Le Thésée de Lully & Quinault (oeuvre inédite)
Par DavidLeMarrec, mardi 14 février 2006 à :: Baroque français et tragédie lyrique - Oeuvres :: #155 :: rss
L'oeuvre a été redonnée il y a quelque temps, mais il n'existe aucun enregistrement, et je n'ai pas connaissance d'écho sonore de ces représentations.
Je viens de jouer pour la première fois le Prologue et l'Acte I de Thésée. Impressions et commentaires.
Quelques remarques :
- Lully est décidément le maître incontestable du Prologue. Une animation et un souffle peu communs dans ce répertoire habitent le Prologue au même titre que le reste de l'oeuvre. C'est pourquoi, s'il est acceptable de couper celui de Médée en termes de qualité musicale et d'utilité dramatique, il est totalement incohérent de couper Lully.
- L'orchestre est assez chiche, une "grande guitare" à l'ancienne. Mais ça module bigrement. C'est à l'opposé des choix de Destouches. Chez Destouches, on a sans cesse une ligne orchestrale mobile, des contrechants très riches et mélodiques, alors qu'ici, on soutient sans cesse le récit. Et ce qui m'avait très fortement agacé dans Omphale (l'absence à peu près totale de modulation, qui crée une monotonie irritante si on n'opère pas de coupures) n'a pas cours ici, ça module régulièrement au sein d'un même air. Sinon, la tonalité dominante demeure, comme c'est d'usage dans la tragédie lyrique. Exemple tout de même frappant : lorsque Destouches change de tonalité entre deux sections, il passe de sol majeur à sol mineur ; lorsque Lully le fait, il passe d'ut majeur à sol mineur. C'est nettement moins raide.
- Contrairement à Omphale, très peu de reprises au sein des danses, quasiment jamais. Les danses ne sont pas disséminées, mais groupées en fin d'acte, ce qui permet une action plus homogène, moins hachée entre deux répliquettes. Ce qui, accessoirement, permet avantageusement d'en tirer des extraits.
- Lully utilise volontiers de nombreux personnages allégoriques (plus le temps passe, plus les compositeurs en sont chiches). Au lieu de choeurs et de danses décoratifs qui créent des pauses, voire des ruptures, il préfère utiliser des personnages qui font des récits certes adramatiques, mais qui maintiennent une urgence, en faisant appel à des valeurs conflictuelles. (Valeurs sollicitées par l'action et qui l'éclairent.) Pareil pour les choeurs, qui scandent brièvement l'action, mais de façon dense et pertinente.
Une très belle trouvaille à ce propos : le choeur sauvage des guerriers en coulisse au I, tandis qu'Aeglé se trouve en proie à l'inquiétude sur le sort de Thésée parti au combat. Au lieu d'avoir droit à une divertissement tâchant de calmer le trouble de la princesse, le choeur nous jette toujours plus violemment dans le feu des affects développés par le personnage présent sur scène.
Il faut dire que Quinault, après Houdar de la Motte, ça fait du bien, beaucoup de bien.
Et puis un livret qui parle du séjour de Médée à Athènes (donc après le massacre de Corinthe), c'est toujours bienvenu, ce pan de la légende est si peu développé...
Commentaires
1. Le mardi 21 février 2006 à , par Inactuel :: site
2. Le mercredi 22 février 2006 à , par DavidLeMarrec
3. Le mardi 26 février 2008 à , par Morloch
4. Le mardi 26 février 2008 à , par DavidLeMarrec
Ajouter un commentaire