Absorbé dans un télétravail intense et le maintien du lien humain
par-delà la distance, peu eu le temps d'avancer la notule sur laquelle
je planchais.
Afin de ne pas vous laisser sombrer dans la plus complète déréliction,
je propose donc un petit guide discographique de la musique sacrée
française, qui a l'avantage non négligeable de sa majesté joviale et de
sa mélancolie dansante.
Si vous n'aimez pas le baroque français, vous pouvez aussi vous
reporter à d'autres listes de réjouissances :
→ « Jubilation cosmique » ;
→ « Boucles ! ».
Petits motets (pour 1 à 3 solistes et basse continue)
:
¶ du Mont (Pierlot), petite
saveur italienne.
¶ LULLYSalve Regina, O sapientia, etc.
(Christie) Petites miniatures mélodiques à une voix, délicieuses.
¶ Lalande, Leçons de Ténèbres
(Dumestre). Un genre en soi, à la fois mélismatique et
déclamatoire.
¶ Charpentier, Magnificat H.73
(Christie), une chaconne à trois voix tout en tuilages, indispensable !
¶ Couperin, Leçons de Ténèbres. Des tas
de versions fabuleuses : Boulay II (avec Laurens), Vernet (Desrochers),
Mandrin (Warnier), Gester (Haller), Fentross (Zomer), Charlston
(Kirkby), Holland (Zanetti), Christie (Petibon), Lesne, Coudurier
(Zanetti), Cummings… Un sommet mélodique et harmonique du temps.
¶ Michel, Leçons de Ténèbres
(Correas). Pour voix grave, assez différent.
Grands motets (avec solistes, chœur et orchestre),
en essayant de parler de motets précis :
¶ Bouzignac pour point de
départ. Christie doit être l'un des rares disques décents.
¶ LULLY, tout le disque
García-Alarcón, remarquablement brillant.
¶ LULLY, Domine salvum fac Regem (Niquet)
¶ Lalande, Jubilate Deo omnis terra
(Colléaux). Pour moi le plus beau grand motet de tous, des atmosphères
extraordinaires.
¶ Gilles, Requiem. Sommet
d'inspiration mélodique, en particulier l'Introitus initial et les
entrées décalées de l'Offertoire. (beaucoup de très belles versions, en
particulier Sow, et Herreweghe I avec Mellon & Crook…)
¶ Charpentier, Te Deum (Niquet, Minkowski,
Mallon, Christie, Gester, Tubéry…). Le grand tubes mais aussi le
paradis des tuilages !
¶ Desmarest, Usquequo Domine (Christie),
pour ses couleurs très personnelles.
¶ Desmarest, Messe à double chœur,Te Deum
de Paris (Niquet), d'une belle richesse contrapuntique.
¶ Campra, Exaudiat te Dominus
(Christie), pour son atmosphère martiale initiale, et son Implevit
d'une tendresse ineffable.
¶ Mondonville, Dominus regnavit (Christie),
pour son élan.
¶ Mondonville, In exitu Israel (Christie),
pour ses figuralismes inédits (« Super flumina Babylonis »).
¶ Mondonville, Cœli enarrant (Coin), pour son « In sole posuit tabernacula ejus » d'une
suspension miraculeuse.
Je trouve personnellement les motets de Rameau bien moins marquants que les
autres (et aussi que le reste de la production de Rameau) ; de la même
façon, j'ai écarté les Te Deum de LULLY et Lalande, ou le Requiem
de Campra, qui restent des standards du genre. Mais
effectivement, les grands motets de Brossard
(Coin) ou Madin (D. Cuiller),
ou bien le double disque des Te Deum de Blamont et Blanchard (D. Cuiller) sont aussi à
découvrir, parmi bien d'autres choses !
Pour la période du tout début du baroque, il y a les deux disques (Henri IV et Louis XIII) des Chantres de
Saint-Hilaire, ou encore celui d'Athénaïs (avec six voix féminies)
consacré à Nivers.
Beau parcours à vous !
De confiner (être tenu dans
ses limites) à confier
(apporter sa foi), seule la n
nous sépare… Puisse cette musique vous aider à faire le chemin.
Vers Dieu paraît un peu loin considérant les limites
hectométriques actuelles, mais jusqu'au bout de votre quartier et de
cet interminable châtiment sera déjà pas mal.
Il y a presque sept ans, j'avais proposé une liste restreinte à dix disques de piano, invitant à la découverte à
travers de grandes interprétations : Bach par Perahia, Rameau par
Tharaud, Bruckner par Shiraga, Debussy par Thiollier, Koechlin par
Henck, Hahn par Wild, Tournemire par Delvallée, Decaux par Hamelin,
Roslavets par Lazareva, Takemitsu par Crossley, Boulez par Frey). J'y
avais adjoint quelques conseils incluant notamment P. Serkin, Ohlsson,
Vásáry, Bavouzet pour les interprètes, Pierné, Sibelius, Schmitt,
Barber, Wolpe, Messiaen, Ligeti, Lieberson pour les compositeurs…
Je profite du temps qui a passé pour proposer une nouvelle liste où, de la même
façon, je tricherai en proposant onze disques – et quelques compléments.
Non
pas que je renie l'ancienne : il n'y a guère que pour le Rossignol Éperdu qu'ont paru deux
versions que je trouve plus adéquates, Ariagno et Eidi. Ces disques me
demeurent indispensables, en particulier Decaux, Takemitsu et Boulez.
C'est simplement manière, au fil de nouvelles découvertes et de
nouvelles parutions, de proposer un autre paysage.
(Je pressens qu'on y perçoit un peu ma dilection pianistique
prioritaire pour les Français tournant-de-siècle et les Soviétiques…)
Les disques sont présentés par âge
des compositeurs, du plus vieux au
plus jeune (mais seul Rzewski est encore vivant).
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(fugue de la Hammerklavier)
¶ Beethoven – Sonates 27 à 32 – Peter
Serkin, sur piano Graf (Musical Concepts, 2007)
Parmi les étranges aphorismes (n°27 de 12 minutes) et les monuments
démiurgiquement architecturés de ces dernières sonates, on croule sous
les versions les plus robustes et abouties. Mais pour moi, la lecture
la plus aboutie (à laquelle j'ai déjà consacré une notule) est celle-ci. Peter Serkin (le fils du
Rudolf qui jouait tout staccato et avec une seule nuance) n'est
pourtant pas le pianiste le plus fulgurant de sa génération, malgré son
répertoire par ailleurs passionnant (j'ai déjà mentionné son album The Ocean that has no West and no East)
– ses Beethoven sur piano moderne sont d'ailleurs particulièrement
lisses, blancs, mortifères.
Mais en jouant sur ce piano Conrad Graf (les plus beaux de l'époque,
qui ont une certaine profondeur, de très belles couleurs, pas du tout
les casseroles infâmes de la génération précédente), il touche soudain
à l'essentiel – et au sublime.
D'abord, on y gagne beaucoup de lisibilité (on ne peut pas tout écraser
sous la pédale, et chaque registre dispose d'un timbre très distinct).
Ensuite, les couleurs obtenues sont extraordinaires, d'une diversité
qu'on ne peut pas imaginer sur les instruments modernes, tellement
chaleureuses et variées, qui sentent à la fois le bois, le salon, la
rêverie, la création. Et par-dessus tout, leurs limites donnent le
grand frisson de l'authenticité, de l'œuvre qui excède l'instrument. P.
Serkin joue le plus fort qu'il peut sur ce pauvre piano limité dont la
table d'harmonie semble vaciller dans la fugue de la Hammerklavier, les cordes crient,
on croirait entendre la mécanique ployer et le bois craquer, la rage de
la création s'est emparée du pianiste qui, sans rogner sur l'exactitude
(l'exécution en est réellement parfaite), pousse l'instrument jusqu'au
point de rupture.
En plus de la beauté du résultat, de la facilité d'approche grâce à
l'étagement naturel des timbres, la démesure de ces œuvres n'a jamais
été aussi palpables, jusque dans la chair de l'instrument. Même si l'on
n'aime pas le piano ancien, c'est à tout le moins une expérience
quasiment spirituelle à vivre aux côtés de Beethoven.
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(Variations & Fugue sur un thème de J.P.E. Hartmann)
¶ Röntgen – Sonate en ut# mineur, Variations & Fugue d'après J.P.E. Hartmann, Ballades… (vol.4)
– Mark Anderson (Nimbus, 2019)
Assez mal connu mais de mieux en mieux documenté au disque, Julius
Röntgen (1855-1932) a laissé d'assez nombreuses symphonies (25) d'un
romantisme assez naïf, presque néo- (la
Troisième n'est pas mal, mais beaucoup sont assez dispensables), 7
concertos pour piano (assez brahmsiens et réussis, en particulier le
n°3 !), 13 trios avec piano (dont un avec clarinette) très persuasifs
(et brahmsiens également !), 3 concertos pour violoncelle dans un esprit proch de Dvořák, et bien évidemment
un assez grands fonds pour piano, dont ce volume n°4 réunit à mon sens,
les meilleures œuvres, en particulier l'atypique Sonate en ut# mineur
de 9 minutes et ces Varations &
Fugue sur un thème de l'emblématique compositeur danois J.P.E.
Hartmann (avec une citation de l'Agnus
Dei en exergue), de
17 minutes, très diverses et élancées, de la tendresse à l'héroïsme. La
fermeté du style évoque un second XIXe siècle qui se souvent encore
avec vivacité du dernier Beethoven.
Outre la qualité du corpus, donc, cl'exécution remarquablement aboutie
de Mark Anderson force l'admiration : limpide et précis, élancé et
sobre, fougueux et profond, du très grand piano (et un très beau son).
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(Prélude dominical)
¶ Ropartz – Un Prélude dominical
& Six pièces à danserpour chaque jour de la semaine, Dans l'ombre de la
montagne… – Stephanie McCallum
(Toccata Classics, 2015)
Une merveille de simplicité et de grâce. Sobriété absolue, mais
puissance évocatrice de ces miniatures. Une révélation pour moi. Déjà présenté sur CSS.
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n°5 : soir d'été
¶ Koechlin – Paysages et Marines (piano
vol.1) – Michael Korstick
(Hänssler, 2008)
J'ai déjà cité, dans la précédente série, d'un tout autre genre (plutôt
dans l'entrelac et le mystère oriental), Les Heures persanes par Herbert
Henck. Dans la grande entreprise de Michael Korstick d'immortaliser le
legs pour piano de Koechlin, et qui bénéficie à la fois d'une grande
maîtrise technique, d'un beau toucher, d'un sens de la suspension
poétique (malgré, semble-t-il, quelques fautes éparses de lecture),
j'aime tout particulièrement L'Ancienne
Maison de Campagne (vol.3), dont les archaïsmes sont rendus à
nus… et ces Paysages et Marines,
qui existent par ailleurs dans une version ultérieure développée pour
sextuor (violon, alto, violoncelle, flûte, clarinette et piano), sommet
de l'écriture harmonique et contemplative, aux couleurs sans cesse
changeantes comme depuis un promontoire à la fin du jour.
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(« Usines »)
¶ Mariotte – Impressions urbaines & Kakémonos – Daniel Blumenthal (Timpani, 2015)
Deux des cycles les plus intéressants de toute la littérature
française, à l'égal des grands Dupont ou Koechlin, dans des genres
aussi contrastés qu'il est possible. Les Impressions urbaines
(1914-1919) font entendre les bruits de la ville (« Usines », «
Faubourgs », « Guinguettes », « Décombres », « Gares » ; bien que le
son se rapproche des pièces mécanistes de Meisel ou Mossolov, le
programme écrit par le compositeur insiste plutôt sur la misère
humaine, dans une veine naturaliste) restructurés en musique – très
impressionnant et fascinant. Kakémonos
(1924), c'est au contraire l'orient sino-japonais rêvé, abîmé dans une
contemplation dépouillée aux harmonies surprenantes et profondes.
Et la souplesse de Blumenthal, grand chef de chant et accompagnateur,
laisse aussi percevoir d'autres qualités plus purement instrumentales
et musicales. La grand parution discographique de piano français de la
dernière décennie. (Possiblement mon
disque de piano de l'île déserte.) Déjà présenté sur CSS.
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(larghetto de la Sonate
n°7)
¶ Feinberg – Sonates 7 à 12 – Christophe
Sirodeau & Nikolaos Samaltanos (BIS, 2204)
Scriabine nouveau, Feinberg s'enfonce dans un langage dont la logique
romantique repousse les limites des cadres de tonalité et de forme.
Très riche et profusif, particulièrement passionnant dans les 3, 7 et
12, des univers entiers à parcourir au milieu des abîmes suggérés par
une virtuosité totalement intégrée au langage. La limpidité de Sirodeau
(mélodies très timbrées, élan palpable malgré la pédale généreuse) fait
merveille.
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(nocturne n°2)
¶ Mossolov – Intégrale pour piano– Olga Andryushchenko (Grand
Piano, 2016)
Parmi les œuvres les plus paradoxalement poétiques du répertoire pour
piano, ces 2 Nocturnes à la
construction minérale – écrits en strates, lents mais agités par des
ramifications intérieures très riches –, les 3 Petites pièces, les Sonates sont servis ici avec une
souplesse plastique qui permet à la fois l'expansion temporelle et la
beauté des timbres. (Pour situer, on est encore assez au delà de la
maîtrise de Henck, qui en a gravé la moitié.)
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n°2 : le loriot
¶ Messiaen – Catalogue d'oiseaux – Håkon Austbø
(Naxos, 1997)
Pour moi le sommet de toute la production de Messiaen, avec L'Ascension pour orgue et les 24 Regards – contrairement à sa
mauvaise réputation, on y sent particulièrement bien l'articulation
d'un discours musical assez traditionnel, reposant sur des progressions
harmoniques, des tensions-détente, coulé dans le moule de modes
nouveaux. Sous cette apparente dissonance sourd au contraire une
logique très harmonieuse et familière, habillé en sus par l'inventivité
fantasque des chants d'oiseaux transcrits.
Muraro est à juste titre cité en référence, très incisif, aux
respirations et fluctuations agogiques travaillées, mais la prise de
son chez Accord, dure, lasse vite. Austbø, avec une conduite un peu
plus molle, permet davantage de se couler dans la longue durée, avec
beaucoup d'élégance et de présence.
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n°13 « L'escalier du diable »
¶ Ligeti – Études (livres I & II) – Idil
Biret (Naxos, 2003)
Un des corpus les plus originaux et divertissants du répertoire : au
lieu de partir de figures techniques, comme le font en général les
Études, Ligeti prend une idée proprement musicale (souvent fondée sur
la superposition, le décalage…) et en écrit la réalisation
inconfortable à destination du pianiste, comme un jeu. Avec pour
résultats de véritables œuvres musicales très abouties, typées et
amusantes, loin des purs exercices de virtuosité (certaines ne sont
d'ailleurs pas inaccessibles du tout techniquement).
Le choix est difficile au disque : seul Kei Takumi (Sheva Collection),
je crois, en a gravé les trois cahiers (il s'agit par ailleurs d'une
des meilleures versions disponibles, mais l'attitude reste un peu
bûcheronnante, quoique ne manquant pas d'électricité). Par ailleurs
l'interprétation ne leur rend pas toujours justice : noyée dans la
pédale (Thomas Hell chez Wergo), très lyrique et fondue au détriment du
détail des plans (Fredrik Ullen chez BIS, Laurent Aimard chez Sony),
détachée quitte à perdre au contraire les qualités mélodiques (Jeremy
Denk chez Nonesuch). Idil Biret, qui n'est pas parfaite (un peu
prudente par rapport aux plus échevelés), a l'avantage de présenter
avec beaucoup de clarté les logiques internes de chaque pièce, de façon
presque pédagogique.
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(variation n°26 « in a militant way »)
¶ Rzewski –36
Variations sur « El Pueblo unido »– Christopher
Hinterhuber (Paladino Music, 2012) Le classique ultime des Variations du second XXe. Hinterhuber a le
grand avantage, en plus de sa netteté, de proposer une lecture qui rend
aussi bien justice aux poussées de lyrisme qu'à la logique de
l'écriture plus défragmentées de certaines variations, contrairement à
d'autres qui exaltent plutôt l'une (Hamelin) ou l'autre (Rzewski
lui-même). Je crois les avoir à peu près toutes essayées, celle-ci est
vraiment celle dont l'aisance, la variété et l'évidence me frappe le
plus. Hinterhuber est par ailleurs un très grand interprète, il n'y en
a pas beaucoup, de la musique pour piano du XVIIIe siècle (ses C.P.E. Bach sont à découvrir !).
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(Sonate n°10 Eurêka, V
« Doutes »)
¶ Tichtchenko – Sonate n°10 & Variations Op.1 (vol.2) – Dinara
Mazitova (Northern Flowers, 2013)
Témoignage d'un Tichtchenko aux extrêmes de sa vie (1956 pour les Variations, 2008 pour la Onzième Sonate). Les Variations Op.1 et la Sonate n°10 (« Eurêka » : chaque
mouvement illustrant une étape de la démarche scientifique, de
l'hypothèse jusqu'à la réfutation) marquent par leur style limpide
(quoique déjà
complexe), une expression directe (et élégante) rare sous cette forme
dans le patrimoine soviétique, dont on retrouve cependant les types
mécanistes, les mélodies simples qui se cabossent ou qui modulent
brutalement sans crier gare.
Mais j'aurais aussi pu mentionner :
¶ Chopin – intégrale pour piano solo
– Nikita Magaloff (Philips, 1997)
Évidemment, Chopin reste un massif où sourdent des couleurs incroyables
(quelles surprises harmoniques, et encore davantage en regardant les
dates !), et avec la souveraineté mélodique qu'on connaît. Cette
intégrale a l'avantage de ne regrouper que des interprétations de
première classe : Magaloff a à la fois pour lui l'agilité, l'emphase,
le sens du coloris, la netteté du trait (la pédale étant utilisée pour
des effets d'irisations, jamais pour donner du fondu à des fusées qui
restent très pures) et même la poésie. Pour la plupart des œuvres, ce
sont des interprétations qu'on peut déjà considérer comme assez
ultimes, alors dans une intégrale, l'aubaine !
¶ von Bülow – Ballade Op.11 – Mark
Anderson (Nimbus, 2011)
Dans une veine lisztienne, et à nouveau formidablement réalisée par
Mark Anderson, un témoignage inattendu de l'art de ce chef
d'orchestre emblamétique, et membre de la confrérie des cocus de
Wagner. Passé ce presque quart d'heure, le reste est plus
conventionnel, couplage avec l'aimable Carnaval de Milan (suite de danses
au parfum de salon : polonaise, valse, polka, 6 quadrilles, mazurka,
tarentelle, galop…).
¶ Pierné – Variations en ut mineur –
Laurent Wagschal (Timpani, 2010)
Monumentales et hautement virtuoses, elles sont l'œuvre d'un
compositeur qui n'a pas écrit pour le piano depuis quinze années, tout
en dirigeant les principales nouveautés de son temps : sans être
avant-gardiste, la décantation de cette vie musicale riche est audible
dans les atmosphères successives de ces 8 variations & final, pour
un 25 minutes. connu (dans le même registre, il faut absolument
remonter l'assez moderne Saint
François d'Assise !), on s'inscrit ici dans l'héritage du piano
romantique, mais avec une maîtrise de tous les paramètres d'écriture à
un degré qui n'est permis que par le recul temporel. Wagschal y est,
comme toujours, d'une aisance complète.
¶ Magnard – Promenades Op.7 –
Philippe Guillhon-Herbert (WW1 Music, 2014)
Premier volume de l'incroyable et indispensable documentation de fond
du label Hortus à l'occasion du centenaire de la guerre de 14-18,
celui-ci, autour de l'exemple célèbre du défi de Magnard (protégeant
son manoir au pistolet, et manquant de peu de faire fusiller tout le
village). Le disque propose notamment une claire version des Promenades, un délice dans le genre
un peu naïf-archaïque qui a cours dans le Versailles de Reynaldo Hahn, dans
la Suite dans le style ancien
de d'Indy, dans la Nursery
d'Inghelbercht, etc., et qui a sans doute encore plus de prix lorsqu'on
a accoutumé de se promener dans les lieux pittoresques du Sud-Ouest de
l'Île-de-France – Bois de Boulogne, Villebon, Saint-Cloud,
Saint-Germain, Trianon et Rambouillet !
¶ Dupont – La Maison dans les dunes –
François Kerdoncuff (Timpani, 2003)
¶ Dupont – Les Heures dolentes –
Émile Naoumoff (Saphir, 2009)
Deux séries d'évocations à la française, constituant une arche très
réussie, puissamment lumineuse pour la première, beaucoup plus
tourmentée et contrastée pour la seconde. La netteté incisive de
Kerdoncuff et les irisations sombres de Naoumoff sont des truchements
assez fabuleux pour aborder ces corpus (assez bien servis au disque –
Blumenthal, Girod, Eckardstein…).
¶ Zaderatski, Protopopov, Deshevov, Feinberg,
Roslavets, Revutski – Sonates, Rails, Préludes, Poèmes, Pièces – Fikret
Amirov, Nikita Mndoyants, Yuri
Favorin, Tikhon Khrennikov Jr. (Melodiya, 2012)
Anthologie qui a le mérite de regrouper un panorama de quelques-unes
des meilleures pièces sociétiques, dont une sonate (n°3, « à la mémoire
de Léonard de Vinci » !) de Protopopov,
une (n°2) de Zaderatski, les Rails
de Deshevov, et même le luxe des Préludes
de Roslavets de la Sonate n°5 de Feinberg par Favorin (Amirov est
clairement plus terne, mais comme il est le seul à jouer ces œuvres !).
¶ Protopopov, Mossolov, Roslavets,
Feinberg, Stanchinski, Obukhov, Lourié – « Forgotten Russians » : Sonate n°2, 2 Nocturnes & 2 Danses, 5
Préludes, Berceuse,
Formes en l'air… – Vladimir
Feltsman (Nimbus Alliance, 2019)
Un programme remarquablement dense et complet sur les grandes œuvres
héritières du courant futuriste. En dehors de la Sonate de Protopopov,
ce sont des œuvres sinon documentées par des personnalités plus
saillantes, ou bien mineures, mais la cohérence du panorama invite à la
découverte !
… Et sans doute les strates grisantes desKlavierstücke de Stockhausen et la poésie
aphoristique des Játékok de Kurtág, mais j'ai écouté les
premiers dans des versions séparées (pas forcément éditées au disque),
et essentiellement joué les seconds… je n'ai donc pas de disque à
proposer comme cela, sans quoi, oui, ce seraient des corpus à
recommander.
À l'issue de ce petit parcours, je m'aperçois du caractère tout à fait
déséquilibré de mes
propositions, à rebours des listes que j'aime
donner, parcourant diverses esthétiques. Mais je n'en suis pas
mécontent : ceci témoigne d'un autre piano que celui qu'on joue et
enregistre abondamment, le piano des épanchements romantiques, de la
virtuosité formelle, des quelques compositeurs bien en cour. Ici, ce
sont d'autres paysages qu'on parcourt, le piano atmosphérique français
(qui cherche la couleur, l'évocation visuelle plus que la beauté
formelle), le piano futuriste russe et soviétique (avec ses recherches
de textures et d'harmonies assez radicales, sans renoncer aux formes
anciennes ni à la tonalité).
J'espère que ce sera l'occasion de quelques découvertes (Mariotte,
impérativement !), voire de redonner confiance dans quelques corpus
mal-aimés (le Catalogue d'oiseaux),
d'éclairer différemment des tubes (Beethoven
sur Graf)… puissiez-vous y trouver, çà ou là, et sans tout partager
bien sûr, votre compte !
Une petite mise à jour de la proposition de liste de 2012, pas mise à
jour depuis 2013. Vous retrouverez l'ensemble des œuvres ici.
--
Mise à jour du 29 décembre
2018 :
ajout de Dupont, Magnard, Ropartz, Mariotte, Wolpe, Protopopov,
Zaderatski, Kabalevski, Messiaen, Southam ; nouvelles pièces de Brahms,
Koechlin, Mossolov ; arrangements de Wagner.
Les Français entrants disposent d'un sens extraordinaire des
atmosphères.
● Dupont
est en quelque sorte le grand ancêtre, avec la lumineuse
''Maison dans les dunes'' ou les délires morbides des Heures dolentes.
● Magnard, pas le plus
profond,
propose une promenade parmi quelques-uns des plus beaux lieux de
balades franciliens (Saint-Cloud, Saint-Germain, Trianon,
Rambouillet…), dans une belle écriture typique de son temps.
● Chez Koechlin, j'ai ajouté
le très séduisant Nocturne Op.33, mais aussi des cycles pianistiques
moins connus que les Heures Persanes : la paix de L'Ancienne Maison de campagne, et
les Paysages et Marines,
mieux connus dans leur version de chambre, mais qui mettent ici à nu
tous les raffinements de leur écriture rythmique et harmonique.
● Le Prélude Dominical de Ropartz
est quant à lui une petite merveille, en réalité une suite et non un
prélude, dont les harmonies étranges et d'une lumière intense évoquent
fortement Koechlin.
● Enfin les cycles de Mariotte
constituent également une réelle surprise par leur hardiesse, en
particulier les Impressions urbaines,
figuralismes de bruits mécaniques transfigurés par la poésie de son
univers pianistique – comment ne pas songer au Berlin de
Meisel ?
Chez les Russes, il faut bien sûr souligner tout l'intérêt des
écritures disjonctives, des strates empilées avec furie chez Protopopov et Mossolov ; c'est un peu moins le cas
pour Zaderatski, un peu plus
lyrique sans doute (toutes proportions gardées), et presque aussi
passionnant. Kabalevski est
d'une autre génération, le retour à un calme romantisme presque
néoclassique, et pourtant ses pièces, commen souvent (ses symphonies !)
ont quelque chose d'immédiatement prégnant, qui dépasse l'apparente
simplicité de ses moyens.
Ann Southam est une
comprositrice minimaliste. Ses Rivières
occupent plusieurs récueils (des « Livres »), toujours sur le même
principe des boucles tournoyantes, et pas toujours inspirées ; mais
j'aime particulièrement cette Huitième Rivière du Troisième Livre, à la
fois très vraie
figurativement (des entrelacs de confluent, des enthousiasmes de gave
!) et très persuasive musicalement.
J'ai aussi référencé l'une des pièces les plus marquantes de l'étonnant
Wolpe (qui naviguait quelque
part entre le cabaret d'avant-garde et les langages décadents des compositeurs d'opéra
de son temps…), les Messiaen
(tout le monde inclut les Regards,
mais je fais partie de la petite minorité qui trouve le même charme
suspendu et éclatant aux Catalogues
d'oiseaux – qu'il ne faut pas forcément écouter en blocs, mais
qui recèlent tant de beautés dans les consonances paradoxales des modes extra-tonals
employés par Messiaen !), les arrangements de Wagner en indiquant les arrangeurs
(en l'occurrence, ce peut changer pas mal de choses, car il faut faire
des choix !).
Pour prolonger, vous pouvez aussi vous reporter à cette présentation
(incomplète) de grands cycles du piano français, assez absents des
concerts et rares au disque, considération la domination germanique
assez absolue sur ce répertoire, hors Debussy et Ravel. Et pourtant, il
y a là de quoi parler à une tout autre sensibilité, de même qu'avec les
Soviétiques…
Et pour davantage de sélections et suggestions d'écoute, un chapitre entier y est consacré sur CSS. Bons voyages !
En ce temps d'épiphanie, l'occasion de dévoiler un peu d'intimité
musicale.
Après, avoir, une fois de plus, repris l'essentiel de l'acte II de l'Orfeo de
Rossi dans une boucle infinie – Che
può far Citerea, Al imperio
d'amore, la mort (vidéo là
de ces extraits) –, voilà le prétexte de partager quelques-unes de ces
pièces
ou des ces instants que je peux me repasser à très court intervalle et
à haute itération.
Le concept est un peu différent des instants ineffables,
qui ne supposent pas forcément la répétition ; ces boucles peuvent
être, du reste, des fragments, des mouvements ou des œuvres entières.
Il s'agit de
toutes ces pièces où l'on sent l'impulsion, en la finissant, de la
remettre immédiatement.
Chose que je fais rarement, du reste (une grande partie du répertoire
s'y prête peu, du fait de la pratique de la variation, du
développement…), les œuvres très mélodiques tendant naturellement à
s'émousser ; et c'est pourquoi ce petit partage, insolite, peut être
amusant.
Ordre (approximatif) par date de naissance.
♦ D. Le Blanc – « Les Mariniers adorent
un beau jour – [notules 1,2]
♦ A. Le Roy – « Ô combien est heureuse » – [notules 1,2]
♦ Anonyme fin XVIe – « Allons vieille imperfaite » – [notules 1,2]
♦ Monteverdi – Combattimento,
deux premières strophes – [notules 1,2,3]
♦ Anonyme premier XVIIe – Passacaglia della vita – [liste]
♦ E. Gaultier – La Cascade
♦ Kapsberger – « L'onda che limpida » [son]
♦ Kapsberger – « Fanciullo arciero » [son]
♦ Rossi – Orfeo : Che può far
Citerea – [notule & son]
♦ Rossi – Orfeo : Al imperio
d'amore – [notule & son]
♦ Guédron – Ballet d'Alcine « Noires fureurs » – [notules 1,2,3]
♦ Guédron – « Dessus la rive de la mer »
♦ Moulinié – « Que vous avez peu de raison »
♦ Moulinié – « Quelque merveilleuse chose »
♦ Moulinié – « Vous que le dieu Bacchus a mis »
♦ Lully – Cadmus : Chaconne
des Africains « Suivons l'Amour » – [notice]
♦ Lully – Thésée : Combats et
prières de l'acte I – [notule, hors-scène]
♦ Lully – Atys : « Atys est
trop heureux » – [notice]
♦ Lully – Amadis : Invocation
d'Arcabonne « Toi, qui dans ce tombeau »
– [notule]
♦ Lully – Amadis :
Déploration d'Oriane « Ciel ! ô ciel ! Amadis
est mort » – [notule]
♦ Lully – Amadis : Chaconne
finale « Célébrons en ce jour » – [notule]
♦ Lully – Roland : Duo &
Chaconne – [notice]
♦ Sanz – Canarios – [extrait]
♦ Charpentier – Médée : les 3
duos d'amour (II,IV,V) – [notule]
♦ Murcia – Folías Gallegas – [notule]
♦ Visée – Passacaille de la Suite en la mineur
♦ Lalande – Jubilate Deo omnis Terra
: « Populus ejus », « Introite portas »
♦ Lalande – Jubilate Deo omnis Terra
: « Laudate nomen ejus »
♦ Campra – Exaudiat te Dominus :
« Exaudiat te Dominus » [notice]
♦ Campra – Idoménée : «
Venez, Gloire, Fierté » [notule]
♦ Campra – Idoménée : «
Espoir des malheureux » [notule]
♦ Jacquet de La Guerre – première Passacaille en la mineur – [notule]
♦ F. Couperin – Offertoire de la Messe pour les Paroisses
♦ F. Couperin – Première Leçon de Ténèbres – [notice]
♦ F. Couperin – Troisième Leçon de Ténèbres – [notice] / [en attendant une discographie
exhaustive préparée depuis longtemps]
♦ Jean Gilles – Requiem : «
Requiem æternam »
♦ Jean Gilles – Requiem : «
Domine Jesu Christe » (dans l'Offertoire)
♦ Destouches – Callirhoé,
chaconne nocturne : « Ô Nuit, témoin de mes soupirs secrets » – [notule]
♦ Destouches – Callirhoé,
duos du I : « Ma fille, aux Immortels quels vœux venez-vous faire ? » /
« Mais, quel objet vient me frapper ? » – [notule sur les états de la partition]
♦ Destouches – Sémiramis : «
Flambeaux sacrés » – [notule]
♦ Bach – Motet Singet dem Herrn
: « Singet dem Herrn », « Lobet den Herrn in seinen Taten » [de même
discographie exhaustive dès longtemps préparée, à publier un jour]
♦ Bach – Air Erfüllet, ihr
himmlischen göttlichen Flammen de la cantate BWV 1
♦ Boismortier – Don Quichotte
: « Expire sous mes coups, discourtois enchanteur »
♦ Boismortier – Don Quichotte,
danses
♦ Mondonville – Cœli enarrant : « In sole posuit »
♦ Gluck – Iphigénie en Tauride
: air d'Oreste « Dieux qui me poursuivez »
♦ Gluck – Iphigénie en Tauride :
air d'Iphigénie « Non, cet affreux devoir »
♦ Grétry – L'Amant Jaloux :
quatuor « Plus d'égards, plus de prudence »
♦ Grétry – Guillaume Tell :
« Bonjour ma voisine » – [notule]
♦ Grétry – Guillaume Tell :
« Qui jamais eût pensé que cet homme
exécrable » – [notule]
♦ Salieri – Tarare : « De
quel nouveau malheur » – [notule]
♦ Salieri – Tarare : «
J'irai, oui j'oserai » – [notule]
♦ Mozart – Quatuor n°14, final
♦ Mozart – Così fan tutte :
trio « La mia Dorabella » – [chroniques de représentations]
♦ Mozart – Così fan tutte :
trio « Una bella serenata » – [chroniques de représentations]
♦ Mozart – La Clemenza di Tito
: duo « Come ti piace, imponi » – [exploration]
♦ Mozart – La Clemenza di Tito :
air « Parto, parto » – [exploration]
♦ Haydn – Quatuor Op.76 n°3, mouvements I & II
♦ Catel – Sémiramis : Duo de
désespoir « Sort redoutable » et final – [brève évocation]
♦ Beethoven – Final choral de la Fantaisie
chorale
♦ Beethoven – Quatuor n°8, mouvement lent
♦ Czerny – Symphonie n°1, mouvements I, III & IV [général, scherzo]
♦ Mendelssohn – Premier Trio avec piano : I, énoncé du thème
♦ Schubert – Die Schöne Müllerin
: « Pause » – [projet lied français]
♦ Schumann – Liederkreis Op.24 : « Es treibt mich hin » [présentation & discographie]
♦ Schumann – Liederkreis Op.24 : « Warte, warte du wilder Schiffmann » [présentation & discographie]
♦ Schumann – Liederkreis Op.24 : « Schöne Wiege meiner Leiden » [présentation & discographie]
♦ Schumann – Liederkreis Op.39 : « Überm Garten » [projet lied français]
♦ Verdi – Il Trovatore :
récit de Manrico « Mal reggendo »
♦ Verdi – Simone Boccanegra :
avertissement d'Adorno « Ah taci, il
vento ai tiranni »
♦ Verdi – Les Vêpres Siciliennes
: duo « Quel est ton nom ? » – [Verdi en français]
♦ Verdi – Requiem : Kyrie
♦ Verdi – Requiem : Ingemisco
♦ Verdi – Requiem : début du
Lacrimosa
♦ Verdi – Don Carlos :
déploration sur le corps de Posa – [éditions]
♦ Wagner – Tristan : postlude
du II
♦ Wagner – Rheingold :
première tirade de Loge
♦ Wagner – Rheingold : tirade
de Froh « Wie liebliche Luft » [notule à
venir]
♦ Wagner – Siegfried : tirade
« Wie des Blutes Ströme » [ordalie]
♦ Wagner – Die Meistersinger
: appel des Maîtres [son]
♦ Wagner – Parsifal :
interlude du I
♦ Wagner – Parsifal : annonce
du couronnement « Du wuschest mir die
Füße »
♦ Reyer – Sigurd : duo du
désenvoûtement « Des présents de Gunther » [chapitre Sigurd]
♦ Smetana – Dalibor : Marche
de Vladislav [détail du livret, œuvre & enregistrement libre, discographie
exhaustive]
♦ Smetana – Dalibor : fin du
I [détail du livret, œuvre & enregistrement libre, discographie
exhaustive]
♦ Smetana – Dalibor : début
du II [détail du livret, œuvre & enregistrement libre, discographie
exhaustive]
♦ Brahms – Premier Trio avec piano : énoncé du thème
♦ Brahms – Premier Trio avec piano : trio du scherzo – [scherzo]
♦ Brahms – Variations sur un thème de Haydn : choral initial &
variation
finale
♦ Brahms – Première Symphonie : énoncé du thème des variations finales
♦ Brahms – Quintette avec piano : thème principal du scherzo – [scherzo]
♦ Saint-Saëns – Chanson à boire du vieux temps
♦ Delibes – Lakmé : Quintette
« Miss Rose, Miss Helen, respectez les
clôtures »
♦ Tchaïkovski – Eugène Onéguine
: dialogues de cotillon et provocation
en duel [sources]
♦ Tchaïkovski – Pikovaya Dama :
serment à l'orage [brève discographie, mise en scène]
♦ Tchaïkovski – Pikovaya Dama
: hymne à la nuit [brève discographie, mise en scène]
♦ Tchaïkovski – Symphonie n°3 : mouvements extrêmes
♦ Tchaïkovski – Symphonie n°6 : mouvement III – [notule, possibilités d'interprétation]
♦ Dvořák – Rusalka : ballet
royal – [notules 1,2,3]
♦ Rott – Symphonie en mi : mouvements I et IV [liste de notules]
♦ Debussy – Quatuor, mouvement III, climax
♦ R. Strauss – Elektra :
tirade de Chrysothemis « Ich kann nicht sitzen
» [discographie]
♦ R. Strauss – Die Frau ohne
Schatten : envoi de l'air de l'Empereur «
Kann sein, drei Tage »
♦ R. Strauss – Die Frau ohne Schatten
: Erdenflug
♦ R. Strauss – Arabella : «
Ich weiß nicht wie du bist » (partie
centrale du duo du Richtige) [notules & discographie exhaustive]
♦ R. Strauss – Friedenstag :
marche des soldats Réformés [notule & son]
♦ Koechlin – Sonate pour violon et piano : final
♦ Koechlin – Quintette pour piano et cordes : final
♦ Mahler – Symphonie n°2 : à partir de l'entrée des chœurs [notule & lieder]
♦ Mahler – Symphonie n°7 : thème principal du dernier mouvement [autre notule]
♦ O. Fried – Die verklärte Nacht
[notule & son]
♦ L. Aubert – « La mauvaise prière »
♦ Schreker – Die Gezeichneten :
Entrée de Tamare [chapitre entier à remonter]
♦ Schreker – Die Gezeichneten
: Prélude du II [chapitre entier à remonter]
♦ Ireland – Sea-Fever [1,2]
♦ Le Flem – Symphonie n°1 : final
♦ Schoeck – Quatuor n°2 : thème principal [notule]
♦ Auric – 4 Chansons de la France
malheureuse : « La Rose et le Réséda » [notule]
♦ Walton – Symphonie n°1 [notule]
♦ Damase – l'Opéra dans Colombe [notule]
♦ Damase – Eugène le Mystérieux,
marche des Trois Couleurs [notule]
♦ Stockhausen – Mantra [parce que]
♦ Kalniņš – Mostieties, stabules un
kokles (psaume) [commentaire]
Légende :
Jardinière de Muller en biscuit (XIXe siècle). Ronde de putti.
Bien sûr, pour prolonger le plaisir, je ne puis trop vous inviter à
découvrir, outre les autres instants ineffables, d'autres œuvres de vaste
valeur, peut-être moins propices à si haute itération, mais à
fréquenter résolument. C'est la raison d'être de la section des Putti d'incarnat et autres Sélections lutins,
qui s'est progressivement enrichie de sélections de :
♫ symphonies,
♫ quatuors à cordes,
♫ musique sacrée,
♫ opéras contemporains,
♫ trios de toutes formes,
♫ quatuors avec piano,
♫ œuvres pour piano solo,
♫ sonates avec violon,
♫ lieder orchestraux,
♫ jubilation cosmique,
♫ concertos pour clarinette,
♫ chœurs profanes a cappella,
♫ mélodies maritimes,
♫ quintettes pour piano et cordes,
♫ concertos pour piano
♫ …et scherzos !
Listes enrichies au fil des ans et périodiquement
mises à jour.
Vos propres propositions sont bien sûr toujours bienvenues, soit pour
me faire compléter mes expéditions, soit pour attirer l'attention des
autres lecteurs sur des œuvres que je n'ai pas appréciées à leur juste
valeur.
Bonnes découvertes répétitives ! N'en abusez pas – pour ça, il y
a Philip Glass.
Dans la lignée des autres sélections et distributions de prix que vous
pouvez retrouver dans ce chapitre à part, voici à présent le scherzo.
1. Pourquoi s'occuper du scherzo ?
Il n'est jamais qu'une petiteenclave formelle
qui supplanta salutairement le menuet (assez peu varié d'une œuvre à
l'autre, et même d'un compositeur à l'autre) au tournant du XIXe
siècle, tout en restant la part la plus conventionnelle et répétitive
de l'essentiel des symphonies et d'à peu près toute la musique de
chambre, jusque assez tard dans le XXe siècle. J'ai l'impression,
peut-être biaisée, que son empreinte ne disparaît vraiment qu'avec
l'atonalité et la fin des structures canoniques imposée par la
concision (et la nouvelle distribution thématique complètement
transversale) du dodécaphonisme.
Hé bien, précisément en raison de sa faiblesse : comme il est par
nature répétitif,
et plus une pièce de caractère que de développement, il n'a pas la même
densité musicale que les autres sections, et peut paraître assez vain.
C'est pourquoi je me suis dit qu'il serait plus rapide d'en collecter les
meilleurs – et plus utile aussi pour pouvoir faire quelques découvertes
intéressantes.
Pour rappel, le
scherzo :
► essentiellement proposé par Haydn
et imposé par Beethoven,
remplace le menuet
(en troisième partie, et au cours du XIXe siècle souvent en deuxième
partie des œuvres en quatre mouvements), qui était une danse à trois
temps, accentuée sur le premier et le troisième temps (avec un effet de
levée assez fort, donc), stylisée pour l'exécution musicale ;
► est un mouvement vif (plus
que le menuet, qui est modéré) qui peut
souvent comporter deux ou quatre temps, et ce assez tôt dans son
histoire même si les trois temps
restent les plus habituels (mais presque toujours simplement accentué
sur le premier) ;
► dispose d'un matériau thématique
court (souvent un thème fait de parties symétriques) ;
► est fondé sur la répétition
de son thème principal, comme un rondeau, mais aussi de chaque partie
(les « couplets » sont appelés trios,
comme pour un menuet), ce qui produit une forme AABBA ou AABBAACCA ;
► signifie « plaisanterie », mais se
pare de toutes les couleurs du tourment selon les nécessités de
composition (à la fin du XIXe siècle, ils sont souvent sophistiqués et
retors) ;
► est souvent l'occasion d'effets de miroitement, de dialogues entre les pupitres, de
répartitions rythmiques délicates.
Le pluriel peut au choix être scherzi
si on le prend comme un emprunt italien occasionnel, ou scherzos si l'on considère le mot
tout à fait acquis en français – comme crescendo, un participe présent
italien que tout le monde, même les pédants, traite comme un nom
français.
Pierre I Legros, le redoutable Putto scherzando, exhibant dans une
sinistre badinerie son oiseau chassé.
2. Lire la liste
Je méprise donc ouvertement le scherzo, et c'est pourquoi je me fais
fort de vous guider vers ceux qui, précisément, ne sont pas pénibles.
La liste est organisée par date de
naissance des compositeurs (je la trouve plus claire de la liste
par date d'achèvement des concertos pour piano – c'est en outre plus simple
à compiler).
La règle suivie est la plus objective : ma seule subjectivité.
Comme cela, pas de débat sur la norme ou la hiérarchie, pas de conseil
sur ce qu'il faut absolumnent écouter mais qui est pénible, ou sur ce
qui est formidable mais trop secondaire : si ça m'intéresse, je mets,
c'est tout. Tout système rationnel, là-dedans, risque soit d'être pris
gravement en défaut, soit de finir par ne plus conseiller de façon
pertinente des œuvres qui fonctionnent. Au moins, avec mon goût, ce
sera simplement mon goût, en espérant que vous en partagerez certains
aspects – vous pouvez vous en faire une idée, il s'expose sans pudeur
sur ces pages depuis largement plus d'une décennie. Pour faire simple,
quand l'interlope et le mignard se joignent, je suis là.
Il va de soi que la liste est forcément incomplète, même à l'échelle de
mes inclinations – il aurait fallu tout
réécouter pour sélectionner véritablement, je n'ai cité que ceux qui me
sont spontanément venus à l'esprit. Et que tout complément est hautement bienvenu
(ou toute réaffirmation/réfutation de ce qui a déjà été proposé). Ce
n'est pas comme si les grands scherzos étaient fréquents !
Les meilleurs seraient même sujets à l'écoute-boucle (notule à venir
sur le sujet), s'ils ne se répétaient déjà autant.
Les astérisques indiquent simplement mon degré d'enthousiasme : un
astérisque pour un scherzo particulièrement marquant, deux pour
signaler un bijou qui peut très bien s'écouter à part.
« Les putti ne sont pas ce
qu'ils nous semblent être,
Le plus simple trident peut tenir lieu de traître. »
Jean de La Fontaine, Le lion et les putti, Livre VI.
Comment le badinage se change en course à l'abîme.
Atelier de Louis-Jacques Durameau.
3. Quelques cas remarquables
On pourra convenir, vu la taille de la liste, qu'il m'est impossible de
présenter chacun. Ce sera inutile en outre, bon nombre étant déjà
célèbre.
Le terme pour une composition de caractère léger et rapide est utilisé
dès le XVIIe siècle, mais je ne crois pas en avoir rencontré beaucoup
avant Haydn
– où il apparaît très tôt, dès le Quatuor opus 1 n°3 (composé quelque
part entre 1757 et 1762), où sa structure est déjà complètement
cursive, et plus du tout celle du menuet. Néanmoins, Haydn ne les
utilise qu'avec parcimonie : Op.2 n°6, et les six de l'opus 33 – où la
plupart (1,2,4,6) reproduisent exactement les appuis du menuet ! De
même pour les symphonies : on trouve des mouvements qui s'y apparentent
(les presto de la n°22), et
trois mouvement notés Allegro
scherzando (42, 46, 66), mais ce sont alors des finals, et scherzando y a son vrai sens
littéral italien (« en mode de plaisanterie »).
C'est doncBeethoven
qui en fait un usage systématique – à l'exception de la Première (et de
l'étrange retour de la Huitième), ses symphonies adoptent le scherzo.
Et chez lui, comme on peut s'en douter, le scherzo ne plaisante guère :
tempêtueux, extrêmement vif et tapageur, il exalte davantage les
fureurs romantiques que l'art de la conversation. Mais leur usage est
si marquant (la danse circulaire ensauvagée de la 2, le fugato de la 3,
l'attente insoutenable de la 5, les explosions de timbale de la 9…), il
est vrai, qu'il ringardise à jamais la tradition du menuet, que les
romantiques abandonnent totalement.
On le voit immédiatement, le plus gros pourvoyeur est Brahms
: non seulement respecte toujours à la lettre la règle de son inclusion
(allant jusqu'à l'imposer dans un concerto où il n'est pas
traditionnel), mais en fait de grandes pièces, longues et ambitieuses –
beaucoup de reprises exactes, c'est vrai, mais de quel matériau !
En général deux trios au cœur du scherzo, donc beaucoup de réitérations
du thème principal et de contrastes de caractères.
On les trouve sous toutes formes au demeurant :
certains ne ressemblent pas totalement à un scherzo (dont ils occupent
néanmoins la place et la forme) avec leur caractère tendre (Symphonie
n°1, Quintette avec clarinette), ou ne sont pas nommés scherzo (les mêmes, le Concerto
pour piano n°2), beaucoup sont à quatre temps (Symphonie n°4, Quintette
avec piano…).
Pour ma part, la mélancolie douce dans la Première
Symphonie, le trio en valse du (scherzo du) Premier Trio, l'explosion
en accords longtemps réfrénée du thème principal Quintette avec piano
constituent des sommets musicaux peu fréquents à ce degré d'intensité.
Bien sûr, la liste contient son lot de symphonistes
ambitieux (la fièvre de Schumann
digne des plus beaux finals, les monuments brucknériens
avec leurs thèmes fous qui martèlent la même note, les figuralismes
féeriques et hallucinés chez Tchaïkovski),
et comme chaque symphoniste romantique en a fait usage, on peut faire
son marché – pour ma part, c'est plutôt la grâce post-mendelssohnienne
de Hamerik
qui me touche.
La musique de chambre française du
second XIXe, me semble-t-il, a beaucoup renouvelé le caractère
du scherzo, le rendant à sa légèreté première. Saint-Saëns
et Fauré,
en particulier, ont favorisé une écriture en touches légères, toute de
jeux de pupitres et de rythmes esquissés, mais très recherchée
thématiquement et harmoniquement. Je n'ai jamais écouté le répertoire
en cherchant du scherzo (jusqu'à la date récente, il y a deux semaines,
où j'ai commencé à constituer cette notule), mais je sais qu'il y en a
d'autres chez tous ceux du temps qui ont écrit des pièces en quatre
mouvements…
Quelquefois, c'est le trio qui
attire l'attention. Il en va ainsi de la Première Symphonie de Czerny,
où un joli scherzo mendelssohnien relativement épigonal enfle soudain
en une poussée d'enthousiasme doucement conquérant. Pourtant avec des
moyens simples, mais l'effet est considérable sur moi. Il y a aussi le
cas du Premier Trio de Brahms (sa
valse ineffable), déjà abordé, et la Deuxième Symphonie de Franz Schmidt,
où le moment de grâce majeur se trouve, là aussi, au détour d'un moment
supposément secondaire.
Et puis, selon le goût de chacun, on peut bien sûr
préférer la section de cor de la Troisième de Beethoven à son fugato,
les sonneries mélancoliques de la Quatrième de Mendelssohn à son thème
orné, etc.
La
liste joue aussi avec les limites…
Certains mouvements occupent la place « psychologique » du scherzo
romantique (le mouvement de
caractère au
sein d'une œuvre en quatre sections), et peuvent en être rapprochés,
mais n'en respectent ni la structure, ni les appuis ordinaires, ni même
la couleur.
Dans la Symphonie Fantastique de Berlioz,
entre la Valse et la Marche au supplice, lequel est le scherzo ?
Formellement, les deux y échappent, mais on voit bien la parenté avec
le rôle de mouvement moins charpenté mais fortement coloré.
Dans la Quatrième Symphonie de Mendelssohn,
ce troisième mouvement a bel et bien la forme d'un scherzo avec ses
trois temps et son trio récurrent, pourtant son aspect est plutôt celui
d'un mouvement lent mélancolique, avec des touches rétro
(les petits mordants sur la ligne mélodique…) qui évoquent davantage le
menuet, tout en conservant un aspect très mélodique et coulant qui ne
l'apparente ni à l'un ni à l'autre… Sa fonction reste celle de ce
troisième mouvement central, mais il ne ressemble pas à ce que l'on
attendrait. (Cela dit, un des plus mouvements de symphonie les plus
pénétrants, de mon point de vue.)
Pour le Quintette avec piano de Koechlin,
c'est encore plus difficile : les deux mouvements centraux sont assez
sombres et introvertis (à l'exception de l'éclat, très tourmenté, à la
fin du premier des deux), et leur humeur est changeante… Néanmoins, le
mouvement vif est identifiable (le tempo, mais aussi les titres :
« L'assaut de l'ennemi » vs. « La Nature consolatrice »), et la
méditation du n°3 est trop évidente pour ne pas orienter vers le
précédent. Tout le quintette est un sommet absolu de toute façon, aux
atmosphères mêlées et indéfinissables, d'une complexité musicale
abyssale, mais toujours lisible et immédiatement sensible. Le « scherzo » étant
peut-être le plus contrasté et étrange des quatre.
Enfin, le plus discutable de tous, dans la Deuxième
de Franz Schmidt,
il n'y a que trois mouvements, et le deuxième se déroule en variations…
ce devrait donc plutôt être un mouvement lent, mais le mouvement est
intermédiaire (Allegretto) et
je trouve que son caractère, plus virevoltant, est davantage celui d'un
scherzo, comme une fusion des deux emplois. Et c'est dans une portion
apparemment secondaire de ces variations que débouche un nouveau thème,
comme un trio, qui crée un élan inattendu dans ce mouvement au ton «
simple et délicat » (dit le compositeur).
L'ère du scherzo intéressant semble
décliner
au début du vingtième siècle, quand les formes s'émancipent. Les
compositeurs écrivent des symphonies en trois mouvements, voire en flux
continu (Sibelius, Bax…), les moulent dans des contraintes nouvelles (Colour Symphony, Symphony of Psalms,
Simple Symphony…). Significativement, Mahler
l'utilise pour citer les danses rustiques ou démodées (Ländler de la
1), ou les chansons populaires (scherzo tiré d'un thème écrit pour le Wunderhorn dans la 2), ; Stravinski
reprend un titre de Suk (Scherzo fantastique,
qui, chez Suk, voulait plutôt dire fantaisie symphonique, un joli poème
symphonique multithématique et un peu rhapsodique, sans lien avec la
forme du scherzo) ou bien l'inclut pour faire jouer des… princesses de
conte. Clairement un matériau d'un autre temps.
En réalité, si on continue à observer les symphonies
anglo-américains et nordiques, on en trouve encore beaucoup,
et de beaux. Je trouve néanmoins que, la plupart du temps, ils ne
valent que dans leur contexte : beaucoup sont soit un peu confits dans
des formes simplistes par rapport à un langage qui a par ailleurs
beaucoup évolué (Madetoja, Diamond…), soit plutôt des sortes de pont
(Nielsen 4, Sibelius 5a & 6…). Chez les soviétiques aussi, on en
trouve mainte rémanence – illustration supplémentaire, s'il en fallait,
du paradoxe impossible qui souhaitait faire de la
musique populaire tout en bannissant le formalisme, cela en encourageant
les harmonies compliquées et en conservant les formes et mouvements du
passé (!).
En somme, le scherzo disparaît de la musique
allemande (atonalité et expérimentations), de la musique française (où
il semble quelquefois que les compositeur n'écrivent plus que des
scherzos, à vrai dire) ; chez les Italiens, il n'y a pas eu de
tradition non-germanique assez forte, du côté des symphonies, pour
parler de disparition ; et chez les autres, en réalité, la musique suit
son cours – raison pour laquelle je récrimine régulièrement, dans ces
pages, à propos de l'histoire-bataille déroulée dans les histoires de
la musique : ce n'est pas parce qu'on a écrit le Sacre ou Pierrot qu'on a cessé d'écrire des
symphonies tonales en quatre mouvements.
Mes chouchous
apparaissent déjà en clair dans la liste, mais je n'ai pas dit un mot
de chacun… Pour certains, ils sont très célèbres, comme celui de
l'Écossaise de Mendelssohn
(ce babillage enivrant de clarinette qui contamine tout l'orchestre) ou
son Quatuor Op.80 qui semble avancer à rebours, dans un blocage très
beethovenien ; ceux des sonates pour Chopin,
gouffres ouverts ou liquidités perpétuelles. Pour d'autres, ils le sont
moins, comme le « Rouge » à la fois lumineux et décadent de la Colour Symphony de Bliss ; la
fureur valsée (et pillée par Mahler) de la Symphonie en mi de Rott ; ou,
bien sûr, le scherzo lucassien de la Natursymphonie de Hausegger.
Illustration supra : Le détournement des
objets chez le pré-dadaïste François Girardon.
En chasse à présent !
(F. Girardon, Vasque du
Triomphe de Galatée.)
4. La liste, la liste !
Vous la vouliez, vous avez fait semblant de lire le reste (ne niez pas,
je vous ai vu et, en effet, mettez un adhésif opaque sur votre
webcam), la voici. Amusez-vous bien !
1732 –
Haydn – Quatuor à cordes Op.33 n°2
1732
– Haydn – Quatuor à cordes Op.33 n°3
1732
– Haydn – Quatuor à cordes Op.33 n°5
1770 – Beethoven – *Symphonie n°2
1770 – Beethoven – **Symphonie n°5
1770 – Beethoven – Symphonie n°9
1770 – Beethoven – Quatuor à cordes n°8
1770 – Beethoven – Sonate pour piano n°30
1791 – Czerny – **Symphonie n°1
1791 – Czerny – Nonette
1797 – Schubert – *Sonate n°21
1803 – Berlioz – Symphonie fantastique (Valse, Marche au supplice)
1803 – Berlioz – Scherzo de la Reine Maab (Roméo & Juliette)
1809 – Mendelssohn – **Symphonie n°3
1809 – Mendelssohn – **Symphonie n°4
1809 – Mendelssohn – *Symphonie n°5
1809 – Mendelssohn – *Quatuor à cordes n° 6
1809 – Mendelssohn – A Midsummer
Night's Dream
1810 – N. Burgmüller – Symphonie n°1
1810 – Schumann – *Quatuor à cordes n°3
1810 – Schumann – Symphonie n°1
1810 – Schumann – *Symphonie n°2
1810 – Schumann – *Symphonie n°4
1810 – Chopin – *Sonate pour piano n°2
1810 – Chopin – Sonate pour piano n°3
1810 – Chopin – Scherzo n°1
1810 – Chopin – Scherzo n°2
1810 – Chopin – Scherzo n°3
1819 – Wieck-Schumann – Scherzo Op.10
1819 – Wieck-Schumann – Scherzo Op.14
1824 – Bruckner – *Symphonie n°2
1824 – Bruckner – *Symphonie n°4
1824 – Bruckner – Symphonie n°9
1833 – Brahms – **Symphonie n°1
1833 – Brahms – *Symphonie n°4
1833 – Brahms – *Concerto pour piano n°2
1833 – Brahms – **Trio avec piano n°1
1833 – Brahms – Quatuor avec piano n°2
1833 – Brahms – Quatuor avec piano n°3
1833 – Brahms – **Quintette avec piano
1833 – Brahms – Quintette avec clarinette
1835 – Saint-Saëns – Concerto pour piano n°2
1835 – Saint-Saëns – Quatuor avec piano n°2
1835 – Saint-Saëns – Trio avec piano n°2
1837 – Dubois – Quintette pour hautbois, piano et cordes
1838 – Bizet – Symphonie en ut
1840 – Tchaïkovski – Symphonie n°1
1840 – Tchaïkovski – *Symphonie n°2
1840 – Tchaïkovski – Symphonie n°3
1840 – Tchaïkovski – Symphonie n°4
1840 – Tchaïkovski – *Symphonie n°5 (Valse)
1840 – Tchaïkovski – *Symphonie n°6
1843 – Hamerik – Symphonie n°1
1843 – Hamerik – Symphonie n°2
1845 – Fauré – Quatuor avec piano n°1
1845 – Fauré – Quatuor avec piano n°2
1851 – d'Indy – Symphonie italienne
1856 – Sinding – *Symphonie n°3
1858 – Rott – *Symphonie en mi
1860 – Mahler – Symphonie n°2
1863 – Pierné – *L'an mil (« Fête des fous et de l'âne »)
1867 – Koechlin – *Quintette avec piano
1871 – Stenhammar – Quatuor n°3
1871 – Stenhammar – Quatuor n°4
1872 – Hausegger – Herbstsymphonie
1874 – Suk – Scherzo fantastique
1874 – Schmidt – **Symphonie n° 2 (deuxième mouvement)
1881 – van Gilse – Symphonie n°1
1882 – Stravinski – *Scherzo fantastique
1882 – Stravinski – *Jeu des Pommes d'or de L'Oiseau de feu
1891 – Bliss – *A Colour Symphony (« Red »)
1899 – R. Thompson – Symphonie n°2
1906 – Doráti – Symphonie n°1
1906 – Doráti – Symphonie n°2 (mouvement « Dies illa »)
1913 – Britten – Simple Symphony (« Playful pizzicato »)
Crédits :
Toutes les illustrations sont des détails tirés de photographies du Fonds Řaděná pour l'Art Puttien,
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BY 3.0 FR.
¶ L'atmosphère combattive de la Première Symphonie de (Norbert) Burgmüller, une
tempête à couper le souffle, dans le goût du scherzo de la Quatrième
Symphonie de Schumann.
Un extrait du trio (à tempo rapide) du scherzo du Troisième
Quatuor – vous notez aussi les décalages d'entrées, assez typiques de
l'écriture pour quatuor deStenhammar.
¶ Ceux des Quatuors 3
& 4 de Stenhammar,
d'une agitation incessante (le Troisième est insoutenable physiquement
pour des interprètes, toujours
vif, toujours dans l'aigu, le trio cavalcadant encore plus que le
scherzo lui-même…). Très intenses, au sein d'œuvres qui sont des jalons
majeurs du romantisme finissant, à mon sens – la forme stable s'y gorge
de fugatos, d'une belle liberté de contrepoint, d'harmonies étranges
qui, sans du tout subvertir le format traditionnel, lui procurent une
saveur assez neuve – mais toujours « positive », avant que des langages
plus tourmentés n'apparaissent.
[[]]
Philharmonique de la NDR (Hanovre), David Porcelin (CPO).
¶ Les violons prestes (dans le grave) de la Troisième
Symphonie de Sinding (bijou
par ailleurs), progressivement chargés de contrechants de flûtes, cors
ou bassons, toujours avec le même élan motorique (comme imitant un
ressac) que pour le premier mouvement. Pas de trio au demeurant, la
même thématique se charge progressivement de plus en plus d'éléments,
sans être réellement un mouvement à variations (pas de mutations en
valeurs rapides) ou à « étages » (comme les effets de marches
lointaines, du type « Marche au supplice » ou premier acte de Dalibor), le matériau mute plutôt en même
temps qu'il s'enrichit, d'une façon qui annonce plutôt Sibelius. ¶ Le spectaculaire Presto feroce de la Troisième
Symphonie de Röntgen (notule), dont la fureur se mue en poudroiement
doré dans le trio.
[[]]
Chœur Nicolas de Grigny, Orchestre National de Lorraine, Jacques
Mercier (Timpani).
¶ Le mouvement central de L'an mil de Pierné : « Fête des fous et
de l'âne ». Tout crépite comme dans le scherzo de Maab chez Berlioz, mais avec une science d'orchestration qui
n'a pas d'exemple – trompette en ut rythmée par des pistons en
sourdine, et ponctuations de violons (octaves suraigus en glisando avec
une quinte en harmoniques au milieu !) doublées par des fusées de
triples croches sforzando à toute la section de bois !
Et puis les éclats de flûtes doublées par la harpe, les
accompagnements très aérés (les pupitres se partagent une ligne
d'accompagnement), le chœur qui chromatise et crie, la jolie mélodie
entraînante… une fête, assurément.
■ Plus traditionnel, moins essentiel sans doute, le beau scherzo
sombre de la Première Symphonie de Jan van Gilse (notule de présentation), avec ses renforts de
timbales légèrement décalés et son trio où la palpitation des cors
rappelle très vivement l'écriture brahmsienne.
Vous pouvez désormais les retrouver, inclus dans la notule qui présente le genre scherzo, établit
ses limites et propose une liste assez fournie d'exemples de réussites.
Le mélomane échange souvent sur ses œuvres fétiches (quand ce n'est
pas, pis encor, sur ses versions fétiches, voire sur ses glottes
fétiches), aime à soumettre des listes, éprouver des hiérarchies
subjectives (quelquefois avec de désagréables prétentions
d'universalité)… Mais, en fin de compte, la conversation autour de ces
instants qui rendent une œuvre particulière, qui emportent notre
adhésion, n'est pas si fréquent. Pourtant, c'est sans doute là que
gisent les informations les plus pertinentes sur la singularité d'une
pièce, sur les inclinations d'une oreille.
Ce ne sont pas des sections entières, vraiment des détails qui tiennent en
quelques mesures. Tenez, voici un exemple décortiqué de la Clémence
de Titus, en cinq mesures.
Dans la plus pure subjectivité, je lance donc quelques exemples en
espérant vous inciter à essayer quelques bijoux négligés, ou vous faire
redécouvrir quelques fragments restés tapis dans les grands tubes
universels. Ce ne sont pas forcément ceux que j'aime le plus,
simplement ceux qui me sont parvenus lorsque j'ai voulu faire cet
essai,en tâchant de varier périodes et effectifs – mais uniquement des
moments d'exception.
2.
Suggestion : une liste parmi d'autres
¶ Le début du quatuor de l'Offertoire du Requiem
de Jean Gilles
: après un long récit de basse, taille, haute-contre et dessus entrent
progressivement en reprenant le premier thème de l'Offertoire. La
couleur harmonique de l'instant, l'élan du motif qui se dédouble dans
cet écho multiple ont un effet incantatoire saisissant :
¶ L'alternance hautbois/basson sur ce balancement de nuages dans « As Steal
the Morn » (L'Allegro, il Penseroso ed il
Moderato de Haendel &
Milton) :
¶ Cette petite virgule au début de la partie rapide du premier mouvement de
la Deuxième Symphonie de Beethoven
:
¶ La petite gamme clarinette-hautbois au milieu des variations finales de la
Troisième Symphonie de Beethoven
:
¶ Ce motif secondaire dans l'exposition du premier mouvement du Nonette
de Czerny : doublure
clarinette-alto, puis reprise variée du piano avec contrechant de cor
anglais.
¶ L'entrée du violon dans le Premier Trio
avec piano de Mendelssohn
(valable aussi pour le Premier de Brahms) :
¶ Le petit écho des cors (plus tard renforcés par les trombones) dans le
final de la Troisième Symphonie de
Schumann :
¶ « Jésus marchant sous la Croix » (station II du Via
Crucis de Liszt),
sur des carrures parfaitement régulières dont l'harmonie mouvante fait
pourtant sentir l'irrégularité branlante, le pas du condamné dépenaillé
– ici accentuée par l'interprétation complètement pénétrée de Reinbert
De Leeuw :
¶ L'explosion du thème attendu du scherzo du Quintette
avec piano de Brahms :
¶ Le thème B olympien du premier mouvement du Premier
Trio avec piano de Dubois
:
¶ L'illumination finale de Die verklärte
Nacht (« La Nuit transfigurée ») d'Oskar
Fried sur le poème de Dehmel :
¶ et un peu de contemporain pour finir, avec un comparse de Bernstein
parfaitement vivant mais qui a rejoint le côté obscur :
Cet envol soudain, bloqué sur ces notes répétées dans l'aigu, en accord avec
le texte (les ponts qu'on traverse sans
s'être vu les traverser), a quelque chose de suspendu, comme si le
Temps entrait en apnée. Stephen Schwarz, extrait de « Thank Goodness », au
début de l'acte II de Wicked
(Cassandra Kassenbaum).
3. Debriefing, feedback
et autres vocables interdits
Je m'aperçois que me viennent moins naturellement des noms baroques –
si l'on parle bien d'instants, pas d'airs entiers : s'il fallait citer
les instants ineffables dans LULLY, ce reviendrait à faire
la liste des récitatifs, des airs, des ensembles et des danses !
De même pour les langages plus tardifs du XXe siècle, ou c'est plus
l'atmosphère générale que des instants particuliers, des motifs précis,
qui suscite l'adhésion – sauf dans les cas de citations, généralement
par contraste lumineux (témoin la Suite
pour flûte et orchestre de Widmann, qui cite la Badinerie
de Bach pour attirer les applaudissements à la fin !).
Il existe quantité d'autres choses à citer, mais elle me paraissent
peut-être plus délibérées, audibles par tous : certains des extraits
cités tiennent plutôt du détail charmant qui fait la différence
(Czerny, Schumann) que de l'acte de rhétorique qui soutient l'ensemble
de la pièce. Sans quoi on pourrait citer tous les leitmotive
de tel ou tel opéra, par exemple.
Richard Strauss en est un excellent exemple : il regorge d'envolées
irrésistibles (et tôt interrompues), mais ce sont finalement des
procédés conçus pour être spectaculaires, pas des détails que tel
chérira et que tel autre ne remarquera même pas. Ainsi l'Erdenflug à la
fin du premier tableau de La Femme sans
ombre, la fanfare de
Friedenstag, la fin de « Mein
Elemer » dans Arabella, « Denn du
bist stark » dans
Elektra, et bien sûr la fin de la
tirade de Chrysothemis à la fin de leur premier duo :
.
On note aussi (et surtout !) l'écrasante
majorité d'exemples tirés de la musique germanique.
Ce n'est pourtant pas le résultat d'un tropisme personnel (j'écoute
tout autant les français, par exemple), mais plutôt, à mon avis, une
conséquence structurelle : la musique germanique est plus mélodique,
plus organisée, et les motifs y ont donc une prégnance et une
importance sans commune mesure. Au contraire, les français écrivent
plutôt des pièces où l'exaltation peut être de même intensité, sans
attente ou tension-détente. On n'attend pas un moment particulier dans La Mer, alors que tout paraît arc-bouté
vers la fin dans les symphonies de Mahler.
Parce que, au bout du compte, je crois que l'un
des facteurs majeurs de ces moments privilégiés est l'harmonie. Un
petit changement de couleur dans les accords (comme ici, dans Arabella)
semble ouvrir sur un monde nouveau, et crée, par contraste, cette
impression ineffable. C'est l'un des principaux vecteurs d'émotion au
cinéma, et sa force est telle qu'il n'y a pas besoin d'user de grands
raffinement pour la voir opérer : c'est ce qui se passe dans la chanson
lorsqu'on monte le refrain d'un ton pour relancer et intensifier le
discours – totalement rudimentaire, peut-être même méprisable
techniquement, mais imparablement efficace.
4. Et chez
l'horrible Richard Wagner ?
Lorsque la conversation avait d'abord surgi, on m'avait demandé ma sélection
dans le Ring. Alors, tant que je
suis dans le quartier… Purement personnel, juste les mots concernés (pas les
sections entières).
¶ « Ein stolzer Saal, ein starkes Schloß » (Rheingold,
dans le monologue de Loge, juste avant le thème du Walhall).
¶ « er freite ein Weib, das ungefragt Schächer ihm schenkten zur Frau » (Walküre I, dans « Der Männer Sippe »).
¶ « Gäste kamen und Gäste gingen, die stärksten zogen am Stahl... keinen
Zoll entwich er dem Stamm » (idem).
¶ « Du zeugtest ein edles Geschlecht ; kein Zager kann je ihm entschlagen »
(duo final).
¶ « der frech sich wagte, dem freislichen Felsen zu nahn ! » (juste avant
les Adieux).
¶ L'Interlude pour l'arrivée de Siegfried sur la montagne (Siegfried,
acte III). Mais ça, c'est trop long.
¶ Postlude du duo Siegfried / Brünnhilde (Crépuscule,
acte I). Pareil.
Dans les versions françaises, mes choix seraient bien entendu
différents, très liés à la saveur des textes de Wilder ou Ernst.
Comment se passer de « Folle jactance ! Infructueuse audace ! » en II,2
de Die Walküre ?
… mais cela n'a en réalité pas vraiment de sens : dans ce type d'œuvre,
un instant prend surtout son prix dans le contexte, voire dans la durée
et l'écho, même s'il n'y a pas de motif saillant à ce moment-là. Mais
le fait d'en préparer un, d'être entouré d'autres choses, participe
grandement à la réussite de l'instant proprement dit.
5. Avant de nous quitter
Bien sûr, je ne puis trop vous enjoindre à partager vos propres
exa-/exultations.
De mon côté, pour prouver l'excellence proverbiale de mon bon goût,
voici deux exemples souverainement raffinés que je n'hésiterais pas à porter en étendard.
La clausule très archaïsante de l'Appel desMaîtres à l'acte I des Meistersinger
de Wagner.
… une nouvelle remise des putti d'incarnat, sur le terrain abondant mais inhospitalier des concertos pour piano.
Principe
Le concerto est, de façon parfaitement explicite (au même titre que l'opéra seria), le lieu de la virtuosité, avant d'être celui de la musique. Mais autant le concerto pour violon peut s'échapper de la contrainte par des mélodies rêveuses et des atmosphères orchestrales prégnantes, autant celui pour piano, à cause même de la nature de l'instrument (harmonique) et de l'expression de sa virtuosité (en général du remplissage par gammes et arpèges), laisse moins de place à l'évocation… le piano s'impose dans le discours, et ne peut pas être un prétexte de second plan — cela arrive rarement en tout cas, et l'on voit bien pourquoi.
En conséquence, le concerto pour piano est un univers pas toujours très exaltant musicalement, sauf à aimer le piano comme d'autres aiment la glotte — et c'est pourquoi, depuis quelque temps déjà, j'ai soigneusement relevé le nom de ceux qui me paraissaient dignes d'être découverts ou réécoutés. Les voici pour vous.
Détail tiré de L'Audition du concerto, tableau allégorique de Lagrenée l'Aîné. Huile sur toile, 1766. Collection particulière.
Comme pour les précédentes distributions de putti d'incarnat (symphonies, quatuors à cordes, musique sacrée, opéras contemporains, trio de toutes sortes, quatuors avec piano et cordes, piano solo, sonates pour violon, lieder orchestraux décadents, concertos pour clarinette, chœurs profanes a cappella, mélodies maritimes), une petite sélection, qui ne reflète que mes goûts (et où manquent donc quelques classiques que je ressens comme moins essentiels) mais qui vous donnera peut-être envie d'essayer des choses inattendues.
Cette liste ne contient pas les quintettes pour piano et vents (en général moins intéressants), les quintettes à cordes (pas très nombreux, mais remarquables pour certains) ni les quintettes avec clarinette (qui concentrent beaucoup de bijoux négligés… pour une autre fois !).
Il est évidemment impossible de présenter chaque œuvre, mais on répond volontiers aux questions en commentaires.
Voici la liste, organisée par date de naissance des compositeurs :
Dans notre série de remise des Putti d'incarnat, je voudrais présenter les lieder, songs & mélodies en lien avec grandes étendues liquides et salées. Non pas que ce soit particulièrement un thème de prédilection personnel, mais il se trouve que les grandes étendues (physiques et harmoniques), les possibilités de contraste ou de figuralisme, les airs populaires des marins innervent avec bonheur un bon petit nombre de ces compositions.
Détail tiré de Hoé ! Hisse hoé ! de Lagrenée l'Aîné. Huile sur toile, 1766. Collection particulière.
Toujours sur le même modèle que les autres remises des putti d'incarnat : sélection tout à fait subjective, mais qui peut servir à signaler des œuvres assez peu diffusées, et largement dignes d'être fréquentées.
Dans le domaine des chœurs profanes a cappella, les hiérarchies évidentes dans d'autres genres (quelques figures sont bel et bien incontournables dans la symphonie ou le quatuor) s'effacent largement, aussi j'espère qu'il y aura quelques découvertes à faire dans la liste.
Mes excuses par avance pour le nombre élevé d'incontournables (et la liste n'est pas complète, loin s'en faut) : c'est l'un des genres les plus propices à l'excellence qui soient, et les romantiques germaniques et suédois, ainsi que les nordiques du XXe siècle, ont livré une quantité assez effarante de bijoux.
J'y ai conservé quelques titres déjà mentionnés en musique sacrée, mais dont le propos me semble plus esthétique que liturgique.
Deux catégories :
¶ Œuvres originales ;
¶ Transcriptions.
Le classement s'opère par ordre chronologique approximatif (date de naissance des compositeurs).
J'ai volontairement abandonné le madrigal (et d'une manière plus générale le répertoire antérieur à 1800) pour ne pas surcharger une short-list déjà assez étendue (alors qu'incomplète).
Toujours sur le même modèle que les autres remises des putti d'incarnat : il s'agit de signaler des oeuvres, souvent assez peu diffusées, qui me paraissent apporter un supplément aux corpus habituellement joués. Pour donner un peu la mesure de mes inclinations, je laisse les oeuvres célèbres qui me plaisent dans la liste.
Ce n'est donc surtout pas une hiérarchie, et l'absence de tel ou tel standard (pas vraiment le cas, en l'occurrence !) ne prête pas vraiment à conséquence, ce sont plutôt les noms qui donneront des idées de découverte qui seront précieux.
Orchestrés a priori ou a posteriori, une proposition de cycles particulièrement réussis à mon gré. Pour des raisons évidentes de quantité, je n'ai pas retenu les oeuvres isolées. De même, si j'ai inclus les symphonies mettant en musique des poèmes pour voix solo, je n'ai pas conservé les monodrames (comme Schönberg ou Poulenc), qui par définition ne mettent pas en musique de la poésie.
Malgré les réserves que j'ai émises sur les lieder orchestraux en tant que genre poétique, il faut bien admettre que la forme accueille de nombreux chefs-d'oeuvre.
Encore une fois, aucune prétention à l'exhaustivité, simplement une sélection d'oeuvres à écouter, sur le simple critère des goûts du taulier (oui, c'est marqué dans la description : interlope).
Une forme de bouche à oreille, tout à fait informel.
Néanmoins, je crois avoir cité, en fin de compte, non seulement ceux que j'aimais (illustres ou obscurs), mais aussi la plupart de ceux qui sont célèbres. J'ai donc inclus en italique et entre crochets les quelques oeuvres célèbres que je ne recommande pas forcément en premier lieu (voire que je n'aime guère, comme Das Klagende Lied ou le Marteau sans Maître), de façon à disposer d'un panorama un peu plus complet.
Il est intéressant de constater qu'à peu près tous ceux cités ici ressortissent à une esthétique assez proche de l'esprit "décadent", et pas seulement en raison de mes goûts propres : on trouve très peu de lieder orchestraux célèbres dans les périodes précédentes, en dehors des Nuits d'Eté de Berlioz et des Wesendonck-Lieder de Wagner (et ce dernier cycle ne me convainc pas pleinement). Ceux du premier XXe ont pour la plupart cette petite teinte fin-de-siècle, que je les aie "sélectionnés" ou non.
[[ 1880 - Gustav MAHLER - Das Klagende Lied (Mahler d'après Bechstein et Grimm, débuté en 1878) ]]
1886 - Gustav MAHLER - Lieder eines fahrenden Gesellen (Mahler)
1889 - Hugo WOLF - Harfenspieler I,II,III (Goethe)
[[ 1892 - Ernest CHAUSSON - Le Poème de l'amour et de la mer (Bouchor) ]]
[[ 1899 - Edward ELGAR - Sea Pictures (Noel, Mrs Elgar, Barrett Browning, Garnett, Gordon) ]]
1899 - Guy ROPARTZ - Quatre Poèmes de l'Intermezzo de Heine
1901 - Gustav MAHLER - Des Knaben Wunderhorn (Arnim & Brentano, débuté en 1892)
1901 - Oskar FRIED - Die verklärte Nacht (Dehmel)
1903 - Maurice RAVEL - Shéhézarade (Tristan Klingsor)
1904 - Gustav MAHLER - Rückert-Lieder
1904 - Gustav MAHLER - Kindertotenlieder (Rückert)
[[ 1905 - Arnold SCHÖNBERG - Sechs Lieder Op.8 (Hart, volkslieder, Förster traduisant Pétrarque) ]]
1906 - Ernest BLOCH - Poèmes d'automne (Rodès, orchestration 1917)
1908 - Alban BERG - Sieben Frühe-Lieder (orchestration 1928)
1909 - Gustav MAHLER - Das Lied von der Erde (Bethge)
[[ 1911 - Arnold SCHÖNBERG - Gurrelieder (Robert Franz Arnold traduisant Jens Peter Jacobsen, débuté en 1900) ]]
1912 - Alban BERG - Altenberg-Lieder
1914 - Guy ROPARTZ - Quatre Odelettes (Régnier)
1922 - Franz SCHREKER - Fünf Gesänge für eine tiefe Stimme (Ronsperger, débuté en 1909)
1927 - Franz SCHREKER - Vom ewigen Leben (Whitman)
[[ 1929 - Alban BERG - Der Wein (Stefan George traduisant Baudelaire) ]]
1936 - Olivier MESSIAEN - Poèmes pour mi (Messiaen, orchestration 1937)
1938 - Ture RANGSTRÖM - Häxorna (Karlfeldt)
1944 - Henri DUTILLEUX - La Geôle (Cassou)
[[ 1946 - Pierre BOULEZ - Le Visage Nuptial (Char) ]]
1948 - Richard STRAUSS - Vier letzte Lieder (Hesse, Eichendorff)
1948 - Pierre BOULEZ - Le Soleil des eaux (Char)
1952 - Manfred GURLITT - Vier dramatische Gesänge (Hardt, 2 Goethe, Hauptmann)
1954 - Henri DUTILLEUX - Deux sonnets de Jean Cassou
[[ 1954 - Pierre BOULEZ - Le Marteau sans Maître (Char) ]]
1957 - Pierre BOULEZ - Pli selon Pli (Mallarmé)
Je trouve que la présentation par ordre chronologique est assez stimulante, tant elle révèle l'entrelacement de styles différents - et combien ceux qui nous paraissent modernes et originaux le sont parfois vingt ans après les autres... ou inversement, combien certains novateurs le sont à des dates très précoces, davantage que celles auxquelles l'on place généralement leur aire / ère d'influence.
Il existe bien sûr d'autres cycles intéressants, comme certains recueils de mélodies orchestres de Koechlin, mais j'avoue ne pas leur avoir trouvé le même intérêt qu'aux titres (remarquables, vraiment) de cette liste.
Si vous devez en essayer quelques-uns pour commencer, je me permets de vous recommander tout particulièrement les chatoyances de Vom ewigen Leben de Schreker (version Ruzicka, les autres ne rendant pas forcément justice à l'oeuvre), les Vier dramatische Gesänge de Gurlitt et les Quatre Odelettes de Ropartz.
A ceux-là, j'aurais envie d'ajouter certains formats étranges, pour ensemble, ou semi-oratorios, qui auront difficilement l'occasion d'apparaître dans une liste :
Sonates pour violon & piano ou violon & basse continue - à l'exclusion des sonates pour violon seul ou violon et basse continue, dont l'objet et les contraintes sont tout à fait distincts des oeuvres mentionnées dans cette liste.
Vu l'immensité du corpus, ce n'est pas tant le meilleur de ce qui existe qu'une sélection d'oeuvres particulièrement marquantes, parmi celles que j'ai pu écouter jusqu'à présent. Autant on peut avoir l'impression d'appréhender un peu le plus intéressant de la production pour d'autres genres de chambre, autant les sonates pour violon, en plus d'être pléthoriques, recèlent beaucoup de surprises. La variété des possibles y semble de surcroît infiniment extensible, sans le côté rassurant « par accords » qu'on trouve dans les trios, quatuors ou quintettes, qu'ils soient à cordes ou avec piano.
Au passage, il est remarquable que les compositeurs aient manifesté bien davantage de créativité pour la formation violon & piano que pour violoncelle & piano - très nombreuses oeuvres aussi, mais dont le style et les procédés sont en général considérablement plus prévisibles.
Question posée : dix disques représentant des sommets de l'interprétation pianistique, ou en tout cas des aboutissements notables. Comme la réponse peut être un peu plus originale que les rayons de la FNAC, j'ai eu la fantaisie d'y répondre.
Tentative de sélection de dix disques majeurs pour moi, à la fois des oeuvres majeures et des exécutions particulièrement marquantes.
Bach - Suites Anglaises - Murray Perahia (CBS)
=> Lecture à la fois méditative et sensible aux inégalités et à la danse, une gravure légendaire à juste titre.
Rameau - Suite en sol et Suites en la - Alexandre Tharaud (HM)
=> Tharaud réinvente le toucher du clavecin sur un piano : de vrais trilles progressifs et organiques, une inégalité subtile, de la danse et de l'espièglerie partout. Absolument fascinant - ce qu'il fait est en principe techniquement impossible sur un piano. La Suite d'hommage à Rameau (par Mantovani pour l'allemande, Connesson pour la courante, Pécou pour la sarabande, Campo pour les Trois Mains, Maratka pour la Triomphante et Escaich pour la gavotte) intercalée entre les mouvements de la seconde suite en la, et donnée seulement en concert, était également fascinante.
Bruckner - Adagio en ut dièse mineur - Fumiko Shiraga (BIS)
=> La réduction du mouvement lent de la Septième Symphonie, par Bruckner lui-même. Shiraga obtient des colorations incroyables, recréant l'orchestre de façon crédible au piano - là aussi, c'est en théorie inaccessible.
Debussy - Intégrale - François-Joël Thiollier (Naxos)
=> Parmi l'immensité de versions remarquables de Debussy, Thiollier se dégage à la fois comme l'une des plus inspirées et des plus singulières. Beaucoup de pédale, mais avec un grand niveau de détail et de phrasé dans ce brouillard assumé.
Koechlin - Les Heures Persanes - Herbert Henck (Wergo)
=> A oeuvre poétique, lecture poétique. La prise de son assure en outre une très grande profondeur des graves, remarquablement enveloppante.
Tournemire - Préludes-Poèmes - Georges Delvallée (Accord)
=> Parmi les oeuvres les plus virtuoses jamais écrites pour piano, mais avec un pouvoir d'évocation exceptionnel. Delvallée, plus célèbre comme organiste, émerveille par sa maîtrise olympienne, avec un son très dense.
Decaux - Clairs de lune - Marc-André Hamelin (Hyperion)
=> Ascétiques (avant la dernière pièce), explorant l'atonalité dès 1900, ces Clairs de lune mystérieux constituent un des corpus les plus fascinants pour l'instrument. Hamelin y ajoute son éloquence propre.
De même que précédemment pour d'autres formations, une sélection d'oeuvres recommandées, pour inviter à la découverte. Impossible matériellement de parler de tout cela à la fois, mais les questions sont bienvenues, évidemment.
Cette sélection :
est, comme les autres, purement subjective, rien de plus qu'une suggestion, et certainement pas une représentation fidèle de la place de chacun dans l'histoire de la musique ou dans le panorama de l'aboutissement musical ;
exclut les oeuvres pour piano à quatre mains ou deux pianos, qui méritent une sélection autonome ;
inclut des oeuvres pour clavecin qui disposent d'une tradition d'exécution au piano.
En gras, les corpus qui me sont particulièrement chers, oeuvres isolées ou production entière. Présentation pseudo chronologique (par paquets totalement approximatifs).
La forme rassemble manifestement moins d'adeptes que les trios ou les quintettes, et elle est en effet plus délicate à maîtriser : alors que le trio est une forme assez élancée (violon mélodique et violoncelle pour asseoir la basse ou pour dialoguée), et que le quintette permet de faire dialoguer ou de compléter le quatuor à cordes avec un piano, le quatuor avec piano est une forme très dense, qui peut paraître un peu lourde du point de vue de l'équilibre sonore, avec un milieu harmonique très rempli.
Pourtant, on y trouve des merveilles, peut-être encore davantage que pour les quintettes. Quelques propositions.
Trios à cordes, trios avec piano (et cordes ou vents).
Je n'ai pas retenu le trio à vent, dont l'économie et le répertoire sont très différents, souvent représenté avec talent chez des compositeurs moins célèbres qu'il faut un peu aller dénicher - vous pouvez aller regarder du côté de Ferenc Farkas et Sándor Veress, par exemple, chez les post-ravéliens aussi, mais je n'ai pas vérifié leur disponibilité au disque.
J'ai en revanche inclus les trios à cordes, ayant à ce jour rencontré assez peu d'oeuvres marquantes pour cet effectif. Les seules pièces très intenses, je les dois à ma rencontre avec Herzogenberg, un représentant passionnant de la musique postromantique allemande - certains de ses quatuors, avec ou sans piano, peuvent se comparer au meilleur de ce qui a été composé pour ces formations.
Comme manifesté encore récemment, mais depuis longtemps, l'opéra contemporain rencontre un certain nombre de difficultés structurelles : musicales (techniques de composition inappropriées à la voix), culturelles (défiance face à la grande forme), économiques (peu de remplissage, donc peu de créations possibles, et par conséquent peu d'entraînement pour les compositeurs), librettistiques (recrutement aléatoire des librettistes, souvent des potes pas très préparés).
Alors qu'il existe tout de même un certain nombre de pièces instrumentales (ou vocales !) très réussies dans le répertoire récent, l'opéra semble avoir totalement dévissé. Après avoir longuement disserté sur les causes de cette traversée du désert, il était temps de regarder sous l'angle opposé : que faut-il écouter en théâtre lyrique contemporain ?
Voici donc une tentative de liste et de parcours expliqué pour pouvoir faire son choix. Avec inévitablement sa (ma) part de subjectivité, mais, je l'espère, avec suffisamment d'explicitation pour en faire son miel.
Sur le modèle des précédents Goblin Awards (symphonies, quatuors, opéras rares...), une petite sélection de Carnets sur sol : une suggestion de parcours, purement subjective, à travers les innombrables oeuvres sacrées disponibles (pour la plupart) au disque.
Sur le modèle des symphonies, une liste d'oeuvres que les farfadets de céans ont trouvé particulièrement intéressantes. Avec des astérisques pour les oeuvres les plus remarquées, soit au sein du corpus du compositeur, soit vis-à-vis de l'ensemble du répertoire.
Liste subjective bien sûr, dont l'intérêt ne porte pas tant sur la mention des "grands noms" (difficile de décider où ils s'arrêtent, mais ils avaient quelque peu monopolisé l'attention lors des réactions sur la publication autour des symphonies) que sur les suggestions de découverte. Suggestions qui suivent en l'occurrence uniquement mon goût personnel, mais qui peuvent mener, je crois, sur des veines assez richement pourvues.
Comme pour les symphonies, on remarquera aussi que ce n'est pas là - de mon point de vue - que s'est le mieux réalisée la créativité du second vingtième siècle, bien plus féconde dans les formes libres pour ensemble.
De façon tout à fait subjective bien sûr, une sélection de symphonies que je trouve particulièrement enthousiasmantes. Bien sûr, ce n'est une garantie de rien du tout, mais si cela peut attirer l'attention sur des pièces spécifiquement intéressantes et consciencieusement peu données... Les plus célèbres peuvent servir d'étalon pour les lecteurs les plus récents.
La double astérique indique les oeuvres qui m'enthousiasment sans réserve, l'astérique simple indique les symphonies qui (me) sont particulièrement notables chez un compositeur.
Une présentation globale de ces titres est en cours dans les ateliers de CSS. Certains figurent déjà dans ces pages, et vous pouvez les retrouver par la boîte de recherche à droite (ou en saisissant « Carnets sur sol Untel » dans un moteur de recherche généraliste).
On souhaite souvent, sur Carnets sur sol, que des raretés soient jouées. Mais de quoi parlez-vous, à la fin ?
Voici une petite liste de souhaits, limitée au domaine de l'opéra (sinon, c'était la mort du petit cheval) ; loin d'être exhaustive évidemment, mais elle peut donner une idée de certains pans totalement négligés du répertoire, alors même qu'on ne joue que quelques titres dans une période ou un style.
Les lutins locaux sont évidemment tout disposés à préciser la raison de leurs choix aux habitués comme aux visiteurs de passage.
LEGENDE :
| * : disponible au disque
| ** : il existe des enregistrements, hors commerce, auxquels j'ai eu accès
| *** : je n'ai aucun enregistrement, mais j'ai lu ou joué la partition
| **** : totalement indisponible, bandes sonores comme partitions (j'ai en revanche pu lire le livret dans certains cas)
Evidemment, il est toujours possible que la disponibilité d'enregistrements nous ait échappé... On peut opportunément nous le préciser en commentaire ou par courriel.
Contrairement aux développements de genres et styles parallèles dans l'histoire de l'opéra français ou aux ruptures dans l'histoire de l'opéra italien, l'opéra allemand suit en réalité un chemin assez linéaire, qui ne se complexifie qu'à l'orée du XXe siècle.
Toutefois, à cette date, les courants et les langages deviennent si riches, si complexes, s'entrecroisant et se contredisant jusque chez un même compositeur, et quelquefois menant deux courants idéologiquement antagonistes à des résultats sonores similaires... qu'il est assez difficile de proposer cela sous forme synthétique. On serait incomplet, ou bien allusif et obscur, ou au contraire trop détaillé.
En l'occurrence, le résultat sera trop touffu pour les lecteurs plus néophytes.
Bref, le résultat de cette tentative n'est pas satisfaisant, mais on le livre tout de même, à titre de repère (un tiens valant mieux...)
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1. Exception hambourgeoise : un seria local
L'opéra allemand n'existe pas au XVIIe siècle en tant que genre. Il existe peut-être des partitions expérimentales enfouies, mais je n'en ai jamais vu, et elles resteraient de toute façon marginales.
On cite une Dafne de Schütz (1627), dont seul le livret subsiste, mais rien qui puisse permettre de documenter un genre en tout cas.
Il faut attendre le XVIIIe siècle pour voir apparaître des exceptions locales. On jouait alors l'opéra italien partout en Europe, sauf en France, et plus précisément cet opéra seria. Ce genre opératique était né en Italie de la fascination croissante pour la voix comme instrument, au détriment du projet original d'exalter un poème dramatique par la musique. On y trouvait des airs clos (dits "à da capo", c'est-à-dire de forme ABA') très virtuoses, entre lesquels l'action avançait rapidement par des "récitatifs secs" (une écriture rapide et peu mélodique, calquée sur la prosodie italienne et uniquement accompagnée par la basse continue).
Il a cependant existé, pendant des périodes plus ou moins restreintes, des exceptions locales en Europe (cour de Suède par exemple), et spécialement dans certaines villes d'Allemagne. On y écrivait aussi du seria, avec les mêmes recettes... mais en langue allemande.
Quelques compositeurs célèbres se produisirent à Hambourg : Haendel (son premier opéra, Almira, Königin von Kastilien, était en allemand sur un livret adapté de l'italien) et Telemann, mais aussi Reinhard Keiser, qui produisit près de 70 opéras, et quasiment tous pour Hambourg. On trouve aussi mention de Philipp Heinrich Erlebach, Georg Caspar Schürmann ou Johann Christian Schieferdecker, dont certaines oeuvres sont disponibles au disque, mais qui n'ont pas, aujourd'hui encore, de grande renommée.
L'Orpheus de Telemann, comble du syncrétisme, mêle même des airs en italien et des choeurs en français, selon le caractère recherché, à une trame allemande.
L'opéra hambourgeois est un opéra virtuose, bien écrit, qui adopte certaines tournures harmoniques spécifiquement germaniques, et dont les récitatifs sont par la force des choses assez différents des italiens... mais il ne s'agit que d'une adaptation limitée géographiquement d'un genre qui vient de l'étranger. On est très loin d'un opéra proprement national.
2. Le Singspiel, première forme originale
Au milieu du XVIIIe siècle, apparaît une forme nouvelle, une version comique de l'opéra, qui s'apparente à l'opéra comique français : des "numéros" musicaux (airs, ensembles, parfois pièces d'orchestre...) clos sont entrecoupés de dialogues parlés, le tout étant en langue allemande.
La forme trouve probablement son origine avec les miracles du XVIIe siècle, mais on considère que ses "inventeurs" sont Hiller & Weisse, qui collaboraient ensemble vers le milieu XVIIIe siècle.
C'est le genre dans lequel sont écrits les opéras allemands de Mozart : Bastien und Bastienne, Die Entführung aus dem Serail, Die Zauberflöte. Peu d'oeuvres d'autres compositeurs de l'époque sont disponibles au disque : Holzbauer par exemple, qui est extrêmement intéressant ; ou (Paul) Wranitzky dont l'Oberon, König der Elfen (1789) est un bijou déjà très romantique, bien plus moderne que la Flûte Enchantée (1791) par exemple.
Ainsi, la naissance d'un opéra réellement attaché à la langue allemande se fait sous la forme comique et hybride du parlé et du chanté. Ce qui n'aura pas une conséquence durable sur son évolution.
On parle beaucoup du sujet sur CSS, mais finalement, on n'a pas encore dressé de point de vue surplombant pour reclasser tous ces gens dans leur époque et leur style.
Voici donc une très rapide nomenclature, proposée sur un site voisin, avec un ton un peu informel.
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