Carnets sur sol

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Thriller


Hommage à tous ceux qui ont souffert.

La nuit tombait sous les flocons,
Et le ciel noir glaçait les dames ;
Dans la vitrine froide, on laisse les flacons.
Serrés à l'intérieur, on a mouché la flamme,
Fermé l'interrupteur et cessé les discours.
A peine reluit, là, la parure diaprée
De la vieille invitée qu'en cette fin de jour
Nous couvons d'attentions galamment inspirées.
De loin en loin, chacun retient un bâillement ;
Nous baissons le menton, et Mesdames leurs châles ;
On va tous, voyez bien, dormir dans un moment.

Quand de la nuit on sent se lever comme un râle.

Non, ce n'est pas un bruit, ce qui rompt la torpeur ;
Cette chose indicible a tué le silence
Sans le briser, et jette en mes sens la frayeur :
Dans mes veines déjà, cela me bat, me lance,
Et tout mon corps soumis est frappé, incertain,
Au rythme de ce mal, blessure, intermittence.

Et pourtant, j'en suis sûr, c'est un son qui m'atteint.

Furtif et laid, tel le cafard qu'un pied écrase,
Sans prévenir jamais, il lance un de ses traits ;
Je ne puis plus penser, j'attends qu'il joue sa phrase,
Mon âme est suspendue quand soudain il paraît.
Je crois qu'il poursuit sa croissance,
Car vient un murmure discret,
Je sens qu'à son tour l'assistance
Gémit sous tant de violence.

Tout s'accélère et le bruit croît,
Il me semble qu'il va faire crouler les voûtes,
Je n'entends que ce cri, dont gémit la paroi,
Arrêtez, arrêtez, cessez quoi qu'il en coûte !

Le petit ovale paraît.
Tous le regardent, la regardent.
Elle l'attrape sans apprêt,
Et nous toise sans prendre garde.

Voilà, c'est la fin à présent.
La musique s'est arrêtée.

Le pianiste vous cherche, et d'un air peu plaisant,
L'alto s'apprête à fort tancer, regard cuisant,
Vos manières d'enfant gâtée.

Madame, leur air furibond
N'a, croyez-moi, rien d'exotique ;
Si de sucré l'envie vous pique,
C'est avant qu'il fallait ouvrir votre bonbon.



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Commentaires

1. Le samedi 24 décembre 2011 à , par klari :: site

hiiiii. J'adore. C'est du toi ? Du Brendel ?

2. Le samedi 24 décembre 2011 à , par DavidLeMarrec

Oui, c'est moi, j'avais une présentation sérieuse à finir sur les corpus brucknériens négligés, et je me suis amusé à la place. C'est mal.

Donc je l'ai posté, manière qu'on ne croie pas que je me tourne tout à fait les pouces.

3. Le vendredi 14 août 2015 à , par tortuemystique45

C'est délicieux ! Quel flow !

Je suis sincèrement admirative de ce texte, qui passerait très bien musique.

4. Le samedi 15 août 2015 à , par David Le Marrec

Je suis très honoré, ô Testudine des Mondes, j'avoir suscité votre intérêt.


qui passerait très bien musique.

Avec un chœur a cappella aux allures dystopiques, comme Ligeti ou Hillborg, peut-être ?

Sinon, un mélodrame composé par l'âme de von Schillings.

5. Le samedi 15 août 2015 à , par tortuemystique45

"Avec un chœur a cappella aux allures dystopiques"

Je verrais bien des voix murmurées amplifiées et trafiquées pour ressembler à des bruissements de papier de bonbon.

6. Le lundi 17 août 2015 à , par David Le Marrec

Ah, intéressant. S'il y a des étudiants en acousmatique qui désirent se faire la main sur un chef-d'œuvre, n'hésitez pas…

7. Le lundi 19 mars 2018 à , par Morloch

C'est donc d'ici que vient ce pamphlet hostile aux froissements? Mon admiration se porte aux musiciens stoïques qui dédaignent toux, sonneries de portables, retardataires qui font se lever les rangs ainsi que tous autres importuns. Imperturbable, le musicien doit continuer.

8. Le lundi 19 mars 2018 à , par DavidLeMarrec

J'avoue que ça me paraît moins capital pour les musiciens, absorbés dans la production de la musique, et qui sont tout de même au service du public – je trouve très déplaisants les scandales de Christie, comme si l'exécution musicale était à son service avant d'être à celui du public. Même si je trouve par ailleurs insupportables ceux qui jouent avec leur téléphone (une jeune femme s'est pris un coup d'une ancienne, l'autre jour, devant moi, et elle était scandalisée parce qu'elle considérait avoir le droit de jouer avec son portable), c'est l'affaire du public, pas aux musiciens de considérer si l'auditoire est digne d'eux.

Effectivement, ça vient de là, j'avais gribouillé ça après fréquenté de trop près une ouvreuse (de bonbons) particulièrement soigneuse, à Pleyel. J'avais décidé d'en faire une épopée en mètres asymétriques (si tu cherches, il y en a une aussi sur mes fesses ébouillantées par le chauffage des Billettes).

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