Stephen Sondheim - Sunday in the Park with George, le spectaculaire à tous les étages
Par DavidLeMarrec, samedi 27 avril 2013 à :: Comédie musicale - Portraits - Saison 2012-2013 - Glottologie :: #2240 :: rss
Après avoir assisté à la représentation du 25 avril 2013 au Châtelet.
Typiquement l'univers qui m'est cher dans la comédie musicale : très déclamatoire et spirituel, où l'on échappe au lyrisme parfois plat du genre (en somme, je me sens infiniment plus proche de The Frogs que de Sweeney Todd). La liberté d'invention du livret de James Lapine force l'admiration : à partir d'un seul tableau, non seulement il invente l'intrigue qui prévaut sa création, mais fait aussi parler les personnages en tant que membres du tableau, puis nous projette dans l'avenir au musée, et fait dialoguer le nouvel artiste avec un spectre du tableau (de surcroît relié par une vague filiation). Rien de tout cela ne se rapproche des habituelles normes du théâtre - le maintien de la tension, par exemple, n'a que peu à voir avec l'intrigue...
Musicalement aussi, l'objet est étrange : énormément de mélodrames, c'est-à-dire de répliques parlées accompagnées par l'orchestre, des chansons qui se développent sur le mode conversationnel, et des ensembles d'une science digne des grands opéras du répertoire. L'harmonie emprunte beaucoup au jazz (ou à Ravel, comme on veut), mais avec une évidence qui évite l'impression d'un musical d'art & d'essai un peu prétentieux.
Le premier acte est largement structuré par un motif récurrent... pas particulièrement beau, mais en tout point pointilliste. Il est vrai que le second acte n'a pas la puissance évocatrice du premier - et qu'il ne s'y passe finalement pas grand'chose de nouveau, ni dans l'intrigue (dont le principe reste néanmoins assez piquant), ni surtout dans la musique, qui recycle essentiellement les trouvailles du premier acte.
« Air d'entrée » de Dot, maîtresse de George (forcément !).
Sophie-Louise Dann, le 25 avril 2013.
Le succès de la soirée doit beaucoup
à son décor (William Dudley) hautement spectaculaire, en particulier le tableau panoramique, sous forme de projections remarquablement réalistes, qui évoluent en temps réel, au fil de l'avancement de la peinture ; ou encore la cavité-tableau du musée, qui donne réellement l'illusion de voir les acteurs rapetissés et maintenus dans un cadre. Mais aussi et surtout à ses musiciens de haute volée (à commencer par le Philharmonique de Radio-France, rien que ça).
Julian Ovenden assure une belle plasticité vocale tout au long de la représentation, capable d'incarner de façon autonome les deux artistes successifs, aussi bien dans la voix que dans le maintien. La concentration du timbre sur le point de démultiplication permet une vraie densité et un tranchant appréciables. Et l'aigu, dans les rares moments où il est sollicité, paraît glorieux (mixé et projeté, beaucoup plus rond qu'un belting pur).
Mais la palme de la soirée revient à Sophie-Louise Dann, une hallucination sur pattes. Elle maîtrise absolument tous les types d'émission : déclamée façon musical, poitrinés naturels et belting, émission acide de caractère, flottante, lyrique, mixte et même saturée... Ses [i] sont aussi bien timbrés que ses [a], chose devenue rarissime dans son genre vocal, et malgré sa jeunesse son grain évoque l'assurance des grandes figures anglaises mûres. L'actrice est tout aussi remarquable, et surtout, surtout : ces différents modes vocaux se succèdent à un rythme effréné, jamais ostentatoires, toujours au service de l'expression la plus tranchante.
Une des chanteuses les plus impressionnantes, tous répertoires confondus, qu'il m'ait jamais été donné d'entendre.
J'aimais bien l'oeuvre, mais la voir vivre en salle est une expérience assez intense. Qui rehausse grandement l'intérêt pour cette partition.
Par ailleurs, c'était aussi l'occasion d'en entendre la nouvelle orchestration, cette fois pour grand orchestre (Michael Starobin), qui n'apporte cela dit pas une plus-value particulièrement spectaculaire, les couleurs de l'original étant respectées - quitte à verser dans la maladresse d'orchestration.
Cette soirée reste audible pendant un mois sur France Musique. Et pour ceux qui veulent thésauriser les concerts de la station, une astuce...
Commentaires
1. Le samedi 27 avril 2013 à , par Julian Ovenden :: site
2. Le samedi 27 avril 2013 à , par David Le Marrec
3. Le dimanche 28 avril 2013 à , par Ouf1er
4. Le lundi 29 avril 2013 à , par malko
5. Le mercredi 1 mai 2013 à , par David Le Marrec
6. Le dimanche 5 mai 2013 à , par malko
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