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[Carnet d'écoutes n°106] – Saint-Saëns, mélodies orchestrales – (Beuron, Christoyannis)


Orchestrations des Mélodies persanes et d'autres tubes (le « Pas d'armes du roi Jean » de la Légende des Siècles, la Danse Macabre de Cazalis !), ou au contraires de pièces obscures, cet album tout récent est un bijou, remarquablement exécuté, en particulier par ses chanteurs, deux princes de la diction, Yann Beuron et par-dessus tout Tassis Christoyannis – dont Bru Zane a fait, non sans raison, l'ambassadeur de ses éditions discographiques de mélodies (David, Lalo, Saint-Saëns).

Dans ces pages délicates, j'aime tout particulièrement les Mélodies persanes, découvertes pour ma part, à l'époque où elles ne pullulaient pas (du tout) au disque, dans un fonds de partitions d'une ancienne cheffe de chant à l'Opéra de Bordeaux. Un sens incroyable du climat, qui rappelle à quel point Saint-Saëns peut se fondre, d'un opéra à l'autre (l'archaïsme d'Henry VIII, le wagnérisme de Samson, les miroitements de Frédégonde, la galanterie de Proserpine…) ou d'une mélodie à l'autre (là aussi, quel lien entre la chanson à boire de Boileau, les douces romances, les pièces strophiques célèbres et la recherche quasiment duparcquisante des mélodies inspirées par l'Orient ?), dans un univers nouveau. Saint-Saëns n'a rien inventé, c'est vrai (sauf la musique de film !) – mais il peut tout faire.

Contrairement à ce qu'on pourrait craindre d'alanguissement (l'orchestration très traditionnelle n'apporte pas vraiment de profondeur aux œuvres), ce disque est au contraire tenu de bout en bout, de quoi combler tous les amateurs de mélodie pré-vénéneuse/décadente/fauréenne/debussyste.

☼ Écoutable intégralement, gratuitement et légalement ici. ☼

Pour prolonger,
→ l'anthologie Tassis Christoyannis & Jeff Cohen, à ce jour de loin le plus beau disque mélodique de Saint-Saëns, où figurent notamment les fameuses Mélodies persanes ;
→ l'anthologie François Le Roux & Graham Johnson – pas forcément les meilleures mélodies, le piano n'a pas beaucoup de relief et la voix est déjà étrange à cette période, mais l'ensemble est très varié, et je crois que c'est la seule version un peu prestigieuse de la chanson de Boileau, qui a toute ma tendresse ;
José van Dam & Jean-Philippe Collard, dans leur beau périple de mélodies françaises, ont notamment laissé une version marquante, truculente pour l'un, virtuose pour l'autre, de la Danse macabre.


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Commentaires

1. Le mercredi 8 mars 2017 à , par Polyeucte :: site

En effet disque superlatif... j'aurais juste aimé qu'il soit plus complet... 19 mélodies sur 25 (si je ne m'abuse) orchestrées... et seulement une petite heure sur le disque! J'aurais bien aimé avoir une Fiancée du Timbalier par exemple!

Sinon en ce qui concerne les Mélodies Persanes, ne pas oublier aussi Nuit Persane qui reprend une grande partie de ces mélodies dans leur version orchestrée :
Mélodies Persanes :
- La Brise
- La Splendeur du vide
- Le Solitaire
- Sabre en main
- Au cimetière
- Tournoiement

Nuit Persane :
- Partie 1, La Solitaire : Prélude (Récitant)
- Partie 1, La Solitaire : La brise (chœur)
- Partie 1, La Solitaire : La solitaire (contralto solo)
- Partie 1, La Solitaire : La fuite (ténor solo et chœur)
- Partie 2, La Vallée de l'Union : Prélude (Récitant)
- Partie 2, La Vallée de l'Union : Au cimetière (ténor solo)
- Partie 2, La Vallée de l'Union : Les cygnes (Contralto solo, ténor solo, chœur)
- Partie 3, Fleurs de Sang : Prélude (Récitant)
- Partie 3, Fleurs de Sang : Sabre en main (ténor solo et chœur)
- Partie 4, Songe d'Opium : Prélude (Récitant)
- Partie 4, Songe d'Opium : Tournoiement (ténor solo et chœur)

Il faudrait que je fasse une écoute approfondie pour voir si il y a des retouches sur la ligne mélodique des mélodies, mais en tout cas ce cycle (appelé cantates parfois!) est superbe... d'une richesse d'ambiance rare et enivrante!

2. Le mercredi 8 mars 2017 à , par alain

J'ai acheté l'album hier en qualité 24 bits. Je l'ai écouté au casque hier soir et c'était un vrai régal avant d'aller lire et m'endormir.
Je le réécoute actuellement en écoute d'ambiance (sans casque). C'est d'une grande clarté, douceur, suavité...
Je considérais déjà Yann Beuron comme une des personnes actuelles qui comptent et qui marqueront leur époque. Ils sont peu pour moi: a peine 5 donc tenant dans une main. Mais Beuron est là et est bien présent dans cette main.
J'ai trouvé le baryton grec un peu léger dans sa tessiture. Son chant est parfait, mais il est vraiment baryton "léger", ce qui n'est pas un défaut en soi mais je m'attendais à un baryton plus "lourd" et çà m'a fait un peu bizarre. Mais il est parfait sur cet album.
L'orchestration est du même tonneau. Limpide, agréable, et surprenante juste là où il faut.
Cet album est de très bonne facture.

3. Le mercredi 8 mars 2017 à , par David Le Marrec

Bonsoir !

@ Polyeucte :

Nuit Persane, ça n'a été gravé que chez Melba, c'est bien ça ?

De toute façon, j'aime davantage la version avec piano, on entend toujours mieux les détails… En concert, c'est un peu différent sans doute, mais au disque, pas d'hésitation !

Je n'ai pas remarqué de changements mélodiques dans la version orchestrée, mais je ne les ai pas toutes jouées/chantées ni lues.

Au passage, j'ai découvert qu'il existait une version plus ancienne des Mélodies persanes par Anne-Marie Rodde chez Etcetera, et c'est excellent. Ça se prête bien sûr mieux au baryton flexible de Christoyannis, mais la diction est excellente, la voix fraîche, souple et très expressive, avec beaucoup de diversité de coloris.

Un autre disque à recommander !

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@ Alain

Oui, Christoyannis chante ça avec une délicatesse incroyable – presque en voix naturelle, en crooner, dans certains de ses autres albums (les cycles de Kasassoglou, certains Lalo…). Toute la collection mérite le détour – particulièrement, musicalement (et poétiquement), le deuxième disque du double-album Lalo (celui sur les grands poètes, plus dense musicalement aussi), mais le Godard n'est pas mal non plus. (Plus sceptique sur l'intérêt du corpus de Félicien David.) Et il a fait au moins deux albums de mélodies grecques, où il est très bon aussi, quoique moins articulé qu'en français.

La voix est plutôt légère, oui, et pourtant il peut avoir un vrai grain presque rauque en salle – où il chante régulièrement Verdi, tout de même ! Un des très rares à parvenir à être en style dans le baroque et le classique en ayant cette extension dans les rôles plus dramatiques et tardifs.

Dans la mélodie française, la variété des coloris, la souplesse de la voix, et surtout la précision expressive du texte, il rejoint le cercle très fermé des très très grands – Correas, Théruel, Herbillon, Kruysen (même Souzay, Maurane ou Panzéra me paraissent moins précis…).

C'est vrai qu'il allège beaucoup les harmoniques métalliques et sonne par moment presque ténorisant, mais c'est vraiment ce qu'on attend ici.

4. Le jeudi 9 mars 2017 à , par Polyeucte :: site

Bonjour!

Oui, pour Nuit Persane je crois qu'on a que le disque Melba en effet...
Après, pour moi on devrait surtout faire soit Mélodies Persanes en piano, soit Nuit Persane avec du coup toute la machinerie... je trouve que Mélodies persanes avec orchestre, c'est un peu un entre-deux.

La version "cantate" offre une atmosphère assez déroutante et enivrante je trouve quand même.

5. Le jeudi 9 mars 2017 à , par alain

C'est vrai que moi aussi j'ai trouvé Christoyannis ténorisant au point qu'à la première écoute, j'avais du mal à le différencier de Beuron.
Ma femme aussi a été surprise par son côté ténorisant mais elle me disait que (le très grand) Dietrich Fischer-Dieskau pouvait bien être baryton basse et presque ténorisant selon ce qu'il chantait et que Christoyannis devait sans doute avoir cette grandeur tant apprécié dans Dieskau.

6. Le samedi 11 mars 2017 à , par DavidLeMarrec

Bonsoir !

@ Polyeucte :

Bien sûr, tu as raison, on devrait jouer l'un des deux ensembles cohérents. La version cantate apporte de toute façon des numéros et des ordres différents, les deux ont vraiment une légitimité.

Cela dit, vraiment pas de quoi s'indigner qu'on nous propose du Saint-Saëns orchestral aussi bien chanté, alors je prends, même si j'aurais bien aimé avoir, effectivement, le cycle complet.

C'est très fréquent dans les récitals discographiques de mélodie et de lied, de prendre des ensembles dépareilles comme on le ferait au concert, et ça se défend, il faut choisir entre la cohérence de la documentation (disques sur un seul compositeur, avec des ensembles complets) et la diversité du récital (plusieurs compositeurs, des ordres dépareillés, une progression, une thématique, etc.).
Quand on écoute beaucoup de musique comme nous, on a évidemment envie d'avoir des programmes assez rigoureux, qui évitent les doublons et les pièces impossibles à trouver, en tout cas lorsqu'il s'agit de disques. Mais ça ne concerne pas tout le monde.

Cela dit, vu la cohérence interne de Nuit persane, la question ne se pose pas en ces termes ici.

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@ Alain :

C'est vrai que c'est assez spectaculairement limpide ici. Et c'est une qualité technique que de pouvoir se fondre dans les nécessités des couleurs d'un rôle, peu de chanteurs en sont capables en effet.

(Effectivement, Fischer-Dieskau, si clair et élancé, a chanté des rôles wagnéro-straussiens graves, comme le Hollandais ou Barak ; cela dit sa couleur ne chantait pas radicalement dans ces cas, il le chantait vraiment avec sa voix. Et un certain nombre de ces rôles, il ne les donnait pas sur scène – je ne crois pas qu'il ait jamais fait un Hollandais en concert ou sur scène, par exemple.)

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David Le Marrec

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