[tango] Estefanía Holman et Emma Milán - deux versants esthétiques
Par DavidLeMarrec, mardi 5 février 2008 à :: Portraits :: #840 :: rss
Un enchantement. Découverte d'Estefanía Holman, beau bas-dessus interprète de tango.
Débuts très jeune, toujours présentée comme ayant dix-sept ans depuis pas mal d'années déjà... Peu importe, un très beau médium dense, avec un son fortement corsé, voire extrêmement mature. On songe à une Adriana Varela au timbre plus juvénile et sans aspérités. Et surtout avec un engagement très différent : moins de désillusion mélancolique, plus de fièvre 'romantique'.
Toutes choses égales par ailleurs, la couleur du timbre et le vibrato assez serré peuvent être comparés à Blandine Staskiewicz, pour les habitués de CSS.
Se produisant sous son prénom, Estefanía s'est fait une spécialité d'interpréter des oeuvres traditionnelles, Piazzola en particulier, avec grand orchestre. Par chance, le résultat ne dégouline pas complaisamment, et les tournures orchestrales sont, sinon novatrices, originales pour le genre (beaucoup d'influence de la musique de film hollywoodienne héritière de Korngold, notamment dans l'usage débridé des percussions claires).
Ce sera l'occasion d'entendre la forme mélodrame dans son versant plus populaire, car ces pièces en sont farcies. Un plaisir pour les lutins. Contrairement à certains vocalistes du milieu lyrique, on se sent ici obligé d'habiter avec précision et véhémence un texte, dont certains sont délicieux.
Un petit exemple de ce mélange entre élégie et mélodrame :
Oui, débauche sonore qu'on pourra juger de mauvais goût, mais rien à faire, pour les lutins, l'engagement textuel et les vrais morceaux de mélodrame bruts laissés négligemment ici et là, on ne peut lutter contre cela.
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Dommage, vraiment, que son agent assez confidentiel (Stellar Artist) ait décidé de la vendre comme une entrecôte.
Il semble que malgré les notices élogieuses, sa carrière n'ait pas pris l'essor espéré, aucun disque à ce jour enregistré ni prévu. Et peu d'occurrences sur la Toile, ce qui augure d'une réception confidentielle.
CSS fait ce qu'il peut.
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En somme, nous tenons là l'antithèse d'Emma Milán, autre jeune gloire dont on ne peut que recommander l'album épuré Serenata porteña (ainsi que le second, A mis dos Homeros), avec un effectif instrumental plein de modestie (guitare, ou guitare et bandonéon) : la voix, plus lyrique et aiguë (plutôt un dessus), est claire et ronde ; l'interprétation pleine de fraîcheur et de lumière, mais plus mélancolique et délicate qu'exaltée. Aux antipodes du tango expressionniste façon Amelita Baltar.
Ici, s'il fallait comparer à du lyrique familier de CSS, on songerait plutôt au naturel et à la clarté de Valérie Millot.
Extrait de Fuimos d'Homero Manzi et José Dames.
Sans nul doute un plaisir plus relevé, qui tient plus de l'esthétique subtile du lied que de la vigueur débridée du mélodrame le plus excessif. Tant pis, nous sommes sensibles au deux.
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