣♣ Recréation de Médée
et Jason de Joseph Salomon (1713),
acte II intégral. Par les étudiants du CRR de Paris (renforcés des
pôles Versailles, Cergy et Boulogne-Billancourt). Une tragédie de la
meilleure période (deuxième
génération), dont rien
n'avait été remonté, et qui contient de façon très audible les
influences italiennes et les tropismes sombres de la prédominance d'un
livret hautement tragique. La préparation d'Isabelle Poulenard a
vraiment porté des fruits sur le plan de la déclamation. Totalement
grisant d'entendre tout cela renaître, très bien joué et chanté de
surcroît ! Une notule illustrée est prévue.
♣♣ Sacchini, Chimène ou le Cid
(1783) par le Concert de la
Loge Olympique et les solistes de
l'ARCAL. De loin son meilleur opéra, et qui, sans spoiler la notule en préparation,
sonne de façon étonnamment mozartienne dans un opéra français (bien
plus que Grétry ou J.-Ch. Bach. En attendant, vous pouvez en lire l'introduction.
♣♣ Le Quatrième Quatuor de Stenhammar. Dans un postromantisme
qui évoque Mendelssohn ou Schumann à peine enrichis, ce qui se
fait de mieux
(le Troisième aussi). Couplé dans ce concert avec les étranges moirures
grises du mieux connu Deuxième Quatuor de Szymanowski et Septième
Quatuor de Chostakovitch. Pas servis au mieux par le Royal String Quartet
(polonais !), aux angles émoussés… le premier violon en retrait
permettait certes de s'intéresser davantage à l'accompagnement, mais
cela manquait de tension, surtout pour soutenir des œuvres peu jouées,
en particulier Stenhammar qui ronronnait un peu et Szymanowski qui
devenait un peu translucide. Mais enchanté d'avoir entendu tout ça en vrai, l'envie furieuse de se
plonger précisément dans la partition à présent !
Deux intégrales existent au disque, privilégiez
celle du Quatuor Stenhammar,
ardente et limpide, très bien captée par BIS. (L'intégrale danoise est
très bien aussi, néanmoins.)
♣♣ Joseph-Guy Ropartz, Sonate n°2 pour violon et piano par Stéphanie Moraly (putto
d'incarnat de la meilleure violoniste la saison passée) et Hugues Leclère,
plus des pièces courtes de Lili Boulanger et Georges
Migot (et la sonate de Debussy) – exclusivement des œuvres de 1917.
Toujours la même maîtrise absolue (partition en main, littéralement
rien à côté, en rythme comme en justesse), le même grain magnifique
(assez fin mais pas du tout grêle, idéal pour la musique française), la
même chaleur (tension toujours soutenue dans des œuvres à la structure
pourtant complexe, inhabituelle ou fuyante).
L'œuvre de Ropartz elle-même est assez atypique, en
deux mouvements très contrastés (le premier vif avec des couplets
lents, le second lent avec des couplets vifs), harmoniquement
recherchés, et qui puisent à la source du foklore, tout en le
transmutant très profondément (réminiscence d' « il était un petit
navire », notamment). C'est le Ropartz le plus ambitieux qu'on y
entend, celui de l'opéra tristanien Le Paysplus que celui des chœurs
consonants, des quatuors un peu anonymes ou des symphonies
germanisantes (sauf la Troisième, évidemment). Stéphanie Moraly
sort dans les prochaines semaines, chez Timpani, sa version de la
Sonate de Koechlin – de pair avec une nouvelle version, dans une
édition révisée, de l'immense Quintette pour piano et cordes. L'un des
grands disques à ne pas manquer cette année si l'on s'intéresse à la
musique de chambre, à la musique française de cette période, ou même
simplement au violon.
♣♣ Louis Vierne, Les Angélus,
cycle de mélodies pour orgue et
soprano.
D'une poésie délicate, parfaitement française. J'ignorais jusqu'à leur
existence, et pourtant c'est un bijou, dans un format qui n'est
pourtant pas si difficile à réunir. Un plaisir d'y entendre scintiller Harmonie Deschamps
(la voix a beaucoup gagné en équilibre et en brillant, c'est désormais
une grande !) et, dans tout le programme (dont la Pièce Héroïque de
Franck) les jeunes organistes du CNSM, très éloquents.
♣♣ 42 Street
au Châtelet. Bien que très bon client du musical (aussi bien
intello-chic que très grand public),
pas été enchanté par l'œuvre, et sans doute d'autant plus qu'on en
faisait grand bruit. Après trois expériences bouleversantes au Châtelet
(Les Misérables, Sunday in the Park with George, Into the Woods…),
et une prévisible demi-teinte (Carousel) deux déceptions consécutives, dans les
deux cas à cause de l'œuvre (Passionde
Sondheim, ). 42 Street, c'est
du backstage musical au carré
: les gens parlent de faire du tap
dance pendant
2h30… et dansent des claquettes pendant 150 minutes. Tout n'est qu'un
vaste prétexte, ou plutôt même pas un prétexte… tout n'est que
claquettes. Certes, c'est joli (et force l'admiration sur l'endurance
exceptionnelle des interprètes, sans parler de la nécessité de chanter
par-dessus le marché !), et il y a deux ou trois très bonnes chansons
là-dedans, mais il ne se passe, réellement, absolument, rien.
♪ Des ensembles insolites :
♫Thomas E. Bauerdans
le Schwanengesang
de Schubert, accompagné
sur pianoforte (une copie
d'après un Walter de la fin du XVIIIe) par Jos van Immerseel.
La discrétion du pianoforte – sans pédale, un modèle ancien par rapport
à la date de composition (1828), mais comme on ne jouait pas
nécessairement sur des instruments récents, crédible… – rend
l'accompagnement beaucoup plus sommaire (à peine présent, les harmonies
audacieuses plus discrètes, la coloration limitée) et permet des
équilibres très différents en faveur de la voix. On pourrait les
chanter sans technique lyrique, en conséquence – ou presque, vu les
ambitus et les caractères (les plus tempêtueux y font véritablement
appel).
Je croyais, à en juger par ses derniers disques, Thomas Baueren
déclin : pas du tout ! Non seulement la voix est toujours belle
et saine, mais il se permet de tout chanter en tonalité originale (pour
ténor…). Surtout, il donne la primauté au texte, et nous raconte des
histoires, plutôt sur le mode du murmure, mixant
volontiers, n'exagérant jamais les effets. Ce sont les poèmes qu'on
reçoit en ligne directe, habillés par Schubert. Cela se fait au
détriment du legato –
il n'y en a pas, tout est quasiment chanté note à note –, ce qui me
ravit, mais c'est un parti pris fort qui peut frustrer ceux qui se
déplacent plutôt pour le chant. Et puis les moirures du timbre,
fantastiques, sur lesquelles il ne se repose pas du tout, explorant
toute une palette de nuances.
Le plus séduisant est le caractère direct de sa
composition, rien ne sonne « construit », c'est un chant qui place le
texte en premier, sans paraît du tout « intellectuel ».
♫ Christian Gerhaher et Gerold Huber dans les groupes de lieder tardifs de Schumann (Op.49, 83, 90, 127, 142)
que personne ne donne, ni même n'enregistre ensemble. Il y a une raison
à cela : ceux qu'on joue fréquemment sont excellents, les autres un peu
plus banals, assez décevants pour tout dire, pour du Schumann de
maturité. Par ailleurs, ils n'ont pas de lien thématique (ni même
d'auteurs, quelquefois) en commun. Néanmoins, avoir l'occasion de les
entendre dans leur environnement originel, et par le meilleur de la
Liedersängerie, représente un privilège. Gerhaher
est toujours aussi saisissant dans sa maîtrise technique des
alternances vibré
/ non vibré, métallique
/ non métallique, plein
/ mixte, couvert
/ non couvert.
En revanche, sans doute par contraste avec le concert Bauer qui avait
lieu juste avant, j'ai surtout été frappé par l'artifice de ses
propositions : la diction est extraordinairement limpide, mais très
formelle ; on sent aussi, contrairement à Bauer, l'obsession de
maîtriser la beauté des sons et de la ligne. Un orfèvre, et cela
s'entend quelquefois un brin trop. Surtout, déçu par le Liederkreisopus 24,
où je me figurais qu'encore plus que pour l'opus 39, il ferait figure
de référence absolue ; je l'y ai trouvé peu inventif, et même assez peu
expressif. Plutôt dans la lignée de ceux qui l'ont interprété comme un
flux (Prégardien, Bostridge, Spence ou Saelens ont fait ça très bien),
plutôt que dans son détail poétique comme Bauer (par deux fois au
disque !), Bär, S. Genz ou Fassbaender.
Je crois aussi que la voix, qui rayonne
incroyablement par sa clarté, avec orchestre, n'a pas l'impact physique
d'autres chanteurs, même sans mentionner Goerne.
Pour couronner le tout, Huber
sonnait cette fois réellement comme un accompagnateur, discret, effacé,
parfois un brin poussé vers ses limites, rien à voir avec sa recréation
orchestrale somptueuse dans leurs concerts Mahler.
Superbe concert (évidemment), mais en deçà de la
sensation attendue pour le meilleur duo de lied actuel – côté chanteur,
le meilleur c'est Bauer, en fait. S'il pouvait donner des concerts avec
Helmut Deutsch ou Eric Schneider, la question serait réglée.
♥ Toujours à la poursuite de mes chouchous, cette fois orchestraux :
♥♥
Classe de direction d'orchestre, avec Enrique Mazzolaen
professeur
invité. L'Orchestre
des Étudiants du CNSM
jouait le Concerto Jeunehomme
de Mozart et la Deuxième Symphonie de Schumann. À l'exception d'un
étudiant dans le mouvement lent de Schumann, dont j'ai trouvé les
coutures d'écriture trop soulignées, d'un style emphatique bien plus
tardit, d'excellentes visions, toutes très conscientes des enjeux
manifestement. Excellent pianiste,Ismaël Margain,
bien plus subtil qu'à peu près toutes les vedettes entendues dans ces
concertos qui sont en général travaillés comme un à-côté du vrai
répertoire intéressant ; accompagnement très fin (en particulier dans
le premier mouvement, avec une exaltation simple et pédagogique des
motifs) ; dans le Schumann, c'est l'ivresse de jouer cette musique qui
frappe… Ivresse contagieuse. Sous ses promesses d'audition d'étudiants,
un grand concert symphonique !
♥♥ La Cinquième Symphonie de Tchaïkovski par l'ONDIF et Mazzola,
un des rares orchestres à communiquer autant, lui aussi, son plaisir de
jouer ce qu'il joue ! Comme toujours avec Mazzola, flux très
évident, les transitions sont audibles mais toujours très
directionnelles, on ne se perd jamais ; plus étonnant, cette lecture de
cette autre Cinquième « du Destin » paraît très lumineuse, pas du tout
tourmentée, juste la joie inextinguible de la musique. Encore plus
insolite, c'est l'accompagnement du Concerto pour piano de Grieg qui
m'a le plus convaincu ; une œuvre qu'il ne faut pas réserver aux
pianophiles, assurément, mais là encore, cet engagement et cette
éloquence dans un accompagnement, voilà qui était aussi inattendu que
jubilatoire.
☼ Des auditions, et autres astres montants :
☼☼ Audition
de chant baroque au CRR de Paris.
L'accompagnement au clavecin du professeur était vraiment raide (et peu
assuré), ce qui contraignait la souplesse de phrasé des chanteurs,
autrement de très belles voix dans un beau programme qui parcourt avec
goût le XVIIe. À prévoir avec un accompagnateur spécialiste, une
prochaine fois ?
☼☼ Spectacle de chant baroque au CRR
de Paris. En plus de l'acte II de Médée
de Salomon évoqué plus haut, de l'air de cour, des pièces
instrumentales (harpe de Luzzaschi, orchestre de Muffat), le début de Joseph de Haendel… Au ténor près
(le même que pour L'Europegalante),
qui a beaucoup de travail en perspective, des voix très intéressantes
et très bien faites, qui maîtrisent remarquablement les langues de
surcroît (y compris le français déclamé, restitué ou non). Très beau
spectacle dans son ensemble, en plus de l'événement Salomon !
☼☼ Audition de la pré-maîtrise de
Notre-Dame au CRR de Paris.
Chanteurs dans les 8-10 ans, à vue de nez. Programme conçu autour de
compositeurs spécialistes de la musique chorale, et qui font à nouveau
leurs preuves : Mendelssohn, Aboulker, Rutter… Très beau, et très bien
chanté en plus – même lorsqu'on n'a vraiment pas, comme moi, de
tropisme vers les petits braillards.
☼☼ Cours public d'orgue par Olivier
Latry et Michel Bouvard. Deux heures sur le premier tiers du
deuxième des trois Chorals de 1890 de Franck,
c'était un peu trop, mais le principe était vivifiant, notamment
l'aller-retour, sur une pièce à l'harmonie et la structure complexes,
entre Latry qui donnait toutes les petites astuces permettant de
procurer, sur un instrument sans attaques dynamiques, du relief et de
la tension, et Bouvard expliquant à l'élève et au public l'économie et
la logique générale de la pièce. Alors que je ne l'avais pas en très
haute estime jusqu'ici, j'ai réécouté en boucle le triptyque de chorals
pendant la moitié de la semaine.
◊ Enfin, du théâtre (scandinave évidemment) :
◊◊ Hedda Gabler d'Ibsen, que je n'avais vue que dans la
vision prosaïque d'Ostermeier, il y a déjà une
dizaine d'années.
La compagnie Nostos, dans le petit Théâtre de l'Usine à Éragny, tire
assez bien parti de ce qui n'est vraiment pas le meilleur Ibsen – pas
vraiment la qualité psychologique ni les retournements dramatiques, les
dévoilements tragiques qui font en général la colonne vertébrale de ses
pièces. Une femme fatale aux siens et à elle-mêmen au centre, sans que
les ressorts son âme soient jamais vraiment révélés. Beaucoup de
sobriété bienvenue… et justement, les faiblesses sont plutôt à relever
dans les ajouts – le juge ex machina
lourdement surligné par la sonorisation, alors que sa transmutation de
représentant de la loi en pire crapule d'un drame déjà pas bien joli
constitue justement un beau coup de théâtre ; ou encore la relation
saphique entre les deux femmes perdues, qui n'entre en résonance avec
rien dans le texte, qui présente plutôt une lutte sourde, des rapports
sociaux brutaux… Un coup de chapeau aux deux actrices dont la langue
maternelle n'est pas le français, et qui trouvent pourtant le ton juste
sans effort d'adaptation pour le public.
◊◊ Danza macabra (Dödsdansen) de Strindberg
à l'Athénée, en italien. Belle expérience que cette mise en scène de
Luca Ronconi dans la traduction (aménagée) de Roberto Alonge. La langue
semble conditionner la vision de cette pièce totalement fermée sur un
vieux couple empli de leurs haïnes mutuelles, et la tirer vers une
quasi-comédies de caractère. L'italien bien sûr, mais aussi le jeu des
acteurs, font de cette garnison perdue sur une île quasi-désertique, de
cet isolement très prégnant dans les pièces d'Ibsen et Strindberg, une
sorte de sitcom comico-horrifique,
où l'on ne peut jamais prendre complètement au sérieux les méchancetés
énoncées ou accomplies. La vie ainsi ajoutée à l'atmosphère permet à
l'ensemble de très bien fonctionner, en particulier grâce au jeu
savoureux de Giorgio Ferrara.
Théâtre rempli seulement à moitié : Strindberg n'est
pas très populaire en France, et je doute que la promesse de la langue
étrangère, qui m'attirait, ait produit le même effet chez le grand
public. Par ailleurs, pas facile à vendre comme théâtre : de même que
pour Fadren (« Le Père »),
l'épouse est la pire dans le couple dysfonctionnel, et le patriarche
méchant mais victime envoie finalement le message opposé du théâtre
d'Ibsen, où la femme est motrice.
Il ne se passait pas grand'chose en janvier dans les grandes maisons,
mais grâce à Carnets sur sol,
si vous avez suivi les judicieux conseils de nos putti ventripotents, vous aurez
vécu de grandes émotions – et aurez, je l'espère, couvert un peu plus
de répertoire que d'ordinaire.
January's Walk of Shame
Jean-Honoré FRAGONARD, 1778
Également connu sous le titre de Fanfan.
(Metropolitan Museum of Art.)
2. Quelques conseils en février
Comme toujours pendant les vacances scolaires, le programme est allégé.
Quand même de quoi s'amuser (au sein de chaque catégorie, pour
faciliter vos explorations, je classe plus ou moins par ordre
chronologique des œuvres).
■ Le 28,
Marcabru, Dufay, Willaert, Gabrieli, Monteverdi et Vivaldi par
Savall (et Mauillon)
à la Philharmonie.
■ Le 22, salle Cortot, pièces pour
les Jésuites argentins, avec La Chimera
(Kusa,
Rewerski, Egüez),
beau (tout petit) ensemble spécialiste des airs de cour en langue
castillane.
■ Le 18 à 15h, petits motets
de Campra (Cum invocarem), Bernier (Laudate Dominum), et laTroisième
Leçon pour le Mercredi de
Couperin. Par le remarquable
ensemble spécialiste et défricheur de la musique baroque française (il
y en a peu !)Le Vaisseau d'or
et deux excellentes sopranes spécialistes (Agathe Boudet
et Julia
Beaumier).
■ Le 5 à 12h30, extraits des plus beaux corpus de clavecin (du moins
parmi ceux qu'on joue très peu en concert) : de Jacquet de La Guerre (son
chef-d'œuvre, la Suite en ré mineur), Louis
Couperin (Suite en la), Duphly.
Et puis, peut-être, la plus belle œuvre pour clavecin de Bach (du moins
dans le goût traditionnel), la Troisième Suite française. Par Hélène
Diot et Françoise Lengellé. (Soubise, gratuit.)
■ Deux opéras de Paladilhe :Le Passant, et
des extraits de L'Amour
africain.
Un compositeur dont on n'a à peu près rien au disque
(à part ses grandiloquentes Saintes-Maries dans une interprétation
assez choucrouteuse), malgré ses vastes succès de son temps et ses
opéras très ambitieux – Patrie !,
le
miroir de l'intrigue de Don Carlos,
est un bijou du grand opéra à la française, dont les airs de baryton
étaient très courus au début du XXe siècle, et qu'il faudra bien se
résoudre à remonter un jour, lorsque Bru Zane aura fini de faire joujou
avec les mignardises pompières.
Ici, deux pièces de format moins ambitieux, mais qui
seront servies par tout l'enthousiasme (à peu près bénévole et tout
sauf amateur) de la Compagnie de
L'Oiseleur. (Temple du Luxembourg, libre participation.)
■ Le 8 (lieu privé, me contacter par courriel ou en commentaires),
concert-récitation de la Compagnie de
L'Oiseleur. LULLY,
Rameau, Janequin, Delafosse,
Ravel, Chaminade, Polignac, La Presle, Fol, Schumann, Paladilhe, Chausson, Berger… et textes de Proust,
Maupassant, Houellebecq, Montaigne, Rousseau, la Grande Mademoiselle,
Gide, Flaubert, Barbey d'Aurévilly, Gautier, Chateaubriand, Sarte, Sachs
■ Le 28 à l'amphithéâtre de la Cité de la Musique, programme de musique de chambre futuriste (et
soviétique) russe avec Ustvolskaya
(Trio pour clarinette, violon et piano ; Sonate pour piano n°5), Mossolov, et cycles de mélodies de Vainberg, Chostakovitch et Prokofiev, avec Marina Prudenskaya
(qui remplace Anna Samuil initialement annoncée). Une tuerie en
perspective.
■ Le 3 au CNSM, l'Orchestre des
Gardiens de la Paix dans un programme
Groupe des Six – incluant même Tailleferre, Durey et la grande
valse de L'Aiglon ! Gratuit.
■ Le 28 à Saint-Louis-des-Invalides,
Saint-Saëns (Cyprès et
Lauriers pour orgue et orchestre), Debussy (Nocturne n°2 et Rhapsodie
pour clarinette), Stravinsky, Milhaud, Bernstein (Fugue & Riffs, ouverture de Candide), Morton Gould. Programme assez
jubilatoire. (15€ en première catégorie. Réduction possible en me
contactant.)
■ Le 17 à la Maison de la Radio, tissage de la musique de scène de Purcell pour The Tempest avec
du Saariaho. Attelage assez
attirant, je dois dire. (Tarif unique 15€.)
■ Le 13 à la Maison de la Radio, œuvres pour orgue de Messiaen, Florentz, Saariaho,
Latry et Karttunen, par Olivier Latry.
► Autres dates intéressantes :
■ Le 2 à l'Oratoire du Louvre, le chœur
américan Chanticleer interprète de tout, de Goudimel et Palestrina à Bryars et Cohen.
■ Le 5 à 17h, club du 38 Riv', œuvres
anglo-italiennes pour harpe triple et viole de gambe.
■ Le 21 à Herblay, cantates et/ou opéras de Giovanni
Alberto Ristori (1692-1753)
par l'Ensemble
Diderot et Maria Virginia Savastano.
Jamais écouté à vrai dire (sauf la soprane, très bien), mais
considérant les dates, ce doit être en plein dans l'esthétique du pur seria baroque.
■ Le 23, pièces pour piano d'Hélène de Montgeroult, jouées sur pianoforte (amphi de la Cité de
la Musique). C'est sympa parce que c'est rarissime (compositrice de la
charnière XVIIIe-XIXe), mais ça n'a pas un intérêt formidable… écrit
dans le goût de Mozart, mais on est très loin de la personnalité de
Mozart ou Dussek, par exemple. Pour le plaisir de la rareté et de
l'instrument d'époque. C'est complet de toute façon, me semble-t-il.
[En revanche, je vous recommande le château et son jardin.]
■ Fantasio d'Offenbach,
une œuvre sérieuse, loin d'être sa plus inspirée musicalement ou
dramatiquement, mais ça change. Et dans la grande jauge du Châtelet, il
doit être facile d'obtenir encore des places.
■ Le 5 à 16h, Sérénade pour vents de
Dvořak et R. Strauss par des membres du Philharmoniqe de
Radio-France.
■ Les 2 et 4,Illuminations et Serenade de Britten, en extraits à
l'intention du jeune public – avec une petite scénographie, me
semble-t-il. (Au 104, par l'Orchestre de Chambre de Paris.)
■ Le 27 aux Invalides (salle Turenne), Sonate pour clarinette de piano
de Bernstein, Quintette avec
harmonium de Dvořák, Quintette
pour piano et vents de Beethoven,
Quatuor avec piano n°3 de Brahms
Bizarre attelage, avec des choses chouettes (Bernstein), saugrenues
(Dvořák) ou plus courues mais géniales (Brahms). 15€.
■ Le 20 aux Invalides (salle Turenne), duo pour hautbois et de Doráti (très grand symphoniste,
mais dans ce format réduit ?), trio avec flûte et piano de Françaix, variations sur des thèmes
d'opéra de Pasculli, Premier Trio de Brahms. 15€.
■ Le 13, salle Turenne, trio avec clarinette de Rota et Khatchaturian, Concert de Chausson, et un quatuor avec flûte
de Mozart, avec des membres
émérites de l'Orchestre de Paris (Roland Daugareil, Vincent Lucas). Pas
des chefs-d'œuvre incommensurable en dehors du Concert de Chausson
(joué en temps en temps à Paris), mais un joli programme original. 15€.
■ Le 24 à la Cité de la Musique,
Rothko Chapel de Feldman.
■ À partir du 23, pièces de Messiaen
et Takemitsu par des membres
de l'Intercontemporain, pour une chorégraphie de Teshigawara à
Chaillot. En revanche, tarifs prohibitifs pour les adultes (35€ pour de la musique de
chambre contemporaine…).
■ Le 22 à l'Espace Bernanos, diptyque Schumann-Kurtág (Phantiasiestücke avec
clarinette, Märchenbilder et les deux trios).
► Interprètes et ensembles parrainés.
■ Dans l'alternance de Così fan tutte à Garnier, deux
très belles distributions (vraiment !), mais notez en particulier la
présence, dans la A, des voix graves : Paulo Szot
et Philippe
Sly, particulièrement présents et glorieux.
■ Le 3 au CRR de Paris, laclasse
de violon de Stéphanie Moraly(dont
il était question ci-dessus). Pour en avoir entendu quelques-uns en
audition avant son concert, il y a de très beaux archets à découvrir
(et le programme était hallucinant encore une fois, Vieuxtemps, Ysaÿe,
Caplet, Satie, Honegger, L. Boulanger, Milhaud !). Je n'ai pas le
programme de cette nouvelle session pour l'instant. Gratuit.
■ Le 28 à la Cité de la Musique, l'Orchestre des
Lauréats du Conservatoire (CNSM) dans Sibelius 2, le concerto pour violon de Khatchaturian
(bon courage)et une création d'Alvarado.
Gratuit.
► Cours publics.
■ Cours
public de Svetlin Roussev(violon)
au CNSM (le 2 à 19h).
■ Cours public d'Olivier Baumont
(clavecin) au CNSM (le 24 à 19h).
► Théâtre.
■ Le petit-maître
corrigé de Marivaux salle
Richelieu.
■ La mort de Danton
de Büchner au Théâtre de la
Bastille.
■ Intérieurde Maeterlinck au
studio-théâtre de la Comédie-Française (dans le Carrousel du Louvre),
tous les soirs à 18h – les classes laborieuses sont priées d'être des
professeurs, manifestement.
■ La Peur (Zweig) au Théâtre Michel.
■ L'État de siège
de Camus à l'espace
Pierre Cardin (production du Théâtre de la Ville). Assez cher pour du
théâtre subventionné, néanmoins. À partir du 1er mars.
► À vendre !
■ Parce que j'ai d'autres projets /
trouvé des places moins chères / un ami empêché / changé d'avis, je
revends quelques places, à prix doux et bonne visibilité, pour quelques
concerts de février :
■■ La Belle Meunière
avec Goerne le 6 au Théâtre des Champs-Élysées, 25€ au lieu du prix
public de 30€ (au fond du second balcon, légèrement de côté,
normalement une bonne visibilité sur le pianiste et en tout cas sur le
chanteur).
■■ Lohengrin à
Bastille le 8.
► J'achète !
■ Vous l'avez vu, le 28, il y a
Sibelius 2 par mes petits protégés, le pot-pourri avec clarinette solo
des Invalides, Marcabru par Mauillon, Ustvoslkaya… Assez tranquille
qu'il s'agissait là de répertoires suffisamment interlopes et pas des
interprètes pas tout à fait superstar, je me suis laissé aller, depuis
l'ouverture, à l'agonie du chien d'Aristote et Buridanus… jusqu'à
m'apercevoir qu'il ne restait plus de place pour mes deux premiers
choix, le concert Savall et
surtout la musique de chambre
futuriste.
Aussi, quelqu'un à l'une de ses places à écouler
pour le 28 février, qu'il
n'hésite pas à passer par moi.
Et plein d'autres choses à voir, à n'en pas douter. Si vous êtes
curieux de ma
sélection personnelle, elle apparaît en couleur dans le planning en fin
de notule. Il y a déjà de quoi s'amuser, même en période de vacances
scolaires où – pour une raison que je ne mesure pas trop, la désertion
francilienne n'étant pas du tout comparable à celle d'août ! – l'offre
de concerts est traditionnellement moins exponentielle que le reste de
l'année.
Marguerite GÉRARD, Prochaines
aventures sur sol ! (1778) Également connu sous le titre de L'Enfant et le Bulldog,
d'après la Première leçon d'équitation
de Fragonard.
(Metropolitan Museum of Art.)
3.
Expositions
Ça se renouvelle en ce début d'année, mais je n'ai pas eu le temps de
tout mettre à jour, elles courent pour quelque temps encore de toute
façon. Je disais donc :
Ça n'a pas énormément changé depuis la dernière fois, laissez-moi
gagner un peu de temps de ce côté-là en vous recommandant le
remarquable Exponaute (et son tri par date de fin !) ou la
très utile sélection mensuelle de Sortir à Paris.
4.
Programme
synoptique téléchargeable
Attention, en raison d'une transition (abandonnant à regret l'excellent
logiciel libre Kalender où tout était exécutable au seul clavier !)
vers un autre logiciel qui permette la synchronisation automatique,
certaines des dates importantes sélectionnées ci-dessus ne figurent pas
dans le calendrier ci-dessous.
Comme les dernières fois :
Les codes couleurs ne vous concernent pas davantage que
d'ordinaire,
j'ai simplement autre chose à faire que de les retirer de mon relevé
personnel, en plus des entrées sur mes conspirations occultes et autres
éviscérations de chatons. Néanmoins, pour plus de clarté :
◊ violet : prévu d'y aller
◊ bleu : souhaite y aller
◊ vert : incertain
◊ **** : place déjà achetée
◊ § : intéressé, mais n'irai probablement pas
◊ ¤ : n'irai pas, noté à titre de documentation
◊ (( : début de série
◊ )) : fin de série
◊ jaune : événement particulier, échéance
◊ rouge : à vendre
Les bons soirs, vous pourrez toujours distinguer mon pas de funambule
le long des rampes majestueuses, dans les lieux, décidément, les plus
fréquentables du centre de l'Univers.
Cliquez sur l'image pour faire
apparaître le calendrier (téléchargeable, d'ailleurs, il suffit
d'enregistrer la page html) dans une nouvelle fenêtre, avec tous les
détails. [En raison d'une défaillance d'hébergeur, il est possible que
la page html soit cette fois-ci automatiquement téléchargée, vérifiez
votre dossier d'arrivée !]
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Ce billet, écrit à par DavidLeMarrec dans la catégorie Saison 2016-2017 a suscité :
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