Carnets sur sol

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Les programmes branchés, les compositeurs à la mode... et les tarifs en vogue


Précision : cette notule s'autorise quelques détours par la France ou l'Europe, mais porte essentiellement sur la programmation francilienne – et même, à ce stade des publications de saisons, plus spécifiquement parisienne.

[Pour des considérations spécifiques à la Philharmonie de Paris, voir par là.]


Nouvel auditorium à la Maison de la Radio.


1. C'est la nouvelle saison

Même lorsqu'on est déçu de telle ou telle proposition de saison, l'accumulation des salles fait largement déborder les plannings – témoin cette semaine de janvier où, l'an prochain, on pourra écouter les Festes Vénitiennes de Campra, Cinq-Mars de Gounod, des motets rares de Couperin et Campra, les Rückert de Mahler par Kirchschlager, un récital Wolf à l'Amphi Bastille, un concert de flamenco d'Andrés Marín, trois concerts de musique indienne (plus de multiples ateliers thématiques à la Philharmonie), Ariadne auf Naxos avec Mattila, Nabucco de Falvetti et Guillaume Tell en intégralité ! Le samedi 31 se bousculeront simultanément les Festes, Marín, Nabucco, Ariadne et Tell ! Considérant que la semaine suivante, il y a le récital de mélodies & lieder de Sonya Yoncheva et Don Quichotte chez la Duchesse, autant dire que la période sera dense en grands concerts, même dans les salles où, à l'échelle de la saison, il pourrait avoir lieu d'essayer de se plaindre.

En feuilletant les programmes pour préparer le plan de guerre de l'année à venir, donc, je remarque quelques traits de l'air du temps, que dans ma bonté proverbiale, je condescends à partager avec vous.


Joli exemple de programme forcément frustrant pour chaque portion du public.
Et de justification programmatique vaseuse.


2. C'est le bazar

Les programmes sont toujours aussi dépareillés : on se force à faire ouverture-concerto-symphonie, et parfois , alors que le public des symphonies n'est pas celui des concertos ou des miniatures... Les époques peuvent à bon droit être panachées, mais souvent l'alliage reste très dubitatif. Le Deuxième Concerto pour piano de Beethoven (je révère les concertos de Beethoven, mais celui-ci est bien du sous-post-Mozart, quand même...) couplé avec les Notations de Boulez, franchement ? À moins que ce ne soit pour montrer une filiation Beethoven-Wagner-Boulez (un copeau de Parsifal en guise d'« Ouverture » ), les trois grands révolutionnaires de la musique ? Personne n'a, depuis le XVIIe siècle, autant bouleversé la musique que Beethoven et Wagner, qui à eux seuls, bouleversent tout ce qui suit – même Debussy et Stravinski ont des prédécesseurs identifiables, qui ont préparé le terrain. Mais Boulez ?


3. C'est l'idolâtrie

Très souvent, les programmes sont constitués autour des artistes (sur les sites, ce sont généralement les noms des interprètes et non des compositeurs qui figurent en titre). Il y a deux écoles, farouchement opposées, sur cette question.

¶ Ceux qui considèrent que les œuvres sont essentielles, et qu'on devrait constituer des programmes intéressants ou cohérents, explorer des périodes, offrir des raretés de qualité, ou simplement des œuvres célèbres en raison de leur valeur. Mieux vaut un beau programme moyennement interprété qu'une super-star qui joue des œuvres mineures qu'il aime. [Mineur restant à définir, mais c'est une question un peu riche que je me réserve pour une autre fois, avec votre aimable autorisation.] C'est mon opinion : plutôt que d'avoir des émotions très disparates distillées par des compositeurs d'époques et de styles aussi différents que possible, j'aimerais pouvoir entendre des programmes homogènes, qui creusent un peu plus l'atmosphère de départ, plutôt que de me démontrer la variété merveilleuse du répertoire de l'interprète.

¶ Ceux qui considèrent au contraire que les programmes doivent s'adapter à l'interprète, de façon à produire la meilleure interprétation possible dans chaque œuvre proposée. Une sonate de Mozart par ci, un poème de Scriabine par là... surtout pas d'intégrales ou de programmes où l'interprète-démiurge se « forcerait » à travailler une œuvre dont il aurait moins l'habitude, ou pour laquelle il ressentirait moins d'attraction. C'est une manière différente d'écouter la musique, et elle se justifie aussi. Pour la musique vocale, vu les contraintes non négociables de l'instrument, c'est souvent nécessaire. Et, je dois l'avouer, pour le lied, je me déplace avant tout sur le nom de l'interprète, car la qualité du timbre et surtout l'éloquence sont le sel de ce répertoire : des pièces mineures peuvent être plus bouleversantes, bien dites, que les grands monuments rendus avec joliesse.

Néanmoins, le caractère systématique de la chose m'indispose un peu. Prenons un récital de quatuor : on entendra un bout de chaque période, donc forcément des choses qu'on a moins envie d'entendre (dans l'absolu ou simplement ce soir-là), alors qu'on pourrait (sans jouer le même compositeur, ce qui serait potentiellement lassant) par exemple proposer Beethoven-Czerny-Schubert, ou Brahms-Gernsheim-Herzogenberg – j'admets que je rêve éveillé, mais Haydn-Mozart-Jadin, Beethoven-Schubert-Mendelssohn ou Schönberg-Bartók-Ligeti, de temps en temps, voilà qui apporterait d'autres satisfactions que les étranges alliages Haydn-Schumann-Ravel.
Le problème n'est pas que cette approche existe, mais plutôt qu'elle soit quasiment la seule norme, dans beaucoup de répertoires. (L'inverse pourrait être pénible aussi.)


Accumulation de concerts semblables sur peu de jours.


4. C'est le jus de crâne

Justement, à l'inverse de cette « esthétique Pleyel » de l'interprète-roi, je m'interroge sur la pertinence des programmations thématiques groupées, sous forme de micro-festivals, dans la saison d'une salle – « esthétique Cité de la Musique ». Car même en étant un spectateur boulimique, lorsque la Cité de la Musique programme une intégrale du clavier de Bach en une semaine, lorsque la Philharmonie de Paris programme ses trois grands récitals de lied de l'année (Gerhaher, M. Walser, B. Fink) en trois jours, est-ce que les amateurs se déplaceront trois fois à la suite, alors qu'ils l'auraient probablement fait si les dates avaient été dispersées dans l'année ?
Même économiquement, cela me paraît un non-sens.

Je suppose que le pari est de créer un « événement » et d'attirer plus de spectateurs d'un public plus large – mais est-ce suffisant pour remplir les trois soirs ? Je serais curieux de disposer des chiffres, et même de l'argument idéologique, considérant qu'on peut aussi bien effectuer un thème filé sur toute l'année, qui rend objectivement la présence d'un même spectateur plus aisée – sinon, la thématique reste un bel objet de papier, dont personne ne fait réellement l'expérience.

La Philharmonie de Paris a clairement misé sur ce principe, pour sa première saison – de façon appétissante, puisque les ateliers pédagogiques sont censés éclairer ce qu'on écoute pendant le même week-end. Cela suppose tout de même que des familles entières passent le dimanche dans le complexe philharmonique, entre l'atelier de 11h ou 14h et le concert de 17h (quand ce n'est pas 20h30), ce qui me paraît là encore un peu ambitieux, surtout que le quartier n'est pas particulièrement touristique. Or, je crains que l'attraction du lieu ne soit pas assez forte pour susciter à elle seule la construction de pistes de bowling ou de terrains de tennis... les gens pourraient plutôt ne pas venir, tout simplement.


Glazounov est heureux de la nouvelle.


5. Ce sont les nouveaux élus

Du côté des compositeurs, quelques tendances sont notables.

À l'Opéra en France et en Europe, c'est devenu un lieu commun que de le remarquer, depuis une quinzaine d'années Janáček est partout, grandes salles comme petites (on n'a pas encore osé les versions de concert, Dieu merci). J'avoue ne pas être, pour une fois, totalement enchanté de l'audace, tant je trouve que ce lyrisme intense mais sinueux, fortement contre-intuitif, cumule les désavantages du mauvais goût du Puccini le plus expansif et du caractère rébartatif amélodique des musiques difficiles du XXe siècle. Mais apparemment, le public y trouve son compte, et les programmateurs peuvent valoriser à la fois leur politique audacieuse et leur remplissage. Et ça ne prive personne, manifestement, de monter des Mozart, Verdi et Wagner, donc tout va bien.

À Paris, Sibelius se glisse régulièrement dans les programmes symphoniques – on ne fait pas encore de cycles, mais si on est suffisamment attentif, on peut se le constituer doucement au fil des années... cinq titres différents (et les plus courus plusieurs fois) sur sept ont été donnés en trois ans Salle Pleyel. Pour Nielsen, c'est plus timide : la Quatrième est donnée, la Cinquième parfois, mais pour les autres, c'est très rare.
La tendance plus étonnante est la récurrence de Glazounov (une symphonie et les Saisons cette saison, un concerto pour piano la saison prochaine), qui est un compositeur extrêmement agréable, mais qu'on n'aurait pas forcément pronostiqué comme un chouchou potentiel des musicologues, des musiciens ou du public. La présence assez régulière de Chtchédrine au programme est beaucoup plus logique, en ce sens.

Il semble aussi que la mode soit à l'Amérique du Sud. Cette saison, le jubilatoire concert de l'Orchestre de Paris, qui en prévoit quatre en deux jours (du Revueltas en pagaille !), les 13 et 14 juin 2015, et est-ce l'année de quelque pays nord-patagonisant, on aura aussi les remarquables Tres Versiones sinfónicas de Julián Orbón par Dudamel, Revueltas par Paredes (le quatrième Revueltas, le troisième Sensemayá de la saison !) et deux récitals incluant des mélodies de Ginastera (et bien d'autres pour celui de Bernarda Fink) !
Je ne m'en plains pas, la musique américaine du XXe (et encore plus d'avant) est mal documentée en Europe et en France, et beaucoup plus accessible à un vaste public que les méditations post-darmstadtiennes, ou même seulement influencées par Bartók ou Berg. Il n'y a pas forcément les mêmes vertiges de musique pure, mais elles offrent un plaisir direct et des alliages assez neufs pour les oreilles formées aux musiques germaniques et françaises.

Quant à Boulez, tandis que la musique contemporaine semble de moins en moins mêlée aux autres programmes (ce qui n'est pas plus mal, tant cela nourrit les préjugés contre elle, auprès d'un public non préparé – ou tout simplement pas d'humeur entre un concerto de Mozart et une symphonie de Brahms), il se porte comme un charme, toujours abondamment programmé (deux fois les Notations cette saison, alors qu'elles étaient encore données l'an passé).

Pour les formations où le répertoire est moins aventureux qu'en symphonique, on conserve toujours les mêmes noms : piano (Beethoven, Schubert, Chopin, Schumann, Debussy), quatuor (Haydn, Mozart, Beethoven, Schubert, Mendelssohn, Schumann, Debussy, Janáček, Ravel, Bartók), lied (Schubert, Schumann, Liszt un peu plus à la mode ces dernières années, Wolf quelquefois, Mahler). Bien sûr, dans l'immensité de l'offre parisienne, on trouve des spectacles avec tout ou partie d'original (rarement avec les très grands noms – et très grands interprètes, j'en conviens –, qui n'annoncent leur programme conformiste qu'au dernier moment, comme Pollini, Zimerman ou Perahia), mais la tendance des principaux noms n'évolue pas vraiment.

On peut en dire autant, paradoxalement, du répertoire où la circulation des œuvres est la plus vertigineuse, presque sans fonds régulier (peut-être Brahms, et puis ?) : le répertoire choral, en particulier a cappella. Comme il n'y a pas de norme et que tout change en permanence, il n'y a pas non plus d'évolution des titres majoritaires, faute qu'ils existent.


Papa !


6. Ce sont les discrets perdants

De même que dans les dictionnaires, on s'attarde sur les nouveautés, mais puisqu'il y a ajout sans gain significatif de volume, il y a forcément retrait simultanément.

Alors que Beethoven conserve toute sa place et que Mahler a quasiment pris son vis-à-vis, qui pâtit des nouvelles entrées au répertoire régulier ? Ceux qui sont programmés épisodiquement et ne reviennent pas, peut-être, mais d'autres apparaissent et disparaissent aussi à leur place, et je n'ai pas l'impression que les innovations diminuent d'année en année, au contraire peut-être.

Donc, qui perd ?

J'ai l'impression que, sous le couvert de laisser de plus en plus faire les ensembles spécialistes (peu nombreux à jouer cette musique, finalement), Mozart, Schubert et surtout Haydn ont été spectaculairement délaissés de la programmation symphonique. De Mozart, en 2014-2015, je crois n'avoir vu passer que la 38e, en matière de symphonie (pas de panique, pour l'oratorio, l'opéra, la musique de chambre et les concertos, il tient toujours le haut du pavé), et sans doute une ou deux 40e que j'aurai laissé passer. Pour Schubert, en dehors de l'Inachevée et parfois de la Neuvième, on ne le sert guère non plus. Quant à Haydn, d'année en année, j'ai l'impression qu'on ne joue plus du tout ses symphonies (et sensiblement moins ses quatuors, hors concours où ils sont une étape obligée).

Le phénomène est contre-intuitif, tant on a l'impression que ces compositeurs innervent toute la pensée musicale des professionnels et mélomanes. Il faut dire que Mozart et Schubert sont assez omniprésents dans d'autres répertoires (et à Paris, on joue traditionnellement la Création de Haydn une fois par an !), ce qui rend leur moindre exposition relativement peu sensible, peut-être.


Positionnement de la dernière catégorie à la Philharmonie de Paris.


7. Ce ne sont pas les tarifs qu'on croit

La question a déjà été abordée il y a peu, mais la question des tarifs est essentielle pour le ciblage du public et la rentabilité (ou plus exactement le coût supportable pour la collectivité) de la salle. Or, l'observation des programmes permet un certain nombre d'observations, parfois contre-intuitives.

¶ Le plus important n'est donc pas tant le prix maximum (qui peut être très élevé sans entraîner l'exclusion des plus modestes) que le prix minimum des places (et leur nombre).La Cité de la Musique est réputée peu chère parce qu'elle se donne cette image ouverte, et parce que ses tarifs ne montent pas haut (guère au-dessus de 40-45€), mais les prix minimums ne descendent pas beaucoup plus bas. 32€ pour un concert Christie de musique sacrée, c'est sensiblement le même tarif pour le même concert qu'à la Chapelle Royale à Versailles !

¶ Ainsi, on peut se retrouver dans des cas où des concerts « conviviaux » reviennent deux fois plus cher qu'une dernière catégorie (pas forcément si mal placée) pour entendre Rattle et Berlin dans Mahler, ou Daniel Barenboim avec Martha Argerich. 20€ pour un concert d'octuor à vent sur Mozart, un récital de lieder du jeune Manuel Walser, ou un Viaggio a Reims d'étudiants du CNSM, c'est bien au-dessus du prix du marché. Je ne dis pas que ça ne les vaille pas, d'ailleurs, parce que les deux premiers devraient être des sommets de la saison, mais on peut trouver le même genre de proposition pour libre participation aux frais (concerts de l'ensemble d'Éric van Lauwe) ou même gratuitement (concerts au CNSM).

¶ Autre aspect piégeux qu'on ne peut percevoir qu'en s'intéressant de près au plan de salle. Autrefois, les orchestres se produisaient, à Paris, dans des lieux frontaux (Pleyel, Gaveau, salle Olivier Messiaen, Cité de la Musique) ou semi-frontaux (TCE, Châtelet). Désormais, la part la plus importante, qui passait à Pleyel ou à Messiaen, se retrouve au nouvel auditorium circulaire de la Maison de la Radio, et à la grande salle elliptique de la Philharmonie.
Or, cela signifie que la dernière catégorie est non plus au fond (où l'on voit et entend bien), mais derrière l'orchestre. Cela change l'équilibre du son, mais pas forcément dramatiquement (tout dépend des salles) ; en revanche, pour la musique lyrique... on ne peut pas vraiment en profiter de dos. À Radio-France, il reste quand même une poignée de dernières catégorie de côté, un peu en amont de la scène, mais à la Philharmonie, elles sont au mieux totalement sur le côté. Cela signifie que pour les œuvres avec solistes, il faut passer à l'avant-dernière catégorie... ce qui peut représenter, selon la grille, un bond de 10 à 30 ou 40€. Quand il s'agit d'une bourse modeste ou d'un consommateur régulier de spectacles, la différence est significative, et la baisse du prix des catégories hautes n'adoucit pas le problème.
Les concerts de « musiques du monde » n'ont en général qu'un seul tarif, moyen (25-35€), probablement en raison de la moindre subvention...

¶ Dans le même temps, la saison à venir multiplie les initiatives très sympathiques tarifairement : tarif unique à 15€ pour la Maison de la Radio (parfait pour les concerts de la Maîtrise ou du Chœur, en plus les programmes les plus intéressants...), pente tarifaire très douce pour la Philharmonie (Orchestre de Paris, Orchestre de Chambre de Paris, et encore plus pour les orchestres supposément moins prestigieux, comme Les Siècles ou Lille – 30€ la première de six catégories dégressives !), plusieurs concerts gratuits dans les deux complexes (Peer Gynt en 24 langues, par exemple).
Si on ne cherche pas absolument à voir tel ou tel artiste prestigieux ou à un choisir son répertoire, on peut se faire toute une saison quasiment à l'œil, même en allant dans les grandes salles !

Voilà beaucoup de nouvelles contraintes (et opportunités) avec lesquelles les spectateurs des salles parisiennes devront composer leurs saisons, désormais. (Sans négliger l'évolution possible / probable des modèles de chaque nouvelle salle.)


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Commentaires

1. Le lundi 16 juin 2014 à , par Ugolino le profond

Bon récapitulatif de la crétinerie factuelle du monde musical, mais il n'y a pas à douter du fait que tout cela arrive pour des raisons économiques (réelles ou non, la tête des communicants, directeurs, musiciens étant ce qu'elle est) et de projections mentales.

Concernant le répertoire, il y a une raison pratique à la plupart des tendances que tu cites, qui n'en sont sans doute pas :
- Sibelius, c'est dû à une excellente génération de chefs finlandais formés par Jorma Panula (Salonen, Franck, Saraste, Oramo...), et de chefs proches de cette tendance (Järvi évidemment).
- Glazounov, c'est surtout un goût de Mikhaïl Pletnev, non ?
- L'amérique du sud, c'est l'effet Dudamel et la coupe du monde de foot. Et si c'est pour faire 12 fois Sensemayá...
- Boulez, c'est son 80ème anniversaire.

Quant à Mozart/Haydn, c'est un effet de ramassement des programmes sur la période 1810-1920 : on ne veut, grosso-modo, en symphonique, plus que du romantisme, pré- ou post- s'il le faut. Le reste n'existe que pour des gens peu fréquentables (sauf le baroque, parce qu'on a l'impression d'être au musée et que la culture c'est bien). D'ailleurs, ta semaine de janvier le montre bien : des oeuvres de deux périodes, autour de 1700 et 1829-1912 (et encore, c'est parce qu'il y a Guillaume Tell, sinon c'est 1877-1912). Tout cela n'a évidemment aucun intérêt pour moi ;-).

Tu as oublié pour le répertoire un fait : l'omniprésence de Brahms, qui remplacerait presque Beethoven, ce qui est surprenant tant le Brahms symphonique est la plupart du temps mal joué et même pas culturellement sexy pour deux sous.

2. Le mardi 17 juin 2014 à , par Xavier

Pour Schubert, il y a la 4è couplée avec la Grande messe de Mozart en décembre.

3. Le mardi 17 juin 2014 à , par antoine

Zut, j'ai cru que alliez recommander d'inscrire des œuvres de Casella et autres géniaux oubliés...

4. Le mardi 17 juin 2014 à , par Ugolino le profond

Déjà que certains génies reconnus ne sont pas joués... comme je l'avais fait remarquer en commentaire d'un autre post, même les anniversaires ne sont même pas l'occasion de jouer les laissés de côtés (même un Britten, vous avez aperçu son centenaire à Paris, vous ?), alors il ne faut pas rêver...

J'y pense, dans ta liste de répertoire David, tu as oublié Szymanowski qui depuis 4-5 ans se taille une vraie place dans les saisons : son premier concerto pour violon appartient maintenant au répertoire (il faut dire que vu la taille du répertoire pour violon solo, toute addition se retrouve jouée régulièrement...), le deuxième est également bien présent, et on joue un peu les symphonies et le Stabat Mater. C'est certes surtout une importation anglaise (ils jouent beaucoup Szymanowski là-bas), mais c'est plutôt chouette.

5. Le mardi 17 juin 2014 à , par DavidLeMarrec

Bonsoir tous les trois !

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@ Antoine :

C'est ce que je fais à longueur de temps ici, alors j'ai essayé au contraire dans cette notule de montrer froidement la situation, sans la vanter ou le déplorer. Juste pour sortir des réflexes de chacun (par essence, tout le monde ne veut pas du rare et de l'interlope, sinon ce ne serait plus du rare et de l'interlope) et regarder un peu ce qu'on nous propose. (Qui ne correspond pas vraiment aux discours qui l'accompagnent, d'ailleurs, mais ça ne surprendra personne.)

Bien sûr, je suis tout à fait partisan de programmer des choses étonnantes... mais à Paris, on ne peut pas vraiment dire qu'on soit privé de ce côté-là. C'est d'ailleurs ce qui compose l'essentiel de mes saisons, déjà très (trop) pleines. Sans que je puisse voir la moitié de toutes les audaces qui y sont proposées.

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@ Xavier :

Oui, et aussi la Deuxième par l'Orchestre de Paris les 26 et 27 novembre, avec la 31 de Mozart et un concerto (27 ou 10, selon les soirs). Vu que j'adore ces deux symphonies et que Zacharias est intéressant comme chef dans ce répertoire, j'ai pris une place (pour le 26, puisque je vais voir Mendelssohn-Roussel-Poulenc à la Maison de la Radio le lendemain).

Mais globalement, par rapport à sa célébrité, Schubert n'est pas tant joué dans le domaine symphonique – à une époque, tout le monde jouait les (superbes) interludes de ''Rosamunde'' ou l'Inachevée. Ça reste un compositeur présent, mais en déclin en dehors du lied et de la musique de chambre (où il reste le n°1).

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@ Ugolino

il n'y a pas à douter du fait que tout cela arrive pour des raisons économiques (réelles ou non, la tête des communicants, directeurs, musiciens étant ce qu'elle est) et de projections mentales.

C'est un peu ce que je crains. Je soupçonne la part « non réelle », surtout.


- Sibelius, c'est dû à une excellente génération de chefs finlandais formés par Jorma Panula (Salonen, Franck, Saraste, Oramo...), et de chefs proches de cette tendance (Järvi évidemment).

Possible, effectivement. Je me disais qu'on le donnait à des nordiques pour faire bonne mesure (un préjugé culturel, pas toujours infondé d'ailleurs – personne ne joue Bartók comme les hongrois, Smetana comme les tchèques, Rachmaninov comme les russes, Canteloube comme les auvergnats...), mais tu as raison, ce sont des chefs qui l'ont abondamment pratiqué, et de façon remarquable en plus.
Néanmoins, ça n'explique pas la faible présence de Nielsen, qu'ils ont joué aussi.


- Glazounov, c'est surtout un goût de Mikhaïl Pletnev, non ?

Rozhdestvensky aussi, manifestement. D'où mon interrogation sur la raison de ce mouvement : j'aime beaucoup Glazounov, mais ça reste de la musique de seconde catégorie, pas très originale, pas aussi puissamment émouvante que la concurrence... il y a beaucoup de compositeurs russes qui mériteraient d'être joués (à commencer par Liadov, que Rozhdestvensky programme le même soir), pourquoi est-ce lui qui est choisi ?

Ne vous méprenez pas, je suis très content de constater ce regain d'intérêt pour Glazounov, mais cela m'intrigue – c'était typiquement le genre de compositeur que je percevais comme n'ayant aucune perspective d'avenir en France.


- L'amérique du sud, c'est l'effet Dudamel et la coupe du monde de foot. Et si c'est pour faire 12 fois Sensemayá...

La Coupe du Monde, à l'automne dernier, et en 2015 ? Je ne suis pas convaincu. Dudamel et les jeunes de Caracas font chacun un programme en incluant, mais l'Orchestre de Paris ? Quatre concerts en deux saisons... Je les ai trouvés excellents là-dedans cela dit, donc c'est très bien qu'ils le refassent, et ça a tout pour plaire au public... mais la cause (et les espoirs de remplissage) m'échappe.

De même, pourquoi Sensemayá ? C'est très bien, mais est-ce vraiment l'œuvre la plus importante qu'on puisse trouver ? Peut-être le côté simili-Sacre (plus dans la réputation que dans la musique, au demeurant). Dans le genre, je suis davantage séduit par Corroboree, Sculthorpe ou certains Sheila Silver... mais, certes, aucun n'est sud-américan.


- Boulez, c'est son 80ème anniversaire.

Et Wagner, c'est son anniversaire tous les jours. Et Beethoven, parce qu'Argerich a tous les jours vingt ans. Ok, ok, mais c'est un peu court comme argument pour un programme, non ? Qu'on fasse une intégrale Boulez, je n'ai rien contre – surtout si on peut enfin entendre oubli signal lapidé pour rigoler un peu –, mais pourquoi le saupoudrer de la sorte.

Quant à Mozart/Haydn, c'est un effet de ramassement des programmes sur la période 1810-1920 : on ne veut, grosso-modo, en symphonique, plus que du romantisme, pré- ou post- s'il le faut. Le reste n'existe que pour des gens peu fréquentables (sauf le baroque, parce qu'on a l'impression d'être au musée et que la culture c'est bien). D'ailleurs, ta semaine de janvier le montre bien : des oeuvres de deux périodes, autour de 1700 et 1829-1912 (et encore, c'est parce qu'il y a Guillaume Tell, sinon c'est 1877-1912). Tout cela n'a évidemment aucun intérêt pour moi ;-).

Je crois que ça tient surtout à une forme de culpabilité rampante d'interpréter du Mozart face aux ensembles spécialistes (qui, souvent, il est vrai, le font mieux... mais l'enjeu serait plutôt de retravailler que d'abandonner, non ?). Sauf que les ensembles spécialistes ayant des effectifs suffisants pour jouer des symphonies sont assez peu nombreux, et plutôt spécialisés dans le lyrique, donc ils font les disques et ne les jouent pas en concert, ou alors très occasionnellement, une fois, avant de passer autre chose.

Étrange, parce que le public se déplacerait volontiers, même pour du mauvais Mozart.

En revanche, ce n'est pas forcément le post-romantisme qui est la norme : à Paris du moins, Messiaen, Dutilleux et Boulez sont très régulièrement servis. Sans parler, tout simplement, de Debussy-Ravel-Stravinski, qui ne sont pas rattachables à ce courant. Scriabine, Szymanowski et Schönberg y échappent assez largement aussi.
Je crois vraiment que ça tient au « baroquisme » qui fait peur – il faut dire que jouer mollement une symphonie de Mozart, aujourd'hui, ça expose à la lapidation par la critique ; châtiment très justifié, certes, mais sans doute dissuasif. Ou alors c'est la bonne excuse pour ne pas jouer une musique où les chefs n'ont pas grand'chose à faire.


Tu as oublié pour le répertoire un fait : l'omniprésence de Brahms, qui remplacerait presque Beethoven, ce qui est surprenant tant le Brahms symphonique est la plupart du temps mal joué et même pas culturellement sexy pour deux sous.

Ce n'est pas une omission, je l'ai abondamment signifié dans la notule précédente : clairement, les deux premières saisons des deux nouvelles salles sont avant tout des saisons Brahms. Immense compositeur par ailleurs, mais même Beethoven est supplanté, c'est vrai. (Effectivement, ça ne sonne pas tout le temps bien, en plus.)


J'y pense, dans ta liste de répertoire David, tu as oublié Szymanowski qui depuis 4-5 ans se taille une vraie place dans les saisons : son premier concerto pour violon appartient maintenant au répertoire (il faut dire que vu la taille du répertoire pour violon solo, toute addition se retrouve jouée régulièrement...), le deuxième est également bien présent, et on joue un peu les symphonies et le Stabat Mater. C'est certes surtout une importation anglaise (ils jouent beaucoup Szymanowski là-bas), mais c'est plutôt chouette.

Oui, j'ai l'impression que c'est surtout une importation très ponctuelle. Mais si j'ai tort, tant mieux, tant mieux !

Après, il fait partie de ces compositeurs pas si mal lottis qu'on entend peu comme cœur de programme, mais qui sont finalement joués, par touches, assez souvent.

6. Le mercredi 18 juin 2014 à , par Ugolino le profond

"pourquoi est-ce lui qui est choisi ?"

Parce que son nom est rigolo.

"La Coupe du Monde, à l'automne dernier, et en 2015 ? Je ne suis pas convaincu."

C'était une blague. Enfin j'espère.

"Quatre concerts en deux saisons... Je les ai trouvés excellents là-dedans cela dit, donc c'est très bien qu'ils le refassent, et ça a tout pour plaire au public... mais la cause (et les espoirs de remplissage) m'échappe."

Paavo Järvi qui place son frère, qui vit aux USA et s'est fait un peu le spécialiste de ce répertoire (parce que chacun se vend comme il peut) ? Je me demande si on en est pas à genres de considérations.

"De même, pourquoi Sensemayá ? C'est très bien, mais est-ce vraiment l'œuvre la plus importante qu'on puisse trouver ?"

Ca dure 8 minutes, c'est montable en une répétition, et c'est une des rares oeuvres sud-américaines à avoir une chance de dire quelque chose à la masse du public de la musique classique.

"Ok, ok, mais c'est un peu court comme argument pour un programme, non ?"

Non, l'argument pour un programme, c'est "les (grands) artistes jouent ce qu'ils veulent". Les arguments des programmes, c'est chez les communicants, pour vendre des artistes moins connus.

"Je crois que ça tient surtout à une forme de culpabilité rampante d'interpréter du Mozart face aux ensembles spécialistes (qui, souvent, il est vrai, le font mieux... mais l'enjeu serait plutôt de retravailler que d'abandonner, non ?)."

Mais ca va ensemble : d'une côté le contemporain et la création, de l'autre le baroque, sont laissés aux ensembles spécialisés, et le répertoire symphonique se réduit progressivement à ce qu'il y a entre les deux. Pas la peine de jouer Haydn et Xenakis, puisqu'il y a des ensembles qui sont experts là-dedans, tandis que l'orchestre est expert en boum-boums.

"En revanche, ce n'est pas forcément le post-romantisme qui est la norme : à Paris du moins, Messiaen, Dutilleux et Boulez sont très régulièrement servis."

Messiaen, c'est un effet d'optique : on joue certes la Turangalila, mais le reste ? C'est Chung/OPRF qui s'y colle régulièrement, donnant l'impression qu'on le joue pas mal. Evidemment, la longueur des oeuvres orchestrales de Messiaen pose aussi des difficultés de programmation.
Boulez, c'est la même chose : à part Boulez et l'EIC, qui le joue ? Cette année est exceptionnelle de ce point de vue là.

"Sans parler, tout simplement, de Debussy-Ravel-Stravinski, qui ne sont pas rattachables à ce courant."

Ca rentre dans la catégorisation générale : c'est moderne mais pas au point d'être désagréable. Avec Bartok, on est déjà dans la musique de spécialistes (à part le concerto pour orchestre, peut-être).

"Scriabine, Szymanowski et Schönberg y échappent assez largement aussi."

Tu trouves que l'on joue souvent Schönberg ?

"Ou alors c'est la bonne excuse pour ne pas jouer une musique où les chefs n'ont pas grand'chose à faire."

Et pourtant, il y a un énormément à faire pour le chef !

"Oui, j'ai l'impression que c'est surtout une importation très ponctuelle. Mais si j'ai tort, tant mieux, tant mieux !"
L
e premier concerto est clairement entré dans le répertoire des solistes. Il a été joué au moins une fois par saison à Paris depuis 2010, et sera joué la saison prochaine encore. Le reste, le temps le dira, d'autant que ca peut être parfois difficile à monter et à placer dans un programme, mais ca a l'air de durer, et j'en suis le premier étonné (il y aura par exemple plusieurs fois le stabat mater à Berlin et à Londres la saison prochaine). Avant 2009, le Szymanowski orchestral était quasiment impossible à entendre chez nous, aujourd'hui on en a tous les ans.

7. Le mercredi 18 juin 2014 à , par DavidLeMarrec

C'était une blague. Enfin j'espère.

Pourtant, c'est une direction artistique comme une autre (ou presque).

Paavo Järvi qui place son frère, qui vit aux USA et s'est fait un peu le spécialiste de ce répertoire (parce que chacun se vend comme il peut) ? Je me demande si on en est pas à genres de considérations.

Que ça ait un impact, oui, probablement ; mais Kristjan n'a pas besoin de ça pour être invité. Effectivement il s'est assez spécialisé dans le folklorisme, qu'il soit nordique ou américain – mais vu qu'il joue tout avec une présence folle, il fait (encore) plus de bien à ces répertoires qu'à sa carrière, et c'est fort bien comme cela.

Cela dit, il vient faire un cycle Nielsen ou une représentation complète d'Aladdin d'Oehlenschläger quand il veut.


Ca dure 8 minutes, c'est montable en une répétition, et c'est une des rares oeuvres sud-américaines à avoir une chance de dire quelque chose à la masse du public de la musique classique.

Justement, non, il y en a plein d'autres. En revanche, oui, pas très long, assez chatoyant, le parallèle possible avec le Sacre, je vois bien le sens du mouvement... mais il y a quand même mieux dans le même genre, il me semble.


Non, l'argument pour un programme, c'est "les (grands) artistes jouent ce qu'ils veulent".

Quand il s'agit d'artistes qui ont du talent, ne jouent que des choses qui me plaisent ou proposent des parcours originaux, parfait. Mais le problème, c'est qu'en général les « grands » redonnent les œuvres qu'ils ont travaillé en troisième cycle... Alors au bout d'un moment, on se lasse d'entendre la dernière sonate de Schubert ou la Troisième Symphonie de Brahms.

Les arguments des programmes, c'est chez les communicants, pour vendre des artistes moins connus.

Je ne parle pas d'habillage conceptuel façon Cité de la Musique, mais plutôt de programme cohérent. Quand Šašková fait un programme consacré à l'air de cour italien Louis XIII ou à la mélodie tchèque du XXe, c'est autrement plus intéressant que Jessye Norman dans les Schubert favoris et une touche de gospel...
Quand j'ai un programme Duroisoir-Ravel, c'est pas comme un Mozart-Brahms-Schönberg, même si les gars sont excellents.

L'arbitraire des stars, ça va un moment...


Mais ca va ensemble : d'une côté le contemporain et la création, de l'autre le baroque, sont laissés aux ensembles spécialisés, et le répertoire symphonique se réduit progressivement à ce qu'il y a entre les deux. Pas la peine de jouer Haydn et Xenakis, puisqu'il y a des ensembles qui sont experts là-dedans, tandis que l'orchestre est expert en boum-boums.

Pour Xenakis, beaucoup se disent sans doute « ouf, pas la peine » ; pour Haydn et Mozart, j'ai l'impression que le raisonnement est plus insidieux.


Messiaen, c'est un effet d'optique : on joue certes la Turangalila, mais le reste ?

Il y a des tas de courts poèmes symphoniques qui sont joués, j'ai vu passer au moins trois fois les Petites Liturgies en dix ans, sans compter le piano, le Quatuor et l'orgue... c'est quand même pas mal.


Boulez, c'est la même chose : à part Boulez et l'EIC, qui le joue ? Cette année est exceptionnelle de ce point de vue là.

Le Conservatoire le joue très souvent. Vu les effectifs, de toute façon, il est logique que ce soit un ensemble qui le fasse, et l'EIC est tout indiqué. On joue déjà énormément Boulez par rapport à son importance musicale, on ne va pas en plus réclamer que le Concertgebouworkest vienne nous le donner – encore que, vu leurs programmes habituels à Paris, ce serait plutôt un progrès.


Ca rentre dans la catégorisation générale : c'est moderne mais pas au point d'être désagréable.

Oui, et ce n'est pas scandaleux d'ailleurs, pour l'immense majorité du public qui ne va pas plus de deux fois par an au concert. Qu'on ne s'inflige pas des trucs bizarres qui réclameraient le temps d'être apprivoisés me paraît même tout à fait rationnel.


Tu trouves que l'on joue souvent Schönberg ?

Tout le temps. Je ne dis pas qu'on joue tout Schönberg, mais l'opus 16, Pierrot, le Deuxième Quatuor, les deux symphonies de chambre et le Survivant, c'est sans arrêt. De façon tout à fait justifiée, d'ailleurs – au dernier près, choix un peu plus idéologique à mon avis. Mais on ne peut pas parler de compositeur négligé, on n'est pas dans la situation de Schreker, Braunfels, Schmidt, Kienzl, Pfitzner & co.


Et pourtant, il y a un énormément à faire pour le chef !

Si on « sent » cette musique, oui. Si on veut juste la jouer, des orchestres de ce niveau n'ont même pas besoin de travailler. (Oui, la différence s'entend, j'en conviens, mais la réalité est ce qu'elle est.)


Le premier concerto est clairement entré dans le répertoire des solistes. Il a été joué au moins une fois par saison à Paris depuis 2010, et sera joué la saison prochaine encore. Le reste, le temps le dira, d'autant que ca peut être parfois difficile à monter et à placer dans un programme, mais ca a l'air de durer, et j'en suis le premier étonné (il y aura par exemple plusieurs fois le stabat mater à Berlin et à Londres la saison prochaine). Avant 2009, le Szymanowski orchestral était quasiment impossible à entendre chez nous, aujourd'hui on en a tous les ans.

C'est vrai, le Stabat Mater semble aussi à la mode. Tant mieux, effectivement, surtout pour le concerto !

8. Le jeudi 19 juin 2014 à , par Ugolino le profond

Justement, non, il y en a plein d'autres.


Tu penses ) quoi ?

mais il y a quand même mieux dans le même genre, il me semble.


Evidemment.

Je ne parle pas d'habillage conceptuel façon Cité de la Musique, mais plutôt de programme cohérent. Quand Šašková fait un programme consacré à l'air de cour italien Louis XIII ou à la mélodie tchèque du XXe


Dans un certain état d'esprit, c'est déjà de la com'. Pour autant que je sache, les programmes de concert sont fait plus ou moins ainsi : directeur-machin appelle (ou se fait un resto avec) un tas de solistes-bidules pour leur demander avec quoi ils vont tourner en Europe ("cette année, je fais le deuxième de prokofiev"), puis appelle un tas de chefs-trucs pour savoir ce qu'ils jouent cette année ("moi, c'est Brahms et Fliarkovsky"), etc, et quand les dates d'un bidule et d'un truc coïncident, qu'ils ont pas des désirs qui ne font pas ouvrir de grands yeux au directeur, qu'ils ont "envie de jouer ensemble" (c'est important, ça, l'envie, chez les musiciens, apparemment), hop un programme de concert deuxième concerto pour violon de Prokofiev / quatrième de Brahms (ouais, parce que Fliarkovsky, faut pas déconner). Et comme il faut coller une création de 10 minutes de temps en temps pour avoir des subventions, on leur ajoute une création en début de concert.
Ca doit se passer à peu près comme ça (avec beaucoup plus de transactions et de dessous de tables).

Il y a des tas de courts poèmes symphoniques qui sont joués, j'ai vu passer au moins trois fois les Petites Liturgies en dix ans, sans compter le piano, le Quatuor et l'orgue... c'est quand même pas mal.


Je croyais qu'on restait sur l'orchestre. Les petites liturgies, tu es sûr ? Il y a eu bizarrement souvent "Un sourire" il y a quelques années (parce que très court ?), mais le reste, à part les Offrandes oubliées...

On joue déjà énormément Boulez par rapport à son importance musicale


Et moi qui croyais que c'était le plus grand compositeur français vivant du monde du siècle des siècles.

Tout le temps. Je ne dis pas qu'on joue tout Schönberg, mais l'opus 16, Pierrot, le Deuxième Quatuor, les deux symphonies de chambre et le Survivant, c'est sans arrêt.


Oui mais pareil, on était sur l'orchestre. L'op. 16, oui (mais moins que l'op. 6 de Berg, je pense), un peu l'op.31, régulièrement Pelleas und Melisande malheureusement, et c'est à peu près tout. Et c'est souvent joué en lien avec la musique contemporaine. En musique de chambre, c'est autre chose.

Mais on ne peut pas parler de compositeur négligé, on n'est pas dans la situation de Schreker, Braunfels, Schmidt, Kienzl, Pfitzner & co.


Tu trouverais légitime de jouer Schmidt et Pfitzner ? C'est typiquement le genre de compositeurs qui sont pour moi très bien là où ils sont (et les voir côtoyer dans ta lise Schreker et Braunfels est un peu douloureux).

9. Le jeudi 19 juin 2014 à , par DavidLeMarrec

Pour en rester à ce qui est programmé à Paris ces jours-ci, Orbón et Márquez disposent de pièces de format limité, pas insurmontables techniquement, et autrement marquantes (pour le premier) ou immédiatement sympathique (pour le second).


Dans un certain état d'esprit, c'est déjà de la com'. Pour autant que je sache, les programmes de concert sont fait plus ou moins ainsi : directeur-machin appelle (ou se fait un resto avec) un tas de solistes-bidules pour leur demander avec quoi ils vont tourner en Europe ("cette année, je fais le deuxième de prokofiev"), puis appelle un tas de chefs-trucs pour savoir ce qu'ils jouent cette année ("moi, c'est Brahms et Fliarkovsky"), etc, et quand les dates d'un bidule et d'un truc coïncident, qu'ils ont pas des désirs qui ne font pas ouvrir de grands yeux au directeur, qu'ils ont "envie de jouer ensemble" (c'est important, ça, l'envie, chez les musiciens, apparemment), hop un programme de concert deuxième concerto pour violon de Prokofiev / quatrième de Brahms (ouais, parce que Fliarkovsky, faut pas déconner). Et comme il faut coller une création de 10 minutes de temps en temps pour avoir des subventions, on leur ajoute une création en début de concert.
Ca doit se passer à peu près comme ça (avec beaucoup plus de transactions et de dessous de tables).

Dessous de table, pas sûr, mais échanges informels et surtout copinage à la tête du client, bien sûr.

Oui, c'est plutôt comme ça que ça se passe, j'ai l'impression... et c'est justement ce qui est déplaisant. On nous met un brouet sans cohérence. Si encore c'était synonyme d'engagement absolu, je veux bien, mais pour entendre les grands orchestres d'Europe à l'économie dans un répertoire sans queue ni tête qui les arrange, merci bien.


Les petites liturgies, tu es sûr ?

Deux, certain, et trois, il me semble bien, oui.


Il y a eu bizarrement souvent "Un sourire" il y a quelques années (parce que très court ?), mais le reste, à part les Offrandes oubliées...

Oui, voilà, on joue assez souvent ces deux-là. Évidemment, les formats plus longs, ça veut dire qu'il faut faire déplacer le public sur le seul nom de Messiaen, et c'est (légitimement) plus dissuasif pour les programmateurs, hors Turangalîla.

Oui mais pareil, on était sur l'orchestre. L'op. 16, oui (mais moins que l'op. 6 de Berg, je pense), un peu l'op.31, régulièrement Pelleas und Melisande malheureusement, et c'est à peu près tout.

Et la Nuit Transfigurée – mais la mode semble plutôt au sextuor dernièrement.


Et c'est souvent joué en lien avec la musique contemporaine.

C'est vrai. Parce que Schönberg, c'est contemporain, forcément.


Tu trouverais légitime de jouer Schmidt et Pfitzner ? C'est typiquement le genre de compositeurs qui sont pour moi très bien là où ils sont (et les voir côtoyer dans ta lise Schreker et Braunfels est un peu douloureux).

Je faisais une liste qui essayait d'être neutre sur les compositeurs célèbres-mais-pas-joués de la période (enfin, Kienzl, ni l'un ni l'autre, je l'admets).
=> Schmidt, oui, clairement, je voudrais ça, difficile de faire un bilan plus complet des périodes précédentes, et c'est de la belle musique, pas difficile d'accès et charpentée.
=> Pfitzner, effectivement, s'il a fait quelques trucs bien (Der arme Heinrich surtout) est quand même globalement plus à découvrir pour sa place dans le débat d'idées que spécifiquement pour sa musique. Je le trouve plutôt plus joué (ou plus exactement enregistré) qu'il ne le mérite, même si je suis content que ce soit fait et écoute quand même sans déplaisir tout ça.

Ils ne sont surtout pas du même monde que Schreker et Braunfels, à l'opposé idéologiquement et techniquement.

10. Le jeudi 19 juin 2014 à , par Ugolino le profond

Pour en rester à ce qui est programmé à Paris ces jours-ci, Orbón et Márquez disposent de pièces de format limité, pas insurmontables techniquement, et autrement marquantes (pour le premier) ou immédiatement sympathique (pour le second).


J'en étais resté à des oeuvres "qui ont une chance de dire quelque chose à la masse du public de la musique classique". Après, s'il faut juste choisir mieux que Sensemaya, évidemment il y a des wagons d'oeuvres.

Ils ne sont surtout pas du même monde que Schreker et Braunfels, à l'opposé idéologiquement et techniquement.


Voilà, pour moi c'est de la musique peu ou prou nazie, et je ne l'écoute pas. Je serais à vrai dire choqué (enfin, pour autant qu'une chose pareille puisse me choquer, vu l'état où en sont les choses) qu'on se remette à les jouer régulièrement avant d'avoir réhabilité une petite dizaine d'autres compositeurs qui étaient d'une autre trempe "idéologiquement et techniquement".
(et j'ai la même réaction quand Radio France ressuscite le grotesque "Chant des forêts" de Chostakovitch au lieu de jouer Roslavetz, Mosolov ou Popov).

11. Le jeudi 19 juin 2014 à , par DavidLeMarrec

¶ Pour moi ces œuvres « parlent » facilement à un vaste public. Je suppose que tu mets un peu ça dans le même wagon (pour l'exil) que Grofé, mais quitte à prendre des œuvres sympathiques, autant en prendre qui ont des qualités d'entrain plus évidentes sur le public.

¶ Si tant est qu'on puisse trouver une musique nazie (Orff répond fort bien au critère, mais il est tellement singulier...), je ne crois pas que Pfitzner s'y rattache. C'est avant tout un conservateur, et pas le meilleur de son époque.
Pour le reste, je suis tout à fait d'accord, il serait étrange de le mettre à l'honneur avant Busoni, Wellesz, Stephan et pas mal d'autres qui peuvent avoir des points communs mais qui sont autrement plus personnels et autrement mieux écrits.

Le Chant des forêts mérite d'être redonné au moins pour le principe, parce qu'il reste intéressant de documenter jusqu'au bout les compositeurs célèbres. Mais, oui, en matière musicale, quand on s'arrête là alors qu'on ne joue jamais Chtcherbathov, Tichtchenko ou Zhivotov, c'est bien dommage.

Ça s'explique très bien, cela dit : par la force des choses, un mauvais Chostakovitch remplira toujours mieux qu'un excellent compositeur dont personne ne peut se douter de la valeur, ne l'ayant jamais entendu.

12. Le vendredi 20 juin 2014 à , par Ugolino le profond

Pour moi ces œuvres « parlent » facilement à un vaste public.


Il y a quiproquo (enfin, c'est moi qui ne m'exprime pas clairement) : je parlais seulement d'oeuvres qui sont un minimum connues à priori du public, quand ils ouvrent le programme de saison... Sensemaya est un peu connue, et c'est quasiment la seule oeuvre sud-américaine qui le soit. C'est tout ce que je voulais dire !

Si tant est qu'on puisse trouver une musique nazie (Orff répond fort bien au critère, mais il est tellement singulier...), je ne crois pas que Pfitzner s'y rattache. C'est avant tout un conservateur, et pas le meilleur de son époque.



Quand on est, dans les années 1930, un compositeur allemand antisémite et pro-hitlérien, qui voit un lien direct entre la dégénérescence raciale et la modernité musicale, qui hait le sérialisme et le jazz, qui considère que l'Allemagne est attaquée par l'atonalité et la musique française corrompue et dégénérée, et qui réalise une musique volontairement nationaliste et conservatrice, je pense qu'on peut considérer que sa musique est l'expression directe et sans ambiguïté de ces valeurs.

13. Le vendredi 20 juin 2014 à , par DavidLeMarrec

Sensemayá célèbre ? Franchement, à moins d'être intéressé par le défrichage du répertoire classique, et même plus spécifiquement par le répertoire latino-américain... oui, c'est l'une des premières œuvres que l'on découvre dans cette catégorie, mais pour le grand public, ou même pour le public averti (mais non spécialisé dans la région), ça ne représente rien. En tout cas, aucune chance de faire remplir sur ce non, à mon avis.

¶ Le problème est que la musique de Pfitzner ne représente absolument pas un ordre nouveau (ce qui était quand même l'argument de vente des nazis), ni une musique épurée et vigoureuse : au contraire, ce sont de vieilles recettes, alourdies par les complexités d'une tradition très théorique et livresque. On est loin des talents démagogiques et des désirs de table rase ou de retour à l'antique...
Indépendamment de ses convictions (qui sont d'ailleurs beaucoup plus complexes – la nomenclature nazie le considérait même comme pro-juif), sa musique me semble davantage illustrer un conservatisme prostré qu'un programme politique précis.

Ses écrits illustrent beaucoup la détestation de la décadence, en effet, mais ce n'est pas une posture propre aux nazis, les vieux râleurs sont quand même une engeance assez répandue (et passablement éternelle).

Difficile, de toute façon, de dire qu'une musique représente une « idée » politique, puisque précisément, la musique ne « pense » pas, ou en tout cas pas de la même façon que la rhétorique ou la philosophie. Les analogies sont intéressantes, et ont toujours quelque chose de bancal. Pour Orff, franchement, ça fonctionne vraiment bien (esprit de système, facilité démagogique, retour à l'antique sous forme néo-fantasmée) ; pour les autres, même les plus fascistes, le parallèle est plus complexe à établir, indépendamment de ce qu'ils ne font pas (jazz ou série, en effet).

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