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[Vidéos] Concerts tragiques, lyriques ou pas... à Versailles

La chaîne Arte propose sur son site trois vidéos intégrales de concerts en libre accès à partir de son site interne Versailles, plus une à venir.

1. Hervé Niquet, Anna-Maria Panzarella et la tragédie lyrique

Dans le Manège de la Grande Ecurie, des extraits de tragédies lyriques des plus grands compositeurs du genre sur chacune des trois écoles définies par CSS, entrecoupées des Symphonies pour le Festin royal du comte d'Artois de François Francoeur.

Hervé Niquet dirige le Concert Spirituel. Etrangement, si la beauté du son est toujours au rendez-vous, la danse aussi, l'impact de l'ensemble (peut-être dû au lieu absorbant pour les sons ?) et surtout l'engagement sont bien moindres qu'à l'accoutumée, comme souvent il est vrai au concert chez eux - par opposition au théâtre. La justesse de cet ensemble si virtuose n'est pas parfaite non plus, notamment chez les flûtes où cela « frotte » parfois un peu entre traversi et becs. [1]

Quant à Anna-Maria Panzarella, la voix paraît ici minuscule, et dépourvue du feu qu'elle sait mettre dans ses meilleurs rôles. Elle semble ce soir-là plus préoccupée de chant, sans trop croire aux drames qu'elle narre. La voix reste bien sûr toujours aussi belle dans ces rôles qu'elle n'a pas interprétés intégralement à ce jour, et son vibrato-trille fait toujours merveille.

Si les symphonies de Francoeur fils ne sont guère fondamentales (de la jolie musique très décorative sur des motifs assez standardisés, qui ne raconte pas grand'chose y compris avec ses deux cors naturels un peu figuratifs), comme l'ensemble des symphonies européennes de l'époque au demeurant, le reste du programme ne présente que du premier choix.
L'Ouverture et les danses du Prologue d'Atys de Lully, suivies de l'air de Cybèle à la fin du III, Espoirs si chers et si doux. Un peu grave pour un soprano, et pas très investies de la force de l'amertume et de la menace qui baignent en théorie ce moment. Les parties instrumentales, quoique tout à fait convaincantes, demeurent un peu retenues. Puis vient Persée, qui culmine avec l'air de Mérope O mort, venez finir mon destin déplorable. Ici aussi, on note un petit manque d'ampleur d'ensemble eu égard à l'amplitude du texte. Néanmoins de très bons choix (à l'exception de la juxtaposition des deux ouvertures, si notre mémoire ne nous trahit pas, un redoublement qui ne se justifie guère).

Chez Destouches, l'orchestre se montre plus à son affaire, et ménage une magnifique entrée pour O nuit, témoin de mes soupirs secrets, qui souffre de l'intensité de la concurrence vocale (Blandine Staskiewicz au premier chef, Stéphanie D'Oustrac ensuite). Mais quel bonheur d'observer que chaque interprète souhaite s'approprier ce rôle majeur, et qu'Hervé Niquet soutient sur la durée la diffusion du chef-d'oeuvre qu'il a exhumé.

Le tout se conclut sur Hippolyte et Aricie de Rameau, qui n'est certes pas l'oeuvre la plus essentielle du compositeur (en particulier grâce à un livret assez misérable), assez figée. Etrangement, Niquet ne bat pas ici l'agilité de Minkowski (qui avait elle-même été bravée par Christie un an plus tard, avec un peu moins de succès dans les récitatifs, mais à coup sûr plus de célérité dans l'Ouverture), et on se prend à méditer sur le manque de motivation théâtrale dans la forme concert pour celui qui a disposé entre autres d'une formation de chanteur...

[Et une bonne nouvelle pour WoO : Hervé Niquet semble comme Hugo Reyne revenu plutôt prudent de son expérience avec la prononciation restituée du français classique.]

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2. Skip Sempé et le divertissement de cour

Le claveciniste Skip Sempé, accompagné de son ensemble Capriccio Stravagante, propose une série d'oeuvres peu connues de Lully, plus légères, mêlant instrumental, parole parlée et parole chantée, parfois simultanément. Son petit ensemble, aux sonorités toujours délicatement pincées, accompagne des chanteurs excellents, pour des découvertes d'airs et ensembles de circonstance plus que plaisants. Dans le goût des Festes de l'Amour et de Bacchus ou des cantates de Rameau comme Les amants trahis.

A écouter absolument pour qui s'intéresse au genre.

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3. Les Folies Françoises et la résurrection des Violons du Roi

Le concert issu des recherches de Patrick Cohën-Akénine, également accompagné d'un documentaire en six épisodes sur la reconstruction des instruments, est disponible dans son intégralité sur le site (un petit problème technique pour l'instant). On avait déjà introduit sur CSS cette tentative de restituer le son spécifique de l'ensemble de la famille des violons.

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4. A venir : l'invention de l'opéra

Sous ce titre intelligent, Vincent Dumestre proposera un concert assez traditionnel (diffusion le 29 novembre) à partir des musiques de scène de Lully pour Molière, écrites avant _Cadmus_.

Notes

[1] A noter, les flûtes à becs sont tenus par les hautboïstes de l'ensemble.


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Commentaires

1. Le lundi 17 novembre 2008 à , par WoO

J'ai vraiment adoré ces symphonies pour le festin royal du comte d'Artois que je ne connaissais pas. Il me semble que Daniel Cuiller et son ensemble Stradivaria en ont enregistré une version (Accord) mais je ne l'ai pas encore emprunté. Tu connais mon faible pour la musique légère et les ritournelles faciles, et bien ces Symphonies sont un enchantement, de la pure musique française XVIIIème qui fait bien entendu penser à Boismortier, magnifiquement servi au disque par le même Concert Spirituel. Quelques pas de danses ne sont pas en trop à l'écoute de cette oeuvre.

Pour le reste je te trouve assez sévère avec l'orchestre de Niquet que je n'ai pas tant trouvé en méforme : Lully et Destouches superbes, très bon Rameau aussi. Par contre je partage les mêmes impressions sur les prestations de AMP : c'était bien chanté. C'est tout. Donc finalement pas vraiment essentiel dans un programme axé très "symphonique".

La seconde vidéo permet aux sceptiques de découvrir un Lully poète et intimiste, chambriste, sans le côté pompeux qui peut détourner (à tort !) le néophyte de ses grandes tragédies en musique. Les divertissements royaux écrits par Molière sont ici chantés, avec sérieux et poésie, comme des airs de cour. Les trois chanteurs sont très convaincants (Alain Buet et Benjamin Alunni en particulier) mais on peut déplorer que l'interprétation ne fasse pas ressortir la truculence et l'humour du texte de Molière. Les chanteurs de Reyne en avait mieux pénétré l'esprit, mais c'est ici tellement bien chanté et accompagné par le Capriccio Stravagante de Sempé que c'est un enchantement.

2. Le lundi 17 novembre 2008 à , par DavidLeMarrec :: site

Oui, c'est assez proche de Boismortier, mais Rebel fils est ici est déjà clacissisant. Effectivement, je ne raffole pas trop de cette musique pure qui se ressemble beaucoup d'une oeuvre à l'autre. Si l'on excepte Haydn, Mozart et quelques symphonies ponctuelles, il faut vraiment attendre Gossec pour les premières symphonies classiques intéressantes. Et pour que ce soit consistant, eh bien ce sera avec les préromantiques comme Méhul et Beethoven.
Effectivement, question de goût.

Non, c'était superbe, le Concert Spirituel, mais sans l'urgence des mêmes oeuvres lors des représentations que tu as entendues comme moi. Je les ai sentis tout simplement moins concerné. Et pour la justesse des bois, j'ai été étonné, soit que je n'y prête pas garde en contexte dramatique (mais tout de même...), soit qu'il y ait réellement eu quelques flottements.

Oui, pas vraiment essentiel pour nous qui pratiquons le répertoire. Pour d'autres, c'était quand même un florilège très avisé. Lully-Destouches-Rameau, le meilleur de chaque école !

Quant à la version Sempé, comme tu dis, c'est un autre versant, et c'est assez réjouissant. Vraiment du divertissement de cour au meilleur sens du terme, original et piquant. Buet est magnifique comme toujours.


Merci pour tes commentaires !

3. Le mardi 18 novembre 2008 à , par WoO

Je ne trouve pas que ce soit classicisant, je trouve ça encore complètement baroque, d'ailleurs ce ne sont pas des "symphonies" à proprement parler mais des suites de danses. Je me suis trompé par contre, c'est Hugo Reyne qui a enregistré le disque : http://www.amazon.fr/Symphonies-pour-festin-Comte-dArtois/dp/B00002CF2K Le résultat est nettement moins séduisant que celui obtenu par le Concert Spirituel.

4. Le mardi 18 novembre 2008 à , par DavidLeMarrec :: site

Oui, des symphonies dans le sens français d'ensemble instrumental et non pas des symphonies classiques ; mais tout de même, les lignes sont fichtrement épurées, ces minuscules développements très ordonnés, ces répétitions minutieuses, ces ponctuations de cor... moi, j'y entends du classique !

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