Carnets sur sol

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dimanche 29 mai 2011

Le lied en français - XVI - Täuschung (Die Winterreise n°19)


Nouvelle livraison.

J'ai conservé l'ordonnancement des rimes, quitte à faire se suivre deux rimes masculines, pour ne pas déranger les appuis prosodiques.

Dans le même esprit, j'ai aussi modifié certaines liaisons, qui se fondaient très bien sur le rythme musical, mais qui une fois le poème transposé en français gênaient le naturel de la langue. J'ai donc à plusieurs reprises changé des carrures du type "croche_croche croche" en "croche croche_croche".

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1. Poème

Suite de la notule.

samedi 28 mai 2011

Le lied en français - XV - Franz Schubert, Der Wegweiser (Die Winterreise)


Manière de ne pas perdre la main (les trois quarts des traductions du Winterreise sont prêtes), une nouvelle partition en français d'un lied schubertien.

Pour les principes généraux, on renvoie à l'ensemble de la série.

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1. Les choix

Peu de remarques à faire pour ce lied-ci, à part peut-être le singulier pour "sentier" : à l'écrit, je privilégierais bien sûr le pluriel, mais la liaison serait assez peu euphonique lorsque chantée.

Le poème français n'est pas entièrement satisfaisant (des écarts, par exemple l'hypallage du dernier vers), mais suit la progression de l'original et se montre plutôt opérant prosodiquement.
Bien sûr, il faut toujours voir que ces traductions sont conçues pour être chantées (sur une musique préexistante, à la manière de lyrics) et non pour être lues - auquel cas elles se montrent inévitablement bancales et moches. Car l'économie d'un texte chanté est très différente, s'appuyant sur des mots-pivots plutôt que sur un galbe général.

Enfin, le projet est ici de permettre de chanter, pour le confort des étudiants en chant, pour l'accès des amateurs non germanophones ou pour l'usage des confirmés qui souhaitent mettre plus aisément l'oeuvre à disposition du public, le Winterreise en français ; il ne s'agit en aucun cas de produire une poésie autonome, et il est plus qu'évident, en les lisant, que ces poèmes s'écrouleraient sans la cohérence que leur impose la musique et la référence à l'original.

La logique de leur production n'est d'ailleurs pas du tout comparable à celle que je mets en oeuvre lorsqu'il m'arrive de produire de petits pastiches.

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2. Le poème

Suite de la notule.

Salons musicaux au Musée d'Orsay


Rapides chroniques autour des concerts consacrés à Marguerite de Saint-Marceaux et Winnaretta Singer princesse de Polignac, tirées du fil de la saison.

Suite de la notule.

Retour en grâce


Après bien des errances, un test pour la reprise de Diaire sur sol en le rendant à sa vocation première : des fragments, des instantanés, des esquisses sur des sujets que je n'ai pas forcément le temps (ou le désir prioritaire pour une raison ou une autre) de traiter sur Carnets sur sol.

Souvent évoquer simplement une écoute que je viens de faire, qui n'a pas vocation à être développée tout de suite en une notule qui apporte des informations neuves, mais qu'il peut être intéressant de mentionner, comme suggestion d'écoute, ou pour une remarque à la marge.

En observation.

Mise à jour


... très substantielle de l'index. Toutes les entrées principales depuis fin 2010 sont désormais incluses.
Il n'est pas exhaustif pour les entrées plus anciennes, mais un certain nombre de choses s'y trouvent déjà.

Vous pouvez y accéder aisément par le lien situé en haut à gauche de cette page.

mercredi 25 mai 2011

Atmosphères - II - Jubilation cosmique


Dans la série déjà amorcée autour des atmosphères musicales, voici une petite liste d'oeuvres qui peuvent transmettre la sensation d'une exultation très positive, brillante et sans frein. Bien sûr, j'ai dû en laisser beaucoup, et il y a bien des cas limites (nul doute que certains seront plus hystérisés par un final d'un opéra Rossini que par ceux des Sonates de Koechlin...). Néanmoins, quelques titres dans la liste pourraient être de belles découvertes si vous ne les avez pas testés !

Je signale prudemment que cette sélection est purement affiliée à ma subjectivité, et sera donc considéré à bon droit lacunaire ou abusif pour tel ou tel titre. [Je m'attends par exemple à des réclamations sur l'absence du final de Neuvième de Beethoven, qui n'entre pas pour moi dans le cadre d'une exultation sans frein, vu ses fréquents "paliers".]
Pour plus de clarté, j'ai mis en gras les flacons qui me paraissent particulièrement puissants (sans qu'il y ait hiérarchie de valeur, au demeurant).

Liste susceptible de s'agrandir, évidemment.

... et les listes personnelles des lecteurs de CSS sont bien sûr chaleureusement accueillies.

Suite de la notule.

Hilarité d'initié


Vérifiez si vous êtes in ou out :


Suite de la notule.

mardi 24 mai 2011

Paradoxes italiens : l'italianisme dans la France baroque



Une illustration, éloquente pour notre propos, de Jean Bérain pour l'acte V de ''Philomèle'' de Roy et La Coste : on y voit des marins danser autour d'un mât stylisé, situation galante au coeur d'un des actes les plus terribles de l'histoire de l'opéra (toutes époques confondues), où, pour caricaturer ce que je vais développer ci-après, les nouvelles manières décoratives italianisantes voisinent avec la violence de la nouvelle dramaturgie française.
Mais c'est en réalité plus complexe que cela :


1. Etat des lieux

Dans ces relations complexes, deux épisodes sont assez célèbres :

  • L'introduction de l'opéra en France par Lully, qui avait été compositeur de ballets pour L'Ercole Amante de Cavalli (création, à Paris, en 1662), opéra à machines qui inspira grandement le merveilleux scéniques de la tragédie en musique... et qui créa son propre genre lyrique à partir de 1673 avec Cadmus et Hermione.
  • La querelle menée au milieu du XVIIIe siècle par les Encyclopédistes du Coin du de la Reine, partisans de la musique italienne (Rousseau en tête comme théoricien et compositeurs, mais de nombreux philosophes plus "profanes" comme Diderot étaient aussi de la partie) contre les "cris" du chant français (défendu par le Coin du Roi).


Un autre, qui n'est pourtant pas le moins intéressant, a moins de notoriété. Il s'agit des relations de la musique vocale et instrumentale, de la dernière décennie du XVIIe siècle à la deuximème décennie du XVIIIe siècle, avec les apports de la musique italienne.
C'est là un sujet pétri de contradictions, aussi bien idéologiques que proprement musicales. Et en cela, il est particulièrement intéressant, parce qu'on ne s'y limite pas à une lutte de principe sur des styles ou des nationalités, un véritable métissage se produit.

Rien qu'en s'en tenant, pour l'heure, au domaine de la tragédie en musique, il y a beaucoup à observer, y compris sur le plan purement musical.

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2. L'italianisme vu d'aujourd'hui

Il faut d'abord préciser les termes. Le sens que l'on donnerait aujourd'hui à l'italianisme ne recouvre que partiellement, voire contredit ce que l'on entendait alors.

De nos jours, on imaginerait :

  • la primauté à la voix, aux coloratures (ce qui n'est pas faux) ;
  • la présence de structure à da capo (forme ABA', où A' est ornementé), ce qui est exact ;
  • des ornements nombreux.


A propos des ornements, il faut préciser qu'ils désignent plutôt aujourd'hui ce qu'on appelait alors agréments : les notes de goût (tremblement, pincé, coulement, flattement, passage, port de voix, tour de gosier...) et qu'on pourrait apparenter dans la musique romantique aux trilles et appoggiatures.
Les ornements, quant à eux, désignaient les variations et "diminutions" (comme, par exemple, dans les airs de cour, chaconnes et passacailles). Voir cette notule pour plus de détails.

On peut considérer qu'on attendrait, aujourd'hui, que le style italien désigne les deux procédés, aussi bien les fioritures mélodiques (agréments) que les variations des da capo (ornements).

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3. Sens original accolé à l'italianisme

Dans le sens que lui donnaient les mélomanes au XVIIIe siècle, on retrouve effectivement un certain nombre de caractéristiques proches de l'opéra seria :

  • usage de coloratures hors des mots typiques comme "volez" ou "triomphez" qui étaient dès Lully susceptibles d'être vocalisés ;
  • apparition plus fréquente d'airs à da capo, et plus largement ornés ;
  • tournures mettant davantage en valeur la substance de la voix, comme des tenues sur batteries de cordes (on entend typiquement cela au début du premier acte de Médée de Charpentier : "Un dragon assoupi") ;
  • les marches harmoniques, peu prisées par l'école française.


Mais il y a plus essentiel musicalement... et plus étonnant pour nous :

  • l'usage développé du contrepoint : les choeurs en particulier ne sont plus écrits par accords comme chez Lully, ni même dans un contrepoint note à note, mais avec une polyphonie assez libre. Cela se vérifie très bien dans l'écriture orchestrale de Destouches, par exemple (qui n'était pourtant pas le plus italien de sa génération, et même plutôt présenté globalement comme un gardien du goût français). ;
  • l'utilisation d'un instrument solo (flûte ou violon, généralement) en un contrechant autonome pendant les airs, au lieu d'un simple accompagnement harmonique et éventuellement contrapuntique de l'orchestre ;
  • des audaces harmoniques, avec des modulations nombreuses, fréquentes et audacieuses, des frottements divers. En cela, la référence au style italien est plus celle de Giovanni Legrenzi et Michelangelo Falvetti que de Vivaldi : des italiens du milieu du XVIIe, très peu documentés par le disque, mais qui se situent quelque part entre Monteverdi et le seria, à la fois plus vocaux que les opéras des débuts, et toujours très inventifs, loin des formules ressassées du seria qu'on verra apparaître dès le début du XVIIIe siècle. L'influence de l'opéra seria sera sensible à une date bien plus tardive sur l'opéra français, plutôt vers la troisième école.


Bien que ce goût se soit largement développé au cours du XVIIIe siècle, jusqu'à produire les plus grands succès de Rameau et Mondonville, il était au tournant du XVIIIe siècle considéré de façon assez négative par les commentateurs, comme une façon de dénaturer le goût parfait du style lullyste. Il était en tout cas assez mal vu dans le cadre de la tragédie en musique.

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4. Un manifeste

Et cette défiance existe malgré les efforts de musiciens comme Campra ou Batistin pour concilier les deux "nations musicales" : le Prologue de Méléagre (1709) de Batistin, sur un livret de François Antoine Jolly, met ainsi en scène l'Italie et la France, ainsi qu'un Italien et une Française, pour vanter les qualités de leur alliance dans sa propre musique :

Scène 2

[...]

LA FRANCE (à l'Italie)
Les sons harmonieux que vous faites entendre
Suprennent, il est vrai, l'oreille et les esprits ;
Mais y voit-on régner ce charme doux et tendre,
Dont le coeur ne peut se défendre ?

L'ITALIE
Ecoutez-les, jugez mieux de leur prix.
Divin père de l'harmonie,
Fais sentir le pouvoir de nos savants accords ;
Du feu de tes ardents transports,
Echauffe notre heureux génie.

[...]

LA FRANCE
Grâces, qui prêtez à nos chants
Cette beauté naïve et pure
Que vous puisez au sein de la nature,
Inspirez-nous vos sons les plus touchants.

LE CHOEUR DE LA SUITE DE LA FRANCE
Que le charme flateur de nos tendres accents
Enchante les coeurs et les sens.

Scène 3

APOLLON
[...]
Signalez en ce jour votre ardeur réunie,
Chantez, redoublez vos efforts,
Faites triompher l'harmonie,
Par le mélande heureux de vos plus doux accords.

On y oppose le raffinement savant italien au naturel sensible français... tout simplement parce que, contrairement à l'époque de Rousseau, la norme pour apprécier une tragédie en musique reste encore le drame et la déclamation. Dans ce sens-là (contrairement à l'aspect purement musical), l'affirmation de Jolly est vraie.
Lorsqu'au milieu du siècle, la musique et donc la mélodie deviendront les critères premiers, on lira au contraire que l'Italie est plus proche de la Nature.

Volonté explicite d'alliance qui n'a pas eu d'effet sur le public, en tout cas pas dans un premier temps, puisque Méléagre n'eut pas de succès.

[Il faut dire que si la musique ressemble à ce que produit Stuck d'habitude, notamment dans ses cantates, il n'y avait pas forcément de quoi se pâmer de bonheur, mais plutôt de quoi roupiller de terreur...]

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5. L'influence de la cantate

En réalité, cette apparition était précédée par la parution de livres de cantates, où l'air orné et bénéficiant d'un contrechant instrumental était la norme :

  • 1706 : Jean Baptiste Morin
  • 1706 : Premier Livre de Jean Baptiste Stuck (dit Batistin)
  • 1708 : Premier Livre d'André Campra
  • 1710 : Premier Livre de Louis Nicolas Clérambault


Les audaces harmoniques y sont variées selon les auteurs, mais l'aspect italianisant de sa forme concertante, mettant en valeur la voix, sa substance, une relative agilité, et dialoguant avec des instruments solos... préfigure les tragédies qui, dès Médée de Charpentier en 1693, mais en particulier à partir de Philomèle de La Coste en 1705 et Hippodamie de Campra (1708), vont emprunter cette voie.

Le succès y sera par ailleurs assez divers (pas majoritairement éclatant)... mais ces oeuvres marquent de réelles nouveautés dans l'histoire du genre. De mon point de vue, ce sont peut-être même les plus intéressantes du répertoire baroque français.

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6. Contrastes

Cette chatoyance musicale nouvelle se note fortement chez Marin Marais (dès Alcide avec Louis Lully, en 1693), mais elle reste employée, avant 1705, pour des tragédies plutôt de type galant (dont l'archétype pourrait être la musicalement brillante mais dramatiquement creuse Alcyone en 1706, et dans une moindre mesure Omphale de Destouches en 1701), où l'intrigue, peu tendue, est surtout le support de divertissements nombreux.

A part l'exemple précoce de Médée de Charpentier et Thomas Corneille en 1683 - mal reçue du public à cause de son livret terrible, inhabituel sur la scène théâtrale chantée, de la suppression du divertissement du dernier acte pour une fin plus dramatique, et enfin des italianismes nombreux qui furent très souvent reprochés aux oeuvres de Charpentier -, il faut attendre 1705 et Philomèle de La Coste pour constater cette conjonction. Mais la fusion est encore plus spectaculaire dans l'Hippodamie de Campra, qui sans généraliser les airs à l'italienne, les introduit à plusieurs reprises et de façon très soignée et aboutie.

Ce qui étonne est surtout le télescopage de ce goût plus décoratif et plus vocal avec des livrets qui, sous l'influence déterminante de Pierre Charles Roy (y compris sur Antoine Danchet qui en exploitera admirablement la veine), vont devenir beaucoup plus sombres, complexes dramatiquement, riches psychologiquement, et d'une manière générale particulièrement tendus, même lorsqu'ils finissent bien comme Callirhoé de Destouches, l'une des pièces les plus optimistes de Roy - on y dispose même d'un deus ex machina dans la version originale de 1712, qui n'est pas celle gravée par Hervé Niquet.

Musicalement aussi, le mélange est étonnant, puisque ces pièces font la part belle au récitatif, qui devient plus abondant, parfois très torturé harmoniquement (par exemple le récitatif de la reconnaissance dans Idoménée de Campra en 1712)... et que malgré ce climat général on y trouve, chose autrefois rare ou absente, nombre d'ariettes (nom français donné à l'air à da capo), d'airs vocalisés en duo avec un dessus instrumental solo et autres galanteries.

Un paradoxe assez considérable, donc, qui nourrit grandement l'évolution musicale de la période.

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7. Envoi

Suite de la notule.

samedi 21 mai 2011

La rouée Omphale - (Destouches / La Motte)


En première mondiale, un extrait de la tragédie en musique d'André Cardinal Destouches et Antoine Houdar de La Motte.

L'occasion pour moi de revenir sur une présentation plus structurée de l'oeuvre.


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1. Contexte esthétique

Omphale (1701) est écrite dans le style galant à la mode depuis L'Europe Galant de Campra (1697) : la trame dramatique est le prétexte à d'innombrables ballets.

Le livret d'Antoine Houdar de La Motte fait de l'amour d'Hercule pour Omphale l'occasion de divertissements sans grand contenu dramatique (des fêtes pour plaire à la reine). Par ailleurs mollement versifié, si bien que les inégalités de mètres ne semblent plus dues, comme chez Quinault, à la volonté de varier les rythmes et d'éviter les ronronnements, mais à une sorte de contrainte maladroite pour retomber sur ses syllabes.

C'était ce qui plaisait alors au public post-lullyste (et toujours nostalgique), concomitamment avec des pièces beaucoup plus noires à partir de Médée de Charpentier (1693, année également de Didon de Desmarest, très lullyste mais peu optimiste), et surtout de Philomèle de La Coste et Roy (1705), qui étaient plus controversées, et néanmoins assez nombreuses sur les scènes. Voir par exemple les explications ici et .

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2. Oeuvre

Musicalement, la qualité des récitatifs de Destouches reste assez exceptionnelle, à la fois très respectueuse de la prosodie, comme le modèle Lully, et extrêmement élancée, avec beaucoup de "poussée" mélodique vers l'avant.

Les parties vocales et orchestrales (on n'en entend pas de significatives dans cet extrait) sont elles bien plus contrapuntiques, plus encore que dans la Callirhoé (1712) du même compositeur, avec des contrechants très chantants.

Et on repèrera quantité d'italianismes (au sens de l'époque), en particulier dans l'harmonie, très modulante. Typiquement, alors que nous sommes en ré majeur, la disparition de la sensible do dièse (remplacée par un do naturel qui change en un instant la tonalité en sol majeur), puis sa réapparition au sein du même phrasé, créant une instabilité harmonique assez troublante. Ecoutez par exemple les deux vers "Que ceux qui m'ont suivi se préparent aux jeux / Que je dois offrir à la Reine". On trouve exactement la même chose dans Hippodamie (1708) de Campra (versant "noir" des tragédies de l'époque).

Le livret est donc faible, mais la musique de grande qualité le rachète grandement partout où il est possible - mais elle ne peut pas non plus supprimer les inspirations malheureuses comme les répétitions plates du type "J'ai sauvé par la mort d'un monstre furieux / Tout ce que sa fureur était prête à détruire."

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3. Exécution

J'utilise ici une édition fin XIXe dont les réalisations sont assez bien faites. Et comme illustration, l'exemplaire copié par Philidor (André Danican) en 1704... et sans les chiffrages !

Au passage, on remarquera que le rôle d'Alcide - basse-taille, puisque le véritable amoureux, comme dans Roland de Lully, est haute-contre - se trouve écrit réellement haut pour sa tessiture, avec un certain nombre de fa dièse 4, ce qui est plutôt exceptionnel. C'est presque l'écriture d'un rôle de taille (ténor grave / baryton clair), ce qui n'est certainement pas la couleur d'Alcide prévue par le compositeur. D'ailleurs ses lignes mélodiques sont celles d'une basse de l'époque, clairement.

Précision habituelle à apporter : l'enregistrement que je propose est un document, pas un produit fini qui serait exempt de défaut. Je m'accompagne en même temps que je chante, sur un instrument de plus totalement inadéquat : aussi il s'agit plus de donner accès à l'aspect général et à l'esprit de l'oeuvre que d'en fournir une version complètement honnête et aboutie.

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4. Livret

Suite de la notule.

mercredi 18 mai 2011

Messiaen et la messe


1. Messiaen et la foi

On lit souvent que Messiaen est indissociable de sa vocation spirituelle. C'est à la fois vrai - comment saisir la portée de ses oeuvres sans leur programme et même plus, leur méthode ? De la même façon que les chants d'oiseaux (qui dialoguent également avec la foi de Messiaen) constituent une structure signifiante pour une partie considérable de son oeuvre. ... et à la fois inexact, puisque son oeuvre a des charmes en musique pure dans la plupart des cas.

Mais je voulais poser la question d'un point de vue plus pratique : est-ce réellement une musique spirituelle ? Dans sa conception, le doute n'est pas permis. Mais sous un jour plus fonctionnel, je ne suis pas convaincu.

Messiaen, et plus généralement l'orgue chargé harmoniquement, est la plupart du temps ressenti comme une bizarrerie par les fidèles ; souvent de façon négative - on perçoit les dissonances surtout, qui contrastent avec le désir d'harmonie recherché en se rendant au culte.

2. Messiaen et les contraintes de l'orgue

Il faut dire que l'orgue est particulièrement violent dans ses dissonances, puisque les notes d'un accord conservent toute leur intensité de l'attaque à l'extinction (cas unique dans les familles d'instruments), si bien que tout frottement dure. Par ailleurs, il n'est pas possible de maîtriser la nuance dynamique des touches individuellement (au plus une pédale d'expression qui vaut pour un clavier ou l'orgue entier), ce qui rend toutes les notes égales, et les chocs d'autant plus rugueux.

Par ailleurs, pour la majorité des fidèles comme pour la majorité de la population, et cela ne saurait leur être reproché puisque la religion chrétienne fait l'éloge des simples d'esprits et des humbles, un accord qui n'est pas parfait majeur ou mineur est forcément agressif. Alors les enrichissements de Messiaen !

3. Messiaen et moi

Pour ma part, j'entends systématiquement au début de mon écoute ces frottements très vigoureux. Je parviens cependant (grâce à une longue fréquentation de la musique du second vingtième ?) à me plonger avec délices dans la logique sonore de Messiaen, que je ne trouve plus alors dissonante ou agressive, qui a sa propre couleur riche, mais pas du tout menaçante, pessimiste ou violente. Au contraire, intensément lumineuse.

Pourtant, j'y ressens un plaisir hédoniste qui est totalement détaché de toute spiritualité, et même incompatible. Ca s'apparente plus, chez moi, au plaisir que je peux prendre - pardon - à écouter les oeuvres sirupeuses d'Elgar, qu'au Via Crucis de Liszt ou à la Missa Solemnis de Beethoven, qui me mènent sensiblement plus loin dans la méditation (sans forcément appeler au mysticisme, d'ailleurs).

C'est une jouissance infraverbale, infrasignifiante, la beauté de se fondre tout entier dans ces sons. A cet instant, je cesse en partie de développer une pensée verbale, si bien que les émotions mystiques, qui sont tout de même en partie narratives (les religions nous racontent avant tout des histoires), en sont tout à fait bannies.

Je dirais même qu'il y a là quelque chose de très égoïste, aussi bien pour le compositeur qui creuse son univers sonore sans vraiment s'inquiéter de la possibilité du fidèle moyen pour l'appréhender, que pour l'auditeur qui se noie avec délices dans un univers de musique pure, déconnecté du monde et de ses semblables et prochains.

4. Messiaen et les fidèles

Suite de la notule.

Sacrilège


Lully au piano, avec une très belle diversité de textures, et un semi-fondu par un usage judicieux de la pédale qui n'empêche pas les détachés incisifs.

En outre, la partie centrale de cette Gavotte peut servir de karaoké pour "Le Printemps quelquefois est moins doux qu'il ne semble", air d'un Zéphyr tiré du Prologue d'Atys.


Très beau piano et très belle prise de son, ce qui ne gâche rien.

Vous trouverez sur la chaîne de Mark Howard de nombreux autres enregistrements lullystes, très attentifs en particulier à la qualité du contrepoint. On peut être lassé par la douceur omniprésente, ou regretter l'absence de certains agréments, une régularité un peu trop visible (très sensible dans la Passacaille d'Armide...), mais l'ensemble a un charme "début-de-siècle" vraiment délicieux.

mardi 17 mai 2011

Atys 2011 : enjeux, réalisation et aboutissements de la mise en scène de Jean-Marie Villégier


Compléments sur la mise en scène.

Suite de la notule.

dimanche 15 mai 2011

Atys de LULLY par Christie / Villégier à l'Opéra-Comique : 1987-2011


Présentation de l'oeuvre, et détail des représentations.

Au programme : fortune historique, spécificités du livret, caractères de la musique, production de 1987, représentations de 2011.


Suite de la notule.

mercredi 11 mai 2011

Le lied en français - XIV - Franz Schubert, Mut ! (Die Winterreise)


Inutile de se répéter, voici la suite de cette édition avec pour projer de se montrer à la fois fidèle aux poèmes originaux et chantable à destination des francophones (voir l'ensemble du projet sur cette page).

En termes de traduction, plus de la moitié du Voyage d'Hiver attend désormais d'être portée en partition, d'abord sous forme de partie séparée pour chanteur, puis sous forme de partition complète.

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Poème

XXII - Courage !

Fliegt der Schnee mir ins Gesicht, / Souffle la neige sur mes joues,
Schüttl' ich ihn herunter. / Vigoureux je la repousse.
Wenn mein Herz im Busen spricht, / Que mon coeur de moi se joue,
Sing' ich hell und munter. / Clair et haut mon chant l'étouffe.

Höre nicht, was es mir sagt, / Je n'entend pas ce qu'il me dit,
Habe keine Ohren ; / C'est que je n'ai pas d'oreilles ;
Fühle nicht, was es mir klagt, / Je ne sens pas s'il maudit,
Klagen ist für Toren. / Point de plaintes dans mes veilles !

Lustig in die Welt hinein / À travers les vents glacés
Gegen Wind und Wetter ! Jouons-nous des anathèmes ;
Will kein Gott auf Erden sein, / De la terre Dieu s'est lassé,
Sind wir selber Götter ! / Soyons dieux nous-mêmes !

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Partition

Suite de la notule.

Un Tramway nommé Désir à la Comédie-Française (Lee Breuer, Anne Kessler)


[Bref écho du 29 avril.]

Une soirée d'abord étrange, et finalement magnétique.

L'oeuvre (dans la traduction très exacte d'esprit de Jean-Michel Déprats) est transposée dans un présent un peu plus proche (Mitch devient un blouson noir avec Harley-Davidson), mais dont le lieu et le contenu sont sensiblement identiques, avec le même dépaysement que dans l'original envers une époque proche et un quartier populaire de la Nouvelle-Orléans un peu lointain pour ceux qui lisent ou assistent à la pièce.

Il s'agit au passage d'un petit événement, puisqu'il s'agit du premier auteur hors Europe à être inclus au répertoire de la Comédie-Française.


D'abord gêné par la sonorisation très évidente. Que la vitrine de la déclamation française soit systématiquement sonorisée, même si d'une façon très virtuose (avec des variations très exactes lorsque les acteurs se déplacent, se tournent...), cela me chagrine beaucoup.
Je suis surpris que d'autres décrivent cela comme une nouveauté : bien que plus discrète d'habitude (un simple renforcement, mais très réel), la sonorisation est désormais la norme, pour ce que j'ai pu en juger sur place.

Néanmoins, cela permet en particulier à Anne Kessler, en Blanche, de développer un jeu vocal alternatif très intéressant. Elle parle de façon assez soufflée, en une forme d'affection un peu lassée, comme sa Blanche qui feint toujours sans avoir toujours l'énergie de cacher les coutures de ses postures. Ce type d'émission vocale n'est pas très sonore et pas très jolie, mais sur la longueur, les poses exténuées et les affèteries de l'intonation rendent le personnage d'une réalité et d'une exactitude assez hallucinante, à tous sens du terme.

Autre point fort considérable, la mise en scène de Lee Breuer, qui ne conserve que les éléments fondamentaux de l'appartement de Stella (la douche, et puis des meubles au fil des besoins), et les redistribue dans l'espace diversement, sans chercher à dicter une topographie précise. Ce caractère mouvement de l'espace (une partie de la scène est en outre surelévée) permet aux acteurs d'évoluer très librement, et de ne pas figer de façon littérale ou lassante le cadre de l'action... et pourtant, on ne se pose jamais la question, les lieux sont évidents et familiers. [Peut-être y a-t-il là, considérant la place dans l'imaginaire collectif de la version Kazan, de rendre une forme de souplesse cinématographique dans le tournoiement des points de vue offerts ?]
Même les éléments de ridicule, comme la perruque verte occasionnelle du Stanley ivrogne, sont intégrés de façon impressionnante au discours (cette étrangeté fait presque peur). Par ailleurs, le choix de la "normalisation" du personnage est assez étonnant et réussi, plus finaud que de coutume, plus joueur, plus amateur de demi-teintes dans ses affrontements que la bête instinctive qu'on lui associe souvent.

A cela, il faut ajouter, comme souvent dans les spectacles de la troupe, l'inclusion de séquences musicales très bien réalisées, et souvent amusantes (le cintre-archet sur le violoncelle).

Un moment très prenant.

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Et pour les amateurs d'opéra, je signale que l'oeuvre d'André Previn (qui utilise le texte littéral, seulement abrégé, de Tennessee Williams) est tout à fait remarquable, et que le disque y voit Renée Fleming dans le type de profil vocal et dramatique où elle se trouve le plus en valeur.

mardi 10 mai 2011

Le Freischütz de Weber-Berlioz en français à l'Opéra-Comique - [Gardiner ; Karthäuser, Pochon, Kennedy, Saks]


1. Un contexte allemand

Le Freischütz de Weber s'inscrit dans une histoire dont on a déjà tracé quelques lignes sur CSS. Un opéra allemand autonome est né dans la seconde moitié du XVIIIe siècle, sous la forme d'une alternance, comme dans l'opéra comique français, entre "numéros" musicaux et dialogues parlés.

Lorsque le Freischütz de Weber est créé en 1821 à Berlin, il s'inscrit dans la romanticisation de la forme, qui est déjà établie, et prend des aspects plus sérieux. C'était le cas par exemple de l'opéra Oberon de Wranitzky (1789), une source importante de La Flûte Enchantée et surtout de l'Oberon de Weber, dont à peu près toutes les audaces (en 1826 !) étaient déjà contenues chez Wranitzky ! On peut se reporter à l'extrait publié sur la chaîne YouTube désormais associée à CSS, même si les lutins n'ont pas encore eu le temps de confectionner de notule à ce sujet.

Le succès du Freischütz est immédiat et fulgurant, pour plusieurs raisons. Son sujet est à la fois sérieux et typiquement allemand, et n'emprunte plus les chemins de traverse des exotismes géographiques ou historiques. Ses choeurs pittoresques de l'acte III (Ronde des fleurs, Choeur des chasseurs) ont été immédiatement chantés partout en Allemagne, assimilés au fonds populaire comme certains airs de Verdi ont pu plus tard l'être en Italie. Enfin, son orchestration audacieuse et nouvelle, très expressive, culminant dans le tableau saisissant de la Gorge aux loups et des apparitions infernales pendant la fonte des balles enchantées, a considérablement impressionné ses contemporains.

L'oeuvre voyage en Europe et remporte partout des succès.

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2. Un contexte français

Et, dès 1824, Castil-Blaze propose une version très aménagée, dans un contexte librettistique transposé pour le public français sous le titre de Robin des Bois. On mesure la distance qui sépare cet univers de celui du garde-chasse maladroit par amour. C'est en tout cas un franc succès qui fait salle comble pendant de nombreuses années.

Les commentateurs sont généralement très sévères avec cette adaptation très libre, qui ne valut aucun droit d'auteur à Weber malgré ses réclamations. Le tripatouillage en est sans doute redoutable, mais le résultat final est-il si médiocre ? Je serais curieux de m'y confronter.

Berlioz avait été enthousiasmé par la musique et en particulier l'orchestration mais, en consultant la partition, avait été horrifié des libertés prises par la refonte de Castil-Blaze (Kaspar y devenait un soupirant d'Agathe, par exemple).

Au passage, en 1830, on pouvait entendre une troupe allemande qui joue l'oeuvre en VO à Favart (pas situé au même endroit, à l'époque).

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3. La version Berlioz

Malgré les déclarations tapageuses de Berlioz sur les nécessités de la fidélité à l'original, c'est cependant à lui qu'on s'adresse pour une version française à l'Opéra de Paris, où il faut donc écrire des récitatifs chantés (on ne parle pas à l'Opéra) et bien sûr un ballet. Effrayé à l'idée qu'un autre mutile à nouveau la partition, Berlioz accepte, mais écrira par la suite que son choix n'était pas forcément le bon.

L'étude des manuscrits montre l'intervention de Berlioz pour adapter la traduction française à la prosodie dictée par la musique... le détail du texte serait donc de lui, à en croire Agnès Terrier (qui cite les musicologues mandatés par Gardiner en quête d'originaux), la dramaturge et conseillère artistique de l'Opéra-Comique. [Dans les parties 1 et 2 de cette présentation, un certain nombre d'informations factuelles sont empruntées à sa brillante présentation proposée les soirs de représentation, présentation passionnante et vivante comme toujours. On entend rarement des conférenciers à la fois aussi érudits, limpides, habités, enjoués et communicatifs.]

L'Opéra était alors domicilié salle Le Peletier (depuis l'Assassinat du Duc de Berry dans la rue de Richelieu où se trouvait l'Opéra jusqu'en 1820, et jusqu'à l'incendie intégral de 1873) - c'est cette salle que l'on voit sur la célèbre gravure figurant la création de Robert le Diable, qui sert de frontispice à CSS (vue inversée pour des raisons esthétiques), et l'oeuvre y est créée en 1841.

Berlioz écrit ainsi des récitatifs pour remplacer les dialogues parlés du singspiel (équivalent de l'opéra-comique), car toutes les parties des drames sont chantées à l'Opéra. C'est là le principal gain de cette version française. Si le texte en est assez naturel (la fusion prosodie-musique ayant primé sur la profondeur du sens des vers...), les récitatifs, eux, sont de la trempe de ceux de la Damnation de Faust, pourvus d'une puissance de sens, d'une agitation verbale, d'une qualité d'orchestration avec pourtant une économie de moyen... qui n'ont guère d'égaux dans l'histoire de l'opéra français.

Chose plus remarquable encore, malgré la puissante originalité de cette nouvelle partie (à mon sens, bien plus intéressante que la musique de Weber...), l'intégration est cependant parfaite à la musique de Weber : il est parfois difficile de sentir les coutures si on n'est pas déjà familier de l'original.

Il adapte aussi la pièce pour piano de Weber L'Invitation à la Valse, déjà très populaire, pour orchestre (d'une façon qu'on peut juger assez modérément inspirée...), manière de servir de ballet, autre passage obligé à l'Opéra, pour la fête de mariage à l'acte III.

Par ailleurs, il nous manque la première scène de l'acte III dans les esquisses de Berlioz. Ici, je m'en remets tout à fait, n'ayant pas effectué de recherches sérieuses, à l'avis d'Agnès Terrier : le public était déjà familier de cette action, depuis le temps que l'oeuvre rayonnait en Europe, en langue originale ou non ; et il est possible que Berlioz se soit trouvé trop exposé, trop prétentieux d'ouvrir un acte par sa musique...
Pour les besoins de la représentation, que cette scène ait été perdue ou jamais restituée, John Eliot Gardiner a sélectionné le Concertino Op.26 pour clarinette, afin de servir de support à une pantomime qui rapporte de façon très schématique la perte des six autres balles - étape pourtant essentielle pour justifier le dénouement déjà tout à fait capillotracté, et que la mise en scène n'a pas vraiment réussie.

Contrairement à ce qui a été dit, donc, il n'y a pas de nouveautés majeures par rapport à l'enregistrement de Penin ou au concert d'Eschenbach il y a quelques années.

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C'était donc un plaisir considérable d'entendre en action cette version supérieure, peut-être pas dramatiquement, mais musicalement à l'original : en conservant toutes les beautés, et y ajoutant d'autres encore plus capiteuses.

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4. Exécution

Suite de la notule.

dimanche 8 mai 2011

Richard Wagner - Die Walküre - Der Männer Sippe en français (première mondiale)


Poursuite des investigations dans la Valkyrie telle que graphiée par Wilder.


Cet extrait existe par Germaine Lubin (dont je n'aime au demeurant pas du tout la diction très molle), mais elle omet le magnifique récitatif d'entrée :

Suite de la notule.

Henri Sauguet - La Chartreuse de Parme, de Paris à Marseille


L'oeuvre doit être rejouée à Marseille la saison prochaine, alors voici un extrait de l'unique captation qu'il existe, mise à l'instant en ligne par les lutins de CSS.


Le commentaire est laconique, il reprend la présentation que j'ai préparée pour la vidéo :

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1. L'oeuvre

Ce n'est pas un chef-d'oeuvre :

=> L'inspiration mélodique, comme toujours chez Sauguet, est un peu plate.

=> La prosodie, de la même façon, est plutôt neutre et grise.

=> Les procédés musicaux sont assez peu variés et surtout sans réelle ampleur dramatique, comme d'aimables scènes d'opéra comique écrites un peu négligemment.

=> Le livret d'Armand Lunel est d'un prosaïsme assez consternant, tout ce qui fait le charme de l'implicite dans le roman (l'amour qu'on devine entre Fabrice et sa tante est martelé à chaque scène...), toute sa finesse de langue (inutile d'attendre les jolis détours de langage ou les petits paradoxes émotionnels), tout l'équivoque de ses situations sont perdus...
Même le climat de scènes faciles à réussir, comme la mort de Fabrice, se retrouve passablement saboté : la mort de Fabrice, qui profère des banalités sur fond de psalmodies féminines et de glas - argentin ! -, là où on aurait espéré un postlude orchestral discret, c'est désespérant...
On est loin du sens de l'atmosphère d'un musicien pourtant régulièrement méprisé, comme l'est Ibert (cf. Le roi d'Yvetot).

=> Et les scènes les plus opératiques (notamment les véritables scènes d'ensemble, figées comme du Rossini, provoquées par les interventions de Gina à la Cour), n'ont même pas été retenues par le librettiste.

Par conséquent, je la propose puisque qu'elle fait rêver des générations d'amoureux de littérature et d'opéra français, mais on ne peut pas dire qu'en l'occurrence le rêve sorte vainqueur de la confrontation avec le réel.

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2. Rapide historique

Par relations, Sauguet avait rencontré le directeur de l'Opéra, qui lui avait fait jouer cette oeuvre (qu'il écrivait pour son délassement depuis 1927, sous la forme d'une réduction piano), et, convaincu, lui avait demandé de l'orchestrer pour la faire représenter.

A la création, on pouvait entendre rien de moins que Germaine Lubin en Sanseverina, Raoul Jobin en Fabrice et Arthur Endrèze en comte Mosca !

L'oeuvre a eu peu le temps de séduire sur la scène, étant créée le 6 mars 1939. Elle a été révisée en 1968, dix ans après le présent enregistrement capté au Théâtre des Champs-Elysées sous la direction de Manuel Rosenthal. On y entend notamment Denise Scharley dans un rôle d'amoureuse, ce qui constitue une vraie rareté !

Vendredi 10 janvier 1958 :

Suite de la notule.

Le lied en français - XIII - Franz Schubert, Die Nebensonnen (Die Winterreise)


Toujours dans l'ambition de mettre à disposition une édition fidèle aux poèmes originaux et chantable à destination des francophones (voir l'ensemble du projet sur cette page), voici "Les soleils fantômes" du Voyage d'Hiver de François Choubert.

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Mise à jour du 21 août 2012 :

Poème

XXIII - Les soleils fantômes

Drei Sonnen sah ich am Himmel steh'n, / Trois grands soleils se tenaient au ciel,
Hab' lang und fest sie angeseh'n ; / Et je suivais leur cours vermeil.
Und sie auch standen da so stier, / Puis ils brillaient de tant d'audace
Als wollten sie nicht weg von mir. / Comme s'ils voulaient suivre ma trace.

Ach, meine Sonnen seid ihr nicht ! / Ah ! Vous n'êtes point mes étoiles,
Schaut Andern doch ins Angesicht ! / Pour d'autres brillez et sans voiles !
Ja, neulich hatt' ich auch wohl drei ; / Trois jusqu'alors luisaient sans peur,
Nun sind hinab die besten zwei. / Mais j'ai perdu les deux meilleurs.

Ging nur die dritt' erst hinterdrein ! / Que le dernier sombre à son tour
Im Dunkeln wird mir wohler sein. / Qu'enfin dans l'ombre je fuie le jour.

Remarques :
Vers 4 : Le texte original de Müller dit "könnten sie".
Vers 6 : Le texte original de Müller dit "Schaut Andren" (ce qui est un peu moins euphonique pour le chant).
A l'origine, chez Müller, il s'agit du vingtième poème du cycle (dont l'ordre est totalement refondu par Schubert).

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Modifications du 21 août 2012

Brillez pour d'autres et sans voiles ! => Pour d'autres brillez et sans voiles !

Simple inversion, mais elle procure une plus belle couleur vocale, le [o] fermé dans l'aigu apportant beaucoup plus facilement de l'impact que les voyelles très étroites [é] et [i]. Par ailleurs, syntaxiquement plus logique, puisque les voiles se rapportent à la lumière et non aux autres.

Et surtout :

Ging nur die dritt' erst hinterdrein ! / Qu'un dernier tombe alors dans l'ombre,
Im Dunkeln wird mir wohler sein. / Qu'à l'obscurité enfin je succombe.

devient :

Ging nur die dritt' erst hinterdrein ! / Que le dernier sombre à son tour
Im Dunkeln wird mir wohler sein. / Qu'enfin dans l'ombre je fuie le jour.

Je n'étais pas satisfait de la tournure empesée (et prosodiquement assez entravée) de la fin. Il me semble que la cohésion musicale, la syntaxe et clarté du propos sortent renforcés de la substitution.

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Partition

La ligne vocale française est disponible au format PDF sur nos serveurs. [Archive de l'ancienne version.]

Et voici l'accompagnement original sur laquelle elle se greffe parfaitement.

Je peux facilement produire une version adaptée à la tonalité de votre choix, sur demande.

Et toujours la même condition d'utilisation : librement exploitable sous réserve d'en indiquer la provenance (auteur et site). Courriel apprécié en cas d'exécution publique.

samedi 7 mai 2011

« Je suis ton père »



Extrait tiré de :

Suite de la notule.

À quoi ressemblait (la voix de) Maria Malibran ?


Ossia l'aspect des voix non documentées par le disque.

C'est une question que l'amateur de musique lyrique rencontre souvent, s'il s'intéresse au "grand répertoire" (comprendre : celui qui est souvent joué et représenté, donc en particulier Mozart, Verdi et Wagner). La question posée par La Stupenda en commentaires est l'occasion d'y consacrer une notule circonspecte.

Aujourd'hui, de surcroît, l'industrie musicale vend tout un pan de sa production (excellent pan au demeurant) avec des arguments très discutables invoquant l'authenticité de ce qui est joué.

Si bien qu'il est difficile dans ce cadre de ne pas se poser la question de ce à quoi ressemblaient les orchestres ou les voix qui ne sont pas documentés par le disque, mais cités en bonne ou mauvaise part dans les chroniques d'alors et par les théoriciens et esthètes d'aujourd'hui.

Avant de débuter, signalons qu'on a consacré une série de notules autour des limites de cette prétention à l'authenticité, se heurtant en particulier au fait que, même en restituant à la perfection l'exécution d'origine, on ne percevrait absolument pas la même chose que les contemporains, puisque les auditeurs seraient ceux qui ont entendu le Sacre du Printemps sur CD et non pas ceux d'origine, qui n'entendaient la musique qu'à l'Opéra, et seulement celle à la mode.

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Quels éléments ?




Je ne remets nullement en cause l'existence d'indices considérables sur ces voix inaccessibles : quantité de témoignages de musiciens et d'auditeurs permettent, en les recoupant, de dresser des portrait. On peut se représenter assez précisément étendue et tessiture, ainsi que certaines qualités (agilité, éclat, volume...) et dans une certaine mesure la couleur vocale.

Cela dit, sans remettre du tout en cause l'intégrité et l'intérêt de ces travaux (voir par exemple cette base de données passionnante déjà indiquée en ces pages), il me paraît concrètement impossible d'en tirer des conclusions trop fermes.

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1. Les limites des mots

D'abord parce que rien ne peut définir un timbre avec précision. Les mots ne peuvent pas recouvrir précisément la réalité acoustique d'un timbre : les mots qu'on emploie sont souvent d'ordre visuel ou tactile ("rond", "brillant", "souple", "doux", "gris"...), et sont avant tout des conventions, parfois partagées, parfois idiosyncrasiques.



Il faut donc se méfier de ce qu'on peut désigner par un même mot au fil des rédacteurs et des années.

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2. La mutation rapide de l'usage vocal

Ensuite, il est intéressant de considérer l'évolution des techniques de décennie en décennie, même pour la voix parlée. Pour s'en tenir à la voix chantée, quel fossé entre les techniques des années 20, celles des années 40, celles des années 60... Des mondes les séparent, leurs choix esthétiques en matière d'articulation, d'incivité, de nature du legato, de couleur, de place de la "couverture", et le plus immédiatement perceptible pour n'importe quel auditeur, de vibrato, sont complètement différents... alors qu'ils se revendiquent tous de la même école italienne en filiation continue, venue de Manuel Garcia, ainsi que de la révolution Gilbert Duprez.

Dans ce cas comment seulement imaginer à quoi ressemblait le chant en... 1810, si l'évolution est à ce point gigantesque en vingt-cinq ans en suivant les mêmes patrons théoriques et esthétiques ?
On ne peut donc pas avoir une idée exacte de ce que recouvraient ces caractéristiques générales.

On peut sans doute écarter plusieurs hypothèses grâce aux renseignements dont nous disposons, mais de là à en tirer des conclusions sur ce qu'étaient ces voix du passé, il y aurait peut-être quelque témérité.

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3. La valeur des témoignages

Beaucoup de textes dont nous disposons sont ceux des Marie-Aude Roux et Renaud Machart de l'époque, dont je ne nie certes pas la valeur, mais qui se situent tout de même plus dans l'écume des jours que dans l'étude approfondie et rigoureuse des phénomènes musicaux. [Et cette "superficialité" est encore plus sensible aux XVIIIe et XIXe siècles qu'au XXe où les critiques sont souvent plus formés et informatifs.]

Par ailleurs, ce que contiennent ces témoignages n'est que partiel. C'est un point important.
Ne disposant pas de toutes les données, on a tendance à transformer les informations restantes en essentiel, alors que ce n'est pas forcément le plus intéressant qui est relevé dans tous les textes. Observer la production écrite autour de la musique aujourd'hui donne une idée assez claire de ce que la seule lecture peut produire comme distorsion sur l'air du temps musical !

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4. Autres paramètres musicaux

Un certain nombre d'autres paramètres (diapason, effectif des orchestres, matériaux, modes de jeu, emplacements, salles, culture des auditeurs) ont évolué depuis les époques concernées. Une voix moyenne passera beaucoup mieux par-dessus un orchestre non vibré et de taille limitée, par exemple, qu'une voix large mais au-dessus d'un orchestre pléthorique, tout vibrato dehors et dans Bastille.

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5. La mythification des anciennes gloires

Suite de la notule.

jeudi 5 mai 2011

Opéra du neuf-trois


Le dernier opéra de Graciane Finzi, comme souvent en rapport avec la jeunesse, sera proposé demain vendredi 6 mai à l'Amphithéâtre X de l'Université Paris VIII. C'est à 20h, entrée libre sur réservation au 01 48 13 06 07.
Interprété par des musiciens de l'Orchestre National de France et par le Choeur de Radio-France dirigés par Mélanie Levy-Thiébaud.

Et nous le monde a en effet été conçu en partenariat étroit avec les lycéens d'un établissement d'enseignement professionnel (première "Maintenance d'Équipement Industriel", qui ont fourni une partie de la matière-première du livret (en écrivant eux-même un certain nombre de phrases intégrées par le librettiste Jacques Descorde). Certains d'entre eux seront également sur scène.

Le texte final tourne autour de la figure du Chevalier de la Barre.


Cette entreprise aura le résultat qu'elle aura... mais n'étant pas référencée par exemple sur Musique-Maestro, je me permets d'en faire état, sans préjuger de la qualité de son aboutissement. On échappera en principe à la démagogie, puisqu'il s'agit de véritable musique contemporaine composée par une spécialiste aguerrie, et que le librettiste n'a pas conservé de façon brute les textes des lycéens. Pour le résultat final, rendez-vous demain.

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On murmure que La Fauconnière de Gonesse / Villiers-le-Bel envisagerait de relever le gant.

dimanche 1 mai 2011

L'orchestre lullyste et ses possibles


Juste la reproduction d'un mot en commentaires sur le contenu des portées des partitions de Lully, et ce que les interprètes choisissent, inventent ou restituent.

Voir les commentaires originaux ici.

Il faut d'abord préciser qu'il existe deux types de partitions originales, les complètes et les réductions. Les réductions que les imprimeurs destinent aux amateurs ne comportent pas les parties intermédiaires, qui n'étaient de toute façon pas écrites par Lully, mais par ses secrétaires. En particulier Pascal Collasse, qui a complété Achille & Polyxène à la mort de Lully et fait une belle carrière comme compositeur, avec beaucoup d'échecs, mais aussi l'un des plus beaux succès publics du répertoire, Les Noces de Thétis et de Pélée.

On y trouve donc les lignes vocales, la basse continue et la mélodie des dessus lorsque nécessaire. (Exemple : Armide publiée par Ballard en 1713.)

Dans ce qui suit, je parle des partitions intégrales. (Exemple : Armide publiée par Ballard en 1686.)

Suite de la notule.

David Le Marrec

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