[feuilleton] : Kurtág György, épisode 2 : Bartók
Par DavidLeMarrec, jeudi 2 juin 2005 à :: Musicontempo :: #38 :: rss
Espoirs trompés et amitiés.
A la suite de cette découverte, Kurtág considéra que la musique de Bartók était celle d'un précurseur, visionnaire d'une voie nouvelle pour la musique hongroise : audacieuse et novatrice, mais profondément enracinée dans le folklore, que Béla Bartók avait en effet exploité à plusieurs niveaux - transcription de thèmes et rythmes préexistants, composition de pièces selon un folklore existant, invention d'un folklore personnel. C'est sans aucun doute ce dernier niveau qui a le plus nourri l'imaginaire kurtágien, dont l'intimité des choix, la personnalité du folklore s'éloignent considérablement de la seule référence hongroise - bien que présente et revendiquée, elle se limite à des références, ou à un idéal de caractère. György Ligeti rappelle que cet espoir d'évolution et de rayonnement de la culture hongroise se nourrissait de l'épanouissement constaté des milieux intellectuels depuis la chute du nazisme.
C'est au Conservatoire Ferenc Liszt de Budapest qu'il rencontra, à l'âge de vingt-deux ans, l'autre György, de trois ans son cadet - il était en effet né en 1923 en Transylvanie tandis que Kurtág avait vu le jour le 19 février 1926 à Lugos, dans le Banat, en Roumanie (nom officiel, roumain : Lugoj), près de la frontière yougoslave. Il se trouvaient tous deux originaires de la part de Hongrie cédée en 1921 à la Roumanie du côté des vainqueurs de la première guerre mondiale, par le traité de Trianon. De ces régions majoritairement de langue hongroise, mais dont la langue officielle, qu'ils allaient fréquenter à l'école, était devenue le roumain quelques petites années avant leur naissance.
Ligeti raconte qu'ils nourrissaient le même principal espoir en postulant au Conservatoire : ce n'était pas tant qu'ils désiraient apprendre ou réussir qu'ils espéraient bénéficier des cours que devait dispenser Bartók, qui à la fin de la guerre avait été accablé de distinctions en Hongrie et devait prendre ses fonctions audit conservatoire.
Seulement, à l'automne 1945, le jour même où ils devaient entreprendre la première étape de leur "pélerinage" (sic), c'est-à-dire passer l'examen d'entrée, le drapeau noir était hissé sur le bâtiment qui ne serait jamais le temple espéré - Bartók s'était éteint à New York à l'âge de soixante-quatre ans.
Dans les couloirs du Conservatoire en deuil, en attendant les épreuves auxquelles ils étaient soumis, l'espace d'une
demi-heure, les deux jeunes commencent à se lier - Ligeti parle de la naissance spontanée d'une amitié. La timidité et l'absence de prétention étaient caractéristiques de Kurtág, nous précise, si besoin était, son ami György. Franz Sulyok, qui n'a pas atteint la même notoriété internationale, faisait également partie de leur groupe amical.
David - obscuraussi
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