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lundi 19 février 2024

Villeconin, Saudreville : 2 châteaux, des fermes vénérables… et le printemps


(Rendez-vous en fin de notule pour des élaborations sur le pourquoi de ces marches.)



Pour une lecture dans une mise en forme correcte (images proportionnelles, alignements…), je vous recommande plutôt la lecture sur Carnets sur sol (boueux), la déclinaison pédestre et méditative de Carnets sur sol.

Suite de la notule.

jeudi 7 décembre 2023

Pourquoi / comment marcher ?


Outre les activités largement documentées par Carnets sur sol (écoute et pratique musicale, écriture, traduction), outre mon day job (que j'adore), un autre grand poste de dépense en temps – et en intérêt – se trouve dans les promenades. La dernière en date m'a donné l'envie d'en partager l'essence, en tâchant, comme pour les notules musicales, de m'en servir pour poser quelques questions plus générales.


1. Pourquoi marcher ?

Bien sûr, l'aspect purement agréable est bien connu : excellent pour le transit et l'humeur, l'homme est conçu pour la marche quotidienne, et le pratique produit une sorte de délassement, une meilleure lucidité sur les grands enjeux de nos vies… C'est particulièrement salutaire dans les moments de détresse et de confusion – je trouve. Tout cela est documenté par la science et ne vous apprendra rien.

Il est une deuxième raison : je travaille mieux en marchant. Écrire une notule complète, ce n'est pas évident, mais pour traiter des dossiers pour mon day job, c'est finalement plus efficace qu'à un bureau où je perds vite la concentration nécessaire lorsque la tâche est rébarbative. Aussi, sur mes moments d'étude, je m'échappe volontiers au vert pour recouvrer la liberté de mieux travailler – avec l'avantage considérable que si jamais la balade est médiocre, j'ai travaillé, et que si j'ai peu travaillé, au moins je n'ai pas perdu mon temps à regarder le plafond avec désespoir.

Mais toutes ces choses représentent plutôt des suppléments que la raison profonde qui me pousse à marcher : je crois que c'est la même que celle qui me fait explorer le répertoire musical ou visiter tous les lieux de culte que je croise – chercher à comprendre. Parcourir un espace, c'est comprendre un lieu, l'éprouver dans sa chair ; en particulier lors de balades patrimoniales, ma tradition est de ne jamais descendre de voiture au bas du monument. Idéalement il faut marcher quelques kilomètres pour le découvrir ; et en tout état de cause, après la visite, il faut monter sur le coteau ou descendre dans la vallée pour disposer d'un contrechamp, et percevoir pleinement par tous ses sens la place du monument dans son environnement.

Ça paraît une jolie position de principe un peu fade et consensuelle, mais je l'applique réellement, même au bout du monde lorsque le nombre de sites à visiter est compté. (Certes, je ne vais jamais au bout du monde et j'en dirai un mot le moment venu. Disons le bout du monde pour moi – c'est-à-dire ce qui est hors des lignes de train d'Île-de-France.) C'est en réalité capital, sans quoi on ne peut pas réellement concevoir l'isolement d'un lieu, sa place stratégique, sa proximité avec d'autres centres, le rapport à l'agriculture locale, à l'eau… la marche donne le temps de l'observer et de pleinement le ressentir.

Exemple très simple : j'ai dû, suite à une panne de train, joindre à pied Tonnerre et Auxerre. Deux villes du même département, pas très distantes en transport (une demi-heure de bus, peu ou prou). Eh bien, collines aidant, un peu chargé, rythme de promeneur, il m'a fallu deux jours complets de marche. Cela donne toute la mesure de ce qu'était, avant le train et la motorisation au pétrole, l'univers d'un humain : rien que pour se rendre au village le plus proche, il faut compter une partie de la journée. Il faut vraiment avoir une cause impérieuse pour faire l'aller-retour dans la journée, car c'est une journée de travail (ou de loisir) perdue. Et cela, les histoires de passeport à l'intérieur n'en rendent compte que par l'apparence d'un concept venu d'en-haut, que l'on peut comprendre, mais qu'il est très singulier d'éprouver. Et quand je dis éprouver, c'est évidemment particulièrement agréable lorsqu'on le fait pour son loisir.

Ainsi, lorsque je me promène dans une forêt, j'y observe l'architecture des canopées, tantôt naturelle tantôt humaine, l'entrelacement des sons (en plus des oiseaux, chaque arbre a son profil sonore)… exactement comme dans un musée, j'aime comprendre ce que je vois. Et celui-ci, c'est le musée du vivant dont nous procédons, et avec lequel nous sommes devenus ce que nous sommes. Je découvre seulement depuis une poignée d'années des espèces naguère si familières à tout humain, et même l'impact / le charme / la dureté du cycle des saisons, que notre confort post-industriel a grandement gommé. Aussi, chaque promenade est l'occasion de parfaire ma compréhension de cette réalité complexe et subtile, de lever un bout du voile sur cette grande architecture qui outrepasse les conventions culturelles humaines. C'est l'occasion de comprendre pourquoi les humains ne consomment pas / plus de glands ; de voir les champs changer de visage selon les cultures et au fil des saisons ; de chercher à identifier l'individualité de certains passereaux dont le chant brode de façon unique sur un canevas commun à l'espèce… et bien sûr de faire bonjour à des écureuils et des sangliers. Ce sont des émotions que je ne trouve pas si éloignées de celles du concert, la dimension active et mobile en sus.


2. Éloge de la proximité

Pour diverses raisons, je n'aime pas voyager. J'ai attendu quelques décennies de vie – et une rencontre décisive – pour m'y mettre, marginalement. Cependant, je peine à m'éloigner loin et longtemps – parce qu'il y a toujours beaucoup d'autres choses à faire, bien sûr, mais surtout parce que je ne comprends pas, en moi-même, le principe du voyage lointain tant que je n'ai pas épuisé la diversité de ce qui existe à proximité. Car je sillonne l'Île-de-France depuis une dizaine d'années, avec des explorations de toutes les lignes de train plusieurs fois par semaine, et je continue d'être surpris par le patrimoine ou les paysages que j'y découvre – alors même que la région n'est pas exactement, ne nous mentons pas, la plus exaltante de France…

Aussi, rien qu'en voyageant jusqu'en Comté, Auvergne ou Forez, à deux ou trois heures de train, j'ai encore des mondes à découvrir – quel vertige me prend alors de découvrir des montagnes ! Et même de nouvelles espèces végétales et animales… Chênes pubescents, genévriers, grands corbeaux… c'est à chaque fois une émotion particulière.

Le désir du lointain ne m'étreint donc pas, et l'avantage, avec la fin du pétrole et très probablement le renchérissement considérable des mobilités, est que mon approche est possiblement – de façon tout à fait involontaire – pionnière. Par ailleurs, comme elle est à la fois plus simple et plus économe en temps et en devises, je profite de cette notule pour vous dire un mot de la méthode que j'adopte, et qui rend facile le voyage au bout du monde au bout de la rue.


3. Improvisation

La compétence qui fait l'admiration de mes amis, c'est la possibilité d'improvisation infinie, surtout avec un réseau aussi dense et performant que l'Île-de-France – mais je l'applique aussi ailleurs avec succès.

Beaucoup de compères me disent « mais il y a trop souvent des imprévus en train, la dernière fois je me motive vraiment à prendre le transilien, j'arrive en gare en gare, il est annulé – je suis rentré chez moi et j'ai perdu mon après-midi ». Ce n'est en réalité pas du tout un obstacle à la promenade réussie, car tout peut être décidé une fois dans la gare, voire une fois dans le train – et cela limite grandement le stress de l'horaire et les fastidioseries de la préparation.

Pour ce faire, il suffit d'un seul prérequis. Soit vous connaissez bien le territoire, et dans ce cas vous savez sur quelle sous-branche de quelle ligne sont les choses qui vous intéressent ; dans ce cas bravo, vous n'avez sûrement pas besoin de ce micro-tutoriel. Soit vous avez tout simplement la carte IGN 1:25000 avec vous, et c'est possible grâce à l'application (gratuite !) Géoportail, financée avec vos impôts ! Toute la France est ainsi couverte (avec une carte papier c'est plus complexe, dans la mesure où il faut choisir les bonnes cartes avant le départ !).

Cette carte a la particularité de faire figurer en violet les points d'intérêt patrimoniaux et naturels (y compris les petites églises, certains pans de murs remarquables et quelques arbres), ce qui rend immédiatement visible, mieux que dans n'importe quel guide ; de même, les sentiers de randonnée balisés sont représentés en violet, ce qui permet de pouvoir constituer un circuit dans des chemins en général bien entretenus (les autres sont plus aléatoirement praticables), et présélectionnés pour leur caractère agréable et varié. Cela ne veut pas dire que toutes les sections des sentiers soient parfaitement entretenues ou absolument intéressantes, mais ces circuits sont globalement conçus pour montrer de belles choses, et vous aideront grandement si vous ne connaissez pas déjà le territoire ! Lorsque vous avez le choix, privilégiez plutôt les PR (sentiers de petite randonnée, des boucles prévues pour la promenade), qui sont en général plus pittoresques : les GR (grande randonnée) ont aussi pour but de couvrir du territoire, d'aller d'un point A à un point B, donc pour une petite marche botanique ou patrimoniale, ils ne proposent pas nécessairement les jolis détours.

Concrètement, il suffit de regarder le violet sur la carte et d'opérer son panachage patrimoine / nature / distance. Ça paraît intimidant, mais rien de plus simple. La géolocalisation fonctionne même en mode avion, ce qui permet de se repérer sans épuiser sa batterie. Prévoyez tout de même toujours un plan B dans votre circuit, il arrive que des chemins ne soient plus entretenus (alerte tiques) ou n'existe plus du tout, évitez le détour imprévu qui vous fait manquer le dernier train.

Pour savoir où descendre, une fois en gare, utilisez SNCF Connect : l'option « horaires en gare », sur la page d'accueil de l'application, vous permet de voir chaque gare intermédiaire desservies par les prochains trains. Il vous suffit de vérifier sur votre carte IGN (dans l'application Géoportail, sinon c'est plus long) l'environnement des différentes stations grâce à la boîte de recherche, et vous pouvez vous lancer ! (Vérifiez quand même toujours l'horaire des trains retour, c'est plus prudent.)

Pour des idées de balades en Île-de-France, j'ai commis ce tableau récapitulatif qui recense un grand nombre d'arrêts avec les activités qu'on peut y faire.

samedi 28 octobre 2023

L'Antique Conservatoire et le Concours Nadia & Lili Boulanger – I – Résumé et enjeux


neopompeien


Dans la salle néo-pompéienne de l'antique Conservatoire (rue du Conservatoire / rue Bergère) se tient en se moment, tous les après-midis jusqu'à dimanche, le concours Nadia & Lili Boulanger, consacré à la mélodie et au lied.



neopompeien



1) Le lieu

C'est l'occasion rare de profiter de cette salle historique des Concerts du Conservatoire (1811), où furent données pour la première fois en France la Création de Haydn (en français !), les Symphonies de Beethoven, et bien sûr la Symphonie Fantastique de Berlioz – et qui n'est plus guère employée pour la musique aujourd'hui, accueillant le Conservatoire National d'Art Dramatique (qui devait déménager, mais après l'annulation de la Cité du Théâtre à Berthier et l'interruption de la revente à la découpe, la chose est remise sine die).

Le décor en est tout à fait unique en France, à ma connaissance – et sans doute la seule salle parisienne pré-1850 qui subsiste. [La seule autre salle parisienne pré-Palais Garnier que je connaisse, c'est le fantasque Théâtre Déjazet, de 1851. Dites-moi si j'en ai manqué.] Une « boîte à chaussures » légèrement arrondie aux extrémités, de petite contenance (1000 places à l'époque, mais très tassées, aujourd'hui c'est plutôt la moitié !), et entièrement décorée en style néo-pompéien avec des rinceaux, des couleurs mates dans les verts et rouges qui sont particulièrement caractéristiques, et au bout de ses colonnes qui parcourent deux étages, des chapiteaux fantaisie ornés d'acanthes encadrant des lyres ! Elle était surnommée « Stradivarius des salles de concert », car l'acoustique y est particulièrement précise, on peut encore le mesurer aujourd'hui, grâce à sa forme et son décor tout en bois.

    En médaillons sur la corbeille, les grands auteurs dramatiques : Corneille, Voltaire, Regnard, Marivaux, Molière, Racine, Beaumarchais, Crebillon… et au centre Eschyle ! 
    En médaillons sur le premier balcon, les grands compositeurs d'opéra : Meyerbeer, Halévy, Hérold, Donizetti, Spontini, Grétry, Rossini, Cherubini, Mendelssohn, Weber, Méhul, Boïeldieu, avec pour parrain au centre… Orphée, la figure mythologique mise symboliquement sur le même plan de réalité qu'Eschyle, donc. Je suis assez étonné de voir figurer Mendelssohn (et même Hérold et Donizetti) parmi les noms cités : il est né en 1809, et bien que précoce, le temps d'acquérir la renommée adéquate (que je n'imaginais pas si prompte, surtout pas au milieu de compositeurs spécialistes d'opéra – ce qu'il a été, mais marginalement dans sa production), je me demande quand le décor a pu être peint. Après la création des symphonies de Beethoven et de la Fantastique, manifestement. Je n'ai pas trouvé de réponse après mes très rapides recherches, mais il est certain que tout cela est documenté.
    Accompagnés de cortèges de putti, au-dessus des loges de l'amphithéâtre, les noms de quelques compositeurs germaniques fameux, comme autant de parrains assumés à la musique française (ce qui est pourtant assez discutable historiquement) : Handel (sic), Bach, Gluck, Haydn, Mozart et, là aussi, un cas étonnant, Beethoven – probablement peint bien après la création de ses œuvres in loco, j'imagine !



neopompeien



2) Le concept

L'idée est de récompenser des duos chant-piano dans cet exercice très spécifique de duo de musiciens au service d'un texte poétique et musical. Avec un palmarès prestigieux et de qualité depuis 2001 : Anne Le Bozec, Christian Immler, Edwin Crossley-Mercer, Damien Pass, Raquel Camarinha, Samuel Hasselhorn, Clémentine Decouture, Nicolas Chevereau, Magali Arnault Stanczak, Qiaochu Li, Célia Oneto-Bensaid, Anne-Lise Polchlopek, Adrien Fournaison, Adriano Spampanato… mais aussi des choix plus étonnants, en particulier dans les éditions récentes, récompensant d'excellentes chanteuses dont la précision verbale n'est clairement pas le point fort – Chiara Skerath, Adèle Charvet, Ambroisine Bré, Marie-Laure Garnier, Axelle Fanyo… (Ce sont par ailleurs de grandes artistes et leurs qualités
d'incarnation ont peut-être compensé les limites intrinsèques de leur instrument dans cet exercice – il est vrai qu'elles m'ont souvent convaincu en dépit de réserves sur le type d'émission et la précision de leur articulation.)

La particularité, en tout cas cette année, est que le jury est constitué de davantage de pianistes (Graham Johnson, Christian Ivaldi, Irène Kudela, Hélène Lucas, Pauliina Tukiainen) que de chanteurs (Patrizia Ciofi, Hedwig Fassbaender, Henk Neven, Michel Piquemal), ce qui donne une indication sur l'importance accordée aux artistes à égalité dans les duos – et explique d'ailleurs certaines victoires, puisque les dames que je mentionnais avaient, en plus de leurs talents propres, le concours d'accompagnateurs exceptionnels (Bré avec Li, Garnier avec Oneto-Bensaid, Fanyo avec Spampanato…).

Initialement, le concours récompensait séparément le chant et le piano. Désormais, ce qui est sans doute plus intéressant et pertinent (et dépend évidemment d'avoir des mécènes pour doter le prix !), toutes les récompenses sont attribuées aux duos. Le Grand Prix (de 18000€, ce qui est beaucoup me semble-t-il pour ce genre de concours, j'ai rarement vu passer ce type de montant), le traditionnel prix pour la commande contemporaine, mais aussi des prix séparés pour la mélodie et le lied. Je trouve la chose intelligente, parce que certains artistes montent très haut dans une langue donnée sans forcément se montrer accomplis partout dans leur programme. Pouvoir les distinguer est très utile et précieux.



concours boulanger



3) Lignes de force

Au terme de ces deux journées d'éliminatoires :

a) Le concours organise les éliminatoires autour de deux œuvres imposées. D'une part Les trois Princesses de Marguerite Canal, une sorte de comptine triste sur un poème très simple de Franz Toussaint, où l'on voit passer le temps et où la musique et le texte, trois fois quasiment à l'identique, donnent l'occasion d'essayer toutes sortes de nuances et d'effets. D'autre part Frühlingsgedränge de Richard Strauss sur un poème de Lenau, typique des liquidités un peu décoratives et des lignes vocales à grande longueur de souffle et vastes intervalles, tels qu'on en trouve souvent dans les lieder du compositeur. Le premier révèle les talents de diseur et de coloriste, le second est davantage d'un test de résistance technique – et quelques-uns parviennent même à en tirer des saveurs insoupçonnées !
S'ajoutent deux (à trois) pièces au choix des interprètes, pour un passage sur scène entre 10 et 13 minutes.

b) Le niveau est globalement haut. Sur les 26 duos présents (5 ont déclaré forfait avant la compétition), 3 chanteuses auraient réellement besoin de revoir de fond en comble leur technique (une en particulier aurait vraiment tout à reprendre de zéro), tous les autres ont des voix exploitables, de diverses esthétiques, plus ou moins belles et aisées, mais tout à fait dignes de professionnels et de la mission de ce concours.
Chez les pianistes aussi, tous de très haut niveau, et une poignée de profils particulièrement marquants.

c) Il faut souligner aussi l'impressionnant effort de répertoire, indépendamment même des imposés : j'avais craint un défilé de Suleika et d'Ariettes oubliées, que tout ce jeune monde a à son répertoire depuis longtemps, mais un effort a réellement été porté sur la variété du répertoire, ce qui est très agréable pour le public. Entendre par tranches de dix minutes des artistes de ce calibre se succéder dans des propositions très diverses et des œuvres renouvelées, c'est un grand plaisir !
Stratégiquement aussi, j'imagine que cela montre au jury une sensibilité à ce répertoire – je veux dire, qu'on n'est pas un chanteur d'opéra qui cherche à gratter les 18000€ du premier prix en chantant la dizaine de lieder qu'il a étudiés au conservatoire.
On croise ainsi du Cyril Scott, du Beach, du Rudi Stephan, du Strohl, du Bridge, du Vaughan Williams, du Skalkottas, de l'Aboulker, des Debussy, Ravel, Schubert, Brahms et Wolf rares…

c) Tous les chanteurs font des efforts impressionnants de diction : j'ai entendu beaucoup de voix un peu épaisses, ou émises trop en arrière, qui étaient soudain sollicitées à l'avant des lèvres pour livrer des interprétations textuelles particulièrement frémissantes. Clairement, l'étiquette de concours spécialisé a influé sur la pratique des interprètes, et le résultat est souvent très convaincant, permettant à des timbres un peu ingrats ou des instruments un peu monolithiques de fendre l'armure !

d) Pour autant, le niveau linguistique, sorti des langues maternelles des chanteurs, n'est pas toujours excellent.  Chez les Français, Benoît Rameau, Clara Barbier Serrano, Margaux Loire, Camille Chopin et Brenda Poupard étaient très à l'aise en allemand, les autres clairement plus à la peine. Ce qui n'est pas forcément une coïncidence, tous ceux-là sortaient du CNSM de Paris, où la formation est très complète et bénéficie d'accompagnement linguistique.
La plupart des étrangers avaient un solide niveau de français, mais eux aussi s'épanouissaient avant tout dans leur langue (et celles qui ressemblaient). Je pense à l'Ukrainienne Daria Mykolenko, bonne voix d'opéra, qui s'illumine soudain, y compris techniquement, trouvant des harmoniques maxillaires insoupçonnées, en chantant… Lysenko !

e) Je remarque aussi que, peut-être du fait du filtre opéré par la localisation parisienne et la spécialisation (mélodie française) du concours, les Français ne sont clairement pas les galli della checca, les phénix des hôtes de ces bois – techniquement, je veux dire. Beaucoup d'émissions un peu molles qui s'effondrent dès qu'elles ne sont pas sollicitées par une tension d'opéra, ou d'instruments opaques, bâtis par le bas, qui manquent vraiment de grâce – et souvent d'efficacité en termes de projection.
Mais il est possible que les étrangers qui se déplacent soient ceux qui sont réellement les plus aptes à passer le concours – et les plus sûrs de leur valeur pour pouvoir risquer les dépenses de voyage qu'il implique).
C'est en tout cas un peu triste pour la fine fleur du chant lyrique français, et repose la question, vu le nombre de candidats du CNSM (décidément les mieux insérés dans le métier, très rompus à la scène, et au fait de toutes les bonnes ficelles pour réussir), de la qualité non pas de l'enseignement, mais de l'esthétique qui y est majoritairement enseignée.
En revanche, je suis ravi d'entendre des techniques assez parfaitement équilibrées et efficaces (et des voix belles !) chez beaucoup d'Américains, chez le Lituanien, chez le Suédois (dont la technique semble tout droit sortie des années soixante-dix !). Chez les participants étrangers, non seulement le niveau de mélodiste est élevé, mais la beauté des voix est aussi assez fabuleuse – ce qui n'est le cas chez quasiment aucun des participants français, je crois.

f) À noter aussi, mais c'est plus commun dans la mélodie et le lied, les techniques des hommes sont toutes très abouties, alors que le niveau est plus disparate chez les femmes. D'abord, la majorité des participants sont des femmes ; ensuite beaucoup d'hommes sont des étrangers ; enfin c'est normal pour des raisons purement physiologiques – le lied et la mélodie mettent en valeur un texte, qui est dans la vie quotidienne énoncé en voix de poitrine, mais que les femmes doivent chanter (en émission lyrique du moins) en voix de tête. Ce rend mécaniquement le travail du texte plus délicat (et la finition du timbre aussi) ; tous les mélomanes vous le confirmeront, dans le lied les hommes sont structurellement avantagés ; et on peut même être plus précis, par rapport aux ténors (qui n'ont pas la même assise) et surtout aux basses (aux couleurs en général moins variées), les barytons sont avantagés.

g) Dans le panel, quelques grands mélodistes et liedersänger, ainsi que des pianistes remarquables. Qui mériteraient largement la place de certains tauliers du genre. Quand on entend Benoît Rameau chanter Fauré, on se demande comment on ose en faire enregistrer à des chanteuses ou chanteurs d'opéra moins spécialistes – comme c'est le plus récent en date, je précise que je ne vise pas Cyrille Dubois, que je trouve trop opératique / vocal / monolithique dans son approche de la mélodie (je n'avais pas été sensible au résultat de la belle entreprise de son intégrale Fauré), mais qui est incontestablement un véritable interprète régulier et curieux de ce répertoire, pas du tout un ténor à contre-ut qui fait un caprice pour montrer qu'il est un intellectuel.
Je vais parler d'eux. Et j'espère les réentendre souvent.



concours boulanger



C'est le moment de parler des candidats à présent… la bonne nouvelle est que le jury a largement suivi mes inclinations et sélectionné à peu près tous mes chouchous (le choix était à mon sens assez évident sur la demi-douzaine de meilleurs).

Pour ceux qui ne peuvent assister ce samedi et dimanche (les après-midis), demi-finale et finale sont retransmis en direct et en différé, gratuitement sur RecitHall :
https://www.recithall.com/events/543
https://www.recithall.com/events/544

Vous n'aviez pas connaissance de cet événement et de tant d'autres ?  C'est que vous ne lisez pas assez le mirifique agenda de Carnets sur sol

lundi 4 septembre 2023

L'agenda de la rentrée 2023


Comme c'est la tradition, en septembre CSS propose un agenda assez vaste de l'offre francilienne – toujours accessible en haut à gauche de toutes les pages du site. Cette année, je me suis vraiment concentré sur le mois de septembre, en relevant les propositions de plus de 100 salles / institutions / ensembles / artistes. Beaucoup de choses très originales, c'est pourquoi je fais un tout petit peu d'éditorialisation pour cette fois.

La tâche étant colossale à moi seul, j'ouvre, pour les mois suivants, le fichier à d'autres contributeurs – je serai ravi de vous inclure si vous m'envoyez un petit message. De manière à pouvoir couvrir le maximum de salles et de dates.



http://piloris.free.fr/css/images/rungis_piano.jpg



1. Opéra

Ce n'est pas encore le moment de l'offre pléthorique, uniquement des choses déjà données : Les Boréades de Rameau (TCE) et La Fille de Madame Angot de Lecocq (Favart) dans des distributions similaires à celles déjà entendues, reprise de l'excellent Don Giovanni de Guth une quinzaine d'années après sa création à Salzbourg (que restera-t-il de la direction d'acteurs ?), et début octobre Ariodante de Haendel en version … pas de découvertes majeures en ce début de saison.

Un pas de côté est cependant possible avec le week-end Japon de la Philharmonie : du et du kyōgen (variante supposée comique, mais ce sont en réalité plutôt des œuvres assez lentes, hiératiques et sérieuses, simplement elles évoquent plutôt la vie quotidienne, l'accueil du mari chez sa belle-famille par exemple) du 23 au 26 septembre !



2. Ballet

C'est la reprise du mythique The Season's Canon de Pyte (sur l'arrangement de Max Richter des 4 Saisons), c'est de la musique enregistrée mais il paraît que c'est le ballet qui magnifie le mieux les danseurs de l'Opéra. J'attendais depuis longtemps l'occasion de le voir après en avoir entendu tant de bien unanime – et je serai donc probablement un peu déçu vu les superlatifs entendus au préalable.



3. Symphonique

Berlin, Boston, Tel-Aviv, Vienne, Milan… beaucoup d'orchestres prestigieux de retour à Paris, dans des programmes pas toujours très originaux, mais tout de même quelques pépites à glaner (la pièce contemporaine chez Boston, les variations Mozart de Reger chez Berlin…). Et tout le monde dit le plus grand bien de l'association Vienne-Hrůša.

Les Cloches de Rachmaninov en ouverture de saison pour l'Orchestre de Paris, avec une belle distribution russophone (Peretyatko, Petro, Markov).

Et une courte symphonie contemporaine en ouverture du concert du Peace Orchestra Project – on vous l'a vendu comme un concert Argerich, le concerto à deux pianos de Poulenc a déjà été déprogrammé et son état de santé actuel laisse penser qu'elle ne sera pas là, si jamais ça compte pour vous. Mais le début et le clou du spectacle, c'est la Symphonie n°2 de Nicolas Campogrande, inspirée par la guerre en Ukraine, une jolie symphonie tonale simple, très brève, lumineuse, qui a déjà beaucoup tourné chez les grands orchestres d'Europe. Ça s'écoute très agréablement, c'est de la musique positive et excessivement accessible (sans être plate ni pauvre).



4. Musique de chambre

Quelques concerts assez merveilleux : dimanche 3 septembre à Saint-Merry, Phantasy Quartet de Britten avec hautbois, Trio pour deux violons et alto d'Ysaÿe, et autres raretés de Milhaud, Isang Yun… Très original et gratuit.

Intégrale de la musique de chambre de Schumann à l'Orangerie de Sceaux, le 15 septembre. Ces trios, pourtant largement aussi aboutis que les Sonates violon-piano, sont très rarements donnés en concert, même séparément. Alors les trois !

Et le Festival de duos de piano de Rungis !  Ils invitent plus cette année Anderson & Roe, le meilleur duo de pianistes de tous les temps, incroyablement inventifs,  j'ai parlé à plusieurs reprises de leur travail ici. Leur dernier album (avec des originaux de Mozart) n'est pas le plus intéressant (outre leurs Star Wars Impressions en concert qu'ils n'ont jamais eu le droit de rejouer mais qui ont fait beaucoup pour leur notoriété, l'album When Words Fade a été le sommet), mais ils y adjoignent des réécritures réjouissantes tirées de leur répertoire passé. Et on peut espérer quelques bis croustillants !
On a aussi du Rachmaninov-Medtner à deux pianos et un duo de clavecins (Baumont & Delage !) autour de Le Roux, Couperin, Krebs et Johann Christian Bach !



5. Lied et mélodie


Auprès de jeunes chanteurs de l'Académie du Wigmore Hall, concert (pour 7 chanteurs de toutes les tessitures) de mélodie française (après un an de classes avec Lott et Le Roux !). Programme très attirant : Lalo, Falla, Viardot, Debussy, Duparc, Chausson, Chaminade, Barraine et Cras ! Le mardi 5 septembre à Cortot (15€).

Concert gratuit de l'Atelier Lyrique de l'Opéra de Massy le 26, avec des airs sacrés et profanes de Poulenc.

J'ai aussi repéré, à la Scala Paris, le récital de sortie de disque pour du Schubert accompagné à la guitare et chanté par l'emblématique Maria-Christina Kiehr – chanteuse baroque à la carrière extraordinaire, elle était déjà dans la BO de Tous les matins du monde !  Elle chante désormais dans des tessitures basses, mais l'émission reste très conforme à ce qu'elle était, ce devrait être très beau.

Le clou, ce sera la journée de Royaumont autour du lied postromantique et décadent, le 16 septembre : communications le matin (avec extraits sonores, notamment du Oskar Posa, grand compositeur oublié qu'on programmait à Vienne sur les mêmes concerts que Mahler et Schönberg), et la journée, après maint développement, se clôture sur le récital du spécialiste Christian Immler (qui forme les jeunes à Royaumont) dans Mahler, Schönberg, Zemlinsky, Schreker (les Cinq Chants pour voix grave !) et Robert Gund !  Ça va être dément.



6. Création

Énormément de cycles de création contemporaine sur une seule semaine : à la Scala Paris (11 septembre), à l'Échangeur de Bagnolet (le théâtre !) les 13 et 16, à la Cité de la Musique le 14 (James Dillon), à Royaumont le 17 (compositrices)… !



7. Concours publics

Académie du joué-dirigé organisée par l'Orchestre de Chambre de Paris (8 septembre).

Concours de chant lyrique « Paris Opera Competition » au Théâtre des Champs-Élysées (15 septembre).



8. Glotte

Les 4 derniers lieder de R. Strauss par l'impressionnante Asmik Grigorian (quelle ampleur, quelle aisance !), à la maison de la radio (15 septembre). En revanche Mikko Franck y rejouera la Sixième de Tchaïkovski (pour la sixième fois ?).

Le chœur de la Scala dans les hits de Verdi au TCE (12 septembre).



9. Gratuité

Un certain nombre de concerts gratuits ou au chapeau ; je n'ai pas pu relever toutes les églises et auditions d'orgue de Paris (Saint-Sulpice le dimanche à midi, Saint-Eustache le dimanche à 17h, en général c'est programmé chaque semaine, et de haut niveau), par exemple.

Mais il y a l'ONDIF au Blanc-Mesnil, toute la saison (chaque semaine que Dieu fait, même l'été) de l'Accueil Musical de Saint-Merry, tous les dimanches, extrêmement varié et ambitieux (retour de l'orchestre impermanent de La Haye, qui m'avait impressionné dans l'écrasante Troisième Symphonie de Sibelius !).

Et deux spectacles dans le Parc de Sceaux, les 9 et 10 septembre (dont un superbe programme d'Adélaïde Ferrière aux percussions diverses, mêlant Xenakis, Gerswhin et compositeurs vivants !).



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10. Codes promos

Pour finir, c'est l'apparition de codes promos « Carnets sur sol ». Je n'ai rien demandé pourtant (ni à l'institution, ni en échange), mais le Festival de l'Orangerie de Sceaux m'a contacté pour me proposer une promotion spécifique au site.
Comme les propositions sont assez chouettes – quelques raretés, et d'excellents artistes, dans le cadre incroyable du Parc de Sceaux, une des plus belles choses de toute l'Île-de-France – et les tarifs relativement élevés (tarif unique 35€, pas cher du tout pour un premier rang, mais cher si l'on a l'habitude des dernières catégories), c'est une aubaine que je partage.

[Je précise que je n'y gagne rien – pas de rémunération, de soirée spéciale, d'entretien exclusif… j'ai le droit d'être invité pour le concert qui me tente le plus (intégrale des trios de Schumann, déjà rares en individuel !), mais il est très probable que je ne sois de toute façon pas disponible à cette date. C'est vraiment pour aider le festival et avantage les lecteurs que je prends ce rôle d'intermédiaire.]

Trois concerts sont concernés :

Le jeudi 7 septembre : Jean Baptiste FONLUPT, piano
Giuseppe Verdi (1813-1901) / Franz Liszt (1811-1886)
Ernani, paraphrase de concert S. 432
Danse sacrée et duo final S. 436, transcription de Aïda
Richard Wagner (1813-1883) / Franz Liszt (1811-1886)
Elsas Brautzug zum Münster, de Lohengrin S. 445
Ouverture de Tannhäuser
Igor Stravinsky (1882-1971)
Petrouchka
Sergueï Prokofiev (1891-1953)
Romeo et Juliette, Opus 75 no.10 « Romeo et Juliette avant la séparation »
Maurice Ravel (1892-1937)
La Valse
Avec le code « Carnets sur sol » en appelant la billetterie, vous disposez d’une place offerte pour une place achetée.

Le vendredi 8 septembre : Amaury COEYTAUX (violon solo du quatuor Modigliani), Geoffroy COUTEAU (piano)
Ludwig van Beethoven (1770-1827)
Sonate pour violon nᵒ 5 en fa majeur, Opus 24
Eugène Ysaÿe (1858 – 1931)
Poème élégiaque en ré mineur, Opus 12
Johannes Brahms (1833-1897)
Sonate pour violon et piano nᵒ 3 en ré mineur, Opus 108
Avec le code « Carnets sur sol » en appelant la billetterie, vous disposez d’une place offerte pour une place achetée.

Le dimanche 17 septembre (à 11h), « Le Carnaval des animaux sudaméricain »
avec Elliot JENICOT comédien (ancien de la Comédie-Française), et l'Ensemble ALMAVIVA, petite mise en scène.
Avec le code « Carnets sur sol » en appelant la billetterie, toute la famille a le droit au tarif enfant.




Avec tout ce choix, vous devriez avoir de quoi occuper les soirées de septembre encore trop chaudes pour profiter du plein air !

jeudi 6 juillet 2023

Philippe d'Orléans compositeur – La Jérusalem délivrée ou la suite d'Armide


La Jérusalem délivrée ou la suite d'Armide

J'étais un peu seul à me réjouir de ce que Château de Versailles Spectacles ait programmé le dimanche soir à 21h la Jérusalem délivrée de Philippe d'Orléans (bien mieux qu'à 15h ou 17h, ça laisse tout le dimanche !). Mais ça se termine donc à minuit, et avec les bus supprimés dans toute l'Île-de-France comme conséquence de l'embrasement généralisé du pays sans bus, je n'avais plus d'options… J'ai bien regardé les VTC, mais 80€ + les 50€ de la place, ce n'était pas envisageable.

J'ai donc renoncé à entendre cet inédit que j'attendais depuis tant d'années donné dans un lieu idéal par une équipe de feu.



Bien sûr que non. Versailles, ce n'est qu'à 20 km de l'Est de Paris. Sans trop me presser, cela fait 6h-6h30 de marche, par une nuit aux températures douces, c'est idéal. C'est parti !


La Jérusalem délivrée ou la suite d'Armide



#ConcertSurSol #121

Déjà entendue (fragmentairement) au CRR de Paris, c'est cette fois une production (de concert) avec tous les moyens qui est donnée pour La Jérusalem délivrée, ou La suite d'Armide de Philippe d'Orléans. Un des deux opéras qui subsistent du Régent (Philomèle est perdue).

J'avais adoré les audaces et bizarreries (ça frotte quelquefois !) de Penthée, histoire absolument terrible – rivalité d'un roi avec le jeune Dionysos, qui tourne fort mal pour le mortel. Par les Chantres du CMBV, les derniers actes avaient été présentés dans la Galerie des Batailles, c'était saisissant. J'en avais parlé ici, et jamais eu le temps de le convertir en notule.

L'œuvre est plus ancienne qu'on l'a d'abord cru – de nouvelles traces ont été trouvées, il existe une édition de 1704, et plus seulement de 1712 !  Plus étonnant encore, autant il est écrit au frontispice de 1712 qu'il s'agit, en substance, de l'œuvre d'un personnage illustre et proche des dieux (dont tout le monde peut aisément deviner l'identité), dans l'édition antérieure c'est plutôt « un compositeur proche de M. Le Régent », ce qui laisse penser que la partition est au minimum le fruit d'une collaboration.
D'après Benoît Dratwicki, à qui je dois beaucoup de la science que je vais partager ici, on retrouve nombre de tournures typiques de Gervais (le maître de musique principal de Philippe d'Orléans), et si jamais l'œuvre a été composée un peu avant 1704, elle pourrait même inclure des pages de… Charpentier !

Pour moi, à l'oreille, je n'entends pas très fort Charpentier – mais sa manière peut être très protéiforme. En revanche, que ce puisse être Gervais, dont Philippe d'Orléans était proche, ce n'est pas impossible : on dispose de très peu de choses au disque (Hypermnestre, et puis ?) et j'ai très peu lu sa production. Par ailleurs Philippe d'Orléans n'a pas hésité, on le sait, à lui passer commande de motets pour les signer de son nom. Un jour, un courtisan lui fait (respectueusement ou malicieusement, je ne sais plus) remarquer que son motet comporte des fautes. Philippe d'Orléans ne dit rien, descend voir Gervais, le giffle devant ses gens et lui dit en substance : « Lorsque je vous charge d'écrire un motet pour moi, j'attends que vous le fassiez en personne, et non que vous le laissiez à vos apprentis ! ». Ce témoignage rend donc d'autant plus vraisemblable la collaboration de Gervais, voire sa participation à l'essentiel de l'œuvre.

La Jérusalem délivrée ou la suite d'Armide
Non pas que je sois paranoïaque, mais qui les a prévenus de ma venue ?

Le livret du baron de Longuepierre propose une suite et un dénouement heureux à deux sujets à la fois : Tancrède (celui de Danchet & Campra avait été représenté dès 1702) et la grande référence, Armide de Quinault & LULLY. Tancrède est encore tourmenté de la mort de Clorinde, mais aimé d'Herminie et finit par très bien s'en accommoder. Armide tente de se venger de Renaud en envoyant au combat ses amants (très adroite réutilisation de ce motif très présent dans l'acte I d'Armide de Quinault & LULLY, les guerrier alliés et soumis par amour), et lorsque Renaud triomphe, c'est pour, tout auréolé de sa gloire, offrir son amour à Armide. Et tout le monde est content.
Bien que la trame en paraisse décevante (ces deux histoires terribles résolues en chœur de liesse générale comme un vaudeville, chaque homme se trouve une femme parmi ce qui reste…), la réalisation en est, dans le détail, très réussie. Structure claire, qui ménage des plaintes, des affrontements, des enchantements originaux (le cyprès enchanté qui saigne !), une apparition d'ombre assez bouleversante (Clorinde apparaît à Tancrède pour lui demander pourquoi il l'a ghostée, sans doute sur le modèle de Didon dans Énée & Lavinie de Fontenelle & Collasse, de 1690), des batailles. Tout cela assez harmonieusement agencé, alors même que le principe de ce livret (réajuster tout le monde) et son début (Herminie et Armide se plaignent) laissent présager une intrigue très immobile et ennuyeuse. Dans le détail, c'est tout le contraire.
Il faut dire que Longuepierre était un véritable dramaturge, contrairement à La Fare (le capitaine des gardes et mauvais sujet auteur du livret de Penthée, pas mauvais par ailleurs !), passionné par l'épure de la tragédie grecque – sa Médée, par exemple, ne contient pas d'intrigue amoureuse. Pour autant, ce n'est pas ce qu'on lit dans ce livret, le but dans une tragédie en musique étant avant tout de ménager les scènes de merveilleux attendues.

La Jérusalem délivrée ou la suite d'Armide

Si le futur régent est célèbre comme compositeur, c'est que ses partitions regorgent d'originalités, voire de bizarreries, dont les musiciens des générations suivantes se sont demandé la part d'audace (maladroite ou visionnaire ?) permise à l'amateur qui n'a pas besoin de se soumettre au goût du public, et la part… d'erreurs de copie. En sortant de Penthée, j'en avais discuté avec un musicien de l'orchestre (lui-même arrangeur et chef d'ensemble), et alors que je partageais mon enthousiasme pour l'originalité et l'étrangeté de la partition, il me disait sa conviction qu'on avait tout voulu jouer comme c'était écrit, mais que ce faisant il avait eu l'impression de jouer beaucoup de fautes involontaires.

Je n'ai pas lu la partition (je ne sais plus si elle est disponible) pour juger avec pertinente de la probabilité du rapport audaces / fautes de copie dans la partition ; toujours est-il qu'à l'audition, tout sonnait très bien, comme du baroque français habituel, quelques effets harmoniques expressifs en sus – on peut les trouver exotiques, mais ils interviennent en tout cas plutôt aux moments de recherche expressive.

Entendons-nous bien, lorsque je dis audaces, elles sont en effet tout à fait considérables, mais au sein du style de la tragédie en musique : si vous n'êtes pas familiers du répertoire, vous ne trouverez pas ça très audiblement subversif.

Petite revue de détail.

La Jérusalem délivrée ou la suite d'Armide

Acte I
(Herminie, captive de Tancrède qui est parti pleurer Clorinde, reste amoureuse de lui. Armide arme des guerriers pour pourfendre Renaud.)
¶ J'ai été très impressionné par la modulation soudaine sur « nous jurons » des amants d'Armide qui promettent de la venger de Renaud. Changement immédiat d'atmosphère.  (Juste avant, une brève chaconne).
¶ Je retrouve dans cet acte, et plus loin, le goût de Philippe d'Orléans pour le procédé italianisant de la batterie de cordes (notes répétées à la basse, écriture en accords martelés), fréquente dans le seria italien, rare dans l'opéra français. On en trouve, bien sûr (colère de Corésus à la fin du II de Callirhoé !), mais ponctuellement, rarement aussi généreusement qu'ici (et Alarcón y va joyeusement, surtout qu'il y a deux clavecins dans l'orchestre !).
¶ Présence, ce qui est plutôt rare, d'un chœur uniquement féminin (pour la suite d'Armide au sens protocolaire, et non au sens temporel comme dans le titre de l'œuvre !).
¶ L'acte s'achève sur le très beau chœur des guerriers asservis par Armide, une belle trouvaille du livret qui permet de tisser le lien avec l'acte I d'Armide de Quinault-LULLY.

Acte II
(Herminie part retrouver Tancrède. Armide organise une forêt enchantée avec l'aide – incongrue, considérant ses pouvoirs propres – d'un enchanteur.)
¶ Violon solo pendant la plainte d'Herminie, sans accompagnement. Mais comme Alarcón a aussi proposé, comme toujours, ses propres arrangements, je ne sais pas si c'est dû à Philippe d'Orléans. (Pareil pour les flûtes solo plus loin.)
¶ Grande invocation de basse, développée et très réussie. Et belles harmonies du chœur infernal.

Acte III
(Tancrède, qui veut rivaliser de gloire avec Renaud, croise un cyprès enchanté qui le défie. Il le frappe, le cyprès saigne, l'ombre de Clorinde apparaît. Il est pris au piège de l'enchantement. Renaud, lui, tient bon face à l'illusion d'une  fausse Armide, qu'il frappe – parce qu'il sait qu'elle est fausse ; il dit qu'il aime toujours Armide. L'enchantement contre tous les chevaliers est rompu.)
¶ Surprenantes flûtes pastorales pour accompagner l'enchantement sanglant de Tancrède, moment décalé très poétique. Et encore plus étranges dissonances de flûte pour l'entrée de Renaud.
¶ Les grandes scènes des héros sont très expressives, et utilisent ici encore beaucoup le principe de l'écriture en batterie. Autre élément qui évoque volontiers le seria, le retour de Tancrède sur des déhanchements écrits en imitation, vraiment dans le goût haendelien. (Ce n'est pas absurde dans la mesure où les opéras de Haendel sont déjà composés et diffusés à cette époque, et que Philippe d'Orléans incarnait, de l'avis général, une esthétique des « goûts réunis ».)
¶ Terrible chœur d'imprécations.
¶ Le plus beau moment, c'est bien sûr l'arrivée de Clorinde, une ombre qui demande des comptes, comme Didon dans Énée & Lavinie de Fontenelle-Collasse. Élément très inhabituel : Tancrède chante pendant la déclaration de l'ombre de Clorinde, lui coupe quasiment la parole, ce qui ne se fait pas du tout – dans la bonne société, mais surtout à l'opéra… les spectres finissent leurs phrases en étant écoutés. Et les deux chants sont bien sûr dans des styles très différents, longues lignes peu volubiles pour Clorinde, récitatifs agités pour Tancrède. Impressionnant, très réussi. Et lorsqu'elle s'en va, chromatisme soudain sur le dernier « Ah, douleur » de Tancrède. Une scène écrite au cordeau, d'une intelligence rare. Hâte de la réentendre au disque !

Acte IV
(Hors scène, Tancrède se bat avec Argant, qui n'a pas été tué le même jour que Clorinde contrairement à la version de Danchet-Campra. Herminie est inquiète. Finalement elle découvre Tancrède blessé. Argant est mort. Le vieux berger va soigner Tancrède.)
¶ Deux hautbois seuls très haendeliens, mais c'est un choix d'Alarcón (qui paraît exotique par rapport aux normes du genre).
¶ Grande plainte développée d'Herminie, à nouveau, mais elles sont vraiment très belles et très bien construites (celle du I est vraiment longue, avec beaucoup d'épisodes secondaires !).

Acte V
(Combat final entre les deux armées. Renaud triomphe, Armide veut mourir, mais Renaud lui fait sa demande, ils s'épousent. On se demande un peu pourquoi ils n'ont pas commencé par là chez Quinault, mais enfin, il faut ce qu'il faut pour produire du drama. Tancrède épouse Herminie, sans qu'on nous explique trop pourquoi il a changé d'avis – a man gotta eat. Chaconne générale.)
¶ Déception d'Armide encadrée de trompettes victorieuses. Mort de l'amant Tissapherne sur le modèle du guerrier athénien dans le I de Thésée ou d'Aronte dans le I d'Armide (Quinault-LULLY) – il arrive sur le théâtre pour dire qu'il meurt.
¶ Grand fugato final, inattendu et très bien écrit. Chaconne avec trompette obligée, la première fois que j'entends ça – c'est vraiment dans la partition.

Même si la structure d'ensemble est étrange avec sa double action, tissée à partir de deux des tragédies en musique les plus appréciées et remises au théâtre de leur temps, l'ensemble est porté par une inspiration constante, chaque section étant écrite avec son lot d'innovation, et une grande ambition pour servir la déclamation et le théâtre. L'ombre de Clorinde, la chaconne finale, et nombre de monologues (Clorinde au I et au IV, Tancrède au IV…), c'est quelque chose !

La Jérusalem délivrée ou la suite d'Armide

Un mot sur l'interprétation à présent.

La production a été transportée de la Salle des Croisades (tout en bois, acoustique excellente, mais où la majorité du public a un pilier dans son champ de vision au milieu de la scène), vers le Salon d'Hercule, où l'on voit parfaitement de partout, dans une acoustique très correcte en général.
Ce soir-là, c'était un peu plus difficile, possiblement à cause des techniques vocales propres aux chanteurs, mais aussi et surtout à cause des basses assez fortes de l'orchestre : deux bassons, et surtout une contrebasse, ce qui créeait un halo.

J'ai été étonné de voir (c'est rare) une contrebasse dans un orchestre de tragédie en musique – et vous savez que c'est une question passionnante en soi, la contrebasse. Aussi, j'ai tout simplement posé la question. Et je n'ai pas été déçu de la réponse !

La contrebasse est attestée dans l'orchestre qui accompagne les opéras à la Cour dès le début du XVIIIe siècle. Ce rôle était alors assuré par le compositeur Montéclair, qui tenait la contrebasse le vendredi. Ce n'est donc absolument pas une aberration, même si on le voit peu souvent dans les productions ; je trouve parfois que l'orchestre français sans contrebasse manque un peu d'assise, mais en l'entendant en cette occasion, j'ai aussi été frappé par le fait que son halo grave faisait concurrence aux voix, tendait à les masques, les rapetisser, en réduire les contours. En termes de résultat, ça reste donc à débattre, selon les lieux, l'effectif, les voix présentes, etc.

L'anecdote du successeur de Montéclair, apprise à l'occasion, mérite d'être mentionnée : on n'a aucune trace du matériel d'orchestre utilisé par Montéclair. Il paraît périller d'exécuter les traits rapides des actes infernaux, par exemple, à la contrebasse. On pense donc qu'il simplifiait (comme c'est souvent le cas sur les partitions de contrebasse de l'époque classique et romantique) ; peut-être même Montéclair faisait-il à vue, puisqu'on n'a rien retrouvé.
Mais on dispose du matériel de son successeur, et là… !  Il consiste simplement en rondes et blanches (même lorsqu'on a des traits rapides, il y a donc une grosse note immobile posée en bas), et pis encore, il ne note que les fondamentales de l'accord ! 
(Pour ceux qui ne voient pas ce que ça fait : dans un accord de trois sons, on peut mettre l'une des trois notes de l'accord à la basse, et ça change bien sûr l'articulation des accords entre eux, c'est important et pas du tout interchangeable. En changeant la basse de l'accord prévu par le compositeur, se produisent immanquablement des quintes directes, des fausses relations et toutes autres choses interdites et moches… il n'existe pas de partitions en musique classique où l'on ne trouve que des fondamentales à la basse, personne ne fait ça !)
Des musiciens ont essayé cette partie et ont tous renoncé. Était-ce vraiment joué ainsi ?  Était-ce un mémo personnel pour improviser ensuite des basses simplifiées ?  Un support pédagogique pour ses élèves ?  En tout cas cela rend très perplexe, des opéras entiers dont la composition est modifiée (et très mal) par le contrebassiste !
(Titre défilant en lettres de sang sur musique midi : LA VENGEANCE DU CONTREBASSISTE.)

La Jérusalem délivrée ou la suite d'Armide

Pour le reste, j'ai été très impressionné par l'ardeur folle imprimée par Leonardo García Alarcón avec la Cappella Mediterranea, les danses furibondes, l'élan constant, le soin malgré tout de la déclamation (d'autant plus fluide qu'elle est vive), les belles couleurs… c'est vraiment une grande réussite, très envie de le réentendre dans ce répertoire.
J'ai aussi beaucoup aimé la trompette de Serge Tizac, plus chaleureuse que ce que l'on entend d'ordinaire – il y avait fort longtemps que je n'avais pas vu une trompette percée, c'est mal (ce n'est pas une pratique musicologique mais une façon d'arriver à jouer ces instruments du diable), et pourtant ça sonne clairement plus clair et puissant qu'une véritable trompette baroque sans trous… Ce n'était peut-être pas aussi musicologique que d'habitude, mais c'était fichtrement beau – et sans pains.

Margaux Blanchard et Marie Van Rhijn au continuo, notamment – on n'était pas malheureux. (Grande richesse des réalisations chez Van Rhijn, que j'aime décidément beaucoup.)

Côté chant, quelques-uns des meilleurs titulaires. Je suis absolument fan de Victor Sicard en Tancrède (dans tous les répertoires d'ailleurs), la clarté de l'élocution, l'expressivité de chaque inflexion, l'engagement de tous les instants… et la voix, bien focalisée, est très bien projetée. Il varie à loisir les modes des émissions se coule dans toutes les situations avec beaucoup de variété. De même, Gwendoline Blondeel (Herminie), c'est l'assurance d'une émission très nette, focalisée, de mots précis, et tout baigne dans une irisation dorée assez irrésistible.
Très favorablement impressionné aussi par Cyrille Dubois (Renaud), habitué de rôles plus larges, a priori calibré plutôt pour Rameau que pour de la tragédie post-LULLYste, et malgré la tessiture grave, la voix rayonne constamment, avec un texte en permanence intelligible. On perçoit la structure robuste de la voix, mais elle ne prend jamais de place au détriment du timbre ou du texte. Je suis impressionné par la discipline qu'il parvient à imposer à l'instrument, sur des répertoires aussi divers – son dernier récital (« So Romantique ») est une merveille à ce titre.

Nicholas Scott (rôles courts) et Fabien Hyon (Vaffrin, écuyer de Tancrède), aguerris à ce répertoire (souvenir de Fabien Hyon encore étudiant dans une scène d'Atys en décembre 2013 aux Invalides, moment qui reste gravé dans ma mémoire… !) sont de très bons choix pour ces rôles, quoique le premier soit desservi par la salle qui le happe un peu, mais ce qu'ils font est très beau de bout en bout.
C'est aussi un bon soir pour David Witczak (Tissapherne et l'Enchanteur), omniprésent dans ces productions. La voix est un peu mince et grise, l'émission empêche l'épanouissement des mots (un peu tous sur le même plan), mais j'ai beaucoup apprécié son sens musical dans la grande scène infernale du II, livrant vraiment le meilleur de ce que sa technique peut donner.

Véronique Gens (Armide !) était plus en difficulté, son émission douce et très peu métallique était largement absorbée par les conditions acoustiques du jour (on me souffle que c'était beaucoup plus probant dans d'autres salles). En peine avec le rythme aussi, l'orchestre est souvent obligé de l'observer, de l'attendre. Un peu comme dans Circé de Desmarest, sauf que cette fois l'orchestre sait ce qu'il fait, et l'artiste est telle que même si l'on voit les hésitations, le texte paraît toujours aussi mobile et généreux. (Je trouve que la voix a vraiment perdu et s'est empâtée, de plus en plus tassée vers le bas, mais ça reste tout de même très beau et surtout très sensible.)

Enfin Marie Lys (Herminie), dont je n'aime pas beaucoup la technique – très « XIXe du XXIe », plutôt émise en bouches que dans les fosses nasales, très unifiée par la couverture, un peu molle dans les attaques –, s'est révélée comme une grande artiste. D'une part, c'est la fête du poitriné, qu'elle utilise très intelligemment pour donner du relief aux accentuations dans les phrases en bas de la tessiture (pas de gros poitrinés tenus comme dans Verdi, hein, plutôt des touches de couleur et de fermeté, pour renforcer le texte). D'autre le phrasé manifeste une pensée musicale et verbale très complète. Je reste frustré par le timbre terne, et je me prends à imaginer quel sommet ce serait si elle émettait un tout petit plus en avant et couvrait un tout petit peu moins – mais honnêtement, avec cette sensibilité-là, on ne trouvait pas le temps long et justice était rendue au rôle.

--

Je n'ai donc pas regretté les 50€ ni les 20km à pied – que je n'ai finalement que très partiellement parcourus à pied, un des patrons m'ayant très gracieusement reconduit jusqu'aux portes de Paris !  Karma instantané.

Et je vous recommande chaleureusement la découverte de ce jalon insolite, lorsque le disque paraîtra d'ici un an.

mercredi 22 mars 2023

Quatuor & répertoire : entretien avec le Quatuor Tana


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Une série spéciale en quatre épisodes autour de la question du répertoire du quatuor à cordes. Pour cela, je m'entretiens avec Antoine Maisonhaute, du Quatuor Tana.

Vous pouvez l'entendre par ici :

Le flux RSS (lien à copier dans votre application de podcast)
https://anchor.fm/s/c6ebb4c0/podcast/rss

ou sur :
Google
Spotify
Deezer
Amazon
¶ etc.

Vous pourrez aussi y trouver quelques podcasts de vulgarisation très généraux sur l'opéra, le début de la reprise de la série Musique ukrainienne, une brève histoire de l'opéra italien à la conquête du monde, ainsi que quelques comptes-rendus de concerts trop bavards pour mes traditionnelles recensions Twitter… J'attends d'être un peu plus aguerri pour me lancer dans la grande adaptation de la série Pelléas

Et comme d'habitude, la transcription suit. D'une part mon script (ce qui explique le style plus relâché, les répétitions… c'est prévu pour l'oral). D'autre part, pour ceux qui ne souhaitent pas écouter le fichier sonore, un résumé des réponses d'Antoine Maisonhaute { entre accolades }.

Bonne écoute ou bonne lecture !



Bienvenue dans cette nouvelle série du podcast de Carnets sur sol  !

Aujourd'hui, j'inaugure des entretiens avec des professionnels de la musique. C'est un format que je n'ai jamais pratiqué, parce que je trouve que le format est en général très convenu, on félicite les artistes de bien jouer, on pose quelques questions faussement intimes, et on fait la promotion du disque ou du concert du moment.

Vous verrez que sur tous ces points, cet entretien adopte d'autres perspectives. Tout ce que vous n'avez peut-être même pas pensé à demander sur le quatuor à cordes !



Épisode 1  : Ma vie / La rencontre

Je commence à vous raconter pourquoi ce quatuor est singulier, et d'où me vient cette envie d'échange. En vous livrant un peu de ma vie.

1.1. Les nouveautés

Nous sommes en avril 2019. Je tâche depuis peu de me tenir au courant des nouveautés, pas tant pour le dernier récital de la vedette Deutsche Grammophon que pour ne pas manquer les pépites de compositeurs que je ne connais pas chez de petits labels riches en découvertes  : comme je ne connais pas même leurs noms, si je les laisse passer, je ne les rencontrerai jamais !  Par ailleurs, il m'est déjà arrivé de croire pendant des années qu'une œuvre n'était pas disponible (ou pas dans une interprétation satisfaisante) et de me rendre compte par hasard que, depuis ma dernière vérification, plusieurs années plus tôt, on disposait d'un disque ! 

Je me suis donc mis à suivre les parutions de nouveautés discographiques, en particulier chez CPO (le label spécialiste des romantiques et décadents germaniques) et DUX (un label polonais qui ne publie que des œuvres exaltantes).

Je lance donc, sans rien y connaître, le disque de quatuors de Krzysztof Baculewski, un compositeur polonais né en 1950, et dont les quatuors (1984, 1985, 1986, 2014) semblent suivre l'évolution des esthétiques germaniques du premier XXe siècle, avec plus de radicalité au fil des œuvres, mais aussi plus d'épure et de concentration. Corpus absolument admirable, que j'ai beaucoup réécouté.

Je note mentalement le nom du Quatuor Tana, que je suppose polonais, et dont j'admire le mérite et l'engagement, pour enregistrer quelque chose d'aussi rare  et qui leur sera si peu demandé en concert  !


1.2. Le concert

Un mois plus tard, en mai 2019. Comme chaque année, je parcours l'ensemble de la programmation de musique classique d'Île-de-France, et ce samedi-là, j'avais jeté mon dévolu sur un programme contenant le Quatuor de Debussy, le Premier Quatuor de Hahn, et un quatuor du compositeur (vivant) Jean-Paul Dessy Tuor Qua Tuor, dans une petite église du Gâtinais.

L'association ProQuartet, qui promeut le quatuor à cordes en Île-de-France, a deux bases d'opération  : un siège à Paris, mais aussi une zone d'influence dans le Sud-Ouest de la Seine-et-Marne (le long du Transilien R, qui passe par Fontainebleau, puis Nemours ou Montereau). Le choix du lieu, excentré par rapport à la capitale, mais dans un lieu où un public régulier et cultivé est assez présent, n'était pas totalement dû au hasard  : Reynaldo Hahn a séjourné dans la ville.

Me voilà donc parti un samedi après-midi pour Bourron-Marlotte : une heure de train depuis la Gare de Lyon, avec une fréquence d'un train par heure… transi sous la neige fondue du mois de mai, j'ai même dû, au retour, monter dans un train en sens inverse pour me tenir chaud et ensuite patienter dans un couloir de la gare de Nemours où les dealers de coke opéraient à leur aise. L'église Saint-Sévère, qui conserve encore sa masse du XIe siècle (époque où elle était carrée), quoique largement remaniée au XIXe siècle, a trois particularités  : 1) des collatéraux qui s'arrêtent net au niveau du transept (sans croisillons, sans doute une économie au moment de l'élargissement de la nef) 2) des culs-de-lampe très expressifs aux visages simiesques 3) elle est loin de la gare.

Je me souviens encore d'être saisi par l'humidité glaciale de la neige fondue, traîtrement survenue en ce début de mai.

Du concert, j'avais surtout retenu le quatuor de Dessy, qui avait la particularité rare d'être un quatuor mené par le violoncelle – qui impulse la matière, commence les mouvements, régle le tempo… La matière première pourrait être qualifié d'essentielle, ni tonale (ce n'est pas aussi rudimentaire), ni atonale complexe, ni postmoderne-planante, vraiment une belle exploration de matériaux simples, qui s'achève en un souffle incantatoire – souffle littéral également, les deux violons pour finir soufflent dans leur âme.

Un petit goûter était organisé ensuite, dans la base du clocher-porche. Je n'ai pas osé déranger, et j'ai beaucoup regretté de ne pas avoir vu le bonheur sur leurs visages en annonçant que j'avais adoré leur disque Baculewski, sur lequel je me figurais qu'ils ne devaient pas avoir eu beaucoup de retour de la part de leur public de concert. (A fortiori alors qu'il venait de sortir quelques jours plus tôt.)


1.3. Le projet

Aussi, lorsque j'ai reçu la proposition d'entretien, j'ai bondi sur l'occasion  : d'abord de leur crier mon bonheur d'avoir connu Baculewski et Dessy grâce à eux, ensuite de leur poser non pas des questions traditionnelles, mais ce que j'avais réellement envie de savoir. Elles sont peut-être un peu intrusives par certains côtés, mais c'était une occasion particulière d'avoir à ma disposition un ensemble aussi courageux et atypique.

Toutes les virgules de la série sont empruntées à un enregistrement libre de droits : il s'agit de la célèbre intégrale des quatuors de Beethoven par le Quatuor Végh, sa première, celle de 1952. Vous y entendez :
¶ en début d'épisode, un extrait du premier mouvement du quatuor n°10 ;
¶ en fin d'épisode, un extrait du deuxième mouvement du quatuor n°8 ;
¶ au début de chaque question, les accords introductifs du même quatuor n°8 ;
¶ à la fin de chaque question, le final du quatuor n°7.



Épisode 2  : Répertoire

QUESTIONS SUR LE REPERTOIRE

À l'occasion de leur concert aux Bouffes du Nord lundi 27 mars prochain, où ils joueront à la fois le Premier Quatuor de Ligeti et le Quintette Annonciation de Philip Glass, j'ai d'abord voulu les interroger sur leur répertoire très particulier.

Il est exceptionnellement vaste, et contient surtout des compositeurs vivants.

C'est Antoine Maisonhaute, le premier violon du quatuor, qui a pris le temps de me répondre.


1) Votre répertoire contient très peu des quatuors habituels du répertoire : énormément de contemporain, et même pour les choses plus anciennes, beaucoup de raretés : Grétry, Nielsen, Lekeu, Caplet, Villa-Lobos, Durosoir, Wissmer, Alfvén (qui ne figure même pas dans les catalogues couramment disponibles du compositeur !)...  Pourquoi ce choix d'échapper au répertoire balisé ?  Est-ce le plaisir de la découverte, la volonté de se positionner sur un segment qui était peu occupé ?

{ Résumé de la réponse d'A.M. : En effet, le désir de découverte. }


2) Comment les projets se constituent-ils ?  Faites-vous les choix et cherchez-vous un label, ou des producteurs se proposent-ils ?
    Typiquement, pour Baculewski, il y a toute une série chez DUX : est-ce le label qui vous a mandaté, vous qui lui avez proposé ?

{ Résumé de la réponse d'A.M. : DUX est bien venu les chercher en connaissant leur curiosité. J'ajoute que DUX a même publié dans les années précédentes tout un cycle de Baculewski, musique pour flûte, pour orchestre, pour chœur. Dans les autres cas, ce sont plutôt les Tana qui choisissent un éditeur susceptible de soutenir leurs projets originaux. }

Pour préciser, « Volts » est leur album regroupant des pièces au format inhabituel : quatuor à cordes avec bande préenregistrée pour Romitelli, œuvres ouvertes avec parties improvisées (Deejay de Gilbert Nouno), et même des instruments construits par les membres du quatuor (qui incluent, si j'ai bien compris, un système d'amplification électronique interne et non externe comme d'ordinaire) pour les pièces de Canedo, Arroyo et Havel.

C'est aussi leur album que je préfère (avec Baculewski évidemment) : quatuors au langage assez radical (rien de tonal là-dedans), qui porte bien son titre, aussi bien avec les procédés d'amplification que les figuralismes électriques et la tension extrême de l'exécution. Très dynamique et impressionnant. Ça peut s’écouter à l’instinct, en se laissant porter par l’énergie qui en émane, sans même comprendre la forme ou le langage.

(Je suis aussi impressionné par la façon dont les Tana parviennent à changer totalement leur timbre d’un disque à l’autre, d’une œuvre à l’autre… c'est une question que je leur pose après.)


3) Pour un quatuor qui n'a même pas de Schubert à son répertoire courant, est-il facile de vivre ?  [la liste que j'ai eue n'était pas à jour, il y en avait deux et ils les jouent régulièrement !] J'imagine que vous avez dû en étudier tout de même pour des concours, ou à la demande de programmateurs pour des couplages ?

{ Résumé de la réponse d'A.M. : Ils en font donc, appris pendant leurs études ! Davantage de classiques du XXe siècle, qui facilitent les transitions vers les œuvres contemporaines dans les programmes. }


4) D'un point de vue pratique (et économique), est-ce plus difficile parce qu'il faut sensibiliser le public à une musique plus diverse et difficile que les oeuvres qu'il connaît par coeur (autrement dit, pas facile de remplir avec du quatuor contemporain), ou bien l'existence d'institutions qui financent et programment régulièrement la création permet-elle au contraire de bénéficier d'un confort matériel suffisant ?

{ Résumé de la réponse d'A.M. : Les institutions et les festivals spécialisés financent en partie la musique contemporaine, oui. Les membres du quatuor sont persuadés que le public aime découvrir, s'il est accompagné (ils ont l'habitude de présenter les œuvres, de « dédramatiser »). Peut-être l'avenir, au moment où les grandes maisons ne remplissent plus avec les œuvres anciennes et célèbres, même avec des stars. Serait-ce le moment du grand retour de la création ?  Les plus difficiles à convaincre sont les programmateurs. }


5) Contrairement à la plupart des ensembles spécialisés, vous disposez d'un répertoire qui couvre un nombre considérable d'esthétiques : depuis les partitions radicales de Lachenmann jusqu'à la simplicité extrême de Glass, en passant par tout le continuum des musiques qui revendiquent l'héritage tonal , ou syncrétiques comme Fedele... Je me demandais la discipline que cela requérait en termes de culture musicale, pour savoir ce qui est attendu dans des univers aussi différents. On l'entend très bien dans vos disques, le timbre de l'ensemble, les phrasés diffèrent totalement, ce doit être un travail colossal pour concevoir et réaliser cela ?

{ Résumé de la réponse d'A.M. : Travail très spécifique pour être capable de changer le son, notamment en fonction des lieux. Ne jouent pas de la même façon selon les salles, et peuvent s'adapter au dernier moment. }



Épisode 3  : Les concerts

6) Comment parvenez-vous à toucher le public avec un répertoire qui est si différent de ses habitudes (ils sont peu donnés et entendus, et bon nombre de quatuors qui échappent aux logiques tonales) : avez-vous des astuces ?  Vous reposez-vous d'abord sur la qualité de la musique (et l'ardeur de l'exécution) ?

{ Résumé de la réponse d'A.M. : Donner des pistes d'écoute au public. Ne servirait à rien de chercher une logique tonale. Le public se sent plus en confiance lorsqu'il repère des éléments, et . La qualité de la musique de création dépend bien sûr des œuvres, mais le quatuor les sert toutes avec le même dévouement. }


7) Evidemment, une question me brûle les lèvres : que pensez-vous du répertoire actuel de quatuor ?  De mon point de vue de spectateur très régulier des concerts de quatuor, j'ai l'impression que les ensembles les plus célèbres rejouent toujours les quelques mêmes dizaines de titres, et que le jeu est plutôt de présenter une nouvelle version d'oeuvres déjà très bien connues du public. J'étais curieux, considérant votre démarche complètement opposée, de la façon dont vous le perceviez.

J'ai été très heureux de la réponse. Antoine Maisonhaute n'a pas retenu ses coups. En écoutant son analyse, je criais « tue ! Tue ! » comme si j'assistais à un match de MMA (oui, on ne crie pas « tue » à un match de MMA, mais j'ai les images mentales que je veux). Avec beaucoup de pondération, il dresse en tout cas un état des lieux que je constate et partage – notamment autour du risque de muséification et d'atrophie de toute la musique classique.

{ Résumé de la réponse d'A.M. : Tendance à ronronner avec des œuvres qui ont fait leurs preuves, et toujours réinventer le fil à couper le beurre. Peu de prises de risque. Entretiennent un musée, et participe un peu à l'extinction du genre. Pas en phase avec les préoccupations de notre époque. Alors qu'il y a un siècle, les interprètes vedettes faisaient beaucoup de créations, voire composaient. Dommage de jouer à l'infini les mêmes œuvres, ce qui n'apporte plus rien à la musique ou au répertoire, et d'une certaine façon empêche penser les enjeux du classique aujourd'hui. }

BOUM.



8) Du point de vue l'identité sonore, comment définiriez-vous le Quatuor Tana ?  J'ai l'impression que votre son s'adapte énormément au répertoire, mais vous avez sans doute des tropismes ?

{ Résumé de la réponse d'A.M. : Son assez clair et projeté. Dépend du répertoire, mais comme ont travaillé énormément d'esthétiques, jouent différemment aujourd'hui à partir de ce qu'ils ont observé dans le contemporain, en termes de son. Tentative du pianissimo le plus extrême chez Debussy tenté sul ponticello, sur le chevalet, avec du souffle dans le son, expérience vécue auparavant dans la musique contemporaine, expérience qui sert donc ensuite à s'approcher de l'indication de Debussy. }



Épisode 4  : Les corpus

Pour parler de concret, j'avais envie d'avoir votre opinion sur certaines musiques que vous jouez.

9) Je commence par Baculewski bien sûr : qu'est-ce que cette musique apporte au répertoire selon vous ?  Quelles sont les qualités qui vous ont frappé ? (Pour ma part, en tant qu'auditeur, c'est l'intégration des langages passés et l'évolution du style au fil des quatuors, mais du point de vue des interprètes, je ne sais pas.)

{ Résumé de la réponse d'A.M. : Comme d'autres musiques des pays de l'Est, grand rapport à la tradition et en même temps dans l'air du temps. Pēteris Vasks par exemple. Très virtuose, instrumental, mais aussi beaucoup de finesse dans la recherche d'une nouvelle façon de composer pour le quatuor. Ils n'ont pas hésité à accepter, mais ont dû travailler très longtemps, musique particulièrement virtuose. Musique de réconciliation de la modernité et de l'auditeur, sans être passéiste. Beaucoup d'émotions passent malgré sa nouveauté. }

Ce point de vue de l'intérieur est très intéressant : je n'aurais pas spontanément rapproché Vasks de Baculewski, en tout cas le Vasks pour cordes (je le sens davantage dans sa musique chorale), mais je partage tout à fait l'idée de cette sensibilité particulière des nations « périphériques » à la création d'avant-garde, aussi bien en Scandinavie que chez les Slaves, qui écrivent de la musique nouvelle dans un langage qui a évolué mais conserve des liens évidents avec la tradition, de façon parfois plate, ou bien, dans les œuvres réussies, de façon particulièrement touchante, riche et stimulante.

À l'écoute du disque, j'ai eu l'impression, un peu comme en écoutant Grażyna Bacewicz, qui n'est pas du tout de la même génération, de suivre l'évolution des esthétiques germaniques de la premier moitié du XXe siècle, traversant un nombre d'esthétiques sonores très varié, avec plus de radicalité au fil des œuvres, mais aussi plus d'épure et de concentration.

Je trouve ce corpus particulièrement admirable, et je vous recommande chaleureusement le disque chez DUX, le label à suivre avec CPO si vous aimez les découvertes qui ne déçoivent pas.


10) Pour Philip Glass, que vous donnez en concert bientôt aux Bouffes du Nord, je suis au contraire très rétif (je trouve sa répétition oppressante, en plus des « fautes » d'harmonie qui prennent nos habitudes à rebrousse-poil). Ce qui me rend d'autant plus curieux de ce qui vous intéresse ou vous touche dans cette musique !  D'un point de vue plus pratique, comment faites-vous pour ne pas perdre le fil du nombre de réitérations des boucles ?  Y a-t-il des techniques spécifiques à ce répertoire minimaliste ?

{ Résumé de la réponse d'A.M. : Touché par sa sincérité, l'absence de prétention, une forme d'authenticité. Particulièrement accessible en tant que personne, remarquable par son humilité, disponible pour aider les artistes à monter les œuvres. Énorme culture de la musique, en particulier de la musique européenne du XXe, et trace son propre sillon personne, avec ces « fautes » délibérées. Beaucoup d'épigones ne parviennent pas à faire du Philip Glass en voulant l'imiter. Pour les répétitions des boucles, demande simplement de la concentration. }

Ce n'est pas totalement de la provocation si je relève que Philip Glass est gentil – en réalité, pour des compositeurs vivants, il n'est pas absurde que le caractère entre en ligne de compte, il n'est que de voir les musiciens vedettes qui font du mal autour d'eux.

Par ailleurs, il est toujours profondément stimulant d'entendre l'éloge – y compris chez certains de mes amis les plus proches – de musiques qu'on déteste, voire qu'on trouve médiocres. C'est l'occasion d'un décentrement, de comprendre d'autres approches de la musique : cette répétition que je trouve à la fois ennuyeuse et oppressante crée chez d'autres au contraire une forme d'ivresse passive, de voyage intérieur… en tout cas Glass produit des effets assez singuliers, que je n'attribue pas forcément à la qualité intrinsèque de sa musique, mais qui sont bel et bien là. Et c'est toujours passionnant d'entendre les autres développer des éloges et des exégèses sur ce qui nous échappe.

A fortiori lorsqu'ils sont eux-mêmes engagés dans la production de cette musique : on ne peut pas soupçonner, vu leur répertoire totalement interlope, que les Tana jouent Glass pour faire comme tout le monde ou brosser les programmateurs dans le sens du poil !


11) J'accueillerais avec plaisir vos suggestions, parmi votre répertoire ou vos disques : par exemple un quatuor qui vous tient à coeur, que vous voudriez faire plus largement découvrir, ou encore qui pourrait recevoir un large succès auprès du public.

{ Résumé de la réponse d'A.M. : La musique de chambre de Jacques Lenot. Musique de grande qualité. Évolution musicale qui retrace des trajectoires de vie. }

Sélection surprise !  J'ai vraiment eu de la peine à venir à bout du disque lorsque je l'ai écouté il y a quelque temps, j'avais trouvé tout cela vraiment atonal-radical-ascétique, sans rien pour me raccrocher dans les textures ou les effets.

Cet éloge met à nouveau en évidence une chose très importante : plus on dispose de musiques différentes, plus on est susceptible de trouver un langage qui parle à notre sensibilité propre.

C'est d'ailleurs la raison principale pour laquelle je rouspète devant le conservatisme de la programmation, en particulier en concert. En Île-de-France, j'ai largement de quoi m'occuper au concert 465 jours par an, mais je pense à tous ceux qui n'ont pas d'appétence pour Mozart, Schumann ou Debussy, et qui ne trouvent pas leur place.

Exemple évident, le répertoire des concerts de piano seul. Moi, ce qui me touche au piano, ce sont surtout les cycles poétiques français du début du XXe siècle et la musique futuriste russe. J'ai longtemps cru que les récitals de piano n'étaient pas pour moi, parce qu'on ne jouait qu'une portion étroite du répertoire (classicisme et romantisme germanique, Debussy-Ravel, saupoudré d'un peu de Chostakovitch et de Prokofiev).

Et c'est vraiment le risque aussi avec le quatuor.



Je tiens à remercier vivement Antoine Maisonhaute, premier violon du quatuor Tana, d'avoir répondu aussi franchement à mes questions, peut-être insolites ou un peu intrusives. Et aussi, plus largement, de faire vivre le répertoire le plus varié au disque et au concert. C'est très précieux. En quelques années, le Quatuor Tana a ouvert plus de portes que des dizaines de quatuors vedettes (qui jouent certes très bien Beethoven et Schubert) pendant toutes leurs carrières combinées. Ils font une différence dans le monde de la musique.

Vous pourrez les entendre aux Bouffes du Nord à Paris lundi 27 mars prochain, si vous supportez mieux que moi Philip Glass – mais les entendre dans le Premier Quatuor de Ligeti, justement une œuvre extraordinairement virtuose et zébrée de part en part de références sérieuses ou facétieuses au patrimoine, ce doit être une expérience remarquable. J'avais été très marqué par ce qu'ils proposaient dans Debussy : beaucoup de respiration entre les accords, une belle netteté des volutes, des poussées inattendues de lyrisme, un goût évident pour ce tourbillon qui découle des empilements et mutations du motif-clef… J'imagine quelque chose de similaire, une réinvention des possibilités sonores comme l'évoquait Antoine Maisonhaute précédemment.

Au disque, ils ont laissé une vaste palette de leur talent : monographies Baculewski, Lenot, Glass, Achenberg, mais aussi des anthologies très stimulantes comme Shadows (œuvres de Yann Robin, Raphaël Cendo, Franck Bedrossian) ou Volts dont j'ai parlé plus tôt.

S'il faut en recommander deux, Baculewski (chez DUX) pour le versant qui fait référence au patrimoine – ça peut quasiment s'écouter comme du quatuor romantique, on y trouve des progressions harmoniques enrichies très lisibles – et l'anthologie thématique Volts (chez Paraty), pour l'énergie hors du commun et l'originalité des profils sonores.

Je vous souhaite une belle exploration. À bientôt sur ce support ou un autre !

samedi 24 décembre 2022

L'année musicale 2022


Estimés lecteurs,

Après un inhabituel silence lié à une actualité personnelle peu riante, me voici de retour pour célébrer 2022.

À la vérité, je ne nourris pas du tout un fétichisme des bilans, mais la perspective de papoter musique avec deux amies chères, encouragée par l'adorable complaisance de nos camarades – comment ne pas y céder ?

Cette fois-ci, le bilan a donc été essayé en vidéo – occasion aussi de tester des outils et des formats pour d'autres expérimentations de Carnets sur sol, notamment l'idée de présenter les œuvres inédites avec un son produit maison, pour rendre les éloges d'inédits moins abstraits et pouvoir étendre la connaissance du répertoire aux amateurs non pourvus d'un piano. En voici deux essais avec l'acte I (piano seul) et l'acte II (piano et voix) du Vercingétorix de Félix Fourdrain, compositeur niçois dont on ne trouve quasiment rien nulle part – et auquel je consacrerai bientôt une notule.

Ce n'est évidemment pas plus que ce que ça prétend être : une conversation (devant une dizaine de spectateurs que nous connaissions quasiment tous personnellement) entre passionnés, une fenêtre où les curieux peuvent jeter un coup d'œil – mais sans aucun apprêt ni maîtrise technique, cela viendra peut-être un jour.

Ce bilan ne me dispense pas tout à fait d'écrire une notule – comme vous le voyez ; tout n'a pas été dit à l'antenne, et le format vidéo est moins aisé à compulser qu'un résumé écrit. Résumé que je vais donc vous livrer, d'autant plus succinct qu'il existe cette version développée.





1. Réponse aux questions des internautes

Avant de commencer, nous avons répondu aux questions fondamentales qui nous avaient été posées. (Je ne donne que mes réponses, pour celles des camarades, vous pouvez regarder la vidéo.)

Adalbéron Palatnįk : « Quel est le plus beau coup de glotte de l'année ? »
    Le coup de glotte n'est pas qu'une coquetterie, la pression subglottique peut être un paramètre très important dans l'organisation vocale, en particulier pour les rôles lourds : lorsqu'on veut émettre une note, en particulier aiguë, de façon nette (un aigu isolé, par exemple), on peut obturer le conduit d'air par l'épiglotte et tout relâcher d'un coup, créant un son puissamment soutenu (et générant au passage un « plop » caractéristique).
    Ce phénomène se trouve même phonématisé dans la langue danoise, où un mot peut changer de sens selon qu'il inclue ou non le coup de glotte (stød).
    La réponse n'est pas facile : j'ai entendu beaucoup de chanteurs et je n'ai pas catégorisé de la sorte. En salle, c'est probablement Ekaterina Semenchuk en Hérodiade (chez Massenet) qui faisait les plus audibles… mais à l'échelle de la saison d'opéra mondiale, c'est assurément Dorothea Röschmann qui aura fait les plus beaux (je ne l'ai pas entendue cette saison). C'est inhabituel dans Mozart, assurément, mais elle va chanter Isolde cette année à Nancy et à Caen, alors ce sera l'occasion de vérifier ce qui est davantage un pronostic qu'un bilan.

Grégounet : « Quel est le ploum-ploum de l'année, disque et spectacle ? »
    Ploum-ploum : Dans certaines communautés Twitter, désigne une forme de musique légère dont l'accompagnement fait ploum. Ce peut désigner les Italiens (Donizetti peut-être, Rossini surtout), mais il s'agit en général de nommer le répertoire léger français, d'Adam à Yvain en passant bien sûr par Offenbach (où la catégorie ploum-ploum fait régulièrement l'intersection avec la catégorie glouglou).
    Au disque, clairement Le Voyage dans la Lune d'Offenbach (Dumoussaud chez Bru Zane), grande fantaisie jubilatoire dans l'esprit du Roi Carotte, à la rencontre de peuples lunaires. Le final de la neige est particulièrement jubilatoire et irrésistible, surtout dans cette très belle réalisation. La production était donnée à Massy ces jours-ci et une autre passera à l'Opéra-Comique en début d'année prochaine.
    En salle, l'un des tout meilleurs Offenbach (avec les deux sus-cités), Barbe-Bleue, dans une production amateur de très haut niveau, par l'orchestre et les chœurs Oya Kephalê – qui produisent, chaque mois de juin que Dieu fait, un opéra d'Offenbach.

Romain Tristan : « Et le piano de l'année ?  Et l'orgue de l'année ? »
    Il y sera répondu dans les parties suivantes !

« Le dîner, avant ou après le concert ? »
    Tout dépend de votre microbiote… Pour ma part, comme je ne mange pas souvent, ce n'est pas toujours une question. Il faut étudier si vous êtes plutôt sensible au ventre vide plaintif ou aux assoupissements postprandiaux. Cela dit, dans le second cas, la structure canonique des concerts ouverture-concertos-symphonie permet avantageusement de siester avant l'entracte sans manquer la musique intéressante qui vient après.

« Laisser un pourboire ? »
(nous avons oublié d'y répondre, je donne donc une réponse plus détaillée ici)
    Le classique ne générant pas de recettes suffisantes, il est en général soit autoproduit dans de petites salles (concerts au chapeau ou billetterie helloasso / weezevent…), soit rendu accessible par des subventions dans les grandes salles publiques. Il existe quelques zones intermédiaires, comme le Théâtre des Champs-Élysées, où la programmation est soutenue par une institution publique (la Caisse des Dépôts et Consignations, sans laquelle il serait impossible d'équilibrer le budget avec les seules ressources de billetterie), mais sous la forme d'un mécénat de droit privé. Si bien qu'il s'agit d'un théâtre privé, répondant comme tel à un droit dérogatoire, spécifique aux théâtres parisiens. Alors que dans tous les autres corps de métier et partout en France, il est interdit de rémunérer un salarié sans une base fixe (d'où l'utilisation du statut d'auto-entrepreneur pour le nouvel lumpenprolétariat des livreurs à vélo)… les théâtres privés parisiens, eux, ont le droit de rémunérer leurs ouvreurs aux seuls pourboires. Ce n'est donc pas un mensonge – comme je l'ai d'abord cru à mon arrivée dans la région –, mais bel et bien leur unique source de rémunération.
    S'ensuivent un certain nombre d'abus (agressivité envers le public, corruption pour de meilleures places), particulièrement au Théâtre des Champs-Élysées dont la direction souhaite depuis longtemps supprimer pourboires et replacements sauvages, sans y parvenir. Pour les replacements, parce que Perret était un imposteur qui ne savait pas bâtir des angles, si bien qu'une large partie du théâtre (la moitié ?) voit au mieux les deux tiers de la scène en se penchant. 35€ pour voir 30% de la scène, c'est cher. Et une partie du public joue donc aux ninjas des coursives. Pour le pourboire, parce qu'il est en réalité plus rémunérateur que le salaire pour le peu d'heures travaillées, ce qui rend les ouvreurs peu enclins à renoncer à cet avantage paradoxal.
    C'est actuellement en cours de négociation au Théâtre des Champs-Élysées (à l'Athénée, ils ne réclament jamais rien et sont de toute façon adorables, on leur donne avec grand plaisir), mais ça dure depuis 2020 et n'a toujours pas abouti.
    Alors, laisser un pourboire ?  J'avoue que la perspective de payer son maton ne m'enchante pas – c'est vraiment l'ambiance au TCE, on paie la personne qui vous empêchera de vous asseoir à un meilleur siège vide –, mais considérant que c'est la seule rémunération qu'ils perçoivent, si jamais je me fais placer, je donne. Si je me place tout seul, non, je ne finance pas les emplois fictifs non plus.



2. 2022 : l'année Franck ?

En 2022, il y avait assurément beaucoup de choix !  De Scriabine, on n'aura guère eu que le concerto pour piano (deux fois à Paris, alors qu'il est plutôt rare d'ordinaire), quelques disques (souvent des couplages), et le nombre habituel de Poème de l'Extase. Vaughan Williams a été fêté au Royaume-Uni, guère ici. Quant aux autres, même ceux qui pourraient être emblématiques (l'importance de Goudimel dans la diffusion de la Réforme, Halphen juif dans la France antisémite et mort sur le front en 1917…), célèbres (Forqueray, E.T.A. Hoffmann, Xenakis), patrimoniaux en France (Chambonnières, Mondonville, Davaux, Séverac, Büsser) ou tout simplement rocambolesques (Dupuy), rien.

Vous pouvez en retrouver une liste agrémentée de conseils dans ces six épisodes qui m'ont occupé de l'automne 2021 à l'automne 2022 :

I – de 1222 à 1672 : Morungen, Mouton, Goudimel, Ballard, Benevolo, Gaultier, Chambonnières, Schütz, Schürmann, Forqueray, Kuhnau, Reincken…
II – de 1722 à 1772 : Benda, Mondonville, Cartelleri, Daquin, Triebensee…
III – 1822, Hoffmann, Davaux, Dupuy… : l'auteur de génie qui compose, l'inventeur véritable du métronome, la perte des Reines du Nord…
IV – 1872 (a), Moniuszko, Carafa, Graener, Alfvén : Pologne, Campanie, Reich, Suède
V – 1872 & 1922 : Hausegger, Halphen, Juon, Büsser, Perosi, Séverac, Vaughan Williams, Scriabine, Baines
VI – 1922 & 1972 : Popov, Leibowitz, Grové, Grofé, Amirov, Xenakis, Erkin, Bárta, Wolpe, Bryant…


Le grand vainqueur, c'est donc César Franck. En quantité, on a assez peu eu de concerts, à part une concentration de concerts dans les églises (par l'Orchestre Colonne, le CRR de Paris, Oya Kephalê et même quelques-uns à Radio-France) autour de la date de sa naissance (10 décembre). Heureusement, Bru Zane a remonté Hulda, dont la production à Fribourg, malgré la qualité des interprètes mandatés, ne rendait pas du tout justice. Outre ses influences wagnériennes (rien à voir avec l'italianisant Stradella, par exemple), on pouvait profiter d'un livret particulièrement étonnant – dans l'esprit de Psycho de Hitchcock, quasiment tous les personnages principaux sont massacrés aussitôt qu'on les a présentés !

Au disque, trois disques ont marqué l'année.

¶ Une belle intégrale des mélodies (qui s'étendent de l'épure de la dévotion d'église à la sophistication chromatique) par Christoyannis, Gens et Cohen.
¶ Le ballet intégral de Psyché par Kurt Masur à Verbier – un chef-d'œuvre, l'œuvre la plus lyrique de tout Franck, et à la fois très rarement donnée, encore plus rarement en entier, et quasiment jamais par des interprètes de premier plan.
¶ L'intégrale de la musique de chambre chez Fuga Libera (Trio Ernest, Quartetto Adorno, Miguel Da Silva, Gary Hoffman, Franck Braley…), qui permettait notamment d'entendre les rares Trios piano-cordes, qui sont des chefs-d'œuvre très bien bâtis et particulièrement élancés.

Côté intégrale pour orgue, il y a eu à boire et à manger (quelques-unes à la finition moyenne sur des Cavaillé-Coll immondes), mais on avait déjà du choix de ce côté-là. C'est davantage le Franck lyrique (mélodies, liturgie, opéra) qu'il fallait remettre à l'honneur. Ce fut fait, sans grand tintamarre à destination du grand public, mais les mélomanes curieux avaient la possibilité d'en profiter.



3. Géopolitique et musique

Le fait qui a bouleversé notre perception du monde et nos existences (économiques, du moins) n'a pas été sans conséquence sur notre représentation de l'histoire musicale du monde. Devant ce qui s'annonçait comme une dévastation systématique de l'Ukraine, on ne pouvait pas faire grand'chose… sauf peut-être s'intéresser à un patrimoine immatériel qui, même lui, sera possiblement en danger dans les prochaines années.

J'ai été un peu déçu, je l'avoue, du peu de concerts thématiques sur le sujet (qu'on aurait pu introduire par des conférences), et les disques parus sont plutôt des concepts d'hommage (chansons traditionnelles notamment). Même à Paris, à part le concert d'Igor Mostovoï au Châtelet, le concert du Symphonique de Kiev à la Cité de la Musique et les quelques propositions du « Week-end à l'Est » consacré à Odessa (concert vocal à Saint-Germain et concert symphonique au Châtelet, tous deux organisés par le Châtelet, et à nouveau Mostovoï), on n'a pas croulé sous l'offre. Quelques récitals de piano (partiellement) composés de compositeurs ukrainiens. Mais aucune maison n'a tenté de monter (ou d'inviter une troupe) un opéra ukrainien, un cycle de symphonies, une saison thématique. Je sais qu'il faut du temps pour mettre sur pied ce genre de projet, mais je crains que si cela n'a pas été fait sous l'impulsion de l'émotion, maintenant que le conflit s'est installé dans la durée et que plus personne ne joue l'hymne ni ne dédie son concert à l'Ukraine, ce ne sera pas la saison prochaine que la Philharmonie (et encore moins l'Opéra de Paris) proposeront un grand cycle thématique. (Il y aura bien un week-end spécial dans la prochaine saison de la Philharmonie, bien sûr, dans l'air du temps, mais je doute qu'on bénéficie d'une exploration systématique.)

Pour le disque, le délai de publication étant toujours long (un an en général entre la captation et la mise sur le marché), nous verrons. Quelques récitals de chansons ukrainiennes jusqu'ici, mais c'est à peu près tout.

De mon côté, à défaut de pouvoir aider, je voulais comprendre, et dans la mesure du possible participer à la sauvegarde d'une culture qui sera potentiellement en danger (que sont devenus ces chœurs polyphoniques de vieilles dames ? seront-ils transmis ?). Pour la musique traditionnelle, le Polyphony Project a effectué un travail inestible de recensement et d'immortalisation.

Pour un propos plus détaillé, je parle sur Twitter de quelques spécificités de la musique ukrainienne et en présente également quelques dizaines des principaux compositeurs, avant de le développer en essayant de l'articuler à diverses problématiques, dans cette série de notules.

Après écoute d'un peu plus de 80 disques, de quelques enregistrements hors commerce et concerts, après quelques lectures aussi, j'ai quelques éléments à souligner.

¶ Comme la musique russe, la musique ukrainienne utilise énormément de thèmes folkloriques. Essentiellement ceux  contenus dans la collection Lvov-Prač, la seule disponible au XIXe siècle. Recueil inestimable, qui ne distingue pas entre les mélodies populaires russes et ukrainiennes, qui circulent donc beaucoup aussi bien chez les compositeurs russes qu'ukrainiens. (Mais Lysenko va aussi effectuer lui-même des relevés.)

La musique russe et la musique ukrainienne ne se distinguent pas fondamentalement à l'oreille. Elles ont des principes communs (les modes harmoniques utilisés, le goût pour le lyrisme et le folklore, le rhapsodisme plutôt que la grande forme, etc.), mais cette absence de distinction est aussi due à la situation politique.
    ¶¶ Lorsque des compositeurs ukrainiens, comme ceux qui sont présentés comme les trois premiers compositeurs russes (Berezovsky, Bortniansky, Vedel) sont repérés comme talentueux après leurs études en Ukraine, ils sont recrutés pour la chapelle impériale de Saint-Pétersbourg, où ils sont formés par des compositeurs italiens (et pour deux d'entre eux, partent temporairement étudier et exercer en Italie). Les premiers compositeurs russes sont d'abord des compositeurs… ukrainiens. Comme les commandes et le pouvoir sont en Russie, ils partent s'y perfectionner et y vivre.
    ¶¶ De même, s'il existe peu d'opéra ukrainien, par exemple, c'est que l'oukase d'Ems (en 1876, au moment précisément où la culture spécifique ukrainienne commence à être abondamment mise en valeur) interdit l'impression de textes en langue ukrainienne. Dans le même esprit, le mot « ukrainien » (qui veut déjà dire habitant « de la Marche », c'est-à-dire « du truc dont on se sert pour que les ennemis les bolossent avant nous ») est banni est remplacé par « petit-russien », qui n'est donc pas tant un terme affectif qu'une marque de domination. J'ai été frappé par le fait qu'on retrouve exactement la même rhétorique de la fraternité que dans le discours officiel russe actuel, mais une fraternité oppressive, celui du grand qui a autorité sur le petit et qui se pense des droits sur lui.
                → Il est donc exact que la musique ukrainienne se distingue peu de la musique russe… mais si cette école musicale ukrainienne ne s'est pas singularisée, c'est d'abord qu'il ne lui était pas possible, politiquement, de le faire !

Beaucoup de compositeurs que nous pensons comme russes sont en réalité ukrainiens : Berezovsky, Bortniansky, Vedel, Glière (qui utilise beaucoup de thématiques proprement ukrainiennes), Roslavets, Feinberg, Ornstein, Mosolov… sont nés en Ukraine et y ont (sauf Roslavets) été formés !  (Je trouve incroyable qu'on ne le sache pas davantage pour Mosolov, par exemple !)
On peut y ajouter quelques cas plus ambigus : Anton Rubinstein (fondateur du Conservatoire de Moscou et grand représentant de la culture russe de référence), né à Ofatinți, partie de la Transnistrie rétrocédée à la Moldavie en 1940… mais dont une fine bande de terre à été redonnée à l'Ukraine !  Gavriil Popov, né à Novocherkassk, qui a toujours été en Russie, mais qui était l'ancienne capitale des Cosaques – qui sont à l'origine de la formation de l'Ukraine moderne – si bien que culturellement, on pourrait l'inclure dans la sphère d'influence ukrainienne. Enfin Sergueï Prokofiev, né à Sontsivka, à l'Ouest de Donetsk, est considéré comme russe mais est pourtant bel et bien né dans un territoire ukrainien (et au recensement de 2001, plus de 92% de la population avait l'ukrainien pour langue maternelle !).
Voilà qui fait un certain nombre des plus grands compositeurs russes nés (et pour beaucoup formés) en Ukraine !




4. Spectacles

Pour les comptes-rendus, je vous renvoie à la vidéo ou aux commentaires faits après chaque concert sur Twitter (mot-dièse #ConcertSurSol).

Tentative de podium :

1. Barbe-Noire d'Ambroise Divaret au CRR
2. Marie Tudor au CNSM
3. Der Schatzgräber de Schreker à Strasbourg
4. Le Destin du Nouveau Siècle de Campra (où, sans contrainte, le compositeur se lâche totalement)
5. Doubles chœurs de Rheinberger & Mendelssohn par le Chœur de Chambre Calligrammes
6. La Nativité de Messiaen par les élèves de Sylvie Mallet au CRR
7. Phryné de Saint-Saëns à l'Opéra-Comique
8. Rheingold par Nézet-Séguin au TCE
9. Suite de Rusalka d'Ille & Honeck à la Maison de la Radio
10. Programme franco-italien du Poème Harmonique avec Eva Zaïcik à la Fondation Singer-Polignac
11. Journée à la Roche-Guyon du festival Un Temps pour Elles (3 concerts, 3 violoncellistes de mon top 5 : Luzzati, Legasa, Phillips !)
12. Trio n°3 de Frank Bridge avec Christine Lagniel à l'Amphi Bastille
13. Schubert et Chostakovitch par le Quatuor Belcea au Théâtre des Champs-Élysées

Et aussi…
Bru Zane : Hulda TCE
Larcher PP
Neojiba Cerqueira PP
Schmitt Psaume 47 MR
Stockhausen Freitag PP
Tailleferre opéras-minute au CNSM
Turangalila Salonen PP
Elektra à Bastille
Cendrillon de Massenet à Bastille
Vestale Spontini TCE
Roi Carotte Oya Kephalê
Parsifal Bastille
Karawane PP
Ariane & Bacchus Marais TCE
Thaïs TCE

J'ai un peu oublié les bides, mais je me souviens de mêtre ennuyé ferme pour A Quiet Place de Bernstein à Garnier, et m'être demandé pourquoi jouer des œuvres rares qui ne sont pas propres à soulever l'enthousiasme, quand le choix est si vaste parmi les chefs-d'œuvre ? (réalisation par ailleurs assez terne)

Parmi les moments forts, deux histoires à vous partager.


Benjamin Bernheim, alors qu'on lui fait un entretien de complaisance, en profite pour faire longuement l'éloge de son pianiste. Un ténor qui ne parle pas de lui, et en plus qui complimente son accompagnateur alors que ce n'est même pas la question posée, je ne pensais pas voir ça un jour. (et ça m'a ému)


¶ Reprise de Robert le cochon et les kidnappeurs de Marc-Olivier Dupin à l'Opéra-Comique.
Un véritable traumatisme (que je vous raconte à la fin de la vidéo).

Il s'agissait de la reprise d'un spectacle destiné au jeune public, par l'adroit compositeur du Mystère de l'écureuil bleu, qui sait manier les références et écrire de la musique à la fois nourrissante et accessible. Mais cette fois…
 
D'abord, peu d'action, beaucoup de numéros assez figés, aux paroles plutôt abstraites… j'ai pensé à l'opéra italien du XIXe siècle et à ses ensembles où chaque personnage évoque son émotion, son saisissement… pas forcément la temporalité adaptée pour les moins de dix ans.
 
Ensuite, le propos éducatif était… déroutant. La méchante, c'est la propriétaire de la décharge qui veut simplement conserver un peu d'ordre alors que Mercibocou le loup et Nouille la Grenouille cassent et mettent tout en désordre. Robert le Cochon, en voulant parlementer pour sauver son ami le loup, prisonnier (personne ne l'a kidnappé, il a surtout été arrêté alors qu'il commettait un délit…), se fait éjecter. Mais il trouve la solution, la seule fructueuse, pour être entendu : il apporte une hache. Et là tout le monde s'enfuit et il peut délivrer son ami. (La violence ne résout rien, mais quand même, elle rend tout plus facile. Prenez-en de la graine les enfants.)

Et surtout, des images traumatiques. Nouille la grenouille est éprise de Mercibocou le loup, mais elle est surtout passablement nymphomane. Elle s'éprend aussi du chasseur de loup embauché par la directrice de la décharge, lui fait une cour éhontée, s'empare d'une « machine d'amour » pour le forcer à l'aimer. Âmes sensibles comme je le suis, ne lisez pas ce qui va suivre.
Nouille attrape alors le chasseur de loup, qui se débat, elle le tire par les pieds alors qu'il s'accroche désespérément au plancher en criant « je ne veux pas ! », et l'emporte dans la fusée où elle le viole – hors du regard du public, mais dans la fusée au milieu de la scène, tout de même –, et lui appliquant la « machine d'amour », le tue. Elle sort alors en pleurant et traîne le cadavre du chasseur sur toute la scène.
Oui, parfaitement, dans un opéra pour enfant, l'un des principaux personnages présentés comme sympathiques viole un autre personnage, sur scène, avant le tuer et de se promener partout avec son cadavre ! 
Pour mettre à distance un peu cette scène, on nous apprend, une demi-heure plus tardi (sérieusement ?  j'ai eu le temps de développer deux ou trois névroses dans l'intervalle…), qu'en réalité ce n'était pas un véritable homme mais une baudruche. Je ne sais pas si c'est vraiment mieux : on sous-entend ainsi que si vous voulez violer quelqu'un mais qu'il se révèle par accident n'être pas véritablement un humain, alors vous n'avez rien à vous reprocher. Quant au procédé même de catégoriser un personnage en non-humain pour mieux pouvoir le torturer, je ne suis pas trop sûr non plus de ce que j'en pense exactement… mais mon ressenti ne valait clairement pas assentiment !

J'ai vraiment peine à comprendre comment personne, dans le processus de création, librettiste, compositeur, metteur en scène, producteurs, interprètes, professionnels de la maison, public interne des filages, public de la prémière série en 2014… n'a demandé à un moment « mais le viol sur scène suivi de meurtre et d'exhibition du cadavre avant de le décréter sous-homme, est-ce totalement la meilleure idée pour un opéra jeune public ? ». Dans un opéra décadent comique du milieu du XXe siècle, ça aurait pu être amusant, mais dans au premier degré dans un opéra pour enfants, j'en suis resté traumatisé – et je l'ai raconté par le menu à tous ceux qui ont eu l'imprudencede me demander ce que j'avais vu de marquant dernièrement.


Le bilan de tout cela reste quand même que sur les 6 meilleurs spectacles de l'année, je recense trois spectacles d'étudiants et un concert d'amateurs !  Honnêtement, cela vaut la peine d'aller voir, surtout au CNSM où le niveau est très élevé (niveau pro, l'enthousiasme des débuts en sus). Les concerts des conservatoires sont toujours gratuits de surcroît ! 
Le recensement n'est pas toujours évident (c'est annoncé peu de temps à l'avance, dans des sites fastidieux à consulter, date à date), aussi je vous rappelle que je maintiens à cet effet un agenda des concerts franciliens où j'inclus et mets en avant les soirées intéressantes. Les spectacles avec mise en situation théâtrale au CNSM (la classe d'Emmanuelle Cordoliani en particulier) me fournissent chaque année des expériences parmi les plus originales et marquantes de la saison.

C'est un peu tôt (en général à 19h), mais si vous avez la possibilité de partir un peu en avance ou si vous posez occasionnelle des après-midis de congé, courez-y, beaucoup n'osent pas, mais on est tout à fait bienvenu, c'est fait pour et disposer d'un public aide à la formation de ces jeunes !  Et le résultat est en général très enthousiasmant (pour les grands spectacles baroques du CRR, les auditions de ses classes d'instrument ou à peu près tout au CNSM).



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5. Nouveautés discographiques : œuvres

Difficile de sélectionner (mon fichier d'écoutes de 2022 fait un millier de pages, plusieurs heures d'écoutes quotidiennes et peu de redites…)

Je tente un petit palmarès.

1. Eben – intégrale d’orgue vol.1 : Job, Fantasia Corale, Laudes… – Janette Sue Fishell (Brilliant Classics 2022) ♥♥♥
→ Ensemble assez incroyable de bijoux… je découvre la densité du langage (très accessible cependant) de la Fantasia Corale, une certaine parenté avec Messiaen, en moins exagérément idiosyncrasique… Et une très belle version de Job, l’une des plus belles et ambitieuses œuvres pour orgue du XXe siècle, avec récitants anglais.
→ Très belles versions, tendues, bien registrées, bien captées… et l’on n’avait de toute façon, que des bouts de choses jusqu’ici. Début d’une série absolument capitale.

2. Winter, Schack, Gerl, Henneberg, P. Wranitzky, Salieri, Haydn, Mozart – « Zauberoper », airs d’opéras fin XVIIIe à sujets magiques – Konstantin Krimmel, Hofkapelle München, Rüdiger Lotter (Alpha 2022) ♥♥♥
→ Encore un carton plein pour Krimmel. Un des plus passionnants (et ardents !) récitals d’opéra de tous les temps. Voilà. (Et il y a beaucoup d’autres compositeurs que « Mozart Haydn Salieri » dans cet album).
→ Document passionnant regroupant des inédits de première qualité (enfin un peu du génial Oberon de Pavel Vranický au disque !) interprétés avec ardeur, et dits avec une saveur extraordinaire. (Je vous recommande chaleureusement son récital de lieder Saga, exceptionnel lui aussi.)
→ Par ailleurs une très belle voix, bien faite, qui ne cherche pas à s’épaissir contre-productivement et conserve sa clarté malgré les formants très intenses qui permettent à la voix de passer l’orchestre.

3. Campra – Le Destin du Nouveau Siècle – Valiquette, Lefilliâtre, Vidal, Mauillon, Van Essen ; La Tempest, Bismuth (CVS)
→ Campra, dans ce sujet purement allégorique où les sujets de la Guerre et de la Paix expriment leurs émotions (!), peut s'en donner à cœur joie et ne rien brider de son imagination musicale. Ébouriffant. (Et quelle distribution, bon sang.)

4. Saint-Saëns – Phryné – Valiquette, Dubois, Dolié ; Rouen, Niquet (Bru Zane 2022) ♥♥♥
→ Intrigue déjà utilisée par Don Pasquale, Das Liebesverbot, Die schweigsame Frau…
→ Nous n'avions qu'une bande de la RTF mal faite, et c'est ici la révélation, toutes ces saveurs dans tous les sens. Court et absolument jubilatoire.

5. Ireland, Stanford, Coleridge-Taylor, Clarke, Liszt – Sonates & autres pièces pour piano – Tom Hicks (Divine Art 2022) ♥♥♥
→ Très beau corpus pianistique anglais… la Sonate d’Ireland manifeste une grande ambition, postdebussyste (mais avec une forme thématique plus charpentée), et regorge de séductions.
→ Et, divine surprise, la version de la Sonate de Liszt échappe totalement à la virtuosité fulgurante qui m’exaspère d’ordinaire : Hicks travaille véritablement l’harmonie (très claire, mais il crée parfois des sortes d’appoggiature en laissant chevaucher la pédale), la structure, le son n’est pas le plus brillant du marché, mais la réalisation est l’une des plus éloquentes !  J’ai l’impression de découvrir – enfin ! – l’intérêt que les mélomanes lui portent.

6. Eleanor Alberga – Concertos pour violon 1 & 2 – Pearse, Bowes, BBC National Orchestra of Wales, Swensen (Lyrita 2022) ♥♥♥
→ Compositrice. Noire. Toutes les raisons de ne pas être jouée… et à présent toutes les raisons d’être réessayée. Vraiment dubitatif lors du concerto pour violon n°2 qui ouvre le disque, assez plat. En revanche le cycle de mélodies est marquant, et surtout l’incroyable premier mouvement du Premier Concerto, dans un goût quelque part entre Mantovani et Berg, de grandes masses orchestrales contrapuntiques menaçantes, mais tonales et très polarisées. Assez fantastiquement orchestré !

7. Pijper, (Louis) Andriessen, (Leo) Smit, Loevendie, Wisse, Henkemans, Roukens – « Dutch Masters », œuvres pour piano à quatre mains – Jussen & Jussen (DGG 2022) ♥♥♥
→ Panorama très varié (du postromantique décadent étouffant de Pijper à l’atonalité dodécaphonique avenante de Louis Andriessen en passant par les debussysmes de Smit) de ce fonds musical incroyablement dense pour un pays à la démographie aussi modeste. (Ma nation musicale chouchoute d’Europe avec les Danois, je me fais très souvent des cycles consacrés à l’un ou l’autre, avec un émerveillement récurrent.)
→ Pour finir, un étonnant concerto très syncrétique de Roukens, manifestement inspiré à la fois par le jazz, varèse et la musique grand public !  (et sans facilité, vraiment de la très bonne musique)

8. Maria Bach – Quintette piano-cordes, Sonate violoncelle-piano, Suite pour violoncelle seul – Hülshoff, Triendl (Hänssler 2022) ♥♥♥
→ Œuvres denses et avenantes à la fois, culminant dans cette Suite pour violoncelle qui m’évoque Elias de Mendelssohn : on y sent sans équivoque l’hommage à Bach, mais un idiome romantique plus souple et expressif qui me séduit considérablement. Oliver Triendl fait des infidélités à CPO et, de fait, les œuvres communes au disque CPO y sont plus ardentes.
&
Maria Bach – Quintette piano-cordes, Quintette à cordes, Sonate violoncelle-piano– (CPO 2022) ♥♥
→ Quintette à cordes de toute beauté, germanique mâtiné d’influences françaises. Thèmes fokloriques russes très audibles.

9. Hans Sommer – Lieder orchestraux – Mojca Erdmann, Vondung, Appl ; Radio Berlin (ex-Est), (PentaTone 2022) ♥♥♥
→ Généreux postromantisme sur des textes célèbres, très bien orchestré et chanté par des diseurs exceptionnels (Vondung, et surtout Appl). Coup de cœur !

10. Schütz, Gagliano, Marini, Grandi & Roland Wilson – Dafne – Werneburg, Hunger, Poplutz ; La Capella Ducale, Musica Fiata, Roland Wilson (CPO 2022) ♥♥♥
→ Si la reconstruction d’un opéra perdu peut paraître une pure opération de communication – la preuve, je me suis jeté sur ce disque alors même que je savais qu’il ne contenait pas une mesure de Dafne ! –, le projet de Roland Wilson est en réalité particulièrement stimulant.
→ En effet, partant de l’hypothèse (débattue) qu’il s’agissait bel et bien d’un opéra et pas d’une pièce de théâtre mêlée de numéros musicaux, il récupère les récitatifs de la Dafne de Gagliano (qui a pu servir de modèle), inclut des ritournelles de Biagio Marini, un lamento d’Alessandro Grandi (ami de Schütz), et surtout adapte des cantates sacrées de Schütz sur le livret allemand qui, lui, nous est parvenu. (Wolfgang Mitterer a même fait un opéra tout récent dessus…)
→ Le résultat est enthousiasmant, sans doute beaucoup plus, pensé-je, que l’original : énormément de danses très entraînantes, orchestrées avec générosité, un rapport durée / saillances infiniment plus favorable que d’ordinaire dans ce répertoire (même dans les grands Monteverdi…). Ce n’est donc probablement pas tout à fait cohérent avec le contenu de l’original, mais je suis sensible à l’argument de Wilson : c’est l’occasion d’entendre de la grande musique du temps que, sans cela, nous n’aurions probablement jamais entendue !  (Et dans un cadre dramatique cohérent, ajouté-je, ce qui ne gâche rien.) → Les deux ténors sont remarquables, l’accompagnement très vivant, et surtout le choix des pièces enthousiasmant !

10. Vladigerov – « Orchestral Works 3 » – Chambre Bulgare, Radio Nationale Bulgare, Vladigerov (Capriccio 2022) ♥♥♥
→ Remarquablement écrit tout cela !  Tonal et stable, mais riche, plein de couleurs, de climat, de personnalité, et surtout un élan permanent. Un grand compositeur très accessible et très méconnu.
→ Si le Poème juif se révèle l’héritier d’un postomantisme germanique généreux et décadents, les Impressions de Lyutin sont marquées par l’influence des motorismes soviétiques, tandis que le dernier des 6 Préludes Exotiques porte, lui, la marque éclatante du Ravel le plus expansif !  Et à chaque fois, sans pâlir du tout devant ses modèles, et non sans une personnalité réellement décelable.
→ D’autres choses sont moins marquantes, mais pas sans valeur, comme le lyrisme filmique de l’Improvisation & Toccata, qui a quelque chose de Max Steiner et Korngold…
→ Clairement le meilleur album de la série, trois disques de merveilles.

11. Czerny, Sonate n°6 / Schubert, Sonate D.958 en ut mineur – Aurelia Vişovan (Passacaille 2022) ♥♥♥
→ Encore un coup de maître d’Aurelia Vişovan… Première fois de ma vie que je suis passionné par une sonate de Schubert (hors peut-être la dernière). Quelle puissance rhétorique implacable, et sur un joli blong-blong en sus !
→ Très belle sonate (en sept mouvements !) de Czerny également.
→ Découvrez absolument aussi son disque Hummel / Beethoven !

12. Noskowski – Quatuors n°1 & 2 – Four Strings Quartet (Acte Préalable 2022) ♥♥♥
→ Le 2 est un bijou de lyrisme intense, quoique pas du tout « douloureux » comme le prétendent les indications de caractère des mouvements, au contraire d’un élan lumineux remarquable !

13. Taneïev – Trio à cordes Op.31, Quatuor piano-cordes Op.20 – Spectrum Concerts Berlin (Naxos 2022) ♥♥♥
→ Le Trio est rarement enregistré, petite merveille jouée avec des cordes d’une intensité d’attaque, d’une résonance, d’une précision d’intonation assez vertigineuses. Et le Quatuor, toujours aussi puissamment inspiré dans ses élans mélodiques… Disque miraculeux.

14. Pachelbel – Les Fugues Magnificat – Space Time Continuo (Analekta 2022) ♥♥♥
→ Oh, quelle merveille !  Des fugues distribuées à différents ensembles : théorbe, orgue ou consort de violoncelles, parfois même au sein de la même fugue. La matière en est très belle (cette Chaconne en fa mineur !) et la réalisation suprême.

15. Charlotte Sohy – Œuvres avec piano (dont mélodies) – Garnier, Nikolov, Phillips, Luzzati, Oneto Bensaid, Kadouch, Vermeulin (La Boîte à Pépites 2022) ♥♥♥
→ Première publication de ce label qui a déjà fourni beaucoup de matière en musique féminine de premier plan (cf. son calendrier de l’Avent récent ou le festival Un Temps pour Elles qui lui est lié).
→ Ce volume contient des pièces pour piano, des mélodies (les très belles Chansons de la Lande, qui ont clairement entendu Duparc), de la musique de chambre, en particulier le miraculeux trio, dont le traitement thématique est absolument fascinant. (Et quels artistes possédés par leur sujet, dans le trio tout particulièrement !)
→ Les pièces pour piano m’ont paru moins essentielles, davantage tournées vers le caractère, la décoration, le salon. À réécouter.

Mais il y a aussi :

Ibert : Le Chevalier errant
Messiaen : Chronochromie
Jarre (Maurice) : Concertino pour percussions et cordes
Mihalovici : Symphonie n°2, Toccata pour piano & orchestre
Milhaud : L’Homme et son désir
Roussel : Concert, Suite en fa, Symphonie n°3
Honegger : Symphonie n°3
Debussy : Marche écossaise, Berceuse héroïque, Faune, Nocturnes, La Mer, Jeux
Ravel : Alborada, Oye
⇒ Radio de Baden-Baden, Hans Rosbaud (SWR Classic 2022) ♥♥♥
→ 4 CDs dans un son clair très réaliste et physique, avec une direction acérée et tendue… Ibert extraverti, Messiaen totalement déhanché et débridé, Honegger frénétique, Debussy tranchant… vraiment un concentré de bonheur, de bout en bout… et avec quelques véritables raretés, comme le remarquable Chevalier Errant d’Ibert, ou bien sûr Maurice Jarre et les pièces de Mihalovici.

Perosi – Quintettes piano-cordes 1 & 2, Trio à cordes n°2 – « Roma Tre Orchestra Ensemble » : Spinedi, Kawasaki, Rundo, Santisi, Bevilacqua (Naxos 2022) ♥♥♥
→ On a beau être mélomane de longue date, la vie peut toujours réserver des surprises : en deux jours, moi qui trouvais le genre du Trio à cordes assez peu fulgurant, je viens de découvrir les deux plus beaux trios que j'aie entendus, et que je n'avais jamais écoutés !  Après Taneïev, voici Perosi n°2.
→ Le feu qui traverse cette œuvre est assez grisant, sans effets de manche ni épanchements superficiels. (Les Quintettes sont très beaux aussi, mais je les connaissais déjà.)

Fauchard – Intégrale pour orgue – orgue de Detmold, Flamme (CPO 2022)♥♥♥
→ Des aspects Vierne, mais aussi un grand nombre de citations de thèmes liturgiques, en particulier dans la Symphonie Mariale que je trouve particulièrement réussie, évocant les Pièces de Fantaisie de Vierne, mais dans une perspective structurée comme un Symphonie de Widor.
→ La Symphonie Eucharistique est encore plus impressionnante en développant davantage et ressassant moins. Quelques contrastes incroyables (dans le II « Sacrifice » !).
→ De la grande musique pour orgue – si vous aimez les grandes machines évidemment. (J’ai songé aux aplats enrichis du Job d’Eben en plus d’une occurrence dans la Quatrième Symphonie, et c’est un beau compliment.)

Bach (Suite n°1), Duport, Piatti, Battanchon, Hindemith (Sonate n°3), Sollima (Sonate 1959), Casals, Rostropovitch, Matt Bellamy – « Le Chant des Oiseaux » – Thibaut Reznicek (1001 Notes 2022) ♥♥♥
→ Programme puissamment original, qui parcourt des pans majeurs de l’œuvre pour violoncelle seul, un Bach sublime mais aussi de passionnants Battanchon et Hindemith, un touchant Sollima (cette simplicité qui touche toujours juste, encore plus peut-être que dans ses délectables Quatuors…). Et Reznicek en gloire, l’un des grands violoncellistes d’aujourd’hui, doté d’un grain et d’une musicalité qui ont peu d’équivalent sur la scène actuelle.

Edelmann, Persuis, Gluck, Monsigny, Grétry, J.-C. Bach, Dalayrac, Cherubini – « Rivales », scènes d’opéra rares du XVIIIe – Gens, Piau, Le Concert de la Loge Olympique, Chauvin (Alpha 2022)
→ J'ai vu le CD « Rivales », je me suis dit « oh non, encore un récital téléphoné à base de joutes vocales fantasmées ». En réalité, recueil de grandes scènes dramatiques françaises fin XVIIIe jamais enregistrées. Et interprétation aux couleurs et inflexions extraordinaires !
→ Les figuralismes de l’abandon d’Ariane (rugissements de bêtes, tempête maritime…) chez Edelmann sont absolument incroyables ; mais aussi le grand récit de Démophoon de Cherubini, et évidemment « Divinités du Styx » par Gens.



6. Nouveautés discographiques : versions

Et bien sûr des choses moins neuves, mais dans des interprétations miraculeuses.

LULLY – Acis & Galatée – Bré, Auvity, Crossley-Mercer, Tauran, Cachet, Getchell, de Hys, Estèphe ; Chœur de Chambre de Namur, Les Talens Lyriques, Rousset (Aparté 2022) ♥♥♥
→ Tout l’inverse du parti pris esthétique du Zoroastre paru la même semaine : déluge de couleurs variées et de dictions affûtées (mention particulièrement à Bénédicte Tauran, particulièrement charismatique). Immense proposition de toute l’équipe.

Purcell – Dido & Aeneas – Les Argonautes, Jonas Descotte (Aparté 2022) ♥♥♥
→ Incroyable !  Purcell joué comme du LULLY. Voix fines et expressives (à l’accent français plus délicieux qu’envahissant), couleurs orchestrales magnifiques, et le tout dans une finition d’une perfection absolue. Voilà qui rejoint d’emblée García Alarcón sur le podium des versions les plus intenses de cette œuvre pourtant rebattue !
→ Les danses, que j’ai toujours trouvées moins passionnantes que les récitatifs (quelle surprise…) se révèlent ici absolument irrésistibles. (Et les récitatifs restent fabuleux aussi.)
→ J’espère que cet ensemble ira loin, et fera la promotion du répertoire français en complément d’autres bien en cour actuellement, mais aux postures plus hédonistes (Les Surprises, Les Ambassadeurs font de l’excellent travail, mais ce n’est pas l’esthétique qui fonctionne le mieux dans ces musiques, à mon sens…).

Voříšek, Mozart – Symphonie en ré Op.23, Symphonie 38 – Gewandhaus O, Blomstedt (Accentus Music 2022) ♥♥♥
→ Contre toute attente, après des Brahms plutôt impavides et indolents, un Mozart plein de vie et d’aspérité : certes tradi, mais un tradi vibrillonnant, qui ne se contente jamais d’énoncer les formules mais les accompagne et leur insuffle un feu permanent. Une des plus belles versions que j’aie entendues, pour moi qui ai pourtant tendance à privilégier le crincrin crissant et le pouêt-pouêt couaquant !  Une partie du plaisir provient aussi de l’exécution intégrale, avec les reprises (18 minutes pour le premier movement, et 12 pour l’andante !), ce qui permet de goûter pleinement les équilibres formels et les trouvailles merveillleuses de notre (presque) vieux Mozart.
→ La Symphonie en ré de Voříšek est elle aussi extraordinairement réalisée, Blomstedt mettant en valeur son très grand potentiel dramatique, ses parentés avec Mozart dans la recherche harmonique, la variété de ses climats (des contrastes impressionnants dans le mouvement lent). Elle ne m’avait pas du tout autant frappé, et pour cause, dans l’excellente version Goebel.

Weber, Schubert, Schumann – Lieder orchestrés, airs d’opéra (Alfonso und Estrella, Euryanthe…) – Devieilhe, Fa, Degout ; Pygmalion, Pichon (HM 2022) ♥♥♥
→ Le projet ne m’enthousiasmait pas, mais le choix des œuvres (de très beaux airs de baryton de Weber et Schubert, rarement gravés en récital) et leur réalisation sur instruments anciens, débordant de couleurs et de textures, est absolument superlative. Je suis resté sonné par l’intensité de la réalisation – et Degout, qui n’est pas mon chouchou, est en forme olympique !
→ Du même degré de réussite que l’album « Mozart inachevés » de Pygmalion.

Schumann – Quatuors piano-cordes, Märchenerzählungen (version avec violon) – Dvořák PiaQ (Supraphon 2022) ♥♥♥
→ Je découvre avec stupéfaction qu’il existe un autre quatuor piano-cordes de Schumann… et qu’il vaut de surcroît son génial autre !  (Version formidable aussi.)

Meyerbeer – Robert le Diable – Morley, Edris, Darmanin, Osborn, Courjal ; Opéra de Bordeaux, Minkowski ♥♥
→ Je reste toujours partagé sur cette œuvre : les actes impairs sont des chefs-d’œuvre incommensurables, en particulier le III, mais les actes pairs me paraissent réellement baisser en inspiration. Et certaines tournures paraissent assez banales, on n’est pas au niveau de finition des Huguenots, où chaque mesure sonne comme un événement minutieusement étudié. Pour autant, grand ouvrage électrisant et puissamment singulier, bien évidemment !
→ Comme on pouvait l’attendre, lecture très nerveuse et articulée. Courjal, que je trouvais un peu ronronnant ces dernières années, est à son sommet expressif, fascinant de voix et d’intentions. Bravo aussi à Erin Morley qui parvient réellement à incarner un rôle où l’enjeu dramatique, hors de son grand air du IV, paraît assez ténu par rapport aux autres héroïnes meyerbeeriennes – avant tout un faire-valoir.
→ Très (favorablement) étonné de trouver ce chœur, qui bûcheronnait il y a quinze ans, aussi glorieux – son à la fois fin mais dense, ni gros chœur d’opéra, ni chœur baroque léger, vraiment idéal (seule la diction est un peu floue, mais il est difficile de tout avoir dans ce domaine).

Gluck, Rossini, Bellini, Donizetti, Halévy, Berlioz, Gounod, Massenet, Saint-Saëns – « A Tribute to Pauline Viardot » – Marina Viotti, Les Talens Lyriques, Christophe Rousset (Aparté 2022) ♥♥♥
→ Voilà, pour une fois, un récital intelligent, qui tient les promesses de son titre : le répertoire de Pauline Viardot, sur instruments d’époque, par une voix exceptionnelle, d’une très belle patine mais brillante, à la diction affûtée, à la projection manifestement aisée, maîtrisant aussi bien la cantilène profonde que la déclamation dramatique ou l’agilité la plus précise.
→ Orphée, La Juive, La Favorite, Les Troyens sont d’éclatantes réussites, qui offrent à la fois une qualité supérieure de diction et d’expression… mais aussi un accompagnement d’un caractère et d’une singularité qui renouvellent véritablement l’écoute !

Czerny – Nonette – Brooklyn Theatre Salon Ensemble (Salon Music 2022) ♥♥♥
→ Une nouvelle version du Nonette !  Timbres moins parfaits que chez le Consortium Classicum, mais la prise de son est encore plus aérée et détaillée, beaucoup d’aspect qu’on a l’impression de mieux découvrir. Pour l’un des plus hauts chefs-d’œuvre de Czerny.

¶ Brahms – Symphonie n°1, Concerto pour violon (S.-M. Degand, Le Cercle de l'Harmonie, Rhorer) (NoMadMusic 2021) ♥♥♥
→ Fin de l'année 2021, passé inaperçu dans les bilans.
→ Formidables couleurs renouvelées, et dans le concerto, ce que tire Degand de cordes en boyaux est tout simplement hallucinant d'aisance et de musicalité. Versions majeures, et très différentes de ce qu’on peut entendre ailleurs.

Brahms – Les Symphonies – Chambre du Danemark, Ádám Fischer (Naxos 2022) ♥♥♥
→ Dans le même goût que leurs Beethoven, avec une Héroïque particulièrement marquante, un Brahms aux cordes non vibrées qui n’en ressort pas (comme c’est en général le cas) rigidifié ou anémié : Fischer s’empare de cette options en faisant tout claquer avec une vivacité impressionnante… le plus admirable est que les mouvements lents eux-mêmes en sortent particulièrement rehaussés, par le grain, par la lisibilité structurelle, par la force des intensions.
→ Une très grande lecture, particulièrement marquante, qui renouvelle radicalement l’approche de ces œuvres d’ordinaire beaucoup plus pâteuses, et dont l’orchestration sort ici transfigurée. Je le mets dans mon panthéon aux côtés de Manze (pour la couleur, les accents) et Zehetmair (pour l’intelligence de l’articulation des cordes).
→ Bissé.

Offenbach – Le Voyage dans la Lune – Derhet, Lécroart ; ON Montpellier, Dumoussaud (Bru Zane 2022) ♥♥♥
→ Sur un schéma habituel (princesse enlevée par un prince mauvais sujet), farci de rebondissements plein de fantaisie (fusée, terre habitée, volcan), quelques pastiches identifiables (les enchères à la chandelle de la Dame Blanche « Personne ne dit mot ? »), et plusieurs moments assez marquants mélodiquement (le chœur de la neige), un bel Offenbach ambitieux et puissamment original, dans le goût du Roi Carotte ou de Barbe-Bleue.

Dubois, d’Indy, Caplet – Dixtuor, Chansons & Danses, Suite Persane  – Polyphonia Ensemble Berlin (Oehms 2022) ♥♥♥
→ Trois très belles œuvres, mais le disque vaut particulièrement pour sa version des Chansons & Danses de d’Indy, d’une verdeur exceptionnelle, complètement nasillarde et terroir – je n’imaginais pas des musiciens allemands capables de se donner à fond là-dedans !  Indispensable version de premier plan de ce chef-d’œuvre.

Sibelius – Symphonies 3 & 5, La Fille de Pohjola – Symphonique de Göteborg, Rouvali (Alpha 2022) ♥♥♥
→ Voilà une intégrale réalisée par un autre prodige finlandais, sur beaucoup plus long terme qu’Oslo-Mäkelä, et qui apporte, cette fois, une toute nouvelle perspective sur ces œuvres !  Captation merveilleuse de surcroît.
→ Rouvali a la particularité de traiter les transitions non comme des passages d’attente, mais comme si (et c’est le cas !) elles étaient le cœur du propos. Il n’hésite pas à mettre en valeur les motifs d’accompagnement et à les rendre thématiques (sans abîmer pour autant l’équilibre général de la symphonie et les thèmes). On se retrouve donc avec deux fois plus de thèmes (et de bonheur).
→ Sa Première était un bouleversement paradigmatique ; les autres parutions m’avaient moins impressionné. Mais dans cette Troisième, au premier mouvement très vif et élancé, au deuxième au contraire d’une lenteur particulièrement inspirée (avant que tout ne s’emballe), on sent à quel point, à nouveau, chaque équilibre, chaque progression est pensée. Vraiment un témoignage de tout ce qu’un chef peu magnifier dans une grande partition. → Tout simplement (et de loin) la meilleure version que j’aie entendu de la Troisième (et j’ai écouté toutes les intégrales discographiques de Sibelius).
→ La Cinquième est moins singulière, mais toujours remarquablement articulée et captée (pas une version où l’appel de cor du final est particulièrement majestueuse / exaltante, attention à ceux pour qui c’est important).

Sibelius – Symphonie n°7, Suite de Pelléas, Suite de Kung Kristian II – Radio Finlandaise, Nicholas Collon (Ondine 2022) ♥♥♥
→ Premier directeur musical non finlandais à la tête de la Radio, ce n’est en tout cas pas une erreur de casting : une Septième pleine de frémissements, de détails, de vie, de bout en bout, l’une des plus abouties de celles (très nombreuses) qu’il m’ait été donné d’entendre.

Langgaard – Symphonie n°1, « Pastorale des falaises » – Berliner Philharmoniker, Sakari Oramo (Da Capo 2022) ♥♥♥
→ Cette unique symphonie de Langgaard écrite dans le goût postromantique généreux (sur les 16 de son catalogue) trouve ici une lecture particulièrement limpide et animée… le résultat est d’un souffle absolument irrésistible.




7. Découvertes de l'année

L'exploration des anniversaires a bien sûr été l'occasion de beaucoup de belles découvertes (Ballard, Schürmann, Baines… et bien sûr la vie absolument démente de Dupuy !).

De même pour l'Ukraine. Parmi les belles rencontres inattendues, Semen Hulak-Artemovskiy dont l'histoire m'a passionné, et Leo Ornstein, pianiste exilé aux États-Unis dont le futurisme débridé me ravit absolument (le disque de Janice Weber avec les Sonates 4 & 7, ou le Quintette qu'elle a gravé avec le Quatuor Lydian, sont à couper le souffle).

En lisant Pelléas au piano, j'ai été frappé comme la foudre par l'hypocrisie de Debussy, se moquant de la façon de Wagner d'écrire un opéra à partir de bouts de motifs hystériques. Or, bien que les exégètes que j'ai lus aient toujours paru relativiser les leitmotive dans Pelléas, en réalité le plus clair de l'opéra n'est bâti que sur ces motifs (souvent des interludes ou des sections entiers !), peut-être encore davantage que dans Tristan ou le Ring… Découverte qui m'a stupéfié, j'étais toujours passé à côté à l'écoute – activité dont je ne suis pourtant pas suspect d'avoir été économe. Il y aura des notules (et peut-être même une « conférence-concert ») sur le sujet. Voyez déjà cette notule générale et celle-ci, plus récente.

Autre grand choc, la découverte des concertos pour violon de Pierre Rode, d'un style postclassique à la fois dramatique et d'une veine mélodique incroyable (un peu dans l'esprit de Dupuy), que j'ai écoutés en boucle pendant mes randonnées depuis le printemps dernier.

Une claque monumentale avec I Masnadieri de Verdi dans la version de Gavazzeni à Rome en 1972 (Ligabue, G. Raimondi, Bruson, Christoff).
Je n'avais jamais été très touché par cet opéra encore un peu formellement post-belcantiste, et dans des versions molles (Gardelli notamment) distribuées totalement à rebours (Bergonzi en brigand sans limites !). Réécoute avec cette version possédée, en relisant sa source Die Räuber.  J'en suis sorti vraiment sonné… Les plot twists surabondants et délirants (il y en a combien, une demi-douzaine rien que dans la dernière scène ?), et la fin assez inattendue et insoutenable, le désespoir qui baigne le tout – chaque personnage étant persuadé de sa damnation et se débattant malgré tout en s'enfonçant dans ses crimes et en choisissant mal la loyauté de ses serments –, la recherche d'un sublime perverti, tout concourt au malaise exaltant.
Ces outrances sidérantes ont dû faire réagir sur le plan de la bienséance, même pour un public habitué aux fantaisies romantiques !  Mais c’est aussi le terreau pour des scènes très contrastées comme Verdi les aime – la prière apocalyptique du méchant !  Les rôles sont eux aussi démesurés : l’épouse qui dérobe une épée et tient en respect le méchant, le baryton totalement maléfique, le ténor vociférant… j’en suis sorti assez secoué avec cet attelage plus grand que nature.
→ Et alors, Gianni Raimondi, que je tenais pour une belle voix (idéalement émise mais) un peu aimablement lisse, totalement hors de lui, est hallucinant dans sa dernière scène.

Quelques opéras du romantisme allemand, aussi, à commencer par Die Räuberbraut de Ries (dont je n'avais jamais rien trouvé saillant, et qui se révèle un tempérament dramatique de premier ordre !) et Die Lorelei de Bruch (de très loin supérieure en intensité à ses autres vocales comme Ulysse ou Arminius).

Enfin, les symphonies d'Alfvén dirigées par le compositeur, tellement claires, mordantes et redevables au folklore, on ne l'imaginerait pas du tout en écoutant les autres versions du commerce (beaucoup plus vaporeuses et « atmosphériques »).



8. Cycles de l'année

Pour approfondir un sujet ou préparer une notule, j'ai tendance à creuser un même sillon, d'où la poursuite de quelques cycles.

Cycle opéra suédois :
Je ne suis toujours pas inconditionnel de la Fête à Solhaug de Stenhammar (un rare Ibsen mis en musique), mais son Tirfing sur un sujet médiéval est absolument enthousiasmant, ces finals tournoyants particulièrement généreux m'ont transporté !  On trouve pas mal d'œuvres chez Sterling.
J'ai aussi profité de tout le fonds édité par BlueBell : récitals d'artistes suédois qui chantent tout le répertoire… en suédois. Mozart, Verdi, Wagner, R. Strauss, tout y passe… voix phénoménales et saveur très particulière de cette langue (variété vocalique et, par rapport à l'allemand, une fermeté qui n'exclut pas la rondeur). Vous pouvez commencer par le volume consacré à Arne Tyrén, vertigineux. Il faut après naviguer selon ses goûts, mais la quinzaine d'albums vaut le détour, particulièrement pour les chanteurs moins connus (qui chantent mieux…).

Cycle Segerstam
Cycle Westerberg
(de pair avec ce cycle opéra suédois)

Cycle opéras français post-1870 :
Hérodiade de Massenet, Aben-Hamet de Dubois, Vercingétorix de Fourdrain, Lutetia d'Holmès, Ivan le Terrible de Gunsbourg… évoquent tous à leur manière les tourments de la défaite et la recherche du sublime malgré la déchéance et l'horreur. Il est frappant de voir que le parallèle Romains-Germains est réalisé par plusieurs de ces œuvres (Hérodiade, Vercingétorix, Lutetia), alors que dans notre imaginaire contemporain la culture romaine (ne serait-ce que par la distribution linguistique) s'oppose justement à celle du Nord de l'Europe.

Cycle opéras de Théodore Dubois
En train de déchiffrer au piano tous ceux que j'ai pu trouver : Le pain bis, Xavière, Le Guzla de l'Émir, Aben-Hamet, Le Paradis perdu… Et je m'émerveille à chaque fois de la facilité de lecture et de l'économie de la pensée musicale, dispensant beaucoup de beautés, mais toujours à la juste proportion, comme une épice vient relever un plat sans le dénaturer.

Cycle Taneïev
Sa musique de chambre est extraordinaire, et les symphonies aussi. 45 disques écoutés, à peu près toutes les œuvres que j'ai pu trouver couramment disponibles.

Cycle intégrale Verdi
Réécoute de tous les opéras de Verdi. Toujours source d'émerveillement et de plaisir.

Cycle Oliver Triendl
Le grand pianiste défricheur (les concertos rares et la musique de chambre interlope chez CPO, c'est très souvent lui !). En plus il joue merveilleusement. J'ai suivi sa trace pour faire encore davantage de belles découvertes !

Et quelques autres autour de compositeurs :

Cycle Dupuy
Cycle Czerny
Cycle Stenhammar
Cycle Pejačević
Cycle Juon
Cycle Miaskovski
Cycle Tchèques milieu XXe (Luboš Fišer et Jan Fischer !)
Cycle Sviridov

Ou d'interprètes :

Cycle Gianni Raimondi
Cycle Fedoseyev
Cycle Dähler (le pianiste)

… ou même un cycle Civil War, pour retrouver la trace des thèmes les plus célèbres utilisés dans la musique américaine. (Pas évident de trouver de bons disques, beaucoup d'arrangements dégoûtants – j'ai dû fouiller un peu.)

Si vous êtes curieux, une recherche en ctrl+F dans le fichier des écoutes et dans son archive vous permettront de retrouver les disques et les commentaires.



9. Doudous

J'ai aussi réécouté certains de mes doudous personnels : les Variations « Prinz Eugen » de Graener, Miles fortis de Hamel, Raoul Barbe-Bleue de Grétry, Ungdom og Galskab de Dupuy, et j'ai découvert ou réécouté sans trête la musique de chambre de compositeurs majeurs dans ce genre et trop méconnus : Krug, Koessler, Schillings, Pejačević, Kabalevski, Taneïev, Howells…




J'espère que ce bilan vous aura donné des idées d'écoutes, ou que la vidéo vous aura amusés. À défaut, sachez que je diffuse et commente mes écoutes en temps réel sur ce fichier.

À l'année prochaine, estimés lecteurs !

jeudi 16 septembre 2021

Les paradoxes de l'orgue : le mauvais répertoire pour le mauvais instrument


Récit

Sur les routes du Forez et du Livradois, en direction des fresques XIe et du cloître roman de Lavaudieu. la route la plus brève nous mène, comme tout bon carrefour de France, au pied d'une autre prestigieuse abbaye – mère de nombreuses – aux contours partiellement fortifiés.

Le temps de descendre de monture, nous percevons, dès l'abord du chevet, les vibrations qui transpirent des pierres.

En paisible hâte, nous poussons le portail Ouest… et se produit alors un miracle comme seule l'apparition de la Foi peut en dispenser : ma compagnonne d'aventure, plutôt rétive d'ordinaire aux abstractions bruyantes de l'orgue, tombe à genoux et s'écrie devant l'assistance des pèlerins en bure, massés autour du jubé où plane le Christ glorieux et crucifié,

« JE CROIS ! ».

Ce prodige, que Dieu accomplit par le truchement des jeux d'anches à la française, est révélateur, non seulement de Sa puissance et de Son goût assuré, mais aussi de quelques-unes des tensions internes à l'orgue. Tensions qui expliquent sa place singulière, à la fois le plus accessible des instruments, audible en personne et gratuitement rien qu'en poussant une porte voisine, et le répertoire le plus ésotérique, très éloigné des autres genres, complexe, souvent tourné vers la musique pure…

Cet épisode authentique de ma vie – ne croyez surtout pas que j'aie eu le front d'y apporter quelques enjolivements insincères – m'incite à l'Espérance, et tout en vous transmettant mes réflexions métaphysiques sur la Double Nature (de l'orgue), me fait aspirer à donner quelques pistes à ceux qui n'ont pas encore accepté la (toute divine) Grâce de ce répertoire.



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Extrait de la Chaconne en sol (inédite) de Pachelbel qui nous accueillit en la Casa Dei.

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La chaconne complète par le même Jürgen Essl, le seul organiste à l'avoir enregistré, sur les orgues de Simmern (chez CPO).



mendelssohn motets féminins orgue bernius
L'orgue Dom Bedos – Quoirin de Sainte-Croix de Bordeaux, où je vécus moi-même semblable révélation.



Le plus accessible des instruments ?

    L'orgue devrait pourtant être un instrument qui nous demeure des plus familiers : quoiqu'il ne soit pas le plus ancien des instruments qui ont encore cours en Europe, ce doit être celui dont les exemplaires les plus anciens nous soient parvenus – il reste quelques buffets et tuyaux du Moyen-Âge.
    Il est tellement emblématique de la musique européenne qu'en arabe, le terme pour désigner l'instrument est plus ou moins – si j'ai bien compris ce que les locuteurs m'ont expliqué – le terme « romain », sous-entendu « l'instrument romain / européen / chrétien ».

    Outre sa présence familière au sein de la liturgie pour les pratiquants – créant une exposition mécanique pour toute une population qui n'est pas nécessairement mélomane –, il a aussi la particularité d'être audible gratuitement. La plupart des concerts et auditions d'orgue se déroulent ainsi en entrée libre ou au chapeau. Dans les quelques cas où il sont payants, les tarifs sont rarement élevés… et il reste toujours possible de contourner la chose en allant écouter les pièces de sortie jouées en fin d'office ou les répétitions des organistes en journée…
    Je pourrais vous narrer en hautes couleurs les chocs vécus en entrant par hasard à l'heure où l'organiste de Saint-Gilles d'Étampes répète du Boyvin sous les insolites fresques honorant les artisans-mécènes du XVIe siècle, ou, comme vous le savez désormais, à l'instant où Jürgen Essl s'essaie à une chaconne à la française de Pachelbel sur l'anonyme-Carouge de La Chaise-Dieu.

    Et cette expérience peut advenir pour n'importe quel néophyte qui pénètre par hasard dans une église pour prier, visiter, se reposer… Surtout qu'il s'y ajoute la dimension la plus évidente : l'impact physique de l'instrument. La technique à vent, la largeur des tuyaux, leur spatialisation dans l'instrument, la réverbération des voûtes produisent immédiatement une expérience sensorielle très concrète, très physique : il n'est pas besoin d'être initié pour sentir le son toucher notre peau, l'espace se remplir des échos, pour percevoir le contraste entre les timbres des jeux…
    Quand vous avez des anches ou des chamades qui se mettent à crépiter, il n'est plus question de musicien savant ou d'auditeur innocent, tout le monde perçoit ce qui se passe.

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Chant des Marseillais & Ah ça ira arrangés par Balbastre. (Interprétation de Michel Chapuis à Saint-Roch, chez Natives.)
C'est en jouant ainsi des airs révolutionnaires que Balbastre, organiste des rois, sauva l'orgue de Notre-Dame.


    Prenez deux récitals de pianistes ou d'orchestres différents : il faut être un peu informé pour bien sentir la différence entre les deux. Entre deux orgues, n'importe quel visiteur ingénu percevra immédiatement les différences de timbre, de volume, d'acoustique. De là découle le caractère immédiatement accessible de cet instrument, ludique aussi avec toutes ses tirettes, ses jeux qui portent des noms imitant d'autres instruments…

    De surcroît, les organistes répètent régulièrement, et par la force des choses, souvent en public – bien sûr, ils ont la clef et peuvent aussi le faire aux heures de fermeture –, il est donc très facile de se faire plaisir ou d'être surpris par la musique. Par-dessus le marché, considérant le nombre d'églises au km², en France et dans pas mal de pays d'Europe, il suffit d'être dans une ville pour disposer d'un choix particulièrement vaste de paroisses… et donc d'instruments. À cela s'ajoute qu'il n'y a pas d'horaires universels pour les concerts d'orgue, et qu'on peut aussi bien en trouver le dimanche midi que le jeudi soir, ce qui permet à chacun de trouver un moment compatible…

    Voilà, l'orgue est le plus accessible des instruments, tous les Européens l'adorent, il est tellement facile d'accès et réjouissant. Fin. Notule suivante.



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Le Dialogue sur les grands jeux qui clôt la première hymne du Livre d'orgue de Grigny, Veni Creator, tel que joué à Saint-Maximin-la-Sainte-Baume par Pierre Bardon (chez Pierre Vérany). Le paradis des anches rugissantes !



Le moins accessible des répertoires

    … Vous aurez cependant sans doute noté que, malgré toutes les observations pourtant assez évidentes ci-dessus… les gens qui aiment la musique classique ajoutent en général plutôt « je fais du piano », « les voix de ténor me donnent des frissons » ou « j'adore le Philharmonique de Berlin », et plutôt rarement « j'ai passé le week-end au Prytanée de La Flèche ».

    Car l'orgue constitue bel et bien une niche au sein de la niche musique classique : énormément de mélomanes n'aiment pas l'orgue, ne le connaissent pas bien ou ne s'y intéressent pas. Et malgré les avantages pratiques effleurés supra, ce n'est pas sans raison. En effet le répertoire d'orgue est possiblement le plus intellectuel de toute la musique classique.

    Bien sûr, il existe aussi le lied ou le quatuor, dont le public est probablement encore plus chic et éduqué. Cependant le tarif d'entrée du lied, pour une bonne part de son répertoire, tient davantage à la maîtrise de l'allemand et à la culture poétique qu'à la difficulté proprement musicale ; et le quatuor utilise malgré des tout des formes qui restent plutôt intuitives (les scherzos, les rondeaux finaux, les variations, même la forme sonate lorsqu'elle n'est pas trop sophistiquée…) par rapport à la quantité de variations et de fugues du répertoire d'orgue.
    Car l'orgue, lui, dispose d'un public probablement un peu moins intellectuel au sens littéraire, mais constitué de véritables passionnés particulièrement érudits sur la musique même, sur les instruments (sans comparaison avec les esthètes plus touche-à-tout passionnés d'architecture, de poésie et de cinéma qu'on trouvera dans les soirées de lied), incluant énormément de praticiens, amateurs de bons niveau. Il faut dire que les compositeurs tutélaires de l'orgue ne correspondent pas du tout aux « grands compositeurs » célèbres dans tous les autres répertoires… Haydn, Beethoven, Brahms, Mahler, Debussy, Ravel, Stravinski… vous pouvez oublier ces noms, ça n'existe pas ici en dehors des transcriptions – enfin, si, ça existe un peu mais ce n'est pas vraiment intéressant ni emblématique. L'orgue français, ce n'est pas Gounod-Bizet-Fauré-Debussy-Ravel, mais plutôt Boëllmann-Widor-Vierne-Alain-Langlais-Messiaen…

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L'« Amen » de l'hymne Verbum supernum de Nicolas de Grigny (orgue Tribuot de Seurre, 1699) par Lecaudey, exemple typique de contrepoint écrasé par la registration (et dans bien d'autres occurrence l'acoustique), même si le résultat en est assez excitant (quels timbres !).

    Se pose alors la question du pourquoi ?  Pourquoi cet instrument que tout prédispose à la plus grande popularité demeure-t-il admiré essentiellement par ceux qui le pratiquent et quelques autres passionnés un peu monomaniaques – vous trouverez peu d'amateurs d'orgue tièdes, on bascule vite de « j'aime bien un ou deux disques que j'écoute une fois dans l'année » à « je connais la composition des principaux instruments d'Europe et la registration précise de toutes les symphonies de Widor ».
    Je vois quelques pistes, structurelles et/ou historiques.

    Structurellement, l'instrument a ses limites. Certes, il jouit de couleurs presque infinies grâce à ses jeux, mais il ne dispose pas de nuances dynamiques individualisées. Sur tous les instruments (à part le clavecin), on peut varier l'attaque, et en particulier l'intensité du son, doux ou fort, ce qui crée des phrasés expressifs, qui imitent la parole. Sur l'orgue, non. La touche actionne un tuyau, le processus est binaire : souffle dans le tuyau ou pas de souffle dans le tuyau. (Imaginez une symphonie de Mahler sans contrastes non seulement entre les phrases, mais entre les notes d'un thème, sans progression possible…)
    Cette remarque fait en général hurler à la mort les organistes – mais je me permets de le souligner, ayant déjà joué sur quelques vénérables de ces instruments –, et pourtant : pour varier l'intensité, on peut ajouter ou retirer des jeux, mais pas timbrer ou attaquer différemment une note, une partie de phrasé. Les Romantiques ont bien ajouté des pédales d'intensité à leurs orgues, mais il s'agit d'une aimable plaisanterie : la pédale va réguler la puissance de tous les jeux à la fois (il existe peut-être des modèles où ce peut être fait clavier par clavier, mais impossible sur une note en particulier), ce qui permet de souligner les équilibres structurels… et n'agit absolument pas sur les phrasés.
    Le seul paramètre dont peut disposer un organiste tient dans le lié ou le détaché, comme au clavecin, qui permet de mettre en valeur telle ou telle note, de créer des appuis. C'est pourquoi il est souvent difficile de faire la différence entre les organistes : on entend très fort le timbre et les caractéristiques de l'orgue qu'ils jouent, mais leurs qualités propres tiennent dans la netteté et la finesse de leurs détachés entre les notes… il faut être déjà un peu savant, voire un peu praticien, pour vraiment faire la différence. (Honnêtement, entre Marie-Claire Alain qui joue sur un orgue baroque et Michel Chapuis sur un orgue moderne, on peut vite prendre l'un pour l'autre si l'on n'est pas un brin érudit. Alors qu'Oïstrakh, Starker ou Karajan, on les repère tout de suite au son, aux manières…)

    [Bien que ce n'ait pas de rapport direct avec notre propos d'aujourd'hui, cette absence de nuances dynamiques individuelles sur les orgues explique aussi pourquoi les organistes qui se tournent occasionnellement vers le piano jouent souvent de façon très brutale, parce qu'ils n'ont pas l'habitude de surveiller la force avec laquelle ils appuisent sur les touches : sur un orgue à traction mécanique il faut appuyer fort, et sur les autres c'est indifférent, mais il n'y a pas d'enjeu à modérer l'attaque pour effectuer des nuances douces ou timbrer le son. Ça s'entend chez énormément d'organistes, professionnels ou amateurs, qui jouent du piano de temps à autre en dilettante. Au disque, on peut s'en apercevoir à la marge chez Guillou, dans sa Sonate pour piano de Reubke. Et, bien sûr, ce n'est pas une remarque universelle, certains grands organistes jouent divinement les pièces les plus virtuoses du répertoire de piano, avec moirures et nuances, comme Georges Delvallée dans les 12 Préludes-Poèmes de Tournemire, monumental cycle d'envergure lisztienne. Mais cela réclame un travail tout à fait spécifique – c'est être virtuose de deux instruments parents mais bien distincts.]
  
    En quoi est-ce un problème ?  Cette caractéristique tend à uniformiser les phrasés, entre les organistes, mais aussi dans une œuvre. Si vous vous êtes déjà demandé pourquoi les arrangements d'extraits de Wagner, de symphonies de Bruckner ou du Sacre du Printemps ne fonctionnaient jamais parfaitement dans les arrangements pour orgue, vous tenez votre réponse : il n'est pas possible de faire monter en intensité un phrasé, de moduler des dynamiques au sein de la phrase. On peut produire un gros crescendo collectif des tuyaux, et c'est tout. Cette impossibilité d'individualiser l'attaque impose immédiatement une sorte de raideur au résultat, et participe fortement à l'impression de distance, de froideur intellectuelle, que peut ressentir le néophyte face à l'orgue : tout est un peu raide, un peu sur le même plan, et c'est à notre esprit d'aller chercher les structures, les progressions en écoutant le détail de l'harmonie ou du contrepoint – ce qui n'est pas toujours facile, pour des raisons aussi bien de formation musicale que de conditions pratiques. J'y viens.

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Dans cette (magnifique) transcription d'Yves Rechsteiner pour le Rigaudon du Castor & Pollux de Rameau, on entend bien la nature des nuances, qui tient aux nombres de jeux accouplés, et ne peut changer au cours du phrasé.
(Pour autant, je n'ai mis que des exemples d'une singularité et d'une beauté suffocantes, vous ne serez donc pas gênés !)

    Ce ne serait pas bien gênant si l'orgue consistait essentiellement en œuvres à base de grands accords, dont la lisibilité serait évidente et l'impact physique tout à fait immédiat. Et pourtant, contre toute logique, le répertoire d'orgue, censé prolonger la célébration de la Foi, et donc accompagner des fidèles qui ne sont pas nécessairement des mélomanes (et encore moins nécessairement des mélomanes érudits), développe plus qu'aucun autre le contrepoint et la recherche harmonique. Contrepoint, c'est-à-dire que plusieurs mélodies simultanées s'entrecroisent ; recherche harmonique, c'est-à-dire que l'enchaînement entre les accords, au lieu d'emprunter des schémas connus, ménage beaucoup de surprises, de bifurcations, qui soutiennent l'intérêt, créent des mondes nouveaux, mais sont aussi beaucoup plus difficiles à suivre et comprendre. Je suppose que c'est là le fruit de la formation des maîtres de chapelle, élevés dans une sorte d'abstraction musicale – où la contrainte de plaire au public comme à l'Opéra, où l'on va insister sur les jolies mélodies, ou comme pour les concertos, où la virtuosité doit être très extérieurement visible par le déplacement des doigts (tandis que l'organiste est caché ou, à tout le moins, de dos), n'a pas cours –, qui les a conduits à fouiller la musique même plutôt que de rechercher l'accessibilité pour le public. On parle aussi d'un temps où la messe était célébrée en latin par l'officiant de dos : une forme d'inaccessibilité mystique, une perception de mondes souterrains qu'on n'appréhende pas totalement, n'étaient pas nécessairement déplacés dans la mentalité collective.
    Dommage que cela tombe sur l'instrument dont les concerts sont le plus aisément à la disposition à tous.

    Mais ce ne serait pas réellement un problème s'il était possible de se former patiemment l'oreille… car, non-sens des non-sens, ce répertoire, le plus raffiné de tous dans ses recherches contrapuntiques et harmoniques… se joue dans des acoustiques la réverbération du son ne permet… que d'entendre la mélodie supérieure !  Et c'est ce qui me fascine dans le répertoire d'orgue : les gars (parce qu'ils en avaient la liberté ou, comme je l'ai supposé ici, parce que cela faisait écho à une perception transcendantale de la religion) ont écrit des pièces d'une parfaite complexité… sur l'instrument où l'on ne peut pas l'entendre !  La plupart du temps, les églises sont trop grandes, les acoustiques pas adaptées, et beaucoup d'instruments – c'est là où j'arrive à mon sujet véritable – ont des timbres tellement fondus et épais qu'il est quasiment impossible, sans la partition dans la main (et même avec, j'ai testé pour vous…), d'entendre les contrechants et parfois même la mélodie principale !

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Je poursuis mon exposé de contre-exemples avec les timbres tellement différenciés, très pincés, acides, colorés, capiteux du Cavaillé-Sals de l'abbaye de Gellone à Saint-Guilhem-le-Désert.
Ici, le Troisième Noël de Daquin, par Falcioni (chez Brilliant Classics), variations sur des noëls populaires. Aussi éloigné que possible de la facture XIXe qui veut homogénéiser les jeux.

    De là provient mon scepticisme face aux Cavaillé-Coll : certes, ils font du gros son, mais les timbres des jeux sont très peu individualisés par rapport aux orgues baroques (ou même néoclassiques du XXe, qui n'ont pourtant pas ma faveur non plus), et surtout les mixtures (assemblages standards de jeux formant une grande densité timbrale) saturent l'espace sonore et rendent le contrepoint (voire des parts entière du spectre sonore) complètement inaudible et masqué. À la Madeleine, en registrant bien, on peut s'en tirer ; à Saint-Sulpice, dès qu'on part sur les grands jeux, c'est fini, on n'entend plus qu'une masse.

    Pas étonnant, donc, que les néophytes n'aiment pas toujours l'orgue : la raideur dynamique, on ne peut rien y faire (à part jouer sur les détachés, la registration, alterner entre les claviers…), c'est le cahier des charges de l'instrument ; mais évidemment, si ce sont les œuvres les plus complexes du répertoire, pas vraiment conçues pour être comprises par le public, et qu'on les joue sur les instruments et dans des acoustiques où l'on n'entend rien, il faut beaucoup de patience pour comprendre cet univers.
    Je l'avoue, cet écart me fascine : avoir choisi justement l'instrument et le lieu le moins propice pour produire tout ce répertoire très largement fait de contrepoints abondants et de progressions harmoniques subtiles – qu'avaient-ils dans la tête, les organistes ?  (Peut-être une conception particulière du sacré inacessible ou une ivresse de leur liberté créatrice par rapport aux compositeurs dont le métier était de plaire à la presse et au public, je ne sais.)



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Corrette, Noël « À minuit fut fait » sur l'orgue d'Orgelet (dans le Jura), par Meylan.
Contre-exemple de composition simple où l'on entend.




Conversions

Une fois tout ceci posé, comment aborder l'orgue ?  Comment convertir ou se convertir ? 

Il y aura ceux qui se sentent immédiatement attirés, fascinés par la puissance et l'impact physique, ou qui aiment les pièces très figuratives des Romantiques, façon final de la Symphonie n°5 de Widor ou Carillon de Westminster de Vierne. Ceux-là sont déjà sauvés et pourront grossir le rang des amateurs d'orgue. Ou les adorateurs de Bach, qui sont des gens bizarres, en général assez peu sensibles à des contingences telles que « c'est trop compliqué, je n'y comprends rien » ou « c'est trop réverbéré, je n'entends pas », et resteront enthousiastes « parce que Bach c'est le sang ».

Mais tous les réticents qui trouvent ces grosses machines insupportablement bruyantes et superficielles, qui tiennent l'orgue pour du gros pouêt-pouêt censé impressionner la foi du charbonnier plutôt que la mélomanie de l'honnête homme… il existe des médications – comme vous l'a laissé supposer mon récit liminaire.

Si vous n'aimez pas l'orgue ou voulez convertir à l'orgue, tous les passionnés vous confirmeront que le choix de l'instrument (et de la captation, si vous le faites par le disque) est capital. Il faut vraiment donner accès à une grande variété de factures, et dans les bonnes conditions sonores. J'ai ainsi été témoin de conversions – à commencer par la mienne, indifférent que j'étais à ce répertoire tellement centré sur ses propres compositeurs – liées à des portions précises du répertoire d'orgue.

Peuvent influer :
a → Bien sûr le style du répertoire, du baroque au contemporain.
b → La forme de la pièce : les grands accords sont plus immédiatement physiques et lisibles, mais il existe aussi des pièces avec un jeu de fond + un jeu d'anche qui tient la mélodie, de grandes variations (chaconnes & passacailles notamment), des toccatas conçues pour une virtuosité plus digitale (avec un résultat plus vif et « liquide » en général), et bien sûr mainte fugue pour les amateurs de contrepoint !
c → Le type d'orgue. Capital : les orgues baroques ont des timbres beaucoup plus différenciés, en particulier en France, où les jeux d'anches ont une saveur assez incroyable, très nasals, très verts. Ils font souvent la différence chez ceux qui ne connaissent que les gros Cavaillé-Coll ou les néoclassiques un peu froids.
d → La registration : le plein-jeu est très brillant et saturé (utilisé pour les pièces d'ouverture en général), les jeux d'anches très mordants et puissants (on parle de « grands jeux » lorsqu'on les regroupe, en général avec de la mixture), les jeux de fond très doux et transparents… on peut être sensible plutôt à l'une ou l'autre composante.

Il faut tout essayer avant d'admettre, que, vraiment, il n'y a rien à faire, votre victime n'aime pas l'orgue.

Mais, j'insiste, avec l'orgue baroque français, il y a de quoi changer radicalement les perceptions. Particulièrement en vrai, où leur impact est très physique. Regardez dans votre région, et faites un tour au Dom Bedos de Bordeaux (33), à Sarlat (24), à Poitiers, à Cintegabelle, au Prytanée de La Flèche, à Bolbec, à Houdan, à la Chapelle Royale de Versailles, à Fresnes, à Beaufays (Belgique), à Saint-Michel-en-Thiérache, à Seurre, à Dole, à Champagnole, à Orgelet, au Sentier (Suisse), à La Chaise-Dieu, à Saint-Maximin-la-Sainte-Baume, à Saint-Guilhem-le-Désert…



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Les mélodies toujours très verbales, comme un récitatif d'opéra ou une prosodie de Leçon de Ténèbre, de Boyvin. Ici un dialogue de récit de Cromorne sur l'orgue de Champagnole, par Delor.



Mes exemples ont prolongé l'idée de départ : l'orgue à la baroque-française, aux timbres très typés et dépareillés, qui rompt brutalement avec la représentation des choses harmonieuses et monumentales qu'on se représente dans l'imaginaire collectif – et qui peuplent, il est vrai, la plupart des vastes églises.

Pour autant, si l'on veut contourner l'orgue à la Bach ou à la Widor – j'aime beaucoup Widor au demeurant, même comme organiste, je l'ai souvent joué et avec plaisir, qu'on ne se méprenne pas (je pense seulement qu'il ne faut pas se limiter à cette perception de l'orgue) –, on peut tout à fait élire domicile ailleurs. Le XXe siècle a produit, bien évidemment, quantité de propositions originales, que ce soient les impressionnistes Pastels du Lac de Constance de Karg-Elert, les diverses périodes de Messiaen (où les accords augmentés produisent en réalité une consonance nouvelle et enrichie, très accessible dans L'Ascension ou La Nativité), les trois livres de Promenades en Provence de Reuchsel, les pièces intimes (Laudes) ou gigantesquement ambitieuses (Debout sur le soleil, La Croix du Sud) de Florentz… sans parler des expérimentations de Cage (les accords qui durent plusieurs années, plusieurs églises dans le monde l'exécutent en ce moment) ou Ligeti (il faut repousser la tirette le jeu alors qu'il est en train de souffler, pour un effet d'aspiration-effondrement assez singulier !).

Tout cela pour m'émerveiller de ce paradoxe angulaire : la musique la plus complexe écrite pour être donnée là où on l'entendra le moins précisément. Et pour tenter d'expliquer ce désamour d'une large frange du public – non sans fondement, donc. Mais aussi pour suggérer des pistes d'exploration. Il faut essayer. Divers styles. En acceptant les limites de l'instrument et la grande typicité du répertoire.

J'avais en projet de clore par une discographie de choix alternatifs / d'orgues typés / de coups de cœur personnels / de versions marquantes et/ou bien captées pour aider à ce parcours, mais ce sera un véritable travail de notule en soi. Je le garde pour la semaine prochaine ou pour un peu plus tard. (Je passe déjà une partie de ma nuit à vous entretenir de ces choses absolument pas indispensables au Salut de l'Humanité.)



Et pour ceux qui craignent de ne savoir patienter, ce petit texte dissimule 47 noms de jeux d'orgue.

Excellente semaine à vous, à célébrer la grandeur de l'anche française, célèbre à juste titre à travers toute l'Europe !

mercredi 2 juin 2021

Le grand tour 2021 des nouveautés – épisode 5 : opéras et symphonies des Pays-Bas, du Danemark et de Russie


Un mot

Toujours la brève présentation des nouveautés (et autres écoutes et réécoutes) du mois écoulé. Je laisse une trace pour moi, autant vous donner des idées d'écoutes…

J'attire ce mois-ci votre attention en particulier sur les symphonies de Dobrzyński, Gade, Dopper, Zweers, Vermeulen, Miaskovski (dont viennent de paraître coup sur coup deux très grandes interprétations)… et sur les opéras danois de Kunzen, Kuhlau, Heise et Nielsen !

Tout cela se trouve aisément en flux (type Deezer, gratuit sur PC ; ou sur YouTube) et en général en disque. Il faut simplement pousser la porte.

(Pardon, mes présentations de titres ne sont pas toutes normalisées, il faut déjà pas mal d'heures pour mettre au propre, classer et mettre un minimum en forme toutes ces notes d'écoutes. Il s'agit vraiment de données brutes. J'espère reprendre les notules de fond bientôt, pour l'instant le travail, les concerts, les musées et l'exploration du territoire me prennent un peu trop de temps.
Néanmoins, je thésaurise à propos des opéras du monde et des programmations locales, pour vous emmener vers de nouvelles contrées sonores !)

piboule

La légende


Rouge : œuvres du cycle danois
Orange : œuvres du cycle néerlandais
Bleu : œuvres du cycle russe

* : Nouveauté (paru en 2021 ou depuis moins d'un an)
♥ : réussi !
♥♥ : jalon considérable.
♥♥♥ : écoute capitale.
¤ : pas convaincu du tout.

(Les disques sans indication particulière sont à mon sens de très bons disques, simplement pas nécessairement prioritaires au sein de la profusion de l'offre.)

Le tout est classé par genre, puis par ordre chronologique très approximatif (tantôt la génération des compositeurs, tantôt la composition des œuvres, quelquefois les groupes nationaux…) au sein de chaque catégorie, pour ménager une sorte de progression tout de même.



piboule



A. Opéra

♥ *Monteverdi – Orfeo – D. Henschel, Schiavo, Prina, Auvity, Sabata, De Donato, Abete… Arts Florissants, Christie (Dynamic, Madrid 2008)
→ Extrêmement vif, avec une belle distribution (mais Prina a vraiment vieilli, les tubages et la justesse sont devenus un peu trop audibles), pas la version la plus vertigineusement poétique, mais une belle réussite pour les Arts Flo qui n'ont pas toujours été à leur meilleur dans les opéras de Monteverdi.

♥ “La Clémence de Titus” de Mozart par l'Opéra Royal de Wallonie (YT)

♥♥♥ Kunzen – Holger Danske – (Dacapo)
→ Une œuvre très parente de l'Oberon de Pavel Vranický, une sorte de Flûte enchantée réussie, qui annonce le ton des chefs-d'œuvre de Kuhlau. Petite merveille.

¤ Gouvy – Iphigénie en Tauride – La Grande Société Philharmonique, Joachim Fontaine (CPO)
→ Livret galant décevant, et distribution impossible (français et style) qui ne permet pas de profiter de l'œuvre.

Rejcha – Lenora –  Magdalena Hajossyova, Vladimír Doležal, Věnceslava Hrubá-Freiberger, Pavel Kamas ; Ch Philharmonie Tchèque, Prague ChbO, Lubomi Matl (Supraphon 2000)
→ Écriture assez épaisse, longue, et peu spectaculaire (hors le début de la cavalcade) inspirée de la Lénore de Bürger.

*Bellini – Il Pirata – Irina Kostina, Dmitry Korchak, Pavel Yankovsky ; Victoria Agarkova, Novaya Opera, Andrey Lebedev (Operavision 2021)
→ Temporalité lente, pas de couleur locale. Beaux ensembles en guise de final qui apportent un peu de relief. Belle distribution, plus robuste qu'électrisante, mais belles voix bien faites.

Kuhlau, Elverhøj – National de la Radio Danoise, Frandsen.
→ Nettement moins bien que Lulu, mais cool quand même, et puis considéré comme un point de départ historique de la musique nationale danoise (assez arbitrairement, il y a pléthore d'excellente musique danoise avant ça !

♥♥ Kuhlau – Lulu – Danish NSO, Schønwandt (Radio danoise via YT)
→ Toujours une merveille que ce jeune romantisme passionné et exceptionnellement inspiré. Un des très très grands opéras du début du XXe siècle.

*Verdi – Attila – Plamen Kartaloff ; Radostina Nikolaeva, Daniel Damvanov, Ventselav Anastasov, Orlin Anastasov ; Opéra de Sofia, Alessandro Sangiorgi (Operavision 2021)
→ Représentation très tradi en plein air. Mixage façon pop, voix captées de très près. Pourtant, on sent bien la projection limitée (les aigus ne claquent pas), les voix ne claquent pas (malgré la beauté des graves), même les Bulgares sont donc affectés par le changement de placement (les aigus de la soprane et des clefs de fa sont assurés sans difficulté mais poussés, voilés, sans impact).

♥♥ Gade – Baldurs drøm, Op. 117 – Rørholm, Elming, Hoyer ; Helsingborg SO, Frans Rasmussen (ClassicO 2004)
→ Sorte d'oratorio au sujet païen. Romantisme dépouillé, assez réussi. Rørholm vraiment déclinante (un peu aigre). Elming splendide. Helsingborg alors un peu opaque.

♥♥♥ Bruch – Die Lorelei – Kaune, Mohr, Rootering ; Ch Ph de Prague, Radio de Munich, (CPO)
→ Véritable sens dramatique (finals schumanniens épatants), et splendide distribution, de ce qui se fait de mieux pour ce style dans cette génération.

♥ *Moniuszko – Halka – Chmura (Naxos 2021)
→ Versant sérieux du legs de Moniuszko (son autre œuvre la plus célèbre, Le Manoir hanté, étant un opéra comique dans le style d'Auber).
→ Livret hautement tragique, d'une fille trompée et abandonnée qui sombre au plus profond de l'outrage subi et du désespoir.
→ Meilleure distribution que celle (au sein de la même production) proposée sur Operavision, mieux captée aussi. Belle version au bout du compte, même l'orchestre paraît sensiblement plus avenant.

♥♥ Heise – Drot og marsk – DR TV 1988 (YT)
→ Splendide opéra romantique, plein de sublimes épanchements (sobres), dont j'ai déjà parlé lors de la récente parution de la version Schønwandt :
→ Superbe drame romantique, dans la veine de Kuhlau, remarquablement chanté et joué. Tout est fluide, vivant, inspiré, œuvre à découvrir absolument !  (il en existait déjà une version pas trop ancienne chez Chandos)
→ Ici, version de la (radio-)télévision danoise.

♥♥ Peter HEISE – Tornerose + Bergliot –  Helle Charlotte Pedersen, Michael Kristensen, Milling + Rørholm ; Helsingborg SO, Frans Rasmussen (Dacapo 2000)
→ Cantates dramatiques très réussies et nourrissantes, et très bien chantées (Milling majestueux, Rørholm très expressive).
→ Bissé.

♥ *Verdi – Otello – Stoyanova, Kunde, C. Álvarez ; Liceu, Dudamel (UER via France Musique, 2021)
→ Très belle version parfaitement chantée (la voix de Kunde a blanchi, mais le panache et l'assurance restent là !) et dirigée avec beaucoup de fluidité et d'insolence.

♥♥♥ *Wagner / Hugo Bouma – Parsifal, acte III – Marc Pantus (Amfortas, Gurnemanz), Marcel Reijans (Parsifal), Merlijn Runia (Kundry + synthétiseur + guitare électrique), Daan Boertien (piano), Dirk Luijmes (harmonium), direction Andrea Friggi (NPO Radio 4, 2021)
→ L'acte III de Parsifal, joué le Vendredi Saint, avec harmonium, piano, synthétiseur et guitare électrique. Parmi les chanteurs, le merveilleux et charismatique Marc Pantus.

♥♥♥ Wagner – Parsifal, acte III – Meier, Hofmann, Estes, Sotin ; Bauyreuth 1985, Levine (Philips)

♥♥♥ *Rimski-Korsakov – Les opéras – diverses versions historiques (réédition Hänssler 2021)
→ Des versions merveilleuses de l'Âge d'or, très bien restaurées, pour un panorama complet des opéras disponibles au disque…

♥♥ *Rimski – Pskovityanka – Pirogov, Shumilova, Nelepp, Pirogov ; Bolshoi, Sakharov (Profil)

♥ Saint-Saëns – Samson & Dalila – Ludiwg, King, Weikl ; Radio de Munich, Patanè (RCA)
→ Étonnament bien chanté et sobre, et ampleur des prises RCA avec le feu et les couleurs de Patanè !
→ King parvient à ouvrir ses voyelles à la française de façon très convaincante ; Ludwig, quoique trop couverte, conserve une ductilité et une distinction assez rares dans ce rôle.
→ Ce n'est pas très français, mais ce n'est pas du tout difforme, c'est vraiment très bien.

*Puccini – Tosca – Stockholm (vidéo Operavision 2021)
→ Sacristain allemand excellent, joli ténor suédois assez clair, doux et élégant, baryton polonais totalement cravaté, impossible.

♥♥♥ Debussy – Pelléas & Mélisande – Devieilhe, Andrieux, Alvaro ; Pelléas O, Benjamin Lévy (TCE 2018, captation pirate)

♥♥♥ *Debussy – Pelléas & Mélisande – Santoni, Todorovitch, Behr, Duhamel, Teitgen ; Les Siècles, Roth (Operavision 2021)
→ Lecture orchestrale assez inédite, même par rapport aux autres versions sur instruments anciens : que de grain, de couleurs, ces cordes très peu vibrées mais très intenses, qui offrent une tout autre vision du spectre orchestral !  Dirigé avec esprit de surcroît, Roh n'a pas son pareil pour se servir des parties intermédiaires d'ordinaire peu audibles, les faire évoluer et bâtir de véritables progressions.
→ Vocalement, superbe. Santoni s'adapte très bien à un répertoire moins héroïque qu'à son habitude, Behr (dont l'émission paraît souvent embarrassée) n'a jamais chanté avec autant de naturel, Duhamel trouve dans Golaud un terrain qui favorise davantage ses atouts d'artiste que ses limites de projection.
→ Une grande version, donc, qui paraîtra en CD et qui viendra la saison prochaine à Paris (Théâtre des Champs-Élysées) !

♥♥♥ NIELSEN: Saul and David – Gjevang, Lindroos, Augland, Danish NSO, N. Järvi (Chandos 1990)
→ Très belle veine épique, remarquablement chantée, voilà un opéra qui frémit, palpite, s'épanche, et dans une langue musicale riche mais calibrée pour le drame – on ne reconnaît les bizarreries de Nielsen qu'à quelques doublures de bois et tournures harmoniques, sans quoi le compositeur s'efface vraiment au profit du drame !
→ Splendidement chanté.

♥ *Nielsen – Maskarade – Schønwandt (Dacapo 2015, réédition 2021)
→ Belles voix graves, direction un peu lisse pour une œuvre qui n'est pas du tout du Nielsen d'avant-garde.

♥♥♥ *Schreker – Der ferne Klang – Holloway, Koziara ; Frankfurter Museumorchester, Weigle (Oehms 2021)
→ Couleurs orchestrales et virtuoses impressionnantes, les deux héros admirablement chantés ; Schreker a rarement été servi avec un tel éclat, pour son opéra le plus réussi après Die Gezeichneten !

♥ Bartók – Le Château de Barbe-Bleue (en français) – Gilly, Lovano, Ansermet (bande de 1950, Malibran)
→ Très étrange élocution, malgré le charisme de Lovano. La musique aussi, mal captée, perd beaucoup de ses couleurs, de son étrangeté, seuls les tutti sont véritablement impressionnants. (Et pour les glottophiles, le contre-ut est remplacé par un petit cri.)

♥ WILLIAM GRANT STILL: "Highway One, USA" (1963) (Albany 2005)
→ Histoire familiale afro-américaine, aux récitatifs très simples et aux jolis chœurs, pas de l'immense musique, mais un petit drame très opérant !  (J'en parlerai plus en détail.)

♥♥ Rybnikov – Juno & Avos (1979) – (vidéo Rostov 2009)
→ Très varié (chœurs contemporains, cordes lyriques, mélodrames, guitares électriques et batteries…), très réussi pour cette histoire d'amour simple et tragique entre un explorateur russe et une quasi-infante californienne, inspirée d'un grand poème de Voznesensky (puisant librement au journal de bord du personnage, réel).
→ Donné cette saison à Ioshkar-Ola.

♥♥ *Dashkevich – Revizor – Opéra d'Astrakhan (vidéo du théâtre de 2020)
→ Très conservateur et consonant, d'après l'histoire de Gogol où la population d'une petite ville de Russie croit reconnaître le contrôleur de l'Empereur dans un jeune homme exigeant arrivé à l'auberge, et le couvre de faveurs. Joli opéra très accessible, production reprise encore ces jours-ci à Astrakhan. (J'en parlerai bientôt plus en détail.)

♥♥♥ *Connesson – Les Bains macabres – Buendia, Hyon, Dayez, Buffière ; Frivolités Parisiennes, van Beek – Compiègne 2020 (diffusion France Musique 2021)
→ Toujours une merveille de naturel, sur un livret passionnant d'Olivier Bleys, et réussissant le rendu choral de l'armée de spectres… À la fois amusant, riche musicalement, très fluide, et plein de surprises. Chef-d'œuvre d'aujourd'hui, que j'espère voir tourner longtemps sur les scènes.



B. Récital

♥♥♥ *Certon, Janequin, Cambefort, Lully, Destouches, Vivaldi, Rameau, Gluck, Grétry, Cherubini, Rossini, Ginestet, Comte de Chambord, Madoulé, Debussy – extraits : « 500 ans de musiques à Chambord » – Karthäuser, Gens, Richardot, Gonzalez-Toro, Bou, Boutillier ; Vanessa Wagner, Parnasse Français, Doulce Mémoire, Les Talens Lyriques, Rousset (France 3)
→ Vaste répertoire (entrecoupé d'éléments historiques sur la présence de la musique à Chambord !), dont des raretés (Destouches) voire des inédits (Ginestet), avec une ardeur folle et des chanteurs de première classe…

♥♥♥ *Sainte-Hélène, La légende napoléonienne – Sabine Devieilhe ; Ghilardi, Bouin, Buffière,  Marzorati  ; Les Lunaisiens, Les Cuivres Romantiques, Laurent Madeuf, Patrick Wibart, Daniel Isoir (piano d'époque) (Muso 2021)
→ Chansons inspirées par la fièvre et la légende napoléoniennes, instrumentées avec variété et saveur.
→ Beaucoup de mélodies marquantes, de pastiches, d'héroï-comique (Le roi d'Yvetot bien sûr), et même  d'hagiographie à la pomme de terre… Le meilleur album des Lunaisiens jusqu'ici, aussi bien pour l'intérêt des œuvres que pour la qualité des réalisations vocales.

YT Gwyn Hughes Jones  Nessun Dorma 2008, Che Gelida Manina 1996
→ Tôt dans sa carrière, timbre très blanc et voix manifestement peu puissante : ne promet pas trop pour son Calaf la saison prochaine à Bastille…



C. Sacré

♥♥♥ *Castellanos, Durón, García de Zéspedes, Quiros, Torres – « Archivo de Guatemalá » tiré des archives de la cathédrale de la ville de Guatemalá – Pièces vocales sacrées ou instrumentales profanes – El Mundo, Ricahrd Savino (Naxos 2021)
→ Hymnes, chansons et chaconnes très prégnants. On y entend passer beaucoup de genres et d'influences, des airs populaires plaisants du milieu du XVIIe jusqu'aux premiers échos du style de l'opéra seria (ici utilisé dans des cantiques espagnols).
→ Quadrissé.

*Jacek Różycki: Hymns – Wrocław Baroque Ensemble (Accord 2021)
→ Zut, je croyais qu'il s'agissait de l'excellent postromantique décadent Ludomir, et j'avais hâte de découvrir ces motets a cappella… À la place, du joli baroque un peu standard, façon grands motets (alternance solistes vocaux et chœur), dans des harmonies post-monteverdiennes… petit choc déceptif évidemment.

♥♥♥ Charpentier – Méditations pour le Carême – García, Candela, Bazola ; Guignard, Galletier, Camboulas (Ambronay)
→ Avec Médée, le fameux Te Deum et le Magnificat H.76, on tient là la plus belle œuvre de Charpentier, inestimable ensemble de dix épisodes de la passion racontés en latin (et s'achevant au miroir du sacrifice d'Isaac, sans sa résolution heureuse !) par des chœurs tantôt homorythmiques tantôt contrapuntiques, et ponctués de récitatifs de personnages (diversement sympathiques) des Écritures. Merveille absolue de l'harmonie, de la prosodie et de la poésie sonore.
→ Ce que font Les Surprises est ici merveilleux, sens du texte et des textures hors du commun, d'une noirceur et d'une animation dramatique inhabituelles dans les autres versions de cette œuvre, et servi au plus suprême niveau de naturel chanté. Un des disques majeurs du patrimoine sacré français.

Charpentier – Méditations pour le Carême
version MIDI de CaRpentras →
Christie → splendeur (vrai travail verbal)
Jeune Chœur de l'Abbaye → choix intéressants (tempo ajustable !), beaux solos
Niquet →

♥♥ Purcell – Come Ye Sons of Arts Away + Funérailles + Hail Bright Cecilia – Gardiner (Erato)
→ Œuvres brillantes et poignantes (ces Funérailles, à la hauteur de leur réputation !), interprétées d'une façon qui a vieilli (beaucoup de cordes et de fondu tout de même, peu de nerf et et de couleur), mais qui conserve un pouvoir de conviction considérable !

♥ *Pavel Vranický – Symphonie en ut Couronnement, Symphonie en si bémol, Ouvertures « Orchestral Works, Vol. 1 » –  CzChbPO Pardubice, Marek Štilec (Naxos 2021)
→ Belles œuvres, mais pas les plus fulgurantes de P. Vranický (il y a vraiment des merveilles du niveau de Mozart…), dans une interprétation tradi réussie mais qui n'offre pas nécessairement le plein potentiel de vitalité de ces pages. Curieux de la suite de l'exploration, vu comme on a peu de ce corpus. En espérant des résurrections plus nombreuses et par des ensembles plus spécialistes.

♥♥ Kunzen – Alleluia de la Création, Symphonie en sol mineur, Ouverture sur un thème de Mozart –  Radio Danoise, Peter Marschik (Dacapo)
→ Très belle célébration que cet Alleluia, aux contours assez personnels.
→ Symphonie un peu plus banale, du Mozart en mineur (mais plutôt ses moments les moins électrisants), peut-être en raison de l'interprétation tradi qui manque un peu de relief.

Paisiello – Musiche per la settimana santa – Mi-Jung Won (Bongiovanni 2016)
→ Pas particulièrement poignantes pour leurs sujets, mais bien écrites et variées.

Paisiello – Requiem (Missa defunctorum) – Zedda (VM Italy 2001)
→ Chœur moyen (amateur assez bon ou pro pas bon ?), mais œuvre intéressante, assez distanciée, comme une véritable Messe, hors de sa clausule recueillie et pathétique.

♥ Paisiello – Messe en pastorale pour le premier consul – Prague SO, Chœur de la Radio Tchèque (Multimedia San Paolo 2008)
→ Superbes dialogues hautbois / clarinette et voix (Tectum Principium !). Et les ensembles de solistes magnifiques aussi. Tout cela navigue entre classicisme et jeune romantisme d'une pièce à l'autre, entre Mozart et le style Empire…

♥♥ Berlioz – Messe Solennelle – Donna Brown, Viala, Cachemaille, Monteverdi Choir, ORR, Gardiner (Philips 1994)
→ La folie pure de ce Resurrexit.

HALLÉN, A.: Missa solemnis (Forsström, Helsing, Olsson, Thimander, Erik Westberg Vocal Ensemble, Westberg)
→ Longue (65 minutes) et sobre (accompagnement d'orgue seul) messe, très consonante mais dotée d'une réelle personnalité, épousant réellement les caractères de la messe sans sacrifier la tendreté mélodique. Recommandé !

♥♥ Puccini  – Messa di Gloria – Carreras, Ambrosian Singers, New Philharmonia, Scimone
→ Version chouchoute !

Puccini  – Messa di Gloria – Alagna, LSO Ch, LSO, Pappano
→ Chœur vraiment lointain et flou, malgré la belle lancée (et trompette très très en avant du spectre).

Puccini  – Messa di Gloria – Gulbenkian O, Corboz
→ Chœur un peu épais et césuré.

♥♥ Diepenbrock – Missa in Die Festo, « Anniversary Edition, Vol. 8 » – Men of the Netherlands Radio Choir / Deniz Yilmaz / Leo van Doeselaar (Etcetera 2012)
→ Pour ténor, chœur masculin et orgue.
→ Splendide Agnus Dei final, avec intervention poignante et jubilatoire du ténor.

♥ *(Rudolf) Mengelberg – Magnificat – Annie Woud, Concertgebouworkest, Jochum (Philips, réédition Decca 2021)
→ Très bel alto ; composition un peu sérieuse par rapport au délicieux Salve Regina enregistré par (Willem) Mengelberg.
→ (couplé avec une réédition de la Création de Haydn par Jochum)

♥ Poulenc – Gloria, Litanies Stabat – Petibon, OP, P. Järvi (DGG)

♥ Poulenc – Gloria, Stabat – Battle, Tanglewood, Boston SO, Ozawa (DGG)

♥♥ Hendrik Andriessen (1892-1981) – De Veertien Stonden : voor strijkorkest, koor en declamatie (1941-1942) – Gerard Beemster
→ Un chemin de croix dépouillé et prégnant.



D. A cappella

♥♥♥ *Mendelssohn – Te Deum à 8, Hora Est, Ave Maria Op.23 n°2 – Kammerchor Stuttgart, Bernius (Hänssler)
→ Bernius réenregistre quelques Mendelssohn a cappella ou avec discret accompagnement d'orgue, très marqués par Bach… mais à un chanteur par partie !  Très impressionnante clarté polyphonique, et toujours les voix extraordinaires (droites, pures, nettes, mais pleinement timbrées et verbalement expressives) du Kammerchor Stuttgart.
→ Bissé

(Daniël) De Lange – Requiem – PB ChbCh, Uwe Gronostay
→ Requiem for mixed double choir, and double quartet of soloists, written in 1868, quand à Paris se passionne pour Palestrina et Sweelinck.
→ Dépouillement impressionnant, mais aussi chromatisme intense.

♥ *Escher – Concerto pour orchestre à cordes, Musique pour l'esprit en deuil, Tombeau de Ravel, Trio à cordes, Chants d'amour et d'éternité (pour chœur a cappella), Le vrai visage de la Paix, Ciel air et vents, Trois poèmes d'Auden – Concertgebouworkest, Chailly ; PBChbCh, Spanjaard (Brilliant 2020)
→ Vaste anthologie (essentiellement des rééditions, je suppose), avec quelques belles inspirations d'un postromantisme assez simple.

♥♥ *De Wert, Rihm – chœurs a cappella, dont 7 Passion-Texte : « In umbra mortis » – Cappella Amsterdam, Reuss (PentaTone 2021)
→ Quelle délicieuse idée que de tisser la polyphonie franco-flamande du XVIe siècle avec l'œuvre la plus rétro- du Rihm choral : entrelacement de techniques et d'esprits similaires, deux très grands corpus chantés avec la clarté immaculée qu'imprime volontier Reuss à ses chœurs.

♥ Caplet, Botor, Gouzes, Szernovicz, Dionis du Séjour, JM Vincent, Kedrov, du Jonchay Perruchot, anonymes…–  Chœurs liturgiques a cappella « Misericordias in Aeternum » – Chœur du Séminaire Français de Rome, Hervé Lamy (Warner 2016)
→ Ce n'est vraiment pas mal chanté (dans son genre de voix semi-naturelles). Essentiellement psalmodié, donc sans doute plutôt à destination d'un public catholique fervent, mais très beau, un peu la version francophone de la liturgie de saint Jean Chrysostome…
→ Peu de compositions ambitieuses en réalité, malgré le nom de Caplet glissé au milieu.

♥♥ *Zaļupe, Dzenitis, Vasks,  Ešenvalds, Milhailovska, Pūce, Marhilēvičs, Šmīdbergs, Einfelde, Ķirse, Aišpurs, Sauka Tiguls, Jančevskis – Chœurs a cappella «  Aeternum : Latvian Composers for the Centenary of Latvia » – State Choir Latvija, Māris Sirmais (SKANI 2021)
→ Superbe parcours parmi le fin du fin des compositeurs choraux lettons du second XXe siècle, en général des atmosphères plutôt planantes avec de jolies tensions harmoniques.
→ L'ensemble du disque est magnifique, en particulier Mihailovska et Aišpurs – juste un brin trop d'homogénéité sur la durée, peut-être.




E. Ballet

♥♥♥ *Adam – La Filleule des Fées (ballet complet) – Queensland SO, Andrew Mogrelia (Marco Polo 2001, réédition Naxos 2021)
→ Œuvre très généreuse et jouée avec beaucoup de style, beaucoup de matière musicale et de veine mélodique, sans la facilité de numéros uniquement conçus pour la cinétique, un des ballets les plus homogènes musicalement et les plus propres à être enregistrés – vraiment une œuvre à découvrir ! 

♥♥ FRANCK, C.: Psyché (version for choir and orchestra) / Le Chasseur maudit / Les Éolides (RCS Voices, Royal Scottish National Orchestra, Tingaud)

♥♥ *N. Tcherepnin:  Le pavillon d'Armide, Op. 29 – Moscow Symphony Orchestra; Henry Shek (Naxos 2021)
→ D'une générosité très tchaïkovskienne.

♥♥♥ TCHEREPNIN, N.: Narcisse et Echo [Ballet] / La princesse lointaine (Ein Vokalensemble, Bamberg Symphony, Borowicz) (CPO 2020)
→ Bissé.



F. Symphonique

♥♥♥ *Kurpiński, Dobrzyński & Moniuszko – Élégie, Symphonie n°2, Bajka – Wrocław Baroque O, Jarosław Thiel (NFM)
→ Jeune romantisme fougueux de haute qualité, interprété sur instruments d'époque, avec un feu exemplaire… Jubilatoire de bout en bout !
→ (Quadrissé.)

♥♥ *Beethoven – Symphonie n°3 – Les Siècles, Roth (HM 2021) ♥ Méhul ouverture Les Amazones
→ Comme pour la Cinquième, spectre sonore très vertical, on y entend véritablement un orchestre français postgluckiste, avec ses grands accords dramatiques – et des timbres particulièrement saillants et savoureux, quoique la prise de son soit un peu froide.
→ Cette approche se réalise inévitablement un peu au détriment de l'architecture, à mon sens, mais d'une part Roth souligne remarquablement la thématique, d'autre part son soin des parties intermédiaires (dont les nuances dynamiques évoluent sans cesse !) est tel que tout palpite et passionne en permanence.
→ De surcroît, la gradation d'intensité est très pensée et construite, si bien que la récapitulation et la coda du premier mouvement atteignent un degré de tension inédit par rapport à l'ensemble des développements antérieurs.
→ Travail très important sur les détachés, qui conservent l'esprit de danse de la contredanse variée finale, quitte à casser le flux enveloppant de cordes et à fragmenter le spectre.
→ Les Amazones sont marquantes, jouées avec une crudité et une stridence qui impressionnent (acoustique très différente de la symphonie, on entend que ça n'a pas été enregistré au même endroit !).

♥♥ *Beethoven – Symphonie n°7 – MusicAeterna, Currentzis (Sony 2021)
→ Lecture très linéaire et vive : elle exalte, comme leur Cinquième, davantage la poussée cinétique que la structure générale.
→ Le résultat est très convaincant, plein de vivacité, mais ressemble tout à fait à la norme actuelle des interprétations vives et sèches des ensembles sur instruments anciens, sans personnalité supplémentaire particulièrement visible.
→ On retrouve en outre les manques de couleur du côté des bois, très effacés la plupart du temps – alors que d'autres versions « post-baroqueux », sans disposer de moins d'énergie, parviennent aussi à exalter structure et couleurs.
→ Petite réserve aussi dans la construction de l'Allegretto: le climax est réussi mais se trouve parasité par l'exagération des figures d'accompagnement (assez mécaniques de surcroît) qui, au lieu d'agiter le thème, semblent prendre sa place : soudain l'on entend les « coutures » au lieu du propos, c'est un peu étrange à ce degré.
→ À l'inverse, les effets de crescendo-zoom sur les sforzando du final sont plutôt réussis, de même que les volutes d'alto forcenées avant la reprise finale du thème sur secondes mineures de contrebasses.
→ Au demeurant, version énergique, élancée, réjouissante, je ne me suis pas ennuyé un seul instant !  (La réserve provient surtout de la discordance entre le niveau de la prétention du chef / de l'objet d'une part, celui du résultat d'autre part : car on n'y trouvera rien de subversif / neuf / définitif, juste une remarquable version dans l'immensité d'autres.)
→ Du coup vous pouvez plutôt choisir une version plus contrastée, avec des couleurs en sus, ou simplement avec couplage d'une seconde symphonie…

♥♥ Beethoven – Symphonie n°7 – SwChbO, Dausgaard (Simax)
& Egmond ouv & msq de sc très réussi !

♥♥ Beethoven – Symphonie n°7 – ORR, Gardiner (Archiv)

♥♥♥ Romberg, B.H.: Symphonie n°3 (Kolner Akademie, Willens) (Ars Produktion 2007) → Symphonies contemporaines de Beethoven (1811, 1813, 1830), qui en partagent les qualités motoriques et quelques principes d'orchestration (ballet des violoncelles, traitement thématique et en bloc de la petite harmonie, sonneries de cor qui excèdent Gluck et renvoient plutôt à la 7e…).  → Je n'avais encore jamais entendu de symphonies de l'époque de Beethoven qui puissent lui être comparées, dans le style (et bien sûr dans l'aboutissement). En voici – en particulier la Troisième, suffocante de beethovenisme du meilleur aloi !
→ Bissé.
→ (Voir la notule correspondante dans la série « Une décennie, un disque ».)

♥♥ GOUVY, L.T.: Symphonies Nos. 1 and 2 – German Radio Saarbrücken-Kaiserslautern Philharmonic Orchestra, Mercier (CPO)
→ Même genre, très réussi, toujours animé (on entend bien le contemporain de Schubert et Verdi).
→ Bissé.

♥♥ Gouvy – Symphonie n°2, Paraphrases Symphoniques, Fantaisie Symphonique – Württembergische Philharmonie Reutlingen, Thomas Kalb (Sterling 2014)
→ Bissé.

♥♥ GOUVY, L.T.: Symphonies Nos. 3 & 5 – German Radio Saarbrücken-Kaiserslautern Philharmonic Orchestra, Mercier (CPO)
→ Bissé.

♥♥ GOUVY, L.T.: Symphony No. 4 / Symphonie brève / Fantaisie Symphonique (German Radio Saarbrücken-Kaiserslautern Philharmonic, Mercier) (CPO 2013)
→ Romantisme remarquablement domestiqué, Onslow en mieux.
→ Bissé.

♥♥♥ Gade – Symphonies 1 & 5 (vol.4) – Danish NSO, Hogwood (Chandos 2002)
→ Très belle lecture nerveuse de ces bijoux de sobre romantisme élancé !

♥♥ Gade – Symphonies 7 & 4 (vol.2) + Ouv. Op.3 – Danish NSO, Hogwood (Chandos 2002)
→ Très belle lecture nerveuse de ces bijoux de sobre romantisme élancé !

♥♥♥ Gade – Symphonies 2 & 8 (vol.1) + Allegretto + In the Highlands – Danish NSO, Hogwood (Chandos 2002)
→ Très belle lecture nerveuse de ces bijoux de sobre romantisme élancé !

♥♥♥ Gade – Symphonies 3 & 6 (vol.3) + Echos d'Ossian – Danish NSO, Hogwood (Chandos 2002)
→ Très belle lecture nerveuse de ces bijoux de sobre romantisme élancé !
→ Bissé.

Gade – Symphonie n°1,8 – Stockholm Sinfonietta, Neeme Järvi (BIS)

♥♥♥ Bruch – Symphonie 1 (vo) – Bamberger Symphoniker, Trevino (CPO 2020)

♥♥ Richard Hol (1825-1904) ; Symphony No. 1 in C minor (1863)
Den Haag Residentie Orkest ; Matthias Bamert
→ Contrasté et farouche, du très beau second romantisme !

Richard Hol (1825-1904) ; Symphony No. 4 in A minor (1889)
Den Haag Residentie Orkest ; Matthias Bamert
→ Plaisant, sombre sans être très tendu, pas excessivement marquant en première écoute.

♥ *Brahms – Symphonie n°2, Ouverture Académique – Gewandausorchester Leipzig, Blomstedt (PentaTone 2021)
→ Comme pour la Première, interprétation très apaisée, lente et creusée, de ces symphonies. Ceci fonctionne moins bien, à mon sens, pour cette Deuxième, dont les difficultés intrinsèques ne sont pas vaincues en secondant ses aspects les plus tranquilles – et l'on perd en éclat jubilatoire du côté du final.

BRUCKNER, A.: Symphony No. 4 in E-Flat Major, WAB 104, "Romantic" (1888 version, ed. B. Korstvedt)  (Minnesota Orchestra, Vanska)     (BIS)

♥ Bruckner 6 BayRSO Eichhorn

Bruckner 7 BayRSO Eichhorn

♥♥ Tchaïkovski  – Suites n°1, n°4 – Tchaikovsky NO, Fedoseyev (Blue Pie 2014)
https://www.deezer.com/fr/album/557141

Tchaikovsky:  Suite No. 2 in C Major – Białystok Symphony Orchestra, Marcin Nałęcz-Niesiołowski (DUX 1999)
→ Audiblement slave, mais sans la souplesse et le moelleux des ensembles russes.

♥♥♥ *Tchaïkovski  – Symphonies n°2,4  – Tonhalle Zürich, Paavo Järvi (Alpha 2021)
→ La Cinquième par les mêmes ne m'avait pas du tout autant ébloui qu'en salle (avec l'Orchestre de Paris) – un peu tranquillement germanique, en résumé. Hé bien, ici, c'est étourdissant. D'une précision de trait, d'une énergie démentielles ! 
→ On entend un petit côté « baroqueux » issu de ses Beethoven, avec la netteté des cordes et l'éclat des explosions, mais on retrouve toute la qualité de construction, en particulier dans les transitions (la grande marche harmonique du final du 2, suffocante, qui semble soulever tout l'orchestre en apesanteur !), et au surplus une énergie, une urgence absolument phénoménales.
→ Gigantesque disque. Ce qu'on peut faire de mieux, à mon sens, dans une optique germanique – mais qui ne néglige pas la puissance de la thématique folklorique, au demeurant.
→ (bissé la n°2)

Dvořák:  Holoubek (The Wild Dove), Op. 110
Netherlands Philharmonic Orchestra; Kreizberg, Yakov
(PentaTone)
→ Pas particulièrement passionné, malgré l'article qu'on m'en fit. Belle œuvre rhapsodique un peu discrète. (Tapiola version Dvořák ?)

*Saint-Saëns: Symphony No. 1 in E-Flat Major + Symphonie en la
Liège Royal Philharmonic; Kantorow, Jean-Jacques (BIS)
→ Petite déception : malgré la qualité habituelle de ces artistes, pas extraordinairement distinctif – le potentiel de ces symphonies, réel mais difficile à mettre en valeur, n'est pas véritablement révélé.
https://www.francemusique.fr/emissions/le-concert-de-20h/stravinsky-concerto-pour-piano-et-vents-bertrand-chamayou-et-l-orchestre-national-de-france-95316

♥ *Saint-Saëns – Symphonies – Malmö SO, Soustrot (Naxos, réédition 2021)
→ Parmi le choix discographique, le meilleur possible, mais les œuvres demeurent un peu lisses dans cette lecture… ces symphonies attendent encore d'être pleinement révélées, elles sont, malgré les doublures schumanniennes qui les rendent peu avenantes au disque, un potentiel considérable.
→ Autre avantage de Soustrot : inclut la symphonie non numérotée en la, et celle sous-titrée « Urbs Roma » !

♥♥♥ Kalinnikov – Symphonie n°1 – Ukraine NSO, Kuchar (Naxos)
→ Quel emploi extraordinaire du folklore ukrainien, dans une forme évolutive et tendue de bout en bout malgré ses tendances rhapsodiques !
→ Bissé.

Rimsky-Korsakov:  Fantasia on Serbian Themes, Op. 6 (second version, 1887)
Rimsky-Korsakov:  Symphony No. 3 in C Major, Op. 32 (second version, 1886) – Malaysian PO, Bakels (BIS)
→ Pas ébouriffant côté œuvres, et interprétation aussi peu slave que possible, bien tranquille et posée.

Rimski-Korsakov – Suite tirée de Kitège – Russian NO, Pletnev (PentaTone)

♥ Paine – Symphonie n°2

♥♥♥ Liadov, poèmes symphoniques / N. Tchérépnine, La Princesse lointaine + Prélude du Palais enchanté / Rimski, Suite du Coq d'or – Russian NO, Pletnev (DGG 1996)
→ Liadov déjà bien riche, mais Tchérépnine, rencontre entre Rimski, Ravel et Stravinski !  (Et Rimski a aussi des aspects de l'Oiseau de feu ici…)
→ Très belle interprétation très engagée, plus typée que ce qu'est devenu cet orchestre !

♥ N. Tcherepnin – Le Royaume enchanté – Saint Petersburg Academic Symphony Orchestra, Victor Fedotov

Tcherepnin, N.: Tati-Tati / Janssen, W.: Symphonic Paraphrases On Chopsticks (Columbia Symphony, Janssen) par Werner Janssen (1951, publié par Naxos)
→ Gentilles pièces décoratives, jouées un peu en déchiffrage de façon pas très idiomatiques.

Tcherepnin: Le Pavillon d'Armide, Op. 29 - Enchanted Kingdom, Op.39 - Rimsky-Korsakov: The Golden Cockerel – Saint Petersburg Academic Symphony Orchestra, Victor Fedotov
→ Belle version idiomatique, qui n'exalte pas nécessairement les raffinements de l'œuvre (mais plutôt ses mélodies).

♥♥ N. Tcherepnine Palais Enchanté – Russian NO, Pletnev

♥ Pierné – Suites de Ramuntcho – Philharmonique de Lorraine, Houtman (BIS 1988)
→ Très plaisant.
& Concerto pour piano (avec son joli thème de final « la chenille qui redémarre »)

*Mahler – Symphonie n°9 – Berliner Philharmoniker, Haitink (Berliner Philharmoniker 2021)
→ Lecture un peu séquentielle, son très vibré, de l'adagio final, où j'aime davantage de poussée organique et moins d'apprêt de son. (Mais je ne suis pas un grand amateur de Haitink pour cette raison…) Les basses manquent vraiment de poids dans la progression chromatique pour me saisir tout à fait (prise comme ouatée, de quand est la prise ?  je n'ai pas accès à la notice), et elles ne parviennent pas à imprimer de couleur nouvelle face à ce mur de cordes très vibrées…
→ Joli élan (éphémère) du climax.

Mahler 9 – Düsseldorf, Ádám Fischer
    → Très beau et fluide mais peu de mystère.
& Boston SO, Ozawa
    → Cordes un peu épaisses…
& Solti Chicago
    → Aucun mystère, très rentre-dedans d'emblée.
& Masur NYP
    → Son d'orch un peu brillant, brise de son en zoom peu agréable
& Barshai / Moscou SO
    → Fin et souple, beaucoup d'atmosphère, superbe prise de son.

Suk – Fantastické scherzo, Op. 25 (arr. G. Sebesky for wind ensemble) (excerpt) Douglas Anderson School of the Arts Wind Symphony; Shistle, Ted (Mark Records)

♥ SUK, J.: Fantastické scherzo (Prague Philharmonia, Hrůša) (Supraphon)

♥♥♥ Suk – Zrani  – Komische Oper, K. Petrenko (CPO 2008)
→ Quels déferlements de vagues décadentes, tellement ardent et tourmenté, une merveille absolue très inattendue décidément (et cette version en exalte la tension et la modernité). Le V (« Résolution ») est une merveille d'une densité à peine soutenable.

♥♥ Johan Wagenaar - Sinfonietta : for orchestra in C Major, Op. 32 (1917) Radio Symphony Orchestra ; Conductor: Eri Klas
→ Commence comme du postromantisme assez naïf, et soudain cet adagio, c'est plus le Ruhevoll ou l'Adagietto de Mahler que du Brahms !

♥♥♥ Zweers, (Daniël) De Lange – Symphonies n°1 –  (Sterling)
→ Beaucoup plus naïf et romantique-lumineux que les deux symphonies suivantes de Zweers.
→ De Lange est vraiment étonnant, avec des couleurs qui évoquent le début d'Antikrist de Langgaard, tout en restant parfaitement tenu dans du romantisme qui évoque plutôt les héritiers de Schubert que le XXe siècle !  Très belle symphonie, au demeurant !

♥♥ Zweers – Symphony No. 2, Suite from the Incidental Music for Vondel's "Gijsbrecht van Aamstel" ; Ouv Saskia – Radio Filharmonisch Orkest Holland / Netherlands Radio Symphony Orchestra, Hans Vonk (Sterling)
→ Beau postromantisme simple mais frémissant.
→ Marche harmonique du duo d'amour de Vertigo présente dans le premier mouvement de la Suite de Vondel !
→ Bissé.

♥♥ Sibelius: Symphony No. 2 – BBC Philharmonic Orchestra; Storgårds (Chandos)

♥ Sibelius: Symphony No. 3, Yevgeny Mravinsky/Leningrad P.O. 1965
→ Assez rude, comme une symphonie soviétique de guerre…

Sibelius – Symphonie n°5 – Islande SO, Sakari (Naxos)
→ Prise de son hélas un peu lointaine blanchissante pour cette belle version, pas très urgente mais fort bien construite. (C'est surtout la Septième qu'il faut absolument découvrir dans cette intégrale !)

Sibelius – Symphonie n°5 – SWR Fribourg & Baden-Baden, Rosbaud (SWR Klassik)
→ Lecture très germanique, un peu carrée, qui manque à mon sens un peu de flou et de plans – le final manque même l'effet de l'appel de cors, rejeté au loin… Méritoire de jouer du Sibelius en ce temps et en ces contrées, mais pas du grand Rosbaud, je le crains.

♥ *Sibelius – Symphonies & œuvres orchestrales – Hallé O, Barbirolli (Warner, réédition 2021)
D'après mes souvenirs :
→ Orchestre clairement peu familier de ce type d'écriture, à une époque où le niveau instrumental n'était pas du tout comparable à ce qu'est l'essentiel de la discographie… mais Barbirolli y fait des propositions qui, musicalement, peuvent être passionnantes et très fines (n°3 par exemple). À découvrir pour ouvrir des horizons, à défaut du produit fini.

*Sibelius – Hallé Orchestra; Barbirolli, John (Warner réédition 2021)
En réécoutant :
→ Lent, son assez sale, pas convaincu non plus par la construction.

♥♥ Sibelius: Symphony No. 7 - Royal PO, Beecham (Angel / EMI / Warner)
→ Beaucoup de finesse et de saveur dans la gestion des épisodes.

♥♥ Sibelius: Symphony No.7, Yevgeny Mravinsky  Leningrad P.O. 1977 à Tokyo
→ D'une netteté d'articulation, d'une puissance de construction absolument admirables. Beaucoup plus stable et lisible que le Sibelius vaporeux habituel – c'est écrit ainsi, il faut dire ! 

♥♥♥ Sibelius: Symphony No.7, Yevgeny Mravinsky  Leningrad P.O. concert de 1965 à Leningrad
→ Même conception, mais capté de façon bien plus proche et détaillée, encore meilleur !

*Richard Strauss: Eine Alpensinfonie, Op. 64 / Tod und Verklärung, Op. 24 // par Vasily Petrenko, Oslo Philharmonic Orchestra (Lawo 2020)
→ Pas ébloui : très bien, mais il existe beaucoup mieux capté, beaucoup plus urgent ou coloré, etc.

♥♥♥ R. Strauss – Eine Alpensinfonie – São Paulo SO, Shipway (BIS)
→ Hallucinante image sonore d'une ampleur et d'un détail qui étreignent immédiatement. On entend énormément de contrechants, et quelle tension permanente !  Gigantesque, et tellement approprié ici, quel livre d'images !
→ bissé le début
♥ Fantaisie Symphonique sur Die Frau ohne Schatten

♥♥ R. Strauss – Eine Alpensinfonie – SWR BB & F, Roth (PentaTone)
→ On entend remarquablement les détails, en particulier les lignes de bois dans les tutti et de harpe, rarement audibles. Image assez frontale au demeurant, mais l'énergie et le détail l'emportent !
→ Bien plus impressionné qu'en première écoute il y a quelques années.

Scriabine  Symphonie n°1  Oslo PO, V. Petrenko
→ Encore ces splendides couleurs acidulées, mais l'œuvre paraît hésiter entre beaucoup de chemins sans jamais se décider.

♥♥♥ Hausegger – Natursymphonie – WDR, Rasilainen (CPO)

♥♥ Hausegger – Barbarossa & Hymnen an die Nacht – Begemann, Norrköping SO, Hermus (CPO)
→ Barbarossa toujours pas fabuleux, hymnes très beaux, Begemann splendide.

♥♥♥ Hausegger – Ausklänge, Dionysische Fantasie, Wieland der Schmidt – Bamberg SO, Hermus (CPO)

♥♥ Diepenbrock – Die Vögel, Suite Marsyas, Hymne violon-orchestre, Electra, Die Nacht (Linda Finnie), Wenige wissen (Homberger), Im grossen Schweigen (Holl) – Den Haag RO, Vonk (Chandos 2002)
→ Les lieder orchestraux sont tellement plus intéressants que ses poèmes symphoniques (un peu lisses) !

*Braunfels – Don Gil (Prélude), Divertimento, Ariels Gesang, Sérénade en mib – ÖRF, Bühl (Capriccio 2021)
→ Postromantisme plutôt standard, pas très marquant. Pas du tout le grand Braunfels de la Messe ou le plaisantin subversif des Oiseaux…
→ Plaisante Sérénade toutefois.

♥♥♥ Dopper – Symphonie n°2 – La Haye RO, Bamert (Chandos)
→ Enthousiasmante suite d'airs populaires très exaltants. Répétitions un peu simple des thèmes, mais des fugatos réguliers pour pimenter et le tout est très entraînant… ce serait parfait pour une première écoute en salle !
→ Interprétation vive et généreuse, une surprise venant de Bamert qu'on a connu plus mesuré !

Dopper – Symphonie n°3 « Rembrandt », Symphonie n°6 « Amsterdam » – La Haye RO, Bamert (Chandos)
→ Sympa, mais ni grande forme ni grands thèmes.

♥♥ Dopper:  Ciaconna gotica
R. Mengelberg:  Salve Regina
H. Andriessen:  Magna res est amor 
Röntgen:  Altniederlandische Tanze, Op. 46
    & Franck:  Psyche, M. 47, Part III: Psyche et Eros
Jo Vincent, Concertgebouworkest, Mengelberg (réédition Jube Classic 2014)

♥♥♥ Matthijs Vermeulen (1888-1967) ; Symphony No. 1 'Symphonia carminum' (1914) ;  Rotterdam, Roelof van Driesten
→ Grand postromantisme très coloré et boisé, lumineux et intense. Grande profusion de plans, de grains, langage foisonnant dans être oppressant, une très grande réussite.
→ Trissée.

♥♥ *Walton – Symphonie n°1 – LSO, Previn (RCA, réédition 2021)
→ Grande version de cette symphonie grisante, où se retrouvent les qualités habituelles de Previn à son meilleur : fluidité, beauté mélodique, naturel, élan.
→ (Mes références personnelles restent cependant plutôt Ed. Gardner, Bychkov et C. Davis.)

♥♥♥ Walton – Symphonie n°1 – LSO, C. Davis (2006)
→ Plutôt que la pure motricité (impressionnante !) de cette pièce, Davis y exalte la couleur, et le climat. On y gagne formidablement sur tous les plans !  (quels solos de hautbois, de cor anglais…)  On suit ainsi bien mieux la logique interne de l'œuvre.

♥♥ Cecil Coles – Fra Giacomo, 4 Verlaine, From the Scottish Highlands, Behind the lines – Sarah Fox, Paul Whelan, BBC Scottish O (Hyperion)
→ Belle générosité (Highlands à l'élan lyrico-rythmique réjouissant, qui doit pas mal à Mendelssohn), remarquable éloquence verbale aussi dans les pièces vocales. Bijoux.
→ Bissé.

♥♥♥ Graener – vol. 1 : Comedietta, Variations sur thème populaire russe, Musik am Abend, Sinfonia breve – Hanovre RPO, W.A. Albert

♥♥♥ Graener – vol. 2 : Symphonie, Aus dem Reiche des Pan, Variations sur Prinz Eugen – Hanovre RPO, W.A. Albert
→ Trissé.

♥♥ Pejačević –: Symphony in F-Sharp Minor, Op. 41 / Phantasie concertante (Banfield, Rheinland-Pfalz State Philharmonic, Rasilainen)
→ Symphonie expansive et persuasive, riche !  Pas du tout une musique galante.

(Jan) Koetsier – Symphonie n°2 (avec voix) – Concertgebouworkest
→ Sorte de louange entre Mahler 8, Martinů 4, les concertos de Poulenc et le Te Deum de Bruckner.

Voormolen – Arethuza – Concertgebouworkest (série anniversaire de l'orchestre)

Voormolen – Sinfonia – Concertgebouworkest, Mengelberg

Voormolen – Eline – La Haye, Bamert (Chandos)

Hendrik Andriessen (1892-1981) – Ballet-suite : voor orkest (1947) – Netherlands SO (Enschede), Porcelijn

(Hendrik) Andriessen – vol. 2 – PBSO (Enschede), Porcelijn (CPO)

♥♥ *Escher – Concerto pour orchestre à cordes, Musique pour l'esprit en deuil, Tombeau de Ravel, Trio à cordes, Chants d'amour et d'éternité (pour chœur a cappella), Le vrai visage de la Paix, Ciel air et vents, Trois poèmes d'Auden – Concertgebouworkest, Chailly ; PBChbCh, Spanjaard (Brilliant 2020)
→ Vaste anthologie (essentiellement des rééditions, je suppose), avec quelques belles inspirations d'un postromantisme assez simple.

♥♥♥ Myaskovsky: Symphony No. 6 in E-Flat Major – Göteborg SO, Neeme Järvi (DGG)
→ Très belle symphonie, jouée avec la générosité de N. Järvi, toujours à son meilleur avec Göteborg et dans le répertoire russe et soviétique… Il y réussit le ton épique avec une réelle élégance dans la grandeur. Le final qui développe de façon conjointe les thèmes de la Carmagnole et Ça ira est particulièrement jubilatoire !
→ Final dans sa version avec chœur (trissé).

Myaskovsky: Symphony No. 6 in E-Flat Major – Orchestre Académique d'État de l'URSS, Svetlanov (Melodiya)
→ Hélas, ici les cuivres masquent terriblement le spectre sonore, on y perd toute la beauté des trames secondaires, et le final se change en chanson paillarde assez univoque.

Myaskovsky: Symphony No. 6 in E-Flat Major – Slovaquie RSO, Stankovsky (Marco Polo)
→ Orchestre souvent employé en cacheton, dont on sent le déchiffrage (le tempo prudent, la fébrilité de ces aigus qui sortent trop fort à la flûte), mais le tout est réalisé avec honnêteté et entrain. À choisir, j'y entends mieux les détails que chez Svetlanov.

Myaskovsky: Symphonies 1 & 13 – Orchestre des Jeunes de l'Oural (Naxos)
→ Bien écrites, décemment exécutées, mais rien ne m'a saisi ici. Du postromantisme modernisé qui apparaît, a moins dans cette interprétation, beacoup plus interchangeable.

♥♥♥ *Miaskovski (Myakovsky), Symphonie n°21 // Prokofiev,  Symphone n°5 – Oslo PO, Vasily Petrenko (LAWO novembre 2020)
→ Symphonie de Miaskovski à mouvement unique, flux continu très naturel d'influences très diverses, moments étales mais aussi ultralyrisme post-tchaÏkovskien (presque du R. Strauss russisé), cors pelléassiens, ineffable clarinette façon Quintette de Brahms, qui plane soudaine seule…
→ Je n'avais jamais remarqué ainsi les parentés de la Cinquième de Prokofiev avec la Symphonie de Franck (et un peu le Poème de l'Extase, ce qui est mieux documenté), frappant au milieu du premier  mouvement !  La thématique cyclique est marquante également.
→ Impressionnant son de corde au vibrato irrégulier, terriblement soviétique !  De même pour les vents qui sifflent et les cuivres d'une acidité qui outrepasse la tradition nordique… on croirait entendre une bande moscovite des années soixante. Quel pouvoir sur le son ! 
→ Bissé Miaskovski.

♥♥ MYASKOVSKY, N.: Symphony-Ballad No. 23 / Symphony No. 23 (1941-1945: Wartime Music, Vol. 1) (St. Petersburg State Academic Symphony, Titov) (Northern Flowers 2009)
→ Très accessible Symphonie-Ballade, et beau folklore convoqué dans la Symphonie n°23, d'un style assez rétro-, plutôt Glazounov (en bien plus saillant) que soviétisant ! 

Miaskovski (Myaskovsky), Symphonies n°24 & 25 – Moscou PO, Yablonsky (Naxos)
→ La 24 légèrement sombre, la 25 au contraire marquée par des chorals de folklore !
→ Lecture assez vivante, mais la prise de son relègue le détail un peu loin (Naxos d'il y a un certain temps), cordes et bois pas toujours justes (!), on peut magnifier mieux ces partitions.

MYASKOVSKY, N.Y.: Symphonies Nos. 15 and 26 / Overture in G Major (Kondrashin, Nikolayev, Svetlanov)
→ Final de la 26 d'une simplicité sautillante et sans arrière-plan désespéré, absolument ravissant !

♥♥♥ *Miaskovski (Myaskovsky), Symphonie n°27 // Prokofiev, Symphonie n°6 – Oslo PO, V. Petrenko (LAWO 2021)
→ Saveur très postromantique (et des gammes typiquement russes, presque un folklore romantisé), au sein d'un langage qui trouve aussi ses couleurs propres, une rare symphonie soviétique au ton aussi « positif », et qui se pare des couleurs transparentes, acidulées et très chaleureuses du Philharmonique d'Oslo (de sa virtuosité aussi)… je n'en avais pas du tout conservé cette image avec l'enregistrement de Svetlanov, beaucoup plus flou dans la mise en place et les intentions…
→ Frappé par la sobriété d'écriture, qui parle si directement en mêlant les recettes du passé et une forme d'expression très naturelle qui semble d'aujourd'hui. L'adagio central est une merveille de construction, comme une gigantesque progression mahlérienne, mais avec les thématiques et couleurs russes, culminant dans un ineffable lyrisme complexe.
→ Bissé Miaskovski.

Miaskovski (Myaskovsky), Symphonie n°27 – Moscou StSO, Polyansky (Chandos)
→ Belle lecture, mais les détails sont bien moins audibles, les cordes gagnent, pas du tout la finesse de diamant et l'intensité de V.Petrenko-Oslo !   L'adagio paraît même ici un brin sirupeux / filmique / complaisant, alors que les harmonies et les figures complexes de bois sont audiblement riches.

♥ *(Marcel) Poot – Symphonies 1,2,3,4,5,6,7 – Anvers PO, Léonce Gras + Belgian RT NPO, Hans Rotman + Moscou PO, Frédérice Devreese + Belgian NRSO, Franz André (Naxos, réédition en coffret en 2021)
→ (Mis en couleur, mais il est en réalité flamand, précisons.)
→ Joli corpus, la 1 d'un postromantisme aux brusques simplicités néoclassiques, la 4 très marquée par l'orchestration et l'esprit de Chostakovitch, la 7 d'une bigarrure tourmentée assez persuasive…
→ Bissé la 7.

♥ *Skalkottas – 36 Dances grecques, The Sea Suite, Suite Symphonique n°1 – Athènes StO, Stefanos Tsialis (Naxos 2021)
→ Danses polytonales étonnantes, Suite néoclassique, Mer figurative et généreuse, mais tout en pudeur, sans chercher l'emphase, très réussie.
→ (Privilégiez cependant le précédent volume Skalkottas, plus essentiel.)

♥ *Takemitsu – Requiem pour cordes, Far Calls, How Slow the Wind, A Way a Lone II, Nostalghia in Mémory of Andrei Takovskij… – Suwanai, NHK, P. Järvi (RCA 2020)
→ Une bonne version (pas très colorée : pas le point fort de Järvi, ni surtout de cet orchestre, ni de ces œuvres précises de Takemitsu) d'œuvres pas parmi les plus chatoyantes ni passionnantes de Takemitsu (œuvres pour cordes essentiellement), à part How Slow the Wind (qui n'est pas son meilleur, mais contient les jolies échelles modèles de Tree Line ou Rain Coming).

♥ *Gerald BARRY – The Eternal Recurrence – Britten Sinfonia, Thomas Adès (Simax 2021)
→ Couplé avec les 7,8,9 de Beethoven que je n'ai pas essayées (les autres volumes étaient très bien, mais la concurrence est telle que…). En revanche le couplage avec des œuvres de Barry tout au long du cycle est vivifiant !
→ On retrouve le goût de Barry pour ces accords tonals utilisés sans réelle fonction, en forme de gros blocs un peu errants tandis que la ligne vocale de la soprano semble traditionnelle, presque sucrée. Très plaisant. (Je n'avais pas le texte pour suivre, je ne peux pas dire pour l'instant si c'était simplement joli ou vraiment saisissant.)

Dalbavie – Concertate il suono – OPRF (Densité-21 RF 2007)

♥ Dalbavie – Ciaccona – OP, Eschenbach (Naïve)

♥ *Dalbavie – La source d'un regard  – Seattle SO, Morlot (Seattle SO Media 2019)
→ Très belle évolution progressive d'étagements sonores.



G. Lied orchestral

♥♥ Hausegger – Barbarossa & Hymnen an die Nacht – Begemann, Norrköping SO, Hermus (CPO)
→ Barbarossa toujours pas fabuleux, hymnes très beaux, Begemann splendide.

♥♥♥ Diepenbrock – « Anniversary Edition, Vol. 2 » (Etcetera 2012)
Die Nacht – Janet Baker / Royal Concertgebouw Orchestra
Hymne an die Nacht 'Gehoben ist der Stein' – Arleen Augér / Royal Concertgebouw Orchestra
Hymne an die Nacht 'Muss immer der Morgen' – Linda Finnie / The Hague Philharmonic
Im grossen Schweigen – Robert Holl / The Hague Philharmonic
→ Splendides pièces généreuses, variées, lyriques, tourmentées, persuasives. Du décadentisme encore très romantique, petites merveilles.
→ Trissé.

♥♥♥ Diepenbrock – Reyzangen uit Gysbrecht van Aemstel (extraits) + Hymne aan Rembrandt + Te Deum + Missa in die festo – Westbroek (Etcetera 2013)

♥♥ Diepenbrock – Reyzangen uit Gysbrecht van Aemstel (intégral) + Hymne aan Rembrandt – Westbroek (Composers Voice 2005)
→ Première écoute du Aemstel intégral.
→ Bissé.

Diepenbrock – Die Vögel, Suite Marsyas, Hymne violon-orchestre, Electra, Die Nacht (Linda Finnie), Wenige wissen (Homberger), Im grossen Schweigen (Holl) – Den Haag RO, Vonk (Chandos 2002)
→ Les lieder orchestraux sont tellement plus intéressants que ses poèmes symphoniques (un peu lisses) !

DIEPENBROCK, A.: Orchestral Songs (Begemann, St. Gallen Symphony, Tausk) (CPO 2014)
→ Moins séduit, à la réécoute (et malgré le charisme de Begemann), par rapport aux autres lieder enregistrés par Chandos avec Finnie, Homberger et Holl.

♥♥ Cecil Coles – Fra Giacomo, 4 Verlaine, From the Scottish Highlands, Behind the lines – Sarah Fox, Paul Whelan, BBC Scottish O (Hyperion)
→ Belle générosité (Highlands à l'élan lyrico-rythmique réjouissant, qui doit pas mal à Mendelssohn), remarquable éloquence verbale aussi dans les pièces vocales. Bijoux.
→ Bissé.



H. Concertos

♥ *Vivaldi – Concertos pour basson – Azzolini (Naïve 2021)
→ Basson savoureux, très bel ensemble spécialiste, superbe veine mélodique aussi, de l'excellent Vivaldi !

♥ Antonín Vranický Concerto pour deux altos, Rejcha « Solo de Cor Alto », Vorišek Grand Rondeau Concertant pour piano violon violoncelle, Beethoven concerto pour violon en ut (fragment), dans la série « Beethoven's World » – Radio de Munich, Goebel (Sony)
→ Suite de l'incroyable parcours de Goebel qui documente des compositions concertantes et orchestrales de contemporains de Beethoven, avec des pépites (Clément, Romberg, Salieri…). Ici, très beau double concerto de Vranický, grandes pièce de Rejcha aux belles mélodies…

♥♥ Reicha Symphonie concertante pour 2 violoncelles, Romberg Concerto pour deux violoncelles, Eybler Divertisment – ( série « Beethoven's World ») – Deutsche Radio PO, Goebel (Sony)
→ Très beau, programme hautement original (dans la collection où j'avais déjà loué les Concertos pour violon de Clément et qui vient de publier Salieri-Hummel-Vořišek), mettant en valeur des jalons considérables du patrimoine.
→ Un Reicha virtuose : un violoncelle faisant des volutes graves, l'autre énonçant de superbes mélodies – celle du premier mouvement évoque beaucoup Credeasi misera.
→ Un Romberg au mouvement lent plus sombre, inhabituellement tourmenté (sans agitation pourtant), se terminant dans un rondeau aux rythmes de cabalette et dont la mélodie invite à la danse. 
→ Un Eybler trompettant, musique de fête.
→ Interprété avec une finesse de timbre et un élan absolument délectables.

Romberg (Bernhard) – Concertos pour violoncelle 1 & 5 – Melkonyan (CPO)
→ Le 5 a un côté symphonies de Mozart en mineur. Mais tout ça n'est pas particulièrement passionnant en soi.

♥♥ Bruch – Doubles concertos (2 pianos + alto & clarinette), Adagio apassionato, ouv Lorelei – ÖRF, Howard Griffiths (Sony 2019)

♥ PIERNÉ, G.: Orchestral Works, Vol. 2 - Fantaisie-ballet / Scherzo-caprice / Poème symphonique (Bavouzet, BBC Philharmonic, Mena)
→ Belle version de ces œuvres plaisantes.

♥ Pierné – Suites de Ramuntcho – Philharmonique de Lorraine, Houtman (BIS 1988)
→ Très plaisant.
& Concerto pour piano (avec son joli thème de final « la chenille qui redémarre »)

♥♥♥ van Gilse – Tanzskizzen – Triendl, PBSO Eschede, Porcelijn (CPO)
→ Bissé.

♥♥ Graener – vol. 3 : Concerto pour piano.  – Triendl, Radio de Munich, Alun Francis (CPO 2015)

Chostakovitch – Concerto pour violoncelle n°2 – Arto Noras, Radio Norvégienne, Rasilainen (Finlandia / Apex)
→ Tellement mieux que le Premier Concerto, dans version élancée et très bien jouée, mais demeure assez peu exaltant pour ma sensibilité…

Voormolen – Concerto pour deux hautbois – La Haye, Bamert (Chandos)
→ Néoclassique sympa.

♥ Klami : The Cobblers on the Heath (Ouverture) / Thème, 7 Variations & Coda Op.44 avec violoncelle solo – J.-E. Gustafsson, Lahti SO, Vänskä (BIS)
Et aussi : Kalevala Suite (sombre mais pas la plus fluide et colorée)

♥♥♥ Klami : Cheremissian Fantasy, Sea Pictures, Kalevala Suite ; Noras, Helsinki PO, FinRSO (Finlandia 1992)
→ Atmosphères entre Sibelius et Ravel assez mereilleuses. Très belles interprétations typées et savoureuses. (Découverte pour la Fantaisie.)

♥ Nyman, Piano Concerto – Lenehan, Ulster Orchestra, Yuasa (Naxos)
→ Vraiment beau dans ses consonances, ses ondoiements et ses jolies évolutions harmoniques. Mais tout le temps pareil – et identique à ses autres œuvres également.

Khodosh – Concerto pour piano & orchestre
→ D'un néoclassicisme aux éclats un peu circassien, assez amusant. Son opéra comique d'après L'Ours de Tchekhov, représenté en ce moment même à Donetsk, fait envie – n'étaient les obus.




I. Quatuors

*Józef Elsner –  « Trois quatuors du meilleur goût polonois » Op. 1  – Mikołaj Zgółka & friends (NFM, Accord 2021)
→ Première parution de ces beaux quatuors de style encore classique, dans une exécution avec cordes en boyaux – ce qui rend souvent, à mon sens, l'audition moins confortable, et distraite par les inégalités de timbre.
→ Même si la veine mélodique n'est pas la plus immédiate par rapport à nos références Haydn-Mozart, de soudaines bifurcations harmoniques font assurément lever l'oreille en de nombreuses occurrences.
→ Je serais très curieux de réentendre ce corpus interprété selon différentes autres options (plus de structure, plus de chair ou plus d'élan), je suis convaincu de son potentiel.

♥ *Hérold, d'Ollone, Rabaud – Quatuors – Hermès SQ (Chaîne YT de Bru Zane 2021)
→ Trois rarissimes quatuors, d'où se détachent en particulier les affects généreux du Rabaud, assez éloigné de son style orchestral plus hardi – alors qu'Hérold est y au contraire sur son version le plus sérieux et ambitieux.
→ Son très peu typé français de ce jeune ensemble, un peu trop de fondu et de vibrato pour moi, peut-être.
→ Super entreprise en tout cas que de jouer ces raretés, et de surcroît de les diffuser – le Palazetto n'étant pas l'endroit le plus commode d'accès au monde.

♥ Anton Reicha: Trois quatuors – Quatuor Ardeo (2014 | L'empreinte Digitale)
→ bissé

♥♥ GADE, N.W.: Chamber Works, Vol. 5 - String Quartet in D Major / String Quintet in E Minor / Fantasiestücke clarinette piano (Ensemble MidtVest) (CPO)

♥ *La Tombelle – Quatuor en mi – Mandelring SQ (Audite 2021)
→ Gloire aux Mandelring qui ont pris l'habitude d'enregistrer des quatuors rares en complément des œuvres (ou cycles d'œuvres) célèbres qui enregistrent !  Œuvre de salut public, d'autant que ce sont des quatuors entiers qu'ils gravent, très bien choisis, et exécutés au plus haut niveau !
→ De surcroît, ici, Bru Zane n'avait pas gravé, dans on anthologie de 3 CDs, ce quatuor (juste celui avec piano).
→ Pas bouleversé par la pudeur de cet opus : ni très mélodique, ni très sophistiqué, une sorte de Ravel en sourdine. Peut-être joué avec moins de transparence et une plus franche véhémence ?  Car il existe des moments franchement passionnés qui pourraient peut-être se trouver davantage mis en valeur avec un jeu plus « à l'allemande ».
→ (couplé avec le Ravel, pas écouté)

Bosmans Strijkkwartet (1927) , Utrecht SQ
→ Très français… et très court.

♥♥ KUNC, B.: String Quartet, Op. 14 / LHOTKA, F.: Elegie and Scherzo / SLAVENSKI, J.: String Quartet No. 4 (Sebastian String Quartet) (CPO)
→ Bissé.



J. Chambre

♥♥ *Sommer (1570–1627)  Der 8. Psalm // Fontana (1571–1630) Sonata 16 // Buonamente (1595–1642) Sonata seconda // Pachelbel (1653–1706) Canon & Gigue // Torelli (1658–1709) Sonata a 3 violini // Fux (c1660–1741) Sonata a 3 violini //  Louis-Antoine Dornel (1685–1765) Sonate en quatuor // Giovanni Gabrieli (c1555–1612) Sonata XXI con 3 violini // Purcell Three parts upon a ground & Pavane // Schmelzer (1620–1680) Sonata a 3 violini // Baltzar (c1631–1663) Pavane // Hacquart (c1640–a1686)  Sonata decima –
« Sonatas for three violins », Ensemble Diderot, Johannes Pramsohler (Audax 2021)
→ Je n'avais pas été enthousiasmé ni par les œuvres, ni par le son des principaux albums (très originaux) de l'ensemble, mais ici, ces sonates à violons multiples se révèlent remarquablement fascinantes !
→ bissé.

♥♥♥ *Jacchini, Gabrielli, Lulier, A. Scarlatti, Bononcini – Sonates pour violoncelle « The Italian Origins of the Violoncello » – Lucia Swarts +  Zomer , Richte van der Meer (cello), Siebe Henstra (harpsichord) (Mountain Records 2015-2021)

♥♥♥ *Roncalli – Intégrale de la musique pour guitare (baroque) : les 9 Sonates – Bernhard Hofstötter (Brilliant 2021)
→ Superbe massif très vivant, des suites de danse en réalité, dont la mobilité séduit grandement, en particulier la Passacaille en la mineur de la Cinquième Sonate, reprenant des basses connues des LULLYstes.
→ Interprétation très allante, prise de son confortable.

♥ Ritter – Quatuors avec basson – Paolo Cartini, Virtuosi Italiani (Naxos 2007) → Très joliment mélodique. Moins riche et virtuose que Michl.

♥ *ROMBERG, B.: Sonatas for Harp and Cello, Op. 5, Nos, 1, 2, 3 (Aba-Nagy, Szolnoki) (Gramola 2020)
→ Existe aussi en violoncelle-piano et en violon-piano, avec approbation du compositeur. Beaux thèmes séduisants, presque opératiques, du violoncelle, souple élégance de la harpe, très belles pièces de salon.
→ Captation avec un petit déséquilibre en faveur du violoncelle (la harpe est un peu retranchée vers l'arrière), probablement monté en boyaux considérant le timbre un peu plaintif.

♥ *Rejcha –  Octet, Op. 96 and Variations for Bassoon & String Quartet – Consortium Classicum (CPO 2000)

♥ *Onslow – Quintettes à cordes n°23 & 31 (vol.4) – Elan Quintet (Naxos)
→ Beaux quintettes sobres et touchants, du bon Onslow bien joué.

♥ Bruch: String Octet in B-Flat Major, String Quintet in A Minor & Piano Quintet in G Minor – par Ulf Hoelscher Ensemble (CPO)

♥ *Saint-Saëns – Sonates violoncelle-piano, violon-piano, Suite violoncelle-piano, piécettes, arrangements… –  Tanaka, Fouchenneret, Bartissol, Wagschal (3 CDs Ad Vitam 2021)
→ Clairement pas le sommet du legs de Saint-Saëns (quelle distance par rapport à l'ambition des quatuors à cordes ou avec piano !), mais de plaisantes œuvres très peu jouées, servies par des interprètes rompus à ce répertoire.

♥♥♥ *Stanford  – Quintette piano-cordes, Fantasies – membres de la Radio de Berlin, Nicolaus Resa (Capriccio 2021)
→ Une des grandes œuvres les plus inspirées du (très inégal) Stanford.

♥♥ *Labor – Sonates violon-piano, violoncelle piano, Thème & variations (cor-piano) – Karmon, Mijnders, Vojta, Triendl (Capriccio 2021)
→ Nouveau volume Labor, qui confirme le chambriste considérable qu'il est !  Plus lumineux et apaisé que son fascinant Quatuor piano-cordes.
→ Trissé.

♥ *BEACH, A. / PRICE, F.B.: Piano Quintets / BARBER, S.: Dover Beach (American Quintets) (Kaleidoscope Chamber Collective)
→ Très belles pièces tradis, avec des épanchements traditionnels des mouvements lents pour ces formations, d'une très beau métier !

♥ Koechlin – Sonate à sept – Lencsés, Parisii SQ (CPO 1999)
→ Sorte de pièce concertante pour hautbois. Pastoralisme un peu lent et bavard, sorte de Milhaud réussi.

♥♥ *Escher – Concerto pour orchestre à cordes, Musique pour l'esprit en deuil, Tombeau de Ravel, Trio à cordes, Chants d'amour et d'éternité (pour chœur a cappella), Le vrai visage de la Paix, Ciel air et vents, Trois poèmes d'Auden – Concertgebouworkest, Chailly ; PBChbCh, Spanjaard (Brilliant 2020)
→ Vaste anthologie (essentiellement des rééditions, je suppose), avec quelques belles inspirations d'un postromantisme assez simple.

♥♥ *Klami –  Quatuor piano-cordes, Sonates violon-piano &  alto-piano – Essi Höglund, Ero Kesti, Sirja Nironen, Esa Ylonen (Alba 2021)
→ Beau corpus, très pudique (que d'aération, de respirations, de silences à tour de rôle dans ce Quatuor !), très beaux timbres et phrasés (le violon d'Essi Höglund en particulier).



K. Flûte solo

♥ *Koechlin – Les Chants de Nectaire – Nicola Woodward (Hoxa 2021)
→ Ni aussi nette et virtuose que Balmer, ni aussi poétique et souplement articulée que de Jonge, cette quatrième intégrale du monumental chef-d'œuvre universel de la flûte solo (4h), inspiré d'un jardinier musicien (un ange caché dans La Révolte des Anges d'Anatole France…), ne change pas nécessairement la donne. Je recommande vivement d'écouter Leendert de Jonge dans ces pages – la famille Koechlin le recommande également pour son respect des nuances écrites et de l'esprit général.
→ Mais, il est formidable de pouvoir comparer les lectures, et quitte à écouter n'importe quelle version, plongez-vous, oui, dans ce chef-d'œuvre incroyable !



L. Théorbe

♥♥♥ Visée : Chaconne en la mineur, Monteilhet

♥♥♥ Bach – Suites 1,2,3 pour violoncelle (version théorbe) – Monteilhet 1 (EMI 2000)
→ Tellement de mordant et de résonance ici (rien à voir avec les suites 4 à 6 chez ZZT, plus ouatées et lisses).



M. Harpe

♥♥ *Casella Sonate pour harpe // D  Scarlatti Kk 135 // Bach toccata ut mineur // Debussy Ballade pour piano // Zabel fantaisie sur Faust –  « Ballade » – Emily Hoile, harpe (Ars Produktion 2021)



N. Violoncelle·s

♥♥♥ Bach – Suites pour violoncelle 3,1,4,6… – Lucia Swarts (Challenge Classics 2019)
→ De (très) loin la version la plus enthousiasmante que j'aie entendue sur instrument ancien !  Du grain en abondance, de la couleur partout, et un mordant exceptionnel…
→ Possiblement la version qui soutient le plus mon intérêt sur la durée, aussi, alors que je fatigue assez vite avec ces Suites, que je trouve moins nourrissantes que son corpus pour violon…

Bach, Bourrée de la Suite n°3 pour violoncelle : Swarts, Maisky DGG, Maisky live w. Argerich, Monteilhet

♥ B. Romberg – Sonata for 2 Cellos in C Major, Op. 43, No. 2 – Ginzel & Ginzel (Solo Musica)



O. Piano·s

♥ *Brillon de Jouy – The Piano Sonatas Rediscovered –  Nicolas Horvàth (Grand Piano 2021)
→ Très plaisant classicisme finissant / premier romantisme, pas particulièrement personnel, mais écrit sans aucune fadeur (et finement joué).
→ (Je découvre a posteriori qu'il s'agit d'une compositrice.)

Gouvy – L'œuvre pour deux pianos – (Bru Zane)
→ Agréable. Rien de très saillant en première écoute.

♥♥ Kurtág – Játékok à quatre mains – M. & G. Kurtág (DVD)
→ Une autre vision (que le disque, le concert et mes propres doigts, jusqu'ici) avec cette version vidéo de ces délectables miniatures !

♥♥ *Griffes, Crumb, Carter, Glass, Shimkus – « America 1 » – Vestard Shimkus (Artalinna 2021)
→ Panorama à la vaste diversité de langages et de touchers. L'impressionnante Sonate de Griffes conserve beaucoup de gestes (de structure, de virtuosité, même de tonalité) issus du patrimoine, et donne une très belle occasion à Shimkus de montrer l'étendue de sa palette d'attaques et de textures.
→ Le sommet de l'interprétation se révèle sans doute dans l'incroyable diversité d'inflexions et de phrasés dispensés dans (l'insupportable) Glass, tout en trémolos lents de tierces mineurs, d'une pauvreté emblématique – mais le pianiste y impressionne.
→ Récital très original et cohérent, un petit monde à parcourir.



P. Clavecin

♥♥ *J.-Ph. Rameau, Claude Rameau, Claude-François Rameau, Lazare Rameau, J.-F. Tapray – Pièces pour clavecin « la famille Rameau » – Justin Taylor (Alpha 2021)
→ Inclusion du frère, du fils et du neveu Rameau, ainsi que de variations brillantes des années 1770 de Tapray sur Les Sauvages. Parcours passionnant au cœur du temps et des proximités.
→ Frémissante interprétation, très discursive et vivante, pleine de replis et d'inaglités sans la moindre affèterie, sur un clavecin remarquablement choisi et réglé…



Q. Orgue

♥♥ *Casini, Casamorata, Maglioni – « Florentine Romantic Organ Music  » – orgues de Corsanico et Sestri Levante, Matteo Venturini (Brilliant 2021)
→ Musique de pompe assez festive et extravertie (les clochettes intégrées !), de la musique rare, où l'on retrouve des tournures mélodiques typiquement italiennes, et jouée avec beaucoup de générosité et de clarté. Pas le sommet du bon goût, mais un aspect rare de la musique italienne à découvrir dans de très bonnes conditions !

*Edvard Grieg: Alfedans – arrangements des Danses norvégiennes & Pièces lyriques – Marco Ambrosini (Nyckelharpa), Eva-Maria Rusche (orgue) (DHM 2021)
→ Très amusante couleur locale et jolies danses, bien réadaptées aux instruments !



R. Airs de cour, lieder…

♥ *Rasi, Del Biado, Da Gagliano, Caccini, Peri, Falconieri, Gesualdo, D'India, Monteverdi – Soleil Noir – Gonzalez Toro, I Gemelli (Pierrard, Dunford, Papadopoulos), Gonzalez Toro (Naïve 2021)
→ Beau parcours intimiste dans le répertoire d'un ténor historique du premier baroque.

♥♥ *Schubert – Die Winterreise – DiDonato, Nézet-Séguin (DGG)
→ Grande et belle surprise : DiDonato utilise ici la partie la plus colorée de sa voix, trouvant de très belles textures qui échappent à l'aspect « opéra ». Le vibrato rapide et la beauté du phrasé entretiennent une véritable atmosphère expressive, digne des grandes lectures d'un cycle pourtant conçu (et plus facile à chanter) pour voix d'homme.
→ L'allemand n'est pas tout à fait naturel, la couverture vocale reste importante sur certaines voyelles… cependant l'expression (davantage, finalement, que la beauté bien connue de la voix) l'emporte sans hésiter – et sans la mollesse qu'on pouvait redouter d'un instrument conçu pour des répertoires réclamant davantage de largeur et de fondu d'émission.
→ En fin de compte, une lecture vraiment différente, qui ne m'est pas apparue comme une jolie version d'une chanteuse d'opéra, mais véritablement comme une proposition singulière et aboutie du cycle.

♥ *Gisle Kverndokk – Så kort ein sommar menneska har (mélodies en bokmål et anglais) – Marianne Beate Kielland, Nils Anders Mortensen (Lawo 2021)
→ Belles mélodies simples et prégnantes, incluant un cycle Shakespeare en VO. Toujours belle et douce voix de mezzo de Kielland.

♥ *Mozart-Spindler – Arrangements pour hautbois et orchestre : Concerto pour flûte et harpe, airs de concert, Exsultate jubilate – Albrecht Mayer, Kammerphilharmonie Bremen, Albrecht Mayer (DGG 2021)
→ Disque-démonstration pour Albrecht Mayer, l'emblématique hautboïste solo du Philharmonique de Berlin

♥♥ *Wagner, Pfitzner, R. Strauss – lieder « Im Abendrot » – Matthias Goerne, Seong-Jin Cho (DGG 2021)
→ Goerne a vieilli et la prise de son très rapprochée et réverbérée cherche à créer un effet d'ampleur qui correspond assez mal à celle (réelle) qu'il manifeste en salle. Elle souligne les défauts, les sons légèrement blanchis, les petites gestions du détimbrage sur certaines voyelles… Très étrange spectre sonore très brouillé, assez déplaisant.
→ En revanche, programme original et interprétation prenante, avec la « longueur d'archet » impressionnante et le legato infini de Goerne, son sens de l'atmosphère…
→ Cho est comme toujours assez froid, et ne déploie pas exactement des moirures symphoniques (pour autant, ça s'écoute très bien).
→ Malgré l'amoindrissement de l'instrument, c'est donc un disque marquant, une fois que l'on a surmonté l'étrangeté de la prise de son.

♥♥ *Wiéner, Chantefleurs // Milhaud, Catalogue des fleurs // Satie, Honegger, Lili Boulanger – « Fleurs » – Loulédjian, Palloc (Aparté 2020)
→ Délicieuse adaptation musicale des miniatures de Desnos par Wiéner, servie avec une versatilité et une grâce rares.



S. Chanson

♥ *Horace Silver, Duke Elligton, Norah Jones… – « Midnight Jones » – Norah Jones (UMG, réédition 2020)

♥♥♥ Norah Jones – Comme Away With Me – Norah Jones (Blue Note 2002)

♥♥♥ Norah Jones – Don't Know Why – Norah Jones (Blue Note 2002)
→ Bissé.

♥♥ Cocciante-Plamondon, Notre-Dame de Paris « Belle » (versions française, grecque, russe, italienne, coréenne, espagnole, néerlandaise, polonaise)
→ Seul moment de valeur dans cette pièce particulièrement peu exaltante (intrigue, versification, musique, rien ne réussit), le trio des soupirants réussit une forme poétique originale et une thématique musicale très prégnante. Un des plaisirs de ce genre de production à succès est de pouvoir en explorer les versions en diverses langues, de découvrir les choix de re-versification (particulièrement difficile ici, ça joue beaucoup de mots-outils français !), d'observer les différences d'émission vocale selon les langues… 
→ L'italienne trouve des alternatives vraiment stimulantes à la VF. (et particulièrement bien chantée par les deux ténors graves)



guatemala



Beaucoup de notules un peu plus ambitieuses avaient empêché la publication, ces derniers mois, des disques écoutés récemment… C'est chose faite.

Un peu épais sans doute, mais en naviguant entre les astérisques des nouveautés, les parcours nationaux colorés et les petits ventricules palpitants de mes recommandations, vous devriez attraper quelques pépites que j'ai été très impressionné de pouvoir découvrir, après tant d'heures d'écoutes au compteur !

mardi 7 juillet 2020

Traduire Berg en français : l'épopée et l'insatisfaction


Grâce à la généreuse proposition de Laupéra, graveur émérite & pianiste wagnérien de première classe, et à la promesse d'une soprane itinérante, spécialiste de Beethoven et Wagner en français, je me replonge avec délices dans l'entreprise de traduction de lieder, les poids de la logistique en moins : partitions déjà gravées, interprètes tout trouvés.

Première pièce achevée, « Die Nachtigall », le tube (non sans cause) des Frühe-Lieder d'Alban Berg.

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Karg / Martineau au Wigmore Hall.




1. Le poème et le lied

Structure très simple : deux strophes, l'une « positive » autour du rossignol, l'autre plus concrète (le « Sommerhut ») et un peu plus sombre, centrée autour de cette silhouette féminine.

Berg répète exactement la même musique (à l'exception de la dernière note, conclusive à la strophe 3). La strophe 2 est très sobre, presque prostrée, écrite dans le grave, plus récitative – même si elle reprend des éléments mélodiques de la première strophe.

nachtigall berg storm traduction score

Les strophes 1 et 3 sont écrites par paliers, sur le modèle du poème, où l'idée d'écho se retrouve dans la musique : Schall, Hall, Widerhall, Rosen… chaque étape fait culminer plus haut la ligne vocale, très lyrique.

nachtigall berg storm traduction score




2. Le principe

Déjà évoqué mainte fois dans la série, je le reformule. Il s'agit de rendre accessible à un public non germanophone (ou tout simplement désireux d'une expérience plus directs avec ces textes) la substance du rapport texte-musique dans le lied.

La traduction tâche donc, par rapport à ce qui s'est beaucoup jusqu'au milieu du XXe siècle, de ne pas récrire librement un poème autour du thème de l'original, de ne pas (trop) infléchir le sens précis sur lequel le compositeur a posé sa musique, pour se rapprocher au plus près de l'expérience – inégalable, bien sûr – de l'émotion singulière du lied – lorsqu'on comprend intimement le poème et son redéploiement par la musique.

Le résultat final s'adresse donc certes aux amateurs de poésie, de traduction et de musique (changer de langue peut renouveler le plaisir, même lorsque le résultat est moins convaincant que l'original !), mais peut être employé pour introduire au genre des mélomanes non germanophones, ou permettre à des chanteurs d'aborder ces œuvres dans leur propre langue, sans en perdre la saveur.

Cela suppose quelques contraintes, en plus de l'exactitude qui est déjà un enjeu pour toute traduction.

a) Le nombre de syllabes, évidemment, pour que le nombre de notes y corresponde.

b) Plus important encore (car on peut modifier à la marge quelques rythmes, ajouter ou supprimer des levées, des prolongations pour les syllabes faibles, dédoubler ou unifier des valeurs…), il faut s'assurer que les appuis sont identiques, c'est-à-dire que les temps forts et les notes accentuées ou dans l'éclat de l'aigu ne tombent pas sur des syllabes faibles, ou pire, sur des mots-outils comme le français en met partout (« Je m'étonne de ce que »… trois syllabes inaccentuables !). Contrainte considérable.

c) Pour se repérer dans les vers et que le résultat ne sonne pas trop platement prosaïque, il faut des rimes – ce qui, dans le cadre d'un sens prédéfini, de syllabes contraintes et surtout d'accents internes à respecter absolument, devient très vite assez exigeant.

d) Afin de l'expérience conserve tout son sens, je m'efforce de conserver au maximum l'emplacement exact des mots (avec pour limite que le texte français d'arrivée ne doit pas être trop emprunté / contourné / difforme, mais au contraire le plus direct possible pour une intelligibilité déjà amoindrie par la musique), ou, à défaut, de placer les idées importantes sur des moments accentués ou mélodiques. J'expliquerai la démarche avec des exemples ci-après.



3. Les limites

Si les quatre éléments ci-dessus sont raisonnablement respectés, et que le texte français est un minimum élégant, respectant quelques règles de base de la poésie – les mots trop techniques sapent en général le potentiel d'évocation : contrairement à ce qu'on croit quelquefois en débutant, les mots simples sont souvent les meilleurs –, alors le résultat peut être assez stimulant, voire proche de l'effet de l'original. Peut-être même supérieur, puisque l'auditoire entendra le même matériau, mais dans la langue qui lui est la plus familière.

Mais vous vous en doutez, les choses sont rarement aussi simples.

♦ D'abord, tous les poèmes ne sont pas d'égale difficulté. Certaines grandes scènes récitatives (Der Vampyr) se prêtent très bien à la traduction sur des appuis prosodiques françaises, de même que des airs au format de chanson (ballade de Tomski) – à mon avis les deux réalisations que j'ai faites qui fonctionnent le mieux. Il n'est peut-être pas tout à fait fortuit que ce soient des extraits d'opéra, plutôt sous forme de récit que de cantilène, et sur un rythme rapide. Plus le poème est lent et contemplatif, plus les valeurs sont longues, plus l'accentuation doit être exacte, plus la couleur des mots doit être parfaitement adéquate. Une bizarrerie qui passe sans être trop remarquée, une construction syntaxique un peu complexe (ou une rupture de construction) deviennent tout de suite insupportables dans un format poétiquement plus exposé.
    ♦♦ Typiquement, l'anglais et l'allemand peuvent avoir une économie en syllabes (et en tout cas en mots non accentuables) qui les rendent difficile à rendre en français sans supprimer des bouts de phrase, des liens logiques… il faut tout compacter en simplifiant la syntaxe, ou prendre des détours de sens, ou laisser le sens exact flotter… Ce n'est pas évident. (Typiquement Ich grolle nicht, que je viens de retraduire et qui fera aussi l'objet d'une notule.)
    ♦♦ Ainsi, certains poèmes semblent se traduire tout seuls, se couler immédiatement dans la prosodie du français, rien qu'en suivant la pente de leur littéralité (Tomski, à mon avis ma meilleure adaptation, a aussi été celle qui a réclamé le moins d'efforts, d'inventivité, de remise sur le métier), tandis que d'autres semblent tout simplement impossibles (Ich grolle nicht, précisément).

♦ L'ensemble des contraintes énoncées impose donc un arbitrage dans la littéralité du poème, car il n'est évidemment pas possible de reproduire aussi exactement le sens de l'original qu'avec un nombre de syllabes illimité et, surtout, la liberté d'où poser les accents de sa phrase. Il faut donc chercher des équivalents aussi exacts que possibles ; et même lorsque cela s'avère possible l'emplacement des mots mis en valeurs par la musique, mais arrive toujours un moment où il est nécessaire de faire des choix : couper un morceau de sens, se contenter d'un éclairage imparfait qui pousse un peu le sens du poème d'un côté ou de l'autre.

♦ En plus de cela, il faut composer avec le son : certaines tournures exactes et respectueuses sont moches. À cause de leur accentuation, de la couleur de leurs voyelles… Typiquement, on évitera de faire de grandes tenues sur des syllabes en [in], ou sur certains mots qui paraîtraient un peu ridicules. « J'aperçois depuis la tour les servantes préparer leur lessive » peut avoir un aspect poétique, mais si je commence à parler de leur « lessiiiiive », l'effet risque vite de basculer vers la parodie involontaire de la Mère Denis.

♦ Les vers français se fondent, en principe, sur un rythme régulier. Et cela pose plusieurs problèmes assez considérables.
    ♦♦ Les « mesures » allemandes peuvent comporter un nombre irrégulier de syllabes (2 ou 3). Un vers allemand à quatre mesures peut contenir, en théorie, de 8 à 13 syllabes… Ainsi, si l'on traduit un tel poème allemand en décasyllabes réguliers, parce que le premier vers fait 10 syllabes, on va se retrouver, dans la mise en musique, avec des moments où l'on aura trop de notes (gérables) ou pas assez (très gênant) pour mettre le texte français.
    ♦♦ Par ailleurs, la mise en musique distend la temporalité, dédouble la valeur de certaines syllabes sur plusieurs notes, les attribue à des rythmes divers : on n'entend absolument pas le mètre d'origine. C'est une traduction chantable en vers réguliers s'impose une contrainte non seulement contre-productive sur plan du naturel du résultat, mais même absolument inaudible lors de l'exécution musicale !  J'ai donc fini, au fil de ces années de pratique, par y renoncer tout à fait.
    ♦♦ En revanche, si l'oreille ne dispose d'aucun repère, l'impression de prose un peu arbitraire peut affadir considérablement le résultat sonore. C'est pourquoi il faut des rimes. À rebours de tout l'effort d'écriture en mètres réguliers, qui repose d'abord sur le rythme (la rime étant même facultative en anglais ou en allemand), ici le timbre représente le seul repère sonore dans le poème, pour l'auditeur.
    ♦♦ Ménager des rimes rigoureuses, ou des alternances entre rimes masculines et féminines représente parfois une contrainte trop lourde pour laisser la priorité au sens, mais il faut au moins de véritable assonances bien perceptibles à la fin de chaque vers, pour mieux permettre de suivre le développement de la pensée dans le texte.

♦ Tout cela combiné fait que le texte d'arrivée, même lorsqu'il fonctionne très bien en musique, peut paraître extrêmement plat et maladroit à la lecture. Je le précise, c'est important, car j'en ai bien conscience : ces traductions, malgré leurs efforts de fidélité, ne doivent surtout pas être lues pour aborder la poésie d'un auteur. Elles n'ont pas vocation non plus à être jugées en autonomie, car les mètres seraient faux, les rimes imparfaites, les cadences bancales. Elles sont totalement dépendantes de la version musicale – où, en revanche, elles fonctionnent beaucoup mieux que ne le feraient de belles traductions versifiées régulièrement. [Je veux dire, tout auteur égal par ailleurs…]  Bien sûr, des auteurs ont déjà écrit des livrets entiers en vers rigoureux, et quelquefois en respectant fort bien le texte original (pas si souvent, mais il en existe quelques occurrences). Mais c'est une contrainte qui n'est pas nécessaire à l'oreille, et qui peut s'apesantir lourdement et négativement sur le reste des paramètres.




4. Le Rossignol de Berg

Je vais donc présenter ici la cuisine interne et la démarche, si cela vous intéresse, pour confectionner une traduction chantable. Sans fausse pudeur lorsque je serai satisfait de mon résultat (ce qui ne veut pas dire que j'aie raison de l'être, entendons-nous bien…), sans détour lorsque j'estimerai que j'ai failli.

Suis-je Montaigne ou Rousseau, vous le déciderez vous-mêmes.

Le Rossignol (« Die Nachtigall ») de Berg, architube de la musique postpostromantique décadente, tiré de son cycle nommé Lieder de jeunesse (« Frühe-Lieder »), se caractérise par sa grande courbe lyrique, propre à mettre en valeur les voix, sur un versant particulièrement musical, mélodique, presque opératique (l'ampleur de la ligne vocale !) du genre lied. Le poème est caractéristique de Storm, lui aussi tourné vers la nature, l'amour, l'élan.

Je vous livre une traduction que j'estime fonctionnelle et décente, qui a ses trouvailles mais aussi ses expédients. Toutefois le principe n'étant pas de vous convaincre que ma traduction est bonne – j'ai fait ce que j'ai pu, tout simplement – mais plutôt de permettre un petit passage dans les arrières-cuisines, avec beaucoup de questions brûlantes, d'arbitrages insatisfaisants : à quel paramètre donne-t-on la priorité, dans les sections les plus difficiles à rendre ?

Theodor Storm
traduction (chantable) DLM
Das macht, es hat die Nachtigall
Die ganze Nacht gesungen;
Da sind von ihrem süssen Schall,
Da sind in Hall und Widerhall
Die Rosen aufgesprungen.

Sie war doch sonst ein wildes Blut,
Nun geht sie tief in Sinnen,
Trägt in der Hand den Sommerhut
Und duldet still der Sonne Glut
Und weiß nicht, was beginnen.

Das macht, es hat die Nachtigall
Die ganze Nacht gesungen;
Da sind von ihrem süssen Schall,
Da sind in Hall und Widerhall
Die Rosen aufgesprungen.
Alors, le rossignol chantait,
Toute la nuit sans cause ;
Aux accents de sa voix si frêle,
À l'écho de son doux appel,
Les Roses sont écloses.

C'était alors un cœur de feu –
Désormais elle songe,
Traîne à la main son canotier,
Glacée, sous le soleil altier –
Et ne sait pas ce qui la ronge.

Alors, le rossignol chantait,
Toute la nuit sans cause ;
Aux accents de sa voix si frêle,
À l'écho de son doux appel,
Les Roses sont écloses.

Vous trouverez ici la partition en PDF (de la 19e version…).

D'un commun accord, nous avons mis à disposition les sources LilyPond, si jamais vous souhaitez transposer par exemple.

L'usage en est libre (sous réserve d'en attribuer la source). Nous serions ravis, si jamais vous en faites usage pour votre loisir, ou pour vos étudiants, pour des concerts, d'en être informés !



5. Contraintes, conflits et ajustements

Contrainte 1 : le poème doit conserver cette fluidité sans façon. Éviter les inversions abusives qui briseraient le flux, en particulier. Je m'y suis tenu.

Contrainte 2 : le réseau de rimes. Je n'y ai pas donné priorité absolue à cause des grandes contraintes d'accent imposées par la ligne mélodique, qui culmine de façon assez spectaculaire.
Vous remarquez que j'ai laissé, dans chacune des deux strophes, un vers orphelin de rime ;  que lesdites rimes ne sont d'ailleurs pas de le même ordre. C'est une concession que j'ai faite aux autres impératifs – j'admets tout à fait que c'est un pis-aller, même si, à l'écoute, ce n'est pas forcément un problème, surtout dans la première strophe.

Strophe 1

nachtigall berg storm traduction score

Contrainte 3 : Le jeu d'écho des sons sur macht / Nachtigall / Nacht est difficile à rendre.

Das macht, es hat die Nachtigall
Die ganze Nacht gesungen ;

« Il advint que le rossignol avait
Toute la nuit chanté »

Avant même de commencer à traduire, il faut décider si c'est là que va porter l'effort, l'intérêt de la traduction. On m'a conseillé « Toute la nuit le nuissignol a chanté », ce que j'ai considéré avec intérêt jusqu'à ce que je considère qu'il aurait fallu une sacrée note de bas de page étymo-néologistique pour rendre le lied viable. J'ai donc plutôt fait porter mon effort sur les paramètres qui étaient réellement en mon pouvoir, comme les contraintes 4, 5 et 6.

Contrainte 4 : les appuis expressifs sur les mots importants. J'ai tâché de les conserver (Nachtigall / rossignol & gesungen / chanter), on pouvait même essayer de garder « rossignol » à sa place initiale dans le vers : « Le chant disait du rossignol », compliqué pour négocier la syntaxe de la suite ; ou « Entends chanter le rossignol », tout à fait correct, mais que j'ai choisi d'abandonner pour les raisons suivantes.
a) Il modifie légèrement le sens (tout se passe au présent).
b) Il fait porter l'accent principal sur « rossignol », ce qui est peu naturel.
c) Ce qui étonne n'est pas la présence du rossignol, mais bien son chant, il y a dans l'ordre des mots un dévoilement logique (« le rossignol… chantait [alors qu'il faisait nuit] »), alors que « chanter le rossignol » donne d'emblée la solution, beaucoup plus plat. Mais syntaxiquement, c'est la solution la plus fluide, je l'admets.
On se trouve tout de même dans une situation acceptable où les mots importants (rossignol / chanter / nuit) figure sur les appuis principaux. Faiblesse : il me restait de la place, et j'ai donc ajouté une explicitation (« es macht » sous-entend une forme d'événement) – le rossignol chante la nuit alors qu'il n'est pas supposé le faire (« sans cause »). Est-il légitime que cette adjonction figure à la rime, on pourrait en débattre en effet.

Contrainte 5 : « Das macht » est une formule assez formelle (« il advint que »), qui permet d'ouvrir le récit (Berg le met vraiment à part, sur son saut de quinte ascendant initial). Difficile de faire ça en français. J'ai fait le choix de ne pas allonger la phrase française et de véritablement conserver ce disyllabe autonome – un choix lourd de conséquence, impossible à changer sans ensuite bouleverser toute la traduction. Options possibles :
a) « Entends » / « Vois-tu ». On ajoute un interlocuteur au poème, mais l'esprit est le même « attention, on va vous raconter une histoire ». Le français n'a pas de behold pour faire ça en deux syllabes. C'était mon choix de départ, mais en le testant en conditions réelles : le [è] de l'imparfait sonne très étrangement, parce qu'on anticipe tous « Entends le rossignol chanter » et non « Vois-tu, le rossignol chantait » (sans mentionner la discordance entre « voir » et « chanter », ni l'étrangeté d' « entends » utilisé seul). Dans le flux aussi, cette formule secondaire a trop peu d'importance pour débuter le poème – faiblesse qui existe aussi dans l'original, mais en temps que francophone, je suis assez gêné par ma solution.
b) Possibilité, donc : utiliser un véritable mot avec du sens, quitte à l'ajouter au poème. Quelque chose comme « miraculeux », « surprenant ». Mais « subtil » sonne trop précieux, « miracle » est prosodiquement déséquilibré (il faut ajouter une finale faible, pour commencer) et syntaxiquement douteux. Je n'ai pas trouvé d'adjectif de deux syllabes qui me convienne, jusqu'ici : « grisant » ou « vibrant » sont tentants, mais trop spécifiques, trop habillés pour débuter un poème. La solution est cependant séduisante, je continue à creuser.
c) Comme il s'agit de décrire une situation, un résultat, j'ai pensé aussi à « ainsi ». Mais les sons paraissent tout simplement trop serrés, ce [i] tenu surtout… Ce n'est pas beau à l'oreille. Pour « ce jour », « souvent » ou « parfois », mais les sens concordent mal (c'est la nuit, et c'est un événement, non une habitude).
d) « Soudain » était envisageable. L'idée d'incongruité y est bien, et capte d'emblée l'attention. En revanche il se marie mal à l'imparfait (c'est soudain plusieurs nuit de suite, ce qui renvoie potentiellement au sens du poème – est-ce récurrent ?), et le présent passif « sont écloses » choquerait après un passé simple (qui sonnerait aussi trop factuel, trop « récit »).
e) J'en suis venu à « alors », tout simplement : parfait pour lancer une histoire, le mouvement ascendant suit assez bien l'idée de commencement qu'il y a à la fois dans le texte allemand et dans la musique. Je reste insatisfait de débuter un lied par un adverbe essentiellement fonctionnel, mais c'est la même chose (et même encore plus formel) dans le poème de Storm, on sauve donc la fidélité à défaut de la beauté.

nachtigall berg storm traduction score
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Contrainte 6 : Même enjeu de sons que pour la contrainte #3. Trois mots « Schall » (le son qu'on émet), « Hall » (le son qu'on entend », « Wiederhall » (le son qu'on réentend), qui incarnent dans le texte lui-même le principe du son lointain et de l'écho – à cause des retours des mêmes timbres dans les mots, mais aussi de leur rapprochement (« Hall und Widerhall »). J'ai donc conservé une rime (imparfaite, mi-féminine avec « frêle » mi-masculine avec « appel »), ainsi que la symétrie de « da sind » (« là sont [par l'écho] [ouvertes les roses] ») au moyen d'un groupe prépositionnel comparable (« aux accents » / « à l'écho »), qui fait sentir concrètement le retour du chant du rossignol se répercutant dans l'espace. J'ai tâché de l'accentuer en convoquant aussi des synonymes qui s'intensifient, et placés au même endroit du vers (« accents », « écho »). Comme la musique crée un effet d'accélération, de resserrement avec ses sommets mélodiques successifs, la combinaison de ces effets parvient, à mon sens, à reproduire une partie de l'atmosphère de l'original.

Contrainte 7 : La rime imparfaite « frêle / appel » impose, à cause de la syllabe faible de son premier terme, impose d'ajouter une note (si on gagnait une syllabe, « -le » ne pourrait pas tomber sur le temps fort écrit). Heureusement Berg avait prévu une virgule respiratoire à cet endroit, ce qui évite de trop tasser la ligne !
Ce n'est pas grave en soi, mais le but reste d'altérer aussi peu que possible les valeurs écrites, en plus du sens du poème d'origine.

Contrainte 8 : Le climax du poème et du lied explose sur « Die Rosen », qu'il faut donc conserver sur un mot fort. Rien n'empêche, dans l'ordre des mots, de conserver le même, d'autant que le [ô] est une bonne voyelle pour le chant. « Écloses » oblige à une formule passive qu'on peut trouver un peu précieuse, mais outre que le mot est inattaquable du point de vue de la cohérence, il comporte l'avantage considérable de créer une rime interne au vers, qui poursuit l'écho des deux vers précédents, la répétition du chant du rossignol à travers l'espace se matérialise en quelque sorte dans l'ouverture de la rose.
J'aimerais pouvoir prétendre que j'outrepasse ici la virtuosité de l'original, mais à la vérité, les finales en « -en » à « Rosen » et « augesprungen », certes plus communes, suivent la même pente !

Contrainte 9 : Afin de pouvoir placer mon verbe à la fin du premier vers et d'éviter le risque #1 (se prendre dans un réseau d'inversions inextricable), j'ai considéré toute la première grande phrase musicale (les deux premiers vers) comme un seul vers. C'est un expédient qui s'oublie vite à l'écoute. Pour le reste, j'ai conservé la disposition des rimes (embrassées, avec féminine encadrante).
J'ai reproduit la même chose à la strophe suivante – j'ai hésité à placer « soleil vainqueur », mais la rime est trop loin : on a « songe » et « canotier » qui passent sans rimer auparavant !  Le début chanté étant déjà sensiblement plus lent que le débit parlé – comparez le nombre de vers qu'on peut mettre dans une tragédie en musique par rapport à une tragédie classique, c'est 1000 au lieu de 1700, pour un temps de représentation sensiblement plus long. On ne peut donc les mettre trop à distance, correctes ou pas, sans que l'auditeur ne perde le fil – les rythmes embrassées, à l'oreille, se perdent déjà vite une fois mises en musique. Il ne faut pas aller au delà.  Par ailleurs « canotier » est trop en valeur (et déjà trop incongru, j'y reviendrai), il a besoin de rimer, et vite, pour se justifier. J'ai donc fait le même choix, consiédérer les deux premiers vers comme une continuité.

Strophe 2

Contrainte 10 : Cette strophe est vraiment difficile à négocier. Son esprit oscille entre le goût de l'époque pour les aventures d'initiation de jeunes héros qui rêvent d'art (« ein wildes Blut », comme si quelqu'un devait jeter sa gourme), et pourtant des détails concrets, dérisoires (cette immobilité sous le soleil, un chapeau d'été à la main), affleurent. On hésite entre la fougue de la jeunesse, les abîmes métaphysiques et l'ennui poli de la bonne société oisive. Tenir cet équilibre tout en traduisant avec un rythme contraint est assez périlleux.

nachtigall berg storm traduction score

Contrainte 11 : Les deux premiers vers sont écrits sur un balancement faible-forte caractéristique du vers allemand, mais ici secondé par la musique, il faut vraiment en tenir compte en français. « C'était alors un cœur de feu ». Sur le fa dièse aigu, on attend un mot important, et l'appui final sur le la pointé portera le plus de sens. J'ai hésité avec « C'était alors un fier grand cœur », mais outre que la mouillure sur « fyèr » met facilement en retard le chanteur, l'idée la plus importante est celle du sang qui bout dans les veines (« wildes Blut » = « sang sauvage »), donc plutôt le feu que le cœur lui-même. Ayant abandonné la rime avec « soleil vainqueur » pour les raisons énoncées en #9, plus rien ne me retenait.

nachtigall berg storm traduction score


Contrainte 12 : Moment le plus délicat du poème, ces trois derniers vers. Rupture de ton avec ce qui précède, dans la mesure où non seulement le personnage féminin est apparu, mais il se se trouve placé dans une situation très concrète : sous le soleil, avec un chapeau d'été. J'ai, peut-être à tort, considéré que « chapeau d'été » serait un peu lourd, trop long pour un vers de huit syllabes.  Il en occuperait déjà la moitié, alors qu'il faut souligner qu'elle traîne, et à la main, non sur sa tête, toute lasse qu'elle est, ce chapeau léger à larges bords. On le voit bien, même faisant au plus court, « traîne en main [moche…] son chapeau d'été », on a fini le vers, et tout est compact. Surtout, les accents tomberaient au mauvais endroit (sur « son » au lieu de « main ») : il faut du point de vue de la musique obligatoirement quatre syllabes pour la première moitié du vers ; or « chapeau d'été » fait quatre syllabes… il manque la place pour un déterminant. Même si je trouvais un expédient qui le fasse tenir dans le vers, les accents tomberaient à côté ; et le rythme régulier serait dénaturé si je dédoublais une croche. Game over.
Ce faisant, j'oriente le poème – vers la partie de campagne sans façon plutôt que vers la grande dame harassée –, et tout en restant vraiment proche de sa prosodie et de sa littéralité, je le détourne de son sens profond ; et déroge partiellement à la contrainte 10. Je suis conscient du biais. C'est toute la difficulté de l'exercice : très souvent, il faut arbitrer entre l'infidélité au sens, au rythme et (quand même le paramètre le plus important) au rendu dans le texte d'arrivée. Ici, cela fonctionne et conserve l'essentiel du sens, au prix de nuances précieuses, hélas.

nachtigall berg storm traduction score
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Contrainte 13 : Grand débat avec l'éditeur sur le dernier vers de la strophe. Ma proposition de traduction oblige à un changement rythmique : ajouter une croche. Or, dans toute la strophe, aucun vers ne commence sur le temps (ou avant ou après, vous pouvez vérifier) : c'est peut-être altérer la logique de l'ensemble. La phrase est un peu contrainte par le nécessaire retour de rime« ronge » force un peu le sens (dans l'original, elle est pensive, perdue, peut-être désorientée plutôt que tourmentée), mais son couple avec « songe » me plaît assez, les mots ont suffisamment de relief pour mettre en valeur le retour de son, et appuient assez bien les articulations du sens de l'original (en plaçant, par ailleurs, les accents de la musique sur les mêmes idées qu'en allemand !). Ayant considéré ceci, quels sont les ajustements possibles ?
a) Enlever le « et », le plus évident, rend non seulement la phrase un peu maladroite (ça ne se dit pas), mais aussi la syntaxe plus complexe à sentir – or elle paraît toujours plus vaporeuse à l'écoute, et encore davantage à l'écoute d'un texte chanté. Refusé.
b) « Et sans savoir » fait gagner une syllabe. Deux problèmes. D'abord l'expression a un côté plus factuel, plus technique – ce qui fonctionne mal en général dans les poèmes. Ensuite l'infinitif donne l'impression d'un tableau clinique, et plus vraiment dynamique (où on la verrait s'interroger) ; avec le verbe conjugué, elle est là hébétée sous le soleil, on la voit chercher son problème au moment même où le poète la présente.
c) Supprimer le « pas » de la négation. Problème, les sifflantes successives sonnent assez mal esthétiquement : « et ne sait ce », on dirait qu'on bafouille.
→ J'ai donc considéré l'ajout de la note supplémentaire comme légitime, d'autant qu'il reste de la place pour respirer et que cela n'affecte pas fondamentalement la nature de la ligne mélodique.

Contrainte 14 : L'accent placé sur le pronom « ce » a été discuté avec la chanteuse destinataire, également. La note la plus longue sur une syllabe « blanche », qui ne porte pas de sens fort ?  En réalité, si, je trouve l'effet intéressant : « elle ne sait pas ce [suspension de la révélation, comme si elle cherchait elle-même l'explication] qui la ronge ». Ce « ce » contient l'incertitude, l'indicible. En revanche, et c'est là aussi l'une des délicatesses des traductions chantables, sur certains choix nous avons besoin du concours de l'interprète : si le « ce » est chanté dans la suite de la phrase, de façon indifférenciée, l'auditeur va tout de suite se demander ce qu'il fait là, à cette place. En revanche, en le faisant respirer (par exemple avec une petite accentuation suivie d'une césure, comme pour dévoiler un mystère), je suis persuadé qu'il remplit assez bien son office. Un pari donc, un acte de foi dans la clairvoyance / l'engagement / les possibilités expressives de l'interprète.
→ L'exercice de traduction est-il donc à comparer à l'écriture d'un opéra belcantiste ?  Ne soyez pas grossiers s'il vous plaît.




6. Édition

J'ai invité l'éditeur à s'exprimer, ici ou sur son propre site, sur sa démarche (pourquoi graver, pourquoi graver avec LilyPond, quels en sont les pièges techniques, les choix éditoriaux, etc.). Tiré de ma propre expérience (bien plus sommaire, comme vous le verrez dans les autres notules incluant mes gravures) avec le logiciel, ainsi que de nos conversations, je puis déjà donner mon point de vue en quelques mots.

¶ Le travail proposé ici est très près du texte (indications complètes et vérifiées), et donc assez complexe à réaliser techniquement. Il faut entrer beaucoup de commandes simultanées pour permettre les chevauchements de hampes à travers des mesures, pour rendre les lignes polyphoniques telles qu'elles ont été écrites. À la main, on trace un trait sans y réfléchir ; en ligne de code, c'est une tout autre affaire. Grand travail de précision de l'éditeur, qui a souhaité non pas produire une version de travail (ligne vocale + repères du piano), mais un minutieux report de chaque indication, au besoin en confrontant des sources – cette question des variantes de Schubert par rapport à lui-même nous a pas mal occupés pour l'édition du Winterreise.

¶ Un des points névralgiques de notre réflexion (et en particulier du travail d'invention et de mise en œuvre de l'éditeur !) a été le rapport au texte d'origine. Vu que ces traductions ont pour but de donner la possibilité à des amateurs / des non locuteurs de chanter et / ou d'écouter ces lieder au plus près de leur intention initiale, il semblait cohérent de l'inclure.
→ Au début de la page, cela fait des tournes inutiles. À la fin, c'est un peu impoli. L'éditeur n'aimait pas trop l'idée de les isoler dans des pages intermédiaires. S'est donc posée la question de l'inclusion simultanée des deux partitions – sachant que j'ai fait le choix en plusieurs endroits, pour des raisons de cohérence prosodique en français, d'altérer certains rythmes. C'est un gros travail, et l'éditeur a dû ruser avec le code existant (ce cas de figure de la version vocale bilingue reste manifestement rare !) pour en venir à bout, avec l'exclusion de formules que je puis témoigner être assez complexes (je bataille encore pour les générer, et je dois vraiment lire attentivement le code en parallèle de la partition pour retrouver ce qui se passe dans les variantes).
→ Restait à choisir entre :
un ossia (la variante est exprimée sur un bout de portée supplémentaire au-dessus), que la chanteuse dédicataire et moi trouvions un peu inconfortable à lire, surtout que l'intérêt de la partition est bel et bien de chanter en français… et qu'on n'allait tout de même pas mettre l'original en ossia. (Ce n'est pas poli non plus !)
une vraie version bilingue avec variantes rythmiques écrites en petit. Ce que fit notre graveur. Le vrai luxe.
→ On dispose donc d'une comparaison en conditions réelles des deux textes !  Parfait pour apprendre à sentir l'original, en passant (définitivement ou transitoirement) par cette traduction française.
→ Pour autant, afin de ménager le confort de lecture et d'exécution, en particulier chez des amateurs qui n'apprendront pas nécessairement le lied par cœur, une adaptation simple du code (appel à « jouer » la partie française séparément) a permis de générer simultanément (sur le même PDF) une version exclusivement française, plus lisible et dégagée. On se retrouve ainsi avec une double édition, l'une d'étude et de référence, incluant toutes les indications et l'original allemand, l'autre de travail et d'exécution, avec la seule version française. Ne serait-ce que conceptuellement, l'objet me paraît très satisfaisant.

¶ LilyPond a l'avantage, par rapport aux logiciels visuels (WYSIWYG – what you see is what you get), de ne pas être un ajustement bancal d'emplacements à la souris, mais le fruit d'un véritable algorithme très élégant qui transforme les notes et indications explicitement nommées en répartition spatiale harmonieuse sur le papier. Avantage considérable : en cas de conflit dans le code, on peut accéder à sa source (qu'on a de toute façon rédigée soi-même) et reprendre ce qui n'est pas toléré par le logiciel (retours d'erreur très détaillées et pédagogiques). Je le trouve plus difficile avec les interfaces purement visuelles – combien de fois, arrivé à la moitié de la gravure, la polyphonie est refusée, décale toutes les notes, et il est impossible d'avancer sans tout casser…
Évidemment, il y a une forme d'ascèse à entrer toutes les indications sous forme de texte, mais cela rend vraiment l'action, les essais, les débats beaucoup plus faciles dans le détail – surtout avec éditeur qui maîtrise très bien l'architecture des fichiers.

¶ Tout cela est intéressant, au delà de l'écume technique, mettant en valeur une difficulté consubstantielle à la notation / la composition / l'écriture de musique : c'est précis, c'est long. Je me suis laissé dire que les compositeurs professionnels eux-mêmes en souffraient, et que cela décourageait quelques vocations. Moi le premier, quand je mesure le nombre d'heures nécessaires pour écrire quelques minutes de musique, je suis tout à fait calmé de mes ardeurs à écrire un grand opéra génial… (On mesure mieux aussi pourquoi les graphies pouvaient être moches, les formules automatiques réutilisées chez certains compositeurs, pourquoi les opéras de trois heures peuvent avoir des faiblesses qui ressemblent à du remplissage automatique. Indépendamment même de l'inspiration, les contraintes matérielles de la durée d'une journée et du temps nécessaire pour écrire de la musique peuvent expliquer une partie du phénomène.)
De surcroît, sur papier, lorsqu'on se trompe, ou qu'on veut changer sa transition avec une nouvelle modulation… on doit tout transposer, c'est-à-dire tout récrire, fût-ce la même chose, aux nouvelles hauteurs !

L'éditeur vous apportera en son temps, s'il le souhaite, son propre contrechamp. Je n'ai tiré que quelques généralités de mon point de vue d'éditeur (bien plus dilettante) de LilyPond et de nos échanges / nos contraintes pendant cette entreprise. (Qui excède ce seul lied : Stances du Cid de Charpentier, Rien du tout de Grandval, Winterreise intégral, lieder de Robert Schumann et Alma Schindler-Mahler…)



7. Discographie

Évidemment, rien dans cette traduction inédite. (On publiera prochainement une bande, une fois la pièce un minimum travaillée, la première lecture eut lieu jeudi dernier !)

Mais vous pouvez d'ores et déjà vous occuper avec une jolie quantité de versions (je m'en tiens aux versions piano, qui ont de toute façon mes faveurs, pour mieux suivre avec cette nouvelle partition).

Par ordre d'intérêt personnel.

Karg / Martineau (Wigmore Hall) : Lent et recueilli, avec une voix claire, des mots pesés, de beaux médiums assez ouverts, des aigus ronds, une très belle courbe maintenue sur tout le lied. Superbe référence, je n'ai pas trouvé mieux.

von Otter / Forberg (DGG) : À nouveau une version lente, aux mots pesés, dont l'investissement émotionnel se révèle particulièrement communicatif. Et les aigus sont faciles et tendus à la fois, sans aucune disjonction entre registres – ce qui est d'autant plus inattendu et admirable pour une mezzo. La version plus consciente du poème. La petite réserve vient, pour moi, de l'impression parfois que la chanteuse pousse un tout petit peu sur ses cordes. Selon les jours, cela peut ne pas du tout faire écran à mon plaisir admiratif ou me mettre dans l'inconfort.

Boog / Lakner (CPO) : Jolie voix petite et nette, pas parfaite, mais bien expressive.

Isokoski / Viitasalo (Wigmore Hall) : Clarté et ampleur, le texte n'est pas forcément totalement mis en valeur, mais la beauté et la fièvre de l'ensemble forcent l'admiration.

Shirai / Höll (Capriccio) : Beaucoup de retenue et de rubato, de portamenti, une lecture très sophistiquée, à l'aigu un peu tendu en tant que mezzo (et, à mon sens, à la couverture vraiment prononcée, qui gomme un peu le texte, bien que compensé par l'expressivité exceptionnelle de Shirai). Le piano est capté de façon assez métallique.

Röschmann / Uchida (Decca) : Voix splendide, courbe très réussie, mais la diction se relâche dans l'aigu, large et très beau, manquant de mordant ici.

Kuhse / Oertel (Berlin Classics) : Pour une grande voix (Eva des Meistersinger chez Solti), joliment pincée, à un tempo très vif qui ôte peut-être un peu du mystère, sur un lied déjà très court.

Toutes celles-là sont d'excellentes versions, que je recommande vivement.




J'espère que le principe de la balade dans les arrières-cuisine d'une traduction à la fois contrainte par la rime et la musique vous aura diverti !  C'est un témoignage qu'on trouve peu, j'ai l'impression. (Certes, peut-être d'abord parce que l'exercice de traduction chantable ne semble plus guère pratiqué – une erreur à mon sens, car chanter dans sa langue est très important pour prendre de bons repères.)

Il faut dire que si la traduction a pris un après-midi (et sa révision – je n'en étais pas satisfait – une ou deux heures supplémentaires), la préparation de cette notule s'est étendue sur six semaines… Entrer dans le détail du processus (instantané) en essayant d'être clair prend beaucoup de temps. C'est dommage, j'aurais vraiment aimé faire ça pour expliquer les enjeux de chaque traduction, sans spéculation sur les motivations des choix opérés puisque ce sont les miennes… mais ce n'est pas matériellement possible, sauf à en produire une tous les six mois, et j'ai justement d'autres projets. (Beaucoup de Schindler à achever, bien envie aussi d'oser de grands Tchaïkovski : la Lettre de Tatiana, la grande scène de Lisa au I…)

J'espère que quelques-uns d'entre vous y verront l'occasion, en tant qu'auditeur, amateur, étudiant (ou, qui sait, concertiste), d'approcher un peu plus intimement ce bijou. Je suis bien sûr ouvert au débat sur la traduction elle-même et n'hésitez pas à me communiquer l'usage que vous en aurez fait, sauf bien sûr si j'ai fait concurrence au Trèfle.

samedi 13 juillet 2019

Saison 2018-2019 : remise des prix symphoniques, chambristes, solistes


La notule a été complétée : vous pouvez désormais retrouver la rétrospective de ces autres grands moments (en attendant l'oratorio, le lied, et bien sûr les salutations de productions, d'artistes…).




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e) Musique symphonique

Sibelius 2 par l'orchestre Ut Cinquième, direction William Le Sage. Dans une église insupportablement glaciale (10°C, pas plus), la plus grande interprétation que j'aie entendue de cette symphonies. Bien qu'ensemble amateur, on est saisi par l'aisance et l'aplomb incroyable de cette formation, le plaisir évident de jouer aussi. William Le Sage (alors encore étudiant en direction au CNSM, il vient d'obtenir son prix il y a deux semaines !) parvient avec eux à sculpter la structure élusive des symphonies sibéliennes : l'impression de comprendre, comme jamais, les transmutations de la matière thématique, et avec quel relief et quelle gourmandise. Une expérience d'orchestre où les musiciens vous donnent l'impression de connaître si bien la composition que vous auriez pu l'écrire, un de ces voyages qui peuvent marquer une vie de mélomane.

Star Wars IV,V,VI,VII par l'ONDIF : musique géniale, du niveau des grands Wagner (en tout cas les IV & V), une forêt de leitmotive incroyables, habituellement couverts par les dialogues et bruitages, qui peuvent enfin, en condition de concert, s'épanouir (on entend mal sur les disques, qui ne sont d'ailleurs pas complets, et qui souffrent de manquer de l'ancrage de l'image évidemment, comme du Wagner écouté en fond…). A fortiori avec l'investissement toujours exceptionnel de l'ONDIF, qui n'a d'ailleurs rien mis à côté dans ces courses très intenses (où il faut absolument tenir le tempo) et malgré des traits d'orchestre absolument redoutables (et très exposés). Incroyablement jubilatoire en termes de musique pure, même indépendamment de l'intérêt des films.

Mendelssohn 3 par l'OCP et Boyd : À la fois charnue et acérée, la lecture la plus complète que je n'aurais pu rêver de cette symphonie… je découvre au moment de son départ que, tout en sobriété et finesse, Boyd est un très grand chef. Et l'engagement de l'OCP, comme d'habitude, combiné à leur hallucinant niveau individuel, a battu à plates coutures toutes mes références discographiques (Vienne-Dohnányi, HerasCasado-FreiburgerBO, Fey-Heidelberg…), émotionsubmergeante.

Bruckner 6 par l'OPRF et Chung (que j'entendais diriger pour la première fois, étrangement !). Je tenais la symphonie pour la plus faible de Bruckner – la seule que je n'aime pas vraiment, avec la 8 –, et j'ai au contraire été absolument passionné de bout en bout par cette lecture peut-être facialement traditionnelle, mais qui empoigne le matériau avec une telle intensité, une telle qualité d'articulation, que tout paraît, pour une musique aussi formelle et abstraite, incroyablement présent.

Polaris de Thomas Adès (Orchestre de Paris, Harding), pièce contemporaine au sujet astral, qui exploite l'espace d'une salle de concert de la façon la plus persuasive et agréable. Ce ne doit pas être très opérant au disque, mais c'est un ravissement en contexte.

Chostakovitch 5 par Toulouse et Sokhiev : Après avoir vénéré Chostakovitch et puis (très rare cas en ce qui me concerne) avoir réévalué mon intérêt sensiblement à la baisse ; après une mauvaise expérience en salle de cette symphonie (OPRF / Kuokman, vraiment pas un bon soir), l'une des rares que j'aime vraiment chez lui (avec la 10)… une révélation. Lecture ronde mais dense et intense, portée par l'engagement toujours sans faille de l'orchestre. La lumière douce et aveuglante à la fois du Largo m'a terrassé.

Quelques autres grandes expériences, comme le Beethoven (1,2,4) totalement ravivé et jubilatoire du Concert des Nations, ou Mendelssohn 4 & Schumann 2 par Leipzig (quel orchestre somptueux, charpenté à l'allemande mais d'une rare chaleur).

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f) Musique de chambre

Le Cuarteto Quiroga, mon chouchou de tous les quatuors en activité, dans un incroyable programme Turina (Oración del Torero), Ginastera 1, Helffter (Ocho Tientos), Chostakovitch 8 !  La fine acidité fruité du son, le feu, la lisibilité sont poussés à des degrés inégalés dans des pièces dont la rareté n'a d'égale que la richesse (les modulations de Turina, les danses folles de Ginastera…).

Quintette piano-cordes de Jean Cras (Sine Nomine, Ferey). Farci de folklore breton et de chants de marins, mais d'une sophistication digne de son goût postdebussyste, une œuvre considérable, rarissime au concert (il s'agissait de célébrer la parution d'un second enregistrement de ce quintette).

Trios piano-cordes de Mmes Mendelssohn-Hensel, Wieck-Schumannk, Reverdy et K.M. Murphy par le Trio Sōra (là aussi, dans le tout petit groupe des meilleurs trios du monde, avec avec les Zadig, les Grieg et les ATOS…). Œuvres de grand intérêt, de véritables bijoux structurés avec sérieux et mélodiques avec générosité, servies avec l'évidence de ces artistes de haute volée (qui font sonner, sans exagérer, Kagel comme s'il était aussi accessible et génial que Mozart).

Réentendre, à deux ans d'intervalle (!) l'immense Quintette piano-cordes de Koechlin, cette fois par Léo Marillier et ses spectaculaires amis. Un des sommets de toute la musique de chambre.

Mouvements tirés de Haydn 72-2, Schubert 14, Grieg, Fauré, et deux quatuors de Brahms (3, par les Voce) Leilei (figuralismes d'arbre) par les étudiants du Quatuor Voce dans le 93 (CRR Aubervilliers, CRD Courneuve, CRM Fontaine-sous-Bois…). Niveau quasiment professionnel, même pour les quatuors issus de conservatoires municipaux, une homogénéité de son, une aisance, et même une réelle maturité musicale… Les présents (très peu nombreux dans la Mairie du IVe) furent très impressionnés. Un vrai moment intime et très intense de musique de chambre.

Sonates anglaises violon-clavecin (rien que des opus 1 !) du premier XVIIIe, d'Eccles, Stanley, Shield, Gibbs, Festing… par Martin Davids & Davitt Moroney. Outre les talents exceptionnels de conteur (et en français !) de Moroney, très surpris par l'intérêt de ce répertoire (étant peu friand de musique de chambre baroque, en général surtout décorative), et découverte de Martin Davids, un violoniste qui joue avec la même facilité que s'il traçait négligemment un trait de crayon dans le spectre sonore…

Pièces avec flûte, notamment de Rolande Falcinelli. Découverte de la compositrice, encore une figure, comme Henriette Puig-Roget par exemple, qui représente avec beaucoup de valeur la succession de la grande tradition française du début du XXe, et que le disque, les concerts ont totalement occultée.

Et quantité d'autres grandes aventures… les Quatuors de Gasmann et Pleyel sur instruments d'époque (Quatuor Pleyel), l'arrangement de la Symphonie 104 de Haydn pour Quintette flûte-cordes, un après-midi consacré à Louis Aubert par Stéphanie Moraly, la Première Symphonie de Mendelssohn pour violon, violoncelle (Quatuor Akilone) et piano quatre mains, le même Turina pour quatre guitares, l'intégrale des Trios de Brahms par Capuçon-Moreau-Angelich, le beau quatuor de Jean-Paul Dessy (Quatuor Tana), du clavecin à quatre mains (avec même au menu Saint-Saëns et Dvořák !)… bombance !

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g) Musique solo

Franck, Saint-Saëns, Samuel Rousseau, Tournemire, Demessieux à la Madeleine par Matthew Searles. Quel programme de raretés !  Et exécutées avec une grande générosité, malgré l'instrument et l'acoustique vraiment difficiles. Les improvisations transcrites de Tournemire vous foudroient par l'ampleur des possibles qui s'ouvraient instantément sous les doigts de l'auteur des Préludes-Poèmes (on est plutôt dans cet esprit très complet, virtuose et nourrissant que dans les contemplations poétiques grégoriennes de l'Orgue Mystique).
Pas vu beaucoup de récitals d'orgue de cet intérêt et aussi bien soutenus !

Boyvin, Marchand & Bach sur le tout jeune orgue de Saint-Gilles d'Étampes (2018 !). Les deux Français splendides… en particulier Boyvin, lyrisme d'opéra si prégnant transposé (mais sans creux, répétitions ni longueurs, contrairement aux transcriptions d'opéras réels) dans le langage organistique. Si peu documenté au disque, et si persuasif.

Bach, Intégrale des Sonates & Partitas pour violon, Isabelle Faust. Comme le disque en témoigne, l'équilibre absolu entre les traditions, ni épaisseur du trait ni acidité du timbre, le meilleur de tous les mondes à la fois, tout en sobriété.

Beethoven, Sonates 6-14-16-31 par Daniel Barenboim. Autant j'ai de très grandes réserves sur le chef, autant le pianiste m'intéresse toujours. On pourrait trouver des petits jeunes encore plus fiables, mais il demeure bien préparé et très bien articulé comme toujours. Si ce concert m'a marqué (et davantage que celui avec les 7,13,21), c'est que j'ai redécouvert à l'occasion les sonates 6 et 16, de formidables bijoux d'invention qui ne m'avaient jamais autant frappé au disque.

Moi qui n'avais vu qu'un seul récital de piano solo en dix ans de concerts parisiens (et encore, un concert uniquement constitué de transcriptions d'opéras, d'oratorios et de symphonies par les élèves en direction de chant d'Erika Guiomar !), je les ai multipliés cette saison, avec la confirmation de l'évidence que les plus célèbres, même les artistes sérieux décantés par la carrière, ne sont pas nécessairement les plus intéressants.
Barenboim a tenu son rang, mais Pollini dépassé par des programmes que son âge ne lui permettent plus d'assumer, ou Zimerman excellent (mais pas virtuose ou singulier au point d'accéder aux demandes invraisemblables qu'il adresse à la Philharmonie pour accepter de venir) n'ont pas été mes plus grands moments d'éblouissement. Très agréable néanmoins, et belle expérience d'entendre tout ce monde en vrai, de se faire une représentation de la réalité de leur son (pareil pour Martha Argerich, que j'entendais pour la seconde fois – elle ne m'a pas déçu, absolument splendide et habitée dans le Concerto de Schumann, en revanche sa supériorité absolue me paraît une vue de l'esprit).

lundi 1 juillet 2019

Saison 2018-2019 : bilan de l'année concertante & grande remise des Putti d'incarnat


La saison passée, après avoir passé de nombreuses heures à essayer de faire une jolie présentation, je n'en suis pas venu à bout et n'ai rien publié…
Cette saison-ci, du fait des… 193 spectacles vus depuis le 1er septembre (et cela se poursuit en juillet), j'adopte une autre stratégie : un grand tableau qui contient toutes les données statistiques, avec les distributions, les lieux, les époques, les remises de putti d'incarnat, le prix de revient…

Tant de beautés, parfois un peu secrètes, méritent un petit tour d'horizon, que voici.



1. Les putti d'incarnat

Voici donc venu l'instant de la grande remise annuelle de la récompense suprême pour tout artiste informé, le putto d'incarnat – qui est au diapason d'or ce qu'est la médaille olympique de lancer de poids à la compétition de pétanque de la félibrée.
Seule la rédaction de Carnets sur sol réunie en collège extraordinaire est habilitée à le décerner, ce qui garantit la clairvoyance de son attribution, et l'absence absolue de collusion maligne.

Hautement respecté, il se matérialise par un putto de van Dyck, remis directement à chaque lauréat sous forme d'un précieux carré de pixels.


les putti d'incarnat

Au delà du jeu des breloques, c'est aussi et surtout l'occasion de mettre en valeur des œuvres, concerts ou interprètes qui n'ont pas toujours été très exposés. Il est vrai que le travail de recherche de ces concerts est un poste de dépense, en temps, assez considérable à lui seul !



2. Spectacles vus

Tout a donc été placé et organisé dans ce grand tableau.

Quelques précisions utiles pour sa lecture :
♦ en gris, les découvertes personnelles ;
♦ l'astérisque sur un nom signifie que j'entends l'interprète pour la première fois en salle (deux astérisques, que je le découvre complètement) ;
♦ dans la colonne « recension », tw signifie Twitter (cliquez sur « lire la discussion » pour accéder au commentaire complet), clk Classik (forum de référence), CSS Carnets sur sol (évidemment). Certains concerts n'ont pas été commentés (ou ont pu l'être sans que je remplisse la case, d'ailleurs).

Après hésitation, j'ai conservé la cotation des spectacles, pour permettre de lire plus clairement. Elle est sur cinq et ne relève que ma propre satisfaction : elle ne mesure pas l'intérêt des œuvres, ni même le niveau ou l'engagement des artistes… simplement l'état de ma subjectivité (qui peut varier selon le moment évidemment). D'une certaine façon, la seule cotation objective possible : celle de mes émotions plutôt qu'une qualité générale hypothétiquement universalisable.
D'une manière générale, on peut tout de même remarquer que jouent très fortement la rareté des œuvres (et leur intérêt, bien sûr ; cependant plus il y a découverte, plus l'émotion est forte, par exemple une opérette inédite par rapport à Tosca qui est un coup de poing, mais dont on a l'habitude), ainsi que certains paramètres d'interprétation (engagement, plaisir de jouer, qualité linguistique notamment).

À la louche, il faut le lire comme suit :
* : très bonne exécution, mais je n'ai pas vraiment été emporté, pas sensible aux choix, ou j'étais dans un mauvais soir (Couperin par Jarry, Mahler 3 par l'Opéra de Paris)
** : très bien, mais pas forcément sensible aux œuvres (Manon, Concerto pour violon de Weill, The Rake's Progress…) ou joué de façon terne (Boccanegra) ;
(à partir de ***, on est vraiment très haut)
*** : excellente soirée, très intéressante, très bien jouée ;
****  : assez parfait (mais ce n'est pas rare, ou bien il m'est arrivé d'entendre mieux), ou proposition imparfaite mais extrêmement stimulante (Les Démons à Berthier…) ;
***** : bonheur absolu

Je me suis même réservé, pour les grands soirs qui marquent une vie de spectateur, d'excéder les *****.

Je le redis ici, il ne faut pas le lire comme une « note » /5, ce n'est pas l'esprit de la chose.

Trois spectacles seulement sur les 193 ont une note « négative », où je me suis permis de partager mes doutes.
Bérénice de Jarrell. Je n'ai jamais autant regardé ma montre au spectacle. Jarrell est un très grand compositeur, les interprètes étaient excellents… cette fois-ci ça n'a pas pris, le rapport à Racine, la prosodie, même la musique ne s'articulaient pas ensemble. Une production où tout le monde était de bonne foi, mais une œuvre ratée à mon sens. Cela arrive. Il faut réécouter son opéra Galilée, son mélodrame Cassandre et sa musique symphonique.
Pelléas avec piano à l'Opéra-Comique. Les interprètes (pourtant tous très valeureux) ne possédaient pas bien leur rôle (pas techniquement, mais il ne se passait rien dramatiquement) : proposer le résultat d'une semaine de travail sur une œuvre aussi spécifique que Pelléas, avec un plateau où tout le monde faisait sa prise de rôle, dans un contexte aussi solennel qu'une grande salle de spectacle (pour ce qui aurait dû se donner dans une salle de répétition entouré des proches), ça ne pouvait pas fonctionner. Fausse bonne idée – là encore, ce n'était pas vraiment la faute des artistes, et ça aurait pu fonctionner, vu leur niveau, avec n'importe quel autre opéra… mais pas celui-ci avec tout le monde le nez dans la partition à compter les temps. Et surtout pas vendu comme un vrai concert, à Paris où l'on a en moyenne un Pelléas extraordinaire par an.
Le Procès de Krystian Lupa d'après Kafka, le seul pour lequel je n'ai pas beaucoup d'indulgence : atrocement lent, mal ficelé, délibérément laid… Tout était plat, démonétisé… et j'ai été mis un peu de mauvaise humeur aussi par ce qu'on voyait sur scène (de longues minutes pendant lesquelles un homme nu se touchait), alors qu'aucun avertissement envers le jeune public n'avait été émis (beaucoup de lycéens dans la salle). Un mauvais spectacle, c'est une chose, mais un spectacle nuisible…

Tout le reste, même pour les * où je ne suis pas convaincu sur les choix opérés, était de haute volée. Avec quelques sommets à peine imaginables dont je parlerai.



3. Statistiques

a) Lieux

193 soirées dans 91 salles différentes, dont 50 jamais testées !
Plus d'1/4 de salles nouvelles, après dix ans de concerts à Paris, je suis plutôt content de moi.

Les lieux les plus visités ?  Ils ne surprendront pas les habitués.
1. Philharmonie
2. CNSM
3. TCE
4. Bastille
5. Favart / Château de Versailles
6. CRR de Paris
7. Athénée / Odéon / Garnier
8. Marigny

Détail des salles où je suis allé plusieurs fois cette saison :
total Philharmonie (47)
Philharmonie (36)
total CNSM (24)
total Opéra de Paris (13)
CNSM – Fleuret (11)
CiMu (10)
TCE (10)
Bastille (9)
CNSM – salle d'orgue (6)
Favart (6)
total Château de Versailles (6)
total CRR (5)
CNSM – Pfimlin (4)
Athénée (4)
total Odéon (4)
Garnier (4)
CRR – auditorium Landowski (3)
Opéra Royal (3)
Versailles, Grande Écuries (3)
Odéon (3)
total Marigny (3)
CRR – salle Alain (2)
Temple du Luxembourg (2)
Saint-Gervais (2)
Marigny grande salle (2)

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b) Genres

Opéra (55), dont scénique (32) et concert (23)
Symphonique (39)
Sacré (20), dont oratorio (4)
Théâtre (18)
Musique de chambre (17)
Lieder & mélodies hors orchestre (13)
Instrument solo (7), dont piano solo (5)
Ciné-concert (5)
Chœur solo (8), dont a cappella (6)
Comédie musicale (4)
Théâtre & musique (4)
Orgue (4)
Cantates profanes (3)
Théâtre en langue étrangère (2)
Improvisation (2)
Airs de cour (2)
Traditionnel / Folklorique (2)
Ballet (2)
Récital d'airs d'opéras (2)
Chanson / Cabaret (1)

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c) Époques

Trop compliqué à compter, mais comme d'habitude, le déséquilibre de l'offre fait que triomphent très nettement les XIXe2 et XXe1, périodes que j'aime beaucoup, mais pas forcément à ce degré de différence.




4. Remise de prix

Les œuvres et interprètes remarquables sont déjà indiqués dans le fichier général, mais quelques précisions et éclairages.

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a) Accueil

On est bien accueilli en de multiples endroits, mais deux salles proposent une expérience extraordinaire, où vous êtes à chaque pas accueilli avec bienveillance ; on vous conseille même sur les prix moins chers (quand on ne vous accorde pas de réductions indues), on vous aide à vous replacer sans que vous ne demandiez rien, et toujours le sourire, le plaisir d'être au contact du public… Un plaisir d'y aller, rien que  pour se sentir bien.

Pour cela, L'Athénée à Paris (rue Boudreau) et le Théâtre Roger Barat d'Herblay.

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b) Lieux extraordinaires

Cette itinérance francilière m'a aussi permis d'accéder à des lieux incroyables. Il y a bien sûr les églises, avec les fresques XVIe du plein ceintre de Saint-Basile (Étampes), les culs-de-lampe drôles de Saint-Sévère (à Bourron-Marlotte), l'étrange cagibi qu'est la nouvelle Cathédrale orthodoxe de la Trinité à Paris, les splendides époques juxtaposées (XIe-XVIIe) de Saint-Aubin (Ennery).

Mais aussi d'autres lieux moins attendus, moins spécialisés : découvrir pour la première fois l'Orangerie de Sceaux, son volume et ses moulages, retrouver le grand théâtre de bois de l'amphi Richelieu de la Sorbonne (pour un programme Hensel-Wieck-Reverdy incroyable, de surcroît), être accueilli en invité dans les salons chamarrés du palais de la Fondation Polignac (très intimidant, l'impression d'entrer par effraction dans un monde parallèle), et sommet des sommets, la plus belle salle que j'aie vue sans doute, le Manège de la Grande Écurie face au château de Versailles, pour du LULLY ! – aux murs d'Hardouin-Mansart s'ajoutent les gradins et tourelles de bois de Patrick Buchain… ce lieu est d'une singularité et d'une poésie qui n'ont pas d'équivalent.

Quantité de théâtres charmants aussi (le Théâtre Michel par exemple), et des lieux qui, sans être toujours spectaculaires, marquent : la Fondation Pathé où les salles spécialisées peuvent accueillir de l'improvisation au piano devant les muets fraîchement restaurés, La Nouvelle Ève dans le quartier des cabarets, avec sa décoration totalement dépourvue de pudeur et de bon goût (ambiance lupanar avec des couloirs froides, déstabilisant), Les Rendez-vous d'ailleurs (un cabaret de quartier où les lavabos sont dans le m² de l'entrée, où le hall est aussi la salle… tout un théâtre de plain-pied contenu dans l'espace d'une grande salle à manger), La Passerelle (une sorte de microcantine-bibliothèque, un petit lieu de convivialité de quartier sous pierres apparentes, délicieux)…

Et bien sûr, souvenir particulier de la Salle du Dôme, grand demi-cercle au sommet du Conservatoire de Puteaux, où j'ai pu assister, tandis que le couchant embrasait Paris à travers les grandes baies panoramiques, à la répétition générale de Tarare de Salieri, littéralement contre les musiciens et chanteurs. Lieu fort beau, mais dont la jauge ne permet pas de donner de spectacles (nous étions quatre spectateurs).

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c) Opéra scénique

Les Huguenots : contre toute attente, une production de l'Opéra de Paris. La qualité de la partition est telle que, bien servie (j'ai attendu qu'on soit en place, en toute fin de série…), elle procure une jubilation ininterrompue assez incroyable… tant de qualité mélodique, de modulations de relance adroites, de tuilages et ensembles… le vertige.

Normandie de Misraki (La Nouvelle Ève) : festival de jeux de mots lestes, musique généreuse servie avec un entrain formidable. Production assez géniale de ce qui aurait dû être une aimable curiosité.

Into the Woods de Sondheim (Massy) : jubilatoire jeu de contes, peut-être aussi le Sondheim mélodiquement le plus irrésistible.

Rusalka de Dvořák (mise en scène Carsen) : le wagnérisme dans un creuset mélodique slave, et une mise en scène à la fois si belle et fine (peut-être ce que j'ai vu de mieux sur une scène d'opéra), vraiment fabuleux (musicalement, on baigne dans la plus belle des riches voluptés).

Et beaucoup d'autres moments fabuleux : la décantation de Iolanta, The Importance of Being Earnest (Gerald Barry) et sa fantaisie, Véronique de Messager (version quintette piano-cordes), Le Testament de la tante Caroline (Roussel !), Madame Favart (le meilleur Offenbach peut-être), Le Jugement de Midas de Grétry, Le Retour d'Ulysse d'Hervé, Donnerstag de Stockhausen (quelle poésie !)…

Aussi le plaisir de la découverte en salle d'ouvrages que je savais plus mineurs mais qui, en vrai, demeuraient charmants : Galuppi-Goldoni (Il Mondo alla roversa), Korngold (Die stumme Serenade), Loesser (Guys & Dolls), Berio-Monteverdi (Orfeo III) Sondheim (Marry Me A Little).

Quelques belles retrouvailles aussi : L'Elisir d'amore (ça ne manque jamais), Otello (Kurzak et Alagna époustouflants, on verra cette soirée avec nostalgie avant peu), Hamlet, Tristan (Serafin m'a beaucoup touché !), Ariadne auf Naxos…

Très peu de mauvaises surprises : j'ai trouvé Mam'zelle Nitouche faible, mais les artistes se donnaient ; je n'aime toujours pas Manon mais la production était remarquable en tout point ; reste surtout la frustration de ce Boccanegra à l'économie du côté mise en scène et orchestre, vraiment pas au niveau d'une telle maison ni de l'œuvre… mais le niveau vocal était suffisamment très-bon pour sortir content.

Étrangement, cette saison, plus d'opérette et de comédie musicale, revenant en force à Paris, que de baroque français !  Je ne m'en plains pas, j'ai fait bombance de ce genre alors que les autres étaient jusqu'ici un peu négligés.

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d) Opéra en concert

La Pskovitaine de Rimski-Korsakov : une œuvre d'une densité et d'un feu extraordinaire (le meilleur Rimski, à mon gré), alors servie par le Bolchoï, on crève de bonheur.

Paul & Virginie de Victor Massé : Massé n'est pas seulement l'immortel auteur des légers Les Noces de Jeannette ou Galathée, il a aussi donné dans le grand genre, et cet opéra est d'une richesse assez incroyable. Il comporte en ouvre de très grands morceaux de bravoure (un grand solo d'un quart d'heure pour le ténor, la lecture de la lettre de Virginie par Paul et son apparition fantomatique…), au service d'un roman qu'on ne considère plus guère et qui retrouve réadapté sans niaiserie, comme son modèle, au goût du second XIXe siècle. C'était en outre dans une distribution à crever de bonheur, que des très très grands : Sahy Ratianarinaivo (vous le retrouverez la saison prochaine dans plusieurs premiers rôles en France), Halidou Nombre, Tosca Rousseau, Qiaochu Li, L'Oiseleur des Longchamps (quel récitant hors de pair !), Guillemette Laurens…
Il faudrait vraiment d'une maison pourvue de moyens reprenne cela avec ou sans orchestre, et la même équipe.

Tarare de Salieri : je vous épargne pourquoi. Unique livret de Beaumarchais, une œuvre virevoltante et piquante, dans le langage français de l'époque mais plus riche, et écrit dans une continuité déjà wagnérienne… un hapax incroyablement jubilatoire, et par la meilleure équipe possible.

Léonore de Gaveaux : la source de Fidelio, dont beaucoup de l'esprit musical a été repris (et totalement transcendé) dans la partition de Beethoven. Un ravissement de fraîcheur, et non sans ambition, par de jeunes artistes de très, très haute volée (chefs de chant de la classe d'Erika Guiomar, et très grands chanteurs Ricart, Pouderoux, Poguet, Athanase…).

Le Roi Pausole d'Honegger : un des rares livrets loufoques réellement drôles. Récital d'examen (direction de chant) de Cécile Sagnier plein de vie.

Tristan und Isolde : un petit condensé Récital d'examen (direction de chant) de KIM Yedam. Avec Marion Gomar et Léo Vermot-Desroches, un duo d'amour incroyable, sur le tapis mouvement d'un orchestre enfermé dans un piano. Très, très grande lecture.

Tarass Boulba de Lysenko : le grand compositeur national ukrainien, contemporain de Tchaïkovski (et revenu à l'honneur dans l'Ouest du pays dernièrement, tandis qu'on joue La Fiancée du Tsar dans les opéras du Donbass – je n'invente rien !). De la musique très tranquillement consonante, dont les mélodies sont teintées de folklore. Passionnant de pouvoir le découvrir enfin en salle, dans de très bonnes conditions. Récital d'examen (direction de chant) d'Olga Dubynska.

Et beaucoup d'autres très grands moments : Idylle sur la Paix de LULLY (dans le style d'Armide), Arabella par l'Opéra de Munich, Salome (version piano condensée Théodore Lambert), Euridice de Peri (le premier opéra conservé, et dans une version expérimentale de recitar cantando), Candide de Bernstein (Rivenq en récitant dans un si bel anglais !)…

Par ailleurs, plaisir de découvrir Le Roi Pinard Ier de Déodat de Séverac (réputé perdu), l'étrange comédie tonale un peu sinueuse de Pierre Wissmer (Léonidas ou la torture mentale), Maître Péronilla d'Offenbach, d'être enfin convaincu par Isouard (Cendrillon par la Compagnie de L'Oiseleur), d'entendre enfin Issé de Destouches (même si déçu par la partition et l'interprétation). Et bien sûr, on ne se plaindra jamais de retrouver des doudous comme Serse (par Il Pomo d'oro en feu), Nabucco (Rustioni à fond et distribution folle), La Damnation (Antonacci, Vidal, Courjal, Roth !), Siegfried (avec Stikhina au sommet) et Götterdämmerung (Sergeyeva…) par le Mariinsky…


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… la suite un peu plus tard avec les remises de prix symphoniques, chambristes, d'oratorio, de mélolied… et les distinctions concernant les artistes (autant cajoler aussi les vivants).




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Star Wars IV,V,VI,VII par l'ONDIF : musique géniale, du niveau des grands Wagner (en tout cas les IV & V), une forêt de leitmotive incroyables, habituellement couverts par les dialogues et bruitages, qui peuvent enfin, en condition de concert, s'épanouir (on entend mal sur les disques, qui ne sont d'ailleurs pas complets, et qui souffrent de manquer de l'ancrage de l'image évidemment, comme du Wagner écouté en fond…). A fortiori avec l'investissement toujours exceptionnel de l'ONDIF, qui n'a d'ailleurs rien mis à côté dans ces courses très intenses (où il faut absolument tenir le tempo) et malgré des traits d'orchestre absolument redoutables (et très exposés). Incroyablement jubilatoire en termes de musique pure, même indépendamment de l'intérêt des films.

Mendelssohn 3 par l'OCP et Boyd : À la fois charnue et acérée, la lecture la plus complète que je n'aurais pu rêver de cette symphonie… je découvre au moment de son départ que, tout en sobriété et finesse, Boyd est un très grand chef. Et l'engagement de l'OCP, comme d'habitude, combiné à leur hallucinant niveau individuel, a battu à plates coutures toutes mes références discographiques (Vienne-Dohnányi, HerasCasado-FreiburgerBO, Fey-Heidelberg…), émotionsubmergeante.

Bruckner 6 par l'OPRF et Chung (que j'entendais diriger pour la première fois, étrangement !). Je tenais la symphonie pour la plus faible de Bruckner – la seule que je n'aime pas vraiment, avec la 8 –, et j'ai au contraire été absolument passionné de bout en bout par cette lecture peut-être facialement traditionnelle, mais qui empoigne le matériau avec une telle intensité, une telle qualité d'articulation, que tout paraît, pour une musique aussi formelle et abstraite, incroyablement présent.

Polaris de Thomas Adès (Orchestre de Paris, Harding), pièce contemporaine au sujet astral, qui exploite l'espace d'une salle de concert de la façon la plus persuasive et agréable. Ce ne doit pas être très opérant au disque, mais c'est un ravissement en contexte.

Chostakovitch 5 par Toulouse et Sokhiev : Après avoir vénéré Chostakovitch et puis (très rare cas en ce qui me concerne) avoir réévalué mon intérêt sensiblement à la baisse ; après une mauvaise expérience en salle de cette symphonie (OPRF / Kuokman, vraiment pas un bon soir), l'une des rares que j'aime vraiment chez lui (avec la 10)… une révélation. Lecture ronde mais dense et intense, portée par l'engagement toujours sans faille de l'orchestre. La lumière douce et aveuglante à la fois du Largo m'a terrassé.

Quelques autres grandes expériences, comme le Beethoven (1,2,4) totalement ravivé et jubilatoire du Concert des Nations, ou Mendelssohn 4 & Schumann 2 par Leipzig (quel orchestre somptueux, charpenté à l'allemande mais d'une rare chaleur).

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f) Musique de chambre

Le Cuarteto Quiroga, mon chouchou de tous les quatuors en activité, dans un incroyable programme Turina (Oración del Torero), Ginastera 1, Helffter (Ocho Tientos), Chostakovitch 8 !  La fine acidité fruité du son, le feu, la lisibilité sont poussés à des degrés inégalés dans des pièces dont la rareté n'a d'égale que la richesse (les modulations de Turina, les danses folles de Ginastera…).

Quintette piano-cordes de Jean Cras (Sine Nomine, Ferey). Farci de folklore breton et de chants de marins, mais d'une sophistication digne de son goût postdebussyste, une œuvre considérable, rarissime au concert (il s'agissait de célébrer la parution d'un second enregistrement de ce quintette).

Trios piano-cordes de Mmes Mendelssohn-Hensel, Wieck-Schumannk, Reverdy et K.M. Murphy par le Trio Sōra (là aussi, dans le tout petit groupe des meilleurs trios du monde, avec avec les Zadig, les Grieg et les ATOS…). Œuvres de grand intérêt, de véritables bijoux structurés avec sérieux et mélodiques avec générosité, servies avec l'évidence de ces artistes de haute volée (qui font sonner, sans exagérer, Kagel comme s'il était aussi accessible et génial que Mozart).

Réentendre, à deux ans d'intervalle (!) l'immense Quintette piano-cordes de Koechlin, cette fois par Léo Marillier et ses spectaculaires amis. Un des sommets de toute la musique de chambre.

Mouvements tirés de Haydn 72-2, Schubert 14, Grieg, Fauré, et deux quatuors de Brahms (3, par les Voce) Leilei (figuralismes d'arbre) par les étudiants du Quatuor Voce dans le 93 (CRR Aubervilliers, CRD Courneuve, CRM Fontaine-sous-Bois…). Niveau quasiment professionnel, même pour les quatuors issus de conservatoires municipaux, une homogénéité de son, une aisance, et même une réelle maturité musicale… Les présents (très peu nombreux dans la Mairie du IVe) furent très impressionnés. Un vrai moment intime et très intense de musique de chambre.

Sonates anglaises violon-clavecin (rien que des opus 1 !) du premier XVIIIe, d'Eccles, Stanley, Shield, Gibbs, Festing… par Martin Davids & Davitt Moroney. Outre les talents exceptionnels de conteur (et en français !) de Moroney, très surpris par l'intérêt de ce répertoire (étant peu friand de musique de chambre baroque, en général surtout décorative), et découverte de Martin Davids, un violoniste qui joue avec la même facilité que s'il traçait négligemment un trait de crayon dans le spectre sonore…

Pièces avec flûte, notamment de Rolande Falcinelli. Découverte de la compositrice, encore une figure, comme Henriette Puig-Roget par exemple, qui représente avec beaucoup de valeur la succession de la grande tradition française du début du XXe, et que le disque, les concerts ont totalement occultée.

Et quantité d'autres grandes aventures… les Quatuors de Gasmann et Pleyel sur instruments d'époque (Quatuor Pleyel), l'arrangement de la Symphonie 104 de Haydn pour Quintette flûte-cordes, un après-midi consacré à Louis Aubert par Stéphanie Moraly, la Première Symphonie de Mendelssohn pour violon, violoncelle (Quatuor Akilone) et piano quatre mains, le même Turina pour quatre guitares, l'intégrale des Trios de Brahms par Capuçon-Moreau-Angelich, le beau quatuor de Jean-Paul Dessy (Quatuor Tana), du clavecin à quatre mains (avec même au menu Saint-Saëns et Dvořák !)… bombance !

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g) Musique solo

Franck, Saint-Saëns, Samuel Rousseau, Tournemire, Demessieux à la Madeleine par Matthew Searles. Quel programme de raretés !  Et exécutées avec une grande générosité, malgré l'instrument et l'acoustique vraiment difficiles. Les improvisations transcrites de Tournemire vous foudroient par l'ampleur des possibles qui s'ouvraient instantément sous les doigts de l'auteur des Préludes-Poèmes (on est plutôt dans cet esprit très complet, virtuose et nourrissant que dans les contemplations poétiques grégoriennes de l'Orgue Mystique).
Pas vu beaucoup de récitals d'orgue de cet intérêt et aussi bien soutenus !

Boyvin, Marchand & Bach sur le tout jeune orgue de Saint-Gilles d'Étampes (2018 !). Les deux Français splendides… en particulier Boyvin, lyrisme d'opéra si prégnant transposé (mais sans creux, répétitions ni longueurs, contrairement aux transcriptions d'opéras réels) dans le langage organistique. Si peu documenté au disque, et si persuasif.

Bach, Intégrale des Sonates & Partitas pour violon, Isabelle Faust. Comme le disque en témoigne, l'équilibre absolu entre les traditions, ni épaisseur du trait ni acidité du timbre, le meilleur de tous les mondes à la fois, tout en sobriété.

Beethoven, Sonates 6-14-16-31 par Daniel Barenboim. Autant j'ai de très grandes réserves sur le chef, autant le pianiste m'intéresse toujours. On pourrait trouver des petits jeunes encore plus fiables, mais il demeure bien préparé et très bien articulé comme toujours. Si ce concert m'a marqué (et davantage que celui avec les 7,13,21), c'est que j'ai redécouvert à l'occasion les sonates 6 et 16, de formidables bijoux d'invention qui ne m'avaient jamais autant frappé au disque.

Moi qui n'avais vu qu'un seul récital de piano solo en dix ans de concerts parisiens (et encore, un concert uniquement constitué de transcriptions d'opéras, d'oratorios et de symphonies par les élèves en direction de chant d'Erika Guiomar !), je les ai multipliés cette saison, avec la confirmation de l'évidence que les plus célèbres, même les artistes sérieux décantés par la carrière, ne sont pas nécessairement les plus intéressants.
Barenboim a tenu son rang, mais Pollini dépassé par des programmes que son âge ne lui permettent plus d'assumer, ou Zimerman excellent (mais pas virtuose ou singulier au point d'accéder aux demandes invraisemblables qu'il adresse à la Philharmonie pour accepter de venir) n'ont pas été mes plus grands moments d'éblouissement. Très agréable néanmoins, et belle expérience d'entendre tout ce monde en vrai, de se faire une représentation de la réalité de leur son (pareil pour Martha Argerich, que j'entendais pour la seconde fois – elle ne m'a pas déçu, absolument splendide et habitée dans le Concerto de Schumann, en revanche sa supériorité absolue me paraît une vue de l'esprit).

dimanche 2 décembre 2018

Indécent décembre


Encore une fois, sélection personnelle dont le ressort est souvent la rareté ou la bizarrerie. Pour une sélection plus transversale et moins triée, l'Offi et Cadences sont assez complets (tout en ratant certaines de mes propositions, considérant les recoins où je râcle des pépites et ma veille généralisée des clubs interlopes). Et bien sûr France Orgue pour les concerts de pouêt-pouêts à tuyaux, ce n'est pas exhaustif, mais de très loin ce qu'on trouve de plus complet !



1. Rétroviseur & remise de prix

Faute de temps, repoussé à une prochaine notule qui les rassemblera dès que possible, peut-être simultanément avec les concerts de décembre. La publication de cette notule ayant pris une semaine de retard par rapport aux prévisions, voici venu le temps des ris, des chants, de la… :



2. Sélection officielle

Cette fois, j'ai tout mis, plus commode pour vous je suppose, sur un PDF avec des pastilles de couleur.

En violet : immanquable.
En bleu : très rare et/ou prévisiblement exaltant.
En vert : tentant (distribution ou rareté).

Et comme je n'ai relevé que ce qui m'intéressait personnellement (et pas tout ce qui m'intéressait, d'ailleurs), le reste aussi est conseillé / conseillable. Comme d'habitude : issu de mon agenda personnel, n'hésitez pas à demander le
sens des abréviations ou les programmes complets.

http://operacritiques.free.fr/css/images/2018_decembre.pdf


26 (novembre)
Bacilly : second XVIIe, auteur d'un traité de chant. Le seul auteur dont nous soient parvenues, je crois, les diminutions écrites pour les reprises des airs. Et elles sont très abondantes et rapides, à un point qu'on n'imagine pas – il faut se figurer Bartoli qui aurait un peu trop forcé sur le Romanée Conti. Une notule lui avait été consacrée à l'occasion d'un précédent concert, en 2010 (un disque a paru depuis).


28 (novembre)
Tarare. Multiples notules, donc celle de mercredi. N'y revenons pas, mais allez-y.

29 (novembre)
Bernstein, Songfest. Recueil de mélodies orchestrales assez lyriques (un brin sirupeuses sans doute, très sympathiques). Couplage avec le Concerto pour violon n°1 de Martinů (pas aussi fondamental que son Premier Concerto pour violoncelle dans ses deux états, mais toujours du bel orchestre à entendre) et un peu de Barber.
Lotti, Giove in Argo. Mieux connu (si l'on peut dire) pour sa musique sacrée (un Requiem en majeur…), plus archaïsante et sophistiquée, c'est ici un opéra seria tendance pastorale. Cela ressemble à du Haendel pastoral ( donc pas le plus grand Haendel). Mais dirigé par García-Alarcón avec les chanteurs du CNSM, ce peut être très bien dans le cadre original du Grand-Palais. C'est gratuit mais ce doit être complet. (Sinon il vous reste la possibilité de solliciter mon intercession. Mandats cash international acceptés,  offres en nature envisageables.)

30 (novembre)
Les Leçons de Couperin par Lombard, Champion et Correas. Très rarement donné pour ténors, et par quels ténors, deux spécialistes, dont Jean-François Lombard, qui n'a pas d'égal dans la musique sacrée française – un vrai ténor, mais qui monte avec souplesse dans des registres habituellement tenus par des contre-ténors (comme s'il bâtissait sa voix pleine à partir du mécanisme léger et non l'inverse).
Déjà entendus dans un programme similaire (avec Poulenard à la place de Champion). C'est un peu loin, mais c'est l'occasion de visiter l'une des extraordinaires églises d'Étampes (même c'est c'est en priorité Notre-Dame et Saint-Basile qu'il faut voir, et qu'aucune église n'est ouverte à la visite le même jour !!).

1er
Musique baroque mexicaine : beaucoup de compositeurs espagnols, tels qu'ils ont pu être joués pour les festivités de l'inauguration de la cathédrale de Mexico en 1667.
→ Inspiré de la pièce d'origine, une version pour un seul acteur du Procès de Monsieur Banquet, dans le château d'Écouen. Gratuit sur réservation (ce doit être complet à présent, j'aurais dû prévenir le mois précédent).
→ Un peu cher pour une œuvre pas si rare (45€ en dernière catégorie, où l'on voit cependant fort bien), mais Pygmalion de Rameau est une merveille absolue, l'Atelier de Toronto de très bonne tenue, le metteur en scène Pynkoski fait de très belles choses avec peu de moyens. Si vous ne connaissez pas, ça se tente.

2
Symphonie n°1 de Zeegant « Chemin des Dames », également une Messe co-écrite avec Karol Kurpiński (dont on donne aussi un poème symphonique « varsovien »), diverses œuvres polonaises et françaises des XIXe & XXe très rares. Pas de la musique très saillante en revanche, de jolies choses très traditionnelles, malgré les sous-titres. Dans l'acoustique infâme de la cathédrale des Invalides, pas persuadé du caractère indispensable de l'expérience.
Marin Marais au théorbe seul. Buraglia a des difficultés de projection, mais c'est un fin musicien, et il n'y aura aucun enjeu de ce genre dans cette petite cave. Réservation indispensable en revanche, microscopique jauge (une trentaine de personnes musiciens compris).

4
Hofstetter fait des miracles hors des répertoires habituels de ce spécialiste du baroque : ses Verdi sont passionnants (très peu de rubato, droit au but, très fins), je suis très curieux de ses Haydn, en plus une symphonie peu donnée.

5
Bernstein & Copland. Très original, avec en particulier la Missa brevis de l'un, le Lincoln Portrait de l'autre (avec Lambert Wilson, qui excelle dans ces exercices de récitant, contrairement à la plupart des autres vedettes qui s'y frottent). Radio-France n'a vraiment pas proposé grand'chose d'original cette saison, mais pour Bernstein, les choses ont été faites très sérieusement.

6
Antigone en ukrainien & russe. Je me méfie assez du théâtre à l'Athénée, où je n'ai jamais eu de bonnes expériences (en général assez statique et expérimental), mais il y a là une réelle motivation à réentendre cette intrigue rebattue sous des apprêts sonores nouveaux !

7
Symphonie n°1 de Méhul par Insula Orchestra & l'Akademie für alte Musik Berlin, sans chef. (Couplé avec la Cinquième de Beethoven). Méhul est souvent désigné comme le Beethoven français, non sans fondement, même si le langage de ses symphonies demeure à la fois plus français (mélodies galantes, ruptures d'une logique plus dramatique que musicale) et plus typé classique. Rarissime en concert, des œuvres assez abouties et qui seront indubitablement très bien servies !
Extraits du Grand Macabre. Pas forcément avenant, discutable san sdoute, mais incontestablement original et déstabilisant.

12
Mélodies finlandaises (Kuula, O. Merikanto, Melartin, Sibelius !), par Galitzine et Dubé (excellents musiciens). Programme rodé depuis plus de six mois, troisième ou quatrième fois qu'il est donné dans cette salle au fil des mois.

13
Rilke-Lieder de Clemens Krauss, le chef d'orchestre créateur d'opéras de Richard Strauss, co-auteur du livret de Capriccio… Il écrivait donc aussi des lieder orchestraux. Certes, reste de programme plus traditionnel, et Petra Lang n'incarne pas forcément la grâce la plus absolue qu'on peut espérer dans ce type de page, mais comme j'ignorais même que cela existât jusqu'à la publication du programme, je me garderai bien de bouder (et j'irai !).
13 & 15
→ Programme de noëls espagnols (Guastavino, etc.) qui n'attire peut-être pas l'attention, mais par le Chœur Calligrammes, putto d'incarnat du meilleur concert deux saisons de suite (!), il faut faire confiance au goût musical très sûr des chefs pour le choix des pièces, ainsi qu'à la qualité de la réalisation des choristes.
13 au 16
Pratthana, spectacle de Toshiki Okada (auteur-metteur en scène de Five Days in March), en thaïlandais. Évocation de l'histoire de la Thaïlande au XXe siècle à travers des scènes sensuelles entre couples devisant. Assez intriguant, mais après avoir trouvé Five Days assez décevant sur l'arrière-plan censé transcender les détails du quotidien (certes, ça parlait de la guerre en Irak, mais juste parce qu'ils traversaient une manifestation pour aller jusqu'au train, sans s'y mêler). Par ailleurs, je trouve que le thaïlandais n'a pas l'empire immédiatement physique du japonais sur des corps d'acteurs, et les extraits disponibles laissent percevoir que ce n'est pas très impérieusement déclamé non plus. Pas sûr que ce soit bien, donc, mais avouer que c'est terriblement tentant.

14
Quintettes de Koechlin et de Caplet aux Invalides… mais à 12h15, donc réservé à ceux qui travaillent à proximité et ont des horaires flexibles, ou aux retraités, ou aux étudiants qui sèchent. Je me demande aussi si le programme copieux annoncé sous-entend l'exécution d'une partie seulement du Quintette du grand Charles.
Le Nozze di Figaro à Massy, par une équipe de jeunes chanteurs de qualité. Rien d'immanquable (pas de chouchous absolus hors Matthieu Lecroart, mais en Bartolo seulement), mais un beau spectacle en perspective. Il y a trois dates. Je n'ai pas vérifié, mais il me semble qu'il s'agit de la production de Saint-Céré, où les récitatifs sont remplacés par des dialogues issus de la pièce de Beaumarchais.
14 & 15
→ Sibelius 2 et Nuit sur le Mont Chauve par l'excellent orchestre Ut Cinquième.
14,15,16
→ « Carnaval baroque » à Versailles, par le duo de géniaux metteurs en scène Cécile Roussat et Julien Lubeck. Pot-pourri de musiques du XVIIe (italiennes surtout, je crois – au moment où cette notule a été préparée, il y a plus d'une semaine, je ne disposais pas d'informations précises sur le programme) par le Poème Harmonique.

15
Quatuor n°1 de Jadin (je n'ai pas noté lequel des deux, mais du classicisme sophistiqué, plutôt hardin, mérite le détour). L'Orchestre de Chambre de Paris est l'un des rares orchestres permanents (probablement le seul en France, en tout cas) à avoir une réelle culture de la musique de chambre, et à tenir son rang dans l'exercice extraordinairement exigeant du quatuor à cordes, très différent de la culture d'orchestre (j'ai toujours été très déçu, comparé à des formations considérées moyennes de quatuor, par le résultat vraiment global des quatuors issus d'orchestres, que ce soit l'Opéra, le National de France, l'Orchestre de Paris…).

16 à 27
Hamlet de Thomas. Chef-d'œuvre qui réussit la conversation d'un matériau spécifique (le drame emblématique de Shakespeare) en un opéra à la française très cohérent et réussi. Il existe une série autour de l'œuvre sur CSS, réunie dans ce chapitre. Distribution au cordeau, comme toujours à l'Opéra-Comique.

19
Cendrillon d'Isouard, suite de la série des contes lyriques explorés par la Compagnie de l'Oiseleur (Le petit Chaperon rouge de Boïeldieu, La Colombe de Bouddha de R. Hahn, Brocéliande de Bloch, La Belle au bois dormant de Lioncourt). Des découvertes fulgurantes (André Bloch !) et à chaque fois des surprises devant des œuvres qui changent notre perception de ce qui était réellement joué à une époque, et qui se limitent, même en sollicitant abondamment le disque, à quelques titres épars, pas forcément représentatifs – car on garde, évidemment, ceux qui sont parmi les meilleurs et/ou ont une certaine personnalité. En exhumant d'autres bijoux qui, pour diverses raisons (conditions de création défavorables, évolution du goût…) n'ont pas pu se maintenir à l'affiche jusqu'à nous, la Compagnie de L'Oiseleur effectue un travail salutaire, d'intérêt public.
    [Ils sont par ailleurs à la recherche de partenariats avec des collectivités, prêts à explorer le répertoire propre à une ville, à une région, à un auteur, à une thématiques… Ils ne bénéficient d'aucune subvention, donc tout contact, tout donateur permettrait, vu les miracles qu'ils font sans aucun financement, outre de vivre un peu plus décemment de leur art, de décupler leur potentiel de défrichage. Denk' es, o Seele.]
    Ce que j'ai entendu d'Isouard, le grand compositeur emblématique de Malte, ne m'a jamais paru jusqu'ici excéder l'ordinaire de l'opéra comique tardif… Mais je n'ai pas lu cette partition, et ce ne serait pas la première fois que je serais surpris par les trouvailles de L'Oiseleur (témoin le récent Massé, un coup de tonnerre dont je parlerai très prochainement, dès que j'aurai pu en enregistrer quelques extraits).
    Distribution de voix amples et sonores, assez différentes des voix plus fines présentes dans les dernières productions ; pas mon esthétique, mais enfin, de grandes professionnelles (Marie Kalinine !) à qui l'ont peut faire confiance pour la maîtrise technique… et évidemment l'engagement, toute cette entreprise philantropique étant largement, pour les interprètes, à fonds perdus.
Programme de Noël baroque français avec l'ensemble de Reinoud van Mechelen. Ce qui est un peu rond et homogène pour moi à l'opéra ou dans les cantates peut bien fonctionner, surtout dans l'acoustique diffuse de la Chapelle Royale. (N'hésitez pas à regarder les tarifs, Versailles n'est pas hors de prix – 25€ en dernière catégorie, qui reste décente, ici, et il existe même moins cher pour d'autres concerts.)

20
→ Aliénor Feix, voix peu ample mais très adroite dans le lied, dans un programme original et grisant : Donizetti, Tchaïkovski, Cilea, Zemlinsky, Hahn, Schreker, Lili Boulanger, Séverac, au milieu de choses plus traditionnelles, Mozart, Schubert, Duparc, Fauré, Poulenc… Le midi.
→ Déambulation dans Orsay avec des micro-concerts des lauréats de la Fondation Royaumont… des valeurs extrêmement sûres.
Les Fâcheux de Molière avec musique de scène à la Sorbonne.
→ Un nouveau concert du duo Gens-Manoff. Très, très hautement recommandable pour le programme comme l'interprétation – c'est en revanche un peu cher pour du récital de mélodies. Enfin, pas cher si on a l'habitude des premières catégories dans les grandes salles, mais cher si on a l'habitude de prendre de l'entrée de gamme… 35€ tarif unique.
20 jusqu'à janvier
Opérettte Azor de Gabaroche. De l'opérette très légère, avec accompagnement façon mickeymousing, ce devrait être parfait pour les fêtes de fin d'année.

21,22,23
Marivaux, Le Triomphe de l'Amour mis en scène par Podalydès. La recommandation tient au fait que c'est Christophe Coin qui assure la musique, et que ses montages dans La mort de Tintagiles étaient l'une des choses musiques les plus bouleversantes que j'aie entendues… Évidemment, ici, il ne pourra pas se reposer sur la beauté du répertoire Bartók-Kurtág pour violon-violoncelle, mais on peut lui faire confiance pour laisser beaucoup de place à la musique, et de façon intelligente.

4-5 janvier
Star Wars IV & V en ciné-concert, c'est-à-dire l'intégralité de la musique jouée, par l'ONDIF en plus !  L'occasion de s'immerger complètement dans les inspirations prokovio-richardstraussiennes de John Williams, et d'entendre enfin tous ces détails masqués par le bruit des dialogues et bruitages, et pas reproduits sur disque (enfin, cela dépend des épisodes). J'aurais bien signé pour une version avec le film en muet, craignant que la sono ne concurrence un peu trop l'orchestre – moi je serais venu, même et plus encore sans la projection !  Mais en attendant une proposition conforme à mes souhaits, une grande symphonie sur les motifs de Star Wars, voire un opéra, ou simplement des portions musicales qui excèdent les tubes et les Suites d'orchestre existantes… je m'en satisferai très bien.

… et toutes les autres choses qui apparaissent sur l'agenda. Remplissez votre fin d'année, ainsi qu'on en fait sur l'Avon, comme il vous plaira. 

samedi 3 novembre 2018

Innovant novembre




Encore une fois, sélection personnelle dont le ressort est souvent la rareté ou la bizarrerie. Pour une sélection plus transversale et moins triée, l'Offi et Cadences sont assez complets (tout en ratant certaines de mes propositions, considérant les recoins où je râcle des pépites et ma veille généralisée des clubs interlopes). Et bien sûr France Orgue pour les concerts de pouêt-pouêts à tuyaux, ce n'est pas exhaustif, mais de très loin ce qu'on trouve de plus complet !



1. Rétroviseur

En cliquant sur les liens, mon avis (égrené en général sur le fil Twitter de CSS dans les heures suivant le spectacle, voire dès l'entracte) apparaît. Je m'efforce autant que possible de remettre aussi les œuvres en perspective et de poser des questions plus larges que le bon / pas bon du soir donné, aussi j'espère que les retardataires et les absents y trouveront quelques satisfactions tout de même.

Les ♥ mesurent mon émotion (depuis « ça va, c'est joli » jusqu'à l'extase), non la qualité des spectacles. Des spectacles que j'ai trouvés remarquables m'ont touché avec modération, tandis que d'autres plus bancals ou moins exceptionnels m'ont bouleversé. C'est ainsi.
Quant à ♠ : j'ai pas du tout aimé.

♥ Agréable, mais je ne suis pas entré dans le spectacle.
♥♥ Intéressant.
♥♥♥ Excellent.
♥♥♥♥ Merveilleux.
♥♥♥♥♥ Événément marquant dans une vie de spectateur.

♠ J'aime pas.
♠♠ Je déteste.
♠♠♠ C'est scandaleux !  (encore jamais attribué)
♠♠♠♠ J'ai hué le metteur en scène et vais lui défoncer sa race à la sortie.

► #12 Extraits de tragédies en musique (LULLY, Charpentier, Destouches, Rameau) pour soprano (Eugénie Lefebvre) et deux clavecins, dans la merveilleuse église (juxtapositions XIe-XVIe) d'Ennery. Un délice d'éloquence et de contrepoints : grand, grand concert. ♥♥♥♥♥
► #13 Révélation de Léonora Miano (pièce mythologique évoquant les traites négrières) mis en scène par Satoshi Miyagi en japonais à la Colline, avec un orchestre de 11 percussionnistes. Un univers très étonnant. (avec des morceaux de mythologie et d'onomastique dans mon commentaire) ♥♥♥
► #14 Rarissime exécution en concert du Quintette piano-cordes de Jean Cras, les chants de marin les plus modulants que l'on puisse rêver !  (avec quelques extraits de partition) ♥♥♥♥♥
► #15 Bérénice de Michael Jarrell à Garnier. Grande déception – je n'y retrouve ni le sens dramatique de Cassandre (qui n'était certes pas un opéra), ni le contrepoint lyrique de Galileo (qui n'était certes pas sis sur des alexandrins français).  ♠
► #16 Symphonie n°7 de Stanford (et Concerto pour clarinette), Éric van Lauwe. Très belle interprétation, œuvres pas au faîte du catalogue de Stanford. ♥♥
► #17 Tristan und Isolde : Serafin, Schager, Gubanova, Goerne, Pape ; Viola, Sellars, ONP, Jordan. ♥♥♥ (ça en mérite davantage, mais je connais tellement l'œuvre que l'effet de surprise n'est pas le même, et du fond de Bastille…)
► #18 Grétry, Le Jugement de Midas. CRR de Paris. ♥♥♥♥
► #19 Destouches, Issé. Wanroij, Santon, E. Lefebvre, Vidal, Collardelle, Lecroart, Dolié, Barolz ; Chantres, Les Surprises, Camboulas. ♥♥ (parce que c'est une nouveauté… mais pas palpitant, la faute au livret, et sans doute aussi un biais d'interprétation défavorable au drame, à la danse, à la déclamation)
► #20 Orgue à la Madeleine par Matthew Searles : Franck, (Samuel) Rousseau, Saint-Saëns, Tournemire, Demessieux… Programme français assez incroyable, autour des chorals et de l'improvisation transcrite (celles de Saint-Saëns et Tournemire sont incroyables !). ♥♥♥♥♥
► #21 Quatuor a cappella Bonelli, dans Josquin, Palestrina, Victorian, Mendelssohn, Sullivan, bruckner, Debussy, Peterson-Berger, Duruglé, Kodály, Poulenc, gospels… à un par partie !  Fulgurant, la technique parfaite, et jusque dans les langues !  ♥♥♥♥♥
► #22 Maeterlinck, La Princesse Maleine, Pascal Kirsch. ♥♥♥♥♥
► #23 Bernstein, Candide. Swanson, Devieilhe, Rivenq, Amiel, Saint-Martin, Courcier, Koch. Opéra de Marseille, Robert Tuohy. ♥♥♥♥
► #24 Toshiki Okada, Five Days in March (en japonais). ♥♥
► #25 Meyerbeer, Les Huguenots. Oropesa, Jaho, Kang, Testé… Kriegenburg, ONP, Mariotti. ♥♥♥♥♥
► #26 Berlioz, La Mort de Cléopâtre (Richardot), Symphonie fantastique, ORR, Gardiner. ♥♥♥♥
► #27 Debussy, Pelléas et Mélisande, version piano. Lanièce, Dominguez, Degout, Dear… Martin Surot. ♠ (c'est terrible, encéphalogramme plat… vraiment dangereux à présenter après si peu de répétitions… et pas du tout aimé ce que faisaient les chanteurs, alors même que j'ai adoré Lanièce jusqu'ici, mais il change sa voix, et beaucoup aimé Dear, mais dans des rôles plus opératiques…)
► #28 Haendel, Serse. Fagioli, Kalna, Genaux, Aspromonte, Galou, Andreas Wolf, Biagio Pizzuti. Il Pomo d'oro, Emelyanychev. ♥♥♥♥ (interprété comme cela, quel plaisir !)
► #29 Baroque viennois (Kerll, Fux, Conti, Schmelzer) par le Consort Musica Vera. Une brassée de découvertes ! ♥♥♥♥
► #30 Emond de Michalik. ♥♥♥♥♥ (en cours de commentaire, revenez plus tard)
► #31 Magnard, Hymne à la Justice, par les Clés d'Euphonia. (Et Ravel main gauche, Strauss Tod und Verklärung.) ♥♥ (Magnard passionnant et très réussi, j'étais dans de moins bonnes dispositions pour écouter le reste du programme.)

Et quelques déambulations illustrées d'octobre :
☼ La Forêt de Rambouillet traversée du Sud au Nord, du Palais du Roi de Rome jusqu'aux Étangs de Hollande.
☼ La Forêt d'Armainvilliers, ses arbres remarquables et vestiges archéologiques.
☼ Baillet-en-France, Chauvry, Béthemont, Villiers-Adam… villages autour de la Forêt de l'Isle-Adam

Château de Rambouillet.
Palais du Roi de Rome.

† Église XIIe-XVIe d'Ennery, premier gothique et flamboyances prolychromes.
† Cathédrale Saint-Maclou de Pontoise.
Église Saint-Lubin de Rambouillet (avec vidéo-test d'acoustique).
† Cathédrale Saint-Louis de Versailles.
Sainte-Marie des Batignolles.
† Saint-Joseph-Artisan.
† Saint-Nicolas-des-Champs
† Temple de Port-Royal.

Expo Miró au Grand-Palais

Pour ceux qui ne sont pas mis en lien, vous les trouverez épars sur cette page.



2. Distinctions

Quelques statistiques :
● 20 concerts en octobre (oui, c'est beaucoup) dans 18 lieux différents dont 6 où je n'avais jamais mis les pieds. C'est plutôt bien d'y parvenir encore, après dix ans de loyaux services dans la région.

putto incarnat
Quelques ovations musicales :
Putto d'incarnat de l'exhumation : Consort Musica Vera pour le Requiem de Kerll, Ferey & Sine Qua Non pour le Quintette piano-cordes de Cras, Matthew Searles pour l'ensemble de son programme.
Putto d'incarnat œuvre : Les Huguenots de Meyerbeer, Callirhoé (extraits) de Destouches, Requiem de Kerll, Quintette de Cras, Médée (extraits) de Charpentier.
Putto d'incarnat claviers : Clément Geoffroy (à deux clavecins + continuo Issé), Matthew Searles (registration et souplesse).
Putto d'incarnat orchestre : Orchestre Révolutionnaire et Romantique (couleurs et cohésion dans Berlioz), CRR de Paris et environnants pour Grétry (quel engagement !).
Putto d'incarnat direction : Mariotti (animer ainsi cet orchestre, et rattraper l'air de rien les décalages des chanteurs dans les grands ensembles des Huguenots, du grand art), Ph. Jordan (Tristan).
● Une belle moisson de chanteurs exceptionnels (et je pèse mes mots) : Morgane Collomb (Kerll), Fanny Soyer (quatuor a cappella), Eugénie Lefebvre (Médée, Callirhoé, Amélite, Hespéride d'Issé), Marion Vergez-Pascal (quatuor a cappella), Bo Skovhus (Bérénice), Mathieu Lecroart (Issé), Biagio Pizzuti (Serse), Andreas Wolf (Serse), Adrien Fournaison (quatuor a cappella)… auxquels nous décernons volontiers un putto d'incarnat 2018.
● et les Putti d'incarnat de l'injustice critique, pas forcément adorés comme ceux choisis précédemment, mais réellement admirés, excellents, au-dessus de la désapprobation et que j'ai pu lire ou entendre de façon récurrente à leur encontre : Ermonela Jaho, Martina Serafin, Yosep Kang, Il Pomo d'oro… Courage les petits, vous êtes des grands !

putto incarnat
Quelques saluts théâtraux :
Putto d'incarnat théâtre : Maleine de Maeterlinck (pour le texte et sa vie sur scène, pas pour la mise en scène qui l'abîme en certains endroits), Edmond de Michalik (une sorte de vaudeville à références littéraires, très accessible et tout à fait jubilatoire à chaque instant).
Putto d'incarnat acteurs : Haruyo Suzuki (voix d'Inyi dans Révélation), Bénédicte Cerutti (la Reine étrangère dans Maleine), Cécile Coustillac (la Nourrice semi-comique dans Maleine), Nicolas Rivenq (quel anglais remarquable en narrateur-Pangloss de Candide).

Autant dire que je ne suis pas assuré que novembre soit du même tonnel…



3. Sélection des raretés et événements

En rouge, les interprètes qui méritent le déplacement.
En gras, les œuvres rares.
Et donc combiné : œuvres rares et tentantes (déjà écoutées, ou quelquefois simplement significatives / prometteuses).

Vendredi 2
→ Auditorium de Vincennes : Hymne à la Justice de Magnard (+ Tod & Verklärung, Ravel gauche). Les Clefs d'Euphonia. Libre participation.
→ Gaveau : Schütz, Erlebach, Theile, Ritter, Tunder par l'Arpeggiata.

Samedi 3
→ 16h, Saint-Gervais. Intégrale des motets de Couperin #4 par l'Ensemble Marguerite Louise (Gaëtan Jarry). Libre participation.
→ 18h, Royaumont, Masterclass Immler & Deutsch avec Garnier & Oneto-Bensaid (putto d'incarnat novembre 2017), Boché (putto d'incarnat mai 2018 et juin 2018) & Vallée… 18h, sur inscription.
→ Saint-Merry, violoncelle roumain & français.
→ Maison de la Radio, Esther de Racine avec la musique de scène d'origine de Moreau.
→ Auditorium de Vincennes : Hymne à la Justice de Magnard (+ Tod & Verklärung, Ravel gauche). Les Clefs d'Euphonia. Libre participation.

Dimanche 4
→ 14h30, Péniche Over the Rainbow : des succès de comédie musicale sous la direction de l'ancien grand chanteur-baroque-français Luc Coadou.
→ 15h, Saint-Germain-des-Prés : Concert baroque & musique ancienne coréenne.
→ 16h, Auditorium de Vincennes : Hymne à la Justice de Magnard (+ Tod & Verklärung, Ravel gauche). Les Clefs d'Euphonia. Libre participation.
→ 17h Temple Saint-Pierre (Paris XIX), Reincken au clavecin et Pachelbel à l'orgue par Clément Geoffroy (putto d'incarnat de septembre 2018 et octobre 2018). 55 rue Manin, gratuit.

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Lundi 5
→ Philharmonie, création de CHEN Qigang, Capitole, Sokhiev.

Mardi 6
→ 12h30 puis 19h, CNSM : ECMA, Académie de Musique de Chambre Européenne, le lieu chaque année de mes grands coups de cœur et de mes nouveaux chouchous !  J'y ai découvert avant tout le monde les Akilone, Hanson, Arod, Sōra, Zadig, lorsqu'ils étaient encore élèves…
→ 12h30, Orsay, masterclass de la Fondation Royaumont, cf 3 novembre.
→ Opéra de Versailles, Berlioz, Damnation de Faust. Antonacci, Vidal, Courjal, Les Siècles, Roth. Alerte glottique !  Mathias Vidal a remplacé en catimini (le déjà très bon) Bryan Register. On se retrouve donc avec le plus beau plateau jamais réuni pour cette œuvre. Hélas, il ne reste plus que des places à 80€, car tout était déjà parti…

Mercredi 7
→ Temple du Luxembourg : Massé, Paul & Virginie ; Compagnie de L'Oiseleur. T. Rousseau, G. Laurens, Ratianarinaivo, Qiaochu Li… Massé n'a pas écrit que les pièces légères Les Noces de Jeannette (grand succès d'alors) ou Galathée (qui a bénéficié, il y a longtemps, des rares honneurs du disque) ; voici un de ses drames plus sérieux, qui met en relation ces héros emblématiques de la littérature française avec leurs lecteurs, avec de beaux
ensembles consonants mais riches. Hâte d'entendre cela en action !  Libre participation.
→ Philharmonie : Tippett, A Child of Our Time ; Connolly, Padmore, Relyea, OP, Adès. Oratorio très réussi (style brittenien en mieux), son œuvre emblématique.
→ Philharmonie : Armand Couperin, Dandrieu… par Béatrice Martin, Olivier Baumont, Claire Antonini, et Julien Cigana à la déclamation en français restitué (il n'y a pas plus savoureux que lui !).
→ Odéon : Début des Femmes Savantes mises en scène par Braunschweig.

Jeudi 8
L'une des journées les plus riches de l'année !
→ 18h, Musée d'Orsay : Lauréats de la Fondation Royaumont (dont les membres de la masterclass du 3 novembre) répartis dans le musée !
→ 19h, CNSM : Ouverture du Fliegende Holländer, Concerto pour violon et orchestre à vents de Weill, Concerto pour violon n°2 de Bartók. Orchestre des Lauréats du Conservatoire. Gratuit.
→ Mairie du IIIe : Quintette piano-cordes de Durosoir (et celui de Franck) par l'Ensemble Syntonia (putto d'incarnat 2017). Gratuit ?
→ Philharmonie : Tippett, A Child of Our Time ; Connolly, Padmore, Relyea, OP, Adès. Oratorio très réussi (style brittenien en mieux), son œuvre emblématique.
→ Orsay : Immler-Deutsch dans Schreker, Grosz, Gál, Wolf, Berg. Rarissime et exaltant mais cher pour un récital de lied (35€).
→ Invalides : Requiem de Farr, Élégie pour cordes et harpe de Kelly. Pas des chefs-d'œuvre intersidéraux, mais plaisants et rarissimes.
→ Seine Musicale : Haydn, Symphonie n°102, une Symphonie de CPE Bach, Concerto pour piano n°20 de Mozart. Insula Orchestra, Christian Zacharias.
→ Philharmonie : Louis & François Couperin par Rousset.
→ CRR de Paris : Debussy, Pelléas ; la formation n'est pas claire, j'avais compris Pascal Le Corre au piano, mais je vois qu'à présent des élèves instrumentistes sont crédités. Gratuit.
→ Ivry : Les Justes de Camus.

Vendredi 9
→ TCE : Verdi, Nabucco ;  Opéra de Lyon avec Anna Pirozzi, Leo Nucci… Les meilleurs titulaires d'aujourd'hui, pour un opéra d'un accomplissement remarquable, certes un tube, mais guère donné en France.
→ Chapelle Royale de Versailles : Moulinié, Cantique de Moÿse & Requiem, motets Louis XIII de Formé et Bouzignac. 18€.
→ Philharmonie : Durosoir, Amoyel, Britten, Debussy, Bach sur une copie du violoncelle de fortune de Maurice Maréchal, dans les tranchées. Par Emmanuelle Bertrand.
→ CRR de Paris : Debussy, Pelléas ; la formation n'est pas claire, j'avais compris Pascal Le Corre au piano, mais je vois qu'à présent des élèves instrumentistes sont crédités. Gratuit.
→ Massy : Samson & Dalila, production de Metz (Kamenica, Furlan, Duhamel).
→ Chelles : Sopro, pièce de Tiago Rodrigues en portugais, autour de la figure d'une souffleuse (réellement souffleuse). Donné également jusqu'à mi-décembre au Théâtre de la Bastille, dépêchez-vous, la plupart des dates sont complètes.

Samedi 10
→ 15h, Cortot : Septuor de Saint-Saëns (OCP)
→ 18h, Gargenville (aux Maisonnettes, l'ancienne maison de Nadia & Lili Boulanger), concert viole de gambe / clavecin. 8€.
→ 20h, Église écossaise : violon-piano de Janáček, Sonate pimpante de Rodrigo, Beethoven 9.
→ 20h30, La Chapelle-Gaillard : Lambert, Jacquet, Marais, Dandrieu, etc. Entrée libre. Réservation conseillée.
→ Début de Nel paese d'inverno (en italien) de Silvia Costa, plasticienne qui a été l'assistante de Castellucci.

Dimanche 11
→ Ivry : Les Justes de Camus.
→ 21h, Philharmonie : Chœurs de Caplet (Messe à 3), Reger, Schönberg, Ravel, Poulenc, Fujikura. Chœur de Chambre du Québec, Sequenza 9.3, Chœurs de l'Armée Française. Déplacé à 21h pour cause d'Armistice. Complet mais vérifiez sur la Bourse aux Billets (ou demandez-moi, je risque de revendre ma place…).

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Lundi 12
→ CNSM : programme de chambre au Salon Vinteuil du BDE.
→ Athénée : Mirianashvili.
→ 21h, Théâtre de la Bastille : Sopro, pièce de Tiago Rodrigues en portugais, autour de la figure d'une souffleuse (réellement souffleuse).Jusqu'à mi-décembre,la plupart des dates sont complètes.

Mardi 13
→ Toute la journée : masterclass de Gary Hoffman (violoncelle) au CNSM.
→ 14h, CRR : masterclass publique sur les vaudevilles du XVIIIe siècle.
→ 18h, CNSM : pièces du compositeur récemment disparu Nguên Thiên Dao.
→ 20h, Colline : début du Lazare de Castellucci.
Chœur Calligrammes (putto d'incarnat du concert de l'année en 2017 et 2018 !), programme « Noël espagnol des trois Amériques » : Guastavino, Susa, Galindez, Valera, Corona (pardon, en vérifiant le lieu, je vois que c'est évidemment en décembre)

Mercredi 14
→ 14h, CRR : masterclass publique sur les vaudevilles du XVIIIe siècle.
→ 19h, CNSM : concert de thèse, Paganini au piano. Liszt, Busoni, Michael Zadora, Ignaz Friedman.

Jeudi 15
→ 18h30, Favart : Stockhausen, Donnerstag aus Licht. L'opéra totalisant qui regroupe une large part de sa production sera (partiellement) donné cette année : Jeudi à l'Opéra-Comique, et plus tard dans la saison Samedi à la Philharmonie !  Ici, c'est avec mise en scène, une expérience qui vous convaincra diversement (ensemble très hétéroclite, mais atonal bien sûr), à ne pas rater, au moins pour connaître cet objet étrange.
→ 19h, CNSM : cours public d'improvisation de musique indienne
→ Orsay : pièces à thématiques circassiennes de Satie (Parade !), Stravinski, Rota, Debussy (orchestrations de Children's Corner) etc., par le Secession Orchestra dirigé par Clément Mao-Takacs.
Chœur Calligrammes (putto d'incarnat du concert de l'année en 2017 et 2018 !), programme « Noël espagnol des trois Amériques » : Guastavino, Susa, Galindez, Valera, Corona (pardon, en vérifiant le lieu, je vois que c'est évidemment en décembre)
→ Philharmonie : Monologues de Jedermann de Frank Martin par Goerne, un des grands cycles vocaux du XXe siècle (assez récitatif et dramatique, comme les Vier dramatische Gesänge de Gurlitt ou les Häxorna de Rangström). Couplé avec la Dante-Symphonie de Liszt, fameuse et très enregistrée mais peu donnée en concert.

Vendredi 16
→ Invalides (salon) : pièces à deux pianistes de Saint-Saëns, Debussy, Rachmaninov, Chostakovitch. Avec Jean-Philippe Collard.
→ Philharmonie : Vivier, Grisey (Les Chants du Seuil), EIC, Louledjian (très remarquée la saison dernière dans la Damoiselle Élue – quelle diction, quelle présence !).

Samedi 17
→ 16h30 Épinay-sous-Sénart : baroque des Andes.
→ 18h, Écouen : Jodelle, Cléopâtre captive. Rare représentation de cette pièce fondamentale du patrimoine français. Gratuit sur réservation, dans le cadre merveilleux du château !
→ 18h30, Favart : Stockhausen, Donnerstag aus Licht. Voir jeudi pour commentaires.

Dimanche 18
→ 16h, Maison de la Radio : Chœurs de Schubert, Mendelssohn, Brahms par le Chœur de Radio-France. Ma dernière expérience, il y a près de dix ans, avait été très peu concluante (techniques lourdes qui s'accommodent mal de cette forme délicate), mais Sofi Jeannin (et désormais Martina Batič ?) les a beaucoup assouplis pendant son bref intérim.

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Lundi 19
→ Toute la journée au CNSM : masterclasses du Quatuor Ébène. Gratuit.
→ 19h, CNSM : Symphonies 1 de Beethoven et 9 de Schubert, par les Lauréats du Conservatoire (multi-putto d'incarnat ces dernières années). Gratuit sur réservation.
→ 20h, Villette : début des représentations de l'épisode du Mahābhārata vu par Miyagi, avec son orchestre de percussions (et en japonais), gros succès à Avignon…

Mardi 20
→ 19h, Bondy : Chansons de Bord de Dutilleux (bijoux !), Chansons de la Pointe de Manac'h, Kodály, Ligeti, Fujiwara, par la Maîtrise de Radio-France. Gratuit.
→ 19h, CNSM : Concertos baroques de Jiranek, Heinichen, Reichenauer, Bentner et Zelenka ! Gratuit.

Mercredi 21
→ 20h30, Bal Blomet : pièces d'Anthiome, Berlioz, Saint-Saëns, Fauré. Ambroisine Bré et l'Ensemble Contraste. 22€.

Jeudi 22
→ 12h30 Petit-Palais : récital de lied & mélodie par Kaëlig Boché (double putto d'incarnat au dernier semestre !) et Jeanne Vallée.
→ 20h, Invalides : Programme varié très étonnant. Pièces héroïques pour orgue et cuivres de Widor et Dupré, extraits de Janáček (Glagolitique, Tass Boulba), Bartók, Pärt, Nilović, Eötvös, Rhapsodie pour clarinette et orchestre de Debussy… !
→ 20h, Opéra Royal de Versailles : Salieri, Tarare. Un des plus hauts chefs-d'œuvre de l'histoire de l'opéra, l'un des plus grands succès de l'Opéra de Paris également. J'en avais présenté le livret et le contexte ici. Équipe de dingue menée par Dubois, Bou, Rousset… Donné également à la Cité de la Musique.
→ 20h, Maison de la Radio : Bernstein, Divertimento, Halil, Riffs ; Dusapin, Morning in Long Island. ONF, Sirvend.
→ 20h, Fondation Singer-Polignac : Lauréats du prix Boulanger. Est-ce public ?  (souvent, non, mais je n'ai pas vérifié ici, étant déjà pris…)
→ 20h, T2G : Début des représentations de la pièce de Hideto Iwaï (en français).
→ Maison du Japon : « Jetons les livres ». Théâtre en japonais, viol / pop / onirique / trash. Pas pour moi, mais doit être assez surprenant.
→ 20h30, Philharmonie : Koechlin, Vers la Voûte étoilée (très jolie pièce, pas son chef-d'œuvre, mais on ne le joue jamais, c'est déjà bien…) et autres programmes stellaires d'Adès, Holst, Ives, R. Strauss. Orchestre de Paris, Pierre Bleuse (absolument formidable dans le récent album d'airs français de Julien Behr).
→ 21h, Théâtre de Saint-Louis-en-L'Île : mélodies de Kuula, O. Merikanto, Sibelius, Melartin, par Sophie Galitzine (une bonne voix) et Jean Dubé (oui, le Jean Dubé !). Programme déjà rodé au moins depuis le début d'année.

Vendredi 23
→ 19h, CRR de Paris : Orchestre d'harmonie de la Région Centre dans Roger Boutry (Concerto pour violoncelle et ensemble à vent), et arrangements : Lili Boulanger (D'un matin de printemps), Debussy (Fêtes des Nocturnes) et Bernstein (Suite de Candide). Gratuit.
→ 20h30 : Début de La Naissance de la tragédie de Kuvers.

Samedi 24
→ 15h, Cortot : quatuor à vent. Français, Villa-Lobos, Rossini, Beethoven, Poulenc, Jolivet
→ Tout l'après-midi, MAHJ  : Intégrale des Quatuors avec piano de Mendelssohn (œuvres de prime jeunesse, pas le plus grand Mendelssohn, mais déjà très belles et jamais données) avec le Trio Sōra, Mathieu Herzog, et culminant en fin de journée dans une transcription de la Première Symphonie avec le Quatuor Akilone (et un piano) !
→ 20h30, Saint-Joseph-Artisan : Automn de Delius, première audition française de ce mouvement de suite symphonique. Programme un peu moins aventureux que d'ordinaire (après un tout-Stanford !). Couplage avec le Second Concerto de Brahms. Excellent orchestre d'Éric van Lauwe. Libre participation.

Dimanche 25
→ 12h, Garnier : Quatuors de compositeurs d'opéra. Grétry n°3, Verdi, Meyerbeer Quintette avec clarinette.
→ 16h, Saint-Joseph-Artisan : Automn de Delius, première audition française de ce mouvement de suite symphonique. Programme un peu moins aventureux que d'ordinaire (après un tout-Stanford !). Couplage avec le Second Concerto de Brahms. Excellent orchestre d'Éric van Lauwe. Libre participation.
→ 16h, Chapelle royale de Versailles : Couperin, extraits de la Messe pour les Couvents par Desenclos, et motets par l'Ensemble Marguerite Louise.
→ 17h, Le Pecq : Garnier & Oneto-Bensaid (laquelle fut multi-putto d'incarnat et vient de sortir son premier disque, entièrement des transcriptions de sa main ! ♥) Dans Schubert, Duparc, Poulenc…

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Lundi 26
→ Toute la journée, CNSM : masterclasses du Quatuor Modigliani. Gratuit.

Mardi 27
→ Uniquement des événements déjà cités.

Mercredi 28
→ 19h, CNSM : Concert (de chambre) de l'Association de musique Sainte-Cécile, sorte de remise de prix organisée par d'anciens du CNSM, une des plus anciennes associations culturelles de France. Je ne dispose pas du programme, mais en principe ce sont des gens plutôt bons –  et c'est dans ces murs que je vis régulièrement mes plus belles expériences de musique de chambre !
→ 20h30, Philharmonie : Salieri, Tarare. Un des plus hauts chefs-d'œuvre de l'histoire de l'opéra, l'un des plus grands succès de l'Opéra de Paris également. J'en avais présenté le livret et le contexte ici. Équipe de dingue menée par Dubois, Bou, Rousset… Donné également à Versailles la semaine précédente.
→ 20h30, Philharmonie : Intégrale des airs de cour de Couperin (très peu donnés, même pas sûr d'en avoir déjà entendu !) + divertissements, Sempé.

Jeudi 29
→ 19h, CNSM : orgue de Reger, Escaich, Bach.
→ 20h, Maison de la Radio : Martinů (Concerto pour violon n°1), Bernstein (Songfest, une grande cantate assez réussie), Barber (Adagio & ouverture pour The School for Scandal). ONF.
→ 20h30, Grand-Palais : Lotti, Giove in Argo, étudiants du CNSM, García-Alarcón. Gratuit sur réservation. On dispose de très peu de choses de ce compositeur vénitien (et essentiellement de la musique sacrée, très bien faite). On est à (1718) à l'époque du premier seria, mais on peut parier pour que ce soit plutôt du haut de gamme musical, avec peut-être une forme plus libre, que de la pure ostentation vocale. Mais c'est pur pari de ma part…

Vendredi 30
→ Fin de l'exposition des étonnantes gravures de Georges Focus à l'École des Beaux-Arts.
→ 20h, Maison de la Radio : Symphonie n°2 de Bernstein, OPRF, Vasily Petrenko. Je trouve personnellement cette symphonie particulièrement sinistre et insipide, mais elle est incontestablement rarement donnée.
→ 20h, Opéra Royal de Versailles : première des trois représentations d'Actéon de Charpentier et Pygmalion de Rameau, par l'Atelier Tafelmusik de Toronto. Mise en scène toujours adroite avec peu de moyens de Pynkoski.
→ 20h30, Philharmonie de Paris : Manfred de Tchaïkovski. Orchestre des Jeunes de Roumanie, Mandeal. Très peu joué en France et difficile à réussir, alors par de petits jeunes enthousiastes, c'est tentant !

Samedi 1er décembre
→ 17h30, Écouen, Le Procès de Monsieur Banquet (théâtre). Aménagement d'une pièce allégorique du XVIe siècle, interprété par un seul comédien.

Dimanche 2 décembre
→ 17h, Invalides : Jacques Alphone de Zeegant et Karoł Kurpinski, une Messe, et une Symphonie Chemin des Dames !



Mon agenda étant déjà totalement occupé, je n'ai pas vérifié les récitals d'orgue, mais si vous êtes intéressés, France Orgue fait une grande partie du travail pour vous !

Courage pour vivre votre (meilleure) vie au milieu de toutes ces tentations afférentes !

mercredi 4 avril 2018

Avril périls fertiles


(Me voilà prêt à écrire un livret de Wagner – ou un titre de Boulez.)

Comme naguère, vous trouverez ici le planning PDF où apparaissent tous les dates et lieux sélectionnés, quantité de petits concerts (ou au contraire de concerts très en vue) dont je ne parle pas ci-dessous.

N'hésitez pas à réclamer plus ample information si les abréviations (tirées de mon planning personnel, destiné au maximum de compacité) ou les détails vous manquent.
(Les horaires indiqués le sont parfois par défaut par le logiciel, vérifiez toujours !)



0. Rétroviseur

Auparavant, les impressions de mars, cliquez pour lire les impressions succinctes sur les œuvres et les interprètes :

►#68 L'Amour africain de Paladilhe. Première mondiale, une Ariadne à la française autour du personnage d'un vieux Prix de Rome déprimé, farci d'ensembles facétieux. Notule complète.
►#69 Le défi (relevé) de My Fair Lady de Loewe par la Maîtrise Populaire de l'Opéra-Comique.
►#70 Pelléas, la pièce de Maeterlinck.
►#71 La Symphonie de Franck et Mahler n°1 sur instruments anciens français et viennois.
►#72 La Symphonie Fantastique dans les murs (égyptiens) de sa création !
►#73 La Princesse légère de Violeta Cruz, un problème d'étiquetage.
►#74 Ives et Mendelssohn (n°3) au CNSM.
►#75 Programme Schumann du LSO et Gardiner.
►#76 Rikako Watanabe, Improvisations sur de vieux poèmes japonais. Par le remarquable pianiste Tsubasa Tatsuno, également inspiré dans les Études de Debussy.
►#77 Suite algérienne de Saint-Saëns, Symphonie afro-américaine de Still, Passacaille de Tan Dun… par les étudiants de la Sorbonne.
►#78 La Messe de Bernstein, un dépaysement.
►#79 Das Rheingold par le Mariinsky. Quels chanteurs miraculeux…
►#80 Die Walküre par le Mariinsky (déjà abordé certains détails de l'œuvre à cette occasion dans la dernière notule)
►#81 Schumann 1 et le Divertimento de Bernstein par la Radio Bavaroise et Jansons (pas vraiment impressionné, étrangement).
►#82 Tchaïkovski 2 & 4 ébouriffants par l'Orchestre de l'Opéra.
►#83 Lauréats de la Fondation de France (et présentation du compositeur Eugène Bozza, Prix de Rome).
►#84 Mahler 4 par Hengelbrock.
►#85 Classe de direction de chant (opéra français XIXe, ici), d'Erika Guiomar, toujours un grand moment. Pas encore commenté en détail, c'est en cours.
►#86 Auber, Le Domino noir (Hecq-Davin)

Et quelques déambulations illustrées :
☼ balade de printemps, de Luzarches à la Malmaison (en cours de narration).



00. Manqué !

En raison de l'expiration de mon Pass UbiQui'T, je n'ai pu tout voir, tout entendre. Voici, à titre purement indicatif, quelques autres soirées qui ont attiré mon attention, à titre de curiosité.

Opéra / ballet
● Gluck, Orphée et Eurydice traduit en allemand (version Bausch, avec Hengelbrock et son ensemble).

Musique chorale ou sacrée
● Leçons de Ténèbres de Couperin à l'Oratoire du Louvre (Les Ombres, avec un duo plus équilibré que dans leur disque : Warnier, Margouët). Mais comme du fond on n'y voit rien (et que c'est cher sinon), j'ai dû m'en passer.
● Chœurs français de Paladilhe à Ravel par le Palais-Royal.
● Chœurs russes par le COSU (notamment Schnittke !).

Musique symphonique
● Musiques de plein air de Haendel par les Folies Françoises.
● Schumann n°2, Hindemith Kammermusik n°4, OP-Harding.
● Intégrale Brahms par Brême et P. Järvi au TCE.
● Sibelius n°3 par l'OPRF.
● Copland, Barber, Bernstein, Márquez, J. Williams pour cuivres aux Invalides.
● Weinberg n°4 par le Philharmonique de Varsovie et Kaspszyk (!), à la Seine Musicale. (Ça s'est contre toute attente trop bien vendu, il ne restait plus de places abordables… La Quatrième n'est certes pas la meilleure de Vainberg, loin s'en faut, mais tout de même, entendre cet orchestre en vrai dans un répertoire aussi spécialisé !)

Musique de chambre
● Récital à deux clavecins, dont du Couperin (Cuiller), à Soubise. Gratuit en plus.
● Intégrale du violon solo de Bach par K.W. Chung au TCE (annulé).
● Quatuors avec piano de Schumann et Chausson au CNSM (et étudiants de Manchester).
● Anniversaire Debussy au Ministère de la Culture.
● Trio et soprano : Wagner, Debussy, L. Boulanger, au Musée d'Orsay.
● Debussy et Durosoir pour violoncelle et harpe, CNSAD.

Airs de cour, lieder & mélodies
● Monteverdi par Desandre et Dunford, salle Cortot.
● Purcell accompagné par Achten au Théâtre Grévin.
● Purcell et Haendel par Zaïcik et le Taylor Consort.
● Lieder de Spohr avec clarinette et piano (et Cécile Achille !) au CNSM.
● Mélodies symphoniques françaises (dont du Théodore Dubois) par Piau et Chauvin à la Seine Musicale, là encore hors de prix sur les places restantes.
● Soldats musiciens (classe d'Anne Le Bozec et étudiants du Conservatoire de Manchester).
● LeMarois, musique de chambre de Franck, Chausson, Debussy, M. Emmanuel, Rochberg.

Ciné-concert
● Muets de la Première guerre accompagnés par des étudiants du CNSM

Masterclasses
● Quatuor Modigliani au CNSM.
● Gary Hoffman au CNSM.

Théâtre
● Lecture d'Empereur et Galiléen d'Ibsen au Théâtre du Nord-Ouest.



À présent, la prospective.

J'attire en particulier votre attention sur quelques perles.

(En rouge, les œuvres rarement données – et intéressantes !)
(En bleu, les interprètes à qui je ferais confiance, indépendamment du seul programme.)



A. Opéras & cantates

Gluck, Orphée & Eurydice(version de Paris traduite en allemand – apparemment version de Paris avec orchestration Berlioz aussi, les indications que je lis ne sont pas toutes cohérentes). Si jamais vous n'avez pas attentivement regardé la saison de ballet (version Pina Bausch), vous êtes peut-être passé à côté d'une version de cet opéra avec, selon les dates, Wesseling et Hengelbrock (avec son ensemble radical sur instruments anciens et non avec l'Orchestre de l'Opéra). Les extraits entendus, en revanche (série de 2014, mêmes Orphée & Eurydice, même orchestre, même chef), ne paraissent vraiment pas très tendus – plutôt le côté étique du son du Balthasar-Neumann Ensemble, et une distanciation liée au dispositif du ballet, qui semblent l'emporter en fin de compte.

Auber, Le Domino noir. Une de ses œuvres les plus célèbres – possiblement parce qu'une des plus accessibles au disque, le studio Bonynge avait été largement distribué –, et incontestablement parmi les bons Auber, une intrigue vive, une musique toujours agréable et élégante. Ce n'est pas délirant comme Les Diamants de la Couronne, ni enjôleur comme Haÿdée, cependant on demeure dans cet esprit français de quiproquos charmants. Nettement plus dense musicalement que La Muette de Portici (malgré son ambition, et son importance historique), ou que Fra Diavolo. À partir du 26 à Favart – splendide plateau, comme c'est devenu la règle dans cette maison. Jusqu'au 5.

Berlioz, Benvenuto Cellini. Le seul opéra un peu normal de Berlioz, et pourvu de fulgurances incroyables pour autant, surtout dans sa version avec récitatifs. Quels ensembles virtuoses !  L'accueil de la production Gilliam a été moins unanime à Paris qu'à Londres, mais c'est un très beau plateau, et apparemment une scène assez vivante (que ce soit trop ou bien a été sujet à débat). Je ne vais qu'à la dernière, pour que l'Orchestre de l'Opéra commence à jouer de façon un peu intéressante, donc ne m'attendez pas pour vous décider… Jusqu'au 14.

Lehár, Die lustige Witwe. Spectacle donné dans le cadre des cours de pratique scénique d'Emmanuelle Cordoliani au CNSM (accompagnement au piano par de remarquables chefs de chant), en général très féconds et agréables à voir. Sans moyens, souvent tout à fait captivant – ce qui n'est pas toujours le cas des productions dispendieuses où les vedettes de la mise en scène font joujou avec leur dispositif au lieu de s'occuper des acteurs et du texte. Et bien chanté. Et gratuit. (Les 12 et 13.)

Rabaud, Mârouf, Savetier du Caire. Une fantaisie picaresque orientalisante, un Peer Gynt des sables, dans une musique elle aussi luxuriante, hardie, assez indéfinissable, étrange sans être dépourvue de familiarité… Reprise, dans une distribution similaire, de la production qui avait été un grand succès de l'Opéra-Comique nouvelle manière (mais y a-t-il eu autre chose que de grandes réussites, dernièrement dans cette maison ?).

Atelier lyrique de Vincent Vittoz au CNSM les 5 et 6. Spectacle complet de forme variée, où le chant et le jeu sont sollicités, accompagnement au piano. Je n'ai pas encore pu obtenir le détail, mais j'ai réservé la date, toujours stimulant… Gratuit.
Mise à jour, voici. Inspiré de tableaux (dont la Nuit étoilée et la Grande Jatte), 8 petits récitals incluant Haendel, Mozart, Schubert, Loewe, Wagner, Massenet, Offenbach, Puccini, Berg, L. Aubert, Respighi, Barbara, Kosma, Messiaen, Berio, Sondheim, C.-M. Schoenberg… et Sardou (non, pas le dramaturge) !



B. Musique chorale

Motets de la famille Bach et de Kuhnau (le 3). Le meilleur de la production sacrée de Bach, riche en tuilages, mais aussi en mots et en émotions, moins formel que d'autres partitions… celle de ses ascendants et contemporains est de la même farine, vraiment réjouissante.

Mendelssohn, Elias, comme la saison passée à la Philharmonie et sur instruments anciens, cette fois avec le très capiteux Freiburger Barockorchester et Pablo Heras-Casado, qui avaient totalement renouvelé le spectre sonore des symphonies. Avec le RIAS-Kammerchor, Sophie Karthäuser, Matthias Goerne… voilà qui promet !

Clémence de Grandval, Stabat Mater. Compositrice prolifique, autrice de plusieurs opéras (dont un Mazeppa !), elle a consacré sa vie d'épouse de la bonne société à la composition. Élève de Saint-Saëns (et brièvement de Chopin pour le piano…), elle est même tardivement lauréate de plusieurs prix de composition (ce qui, en 1880 et 1890, n'est pas rien pour une femme). La Compagnie de L'Oiseleur redonne son Stabat Mater (en le chantant à un par partie avec accompagnement d'orgue, miam), après une première audition il y a quelques mois. Je n'ai pas été ébloui à la lecture de la partition, mais je leur fais confiance pour bien la servir, et pour avoir perçu des beautés simples qui m'auraient échappé – car ce n'est pas un discours hypermodulant, pour sûr, on se situe vraiment dans la veine majoritaire du style français du second XIXe, un peu lisse.

Jeunes chœurs (aguerris) de l'Orfeón Donostiarra et de l'Orchestre de Paris dans un programme essentiellement basque (mais pas de chants traditionnels), le 8.



C. Musique symphonique

La Symphonie en mi de Rott (car il en existe une autre, en la bémol, bonne mais senseiblement moins marquante), une merveille dont il a souvent été question dans ces pages (et une des œuvres les plus jubilatoires du répertoire, pour qui aime le formalisme de Brahms-Bruckner-Mahler), par Constantin Trinks, qui vient d'en enregistrer une bonne version.
Couplé astucieusement avec la Totentanz et le Premier Concerto de Liszt par Berezovsky pour assurer le remplissage. Tant que ça me permet d'avoir du Rott programmé, je marche – même si je n'aurais pas rechigné, à entendre le Quatuor en première partie (ou une petite suite de Klami…). Le 13.

Suite de Ballet de Reger, Sérénade de Glazounov, Second concerto pour violon de Chostakovitch, par l'excellent ensemble orchestral (qu'il faudra bien baptiser un jour !) d'Éric van Lauwe. À Saint-Joseph-Artisan, le 21. Libre participation.

Maiblumen blühten überall, courte mélodie (ineffable) pour sextuor et soprano, puis la Symphonie Lyrique, de Zemlinsky (une œuvre à laquelle je tâche activement de me convertir, assez convaincu en orchestration de chambre, à rester cette fois grandeur nature), avec Aga Mikolaj (une gloire du chant slave, impressionnants moyens et grande générosité) et Christopher Maltman.

Concerto pour violoncelle n°1 de Martinů (Sol Gabetta, OPRF, Franck). Une petite merveille aux accents américains, mais très différent de Dvořák évidemment, plus expérimental, presque néo- par endroit. Peu souvent donné et très beau (il n'y a pas tant de concertos pour violoncelle pas lourds-pateux, finalement). Couplé avec les Pins de Rome et les plus rares (et roboratives) Fontaines de Rome de Respighi, dans une veine moins élégante – mais paraît-il assez spectaculaire en salle. Le 6.

♦ Au sein d'un programme de tubes absolus, un extrait de Qsar Ghilâne de Florentz, un monument de chatoyance. Par les Lamoureux et Deroyer, en espérant que ce soit la minutie (pas très exubérante) de Deroyer qui prenne le pas sur la somnolence des Lamoureux devant le public du dimanche après-midi…



D. Musique solo et chambriste

Duo de guitares : Couperin, Scarlatti, Haydn (Op.2 n°2), Sor, Granados, Castelnuovo-Tedesco. La guitare polyphonique (et a fortiori à deux) est l'une des plus belles choses qui soient. Le 11.

6 Sonates pour clavecin de C.P.E. Bach, le 25. Gratuit.

Un quintette avec hautbois de Kreutzer et une pièce violon-piano de Baillot (avec Mozart et Beethoven), mais dans la cathédrale des Invalides, annonçait la brochure de début de saison (on ne devrait à peu près rien entendre). À vérifier, le 13.

♦ Le violoncelle français par Raphaël Pidoux : Duport, Franchomme, Bréval… pour une somme très modique, mais c'est le midi (le 13).

Trios de Beethoven arrangés pour alto, violoncelle et piano. Voilà qui doit donner du grain !  Le 9.

Arrangements de lieder par Liszt, pour piano solo : mélodies de Chopin, lieder de Schumann, Parsifal… et les 12 Études. Bertrand Chamayou, le 6.

Orgue : Mendelssohn (Sonate n°6), Peeters, Guillou, choral de Bach à Saint-Louis-en-l'Île.Le 8. (Gratuit, je crois.)

Till l'Espiègle de Strauss réduit pour quintette à vent (et l'Octuor de Schubert). Le 23, Bouffes-du-Nord.

♦ Œuvres pour ensemble de violoncelles : Second chant de Nyandura de Florentz, Bachianas 1 & 5 de Villa-Lobos, le classique Messagesquisse de Boulez, et une création de Nicolas Charron, à l'Amphi Bastille, le 16.

24 Préludes pour violon solo de Weinberg, et du Pärt, de Pelécsis, du Čiurlionis, et 5 pièces de Pushkarev qui accompagne au vibraphone Gidon Kremer. Désormais trop cher pour moi au Musée d'Orsay (40€ pour un concert de musique de chambre), mais programme aventureux très intriguant (d'autant que j'aime bien Vainberg et Čiurlionis).

Œuvres de Nguyen Thien Dao jouées en hommage à la Médiathèque du CNSM. Gratuit.



E. Lieder, mélodies & airs de cour

Monteverdi, Rovetta et Cavallli avec accompagnement de guitare baroque… et Zachary Wilder (ténor spécialiste passé par le Jardin des Voix, doté d'une très belle projection), le 9.

Musiques jésuites baroques latino-américaines par Kusa, Mancini et Egüez. Bárbara Kusa excelle dans ce exercice d'airs baroques aux confins du populaire, avec une technique lyrique qu'elle coule très avisément dans les autres styles. Le 4.

Airs et cantates de LULLY (Ballet royal de la Raillerie, Grotte de Versailles, Bourgeois gentilhomme, Atys), Jacquet de la Guerre, Mouret, Steffani, Caldara, Vinci… par Cécile Madelin et Paul-Antoine Bénos, deux des tout meilleurs truchements du répertoire baroque français. Le 28.

Mélodies françaises de Berlioz, Fauré, Chausson, Debussy, Hahn (dont rare Charles d'Orléans), Séverac, par Léa Desandre. Petit volume et bonne diction faits pour ce répertoire. Le 26.

Mélodies françaises célèbres, accompagnées par le piano, la flûte et le violoncelle dans diverses configurations. Beaucoup de tubes à mon gré (il a fallu acheter ça à l'aveugle), et de pièces instrumentales dont la plus-value me paraît discutable dans ce contexte (Isle joyeuse, Clair de lune piano-flûte, Gnossienne 1, Sicilienne et Élégie de Fauré en flûte/violoncelle-piano). Néanmoins, le plaisir d'entendre Anne-Catherine Gillet dans l'exercice de la mélodie me convaincra peut-être d'aller entendre ces standards (Invitation au voyage, Berceaux, Après un rêve, Heure exquise, Je te veux, Les Chemins de l'amour… à part un Massenet, un Saint-Saëns et un Dell'Acqua, rien que du très célèbre). Le 26

Lieder de Pfitzner, Wesendonck-Lieder pour baryton, par Matthias Goerne. (Et puis du Wolf et du Strauss.)  Le 22.

Canciones, notamment de Granados, par Adriana González, grande curieuse de la mélodie (et ancienne de l'Atelier Lyrique de l'Opéra). Une bonne voix par ailleurs. Le 12.

Mélodies de Čiurlionis, Tormis, Pärt et mélodies françaises, alternant avec des contes Baltes (Anne Baquet et Isabelle Grandet). Le 14.




F. Autres répertoires

♦ Nuit de l'oûd à la Cité de la Musique, du 6 au 7.



G. Pour le plaisir de retrouver quelques chouchous

♦ Trio Sōra dans Haydn 43 et Schubert 2, au Château d'Écouen. Gratuit mais déjà complet depuis un moment.

♦ Stanislas de Barbeyrac à l'Éléphant-Paname. (C'est cher, mais on vous offre la coupe de champagne. Bon.) Je ne disposais pas du programme, mais il vient d'en donner un superbe à l'Athénée (Nuits d'été et Ferne Geliebte).

♦ Paavo Järvi dans une intégrale Brahms au TCE, sans doute plutôt allégée, avec la Deutsche Kammerphilharmonie Bremen. (Les 4 & 5.)



H. Cours publics et masterclasses

♦ L'immense violoncelliste Gary Hoffman au CNSM de 10h à 17h30 les 3 et 4. Gratuit.





I. Théâtre

Phèdre de Sénèque à partir du 29 avril, au Studio de la Comédie-Française (galerie du Carrousel du Louvre). Malgré l'horaire difficile (18h30), c'est déjà complet depuis longtemps sur toutes les dates.

Shakespeare, As You Like It jusqu'au 13 avril à Malakoff (en français).

Faust de Goethe au Vieux-Colombier à partir du 21. Pas vérifié quel état du texte, ni quelle traduction.

Hugo, Mille francs de récompense, tiré du théâtre en prose et « en liberté ». Pas là qu'on trouve le plus grand Hugo, mais il demeure toujours de solides charpentes, même dans les plus légères. À la Cartoucherie, jusqu'au 8.

L'intégrale Ibsen au Théâtre du Nord-Ouest (TNO sur le calendrier), de maintenant jusqu'à juin ! Certaines pièces sont simplement lues (par une ou deux personnes, selon les cas), mais beaucoup de très rares sur les scènes françaises sont représentées, notamment en ce mois d'avril Brand, La Ligue des Jeunes, Un ennemi du peuple… Téléchargez le calendrier de l'alternance sur leur site pour vérifier.
♦♦ J'avertis tout de même sur les conditions, que vous ne soyez pas surpris comme je l'ai été : très petits moyens (quasiment pas de décors ni d'accessoires), textes débités rapidement (une séance à 19h et une à 20h45, dans la même salle !), en général des coupures. Et surtout, des conditions sanitaires délicates : tenace odeur de tabac froid incrustée, ménage fait tous les six mois (ce n'est pas une image, on a demandé…), donc il peut y avoir, en soulevant les décors, de très importantes quantités de poussières dans l'air (suivant la date du dernier ménage). En principe, ils le font au début de chaque nouvelle série, ce doit donc être le bon moment pour y aller !
♦♦ Le TNO se décrit lui-même comme un phalanstère (qui doit plus coûter que rapporter !), il faut le voir comme une volonté militante de mettre en valeur un auteur dans son entièreté, pas en attendre la plus grande expérience de théâtre de votre vie.

Wedekind, L'Éveil du Printemps, une pièce pleine de sève, à la Comédie-Française à partir du 14.

Adaptation de Kristin Lavrandsdatter de Sigrid Undset (au TNO) – un roman à l'origine ; au Moyen-Âge, une femme déchirée entre sa liberté et sa religion.

Ménagerie de verre de Tennessee Williams au T2G (Gennevilliers), jusqu'au 2. Et à Saint-Quentin-en-Yvelines le 7. (On m'a dit que c'était bien.)



J. Expositions

Ultima Thulé, photographies du Groenland à la Maison du Danemark sur les Champs-Élysées. Gratuit, je crois.

♦ Je ne fais pas la liste de ce qui passe au Louvre, à Guimet et dans les autres grandes maisons, Exponaute le fait très bien, et aprèsle renouvellement de printemps, je n'ai encore vu à peu près aucune des nouvelles.



K. Biz & bicrave

Toutes l'année, suite à des ajustements d'emploi du temps (et quelquefois simplement pour aller à un autre concert !) je revends des places, bien placées, pas chères.

Par ici.

(En ce moment, Ives 4, Zemlinsky Lyrique, Parsifal…)



Bon défis d'avril !

lundi 26 février 2018

Courez aux chants de mars


Encore une belle référence…

Comme naguère, vous trouverez ici le planning PDF où apparaissent tous les dates et lieux sélectionnés, quantité de petits concerts (ou au contraire de concerts très en vue) dont je ne parle pas ci-dessous.

N'hésitez pas à réclamer plus ample information si les abréviations (tirées de mon planning personnel, destiné au maximum de compacité) ou les détails vous manquent.
(Les horaires indiqués le sont parfois par défaut par le logiciel, vérifiez toujours !)



0. Rétroviseur

Auparavant, les impressions de février :
►#59 La seconde Symphonie en ut de Bizet, « Roma », très mal connue, et pourtant aussi belle que la première ! (Couplage exaltant avec Printemps, et La Damoiselle Élue avec Melody Louledjian.) Voyage à travers l'Île-de-France aussi, en compagnie de l'ONDIF.
►#60 Les Cloches de Rachmaninov, extraits de La Donna Serpente de Casella.
►#61 Symphonie Italienne de d'Indy, bijou d'atmosphères et d'invention poétique, au CRR de Paris.
►#62 La Nuit Transfigurée de Schönberg et le Concerto en ré de Stravinski par la classe de chefs débutants du CNSM.
►#63 Moscou Tchéryomouchki, opérette / musical de Chostakovitch.
►#64 Audition des jeunes ensembles de chambre du CNSM : trios, quatuors, quintettes, à cordes, avec piano, à vent…
►#65 Redécouverte de Pierre-Louis Pollio (maître de chapelle à Dijon et Beauvais au milieu du XVIIIe), dont on a retrouvé les œuvres il y a peu. J'ai été très succinct, parce qu'il y avait trop à dire pour le format, sur le détail du style composite (et sur le motet de son maître Joseph Michel, remarquable).
►#66 Stanislas de Barbeyrac dans Les Nuits d'été, pour ténor !  Découverte du miraculeux pianiste Alphonse Cemin.
►#67 Mahler, Symphonie n°9, Orchestre de Paris, Harding (inclut quelques remarques sur les motifs transformatifs et les coups d'archet écrits, qui mériteraient une notule à l'occasion, mais pas tout de suite…).

Quelques lectures en images :

Et quelques déambulations illustrées :
☼ la forêt d'Écouen enneigée de nuit (on n'y voit à peu près rien, certes) ;
☼ le parc du Château de Versailles sous les frimas ;
☼ grande excursion hardie à travers les champs glacés, 20 km de neige fraîche à flanc de coteau (Presles, Nerville-la-Forêt, Maffliers, Montsoult) ;
☼ balade dans les mousses gelées émergeant de la crue de l'Yonne, sous un ciel d'une pureté immaculée (Bois-le-Roi, Fontaine-sur-Seine, Livry-sur-Seine) ;
retour à Saint-Élisabeth-de-Hongrie-du-Temple (et nouvelles de sa procédure canon).



À présent, la prospective.

J'attire en particulier votre attention sur quelques perles.

(En rouge, les œuvres rarement données – et intéressantes !)
(En bleu, les interprètes à qui je ferais confiance, indépendamment du seul programme.)



A. Opéras & cantates

Cavalli, Il Giasone, à Versailles. Tout à fait rare (et par García-Alarcón, garçon bien informé). Ensuite, je n'ai trop rien à en dire : je trouve que Cavalli appartient à la fourchette basse des compositeurs de l'époque qu'on a rejoués, et je m'explique mal l'attachement qu'on lui porte spécifiquement, ce qui me conduit à un modeste silence.

Gluck, Orphée & Eurydice (version Berlioz). Si jamais vous n'avez pas attentivement regardé la saison de ballet (version Pina Bausch), vous êtes peut-être passé à côté d'une version de cet opéra avec, selon les dates, Wesseling et Hengelbrock !

Auber, Le Domino noir. Une de ses œuvres les plus célèbres – possiblement parce qu'une des plus accessibles au disque, le studio Bonynge avait été largement distribué –, et incontestablement parmi les bons Auber, une intrigue vive, une musique toujours agréable et élégante. Ce n'est pas délirant comme Les Diamants de la Couronne, ni enjôleur comme Haÿdée, cependant on demeure dans cet esprit français de quiproquos charmants. Nettement plus dense musicalement que La Muette de Portici (malgré son ambition, et son importance historique), ou que Fra Diavolo. À partir du 26 à Favart – splendide plateau, comme c'est devenu la règle dans cette maison.

Berlioz, Benvenuto Cellini. Le seul opéra un peu normal de Berlioz, et pourvu de fulgurances incroyables pour autant, surtout dans sa version avec récitatifs. Quels ensembles virtuoses !

Wagner, Rheingold & Walküre par des chanteurs russes (et pas n'importe lesquels, après de nombreux amendements, Nikitin est annoncé en Wotan de la Première Journée !). 24 et 25 à la Philharmonie.

Debussy, L'Enfant Prodigue (couplé avec les Nocturnes et la Mer), par l'Orchestre Lamoureux (tout dépend s'ils ont travaillé…) dirigé par Michel Plasson. Avec Annick Massis et Alexandre Duhamel. Un oratorio très contemplatif et doux, très marqué par Massenet en réalité. Mais très bien fait dans son genre sulpicien. Étonnant qu'il soit donné si régulièrement !

Violeta Cruz, La Princesse légère, à l'Opéra-Comique, après le report. Paraît réjouissant.



B. Musique chorale

Chœurs du Prix de Rome de Saint-Saëns (+ sa Deuxième Symphonie) et Ravel, Saintes-Maries de Paladilhe, Bergamasque & Djinns de Fauré… par le Palais-Royal (instruments d'époque). L'esprit français !
    C'est donné dans l'extraordinaire salle néo-égyptienne de l'antique Conservatoire, où l'on entend désormais peu de concerts.

Saint-Saëns, Fauré, Poulenc, Bernstein : chœurs par Le Vaisseau d'or & Martin Robidoux. Le 5.

Messe de Bernstein (avec participation de Stephen Schwartz pour les textes, le futur auteur de la – géniale – comédie adolescente Wicked, d'après le mauvais roman prequel du Magicien d'Oz).
Un grand bric-à-brac très particulier, pas exactement recueilli, qui ne manque pas de charme. Et chanté par le meilleur chœur symphonique du monde. Les 21 et 22.



C. Musique symphonique

Divertissements de plein air de Haendel par Les Folies Françoises, un des ensembles les plus vivants du circuit, assez peu mis en valeur (ils ont fait une superbe Armide de LULLY en Autriche qui n'a pas tourné en France !).

Gossec, Symphonie Op.3 n°6 (et Concerto n°2 de Saint-Saëns, et Symphonie n°5 de Beethoven) par l'Orchestre de Picardie aux Invalides.

Berlioz, la Symphonie Fantastique donnée dans la salle de sa création !  Par les étudiants de Manchester et du CNSM réunis sous la direction de Markus Stenz.

Franck et Mahler (n°1) sur instruments anciensLes Siècles, le 5.

♦ Une reconstruction de la Symphonie en si mineur de Debussy (il en existe plusieurs, Debussy n'a laissé qu'une partition pour piano) par Colin Matthews (oui, celui qui a orchestré les Préludes, et écrit un Pluton pour compléter le cycle des Planètes de Holst). Pas une œuvre majeure, mais jolie et courte – et puis c'est tellement amusant, d'aller voir une symphonie de Debussy, avec un nom de tonalité de surcroît !  C'est un peu comme les Variations en si bémol majeur de Stockhausen ou la Messe basse en ut de Boulez, le grand frisson de la transgression… Le 1er à Radio-France.

Symphonie n°3 de Sibelius, fantastique mais peu donnée hors intégrale, ici dans le cadre de celle du Philhar'. Le 1er à Radio-France.

Symphonie concertante de Prokofiev, Ouverture de Rouslan & Loudmila, Concerto n°1 de Rachmaninov, par l'Orchestre des Lauréats du Conservatoire, le 22 (Cité de la Musique ou CNSM ?). Gratuit.

Symphonie n°1 de Weinberg (1942) – il transcrivait lui-même « Vainberg » depuis le cyrillique, mais cette graphie est très peu utilisée.
    La symphonie est écrite dans un langage purement soviétique, très tonal mais où les mélodies claires et populaires ont un effet déceptif, sans cesse des modulations en cours de phrase, des sorties de route. Mais avec une limpidité et une fraîcheur qu'on ne trouve jamais chez Chostakovitch.
    C'est de surcroît un des plus beaux orchestres polonais, le Philharmonique de Varsovie, avec un des tout meilleurs chefs – il y a Antoni Wit, et il y a Jacek Kaspszyk. (C'est donné à la Seine Musicale.)

Messiaen, Des Canyons aux Étoiles. Le 16.

Bernstein, Symphonie n°3. Le 18.



D. Musique de chambre

Quatuor(s?) de Gounod par le Quatuor Cambini (instruments anciens, Julien Chauvin au premier violon) à l'Hôtel de Lauzun (le midi). Ils sont très beaux, étonnamment sophistiqués si vous avez dans l'oreille ses opéras, sa musique sacrée, ses mélodies, quoique très limpides, homophoniques et apaisés.

Dupont, Caplet, Glazounov, Bach, Beethoven, Liszt en musique de chambre à la Légion d'Honneur (le midi).

Quatuor avec piano de Chausson au CNSM, le 6. (Un bijou absolu, souvent enregistré, moins programmé.)

Sonate pour violoncelle et harpe de Durosoir, à l'Ancien Conservatoire, le 7. (Couplage avec Debussy violoncelle-piano et le Trio de Ravel.) Gratuit.

Messiaen, marathon des Catalogues d'Oiseaux par Pierre-Laurent Aimard. 10€ le concert, à la Philharmonie, le 25. Univers complètement fascinant, transfiguration d'une matière concrète et naturelle dans un langage consonant, au sein d'un système parallèle à celui (tonal) auquel nous sommes habitués.

Messiaen, Livre d'orgue. Son œuvre la plus aride, pas la plus aimée non plus, mais très rarement donnée. Le 18.

Œuvres pour orgue et violon de Rădulescu, Escaich, Gandrille. Le 23 au CNSM, gratuit.



E. Lieder, mélodies & airs de cour

Concert de clôture au colloque « Chanter l'actualité de Louis XII à Henri IV ». Hôtel de Lauzun le 22, à 18h (ajouté après génération du fichier, ne figure pas dans le PDF). Je ne me suis pas renseigné sur les conditions d'accès – ça m'intéresse vivement, mais je ne suis pas disponible à cette heure… –, vérifiez si c'est ouvert à tous, tout de même.

Dove ne vai crudele, programme d'airs de cour italiens d'Il Festino avec les solos de Dagmar Šašková. Je n'ai pas encore entendu ce programme-ci, mais leur propos est toujours très stimulant et/ou amusant, et remarquablement exécuté – accompagnements variés et calibrés, langue savoureuse.

Mélodies orchestrales françaises (dont du Théodore Dubois !) par Sandrine Piau et le Concert de la Loge Olympique. Le 23.

Lettres de soldats musiciens anglais & français, songs et mélodies, par des étudiants de Manchester et du CNSM (Classe d'Anne Le Bozec). Les 5 (soir) et 6 (midi).

Classe de direction de chant d'Erika Guiomar, toujours un événement. Il y a eu les arrangements d'œuvres lyriques (ou non) pour piano (Prélude des Gurrelieder, La Mer de Debussy, réminiscences de Thaïs…), il y a eu la soirée Hanns Eisler (que des lieder et mélodrames d'Eisler, parfois déclamés par les pianistes eux-mêmes !), et le niveau est extraordinaire, déjà de très grands artistes. Au CNSM, le 30. Je n'ai pas encore le programme. Gratuit.



F. Théâtre

Phèdre de Sénèque à partir du 29, au Studio de la Comédie-Française (galerie du Carrousel du Louvre). Même aux horaires difficiles (18h30), c'est déjà complet.

Faust de Goethe au Vieux-Colombier à partir du 21. Pas vérifié quel état du texte, ni quelle traduction.

Hugo, Mille francs de récompense, tiré du théâtre en prose et « en liberté ». Pas là qu'on trouve le plus grand Hugo, mais il demeure toujours de solides charpentes, même dans les plus légères. À la Cartoucherie, à partir du 22.

L'intégrale Ibsen au Théâtre du Nord-Ouest (TNO sur le calendrier), de maintenant jusqu'à juin ! Certaines pièces sont simplement lues (par une ou deux personnes, selon les cas), mais beaucoup de très rares sur les scènes françaises sont représentées. Téléchargez le calendrier de l'alternance sur leur site pour vérifieer.
♦♦ J'avertis tout de même sur les conditions, que vous ne soyez pas surpris comme je l'ai été : très petits moyens (quasiment pas de décors ni d'accessoires), textes débités rapidement (une séance à 19h et une à 20h45, dans la même salle !), en général des coupures. Et surtout, des conditions sanitaires délicates : tenace odeur de tabac froid incrustée, ménage fait tous les six mois (ce n'est pas une image, on a demandé…), donc il peut y avoir, en soulevant les décors, de très importantes quantités de poussières dans l'air (suivant la date du dernier ménage). En principe, ils le font au début de chaque nouvelle série, ce doit donc être le bon moment pour y aller !
♦♦ Le TNO se décrit lui-même comme un phalanstère (qui doit plus coûter que rapporter !), il faut le voir comme une volonté militante de mettre en valeur un auteur dans son entièreté, pas en attendre la plus grande expérience de théâtre de votre vie.

Pelléas et Mélisande de Maeterlinck à l'Opéra de Massy !  1er et 2. L'occasion de voir les servantes, ou la scène sur la mort de Marcellus. Il faut réserver en revanche, c'est dans le petit auditorium. Gratuit.

Lectures de Maeterlinck par Loïc Corbery dans la Coupole (le 27).

Ménagerie de verre de Tennessee Williams au T2G (Gennevilliers), à partir du 21.



G. Quelques chouchous

♦ Classe de direction d'orchestre du CNSM avec l'Orchestre des Lauréats du Conservatoire, en ce moment mon chouchou sur tout Paris. Le 12.



H. Bonnes affaires

Toutes l'année, suite à des ajustements d'emploi du temps (et quelquefois simplement pour aller à un autre concert !) je revends des places, bien placées, pas chères.

Par ici.

(En ce moment, Schumann 2 avec Zimmermann et la Messe de Bernstein.)



Bon mars à vous. Mars redoutable, mars indomptable.

mardi 30 janvier 2018

Concerts : qui veut la peau de Février ?


Voilà trois ans que je fais la même blague déclinée différemment, pour janvier comme pour février, mais j'ai eu peu de succès jusqu'ici.

Comme le mois passé, vous trouverez ici le planning PDF où apparaissent tous les dates et lieux sélectionnés, quantité de petits concerts (ou au contraire de concerts très en vue) dont je ne parle pas ci-dessous.

N'hésitez pas à réclamer plus ample information si les abréviations (tirées de mon planning personnel, destiné au maximum de compacité) ou les détails vous manquent.
(Les horaires indiqués le sont parfois par défaut par le logiciel, vérifiez toujours !)



0. Rétroviseur

Auparavant, les impressions des concerts de janvier :
►#45 Messe pour les Couvents de Couperin, à la Chapelle Royale de Versailles, en hommage à Michel Chapuis (Robin, Bouvard, Desenclos, Espinasse) ;
►#46 Cours public de Philippe Berrod (Nielsen, Saint-Saëns, Weber) ;
►#47 Motets polychoraux spatialisés du XVIIe italien (et Charpentier) par l'Ensemble Correspondances ;
►#48 Psyché II de LULLY au CRR de Paris ;
►#49 Premier Requiem de Cherubini (celui pour Louis XVI) par Insula Orchestra & García-Alarcón ;
►#50 Le Christ au Mont des Oliviers de Beethoven par Rhorer ;
►#51 Cours public de Christophe Coin (Abel, Marais, Boccherini) ;
►#52 Bruckner n°3 / Orchestre de Paris / Blomstedt ;
►#53 Lieder et mélodies rares : Mayrhofer de Schubert, Wolf, Fauré, Chausson, L. Boulanger, Cras, Delage, Ullmann, Poulenc, Britten, Messiaen avec la classe d'accompagnement lyrique d'Anne Le Bozec ;
►#54 Bruckner n°2 pour orchestre de chambre (Dausgaard) ;
►#55 Un Bal masqué de Verdi avec Radvanovsky, Pretti et Piazzola ;
►#56 Onslow n°2 (et Leonskaja dans le Quatrième Concerto de Beethoven) ;
►#57 Beethoven n°2 par les Lauréats du CNSM (classe de direction d'orchestre d'Alain Altinoglu)
►#58 Tchaïkovski n°2 et Petrouchka par le Philharmonique de La Scala & Chailly

Et quelques déambulations :
en vallée de Chevreuse, avant la soirée de réveillon, dans la nuit et la boue mais avec de véritables morceaux de poésie allemande dedans ;
☼ dans les forêts, parcs et musées de Chantilly (et l'exposition Poussin) ;
détails de l'exposition Chrétiens d'Orient à l'Institut du Monde Arabe ;
détails de l'exposition François Ier et l'art flamand au Louvre ;
détails de l'exposition du paysage en dessins du début du XIXe au Louvre.



J'attire en particulier votre attention sur quelques perles.

(En rouge, les œuvres rarement données – et intéressantes !)
(En bleu, les interprètes à qui je ferais confiance, indépendamment du seul programme.)



A. Opéra

Le Pavillon des Pivoines, comme pratiquement tous les ans. (le 9)

L'Amour africain de Paladilhe, un délicieux opéra léger de la fin du XIXe, mais à la musique consistante, par l'infatiguable Compagnie de L'Oiseleur (qui fait ce que l'Opéra de Paris ne fait pas…).

Moscou, quartier des Cerises, opérette de Chostakovitch dont l'écriture très simple et légère surprend. À l'Athénée.

Saariaho, Only the Sound Remains (à Garnier).
    Comme c'est rare, j'en dis un mot tout de même. Je n'ai pas entendu la bande en entier, mais cela ressemble tout à fait à du Saariaho. Déjà très contemplative, voilà qu'elle choisit un Nô, avec quatre personnages pour deux chanteurs (un Pêcheur, un Prêtre, un Esprit, un Ange !), dont deux incarnés par un falsettiste. Autant vous dire que ça crépite de partout avec une foule d'événements et la densité d'un drame verdien.
    Ce sera donc très beau en musique de fond pendant un dîner entre amis, mais je ne suis pas sûr que s'asseoir dans une salle et attendre que ça se finisse soit un projet viable, du moins si on aime le théâtre ou la musique un peu variée.
    Consolation, il y aura Davóne Tines, un formidable baryton-basse, bête de voix et de scène.

Le Mystère de l'Écureuil bleu d'Éric Dupin.
Initialement donné uniquement en vidéo pendant la période de travaux, une jolie enquête policière dans des coulisses d'opéra loufoques, servie par de formidables jeunes interprètes issus de l'Académie de l'Opéra-Comique, sur une musique très simple et tonale : à présent redonné en version scénique, avec des spectateurs autorisés dans la salle.



B. Musique chorale

Requiem de Campra par les Talens Lyriques. Ni le meilleur de Campra, ni le répertoire qui flattera le plus la formation, mais ce n'est pas donné tous les jours, et ce devrait joliment sonner dans la Philharmonie.

Motets de Pollio, inédits du manuscrit de Beauvais, par Schneebeli dirigeant les excellents spécialistes du CRR de Paris. (Baroque français. Pas sûr même que ça existe au disque.)

Chœurs de Holst, Biebl, Ropartz, Berlioz, Bernstein, Mendelssohn et Debussy par les jeunes filles de la Maîtrise de Paris, Mairie du XIXe le 13.

Rachmaninov, Les Cloches. Une œuvre vocale et chorale tout à fait spectaculaire, dans une veine épique très proche de son Prologue de Francesca da Rimini (si vous n'avez pas essayer, on pourrait parler de démesure hugolienne dans un langage sonore tout à fait russe). Assez irrésistible. [Et ce sera avec le meilleur chœur symphonique du monde, le Chœur de l'Orchestre de Paris, avec Lungu, Popov, Vinogradov, Noseda !]
Couplage avec une rareté : des portions symphoniques de La Donna serpente de Casella… (Certes, je trouve cet opéra très mauvais – caricature d'écriture italienne fade malgré ses parentés avec Moussorgski et Prokofiev… –, mais ça change.)
Après réécoute récente, j'ai trouvé cela beaucoup plus morne que lors de mes précédentes écoutes, assez émerveillées. Le concert tranchera, mais avec Casella et le Chœur de l'Orchestre de Paris, on joue tout de même sur du velours !

Requiem, Gloria et Magnificat de John Rutter par les étudiants du CRR de Paris et le Chœur d'Air France, les 9 et 10. Rutter écrit dans un langage tout à fait tonal, non dénué d'élégance et de grâce. Vraiment accessible sans être trop fade. Assez rare en France.

Programme anglais du Chœur Calligrammes (titulaire d'un putto d'incarnat 2017 !), où figurent les grandes périodes de l'art britannique (les autres sont grandes aussi, mais très mal documentées) : Purcell (XVIIe), Howells (tournant XXe), Britten (milieu XXe), Whitacre (aujourd'hui). Encore un beau parcours, par un chœur amateur qui tient très bien la rampe malgré la difficulté supplémentaire du chant a cappella !  Les 8 et 10.



C. Musiques de scène

Ciné-concerts Bernard Herrmann avec Psycho et surtout Vertigo (qui, en réalité, doit peut-être plus à Onéguine qu'à Tristan – le postlude de la scène de la Lettre est repris de façon très proche dans la fameuse scène d'amour).




D. Musique symphonique

♦ La Troisième Symphonie de Louise Farrenc par le Philharmonique de Radio-France et Mikko Franck le 3, ou par Insula Orchestra et Laurence Équilbey, le 17.
J'en disais ceci le mois dernier :
Farrenc n'est pas une compositrice majeure à mon sens, mais en tant que rare figure féminine à avoir gagné le respect de ses pairs de son temps (sans être la sœur ou l'épouse d'un compositeur important, ni la protégée directe de gens influents, comme Louise Bertin), elle occupe une place à part.
La Troisième Symphonie n'est pas un chef-d'œuvre, mais elle remplit agréablement son office. Bizarrerie, alors qu'on ne donne généralement que les œuvres de chambre de Farrenc, et de loin en loin, elle est également programmée à la Seine Musicale, quelques semaines plus tard !
Avec l'expérience mitigée de l'association Philhar'-Franck dans Onslow 2, et mon éblouissement dans Mercadante & Cherubini avec Insula Orchestra, je conseille plutôt le second – après, le couplage est avec le triple concerto plutôt que la Cinquième de Beethoven. (Détail qui risque d'avoir raison de ma détermination, je l'avoue.)

La Première Symphonie de Vincent d'Indy par l'Orchestre du CRR de Paris, rue de Madrid.
Sans rapport avec l'éprouvant remplissage de beaucoup de ses poèmes symphoniques (ou, pis, de la redoutable Cévenole), cette symphonie sous-titrée Italienne est un régal de fraîcheur, de couleurs, de procédés personnels qui visent à l'évocation plus qu'à la démonstration. Une des plus belles symphonies françaises.
Le concert est gratuit. Concernant le niveau, Orchestre d'étudiants de CRR, donc une structure dont la composition change chaque année et dont la vocation est de procurer une expérience avant tout pégagogique ; il est tout à fait capable de jouer les œuvres, maisn'en attendez pas le même frisson qu'avec des orchestres plus professionnalisés (comme les Lauréats du CNSM).

♦ Serenade d'Emil Hartmann (le Danois, pas le contemporain allemand, du gentil romantisme sympathique) et Concerto pour basson de Tomasi (musique française très tonale du XXe) par l'ensemble d'Éric van Lauwe (deux dates).

♦ Programme CHEN Qigang, le seul élève en composition de Messiaen, et dont les qualités de chatoiements sont très réelles aussi (les Cinq Éléments sont très beaux).

♦ Classe de direction A&B (les débutants) du CNSM, le vendredi 2. J'aurai le programme en début de semaine prochaine.



E. Musique de chambre

Suites de Bach (pour violoncelle ou luth, à vérifier) par Thomas Dunford, le plus grand théorbiste de tous les temps.

Mandoline, clavecin et violoncelle dans Scarlatti, Bach, Vivaldi, Valentini et Beethoven, le 4.

L'intégrale Claude Debussy se poursuit au CRR de Paris. Avec, notamment, sa version irrésistible de La Mer pour quatre mains !

Quintette avec piano de Jean Cras dans une transcription pour quatuor & marimba, avec l'épique Quatuor Ardeo (déjà loué en ces pages lors de ses premières victoires à des concours).
    Et les concertos Été et Hiver de Vivaldi pour le même effectif. Voilà qui promet d'être grisant !
    Seules contraintes : pouvoir être à 19h30 à Saint-Quentin-en-Yvelines, et renoncer à la Première Symphonie de d'Indy le même soir.

Pièces pour violoncelle et piano de Franck (la Sonate pour violon en réalité), Shaporin, Sollima (très tonal, très simple, assez touchant) et Ducros (néo-Fauré) !  Hôtel de Soubise.

♦ Lecture à vue de pièces peu célèbres pour bois. Exercice pour la classe de lecture à vue du CNSM. Très curieux de découvrir la sélection, j'en ferai état si c'est intéressant. Le 5, mais ce débute à 18h !



F. Lieder & mélodies

Nuits d'Été de Berlioz pour ténor, et par Stanislas de Barbeyrac de surcroît, à l'Athénée (concert reporté de la saison dernière). Couplage avec la Ferne Geliebte de Beethoven.

Spanisches Liederspiel de Schumann (airs à quatre voix alternés ou en quatuor, qui forment une petite histoire, un sommet dans le legs de Schumann, assez peu joué), et Spanisches Liederbuch (le meilleur des deux) de Wolf à l'Hôtel de Soubise, le 3. Pas sûr que ce soit néanmoins le meilleur répertoire des chanteurs (tous fraîchement issus du CNSM) présents : Croux, McGown, Lagier, Fardini. (McGown est taillée pour le lied, Fardini a beaucoup de talent, en particulier dans la mélodie, mais doit encore varier son émission et soigner son allemand. Jamais entendu Lagier, dont j'ai ouï le plus grand bien.)

Roth reprogramme les stupéfiants Haï-kaï de Delage, cette fois avec Piau (après Devieilhe en décembre !), couplé à des mélodies russes et japonaises de Stravinski, notamment. (Mais c'est un peu cher, avec le tarif unique au Musée d'Orsay : 30€.)




G. Conférences

Pleurer au XVIIe siècle. Pièces françaises et anglaises de Hume, Purcell, Bouteiller, J.-F. Rebel, Couperin, Marais, Michel, lectures de textes de Viau, Descartes, Pascal, Dryden. Au CNSM.

Cours public d'Olivier Charlier (violon) au CNSM.



H. Théâtre

Les Bacchantes d'Euripide à Colombes.
♦ Une soirée Büchner/Lenz rare : Les Soldats (Malakoff).



I. Glotte

♦ Finale du concours Voix Nouvelles à l'Opéra-Comique. Un mot sur certains candidats dans la toute récente notule.



J. Quelques chouchous

Trio Sōra (Schubert 2, Haydn 43, pièce récente) le 10.

Quatuor Akilone (Debussy, 2 créations chinoises de Xu Yi et Wen Deqing).

♦ Airs de magiciennes par Éléonore Pancrazi et Marie van Rhijn le 28 midi.



Bonne chasse à vous !  (tout retour bienvenu, évidemment)

mercredi 30 août 2017

Saison 2016-2017 : bilan de l'année concertante & grande remise des Putti d'incarnat


Voici juillet, le moment d'un retour sur une saison musicale bien remplie.
139 spectacles dans 69 lieux (dont 31 nouveaux) – 134 si je ne compte pas, ainsi que c'était l'usage, l'été.

Ce sera aussi l'occasion de la grande remise annuelle de la récompense suprême pour tout artiste informé, le putto d'incarnat – qui est au diapason d'or ce qu'est la médaille olympique de lancer de poids à la compétition de pétanque de la félibrée.
Seule la rédaction de Carnets sur sol, réunie en collège extraordinaire, est habilitée à le décerner, ce qui garantit la clairvoyance de son attribution, et l'absence absolue de collusion maligne.

Hautement respecté, il se matérialise par un putto de van Dyck, remis directement à chaque lauréat sous forme d'un précieux carré de pixels.

Au delà du jeu des breloques, c'est aussi et surtout l'occasion de mettre en valeur des œuvres, concerts ou interprètes qui n'ont pas toujours été très exposés. Il est vrai que le travail de recherche de ces concerts est un poste de dépense, en temps, assez considérable à lui seul !



En fin de saison 2015-2016, nous promettions :

Nous songeons à louer une salle pour la cérémonie de l'an prochain, avec retransmission en mondiovision et partenariat avec Medici.tv. Kim Jong-eun a déjà proposé de prêter le Salon Kim Il-sung de l'aile Ouest du Mémorial du Juche, mais nous voudrions accueillir un public nombreux et cherchons une adresse un peu moins enclavée en transports (on travaille le lendemain). Toute proposition sérieuse acceptée.

Pour de dérisoires questions de visa et d'anéantissement imminent du monde, le lieu de tenue de remise des prix sera le même que celui de l'an passé, ici même, chez vous. En vous remerciant chaleureusement de votre accueil.




1. Liste des spectacles vus

Concerts, opéras, théâtre… En voici la liste, dans l'ordre de la saison. Beaucoup ont été commentés, et quelques-uns ont servi de présentation à une œuvre, un genre, une problématique transversale…

Hors décompte : août 2016. Ordinairement non inclus dans les précédents relevés.

a) Comédie Nation – Marivaux, Les Sincères (avec musique de scène a cappella) – collectif Les Sincères
b) La Huchette – La Poupée sanglante, comédie musicale d'après G. Leroux

Puis, de septembre à juin :

1. Philharmonie – Bruckner, Symphonie n°7 – Staatskapelle Berlin, Barenboim
2. Champs-Élysées – Tchaïkovski, Symphonie n°5 / R. Strauss, Vier letzte Lieder – Damrau, Bayerisches Staatsorchester, K. Petrenko
3. Maison de la Radio – Schmitt, Salomé / Ravel, Shéhérazade – d'Oustrac, National de France, Denève
4. Philharmonie – Schumann, Szenen aus Goethes Faust – H.-E. Müller, Staples, Gerhaher, Selig, Orchestre de Paris, Harding
5. Hôtel de Castries – Jazz vocal
6. Hôtel de Béhague – œuvres pour violon et piano d'Enescu, Bobescu
7. Maison de la Radio – Poulenc, Les Biches / Milhaud, La Création du Monde – National de France, Denève
8. Châtelet – Faust I & II de Goethe – Ferbers, R. Wilson, Berliner Ensemble, Grönemeyer [notule]
9. Garnier – Cavalli, Eliogabalo – García-Alarcón
10. La Commune – Kleist, Amphitryon – Sébastien Derrey
11. Louvre – programme Cœur du Poème Harmonique – Zaïcik, Le Levreur, Goubioud, Mauillon, Dumestre
12. Foyer de l'Âme – Motets de Charpentier, Pietkin… – Ensemble Athénaïs
13. Temple du Port-Royal – Haydn, Sept dernières Paroles pour clarinette d'époque, clarinette d'amour et cors de basset
14. Saint-Louis-en-l-Île – Programme Venise 1610 – Vox Luminis, Capriccio Stravagante, Skip Sempé
15. Opéra Royal – Saint-Saëns, Proserpine – Gens, M.-A. Henry, Antoun, Vidal, Foster-Williams, Teitgen, Müncher Rundfunkorchester, Schirmer
16. Champs-Élysées – Bellini, Norma – Caurier & Leiser, Rebeca Olvera, Bartoli, Norman Reinhardt, I Barrochisti, Gianluca Capuano
17. Opéra Royal – Salieri, Les Horaces – Wanroij, Bou, Talens Lyriques, Rousset
18. Champs-Élysées – Brahms, Deutsches Requiem – Collegium Vocale, Champs-Élysées, Herreweghe
19. Champs-Élysées – Verdi, Requiem – Santoni, Kolosova, Borras, D'Arcangelo, National de France, Rhorer
20. Philharmonie – Debussy, Faune / Debussy, Jeux / Stravinski, Sacre du Printemps – Nijinski restitué (ou réinventé), Les Siècles, Roth
21. Salle d'orgue du CNSM – Académie Européenne de Musique de Chambre (ECMA) – Trio Sōra dans Kagel, Quatuor Bergen dans Chostakovitch…
22. Salle d'orgue du CNSM – Académie Européenne de Musique de Chambre (ECMA) – Trio Zadig dans Schumann, Quatuor Akilone dans Chostakovitch…
23. Athénée (rénové) – Strindberg, Danse macabre (en italien) – Desplechin
24. Maison de la Radio – 20 ans de l'ADAMI – Barrabé, Duhamel, Scoffoni…
25. Sainte-Élisabeth-de-Hongrie – Messe d'Innocent Boutry – Le Vaisseau d'or, Robidoux
26. Gennevilliers – Hirata, Gens de Séoul 1909 (en japonais et coréen)
27. Maison de la Radio – Tchaïkovski, Symphonie n°6 / Sibelius, Symphonie n°2 – Phiharmonique de Radio-France, M. Franck
28. Gennevilliers – Hirata, Gens de Séoul 1919 (en japonais et coréen, avec chants coréens)
29. Amphi Cité de la Musique – Soutenance musicale de l'enseignement du violon en France au XIXe siècle – pièces pour violon et piano (d'époque) d'Hérold, Alkan et Godard
30. Bastille – Les Contes d'Hoffmann – Vargas, d'Oustrac, Jaho, Aldrich…
31. Salle d'orgue du CNSM – Hommage à Roland-Manuel : piano et mélodies – Cécile Madelin…
32. Théâtre 71 (Malakoff) – Lü Bu et Diao Chan (opéra chinois) – troupe agréée par le Ministère
33. Salle d'orgue du CNSM – Hommage à Puig-Roget : piano et mélodies – Edwin Fardini…
34. Hôtel de Soubise – Airs et canzoni de Kapsberger, Merula, Strozzi… – les Kapsber'girls
35. Abbesses – Goethe, Iphigénie en Tauride – Jean-Pierre Vincent
36. Maison de la Radio – Sibelius, Symphonie n°5 / Brahms, Concerto pour piano n°1 – Lugansky, National de France, Slobodeniuk
37. Maison de la Radio – Nielsen, Symphonie n°4 – Philharmonique de Radio-France, Vänskä
38. Philharmonie – Mendelssohn, Elias – Kleiter, A. Morel, Tritschler, Degout, Ensemble Pygmalion, Pichon
39. Salon Vinteuil du CNSM – Mahler, Kindertotenlieder (et présentation musicologique) – Edwin Fardini au chant
40. Salle Cortot – Beethoven, Quatuor n°7  – Quatuor Hanson
41. Athénée – Hahn, L'Île du Rêve – Dhénin, Tassou, Pancrazi, de Hys, Debois, Orchestre du festival Musiques au Pays de Pierre Loti, Masmondet
42. Philharmonie – Adams, El Niño – Joelle Harvey, Bubeck, N. Medley, Tines, LSO, Adams
43. Salle Turenne – Bertali, Lo Strage degl'Innocenti / Motets de Froberger – membres du CNSM (Madelin, Benos…)
44. Salle Dukas du CNSM – masterclass de Gabriel Le Magadure (violon II du Quatuor Ébène) – Trio de Chausson par le Trio Sōra
45. Champs-Élysées – Mozart, Don Giovanni – Braunschweig, Bou, Gleadow, Humes, le Cercle de l'Harmonie, Rhorer
46. Hôtel de Béhague – Mélodies orientalisantes (Louis Aubert, etc.) – Compagnie de L'Oiseleur
47. Bastille – Mascagni, Cavalleria Rusticana / Hindemith, Sancta Susanna – Martone, Garanča, Antonacci, Rizzi
48. Studio de la Philharmonie – Schumann, Märchenerählungen / Kurtág, Trio et Microludes – membres de l'EIC et de l'OP
49. Champs-Élysées – Haendel, The Messiah – Piau, Pichanik, Charlesworth, Gleadow, le Concert Spirituel, Niquet
50. Garnier – Gluck, Iphigénie en Tauride – Warlikowski, Gens, Barbeyrac, Dupuis, Billy
51. Temple du Luxembourg – André Bloch, Antigone / Brocéliande – Compagnie de L'Oiseleur
52. Philharmonie – Schumann, Das Paradies und die Peri – Karg, Goerne, OP, Harding
53. Châtelet – H. Warren, 42nd Street – G. Champion, troupe ad hoc
54. Auditorium Landowski du CRR de Paris – Audition de la classe de chant baroque
55. Salle d'art lyrique du CNSM – Schumann, Symphonie n°2 / Mozart, Concerto pour piano n°9 – Classe de direction
56. Salle d'orgue du CNSM – Vierne, cycle Les Angélus pour soprano et orgue – Harmonie Deschamps
57. Saint-Quentin-en-Yvelines – Sacchini, Chimène ou Le Cid – Le Concerto de la Loge Olympique, Chauvin
58. Auditorium Landowski du CRR de Paris – de Mendelssohn à Aboulker, chœurs oniriques d'enfants
59. L'Usine (Éragny) – Ibsen, Hedda Gabler – Paolo Taccardo
60. Studio 104 – Quatuors : n°4 Stenhammar, n°2 Szymanowski – Royal Quartet
61. Salle d'orgue du CNSM – Cours public sur le premier des Trois Chorals de Franck – M. Bouvard, Latry et leurs élèves
62. Philharmonie – Tchaïkovski, Symphonie n°5 – ONDIF, Mazzola
63. Auditorium Landowski du CRR de Paris – Sonates avec violon : Debussy, Ropartz n°2 – Stéphanie Moraly
64. Amphi de la Cité de la Musique – Schubert, Der Schwanengesang – Bauer, Immerseel
65. Cité de la Musique – Schumann, Liederkreis Op.24 – Gerhaher, Huber
66. Auditorium Landowski du CRR de Paris – Salomon, Médée et Jason, acte II
67. Athénée – Strindberg, Danse Macabre (en italien) – Desplechin
68. Champs-Élysées – Bizet, Carmen – Lemieux, Spyres, Bou, National de France, S. Young
69. Salle d'art lyrique du CNSM – Durey, Œuvres pour harmonie – Harmonie des Gardiens de la Paix
70. Champs-Élysées – Schubert, Die schöne Müllerin – Goerne, Andsnes
71. Bastille – Wagner, Lohengrin – Guth, M. Serafin, Schuster, Skelton, Konieczny, Ph. Jordan
72. Garnier – Mozart, Così fan tutte – Keersmaeker, Losier, Antoun, Sly, Szot
73. Temple du Luxembourg – Paladilhe, Le Passant – Compagnie de L'Oiseleur
74. Châtelet – Offenbach, Fantasio – Jolly, Philharmonique de Radio-France, Campellone
75. Temple de Pentemont – Motets de Campra et Bernier, Troisième Leçon de Couperin  – Le Vaisseau d'or, Robidoux
76. Trianon de Paris – Lecocq, Le Petit Duc – Les Frivolités Parisiennes
77. Le Passage vers les Étoiles – Méhul, Stratonice – Les Emportés, Margollé
78. Studio-Théâtre du Carrousel du Louvre – Maeterlinck, Intérieur – comédiens-français
79. Temple du Saint-Esprit – Motets de Charpentier, Morin et Campra pour petits braillards – Pages du CMBV, musiciens du CRR de Paris, Schneebeli
80. Amphi de la Cité de la Musique – Chambre de Usvolskaya, mélodies de Vainberg, Chostakovitch, Prokofiev – Prudenskaya, Bashkirova
81. Salle d'art lyrique du CNSM – Cimarosa, Il Matrimonio segreto – H. Deschamps, Perbost, McGown, Rantoanina, Lanièce, Worms, Orchestre du CNSM
82. Salle des Concerts du Conservatoire – Haydn, Les Saisons dans la version de sa création française – Palais-Royal, Sarcos
83. Conservatoire de Puteaux – Chansons à boire de Moulinié et LULLY, poèmes de Saint-Amant – Cigana, Šašková, Il Festino, de Grange
84. Salle Maurice Fleuret du CNSM – Schmitt, La Tragédie de Salomé version originale – Orchestre du CNSM, étudiants de la classe de direction d'A. Altinoglu
85. Philharmonie – Mozart, Symphonie n°38 (et spectacle afférent) – Orchestre de Paris
86. Oratoire du Louvre – Vêpres de Monteverdi, Suite de danses de LULLY, Concerto grosso de Noël de Corelli, Soupers du comte d'Artois de Francœur – Collegium de l'OJIF
87. Champs-Élysées – Beethoven, Symphonies 1-4-7 – Orchestre des CÉ, Herreweghe
88. Philharmonie – Tchaïkovski, La Pucelle d'Orléans – Chœurs et Orchestre du Bolchoï, Sokhiev
89. Maison de la Radio – Nielsen, Symphonie n°2 – National de France, Storgårds
90. Odéon – T. Williams, Suddenly Last Summer – Braunschweig
91. Champs-Élysées – Berlioz, Nuits d'Été, Schönberg, 5 pièces, Schumann, Symphonie n°2 – Gerhaher, Jeunes Gustav Mahler, Harding
92. Bastille – Mendelssohn, A Midsummer Night's Dream, Ouvertures, Symphonie pour cordes n°9 – Balanchine, Orchestre de l'Opéra, Hewett
93. Salle d'orgue du CNSM – Concert lauréats Fondation de France : La Maison dans les Dunes de Dupont, Ophelia-Lieder de R. Strauss
94. Champs-Élysées – Brahms, Vier ernste Gesänge et  Deutsches Requiem – Orchestre des CÉ, Herreweghe
95. Oratoire du Louvre – Leçons de Ténèbres pour basse de Charpentier – MacLeod, Les Ambassadeurs, Kossenko
96. Philharmonie – Mahler, Wunderhorn ; Bruckner, Symphonie n°4 – Gubanova, D. Henschel, OPRF, Inbal
97. Conservatoire de Boulogne-Billancourt – Mendelssohn, Octuor ; Schönberg, Kammersymphonie n°2 ; Poulenc, Sinfonietta – OJIF, Molard
98. Salle Saint-Thomas d'Aquin – airs à une ou plusieurs parties de Lambert, Le Camus… – Š€ašková, Kusa, Il Festino, de Grange
99. Athénée – Maxwell Davies, The Lighthouse – Le Balcon
100. Hôtel de Soubise – Trios de Tchaïkovski et Chostakovitch (n°2) – Trio Zadig
101. Richelieu – Marivaux, Le Petit-Maître corrigé – Hervieu-Léger, comédiens-français
102. Salle Maurice Fleuret du CNSM – Spectacle théâtral et chanté autour de la domesticité – élèves de la classe d'E. Cordoliani
103. Favart – Marais, Alcione – L. Moaty, Concert des Nations, Savall
104. Hôtel de Soubise – Cantates de Clérambault et Montéclair – Zaičik, Taylor Consort
105. Menus-Plaisirs – Écosse baroque, concert de soutenance – Clémence Carry & Consort
106. Salle d'orgue du CNSM – Programme de lieder et mélodrames d'Eisler – classe d'accompagnement d'Erika Guiomar
107. Athénée – Rítsos, Ismène (musiques de scène d'Aperghis) – Marianne Pousseur
108. Saint-Germain-l'Auxerrois – Motets baroques portugais – ensemble Calisto
109. Salle Maurice Fleuret du CNSM – Pelléas, L'Étoile, Cendrillon de Massenet – classe d'ensembles vocaux (Bré, Lanièce…)
110. Salle d'orgue du CNSM – lieder de Schubert, Nuits Persanes de Saint-Saëns, Caplet – (Gourdy, Ratianarinaivo…)
111. Champs-Élysées – Les Pêcheurs de Perles de Bizet – Fuchs, Dubois, Sempey, National de Lille, A. Bloch
112. Champs-Élysées – Pelléas de Debussy – Ruf, Petibon, Bou, Ketelsen, Teitgen, National de France, Langrée
113. Bibliothèque Marmottan – L.-A. Piccinni, musiques de scène (La Tour de Nesle, Lucrèce Borgia) – conclusion du colloque sur la musique de scène en France
114. Bastille – Eugène Onéguine – Decker, Netrebko, Černoch, Mattei, Orchestre de l'Opéra, Gardner
115. Philharmonie – Aladdin de Nielsen, Sept Voiles, Shéhérazade de Ravel, Suite de L'Oiseau de feu – Capitole, Sokhiev
116. Cathédrale des Invalides – Jensen, Rheinberger, J.-B. Faure… mélodies et lieder commémoratifs de la Grande Guerre – classe d'accompagnement d'Anne Le Bozec
117. Philharmonie – Symphonie n°2 de Mahler – Orchestre de Paris, Harding
118. Saint-Saturnin d'Antony – Motets de Buxtehude, Telemann et Bernier – Françoise Masset
119. Saint-Louis de la Pitié-Salpêtrière – du Mage, Clérambault et pièces pour saxophone & orgue
120. Athénée – Déserts de Varèse et Dracula de Pierre Henry réarrangé avec instruments acoustiques – Le Balcon, M. Pascal
121. Salle Fauré du CRR de Paris – Études Latines de Hahn, Liebhabers Ständchen de Schumann… – étudiants du CRR
122. Champs-Élysées – Halévy, La Reine de Chypre – Gens, Droy, É. Dupuis, Chambre de Paris, Niquet
123. Bouffes-du-Nord – Lemoyne, Phèdre – Wanroij, Axentii, de Hys, Dolié, Loge Olympique, Chauvin
124. Favart – récital français en duo : Gluck, Chabrier, Bizet… – Arquez, Bou, Pordoy
125. Studio 104 – Motets de Guédron, Boësset, Constantin, Moulinié – Correspondances, Daucé
126. Maison du Danemark – Contes d'Andersen et leurs mises en musique – Françoise Masset (accompagnée sur guitares début XIXe)
127. Saint-Eustache – Funérailles de Purcell, Reger, Totentanz de Distler – Chœur de l'Orchestre de Paris, Sow
128. Sainte-Jeanne-de-Chantal – Haendel, The Ways of Zion Do Mourn – Le Palais-Royal, Sarcos
129. Favart – Saint-Saëns, Le Timbre d'argent – Devos, Montvidas, Christoyannis, Les Siècles, Roth
130. Temple de Passy – Chœurs de Bonis, Sibelius, Aboulker, Wennäkoski… – échange franco-finlandais de chœurs amateurs
131. Cité de la Musique – Gade, grande cantate Comala – Opéra de Rouen, Équilbey
132. Petit-Palais – Couperin et Bach (suite française) pour clavecin
133. Petit-Palais – Airs et duos de LULLY et Desmarest – Pancrazi, Debieuvre
134. Hôtel de Soubise – Quatuors de Beethoven n°7 et Debussy – Quatuor Akilone
135. Notre-Dame-du-Liban – Chœurs d'inspiration populaire de Saint-Saëns, d'Indy, Schmitt et Poulenc – Chœur Calligrammes
136. Salle des Fêtes de la Mairie du IVe arrondissement – Quintettes à vent de Debussy, Arnold, Barber, Ligeti – Chambre de Paris
137. Cour de Guise – Trios avec piano de Schubert n°2 et Ravel – Trio Zadig
138. Saint-Croix-des-Arméniens – Canzoni de Kapsberger, Strozzi, et Lamento della Pazza de Giramo – Kapsber'girls
139. Collégiale de Mantes-la-Jolie – Pièces pour orgue de Buxtehude, Mendelssohn, Franck et Vierne – Michel Reynard




2. Liste des spectacles non vus

Ce pourrait paraître déraisonnablement rempli, et pourtant, il a fallu renoncer à quantité de spectacles qui paraissaient à peu près aussi appétissants (vie professionnelle ou personnelle, simultanéités de concerts, envie d'autre chose, tarifs, concerts complets, etc.) :

→ musique de chambre de Cartan & Lekeu,
→ les Cantates de Jacquet de La Guerre par La Rêveuse,
→ les chœurs de Franck et Daniel-Lesur,
→ le Philharmonia dirigé par Salonen (Beethoven 3, Sibelius 5),
→ les extraits des Éléments de Destouches,
Dichterliebe avec harpe,
→ Charpentier par les étudiants du Conservatoire de Palerme,
→ cours public de cor ou de direction,
→ trio de Gouvy par le Trio Sōra aux Bouffes-du-Nord,
→ le Second Trio de Mendelssohn par le Trio Sōra à Soubise,
→ le Trio de Tchaïkovski par le Trio Sōra à la cour de Guise,
→ le Trio de Chausson par le Trio Sōra au musée Henner puis à Villecerf (décidément !),
→ Leyla McCalla au violoncelle dans de la musique haïtienne,
→ Ariadne auf Naxos au CNSM,
→ la Neuvième de Mahler par Harding,
→ mélodies de L. Boulanger et Berkeley,
→ musique sacrée de Frémart-Bouzignac-Moulinié par Schneebeli,
→ Neuvième de Beethoven par le Philharmoniue de Bruxelles,
→ récital folk de Weyes,
→ Saint-Cécile de Chausson et le Septuor de Caplet à Notre-Dame,
→ Fidelio par la Chambre de Paris,
→ les monumentales variations de Rzewski sur El Pueblo unido salle Turenne,
→ les musiques de scène de Molière par Lombard, Dumora et Correas.
→ le Quinzième Quatuor de Beethoven par le Quatuor Arod,
→ Rameau par Kožená,
Hänsel und Gretel arrangé pour cuivres et récitant,
Musique pour cuivres et cordes de Hindemith par van Lauwe,
→ récital Desandre-Cochard,
→ trios de Chaminade et Bonis,
→ programme Guy Sacre et Boisgallais,
→ programme d'orgue Letton à la Maison de la Radio,
→ le Songe d'une Nuit d'Été de Thomas par la Compagnie de L'Oiseleur,
The Tempest Songbook de Saariaho par l'Orchestre Baroque de Finlande,
Les Aveugles de Maeterlinck à Vitry-sur-Seine,
Tafelmusik de Telemann au château d' Écouen,
Ce qui plaît aux hommes de Delibes par les Frivolités Parisiennes au Théâtre Trévise,
→ la BBC Wales dans Sibelius 5 à la Seine Musicale,
→ programme Lalo-Dukas-Ravel par Les SIècles,
Médée de Charpentier par Tafelmusik de Toronto et Pynkosky,
→ mélodies de Vierne, Podlowski et Koster par Lièvre-Picard,
Ascension de Messiaen et Widor 6 à Saint-Sulpice,
→ récital Louis Saladin et Salomone Rossi aux Menus-Plaisirs,
Musicalische Exequien de Schütz et motets de la familel Bach par Vox Luminis,
→ Lura dans de la musique du Cap-Vert à l'Espace Cardin,
→ grands motets de Lalande à Versailles,
→ demi-Winterreise de Bostridge & Drake au musée d'Orsay,
→ motets de Charpentier par La Chanterelle,
→ lieder de Weigl à la Maison de la Radio,
→ legs pédagogique du violoncelle français (Franchomme, etc.) au château d'Écouen,
Diva de Wainwright,
→ Cécile Madelin dans des extraits d'Atys au Petit-Palais,
Snegourotchka de Rimski-Korsakov à Bastille (la seule rareté de l'année à Bastille, hors le demi-Hindemith !),
→ récital d'opéra Meyerbeer-Février à la Philharmonie,
→ l'Yriade dans les Stances du Cid à Favart,
Il Signor Bruschino aux Champs-Élysées,
→ piano de Bizet, Saint-Saëns et Brahms par Oppitz,
→ « symphonie en si mineur » de Debussy à la Maison de la Radio,
→ récitals de mélodie Gens-Manoff,
Elisir d'amore avec Poulakis et Lanièce au Théâtre des Variétés,
→ spectacle Les Madelon (Fontenay-le-Fleuyr),
→ Dvořak 9 au piano solo par Mařatka,
La Double Inconstance de Marivaux à Richelieu,
→ madrigaux de Marenzio et Lejeune à la Bibliothèque de Versailles,
→ concert de la Fête de la Musique du Chœurs de l'Orchestre de Paris,
→ deux concerts de musique de chambre incluant Koechlin, au Conservatoire de Bourg-la-Reine,
→ pièces symphoniques de Nováček, Warlock et Delius par van Lauwe,
Rigoletto avec Grigolo et Lučić à Bastille,
Nozze di Figaro avec la Chambre de Paris
→ quatuors de Kodály, Bella et Tansman par le Quatuor Airis au Centre Culturel Tchèque,
→ Tableaux d'une exposition pour quintette à vent à Soubise,
Hippolyte de Garnier au Studio-Théâtre,
L'Écume des jours à la Huchette…
→ et bien d'autres.

Certains font mal à relire, mais je n'avais pas toujours le choix (ni l'envie de vivre aussi reclus qu'en conclave, contrairement aux apparences les spectacles ne sont pas du tout mon activité prioritaire).

Et je ne parle que de l'Île-de-France : on voit la difficulté pour donner, malgré tout, un avis global sur la saison. Il faudrait être beaucoup plus centré sur un répertoire précis, voire s'y mettre à plusieurs, or en cette matière comme en beaucoup d'autres, je ne suis que ma fantaisie…





3. Bilan général et comptes-rendus de concert

    La plupart de ces concerts ont été commentés, je n'ai pas la patience d'aller récupérer plus de cent liens, comme les autres années, mais ils se retrouvent facilement en entrant les mots-clefs dans la boîte de recherche à droite, ou, pour beaucoup, en regardant dans le chapitre « Saison 2016-2017 » (les notules les plus complètes ne sont pas classées là, mais il y a déjà une certaine masse à parcourir).

    En revanche, je commence la remise de prix par le plus important : les œuvres révélées, les plus beaux spectacles de la saison, les compagnies à suivre.



3a. Œuvres découvertes

Je vous renvoie d'abord vers la notule-éditorial de la prochaine saison, qui énumère les nombreux opéras rares remontés cette saison (§B). Saison faste, donc.

les putti d'incarnat L'arrêt des Putti d'incarnat les putti d'incarnat

Suite de la notule.

lundi 5 juin 2017

Échos de mai


Note de service

Les commentaires sur la première partie du mois d'avril-mai se trouvent ici.

Je tente une nouvelle forme, plus économe en temps. Je me suis essayé à de rapides esquisses à la sortie des concerts – non plus globales, mais attachées à quelques détails, assez la philosophie que je peux me faire du commentaire de spectacle, une collection de petits événements, d'évidences jusque là masquées… (plutôt que d'établir si le chef est un génie / un imposteur / un routinier ou si la soprane a un bon professeur de chant)

Depuis le printemps, je publie donc en temps réel (pendant les ouvertures à l'italienne ou les arias à colorature, ça fait passer le temps[1]) une poignée d'impressions après le concert, via le compte Twitter attaché à Carnets sur sol. Et je me dis que c'est au moins aussi intéressant que les impressions globales que je donnais, en résumé global : le format et les circonstances en rendent la rédaction moins soignée, mais ce sont des détails plus précis qui affleurent, sans chercher à parler de tout. Je retrouve la philosophie des tentatives, jusqu'ici toujours un peu frustrantes, d'écrire des instantanés sous le calendrier annuel de septembre, ou bien de nourrir aléatoirement Diaire sur sol.

Par ailleurs (et surtout), comme ces babillages sont déjà écrits, ils me libèrent du temps pour préparer des notules sur des sujets moins éphémères et superficiels, s'il est possible, que mes impressions de spectateur.

Je n'hésiterai pas à ajouter des précisions avec de petites flèches. → Oui, de très petites flèches ! 

Essayons. Comme pour le planning du mois, les avis sur l'intérêt du format sont appréciés.

--

[1] Avant de recevoir des messages d'insultes de visiteurs de passage, je précise l'absence de sérieux de la pointe. Et je dois reprendre (très doucement, c'est toujours suffisant) de plus en plus souvent mes voisins qui traitent leur messagerie pendant les concerts… il faudra vraiment que les salles se mettent à faire des annonces là-dessus.



A. Disques et bandes

Sur le modèle des Carnets d'écoutes, une petite liste succincte d'enregistrements écoutés au fil des jours (très loin d'être exhaustive, juste au gré de ma fantaisie), comme je n'ai plus le temps d'en faire proprement pour CSS. Ça peut toujours donner des idées ou des envies.

Ça se trouve ici.



B. Concerts et représentations


18 mai
Hugo / Dumas : musiques de scène de Louis-Alexandre Piccinni.
Bibliothèque Marmottan à Boulogne-Billancourt.

Le fil complet sur Twitter.

♦ Une arrivée tout juste à temps à la bibliothèque Marmottan de Boulogne pour La Tour de Nesle d' A. Dumas et Lucrèce Borgia de V. Hugo avec leurs musiques de scène !

♦ Longtemps crues perdues, tout juste retrouvées, les musiques de Louis-Alexandre Piccinni, petit-fils illégitime de Niccolò, en réduction :
♦ Flûte, violon, violoncelle, piano. Écrit à l'origine pour un orchestre complet.
♦ Ce sont des ponctuation très courtes, destinées à appuyer un moment de théâtre, sans être non plus spectaculaires (du mode majeur inoffensif).
♦ C'est agréable, mais témoigne une fois de plus du retard constant de la musique sur les esthétiques littéraires :
♦ le Werther de Pugnani fait du Haydn, les mélodrames de Dumas et Hugo du Beethoven de jeunesse, de même Baudelaire par Godard ou Duparc…
→ Voyez la notule consacrée au Werther de Pugnani, musique écrite au XVIIIe siècle !

♦ Sur scène, la démesure et les coïncidences hénaurmes des situations font sourire, mais finissent par fonctionner.
♦ L'équivalent de ces gros films spectaculaires auxquels on finit par adhérer contre toute raison.

♦ Tout cela dans le cadre d'un colloque co-organisé par le @cmb_v sur les musiques de scène.

♦ J'en ai profité pour discuter avec deux doctorants et les interroger sur l'absence de scandale de Meyerbeer
→ en 1830, voir un héros fils du démon culbuter une abbesse damnée sur l'autel d'une sainte tout en dérobant une relique, ça me paraissait raisonnablement suffisant pour susciter une réaction, au moins dans la presse catholique. Et pourtant, que des éloges sur la hardiesse des décors, le pathétique de la situation, la variété de la musique, la prégnance des atmosphères… rien sur la moralité de l'exercice.
♦ Même en province, l'accueil à Robert le Diable fut triomphal, sans beaucoup de réserves morales.
♦ D'après mes interlocuteurs, c'est que la masse critique de jeunes romantiques était déjà suffisante pour peser sur l'accueil des autres.
♦ Je ne suis pas complétement satisfait par la proposition, mais c'est une autre piste qui s'ajoute aux miennes, pas si nombreuses à être satisfaisantes (et sans nul doute moins étayées).
→ Voir la notule détaillée sur la question.

♦ Tout cela confirme que 1) Dumas c'est rigolo (admirable, il ne faut pas pousser) ; 2) décidément pas fanatique des Hugo en prose.
♦ Le grand affrontement avec d'Este est une accumulation minutieuse de toutes les ignominies, c'est l'interminable gibet de L'Homme qui rit.

♦ Pour une version restituée, remarquez que les comédiens voulaient garantir l'accent italien des noms et prononçaient donc… Férraré.



19 mai
Tchaïkovski – Eugène Onéguine – Decker, Netrebko, Abrahamyan, Schwarz, Manistina, R.Gímenez, Černoch, Mattei, Tsymbalyuk.
Opéra Bastille.


Fils Twitter sur l'œuvre et sur l'interprétation


♦ Retour d'Onéguine : que de détails subtils qui fourmillent dans cette parition et qu'on n'entend vraiment qu'en salle !

♦ C'est le paradoxe Tchaïkovski, tellement simple à écouter et tellement sophistiqué à la lecture.
→ Ce serait un autre sujet de notule…

♦ Rien que le début, et tous ces thèmes folklorisants très intuitifs sont en réalité farcis de chromatismes et modulations.

♦ En salle, c'est l'occasion de relever certains détails comme les alliages de bois à l'unisson dont il raffole :
♦ dans les symphonies, c'est plutôt clarinette-basson (profondeur), ici hautbois-clarinette, ce qui procure un halo vibrant au hautbois.
→ Voyez par exemple ce commentaire pour la Sixième Symphonie.

♦ Autre détail, lorsque Tatiana indique Onéguine sans le nommer (он) dans le tableau de la lettre (I,2),
♦ apparaît le motif de son refus (нет! нет!) dans le dernier tableau.

♦ Ou la jalousie de Lenski, exprimée par un court motif hautbois puis cor, qui revient lors de la supplication d'Olga en cor puis hautbois.
→ (acte II, tableau 1 – l'anniversaire de Tania)

♦ Pour le fil sur l'œuvre, c'est là : twitter.com/carnetsol/stat… Pour la soirée de Bastille, c'est ici (y étaient également quelques compères…).
Laupéra ;
Polyeucte-Erik (je veux le même prénom !) ;
ThéâToile (pas pour ThéâToile, mais on ne va pas chipoter).
notes

♦ Je veux Edward Gardner comme directeur musical ! Déjà formidable dans la Première Symphonie avec le @nationaldefce ou au disque dans Walton,
♦ il imprime ici une palpitation et une intensité permanentes, sans jamais se départir d'une forme de maîtrise et de hauteur. \o/
♦ Vraiment un enchantement de tous les instants dans une œuvre aussi riche orchestralement ;
♦ dans l'acoustique exceptionnelle de Bastille pour les orchestres, on ne s'alarme plus trop des petits sémaphores vaguement sonores là-bas.
♦ Fort bons d'ailleurs, Mattei sonne très bien, avec de beaux graves (les sol 1 de son ensemble d'entrée !) et une superbe stature scénique.
♦ Quel contraste avec Tézier qui grommelait ses sons magnifiques dans son coin ; Mattei charismatique, ardent et distant comme son personnage.
♦ La voix de Netrebko est devenue large et très assurée pour un rôle d'innocente timide (sans parler du bronzage glorieux quand le livret la décrit récurremment comme notablement pâle), mais les aigus s'illuminent remarquablement,
♦ et comme la diction de tous est inaudible dans le hangar à bateau, ça passe très bien dans ces conditions. (On ne la dirait pas russe…)
♦ Mon chouchou Černoch paraissait contraint, pas du tout radieux comme dans Rusalka dans les mêmes lieux, j'étais un brin déçu.

♦ Et quelques autres petits plaisirs, les quatre bois solos magnifiques (et un basson à la française aux aigus de cor anglais !),
♦ Gardner qui laisse claquer les timbales avec des têtes dures, de très beaux ralentissements en connivence avec Netrebko…



20 mai
Nielsen, R. Strauss, Ravel, Stravinski par le Capitole, Crebassa et Sokhiev.
Philharmonie de Paris.

Le fil se trouve ici.

♦ En route pour la musique de scène d'Aladdin de Nielsen, pour l'une des pièces majeures d'Oehlenschläger, le grand dramaturge danois.
♦ C'est lui qui transcrit dans le paysage danois, en quelque sorte, l'esprit des Schlegel et de Goethe. @philharmonie
♦ Surpris, à la lecture, de constater qu'Ibsen a beaucoup emprunté à son Håkon Jarl pour sa meilleure pièce, Les Prétendants à la couronne.
♦ Auteur aussi d'une belle pièce sur le Corrège.
♦ Outre Ibsen, on dit qu'il a influencé Scribe ; je n'ai jamais pu vérifier si Hugo l'a lu, mais indéniablement une parenté d'aspirations.
♦ Il est très peu joué et quasiment pas traduit, mais une fréquentation de qualité, à laquelle la musique de scène de Nielsen rend hommage.
♦ La musique de scène complète, enregistrée par Rozhdestvensky (chez Chandos), n'est pas extraordinaire, la Suite fait l'affaire (mais c'est mieux lorsqu'elle est donnée avec chœur ad libitum).

♦ Quelques grands moments bien sûr : le dialogue hautbois-basson de la Danse hindoue qui évoque la Symphonie n°4, la dévastation des prisonniers façon n°5, et l'extraordinaire marché persan polytonal.

♦ Je me suis demandé pourquoi, @ONCT_Toulouse, dans le final de l'Oiseau, les altos et violoncelles en homophonie tiraient-tiraient
♦ pour les uns et tiraient-poussaient pour les autres. Vu le niveau hallucinant, pas une simple divergence des chefs de pupitre ?

Pour le reste, toujours cet engagement impressionnant chez cet orchestre. Pourtant je n'ai pas tout à fait sombré dans la douce hystérie de l'extase musicale, justement parce que cette perfection un peu « internationale » n'a pas autant de saveur pour moi que les petites tensions, les petits accidents d'une formation plus modeste, ou que des couleurs très typées. C'était magnifique néanmoins.

J'en avais aussi touché un mot sur Classik :

Je ne suis pas étonné que Xavier n'aime pas Aladdin, et j'ai trouvé plus de limites à la pièce en vrai qu'au disque, j'en conviens (notamment à cause des basses toujours un peu épaisses chez Nielsen, contrebasses très mobiles mais ça manque d'assise au bout du compte). Néanmoins c'est une très belle œuvre, tirée d'une musique de scène pour Oehlenschläger, le passeur de Goethe au Danemark et le modèle du jeune Ibsen – qui s'est servi du Håkon hin Rige comme de canevas pour ses Prétendants à la Couronne, une de ses meilleures pièces à mon avis. Bref, il faut le voir comme de la musique scénique, et dans ce cadre, je trouve que son pouvoir évocateur est assez puissant.

Par ailleurs, il y a quelques moments de bravoure comme le marché polymodal, même s'il manquait le chœur ad libitum (et j'ai trouvé, ici comme à plusieurs reprises dans le concert, que les trombettes-trombones-tuba écrasaient un peu le reste du spectre, par moment, surtout dans une salle où les cordes sont statutairement défavorisées). C'est quand même remarquablement consistant pour un hors-d'œuvre, par rapport aux jolies ouvertures qu'on nous sert parfois.

Pour l'amplification, je m'empresse de préciser que Marianne Crebassa n'en a absolument pas besoin, et que du même endroit, on l'entendait très bien auparavant. Mais là, ce son très global qui semblait sortir des murs du parterre (simultanément à l'émission du son) était très suspect.
J'étais apparemment assez seul à l'avoir remarqué (en revanche, un autre spectateur m'a dit qu'il y avait eu de la sonorisation manifeste pour l'Orfeo des Arts Florissants…), et la Philharmonie m'a répondu catégoriquement que non, seuls les récitants étaient sonorisés.

C'est étrange, dans la mesure où les instruments traditionnels du concert Savall avait aussi été sonorisés, et où j'avais entendu entendu Crebassa, même salle, mêmes places, de façon très projetée, mais sans cette impression qu'elle a des bouches dans les murs. Vous voyez, vous voyez, je parle déjà comme Maeterlinck… Je ne suis pas pleinement convaincu (et ça m'a vraiment gêné, pas à cause de la sonorisation, mais du résultat moins net qu'auparavant), mais je ne veux compromettre la réputation de personne, donc je ne conteste pas leur réponse (avant plus ample mesure, du moins).



27 avril
Qui a tué la bonne à la tâche ?
Spectacle de la classe théâtrale (Emmanuelle Cordoliani) des étudiants en chant du CNSM.
Salle Maurice Fleuret.


Épatant spectacle au @CnsmdParis autour de la domesticité : beaucoup de très beaux ensembles rares (Le Docteur Miracle de Bizet, Reigen & Miss Julie de Boesmans…),

♦ .@CnsmdParis avec certains de mes chouchous (la subtile M. Davost, le tellurique E. Fardini), et de très belles découvertes (les mezzos !).
→ Je vois au passage, dans le nouveau programme de l'Athénée, qu'Edwin Fardini obtient un récital entier, au même titre que Marianne Crebassa ou Stanislas de Barbeyrac, j'avais confiance en son avenir (les voix graves aussi maîtrisées, et aussi sonores, sont rares !), mais je suis enchanté de le voir se concrétiser aussi vite.

♦ Déjà vu A. Charvet en photo, mais pour les deux autres, je vais mener l'enquête, il manque un nom dans le programme. Bientôt sur CSS.
→ Après enquête : j'avais donc particulièrement aimé le tempérament d'Ambroisine Bré. La voix est un peu douce, pas forcément très grande projection, mais un scène de la scène évident et une très belle musicalité.

♦ Deux heures sans entracte habitées de bout en bout, dans une exploration littéraire et musicale suggestive et très complète ! @CnsmdParis

♦ Ah oui, et c'est redonné aujourd'hui : conservatoiredeparis.fr/voir-et-entend… , à 19h. Deux heures d'explorations réjouissantes !




28 avril
Marais – Alcione – Moaty, Desandre, Auvity, Mauillon, Savall
Salle Favart.

J'ai déjà évoqué les sources et les logiques du livret, l'italianité et le préramisme de la musique, mais pas encore sa tendance au drame continu romantique ni les représentations elles-mêmes.

Sur Twitter :

♦ Jamais vu de chœur au Concert des Nations de Savall (l'Orfeo ne compte pas vraiment). Apparemment ad hoc, excellent français !

♦ Une des choses étonnantes, à Alcione, était que Jordi Savall, qui bat sur le temps, dirigeait aussi tous les récitatifs. Inhabituel.

♦ La Marche des Marins d'Alcione de Marais a vraiment des parentés étonnantes avec Auprès de ma blonde (exactement la même époque).

Au chapitre des surprises, les solistes (Hasnaa Bennani et Marc Mauillon, du moins), chantaient dans les chœurs. Quelle surprise fulgurante que d'entendre la partie de Mauillon (partie de taille, naturellement moins exposée dans les chœurs que les dessus et basses…) faire tonner les contrechants des chœurs infernaux, à l'acte II !

Sinon, globalement, un spectacle qui ne m'a pas démesurément enthousiasmé : la salle de l'Opéra-Comique n'a pas la meilleure acoustique du monde (un peu étouffée) et surtout la scène sans cadre choisie par Louise Moaty laissait les voix se perdre… Cyril Auvity ou Sebastian Monti étaient inhabituellement fluets vocalement, alors que ce soit d'excellentes techniques assez glorieuses pour ce répertoire. Metteurs en scène, vraiment, avoir un mur de renvoi n'est pas un accessoires, ça change tout pour faire porter la voix, et donc l'émotion, des interprètes. Et sans doute pour leur confort vocal – donc pour leur liberté scénique.

Néanmoins, alors qu'il s'agit de l'une des tragédies en musique d'avant-Gluck que j'aime le moins, d'assez loin, je ne me suis pas ennuyé un seul instant et y ai enfin trouvé des clefs d'écoute.



9 mai
Récital de la classe d'ensemble d'ensembles vocaux du CNSM : Pelléas, Chabrier, les Cendrilon.
Salle Maurice Fleuret.


Voir le fil.
♦ Ce soir au : ensembles vocaux tirés des Cendrillon d'Isouard, Viardot, Massenet (duo et scènes du premier tableau du III), plus Pelléas (fontaine et souterrains !) et L'Étoile de Chabrier (quatuor des baisers).

♦ Vous avez eu tort de ne pas venir… Je suis encore tout secoué de ce Pelléas de Marie Perbost, Jean-Christophe Lanièce et Guilhem Worms… au disque, le piano paraît mince,

♦ .@CnsmdParis mais dans une petite salle, le piano de Damien Lehman en révèle toutes les aspérités rythmiques et harmoniques… quel voyage !

♦ (et puis le plaisir plus superficiellement narcissique d'avoir eu raison contre un prof du CNSM sur une question de chronologie)



11 mai
Récital de la classe de lied et de mélodie de Jeff Cohen au CNSM
Salle d'orgue.


Rituel annuel pour moi, l'événement qui m'a rendu indéfectiblement fidèle au CNSM… entendre d'excellents techniciens vocaux pas encore abîmés par les violences de la scène, accompagnés par de vrais accompagnateurs inspirés (et pas leur chef de chant perso ou le pianiste soliste à la mode), dans des programmes variés et souvent originaux. Pour le lied et la mélodie, c'est très rare.

♦ Et puis ce sera @CnsmdParis. Pas de ce soir (et un nouveau venu), mais quel programme !  Nuits persanes de Saint-Saëns, Fables de La Fontaine de Caplet, Songs of Travel de Ralph Vaughan Williams
programme 1programme 2

♦ Superbe découverte d'Olivier Gourdy, les Nuits Persanes incluaient les mélodrames de Renaud, et Pierre Thibout (1,2) toujours aussi prégnant !
→ Les Nuits persanes sont une orchestration / réorganisation des Mélodies persanes de Saint-Saëns, son plus bel ensemble de mélodies. Ici jouées avec piano, mais dans l'ordre du poème symphonique, et avec les parties déclamées sur la musique et les interludes (réduits pour piano).


Olivier Gourdy est un enchantement : une voix grave radieuse et maîtrisée, pas du tout ces beaux naturels frustes qu'on rencontre si souvent dans ces tessitures (l'aigu est très bien bâti, ici). Ses extraits du Winterreise étaient assez forts, et assez exactement calibrés pour ses qualités expressives.



12 mai
Bizet – Les Pêcheurs de Perles – Fuchs, Dubois, Sempey, ON Lille, Alexandre Bloch
Au TCE.


C'était le rendez-vous du tout-glotto parisien – ce qui, en raison de mes mauvaises fréquentations, ne m'a que fort peu laissé le loisir de rédiger quoi que ce soit.

J'ai été tout à fait enthousiasmé par la direction d'Alexandre Bloch : chaque récitatif est ardent, l'accompagnement pas du tout global et un peu mou, mais au contraire calqué sur le drame, tranchant, expansif. Et une gestion des libertés rythmiques des chanteurs qui montre un grand talent de fosse. Le National de Lille n'est pas l'orchestre le plus joliment coloré du monde (toujours un peu gris), mais il compense totalement par cette énergie, en faisant des Pêcheurs un drame palpitant plutôt qu'une jolie carte postale (extrême-)orientalisante.

Côté glottologie :
Julie Fuchs gère remarquablement l'élargissement de sa voix, sans sacrifier la diction ni la couleur, avec beaucoup de naturel – je ne me figure pas le travail gigantesque que ce doit être pour passer aussi promptement des coloratures les plus légers à de vrais lyriques.
Cyrille Dubois est un peu limité par la puissance, mais la qualité de la diction est, là aussi, très bonne. Je trouve qu'il ajoute un peu de patine à sa voix, la projette moins franchement, pour semble un peu plus lyrique, mais rien de bien méchant. Et les glottophiles purulents (pourtant très nombreux dans la salle) ont grandement acclamé son air malgré la nette rupture vers le fausset de sa dernière phrase. Si même les glottophiles-héroïques se mettent à s'intéresser à l'essentiel, le monde peut peut-être être sauvé.
¶ Agréable surprise chez Florian Sempey, dont j'ai déjà eu l'occasion de dire qu'il incarnait assez exactement une façon de (bien) chanter que je n'aime pas, du tout : voix trop couverte (ce qui abîme la diction, aplanit son expression et limite sa projection), une seule couleur vocale, nuances dynamiques très limitée (du mezzo-piano au forte, pas beaucoup plus), postures de fier-baryton assez univoques… Pourtant, dans le rôle payant de Zurga, qui a depuis toujours – comme en atteste ceci, gribouillé alors que je n'avais pas dépassé ma vingtième année… – attiré mon plus grand intérêt, je remarque au contraire qu'il fait l'effort de moins couvrir le haut de la tessiture, ce qui réinsuffle de la couleur et limite les aigus. D'une manière générale, le personnage, sans disposer d'une gamme de nuances infinies, fonctionne bien, pas du tout de frustration cette fois-ci, même si je pourrais citer des dizaines d'autres titulaires plus à mon gré (et moins chers).

Schadenfreude assumé : Sempey fait une grosse contre-note (à vue d'oreille un la, un si bémol, quelque chose comme ça, d'un peu exceptionnel pour un baryton) à la fin d'une pièce collective (il faut que je réécoute la bande pour redire laquelle)… il prend la pose et attend les applaudissements… tandis que le public, qui n'est pas sûr de devoir applaudir à chaque numéro, hésite et ne se décide pas. C'était cruel, parce qu'il réalisait vraiment un joli exploit, mais j'avoue que j'étais assez content qu'il ne soit pas récompensé pour étaler de la glotte pure. (Très beau succès aux saluts au demeurant, et assez mérité.)

    Très belle soirée, et en réécoutant cette œuvre (celle que j'ai le plus vue sur scène, je m'aperçois, à égalité avec le Vaisseau fantôme et Così fan tutte !), je suis une fois de plus saisie par l'absence absolue de superflu : tout est marquant, intense, inspiré, pas une seconde ne paraît un pont simplement nécessaire, un petit remplissage statutaire. Peu d'œuvre ont cette densité en mélodies incroyable, cette variété de climats, tous superlatifs, qui s'enchaînent. Même dans les airs, souvent le point faible en la matière, rien à moquer – « Me voilà seule dans la nuit » est même à placer au firmament de tous ceux écrits. C'est encore le duo d'amour que je trouve le moins renouvelé.
    Elle est revenue en grâce, j'ai l'impression, après une éclipse dans les années 70 à 2000 avec l'internationalisation du répertoire, et cette fois-ci en grâce à l'échelle du monde… Ce n'est que justice, je ne vois pas beaucoup d'opéras français du XIXe siècle de cette constance – que ce soient les tubes comme Faust ou les gros chefs-d'œuvre comme Les Huguenots. Et particulièrement accessible avec ça.



15 mai
Debussy – Pelléas et Mélisande – Ruf, ONF, Langrée
Au TCE, avec Petibon, Bou, Ketelsen – et Courcier, Brunet, Teitgen.



● Réaction sans ambiguïté sur Autour de la musique classique
DavidLeMarrec a écrit :
Pour l'instant, étrangement, ça ne m'a toujours pas bouleversé en salle… [...] Non, même Braunschweig, c'est vraiment l'œuvre qui ne prend pas. Au piano (alors que je n'aime pas Pelléas au piano d'ordinaire) ça passait bien mieux lors d'extraits entendus mardi au CNSM… c'est assez étrange. 

Je tâcherai de me placer au-dessus de la fosse pour profiter de l'orchestre, au TCE, on verra si ça change quelque chose.
En effet. Je suis sorti complètement euphorisé de l'expérience, chantant les répliques des cinq actes dans le désordre dans les rues parisiennes… Rolling Eyes

Distribution vraiment parfaite pour les six principaux, orchestre incroyablement intense, mise en scène sobre, adaptée au lieu (angles de vue réduits), pas mal vue… et puis la musique et le texte, toujours immenses.

C'était une orgie du début à la fin. Je ne veux plus jamais écouter de musique, voilà, c'est fini.

La conversation se poursuit :

● [Bou]
J'étais étonné qu'il chante encore Pelléas à ce stade de sa carrière, alors qu'il fait beaucoup de rôles de barytons graves, voire de basses baroques. Donc j'étais enchanté de l'entendre : et le côté très mâle de la voix est compensé sur scène par son allure juvénile – j'ai totalement acheté le côté postadolescent.

Pour les aigus, c'est vrai, c'est étonnant, la voix est magnifique et extraordinairement épanouie dans les aigus, jusqu'au sol 3, très facile, sans aucune fatigue… mais les sol dièses sont difficiles, presque escamotés, et les la 3 ratés en effet. Mais honnêtement, je m'en moque… ces la ne sont pas forcément des points culminants, et le second, amené par une phrase entière en fausset, s'intègre très honnêtement au reste.

● [Ketelsen]
La voix perd en impact lorsqu'il chante fort, se plaçant plus en arrière et couvrant beaucoup, mais sinon, c'est vraiment du cordeau. Hier soir, un mot manquant (pas le seul, pas mal de décalages, Petibon et Teitgen, surtout – quelques-uns vraiment évident, mais sinon, difficile de faire autrement, sur scène dans cette œuvre) et un déterminant changé (« le » au lieu de « mon », quelque chose comme ça…), c'est tout. Diction immaculée, vraiment digne d'un francophone, voix franche… un peu sombre pour mon goût personnel, mais vraiment au-dessus de tout reproche, et très convaincant, même physiquement dans son rapport à la mise en scène.

● [Petibon]
J'aurais cru que tu n'aimerais pas ces sons droits (à un moment, elle fait même un son droit qui remonte, à la manière des « ah ! »
de la tragédie lyrique Very Happy ), mais oui, tout est très maîtrisé. J'aime moins la voix que Vourc'h, mais en salle, elle m'a plus intéressé, comme plus libre – possiblement parce que j'étais beaucoup plus près.

C'est vrai qu'elle chante le rôle depuis longtemps, en plus (j'ai une bande au NYCO au début des années 2000, avec piano). Elle a beaucoup mûri sa voix et son personnage (pas aussi intéressant à l'origine, évidemment).


 Pour moi, on peut déjà considérer, si on ne regarde pas aux quelques notes manquantes chez Bou ou décalées chez les autres, qu'on est dans la perfection, si on considère le résultat. Souvent, il y a un chanteur un peu moins bon (ici, c'était Arnaud Richard en berger et médecin, ce n'était pas bien grave), quelque chose qui ne prend pas. Non, vraiment pas ici. Et l'orchestre était l'un des plus beaux que j'aie entendus dans l'œuvre, peut-être même le plus beau, le plus intense, le plus détaillé.


Ou sur Twitter, avec peu de détail mais une petite #PelléasBattle avec plein de citations.

♦ Ce soir. Pelléas. @TCEOPERA. Ce n'est pas ma fauuuuute ! (C'est quelque chose qui est plus fort que moi.)
♦ « Et la joie, la joie… on n'en a pas tous les jours. » @TCEOPERA  

♦ Mais tout est sauvé ce soir. Quelle musique, quel texte, quel orchestre formidable ( @nationaldefce ), quel plateau parfait !
♦ Même la mise en scène de Ruf, très sobre, bien conçue pour ce théâtre, fonctionne parfaitement. Et Langrée respire l'expérience partout.
♦ Assez hystérisé ce soir ; et déjà une demi-douzaine de notules en vue sur plein de détails. \o/

♦ Complètement euphorisé, je chante les répliques des cinq actes dans le désordre dans les rues de Paris…

Yniold exceptionnel, déjà, et tous les autres aussi, à commencer par l'orchestre. Ce hautbois solo, ce cor anglais, ces cors, ces altos !
@OlivierLalane @ChrisRadena L'illusion était remarquable : à côté, même Julie Mathevet, c'est Obraztsova !
@guillaume_mbr Il faut dire que le V est toujours un peu tue-l'amour, et que Langrée réussit paradoxalement plus de continuité dans lII,4 que le IV,2 !

♦ Mais même au V, la séquence de Golaud insoutenable, et cet ut dièse majeur final dont on voudrait qu'il ne finît jamais !

♦ Hou-là, hier soir, le compte du @TCEOPERA ressemblait à mon journal intime !
pic.twipic.twitter.com/bwcfK5Pr9R

♦ Pelléas, c'est un comme les épisodes de Star Wars, farci d'Easter eggs pour les fans… le nombre d'autoréférences discrètes, incroyable.
♦ Et les fans sont tout aussi fanatisés, bien sûr. Avec raison. (Pas comme avec le poète du dimanche Wagner.)

♦ Bien, je vous laisse, je dois arranger mes cheveux pour la nuit. (Pourquoi avez-vous l'air si étonnés ?)



24 mai
Mahler, Symphonie n°2, Orchestre de Paris, Daniel Harding.
À la Philharmonie de Paris
.

Une conversation a eu lieu sur Classik :

Au chapitre des anecdotes, A. Cazalet a couaqué, pané et pigné tout ce qu'on voudra, comme quoi être méchant n'est pas gage de qualité artistique. (Je dis ça je dis rien.)

Après Cologne, passage par la Philharmonie, donc. J'ai beaucoup aimé la conception de Harding, des cordes très mordantes (j'aime beaucoup dans l'absolu, mais c'est véritablement salutaire dans cette salle où elle sont statutairement défavorisée), des détails très lisibles, une battue bien régulière et un tempo rapide. C'était même un peu droit à la fin, sans ruptures de métrique spectaculairement audibles, mais très beau néanmoins sur l'ensemble du parcours – de loin le plus beau premier mouvement que j'aie entendu, peut-être même en incluant disques et bandes.

Seule petite frustration très évitable : l'orgue distrait trop à la fin, et couvre le chœur, ça enlève l'impression d'apothéose patiemment bâtie et se fond mal avec le reste. Par ailleurs trop fort, pas adroitement registré, ça ne fonctionnait pas et empêchait de s'intéresser simpement à la fin – un peu comme ces percussions exotiques que tout le monde regarde au lieu d'écouter la musique…

Mais enfin, c'était excellent, le moelleux des trombones (et du tuba, on n'a pas tous les jours de beaux tubas !), le hautbois solo très présent, les fusées de cordes extraordinairement nettes, l'impression d'un ensemble vraiment engagé, d'une progression permanente… J'ai trouvé l'orchestre encore meilleur que sous Järvi.

Et l'œuvre, je n'en dis rien parce que ceux qui vont poster dans ce fil ou le lire l'ont tous dans l'oreille, mais c'est bien beau tout ça.


Sur l'orgue spécifiquement :

J'ai trouvé ça étonnant aussi, mais à mon avis c'est difficile à régler dans cette salle (sur le côté du second balcon de face, j'entendais clairement plus l'orgue d'une oreille que d'une autre), et surtout ça tient à l'instrument de type néoclassique : il n'y a pas l'épaisseur d'un bon Cavaillé-Coll, c'est tout de suite translucide, des sons blancs qui traversent l'orchestre et se fondent mal.

D'une manière générale, de toute façon, je n'aime pas ces ajouts d'orgue dans les finals : ça détourne l'attention, et ça prive finalement de l'essentiel (pour quelques pauvres accords plaqués qui figurent déjà dans l'orchestre et le chœur…). Le moment où l'humanité du chœur advient, on nous met une grosse bouse au timbre complètement distinct par-dessus, et entrecoupée de silence, difficile de rester dans la musique.

Donc ce n'est pas tant la faute de Harding à mon avis, mais ce n'est pas pire que si mon voisin avait un peu gigoté à ce moment, ça ne ruine pas non plus un concert.



25 mai
Motets de Buxtehude, Bernier et Telemann par Françoise Masset.
À Saint-Saturnin d'Antony


♦ Mission Françoise Masset <3 cet après-midi, avec Bernier, Buxtehude (un motet-chaconne) et Telemann, à Antony.
→ Avec les deux violonistes du quatuor Pleyel.

♦ Nous sommes 3 spectateurs dans la salle et ça commence dans un quart d'heure. #oh

♦ J'aime beaucoup le tout jeune gothique de Saint-Saturnin.

♦ Finalement s'est rempli au dernier moment, plutôt bien. Diction toujours incroyable et l'aigu toujours aussi lumineux. <3

♦ Motet de Bernier qui mélange les sources liturgiques, traitement très virtuose et italien, pas le Bernier que j'aime le plus.


♦ En revanche, Telemann extraordinairement expressif, et Buxtehude débridé (une chaconne à quatre temps en feu d'artifice !).



C'est épatant : Françoise Masset a toujours eu un timbre avec une belle clarté sur une sorte d'appui blanchi, comme une voix mûrissante, et il n'a pas bougé d'un pouce depuis ses débuts. Et toujours ce sens particulier de la diction.



28 mai
Orgue baroque français, contemporain français, et improvisations saxophone-orgue.
Chapelle Saint-Louis de la Pitié-Salpêtrière.

Concert du Mage / Clérambault et improvisations saxophone-orgue à Saint-Louis de la Pitié-Salpêtrière.

♦ Orgue vraiment difficile (un peu grêle, plusieurs jeux à réharmoniser),


♦ et on sent (inégalité et agréments) que ce n'est pas le répertoire premier de l'organiste. Néanmoins chouette alternance !

♦ Pas adoré la pièce d'Yves Arques : Décroissance ne figure guère son programme (économique !), et n'apporte pas grande substance musicale.
En revanche, Noire Acmé de Tom Georgel, sorte de rondeau modernisé, est immédiatement opérant, et très agréable.

♦ Malgré ses appuis nettement écrits, la Chaconne de Buxtehude flotte comme un canevas harmonique brahmsien ; pas évident de jouer sur cet orgue.
♦ Les tuilages de la Canzone de Bach, est-ce une question de pratique, sont beaucoup plus nets et mieux registrés.

♦ Dans ce plan en étoile un brin labyrinthique, on trouve aussi un orgue de chœur dans un coin (mais pas d'antiphonie possible).

Ultima latet – la dernière heure t'est cachée. La maxime oklm dans un hoſpital.


Et d'autres remarques sur l'iconographie du lieu dans le fil Twitter correspondant.



2 juin
Déserts de Varèse et Dracula de Pierre Henry.
Le second dans une version ré-instrumentalisée (à partir des bandes magnétiques d'origine)
.

À nouveau tiré du fil Twitter :

♦ Si vous devinez dans quel théâtre je suis ce soir, je vous respecte. pic.twipic.twipic.twipic.twitter.com/2e2vVMfoIQ


♦ C'était donc le @theatreathenee, au détour d'une issue de secours qui n'est manifestement destinée qu'au péril imminent. Quel dépaysement !

♦ Toujours aussi indifférent à la partie bande de Déserts de Varèse. La partie instrumentale, tant copiée depuis, très impressionnante.
♦ En revanche je la trouve plus agréable en retransmission que dans un petit théâtre (toujours fort volume !).
♦ C'est aussi le risque de monotonie avec les pièces sans discours harmonique repérable (malgré les échos de strates / motifs / timbres).
♦ Néanmoins, je suis très content, je voulais découvrir l'œuvre en salle depuis longtemps et ça fonctionne plutôt bien.

♦ Je suis à présent en train d'écouter l'arrangement pour ensemble de Dracula de Pierre Henry… à l'extérieur de la salle !


♦ Tuba contrebasse à fond, grosse caisse permanente, et surtout le son blanc des haut-parleurs. Même derrière les portes, ça fait mal !
♦ J'avais été avisé de me placer à l'écart, je n'ai pas été piégé !
♦ Et puis ce n'est pas comme si je perdais la subtilité extraordinaire de la musique d'Henry :
♦ serviles ressassements des préludes de Siegfried et Walküre, avec ajouts de petits bruits d'oiseaux ou de clochettes,
♦ saturation permanente de l'espace sonore… cela manque tout simplement d'esprit, un comble quand on utilise Wagner.
♦ On croirait qu'Henry s'est arrêté aux disques d'ouverture et n'a jamais vraiment écouté Wagner pour jouer les mêmes scies très peu variées !
♦ Seul micro-moment de grâce, la fin de l'orage de la Walkyrie, où « Wes Herd dies auch sei » est esquissé par un piou-piou. Sourire.
♦ Je ne quitte *jamais* un spectacle avant terme, hors contraintes physiques majeures,mais devoir écouter la fin de l'extérieur, jamais fait !
♦ Voilà que c'est pareil pour le Crépuscule, on dirait qu'il n'a écouté que le début du Prélude du Prologue. |:-|
♦ Et je commente en direct le concert à la manière des événements sportifs, une première aussi ! :o
♦ En attendant la fin – comment peut-on rendre Wagner si gras et si trivial ? (la réponse pourrait contenir le mot tubas) –
♦ Comble de pied-de-nez, la pièce s'achève juste avant un moment parfait pour ces nombreux cuivres,
♦ sur un accord non résolu, celui qui précède l'éclatement du thème du Walhall dans Rheingold.



22 mai
Récital de la classe d'accompagnement vocal d'Anne Le Bozec.
À la
cathédrale Saint-Louis des Invalides.


Le fil Twitter peut en être suivi ici.

♦ Invalides : récital de lied (classe d'accompagnement A. Le Bozec @CnsmdParis) déplacé dans la cathédrale pour cause de courses automobiles !

♦ Étonnant, quantité de gens « importants » (musiciens, journalistes célèbres) dans l'assistance, pour un récital d'accompagnement du CNSM.
♦ (quand ce n'est pas aux Invalides, la nature de l'auditoire est assez différente)

♦ Saint-Louis-des-Invalides

♦ Putti au cimier.

♦ Autoportrait à ma mesure.


♦ Programme incroyable aux Invalides, donc, avec les petits du @CnsmdParis : lieder-mélodies de Rheinberger, Jensen, Saint-Saëns, Chausson…
→ [Lien vers le programme : pic.twipic.twipic.twitter.com/ueP72L13zC]
♦ Des Wagner en français, des pièces de circonstance évoquant la défaite de 70… et tout cela remarquablement joué.
♦ Même la pièce de J.-B. Faure n'est pas son tube Les Rameaux (mais tout aussi simple et persuasif !).


Un programme épatant : mélodies et lieder de Liszt, deux Wagner en français, Cornelius, Jensen, Rheinberger, Saint-Saëns, Bizet, Massenet, Duparc, d'Indy, Chausson… à quoi s'ajoutaient les Souvenirs de Bayreuth de Fauré & Messager (sans reprises, mais intégraux, joué comme de la grande musique par Jean-Michel Kim et Simon Carrey !) et, sommet de l'ensemble, cette chanson de Jean-Baptiste Faure – grand baryton, et compositeur simple et efficace dont on a beaucoup joué (moi inclus) sa mélodie sur Les Rameaux (une faveur qui se poursuit chez les anglophones). Ici, Pauvre France !, une évocation cruelle de la défaite de 1870, avec sa Marseillaise en lambeaux.

Outre mes chouchous vocaux (le glorieux Edwin Fardini, la délicate Cécile Madelin, la prometteuse Makeda Monnet, le moelleux de Brenda Poupard…) dont j'ai eu plusieurs fois l'occasion de parler, l'occasion d'apprécier les accompagnateurs, tous excellents sans exception. Quelle différence avec les sous-pianistes de jadis, qui n'exprimaient rien d'autre que la terreur de couvrir la voix du soliste.

Parmi cette excellente troupe, de belles choses à signaler plus particulièrement : ainsi Jeanne Vallée manifeste une précision miraculeuse dans l'accompagnement, toujours exactement au même endroit que sa chanteuse, même dans les parties librement déclamées ; ou bien Cécile Sagnier, pour de belles constructions sonores – un beau crescendo enveloppant dans le « Tournoiement » des Mélodies persanes (encore !) de Saint-Saëns.

Et surtout Célia Oneto Bensaid, déjà une très grande : des traits (et ces petites anticipations de basse caractéristiques) dignes des pianistes solistes dans le Liszt virtuose de Die drei Zigeuner, qui n'empêchent nullement une transparence très articulée, jusque dans l'insignifiant accompagnement harpé de la Romance de Mignon de Duparc où la transparence absolue et la finesse de l'articulation forcent le respect… le tout déposé sur un son d'une très grande classe. Un accompagnement de cette qualité dispense quasiment de disposer de bons chanteurs, rien que l'écouter nous raconte tous les mots du poème.




C. Absences

Pour être encore un peu plus long, je mentionne que je n'ai pas pu tout faire : j'aurais voulu voir Tafelmusik à Écouen par des membres du CNSM, Ce qui plaît aux hommes de Delibes au Théâtre Trévise par les Frivolités Parisiennes, la Cinquième Symphonie de Sibelius par la BBC Wales à la Seine Musicale, le programme Lalo-Dukas-Ravel des siècles, la Médée de Charpentier par Pynkosky et Toronto, le programme Vierne-Podlowski-Koster de Vincent Lièvre-Picard au Conservatoire de Fresnes, l'Ascension de Messiaen et la Sixième Symphonie de Widor à Saint-Sulpice, Louis Saladin et Salomone Rossi par un chantre du CMBV aux Menus-Plaisirs, l'Exquien de Schütz et des motets de la famille Bach par Vox Luminis, Lura à l'Espace Cardin, les grands motets de Lalande par Dumestre et Šašková à la Chapelle Royale, le demi-Winterreise de Bostridge-Drake avec du Britten au Musée d'Orsay, Charpentier par La Chanterelle et Martin Robidoux, entendre enfin l'ensemble vocal explorateur Stella Maris…

J'avais même prévu de marcher 15km aller (et autant retour) pour voir le trio chouchou Sōra dans Chausson (et Kagel et Ravel) à Villecerf, loin de tout réseau hors transport scolaire, mais par les premières grosses chaleurs (30°C ce jour-là, et sur terrain découvert), ce n'était pas raisonnable.

Mais, pour des raisons de simultanéité / prix / disponibilité professionnelle / circonstances / envie, j'ai dû me contenter du (déjà trop large) contenu exposé ci-dessus.



D. Balades

Enfin, puisque la saison s'y prête, j'ai aussi mené quelques périples sylvestres (souvent nocturnes) dont certains commentés : la rencontre de Jeanne Poisson en forêt de Sénart, le bois des Roches de Saint-Chéron (avec un bout d'Exposition Universelle), la voie Louis XIII en forêt de Verrières, ou encore dans les champs de blé de la plaine de France, seul au milieu des sangliers (périple complet)…



Voici pour ces points d'étape. À bientôt pour de nouvelles aventures !

lundi 29 mai 2017

[Sursolscope] – programmes possibles de juin 2017


Puisque je n'ai pas le droit de m'en abstraire (oui, on m'a crié qu'on m'aime, et je bougonne, parfaitement), voici quelques petites recommandations pour le mois de juin à Paris et un peu au delà, avant de basculer dans l'univers assez différent des concerts d'été.

Cette fois encore, pour des raisons de praticité, je me limite à une petite expansion de ce que j'ai déjà collecté pour mon usage personnel, donc en région Île-de-France essentiellement. La sélection ne se limite pas à Paris ou, du moins, est faite après la lecture des programmes de la plupart des salles de la région – en musique en tout cas, puisque l'offre de théâtre est tellement incommensurable que je me limite à indiquer quelques-unes de mes marottes.

Je proposerai plus tard un retour sur les différents concerts vus en mai et non couverts par la dernière notule de bilan. C'est que je souhaite, comme déjà exposé, limiter le temps passé à la chronique du temps pour explorer plutôt les œuvres, comme fait récemment avec Alcione de Marais, le théâtre de marionnettes de Maeterlinck, les musiques de scène de Chausson ou le répertoire du triangle… Le temps d'écriture étant structurellement limité (ne serait-ce que par le temps passé à voir les spectacles, et à écouter les disques, à lire les partitions… et par tout le reste d'une vie), autant le faire porter sur des domaines où l'offre est moins abondante que le commentaire de spectacles.

En rouge figurent les concerts qui me paraissent particulièrement prometteurs – je n'irai pas nécessairement, mais je suis confiant sur l'intérêt des œuvres et/ou le résultat.





juin 2017
Ou bien, une autre possibilité d'activité en juin.
(Clairière française stéréotypique, presque caricaturale,
 trouvée à l'Est de Saint-Chéron –
pris le 13 mai dernier à 19h21, si vous êtes curieux.)






Baroque italien

☼ Madrigaux de Marenzio, Luzzaschi, Le Jeune, Monteverdi et Flecha pour le récital de fin d'études d'une chantre du CMBV (voix de dessus). Bibliothèque municipale de Versailles, le 21 à 19h.

☼ Vêpres de Monteverdi par Pichon le 11 à la Chapelle Royale de Versailles. En avant les couleurs !

☼ Concert de fin d'études d'un chantre du CMBV (haute-contre) dans des œuvres (rares) de Salomone Rossi et Louis Saladin. Hôtel des Menus-Plaisirs (Versailles), le 30 mai à 19h. Gratuit.





Baroque français

♥ Concert de fin d'études d'un chantre du CMBV (haute-contre) dans des œuvres (rares) de Salomone Rossi et Louis Saladin. Hôtel des Menus-Plaisirs (Versailles), le 30 mai à 19h. Gratuit.

Airs de cour Louis XIII par l'ensemble Correspondances : Constantin (l'un des compositeurs du Ballet de la Nuit), Boësset et Moulinié. Le 11 à 18h30, Maison de la Radio.

Airs de cour de Lambert et Charpentier par l'Yriade et son directeur musical Cyril Auvity. Opéra-Comique, le 16.

♥ Grands motets de Lalande à la Chapelle Royale les 30 et 31 mai. Pas les plus intéressants à mon sens, incluant notamment le fameux Te Deum, loin d'être son œuvre la plus rafinée comme le Confitebor ou surtout le miraculeux Jubilate Deo omnis Terra, enregistré une seule fois par Colléaux, jamais réédité ni réenregistré. Mais c'est le Poème Harmonique qui officie, et avec littéralement les meilleurs : Šašková, Negri, Auvity, Clayton, Morsch !

♥ Charpentier sacré aux Blancs-Manteaux le 1er : Messe des morts, Te Deum, Dixit Dominus, par le chœur amateur La Fontenelle, préparé toute l'année par l'excellent spécialiste Martin Robidoux. Seul obstacle : le prix, 20 à 25€ pour un chœur amateur (et des œuvres qui ne sont pas, hors du Dixit Dominus, si rares).

♥ Rattrapage possible pour Alcione de Marais, donnée à l'Opéra Royal de versailles le 9 et le 11.

♥ L'Ode de Fortune de Pancrace Royer par une basse-taille chantre du CMBV (récital de fin d'études) le 7 à 19h, à l'Hôtel de ville de Versailles. Gratuit.





XVIIIe siècle

Royer et Duphly, les aspects spectaculaires puis galants du clavecin du milieu du XVIIIe siècle par les élèves du Conservatoire du VIIe arrondissement, à l'Hôtel de Soubise, le 28.

□ Immanquable, la résurrection de la Phèdre de Lemoyne, l'un des grands succès de la période post-gluckiste, un compositeur dont on n'avait encore rien. Aux Bouffes-du-Nord, Julien Chauvin la remonte en version de chambre pour 4 chanteurs et 10 instruments. Sa dernière tentative dans ce genre, pour Atys de Piccinni (mais en plus seulement sous fortme d'extraits), était un enchantement. Du 8 au 11 juin, tarif unique de 30€.

□ Amandine Beyer et du pianoforte, dans Mozart et Dussek notamment. Seine Musicale, le 24 à 16h30.





Opéra romantique français

† La Princesse de Chypre d'Halévy le 7 au TCE (Gens, Niquet). L'œuvre (je l'ai jouée, il y a lontemps) n'est pas le plus grand Halévy, clairement, loin des fulgurantes, même ponctuelles, de La Juive ou de Charles VI (« jamais en France, jamais l'Anglais ne règnera »), mais les récitatifs sont fermement prosodiés et les ensembles nombreux. Ensuite, mélodiquement et harmoniquement, l'ensemble est un peu chiche : ça ne ressemble pas à du belcanto romantique, mais ce n'est pas forcément beaucoup plus complexe – les altérations, il faut les attendres. Comme l'action avance bien et que sa construction générale tend justement à exalter le naturel et le théâtre, ce devrait très bien fonctionner en salle.
J'y serai, mais je vends deux (bonnes) places au-dessous des prix du marché (25€ au lieu de 30).

† Airs d'opéra français par Brahim-Djelloul, Guèze, Sempey, pas forcément la fête vocale pour les deux derniers, mais une très belle sélection Rossini, Meyerbeer, Halévy, Thomas, Delibes, Chabrier, Reyer, Messager, Hahn, Saint-Saëns… Je bouillonne du détail de ce qu'on pourrait donner – même si je crains qu'une partie soit confisquée par des airs virtuoses plutôt que par des trios, surtout considérant l'intitulé diva et la conception co-confiée à Brahim-Djelloul (les autres étant décrits comme des compléments)… Accompagnement par Pasdeloup, le 11 à 16h30.
[Oh, mais je vois que Julien Dran remplace Sébastien Guèze, excellente nouvelle, même si je me demande ce qu'on pourra en entendre au fond de la Philharmonie – enfin, vu que les derniers « réglages » rendent les voix immenses, peut-être pas.]

† Récital d'opéra français pas trop fréquent (Chabrier notamment) par Arquez et Bou à l'Opéra-Comique, accompagnement au piano. Devrait être très intense par ceux-là.

Le Timbre d'argent de Saint-Saëns, que je n'ai jamais écouté ni lu (mais les opéras de Saint-Saëns sont tous excellents). Je l'ai déjà dit, j'attends beaucoup Frédégonde, qui a l'air très beau à la lecture, d'une richesse plutôt comparable aux Barbares, mais Agnès Terrier nous le survend comme l'un des meilleurs livrets de tous les temps, et comme une œuvre d'une densité musicale particulière, alors je tâche de ne pas trop lâcher la bride à mon exaltation et me contenterai d'être au rendez-vous la bave aux lèvres.





Musique de chambre romantique et postromantique

→ Les grands standards de la guitare : Weiss (transcrit, mais comme le luth s'écrit aussi en tierces et quartes, les doigtés demeurent comparables), Giuliani (dont la naïveté gracieuse ne manque pas de séduction), Albéniz, Piazzolla, Hôtel de Soubise le 17.

Le violoncelle français du XIXe siècle au château d'Écouen le 10. Franchomme & friends, je suppose, je n'ai pas encore le programme, mais c'est manifestement dans une perspective un peu érudite, par des musiciens du CNSM, ce devrait être intéressant. Gratuit sur réservation.

→ Festival Bru Zane de musique de chambre aux Bouffes du Nord. Très appétissant, mais cher pour de la musique de chambre (25€, c'est plutôt de l'entrée de gamme pour de l'opéra dans les grandes maisons), alors que l'offre est déjà riche dans la capitale, donc je ne recommande qu'avec mesure, même si les interprètes sont remarquables. Quintette de La Tombelle le 12, Trio de Gouy par le Trio Sōra le 15, récital Gens-Manoff le 16…
[Le Trio Sōra joue un quatuor de Gouvy, puis se mêle à d'autres musiciens pour des œuvres (un peu) moins rares : Lekeu, Chanson perpétuelle de Chausson. Dans le cadre du festival Bru Zane aux Bouffes du Nord – toujours le même problème du tarif élevé concernant les standards de la musique de chambre à Paris, mais ce sera magnifique.]

Variations de Bizet (impressionnantes), Appassionato de Saint-Saëns, Rhapsodies de Brahms et Prélude, Choral & Fugue de Franck par Oppitz salle Turenne le 16. Décidément, après Rzewski plus tôt dans la saison, le lieu de la virtuosité alternative au piano.

→ Quintettes de Brahms et Castillon au Musée d'Orsay le 13 à 12h30. Avec Heisser et le Quatuor Cambini Paris (sur instruments anciens, Julien Chauvin premier violon).

Quatuors de Beethoven (n°7) et Debussy par le Quatuor Akilone. Hôtel de Soubise, le 24.

→ Lucas Debargue, un des jeunes pianistes très intéressants même dans les répertoires rebattus, à la fois virtuose, exécutant très structuré et doté d'une réelle personnalité musicale, joue un programme Schubert-Szymanowski à l'église d'Auvers-sur-Oise, le 29 à 21h.

→ Concert de quatuor au musée Moreau (le 13) : Beethoven 10 et Bartók 5 – mais par des membres de l'Orchestre de Paris, c'est-à-dire avec une habitude (et un nombre de répétitions surtout !) moindre que chez les ensembles constitués, même de faible renom (j'avais été frustré par leur Schumann-Kurtág, mais ce reste valable pour la plupart des quatuors d'orchestre).





Lieder et mélodies

♪ Programme soprano-guitare avec Julia Jérosme à L'Isle-Adam (21h) le 22. Paganini, Giuliani, Mertz, Tarrega. (20€.)

Wagner (Wesendonck), Brahms, Gounod, Duparc, Chausson (Chanson perpétuelle), par Deshayes et Cassard salle Turenne, le 9.

Lieder de Weigl (un bon symphoniste post-romantique, assez spectaculaire) à la Maison de la Radio le 10 à 16h. Couplage (pour remplir, mais pas aussi utile), avec la Nuit transfigurée (celle de Schönberg, hélas).

♪ Pour ceux qui se se le demandaient, le programme d'Anja Harteros a enfin paru : Schubert, R. Strauss, Berg, pas que des scies au demeurant, mais mon pari insensé « comme son public est captif, elle va oser la confrontation Pfitzner / Schreker » était… un pari insensé. Je revends ma place, bien sûr. Ça partira très vite, faites vite signe si vous êtes intéressé.

Hölderlin-Fragmente et Winter Words de Britten par le duo Bostridge-Drake (qui jouera auparavant la première moitié du Winterreise, au musée d'Orsay le 1er. Probablement complet, mais ce devrait être bien dans ce petit espace.

Fabien Hyon propose une fois de plus un programme original et ambitieux. Au Petit-Palais à 12h30, le 15. Ohana, Falla, Turina, Granados, Canteloube, et les cocasses (pas musicalement…) Hermit Songs de Britten.

♪ L'inaltérable Françoise Masset dans un programme avec guitare à la Maison du Danemark le 14 à 19h.





Musiques chorales

♫ L'étrange cantate de Niels Gade autour d'Ossian est jouée par Laurence Équilbey avec l'Orchestre de l'Opéra de Rouen. On peut prévoir une exécution qui n'est pas la plus vive pour une œuvre qui n'est pas la plus saillante, mais le fait même de le donner attise immanquablement la curiosité – d'autant qu'un commentateur de céans affirmait, plus tôt dans la saison, que ce n'était pas si mal.

♫ La Maîtrise de Radio-France chante Britten et Cui (et Lauridsen en français le 20 à 19h à Bondy. Gratuit.

♫ Le formidable Chœur de l'Orchestre de Paris donne un programme pour la Fête de la musique le 21. Et tout l'après-midi se succèderont, dans la cour de l'Hôtel de Soubise, des concerts gratuits de formats très divers.





Autres spectacles bizarres


Concert du Prix de direction du CNSM à la Cité de la musique le 22 (programme peu original, je ne l'ai pas relevé). Gratuit.

« Symphonie en si mineur », reconstitution de fragments de Debussy par Colin Matthews (également orchestrateur des Préludes, me semble-t-il), à la Maison de la Radio le 16. Je préviens, ce n'est pas très bon : ça ne ressemble pas à du Debussy (même pas vraiment à celui de L'Enfant prodigue et du Gladiateur) et ce n'est pas de la grande musique. C'est surtout le plaisir de voir écrit sur le poème « symphonie de Debussy », ce qui m'amuse tout autant que les programmateurs, manifestement.

Un concert-installation soviétique au Centquatre, le 8.

Dracula de Pierre Henry à l'Athénée, les 2 et 3 juin. Je n'arrive pas à trouver d'informations précises sur l'œuvre : je me doute bien que ce ne doit pas être un arrangement servile de l'intrigue de Stoker, mais il doit y avoir Déserts de Varèse dedans (partie orchestre ou partie bande ? – la première est un bijou, la seconde… a vieilli), et aussi la présence du Balcon, ensemble instrumental spécialiste. Quelle est donc la part d'Henry ?  Le concept d'ensemble ?  Narratif, atmosphérique ?  J'aimerais bien pouvoir déterminer si c'est plutôt une économie générale façon Lighthouse ou façon Ismène.

Une création de Czernowin (enfin, déjà jouée aux Pays-Bas, me semble-t-il, et coproduite avec la Philharmonie) le 14 à la Cité de la Musique, mais de ce que j'ai entendu de sa musique vocale, c'est touffu, moche, sans ligne directrice perceptible et assez vain… mais d'autres aiment beaucoup.
En tout cas, ce n'est pas du contemporain qui trace le lien avec l'ancien monde, la tonalité, les pôles, plutôt du contemporain-bricoleur (s'il y a des amateurs, ça se rapprocherait plus d'une esthétique du genre des Nègres de Levinas, je dirais). Je m'étais promis d'écouter l'œuvre avant de dire des généralités négatives sur la compositrice (qui m'a tellement déplu que je l'ai peu écoutée, et peux donc me tromper lourdement à son sujet), mais on est en juin dès le milieu de la semaine et il faut bien que je publie l'agenda, alors je me limite à la transmission de mon sentiment – disons que j'ai pris la peine d'écouter sa musique, et que c'est toujours une première indication sur sa situation stylistique…

Diva de Rufus Wainwright – plutôt célèbre pour ses chansons, notamment sa reprise du Hallelujah de Leonard Cohen (dont il est le quasi-gendre, bref) dans une version de type ballade, alla Buckley. Une cantate pour chanteuse lyrique, censée être amusante, bien faite – consonante, certes, mais sans naïveté, il y a un réel métier derrière. Je l'ai écoutée (sans avoir le texte) lorsque le disque est sorti, ce n'est pas mal, si je n'avais pas plusieurs autres concerts plus urgents le même jour, j'y serais allé. Le 10 à la Philharmonie.

En théâtre, une Médée en néerlandais d'après Euripide qui se finit le 11. Je n'ai pas noté où. [Mais les relectures d'antiques m'effraient un peu, je ne crois toujours pas en avoir vu une bonne… entre les demi-teintes (Iphigénie en Tauride de Goethe) et les francs naufrages (Amphytrion de Kleist) des auteurs eux-mêmes, et toutes les errances possibles dans leurs réalisations (ces dernières années, Les Oiseaux à la Comédie-Française, ou Antigone en grec moderne à l'UNESCO), je suis devenu méfiant.





Les commentaires d'étape sur les spectacles déjà vus viendront ensuite : cette notule est garantie 100% préjugée, purement supputative.

dimanche 30 avril 2017

Mai : белые ночы


Ce n'est pas pour rien que je posais la question le mois dernier… Pris dans la préparation d'autres notules plus substantielles, je me trouve au 30 avril sans même avoir fini de rédiger le bilan du mois écoulé…

Je tâcherai de publier un programme / récapitulatif plus complet, devant le nombre de réactions qui me suggéraient vivement de ne pas abandonner.

Mais pour l'heure, en urgence, voici quelques dates que je vous sélectionne pour mai. Je commence par le plus important, toute subjectivité bue.



► Début de la série des muthes arrangés par Ritsos à l'Athénée à partir du 3 mai. On débute très fort avec Ismène sur une musique original du maître de la musique monophonématique, Georges AperghisPhèdre la semaine suivante, puis Ajax. (Autres musiques.)

► Saison faste des récitals de fin d'année du CNSM, où il y aura quantité de pépites à glaner : chefs de chant de la classe d'Erika Guiomar le 4, improvisation (Zygel) le 5, duo Perbost-Ambroselli dans Schubert-Wolf-Fauré-Debussy à Soubise le 6, ensembles vocaux le 9, classe de lied & mélodie de Jeff Cohen les 10 et 11 (programmes différents, toujours un grand moment de découverte de très haut vol – Camarinha et Dreisig y ont donné des récitals mémorables), le Trio Sōra dans le Trio de Chausson (où elles sont miraculeuses !) et celui de Ravel au Musée Henner le 11 (également à Villercerf le 27, avec le n°2 de Kagel en prime), classe d'accompagnement vocal d'Anne Le Bozec (autre temps fort) avec Wagner, Rheinberger, Brahms,Bizet, d'Indy, Duparc, Fauré, Massenet… le 19, salle Turenne aux Invalides et le 20 au CNSM.

Ce qui plaît aux hommes, court opéra comique de Léo Delibes, est donné pour une seule date, le 17 mai, au Théâtre Trévise par les Frivolités Parisiennes – je peux garantir la qualité musicale, au niveau des plus grands (mais mieux qu'eux lorsqu'ils abordent ce répertoire). Vocalement et scéniquement, c'est en général excellentissime aussi – des artistes dont on n'entend pas parler beaucoup sur les grands circuits, mais qui sont souvent meilleurs, je dois dire…

Mélodies très rares le 18 mai au Petit-Palais : Nadia Boulanger, Caplet, Saint-Saëns, Séverac, Chausson, Franck, Greif (et Debussy et Ravel, quand même) par le baryton Romain Dayez. En revanche, c'est à 12h30, il faut travailler au bon endroit et avoir une longue pause au bon moment…
(Ces concerts du midi, très prisés, restent un mystère pour moi… c'est parce que c'est plus commode à organiser que le soir, ou il y a vraiment des gens qui peuvent y aller ?  La seule fois où j'ai pu le faire, cela dit, c'était assez plein… et uniquement de retraités, évidemment.)

Médée de Charpentier en version scénique par les spécialistes de Toronto, à l'Opéra Royal de Versailles, à partir du 19.

► Venue de l'Orchestre de la BBC du Pays de Galles avec James Ehnes en prime (probablement le meilleur violoniste actuel, techniquement, et le style n'est pas en reste…). Une formation qui ne vient jamais en Fance. Le 19 mai, dans la nouvelle Seine Musicale de l'Île Seguin, pour la Cinquième de Sibelius et le Premier Concerto de Chostakovitch, dirigée par Søndergård.



Et aussi :

● Le 4, programme Debussy / Ravel / Satie / Schönberg / Cage au centre Pompidou, gratuit (sous réserve d'une entrée au musée, peut-être, à vérifier).
● Le 4, Maîtrise de Radio-France dans Schubert et Schumann.
● Le 4, programme le plus hétéroclite de l'année : Véronique Gens dans des extraits des Illuminations de Britten, un air d'Iphigénie en Tauride de Gluck, un arrangement de Vers la Flamme de Scriabine pour ensemble, la symphonie Casa del Diavolo de Boccherini, les variations Tallis de Vaughan Williams et Ramifications de Ligeti ! Que de très belles choses, au demeurant.
● Le 12, programme Cage-Beethoven au Louvre.
● Le 13, l'Octuor à cordes de Bruch (et Florence de Tchaïkovski) à la Maison de la Radio, par des membres de l'ONF.
● Le 13 à Soubise, les Épigraphes Antiques de Debussy pour quintette à vent et le Quatuor Américain (arrangé) de Dvořák.
● Le 13 au Châteaud d'Écouen, Tafelmusik de Telemann dans un cadre approprié.
● Le 14 au 38 Riv', viole de gambe : Abel, Demachu, Marais, Bach, Cage, Rossé !
● Le 15 au Théâtre Grévin, airs de Moulinié, Eyck, Caccini et Dowland par Les Ambassadeurs.
● Le 16 aux Invalides, le Requiem de Saint-Saëns, Ouverture Patrie de Bizet, Schicksalslied et Triumphlied de Brahms par l'« Orchestre Symphonique de Paris ». Pas la meilleure musique de leurs auteurs, mais avec ses contraintes thématiques, les Invalides font vraiment de beaux programmes syncrétiques très originaux.
● Le 17 à Soubise le midi, Forqueray, Dornel, Duphly, Rameau, Couperin, par les élèves spécialistes du Conservatoire du VIIe arrondissement. Gratuit.
● Le 20, L'Ange Scellé de Chtchédrine et la Liturgie de saint Jean Chrysosthome de Rachmaninov, deux rares corpus liturgiques russes à la Seine Musicale par Accentus. (C'est un Chtchédrine assez fade, hélas, mais ce peut être intéressant en vrai. J'hésite, il y a Le Bozec au CNSM et Aladdin de Nielsen à la Philharmonie par le Capitole… sans parler du concert sur instruments anciens des Siècles avec du Lalo, du Saint-Saëns, du Dukas, ni du concert iranien aux Abbesses !).
● Le 27, Figure humaine de Poulenc et Sainte Cécile de Britten par le Chœur de Radio-France à la Maison de la Radio. Le chœur s'est enfin assoupli (beaucoup plus de registre mixte, d'allègements, depuis que Sofi Jeannin en a repris la direction), il faudra peut-être que je lui redonne l'occasion d'essayer de me convaincre dans ce répertoire – où je l'ai soigneusement fui depuis des années, après plusieurs expériences assez peu probantes mainte fois relatées dans ces pages.
● Le 30, grands motets de Lalande à la Chapelle Royale de Versailles (ses plus célèbres et pas forcément ses meilleurs).
● Le 30, Lura dans des ballades du Cap-Vert.
● Le 31, programme viennois au TCE par des solistes (issus du Philharmonique de Vienne ?) : Rückert-Lieder de Mahler, Métamorphoses de Strauss, Frühe-Lieder de Berg, Quintette de Mozart, lieder de Schubert.
● Le 31, encore Lalande à la Chapelle Royale, Dumestre avec Šašková, Negri, Auvity, Clayton et Morsch !

Voici une petite moisson pour l'instant !  Il y a d'autres bonnes choses dans les grandes salles, mais vous les avez forcément remarquées (on ne cause que de Fleur de neige ces temps-ci).



Si vous aussi, vous souhaitez profiter de l'effet de souffle que produit immanquablement une mention dans la short-list de Carnets sur sol, vous pouvez m'envoyer vos virements bancaires en me contactant par la colonne de gauche. (Photocopies de cartes Visa et Mastercard acceptées.)

mardi 28 mars 2017

Le grand horoscope musical du printemps


Tous nos horoscopes sont rédigés par des astrologues professionnels, aux compétences scientifiques éprouvées. Leurs spécifications, rigoureusement exactes, se fondent sur des cartes astrales révisées au jour des dernières découvertes en astrophysique.


horoscope
1. Bélier

CONCERTS :
Vous avez acheté – cher – un billet pour un concert Bruckner-Barenboim et vous étonnez de l'entendre bourriner. Vous êtes trop nul.

DISQUES :
Vous vous délectez des grappes de sforzando des enregistrements de Dausgaard et de l'Orchestre de Chambre de Suède, de Beethoven jusqu'à Bruckner. Ça pulse !

PRATIQUE :
Ne pizzez pas trop fort votre contrebasse, vous risquez d'irriter le chef.


horoscope
2. Taureau

CONCERTS :
Vous avez pris vos abonnements sur un coup de tête, et foncé sans trop réfléchir. Vous aurez beaucoup à revendre et à donner à l'automne.

DISQUES :
Entraîné par l'énergie de Mercure, vous headbanguez comme un fou sur les marches de Tchaïkovski 2 et Sibelius 3. Gare aux maux d'épaule.

PRATIQUE :
Votre pratique du violon est mise à mal ce mois-ci par vos mauvaises habitudes d'écoute trop active.


horoscope
3. Gémeaux

CONCERTS :
Dilection particulière de vos voisins pour les bonbons. Vengez-vous.

DISQUES :
Grâce aux tarifs écrasés des vendeurs en ligne qui (ne) paient (pas) leurs impôts au Luxembourg, vous achetez deux fois plus de disques ce mois-ci. Vous êtes (encore plus) pauvre.

PRATIQUE :
Votre partenaire vous abandonne. Vous êtes terriblement seul. Vous voulez mourir (et vous l'avez bien mérité, vous jouez comme un pied).


horoscope
4. Cancer

CONCERTS :
Le chef de votre prochain concert meurt. Il est remplacé par Christoph von Eschenbach.

DISQUES :
Le premier chanteur qui vous ait fait aimer l'opéra meurt. Il avait cent ans, mais vous avez l'impression qu'il chantait encore hier. Vous êtes inconsolable.
Pour vous réconforter de ne plus l'entendre, vous mettez un disque de Natalie Dessay – qui, elle, chante encore à 120 ans passés.

PRATIQUE :
Le chef de votre chorale meurt. Vous êtes enfin le chef !  (Ça valait bien ce petit investissement en huile essentielle de belladone.)


horoscope
5. Lion

CONCERTS :
Placé à l'arrière-scène, vous n'apercevez que la crinière de Michelle DeYoung. Et les cris d'hyène de l'écho de sa voix.

DISQUES :
Vous êtes d'humeur glottophile. Vous vous faites une comparaison de Di quella pira tout seul pendant tout votre dimanche après-midi. Ça brame beaucoup, vos voisins vous détestent. Attention : malgré leur indulgence sous Saturne ce mois-ci, si vous poursuivez, vous lasserez l'indulgence et éroderez la confiance de vos amis.

PRATIQUE :
Vous avez l'impression que vous n'avez jamais aussi bien joué !  Tout est si facile, vous menez la danse !  Ce n'est qu'une impression, bien sûr. Investissez dans un diapason.


horoscope
6. Vierge

CONCERTS :
Vous emmenez un ami à son premier concert. Il y découvre une jouissance insoupçonnée – vous ne vous rappelez pas avoir jamais été comme ça.

DISQUES :
Vous êtes d'humeur découvreuse. Après la jolie intégrale chorale d'Ib Nørholm, vous projetez d'écouter toutes les symphonies Alan Hovhaness. Ne le faites pas.

PRATIQUE :
Vous débutez un nouvel instrument !  Au moins, maintenant, vous savez pourquoi vous jouez si mal.


horoscope
7. Balance

CONCERTS :
Votre voisin capte le concert pour sa grand-mère malade. Vous le dénoncez au personnel de salle.

DISQUES :
Vous hésitez beaucoup, passez de Cimarosa à Nørgård. Vous avez l'impression de n'avoir réellement profité d'aucun.

PRATIQUE :
Votre chorale connaît des difficultés financières. Ayez foi dans l'avenir, les nouvelles recrues de septembre vous permettront de retrouver un équilibre.


horoscope
8. Scorpion

CONCERTS :
Votre voisin s'absente pendant l'entracte. Vous lui dérobez son programme.

DISQUES :
Tout vous énerve, vous écrivez une critique incendiaire du dernier disque gentiment envoyé par un artiste. Parce que c'est votre nature.

PRATIQUE :
Votre professeur vous accable d'exercices. Spiccato, staccato et notes piquées, tout y passe. Écoutez ses conseils, il est en train de mettre en valeur vos qualités.


horoscope
9. Sagittaire

CONCERTS :
Vous avez peine à profiter des concerts, vous êtes trop tendu en ce moment. Relâchez de la pression sur vos voisins et n'hésitez pas à décocher quelques traits étudiés aux plus agités d'entre eux.

DISQUES :
Ces jours-ci, rien que de belles choses. Vous réécoutez Czerny, Meyerbeer, Dubois et Mariotte, exactement ce qu'il vous fallait. Vous avez visé juste !

PRATIQUE :
Vous vous ennuyez des études sur une seule corde, mais elles sont nécessaires pour parfaire votre main gauche et libérer votre main droite. Ne vous découragez pas (mais évitez de donner votre sang pendant quelque temps).


horoscope
10. Capricorne

CONCERTS :
Votre voisin grattera sa moustache pendant la moitié du concert. Vous voudrez le lui dire mais n'oserez pas. Assumez vos choix et défendez votre bien-être.

DISQUES :
Au milieu de la poussière et des cloportes, vous trouvez dans le grenier d'un ami cet incunable que même Melomania n'a jamais eu. Vous le revendrez cher sur Amazon.

PRATIQUE :
Il est temps de changer votre table d'harmonie, tout l'instrument pourrait lâcher.


horoscope
11. Verseau

CONCERT :
Vous n'y êtes pas vraiment. Tout glisse sur vous comme sur les plumes d'un canard.

DISQUES :
Vous avez dépensé sans compter chez les disquaires d'occasion. Attention, on ne s'aperçoit pas toujours à temps des sommes réglées en liquide !

PRATIQUE :
Vous débitez tout à l'eau tiède. Prenez garde, vous risquez de perdre le solo d'alto du concert de mai au profit d'un Cancer !


horoscope
12. Poissons

CONCERT :
Évitez les sales miteuses. Les odeurs de poussière, d'inflitration et de moisi ne font pas bon ménage avec la contemplation musicale. Neptune en rend néanmoins la probabilité faible : on ne joue pas de musique au Théâtre du Nord-Ouest.

DISQUES :
Votre installation est en train de rendre l'âme. Tous vos meilleurs disques grésillent insupportablement.

PRATIQUE :
Tout le monde prend votre jeu froid pour de la maîtrise. Profitez du malentendu. Séduisez la soprane. Proposez un prêt usuraire au ténor.

lundi 27 mars 2017

Le défilé d'Avril


Tradition de toujours. Bilan du mois écoulé. Et quelques recommandations pour ne pas manquer tous ces beaux concerts cachés d'avril.
Cette fois encore, pour des raisons de praticité, je me limite à une petite expansion de ce que j'ai déjà collecté pour mon usage personnel, donc en région Île-de-France essentiellement. La sélection ne se limite pas à Paris ou, du moins, est faite après la lecture des programmes de la plupart des théâtres de la région – en musique en tout cas, puisque l'offre de théâtre est tellement incommensurable que je me limite à indiquer quelques-unes de mes marottes.



mars 2017
Diagonale de putti dans les loges de l'Oratoire du Louvre, sous les tribunes.



1. Les combats de mars

Quelques aventures sont encore prévues pour la dernière semaine du mois, mais il faut bien effectuer un bilan avant le 1er avril pour annoncer les concerts dignes d'intérêt…

Les renoncements sont toujours inévitables, et j'ai dû abandonner, pour raisons tantôt personnelles, tantôt professionnelles (tantôt envie de faire autre chose que des concerts, aussi…) :
Le jeune Sage et le vieux Fou de Méhul (certes un de ses opéras comiques un peu légers) à la BNF (tellement bien annoncé que je l'ai découvert une heure avant le concert), étant déjà accompagné pour la Tragédie de Salomé intégrale de Florent Schmitt (ce qui est au demeurant un choix très défendable) ;
– le Retour d'Ulysse de Monteverdi dans une fulgurante distribution ;
– le Boccanegra luxueux en diable de Monte-Carlo (Radvanovsky, Vargas, Tézier, Kowaljow…) ;
– le concert Copland-Barber-Bernstein de l'ONDIF, que j'irai plutôt voir à Montereau (qu'il est beau de voyager, dit-on dans cet opéra) ;
– enfin et surtout, la grande rétrospective de la création contemporaine officielle depuis 50 ans, à la Cité de la Musique (avec de très beaux choix de programme par l'EIC) ; mais le même soir que la Jehanne de Tchaïkovski, je n'avais guère de choix en réalité.

Ne croyez donc pas que je les aie boudés par mépris.

Par ailleurs, il y avait déjà de quoi s'occuper, avec 11 soirées rien qu'entre le 2 et le 25 mars.



♣ Pas toujours des inédits mondiaux, mais des choses qui ne passent que très exceptionnellement en France (voire dans le monde…) :

♣♣ La Pucelle d'Orléans de Tchaïkovski. Par le Bolchoï de surcroît : orchestre, chœur et troupe de solistes !  L'opéra n'est à peu près jamais donné hors de Russie (où il n'est pas exactement un standard non plus), et le disque n'en documente que deux versions, assez anciennes (la plus récente date des années 70). C'est une étrangeté, puisque composée juste après Onéguine, elle marque, comme Mazeppa écrit juste après (et contrairement à l'Enchanteresse, à la Dame de Pique et à Iolanta qui achèvent sa carrière lyrique), une sorte de retour vers un genre plus formel du grand opéra historique, même musicalement. Les récitatifs y sont en effet assez rigides, les airs et numéros assez longs, pas du tout effleurés comme dans Onéguine (où Tchaïkovski a vraiment épousé au plus près son sujet !). Néanmoins, plusieurs grands moments de grâce, en particulier les grands ensembles et les scènes de foule, et surtout les préludes de chaque tableau, où l'on retrouve toute la virtuosité purement musicale (harmonie, orchestrtion) de Tchaïkovski.
♣♣♣♣ L'opéra s'écarte évidemment des sources historiques, puisque Jehanne y vit une histoire d'amour qui, dans une lecture assez mystique (façon Samson) et décadente, consume ses forces et lui fait perdre sa légitimité. C'est à Chinon, lors de la présentation de Jeanne, qu'on annonce le siège compromis d'Orléans, et c'est son propre père qui la maudit ;  marchant ensuite à peu près seule (avec son semi-amant) dans le forêt, elle se fait capturer par les Anglais. Chaque acte développe un lieu différent de façon assez habile : Domrémy, Chinon, Reims, Rouen.
♣♣♣♣ L'Orchestre du Bolchoï n'est plus très typé (hors les remarquables cors translucides assez caractéristiques), la différence passe, à tout prendre, plutôt par le style du portamento (ports de voix) des violons dans les phrasés lyriques. Le Chœur, lui, est à couper le souffle : n'importe quel choriste pourrait chanter à Bastille demain – les volumes et la perfection des voix, sans jamais sembler désagréablement écrasants comme d'autres chœurs de quasi-solistes (Chœur de Radio-France, la plupart des chœurs d'opéra de France et d'Italie…). Côté troupe, Anna Smirnova révèle à quel point la tessiture très centrale du rôle-titre, recouverte par l'orchestre, doit être un problème insurmontable pour le distribuer à tout autre qu'elle ; Bogdan Volkov (Raymond, son soupirant de Domrémy) comme toujours très élégant, Oleg Dolgov (Charles VII), autre ténor limpide et élancé à la russe (toujours ces dégradés de couleurs), superbe Anna Nechaeva (Agnès Sorel), très charismatique dans un rôle très court… et par-dessus tout Stanislav Trofimov (l'Archevêque), une voix quelque part entre Kurt Moll et Martti Talvela, à la fois noire et lumineuse, profonde et pure, grave et très aisée dans l'aigu. Mon chouchou personnel, l'Ange de Marta Danusevich : une voix de soprano dont le timbre très fruité paraît celui d'un mezzo lyrique, avec une richesse de coloris rare chez les voix hautes. Et qui surmonte le chœur sans la moindre peine.

♣♣ La Deuxième Symphonie de Nielsen (voir présentation) par l'ONF et le spécialiste (parmi la poignée des tout meilleurs) John Storgårds. L'une des plus belles symphonies de tout les temps, aussi considérable que la Quatrième à mon sens (quoique moins complexe). En tout cas dans mon TOP 5 du premier vingtième (il y aurait aussi van Gilse 2, Schmidt 2, Sibelius 7, Walton 1 – pour le top 10, Atterberg 1, Alfvén 4 et Madetoja 2, assurément). Chaque mouvement est à la fois fascinant et exaltant, culminant dans la reprise en climax du thème du mouvement lent…
♣♣♣♣ Ce soir-là, le grain naturel et tranchant des cordes de l'ONF des grands jours en faisait le meilleur orchestre du monde. Et pour ne rien gâcher, nous eûmes le plaisir d'entendre en vrai Fanny Clamagirand que j'admire depuis longtemps – pas un gros son, mais une beauté de timbre et un goût parfaits. La création d'Édith Canat de Chizy n'était pas pénible que son ordinaire, à défaut d'imprimer le moindre début de sentiment de nécessité – la suite d'effets traditionnels, sans propos thématique / structurel / climatique identifiable. En n'essayant pas trop de s'intéresser au propos fuyant, le temps passe sans douleur. En bis, une splendide sarabande de Bach (comme après chaque concerto pour violon, certes).
♣♣♣♣ Accueil toujours aussi catastrophique à Radio-France : sécurité peu respectueuse (tout le contenu du sac retourné sans ménagement et sans demander l'autorisation – en principe, on enseigne l'inverse aux agents), replacement de force du public, même si les places d'arrivée sont moins bonnes (alors qu'en principe, on propose ce genre de chose). Toujours l'impression, donc, d'être à peine toléré alors qu'on a payé sa place et qu'on voudrait juste ne pas être traité comme un délinquant pour vouloir entrer dans la salle puis s'asseoir à sa place.
♣♣♣♣ Salle remplie au quart (uniquement les parties de face, et pas en entier, sur deux étages des trois) : entre les artistes formidables mais peu célèbres, Nielsen 2 qui n'est pas encore dans les habitudes du public symphonique, et la création de Canat de Chizy, trop bien connue, il est vrai qu'on avait cumulé les paramètres de désaffection (il aurait fallu un concerto de Tchaïkovski avec Jansen en première partie, et mettre Clamagirand-Chizy dans un concert avec Mahler 4 ou Beethoven 5 en seconde partie…).

♣♣ La Tragédie de Salomé de Florent Schmitt, dans sa version originelle et intégrale pour petit orchestre (bois par 1). Un superbe cadeau d'Alain Altinoglu pour sa classe de direction d'orchestre au CNSM… Présentation de l'œuvre (et éloge des musiciens) faite tout récemment.



♪ D'autres raretés, peut-être pas majeures, mais très intéressantes.

Il Matrimonio segreto de Domenico Cimarosa, un opéra bouffe sur sujet domestique, succès immense et emblématique à son époque – dès la création, bien avant la vénération bruyante de Stendhal. Il m'est difficile, je l'avoue, de m'immerger totalement dans une œuvre théâtrale aussi fragmentée (discontinuité maximale entre de jolis airs très mélodiques qui évoluent peu, et les récitatifs secs), et les coupures réalisées par Patrick Davin, pour une fois, se défendent – sans quoi le spectacle aurait été très long, et pas forcément plus riche (ce n'est pas comme couper du Richard Strauss d'une heure et demie). Surtout, Cécile Roussat et Julien Lubek, une fois encore (témoin leur Dido and Æneas de Rouen) montrent qu'ils sont les metteurs en scène actuels les plus capables d'animer une scène, même conçue comme immobile. Quoi qu'on pense de la musique et du livret (de Giovanni Bertati, celui qui invente la mort liminaire du Commandeur dans les multiples refontes de Don Juan), le résultat était un grand moment de théâtre. La principale réserve tient au style de l'Orchestre du CNSM, que Patrick Davin fait sonner comme le studio Sanzogno… donc peu sensible aux « nouveaux » apports musicologiques des soixante dernières années, disons.
♫♫ Les jeunes chanteurs, bien connus de nos services, sont remarquables, en particulier Harmonie Deschamps, Marie Perbost (mainte fois louées en ces lieux), et par-dessus tout Jean-Christophe Lanièce qui révèle, en plus de ses talents connus de chanteur et diseur, un charisme d'acteur phénoménal. Par ailleurs, la voix paraît différente en italien, moins centrée sur la couleur et davantage sur l'éclat, s'adaptant ainsi idéalement au répertoire.

Les Saisons de Haydn dans la version (en français) de leur création française (selon le vœu d'adaptation vernaculaire de Haydn). Musiciens du Palais-Royal dirigés par Jean-Philippe Sarcos dans la salle néo-égyptienne de l'antique Conservatoire de Paris. Il y a quelque chose de particulier à entendre cette musique dans la salle où l'on joua pour la première fois les Symphonies parisiennes de Haydn, la Fantastique de Berlioz, et où l'on donna pour la première fois Beethoven en France… de quoi méditer sur le son des origines (acoustique assez sèche, lieu d'où l'on entend bien partout, atmosphère assez intime, et même une certaine promiscuité dans les loges).
♫♫ Pour le reste, je ne suis pas un inconditionnel des oratorios de Haydn : de très belles choses, mais l'ensemble me touche peu. La plus-value du français n'était pas aussi bien mise en valeur que pour la Création, si bien que mon intérêt s'est un peu émoussé, je dois l'avouer, sans que l'œuvre soit en cause.
♫♫ J'ai trouvé le français des interprètes (même Clémence Barrabé !) et du chœur très correct, mais assez peu généreux vu le projet (Sébastien Obrecht, ayant travaillé la partition en 48h, étant plus expansif que ses compères). Alors que pour la Création, la limpidité du chœur (mais il n'était pas constitué des mêmes personnes, quoique portant le même nom…) et les couleurs de l'orchestre m'avaient ravi, j'ai trouvé cette fois l'orchestre plus limité (par rapport à la concurrence superlative en tout cas) et le chœur plus indifférent au paramètre linguistique. Pour finir, Aimery Lefèvre devrait vraiment s'interroger : en chantant aussi engorgé, il est inintelligible, la voix ne porte pas du tout, et ses aigus sont difficiles (ce qui, pour un baryton aussi jeune, est quand même peu rassurant). C'était déjà une tendance dans David et Jonathas il y a trois ou quatre ans, mais la voix commence vraiment à en souffrir désormais.




♥ Des tubes personnels :

♥♥ In Taverna avec l'ensemble Il Festino – et Dagmar Šašková, la meilleure chanteuse du monde. Programme entendu en septembre 2009, et que je cherchais absolument à entendre : des airs à boire de Moulinié et LULLY, entrecoupés de déclamation en prononciation restituée (par le virtuose Julien Cigana) d'extraits d'éloges du jus de la treille par La Fontaine, Rabelais, Saint-Amant ou Scarron !
De quoi se mettre en train le dimanche à 10h du matin. L'heure a sans doute un peu brouillé les cordes de la chanteuse, moins à son faîte que de coutume, mais ce programme est simplement grisant, à tout point de vue, l'une de mes grandes expériences de spectateur. (Il fallait pour cela se déplacer au Conservatoire de Puteaux un dimanche matin assez tôt, mais qui peut mettre un prix sur le bonheur ?)

♥♥ Le Concerto pour la Nuit de Noël de Corelli (par Karajan ou par les meilleurs baroqueux, toujours bouleversant, là où tout le reste de Corelli paraît tellement plus décoratif…), une Suite tirée d'Atys de LULLY. Et puis des extraits des Vêpres de la Vierge de Monteverdi et la musique pour les Soupers du comte d'Artois de Francœur. C'était le concert d'inauguration de la section musique ancienne du tout récent OJIF (Orchestre des Jeunes d'Île-de-France), censé être une formation de haut niveau auto-professionnalisante, créée au printemps dernier. Très bien exécuté (plein d'éloges et de petites réserves à émettre, bien sûr), mais les conditions climatiques extrêmes laissaient peu le loisir d'être ému : la porte largement ouverte sur la rue a vidé l'Oratoire du Louvre de toute sa chaleur… un concert assis immobile à 10°C, c'est plus pénible qu'exaltant, clairement. Un peu comme écouter Mozart pendant qu'on vous arrache les ongles. Ou comme écouter du Glass dans un jacuzzi avec une authentique glace italienne à la main sous le soleil toscan. Difficile de se départir de la douleur.



♠ Oserai-je le confesser ?  J'ai aussi assisté à des concerts d'un conformisme vertigineux – et passé un excellent moment.

♠♠ Symphonie n°38 de Mozart par l'Orchestre de Paris à la Philharmonie. (Certes, parce que je n'ai pas réussi à revendre ma place, je croyais que c'était la seule œuvre au programme, et que Zacharias dirigeait…) Inséré au sein d'un bizarre spectacle racontant vaguement la relation de W.A. avec Leopold.
♠♠♠♠ Outre que la (magnifique) symphonie était assez bien jouée (je l'aime avec plus de tranchant, mais ce n'était nullement mou) et que le tarif était ridiculement attractif (20€ pour toutes les places), expérience très intéressante pour observer un public vraiment différent. Les gens ont systématiquement applaudi entre les mouvements, et personne ne leur a dit chut ! – voilà une excellente preuve qu'il ne s'agit pas d'initiés. Et ils ont hésité en réclamant le bis, je crois qu'ils attendaient une conclusion (moi aussi, à vrai dire), puisque Mozart et son père s'asseoient pour regarder la symphonie (et le tout durait à peine plus d'une heure), on pourrait attendre une petite fin théâtrale… Le violon solo Philippe Aïche, dans son élégance habituelle, se lève alors et entraîne l'orchestre avec un geste qui semble dire vous avez pas assez applaudi, tant pis pour vous – on dit toujours qu'on veut s'ouvrir, mais on préfère quand même traiter avec ses semblables, pas avec les bouseux qui découvrent le concert.
♠♠♠♠ J'essaierai de produire une notule pour explorer cette question des codes du concert et plus largement de la compréhension de la musique classique – y a-t-il des limites à ce qu'on peut faire aimer à un auditeur occasionnel ?  Perçoit-on réellement l'essence des œuvres quand on n'est pas musicien / mélomane aguerri ?  Sujet passionnant (et inconfortable).

♠♠ Symphonies 1, 4 et 7 de Beethoven par l'Orchestre des Champs-Élysées et Herreweghe. Enfin pu entendre la Première en vrai… du niveau des plus grandes. Et la dernière notule traite justement de la Quatrième. Herreweghe ne cherche pas l'effet, tout est joué avec simplicité, une sorte d'exécution-type sur instruments anciens, et cette musique est déjà si forte que c'est assez parfait – en tout cas ce que je cherchais ce soir-là. Étrangement, la 7 (pourtant à peine plus entendue que la 1 sur ma platine…) m'a moins fortement touché – peut-être parce que j'entendais la 1 pour la première fois (la 7 que pour la seconde, cela dit, et à 15 ans d'intervalle…), et que je me convertissais enfin résolument à la 4.

♠♠ Les Nuits d'Été de Berlioz dans sa version (originale) pour baryton, par Christian Gerhaher… la franchise du texte (il ose de ces sons ouverts !) est exceptionnelle, et le caractère plus « parlé » d'un timbre de baryton tire l'œuvre hors des évocations vaporeuses habituelles vers du texte brut – Théophile Gautier en paraît presque sauvage et échevelé !  Par ailleurs les Pièces opus 16 de Schönberg, que j'aime beaucoup, mais qui en concert manquent justement de direction, de propos continu. D'éphémères belles associations de timbre. Et pour finir, la Deuxième Symphonie de Schumann dirigée par Daniel Harding : le public a trouvé le Mahler Jugendesorchester formidable, et il l'est d'ordinaire… pourtant, je lui ai (i.e. nous lui avons, un contributeur de CSS y était aussi…) trouvé un petit manque de tranchant, une superposition des timbres pas toujours parfaite, quelques flottements (et même un trait de violons vilainement raté) : les moments les plus rapides leur imposaient la performance, et ils étaient alors remarquables, mais le reste du temps, il manquait un rien d'abandon ou d'intensité, difficile à définir. Considérant leur âge visiblement très tendre, c'est probablement le début d'une session, et on entendait surtout la différence avec les orchestres permanents qui jouent ensemble depuis des décennies.
♠♠♠♠ En tout cas, contrairement à ce qu'on peut supposer (le Jugendesorchester, parrainé par Abbado, à sélection internationale, multi-enregistré), les élèves du CNSM, entendus en janvier dans la même œuvre, était deux coudées au-dessus (au niveau des plus grands), aussi bien en matière de précision que d'enthousiasme palpable.
♠♠♠♠ Il faudra bientôt songer à imposer des quotas paritaires dans les cordes : trois hommes (dont le violoncelle solo, certes, et deux dernières chaises en violon). Tout le reste constitué de jeunes filles (toutes blanches, ouf, on peut encore travailler à diversifier le recrutement).



♦ Pour finir, du théâtre :

♦♦ Suddenly Last Summer de Tennessee Williams, à l'Odéon. Braunschweig y retrouve les lents dévoilements des pièces d'Ibsen, tout étant centré autour du récit du souvenir indicible de la mort de celui dont tout le monde parle… à la différence que le dévoilement est ici souhaité (et clôt la pièce, en sauvant peut-être les personnages), et non vu avec effroi comme inévitable et destructeur. Belle pièce néanmoins, plutôt bien dite, dans un jardin en plastique pas très élégant et une mise en scène pas très mobile mais fluide, où l'on ne retrouve pas les tropismes de Braunschweig pour les pull gris et les murs en noir et blanc.
♦♦♦♦ Les comédiens sont lourdement sonorisés, mais peut-il en aller autrement dans la salle de 1819, très vaste, et en tout cas très haute ?  Pourtant, c'était le siège du Second Théâtre-Français, là où Berlioz connut ses émois shakespeariens, là où Sarah Bernhardt jouait Racine…  Voilà qui repose grandement la question de notre acceptation du son qui n'immerge pas, ou, plus grave, de la technique vocale des comédiens d'aujourd'hui. Vastes sujets.



Il est temps à présent d'interroger avril.



avril 2017
Putti-atlantes dans la salle de 1819 de l'Odéon, sous le regard du mascaron.



2. La pelote d'Avril

Les vacances scolaires de la zone C font toujours décroître (pour une raison inconnue) l'offre francilienne. Il y a néanmoins de quoi s'occuper. Parmi tout ce qu'on peut voir, quelques soirées dont vous avez peut-être raté l'annonce.
(Organisé plus ou moins par ordre de composition à l'intérieur par catégorie.)


► Lieder et autres monodies vocales :
■ Le 29, Hôtel de Soubise, Eva Zaïcik chante Léandre et Héro de Clérambault, la Deuxième Leçon de Ténèbres de Couperin et une cantate pastorale de Montéclair. Générosité et grande expression au programme avec elle !
■ À la Cité de la Musique, Lehmkuhl et Barbeyrac chantent des lieder de Schubert orchestrés. Avec Accentus et Insula Orchestra, le 27.
■ Lieder de Clara & Robert Schumann, de Brahms aussi, le 20 midi par Adèle Charvet (Orsay ou Petit-Palais).
■ Lieder de Liszt, Wagner, Brahms, Weill, Stolz, Zeira… et Viardot, par la mezzo Hagar Sharvit, aux Abbesses le 23.
■ Pot-pourri des Lunaisiens avec Isabelle Druet, salle Turenne le 21.


► Opéra :
■ Je signale en passant qu'à Rennes, le 6, l'ensemble Azur donnera des chœurs tirés des Noces de Thétis et Pélée de Collasse, l'un des ouvrages les plus repris de la tragédie en musique, et qui attend toujours d'être intégralement remonté de nos jours.
■ Bien sûr Alcyone de Marais à l'Opéra-Comique ) : à partir du 26, Jordi Savall y rejoue l'œuvre qu'on n'a guère dû entendre depuis l'ère disque Minkowski, au début des années 1990. Je ne trouve pas tout à fait mon compte dans les opéras de Marais, plus un musicien sophistiqué qu'un maître du récitatif et de l'expression verbale fine, mais il faut admettre qu'Alcyone, malgré le risible livret du redoutable Houdar de La Motte, a ses moments spectaculaires, dont la tempête dont le figuralisme et les moyens nouveaux (pour partie italiens, mais pas seulement) firent date. Même si Savall m'a plutôt effrayé lorsque je l'ai entendu (il y a près de quinze ans) en jouer la Suite de danses (que c'était sec !), l'équipe dont il s'entoure plaide pour le sérieux de l'entreprise (quelle distribution vertigineuse !).
La Fille des Neiges de Rimski-Korsakov à Bastille, évidemment, même si la relecture sexu(alis)ée de Tcherniakov ne sera pas forcément propice à la découverte candide, disons.
■ Une opérette mal connue de Maurice Yvain, Gosse de riche, au Théâtre Trévise (L'inverse par les Frivolités Parisiennes, les 12 et 19 ; de la musique légère, mais qui sera encore une fois servie au plus haut niveau, jouée avec la rigueur d'un Wagner mais l'entrain de jeunes passionnés. d'un ballet joué par l'Orchestre de l'Opéra, donc.)
■ Des extraits de Licht, le méga-opéra de Stockhausen présentés pour tous publics à 10h et 14h dans la semaine du 24, à l'Opéra-Comique. Cela reprend aussi en septembre. Très intriguant (d'autant qu'il y a vraiment de tout dans cet opéra, du récitatif de musical jusqu'aux œuvres instrumentales les plus expérimentales…).
The Lighthouse de Peter Maxwell Davies à l'Athénée à partir du 21, un opéra-thriller assez terrifiant, dans le goût du Tour d'écrou : les marins d'un bateau de ravitaillement pénètrent dans un phare dont les gardiens semblent avoir disparu. Musicalement pas toujours séduisant (mais accessible et en rien rebutant, simplement une forme de Britten atonal, quelques jolis effets instruments de type cors bouchés en sus), mais très prenant, et ce doit être encore plus fort sur scène !
Trompe-la-mort de Francesconi se joue toujours à Garnier. Je ne l'ai pas encore vu, mais de ce que je peux déduire de la musique habituelle de Francesconi, il y aura de belles couleurs et de belles textures ; leur adaptation à une structure dramatique et aux contraintes d'une claire prosodie me laissent plus réservé, il faut tester – j'ai lu tout et son contraire à ce sujet, excepté sur la mise en scène de Guy Cassiers qui semble être partout louée.


► Sacré & oratorio :
Odes de Purcell par Niquet à Massy le 22.
■ Un office musical à Paris en 1675, sur la musique de Charpentier, par Le Vaisseau d'or (Sainte-Élisabeth-de-Hongrie, le 1er, libre participation).
Leçons de Ténèbres de Charpentier (plus austères que les fameuses Couperin) par les excellents Ambassadeurs de Kossenko, avec la basse Stephan MacLeod, probablement l'homme au monde a avoir le plus chanté ces œuvres… Oratoire du Louvre, le 5.
Leçons de Ténèbres de Couperin par l'Ensemble Desmarest, Maïlys de Villoutreys et Anaïs Bertrand, rien que d'excellents spécialistes (et une de nos protégées du CNSM, qui a déjà de très beaux engagements).
Une Passion de Telemann à la Cité de la Musique le 15 à 16h30… je n'ai pas vérifié laquelle, il en a écrit quelques dizaines (je n'exagère pas), et dans des styles assez divers, italianisantes ou plus ambitieuses musicalement, dont certaines valent bien les Bach – et d'autres pas grand'chose. C'est assez tentant néanmoins, on n'en entend jamais, toujours les Bach – et quelquefois Keiser, sans doute parce qu'on l'a d'abord attribué par erreur à son collègue lipsien.
■ Le Repas des Apôtres de Wagner, sorte de longue choucroute homophonique qui ressemblerait à du Bruckner sans aucune inspiration – le Wagner de Rienzi, en somme. Mais c'est très rare (et pour cause). Peut-être qu'en vrai, on en sent mieux la nécessité ?  Couplé avec le Second Concerto pour piano de Brahms et la Symphonie en ut de Bizet, joués par la Garde Républicaine… amateurs de cohérence programmatique et de belles notes d'intention s'abstenir.
■ Les Sept Dernières Paroles, un des chefs-d'œuvre du spécialiste de musique chorale sacré James MacMillan. Couplé avec celles de Haydn, d'abord écrites sans voix puis, devant le succès, réadaptées en oratorio. Par l'Orchestre de Chambre de Paris à la Cité de la Musique, le 15.


► Symphonique :
■ Un héros d'avril a dit : « ce que tu as à faire, fais-le vite ». C'est étrange, je vais lui obéir (a dit un autre héros de séans). Je me contente donc de signaler la Quatrième Symphonie de Bruckner, pas du tout rare, mais l'association Eliahu Inbal-Philharmonique de Radio-France produit toujorus de très grands moments de musique – et particulièrement concernant Bruckner, j'attends toujours de trouver l'équivalent de leurs Deuxième et Neuvième, entendues à Pleyel et à la Philharmonie.


► Chambrismes :
■ Les dimanches à 17h, au club du 38 Riv', si vous aimez la viole de gambe solo ou avec clavecin, il y aura trois concerts qui parcourront assez bien ce répertoire. Je ne garantis pas l'excellence, ça dépend des soirs pour l'Association Caix d'Hervelois qui les organise…
■ Les Sept Dernières Paroles de Haydn pour quatuor, avec texte déclamé, à l'Amphi de la Cité de la Musique, le 14.
Nos chouchous du Trio Zadig joueront Tchaïkovski et Chostakovitch n°2 à l'Hôtel de Soubise le 22.
Œuvres et arrangements pour harpe à l'Hôtel de Soubise le 8 :  Villa-Lobos (études), Fauré (impromptu), Mendelssohn (romances), Bach (fantaisie Chromatique), Schüker. Par Pauline Haas.
Piano original le midi au Musée d'Orsay le 25 : Mompou, Takemitsu, Granados, Satie, et parce qu'il faut bien vivre, Chopin, Debussy et Ravel, par Guillaume Coppola.
L'Octuor de Mendelssohn, la Seconde Symphonie de chambre de Schönberg et la Sinfonietta de Poulenc seront données au CRR de Boulogne-Billancourt et au Centre Événementiel de Courbevoie les 13 et 14. Gratuit.
■ Extraits des quatuors de Walton (final) et Bowen (mouvement lent), Phantasy pour hautbois et trio à cordes de Britten, ses Métamorphoses pour hautbois solo, Lachrimæ de Dowland, création d'un élève du CNSM… Salle Cortot, le 1er, à 15h.
Menotti pour deux violoncelles, et puis Bruch (Kol Nidrei), Tchaïkovski et Schubert (Arpeggione) à l'Auditorium du Louvre, le 28.
■ À Herblay, les Percussions clavier de Lyon, le 28.
■ Pour finir, des cours publics du Quatuor Ébène dans les salles les plus intimes du CNSM, une expérience extraordinaire de se mêler aux étudiants en plein travail, la dernière fois, nous étions seuls, la partition sur les genoux, en train de suivre l'évolution du Trio de Chausson. Magique. 10h à 19h les 26 et 27, si vous le pouvez. C'est gratuit.


► Théâtre, ce que j'ai prévu pour ma conso personnelle, rien que du patrimoine pas très original :
■ Marivaux – L'Épreuve – Théâtre Essaion
■ Marivaux – Le Petit-Maître corrigé – salle Richelieu
■ Kleist – La Cruche cassée – salle Richelieu
■ Odéon – Soudain l'été dernier – Odéon. Fait pour ma part (cf. commentaire supra).
■ d'après Zweig – La Peur – Théâtre Michel
■ d'après Renoir – La Règle du jeu – salle Richelieu


avril 2017
Dans la salle de l'ancien Conservatoire, au centre des médaillons des grands dramaturges et musiciens figurent, sur le même plan, Eschyle et… Orphée.



3. L'avenir de l'agenda de CSS

J'avoue éprouver une relative lassitude dans la confection de ces programmes. Ils prennent pas mal de temps à élaborer, tandis que j'aurais plutôt envie de parler de choses plus précisément étayées et plus généralement musicales, moins liées à l'offre francilienne : des bouts d'œuvre avec des extraits, des questions de structure musicale ou de technique vocale, plutôt que d'empiler les commentaires sur des concerts qui n'ont pas encore eu lieu, avant le premier du mois suivant…

Ces notules ne paraissent par ailleurs pas spécifiquement plus lues que les autres – je laisse de côté les cas, hors concours, où je parle de Callas, Carmen, des fuites dans les saisons parisiennes, ou des quelques occurrences où je suis en tête de Google (opéra contemporain, conseils aux jeunes chanteurs). Je me sens un peu le responsabilité, puisque cette base de données existe, de promouvoir les ensembles qui font l'effort et prennent le risque de proposer un répertoire renouvelé, mais ce n'est pas un office particulièrement exaltant à réaliser.

D'où cette question : y trouvez-vous un intérêt ?  Vous en servez-vous ?

Si cette notule reçoit moins d'une centaine d'éloges éloquents dans les commentaires ci-dessous, je ne suis pas sûr de poursuivre ce format-ci dans l'avenir. Du temps supplémentaire pour des notules de fond – il y a La Tempête, musique de scène de Chausson écrite pour marionnettes, un opéra d'un Prix de Rome où Georges Thill tenait le rôle d'une grenouille amoureuse, et quelques autres sujets qui sont, comme vous pouvez vous le figurer, un peu plus amusants à préparer qu'un relevé fastidieux.



Quoi qu'il en soit, les bons soirs, vous pourrez toujours effleurer la réverbération de ma voix cristalline dans les coursives étroites des salles louches cachées au fond des impasses borgnes.

mercredi 1 mars 2017

Les feſtes de la Muſique et de Mars


Comme chaque mois depuis plusieurs années désormais, un petit tour d'horizon de ce qui a été écouté en salle au cours du mois (de février), et quelques conseils pour ne pas rater les plus beaux rendez-vous de mars.

Encore une fois, pour des raisons de praticité, je me limite à une petite expansion de ce que j'ai déjà collecté pour mon usage personnel, donc en région Île-de-France essentiellement. La sélection ne se limite pas à Paris ou, du moins, est faite après la lecture des programmes de la plupart des théâtres de la région – en musique en tout cas, puisque l'offre de théâtre est tellement incommensurable que je me limite à indiquer quelques-unes de mes marottes.



1. Bilan de février

Le précédent relevé s'arrêtait au 25 janvier, voici donc quelques spectacles auxquels on pouvait (et auxquels j'ai) assister.

Comme à chaque fois, j'ai dû faire quelques sacrifices : les jeunes chanteurs de fin cursus du CRR de Paris, Les Aveugles de Maeterlinck à Vitry-sur-scène – où les acteurs déclament au milieu des spectateurs, embués dans les vapeurs épaisses de glycol –, les moments de The Tempest mis en musique par Saariaho à la Maison de la Radio et par un ensemble baroque (on peut jouer ces jolies chansons sur instruments modernes ou anciens), et vraisemblablement La mort de Danton de Büchner (Théâtre de la Bastille après la MC92).

Et puis il y eut surtout bombance.

♣ De véritables raretés que je ne verrai peut-être pas deux fois :
♣♣ Musique de chambre d'Ustvolskaya (toujours ce caractère direct, brut, thématique malgré ses apparences frustes), et cycles de mélodies russes du second XXe : les mélodies encore romantiques mais aux intervalles serrés, comme atrophiés, dans les Petőfi de Vainberg / Weinberg (très belles), l'emphase pince-sans-rire (et le matériau musical d'une richesse impressionnante) des Petites Annonces de Mossolov, les Akhmatova de Prokofiev, les Blok de Chostakovitch (utilisant alternativement toutes les combinaisons possibles avec violon-violoncelle-piano). Avec Elena Bashkirova au piano et Marina Prudenskaya (formidables Venus et Fricka dans les derniers Wagner de Janowski) : même si le russe est assez flou, chanter d'aussi belle façon des mélodies avec une voix aussi dramatique, c'était impressionnant.

♣♣ Stratonice de Méhul par la compagnie Les Emportés. J'espère trouver le temps de dire un mot plus vaste de cette production très intéressante. D'abord pour l'œuvre, certes pas la plus aboutie de Méhul, qui ne prend pas du tout dans le disque Christie (où les dialogues sont pourtant au complet), mais que Les Emportés parviennent à incarner adroitement sur scène – formellement un opéra comique, mais dont le sujet fait appel au pathétique (le choix de l'humour défendu par la compagnie est une voie possible, que le livret n'impose pas du tout) et dont le langage musique s'est déjà chargé de traits romantiques (en tout cas très beethovenien et plus guère classique). Plaisir de retrouver Fabien Hyon (déjà excellent dans Hahn ou LULLY), qui a gagné en moelleux sans perdre rien de son naturel ; plaisir aussi de découvrir Alice Lestang et Guillaume Figiel-Delpech, à l'émission très franche et naturelle – et qui tient, du fait du traitement comique du médecin, une bonne partie de la réussite théâtrale de la matinée sur ses épaules. Je leur souhaite la bienvenue dans la liste très fermée des Chouchous de CSS, qui leur assure une couverture généreuse et sans contrepartie de leurs projets les plus bizarres. Le soin porté à la déclamation (dû à Benjamin Pintiaux ou Maxime Margollé ?) est aussi à saluer : très exacte (à l'exception d'une petite liaison en [g] débattable), et surtout très expressive, pas du tout froidement formelle (le disque Christie, malgré l'excellence de ses participants, en démontre très bien les écueils). [D'autres aspects dans cette notule.]

♣♣ Le Passant de Paladilhe par la Compagnie de l'Oiseleur. Ainsi que des extraits de L'Amour africain. Avec Chloé Chaume, Maria Mirante, Antonel Bodan, L'Oiseleur des Longchamps, Benjamin Laurent. Le Passant, en particulier, propose une écriture au cordeau malgré sa simplicité apparente : un lyrisme sobre et très immédiat, mais soutenu par une harmonie qui, sans rechercher l'effet, souligne avec beaucoup de finesse l'évolution des situations. Une bien belle découverte remarquablement chantée (particulièrement sensible à l'effet de Maria Mirante dans un rôle travesti) et accompagnée – Chevereau, Olivon, toujours des accompagnateurs exceptionnels chez L'Oiseleur (je n'y regrette jamais l'orchestre) !  En l'occurrence, Benjamin Laurent semblait lire l'harmonie comme un livre d'émotions précises, impressionnant. [J'en dis davantage dans cette notule.]

♣♣ Le petit Duc de Lecocq par les Frivolités Parisiennes au Trianon (de Paris). Une production de très haute volée, encore une fois cet orchestre met une incroyable maîtrise et une vaste générosité dans un répertoire qui se joue généralement plus à l'économie – soit par de grands orchestres qui ne se fatiguent pas trop, soit par des formations plus modestes qui ne peuvent prétendre à la perfection. La mise en scène amuse beaucoup dans un décor fait de simples cubes, et tout le plateau étale un français remarquable : Sandrine Buendia, Marion Tassou, Rémy Poulakis (le seul que je découvrais, un ténor remarquablement projeté, un beau fondu, aucune constriction), Jean-Baptiste Dumora
    … et Mathieu Dubroca, que je n'avais pas entendu en solo (il est membre d'Accentus…) depuis plus de dix ans (pour une création théâtrale en occitan), lorsqu'il débutait sa carrière à Bordeaux (il était même encore étudiant en chant, je crois). Je ne vois pas spontanément d'exemple de baryton actuel disposant à la fois d'un français aussi exact et d'une voix aussi projetée, sans les artifices de ces techniques bâties sur les graves – son équilibre est plutôt à l'opposé de Tézier et Degout. Par ailleurs, ce dont je n'avais pu juger jusqu'ici, acteur d'une grande présence, un des artistes majeurs de la scène française – goût des programmateurs pour les voix artificiellement sombrées, préjugés sur sa catégorie vocale, volonté personnelle d'avoir la sécurité de l'emploi de choriste ?  En tout cas, une belle voix parfaite, flexible, insolente et expressive comme on n'en entend pas tous les jours.
    Un seul regret : quel faste, un orchestre complet, une mise en scène réussie, des chanteurs très aguerris, un théâtre à l'italienne de mille places où l'on voit bien (et entend remarquablement) de partout… pour une œuvre très mineure, même au sein du catalogue de Lecocq. Oui, bien sûr, c'est le projet même des Frivolités Parisiennes, jouer du répertoire léger avec un niveau d'exigence et d'excellence équivalent à celui des ouvrages les plus révérés. Je l'accepte avec gratitude, bien sûr – tout en soupirant secrètement après une interprétation de Frédégonde de Saint-Saëns, de La Dame de Monsoreau de Salvayre, d'Hernani d'Hirchmann, du Retour de Max d'Ollone qui serait donné dans ces conditions extraordinaires. [notule d'origine]

♣♣ Compositions de Durey, Ibert et Tailleferre par l'orchestre d'harmonie des Gardiens de la Paix au CNSM. Belle découverte des grands accords médicatifs de l'Interlude Op.112 de Durey pour cuivres et timbales. Sinon, œuvres vraiment très mineures (pas forcément interprétées avec une immense exaltation non plus), en particulier le Concerto pour piano, 16 instruments à vent, contrebasse et timbales du même Durey, où la pénible impression qu'il ne se passe rien dure… jusqu'à la fin. Quelques orchestrations d'élèves pas mauvaises sur du Poulenc pianistique.
    Pas une très forte impression musicale, mais on en sort au moins plus cultivé qu'en y entrant.


♪ D'autres œuvres rarement données :
♫ Les Pages du CMBV dirigés par Olivier Schneebeli, avec des musiciens du CRR de Paris (dont la gambiste Pauline Chiama, déjà vue dans L'Europe Galante ou Jason & Médée de Salomon et un bassiste-de-violon, dont j'ajouterai le nom à la prochaine mise à jour, tous deux en passe de devenir de grands continuistes), dans le seul concert parisien de la saison pour l'institution… J'y suis allé confiant, sans m'apercevoir que seuls les Pages (8 à 12 ans, à vue de nez) y figuraient, sans les Chantres (jeunes adultes) ni aucun soliste extérieur… les chœurs, mais aussi les solos, tout leur était confié !  Ils étaient bien sûr très bien préparés, mais tout de même, la maturité musicale ne peut être la même (et la qualité n'est pas celle de Radio-France ou du chœur Rameau de Versailles – deux institutions qui font chanter des enfants plus âgés en moyenne, plutôt 10-14 ans), et le résultat, quoique très valable, n'avait pas la qualité incantatoire des concerts de pros, semi-pros ou jeunes pros dont la capitale est prodigue. Moi qui ne peux jamais aller aux jeudis musicaux de la Chapelle Royale (17h30 un jeudi à Versailles, à moins de travailler dans une banque Avenue des États-Généraux, hein…), j'ai bondi sur l'occasion que je n'ai découverte qu'assez tard. Ma mine, quand j'ai vu le chœur entrer, devait être assez drôle à voir.

Motets à deux dessus de Campra (Cum invocarem, inédit au disque me semble-t-il), Bernier (Laudate Dominum), et la célèbre Troisième Leçon de Ténèbres du Mercredi de Couperin par Le Vaisseau d'or. Agathe Boudet, Julia Beaumier, Stéphanie Petibon, Ondine Lacorne-Hébrard, Martin Robidoux. [Voir la notule correspondante pour un mot sur les œuvres et le choix d'un traitement rhétorique de la musique.]

Fantasio d'Offenbach au Châtelet – production de l'Opéra-Comique avec le Philharmonique de Radio-France dirigé par Laurent Campellone, mise en scène de Thomas Jolly. Ce n'est pas un Offenbach majeur, mais il documente un aspect plus sérieux, moins couru de son legs… et joué avec ce degré d'engagement (par des musiciens statutaires qui ne brillent pas souvent par leur entrain dans ce répertoire, bravo Campellone !), animé scéniquement comme cela, tout fonctionne à merveille (alors que j'étais resté plutôt ennuyé à l'écoute de précédentes versions). Et puis, individuellement, de superbes choses aussi, en particulier Marianne Crebassa et Thierry Félix et Jean-Sébastien Bou, magnétiques. Je ne m'étendrai pas sur la question, puisque l'œuvre ne me paraît pas du tout majeure, et que la presse a déjà tressé (à juste titre) des couronnes à cette production. D'une manière générale, toutes les productions de l'Opéra-Comique sont des valeurs sûres en matière d'exploration comme de réalisation pratique, j'aurais peine à citer des soirées décevantes, et beaucoup de superlatives.


◊ Un tout petit peu de théâtre :
◊◊ Intérieur de Maeterlinck. Une poussée de fièvre Maeterlinck à Paris – il y en a tous les jours depuis quelque temps –, entre La mort de Tintagiles la saison passée (probablement le spectacle le plus impressionnant de tous ceux que j'aie vus, musicaux ou non), la production de Pelléas et Mélisande en version théâtre (à la Cartoucherie, je l'ai manqué), les textes en prose (avec renfort de chanteur au T2G en mars), et donc Intérieur au Studio-Théâtre de la Comédie-Française.
    Le texte, très court, en est bon, concentré sur un beau sujet terrible – le moment de la révélation d'un grand malheur (au soleil, dans un beau jardin) où le retard est comme arraché à la période de tristesse infinie qui s'annonce. Au peu d'entrain à apporter une telle nouvelle à une famille qui, par la fenêtre, semble heureuse, se mêle la justification de faire leur bien, de leur économiser quelques minutes de félicité avant un éternel malheur. Toute la pièce se limite à la tragédie des messagers, qui doivent faire ce qu'ils ne veulent pas faire, et n'en tireront que de l'affliction.
    En revanche, la réalisation tue complètement le texte : des silences (je n'exagère pas, j'ai compté) de 5 à 20 secondes entre chaque réplique (à chaque fois une phrase courte). On ne peut pas entrer dans ce qui se dit de loin en loin, on se laisse conduire par les pensées qu'on avait avant d'entrer dans la salle, ou simplement par la chaleur ; et, une fois qu'on a compris le procédé, on se met effectivement à occuper mentalement le temps entre deux répliques, comme lorsqu'on se plonge dans autre chose pendant un précipité ou une pause publicitaire…
    L'impression désagréable (et sans doute fausse, d'ailleurs) que Nâzim Boudjenah a délibérément refusé de jouer deux ou trois pièces de vingt minutes, et pris ses dispositions pour que le public ne se sente pas lésé par la durée du spectacle. Si l'on en vient à penser comme cela, en tout cas, c'est que le pari n'est pas réussi – il est probable que l'entreprise ait plutôt desservi le nom de Maeterlinck, déjà diversement considéré. Le public était comme sonné à la fin : noirceur de la situation, certes, mais les commentaires portaient surtout sur le caractère décontenançant de ces longues plages de… rien.
    Dommage, vraiment – cela confirme l'intérêt de Maeterlinck au théâtre, tout en demeurant une expérience très frustrante. Et 22€ pour une pièce qui devrait durer vingt ou trente minutes, il y a de quoi rebuter une partie du public, surtout avec cet horaire qui filtre déjà les spectateurs à ceux qui travaillent dans le centre de Paris sans avoir des horaires de cadre supp' (début 18h30)…


Enfin, parce que la chair est faible, plusieurs scies lyriques bien interprétées :
Die schöne Müllerin de Schubert par Matthias Goerne et Leif Ove Andsnes, qui m'avait incité à quelques remarques, notamment sur la fausse sécurité procurée par des transpositions très graves de lieder.
Così fan tutte de Mozart à Garnier, dirigé par Ph. Jordan et mis en scène (enfin, pas vraiment) par Keersmaeker. Expérience éprouvante pour supporter le public et particulièrement énigmatique visuellement – quel est l'intérêt de prévoir une mise en scène si c'est pour retirer tous les éléments explicites du livret, en refusant de faire jouer les chanteurs (immobiles à l'avant-scène) tout en les faisant regarder par leurs doubles danseurs, eux aussi immobiles ?  Je veux bien qu'on accepte par principe tous les concepts du monde, mais celui d'imposer aux artistes de ne rien faire, jamais, je ne vois pas. Récit des enfants qui courent dans les loges et de mon appréciation de la production (par ailleurs remarquablement chantée) sur le meilleur forum musical francophone, où j'ai mes habitudes depuis 2005.
De même, pour Lohengrin de Wagner à Bastille, n'étant pas le sujet principal de CSS, j'ai laissé quelques impressions informelles sur le forum-de-Xavier. Très impressionné par Stuart Skelton (la projection considérable comme la finesse artistique), pas du tout épais, barytonnant, étouffé ou court (comme pourraient le laisser croire ses captations, où il sonne un peu rauque) et par Tomasz Konieczny (véritable baryton dramatique, saturé en harmoniques faciales et tirant toutes voyelles du côté d'un méchant [eu] – ce qui n'est pas sans évoquer Nismgern, dont je suis un fanboy notoire), très déçu par Michaela Schuster (probablement dans un très mauvais soir), plutôt séduit par la mise en scène de Claus Guth (pas excessivement détaillée et cohérente, mais qui hausse l'œuvre plutôt qu'elle ne l'abîme), et pas tellement convaincu par l'orchestre, qui m'a paru modérément impliqué, même si ce n'est pas au point de ses Gluck et Mozart de Garnier…
Je crois surtout que l'œuvre n'a pas assez de densité pour se soutenir aussi lontemps sur scène, et que la distance dans Bastille rend impossible l'adhésion complète lorsqu'il n'y a pas une partie orchestrale vraiment dense.
♠ Enfin, ma première Carmen de Bizet en salle, malgré Simone Young (peu captivante comme prévu, inutile de chercher le style français), sélectionnée pour ses seconds rôles au français exceptionnel : Cyrille Lovighi, Francis Dudziak, Frédéric Goncalves, Jean Teitgen (!). Marie-Nicole Lemieux, que je n'admire pas démesurément, s'est avérée une très bonne surprise, bon français, pas d'outrances (même si la voix reste empâtée et l'aigu difficile) ; Michael Spyres démontrait le danger de chanter large lorsqu'on choisit des rôles plus larges que sa voix (le brillant disparaît peu a peu et les aigus, de plus en plus en arrière, deviennent périlleux, lui qui émet par ailleurs des contre-fa à loisir…) ; enfin Jean-Sébastien Bou, un tel charisme vocal et scénique que tout ce qu'on pourrait dire sur l'adéquation du rôle ou les biais techniques paraîtrait dérisoire, il pose un pied sur la scène et il possède l'auditoire. Belle soirée d'initiation pour moi, donc, même s'il manquait au minimum un orchestre intéressant, qui a sa place essentielle dans Carmen.


Une jolie petite brassée de belles expériences assez peu renouvelables !  À présent passons à mars.



mars 2017
Le Temple de Pentemont, un des lieux de février – issu d'une extension de l'abbaye d'origine pendant le second XVIIIe, avec ses saints évangélistes conservés malgré le changement de culte.



2. Sur le sentier de mars

Quelques recommandations dans le vaste programme proposé ci-dessous.

►Raretés vocales baroques et classiques :
■ Les 3 & 4, Orfeo de Rossi par l'ensemble Pygmalion et une distribution phénoménale, en particulier Francesco Aspromonte. Les tarifs sont très élevés pour cette reprise, hélas, mais le spectacle, diffusé en vidéo la saison passée,œ a prouvé sa valeur exceptionnelle. Présentation de l'œuvre et des interprètes dans cette notule.
■ Le 5, rogramme airs à boire Grand Siècle par Il Festino (Moulinié en particulier), avec poésie baroque déclamée en français restitué (plusieurs Saint-Amant, et un bout de Pantagruel) : Julien Cigana, Dagmar Šašková, Manuel de Grange. Mon premier concert en débarquant dans la région, il y a 8 ans, et je ne m'en suis toujours pas remis : l'intensité poétique et l'espièglerie de l'ensemble sont irrésistibles. De surcroît, j'ai déjà dit que Dagmar Šašková était la plus grande chanteuse de tous les temps. Voilà. Il faudra être à Puteaux un dimanche matin à 10h30. Entrée gratuite, mais conditions bizarres. Je dois me renseigner, le site a l'air de dire qu'il faut apporter sa carte de résident (??).
Messe à 8 chœurs de Benevoli, à la Cité de la Musique avec chœurs spatialisés, par le Concert Spirituel. Pas une composition majeure à mon sens (ce n'est pas Rubino…), mais de la belle musique, qui doit être assez spectaculaire dans cette disposition, à défaut de réverbération basilicale. J'espère que les choristes du Concert Spirituel seront un peu moins ouatés que pour le Messie – c'est ce qui arrive lorsqu'un ensemble se dé-spécialise et que son chef part courir le guilledou romantique. (Je crois tout simplement qu'il n'y a plus assez de concerts incluant le chœur pour qu'il soit réellement constitué, et que l'effectif en est très impermanent.)
Chimène de Sacchini à Massy et Herblay par le Concert de la Loge Olympique. Du Mozart français et plein d'autres choses, voir la longue notule (avec sons). C'était vraiment convaincant, j'y retournerai peut-être.
■ Les 2 & 3, Les Saisons de Haydn dans la version en français de la création française, sur instruments anciens, par le Palais-Royal. J'avais assisté à La Création par les mêmes, et été très favorablement impressionné.
Il Matrimonio segreto de Cimarosa, charmant opéra bouffe (plutôt de jolies mélodies qu'une œuvre réellement ambitieuse – en somme ce qu'il fallait pour toucher Stendhal), par plusieurs de mes chouchous du CNSM : Marie Perbost (multiples notules, testez la boîte de recherche !), Harmonie Deschamps (en fulgurants progrès), Jean-Christophe Lanièce, Guilhem Worms – ces deux derniers, il n'est pas exagéré de dire que j'en suis gaga… Et ceux que je n'ai pas nommés, Fiona McGown et Blaise Rantoanina, sans figurer au rang de mes chouchous sont vraiment très bien aussi !
Méhul, Messe du Sacre de Napoléon, Ouverture des Amazones, La chasse du jeune Henry à Versailles par Les Siècles. Messe non (/ jamais ?) jouée du fait de la commande d'une autre à Paisiello – qui est vraiment terne, je trouve. En regard, la Cinquième de Beethoven (ce qui, par Roth, fait particulièrement envie). Je n'y serai probablement pas, j'espère une diffusion ultérieure !


►Raretés vocales romantiques :
Les Nuits d'Été de Berlioz rendues aux hommes, ce sera fait deux fois, l'une avec Gerhaher et Harding au TCE, l'autre avec Barbeyrac (et piano) à l'Athénée.
■ Le 4, Stabat Mater de Clémence de Grandval à Saint-Lambert de Vaugirard, par la Compagnie de L'Oiseleur. À en juger par ce dont nous disposons au disque (surtout des pièces pour hautbois et orchestre chez Hänssler, ou bien le Trio de salon pour hautbois, basson et piano, qui est parfois donné dans de petits concerts, comme ici), ce n'est pas la plus grande compositrice de tous les temps, mais son écriture dispose d'une belle veine mélodique et d'un savoir-faire très sûr, sans ostentation. Exactement ce qui peut très bien fonctionner pour un oratorio. Je suis très curieux et impatient de la découverte, d'autant que le niveau (et la population générale !) de la Compagnie de L'Oiseleur poursuit son accroissement au fil des années (dernières productions A. Bloch et Paladilhe assez exceptionnelles). Libre participation.
■ Le 17, bien sûr La Pucelle d'Orléans de Tchaïkovski par les forces du Bolchoï, à la Philharmonie !  Pas le meilleur Tchaïkovski, certes, mais regorgeant de beautés, et vraiment jamais donné. On programme beaucoup Onéguine et la Dame de Pique, de plus en plus Iolanta, quelquefois Mazeppa, mais jamais la Pucelle en France (bizarrement), et guère en Europe (donc dans le monde, considérant le peu d'exploration du répertoire dans les autres région du monde) non plus. Peut-être est-elle toujours fréquente en Russie, je n'ai pas vérifié, mais je n'ai pas l'impression que les théâtres russes valorisent tellement leur propre répertoire en dehors des grands titres qu'ils magnifient très régulièrement.
À l'occasion, ce serait sympa de faire L'Enchanteresse aussi (voire Vakoula, qui n'a jamais été enregistré !). Merci d'avance.
Récital de mélodies de tous horizons consacrés à la nature, par L'Oiseleur des Longchamps. Toujours un puits insondable de découvertes dans ses récitals, de plus en plus soignés et aboutis.
Messe en ré de Dvořák (ce n'est pas le Requiem, évidemment, mais c'est joli), et chants pour chœur (très bien écrits) de Delius et RVW. Chœur de Radio-France.
■ Les 19 (Batignolles) et 28 (Bon Conseil), le chœur amateur (de bon niveau !) Stella Maris donne un autre de ses programmes ambitieux a cappella : Debussy, Poulenc, Hindemith, Rautavaara – et encore, c'est assez tradi par rapport à leurs habitudes. 15€ en prévente, sinon 20€.


► Raretés en musique de chambre :
■ Le 28 midi, Gouvy, Fauré (Quatuor avec piano n°1), Dancla, Vieuxtemps, Musée d'Orsay.
■ Le 8, Debussy, IrelandSzymanowski, Ralph Vaughan Williams pour violon et piano à l'Espace Bernanos.
■ Le 13, Till de R. Strauss arrangé pour sextuor et joué au Théâtre 13  par l'Orchestre de Chambre de Paris.


► Raretés symphoniques :
■ Le 7, les étudiants en direction d'orchestre de la classe d'Alain Altinoglu joueront à tour de rôle les mouvements de la Tragédie de Salomé de Florent Schmitt, le chef-d'œuvre du décadentisme français. Et c'est gratuit. Donné deux fois en une saison (par l'ONF et Denève en septembre), c'est rarissime !
■ Le 11, concerto pour alto de Malcolm Arnold, Song Before Sunrise de Delius, Second concerto pour piano de Tchaïkovski par l'ensemble orchestral d'Éric van Lauwe, toujours en quête de découvertes. (Cette fois-ci, pas forcément intéressé par la proposition, je l'avoue – pas forcément le plus fort de chaque compositeur. Mais remarquable constante dans la proposition de programmes alternatifs, et avec un niveau de jeu professionnel.) Libre participation.
■ Le 23, la Deuxième Symphonie de Nielsen, très, très rarement donnée (et ma chouchoute), par le grand (et formidable) spécialiste Storgårds de surcroît. Rien que pour l'andante malinconico, il faut faire le déplacement !


► Autres dates intéressantes :
■ Le 3, fin de la série Takemitsu-Messiaen par l'EIC avec chorégraphie de Teshigawara, à Chaillot. Bien sûr très cher.
■ Le récital Petibon à Gaveau, avec un mélange de Debussy (La Belle au bois), Sondheim (Into the Woods), Mistinguett
■ Concert exceptionnel le 17 à la Cité de la Musique : un grand panorama des grandes tendances de la musique contemporaine « officielle » des années 50 à nos jours. Immanquable si vous n'êtes pas à la Pucelle


► Belles distributions :
Ulisse de Monteverdi par Le Concert d'Astrée avec Gillet, Kožená, Vidal, Gonzalez-Toro, Villazón (Monteverdi a toujours été son meilleur répertoire, étrangement…), Spicer, Teitgen !


► Les chouchous : interprètes et ensembles parrainés.
■ Récital le 23 mars midi de Guilhem Worms et Nicolas Chevereau (un des meilleurs chefs de chant en activité, testez la boîte de recherche à son sujet…), de Rameau au lied, incluant les Don Quichotte d'Ibert !
■ Récital le 23 mars midi du Quatuor Arod : Mozart 1, Mendelssohn 2, Webern en cinq mouvements.
■ Concert de lied & mélodie par les élèves du CNSM (Yves Sotin) à la Médiathèque Berlioz. Gratuit.
■ Jeunes chanteurs du cycle supérieur du CRR de Paris en audition le 30. Gratuit.
■ Le 6, Eugénie Lefebvre (avec Hasnaa Bennani) dans un programme italien premier XVIIe : Carissimi, Rossi… et quelques tubes monteverdiens (duos de Poppea, Zefiro torna).
■ Le 1er mars salle Cortot, Francesca Aspromonte (à entendre et voir) dans un programme purement seria (Scarlatti, Haendel, Keiser), donc pas celui qui flatte le mieux ses aptitudes exceptionnelles, mais elle est à Paris, c'est un bon début.
■ Le 26, l'ONDIF dans un programme généreux qui devrait lui aller comme un gant : ouverture de Candide, danses de West Side Story, le discours de Lincoln de Copland, le Concerto pour violon de Barber avec Radulović. À l'exception de la dernière, de plus ample ambition, que des œuvres assez frappantes et jubilatoires.
■ Le Quatuor Ardeo (très bien nommé) joue Beethoven 3, Schumann 3 et Silvestrov à Saint-Quentin-en-Yvelines, où elles sont en résidence.

► Théâtre.
L'héritier du village de Marivaux à Herblay (le 10 mars).
Le petit-maître corrigé de Marivaux salle Richelieu.
La mort de Danton de Büchner au Théâtre de la Bastille.
La Cruche cassée de Kleist salle Richelieu.
Quand nous revenons d'entre les morts d'Ibsen, au Passage vers les étoiles (Métro Père Lachaise). Son ultime pièce, le dialogue désabusé d'un vieux couple – je ne l'ai jamais trouvée passionnante à la lecture, mais elle est rarement donnée et la salle est bien calibrée acoustiquement (nette sans être trop sèche, petite mais haute de plafond).
La Beauté intérieure, textes non dramatiques de Maeterlinck, au T2G. Pas persuadé que ce soit bien, mais on n'a pas du Maeterlinck tous les jours.
La Peur (Zweig) au Théâtre Michel, prolongé jusqu'en avril.
L'État de siège de Camus à l'espace Pierre Cardin (production du Théâtre de la Ville). Assez cher pour du théâtre subventionné, néanmoins.
■ Soudain l'été dernier de T. Williams à l'Odéon.




mars 2017
Comme la statuaire du Passage vers les étoiles, ce mois-ci, CSS a tout donné.



3. Expositions

Laissez-moi gagner un peu de temps de ce côté-là en vous recommandant le remarquable Exponaute (et son tri par date de fin !) ou la très utile sélection mensuelle de Sortir à Paris.



4. Programme synoptique téléchargeable

Tentative d'utilisation d'un calendrier synchronisé. Ce n'est pas encore totalement en place – cela prend plus de temps, surtout pour préparer la version publiable sur CSS, mais il est là.

J'en ai profité pour réaliser une sélection non plus personnelle, mais dédiée à Carnets sur sol, avec un code couleur distinct suivant la gradation suivante :
◊ jaune : alerte chouchou ! (indépendamment de l'intérêt / rareté des œuvres)
◊ vert : sympa ou intéressant
◊ bleu : œuvre rare et intéressante, probablement bien interprétée
◊ violet : rare et exaltant, l'exécution aussi
◊ (( : début de série
◊ )) : fin de série
◊ rouge : ouverture de réservation

PARTIE 1 (cliquez ici pour ouvrir l'image en grand dans un nouvel onglet)

mars 2017


PARTIE 2 (cliquez ici pour ouvrir l'image en grand dans un nouvel onglet) :

mars 2017


Les bons soirs, vous pourrez toujours distinguer l'ondulation de mon pas gracile dans les combles obscurs des salles interlopes, loin des lumières festonnées des grands foyers.


Ô Mars, ô Mars, ô Mars !

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mercredi 30 novembre 2016

Winter is coming : après novembre, décembre


Oui, je suis un garçon cultivé, capable de citer les grands opus de la culture populaire. (Je n'ai d'ailleurs aucune idée de la référence précise à l'intérieur du scénario…)


1. Bilan d'octobre-novembre

J'avais arrêté le dernier bilan, lors de la précédente notule d'annonce, au 20 octobre.

Qu'on ne me dise pas que je n'ai pas été raisonnable : j'ai renoncé à voir le Dichterliebe avec harpe, le partenariat CNSM-Palerme dans Charpentier, des cours public de cor et de direction d'orchestre, le Second Trio de Mendelssohn par mes chouchoutes du Trio Sōra, Leyla McCalla dans son programme violoncellistique haïtien, les extraits d'Ariadne auf Naxos par un des orchestres du CNSM, la Neuvième de Mahler par l'Orchestre de l'Opéra, un bouquet de songs et mélodies par l'excellent ténor Charlesworth (de Lili Boulanger à Lennox Berkeley), une messe inédite d'Henri Frémart, quelques Histoires Sacrées de Bouzignac (atrocement documentées au disque), la reprise de la formidable production de Dido & Æneas venue de Rouen (avec Zaïcik en Didon et Mauillon en Magicienne !), des mélodies françaises accompagnées par Billy Eidi, la Neuvième de Beethoven par le Philharmonique de Strasbourg (et le Chœur de l'Orchestre de Paris), le récital parisien de la folkiste Weyes Blood, la délicate Légende de sainte Cécile de Chausson, le Septuor (pour quatuor et trois voix de femme) de Caplet…
Et je m'apprête à m'éloigner du Fidelio HIP de Boyd, des extraordinaires variations sur El Pueblo unido de Frederic Rzewski (sans doute le cycle de variations le plus divers, accessible et complet qui soit !), des intermèdes de LULLY & Charpentier par Correas (avec Lombard & Dumora !), du Requiem de Pizzetti et d'un récital d'histoire du lied par L'Oiseleur des Longchamps.

Car, croyez-le ou non, les spectacles ne sont pas la principale occupation des Lutins de céans, il y en a deux ou trois autres avant – et je ne mentionne même les contraintes additionnelles en raison de vilains déserteurs venus prêter main-forte à Qaanaaq pendant la haute saison.

J'ai tout de même un peu occupé mon temps de façon avisée. Près d'une quinzaine de soirées depuis le dernier bilan. Il y a un peu de tout.

♥ Des inédits absolus :
♥♥ notamment des mélodies de Roland-Manuel (ami et biographe de Ravel, collaborateur de R. Strauss et Stravinski…) et Henriette Puig-Roget (organiste et accompagnatrice emblématique de l'ère Cluytens, pour faire simple), très belles, où l'on pouvait entendre de formidables jeunes chanteurs ; Cécile Madelin, plusieurs fois distinguées dans ces pages, dans le baroque français ou de le lied ; Edwin Fardini, un baryton-basse au rayonneent extraordinaire ; Brenda Poupard, un mezzo tout rond et délicat, d'un équilibre parfait ;
♥♥ ou bien la Messe d'Innocent Boutry (1661), uniquement donnée par Doulce Mémoire il y a vingt ans, jamais gravée, qui me donnera l'occasion de parler de l'esthétique de la messe musicale en province, au XVIIe siècle (notule minutieusement préparée…), mais aussi du nouvel ensemble spécialiste Le Vaisseau d'or, qui a en six mois d'existence acquis la maturité des plus grands [notule plus vaste en préparation] ;
♥♥ les sonates pour « piano et violon » d'Hérold et Godard, que je n'ai jamais vu passer au disque (ce doit probablement exister, vu la quantité de petits qui documentent la musique de chambre de tous les compositeurs un minimum célèbres) et qui ne sont en tout cas jamais données en concert. Couplées avec le passionnant et saisissant duo d'Alkan, et joués sur instruments d'époque (pianoforte, piano Érard, violons historiques montés en boyaux, diapasons spécifiques), à l'occasion de la soutenance de la thèse de Cécile Kubik sur l'inclusion des pratiques historiques du violon français dans les interprétations d'aujourd'hui. [notule]


♣ D'autres bizarreries :
♣♣ Le Faune, Jeux et le Sacre du Printemps sur des instruments de facture française du début du XXe siècle, par Les Siècles, avec restitution et/ou inspiration chorégraphique de Nijinsky. Les chorégraphies inspirées ne sont pas très passionnantes (et l'originale plus intéressante que convaincante), mais l'équilibre spécifique des nouveaux, qu'on pourrait croire dérisoire, est réel – il révèle surtout, à cette époque, les progrès de facture (et apporte un surcroît de difficulté d'exécution à des œuvres déjà très exigeantes), mais ça renouvelle l'écoute, d'autant que Roth est un très grand chef capable d'en tirer parti.
♣♣ Lü Bu et Diao Chan, wuju (opéra de l'Ouest de la province du Zhejiang) par l'ensemble officiel chargé de la conservation de ce patrimoine. De l'opéra traditionnel chinois, très proche du kunqu (même instrumentarium, même construction avec dialogues chantants et numéros souples, même harmonie sans modulations, mêmes rythmes standardisés mais insaisissables, mêmes effets dramatiques – percussions de tension, chœur narratif en coulisse…). Simplement un peu plus de suona (hautbois chinois, celui avec le pavillon en métal). L'intrigue de cet opéra-ci est tiré de la matière historico-légendaire qui servit à l'établissement du roman Les Trois Royaumes. Pour les détails sur le genre (plutôt centré sur le kunqu), il existe une section spécifique dans CSS.


♪ De jeunes interprètes, futurs très grands de demain :
♫ Concert de l'ECMA, avec notamment le Trio avec piano Sōra et le Quatuor Bergen. [notule]
♫ Concert de l'ECMA, avec notamment le Trio avec piano Zadig et le Quatuor Akilone. [notule]
♫ Concerts au CNSM déjà mentionnés, avec Cécile Madelin, Edwin Fardini et Brenda Poupard.
♫ Clémence Barrabé enfin entendue en salle lors de l'anniversaire de l'ADAMI. (Petite déception en l'occurrence, la voix ne rayonne pas/plus comme je l'avais espéré, l'émission semble moins haute et claire, plus fondue. Mais elle conserve ses extraordinaires [r] uvulaires bien sûr.)
♫ Les Kapsber'girls, quatre à peine vingtenaires qui renouvellent, vraiment, l'approche des premiers airs de cour baroques italiens. Dans un programme autour des villanelles les plus facétieuses de Kapsberger et des saynètes de Merula et Strozzi, elles réactivent le texte (qu'elles racontent et communiquent, vraiment, rien à voir avec les plaintes standardisées qu'on se représente comme l'usage) et redonnent toute sa place aux effets de la rhétorique musicale (parodie de stile concitato chez Strozzi, servi par des passages en voix de poitrine ; mélismes qui ne sont pas décoratifs mais prolongent l'émotion, comme ces [i] guillerets d'ingioisce – « se réjouit », etc.).


† Du théâtre exotique :
†† Père (en réalité, ça se traduirait plutôt Le Père) de Strindberg à la Comédie-Française, mise en scène Depleschin. Très bien, surtout pour du Strindberg : thématique assez ibsenienne de dévoilement, le coup de théâtre et l'évolution psychologique en moins. Ça souffre de la comparaison, certes, mais c'est joliment fait (quoique d'une misogynie, ou plutôt d'une gynophobie assez délirante – une femme peut tenir l'Univers enserré dans ses projets innocemment maléfiques). Je l'ai fait malgré moi, voyez-vous. / C'est quelque chose qui est plus fort que moi. Ce genre de chose. En termes de réalisation, le bruit blanc de cordes frottées, suspendues à la même hauteur pendant 1h30, pour insuffler de la tension, est franchement très pénible dès qu'on se trouve sur les côtés, c'est-à-dire proche de la source d'amplification. Sérieusement, vous n'êtes pas capables de tenir une salle sans ce genre d'expédient ?  Sinon, c'était très honnêtement joué, pas forcément varié (entre Kessler et Vuillermoz, forcément…), mais tout à fait opérant.
†† Gens de Séoul 1909 de HIRATA Oriza, observation d'une famille de colons japonais. Complètement magnétique pour moi, mais il faut aimer la conversation gratuite. [notule]
†† Gens de Séoul 1919 de HIRATA Oriza. La même chose à dix ans d'écart (avec le début de l'indépendance coréenne), avec des chants en sus ! [compléments de Chris, d'autres à venir par DLM]


♠ Et, parce que je ne suis qu'humain, un peu de glotte et autres sinistres banalités :
♠♠ Sibelius 2 et Tchaïkovski 6 par le Philharmonique de Radio-France et Mikko Franck. Très bien. Sibelius joué très lyrique et discontinu, Tchaïkovski d'une emphase sans ironie. [notules : Tchaïkovski 6, Sibelius 2, interprétation]
Les Contes d'Hoffmann dans une édition prétendument Choudens et largement rectifiée par les découvertes (qui ont déjà 40 ans) de Fritz Oeser. Dans la plastique, originale, cohérente, saisissante et spectaculaire mise en scène Carsen, archi-rebattue, mais qui gagne vraiment, comme sa Rusalka, à être vue en salle. Avec Koutcher, Jaho, Aldrich, d'Oustrac, Vargas, R. Tagliavini, Lovighi, Briand, Lis… [deux notules : édition utilisée, interprètes]
Le Requiem de Verdi par Rhorer, avec un plateau enivrant : Vanina Santoni, Alisa Kolosova, Jean-François Borras, Ildebrando D'Arcangelo. Collaboration encore en rodage avec l'ONF (quantité de décalages, pas toujours bien gérés par le chef), qui m'a donné la matière pour beaucoup d'extraits sonores dans de futures notules – ce que c'est que d'accompagner un chanteur, la suite de la couverture vocale, le rapport timbre/projection, etc. Très belle soirée d'ailleurs, j'étais enchanté de réentendre l'œuvre, et aussi bien chantée.
Soirée anniversaire de l'ADAMI (organisme de récolte des droits et promotion de jeunes artistes – bon sang, et ils dépensent l'argent de leurs cotisants en réunissants leurs anciens chouchous ?!). Programme assez original d'ailleurs pour ce type de pot-pourri, où j'ai le plaisir d'entendre pour la première fois en vrai Clémence Barrabé, de découvrir l'ampleur de Marc Scoffoni, de réentendre Mathieu Lécroart et quantité d'autres excellents chanteurs ou instrumentistes. Seul le chef, Brian Schembri, était véritablement redoutable – je croyais que c'était un chef dilettante choisi parmi les cadres musiciens de l'ADAMI, mais non, il est le principal chef du principal orchestre maltais, d'après sa biographie. Donc tant pis, pas de pitié, il y en a d'autres qui attendent la place. Ne pas arriver à suivre les chanteurs (pourtant disciplinés) dans de l'opéra XIXe est une chose, mais transformer des Verdi de maturité en fanfare aussi bruyante et vulgaire, c'est assez impressionnant… Sans chef, l'ONF aurait clairement fait mieux.


Pour finir novembre, il me reste encore un programme d'airs de Kapsberger, Strozzi & Friends par les Kapsber'girls (avec gambe et guitare baroque, miam), ainsi que l'Iphigénie de Goethe.

Je ne peux par ailleurs aller voir Metropolis accompagné par l'improvisation d'Escaich, lundi. Si cela intéresse quelqu'un, le concert étant (pour une fois) complet : voici. [passé et vendu]

Bien, à présent que j'ai montré à quel point mes conseils sont géniaux (car c'était un peu mon agenda caché en vous détaillant ma vie ci-dessus), passons à ce qui vous sera peut-être utile : les repérages de décembre !



putto triomphe des arts poussin concert amours
Nicolas POUSSIN, Le Triomphe des Arts ou la remise des Putti d'incarnat
(Musée du Louvre.)



2. Il arrive le petit Décembre, il arrive !

Les petites gourmandises ne cessent pas tout à fait avec décembre. Voici une courte sélection de quelques pépites qui vous ont peut-être échappé.

► Œuvres rares, programmes originaux.
■ L'opéra chinois Le Roi Singe passe à Argenteuil (1er décembre).
Motets du milieu du XVIIe : Bertali et Froberger, véritables raretés, salle Turenne, ancien réfectoire des Invalides. Le 12.
Sonata da camera de Steffani (dommage, j'aurais tout lâché pour les airs chambristes !), cantate profane de Domenico Scarlatti. J.-Ch. Frisch et son ensemble XVIII-21, avec l'excellente Cyrille Gerstenhaber en soprano.
Histoires sacrées de Charpentier par l'ensemble Correspondances (avec Weynants, Richardot, Fa et une petite mise en scène de Huguet), Chapelle Royale de Versailles, le 14.
■ Programme de musique baroque sacrée latino-américaine de la Capella Mediterranea à la Chapelle Royale de Versailles, le 18.
■ Oratorio de Porpora à la Chapelle Royale de Versailles le 3. Beurk, mais il y aura Negri, Staskiewicz, Galou et l'excellent ensemble Les Accents, ce peut permettre de survivre.
■ Un opéra léger de Haydn, La Canterina, par les élèves du CNSM dirigés par Sigiswald Kuijken, avec une mise en scène. Les 9 et 10, également retransmis sur le site du conservatoire.
■ Oratorios de Mendelssohn (Élie) et Schumann (Le Paradis et la Péri) à la Philharmonie, on les entend peu en France. Le premier est peut-être bien le sommet du genre, et une des cîmes de Mendelssohn… Le second est un peu plus dans le reistre d'un Schumann opaque et poli, mais il contient de très belles choses (malgré un livret assez plat, prévisibilité du niveau des Trois petits cochons).
■ Mélodies de Gounod, Thomas et Bizet, airs de Paladilhe et David (et puis Rossini et Offenbach) par Chiara Skerath, le mardi 6 midi au Musée d'Orsay.
■ À l'exception d'une bizarre retransmission en décors (et chanteurs) naturels de France 3 il y a longtemps, la résurrection de L'Île du Rêve de Reynaldo Hahn, premier opéra du compositeur. Pas un chef d'œuvre, mais une très jolie chose, à redécouvrir à l'Athénée dans une très belle distribution francophone du 7 au 11.         
L'Oiseleur des Longchamps propose un programme « algérien » de mélodies orientalisantes (avec des raretés absolues, parmi lesquelles du Dubois ou du Roland-Manuel), le 14, dans le théâtre byzantin de l'Hôtel de Béhague.
■ Le saisissant Stabat Mater de Szymanowski, l'une de ses œuvres les plus accessibles et les plus intenses, à la cathédrale des Invalides, le 11. Quelle saison, décidément !
■ Suite des Comédiens de Kabalevski, Quatrième Symphonie de Nielsen par le Philharmonique de Radio-France (avec Vänskä, qui joue bien mieux cette musique que Sibelius !) le 2.
Naujalis, Čiurlionis, Eben, Mosolov à la cathédrale des Invalides, le 8. C'est un peu cher et l'acoustique n'est pas bonne hors des premiers rangs, mais le programme est sacrément intriguant.
■ L'ONDIF joue Chávez, Romero et Villa-Lobos à la Cité de la Musique le 13. Pas forcément de la grande musique, mais joué avec enthousiasme comme ce sera vraisemblablement le cas, ce peut être très chouette, parfait pour emmener un novice.
■ La transversale relativement banale Schumann / Kurtág dans la grande salle de répétition de la Philharmonie, le 16. Cette fois non avec les trios, mais avec les Microludes (son quatuor n°2, étrangement le plus joué – je trouve Officium breve, beaucoup plus rare, encore meilleur) et le Troisième Quatuor de Schumann, pour pas cher.
El Niño d'Adams, l'une de ses plus belles œuvres (quoique inégale), Nativité composite qui n'avait pas été rejouée en France, me semble-t-il, depuis sa création. Le 11 à la Philharmonie, avec le LSO de surcroît.
■ Deux concerts (gratuits) de musique contemporaine au CNSM, avec du Jarrell (Music for a While le 14 et autre couplage avec Dérive 1 et Leroux le 15). Par l'Ensemble ACJW.

► Interprètes et ensembles parrainés.
■ Pendant toute la première moitié de décembre, du jeudi au samedi, le Quatuor Hanson joue le Septième Quatuor de Beethoven à la salle Cortot (15€, à 20h).
■ Le Quatuor Arod joue à Tremblay-en-France les Quatuors n°13 de Schubert et n°15 de Beethoven (2 décembre, 19h).
Marie Perbost en récital à la BPI le 9 décembre (programme assez banal que vous pouvez retrouver dans l'agenda du CNSM). Moins facile d'accès, elle chantera aussi le 15 au Petit-Palais, à 12h30.
■ L'excellent orchestre amateur (dont on ne peut pas vraiment entendre qu'il l'est…) Ut Cinquième donne, les 1, 3 et 4 décembre, la Septième Symphonie de Bruckner.
Blandine Staskiewicz chante des cantates italiennes de Haendel le 7 avec l'ensemble Pulcinella, salle Cortot.
■ Elle n'en a pas besoin, et je crois que tout glottophile digne de ce nom l'aura remarqué : Karita Mattila chante un bouquet de lieder amples au Châtelet (si le programme n'a pas été modifié depuis l'annonce de saison). Wagner, Brahms, R. Strauss et Berg, le 12.

► Cours publics.
CNSM : Joaquín Achúcarro (piano) en journée du 5 au 7, de même pour Barthold Kuijken le 15, Quatuor Ébène de 10h à 19h les 13 et 14, et cours de chant le soir avec Valérie Guillorit.
■ Conservatoire de Rueil-Malmaison : déclamation XVIIe siècle, en journée, les 1er et 12 décembre.
Rencontre entre Gérard Condé, Claude Abromont et François-Xavier Roth à propos de la Symphonie Fantastique de Berlioz, à la médiathèque Berlioz du CNSM, le 14 à 18h.

► Autres concerts gratuits.
■ L'Orchestre des Lauréats du CNSM (l'orchestre des déjà-diplômés/insérés, de niveau complètement professionnel) joue la Symphonie en ut de Bizet, la Sinfonietta de Britten, la Suite pour cordes de Janáček, dirigé par Jonathan Darlington !

► Concerts participatifs.
■ Le 4, bal accompagné par l'Orchestre de Chambre de Paris au Centquatre (donc je suppose plutôt informel, pas trop de panique d'avoir revendu tous mes evening jackets et queues-de-pie).
■ Le 16, concert de l'Orchestre de Chambre de Paris où le public est invité à chanter pour les lullabies et  carols qui complètent le programme. À la Philharmonie. Je crois qu'il y a des séances de préparation, mais ce doit être sold out depuis longtemps, il vous faudra donc y aller au talent.

► Théâtre.
■ Adaptation de Faust de Goethe au Ranelagh, pendant la seconde moitié du mois.
■ Adaptation de Faulkner à Herblay, le 11.

Et plein d'autres choses à n'en pas douter. Si vous êtes curieux de ma sélection personnelle, elle apparaît en couleur dans le planning en fin de notule.



putto dégarni écrivant vouet polymnie
Simon VOUET,  Putto de CSS s'usant les yeux à la confection de l'agenda officiel
(Musée du Louvre.)



3. Expositions

Voici le fruit de mon relevé personnel, pas très original (je ne suis qu'un petit garçon pour les expositions, et il me reste tant de lieux permanents à découvrir), mais s'il vous inspire jamais…

→ Louvre – Bouchardon – 05/12
→ Chantilly – Grand Condé – 02/01
→ Cartier – Orchestre des Animaux – 08/01
→ Custodia – Fragonard-David – 08/01
→ École des Beaux-Arts – Pompéi – 13/01
→ Orsay – Napoléon III – 15/01
→ Petit-Palais – Wilde – 15/01
→ Petit-Palais – La Paix – 15/01
→ Louvre – Le Tessin – 16/01
→ Guimet – Jade – 16/01
→ Rodin – L'Enfer – 22/01
→ Jacquemart-André – Rembrandt – 23/01
→ Fontainebleau – Chambre de Napoléon – 23/01
→ Delacroix – Sand – 23/01
→ Judaïsme – Schönberg – 29/01
→ Invalides – Guerres secrètes – 29/01
→ Orangerie – Peinture américaine – 30/01
→ Luxembourg – Fantin-Latour  – 12/02
→ Galliera – Collections – 17/02
→ Arts Déco – Bauhaus – 26/02
→ Dapper – Afrique – 17/06
→ Histoire Naturelle – Ours – 19/06
→ Histoire Naturelle – Trésors de la terre – jusqu'en 2018…


Ce mois-ci fut très peu aventureux de mon côté :

Bouchardon au Louvre, surtout des dessins préparatoires assez littéraux et quelques bustes qui ne valent pas mieux (muséographie indigente, au passage) ;
♦ la pompe Second Empire à Orsay, d'un goût… Napoléon III, mais la diversité du supports et quelques putti malfaisants méritent le détour ;
♦ collection Le Tessin au Louvre ; quantité de petits bijoux, crayonnés ou peints, figurant un badinage diversement innocent, absolument délicieux pour les amateurs de XVIIIe siècle ;
♦  mini-expos Puig-Roget et Roland-Manuel dans le hall des salles publiques du CNSM. Avec manuscrit de la première biographie de Ravel et carte postale rédigée par celui-ci, pour les plus fétichistes ;
♦ la seconde MacParis de l'année. Trouvé quelques photographes séduisants, mais l'impression de voir toutes les tendances depuis le début du XXe siècle : sous-Malévitch (oui, il y a des losanges blancs sur fond blanc à vendre…), sous-Basquiat, sous-art marxisto-dépressif engagé (tout en insultant le spectateur), poupées malsaines façon sous-Bourgeois, sous-Cartier-Bresson, photographies de ruines en pagaille (j'adore ça, mais on n'est pas exactement à l'avant-garde…), travailleurs de la matière brute, fausses perspectives, dessins avec jeux de mots… tout l'univers de l'art contemporain y passe (à l'exception notable des plasticiens-conceptuels, ce qui n'est pas précisément un mal). Le concept est néanmoins très sympathique : les artistes sont présents et ouverts à la discussion, très simplement, l'entrée est gratuite sur réservation, et on y propose aux visiteurs des crackers et du rouge bas de gamme, rien à voir avec les grandes cérémonies qui coûtent un bras (où les artistes exposés sont davantage dans les esthétiques à la mode et pas forcément meilleurs).



putto sous jupons tiepolo apollon et daphné
Giovanni Battista TIEPOLO,  Merveilles vues dans l'agenda de CSS
(Musée du Louvre.)



4. Programme synoptique téléchargeable

Comme les dernières fois :
Les codes couleurs ne vous concernent pas davantage que d'ordinaire, j'ai simplement autre chose à faire que de les retirer de mon relevé personnel, en plus des entrées sur mes réunions professionnelles ou mes complots personnels. Néanmoins, pour plus de clarté :
◊ violet : prévu d'y aller
◊ bleu : souhaite y aller
◊ vert : incertain
◊ **** : place déjà achetée
◊ § : intéressé, mais n'irai probablement pas
◊ ¤ : n'irai pas, noté à titre de documentation
◊ (( : début de série
◊ )) : fin de série
◊ jaune : événement particulier
◊ rouge : à vendre / acheter

novembre 2016

Les bons soirs, vous pourrez toujours apercevoir mon profil imposant surplomber la plèbe rampante dans les escaliers clairsemés.

Cliquez sur l'image pour faire apparaître le calendrier (téléchargeable, d'ailleurs, il suffit d'enregistrer la page html) dans une nouvelle fenêtre, avec tous les détails.

Toutes les illustrations picturales de cette notule sont tirées de photographies du Fonds Řaděná pour l'Art Puttien, disponibles sous Licence Creative Commons CC BY 3.0 FR.


Non, décidément, avec le planning (et les putti) de CSS, décembre est le mois le plus lumineux de l'année !

dimanche 4 septembre 2016

Saison 2015-2016 : bilan statistique et subjectif… et putti d'incarnat


Vous l'attendiez, vous n'en pouviez plus. Le voilà.

Juillet a été riche, août fut mort ; il est temps de proposer un petit bilan autour des choses vues.
D'abord, un retour sur les saisons précédentes.


Cette saison, en plus des statistiques, une grande remise de putti d'incarnat. les putti d'incarnat

Comme c'est devenu la tradition, le putto d'incarnat récompense une réalisation exceptionnelle dans le domaine des arts. Seule la rédaction de Carnets sur sol, réunie en collège extraordinaire, est habilitée à le décerner, ce qui garantit son attribution, complètement indépendante, aux meilleurs artistes de notre temps.

Hautement respecté, il se matérialise par un putto de van Dyck (ou Lagrenée, selon les années), remis directement au lauréat sous forme d'un carré de pixels.

C'est aussi et surtout l'occasion de mettre en valeur certains concerts ou certains interprètes qui sont restés un peu négligés par la presse ou l'exposition publique – mais ce paramètre n'entre pas en considération dans l'attribution des récompenses.

(Le jury tient à souligner que ne sont nommés qu'un petit nombre parmi  les plus marquants, les autres étant loin de faire figure tocards pour autant…)




1. Liste des spectacles vus

Concerts, opéras, théâtre… En voici la liste, dans l'ordre de la saison. Beaucoup ont été commentés, et quelques-uns ont servi de présentation à une œuvre, un genre, une problématique transversale… les liens sont indiqués entre crochets et s'ouvrent dans une nouvelle fenêtre.

Hors décompte : août 2015. N'ayant jusqu'ici jamais fait de concert en août, je ne les décompte pas dans la saison pour ne pas fausser les statistiques.

a) Parc Floral – polyphonies et chansons – Voces8 [notule]
b) Parc Floral – Brahms, Premier Trio avec piano – Fouchenneret, Julien-Laferrière, H. Cartier-Bresson [notule]
c) Parc Floral – Gossec, Symphonie – Orchestre de Chambre Pelléas [notule]
d) Parc Floral – Beethoven, Concertos pour piano 3 & 5 – Orchestre de Chambre de Paris, F.-F. Guy

Puis, de septembre à début juillet :

1. Philharmonie (PP) – Sibelius, Symphonie n°5 – Orchestre de Paris, Paavo Järvi [notule]
2. Théâtre des Champs-Élysées (TCE) – Weber, Der Freischütz – Gens, Schukoff, Speer, NDR Hambourg, Hengelbrock
3. Maison de la Radio (MR) – Dutilleux, The Shadows of Time / Poulenc, Litanies – Maîtrise de RF, Philharmonique de RF, Mikko Franck
4. Studio 105 – Waed Bouhassoun dans ses propres compositions
5. 38 Riv' – Santiago de Murcia pour harpe et guitare
6. Cité de la Musique (CiMu) – Meisel, Berlin, Die Sinfonie der Großstadt en réduction – Philharmonique de Strasbourg, Strobel [notule]
7. TCE – R. Strauss, Ariadne auf Naxos – Amber Wagner, Kaufmann, Opéra d'État de Bavière, K. Petrenko [notule]
8. Gaveau – Monteverdi, L'Orfeo – van Elsacker, Lefilliâtre, van Achten, La Fenice, Tubéry [notule]
9. PP – Stravinski et Bartók, L'Oiseau de feu et Le Mandarin merveilleux complets – London Symphony, Gergiev [notule]
10. 38 Riv' – Visée et Dollé pour théorbe et gambe – Thibaut Roussel, Robin Pharo [notule]
11. PP – Mahler, Symphonie n°3 – Jennifer Johnson, Orchestre de Cleveland, Welser-Möst [notule]
12. Ménilmontant – Ibsen, John Gabriel Borkman – Compagnie du Tourtour, Claudine Gabay [notule-bilan sur le patrimoine et les lignes de force d'Ibsen]
13. Bastille – Schönberg, Moses und Aron – Castellucci, Graham-Hall, Mayer, Castellucci, Ph. Jordan [notule 1] [notule 2]
14. PP – Saint-Saëns, Symphonie n°3 – Gabetta, Orchestre de Paris, P. Järvi [notule] [l'orgue]
15. Studio 104 – Walton, Symphonie n°1 – D. Pascal, Orchestre Colonne, Petitgirard [notule]
16. TCE – Britten, Sérénade pour ténor, cor et cordes – Staples, Orchestre de Chambre de Paris (OCP), Boyd [notule]
17. Saint-Gervais – Motets de Charpentier – Ensemble Marguerite Louise, Gaétan Jarry
18. MR – Tchaïkovski, Symphonie n°1 – Ehnes, Orchestre National de France (ONF), Gardner [notule]
19. PP – Mahler, Symphonie n°5 – Argerich, Orchestre du Festival de Lucerne, Nelsons [notule]
20. CiMu – Bach, Motets et Cantates – Ensemble Pygmalion, Pichon
21. Cortot – Cœur : Guédron, Le Roy & friends – Lefilliâtre, Le Levreur, Goubioud, Mauillon, Le Poème Harmonique, Dumestre [notule]
22. CNSM, salle d'orgue – Telemann, Saint-Saëns, G. Jacob… Hommage à Colette Lequien
23. PP – Clyne, création ; Tchaïkovski, Symphonie n°2 – Bavouzet, Orchestre National d'Île-de-France (dit ONDIF), Mazzola [notule]
24. Invalides, Grand Salon – LULLY, airs d'Atys, Armide ; Charpentier, Stances du Cid – Madelin, Croux, Benos, Hyon… CNSM, Haïm
25. PP – Dvořák, Symphonie n°7 – Orchestre de Paris, Dohnányi
26. PP – Nono, Prometeo – SWR Freiburg Baden-Baden, Matilda Hofman, Metzmacher [notule, expérience]
27. Bastille – Berlioz [notule], La Damnation de Faust – Hermanis, Koch, Kaufmann, Terfel, Ph. Jordan [notule et huées]
28. PP – LULLY, Armide – M.-A. Henry, Wanroij, Chappuis, Auvity, Mauillon, Les Talens Lyriques, Rousset [notule]
29. Cité des Arts – Hahn, Koechlin, Ravel, Emmanuel pour violon et piano – Moraly, R. David [notule]
30. CNSM, salle d'orgue – Fauré, Vierne, Hakim pour orgue – Kumi Choi [notule]
31. PP – Magnificat de Bach, Psaume et Cantate de Mendelssohn – Orchestre de Paris, Hengelbrock [notule]
32. Vieux-Colombier – Goldoni, I Rusteghi – comédiens-français [notule]
33. CNSM, salon Vinteuil – Marx, pièces pour quatuor avec piano – étudiants du CNSM [notule]
34. MR – Scherzo de Suk, Concerto pour violoncelle n°1 révisé et Symphonie n°6 de Martinů – J. Moser, Philharmonique de Radio-France (OPRF), Hrůša [notule]
35. MR – Haydn 103, Mozart concerto 23, Schubert n°5 – OPRF, Norrington [notule]
36. MR – Tchaïkovski, Symphonie n°5 – ONF, Gatti [notule]
37. MR  – Dutilleux, Symphonie n°2, Métaboles… – OPRF, Kwamé Ryan [notule]
38. TCE – Garayev, Thilloy, Debussy (Nocturnes), Poulenc (Les Biches) – Orchestre Lamoureux, Antoine Marguier [notule]
39. PP – Hommage à Boulez – Damiens, Ensemble Intercontemporain, Orchestre de Paris, P. Järvi… [notule]
40. PP – Bruckner, Symphonie n°5 – Orchestre de Paris, P. Järvi [notule]
41. Billettes – Airs de cour baroques espagnols – Kusa, Egüez [notule]
42. Opéra Royal – Godard, Dante – Gens, Montvidas, Radio de Munich, Schirmer [notule, présentation de l'œuvre]
43. PP – Bartók, Le Prince de bois – Orchestre de Paris, Zinman
44. PP – audition d'orgue : Bach, transcriptions, Widor 6… – Foccroulle, Lefebvre, Latry, Marshall
45. CNSM, salle Fleuret – Beethoven, Ouverture pour Coriolan – étudiants membres du BDE (Bureau des Étudiants)
46. TCE – Haendel, Rinaldo – Lezhneva, Gauvin, Fagioli, Wey, A. Wolf, Il Pomo d'Oro, Montanari [notule plus générale sur les erreurs de falsettistes et de diapasons]
47. PP – Verdi, Requiem – Grimaldi, Lemieux, Pirgu, Pertusi, Orchestre de Paris, Noseda
48. PP – Mendelssohn, symphonies 2 & 3 – RIAS Kammerchor, Chamber Orchestra of Europe, Nézet-Séguin [notule]
49. PP – Mendelssohn, symphonies 1, 4 & 5 – Chamber Orchestra of Europe (COE), Nézet-Séguin [notule]
50. Sainte-Élisabeth – Charpentier, motets pour le Port-Royal – Achille, Boudet, Le Vaisseau d'Or, Robidoux [notule]
51. PP – Sibelius, Symphonie n°3 – Orchestre de Paris, P. Järvi [notule]
52. PP – Bruckner, Symphonie n°9 – OPRF, Inbal [notule]
53. MR – Soir de Fête de Chausson, Printemps de Debussy, Les Animaux modèles de Poulenc – Latry, ONF, Gabel [notule]
54. MR – Lalo-Coquard, La Jacquerie – OPRF, Davin [notule]
55. Studio 104 – Musique de chambre de Castillon, Saint-Saëns et Fauré – membres de l'ONF, Girod [notule]
56. Théâtre de la Porte Saint-Martin – Massenet, Don César de Bazan – Revault d'Allonnes, Dumora, Sarragosse, Les Frivolités Parisiennes
57. TCE – airs et duos de LULLY, Charpentier, Rameau, Leclair – von Otter, Naouri, Le Concert d'Astrée, Haïm [notule]
58. Châtelet – Sondheim, Passion – Ardant, E. Spyres, Dessay, K. McLaren, R. Silverman, Thantrey, A. Einhorn [notule]
59. CiMu – Bource, The Artist – Hazanavicius, Brussels Philharmonic, Ernst Van Tiel [notule]
60. CiMu – Symphonie en ut de Bizet, Concerto pour hautbois de R. Strauss – Leleux, COE, Pappano [notule]
61. CNSM, salle Fleuret – Récital-spectacle Kosma – Vittoz, H. Deschamps, Fanyo, A. Bertrand, Woh, Worms… [notule]
62. Musée d'Orsay – Pillois, et mélodies orientales de Saint-Saëns, Caplet, Delage, Stravinski… – Brahim-Djelloul, Garde Républicaine [notule]
63. Hôtel de Soubise – Schubert 13, Ravel, BoutryQuatuor Akilone [notule du concert]
64. Bastille – Wagner, Die Meistersinger – Herheim, Kleiter, Keitel, Spence, Jovanovich, Skovhus, Finley, Groissböck, Ph. Jordan [notule et les bizarres longueurs wagnériennes]
65. CNSM, salle Fleuret – « Notre Falstaff », d'après Nicolai notamment – Cordoliani, (jeunes) étudiants du CNSM, Molénat [notule sur la méthodologie]
66. PP – Sibelius, Symphonie n°4 – Bell, Orchestre de Paris, Paavo Järvi [notule sur la place du soliste]
67. CNSM, salle d'art lyrique – Transcriptions d'opéra pour un ou deux pianos à deux ou quatre mains – Classe d'Erika Guiomar (Lucie Seillet, Rémi Chaulet, Pierre Thibout, Nicolas Chevereau…) [notule]
68. TCE – Persée de LULLY dans la révision de Dauvergne, Bury et Francœur en 1770 – Guilmette, Santon, Kalinine, C. Dubois, Vidal, Christoyannis, Teitgen, Le Concert Spirituel, Niquet [longue notule]
69. CNSM, salle d'art lyrique – Liederabend Zemlinsky par la classe d'Anne Le Bozec – Madelin, Garnier, Feix, Spohn, Bunel, Benos, Boché, Worms, Spampanato… [notule]
70. Lycée d'État Jean Zay, salon de réception – La Création de Haydn en français – Le Palais Royal, Sarcos [notule]
71. Théâtre Trévise – Adam, Le Farfadet – Les Frivolités Parisiennes [notule]
72. Ancien Conservatoire – La Création de Haydn en français – Bello, R. Mathieu, Tachdjian, Le Palais Royal, Sarcos [notule]
73. PP – Grieg, Concerto pour piano ; Dvořák, Symphonie n°8 – Tonhalle de Zürich, Bringuier [notule autour de l'importance de la vue]
74. PP, salle de répétition – Beethoven, Symphonie n°7 pour nonette à vent – souffleurs de l'Orchestre de Paris [notule : éditions et la discographie]
75. 38 Riv' – Quatuors de Haensel, Auber et I. Pleyel – Quatuor Pleyel [notule sur les œuvres]
76. Palais Garnier – Ballets de Paulli, Sauguet et Damase – École de Danse de l'Opéra, Orchestre des Lauréats du CNSM
77. MR – Schumann, Symphonie n°3 – OPRF, Norrington
78. Église de Joinville-le-Pont – Autour d'Ariane : Haendel, Vivaldi, Marcello, Marais, Mouret, Benda – Lohmuller, Ensemble Zaïs, B. Babel [notule sur les œuvres]
79. Bastille – Rigoletto de Verdi – Guth, Peretyatko, Kasarova, Fabiano, Kelsey, Siwek, Luisotti [notule]
80. MR – Beethoven, Symphonie n°2 – OPRF, Koopman
81. MR, studio 104 – Franck, chœurs ; Aboulker, Boule de Suif – Maîtrise de Radio-France
82. CiMu – Airs de Charpentier & co – Petibon, Amarillis, Cochard, H. Gaillard
83. TCE – Wagner, Tristan und Isolde – Audi, Nicholls, Breedt, Kerl, Polegato, Humes, ONF, Gatti [notule]
84. Notre-Dame-de-Paris – Credo de MacMillan, Requiem de Fauré – Maîtrise de NDP, OCP, J. Nelson
85. CRR – Campra, L'Europe Galante – Étudiants en musique ancienne du CRR
86. CRR – Mélodies orchestrales de Marx, Concerto pour violoncelle de J. Williams – Orchestre des étudiants du CRR
87. PP – Concerto pour violoncelle n°2 de Dvořák, Symphonie Fantastique de Berlioz – G. Capuçon, Capitole de Toulouse, Sokhiev
88. Bastille – R. Strauss, Der Rosenkavalier – Wernicke, E. Morley, Kaune, Houtzeel, Demuro, Gantner, P. Rose, Ph. Jordan
89. TCE – Spontini, Olympie (version originale) – Gauvin, K. Aldrich, M. Vidal, Le Cercle de l'Harmonie, Rhorer
90. Cinéma Le Balzac – Busatto, The Black Pirate (sur le film d'A. Parker écrit par Fairbanks) – Busatto himself [notules]
91. Notre-Dame-des-Blancs-Manteaux – Puccini, La Bohème – Galvez-Vallejo, Ut Cinquième
92. CNSM, salle d'art lyrique – Récital de fin d'études de Master 2pas du tout aimé, garde le nom secret pour ne pas nuire à la chanteuse [notule]
93. Palais Garnier – Reimann, Lear – Bieito, Dasch, Merbeth, Alisch, A. Conrad, Skovhus, Luisi [notule]
94. PP – Mahler, Symphonie n°3 – DeYoung, Orchestre de Paris, P. Järvi [notule]
95. Palais Garnier – Adam & tripatouilleurs, Le Corsaire – Petipa-Sergueyev-A.M.Holmes, Rojo, Hernández, Corrales, Saruhashi, Orchestre Colonne [longue notule]
96. CiMu – Cantates de Liszt et Gounod (sainte Cécile et saint François) – Deshayes, Barbeyrac, Sempey, OCP, Équilbey
97. Hôtel des Menus-Plaisirs – extraits d'Alcide de Marais & Louis Lully – chantres du CMBV, membres des CRR de Versailles et Cergy, van Rhijn
98. Cour de Guise (à Soubise) – Spanisches Liederspiel de Schumann, Neue Liebeslieder Waltzes de Brahms – Perbost, Zaïcik, P. García, Raschke, Ambroselli Brault, Williencourt
99. Cour de Guise – Quatuors avec piano, n°1 de Fauré et n°3 de Brahms – Trio Karénine, Sarah Chenaf
100. Cité Internationale des Arts – Programme Georges Migot (violon-piano, poèmes) – Couic Le Chevalier, Hosoya [lien]
101. Cour de Guise – Quatuor n°8 de Beethoven, Quintette avec piano de BrahmsAkilone SQ, Williencourt

C'est beaucoup, et pourtant quasiment que des très grandes soirées.





2. Commentaires manquants

Grande résurrection inattendue d'une œuvre crue détruite dans l'incendie de l'Opéra-Comique, finalement partiellement retrouvée et tout à fait reconstruite, Don César de Bazan, composé tôt dans sa carrière (juste après Le Roi de Lahore, son premier) figure parmi les toutes dernières partitions inédites de Massenet pour l'opéra. La plupart de ce qui reste se résume à des œuvres légères de prime jeunesse ou à des œuvres inachevées et souvent perdues (La Coupe du Roi de Thulé sur le livret d'É. Blau et Gallet figure parmi les plus intriguantes). Des œuvres écrites après sa trentième année et non perdues, il n'y a plus guère que Bacchus qui n'ait pas été remonté (il me semble) et qu'Ariane et Panurge qui ne disposent pas d'enregistrement officiel.
        Le résultat s'est révélé remarquable : œuvre d'essence plutôt légère, mais dont la musique n'est nullement triviale, Bazan explore la vie supposée du personnage plaisant de Ruy Blas de Hugo ; la pièce de théâtre initiale (écrite près de 30 ans plus tôt par le futur librettiste de Massenet, en collaboration avec l'ancien directeur du Théâtre des Variétés) est commandée par le créateur du rôle chez Hugo qui voulait conserver son personnage tout en ayant le premier rôle. L'opéra de Massenet qui se fonde sur lui est une sorte de vaudeville (mais au contenu musical très développé et sérieux, comme un opéra comique) qui joue avec la mort (et se laisse quelquefois rattraper), débutant en beuverie, se constellant d'amitiés sincères, culminant avec une évasion, et finissant par faire du frippon le mari le plus soucieux des convenances (assez étonnant comment cet opéra au ton supposément canaille finit par laisser au transgresseur les clefs des convenances les plus bourgeoises), mettant à la porte le roi.
       Plaisant, vif, plein de séductions, et servi par une équipe musicale extraordinaire (en particulier Dumora et Sarragosse, et par-dessus tout l'orchestre des Frivolités Parisiennes, du grand premier choix !), une résurrection méritée dans les murs mêmes où le Don César en version parlée fut créé – Théâtre de la Porte Saint-Martin.

Pas eu le loisir non plus de dire mon émerveillement devant le programme des danseurs de l'École de l'Opéra, et pas seulement à cause de l'enthousiasme et de la qualité des jeunes interprètes, d'une qualité d'expression rarement vue, pour ma part, chez leurs aînés. Trois ballets courts.
        La musique de Paulli est peut-être la pire chose que j'aie entendu… certes, il s'agit d'imiter une école de danse et la muzak qui y sévit, mais même un exercice d'harmonie de première année sonne mieux, on dirait que le but est de produire la plus mauvaise musique possible sans enfreindre aucune règle. À côté, Anna Bolena, c'est déroutant et tendu comme Pierrot Lunaire. Presque physiquement violent.
       En revanche, belle réussite pour Les Forains de Roland Petit, jolie histoire mélancolique sur une musique de Sauguet qui tire adroitement parti de l'univers du cirque, avec beaucoup de couleurs et d'assemblages un peu crus et très variés ; et surtout, surtout, l'éblouissement du Piège de lumière de John Taras, avec une musique lyrique du Damase des grands jours, nullement répétitif ou prévisible, osant des coloris sombres qui lui sont moins familiers, même dans les tourments de L'Héritière ou les trahisons de Colombe. L'argument du ballet est lui-même très inhabituel et assez prenant, pour une fois : des détenus d'un pénitencier s'échappent , et bien sûr de rayonnants épanchements.dans la forêt vierge. Pris par la soif, l'un d'eux voit des papillons s'ébattre autour de lui comme dans un délire. L'occasion de sacrés contrastes visuels et sonores, et une intrication de deux sujets incompatibles très réussie.
      
Entendre le Rosenkavalier en salle a été une expérience extraordinaire : contrairement au disque, l'orchestre domine et la finesse de l'écriture, la récurrence des motifs frappent en pleine figure ; c'est toute la science de Wagner au service d'une expression guillerette, mais pas moins raffinée ni profonde. Une des expériences musicales les plus impressionnantes que j'aie faites, alors même que je ne suis (toujours) pas un gros client de l'œuvre au disque – chez le Strauss « conversationnel », j'aime davantage Intermezzo et surtout Arabella. Mais le Rosenkavalier, malgré son livret pas complètement bien proportionné, justifie sa haute réputation par l'ambition de sa musique, très impressionnante. (Par ailleurs, cette fois-ci, les qualités de détail de Philippe Jordan, audibles à la radio mais pas toujours en salle, étaient complètement perceptibles, ce qui ajoutait à l'impression d'extraordinaire.)

En fin de saison, quelques grands moments d'émotion toute nue, avec de la musique de chambre interprétée avec chaleur (n°99 & 101) : entendre ces œuvres bien structurées s'épanouir dans l'acoustique sobre d'une cour d'hôtel, dans une atmosphère qui n'a pas du tout les pesanteurs de la saison officielle (où, surtout à Paris, le public vient souvent à l'adulation ou à la curée), et par de jeunes musiciens encore émerveillés de toucher à ces chefs-d'œuvre (quoique parfaitement aguerris), c'est la musique brute, au delà de toutes les questions accessoires. Dans certains cas, partition (discrètement) en main, pour profiter de tous les détails. L'impression de revenir à l'essentiel, d'une certaine façon.




3. Statistiques

3a. Statistiques : lieux fréquentés

Septième saison francilienne, et cependant encore un assez respectable taux de renouvellement des salles : 101 soirées, 43 lieux, dont 15 nouveaux. Soit un tiers de lieux inédits (notés en gras).

(Philharmonie 1 & 2 : 30)
Philharmonie : 22
(MR total : 14)
(Conservatoires total : 13)
MR auditorium : 10
TCE : 10
(CNSM total : 9)
(Opéra de Paris total : 8)
CiMu : 7
Opéra Bastille : 5
(Soubise total : 4)
Parc Floral : 4
--
CNSM (salle Fleuret) : 3
CNSM (Salle d'art lyrique) : 3
MR Studio 104 : 3
Palais Garnier : 3
Hôtel de Soubise (cour de Guise) : 3
38Riv' : 3
CNSM, salle d'orgue : 2
CRR Auditorium Landowski : 2
Cité Internationale des Arts : 2
Versailles (Opéra Royal) : 1
Musée d'Orsay : 1
Billettes : 1
Gaveau : 1
Salle Cortot : 1
Invalides (grand salon) : 1
Châtelet : 1
Hôtel de Soubise (salon) : 1
Hôtel des Menus-Plaisirs : 1
Salle des Concerts du Vieux Conservatoire : 1
Salle de répétition 1 de la Philharmonie : 1
CNSM, salon Vinteuil : 1
NDP, côté portail Ouest : 1
Saint-Gervais : 1
Notre-Dame des Bancs Manteaux : 1
Sainte-Élisabeth-du-Temple : 1
Église Saint-Charles de Joinville-le-Pont : 1
MR Studio 105 : 1
Théâtre de la Porte Saint-Martin : 1
Théâtre Trévise : 1
Vieux-Colombier : 1
Théâtre de Ménilmontant : 1
Cinéma Le Balzac : 1
Grand Salon du Lycée d'État Jean Zay : 1

Sans doute liée à la fermeture de théâtres lyrique comme l'Opéra-Comique et l'Athénée (et aussi à la programmation sympa, à l'effet de nouveauté, etc.), claire avance de la Philharmonie, et de Radio-France (gonflé par les places impossibles à revendre, précisons-le…). Présence significative des conversatoires, des Champs-Élysées, contre-performance de Versailles (malgré le très beau programme !), de l'Opéra de Paris, des Billettes (ce sera peut-être pire la saison prochaine vu le programme très italien-XVIIIe), du Musée d'Orsay (toute la bonne came est le midi en semaine, et c'est encore pire pour la saison à venir !).



3b.  Statistiques : genres écoutés

Pour la première fois, il me semble, l'opéra n'est pas en première place, grosse orgie symphonique. Belle proportion de musique de chambre aussi, ça manquait cruellement les années passées.

Symphonique : 36 (dont baroque 2, classique 8, romantique 21, décadent 7, moderne 14, néo- 1, cœur XXe 3, contemporain 9)
Opéra : 21 (dont 8 scéniques, 10 en concert – et les autres ? ; dont 10 en français, 7 en allemand, 4 en italien ; dont premier baroque 1, tragédie lyrique 5, seria 1, opéra comique 1, grand opéra 3, romantique 5, décadent 2, atonal 1, contemporain 1)
Chambre : 18 (dont baroque 3, classique 2, romantique 7, décadent 2, moderne 6,contemporain 3 ; violon-piano 1, violon orgue 1, quatuor piano-cordes 1, quatuor 5, piano 5, nonette à vent 1)
Lied & mélodie : 11 (dont airs espagnols 1, air de cour 2, mélodies françaises 2 ; avec ensemble 1, avec orchestre 4, en quatuor vocal 1)
Musique vocale sacrée : 11 (dont baroque allemand 2, baroque français 2, classique 2, XIXe français 2, XIXe italien 1, XIXe allemand II, XXe 1, XXIe 1)
Orgue : 6 (dont baroque 3, moderne 3, contemporain 1, improvisations 2)
Récital d'opéra : 6 (tragédie lyrique 4, seria 1, diplôme 1)
Improvisations : 5
Ballet : 4 (scénique 2, triple-bill 2, concert 2)
Ciné-concert : 3
Théâtre : 4 (dont Ibsen 1)
Chœurs profanes : 2
Spectacle musical : 4
Traditionnel : 2
Chanson : 2
Piano : 2
Jazz : 1
Pop : 1
Comédie musicale : 1

Vous noterez que les récitals vocaux sont à peu près exclusivement dévoués au lied, à la mélodie et à la tragédie en musique… Prendre en tranches les parties les moins intéressantes des opéras les plus rebattus, bof.

Très peu de théâtre cette année, faute de temps vu la place occupée par les concerts… (et puis un seul Ibsen autre que Dukkehjem) Quelques titres supplémentaires cet été – Marivaux avec chants a cappella à la Comédie Nation, La Poupée sanglante d'après Gaston Leroux à la Huchette, également jubilatoires – mais ils entreront dans la statistique de la saison prochaine.



3c.  Statistiques : époques musicales

traditionnel : 2
XVIe1 : 1
XVIe2 : 3
XVIIe1 : 6
XVIIe2 : 14
XVIIIe1 : 16
XVIIIe2 : 14
XIXe1 : 23
XIXe2 : 47
XXe1 : 35
XXe2 : 18
XXIe : 17

En réalité plus représentatif de l'offre que de choix réels, mais il est certain qu'à la jointure du XIXe et du XXe siècles, les grandes machines orchestrales des symphonies et des opéras ont une réelle plus-value avec l'impact physique de la salle. Ce sont aussi des musiques complexes qui bénéficient d'une écoute attentive et d'un support visuel. Mais clairement, il y aurait plus d'offre en XVIIe, l'écart ne serait pas du tout le même.



3d.  Statistiques : orchestres et ensembles

28 orchestres, dont 13 découvertes en salle, soit près de la moitié (notés en gras). Et beaucoup de grands noms ou de découvertes assez épatantes.

Orchestre de Paris 11 (+ membres 1)
Orchestre Philharmonique de Radio-France 9
Orchestre de l'Opéra de Paris 6
Orchestre National de France 4 (+ membres 1)
Orchestre de chambre de Paris 4
Chamber Orchestra of Europe 3
Les Frivolités Parisiennes 2
Orchestre Colonne 2
Orchestre National d'Île-de-France
LSO
Radio de Munich
Capitole de Toulouse
Orchestre Philharmonique de Strasbourg
Ut Cinquième
Orchestre des Lauréats du CNSM
Orchestre des Étudiants du CNSM
Orchestre du Bureau des Étudiants du CNSM
Orchestre des Jeunes du CRR
Orchestre Lamoureux
Brussels Philharmonic
Tonhalle Zürich
Elbphilharmonie de la NDR de Hambourg
Le Palais-Royal
Orchestre du Festival de Lucerne
Orchestre Symphonique de Cleveland
Opéra de Munich (Bayerisches Staatsorchester)
SWR Freiburg Baden-Baden
Orchestre de chambre Pelléas

les putti d'incarnat Arrêt des Putti d'incarnat les putti d'incarnat
Meilleur orchestre de la saison, sont nommés :
Brussels Philharmonic (The Artist de Bource), Tonhalle de Zürich (concerto pour piano de Grieg), Orchestre de Paris (Sibelius 3,4,5),
Orchestre National d'Île-de-France (Tchaïkovski 2, Clyne), Les Frivolités Parisiennes (Le Farfadet, Don César de Bazan), Chamber Orchestra of Europe (Symphonies de Mendelssohn et Bizet), Opéra de Paris (Rosenkavalier).
Attribué à : Orchestre National d'Île-de-France. Pas le plus virtuose malgré de superbes cordes graves (la petite harmonie est clairement en deçà des standards des grands orchestres), mais à chaque fois une intensité hors du commun et l'exaltation palpable des musiciens. N'a pas de prix. [notule]
Dauphin : Les Frivolités Parisiennes. Quelle divine surprise, avec de ce qui devrait théoriquement être un orchestre de cacheton (ou de professionnels passionnés mais de seconde zone), de rencontrer un orchestre d'une précision remarquable, et de dotés de timbres personnels et chaleureux, un vrai son français au meilleur sens du terme, franc, doté d'un grain très physique, et sans les défauts d'approximation ou de laideur qu'on y associe souvent. [notule]



De même, un assez grand nombre d'ensemble sur instruments anciens (et 8 sur 14 étaient des premières écoutes en salle) :

Les Talens Lyriques
Le Cercle de l'Harmonie
Le Concert Spirituel
Le Concert d'Astrée
Ensemble baroque du CNSM
Ensemble Pygmalion
Ensemble La Fenice
Il Pomo d'Oro
Ensemble Zaïs
Ensemble Pulcinella
Ensemble Marguerite Louise
Le Vaisseau d'or
Étudiants de Versailles et Cergy autour de Marie van Rhijn
Orchestre issu du département de musique ancienne du CRR de Paris

les putti d'incarnat Arrêt des Putti d'incarnat les putti d'incarnat
Meilleur ensemble sur instruments anciens de la saison, sont nommés :
Les Talens Lyriques
(Armide de LULLY), Le Cercle de l'Harmonie (Olympie de Spontini), La Fenice (Orfeo de Monteverdi),
Ensemble baroque du CNSM (récital LULLY dirigé par Emmanuelle Haïm), Ensemble Zaïs (autour d'Ariane), Il Pomo d'Oro (Rinaldo de Haendel), Ensemble Pulcinella (récital Magiciennes de Petibon), Ensemble Marguerite Louise (motets de Charpentier)
Attribué à : La Fenice. La variété des couleurs d'ensemble est formidable, mais c'est plus encore la présence individuelle de chaque interprète qui impressionne (à commencer par le cornetiste-chef, la violoniste-soprano, ou le théorbiste-baryton Nicolas Achten). En plus, une vision assez renouvelée et cohérente d'un bijou rabâché – L'Orfeo.  [notule]
Dauphin : Ensemble baroque du CNSM. Quel sens du style !  Il Pomo d'Oro dans le seria, à la fois virevoltant et sans tropisme pour les effets extérieurs, ou bien la finesse du continuo de l'Ensemble Zaïs méritaient les plus beaux éloges.



Enfin, deux ensembles spécialistes en musique contemporaine :

Ensemble Intercontemporain (hommage à Boulez)
Ensemble Recherche (participant au Prometeo de Nono)



3e.  Statistiques : chœurs

22  formations, dont 10 nouvelles.

Chœur ONP x5
Chœur OP x4
Maîtrise de Radio-France x2
Chœur RF x2
Maîtrise OP
Maîtrise NDP
Radio Flamande
Radio Bavaroise
WDR Köln
NDR Chor
Chœur Lamoureux
Accentus
Frivolités Parisiennes
Le Palais-Royal
Chœur ad hoc Châtelet Sondheim
Pygmalion
Concert Spirituel
Le Vaisseau d'or
RIAS Kammerchor
Schola Heidelberg
Chœur de chambre de Namur
Voces8

Voces8 est un peu à part, étant un ensemble à 8 (extraordinaire collectivement, individuellement, stylistiquement…). Une référence aussi bien pour les Motets de Bach que pour les transcriptions de standards de jazz.

les putti d'incarnat Arrêt des Putti d'incarnat les putti d'incarnat
Meilleur chœur de la saison, sont nommés :
Chœur de l'Orchestre de Paris (Requiem de Verdi), Maîtrise de Radio-France (Litanies de Poulenc, Chœurs de Franck), Chœur du Palais-Royal (La Création de Haydn en français), Chœur féminin du Vaisseau d'or (Messe du Port-Royal de Charpentier)
Chœur de l'Orchestre de Paris
Attribué à : Chœur de l'Orchestre de Paris.  [notule]
Dauphin : Maîtrise de Radio-France.



3f.  Statistiques : chefs


64 chefs d'orchestre, dont 37 entendus pour la première fois en salle (et un certain nombre tout simplement découverts dans l'absolu).


Chefs multi-fréquentés
Paavo Järvi x7 (OP)
Philippe Jordan x4 (Opéra de Paris)
Emmanuelle Haïm x2 (Ensemble baroque du CNSM, Concert d'Astrée)
Daniele Gatti x2 (ONF)
Roger Norrington x2 (OPRF)
Thomas Hengelbrock x2 (NDR Hambourg, OP)
Jean-Philippe Sarcos x2 (fondateur Palais Royal)

Avec orchestres franciliens
Fabio Luisi (Opéra de Paris)
Nicola Luisotti (Opéra de Paris)
Christoph von Dohnányi (OP)
Gianandrea Noseda (OP)
David Zinman (OP)
Edward Gardner (ONF)
Fabien Gabel (ONF ; ancien assistant de Zinman)
Mikko Franck (OPRF)
Eliahu Inbal (OPRF)
Ton Koopman (OPRF)
Patrick Davin (OPRF)
Jakub Hrůša (OPRF)
Kwamé Ryan (OPRF)
Andy Einhorn (OPRF dans Sondheim)
Douglas Boyd (OCP)
John Nelson (OCP)
Laurence Équilbey (OCP)
François-Frédéric Guy (OCP)
Enrique Mazzola (ONDIF)
Guillermo García Calvo (Lauréats du CNSM dans Sauguet et Damase)
Xavier Delette (Orchestres des Jeunes du CRR)
Marion Ladrette (Orchestres des Jeunes du CRR)
François Boulanger (Garde Républicaine)
Matthias Pintscher (EIC)
Laurent Petitgirard (Colonne)
Gavin Sutherland (Colonne)
Antoine Marguier (Lamoureux)
Mathieu Romano (Frivolités Parisiennes – Bazan)
Nicolas Simon (Frivolités Parisiennes – Farfadet)
Benjamin Levy (fondateur orchestre de chambre Pelléas ; ancien assistant de Zinman)
chefs du BDÉ du CNSM
Romain Dumas (Ut Cinquième)

Avec orchestres invités
Frank Strobel (Philharmonique de Strasbourg)
Tugan Sokhiev (Toulouse)
Ernst Van Tiel (Brussels Philharmonic)
Yannick Nézet-Séguin (COE)
Antonio Pappano (COE)
Valery Gergiev (LSO)
Ingo Metzmacher (SWR Baden-Baden Freiburg)
Matilda Hofman (SWR Baden-Baden Freiburg)
Andris Nelsons (Lucerne)
Lionel Bringuier (Tonhalle Zürich)
Ulf Schirmer (Radio de Munich)
Kirill Petrenko (Opéra de Munich)
Franz Welser-Möst (Cleveland)


les putti d'incarnat Putti d'incarnat les putti d'incarnat
Meilleur chef d'orchestre, sont nommés :
Paavo Järvi
(Sibelius 5, Bruckner 5), Philippe Jordan (Rosenkavalier), Roger Norrington (Haydn), Christoph von Dohnányi (Dvořák 7), Gianandrea Noseda (Requiem de Verdi), David Zinman (Le Prince de bois de Bartók), Edward Gardner (Tchaïkovski 1), Eliahu Inbal (Bruckner 9), Ton Koopman (Beethoven 2), Jakub Hrůša (Martinů 6 & Premier Concerto pour violoncelle), Kwamé Ryan (Métaboles), Enrique Mazzola (Tchaïkovski 2), Frank Strobel (Berlin de Meisel), Yannick Nézet-Séguin (Intégrale Mendelssohn), Antonio Pappano (Symphonie en ut de Bizet), Valery Gergiev (L'Oiseau de feu de Stravinski), Mikko Franck (Poulenc, Dutilleux).
Attribué à :
Honnêtement, pas possible de choisir entre les structures de Järvi, le détail poétique de Jordan, le tranchant de Dohnányi, l'élan de Noseda et Zinman, l'intensité d'Inbal et Gardner, le goût parfait de Koopman… Mais puisqu'il faut bien en distinguer quelques-uns, alors ce seront Mazzola, Koopman, Järvi et Inbal. Et Gardner, et Dóhnanyi, et Jordan, et Strobel… Stop, stop, c'est reparti !




Avec ensembles sur instruments anciens
Emmanuelle Haïm x2 (Ensemble baroque du CNSM, Concert d'Astrée)
Jean Tubéry
Hervé Niquet
Christophe Rousset
Vincent Dumestre
Jérémie Rhorer
Raphaël Pichon
Gaétan Jarry (Ensemble Marguerite Louise)
Héloïse Gaillard (Pulcinella)
Marie van Rhijn (Étudiants de Versailles et Cergy)
Sébastien Marq (Département Musique Ancienne CRR Paris)
Stefano Montanari (chef invité par Il Pomo d'Oro)
Martin Robidoux (fondateur Vaisseau d'Or)

Meilleur chef d'ensemble spécialiste, sont nommés :
Vincent Dumestre
(Guédron & Friends), Jean Tubéry (L'Orfeo), Emmanuelle Haïm (LULLY avec le CNSM, surtout pas avec son ensemble !), Héloïse Gaillard & Violaine Cochard (Pulcinella), Marie van Rhijn (Alcide de Marais), Sébastien Marq (L'Europe galante), Stefano Montanari (Rinaldo).
Attribué à : Vincent Dumestre toujours à la pointe des meilleurs arrangements dans l'air de cour du début du XVIIe siècle.
Dauphine : Emmanuelle Haïm pour son travail avec les étudiants du CNSM dans LULLY (le récital du même répertoireavec son ensemble sentait au contraire la routine et le peu d'entrain…).



3g.  Statistiques : metteurs en scène & chorégraphes

Wernicke, Bieito, Guth, Herheim, Hermanis, Castellucci, les metteurs en scène les plus en vogue se sont succédés dans ma saison scénique (pourtant limitée en nombre).

Dominique Pasquet (Les Sincères de Marivaux)
Jean-Louis Benoît (I Quattro Rusteghi de Goldoni)
Alvis Hermanis (La Damnation de Faust de Berlioz-Nerval-Gandonnière)
Claus Guth (Rigoletto de Verdi & Piave)
Pascal Neyron (Le Farfadet d'Adam & Planard)
Anna-Marie Holmes (chorégraphie pour  Le Corsaire d'Adam, d'après celle de Sergueïev – d'après celle de Petipa)
August Bournonville (chorégraphie pour Conservatoire de Holger-Simon Paulli)
Stefan Herheim (Die Meistersiner von Nürnberg de Wagner)
Claudine Gabay (John Gabriel Borkman d'Ibsen)
Damien Bigourdan (Don César de Bazan de Massenet & d'Ennery, Dumanoir, Chantepie)
Herbert Wernicke (Der Rosenkavalier de R. Strauss & Hofmannsthal)
Romeo Castellucci (Moses und Aron de Schönberg)
John Taras (chorégraphie pour Piège de lumière de Damase)
Roland Petit (chorégraphie pour Les Forains de Sauguet)
Calixto Bieito (Lear de Reimann & Henneberg-Zimmer)
Fanny Ardant (Passion de Sondheim & Lapine)
Éric Chantelauze (La Poupée sanglante de Didier Bailly & Jérôme Chantelauze)

Je ne compte pas les mises en espace de circonstance (Kosma et Notre Falstaff au CNSM, L'Europe Galante au CRR, Alcide aux Menus-Plaisirs, ni La Favola d'Orfeo par Tubéry à Gaveau, remarquablement suggestive d'ailleurs, avec ses musiciens chantants qui se lèvent ou apparaissent dans les loges !).

Chacun assez conforme à ses habitudes : Hermanis un peu perdu par ses propres concepts (potentiellement stimulants, mais tellement déconnectés de la scène), Guth dans un bon jour pas trop hardi (le double de Rigoletto ne dit pas grand'chose, en revanche le carton mobile est très beau et renvoie efficacement les voix), Herheim dans l'univers où il excelle (niveaux de lecture multiples, beauté plastique, lisibilité et direction d'acteurs permanente, même chez ceux qui se taisent), Castellucci plaisant visuellement sans chercher à construire un récit, Wernicke que je n'avais jamais vu aussi subtil (malgré les reprises en son absence, gestuelle très précise et riche)… chacun a fait ce qu'on attendait de lui. Seul Bieito m'a paru décevant eu égard à ses standards : peu d'usage de la profondeur de scène, personnages peu caractérisés, ensemble plutôt statique, et un peu comme la musique, grande uniformité des aspects visuels gris. Dans le genre sombre, très loin de la réussite de son Wozzeck magnétique, par exemple.

En revanche, beaucoup de choses très impressionnantes dans les petites salles : la finesse des dialogues se prolonge dans de délicats intermèdes musicaux a cappella chez Dominique Pasquet (nouveau collectif Les Sincères), la place laissée par Jean-Louis Benoît à la verve des meilleurs acteurs comiques du Français (Hecq, Raffaelli…), la vie apportée à un petit opéra comique par Pascal Neyron, l'adroite scénographie avec des moyens limités chez Damien Bigourdan, et l'inventivité épatante de cette fresque racontée à trois acteurs dans la Poupée de Chantelauze… autant de régals.

S'il fallait faire ici aussi une remise de prix, ce serait par la force des choses Herheim (virtuose au dernier degré) voire Wernicke (dans un ouvrage plus facile à servir, mais fin et plastique à la fois, c'est toujours un enchantement. Mais, avec les moyens très limités (ne serait-ce que l'espace de 10m², sans décor), sans doute encore plus impressionné par la justesse de Pasquet et l'inventivité débridée de Chantelauze.

Pour la chorégraphie, musique, sujet, chorégraphie (et même qualité des danseurs), tout plaide pour Piège de lumière, une des grandes musiques de Damase, pas du tout une pièce de circonstance aux ressorts un peu répétitifs (comme ses concertos par exemple), mais au contraire un univers riche et généreux, de plus extrêmement avenant pour tout public (sorte de Poulenc lyricisé). Sur un argument à la fois original et propice aux épanchements féeriques.



3h.  Statistiques : instrumentistes

Autre nouvelle catégorie. Où l'on recense tous les solistes entendus et distingue quelques chambristes particulièrement remarquables.

Pianistes :
François-Frédéric Guy (Beethoven 3 & 5), Lars Vogt (Brahms 2, puis Mozart), Denis Pascal (dans le Burleske de R. Strauss), Jean-Efflam Bavouzet (Rachmaninov 2), Romain David (Koechlin), Emmanuel Ax (Beethoven 2), Momo Kodama (Mozart 23), Maroussia Gentet (Dutilleux), Pierre Thibout (Tannhäuser), Nicolas Chevereau (Thaïs), Radu Lupu (Beethoven 3), Jean-Yves Thibaudet (Grieg).
→ Hors solistes internationaux : Pierre Thibout et Nicolas Chevereau (par accompagnateur régulier de L'Oiseleur des Longchamps) se produisaient comme élèves de la classe de direction de chant d'Erika Guiomar.

Violonistes :
Simon Ehnes (Britten), Stéphanie Moraly (Koechlin), Julian Rachlin (Prokofiev 2), Francesca Borrani (tutti Mendelssohn), Gil Shaham (Brahms), Joshua Bell (Tchaïkovski), Émeline Concé (Boutry, Ravel), Fanny Robilliard (Brahms, Quatuor avec piano n°3).
→ Hors solistes internationaux : Francesca Borrani est violon solo à l'Orchestre de Chambre d'Europe (COE), Émeline Concé est le premier violon du Quatuor Akilone (et aussi chef d'attaque des seconds violons à l'Orchestre Lamoureux), Fanny Robilliard est membre du Trio Karénine (avec piano), et occasionnellement de Musica Antiqua Köln et de l'ensemble baroque du Philharmonique de Berlin.

Altistes :
► Beaucoup d'excellents entendus (chefs de pupitre au Philharmonique de Radio-France pour Dutilleux, ou à la Tonhalle de Zürich pour Dvořák…), mais réellement mis en valeur, et de toute façon la plus passionnante, Sarah Chenaf (du Quatuor Zaïde) emporte la palme.

Violoncellistes :
Johannes Moser (Martinů 1 révisé), Sol Gabetta (Saint-Saëns 1), Gautier Capuçon (Dvořák 2).

Flûtistes :
Philippe Bernold (Mozart harpe), Emmanuel Pahud (Widmann), Vincent Lucas (Nielsen), Clara Andrada de la Calle (Bizet, Symphonie).
→ Hors solistes internationaux : Vincent Lucas est solo à l'Orchestre Paris (venu jouer le concerto de Nielsen), Clara Andrada de la Calle est solo à l'Orchestre de Chambre d'Europe.

Ondiste :
► Thomas Bloch (dans Thilloy).

Pour beaucoup d'entre eux  – sauf Capuçon (entendu dans la même œuvre il y a un peu plus de quinze ans !), Lupu (il y a un peu plus de dix ans), Shaham (idem) et Concé (trois fois rien que cette année !) –, c'était la première fois que je les entendais en salle.

Et à présent, les distinctions :

les putti d'incarnat Putti d'incarnat les putti d'incarnat

Meilleur pianiste de la saison, sont nommés :
Emmanuel Ax (Beethoven 2), Romain David (Koechlin), Pierre Thibout (Tannhäuser), Nicolas Chevereau (Thaïs), Radu Lupu (Beethoven 3), Jean-Yves Thibaudet (Grieg).
Attribué à : Pierre Thibout. « Rien qu'en plaquant les accords simples de la marche des pèlerins de Tannhäuser, on entendait la causalité de chaque accord, chacun pourvu d'un relief extraordinaire… on entendait Wagner composer ! » [notule]
Dauphin : Romain David. « il est facile d'être un peu décontenancé et mécanique dans les contrepoints du Koechlin, par exemple, mais ici on sentait au contraire (et plus encore lorsqu'on a l'habitude de l'écouter, le lire ou le jouer) un soin apporté à chaque section. Pas de camouflage à la pédale au piano, pas de régularité négligente, au contraire chaque phrasé semble avoir été patiemment pensé. » [notule]
♥ … au demeurant très impressionné par la présence sonore d'Emmanuel Ax, dans une œuvre que j'ai longtemps crue (à tort, je l'admets) mineure.

Meilleur violoniste de la saison, sont nommés :
Simon Ehnes (Britten), Stéphanie Moraly (Koechlin), Francesca Borrani (violon solo du COE, tutti Mendelssohn), Émeline Concé (Boutry, Ravel), Fanny Robilliard (Brahms, Quatuor avec piano n°3).
Attribué à : Stéphanie Moraly. « malgré l'acoustique très précise et impitoyable, une interprétation d'une précision extraordinaire (même chez les très bons, une telle justesse d'intonation chez un violoniste, sur un programme aussi long et technique, est rarissime) et travaillée dans ses moindres recoins [...] Stéphanie Moraly présentait très brièvement chaque pièce avec chaleur, aisance, un sens de l'anecdote, [...] un ton très direct [...] et une très jolie voix, souple et mélodieuse. » [notule]
Dauphine : Émeline Concé. « Le Quatuor Akilone s'exprime par un beau truchement : un son franc, bien étagé, physique, brillant mais sans rondeurs inutiles. Dans Ravel, on a l'impression de revenir aux sources d'un goût français du sans façons, loin des fondus d'orchestre et des épaisseurs confortables. Et, surtout : elles savent phraser ! La moindre articulation du discours est amenée avec naturel, et dans une pièce aussi souvent jouée et enregistrée, elles se frayent un chemin personnel sans le moindre effet appuyé. De la musique en barre, émouvante avant d'être (très) impressionnante. » [notules]
♥ … et je n'ai jamais vu konzertmeisterin aussi ardente et communicative que Borrani, ni soliste aussi aisé et musical (dans l'assommante choucroute virtuosissime et amélodique de Britten) qu'Ehnes, on aurait pu prolonger la distribution.

Meilleur altiste de la saison :
Louise Desjardins
(Quatuor Akilone) dans le Huitième Quatuor de Beethoven, Sarah Chenaf (Quatuor Zaïde) dans le Troisième Quatuor avec piano de Brahms, Jean-Baptiste Brunier (alto solo de l'OPRF) dans la Seconde Symphonie de Dutilleux.
Attribué à : Sarah Chenaf (membre du Quatuor Zaïde, également primé à Bordeaux). Impressionné par sa présence exceptionnelle dans des pièces de musique de chambre (Troisième Quatuor avec piano de Brahms, en particulier) où elle devrait être cachée milieu de l'harmonie, et où elle fait primer chaque détail avec un charisme rare dans ces parties.

Meilleur violoncelliste de la saison, sont nommés, sont nommés :
Johannes Moser (Martinů 1 révisé), Sol Gabetta (Saint-Saëns 1).
Attribué à : Johannes Moser. « … bien que complètement de dos, le son parvenait sans effort, parfaitement timbré (pas du tout ce côté élimé et râpeux fréquent dans le violoncelle concertant, sans être du gros son pour autant)… le tout culminant dans une sarabande de Bach (Première Suite), murmurée mais timbrée comme à pleine puissance, osant même les diminutions dans les reprises. Il pourrait paraître un excellent violoncelliste parmi d'autres, mais dans la salle, on s'aperçoit vraiment qu'il s'agit d'un interprète particulièrement exceptionnel. » [notule]
Dauphine : Sol Gabetta. En salle, le son un peu poussé ou geignard qu'on entend en retransmission disparaît complètement, et se projette glorieusement, avec assez bon goût d'ailleurs – même si l'on demeure très loin, tout de même, de la classe intersidérale et inaccessible de Moser.

Meilleur flûtiste de la saison, sont nommés :
Attribué à : Clara Andrada de la Calle. « meilleure flûte solo [du COE] de tous les temps : comment est-il possible de timbrer aussi rondement (et d'exprimer aussi bien) sur ce petit tube dont les plus grands tirent souvent des sons lourdement empreints de souffle ! » [notule]



3i.  Statistiques : chanteurs

Comme chaque année, beaucoup d'interprètes exceptionnels dont je ne peux pas forcément parler à chaque fois… Voici leurs noms.

Légende :
¶ Formidable comme d'habitude
Opinion améliorée par rapport à une précédente expérience
Première audition en salle

Sopranos :
Agathe Boudet (Port-Royal),
Cécile Madelin (Sangaride, Zemlinsky),
♪ Cécile Achille (Port-Royal),
Marie Perbost (Spanisches Liederspiel),
Julia Lezhneva (Almirena),
♪ Marie-Adeline Henry (Armide),
♪ Michaela Kaune (Werdenberg),
Erika Grimaldi (Requiem de Verdi),
Amber Wagner (Ariadne).

Mezzo-sopranos :
Eva Zaïcik (Rosina, Spanisches Liederspiel),
Niina Keitel (Lene),
Stephanie Houtzeel (Octavian),
Jennifer Johnson (Mahler 3).

Contre-ténors, falsettistes :
Bruno Le Levreur (Guédron),
Paul-Antoine Benos (Cid, Zemlinsky)

Ténors :
Paul Belmonte ? / Alexandre Cerveux ? (Alcide – divergence entre les programmes !)
Pablo García (Spanisches Liederspiel),
Oliver Vincent (Voces8),
Serge Goubioud (Guédron),
Kevin Connors (Tanzmeister dans Ariadne),
Jean-Noël Teyssier (Bastien dans Le Farfadet)
♪ Mathias Vidal (Persée, Cassandre),
♪ Fabien Hyon (Atys),
Andrew Staples (Serenade de Britten),
Francesco Demuro (le chanteur italien),
Michael Fabiano (Duca di Mantova),
Saimir Pirgu (Requiem de Verdi),
♪ Jonas Kaufmann (Bacchus, Damnation de Faust),
Brandon Jovanovich (Stolzing),
♪ John Graham-Hall (Aron).

Barytons :
♪ Marc Mauillon (Guédron, La Haine),
Nicolas Achten (berger de l'Orfeo),
Andreas Wolf (Argante),
Christian Immler,
♪ Jean-Baptiste Dumora (César de Bazan),
Steven Humes (Marke),
Gerald Finley (Sachs),
♪ Thomas Johannes Mayer (Moses).

Basses :
Dingle Yandell (Voces8),
Jean-Claude Sarragosse (Premier Ministre dans Bazan),
Yorck Felix Speer (Cuno),
Günther Groissböck (Pogner),
Peter Rose (Ochs).

… les voilà réunis pour une petite remise de prix.


les putti d'incarnat Putti d'incarnat les putti d'incarnat

Meilleur soprano (léger) de la saison, sont nommées :
Agathe Boudet (Port-Royal), Cécile Madelin (Sangaride, Zemlinsky), Marie Perbost (Spanisches Liederspiel), Julia Lezhneva (Almirena).
Attribué à : Cécile Madelin.
Dauphine : Marie Perbost.

Meilleur soprano (grand format) de la saison, sont nommées :
Véronique
Gens (Béatrix, Marie), Marie-Adeline Henry (Armide), Michaela Kaune (Werdenberg), Amber Wagner (Ariadne).
Attribué à : Véronique Gens.
Dauphines : Amber Wagner, Marie-Adeline Henry.

Meilleur mezzo-soprano de la saison, sont nommées :
Eva Zaïcik (Rosina, Spanisches Liederspiel), Niina Keitel (Lene), Stephanie Houtzeel (Octavian), Jennifer Johnson (Mahler 3).
Attribué à : Eva Zaïcik.
Dauphine : Jennifer Johnson.

Meilleur falsettiste de la saison :
Attribué à : Paul-Antoine Benos (Cid, Zemlinsky).
Dauphin : Bruno Le Levreur (Guédron).

Meilleur ténor (léger) de la saison, sont nommés :

Oliver Vincent (Voces8), Serge Goubioud (Guédron), Mathias Vidal (Persée, Cassandre), Fabien Hyon (Atys), Andrew Staples (Serenade de Britten)
Attribué à : Mathias Vidal (pour Persée en particulier).
Dauphin : Andrew Staples.

Meilleur ténor (grand format) de la saison, sont nommés :
Saimir Pirgu (Requiem de Verdi), Michael Fabiano (Duca di Mantova)Jonas Kaufmann (Bacchus, Damnation de Faust), Brandon Jovanovich (Stolzing), John Graham-Hall (Aron).
Attribué à : Saimir Pirgu.
Dauphin : Brandon Jovanovich.

Meilleur baryton (lyrique) de la saison, sont nommés :
Marc Mauillon (Guédron, La Haine), Nicolas Achten (berger de l'Orfeo), Andreas Wolf (Argante), Jean-Baptiste Dumora (César de Bazan).
Attribué à : Marc Mauillon.
Dauphins : Andreas Wolf.

Meilleur baryton-basse de la saison, sont nommés :
Steven Humes (Marke), Gerald Finley (Sachs), Thomas Johannes Mayer (Moses).
Attribué à : Steven Humes.
Dauphin : Gerald Finley.

Meilleure basse chantante de la saison :
Attribué à : Dingle Yandell (Voces8).

Meilleure basse noble de la saison, sont nommés :
Jean-Claude Sarragosse (Premier Ministre dans Bazan), Yorck Felix Speer (Cuno), Günther Groissböck (Pogner), Peter Rose (Ochs).
Attribué à : Yorck Felix Speer.
Dauphin : Günther Groissböck.

Je devrais faire la même chose pour les danseurs de ballet, mais j'en ai finalement peu vu, et surtout aimé les petits jeunes de l'Opéra (dans Les Forains de Petit et Piège de lumière de Taras), et l'English National Ballet (Rojo forever)…




4. Ressenti

Que souligner, hors l'extrême variété et surabondance de l'offre, très loin d'être épuisée par ce tour d'horizon qui ne reflète que ma pratique personnelle de l'année, le concert n'étant même pas mon premier poste en dépense de temps…

Toujours énormément de concerts gratuits (notamment dans les conservatoires, les églises…), originaux, et de haute volée… on peut se faire une saison complète à l'œil, sans rien rogner sur la qualité. Certes, on ne verra pas les orchestres internationaux ni les solistes à la mode, et le niveau individuel de virtuosité sera peut-être (pas systématiquement, loin s'en faut !) moindre. Mais ce sera grand tout de même – car Paris est généreuse.

Alors, peut-être souligner la présence de quelques (beaucoup de) superbes raretés, comme les airs de cour de Guédron, le Berlin de Meisel, la Première Symphonie de Walton (symphonie de l'année ?), la Sonate avec violon de Koechlin, etc.

Remarqué une fois de plus que le répertoire symphonique français, qui m'exalte tellement au disque, me touche moins fort au concert, à cause de sa forme moins discursive (plus rhapsodique, ou du moins plus contemplative) que les grands monuments germaniques équivalents. Chausson (Soir de fête) et Debussy (Printemps) en l'occurrence, face à Bruckner – que je n'aurais pas dit du même tonnel…

La grande surprise des productions lyriques ne provenait pas de Bru Zane cette saison (contrairement au Cinq-Mars fulgurant de Gounod, possiblement son meilleur opéra) : il me semble que la politique de la maison se tourne de plus en plus vers la documentation de ce qui avait du succès au XIXe (David, Joncières…) plus que de ce qui peut marquer notre propre époque. Travail précieux de musicologie et d'historiographie, mais moins stimulant pour le mélomane : Dante de Godard et La Jacquerie Lalo & Coquard n'étaient pas dépourvus de qualités ponctuelles, mais leur inégalité et la faiblesse extrême de leurs livrets expliquent très bien qu'ils n'aient pas été repris au delà de leur propre période. Patrie ! de Paladilhe, La Dame de Monsoreau de Salvayre ou Hernani de Hirchmann, pour se limiter à des titres souvent cités en ces pages (pour le reste, il y en a quelques tombereaux ).
        Côté opéra, le grand coup fut frappé, dans le secteur même d'activité de Bru Zane, par Les Frivolités Parisiennes, remarquable compagnie qui emploie les plus fins musiciens (ainsi que d'excellents chefs, chanteurs et metteurs en scène) dans des productions scéniques complètes ; bien que peu subventionnée, elle se produit dans d'adorables théâtres (cette saison, Trévise et Porte Saint-Martin…) avec une qualité de finition épatante et des tarifs très abordables. Pour de l'opéra de veine comique, nul besoin de se forcer à écouter pour la vingtième fois le Barbier de Séville à 50 mètres des chanteurs pour 150€, on a ce qu'il vous faut. Don César de Bazan de Massenet, qu'on avait cru perdu, se révèle, sinon le chef-d'œuvre de son auteur (l'ensemble reste sur un ton en général aimable plus qu'audacieux), une œuvre d'une cohérence et d'une séduction assez imparables.

L'année Louis XIV n'a pas permis au CMBV de proposer des explorations majeures en tragédie en musique (plutôt centré cette année sur les célébrations religieuses, programme au demeurant très intéressant.). Cette année, la nouveauté majeure en tragédie lyrique fut le Persée de LULLY dans sa révision massive à un siècle de distance (1682-1770) par Dauvergne, Bury & Francœur, à l'occasion du mariage de Marie-Antoinette ; une partition très différente, très surprenante, mais pas sans charme, grisante par endroit, qui a cependant mis en fureur ceux (je ne dénonce personne) qui espéraient entendre du LULLY et ont récolté de la déclamation post-gluckiste (malgré la date, ça tire déjà pas mal vers Gossec et Méhul, étrangement) avec des ariettes et des fusées orchestrales post-ramistes.

Seule découverte réellement désappointante, Garayev et Thilloy dans un concert coloré d'horizons (Nocturnes de Debussy, Pulcinella de Stravinski, Les Biches de Poulenc) de l'Orchestre Lamoureux (en très petite forme) ; le premier d'un orientalisme insipide, quoique pas déplaisant ; le second, tiré d'une musique de film, brille au concert par une vacuité qui ferait passer les Glassworks pour L'Art de la Fugue après duplications en miroir.
Je ne reviens pas sur ma souffrance Migot, récemment partagée avec force jérémiades hyperboliques.



Trois soirées auront probablement marqué mon expérience de mélomane et de spectateur : la Deuxième Symphonie de Tchaïkovski par Mazzola, le Rosenkavalier par Wernicke & Jordan, le Berlin de Meisel (dans un arrangement sans cordes) par Strobel et avec projection du film – mais la musique est sublime sans, malgré son caractère figuratif. Des sommets comme on n'en croise pas souvent, même à l'échelle de la démentielle offre francilienne.

Et puis quantité de spectacles extraordinaires pour une raison ou une autre (œuvres, interprètes, ambiance générale), et qui n'entraient pas forcément dans l'une ou l'autre catégorie des récompenses : la Poupée sanglante, Armide par Rousset, Walton 1 par Colionne, Sibelius 5 par Järvi, Bruckner 5 par Järvi, Mahler 3 par Järvi, Bazan, Koechlin par Moraly & R. David, Brahms et Fauré par le Trio Karénine + S. Chenaf, Guédron & Friends, Liederpiel à Soubise, récital LULLY au CNSM, Sérénade de Britten par Staples, Shadows of Time couplées avec les Litanies de Poulenc, Dvořák 7 par Dohnányi, Tchaïkovski 1 par Gardner, Requiem de Verdi par Noseda, Meistersinger par Herheim & Jordan, Akilone SQ dans Beethoven 8, Akilone SQ dans Ravel & Boutry, Bruckner 9 par Inbal, Transcriptions des futurs chefs de chant du CNSM, Les Sincères de Marivaux avec intermèdes a cappella, le Farfadet d'Adam à Trévise, le Persée de 1770, The Artist de Bource en concert, I Rusteghi par les comédiens-français, les quatuors avec piano de Marx, Voces8, Piège de lumière de Damase, hommage à Boulez, extraits des Ariane de Marais et de Mouret, Martinů par Hrůša, Beethoven 2 par Koopman…

À peu près tout le reste était peut-être un peu moins excessivement génial, mais quand même tout à fait épatant (très bien choisi sans doute, mais au sein d'une offre qui permet de faire 100 concerts épatants tout en ratant beaucoup d'autres grandes soirées…) : Olympie de Spontini, intégrale Mendelssohn du COE, Franck par la Maîtrise de Radio-France, Quatuors de Haensel-Auber-Pleyel, Sibelius 3 par Järvi, Sibelius 4 par Järvi, Dollé-Visée, Trio avec piano 1 de Brahms avec Cartier-Bresson, L'Orfeo par Tubéry, inauguration de l'orgue de la Philharmonie, cantates de Liszt et Gounod, COE & Pappano, airs de cour espagnols, la Création de Haydn en français, le Prince de Bois par Zinman, Rinaldo par Il Pomo d'Oro, concert Dutilleux par Ryan, l'Oiseau de feu par Gergiev, Credo de MacMillan, le Corsaire avec Tamara Rojo, Rigoletto par Guth-Luisotti, Les Animaux Modèles (et Printemps !), le Concerto de Grieg par la Tonhalle, le Freischütz par Hengelbrock…

Dans les semi-réussites, peut-être Schubert 5 par Norrington (joué de façon aussi haydnienne, exalte surtout la simplicité et les répétitions), Bach et Mendelssohn par l'Orchestre de Paris (problème de style malgré Hengelbrock, ça ne se fait pas en une nuit), le Tristan d'Audi (musicalement superbe, mais visuellement bâclé un à point qui m'avait presque agacé), Mahler 3 par Cleveland (problème basique de gestion de la tension des phrasés tuilés),  Petibon donc la voix s'est beaucoup arrondie pour chanter LULLY et ses semblables… mais de très bonnes soirées tout de même ! 

Un peu plus réservé sur Passion de Sondheim (vraiment pas très grand, et la mise en scène très grise et conventionnelle d'Ardant ne comblait pas les manques), Santiago de Murcia pour guitare baroque et harpe (problème d'instruments surtout, ils sonnaient mal… dans ce répertoire, si on n'a pas de bons crincrins…). Assez perdu, même en étant familier du sujet et des œuvres jouées (et en ayant lu le programme de salle), par Notre Falstaff au CNSM. Comme si j'assistais à un happening de regietheater avec des moyens amateurs ; sans être déplaisant, déstabilisant. Trouvé le temps très long dans le Concerto pour violoncelle de John Williams au CRR (sans grand intérêt), et puis c'était l'orchestre des étudiants, pas encore aguerri). Mais dans ces deux cas, ce sont des concerts gratuits ouverts au public pour permettre l'entraînement des étudiants… c'est en général assez superlatif, mais il n'y a pas d'obligation de résultat, on est invité à voir les travaux en cours et on aurait mauvaise grâce à le leurreprocher !

Ce que je n'ai vraiment pas aimé ?  L'examen de fin d'année d'une étudiante de master au CNSM (j'avais dit que je me demandais à quoi servait de bâtir une voix d'opéra épaisse, moche et inintelligible si c'est pour ne pas se faire entendre au bout d'une salle de 100m²), parce qu'il dit quelque chose des techniques (à mon avis dévoyées) à la mode dans l'enseignement et la pratique du chant. Et surtout, bien sûr, ma souffrance intense en compagnie de Georges Migot. Deux entreprises au demeurant sympathiques (examen ouvert au public, mise en valeur d'un compositeur totalement négligé), on voit à quel point il y avait peu matière à se plaindre de cette très vaste saison de concerts.



Le moment est-il venu de se quitter en distinguant les plus beaux spectacles de l'année ?  J'ai été le premier surpris du résultat.


les putti d'incarnat Putti d'incarnat les putti d'incarnat

Meilleur opéra en version scénique, sont nommés :
Le Farfadet (Frivolités Parisiennes), Don César de Bazan (Frivolités Parisiennes), Die Meistersinger von Nürnberg (Herheim-Ph.Jordan), Der Rosenkavalier (Wernicke-Ph.Jordan)
Attribué à : Der Rosenkavalier.
[La saison passée : Rusalka par Carsen-Hrůša.]

Meilleur opéra en version de concert, sont nommés :
Armide (Talens Lyriques), Persée 1770 (Concert Spirituel), Olympie (Cercle de l'Harmonie)
♥♥ Attribué à : Armide.
[La saison passée : Cinq-Mars par Schirmer.]

Meilleur concert symphonique, sont nommés :
Bruckner 5 (OP-Järvi), Bruckner 9 (OPRF-Inbal), Tchaïkovski 1 (ONF-Gardner), Clyne & Tchaïkovski 2 (ONDIF-Mazzola), Mahler 3 (OP-Järvi), Sibelius 5 (OP-Järvi), Walton 1 (Colonne-Petitgirard), Suk-Martinů (OPRF-Hrůša), Poulenc-Dutilleux (OPRF-Franck)…
♥♥ Attribué à : Clyne & Tchaïkovski 2.
[La saison passée : Tchaïkovski 5 par P. Järvi.]

Meilleur concert chambriste, sont nommés :
Quatuor Pleyel (Haensel, Auber, Pleyel), Quatuor Akilone & Williencourt (Beethoven 8, Quintette Brahms), Trio Karénine & S.Chenaf (Brahms 3, Fauré 1), Transcriptions de la classe de direction de chant du CNSM, Quatuors avec piano de Marx, Quatuor Akilone (Schubert 13, Ravel, Boutry), S.Moraly-R.David (Hahn, Koechlin, Ravel, Emmanuel).
♥♥
Attribué à : S.Moraly-R.David (Hahn, Koechlin, Ravel, Emmanuel).
Dauphin : Trio Karénine + S. Chenaf ; Transcriptions CNSM. Au demeurant, les Akilone ont livré un deuxième Razoumovski de Beethoven et un Ravel qui n'ont guère d'équivalents ! (en revanche bizarrement à la peine dans le Quintette de Brahms)
[La saison passée : ECMA, avec notamment les quatuors Akilone, Hanson et Arod.]

Meilleur concert de lied ou mélodie, sont nommés :
Spanisches Liederspiel de Schumann (Perbost, Zaïcik, García, Reschke…), Serenade pour ténor, cor et cordes de Britten (Staples, OCP, Boyd).
♥♥
Attribué à : Spanisches Liederspiel. Au moins du niveau de l'assemblage Röschmann-Kirchschlager-Bostridge-Quasthoff-Deutsch-Drake (tournée européenne de 2009), c'est assez en dire. La qualité stylistique et expressive de ces jeunes chanteurs non-natifs est très impressionnante, en plus de la beauté des voix (les deux demoiselles en particulier).
Dauphin : Serenade de Britten. Outre que c'est magnifique en soi, le remplacement de l'excellent Toby Spence par Andrew Staples a permis de prendre la mesure d'un véritable miracle – la maîtrise absolue de l'instrument comme des intentions, et une variété de coloris immense. Il chante énormément sur les plus grandes scènes (il sera à nouveau là pour les Scènes de Faust à la Philharmonie, une partie qu'il a déjà beaucoup éprouvée, à Berlin, à Munich…), mais il n'a étrangement pas atteint la notoriété d'autres chanteurs de ce registre (rôles de caractère et oratorio romantique & XXe, disons, un lyrique assez léger – mais la voix est extraordinairement projetée, il pourrait tout aussi bien chanter des héros romantiques, Roméo au minimum).
[La saison passée : Elsa Dreisig – extraits du concert dans cette notule.]

Meilleur concert baroque, sont nommés :
Guédron & Friends (Dumestre), récital LULLY (CNSM, Haïm), Port-Royal (Vaisseau d'or, Robidoux), figures d'Ariane (Zaïs), Dollé-Visée (R. Pharo, Th. Roussel), airs de cour espagnols (Kusa, Egüez)
♥♥ Attribué à : récital LULLY. De jeunes chanteurs dont certains sont de très grandes promesses pour le répertoire (Cécile Madelin, Paul-Antoine Benos), et d'autres des chanteurs qui ne se spécialiseront peut-être pas (Fabien Hyon) mais qui forcent l'admiration par leurs qualités propres. Concert fondé sur des duos et ensembles qui ne sont pas tous des tubes (la dispute du IV d'Atys !), et accompagné avec un feu dansant incroyable par les élèves du CNSM. Le contraste avec le (plaisant mais) poussif récital von Otter-Naouri dirigé par la même Haïm avec son ensemble était d'autant plus saisissant. [Au passage, ce sont les seuls récitals d'opéra de l'année avec celui de Zaïs, vraiment le seul répertoire qui est représenté dans cette catégorie peu noble, à chaque saison de CSS.]
Dauphin : Guédron & Friends. Dans une certaine mesure plus proche de la chanson (enfin, à plusieurs parties, donc madrigalisée…), avec des ostinati irrésistibles et des textes débordant d'une roborative verdeur. Et quels chanteurs (Le Levreur, Goubioud, Mauillon, meilleurs qu'ils ne l'ont jamais étés), attelés avec l'étrange (et fascinante) Lefilliâtre.
[La saison passée : Vespri de Rubino en collaboration CNSM-Palerme.]

Théâtre, sont nommés :
Les Sincères de Marivaux, Les Rustres de Goldoni, John Gabriel Borkman d'Ibsen, La Poupée sanglante de Chantelauze & Bailly (d'après Leroux).
♥♥ Attribué à : La Poupée sanglante. Inventif et jubilatoire. En plus mis en musique.
Dauphin : Les Sincères.
[La saison passée : La Mort de Tintagiles de Maeterlinck mise en scène par Podalydès et en musique avec une sélection et des improvisations de Coin. Complètement terrifiant et tellement poétique.]

Œuvre en première mondiale (re-création), sont présents :
La Création de Haydn dans la version de la création française, La Jacquerie de Lalo & Coquard, Dante de Godard, Don César de Bazan de Massenet, Quatuors avec piano de Joseph Marx, Musique de chambre de Migot.
♥♥ Attribué à : Don César de Bazan. Vraie bonne surprise.
Dauphin : Quatuors avec piano de Joseph Marx (étudiants du CNSM).
Les autres n'étaient pas grandioses (et Migot carrément pénible).
[La saison passée : Cinq-Mars de Gounod.]

Compositeur vivant, sont présents :
Aboulker (Maîtrise de Radio-France), Widmann (Orchestre de Paris), Burgan (Orchestre Colonne), Clyne (Orchestre National d'Île-de-France). [Boulez, Damase et Dutilleux y échappent de peu, mais leurs œuvres présentées datent souvent d'un demi-siècle de toute façon…]
♥♥ Attribué à : Anna Clyne. Très belle utilisation de l'orchestre pour une écriture très accessible et avenante (ce n'est pas du néo- ni du tonal définissable pour autant).
    Boule de suif d'Aboulker est un peu long et recycle tout le temps les mêmes (bons) effets, par ailleurs déjà entendus chez elle.
    La Suite pour flûte et orchestre de Widmann est d'un modernisme de moyen terme bon teint, parfait pour avoir l'air d'aujourd'hui sans rien oser… d'ailleurs, je n'ai pas trouvé très honnête de finir sur une pièce assez jubilatoire (et bissée !) qui n'avait rien à voir avec le reste et citait la Badinerie de Bach (et Tristan !), façon un peu vulgaire d'attirer les applaudissements Cela dit, c'était le seul bon moment de la pièce, j'étais ravi que ce soit bissé, mais triompher en pillant Bach dans les cinq dernières minutes me laisse un peu interdit sur la philosophie du compositeur – je tire à la ligne pendant un quart, et puis j'emprunte un tube pour faire un joli final brillant. Il fait une très belle carrière de clarinettiste, pourquoi s'imposer ça ?
    Mais c'est toujours mieux que Le Lac de Burgan qui met en musique le poème de Lamartine – dans des atmosphères indistinctes et une prosodie aberrante.
    Par ailleurs, les moments Damase-Dutilleux-Boulez ont été excellents, tout n'est pas perdu pour les gens du XXIe siècle.
[La saison passée : Au monde de Boesmans.]




5. Et puis

En finissant, je m'aperçois que le parti de distinguer individuellement entre en contradiction avec la recherche de lignes de force, mais après tout, comme il s'agit d'une bilan purement personnel, limité à ce que j'ai vu, autant conserver les propos généraux pour les annonces de saison.
    J'espère surtout que ce contribuera à mettre en lumière des lieux et des artistes particulièrement intéressants.

Pour ceux qui sortent parfois avec le sentiment d'à-quoi-bon en quittant un concert prestigieux où l'on n'a pas été très concerné (voire agacé), un concert dans une petite salle avec des interprètes enthousiaste est un remède assez irrésistible – l'émotion n'est pas du tout de même nature qu'avec les solistes les plus professionnalisés au milieu d'une grande salle.
        Indépendamment de l'engagement (qui peut s'émousser, ou du moins s'automatiser, chez ceux qui ont passé quarante ans à recueillir des triomphes en enchaînant les plus grandes salles) et de la dimension des lieux (sentir le grain des timbres sur sa peau est quelque chose de très précieux, qui ne passe pas la rampe dans les vastes ensembles architecturaux), il existe, me semble-tèil, une plus-value psychologique immédiate. Dans un concert prestigieux, on jauge toujours les artistes, on attend que ce soit au niveau (a fortiori si on a payé cher, raison pour laquelle je m'y refuse), que leur travail nous séduise, voire nous subjugue ; dans le concert intime, on regarde au contraire d'un œil bienveillant des artistes en devenir ou restés discrets, et qui malgré l'absence de regards officiels susceptibles de promouvoir leur carrière, partagent avec nous un moment privilégié. Dans le premier cas, on sent la pression de l'événement, et qu'on le veuille ou non, on le regarde comme tel, on se doit d'une certaine façon de déterminer avant l'entracte si c'était bon ; dans le second, on se sent au contraire en connivence, récipiendaires d'un secret, partenaires d'une passion commune.
        Pardon de le dire ainsi, mais les mélomanes sont comme les poules de batteries auxquelles, si l'on donne trop d'espace (mais pas beaucoup pour autant, ni de plein air), développent des instincts cannibales : le lieu et le statut du concert ont, très involontairement, une influence mécanique sur la perception des choses. J'étais émerveillé d'entendre la Première Symphonie de Walton en concert, avec une exécution qui m'aurait sans doute mis en fureur (ou plus vraisemblablement fait lever un demi-sourcil) s'il s'était agi d'un Beethoven à la Philharmonie, mais qui m'a ravi dans ce contexte, parce qu'elle apportait tout l'élan et la lisibilité nécessaires à cette musique (et vu sa difficulté et sa rare pratique, on n'allait pas mégoter sur la beauté des timbres ou les détails de mise en place)…

Cette saison (comme la précédente), les repérages de concerts insolites ou rares (plutôt en Île-de-France, puisque c'est issu de recherches initialement pour ma pomme) seront plutôt proposés mensuellement qu'annuellement, la formule a paraît-il semblé plus efficace.

Nous songeons à louer une salle pour la cérémonie de l'an prochain, avec retransmission en mondiovision et partenariat avec Medici.tv. Kim Jong-eun a déjà proposé de prêter le Salon Kim Il-sung de l'aile Ouest du Mémorial du Juche, mais nous voudrions accueillir un public nombreux et cherchons une adresse un peu moins enclavée en transports (on travaille le lendemain). Toute proposition sérieuse acceptée.

jeudi 4 août 2016

Diagonale : la Marseillaise, Damase, Eugène Sue et l'Eurovision


A. Jean-Michel Damase à la Fête Nationale

Nous sommes le 14 juillet. Comme chaque année, je réécoute mon hymne national fétiche, la marche des Trois Couleurs de Jean-Michel Damase, tirée de son opérette (« feuilleton musical en deux actes ») Eugène le mystérieux (1963 ; création 1964). Les autres années, j'avais proposé la Marseillaise en hongrois (2011), m'étais interrogé sur les usages de l'hymne national en concert (2012), ou sur la semi-honte qui entoure la Marseillaise (2015).

Et donc, comme à chaque fois, je me pose des questions. En réécoutant le reste de la pièce, je m'interroge encore sur cette petite soprane qui a décidément une technique très différentes des voix d'opéra qui l'entourent. On l'entend très bien : le larynx haut, les voyelles ouvertes, à l'occasion un peu de souffle entre les cordes ; par ailleurs, si le timbre est éclairci et enfantin au maximum, elle chante plutôt en voix de poitrine (la voix de tête est réservée aux aigus, contrairement à la tradition lyrique)… un style (l'expression prime sur le legato) et une technique qui évoquent davantage l'univers de la chanson. Sans doute moins sonore que ses compères, elle est aussi manifestement captée de plus près.

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(Ariette des fleurs.)

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(Quatuor de la mauvaise éducation – avec Michel Cadiou en Rodolphe et Dominique Tirmont en Chourineur.)

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(Ariette de la déveine.)

Elle chante ici Fleur-de-Marie, héroïne des Mystères de Paris d'Eugène Sue, la source de cette opérette : air de présentation, trio de l'éducation, air de la malchance. Il est assez amusant que le texte de Marcel Achard (le librettiste), tout en refusant l'onomastique proposée par Sue, prenne autant la peine d'insister sur le fait qu'elle n'est qu'une petite fleuriste tandis que les autres filles vendent leur petite fleur, puisque c'est insister précisément sur ce qu'est, à l'origine, Fleur-de-Marie :

Par une anomalie étrange, les traits de la Goualeuse offrent un de ces types angéliques et candides qui conservent leur idéalité même au milieu de la dépravation, comme si la créature était impuissante à effacer par ses vices la noble empreinte que Dieu a mise au front de quelques êtres privilégiés.

La Goualeuse avait seize ans et demi.

[...]

La Goualeuse avait reçu un autre surnom, dû sans doute à la candeur virginale de ses traits… On l’appelait encore Fleur-de-Marie, mots qui en argot signifient la Vierge.

Pourrons-nous faire comprendre au lecteur notre singulière impression, lorsqu’au milieu de ce vocabulaire infâme, où les mots qui signifient le vol, le sang, le meurtre, sont encore plus hideux et plus effrayants que les hideuses et effrayantes choses qu’ils expriment, lorsque nous avons, disons-nous, surpris cette métaphore d’une poésie si douce, si tendrement pieuse : Fleur-de-Marie ?

[...]

— j’ai rencontré l’ogresse et une des vieilles qui étaient toujours après moi depuis ma sortie de prison… Je ne savais plus comment vivre… Elles m’ont emmenée… elles m’ont fait boire de l’eau-de-vie… Et voilà…

[...]

— Les habits que je porte appartiennent à l’ogresse ; je lui dois pour mon garni et pour ma nourriture… je ne puis bouger d’ici… elle me ferait arrêter comme voleuse… Je lui appartiens… il faut que je m’acquitte…
[Chapitre IV des Mystères de Paris de Sue.]

Même sans interpréter l'allusion aussi hardiment que je le suggère (néanmoins assez logique devant le récit croissant de ses malheurs, après avoir raconté le soulagement de la prison ou comment, enfant, on lui arrache une dent pour la vendre), on voit bien que Fleur-de-Marie n'est pas du genre à se poser en parangon moral, fût-elle irréprochable. L'opérette reprend le motif mais en le renversant, pour en faire un motif d'édification dans les familles, sans le même processus de réhabilitation que dans le [long] roman.

Pour plus ample balade, plusieurs notules ont été consacrées au roman (Sue & Dumas, mutations urbanistiques, style) ou à l'opéra comique (nomenclature de l'humour musical, Woyzeck le Chourineur, Fête Nationale).



Mais qui était-elle, cette soprane, pour qu'on lui confie ainsi un rôle dans du répertoire lyrique aux côtés d'un ténor institutionnel de la Radio comme Michel Cadiou – et titulaire de grands rôles sur les scènes prestigieuses ?  Sans doute une petit gloire du temps, me suis-je dit. D'autant que le rôle, qui utilise son vocabulaire propre, semble confectionné sur mesure pour une chanteuse de ton plus populaire.



B. Jacqueline Boyer à l'Eurovision

Vous serez peut-être effrayés en découvrant que lorsque je lus Jacqueline Boyer, ma réaction fut d'aller consulter mon imam Google, et de découvrir le pot aux roses. Pour commencer, c'est la fille de Jacques Pills, vieille gloire de la chansons française, plus tard mari d'Édith Piaf, et de Lucienne Boyer, dont la voix et le visage n'ont peut-être plus la même notoriété, mais dont les grands titres sont toujours connus de tous (Parlez-moi d'amour, Que reste-t-il de nos amours, Mon cœur est un violon, Bonne nuit mon amour mon amant). Elle raconte qu'elle fait ses débuts comme chanteuse à quinze ans, en partageant la scène avec Marlene Dietrich. Bref, plutôt préparée.

Et si bien que, un an seulement après que son propre père a fini dernier à l'Eurovision (sélection pourtant pour partie calamiteuse cette année-là), à l'âge de dix-huit ans, elle remporte la compétition de 1960 avec ceci :

[[]]

Assez irrésistible illustration du goût français, cette petite chanson en trois strophes est bâtie au cordeau. Un petit récit (de Pierre Cour) sur un personnage doté d'un nom pittoresque, organisé autour de chiffres (2 châteaux / 2 secrets / 1 défaut), avec un refrain varié, de petites surprises (« n'a qu'un défaut : [...] il est charmant, il a bon cœur, il est plein de vaillance ») et la pirouette finale qui dément tout ce qui a été précédemment dit.
Le balancement musical, très simple, est assez irrésistible, avec son alternance de couplets badins piqués et de refrain varié plus lyrique. Pour maintenir la tension, chaque nouveau couplet est élevé d'un demi-ton. L'orchestration (est-elle aussi due à André Popp ?) varie considérablement et multiplie les couleurs, les atmosphères, les contrechants de façon assez raffinée (on sent que le gars a étudié son Richard Strauss, et qu'il aurait pu être un camarade de Damase sur les bancs du Conservatoire).

Mélodie simple et prégnante, historiette amusante, et tout cela servi avec beaucoup de malice par Jacqueline Boyer : la façon dont l'aigu se décroche soudain en voix de tête pour la note la plus aiguë du refrain, ou les sourires qui passent dans la voix, les petits gestes qui colorent les sous-entendus, font de l'ensemble un petit bijou fragile délicat, assez addictif.

Comment en à peine vingt ans, est-on passé de ce type de ballade en version de concert accompagné par un orchestre symphonique aux rengaines chorégraphiées sur des boîtes à rythme ?  Parce que L'Oiseau et l'Enfant, qui remporte la palme en 1977, se situe quelque part entre du sous-Joan Baez et du sous-sous-André Popp, la kitschouillerie en sus ; et on est loin de ce qui a été produit de pire dans ce concours pendant les décennies suivantes.



C. Chanter en langues


En cette année 1960, on joue des chansons à l'ancienne, accompagnées par des orchestrations ambitieuses (avec, au besoin, des éléments jazz) ;  sans vouloir jouer de l'absurde hiérarchie, la densité musicale me semble beaucoup plus ambitieuse que dans les éditions récentes où le soin est d'abord porté sur le grain du son et sur la chorégraphie.

Par ailleurs, autre contrainte, l'usage d'une des langues officielles du pays concourant. Pour une émission qui se veut une célébration de l'esprit européen, entendre défiler toutes ces couleurs locales a quelque chose de particulièrement fascinant et émouvant. Le principe a beaucoup varié au fil des périodes, et restait respecté par tous, quoique implicite, dans les premières éditions, de 1956 à 1965.

Par qui le scandale est-il arrivé ?  Par un chanteur d'opéra, forcément.

En 1965, Ingvar Wixell, le grand verdien (Rigoletto et Amonasro restés des références absolues pour tous ceux qui aiment les voix claires, les timbres morbidi-moelleux et les émissions mixées-mixtes), y chantait avec sa technique d'opéra un chanson en anglais, pour le compte de sa Suède natale. La technique de chant lyrique était habituelle, beaucoup de chanteurs à la mode d'alors y recouraient, on l'entend très bien chez les concurrents de ces années – surtout chez les hommes (les femmes chantent en général la chanson en mécanisme de poitrine, alors que la voix de tête est utilisée par défaut dans le lyrique). Son usage n'est pas identique à celui fait à l'opéra, bien sûr (les tessitures sont plus courtes et basses, pour commencer), mais les fondements techniques sont très proches. Pour prendre deux exemples emblématiques :

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Dennis Morgan est un ténor évident, parfois qualifié comme tel par les biographes, et doté d'une émission très solide, avec une homogénéité parfaite et un passage totalement domestiqué, tout à fait inaudible, comme chez les plus grands.


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Mais quelle est donc cette pianiste qui chante si bien ?

Même dans le cas de Bill Crosby (qui, favorisant son grave, serait moins audible avec orchestre et sans amplification), on entend très bien la recherche d'auto-amplification et le goût du fondu, caractéristiques de la technique lyrique – même si, évidemment, il développe aussi d'autres caractéristiques, en privilégiant la qualité du timbre sur la puissance, étant amplifié.

Même chez Lucienne Boyer, la glorieuse mère de Jacqueline, on entend très bien cette charpente particulière, commune aux deux univers.

De fait, à l'écoute, Ingvar Wixell ne frappe pas particulièrement par sa singularité vocale par rapport aux concurrents. En revanche, il y eut force débat autour du dévoiement de l'esprit du concours, la Suède ayant présenté une chanson anglophone, Absent Friends.

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Dès l'année suivante, le règlement devint explicite : seules les langues officielles du pays concerné sont autorisées. Mais il y eut beaucoup d'atermoiements et de repentirs dans cette longue histoire : en 1973, on rend possible le choix de la langue, jusqu'à ce qu'en 1976, un tiers de chansons soient exécutées en anglais. Je me figure bien que ça favorisait, l'anglais étant familier de tous, les potentialités de victoire – rendant d'une certaine façon la compétition plus juste. Mais la tendance était telle que le retour à la langue officielle fut décidé pour 1977. Jusqu'en 1999, qui ouvre notre ère décadente où il est quasiment suicidaire de ne pas proposer de chanson en anglais : les langues sont à nouveau en libre choix. 
Donc beaucoup d'allers et retours, on voit bien pourquoi : les langues rares, même si les jurys ont des traductions sous les yeux (les ont-ils seulement ?) sont un handicap pour transmettre une émotion de même qualité que les langues les pratiquées ; mais dans le même temps, autoriser le choix de la langue, c'est précisément faire de l'Eurovision une banale compétition de chanson, qui n'a plus rien du charme d'un parcours à travers différentes cultures. La musique du concours n'a jamais été très variée, chaque période reproduisant d'assez près les modes, mais la langue pouvait au moins introduire une forme de couleur locale, une incitation à utiliser des références patrimoniales dans la forme générale, le thème du texte ou même simplement les couleurs modales ou instrumentales…

Pour mémoire, en 1965, c'est France Gall qui remporte la victoire pour le Luxembourg avec un grand succès débattu (car olé-olé), Poupée de cire, poupée de son, dû à Gainsbourg. Sur la vidéo d'origine, on l'entend très nettement se reposer sur l'originalité du texte et la modernité de la musique (le grand orchestre imitant les sons de danses à la mode) : elle remporte la victoire avec une voix toute grêle… et une intonation particulièrement approximative !  Le candidat italien de 59 chantait certes bien plus mal, mais pas aussi faux !
Tout l'inverse de Wixell : technique conçue pour les micros, cherchant la proximité ou l'effet, et pas du tout la projection dans une salle – au contraire, le naturel est mis en avant, et ces défaillances techniques sont assumées, avec leur effet d'émission enfantine, qui concourt au caractère troublant de la pièce.

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Je me suis beaucoup demandé qui étaient les orchestrateurs de toutes ces chansons : je ne suis pas persuadé que les spécialistes de la chanson, comme Popp ou Gainsbourg, aient ce degré de maîtrise de l'exercice (dans cette version de Tom Pillibi, en entend passer les astuces de beaucoup de grands maîtres…). Et même plus largement des arrangeurs, parce que les contrechants ne sont pas nécessairement prévus non plus. Mais ils ne sont pas crédités, et je suppose qu'il est de l'intérêt du système de ne pas les mettre en avant, pour exalter une figure reconnaissable. Déjà qu'on nomme les chansons par leur interprète, comme s'ils les avaient écrites (pas totalement illégitimement au demeurant : dans la chanson, ce peut être l'interprète qui apporte la touche décisive rendant une musique ou un texte mémorables).

Je projette de poursuivre mon exploration du patrimoine eurovu, je suis très curieux de sentir le moment de bascule (il y a déjà quelque chose, dans cette cohabitation baroque de 1965…) vers les accompagnements amplifiés et les musiques électroniques, vers le goût pour la chorégraphie et le spectacle qui oblitère l'importance de la chanson elle-même.
… et de découvrir de nouvelles pépites.

Pour le peu que j'aie pu en juger (c'est en réalité la première fois que je regarde le concours, au delà des quelques extraits qui font surface chaque année…), c'est un observatoire assez formidable des modes musicales, vocales et capillaires que j'entends débroussailler un peu.



D. Tom Pillibi après l'Eurovision

Tom Pillibi est un très grand succès. L'album (assez peu intéressant par ailleurs, trouvé-je) s'écoule généreusement (on peut l'écouter là), mais reste dans une veine très commune, vaguement teintée de jazz très blanchi, avec des textes parfaitement transparents ; et même vocalement et expressivement, on n'entend pas le même frémissement que lors de sa première exécution à l'Eurovision (elle le rechante après sa victoire, et c'est légèrement moins bien). Les aigus, en particulier, sont un peu durcis, alors qu'elle ose le passage en voix de tête sur scène ; et puis il manque les sourires dans la voix et les petits gestes qui parachèvent le tout.

La même année, Tohama reprend la chanson en belge, avec accompagnement de saxophones (qui réutilisent largement les contrechants d'origine) et sur un beat de fox-trot. Un quatrième couplet – placé en deuxième position –, à propos d'oiseaux fantaisistes, est ajouté par rapport aux versions de Jacqueline Boyer (a-t-il été écrit par Pierre Cour dès l'origine ?  commandé pour l'occasion ?  rédigé par un autre ?).


C'est sans doute la reprise la plus réussie de la chanson, qui malgré les changements (et le tempo rapide qui ne laisse pas aussi bien le temps de conter la ballade) en conserve grandement l'espièglerie.

S'ensuivent d'innombrables reprises

Les Riff pour chœur, avec des harmonies jazz (accords enrichis), où la narration cède le pas à la musique, mais avec beaucoup de saveur ;

Les Scarlet, pour petit chœur, beaucoup plus constamment sur le temps, et avec un ossia aigu, qui fait perdre du caractère mais permet de réduire la tessiture (à peine plus d'une octave au lieu d'une octave et demie) ;
Yvette Giraud, une voix très grave, presque un ténor, avec alternance de chœurs ;
dans un esprit plus exotique, Claudine Cereda, avec rythmes nonchalants et percussions des îles. Deux couplets seulement, le premier et le dernier.



Aujourd'hui encore, il s'agit, à défaut d'un tube intersidéral connu de tous, d'un standard régulièrement repris par les amateurs de chanson française traditionnelle. Témoin ce petit bouquet informel :

● concert donné en Slovénie dans la langue et l'accompagnement d'origine, par le Gimnazija Kranj Orchestra (soirée thématique de chansons parisiennes) ;
● avec guitare folk et piano par Laetitia [[vidéo]] ;

● avec accompagnement de synthétiseur (reprenant largement l'orchestration d'origine), par Fabienne Thibeault ;
● avec une réalisation de synthétiseur plus soignée (existe-t-il des disques d'accompagnement qui l'incluent ?), par Julie Rodriguez, en 2008 ;
● le même accompagnement, cette fois par Les Chanterels (solo avec petit chœur d'accompagnement) ;
● le visuel permet de mesurer la nature des représentations, vraiment des spectacles populaires, de petits groupes de chant amateurs, qui témoignent de la rémanence de la chanson dans le le fonds commun (Cercle Orbey, avec boîte à rythme et synthé sur le vif), ici avec le couplet supplémentaire introduit chez Tohama ;

● plus raffinée, une belle version pour chœur a cappella par l'ensemble La Villanelle.





Il en existe aussi de très nombreux arrangements dans tous les styles et pour tous les formats d'orchestre, chez les orchestres de divetissement. Liste très loin de l'exhaustivité :

♫ avec sifflets (et contrechant de cor !), vibraphone, glockenspiel, cordes lyriques… le grand jeu par l'orchestre de Franck Pourcel, qui reprend largement l'orchestration d'origine (contrechants de violons lyriques, la marche du deuxième couplet…) ;
♫ doublure de xylophone, vibraphone et de pizzicati par Paul Bonneau et son orchestre ;
♫ avec guitare électrique, saxophone et orchestre, très déhanché, par Gerry Mills et son orchestre ;
♫ avec Jacky Noguez (accordéon) et son orchestre ;

♫ plus franchouillardisant encore, mais avec une touche de Donizetti en sus, Jo La-Ré-Do (accordéon) et son orchestre, glissandi et diminutions attendues, et dialogues avec piano et saxo ténor !



et des versions solo :

♫ sur un orgue de barbarie de belle facture (il y avait donc des cartes poinçonnées pour ce tube !) ;
♫ à l'accordéon ;

♫ et bien sûr, au piano.



L'attrait est tel, qu'à la suite de la victoire de l'Eurovision, la chanson est traduite et enregistrée en mainte langue européenne.

♣ En néerlandais (la chanson atteint le 14e rang sur 100 dans les classements du pays, en 1960), gravée par une autre voix enfantine, Willeke Alberti.
♦ En 1994, à un âge plus mûr que les participants habituels, elle représente son pays à l'Eurovision avec Waard is de zon (« Où est le soleil ? »), une jolie ballade pas très originale, à l'exception de la métaphore stellaire (qui ne rebat pas non plus exactement les cartes de la poésie intersidérale) – et y termine 23e sur 25. Au demeurant, la chanson qui remporte le concours, Rock 'n' roll kids (par les émissaires irlandais Harrington & McGettigan), pour piano, guitare acoustique et deux voix, est aussi une ballade (mais clairement typée folk – et autrement plus prégnante).
♦ Vous remarquerez le petit changement mélodique du deuxième couplet, et bien sûr l'usage malicieux du présentatif français « Voilà Kleinzach Tom Pillibi ! ».

♣ En danois, chantée par Raquel Rastenni,
♦ autre participante, à la compétition de 1958, où elle propose Jeg rev et blad ud af min dagbog (« J'ai déchiré une page de mon journal »), dans lequel elle incarne un alter ego d'Elle de la Voix Humaine : une serpillère qui se repend de sa jalousie et conjure son homme de lui pardonner. Musicalement mignon, parfaitement dans le goût du temps, avec son tapis de cordes au portamento systématique et généreux. Elle obtient la 8e place sur 10. Cette année-là, André Claveau remporte la victoire pour la France avec l'autre tube parfaitement d'époque Dors, mon amour (autrement poignant, il est vrai), habilement adaptable à un enfant (il s'agit manifestement plutôt d'une amante, mais le texte se prête presque totalement à la berceuse).
♦ La traduction danoise, pour autant que j'en puisse juger (je ne dispose pas de la transcription, et considérant l'écart graphie-phonie dans cette langue-là, je ne veux pas donner de fausses garanties) reste proche de l'original de Pierre Cour, quoique utilisant le deuxième couplet comme chez Tohama. On insiste peut-être un rien plus sur la dimension séduisante de Tom Pillibi, mais l'essentiel de l'intérêt demeure porté à la chimère. 

♣ Également interprétée en Espagne (où la chanson fut première au cours de l'année 1960 – en quelle langue ? –, alors qu'elle n'était que 2e en France et 4e en Belgique), et même en espagnol, dont voici une interprétation (non officielle), par Juan Aznar.
♦ La traduction reste très proche de l'original français. C'est essentiellement l'entrée en matière qui diffère, présentant Tom Pillibi de façon plus solennelle et biographique (« Tom Pillibi est parvenu à l'état d'homme puissant »), tout le reste étant très proche de l'esprit comme de la lettre.

♣ En allemand, la chanson est portée par Jacqueline Boyer elle-même ; la chanson n'atteint jamais que la 21e place dans les classements, mais le succès est suffisant pour que Boyer fasse une bonne partie de sa carrière en Allemagne, où elle rechante régulièrement Tom Pillibi jusqu'à un stade avancé de sa carrière.
♦ La traduction marque néanmoins une inflexion : le refrain évoque immédiatement le motif de l'imagination (« Denn er hat Phantasie, unser Tom Pillibi »), les couplets, tout en conservant la même structure, insistent progressivement sur sa qualité de séducteur. Le deuxième couplet le nomme ainsi « der Frauenheld » (« le héros de ces dames »), ce qui n'était qu'implicite dans la version française, où l'on pouvait se figurer qu'il était admiré presque malgré lui [encore Damase !] – Frauenheld désigne déjà une typologie.
Le dernier couplet est encore plus explicite, puisque, au lieu d'annoncer ce seul défaut (avec la liste contradictoire de qualités), il est essentiellement consacré à son talent de séducteur (« ist sehr charmant », « ist als Galant allen im Land bekannt » – « connu comme un galant dans tout le pays »), et ne dévoile le caractère d'affabulateur, déjà largement introduit par le refrain, qu'à la fin du quatrain.
L'ami qui raconte cela n'est pas nécessairement une femme ni une amante, surtout considérant la complaisance avec laquelle ses exploits sont rapportés (dès le début, la chanson avait été prévue pour Marcel Amont, donc les questions de vraisemblance sexuelle, comme pour le lied, ne constituent pas un obstacle).
♦ D'une manière générale, cette traduction-adaptation tire Pillibi vers le mauvais sujet : on raconte le portrait d'un garçon haut en couleurs, le séducteur et gentil fanfaron du canton, et on ne voit plus forcément la nécessité de raconter cette histoire (privée de la chute initiale).

♦ Je dispose aussi d'une autre version, par un homme, avec accordéon, petit ensemble et même quelque voix. (Tony Westen, Golgowsky-Quartett, Orchester Will Glahé).

♣ En anglais, chantée par Jacqueline Boyer (avec un beau naturel !) au Royaume-Uni (33e selon le UK Singles Chart de 1960) et plus célèbre dans sa reprise par Julie Andrews.
♦ Dans la traduction, il existe quatre couplets : Boyer en chante trois, Andrews deux, dont le premier en commun.
♦♦ Dans les couplets de Boyer, le décor change beaucoup : d'emblée, c'est une amante qui parle, et il est tout de suite question du potentiel de séduction de Tom Pillibi, nullement de ses occupations. Plus rien de fantasmagorique, le conte, le récit merveilleux ont disparu. Chaque quatrain, assez redondant, explore la même idée : il s'avère que ce garçon timide cache en réalité quelqu'un de plus rompu à l'art de la séduction. Et s'il ment (révélé dès le deuxième couplet, ce n'est plus une chute), c'est par fausse modestie, ou peut-être par stratégie.
♦♦ Dans le second couplet d'Andrews, on nous décrit même un maître de la manipulation des jeunes filles, feignant de demander la permission pour ce qu'il obtient d'emblée…
♦♦ En outre, dans les deux cas il est question de « sortir avec » Tom Pillibi, donc l'univers n'est plus du tout intemporel, voire médiévalisant (les vaisseaux, la fille du roi…), mais très ancré dans le quotidien du milieu du XXe siècle. Et plus encore, les temps utilisés (prétérit) suggèrent que l'histoire est finie, qu'il s'agit d'un souvenir d'expérience amoureuse légère, beaucoup plus du côté des contingences de la vie amoureuse réelle que de la petite fable française avec chute.
♦♦ La véritable chute se situe plutôt dans le refrain, qui joue avec l'expression traditionnelle « don't judge a book by its cover » (l'habit ne fait pas le moine) : So with a lover, as with a book / Don't trust the cover, or you might will be hooked (« Il en va des amants comme des livres / Ne vous fiez pas à la couverture, ne mordez pas à l'hameçon »). Pas tout à fait hilarant quand même. Beaucoup du charme d'origine est à mon avis laissé en chemin
Jacqueline Boyer s'adapte remarquablement à la langue, avec une diction traditionnelle (les « -ed » finaux sont pleinement articulés,comme pour des cantiques ou du Haendel !), et même de beaux [t] plus en arrière sur les alvéoles (le [tʰ] expiré typiquement britannique), très naturels. La voix reste au demeurant placée au même endroit qu'en français, avec la même couleur à la fois légère, franche et brillante. Très séduisant, je dois dire.

Julie Andrews adopte une posture un peu différente ; d'abord, l'accompagnement orchestral diffère (moins symphonique, plus musical theatre – et très rapide, une chansonnette qui termine en lalala plutôt qu'une ballade) ; ensuite, la voix elle-même est plus ronde et lisse, et même l'accent, malgré (et grâce à) ses origines parfaitement anglaises, est d'une certaine façon moins pur, s'américanisant délibérément (le traitement des « a » est flagrant). 

Si les traductions en langues « rares » se font assez près du texte d'origine, la version allemande infléchit la chanson du côté du (gentil) mauvais garçon, et la version anglaise, parfaitement infidèle au projet d'origine, en fait un récit de relation amoureuse – pas très éloigné, finalement, de toutes ces chansons américaines sur l'amour de vilains tatoués. C'est tirer Tom Pillibi vers Big Fat Lie – autre doudou personnel, mais pas exactement le même univers !



E. Tom Pillibi et Jacqueline Boyer

Après avoir remporté le concours, généreusement vendu l'album en Europe, enregistré une version anglaise et régulièrement chanté en allemand le titre, l'engouement s'est poursuivi, jusqu'à nos jours.

La voici par exemple en 1981 dans un festival de l'Østfold (Sud-Est de la Norvège).



Sa technique, très en bouche, moins lyrique que celle de sa mère, explique la petite tension ou déconnexion dans l'aigu dès les débuts, et peut-être aussi le déclin progressif de l'instrument, mais j'y entends surtout un changement d'époque, avec une émission, plus chaude, feulée, en phase avec l'évolution du goût de la chanson (qui n'est pas à mon gré, mais tout est possible avec l'amplification, il n'y a plus d'impératif technique, le reste est affaire de goût) – et il me semble aussi, ce qui doit être vérifiable, y déceler les effets du tabac (accolement imparfait des cordes due à une irritation chronique).
Quoi qu'il en soit, Jacqueline Boyer n'a jamais mal chanté, même dans les bandes les plus récentes où, à l'âge de 74 ans, elle fait valoir une voix certes ternie, mais en rien effondrée.



Ces deux exemples permettent de mesurer l'adaptation de la chanson, par l'artiste elle-même, à toutes les modes d'accompagnement, acceptant des transcriptions très simplifiées par rapport à l'orchestre symphonique de l'Eurovision. On sent bien que très vite, par rapport à la première soirée, une certaine routine s'installe, et que Boyer raconte moins qu'elle ne chante, mais il reste la place pour quelques variantes intéressantes, dont celle-ci, qui m'a un peu intrigué.
[Vous noterez au passage les syncopes systématiques pour faire sonner plus jazz – elles n'étaient que ponctuelles, et expressives, dansla version originale –, ainsi que l'accompagnement à l'avenant.]


C'est le plus proche, chronologiquement, de la création d'Eugène le Mystérieux, et cela s'entend : voix très étroite et franche, remarquablement calibrée pour la chanson, une espièglerie charmante. Avec la vidéo, je m'interroge précisément jusqu'où celle-ci peut aller : au moment de faire le geste d'entrain pour « il est plein de vaillance » (1'52), on la voit réprimer un sourire – croise-t-elle un regard ? est-elle amusée de la naïveté de la posture ?  ou bien perçoit-elle, l'espace d'un instant, un double sens (qui paraît en effet assez évident après « il est charmant, il a bon cœur », s'il n'était désarmé par ce geste badin), qui ne cadre pas avec le format de l'émission ?

Au demeurant, il s'agit d'une pièce difficile, il est rare que les chansons couvrent aussi une octave et demi, ce qui explique la transposition du la grave à l'octave supérieure (effet mélodique très commun, mais beaucoup plus chantable, en tout cas pour le public).



F. Rétroviseur et prémonitions

Quelle traversée, de la Fête Nationale à l'Eurovision des débuts, en passant par l'opérette et les transmutations d'un même titre… Il y avait de quoi, en continuant de dévider l'écheveau, s'amuser encore longtemps, mais je crois qu'il y a là matière à vous occuper pour quelques jours.

Si ce n'était pas le cas, vous pouvez toujours vous reporter aux autres séries de l'été de Carnets sur sol, en général (à partir de 2009 en tout cas) l'occasion d'explorer des pans de la culture populaire commune (découverte de l'eau chaude, ce peutêtre amusant) :

● 2005 : mini-série György Kurtág 0,0.75,1,2,3,4,5,6
● 2006 : le mythe de Médée (1,2,3,4) ;
● 2006 : panorama Takemitsu (biographie, économie, corpus discographique, discographie commentée, catalogue alphabétique, catalogue générique, catalogue chronologique personnel commenté, mode d'emploi)
● 2006 : théâtre chanté chinois
● 2009 : Le Moine de Lewis (le Juif errant et le Hollandais volant, adaptation d'Artaud)
● 2009 : Retour aux sources de Carmen : variantes depuis Mérimée (1,2,3,4)
● 2009 : Eugène Sue et Les Mystères de Paris : citations, citations et Damase, motivations du lecteur et Damase, le Chourineur et Woyzeck, l'hymne de Damase.
● 2009 : Vampires, de Byron à Dracula.
● 2010 : Washington Square adapté pour le théâtre (plutôt grand public) par les époux Goetz, à partir de quoi il est parti au cinéma (Wyler), mais aussi « retourné » à l'opéra (Ducreux-Damase).
● 2010 : Random Harvest, un best-seller britannique de 1941, très révélateur de l'évolution du style populaire.
● 2011 : Calamity Jane et son mythe (1).
● 2011 : Wicked, prequel réorientée du Magicien d'Oz (1,2). Je n'ai jamais parlé du roman de Maguire, parce qu'il est mauvais.
● 2012 :  Zorro et ses mythes (le roman surtout ; pas eu le temps de parler des mutations filmiques, après les avoir tous regardés tout de même, ni de parler de la formidable musique de William Lava pour la série Disney).
● 2012 : La Marquise d'O, Kleist et Rohmer.
● 2013 : Le grand roman sentimental féminin anglophone : Radcliffe, Austen (1), Brontë (1), Gaskell (1), G. Eliot, Wharton…
● 2013 : Ordalie Siegfried.
● 2014 : Pas grand'chose n'en a paru sur CSS. Plongée stakhanoviste dans les Meistersinger et Parsifal, partition au poing ; et puis pas mal de choses en fonctions d'onde / relativité / physique quantique / astrophysique, qui n'avaient pas forcément leur place ici non plus (sujets sur lesquels il y a déjà de la vulgarisation abondante, et par sensiblement plus qualifiés).
● 2015 : désolé, c'était plutôt ambiance balades.
● 2016 : Eurovision, donc. Une notule, mais beaucoup de défrichage. Quelques frayeurs et de très jolies choses, sans parler de la méditation sur l'évolution vocale, de Wixell à aujourd'hui…
● 2016 : Comics emblématiques redevenus à la mode. Là, non plus, c'est pas bon, mais la mutation des figures est intéressante, elle révèle des choses sur nous (de même, la mise à l'épreuve de mon incompréhension de l'attrait pour les superhéros). Mon éducation en la matière culminait (mais se limitait aussi largement) à Don Rosa. 

Bel été aux lecteurs fidèles et de passage ! 
aux autres aussi, je ne suis pas rancunier

dimanche 26 juin 2016

Karajan, la battue vaporeuse


Les musiciens sont rarement clairvoyants (du moins pas plus que les autres) sur la qualité des compositeurs, et même sur l'intérêt des interprètes… mais il existe aussi des détails qui passent au-dessus de la tête du mélomane du rang et qui expliquent la singularité de carrières, ou la cause d'inimitiés artistiques farouches…

En réécoutant une série d'enregistrements de Das Rheingold (les meilleurs, en fait : Keilberth 52, Kempe 61, Karajan 67, Solti 83, Weigle, Gergiev…), j'ai été frappé, à nouveau, par une caractéristique de Karajan. En suivant avec la partition, en essayant de sentir la mesure, on s'aperçoit qu'en plus de changer volontiers de tempo à courts intervalles (ce qui n'est pas du tout exceptionnel chez les chef d'orchestre de toutes époques), les appuis de son temps sont comme flous, difficiles à situer précisément si l'on voulait vérifier au métronome.

Cela mérite précision.

Statut de la partition
La partition musicale est une notation destinée, à l'origine, à laisser une trace des constituants essentiels de la musique, à transmettre la trame d'œuvres longues. Au fil du temps, l'individualisation des compositeurs et leur exigence implique l'écriture intégrale de toutes les parties, et la notation des procédés gagne aussi en précision, avec toutes sortes de signes spéciaux. Nombre de manuscrits pré-1750 ne comportent d'indication de tempo sur une partition baroque que si elle n'est pas évidente pour le compositeur. Quand on ouvre une partition de Mahler en revanche, les changements sont incessants à quelques mesures d'intervalle (il y en a tellement que beaucoup de chefs, peut-être faute de temps en répétition, ne les appliquent pas toutes !). La partition devient de plus en plus, au fil du temps, l'essence de la musique composée, là où elle n'était qu'un aide-mémoire.

L'agogique
Malgré le respect tremblant que portent en général les musiciens à la partition (tiens, j'en parlais justement dans la dernière notule), l'exécution métronomique, façon fichier MIDI, n'est pas requise : il existe une multiplicité de façons de phraser et de mettre en valeur la phrase musicale – c'est pourquoi les ensembles constitués sont en général bien meilleurs que de meilleurs musiciens occasionnellement réunis. C'est ce que l'on appelle d'ordinaire l'agogique, la façon de mettre en œuvre la musique écrite. Et cela suppose une multitude de petites libertés par rapport à ce qui est couché sur papier (avec des ratios réguliers). Dans la pratique, quatre noires n'auront pas forcément la même longueur ; j'y avais consacré une notule (à partir de la Troisième de Mahler), autour de la question de l'allongement et des césures en fin de mesure, procédé très courant.
Certains sont plus libres que d'autres (Alexis Weissenberg est quasiment exact, ce qui lui donne cette platitude particulier ; Chopin l'était paraît-il beaucoup trop), mais tous les musiciens l'appliquent (pas du tout de la même façon bien évidemment), sinon l'effet MIDI ou Hanon est immanquable. Karajan comme les autres.
Pour autant, la pulsation reste régulière.

Le rubato
C'est le niveau supérieur : ici, on déforme délibérément la mesure. Les notes n'ont pas la même durée, comme un micro changement de tempo à l'intérieur d'une mesure. Typiquement, les ralentissements à la fin d'une phrase musicale, particulièrement lorsqu'il y a du texte ou un soliste. Karajan l'utilise beaucoup, presque constamment.

Le changement de tempo
D'un groupe de mesures à l'autre, la vitesse de lecture change. Ce peut être prévu par le compositeur ou choisi par l'interprète – Paavo Järvi le réussit très bien dans les transitions entre deux thèmes d'une symphonie, il ajuste progressivement le tempo du premier thème au second, éventuellement en en choisissant un troisième et un quatrième (pas forcément intermédiaires) pour les ponts qui les relient. Là aussi, Karajan aime beaucoup ça (Muti en est aussi un spécialiste, mais choisit en plus de rendre ces contrastes de battue très apparents).

Le cas Karajan
Remerciez-moi de ne pas l'avoir nommé, comme certains de ses contemporains, par son initiale.
C'est l'usage des deux derniers paramètres qui se combinent de façon spectaculaire chez Karajan. Son grand art fait qu'on ne l'entend pas forcément de prime abord, mais le temps fluctue sans arrêt dans ses interprétations, en tout cas à partir des années 60. Ajouté au son enveloppant qu'il cultive, et poussé à un tel degré, cela produit un effet assez déstabilisant. Essayez de battre à la main, même sans partition, la pulsation d'une de ses interprétations. Impossible de tomber juste, l'appui, en plus de ne pas être très marqué, se dérobe sans cesse, un peu avant, un peu après. Même avec un phrasé simple de quatre notes identiques, il semble impossible de prévoir l'endroit exact où va tomber la pulsation. En l'entendant comme en le regardant, on a l'impression d'un geste enveloppant, qui regarde vers l'avant, mais n'insiste jamais sur le temps, quelque chose de flou se dessine au lieu des contours nets de la plupart des autres exécutions.

La preuve par l'exemple
J'ai cherché des extraits pour appuyer la démonstration, mais c'est beaucoup moins évident qu'il n'y paraît : oui, il y a de grands changements de tempo et du rubato, mais le flou que je cherche à caractériser se manifeste sur le durée, lorsqu'on cherche la pulsation et qu'on ne parvient pas à se caler, qu'elle échappe sans cesse.
        Le plus simple était de le comparer à l'absolu du côté opposé, Solti. Chez ce chef, c'est au contraire l'exactitude de la mesure qui frappe, avec des phrasés toujours très droits, presque cassants, et une pulsation très régulière et perceptible. Mais là aussi, dans le détail, ce n'est pas si simple : énorméments de fluctuation de tempo dans leurs deux Tristan de studio, par exemple. Aussi, je me suis rabattu sur la fin de Rheingold, sans retrouver les moments les plus pertinents. Ce n'est donc qu'une illustration assez théorique, pas exactement une révélation, que je vais proposer : ne réécoutez pas avec acharnement les extraits, ils ne sont que modérément significatifs. Dans le dernier récit de Wotan, je vais insister sur la petite ligne de basse descendante après « So grüß ich die Burg » : quatre notes écrites égales.

        [En fin de compte, mes illustrations sont contre-productives et ne montrent pas ce que je veux montrer, je les retire. Mais il y a suffisamment de légendes urbaines en musique, parfois colportées par les « bons » auteurs, si bien que j'ai horreur de faire mine de devoir être cru sur parole.]

rubato rheingold karajan solti

Bien, voilà qui est stimulant, je serai attentif dans mes écoutes les prochaines semaines et reviendrai, si cela peut se réduire à des extraits, avec les exemples adéquats. Quoi qu'il en soit, l'effet d'évidence de Solti (et de raideur, quand on en vient à Bruckner, Mahler et aux Strauss conversationnels) et celui de flottement chez Karajan (ce flux infini comme détaché des contingences de la mesure) sont tout à fait délibérés, et extraordinairement perceptibles sur la durée lorsqu'on ouvre les partitions.

Une conception de la musique
Vers un êthos de la fluctuance. Je prie pour que la mise en forme avec texte barré passe sur vos machines, sinon je suis cuit.
Indépendamment de l'effet (Karajan recherchait ce fondu au delà du seul son, manifestement : jusque dans une liquidité des tempos, se déversant d'une note sur l'autre, d'une section vers l'autre, s'équilibrant sans jamais demeurer stables), j'ai aussi l'impression qu'il s'agit d'une position de principe, d'une vision de la musique, en amont même des partitions. Certains chefs se fond un devoir de jouer régulièrement, exactement ; d'autres ménagent, et quel que ce soit le répertoire, des fluctations, une foule de micro-événements qui animent toujours le discours indépendamment même de ce qui est écrit et prévu.
       En ce qui me concerne, je suis par principe plutôt favorable et sensible à la mise en valeur de la pulsation, même dans les répertoires simples : la sûreté des appuis fait partie des plaisirs de la musique, de même que lorsqu'on anticipe le galbe d'une jolie mélodie ou la résolution d'une tension harmonique. Mais en pratique, j'ai remarqué qu'il n'y avait pas de corrélation entre la position du chef et mon appréciation des interprétations – je ne serais même pas capable, pour un grand nombre d'entre eux, de déterminer l'école à laquelle ils appartiennent sans mettre un enregistrement et y prêter spécifiquement attention : si elle est réalisée avec naturel, la fluctuation de tempo s'entend mais ne se remarque pas. Beaucoup de mes chouchous ont une battue assez droite (de plus en plus fasciné par Solti et Neuhold, sans parler des baroqueux comme Minkowski ou Hofstetter qui dirigent Verdi sans s'arrêter), mais ce n'est pas du tout une règle absolue – justement, Karajan a pour lui nombre d'enregistrements qui paraissent d'une évidence remarquable (même lorsque hors style ou exagérément karajanisés).

En conséquence, je me suis déjà souvent posé la question du respect des musiciens envers les chefs qui jouent avec la mesure : sont-ils considérés comme de vrais techniciens (c'est le cas pour le belcanto – pas baroque, possiblement parce que peu de chefs d'ensemble ont une formation de chef d'orchestre – et le ballet, où la souplesse est capitale, mais dans Wagner ou le répertoire symphonique ?), supérieurs à ceux qui se contentent de battre les temps, ou comme une simple variété différente de chefs (un peu plus narcissique, peut-être) ?

Subséquement, cette maîtrise particulière participe-t-elle de l'admiration des musiciens envers Karajan, où sont-ce d'autres paramètres ?

En tout cas, il me semble qu'il incarne très fortement ce paramètre, qui fait une de ses spécificités, alors même que les partitions ne le requièrent pas forcément et qu'il serait plus simple pour tout le monde de jouer bien régulièrement – et cela fonctionne, témoin Solti et les baroqueux convertis au romantisme. Alors pourquoi se fatiguer à faire du Schumann brumeux ?

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Ici encore, toute suggestion bienvenue. J'espère revenir vers vous avec des exemples qui alimentent un peu plus précisément la discussion.

dimanche 3 avril 2016

Philharmonie 2017, premières impressions


Bonne jauge de la mode culturelle en France, le programme de la Philharmonie, par sa masse critique (nombre hallucinant de concerts, jusqu'à quatre le même soir, sans compter les ateliers !), permet d'évaluer un peu ce qui plaît au public et aux programmateurs.


filles fragonard
Fragonard, Deux jeunes filles après la période des abonnements
(Anciennement collection époux Resnick.)



A. Normalisation

Globalement, la programmation est moins aventureuse que 2015-2016 (mais le premier semestre, lors de l'ouverture en janvier 2015, n'était pas d'une audace folle non plus) :
peu de grands dispositifs (cette saison, Prometeo de Nono, l'hommage à Boulez, Gruppen de Stockhausen ; la saison passée, Jeanne d'Arc au Bûcher, par exemple) qui justifient le côté modulable de la salle, son rôle pour des grand'messes tout public ;
– les concerts symphoniques contiennent moins de pièces rares en leur sein, me semble-t-il ; moins de programmes thématiques originaux et très bigarrés (Amérique du Sud cette année).

Clairement, la Philharmonie devient de plus en plus le lieu du concert symphonique à Paris, même s'il demeure des week-ends jazz et un ou deux week-ends musiques du monde : on y retrouve les concerts des grandes pièces du répertoire par de grands chefs et de grands orchestres, comme un peu partout ailleurs – la différence étant qu'en province il faut se contenter du seul orchestre résident.

Bien sûr, les activités afférentes, les concerts avec participation d'amateurs (beaucoup d'enfants pour cette prochaine saison), les concerts sing-along (Christmas Carols de Britten, airs d'opéras français légers avec Les Siècles, L'Enlèvement au Sérail en français…), les cycles thématiques (assez accrocheurs cette fois, du genre 1001 nuits), les grandes soirées contemporaines (dont une riche tentative de panorama de la création officielle en France depuis les années 70 !) demeurent, mais globalement, on entendra surtout les grands standards dans de multiples versions.

Le Cinquième Concerto de Beethoven doit bien être donné 4 fois, et je n'ai regardé que par les gens qui m'intéressaient !  Pareil pour les dernières Sonates pour piano, au moins deux concerts (Pires et Leonskaja, mais on peut supposer que Pollini, une fois le programme annoncé, fera de même), alors qu'il n'y a que quatre ou cinq concerts de piano solo dans la saison…

Ce sont d'ailleurs, contrairement aux deux premières saisons (où le Sacre du Printemps et la Mer étaient partout), essentiellement les œuvres du répertoire germanique romantique qu'on peut entendre. Haydn et Mozart, peu en cour dans le Paris symphonique ces dix dernières années, reviennent en force (sans parler des concertos), et s'ajoutent à un répertoire qui se limite essentiellement à Beethoven, Schubert (la Cinquième Symphonique uniquement, et un peu partout), Mendelssohn, Schumann, Brahms, Bruckner, Mahler, R. Strauss… auxquels s'ajoute Bartók. Les Russes conservent leur portion habituelle avec les standards de Tchaïkovski, Rachmaninov, Chostakovitch et Prokofiev (une quantité raisonnable de Stravinski cette année, que se passe-t-il ?).
Le baroque a quasiment disparu
, même de la Cité (les baroqueux Christie, Gardiner, Minkowski, Jacobs, viennent pour jouer d'autres répertoires !). Très peu de musique française hors deux récitals de sopranos légers, et ne parlons pas des autres aires (même Dvořák est difficile à trouver), à part la musique américaine (états-unienne) qui a son week-end et même une jolie part au delà.

Davantage de musique vocale, j'ai l'impression, et à chaque fois dans des environnements très prestigieux, avec les spécialistes de leur discipline (Armide de Gluck par Minkowski, Elias par Pichon, Schumann avec Gerhaher puis Goerne, La Pucelle d'Orléans par le Bolchoï, El Niño avec le LSO dirigé par le compositeur, les Sept dernières Paroles de MacMillan par les Cris de Paris, 2 semi-créations dans la grande salle et 2 ou 3 autres à la Cité pour la jeunesse…) ; là encore, mis à part la niche contemporaine assurée par l'institution, essentiellement du répertoire du XIXe siècle…


B. L'Orchestre de Paris

L'Orchestre de Paris, principal résident, peut servir d'emblème à cette évolution, même s'il ne s'agit que d'une coïncidence : avec le départ de Paavo Järvi, c'est tout un répertoire original (nordique notamment, et l'invitation de chefs qui jouaient de la musique « locale » d'autres horizons, espagnole, sud-américaine…) qui s'évanouit.

Il est vrai que Daniel Harding, son successeur, a peu joué avec eux (une seule fois à ce jour, m'a-t-on dit), et désire donc sans doute acquérir des habitudes de travail à partir d'un répertoire déjà connu en commun. Mais en l'occurrence, il propose un cycle Mahler (qu'il dirige très bien, et incorporant la Dixième de Cooke III, là n'est pas la question) qui occupe l'essentiel de sa saison symphonique, le reste tournant essentiellement autour de Mendelssohn, Schumann et Brahms
Le programme le plus original est probablement celui regroupant trois « suites » d'œuvres lyriques ou semi-lyriques (Roméo de Berlioz, Pelléas de Debussy, Peter Grimes de Britten), alliage atmosphérique intéressant, mais je dois avouer que le choix de la suite de Leinsdorf pour Pelléas (peu ou prou les Interludes bout à bout), au lieu de celle de Marius Constant, plus longue, établissant de véritables ponts, et empruntant aussi aux beautés à l'intérieur des scènes, ne m'attire pas vraiment.

Le véritable point fort de la saison de l'orchestre tient dans les trois grandes productions vocales, réunissant les meilleurs spécialistes à chaque fois : Scènes de Faust de Schumann avec Karg, Gerhaher, Staples et Selig ; Le Paradis et la Péri de Schumann avec Goerne ; le Deutsches Requiem de Brahms par Dohnányi, avec Karg et Nagy.

Thomas Hengelbrock, le chef associé, n'est finalement qu'assez peu présent (deux concerts, comme cette saison, je crois), et faire jouer Bach à l'Orchestre de Paris n'est pas une bonne idée en définitive.


C. Détails

¶ Abandon de la Philharmonie 2 dans les dénominations des salles : elle redevient la Cité de la Musique dans la brochure. On suppose tous les retards et toutes les accusations de tromperie sur la marchandise… C'est plutôt une bonne chose : beaucoup plus clair, et par ailleurs un bien joli nom, assez proche de son projet et de sa réalité.
Au passage, quelqu'un a-t-il pu accéder à la rue musicale », qui devait relier les deux ensembles et contenir des stands et animations en permanence ?

¶ La Philharmonie n'annonçait déjà pas les changements d'œuvre ou de chef, mais tous les records sont battus : le jour même de la parution du programme, à midi, discordance entre la brochure diffusée deux heures plus tôt et le site… Ce serait bénin si ce n'était l'œuvre que l'on a le moins de probabilité de réentendre de toute la saison : Uirapuru est remplacé par une œuvre du même compositeur et d'égale longueur, Chôros n°6, mais au contenu pas exactement comparable.
Uirapuru est une sorte d'équivalent, dans la langue chatoyante de Villa-Lobos (teintée d'influences françaises, et même de Wagner par endroit), des grands ballets de Stravinski, un Sacre du Printemps un peu plus lyrique et chatoyant que violent et bigarré ; les Chôros sont des pièces ambitieuses, certes, mais d'un rhapsodisme plus folklorisant, moins radicaux. C'était une excellente nouvelle dans l'absolu, mais la déception est réelle lorsqu'on se rend compte que, tandis qu'on réservait (parce que la brochure, elle, n'a pas changé, et aucun avertissement officiel en dehors du programme discret sur la page exacte du concert), les programmateurs changeaient tranquillement le programme.
En l'occurrence, je dois être un peu le seul à être gêné (puisque Uirapuru était vraiment ma motivation, pas Argerich ni même Villa-Lobos dans l'absolu), mais cette manie irrespectueuse devient assez irritante.

urban brahms ¶ Les contempteurs du nivellement trouveront leur bonheur dans la brochure, qui culmine avec un « Urban Brahms » : intégrale de l'œuvre pour piano, avec alternance de piano-jazz, hip-hop, danse krump et grapheurs. L'attelage est tout de même exotique : la musique la plus abstraite qui soit, sans aucun référent, se limitant à l'exploration paisible de la forme (même pas la tension dramatique qui peut être évocatrice chez Beethoven ou dans les symphonies de Bruckner…), et aussi en général assez peu fortement pulsée, avec des appuis un peu incertains, volontairement rendus flous par le compositeur – mais toujours reliés au temps fort.
C'est rigolo, mais comment articuler cela avec la science du rebond, du contre-temps, de l'anticipation, du décalage expressif ?  Si ce n'est pas simultané, cela fera toujours du contraste, mais le hip-hop sur Brahms, ça me paraît vraiment compliqué.

¶ Du même esprit, mais plus ouvertement joueur, une commande de Bernard Cavanna pour l'Orchestre de Picardie et… le Chœur de Smartphones d'Abbeville. La pièce se nomme Geek Bagatelle (improprement, au demeurant, car si tous ceux qui disposent d'un téléphone-aspirateur-essoreuse étaient des geeks, le mot deviendrait vite synonyme d'humain), et je ne sais pas ce qu'est un Chœur de Smartphones, surtout adossé à une localité – les résidents chantent à distance ?  ce sont les sonneries qui jouent la musique ?  ou les bruits d'ambiance ? 
Ça ne fait pas plus envie que ça, mais ça fait toujours causer – la preuve.

¶ Dans le domaine des intégrales, le piano est considérablement honoré : en plus de Brahms, c'est un cycle Beethoven sur deux ou trois jours en semaine (je redis comme à chaque fois ma perplexité : à part à attirer l'attention, à quoi sert-il de programmer des cycles dans une période si étroite que personne ne peut les suivre à moitié ?), avec pianos du Musée de la Musique (riche idée !), et, pour les amateurs de tortures raffinées, tout Glass en 12h par le même pianiste, le temps d'une nuit. Déjà que cinq minutes en paraissent cinquante, je n'ose imaginer l'état de vague survie des malheureux qui auraient tenté la nuit complète. Notez bien que vous en aurez pour votre argent, puisqu'on ose pas faire payer pour ça. Là encore, le concept est fendard, mais je me demande :
– qui a l'endurance / le temps / l'envie d'écouter 12h de musique (a fortiori répétitive) ;
– et surtout, en admettant que le happening attire mieux l'attention qu'un concert isolé, qui ira réserver pour un petit Glass de 4h à 5h du matin ?  Les premières heures seront sans doute remplies, mais le reste, il n'est là que pour l'affichage ?

¶ Les Pasdeloup ont manifestement leur petit réservoir de compositeurs orientalisants inoffensifs (ça sonne facilement même s'il n'y a pas beaucoup de musique). Après Garayev et  Thilloy, ils montent un peu en gamme avec du Fasil Say symphonique, mais autant l'improvisateur est jbilatoire, autant le compositeur montre ses limites dans ses jolis bric-à-bracs multiculturels, flatteurs mais pas très nourrissants. (Ça me paraît au demeure un peu ambitieux pour le niveau de cohésion perfectible de l'orchestre, les Say sont des partitions exigeantes.)

¶ La programmation est si riche qu'il existe des chevauchements spectaculaires. Certes, ils ne s'adressent pas aux mêmes publics, mais si l'on se trouve par hasard à cette croisée précise, la Philharmonie perd un peu d'argent. Je n'ai évidemment remarqué que ceux qui m'intéressaient, mais il y a par exemple :
 – le Concerto pour clarinette de Copland au moment de l'opus 24 de Schumann par Gerhaher (27 janvier) ;
Stele de Kurtág et San Francisco Polyphony de Ligeti contre le récital vocal de Monteverdi à Xenakis par Nigl (28 janvier) ;
– la rétrospective des commandes officielles depuis les années 70 à la Cité de la Musique tandis que le Bolchoï donne la Pucelle d'Orléans à la Philharmonie, concomitance logique, mais il est possible d'être exalté par la perspective des deux (17 mars) ;
– et le plus dur de tous, le bouquet Marcabru / Dufay / Willaert / Gabrieli / Monteverdi / Vivaldi par Savall dans la grande salle (avec l'extraordinaire Hanna Bayodi-Hirt, pas entendue depuis longtemps dans les parages !), concurrençant en vain l'originalité du programme futuriste du petit amphi de la Cité : mélodies de Chostakovitch et Prokofiev, piano de Mossolov et Ustvolskaya, trio pour  clarinette, violon et piano d'Ustvolskaya !  Dans le même temps, l'Orchestre du Conservatoire donne une Deuxième de Sibelius gratuite dans la salle des concerts de la Cité… (28 février) Là encore, on voit bien qu'on s'adresse à des publics différents, mais il n'empêche, l'offre est tellement prodigue qu'elle peut s'opposer à elle-même !

¶ J'ai donc au passage cité un assez grand nombre des bonnes choses inattendues présentes dans la saison à venir : musique de chambre du futurisme russe, rétrospective de la création en France dans le second XXe siècle, bouquet franco-vénitien de Savall, musique symphonique de Villa-Lobos…
Et puis les titres pour la plupart assez rares en musique vocale, une Brockes-Passion de Telemann, Elias, La Péri, Scènes de Faust, La Pucelle d'Orléans, El Niño, les Sept dernières Paroles de MacMillan, plusieurs créations ou reprises de créations récentes. Pas forcément des titres inédits en soi (on entend régulièrement ces œuvres dans leur aire linguistique), mais on ne les voit quasiment jamais passer en France, même à Paris.
À cela s'ajoutent tous les standards qui seront joués de multiples fois et qu'on a envie d'entendre, selon les goûts de chacun, par tel ou tel interprète de premier plan – en ce qui me concerne, il y aura la 38 de Mozart par Zacharias, la Cinquième de Tchaïkovski par l'ONDIF, la Quatrième de Bruckner par Inbal et la Deuxième de Mahler par le Chœur de l'Orchestre de Paris, par exemple, toujours des petits plaisirs renouvelés.

Moins de musique baroque, peu de musique de chambre de la musique symphonique conservatrice : les découvertes (du moins en salle) seront plutôt du côté de la musique vocale cette saison.


D. Réservations

¶ À l'exception de quelques bizarreries (Pollini qui vient comme d'habitude, chez ces pianistes-stars, sans annoncer son programme ; un soir où l'Orchestre de Paris a prévu un concerto de Brahms, mais pas le « complément » !), glass intégralele travail de documentation de la brochure est exemplaire : à chaque fois, on mentionne le nom des œuvres, la section jouée si elle n'est pas donnée en entier, voire la version de la partition utilisée (Suite de Pelléas version Leinsdorf, Dixième de Mahler version Cooke comme-sur-le-CD, etc.).
Les résumés eux aussi ont l'avantage de ne pas se limiter à une liste dithyrambique (« l'un des meilleurs violonistes de sa génération », qu'on peut aussi bien voir apposé à Hilary Hahn qu'au professeur de violon du coin, tout dépend du nombre des meilleurs évidemment…), et présenter assez précisément les dispositifs de salle ou les projets du programme.
C'est loin d'être la norme sur les sites des autres salles – les récitals du Théâtre des Champs-Élysées se limitent trop souvent à une liste de noms de compositeurs, aux détails et aux proportions parfaitement flous.

¶ Lors de l'ouverture des abonnements, je suis surpris de constater que c'est la première catégorie qui est prise d'assaut et affiche très vite complet dans certaines portions de la salle (en tout cas sur les concerts où elle ne monte pas trop haut) ; autant c'est très logique pour les concerts où les différences de prix entre catégories sont faibles (ONDIF, ONLille, etc.), autant pour l'Orchestre de Paris, hausse des tarifs aidant, ce commence à faire une somme.
Par ailleurs, un concert était déjà marqué complet dans toutes les catégories au bout de quelques heures d'ouverture (erreur ?)… il faut dire qu'il comporte à la fois du Mozart, du Beethoven et des valses viennoises ! 

¶ Pour finir, une astuce, si vous avez cherché en vain la Deuxième de Mahler dans les abonnements, il faut, une fois abonné, aller chercher dans les « avantages » et trouver le bon concert, là on peut réserver, dans toutes les catégories d'ailleurs (non valable pour les autres concerts). [Au passage, si vous prenez les places supplémentaires au moment de l'abonnement, vous payez plein tarif.]
Pour vous faciliter l'existence dans ce maquis touffu, je vous livre directement le lien. Je vous en prie.
En revanche, aucune trace de la 38e de Mozart le mardi 7 février, sans Zacharias.


E. Bilan


Tout est réuni pour un énorme remplissage : des œuvres très courues, un agencement avenant de thématiques accrocheuses, de grands noms partout – le Théâtre des Champs-Élysées continue de perdre des orchestres habitués au profit de la Philharmonie, la Radio Bavaroise ayant fini par adopter la Cathédrale de la Porte de Pantin ; ne restent plus guère, Avenue Montaigne, que Vienne, Dresde et l'Opéra de Munich.

Je suis assez déçu devant le rétrécissement du répertoire : beaucoup moins de choses originales par rapport à Pleyel ou à la saison qui s'achève. Et en dehors du contemporain, toujours très fourni et varié (explorant plutôt les extrêmes d'ailleurs, les « atonals officiels » et minimalistes, pas les néo-tonals ou atonals polarisés), il reste peu d'éléments des anciens points forts de la Cité de la Musique (baroque, lied, pots-pourris thématiques). La déroute du lied, concentré sur trois concerts en deux jours, reste spectaculaire, alors qu'il y avait cette tradition de concerts à plusieurs voix, qui remplissait plutôt bien d'ailleurs, se limitant à un soir par an (les Liederspiele de Schumann, le Lapin de fiançailles de Schubert…).

Néanmoins, considérant la masse immense de concerts proposés, et l'existence de nombreuses autres salles (réouverture de Favart, peut-être de l'Athénée…), il y a amplement de quoi passer sa vie au concert, sans être condamné à se gaver de Beethoven et de Brahms.

Bonne chasse !

dimanche 20 mars 2016

Derniers concerts : La Jacquerie, Printemps, Inbal, Sondheim, Castillon…


On parle de choses hautement intéressantes et pas seulement parisiennes, des œuvres elles-mêmes ou de ce qui fait la musique, mais ça râle en coulisse, on veut des comptes-rendus – après tout, héritage d'un premier site aujourd'hui désaffecté, Carnets sur sol n'est-il pas hébergé sous le nom de domaine operacritiques ?  Comme, il faut bien se l'avouer, je vais voir des choses hautement passionnantes, je finis par condescendre à un survol des concerts dont je n'ai pas fait état depuis janvier. Comme me le dit mon portier lorsque nous échangeons nos salutations mensuelles, ma munificence sera ma perte.



Passion de Sondheim

Les critiques étaient positives quoique plus mesurées que les années précédentes, mais de mon côté, tout de bon de la déception : c'est un petit Sondheim, où les trouvailles habituelles font défaut.

¶ Je n'ai pas lu le roman de Tarchetti (vraiment pas mon chouchou dans la scapigliatura). James Lapine en tire quelques bons dispositifs, comme ces lettres qui permettent aux absents de s'incarner sur scène, où ces voix de personnages du passé qui se mêlent à l'action présente, aussi tangibles et simultanées que l'est le souvenir.
Pour le reste, là où le roman devait être, au milieu du XIXe siècle, une originalité malsaine (un officier admiré qui se trouve persécuté par une femme laide, puis épris d'elle), un peu dans le goût d'Armance de Stendhal, on remarque surtout le caractère très prévisible de l'ensemble. Au lieu d'une pièce qui fasse méditer sur les voies habituelles de l'amour (l'attraction pour la jeunesse et la beauté est, à défaut d'être toujours décisive, sensible pour tous), on assiste à une succession très répétitive de phrases où gît le mot amour et les leçons afférentes sur ce qu'est l'amour véritable… Le style tient plus du manuel de développement personnel de gare que du grand roman évocateur.

¶ Musicalement non, ce n'est pas une fête incommensurable : la musique est certes continue et ne se limite pas à de simples ritournelles, mais on y repère peu de thèmes marquants, dont certains repris et usés tout au long de l'ouvrage. Parmi les quelques trouvailles, toujours de beaux ensembles (mais Sondheim a fait tellement meux), l'entrée de Fosca sur cette mélodie de hautbois (qui semble assez directement inspirée par l'entrée d'Arabella dans l'opéra éponyme de Strauss). Les poussées lyriques tchaïkovskiennes ou korngoldiennes sont aussi assez convenues.

¶ Visuellement, la mise en scène de Fanny Ardant, beaucoup moins spectaculaire qu'à l'accoutumée au Châtelet pour ces musicals-grand-opéra (Les Misérables, Carousel, Sunday in the Park with George, Into the Woods…), ne comble pas vraiment ces manques. Quelques moments bien vus, vraiment dans le goût de Lapine, comme ces personnages absents qui disent leur lettre et viennent soudain quitter l'arrière-scène, descendre de leur tapis roulant pour venir intervenir de façon plaisante. Néanmoins, d'une manière générale l'absence cruelle d'humour, qui se prête peu au genre ni surtout au talent des deux auteurs, n'est pas compensée scéniquement. Devant ces toiles en lignes noires (comme sur l'affiche) qui alternent pour figurer les changements de lieux, tout demeure assez littéral.
À cela s'ajoute la grande bévue de l'apparition finale de Fosca en robe écarlate, comme si elle était devenue belle par l'amour – en d'autres termes, on passe deux heures de prêchi-prêcha sur un amour différent des autres, tout ça pour aboutir au fait que l'héroïne devient jolie. Censé regarder au delà des apparences physiques, on ne fait renforcer le préjugé : « quel exploit, tout de même, d'accepter d'aimer quelqu'un de laid, de le faire devenir beau – car on ne peut aimer que quelqu'un de beau ».

¶ Les interprètes, en revanche, choisis pour beaucoup sur une triple compétence (chant lyrique, chant de type musical, anglais impeccable), forçaient l'admiration. Erica Spyres (Clara, la première amante de Giorgio), véritable spécialiste, brillait par sa voix fine et tranchante, où l'on remarque en particulier des [i] très denses et timbrés (ce qui est rare dans ce type de technique) ; Ryan Silverman (Giorgio), dans le plus gros rôle de la soirée, maîtrise tous les registres expressifs avec une voix de baryton ample comme à l'Opéra et nette comme au musical, d'un naturel parfait ; Kimy McLaren, elle aussi compétente sur tous les fronts, immédiatement persuasive dans son tout petit rôle de maîtresse éconduite ; Damian Thantrey, épais et prégnant faux comte vrai libertin ; enfin Natalie Dessay, qui n'est pas la plus impressionnante du plateau (on aurait sans doute trouvé mieux avec une spécialiste, moins rempli le théâtre aussi), mais qui se montre irréprochable, d'un anglais très aisé, et d'une technique tout à fait assimilée (mécanisme I, voix de poitrine très peu utilisée chez les femmes à l'Opéra), loin des petits soupirs désagréablement soufflés et difficilement audibles qui avaient marqué ses débuts dans ce répertoire – la voix est tout à fait timbrée à présent, on suppose le grand travail de réforme que cela a dû supposer (ce qui permet de ne pas entendre une artiste déclinante, mais tout simplement une artiste capable de supporter son rôle).

Contrairement à d'autres titres très remplis, il restait beaucoup de places, surtout dans les catégories basses étrangement – mais considérant que ni le titre, ni le sujet, ni les critiques n'avaient quelque chose de particulièrement attirant, c'est peut-être normal.

Ce n'est pas du tout une soirée désagréable, elle s'écoute même sans aucune difficulté, mais disons que pour du Sondheim, on se situe plutôt vers une sorte de Sweeney Todd (livret de Wheeler) avec moins de mélodies et pas d'humour, et guère du côté de ses formidables opéras de caractère avec Lapine.



Lalo – La Jacquerie, création – David

Achevée à la demande de la famille par Arthur Coquard après la mort du compositeur (à partir du seul premier acte, lui-même inachevé – donc essentiellement une œuvre de Coquard), jamais redonnée depuis la création à Monte-Carlo, la partition ne paraissait pas bouleversante après la radiodiffusion de Montpellier ; pas de révélation non plus en salle, et surtout pas l'acte de la main de Lalo.

Le livret est une horreur, qui ferait hurler de rire s'il n'était pas aussi peu spirituel : tous les passages obligés y sont, mais traités avec une maladresse incroyable pour des littérateurs, même médiocres – farci de mal dits, de bafouillages peu clairs ou redondants… On a l'impression que toutes les phrases (je n'ose parler de vers) ont été écrites par un apprenti poète sur un coin de nappe, les pieds reposant tranquillement sur un brasier de sangsues ardentes – c'est à peu près aussi intelligent que ça ; et pourtant, un amateur d'opéra en a vu, des livrets douteux.

Les deux premiers actes ne contiennent musicalement à peu près rien à sauver, à part une suite continue et décousue d'épisodes, où l'on ne sent ni l'opéra à numéros, ni le flux continu meyerbeerien avec des jointures travaillées. Pas de mélodies saillante, ni d'effets d'orchestration… à la fin du XIXe, on en était quand même rendu à un peu mieux que du belcanto à la française sans récitatifs, sans airs et sans agilité. Les actes III et IV sont meilleurs, surtout le dernier, fondé sur un ostinato qui, de plutôt dansant, devient sauvage et menaçant. La fin évoque, par certains côtés, l'ambiance du final de Sigurd de Reyer.
Je m'explique modérément pourquoi, dans le choix immense du romantisme français enfoui, Bru Zane a jeté son dévolu sur cet ouvrage-ci, malgré ses beautés – à part que tous avons tous envie d'épuiser le catalogue des opéras de Lalo (Fiesque était un enchantement).

Par-dessus le marché, l'enthousiasme ne submergeait pas les musiciens… le Philharmonique de Radio-France était, en plus du style qui lui est plutôt étranger (ce n'est vraiment pas leur son ni leur habitude, en cela pas de quoi les blâmer), d'une mollesse inaccoutumée, et même d'une quasi-désinvolture : ils jouent un Korngold immaculé, mais un petit Lalo (et même pas dans les moments d'accompagnement), il parviennent à faire des départs décalés !  Il suffisait de regarder la longueur d'archet, élément en général révélateur : même du côté des premières chaises, on était plutôt économe. Alors, avec une œuvre déjà fragile…
Assez déçu que Patrick Davin, pourtant d'ordinaire un excellent spécialiste du répertoire lyrique français, n'ait pas réussi à insuffler ce supplément à ses musiciens.

Côté chant, Edgaras Montvidas plutôt en méforme (tout à fait inintelligible, et la voix, coincée à l'intérieur, peine à sortir) ne reproduit pas les séductions de son récent Dante (ou chez David) ; Nora Gubisch est toujours aussi mal articulée, mais le volume sonore et l'énergie compensent très bien au concert (c'est plus difficile, trouvé-je, en retransmission). Enfin Florian Sempey me laisse toujours aussi dubitatif : la voix, trop couverte, trop tassée sur ses fondements, ne parvient pas à sonner au delà du simple forte, et se trouve régulièrement submergée par l'orchestre, sans pouvoir claquer davantage dans les moments dramatiques ; cela bride complètement son expression, aussi bien la nuance fine (interdite par la charpente trop contraignante) que dans le lâcher-prise des grands épanchements. N'importe lequel des choristes de Radio-France (qui nous ont gratifié d'un superbe chœur en voix mixte, ce qui prouve qu'il existe bel et bien un problème de direction, et non pas de qualité du recrutement !) donne plus de son, c'est pourquoi son chouchoutage actuel me laisse interdit. Ce serait une valeur sûre dans un ensemble vocal, mais pour des rôles dramatiques, il manque tout de même quelques qualités essentielles.

Enfn Véronique Gens, qui sera sans doute un jour un symbole de l'Âge d'or des années 2000-2010, « à l'époque où les chanteurs savaient encore chanter », et dont on parlera comme on le fait aujourd'hui de Tebaldi ou de Mödl. Une Princesse, absolument : l'élocution est d'une clarté parfaite alors que la voix est moelleuse, la ligne évidente alors que le geste vocal est flottant, la projection aisée alors l'émission n'est pas métallique… et par-dessus tout, toujours en tirer parti pour donner vie aux personnages, au verbe… ce livret épouvantable devient poème sous sa touche d'une élégance souveraine qui n'interdit pas l'incandescence.
Et, comme à chaque fois, je me demande comme il est possible de soutenir vocalement tous ces paradoxes : une émission un peu amollie devrait ne pas être intelligible, une diction aussi précise devrait abîmer le timbre de la partie haute de la voix, voire l'affaisser… et pourtant la voilà, volant de première mondiale en première mondiale (ce qui est beaucoup plus dangereux, évidemment, que de prendre des risques dans des rôles bien balisés), sans manifester la moindre faiblesse. Je vois d'ici ce qu'on dira d'elle dans cinquante ans. Et acquérir cette notoriété très largement dans le baroque et les français rares…



LULLY forever

Au Théâtre des Champs-Élysées, extraits de :
Chaos
de REBEL
Thésée de LULLY
Persée de LULLY
Acis & Galatée de LULLY
Armide de LULLY
Médée de CHARPENTIER
Dardanus de RAMEAU
Scylla & Glaucus de LECLAIR
Von Otter, Naouri, Le Concert d'Astrée, Emmanuelle Haïm

Contrairement à l'annonce sur le site du Théâtre, toujours pas mise à jour, beaucoup moins de Rameau et beaucoup plus de LULLY !  Il était donc impossible de le manquer. Je n'aime pas beaucoup la formule du récital d'opéra, mais lorsqu'il y a de grands récitatifs et des duos entiers, comment résister ?  Ce sera d'ailleurs mon second récital lyrique (hors lied) de la saison, le premier étant consacré à…  des scènes de LULLY. (Haïm avec les formidables étudiants du CNSM : Madelin, Hyon, Benos…)

Comme prévu, pas très intéressant dans la réalisation : Anne-Sofie von Otter véritable musicienne, mais ne pouvant plus du tout chanter au-dessus de la nuance mezzo piano, elle ne peut guère varier les effets, et tout paraît identique. L'orchestre est obligé de jouer très doucement dès qu'elle prend la parole… on la croirait changée en chanteuse à texte (or, sans micro…) ; cela étant, sa maîtrise du très peu qui lui reste force l'admiration, tout reste très net et elle tente des choses à rebours pas mal vues (l'invocation infernale de Circé, tout en nuances douces).

La voix de Laurent Naouri continue de s'empâter à l'intérieur du corps, mais l'autorité naturelle de la voix, le retour ponctuel d'un peu de métal et l'abattage lui permettent de tenir décemment la rampe, même si les duos de ces deux gloires déclinantes a forcément quelque chose d'un peu inférieur à ce que réclament les pages.

Tout cela, on le savait avant de venir : c'était l'occasion d'écouter un programme jouissif qui n'aurait jamais été donné si on avait choisi à la place M.-A. Henry et T. Lavoie (mais on aurait pu avoir d'Oustrac et Costanzo, par exemple…). En revanche, assez déçu (voire, il faut l'admettre, un rien irrité) par Le Concert d'Astrée, qui pendant toute la partie LULLY joue à l'économie : la longueur d'archet n'est pas utilisée, même par le violon solo, et tout paraît terne et compassé. Un peu à l'inverse de ces orchestres modernes qui jouent le baroque en style, j'avais l'impression d'entendre des instruments naturel imiter le style de Marriner… Troisième expérience en salle avec cet orchestre (que j'aime énormément au disque, à peu près tout le temps), troisième déception. Jusqu'ici, j'avais mis la chose sur le compte des effectifs inhabituellement vastes (Médée, et surtout Hippolyte et Aricie), qui créent inévitablement un peu d'inertie, mais cette fois, on était en petit comité. Pourtant, tous ne s'économisaient pas (cordes graves souvent remarquables, en particulier le contrebassiste), mais du côté des violons et altos, quand même le cœur de l'affaire si l'on veut un peu de tension, le manque d'intérêt pour certes musique, certes moins valorisante et moins « écrite » que du Rameau, transpirait désagréablement (ou alors quoi ?). La seconde partie était très bien en revanche ; pas particulièrement colorée, mais alerte et engagée.
Pourtant, quelques mois plus tôt, Emmanuelle Haïm tirait des merveilles des jeunes musiciens enthousiastes du CNSM – je vous assure, c'est vraiment le lieu où les musiciens ne sont pas encore blasés, tout sauf des bêtes à concours mécaniques, et quasiment tout y est gratuit, il faut fréquenter cet endroit !

(Ce ne sont que des hypothèses, je prends toute autre explication, mais le fait est que, vu le plateau, on comptait un peu sur l'animation des accompagnateurs.)

Accueil très poli, mais pas particulièrement enthousiaste : ça a satisfait ceux qui venait pour le programme, mais je doute que ça ait fait beaucoup de bien à la cause de LULLY auprès d'un plus vaste public. L'ambiance post-concert après un récital de seria n'est vraiment pas comparable, même lorsqu'il n'est pas trop exaltant.



Sibelius – Symphonie n°3 – Paavo Järvi

Étrange, alors qu'elle est ma chouchoute du corpus pour ses qualités primesautières, beaucoup moins impressionnante que les autres entendues à ce jour (2,5,6,7). L'Orchestre de Paris aussi m'a paru très légèrement plus épais, la lecture de Järvi moins originale que pour le reste du corpus. Peut-être l'aiment-ils moins. Il est vrai aussi que les masses en jeu sont moindres et que le mouvement lent, de simples variations pas très complexes, séduisent peut-être moins à l'exposition brutale d'une salle de concert – vérification faite, elle est toujours aussi formidable au disque.



Bruckner – Symphonie n°9 – Eliahu Inbal

Ici, c'est simple : Inbal, pourtant considéré comme plutôt neuf et audacieux lors de son intégrale avec Francfort, se montre considérablement plus fougueux, et me donne la plus belle Neuvième que j'aie jamais entendue, incluant tous mes chouchous dans le confort du disque (où, pour cette symphonie, je ressens souvent, certainement de mon fait d'ailleurs, des baisses de tension).
Comme pour sa Deuxième également avec le Philharmonique de Radio-France (et, on l'espère, comme pour sa Quatrième l'an prochain), Inbal prouve qu'avec l'âge (80 ans révolus, désormais), il gagne en vitalité : dans un tempo très allant, tout reste tendu comme un arc… comme dans une symphonie de Mahler, au lieu de laisser opérer le silence des ruptures entre les épisodes brucknériens, il reprend toujours en laissant un substrat de la tension déjà accumulée, sans jamais la relâcher jusqu'à la fin. J'aurais volontiers pris une tranche de final en bis (qu'il a pourtant enregistré), sans lassitude.

Là aussi, la réverbération de la Philharmonie offrait une atmosphère ample et recueillie parfaitement adéquate pour l'œuvre (et le son du Philhar').

La pièce de Widmann qui occupait la première partie, une Suite pour flûte et orchestre dans une atonalité familière et très aimable, entendait imiter les formes anciennes sans les faire toujours bien entendre, très homogène, agréable mais sans histoire. Le contraste avec le mouvement final, qui cite la Badinerie de Bach (et l'accord de Tristan), fait froncer le sourcil : c'est très sympathique (et les déformations du thème, comme autant de sorties de route très « vingtième », sont très réussies), mais on ne peut se défendre de se dire que pour tirer des applaudissements, il faut emprunter aux maîtres du passé qui ont mieux réussi… J'avoue avoir douté (et je n'en suis pas fier) de l'honnêteté du compositeur lorsqu'il termine ainsi, dans un ton léger complètement différent de toute cette pièce plutôt suspendue et méditative, une œuvre qui n'appelait pas vraiment l'enthousiasme spontané du public – alors que le dernier mouvement a fait un bis parfait, que j'ai moi-même réentendu non sans une certaine jubilation, et au moins autant pour le travail de récriture de Widmann que pour le joli original de Bach.



Français du XXe – ONF, Fabien Gabel

Un programme constitué pour moi à la Maison de la Radio : Soir de Fête, le jubilatoire petit poème de Chausson ; Printemps, la plus belle œuvre orchestrale de Debussy ; Les Animaux Modèles, le chef-d'œuvre (hors œuvres vocales) de Poulenc, juste après Les Biches. Restait le Concerto pour orgue de Poulenc, moins heureux, mais l'entendre joué généreusement en concert avec les superbes cordes du National permet de mieux saisir ses équilibres, assez bien écrits en réalité par Poulenc.

Je suis étonné de remarquer, une fois de plus, que ces œuvres que je vénère, donc, me touchent beaucoup moins en concert qu'une bonne choucroute germanique très structurée. Je suppose que le côté atmosphérique rétribue moins l'attention analytique, que l'aspect moins discursif de l'écriture déroute un peu plus, et que les contrastes moindres ne raniment pas le spectateur de la même façon – j'en suis fort marri, mais une mauvaise symphonie de Bruckner semble produire plus d'exaltation sur moi que ces pièces qui sont pourtant, au disque, mon plus cher pain quotidien. Amusant. Intéressant. 

Le nouvel orgue de la Maison de la Radio n'est en revanche pas une merveille… sonorités blanchâtres et aigres, qui sonnent par ailleurs très étouffées (ce qui est peu étonnant, vu l'étroitesse de la zone de montre). Par bonne fortune, les phrasés d'Olivier Latry (merci pour le Widor !) permettaient de s'intéresser à quelque chose de passionnant sans trop s'arrêter sur les timbres disgracieux.



Musique de chambre française : Castillon, Saint-Saëns, Fauré

Exactement les mêmes impressions : le Quatuor avec piano de Castillon et le Second Quatuor à cordes de Saint-Saëns, bijoux qu'il faut réellement fréquenter (même si moins essentiels que le Quintette de l'un et les Quatuors avec piano de l'autre), m'ont fait un effet limité en salle (studio 104, membres de l'Orchestre National de France). Je n'ai pas réellement d'explication, à part une disposition limitée à ce moment-là, une vérité différente du concert, où l'écoute est distincte du disque, et où le quatuor de Beethoven ou même de Chostakovitch semble tellement plus propre à susciter la fascination et l'enthousiasme.
Le jeu des musiciens (pourtant éperdument admirés dans leur programme Roslavets-Szymanowski-Berg-Ravel de 2013) était un peu symphonique, sans doute, avec un grain un peu large, pas l'allure effilée des membres de quatuors, mais ce n'était pas de là que provenait cette impression. Peut-être l'après-midi passé à chanter de l'opéra français du XIXe siècle avait-elle complètement altéré mon jugement.

En tout cas, ce sont des œuvres de grande valeur, écoutez la retransmission ou jetez une oreille aux disques ! 

Ils figurent au demeurant dans notre sélection des plus beaux Quatuors à cordes, Quatuors pour piano et cordes et Quintettes pour piano et cordes.



Verdi – Requiem – Noseda

Il n'y a pas grand'chose à en dire parce que c'était sublime de bout en bout, et que l'œuvre est suffisamment jouée et enregistrée pour qu'on ne cherche pas à vanter ses mérites. Gianandrea Noseda impulsait une urgence (à tempo très vif, tout le temps) que tenait très bien l'Orchestre de Paris, le Chœur de l'Orchestre était superbe, très flexible et impressionnant, avec des voix plus claires que les gros chœurs de maisons d'Opéra (ou de Radio-France…), la quadrature du cercle. Côté solistes, excellente surprise avec Erika Grimaldi, pas très intelligible mais d'un engagement et d'un impact remarquable ; moins enthousiaste sur Marie-Nicole Lemieux (le chant en gorge limite l'impact de la voix et empêche les aigus de sortir avec facilité), dont les succès me restent un peu énigmatique, énergie mise à part, et sur Michele Pertusi qui couvre exagérément (beaucoup de [eu] partout) et demeure en retrait sur le plan sonore et expressif par rapport au reste du quatuor, dans une sorte de grisaille. Néanmoins, pas de réel point faible : ces deux-là étaient un peu moins exceptionnels que tout le reste, mais ne déparaient en rien.

Comme si ce n'était pas suffisant, les progrès de Saimir Pirgu stupéfient… la voix est maîtrisée de bout en bout, sur toutes les configurations. Éclatante en émission pleine, elle s'illumine, comme en suspension, dans les moments délicats de l'Ingemisco (« Inter oves ») et de l'Offertoire (« Hostias »), à l'aide d'une émission mixte très légère, qui paraît prendre naissance dans les airs. Et tout cela au service du texte et de la rhétorique liturgique, pas d'effets de manche hors sol.
Ne vous fiez pas aux enregistrements, qui laissent entendre des coutures désagréables, toute une constellation de petites duretés dans la voix : le chant lyrique est conçu pour être entendu de loin, et de loin, la voix est d'un équilibré parfait – de près, effectivement, ses captations ne sont pas aussi exaltantes et ses disques, quoique fort valables en temps de disette verdienne, sont tout sauf nécessaires.En concert, à l'inverse, le grain paraît dense et régulier, particulièrement beau.

À cela s'ajoute la satisfaction d'entendre cette musique pouvoir s'exprimer dans toute sa démesure dynamique sans que les pppppp ne s'évaporent et sans que les ffffff ne saturent jamais la Philharmonie. Grand moment.



Bilan et prospective

Ce n'est pas fondamentalement très intéressant (plus révélateur sur moi que sur les œuvres, à vrai dire), mais la différence d'efficacité des œuvres (voire des voix) entre le disque et le concert reste un sujet assez fascinant, qui éclaire notamment la réception des pièces au moment de leur création – on voit sans peine, en salle, pourquoi Meyerbeer et Wagner, auxquels on peut assez facilement rester insensible au disque, magnétisent instanément. Et ce rapport d'efficacité éclaire la domination germanique dans les hiérarchies musicales, indépendamment même de l'innovation et de l'aboutissement structurel.

Je dois préciser que si pour rendre compte j'ai émis des réserves, j'ai néanmoins passé d'excellentes soirées à chaque fois, et ne suis vraiment pas sorti en fulminant de la salle (un peu fâché contre le Philhar' et le librettiste à l'entracte de La Jacquerie, je l'avoue, mais la suite justifiait tout de même le déplacement).

Je toucherai un mot à part pour Don César de Bazan, ouvrage de jeunesse de Massenet inspiré par le personnage de Ruy Blas, recréation très attendue et qui comble les espoirs, en attendant une parution officielle. La production doit encore un peu tourner, il me semble ; vraiment à voir.

jeudi 17 septembre 2015

[Carnet d'écoutes n°83] – Takemitsu pop, élections d'orchestres, 3e Scène, Invalides, Kaufmann & Puccini, Gerhaher & Mozart, Tino Rossi & Schubert…


Les travaux projetés se révélant plus gourmands que prévu (et le temps moins extensible aussi, malgré quelques reventes de places de concert), on se repaie la facilité d'un petit carnet d'écoutes.

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1. CHAMBRISMES

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Lekeu – intégrale pour quatuor à cordes (Timpani) / intégrale générale (Ricercar)

Il en existe deux, l'une par le Quatuor Camerata, l'autre par le Quatuor Debussy (légèrement plus complète sur le CD concerné). La seconde est particulièrement phénoménale, comme souvent – l'une des rares formations à faire autorité aussi bien dans les transcriptions improbables, comme la plus belle version de tous les temps du Requiem de Mozart (sans voix !), que dans le répertoire le plus rebattu, témoin leur Quatorzième de Schubert.

Je reviens inlassablement à cet album, paru chez Timpani. Il faut au moins écouter l'Adagio molto sempre cantate doloroso, une plainte d'une beauté insoutenable qui s'étend sur une dizaine de minute – encore plus impressionnant que son fameux Adagio pour quatuor d'orchestre.

À noter, Ricercar vient de publier en coffret l'intégrale Lekeu éditée au fil des ans (œuvres orchestrales par Bartholomée et le Philharmonique de Liège), dans d'excellentes interprétations en ce qui concerne la musique de chambre, et incluant jusqu'à Andromède, sa cantate saisissante (en réalité un opéra miniature dans le goût de d'Indy).

(La plupart de ces disques peuvent s'écouter sur Deezer, en principe.)

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Takemitsu : Gita no tame no juni no uta, douze chansons pour guitare

L'Internationale, Summertime, Somewhere Over the Rainbow, Secret Love, Yesterday, Michelle… Des tubes arrangés pour guitare solo avec un soin polyphonique (et des tensions harmoniques) tout particulier, assez enivrant.

Très exigeant à la guitare, mais en revanche facile à jouer pour des pianistes modestes ! Laissez-vous tenter, c'est autre chose que les réductions indigentes habituelles.

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2. GLOTTOLOGIES

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Récital Puccini de Jonas Kaufmann (Sony)… et quelques propositions alternatives

J'avais adoré le récital vériste de Kaufmann-Pappano, farci de raretés, et portant à leur plus haut degré d'incandescence les grands tubes. La voix a beau être à l'opposé de mes canons, ce qu'il en fait, aussi bien plastiquement que musicalement et expressivement, est toujours à couper le souffle.

Et ici, pour la première fois depuis longtemps, je reste un peu sur ma faim. Pourtant, il ne réenregistre pas les grands airs déjà faits par ailleurs (et republiés par Universal, son ancienne maison, dans un récital synthétisé exprès pour attraper les amateurs), et laisse donc la place à des titres moins courus que « Che gelida manina » ou « E lucevan le stelle ». On y trouve même Edgar et la grande scène des Villi que j'ai moi-même mainte fois appelée de mes vœux pour les récitals et concerts !

Pourtant, je trouve l'essentiel du disque un rien terne, même Le Villi. Le premier air de Tosca (« E lucevan le stelle » a déjà dû être gravé) et La Fanciulla del West fonctionnent très bien en revanche, peut-être parce qu'on n'y attend pas la même italianité, la même lumière que dans La Bohème, Manon Lescaut ou La Rondine – qui paraissent plus monochromes, plus étouffés ; en vrai, on sentirait l'élan et l'intensité indéniables du chanteur, mais au disque, je finis par me laisser bercer de façon plus passive.
Le « Nessun dorma » final est électrisant, tout de même ; pas uniformément vocal comme souvent, une véritable progression où chaque note est pesée – où l'on n'attend pas gentiment les aigus, en somme. (comme remarqué dans de précédentes notules, il bidouille la partition comme les copains)

Néanmoins, je crois surtout que la grande raison tient dans mon amour modéré de Puccini, et plus encore que ses airs me cassent vite les pieds. Ce sont des fragments (encore plus sirupeux que le reste, même s'ils sont musicalement souverainement écrits), qui n'ont même pas de vie propre comme de vrais airs de récital, des bouts de machin qui ne sont déjà pas les meilleurs moments de l'opéra, mais qui ne prennent pas sens non plus tout seuls.

D'ailleurs, c'est nul les airs, il faudrait vraiment se décider à publier des récitals de récitatifs ! Un récital Verdi de soprano avec les parties d'Annina, Ines, Tebaldo, Emilia et Meg, ça aurait une sacrée allure. Un peu plus ambitieux, un récital Wagner avec « Wie ? Welchen Handel », « Friedmund darf ich nicht heißen » et « Ich hab' eine Mutter »… Oh, un récital Loge-Mime-David, voilà qui serait grand !

Et puis, bien sûr, des récitals de baryton avec des bouts de Hamlet (comme celui, magnifique, de Shovhus) et du Vampyr (« Meinst du ? », le grand récit de son sort). Les (rares) récitals de baroque français sont bien obligés de s'y plier, considérant le caractère très court des airs (du moins avant Rameau).

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Christian Gerhaher, disque « Mozart Arias »

Accompagné (par le Freiburger Barockorchester) sur petit ensemble d'instruments anciens, dans un format chambriste inhabituel : ça crincrinne mais finement, j'aime beaucoup. Ça assume la dimension de récital en bonne compagnie, d'une certaine façon, plutôt que de jouer l'illusion du grand opéra.

Première chose qui frappe, ce n'est vraiment pas très italien (voix ronde plus que frontale, accent étrange, [r] roulés serrés très bavarois…) ; par ailleurs la voix est placée plus en arrière, couverte différemment par rapport au style italien. Néanmoins le résultat est totalement jubilatoire ; outre le petit orchestre, on bénéficie du style inimitable de Gerhaher, combinant sans cesse les rapports ouvert/couvert, voix pleine/voix mixte, résonance métallique/résonance « naturelle »… J'ai promis une notule à ce sujet, pour étudier les procédés en détail ; ce n'est pas pour tout de suite, mais cela viendra. Ce n'est pas seulement fascinant glottologiquement, c'est surtout d'une variété infinie, parcourue de détails très touchants.

Considérant sa bizarrerie, tout n'est certes pas une référence, mais son Figaro et son Guglielmo sont d'une saveur toute particulière. Recommandé !

Pour goûter Gerhaher à l'opéra dans toute sa gloire, vous pouvez écouter le Tannhäuser de Janowski ou son récital d'airs romantiques allemands avec Harding (où il grave Froila et Lysiart pour l'éternité). En voilà un qui aurait pu faire le grand récitatif du Vampyr avec brio !

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Christian Franz aujourd'hui

Je viens de me rendre compte (merci J.) qu'il avait chanté cette année (à Budapest) à la fois Loge et Siegfried !

Et pourtant, il enchaîne ses Siegfried depuis au moins quinze ans ; je l'ai entendu pour la première fois dans une retransmission de Bayreuth, en 2000… probablement pas une prise de rôle, donc ; il l'a même enregistré deux fois (avec Paternostro, puis Young), et la voix ne semble pas bouger. À part Windgassen, on n'a pas eu beaucoup de cas de ce genre depuis 1950 (avant, c'est plus difficile à documenter).

Il est vrai qu'en retransmission, la voix paraît grêle, pas toujours juste, l'élan incontestable mais un brin fruste. En salle, pourtant, la voix (sans être volumineuse) est très bien projetée et très audible, mais surtout le timbre se révèle très beau (doucement coloré), et perce une poésie des nuances qu'on ne soupçonne pas aussi bien perçu de près : vraiment un chant conçu pour s'épanouir dans l'espace.

Il a étrangement peu d'inconditionnels, mais voilà un des très grands chanteurs de notre temps – l'un des plus beaux Tristan jamais entendus, me concernant. Ce n'est pas Suthaus dans ses jeunes années, certes, mais on n'a pas souvent fait mieux que Ch. Franz depuis lors.

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La Belle Meunière par Tino Rossi

Huit lieder ont été adaptés (ce ne sont pas vraiment des traductions) et orchestrés pour le film de Marcel Pagnol. Quasiment la seule trace de l'exécution de Schubert en français (à part le justement fameux « Tilleul » de Thill, et considérant que Germaine Martinelli est vraiment inintelligible dans sa propre Meunière…), malgré l'existence de traductions (plus sérieuses) ; on a vu que c'était un sujet qui tenait à cœur aux lutins de céans.

Les nouveaux poèmes sont vraiment moyens ; plus seulement naïfs comme les originaux, mais très mièvres et assez stéréotypés. On perd la balourdise du meunier qui ne voit pas trop ce qui lui arrive, qui s'enflamme sur des détails, au profit du propos plus général d'un amoureux assez standard.

En revanche, les arrangements orchestraux, dans une veine très kitsch (ça ressemble assez à la version filmique de La Belle de Cadix), sont assez réussis. Ah, ces chœurs féminins extatiques en coulisse pour « Der Müller und der Bach », ce tutti avec trompettes pour « Der Neugierige » !

Et surtout, Tino Rossi plane sur ces textes français avec une grâce infinie : il mixe comme les meilleurs ténors d'opéra, mais se permet de moins couvrir ses sons, ce qui lui procure une clarté (sans danger, vu qu'il n'y a pas d'enjeu de projection) assez unique, assise sur une technique parfaite. Idéal pour le lied, fût-il bizarrement attifé.

Ça se trouve désormais dans certaines anthologies du chanteur (pas les mieux distribuées, certes).

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Stabat Mater de Pergolesi par Vincent Dumestre

Couplé avec des musiques mariales napolitaines, chantées avec des techniques très nasillardes, ouvertes et sonores, comme des musiques traditionnelles de plein air. Étrange.

Même le Stabat Mater surprend, répartissant les lignes soit à un chœur féminin, soit à deux petits braillards. Pas très convaincu, mais la surprise fait passer le temps dans une œuvres qui m'ennuie assez vite (tendant un peu trop sur le seria purement vocal), et qui regarde beaucoup moins du côté de l'opéra et de la virtuosité vocale, en privilégiant les atmosphères, fussent-elles déconcertantes.

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3. PROGRAMMATIONS

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Aux Invalides

Je me suis aperçu que je n'avais pas dépouillé proprement la saison musicale du Musée de l'Armée. Je pleure de dépit… des concerts inratables, conçus rien que pour moi, toujours le vendredi à 12h15 (tout le monde ne travaille pas dans le VIIe arrondissement tout en débauchant à midi pile !).

  • Un concert (avec harmonium et ténor, notamment…) incluant des œuvres de rien de moins que Schmitt, Halphen, Jongen et Casella (en prime, Karg-Elert et Kunc), dans des œuvres évoquant la guerre ! (heureusement, il y a un petit rattrapage avec un concert de Lafont le soir, chantant notamment Halphen, Février et Schreker !)
  • Les sonates pour alto et piano de Koechlin, Schmitt, Vaughan Williams et Hindemith.
  • Le Quatuor Arod dans Nielsen Op.13 et l'opus 76 n°1 de Haydn, deux des plus grands quatuors jamais écrits – parmi mes chouchous en tout cas. Et rarement donnés finalement, surtout Nielsen !
  • Le Quatuor Akilone dans Mozart (divertimento), Boutry (création) et le Sixième de Mendelssohn…
  • Pour couronner le tout, Raquel Camarinha vient me narguer avec La Bonne Chanson (Fauré, version avec quatuor), Les Histoires naturelles (Ravel, sa verve peut en tirer des merveilles !) et les Chantefleurs et Chantefables (Lutosławski).


Sérieusement, les gars, vous faites un programme pour moi et vous le balancez n'importe quand, vous me décevez grandement.

Les autres, précipitez-vous, ces petits vont vous donner du grand.

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3e Scène

L'Opéra de Paris vient d'ouvrir sa plate-forme numérique, considérée comme une troisième salle. Je me demandais si ça montrerait l'envers du décor, ou des œuvres courtes pas présentées dans leurs concerts, une sorte de documentaire d'art ou de piste bonus ; en réalité, ce sont des œuvres nouvelles, plus ou moins précisément reliées à l'Opéra de Paris. Ce peut être un danseur qui danse (sur de la musique électronique) dans les salles de répétition, une chanteuse (Barbara Hannigan !) dont on superpose les exercices d'échauffement… Le tout dans des montages artistiques.

C'est plutôt poétique, et j'ai lu beaucoup de bons retours là-dessus, mais de là à considérer ces jolies évocations comme une nouvelle salle, je suis dubitatif. (En plus, hébergé sur YouTube, ça ne fait pas très chic.)
Mais c'est assez dans la veine branchouille « les snobs parlent aux initiés » qui sera la marque de communication de ce mandat (et de quelques autres). Moi, tant qu'on me donne de bonnes choses à aller voir (et qu'on arrête d'augmenter les prix des places d'entrée de gamme !), je veux bien toute la parlotte qu'on voudra, de quelque nature qu'on voudra. Même si le patron n'a jamais écouté d'opéra.

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Élections d'orchestres

Le webzine Bachtrack, après avoir publié un palmarès (parfaitement arbitraire) établi par des critiques professionnels, propose à ses lecteurs de voter à leur tour pour le meilleur orchestre et le meilleur chef en exercice. Ce qui est amusant, c'est que le choix est étendu, j'ai même trouvé les miens.

En désigner un seul n'a pas grand sens de toute façon, il faudrait pouvoir citer un grand nombre de noms pour atterrir sur des convergences qui ne se limitent pas aux superstars (qui vaincront de toute façon, ne serait-ce que parce que personne n'a tout écouté, mais que chacun a forcément entendu Ozawa – bon candidat, tenez –, Haitink, Gergiev et Rattle).

Je n'ai pas voté, mais je me serais sans doute prononcé pour l'Orchestre Philharmonique de Slovénie (si l'on parle des orchestres entendus en vrai, sinon ce serait le Symphonique de Trondheim) et pour Günter Neuhold (bien sûr), choix partiel et arbitraire à son tour, mais sans doute le plus spontané et honnête que je puisse faire. Si vous voulez vous amuser pour sponsoriser vos chouchous, faites-vous plaisir.

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Derniers concerts vus

Il faudra prendre le temps d'en toucher un mot, mais à nouveau un Sibelius ultime par Paavo Järvi et l'Orchestre de Paris (la Cinquième Symphonie – j'ai vraiment hâte de voir l'intégrale publiée !), où les constructions les plus mystérieuses et les transitions les plus étirées font sens avec une générosité étonnante ; et un Freischütz passionnant par Hengelbrock (quelle précision de trait !) et la NDR, dont le grain sonore est étrangement comparable au disque : j'ai toujours cru que c'étaient les filtres appliqués aux bandes qui procuraient cet aspect légèrement élimé au son, pas du tout rond-à-l'allemande, mais non, le grain est aussi spécifique en vrain (pas déplaisant du tout !). Et on ne peut qu'admirer la rigueur absolue des pupitres, dont il n'est pas un cliché de dire qu'elle est distinctivement allemande…

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… Bacewicz et Wagner seront à nouveau pour une autre fois.

mercredi 9 septembre 2015

[Carnet d'écoutes n°82] – Le Ballet de la Nuit, Haendel transcrit par Babell, Sto olé-olé, Chopin sur boyaux, Andreae compositeur, Pikovaya-Jansons…


1. VASTE MONDE & GENTILS

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En ouvrant mon Playboy



Très douée en langues, la pianiste spécialisée Vanessa Benelli Mosell est avide de découvertes.

Sérieusement, il faudra un jour s'interroger sur la corrélation entre l'emballage et le public… Est-ce qu'on peut vendre, comme la chair fraîche d'une jeune première tout juste pomponnée et promue par une major dans Oops I Did It Again Susanna ou Lulu, un récital de mélodies victoriennes tardives de Griffes et Quilter par une chanteuse à l'image aussi convenable que Barbara Bonney ?


Pourquoi pas aussi en couverture de TÊTU les aveux d'une fin de carrière de speedo-model par Krzysztof Penderecki :


(La première capture d'écran est tirée de Resmusica, par ailleurs une très bonne source sur l'actualité musicale, qui n'est pas responsable de l'état du book des artistes entretenus interviewés.)

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En catimini : amphi Bastille

L'Opéra de Paris aura finalement une saison à l'Amphithéâtre (et au Studio), qui ne s'appellera plus Convergences, forcément, mais qui contiendra de même des récitals de mélodie et de lied, de musique de chambre, et une plus grande mise en valeur (bienvenue, même si je n'aime pas du tout les présupposés esthétiques de leur recrutement, et m'abstiendrai donc) de l'Atelier Lyrique.

Il y a de belles choses, j'ai repéré pour moi les Beydts (relativement célèbre pour ses opérettes, mais ses mélodies, jamais enregistrées, sont beaucoup plus hardies et assez passionnantes) de Cyrille Dubois, le récital anglais de Damien Pass, et bien sûr le récital franco-russe d'Elena Tsallagova. Aussi des choses très exaltantes (quatuors de Ries et surtout d'Andreae !) le midi, plus difficilement accessibles pour le commun des mortels.

Je n'avais vu nulle part mention de cette publication, qui n'apparaissait pas avant l'été… et pourtant le premier concert a déjà eu lieu ce soir ! Communication à retravailler.

[Flûte, entre le début de la rédaction de cette notule et sa publication, c'est fait, ils l'ont annoncé – le jour de l'ouverture des réservations !]

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2. MUSIQUE INSTRUMENTALE

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« Vo' far guerra » : Rinaldo pour clavecin solo


Une merveille inattendue trouvée chez Stradivarius : des airs de Rinaldo transcrits (et avec diminutions abondantes comme sur « Lascia ch'io pianga » ou tout de bon de longues séries de variations comme pour le chœur final « Vinto è sol della virtù ») pour clavecin solo. Plus encore que la virtuosité formidable (« Vo' far guerra », qui contient pourtant une célèbre cadence à deux clavecins, parvient à fonctionner à la perfection en solo), c'est la plénitude harmonique et la densité musicale qui surprennent… certainement pas du clavecin mélodique et décoratif, à un doigt par main, comme souvent dans les pièces solos (la richesse de la résonance sympathique le permettant parfaitement), mais un déluge d'accords et d'agréments, assez étourdissant, et plus encore lorsqu'on y retrouve les charmes d'un des plus beaux opéras seria de tout le répertoire !

L'arrangement n'est pas crédité dans ce disque de Claudio Astronio, mais ressemble beaucoup à ceux de William Babell, contemporain de Haendel, qui a écrit plusieurs de ces paraphrases (notamment sur Rinaldo) dans un goût très similaire. De quoi convaincre ceux qui n'aiment pas la fausse raideur poudrée et la monotonie dynamique du clavecin solo – et de quoi enchanter les amateurs.

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Les Quatuors de Volkmar Andreae


Essentiellement passé à la postérité pour ses interprétations très vives et dramatiques, dépourvues d'alanguissements mystiques, des symphonies de Bruckner (et, de fait, il faut absolument découvrir cette lecture alternative, particulièrement si l'on croit ne pas aimer Bruckner – comme l'islam ou le wagnérisme, on y appartient tous en naissant, il faut simplement en accepter la Grâce), Volkmar Andreae était aussi un compositeur.

Comme la plupart des chefs, ce n'est pas un révolutionnaire, mais plutôt un excellent connaisseur des mécaniques d'écriture. Ses Quatuors à cordes révèlent une remarquable maîtrise en la matière, oscillant entre une forme de classicisme et des climats plus décadents, sorte de postromantisme vénéneux. En réalité, on songe beaucoup (en moins audacieux et un peu moins dense) aux quatuors d'Othmar Schoeck ! Un goût pour la consonance qui n'interdit pas les écarts et les flottements étranges, de subtils grincements – baignés dans une lumière globalement beaucoup moins trouble, il est vrai.

De très belles choses qui se trouvent en deux volumes par The Locrian Ensemble of London chez Guild. Si vous aimez les quatuors de Larsson ou de Schoeck, ce prolongement qui vous ravira.

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Jacques Ibert, Ballade de la Geôle de Reading


L'œuvre existait déjà au disque (Latham-Koenig & Philharmonique de Strasbourg), mais elle vient de paraître dans une nouvelle interprétation de grande qualité (Adriano & Radio Slovaque, chez Naxos) et des couplages très intéressants (dont une Suite élisabethaine illustrant le goût pour l'archaïsme extrême, comme la Suite du Temps de Don Quichotte de Raoul Laparra, même si ce n'est pas complètement du niveau de l'Henry VIII de Saint-Saëns ou des Danses de cour de Pierné).

Elle surprend par sa densité et sa noirceur, inhabituelles dans l'univers d'Ibert. C'est pourtant sa première œuvre symphonique (créée par Pierné et l'Orchestre Colonne), un triptyque inspiré par trois extraits de la Reading Gaol d'Oscar Wilde, mais elle se situe dans des contrées assez lointaine de l'Ibert primesautier et limpide dont on a l'habitude. De la très belle ouvrage symphonique (qui n'est pas sans convergences avec l'art de Casella…), à découvrir.

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Cinquième Symphonie de Bruckner, Radio de Frankfurt-am-Main, Paavo Järvi


Les 4 et 6 viennent de paraître, et je m'aperçois que j'avais coupablement laissé passer la 5, malgré la Symphonie de Rott ébouriffante laissée par la même association.

Et, de fait, j'y retrouve toutes les qualités du Järvi d'aujourd'hui : dans une œuvre dont ce n'est pas le trait principal, je suis flatté par la délicatesse des épisodes, le respect des respirations, et comme toujours un sens suprême de la structure, de l'enchaînement naturel, de l'impression de nécessité (le plus difficile à réussir, dans l'écriture « juxtaposée » de Bruckner). Cette symphonie, pourtant l'une des plus complexes à transmettre, l'une des plus hermétiques aux brucknériens eux-mêmes, respire à la perfection ici, et s'écoule sans le moindre soupçon de lourdeur.

La seule à réussir le pari à ce point – à l'opposé, dans une plénitude beaucoup plus « sonnante », il y a bien sûr Günter Wand avec le DSO Berlin (coffret Hänssler).

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Chopin concertant par Frans Brüggen et l'Orchestre du XVIIIe siècle


Publié en disque par l'Institut Chopin, on peut entendre Nelson Goerner interpréter Chopin sur un Érard d'époque, accompagné par un orchestre spécialisé dans la musique du siècle précédent, ce qui entend donner des perspectives sur la façon dont les pièces pouvaient sonner. Perspectives inévitablement fantasmatiques, dans la mesure où les orchestres du XVIIIe n'avaient manifestement pas du tout la discipline parfaite ni l'idiosyncrasie des ensembles spécialistes d'aujourd'hui… mais le décentrement reste fascinant, et permet sans doute de remettre l'église au milieu du village, au moins en matière d'équilibres sonores, avec un piano beaucoup moins puissant, au son plus chaleureux et « harpé », et un orchestre moins enveloppant… tout glissant vers une forme de chambrisme très dépaysant.

Contrairement aux autres volumes de l'intégrale, parfois ébouriffants, les interprétations ne sont pas très exaltantes, un rien aimables même, tirant le jeune Chopin vers sa dimension de virtuose mondain et soulignant davantage sa réutilisation des conventions que ses originalités pourtant déjà assez fortes dans ces pièces de jeunesse. Néanmoins, la découverte de nouvelles couleurs est très intéressante, à défaut de pouvoir se comparer aux interprétations supérieurement abouties qui abondent dans la discographie.

L'Institut a mis en ligne des vidéos de concerts (à Varsovie, en 2005) qui reprennent avec le même orchestre les œuvres concertantes, jouées sur un Érard de 1849 (Goerner dans le Rondo alla Krakowiak, Dang Thai Son dans le Premier Concerto, Janusz Olejniczak dans le Second). De quoi se faire une idée, le plaisir de la visualisation en sus.

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Classique au vert : concertos pour piano n°3 & 5 de Beethoven

Pour clôturer août, l'occasion d'entendre ces œuvres que je révère, mais que la course aux hapax me laisse peu le loisir de voir en concert – au bout de quinze ans de fréquentation assidue des salles, malgré ma fanitude absolue pour le Cinquième, c'était ma première fois pour les deux œuvres.

Une fois de plus totalement conquis par l'Orchestre de Chambre de Paris, décidément un des meilleurs orchestres possibles pour la musique de l'ère classique et du début du romantisme : la netteté des attaques, l'équilibre entre la tension des sons droits et la discrète vibration des tenues, la légèreté du trait et le soin du style en font un ambassadeur de tout premier plan. Que de chemin parcouru depuis le début de l'ère Nelson, où sous le nom d'Ensemble Orchestral, la pâte sonore évoquait davantage les orchestres de chambre d'antan, façon English Chamber Orchestra ou Saint-Martin-in-the-Fields, qui jouaient la musique ancienne en petit effectif mais un style postbrahmsien, usant d'un très beau son parfaitement homogène, uniformément vibré, sans soin de la danse, résolument joli et ennuyeux.

Plus partagé sur François-Frédéric Guy, que j'ai toujours beaucoup apprécié, mais dont l'absence de netteté dans des œuvres aussi courues m'a étonné (déconnexions au sein des arpèges par exemple) ; mais il est vrai que l'amplification, cette fois mal équilibrée, abîmait le timbre (pas extraordinaire) et exagérait la moindre irrégularité.
En revanche, sur l'ensemble des concertos, il joue avec goût et dirige avec un soin du style juste extrêmement rassérénant (et vivifiant !).

En bis, un premier mouvement « au clair de lune » conçu pour complaire au public, absolument terrifiant : lentissime, les pointés funèbres inaudibles, et les arpèges joués comme une mélodie, et pis que tout, césurés comme le font les pianistes débutants (avant de sentir la nécessité du flux musical et la nature des appuis). Vraiment façon pianiste du dimanche, j'étais pantois. Et ce n'est pas un manque de culture ou de style (dont il a fait ample usage dans les concertos), mais vraiment un choix pour donner au public ce qui lui fait plaisir… j'en ai été un peu mal à l'aise. (mais après tout, ce n'est qu'un bis, il faut le voir comme quelque chose d'un peu festif, pas forcément sérieux)

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3. MUSIQUES SCÉNIQUES

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Résurrection du Ballet Royal de la Nuit


Non pas à l'identique, mais la restitution de Sébastien Daucé tente d'en rendre l'esprit et les équilibres. Constitué de multiples entrées (réparties au sein de quatre « veilles », plus le ballet solaire final) allégoriques et mythologiques, il reste dans les consciences, avant même l'intronisation de Lully, comme le grand exemple d'usage des arts comme auxiliaire du pouvoir : en 1653, au sortir de la Fronde, Louis XIV victorieux danse en personne le Soleil vainqueur de la Nuit, tandis que les jeunes membres des grandes familles naguère révoltées tournent à bonne distance en simples planètes et satellites.

L'entendre en entier (fût-ce de façon reconstituée et approximative) procure aussi un véritable frisson musical : un ballet encore très Louis XIII, marqué la déclamation égale et amélodique du début du siècle et le goût de la polyphonie vocale, qui se déploie dans son entièreté. Un univers encore très marqué par le goût de Guédron, Boësset et Lambert.

Si l'on s'abstrait du livret, on est forcément frappé par une forme de monotonie (peu de modulations, peu de surprises), mais en contexte (avec un visuel ou en suivant les indications de scène), c'est une rêverie formidable qui est proposée. Et la qualité des interprètes (Daucé & Correspondances toujours au sommet) permet d'en goûter toute la plénitude : le grain, la perfection du français et la finition ornementale exceptionnelle de Dagmar Šašková vous imposent au moins d'écouter le grand récit de la Lune amoureuse, au début de la troisième entrée.

Les musiques sélectionnées par Daucé sont dues aux grands représentants du temps : Cambefort, Boësset, Constantin, Lambert… et pour les parties en italien Cavalli et Rossi. Lully dansait dans le ballet, mais n'avait manifestement pas encore assez d'entrées comme compositeur ; hormis les parties vocales dues à Cambefort, aucune certitude n'existe sur les auteurs de la musique.

Le ballet est donné en concert (donc sans effets d'aucune sorte, a priori ?) à Versailles cette saison.

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Herculanum de Félicien David


Donné à Versailles par Hervé Niquet il y a 18 mois, Herculanum restait encore assez confidentiel, considérant la faible diffusion sur place, et surtout l'aphonie de Karine Deshayes, qui avait héroïquement assumé la représentation (mais en marquant en permanence, et tous ses soli furent amputés). Bref, impossible d'en faire la promotion, mais le CD paraît à présent !

Félicien David a connu un véritable retour en grâce ces dernières années, où l'on a multiplié les résurrections (opéras, oratorios, mélodies, musique de chambre…) ; jusqu'ici, j'avoue que tout m'a semblé assez plat, même si son Christophe Colomb, d'une structure assez originale, contient des trouvailles particulièrement intéressantes.

Mais il en va tout autrement d'Herculanum, dans lequel le compositeur, souvent un peu tiède (ni un grand mélodiste, ni un grand maître de la structure, ni un grand orchestrateur, ni un dramaturge naturel…), semble avoir concentré tous ses savoirs pour tirer le meilleur d'un format de grand opéra à la française. Après écoute du premier acte, je suis frappé par la qualité mélodique remarquable de lignes pourtant très déclamatoires, produisant une qualité suprême du récitatif, au sein de configurations orchestrales qui se renouvellent assez abondamment. De la très belle ouvrage, une œuvre qui marque par sa singularité et sa beauté très travaillée mais qui sonne avec un naturel sans apprêt. Impatient d'entendre la suite, mais je peux d'ores et déjà encourager les amateurs du genre à se ruer dessus – après la grosse déception de Dimitri de Joncières. Ce n'est pas aussi singulier (on n'est qu'en 1859) que les Barbares de Saint-Saëns (sorte de Tristan à la française !), mais cela figure tout de même parmi les innombrables grandes découvertes promues par Bru Zane !

Pour ne rien gâter, outre Karine Deshayes qui n'a jamais aussi bien chanté, on y retrouve Véronique Gens et Nicolas Courjal (chacun candidat au titre de meilleur chanteur français en exercice, unanimement salués comme des monuments d'expression, de style et de beauté pure) et Edgaras Montvidas, ténor lithuanien d'une grande souplesse et doté d'un excellent français.

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Tchaïkovski – La Dame de Pique – Jansons, Radio Bavaroise


Contrairement à Onéguine, La Dame de Pique dispose d'une discographie irrégulière : les grandes versions anciennes ne manquent pas, mais les versions modernes, pas si nombreuses de toute façon, ont toutes leurs déséquilibres et leurs insuffisances. Mes deux chouchoutes, au sein des publications officielles, restent Samosud (avec Derzhinskaya, la seule Lisa gracile de la discographie, et le décoiffant Khanayev) et Baranovich (pour son orchestre totalement acide, mordant et méchant), deux des plus anciennes (1937 et 1955).

Dans les versions dotées d'un son moderne (à partir des années 1970, disons), il faut en général composer avec des Lisa exagérément mûres, que ce soit dures (Milashkina chez Ermler, Vishnevskaya chez Rostropovitch) ou pis, invertébrées (Várady chez Shuraitis, Freni chez Ozawa) et en général très larges (au sommet desquelles Gwyneth Jones en allemand ou Gutafson chez A. Davis ou Guleghina chez Gergiev). Les chefs ne sont pas toujours très ardents non plus (Ozawa très « studio », même dans la version sur le vif, Gergiev particulièrement indolent, toutes les articulations amollies)… Si bien que le choix devient vite frustrant, quelle que soit la plus-value de la prise de son. En CD, à part les extraits d'Orbelian avec Prokina et Larine, on est vite limité.

Il est vrai que Rozhdestvensky en DVD, certes lent, est assez parfaitement distribué (Papian-Galouzine), mais il faut peut-être l'écouter sans le visuel de Lev Dodin qui tend à mettre à distance toute l'histoire.

De mon côté, outre les deux grands anciens, j'écoute surtout les bandes de Gergiev de la fin des années 90, très habitées, et dotées de distributions autrement fascinantes : Gorchakova-Galouzine au Mariinsky (intouchable !), Lisa Borodina-Galouzine au même endroit, Gorchakova-Domingo au Met… Mais rien de tout cela n'étant paru officiellement, il est difficile de les recommander.

Aussi, la parution du nouveau disque Jansons m'intéressait. Je redoutais tout de même un hédonisme orchestral un peu paresseux et, de fait, il ne faut pas en attendre de grandes poussées d'ardeur, tout est très joli et très à sa place, l'acte I étrangement lent… Néanmoins, cela ne fait pas du tout sombrer l'entreprise, et la distribution splendide permet de suppléer l'absence d'urgence orchestrale : à commencer par Tatiana Serjan, sombre et élancée, qui assume avec beaucoup de tension dramatique (et pas du tout vocale, même si l'impact paraît assez explosif !) son rôle, sans rivale hors (pas officiellement) Gorchakova ou (dans la plus vieille version !) Derzhinskaya, vraiment. Juvénile et tourmentée, ductile et sombre, elle dispose de toutes les qualités à la fois (sauf la diction, extrêmement floue mais suppléée par son expressivité). Misha Didyk, le fameux ténor-cluster, semble taillé pour Hermann, avec son émission massive et sombre, parcourue de nuances de grain plus que de couleur, exprimant avec beaucoup de justesse une forme de mélancolie violente (même si la prise de son semble étrangement l'occulter et le hacher). Autre excellente recrue, Alexey Markov en Yeletsky, amplement timbré mais d'une distinction et d'un legato parfaits.

Malgré cette tendance orchestrale à la joliesse – mais Jansons réussit magnifiquement les divertissements grétrystes et impériaux de l'acte II, lui qui est capable de faire « du » Menuet de Boccherini une chef-d'œuvre abyssal –, le plateau maintient une véritable tension, et l'on dispose enfin d'une version discographique moderne suffisamment cohérente pour être recommandée sans arrière-pensée.

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Et l'horrible Richard Wagner ?

… Oui, en effet, il manque notre traditionnelle apostille Wagner, et nous détenions pas moins de trois enregistrements candidats, mais ce sera pour une autre fois. De toute façon, il faudra dire un mot de la suite de la parution de l'intégrale des quatuors de Grażyna Bacewicz par le Quatuor Lutosławski (où l'on perçoit, dans des œuvres passionnantes, le progressif abandon de la tonalité rigoureuse vers des formes de plus en plus libres – et sombres), des derniers volumes de l'intégrale Beethoven de Thomas Dausgaard (a-t-on fait mieux ?), de l'album Schumann-Berg (Liederkreis Op.39, Frauenliebe, Frühe-Lieder) de Röschmann-Uchida, des œuvres orchestrales de Dvořák et Janáček par Anima Eterna Brugge et Immerseel, aux colorations inédites…

Mais dans l'intervalle, j'espère achever quelques notules monographiques qui attendent depuis longtemps la caresse de la lumière.

jeudi 30 avril 2015

[Carnet d'écoutes n°75] – Spectacles d'avril : Lieder de Rudi Stephan (Selig), Vêpres de Rubino, Tchaïkovski-Liss, Monteverdi-Agnew, Villiers de l'Isle-Adam, Mångata-Birralee, Rusalka…



Franz-Joseph Selig et Gerold Huber dans deux lieder de Rudi Stephan, puis dans le Schwanengesang-Heine.


Liederabend à l'amphi Bastille : Schubert, Wolf, Rudi Stephan et Richard Strauss, par Selig et Huber

Les basses (en tout cas les basses nobles et profondes, puisque les basses chantantes ont des propriétés proches du baryton) donnent peu de récitals de lied. Il existe une raison à cela : leurs voix sont moins propices aux changements de couleur, si bien que la plupart d'entre eux, même les plus grands, sonnent avec uniformité dans ces circonstances.

L'intérêt de Franz-Joseph Selig, dans ces circonstances, réside justement dans son rapport singulier avec sa voix : l'essentiel de l'émission, dans les deux tiers bas de la voix (les basses ayant la majorité de leur étendue avant la bascule du « passage »), est assez ouvert, ce qui lui permet de se rapprocher de la souplesse d'expression d'une voix parlée – alors que la « charpente » de la couverture lyrique uniformise et arrondit les sons.
La contrepartie est un aigu pas loin d'être crié, qui lui coûte en tout cas… mais dans ce répertoire (ou dans Gurnemanz), on s'en moque totalement, puisqu'on n'en a presque jamais besoin. Aussi, il se trouve idéalement adapté à l'exercice.

Pour ne rien gâcher, il avait choisi Gerold Huber comme accompagnateur – première audition en vrai pour moi, et je suis frappé non seulement par son éloquence et sa musicalité, qu'on saisit déjà au disque, mais par la présence physique du son, rond sans être timoré, contrairement à la plupart des accompagnateurs spécialistes – un très grand pianiste, même sans prendre en considération les spécificités du répertoire. L'évidence avec laquelle il expose les idées de pièces pourtant complexes force le respect, comme chez ces chefs qui, soudain, vous dévoilent toute la structure d'une forme sonate, sans effort apparent.

Mais la sensation de la soirée résidait dans le programme. Très beau (même si je m'interroge toujours sur Wolf, dont les préciosités ne coïncident pas toujours, chez moi, avec un but expressif tangible), contenant notamment l'un des plus directs et suffocants Doppelgänger que j'aie pu entendre, et très inhabituel :
¶ les deux Rudi Stephan (Am Abend de Günther et surtout Memento vivere de Hebel) – on le joue déjà très peu, et ses lieder tout simplement jamais, alors qu'il valent largement mieux que ceux de Zemlinsky ou Schreker ;
¶ des Schubert rares (Der Sieg de Mayrhofer, Der Strom anonyme, Das Abendrot de Schreiber), culminant avec Fahrt zum Hades de Mayrhofer, pas le plus rare du bouquet, mais étrangement peu joué considérant la richesse de ses images et la persuasion d'une véritable déclamation… véritable cheminement sonore, ni récitatif, ni strophique. Il s'agit en outre d'un des plus beaux poèmes de Mayrhofer, dont l'élan paraît ici moins formellement lié aux (nombreux) noms mythologiques cités ;
¶ des Strauss inhabituels , dans une esthétique de jeunesse aux harmonies assez simples (Das Tal d'Uhland, Der Einsame de Heine), à l'exception de l'inquiétant Spätboot de Meyer (qui achève le concert sur la même symbolique infernale qui l'avait initié), dont le langage chargé évoque plutôt Die Frau ohne Schatten ou Die Ägiptische Helena.

Cela, servi par une très belle déclamation (non sans présence physique) et un accompagnateur somptueux, produisait une très grande soirée de lied. Il faut en profiter, puisqu'il n'y en aura plus à l'amphi Bastille, plus à la Cité de la Musique et à la Philharmonie à part un Winterreise de Goerne (si l'on n'inclut pas un récital de mélodies françaises et du lied contemporain avec ensemble instrumental), plus à l'auditorium du Louvre (hors peut-être les midis), plus au Théâtre des Champs-Élysées (hors lieder orchestraux de prestige avec Schäfer, Kaufmann ou Goerne), plus chez Philippe Maillard (Gaveau-Cortot) et par la force des choses plus au Châtelet et à l'Athénée (qui sont fermés). Resteront les séries des Jeunes Talents (Soubise-Invalides-deux-Palais), l'auditorium d'Orsay (mais plus orienté mélodies européennes que lied, donc pas forcément en nombre) et bien sûr le CNSM, qui continueront plus que vraisemblablement à fournir quelques îlots de lied dans cette mer d'absence. Impressionnant tarissement de l'offre (qui n'était déjà pas démentielle, à l'échel de Paris), brutalement.
Heureusement, contrairement à d'autres répertoires, cela réclame très peu d'argent à monter, et il est donc possible d'en trouver, si l'on ne veut pas absolument les grandes vedettes de l'opéra (rarement les meilleures dans ce genre, de toute façon), en fouinant raisonnablement.

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Buonaventura Rubino : Vespro per lo Stellario della Beata Vergine – Conservatoires de Paris et de Palerme

Pas d'extrait (la réverbération trop importante déforme les timbres et même les hauteurs, ce ne serait pas révélateur des qualités remarquables de l'exécution), mais il est possible d'entendre l'unique (et très bonne) version par Gabriel Garrido au disque – vous pouvez essayer en flux basse qualité . Ignazio Maria Schifani, le chef de la soirée, figurait d'ailleurs comme continuiste (au clavecin) dans cet enregistrement.

Qui a dit que vêpres était un office ennuyeux ? Long, sûrement, mais dans ce circonstances, tout à fait exaltant.
Il s'agit de la première partition (1644) officiellement publiée (1645) de Buonaventura Rubino, pourtant né vers 1600. La création eut lieu à Saint-François d'Assise de Palerme, ce qui a sans doute motivé les autorités du Conservatoire Vincenzo Bellini pour le choix de l'œuvre… néanmoins tout à fait majeure.

Ces Vêpres s'incrivent dans le style, encore assez peu documenté par le disque et les concerts, du milieu et de la fin du XVIIe siècle italien : le style madrigalesque est fini depuis longtemps (bien qu'il en reste des vestiges contrapuntiques et harmoniques), et la déclamation nue du style florentin début-de-siècle a largement été enjolivée. Même en comparant aux œuvres généreuses de la période, comme les Vêpres de Monteverdi (beaucoup plus « verticales », écrites par accords et par aplats, même dans le contrepoint), Rubino se dirige vers beaucoup plus de générosité mélodique et de mobilité harmonique ; beaucoup plus de virtuosité aussi.
On situe un peu avant la période de Legrenzi, Falvetti et Steffani, mais c'est vers cette direction qu'on se dirige.

Une heure et demie d'hymnes juxtaposés, explorant les possibilités de ce style assez à fond :

Deus in adjutorium
Domine terzo a 5, 6, 7 e 8 voci concertato con violini a beneplacito
Assumpta est Maria
Dixit primo a 6 voci e 2 violini, concertato con ripieni a beneplacito
Maria Virgo assumpta est
Laudate pueri terzo a 5, 6, 7 e 8 voci, concertato con due violini a beneplacito
In odorem unguentorum
Laetatus secundo a 4, 5 e 6 voci, concertato con violini e ripieni a beneplacito
Benedicta Filia tua
Nisi Dominus secundo a 5, 6, 7 e 8 voci, concertato con violini a beneplacito
O laeta dies a due canti
Pulchra es
Lauda Ierusalem secundo, a 5 voci e 2 violini, concertato
Ave maris stella a 3 voci, 2 vl e bc
Hodie Maria
Magnificat secundo a 5, 6, 7 e 8 voci, concertato con violini a beneplacito

Débutant volontiers par un petit solo tiré du répertoire de plain-chant, c'est ensuite une série d'ensembles enchaînés virevoltants, un peu comme si l'on avait écrit le duo final de L'Incoronazione di Poppea à huit voix pendant une heure et demie. Série parcourue de belles modulations soudaines et de ''soli'', quelquefois même de chromatismes brutaux directement issus du dernier Gesualdo. Le plus étonnant que tout cela évoque furieusement ce que nous considérons comme le style français – et qui, à l'époque, était considéré en France comme le style italien. Très dansant (mais beaucoup plus contrapuntique qu'en France), avec une sensibilité à la déclamation, jusque dans les masses, que l'on n'attendrait pas chez les compatriotes de Vivaldi – qui sont ici, à la vérité, ceux de Monteverdi.

Une jubilation ininterrompue, d'une qualité d'écriture dont la constance étonne : comment peut-on rester sur ces sommets tout ce temps ? Parmi les moments forts, évidemment, les riffs irrésistibles de la grande chaconne à quatre temps (ce qui est inhabituel, mais on en trouve d'autres, par exemple dans Daphnis & Chloé de Boismortier) – elle est tout aussi dansante, et fonctionne comme s'il y avait deux premiers temps.

Le concert, interprété avec un abandon remarquable par tous ces jeunes musiciens (et un beau sens du style), était organisé avec un système de double chœur et orchestre : à gauche, les italiens (chœur et continuo) ; à droite1, les français (chœur et continuo). Au centre, les continuistes communs et les instruments mélodiques ad libitum : violons et cornets à bouquin.

CORO I
Rosalia Battaglia, Anna Lisa Di Modica, Andreina Zatti,* Brunetta Pirrone alto
Mariano Sanfilippo, Nicolò Giuliano tenore Lorenzo Chiacchiera,* Massimo Schillaci basso
CORO II
Marie Perbost, Harmonie Deschamps canto ** Florian Paichard, Paul Figuier alto **** Constantin Goubet **, Jérôme Desprez tenore *** Vlad Crosman, Grégoire Dors basso **
STRUMENTI
Raphaelle Soumagnas, Krystof Lawandowski cornetti **** Katarzyna Solecka, Ewa Anna Augustynowicz violini
BASSO CONTINUO I
Eric Tinkerhess violoncello ** Benoît Beratto contrabbasso ** Jesús Noguera Guillén organo ** Victorien Disse tiorba ***
BASSO CONTINUO II
Rémy Petit violoncello ** François Leyrit contrabbasso ** Constance Taillard organo ** Clément Latour tiorba ****
BASSO CONTINUO III

Sarah Gron-Catil violoncello ** Edvige Correnti clavicembalo

FABIO CIULLA, PASCAL BERTIN** direttori dei cori
IGNAZIO MARIA SCHIFANI concertatore e direttore

\* Conservatorio Statale di Musica “G. B. Pergolesi” di Fermo
\** Conservatoire National Supérieur de Musique et de Danse de Paris
\*** Pôle Supérieur Paris Boulogne-Billancourt
\**** Conservatoire à rayonnement régional de Paris

Outre le sens du style et l'enthousiasme de tous, j'ai retrouvé avec plaisir Rosalia Battaglia (qui a fait de très grands progrès en un an, voix franche et bien focalisée, italienne au meilleur sens du terme – probablement déstabilisée par la tessiture très basse et les impératifs moins lyriques des récits religieux de Carissimi), Marie Perbost toujours aussi gracieuse (et à son aise dans ce répertoire), elle aussi assez caractéristique des émissions françaises d'aujourd'hui, et Harmonie Deschamps, à son tour plus flattée par l'écriture plus haute et plus legato de l'office.

Dans le même temps, j'ai découvert avec plaisir les excellent ténors Mariano Sanfilippo et Nicolò Giuliano, percutants et non sans grâce (était-ce l'acoustique, le ténor I – pas sûr qu'ils soient nommés dans le bon ordre sur la feuille de distribution… – ne semblait pas parfaitement juste, comme un décalage entre la base de la note et les harmoniques hautes). Très forte impression aussi du contre-ténor solo (Florian Paichard si la distribution est dans le bon ordre, le second – Paul Figuier, donc ? – ne chantant que pendant les ensembles) qui, chose très rare chez un falsettiste (même chez les plus en vue), projettait avec vigueur et imposait physiquement son son. Ce soir, il a prouvé à quel point ce registre avait toute sa place dans la musique sacrée – et quasiment ouvert des perspectives sur sa capacité à honorer le répertoire profane pris d'assaut avec moins de bonheur par ses confrères.

S'il fallait absolument faire une réserve, outre que la bande est absolument inutilisable (alors que l'acoustique, en étant proche des musiciens dans la cathédrale Saint-Louis des Invalides était excellent), il faut souligner les théorbistes étaient, fatalement, complètement inaudibles à de très rares moments près… pourtant, ils réalisaient avec qualité, mais les contraintes de l'instrument sont impitoyables. Néanmoins, sans eux, le spectre sonore ne serait pas du tout le même.
La justesse des violons et des cornets à bouquin n'était pas toujours irréprochable, mais la facture (et rester aussi longtemps sans réaccord pour des cordes montées en boyaux…) a un impact non négligeable sur ces questions, et les jeunes musiciens n'ont pas toujours accès aux meilleurs modèles…

Fascinant moment où la résurrection de l'ancien se conjugait avec l'enthousiasme de la jeunesse, les deux poussés à un assez haut degré d'entrain… Peut-être la plus belle soirée de la saison, hé oui.

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Tchaïkovski – Ouverture en fa, Concerto n°1, Symphonie n°5 – Orchestre National de Russie, Dmitri Liss (Philharmonie)

Suite de la notule.

dimanche 12 avril 2015

[Carnet d'écoutes n°72] – « Préludes » à la Philharmonie (Medtner), les jeunes générations de liedersänger, l'avenir du lied à Paris (Jeff Cohen)


« Préludes » à la Philharmonie de Paris

Nos lutins intrépides ont testé pour vous : les Préludes de l'Académie de l'Orchestre de Paris. Avant certains concerts de l'Orchestre de Paris, à 18h, des concerts gratuits de musique de chambre (ouverts même à ceux qui n'ont pas de billet) sont proposés.

¶ Le concept est très sympathique, mais reste bizarre : pourquoi si tôt ? Le concert débute vraiment à l'heure (j'ai été refusé à 18h01 lors de mon premier essai !), et (chose très raisonnable) ils ne laissent pas entrer les retardataires après l'œuvre complète (jamais entre les mouvements). Ce qui met déjà une certaine pagaille, les aspirants étant nombreux, la salle parfaitement obscure (et encore peu familière), et les jeunes artistes pressés de reprendre.
Je suppose que le principe doit être d'inciter les gens à arriver bien avant le spectacle pour consommer dans le quartier, mais vu qu'il y a encore fort peu d'offre congruente avec le public, on ne voit pas trop à quoi cela peut servir. Évidemment, à l'intérieur, essentiellement des têtes chenues – qui d'autre peut arriver à 18h exactes à une extrémité de Paris où le travail n'abonde pas ?

¶ Corollaire : essentiellement des habitués et des passionnés (pour l'ouverture, une fois encore, on repassera, ce n'est pas la martingale). Personne ne tente d'applaudir entre les mouvements – alors même que la sonate de Medtner n'est pas jouée en entier et que son premier mouvement est subdivisé : il y avait de quoi s'égarer en toute bonne foi ! Qualité d'écoute excellente.

¶ L'acoustique de la Philharmonie, même au parterre, reste nettement réverbérée, ce qui n'est pas idéal pour la musique de chambre. Mais même du fond du parterre, on entend bien.

¶ Pour ma part, entendu la Première Sonate pour violon et piano de Medtner par le Duo Tokyo issu du CNSM : Keisuke Tsushima (violon) et Jean-Michel Kim (piano). C'est une œuvre qui doit beaucoup aux Français par rapport aux standards de Medtner (plus dans une veine russe germanisée, sorte de Rachmaninov intellectuel). Le final (involontairement je suppose) sous forme de variations sur Une poule sur un mur est assez jubilatoire pour des oreilles françaises…
[Comme pour les pianistes de la classe de Jeff Cohen, je suis resté un peu étonné des phrasés très mécaniques et plats – on n'apprend pas l'accentuation des phrases au CNSM ? – du violoniste. Je n'avais jamais remarqué ça, jusqu'ici, chez les élèves du CNSM, qui m'avaient toujours paru très aguerris sur tous les plans, musicalité élémentaire incluse.]

Avantage considérable : les concerts (contrairement à ce qui était indiqué sur le site) durent 40 minutes maximum, ce qui permet ensuite d'aller entendre les classes du CNSM juste à côté, à 19h. [Ce que je fis.]

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L'avenir du lied à Paris – Classe de lied & mélodie de Jeff Cohen

Vous avez peut-être remarqué que, vu que le Châtelet a changé d'orientation, que Philippe Maillard et Gaveau n'offrent jamais beaucoup de choix en la matière, que l'Opéra de Paris direction Lissner vient de supprimer ses récitals Convergences, que le Théâtre des Champs-Élysées ne fait plus que des récitals d'opéra ou de baroque, que l'Auditorium du Louvre a supprimé sa composante vocale (et bientôt toute sa programmation musicale), que la Philharmonie et la Cité de la Musique ne font qu'un Winterreise de toute l'année… il ne reste plus guère d'endroits, hors concerts ponctuels dans des endroits confidentiels, où entendre du lied en Île-de-France, du moins dans les principales institutions. Seul l'Auditorium du musée d'Orsay semble résister (mais sa ligne est davantage tournée vers la mélodie française et européenne).

Si vous voulez en entendre, il faudra alors chercher, et le CNSM est un sûr refuge pour entendre de belles choses, plus originales (et souvent plus adéquatement chantées) qu'ailleurs.

Deux auditions mercredi et jeudi derniers. On y retrouvait notamment Benjamin Woh et Elsa Dreisig le premier soir.
Globalement déçu (pour la première fois aussi) par les pianistes accompagnateurs (son très terne, et phrasés d'un scolaire parfois ahurissant), je ne parlerai donc que de ceux qui m'ont fait bonne impression – il ne s'agit pas de dire du mal d'artistes qui débutent dans la carrière et prennent de leur temps pour accompagner du lied !

¶ Les programmes étaient beaucoup plus traditionnels qu'à l'accoutumée. Pas de langues rares (à part une mélodie suédoise de Sibelius par Dreisig), seulement allemand, français et anglais. Et côté compositeurs, pas de surprises non plus. C'est dommage, j'y avais entendu par le passé des mélodies espagnoles, portugaises, russes, japonaises…

Dania El-Zein (soprano lyrique léger : R.Strauss-Pfitzner-Poulenc), souffrante, n'a pas chanté.

Benjamin Woh (ténor lyrique léger : Mendelssohn, première moitié de Dichterliebe de Schumann, Duparc) conserve en permanence son placement formantique, qui lui donne sa projection et sa résonance. Il pourrait désormais oser élargir un peu le timbre, car la voix est un rien grêle et bridée en expression (on entend surtout la charpente, ce qui limite les inflexions expressives). Mais le lied est forcément plus difficile à habiter pour les ténors – ses qualités de netteté m'avaient fait une belle impression à l'opéra.

¶ J'avais vu Jean-Jacques L'Anthoën (baryton central : Dichterliebe en entier, Trois Verlaine de Debussy) crédité comme ténor sur un disque (et c'était un vrai ténor, assez translucide d'ailleurs), mais ce n'est pas possible – s'il a sans nul doute de la réserve en haut, il ne peut pas y avoir en deux ans cet écart de technique et de timbre, avec une assise grave très réelle. C'est son point fort et aussi son talon d'Achille : la voix dispose d'une belle largeur, et d'une émission très dynamique (sa voyelle optimale est le [i], donc un timbre très riche), qui lui permet à la fois une certaine gloire vocale et des qualités d'expression dans le lied.
En revanche, comme toute la voix est bâtie sur sa très belle résonance basse, l'aigu est difficile à négocier, surtout qu'il ne trouve pas le bon placement dans les nuances piano et perd alors son timbre (et force). En fin de parcours, le timbre ne convient pas du tout à la mélodie française et la voix détonne spectaculairement, parce qu'elle s'est fatiguée. Il reste encore du travail là-dessus avant de se lancer sur les scènes, mais dans des rôles un peu dramatiques où il faut chanter fort plutôt que de soigner la ligne, il aurait de très belles choses à dire.
Avec lui, Adam Laloum (encore étudiant, alors qu'il publie sur son seul nom des disques d'arrangements de Wagner ??) est le seul pianiste de la série à m'intéresser vraiment : le son n'est pas particulièrement glorieux, mais les phrasés sont astucieux, et il joue particulièrement bien du dégingandé des postludes de Schumann et des quinconces rythmiques, tout en faisant très clairement sonner les harmonies.

Aurélien Gasse (baryton-basse) ne s'est pas trop fatigué non plus pour choisir son programme (rien que de l'aisément recyclable !) : An die ferne Geliebte de Beethoven, six extraits du Winterreise de Schubert, et les deux sonnets de Cassou de Dutilleux. Son cas est très intéressant : la voix est très belle, très pure, comme formée sur un joli halo en [ô], et le grave naturellement sonore le sert très bien pour le lied. Il ferait aussi un très bon choriste. Mais je suis étonné, en réalité, qu'une technique de ce genre soit acceptée (sauf à sentir le potentiel et vouloir la rebâtir de fond en comble) dans une maison comme le CNSM qui prépare tout de même en priorité à l'insertion dans le milieu de l'opéra : son émission n'est pas à proprement une émission lyrique.
Il émet en mode non métallique (une sorte de « mécanisme 0 », une voix de poitrine sans les harmoniques formantiques habituelles qui permettent de projeter la voix), en faisant résonner le son uniquement dans la bouche, ce qui entraîne plusieurs caractéristiques en contradiction avec ce qu'on attend à l'opéra : la voix est peu projetée (dans Dutilleux, il est quasiment couvert par le piano !), les nuances fortes sont presque impossibles, la montée imprécise au delà du passage (la voix bouge sur les [i] au niveau du do3 ou du ré3, pour un baryton !), le souffle plus court (une émission pure demande beaucoup plus de souffle pour maintenir l'intonation), et l'instrument doit être beaucoup plus fragile.
Beaucoup d'amateurs utilisent ce mode vocal (par timidité essentiellement), qui produit de très belles choses de près (et, de fait, j'ai beaucoup aimé), mais qui ne permet pas de chanter des rôles solo d'opéra. Mozart, si (avec un peu de monochromie toutefois), mais guère au delà. Derrière un quatuor à cordes, vu que les harmoniques sont rares, on ne doit plus entendre grand'chose.
C'est à lui de faire un choix : dans des parties de basse (vu qu'il a de bons graves) dans des chœurs d'oratorio, il serait parfait (servi pas un beau potentiel naturel !). Dans de petits rôles d'utilités aussi. S'il aspire à être soliste dans le « grand répertoire », alors il lui faudra à peu près tout reprendre.

¶ Enchantement de retrouver Elsa Dreisig dans un programme thématique plus ambitieux autour du printemps (Hahn, Debussy, Weill, Duke, Poulenc, Sibelius, Schumann, Mendelssohn, Schubert, R. Strauss et Grieg !) : la voix est très exactement focalisée (peut-être un rien plus floue en français qu'autrefois, mais c'est pour y gagner des résonances poétiques façon Cotrubas), le timbre beau et l'expression ravageuse. Hexenlied de Mendelssohn est traité avec une fougue irrésistible, parcourant toutes les nuances de l'effroi et du grotesque, sans jamais tomber dans l'excès ; et, comme à chaque fois, ses extraits de musical (« Green up Time » de Love Life et « April in Paris »), chantés dans un style absolument exact (tout en voix de poitrine, avec la rigueur de la formation lyrique, mais un timbre et un accent noirs totalement dans le ton) : j'ai cru voir la réincarnation de Doris Day apparaître pour chanter les standards d'Ella.
Avec un tel tempérament scénique, une telle voix et une telle versatilité, ce serait bien le diable si elle ne faisait pas une insertion spectaculaire. [Et s'il vous plaît, Elsa, n'abusez pas du belcanto comme les copines, épanouissez-vous plutôt où vos atouts feront une différence.]

dimanche 1 mars 2015

[Carnet d'écoutes n°68] — Tromboncino, Reger, Schmidt, Yun, Hymel, Brentano SQ, Alcan SQ…


Au programme cette semaine :

  • Quelques nouveautés : Sulla lira chez Ricercar, récital Hymel chez Warner, Balkan Fever de Kristjan Järvi, Beethoven des Alcan et des Brentano…
  • Déclamations anciennes, de Guillaume d'Aquitaine à Bartolomeo Tromboncino.
  • Motets et cantates de Couperin, Mondonville et Rameau.
  • (Une partie du) meilleur des intégrales et anthologies de quatuors de Beethoven.
  • Musiques avec clarinette du premier XXe.
  • Intégrale symphonique Franz Schmidt.
  • Musiques d'aujourd'hui : Gordon, Ruzicka, Yun, Manoury, Rihm… et même du (bon) néo-folk.






Suite de la notule.

samedi 17 janvier 2015

Philharmonie de Paris : inauguration baroque

Qu'est-ce que je suis fort en jeux de mots, j'ai manqué la vocation évidente d'une carrière de titriste à Libé.


Ayant été quasiment menacé physiquement par plusieurs lecteurs, je suis obligé de sacrifier à une présentation de la nouvelle salle, alors même que tout a été écrit, et avec plus de faits comme de perspective (voir par exemple les dossiers du Monde, de Mediapart, de L'Œil…).
Et puis je dirai un mot de la troisième soirée d'ouverture, avec les tubes baroques français de Charpentier, Mondonville et Rameau par les Arts Florissants.

Sur le concept du projet lui-même, sur les logiques et biais tarifaires et programmatiques, voir les notules correspondantes.

Suite de la notule.

samedi 23 août 2014

Une saison 2014-2015 en Île-de-France : ce que vous ne trouvez pas ailleurs


Car, ainsi que l'a dicté Tao-Lseu à ses disciples : la Vérité est ailleurs.

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Déjà, si vous n'êtes pas d'ici, vous pouvez trouver tous les conseils pour une magnifique saison là-bas (nous avons même ajouté ajourd'hui une nouvelle recommandation).

Pour la sixième année consécutive, voici le moment de lancer des suggestions de divertissement pour la saison prochaine. Une fois de plus, et comme pour à peu près tout ce qu'on trouve dans ces pages, nul désir d'exhaustivité. Je me contente de vous livrer mes relevés pour ma consommation personnelle : l'éventail reste très large, puisqu'il permet de choisir, mais ne contient pas absolument toute la programmation. De même pour mes gribouillages (§ indiquant ma motivation, le foncé ma prévision, et les astérisques des places déjà réservées), qui ne témoignent que de mon intérêt personnel — ça prenait trop de temps à retirer, donc vous saurez si j'ai plus envie de voir du Protopopov que du Roslavets le jeudi midi.
Pour un relevé généreux, je recommande Cadences, qui dispose désormais d'un site (les dates sont plus facile à lire sur le magazine en PDF que sur la base en ligne, mais les deux sont bienvenus). Clairement, la qualité de leur base rend assez caduque la mienne en tant que masse.
Néanmoins, ayant relevé manuellement les dates chez plusieurs dizaines de salles et associations, certaines n'apparaissent pas chez Cadences, et on trouve parfois, dans ces contrées interlopes, quelques petites pépites. J'essaierai, pendant la saison, de maintenir les annonces de concerts un peu atypiques, de façon à mettre en valeur ce que vous pourriez ne pas vous consoler de manquer.


Quelques petits cailloux ont déjà été semés : sur deux résurrections passionnantes et impatiemment attendues à l'Opéra-Comique, sur la saison tranquille de l'Opéra de Paris, sur les concepts de la Philharmonie de Paris, sa programmation et ses tarifs.

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Vous pouvez retrouver les précédentes saisons, chacune disposant en commentaires de liens renvoyant vers des échos des soirées vues :


Les spectacles vus seront cités en commentaires de cette notule, et diverses remarques sur la saison ajoutées sous cette étiquette.

En lice pour les putti d'incarnat, j'ai nommé :

Suite de la notule.

mercredi 7 mai 2014

[CIMCL 2014] – Duos pour violon et piano : impressions


Présentation du concours de cette année dans cette notule précédente.

Je n'ai été averti que trop tard qu'on pouvait voter dans la journée pour la finale, je n'ai donc pas pu faire passer l'information, mais il en ira peut-être de même pour la prochaine édition.

Programme effectif

Je commence par râler un peu : les candidats qu'ont choisi que Debussy, Ravel et Poulenc. Personne n'a osé les deux sonates plus rares (et beaucoup plus belles !) de Koechlin et Roussel (n°2). Je ne veux pas incriminer les artistes, c'était un peu prévisible dans la mesure où elles sont longues (30 minutes pour Koechlin, soit le double des autres) et très difficiles (Roussel !). Donc délaissées au profit de fondamentaux déjà travaillés ou utiles dans son répertoire pour débuter une carrière. Il faudrait vraiment, comme pour les éliminatoires, imposer une liste uniquement rare si l'on veut éviter ce type de choix malheureusement rationnel.
Conclusion, moi qui me réjouissais d'entendre Alkan, Pierné ou Hahn pour les éminatoires (non diffusés, comme l'année dernière...), Koechlin et Roussel pour la demi-finale, par des jeunes interprètes engagés et enthousiastes. Perdu.

Sinon, la Sonate de Pécou composée pour le concours, agréable bien sûr, sonne un peu trop comme un catalogue d'effets à mon goût. C'est plus musical (et plus intéressant) que 98% des œuvres de concours, mais je ne crois pas que l'œuvre soit appelée à rester au répertoire pour autant, même marginalement.

Les candidats

Comme à chaque année, compétition de haut niveau. Je n'ai pas encore écouté tous les duos présents, mais le prestige du duo Tishchenko-Carr (à écouter , qui a remporté la compétition, est immédiat : l'aisance technique et l'élan général le placent d'emblée au-dessus de la concurrence. À partir de 2h54 dans la vidéo de la demi-finale.
Sinon, admiré avec beaucoup de plaisir l'ardeur élancée du duo Fluorite (Haruka-Yuka) – même davantage, subjectivement, mais le niveau instrumental, excellent, n'atteint néanmoins pas les mêmes sommets. À partir de 1h27 dans la vidéo de la demi-finale.

Une fois de plus, la compétition est un peu confisquée par les artistes disposant d'une solide carrière. Diana Tishchenko a été violon solo du Mahler Jugendorchester, a même joué avec la Radio Bavaroise, et doit poursuivre cette année dans les rangs du DSO Berlin ; leur duo a déjà été accueilli pour les concerts du midi à la Philharmonie de Berlin. Bref, peut-être des professionnels du rang qui veulent devenir solistes, mais pas exactement de jeunes musiciens en devenir – et cela s'entend (le degré d'accomplissement, l'habitude des concours). Comme ils n'ont vraiment pas pris le pli de la routine et conservent au moins le même engagement que leurs collègues plus jeunes, ils ne pouvaient que l'emporter (à très juste titre au demeurant, là n'est pas mon propos).

Tout dépend du but du concours (révéler les jeunes prometteurs ou consacrer les grands pas encore célèbres), mais il y a peut-être matière à réviser les règles de candidature suivant l'objectif poursuivi. Mais pour sûr, le palmarès est sans faute comme cela.

Candidats et lauréats.

Les vidéos de la demi-finale et de la finale sont visibles en ligne :

Suite de la notule.

mercredi 15 mai 2013

Mélodies d'Occupation (1938-1949) : Poulenc, Jolivet, Gailhard, Françaix, Schmitt, Rosenthal, Auric, Sauguet, Barraine, Arma, Dutilleux, Féjard, Honegger et Milhaud (par Le Texier & Cohen)


Programme hallucinant à la Cité de la Musique ce mardi 14 mai ; à l'exception des courtes Chansons villageoises de Poulenc, un long concert (trois heures avec entracte, considérable pour un récital de mélodies !) exclusivement constitué d'oeuvres très rares, d'une esthétique exigeante, et dans un genre (la mélodie française) assez peu pratiqué en exclusivité au cours d'un récital. Aspects peu visités de compositeurs établis, ou apparitions de figures largement oubliées. Bref, immanquable pour tout lutin qui se respecte.

1938
Francis Poulenc : Priez pour paix
1940
André Jolivet : Trois complaintes du soldat (cycle)
1941
André Gailhard : Ode à la France blessée
André Gailhard : La Française
Jean Françaix : L’Adieu de Mgr le Duc de Sully à la cour
1942
Florent Schmitt : Quatre poèmes de Ronsard (cycle)
Manuel Rosenthal : Jérémie
Francis Poulenc : Chansons villageoises (cycle)
1943
Georges Auric : Quatre chants de la France malheureuse (Le Petit Bois & La Rose et le Réséda)
Henri Sauguet : Force et Faiblesse
1944
Elsa Barraine : Avis
Paul Arma : Les Chants du silence (A la jeunesse, Chant du désespéré, Fuero)
Henri Dutilleux : La Geôle
1946
Simone Féjard : La Vierge à midi
Arthur Honegger : Mimaamaquim
1949
Darius Milhaud : Kaddish

Interprétations

Suite de la notule.

mercredi 20 mars 2013

Carousel de Rodgers & Hammerstein au Châtelet


Quelques impressions à l'issue de la première :

Suite de la notule.

dimanche 24 février 2013

[Sursolscope] Le mois de mars à Paris


Sélection d'événements, avec un petit mot pour aider à choisir.

=> 1er, Amphithéâtre Bastille : Notturno de Schoeck par Eröd et le Quatuor Aron, couplé avec le Quatrième Quatuor de Zemlinsky.
Programme très original, avec des oeuvres qui sont d'authentiques chefs-d'oeuvre, au sens le plus complet : des sommets représentatifs de leurs périodes. Le Notturno de Schoeck s'apparente beaucoup au Deuxième Quatuor de Schönberg, aussi bien dans les couleurs harmoniques (proches de celles du premier mouvement) que dans l'ambiguïté formelle entre quatuor et lied. En un flux unique sur près de quarante minutes, on traverse les textes de Lenau et Keller. Raison de plus pour venir : les textes sont toujours fournis à l'Amphi !
Quant au Quatrième Quatuor de Zemlinsky, il se situe sensiblement dans le même univers, mais plus tardif et tourmenté - quelque part entre le Deuxième et le Troisième de Schönberg. Autre chef-d'oeuvre.
Adrian Eröd ayant déjà fait ses preuves comme liedersänger, c'est un moment assez incontournable si on s'intéresse aux décadents.

=> 1er, Cité de la Musique : Berlin dans des oeuvres de chambre avec vents de Brahms, Debussy et Ravel.

=> 4, Pleyel : Requiem de Verdi avec le Choeur Philharmonique Tchèque de Brno (superbe ensemble). Et l'Orchestre National de Lille.

=> 5, Amphithéâtre Bastille : Conférence d'Hervé Lacombe sur Wagner & les Français.
Sujet passionnant très prisé de CSS (je vous laisse fouiner dans CSS à propos de Reyer, d'Indy, Chausson ou Ropartz, par exemple).

=> 7, Amphithéâtre Bastille : Lemieux, Blumenthal et les Psophos dans Schindler-Mahler, Lekeu et Elgar.
J'aurais aimé une autre chanteuse (Lemieux, c'est vraiment pâteux), mais les autres artistes sont enthousiasmant, et le programme à la fois original et décadent ne peut que faire très envie. (Dommage en revanche que ce soit toujours la première série de Schindler qui soit jouée, alors que les autres sont encore plus puissamment personnelles. Et qu'on ne les entend jamais - même au disque, on a très souvent la série de 1910.)

=> 8, Amphithéâtre Bastille : Merbeth dans R. Strauss, Zemlinsky, Schreker, Schönberg, Korngold, Webern.
Ici aussi, je redoute une voix un peu large et durcie pour le lied et la salle, mais Merbeth est une artiste capable, je crois, d'adapter finement son style à ce genre d'exercice. Et le répertoire concerné peut souffrir une lecture un peu ample. Il ne manquait plus que Gurlitt, et nous avions la quintessance du lied décadent germanique réuni en deux jours à l'Amphi.

=> 18, Châtelet : Carousel de Rodgers & Hammerstein II.
Les raretés du Châtelet en matière de Musical ne m'ont pas toujours totalement convaincu, en revanche ils ont montré à plus d'une reprise leur habileté à monter les standards à leur plus haut niveau, soit en invitant comme pour les Miz, sont en faisant eux-mêmes leurs productions. Je n'ai pas pu voir sur place The Sound of Music, My Fair Lady et Sweeney Todd, mais au delà de la réception critique très favorables, les échos publiés en ligne par le théâtre parlent d'eux-même sur la très grande qualité de ces soirées.
Pour information, l'essentiel du recrutement se fait auprès de chanteurs lyriques (anglais courant exigé, pas seulement les vagues prononciations opératiques) qui maîtrisent les deux styles.

Suite de la notule.

lundi 28 janvier 2013

Bonis-Koechlin-Hahn-Poulenc-Daunais-Landry : Récital & miracle (Hélène Guilmette)


Découvrir deux compositeurs (très inspirés) dans un seul récital, plus quelques raretés chez d'autres compositeurs plus célèbres. Partons à la rencontre de ces oeuvres.


Fantaisie dans tous les tons de Lionel Daunais, par Hélène Guilmette et Martin Dubé.


Les risques

Quelquefois, le fait de donner un récital dans une salle permet des libertés supplémentaires : l'impératif fédérateur du disque, la nécessité d'une carte de visite ne s'y imposent pas aussi fortement, et il est possible de donner à entendre autre chose.

Suite de la notule.

vendredi 10 août 2012

Saison 2011-2012 : Bilan et statistiques


Voici l'heure du traditionnel bilan saisonnier.

A. Liste des spectacles vus - B. Souhaits non exaucés - C. Statistiques : les lieux - D. Les genres - E. Epoque musicale - F. Réserves - G. Ressenti - H. Grands moments - I. La suite

Suite de la notule.

dimanche 26 juin 2011

Massenet-Marseille-Alagna : Fallait-il remonter Le Cid ?


1. Principe

Le Cid de Massenet est une oeuvre qui suscite la curiosité et l'étonnement.

La curiosité est bien légitime, puisqu'il s'agit de la seule adaptation célèbre de la pièce. Les Stances de Rodrigue avaient été - éloquemment - mises en musique par Marc-Antoine Charpentier, puis le style classique s'était chargé de son adaptation, à la façon d'Andromaque de Grétry / Pitra : c'était alors Chimène ou Le Cid de Sacchini, hésitant entre héroïsme gluckiste et style galant Louis XVI. Les autres appropriations musicales sont beaucoup plus obscures.

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Extrait 1 :


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2. Massenet et le Cid

Massenet, de surcroît, est le compositeur d'opéra de ma connaissance qui varie le plus son style d'un ouvrage à l'autre, de façon très spectaculaire. Quoi de commun entre le sirop mélodramatique de Manon, l'archaïsme franc de Panurge, le romantisme noir de Werther, la féérie pompière d'Esclarmonde, le vérisme abrupt de Thérèse, le lyrisme tristanien de Cendrillon, l'exotisme de Thaïs ?

Et ce n'est pas une affaire de tonalité littéraire, ni même d'effets de style : le langage musical lui-même se révèle totalement plastique d'une oeuvre à l'autre. La chose est bien simple, à moins d'avoir exploré au moins la moitié de son corpus, il serait impossible d'attribuer à Massenet l'une ou l'autre oeuvre d'oreille.

Cette souplesse pouvait donner à espérer le meilleur du Cid, composé entre Manon et Werther, et présenté en 1885, l'année suivant sa composition.

Toutefois, Massenet a composé sa partition en grande hâte, et la qualité d'écriture en a spectaculairement pâti. Certes, il va donner un aspect un peu archaïsant à l'oeuvre... mais dans le plus mauvais sens du terme, en appauvrissant l'harmonie de cette fin de siècle, tout en conservant les tics grandiloquents de l'opéra romantique larmoyant.

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3. Sentiment successifs envers la partition

Il est peut-être utile que je livre ici mon parcours vis-à-vis de cette partition.

Suite de la notule.

samedi 16 avril 2011

Paul DUKAS - Ariane et Barbe-Bleue - Pleyel 2011, Radio-France, Deroyer : Karnéus, Haidan, Hill, Cavallier, Harnay, de Negri...


1. Un livret

Maeterlinck est surtout resté célèbre pour son Pelléas et Mélisande, grâce à la surface médiatique de Debussy, mais on associe souvent abusivement, de ce fait, sa poésie dramatique à un univers uniquement allusif.

Certes, le silence, les réseaux symboliques horizontaux, la puissance de l'imaginaire stimulé par les "blancs" dans ce que signifie le texte, tout cela y a le plus souvent sa part (si l'on excepte certaines pièces un peu hors de la norme comme son Oiseau bleu).


Néanmoins, dans d'autres pièces, et pour s'en tenir à l'opéra, dans les livrets pour Dukas et Février, il en va autrement. Le livret d'Ariane développe au contraire une succession d'actions et d'opinions très nettes, même si Maeterlinck ménage un assez grand nombre d'interstices. Il ne s'agit pas vraiment un poème dramatique chargé de représenter une vignette, une part de vie ou de réalité humaine, mais davantage d'un apologue plus ou moins clos pour lui même, qui amène une démonstration.
Evidemment, une démonstration façon Maeterlinck, avec tout ce que cela suppose de parentés avec les fromages savoyards.

Maeterlinck le considérait comme un libretto d'opéra féérique, sans prétention, et il est un fait que sa portée reste plus limitée que d'autres de ses ouvrages, malgré son très grand sens de l'atmosphère. Le titre complet nous renseigne au demeurant fort bien sur son caractère de fable : Ariane et Barbe-Bleue ou La Délivrance inutile. L'oeuvre a en effet tout d'une représentation, sur un mode à la fois allégorique et domestique, de la servitude-volontaire.


La différence serait encore plus flagrante avec Monna Vanna, puisqu'il y est question assez ouvertement de viol (l'épouse de Guido Colonna, gardien d'une place assiégée et clairement située géographiquement, dont se livrer nue sous un manteau au chef ennemi pour permettre de sauver la ville), et que les scènes d'amour ont quelque chose des bluettes sentimentales qu'on voyait sur les écrans en France dans les années trente, à coups de souvenirs nostalgiques d'enfances à la campagne.
Sans parler du final de transfiguration des amants : bref, la recette de Pelléas n'est pas unique chez Maeterlinck, même si plusieurs traits, en particulier dans l'expression verbale, perdurent.

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2. Une musique

Sans que je puisse m'expliquer tout à fait pourquoi, je rencontre toujours une grande difficulté à caractériser la musique de cette oeuvre, assez loin des habitudes de Dukas, et tout à fait singulière bien que parfaitement inscrite dans le courant des novateurs français de l'époque.

Le langage est tout à fait classable esthétiquement : on est dans ce postwagnérisme transcendé par le nouveau goût français, celui des opéras de Chausson, d'Indy, Lekeu, Debussy, Dupont, Fauré, Cras, Ropartz, Février... et dans un registre moins onirique (pour les sujets ou pour les musiques) les opéras de Bruneau, Lazzari, Magnard, G. Charpentier, Bloch, Hirchmann...

La lecture de la partition montre elle aussi beaucoup de similitudes avec Pelléas, montrant des alternances d'aplats - où tout passe par l'harmonie et l'orchestration - avec des tournures rythmiques plus complexes (notamment le goût pour les surpointés, les fusées qui ne démarrent pas sur le temps, et bien sûr l'alternance fréquente, voire la superposition, entre binaire et ternaire). Ici aussi, la déclamation est réinventée pour être la fois "vraie" prosodiquement (ce n'est pas tout à fait réussi) et liée à la musique, détachée des inflexions quotidiennes.

Pourtant, quelque chose (m')échappe dans cette oeuvre. Toujours tendue, continue, sombre, avec quelques rayons aveuglants de clarté (en symbiose impressionnante avec la question centrale du retour à la lumière dans le livret), mais si difficile à décrire : ça ne sonne pas comme du Wagner bien que ça hérite totalement de sa conception du drame (longues tirades, continuité absolue, prééminence de l'orchestre, "abstraction" de la prosodie avec des mélodies assez disjointes, invention continue de l'harmonie, expressivité majeure des timbres instrumentaux), ça ne sonne pas non plus comme du Debussy bien que ça en soit totalement parent (couleurs harmoniques, carures rythmiques, type mélodique, conception de l'orchestre, et même des citations de Pelléas [1]). C'est peut-être bien le versant français qui est le plus fuyant, plus difficile à organiser en critères vérifiables : au fond, on pourrait penser en en écoutant des extraits que cette musique est tout aussi bien allemande (pas si lointaine du Barbe-Bleue de Bartók non plus, dans l'invention et la chatoyance orchestre des ouvertures de portes).


Bref, la densité, la pesanteur de son ton ont quelque chose d'assez singulier, qui sonne homogène mais qui se trouve comme déchiré par différents moments toujours radieux et étonnants : l'ouverture des portes, l'amplification spectaculaire du chant des femmes prisonnières depuis le souterrain, quand la porte interdite est ouverte (un choeur toujours plus nombreux et toujours plus soutenu par l'orchestre), les apparitions de la lumière, l'entrée des paysans au III, et d'une façon générale l'ensemble de l'acte III (caractérisations de chaque épouse, ou encore la fin).

Une vraie personnalité là-dedans, même si, me concernant, j'avoue volontiers que cet opéra est, parmi la première partie de la liste (des postwagnériens "oniriques") que je proposais plus haut, bien moins prenant que la moyenne (au niveau de Pénélope de Fauré et d'Antar de Dupont, deux opéras dans lesquels je me laisse un brin moins transporter). Il me faut à chaque fois l'ensemble de l'acte I pour être réellement plongé dans l'oeuvre.

Mais il est vrai qu'ensuite, et à plus forte raison en salle, lorsqu'on débouche sur les folies musicales de cet acte III, nourri au demeurant par un livret qu'il épouse d'assez près... ce n'est pas une petite impression qui se ressent.

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3. Problèmes d'interprétation

D'abord, il faut dire le bonheur de tous les lutins du monde d'entendre cette musique en concert. Ceux qui s'y sont prêtés ne sauraient être assez remerciés.

Notes

[1] On entend bien sûr la citation du motif de Mélisande dans l'oeuvre de Debussy, dans la même orchestration, lorsqu'elle est présentée à Ariane, puis lors de l'éloge de ses cheveux, de façon plus ostentatoire aux cordes. On retrouve au passge quantité de liens dans le livret avec le traumatisme aquatique, le moment de midi... Mais on entend aussi à plusieurs reprises des motifs musicaux qui font songer aux entrées subites de Golaud aux actes III et IV, ou bien aux souterrains. La composition d'Ariane débute en réalité un an avant la création de Pelléas, commencé bien auparavant, d'où l'hommage évident et les influences sous-jacentes.

Suite de la notule.

dimanche 20 mars 2011

Le lied en français - VI - Schubert, Vilain curieux (La Belle Meunière)


Pour les enjeux de l'entreprise, on pourra se reporter ici.

Et pour mémoire :

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Voici donc une nouvelle livraison, sur le sixième lied de Die Schöne Müllerin : "Der Neugierige".

Toujours proche du texte, versifié par la rime (un mètre fixe n'est pas souhaitable si on souhaite épouser la prosodie musicale prévue pour un poème allemand précis).

Voici déjà un test enregistré de ma part. Réalisé en faisant simultanément accompagnement et chant, avec uniquement la partition allemande sous les yeux, c'est donc hésitant et pas bien timbré, mais donne une idée de la façon dont le nouveau texte dialogue avec la musique.


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Si certains lecteurs souhaitent une transposition (j'ai conservé la tonalité originale sur l'exemple imprimé, donc accessible plutôt aux sopranes et ténors), ou bien désirent retravailler la source pour y inclure l'accompagnement, il suffit de me joindre en commentaires ou par courriel.

Vous trouverez ci-après le texte original en regard de sa traduction versifiée, puis la partition (propre !) de la ligne vocale, avec les quelques ajustements rythmiques marginaux. Il suffit donc de le chanter avec l'accompagnement habituel, tout fonctionne. [Voir par exemple pour la partition originale dans la même tonalité.]

Suite de la notule.

mardi 2 novembre 2010

Les amants fous, création d'Orianne Moretti


Un petit droit de suite après avoir annoncé et commenté dans ces pages le spectacle consacré à Clara Schumann par Orianne Moretti. La Compagnie Correspondances fondée par ce soprano propose un spectacle théâtral mêlé de musiques au Théâtre du Tambour Royal jusqu'au 18 novembre.

Côté musical, on pourra entendre ceci, chanté par Orianne Moretti et Till Fechner (un très bon baryton central, plutôt bon acteur), avec Patrick Langot au violoncelle et Anastasia Slojneva au piano.

A. Rachmaninov, lied, « Belle comme un midi »
A. Scriabine, prélude opus 11 n°24
G. Mahler, lied, « Ich hab’ ein glühend Messer », Chant d’un compagnon errant
R. Schumann, duo « In der Nacht »
D. Chostakovitch, lied der Ophelia, voix / violoncelle, Romanzen‐Suite
R. Strauss, drei Lieder der Ophelia
A. Rachmaninov, Sonate opus 19 piano / violoncelle, Andante
H. Berlioz, La mort d’Ophélie

Je ne m'y suis pas rendu, notez tout de même que les Strauss et Chostakovitch sont très rarement donnés. Et le duo In der Nacht, un pastiche d'aubade espagnole dans le Spanisches Liederspiel Op.74 de Schumann (en réalité des adaptations allemandes de textes réellement espagnols par Emanuel Geibel), est une pure merveille : la douce solennité de l'espérance semble déchirer la nuit et défier les jaloux, avec une fusion des voix assez extraordinaire - un des plus beaux lieder jamais écrits, rien de moins.
De beaux moments en perspective.

Le tout se superpose à la trame de Hamlet de Shakespeare, qui en sera la colonne vertébrale théâtrale - avec une mise en scène.

3, 4, 11, 12 et 18 novembre à 21h
Théâtre du Tambour Royal. 94 rue du Faubourg du Temple. 75011.
Métro Belleville. Parking au 83 rue du Fbg du Temple.
Réservation : 01.48.06.72.34

samedi 11 septembre 2010

Une saison (notamment) parisienne 2010-2011


En ce milieu de mois de septembre, il est temps de présenter les plans de la saison.

Voici donc notre sélection. De même que pour l'an passé, cette sélection est très extensive pour permettre ensuite de choisir. La sélection théâtre n'a pas encore été effectuée (il reste aussi, côté musique, l'Athénée et les Bernardins).

Les différentes soirées seront aussi annoncées en commentaires sous cette entrée, et éventuellement développées dans une notule à part.

Suite de la notule.

dimanche 13 juin 2010

Programme éducatif


Un peu accaparés par une notule un peu vaste, les lutins vous proposent un petit divertissement dans l'attente de la fin de leurs travaux.

On se base sur un téléfilm lyricophile contenant de vastes extraits d'opéras, avec sa dose d'autodérision, mais aussi un choix très judicieux des extraits et une si parfaite intégration dans l'intrigue qu'il en donnerait l'envie de se convertir au théâtre lyrique. Il s'agit de The Phantom of the Opera de Tony Richardson (1990), fondé sur la pièce d'Arthur Kopit (évidemment d'après Gaston Leroux).
Sur le lyricosympathique, c'est au contraire le visionnage d'un extrait très réussi (la scène finale du Faust de Gounod avec un double jeu scène / salle très bien trouvé) qui donne l'envie de tout consommer. De surcroît, les interprètes ne sont pas au rabais : Michèle Lagrange, Jean Dupouy, Jacques Mars !

Et pour ne rien gâter, la représentation des moeurs d'opéra, pas indifférente pour le sujet, est vraiment irréprochable.

(Après cela, ce n'est certes pas un chef-d'oeuvre cinématographique, et la trame déjà assez faible vit surtout par les incidentes musicales...)

Cet extrait contient trois leçons éternelles sur la vie de l'Opéra. Saurez-vous les reconnaître ?


Réponses :

Suite de la notule.

vendredi 1 mai 2009

Nouvelle saison Opéra de Bordeaux 2009-2010

Avant qu'elle ne soit officiellement publiée, elle circule déjà, et la voici.

Et les commentaires de CSS (en italique, pour plus de clarté).

Suite de la notule.

mardi 10 février 2009

Paris insensé IV - Boesmans : Yvonne, Princesse de Bourgogne (1er février 2009)

Yvonne enfin, l'étape la plus tentante de notre escapade, est à l'image inversée de Fra Diavolo : un spectacle dont on aurait mille raisons de dire du bien, et qui pourtant ne suscite qu'un enthousiasme modéré.

La musique est très belle, mélangeant une boîte à outils atonale (strates étales, glissandi, tremolandi) avec une ossature de motifs parfaitement tonals ; très bien orchestrée, très chatoyante. Le problème est que cette matière splendide reste toujours à tempo modéré, guère pulsée : toujours splendide, mais toujours la même splendeur d'un acte à l'autre. Passer de la prosodie allemande à la prosodie française n'est logiquement pas un problème pour Boesmans, les deux rythmes étant parents, mais il reste effectivement un flou dans l'accentuation et surtout une vraie lourdeur des « -e » finaux, qui donnent à certains chanteurs un aspect provincial, voire racaillous, peut-être involontaire.

Le texte tiré de Gombrowicz (écrit par Luc Bondy et Marie-Louise Bischofberger) a les caractéristiques d'un texte de Gombrowicz : on utilise de la prétendue subversion (par l'horreur) pour faire en réalité une morale extrêmement rudimentaire (l'indifférence, la cruauté, la stigmatisation, c'est mal). Il pèche surtout par son surplace : au début, Yvonne est une pauvre fille, déficiente ou autiste, dont personne ne veut ; à la fin, Yvonne est toujours la même pauvre fille, dont on se débarrasse. Pas beaucoup d'étapes, guère d'évolution.

La mise en scène de Bondy, secondée par les décors très esthétiques de Richard Peduzzi et la composition parfaitement convaincante (et quelle voix parlée !) de l'actrice Dörte Lyssewski, sert très efficacement le propos, en prolongeant d'ailleurs la confusion temporelle du livret (dont les références sont contemporaines, avec de nombreux téléphones et frigidaires) : le Roi ressemble à un caïd rangé avec son survêtement fluo, aux côtés d'une Reine en robe de soirée mauve et d'un Prince en costume sombre.

Côté interprètes vocaux,

Suite de la notule.

jeudi 5 février 2009

Paris insensé, II - Turqueries de Mozart à Auber (31 janvier 2009)

Dans l'acoustique excellente - proche, naturelle et confortable comme dans l'ensemble de ces petits théâtres à l'italienne - de l'Opéra-Comique se tenait une initiative qui doit être saluée comme il se doit, peut-être bien - mais il ne faut pas le répéter - l'étape la plus intéressante de ces quatre concerts.

Un concert commenté d'une heure à 14h30, au tarif unique de douze euros, dans la grande salle. Sur une heure, il y avait certes au moins la moitié de commentaires, mais précisément, ces commentaires écrits et dits par Agnès Terrier (qui aurait fort bien pu se passer du micro, apparemment, disposant d'une bonne technique théâtrale) faisaient tout le sel du concert. S'adressant à un public de l'après-midi, jeune ou ingénu, peut-être aussi aux touristes venus découvrir l'Opéra-Comique pour quelques sous, ils présentaient à loisir les différentes catégories d'instruments ; mais dans le même temps, c'est un flot de données factuelles solidement documentées, aux antipodes des phrases creuses que tel aurait pu redouter, qui se déployait pour remettre en perspective les pièces entre. Car d'un programme au thème un peu pauvre (peu ou prou : ouvertures et marches orientalisantes de 1780 à 1840...), Agnès Terrier fait un ensemble cohérent, mieux : une page d'histoire. On bénéficiait en outre de commentaires, plus littéraires que musicaux, assez bien sentis - ce qui constitue un exercice toujours périlleux dans le cadre cultuel du concert -, en échappant totalement à l'écueil de l'enthousiasme hagiographique.

Le jeune ensemble de jeunes OstinatO, dirigé par le jeune Jean-Luc Tingaud, présentait les caractéristiques habituelles de ces ensembles constitués de jeunes pas encore intégrés au système : son un peu grêle, quelques erreurs d'intonation, décalages en début de phrase fréquents, cornistes désespérés. On sentait beaucoup de fébrilité chez ces jeunes, manifestement très émus du lieu qui leur était prêté à eux seuls. Par ailleurs, il s'agit aussi d'une structure-atelier, censée servir de tremplin plus que d'aboutissement. Est-ce convaincant, on ne sait. Mais dans le cadre d'un programme d'essence légère, et en parallèle avec des explications, la chose était tout à fait satisfaisante.
Le son paraissait assez emprunté aux ensembles sur instruments d'époque.


Au programme :

Suite de la notule.

samedi 4 octobre 2008

Midi musical à Bordeaux (3 octobre 2008) - vers un programme idéal

Très beau récital, hier, dans le cadre des midis musicaux du Grand-Théâtre. Pour six euros, voici ce que l'on pouvait entendre. Un programme de fou, comme on dit.

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Schubert, Mignon und der Harfner (Kimy McLaren, Thomas Dolié)

Une rareté absolue : la cinquième des six mises en musique (dont la première existe en deux versions...) de Nur wer die Sehnsucht kennt, le deuxième des chants de Mignon dans Wilhelm Meister. D.877 n°1 (Op.62 n°1), elle cohabite avec une autre, prévue pour voix solo.
Il s'agit du seul duo schubertien de notre connaissance, dans son corpus de lieder, à ne pas se répartir de façon dialoguée (Shilrik und Vinvela D.293, Hektors Abschied D.312, Antigone und Oedip D.542...), mais à se chanter simultanément. Et avec quel rare bonheur !
On songe déjà à l'opus 14 de Max Reger...


 
Christine Schäfer, John Mark Ainsley, Graham Johnson (piano). Extrait tiré du volume 26 de l'intégrale Hyperion.


CSS vous en propose également la partition libre de droits.

Les voix s'enlacent de façon extrêmement captivante, vraiment à l'égal de Reger. Hélas, contrairement à Mendelssohn et Schumann, il n'existe pas de corpus nourri de cette nature chez Schubert, ce qui représente une immense tragédie.

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Mendelssohn, Maiglöckchen und die Blümelein & Abendlied (Kimy McLaren, Thomas Dolié)

Plus insouciants, on y entend donc des duos de Mendelssohn, légers ou tendres. Evidemment, le contraste avec l'intensité du Schubert nuit à la valeur réelle de ces pièces charmantes - bien que le lied n'ait jamais été le répertoire le plus essentiel de Mendelssohn.

On ne les entend jamais en concert non plus.

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Poulenc, Le Bestiaire (Thomas Dolié)

Suite de la notule.

mercredi 2 juillet 2008

[déchiffrage] Balade dans la musique pour piano française du premier XXe siècle

Après-midi de congé consacré au déchiffrage chez les lutins. D'une façon plus originale que de coutume : majoritairement autour du clavier solo (clavecin et piano).

L'occasion d'une petite introduction à ces oeuvres - triées sur le volet - pour les lecteurs de CSS. (Par ordre chronologique.)

Au programme : Anglebert, F. Couperin, Chopin, Thomas, Elgar, Dukas, Koechlin, Decaux, Vierne et Dupont.

Suite de la notule.

mercredi 2 avril 2008

L'essence de la musique

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(Nous aurions bien songé à « L'interprétation représente-t-elle indubitablement une médiation dispensable ? », mais non, nous n'écrivons pas en secret dans les Inrocks, merci.)

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§ Au commencement était la querelle

Le débat fait rage depuis toujours pour déterminer si l'essence de la musique réside dans l'abstration de la partition, ou dans sa réalisation au moment de l'interprétation.

L'argument qui consiste à défendre l'idée que beaucoup de mélomanes confirmés ne savent pas lire ou lisent mal la musique peut être amplement discuté, il est difficilement déterminant. Dans nombre de disciplines, on peut tirer profit du résultat, avoir accès à l'essentiel sans en maîtriser soi-même toutes les étapes.

Celui qui défend le problème de définition pour les musiques orales est déjà plus redoutable : un compositeur de musique savante qui n'écrirait pas sa musique devrait donc faire référence, sans le savoir, à une essence abstraite, mais existante même si l'étape en est supprimée. Et une autre définition serait à prévoir pour les musiques traditionnelles.

Il faut peut-être tout simplement prendre conscience que l'interprétation, si elle ajoute bien évidemment des données exogènes à la composition, demeure la médiation obligée de la musique. Pour les plus aguerris, elle peut se dérouler mentalement, mais suppose ici aussi des choix de tempo, d'articulation, etc.

Voilà notre débat expédié.

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Dans certains répertoires, cependant, l'interprétation tient une part de composition, qui en égale au minimum l'importance dans l'intérêt final du produit sonore. Lorsque la partition de départ (orale ou écrite) est nue, comme dans la musique populaire ou bien la musique baroque (tragédie lyrique en particulier), l'apport de l'interprète est absolument capital.

Démonstration sonore et poursuite de la réflexion au moyen de la célèbre chanson de marins : Le 31 du mois d'août.

Suite de la notule.

samedi 22 mars 2008

Gioconda fa ritorno

Après avoir fait parler d'elle, ou plutôt après avoir parlé sous la torture, Mona Lisa revient sous une autre forme. Et ce n'est pas de l'opéra - on est sérieux, ici.

Suite de la notule.

mercredi 27 février 2008

Carnet d'écoutes et de jeu : Balades hétéroclites


Après-midi de répétition chez les lutins. L'occasion d'évoquer certaines oeuvres, puisque la plupart de celles-ci sont plutôt rarement données.

Au programme : Feldman, Kabeláč, J.-B. Faure, Chausson, Caplet, Franck, Saint-Saëns, Ravel, Piazzola, Fibich, Medtner, Schreker, Webern, Schubert.

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A. Piano solo

Morton FELDMAN : Palais de Mari

Comme toujours chez Feldman, un dépouillement extrême. Un double minimalisme : les mêmes formules d'accord, les mêmes rythmes font retour très régulièrement ; de surcroît avec une parcimonie de moyens tout à fait excessive. Ennuyeux à jouer, vu le tempo requis (vingt-cinq minutes de suspension absolue), mais une véritable atmosphère magnétique qui s'en dégage, une sorte de tension (accords pas parfaits) appaisée, quelque chose de vraiment étrange et singulier. Très agréable à écouter en revanche, n'était la durée un peu excessive pour l'exécution en concert normal

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Miloslav KABELÁČ : Préludes Op.30

Ensemble des premières années du vingtième siècle. Très étrange chose, qui ne correspondait pas du tout à nos souvenirs. Un soin harmonique très stimulant, quelque chose d'un Debussy qui regarde déjà vers Szymanowski. Et pourtant, dans ces préludes, des figures obstinées assez incompréhensibles. Ecriture pianistique très dépouillée (souvent une seule note en soutien à la main gauche), qui semble peiner à trouver des idées, et recycler à l'infini la première exposée - pas nécessairement géniale. Comme une mauvaise improvisation qui se sauverait de la catastrophe par la réitération sans idée.

Très étrange, vraiment, parce que l'inspiration harmonique et les couleurs mettent en grand appétit et donnent envie d'en entendre plus, de suivre des développements, de voir surgir des surprises de ce compositeur.

Déconcertant.

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B. Mélodies

Jean-Baptiste FAURE : Les Rameaux (J. Bertrand)

Suite de la notule.

dimanche 20 janvier 2008

Discographie choisie - Franz SCHUBERT, Die Schöne Müllerin (La Belle Meunière)

Devant l'ampleur imprévue de cette note préparée pour Diaire sur sol, on la publie ici, bien que ce ne soit pas tout à fait conforme à la religion de CSS. On s'est efforcé d'ajouter quelques considérations plus générales, afin de rendre la pratique moins vaine.

--

Puisqu'il n'y a plus de contrainte formelle d'être un peu constructif, sur Diaire sur sol, on tente l'exercice stérile (mais plaisant et potentiellement utile pour quelques lecteurs) de la discographie, auquel nous nous refusions sans raison sérieuse et suffisante sur CSS.

Quelles versions pour Die Schöne Müllerin ?

Pour nous, deux dominent. Jean-Paul Fouchécourt avec Alain Planès en 2004, qui saisissent pleinement la nature populaire qui revendique le lied, et qui se révèle particulièrement dans ce cycle. De la naïveté, de la simplicité - tout est énoncé avec l'évidence de la chanson. Pour ceux qui n'apprécient guère Fouchécourt d'ordinaire, ajoutons que l'allemand est tout à fait bon, et le résultat sans la moindre niaiserie. Malheureusement, ce concert n'a pas été publié (et ne le sera pas).
L'autre est celle réunissant Matthias Goerne et Eric Schneider (2002), publiée chez Decca, dont on va parler.

Voici donc un petit tour d'horizon.

Suite de la notule.

samedi 1 décembre 2007

Récital Cécile Perrin / Jean-Marc Fontana (30 novembre 2007) - Massenet, Poulenc et Yvonne Printemps

Devant les invitations répétées à fournir des comptes-rendus de concert, nous sacrifions pour une fois les investigations sur les oeuvres et autres bavardages sur des détails de langue à une petite évocation de concert.
Rien n'est plus prévu, de toute façon, pour CSS avant fin janvier - à moins que nous ne nous laissions entraîner, demain soir, vers le choeur de Cambridge, comme le suggérait Morloch.


C'est à un récital qui clivera assurément l'assistance que nous avons assisté ce vendredi midi - pour une saison de concerts du midi décidément luxueux. [Le concept en est un récital vocal bref, à la pause de midi, par des chanteurs inconnus ou modérément célèbres, à un tarif unique de 6€. Sans doute pour but de donner envie au public d'assister aux opéras et récitals du soir. C'est aussi une chance donnée à des chanteurs pas forcément sollicités par ailleurs pour des récitals à cause de leur confidentialité - ils ne rempliraient pas en soirée.]

Premier intérêt : des programmes qui demeurent toujours aussi originaux. Il s'agit de faire varié pour appâter un public qui n'est pas celui des habitués du concert, mais bien du personnel de bureau du centre-ville ; de faire plus léger qu'un récital traditionnel au besoin - les chants traditionnels, les tubes opératiques et le music-hall y ont aussi, dans une certaine mesure, leur place.

Second intérêt : cette saison, des chanteurs excellents sont programmés ; comme ne pas se réjouir de voir l'esprit ravageur de Daphné Touchais, la tessiture haute de Philippe Do, la présence vocale de Jérôme Varnier récompensés ?

Ce vendredi, ainsi, voyait Cécile Perrin pour trois quarts d'heure sur la scène du Grand-Théâtre.


Comment cette grande voix, prompte au cri, pourrait se tirer d'affaire d'un récital intimiste avec piano ? La réponse figure aussi bien dans le programme que dans la nature même de sa prestation.

Suite de la notule.

vendredi 24 août 2007

Claude DEBUSSY – Pelléas et Mélisande – Haitink, ONF – Kožená, Lapointe, Naouri (TCE, 16 juin 2007)

L'équipe de CSS vient de réécouter la captation de ce Pelléas... et gît à nouveau au sol. Si vous êtes lutin infirmier, appuyez ici pour nous remettre en ordre de marche.

Suite de la notule.

jeudi 9 août 2007

[liens] Les sites consacrés aux partitions gratuites (et aux meilleurs revendeurs)

Découverte il y a quelques mois du site de Nicolas Sceaux, largement consacré à la tragédie lyrique et l'opéra seria . On y trouve, réalisées par ses soins, des copies manuelles des partitions intégrales d' Armide et Psyché de Lully, de Giulio Cesare de Haendel...

L'occasion de faire un point sur les sites proposant des partitions gratuites (et sur les meilleurs revendeurs payants). Car on se trouve bien souvent face à des doses homéopathiques de partitions, redondantes, célébrissimes, ou face à des annuaires d'annuaires. Le fruit de plusieurs années de guet sur la Toile...

Il va de soi que toutes les adresses proposées sont respectueuses de la propriété intellectuelle, c'est ce qui fait tout leur intérêt.

Lien aisément mémorisable pour retrouver ou lier l'article :
http://piloris.free.fr/partitions.html .

Suite de la notule.

mercredi 4 juillet 2007

Feuilleton - Concours International de Quatuor à Cordes de Bordeaux 2007 - III - journée du 4 juillet

Après avoir trouvé porte close (ce qui s'expliquait par le démontage du décor de Carsen pour les Noces de Mozart), nous nous sommes donc rendus aux épreuves de l'après-midi.

14h30-19h30 (dont deux fois un quart d'heure de pause...)

Six quatuors.

Suite de la notule.

mardi 3 juillet 2007

Teasin' Powa - Concours International de Quatuor à Cordes de Bordeaux 2007

L'équipe de CSS étant sortie de sa grotte, et ayant rattrapé ses lutins[1], s'est remise au travail, vous l'avez vu.

Nous serons cependant ralentis car nous assisterons tous au Festival International de Quatuor à Cordes de Bordeaux (ex-Evian). Nous produirons peut-être de petites synthèses quotidiennes sur les épreuves.

Un programme Mozart-Schubert-Mendelssohn-Lalo-Bacri, plus des romantiques (1830-1890).

Notes

[1] Pour info, le Père Noël est en vacances jusqu'en septembre.

Suite de la notule.

jeudi 21 juin 2007

Hector BERLIOZ - Les Nuits d'Eté par Nathalie Stutzmann (Bordeaux, 7 juin 2007)


Un compte-rendu de Sylvie Eusèbe !

Concert. Bordeaux, Palais des Sports, jeudi 7 juin 2007, 20h30.
Claude DEBUSSY : Prélude à l’après-midi d’un faune ;
Hector BERLIOZ : Les Nuits d’été ;
César FRANCK : Symphonie en ré mineur.

Orchestre National Bordeaux-Aquitaine ;
Nathalie Stutzmann, contralto ;
Louis Langrée, direction.

Suite de la notule.

dimanche 3 juin 2007

Saison Opéra de Bordeaux 2007-2008

Présentation et analyse de la saison par notre comité de rédaction [et ses nombreux lutins].

On y présente notamment des compositeurs, des chanteurs, des oeuvres au programme. Avec de nombreux liens pour expliciter certains points si nécessaire. Un petit carnet de route.

Suite de la notule.

mercredi 7 mars 2007

A la découverte de Pelléas & Mélisande de Debussy/Maeterlinck - VIII - Sortie des souterrains (III,3) - b - les jardins, la tour, Geneviève

Après nous être attardé(s) sur la présence de la mer à travers tout Pelléas, poursuivons notre scène.

Suite de la notule.

vendredi 24 novembre 2006

André MARKOWICZ, 23 novembre 2006

Assisté ce jeudi à la "table ronde" présidée par André Markowicz autour de la "lecture engagée que constitue la traduction".

L'occasion pour moi de recommander chaleureusement son travail.


1. La conférence.

La communication en question ne se voulait pas une démontration universitaire, mais plutôt un témoignage. Pas de thèse particulière, mais des considérations sur la traduction, sur sa pratique, sur ce qu'elle implique, met en jeu et, surtout, sur l'impérieux sens du détail.

André Markowicz, de langue maternelle russe, et est connu, par ici, pour avoir traduit en français tout le théâtre de Tchekov (en collaboration avec Françoise Morvan), tout Dostoïevski, tout le théâtre de Gogol, et à présent, entreprendre tout Shakespeare - sans compter l'incontournable Onéguine de Pouchkine. A ce qu'il en dit, il dispose de cinq ou six versions alternatives pour chaque intégrale, dont certaines publiées en doublon.

L'approche, dépourvue de plan, se faisait par digressions qu'il ne clôturait jamais, et s'achevait abruptement, sans conclusion ni retour sur les considérations antérieures. Un témoignage, simple, concret, vraiment pas une démonstration à thèse.

Mais un témoignage absolument confondant. D'abord par un vrai sens de conteur ; ensuite par un propos absolument passionnant.


2. Quelques axes du propos

Des choses tout à fait essentielles ont été abordées. Elles n'ont rien d'extraordinaire en soi, mais les réponses qui leur sont données par André Markowicz - et surtout leur manifestation concrète dans son travail - laissent plus qu'admiratif.

Quelques problèmes fondamentaux. Qu'est-ce qu'une traduction, quelle est sa visée ? Prenons un texte versifié, par exemple une pièce de Shakespeare.
Il n'est pas possible de la traduire en prose, on en perdrait toute la musicalité qui en fait la valeur. [Ces traductions, pour la plupart, sont en effet d'un commun terrible et ne conservent plus que la trame charmante des comédies. Toute la qualité de la langue disparaît.]
Il n'est pas possible de conserver le mètre original, le pentamètre iambique ici. Cette forme ne signifie rien aux oreilles françaises ! [En outre, je la crois assez difficile à mettre en place avec l'accentuation fixe française.] Aucun lien culturel ne peut être établi avec une telle forme pour les lecteurs.
Il n'est pas possible de le traduire en alexandrins, car le pentamètre iambique a été choisi par Shakespeare dans un esprit opposé à celui de l'alexandrin. C'est un vers heurté [souvent irrégulier chez lui, qui plus est], violent, découpé, tout le contraire d'un ronronnement à douze syllabes.
Il faut[1] donc versifier lorsqu'il y a versification sous peine de tomber dans la platitude, ne pas adopter le mètre original s'il n'a aucune signification dans la langue d'arrivée, et pour finir ne pas employer le mètre attendu dans la langue d'arrivée s'il n'est pas conforme à l'esprit du mètre original.

Le point fondamental est 'bien entendu' qu'il faut rendre au lecteur non pas un résultat le plus proche possible (André Markowicz récuse la notion morale de fidélité), non pas le plus beau possible, mais produire le même effet sur le lecteur que le texte original. Immense tâche, que, le plus souvent, il accomplit sans la moindre contorsion du sens...

La conférence prend toute sa valeur dans les exemples très précis qui émaillent son discours, sur le détail de la langue des auteurs et de la technique de rendu.

  • Les mille façons de demander le sel à sa mère, en russe.
  • La solution pour exprimer dans la phrase "le train est arrivé" l'attente du locuteur. Elle s'exprime par l'antéposition du train, en russe, mais en français. Avec la solution, en définitive "il est arrivé, ce train", qui présente tout de même une nuance familière à l'écrire absente du russe, mais qui offre une vraie porte de sortie. Et ce type d'interrogations sur chaque phrase.
  • Les grandes démonstrations sur les vers de Shakespeare : le seul vers faux de Hamlet, les très nombreux vers faux (pentamètres à six accents) d' Othello, la signification du décalage, depuis le microscopique, dans la langue, entre Hamlet et Macbeth - qu'il interprète comme un Hamlet à front renversé, où le Verbe, au lieu d'être incarné au théâtre dans le théâtre comme la parole divine, trompe sans cesse[2].

On parvient à l'issue de cette conférence avec l'impression que ce propos improvisé aurait aussi bien pu être tout autre, mais on le pressent tout aussi passionnant.


3. Lectures recommandées

Lire la suite

Notes

[1] André Markowicz a bien insisté sur le fait qu'il apporte un fonctionnement personnel et ne prétend en aucun cas le conseiller et encore moins l'imposer.

[2] On pourrait bien sûr en discuter à l'envi, puisque la parole est justement ce qui abuse Hamlet dans les propos choisis du spectre et saisit Claudius à tort ou à raison ; mais les raisons avancées sont étayées et fortes, et constituent une voie de lecture cohérente en elle-même.

Suite de la notule.

samedi 3 juin 2006

[programme] Opéra de Bordeaux, saison 2006-2007 - II - Les récitals vocaux

Comme ce site semble manifestement le premier non officiel à publier la saison avec les distributions, on poursuit la recopie du programme et la production de commentaires.

Suite de la notule.

David Le Marrec

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3 => Leçons des Morts & Leçons de Ténèbres
4 => Arabelle et Didon
5 => Woyzeck le Chourineur
6 => Nasal ou engorgé ?
7 => Voix de poitrine, de tête & mixte
8 => Les trois vertus cardinales de la mise en scène
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