Faute de temps pour achever une des notules plus ambitieuses en préparation, quelques présentations supplémentaires des nouveautés 2019 sous l'article concerné.
(Il m'en reste une demi-douzaine à commenter et une bonne dizaine à écouter… sans parler de ceux qui ont dû paraître ce vendredi. Le fil devrait continuer à être alimenté, donc.)
Ce billet, écrit à par DavidLeMarrec dans la catégorie Intendance a suscité :
Compositeur :Jan Dismas ZELENKA (1679-1745) Œuvre :Requiem en
ré majeurZWV 46 pour le Prince-Électeur
Friedrich August Ier (1733) Commentaire 1 : Couplé avec un Office pour les Défunts complet
(constitué de 3 Leçons et 9 Répons – les 6 autres leçons étant, sauf
erreur, simplement lues), ce Requiem
(on en a au moins retrouvé 4, dont un seul en mineur) présente de
nombreux traits originaux qui justifient sa mise en avant pour cette
décennie 1730.
Sa lumière
d'abord, une vision réellement radieuse de la mort, clairement inspirée
par l'idée de Résurrection… le faste de Contre-Réforme dans ses chatoyances les
plus expansives. Plus largement ensuite, on est frappé par le nombre de
solos instrumentaux, d'airs lumineux, de contrepoints très mélodiques,
d'effets orchestraux.
Et pourtant, cela ne se transforme pas en opéra
déguisé, en prétexte à virtuosité… la forme
en est singulière, aussi
éloignée de l'opera seria que
possible : chaque section dispose de son caractère, sans répétitions
systématiques ni formes réellement closes. En revanche, débauche musicale qui a peu
d'exemple, comme ce Tuba mirum
pour deux basses solo, dont les tuilages sont augmentés de sonneries de
trompette, comme grand solo de clarinette, rare pour l'époque, en
contrepoint de l'alto et du ténor dans le Recordare (de même pour le soprano
solo du Christe eleison et
l'alto solo de l'Agnus Dei),
ou comme cette fugue pour la reprise du Kyrie, interrompue par des échos de
la section de vents, comme si un concerto grosso de plein air venait
interrompre la fugue finale du Messie.
Le style harmonique et mélodique n'est par ailleurs pas sans parentés
avec celui de Bach (qui appréciait ce confrère), que ce soit pour les
chœurs avec trompettes (façon oratorios de Noël ou de Pâques), pour les
airs ornés ou pour les chromatismes choraux (tels ceux, ascendants, du Lacrimosa, qui évoque les chœurs
d'action des Passions).
Une sorte de réservoir
d'idées assez originales, qui couvre une bonne partie des
pratiques du temps et les outrepasse – tout à fait jubilatoire à
l'écoute.
Interprètes : Hana
Blažíková, Markéta Cukrová, Sébastian Monti, Tomáš Král, Marián Krejčík
– Collegium Vocale 1704, Collegium 1704, Václav Luks Label : Accent Commentaire 2 : Luks et son ensemble me paraissent
tout simplement les meilleurs interprètes de la musique de cette
période – du moins pour la zone d'influence germano-anglaise. Animation
et sobriété, grand soin de la rhétorique verbale, tout claque mais sans
à-coups ni discontinuités, et sans chercher à multiplier, comme
beaucoup d'ensembles spécialistes, les effets. Tout est au cordeau,
mais pensé pour la musique elle-même, sans recherche de la surprise,
mais toujours dans une forme d'équilibre sophistiqué qui profite à
l'éloquence.
Par ailleurs, il n'a pas été chercher ici des chanteurs de seconde zone : outre le
chœur excellent, Hana Blažíková (exemple-type du soprano finement
focalisé à la tchèque) est souvent recrutée pour des solos d'oratorio
ou des parties de madrigal par les plus grands (Lassus et Gesualdo de
Herreweghe dernièrement, mais ses enregistrements sont nombreux !),
Sébastian Monti (découvert dans le plain-chant de la Messe de Boutry
remontée par Martin Robidoux, et présent dans plusieurs productions
importantes de tragédie en musique), Tomáš Král… Les deux basses
tchèques mêlent verticalité de l'assise et clarté du timbre d'une façon
absolument délectable.
Une belle version animée et interprétée à très haut
niveau, donc, qui parachève l'expérience.
Un peu de
contexte : Zelenka
Zelenka est une redécouverte récente de la
musicologie. Depuis les années 1980, il est passé d'inconnu à pilier du
répertoire discographique, abondamment documenté. Né en Bohême, formé à
Prague et à Vienne, il a exercé à Prague et surtout à Dresde, dont il
constitue la grande figure musicale du début du XVIIIe siècle, en
particulier sacrée (mais aussi instrumentale). Catalogue extrêmement
riche, explorant des styles assez variés, qui reflètent largement les
tendances de son temps. Zelenka a la particularité d'avoir écrit hors
des contingences des services liturgiques réels : ses dernières messes,
beaucoup plus longues et exigeantes en effectifs, paraissent
fantaisistes pour l'insertion dans une célébration, et, nommées Missæ ultimæ par lui-même, on
soupçonne qu'elles constituent une sorte de testament-démonstration
plus qu'une réponse à un besoin concret de commanditaires.
Ses Répons pour l'office des Ténèbres, ou bien ses
œuvres instrumentales parfois d'une assez grande liberté, donnent une
image de son originalité et de son talent, aussi bien dans
l'instrumentation que dans le contrepoint, le tout servi par une veine
mélodique qui, sans être la plus forte de son temps, soutient
immanquablement l'intérêt. (Mais je crois vous avoir sélectionné son
plus beau disque disponible à ce jour. Contre-propositions acceptées en
commentaires…)
Alternative
discographique :
Il existe une autre version, sur instruments
modernes avec l'Orchestre de
Chambre de Berne, parue chez Claves en 1985, dirigée par Dähler dans
une distribution de grands chanteurs (Brigitte Fournier, Balleys, Ishi,
Tüller), évidemment beaucoup moins affûtée stylistiquement (quoique
tout à fait opérante).
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