Carnets sur sol

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[Carnet d'écoutes n°71] — Steffani chambriste, Carême de Charpentier, Rossini-Pappano, Brahms-Chailly, VLL-Trekel, Tournemire chambriste, Prometeo de Nono…


Cette semaine :

  • Spectacle vivant :
    • Méditations pour le Carême de Charpentier et Leçons de ténèbres de Lalande (Lefilliâtre, Lombard, Dumestre…).
  • Deux nouveautés :
    • Ouvertures de Rossini par Pappano et l'Académie Santa-Cecilia.
    • Sérénades de Brahms par Chailly et le Gewandhaus.
  • Quatre disques récents :
    • Op.54 de Haydn des Ysaÿe sur leur label.
    • Sept dernières paroles du Christ en Croix de Haydn, par le Quatuor Terpsycordes (sur instruments d'époque).
    • Troisième Quatuor de Brahms des Ysaÿe sur leur label.
    • Lieder féminins de Wagner et Strauss (Wesendonck-Lieder, Morgen, Zueignung, Vier Letzte Lieder…) par Roman Trekel, baryton, et Oliver Pohl.





Et aussi :

  • Schütz par Esswood et Bowman.
  • Duos de chambre de Steffani.
  • Saul de Haendel par Harnoncourt
  • Versions des Quatuors à cordes de Haydn et Mozart.
  • Quatuors avec piano de Mozart.
  • Roméo & Juliette de Vaccai.
  • Musique sacrée de Mendelssohn par Bernius.
  • Plusieurs intégrales des quatuors de Brahms.
  • Une immense anthologie pour piano de Hahn.
  • Musique de chambre de Tournemire.
  • Prometeo de Nono dans deux versions.
  • et puis…






Détails et cotations par ici :

Dimanche 15 mars

Elīna Garanča, récital « romantique » – La Favorite de Donizetti (Bologne, Abel) : « Ô mon Fernand »
Dans un français plutôt supérieur à ses habitudes (ce qui est rare pour un récital où les grands chanteurs sont souvent livrés à eux-mêmes), une interprétation solide – à défaut, on s'en doute, d'être pleine d'abandon.


Vaccai – Giuletta e Romeo (la fin) – Severini +
Un véritable sens dramatique… Je l'ai découvert en même temps que l'opéra correspondant de Bellini, et j'ai toujours trouvé Vaccai plus frappant dans cette fin. En plus, avec Maria José Trullu et Dano Raffanti ! L'une toujours extraordinairement frémissante (son Puck vénéneux et étrange chez Weber, son Polinesso très séduisant dans Ariodante sont des jalons importants de l'art interprétatif des sons) ; l'autre radieux, dans un rôle à sa mesure — il pouvait sonner un peu court dans Verdi, mais ici, le placement franc et lumineux de son Capulet est tout à fait optimal.
Cela reste du belcanto romantique, ne vous précipitez pas dessus si vous ne le supportez pas… mais pour les autres, c'en est un très beau représentant, assez différent des autres, et même un opéra assez majeur du style, à mon avis.


Tournemire – Poème mystique Op.33 – Henriette Puig-Roger
Tournemire – Sagesse Op.34 – Bernard Plantey
Superbe !
Tournemire – Sonate-Poème Op.65 – Erlith (violon), Puig-Roger (piano)
Tournemire – Musique orante Op.61 – Quatuor de la RTF
On pourrait sans doute gagner beaucoup à l'entendre par une autre formation plus virtuose et riche en colorations, mais on entend l'essentiel sans problème.


Hahn – Le Rossignol éperdu (41 à 47) – Cristina Ariagno (chez Concerto) +
D'un peu loin et réverbéré, moins adaptée aux archaïsmes de ces pièces, mais la conduite reste belle et la couleur du piano magnifique.
Hahn – Le Rossignol éperdu (41 & 43) – Earl Wild (chez Ivory Classics) +
Vision du baroque beaucoup plus romantisée… mais on sent le « pianisme » du très grand interprète, rompu à tous les artifices du grand répertoire, avec ses légères désynchronisations volontaires, son rubato spécifique, la précision de son chant…

Hahn – Cycle au clair de lune – Ariagno
L'évocation du vent doit tout au « vent d'hiver » de Chopin, clairement.
Hahn – D'une prison – Ariagno +
Hahn – Avant l'hommage des poètes – Ariagno
Hahn – Pavane d'Angelo – Ariagno

Hahn – Portraits de peintres – Ariagno +
Hahn – Premières valses – Ariagno
Hahn – Sonate en ut majeur – Ariagno
Hahn – Thème varié sur le nom de Haydn – Ariagno
Hahn – Bacchant – Ariagno

Hahn – La Création du Monde – Ariagno +
Dans l'atmosphère des Clairs de lune de Decaux… formidable !
Hahn – Notturno alla italiana – Ariagno
En réalité très chopinien, mais avec des effets napolitains.
Hahn – Good-Bye – Ariagno

Hahn – cycle Les Impressions – Ariagno +
Très beau, mais Ariagno ne l'a pas fait en entier, dommage.
Hahn – Contour mélodique improvisé en voiture ouverte – Ariagno

Hahn – cycle Pièces d'amour – Ariagno
Hahn – Chanson rêveuse de l'héliotrope – Ariagno
Hahn – Valse de la libellule en deuil – Ariagno
Hahn – L'inspiration – Ariagno

Hahn – cycle Juvenilia – Ariagno
Hahn – cycle Au clair de lune – Ariagno Décidément, l'ensemble des ces pièces constituent un superbe corpus.

¶ La minute glottophile de CSS.
Dano Raffanti : Duca di Mantova à San Francisco, Fuor del mar à Florence en 1989 (Chung).
Ramón Vargas : Fuor del mar.

Tournemire – Préludes-Poèmes – Lise Boucher +
Alors qu'ils valait quasiment cinq tartelettes, je suis un peu déçu par la réécoute dans cette version, qui me fait voir l'œuvre davantage sous l'aspect de son tour de force de grand catalogue des figures virtuoses et de recherche musicale… j'y ressens moins la fièvre mystique que chez Delvallée, ou plutôt, au lieu de la poésie de la religion, j'y entends plutôt une sorte de fanatisme corseté qui essaie de faire grand.
Il est sûr que le son rond et timide de Lise Boucher ne vaut pas les grandes largeurs nettes de Delvallée, mais je crois que c'est plutôt mon goût qui change. Ou le jour. À retenter.
En tout cas, à essayer absolument pour tout amateur de piano (plutôt avec Delvallée, donc).


Schmitt – Ombres Op.64 – Vincent Larderet
Schmitt – Mirages – Larderet
Schmitt – La Tragédie de Salomé (version piano) – Larderet
Ça, en revanche, j'aime toujours très fort. Infiniment moins démonstratif, d'ailleurs.


Elgar – Concerto pour violoncelle – Queyras, Bělohlávek
Réécoute pour vérifier mes impressions : version qui favorise comme aucune autre les épisodes intermédiaires (et la filiation avec Dvořák ?), mais qui atténue beaucoup la grandeur des moments emblématiques — choix délibéré, mais aussi une certaine mollesse habituelle chez Bělohlávek (certains fois, je me demande si sa bonne réputation n'a pas été due au préjugé qu'il serait bon dans la musique tchèque – où il n'est pas mauvais du tout, mais tout aussi presque-indolent). ¶ Dvořák – Rondo Op.94 – Queyras, Bělohlávek
La parenté est saisissante, on croirait un mouvement supplémentaire de la même œuvre !


Haydn – Sept Dernières Paroles du Christ en Croix – Terpsycordes SQ
Très belle œuvre dont le caractère primesautier (voyez « Consumatum est » !) m'étonne toujours ; et servie à merveille par les Terpsycordes, qui ont la chaleur du grain des instruments d'époque, mais avec une assise dense (et une sûreté technique) beaucoup plus rare avec ce type de matériel. Seul l'orage fait un peu grincer les boyaux. Magnifique version, qui culmine dans un saisissant « In Tuas manus ».


Mozart – Quatuor n°14 – Takács SQ (Hungaroton)
Mozart – Quatuor n°15 – Takács SQ (Hungaroton)
Reflet d'une époque plus ancienne que leurs Haydn chez Decca : et effectivement le style est moins acéré. Mouvement lent du 14 extrêmement intense, tout de même !

Brahms – Quatuor n°2 – Bartók SQ
Brahms – Quatuor n°3 – Bartók SQ
Large, rugueux, je trouve que les quatuors de Brahms (moins saillants mélodiquements que tout le reste de sa production, lieder exceptés) gagnent beaucoup à ce traitement, là où d'autres formations en vue cherchent à le romantiser avec force rubato précieux, voire à le galantifier…

Lundi 16 mars


Haydn – Quatuor Op.54 n°1 – Ysaÿe SQ
Haydn – Quatuor Op.54 n°2 – Ysaÿe SQ +
Haydn – Quatuor Op.54 n°3 – Ysaÿe SQ
Remarquable interprétation acérée. Mais à part le deuxième (mouvement lent fantastique, et joué avec un grain voilé très impressionnant), ces quatuors « centraux » n'ont ni la facétie de ceux de l'opus 33, ni l'aboutissement inapprochable des opus 76 et 77.

Poulenc – Banalités – Enguerrand de Hys, Paul Beynet
Encore une magnifique réalisation en concert, on en entend souvent. Si seulement on pouvait avoir des interprétations de ce niveau au disque (étrangement sinistré) ! Et par un très jeune chanteur encore au CNSM de Paris (déjà admiré l'an passé dans la classe de Jeff Cohen).
Poulenc – Banalités – Le Roux, Godin (dans la récente intégrale Atma)
François Le Roux joue très bien de son instrument très changé, voire abîmé… mais il faut encore plus de souplesse pour tirer tout le partie de ces miniatures ébouriffantes. Je reste frustré, même si cela se place malgré tout dans le meilleur de la discographie.
Poulenc – Banalités – Blondelle, Blumenthal (chez Fuga Libera)
C'est la seule version que je trouve vraiment convaincante au disque, même si Blumenthal reste très timide, et que Blondelle n'est pas particulièrement expansif : au moins le chant est propre (la plupart des enregistrements étant le fait de voix inadéquates, voire ignobles indépendamment du style !) et les effets nécessaires tous là. Très belle version bien équilibrée, au moins quelqu'un l'a fait !
Ravel – Sur l'herbe – Blondelle, Blumenthal


Mendelssohn – Quintette à cordes n°2 – Mendelssohn SQ (chez BIS) +
Disque de chevet.

Brahms – Quatuor n°2 – Bartók SQ

Mardi 17 mars

Haydn – Quatuor Op.1 n°0 – The Angeles SQ


R. Strauss – Vier Letzte Lieder – Roman Trekel, Oliver Pohl (chez Oehms)
Wagner – Wesendonck-Lieder – Roman Trekel, Oliver Pohl (chez Oehms) +
R. Strauss – Lieder « féminins » (Morgen !, Zueignung…) – Roman Trekel, Oliver Pohl (chez Oehms)
Récent album, remarquable. Trekel vibre beaucoup, la voix est opaque (avec son larynx écrasé et sa voix résonant à l'orée de la gorge), il passe en force à plusieurs moments… pourtant la musicalité reste très réelle, et fait de l'ensemble un tout homogène et très persuasif. Ajouté au piano très généreux et symphonique de Pohl, j'ai vraiment beaucoup aimé, alors que le programme a tout du contresens (et que Trekel est tout de même à l'exact opposé des opinions esthétiques de Carnets sur sol). Recommandé !
Dans les prochains carnets d'écoute, plus de disques de l'un et de l'autre seront commentés.

Brahms – Quatuor n°2 – Bartók SQ

Mercredi 18 mars

Brahms – Quatuor n°1 – Ébène SQ
Tiens, alors qu'ils m'avaient à chaque fois impressionné au disque, je les retrouve ici conformes à mon impression mitigée lors du concours d'Évian-Bordeaux (il n'y avait eu qu'un second prix cette année, qu'ils avaient partagé avec les Aviv qui ne m'avaient pas passionné non plus) : son sombre mais un peu sec, peu de legato sur les grands accords. Allegretto étrangement très lent.
Brahms – Quatuor n°1 – Sine Nomine SQ
Plus vif, net et tranchant, sans que j'adore non plus.
Brahms – Quatuor n°1 – Ludwig SQ
C'est une bonne version, mais captée d'un peu loin et trop réverbérée. Probablement aussi, à la date où ils l'ont enregistré pour Naxos, un petit manque de cohésion et de maturité.


Brahms – Quatuor n°2 – Jerusalem SQ
Très doux, pas vraiment le Brahms que j'attends.
Brahms – Quatuor n°2 – Tokyo SQ (chez Vox)
Ici au contraire de l'assise, de la netteté, une prise de son proche… et une approche non dépourvue d'intensité. L'intégrale des Tokyo est de toute façon une de mes références.
Brahms – Quatuor n°2 – Alban Berg SQ, sur le vif
Net certes, mais un peu larmoyant. Je m'interroge vraiment sur la pertinence stylistique de ce Brahms qui s'épanche comme du Chopin.



Brahms – Quatuor n°3 – Ysaÿe SQ (sur le leur label)
Là, du beau rebond folklorique, du tranchant, voilà du Brahms enthousiasmant. Dommage qu'ils n'aient pas fait l'intégrale.
Brahms – Quatuor n°3 – Alban Berg SQ
Joli, mais encore une fois pas follement ardent.
Brahms – Quatuor n°3 – Bartók SQ
La robustesse un peu bourrue du mouvement lent me ravit.
Brahms – Quatuor n°3 – Tokyo SQ


R. Strauss – Sextuor de Capriccio – Brandis SQ


Mozart – Quatuor avec piano n°2 – Stern, Laredo, Ma Ax +
Mozart – Quatuor avec piano n°1 – Stern, Laredo, Ma Ax +
Rarement donnés finalement ; très proches des équilibres des concertos pour piano, avec un clavier très volubile. Le Premier ressemble à la Sonate en ut mineur mâtinée de Beethoven, et tirant sur la Surprise de Haydn dans le final. Sympa !


Debussy – Promenoir des deux amants – Danco
Debussy – Promenoir des deux amants – Teyte


Alfvén – Symphonie n°4 – Symphonique d'Islande, Niklas Willén
Disque de chevet.

Dvořák – Sextuor à cordes – Sextuor Philharmonique Tchèque (chez Exton)
Grince, pas beau.
Dvořák – Sextuor à cordes – Sextuor de Vienne
Plus doux, autrement plus élégant. En revanche, l'œuvre n'en devient pas meilleure pour autant, aimablement superficielle.
Dvořák – Quintette à cordes – Sextuor de Vienne +
Plus folklorique, nettement mieux écrit… mais on se rend bien compte à quel point Dvořák, dans l'essentiel de son catalogue, n'est pas le compositeur du siècle… Il y a quand même les trois dernières symphonies, ses opéras, le concerto pour violoncelle, et par-dessus tout le Requiem… mais aussi beaucoup de piécettes très mineures en musique symphonique et chambriste. Ce Quintette est à peine au-dessus de cela.

Haydn – Quatuor Op.1 n°0 – The Angeles SQ
Haydn – Quatuor Op.1 n°1 – The Angeles SQ
Sacrée interprétation, ferme et virevoltante, exaltante malgré une grammaire assez sommaire dans ces jeunes quatuors.


Mendelssohn – Kyrie en ré mineur – Bernius
Mendelssohn – Christus, extrait (Geburt Christi) – Bernius
Mendelssohn – Jube Domine – Bernius
Mendelssohn – Trois Psaumes Op.78 – Bernius
Quatre chefs-d'œuvre de la musique chorale par l'un de ses meilleurs interprètes.

Jeudi 19 mars


Haydn – Quatuor Op.1 n°1 – The Angeles SQ
Haydn – Quatuor Op.1 n°2 – The Angeles SQ
Haydn – Quatuor Op.1 n°3 – The Angeles SQ
Celui-là est très corellien (un peu les atmosphères de son célèbre concerto grosso de Noël), superbe.
Haydn – Quatuor Op.1 n°4 – The Angeles SQ
Ressemble aux autres…
Haydn – Quatuor Op.1 n°5 – The Angeles SQ
Haydn – Quatuor Op.1 n°6 – The Angeles SQ
Haydn – Quatuor Op.42 – The Angeles SQ
Haydn – Quatuor Op.50 n°1 – The Angeles SQ
Haydn – Quatuor Op.50 n°2 – The Angeles SQ



Concert de Carême et de Ténèbres : Charpentier & Lalande (trois membres du Poème Harmonique, dont Dumestre).
À l'Oratoire du Louvre, un beau programme scénarisé (avec extinction progressive des bougies – pas pendant les Leçons de Ténèbres ni sur un candélabre, mais le résultat demeure assez convaincant !) autour des Leçons de Ténèbres de Lalande, de son Miserere et des Méditations pour le Carême de Charpentier.
Du fond de l'Oratoire du Louvre, on n'entend pas Dumestre jouer du théorbe (pourtant, ce qu'on devine est somptueux comme d'habitude), et l'impact (et surtout l'élocution) de Claire Lefilliâtre se perd vraiment — totalement inintelligible, alors qu'elle sonne très bien à l'opéra. C'est l'un des problèmes des émissions pharyngées dans son genre, qui résonnent à l'intérieur avant de « sortir » (haute impédance typique des techniques d'aujourd'hui).
En revanche, le petit chœur des trois hommes (Jean-François Lombard, haute-contre ; Serge Goubioud, taille ; Geoffroy Buffière, basse-taille) dans les Méditations pour le Carême ou entre les versets du Miserere verse dans le suprême ; d'abord parce que cette écriture essentiellement harmonique et homophonique (ils chantent simultanément, quasiment en choral) est merveilleusement maîtrisée par les compositeurs (quelle fin que cette réponse a cappella au Miserere, dans l'obscurité !) ; ensuite par la qualité individuelle et collective de leur association. Serge Goubioud s'est beaucoup bonifié, ou se trouve particulièrement à l'aise ici, avec une sonorité claire qui n'est pas fortement nasillarde comme c'était généralement le cas. Et Jean-François Lombard, qui me paraît cette fois-ci en réalité user d'un mécanisme II (« voix de tête », disons) rapproché au maximum de son registre principal, paraît doté d'une voix infinie, qui reste souple, égale, doucement lumineuse et parfaitement projetée sur toute sa longueur.
Si le Miserere de Lalande existe déjà par Dumestre et Lefilliâtre (sont-ce les mêmes chanteurs, je ne pourrais le dire), très touchante dans une acoustique sèche, on ne trouve au disque, pour les Méditations de Charpentier, qu'Hervé Niquet (un peu flou et avec plusieurs voix par partie) et l'Ensemble Pierre Robert (chanté aussi à trois, mais où les deux ténors sont un peu grêles et nasillards). Ce moment était donc d'autant plus précieux.

Mendelssohn – Kyrie en ré mineur – Bernius
Mendelssohn – Christus, extrait (Geburt Christi) – Bernius

Vendredi 20 mars

Le 20 mars est officiellement journée marrécienne des chefs-d'œuvre absolus :

Haydn – Quatuor Op.33 n°5 – The Angeles SQ

Schubert – Air de Troila – Gerhaher, Harding

Wagner – Die Meistersinger (final du I) – Kubelik

Charpentier – Médée (acte V) – Christie II

Mendelssohn – Kyrie en ré mineur – Bernius
Mendelssohn – Christus, extrait (Geburt Christi) – Bernius

Samedi 21 mars


Steffani – Duetti da camera – Mazzucato, Watkinson, Esswood, Elwes, (Wouter) Möller, Curtis.
Absolument superbe, des doubles monodies de la meilleure veine, une sorte de « Zefiro torna » en permanence et dans tous les climats. Par ailleurs, la distribution fulgurante fait de ces miniatures seulement accompagnée à la gambe et au clavecin de petits miracles de couleur. Je n'avais même pas vu que ça existait… Disque du jour !


Schütz – Hodie Christus natus est – Pro Cantione Antiqua, Edgar Fleet (avec Esswood, chez Alto)
Schütz – Fili mi absalom – Pro Cantione Antiqua, Edgar Fleet (avec Michael Goerge)
Schütz – Auf dem Gebirge – Pro Cantione Antiqua, Edgar Fleet
Schütz – Heu mihi, Domine – Pro Cantione Antiqua, Edgar Fleet
Schütz – Ich danke dem Herrn – Pro Cantione Antiqua, Edgar Fleet (avec Ian Partridge)
Schütz – Der Engel sprach – Pro Cantione Antiqua, Edgar Fleet
Le disque est ancien, et on entend bien que l'interprétation n'est pas aussi nette et mobile qu'aujourd'hui, mais on y percevra beaucoup de climat et de ferveur, dans une sélection germano-latine qui contient plutôt le meilleur du legs de Schütz. Vraiment une très bonne fréquentation.


Rossini – Ouverture de Semiramide – Accademia Nazionale di Santa Cecilia, Antonio Pappano +
Rossini – Ouverture de L'Assedio di Corinto – Accademia Nazionale di Santa Cecilia, Antonio Pappano +
Rossini – Ouverture de Guillaume Tell – Accademia Nazionale di Santa Cecilia, Antonio Pappano +
Rossini – Andante e tema von variazioni (pour flûte, clarinette, cor et basson) – Tamponi, Carbonare, Allegrini, Bossone +
Nouveauté.
Très impressionnante précision d'un orchestre qui paraît pourtant, dans d'autres répertoires, plus modestes. Pappano réussit des équilibres tout de délicatesse, évitant l'effet « doublure de flûte + cymbales ». Il mise essentiellement sur la netteté d'articulation des violons (bel emportement des altos et des violoncelles sur les sforzandi de l'ouverture de Guillaume Tell), et aussi sur la justesse des équilibres et du tempo (le resserrement final, dans la même ouverture, se fait absolument sans précipitation).
Ce sont tout de même de belles œuvres, qui ont surtout le défaut d'être assez homogènes entre elles… et je ne crois pas qu'un disque d'ouvertures les ait aussi bien servies. Référence.

Schütz – O quam tu pulchra es – Pro Cantione Antiqua, Edgar Fleet
Schütz – Die Seele Christi heilige mich – Pro Cantione Antiqua, Edgar Fleet
Schütz – Was mein Gott will – Pro Cantione Antiqua, Edgar Fleet
Schütz – Eultavit cor meum – Pro Cantione Antiqua, Edgar Fleet
Schütz – Selig sind di Toten – Pro Cantione Antiqua, Edgar Fleet
Schütz – Auf dem Gebirge (avec violes) – Pro Cantione Antiqua, Edgar Fleet (avec Esswood et Bowman)


Brahms – Sérénade n°1 – Gewandhaus, Chailly
Brahms – Sérénade n°2 – Gewandhaus, Chailly
Nouveauté.
Après avoir, comme tout le monde, têté la mamelle de Boult assez longtemps dans ces œuvres, difficile de passer durablement à autre chose. Il y a bien de bonnes versions (Spering, quoiqu'un peu raide ; Bongartz superbement enregistré, mais pas forcément le plus profonde non plus) ; néanmoins, avant de trouver Wand / Cologne (intensité formidable !), je revenais toujours à Boult, et l'écoute toujours avec grand plaisir.
La version de Chailly a le mérite de proposer un autre type de lecture, moins poétique et contemplatif : rapide, transparent, doté d'une belle plastique bien sûr, mais cherchant surtout la simplicité et la fluidité, sans emphase aucune, ce qui se défend aussi bien que l'autre version — et explique peut-être, outre les préjugés anti-chef-de-grands-orchestres, la tiédeur de la critique elle aussi nourrie et grandie au lait britannique. Il est sûr que la portée poétique n'est pas la même, mais ce n'est pas le projet, et celui de Chailly réussit très bien.


Haendel – Saul – Harnoncourt
Je n'avais jamais adhéré à cette œuvre (probablement abordée trop tard, après m'être lassé du style très homogène du répertoire baroque européen du XVIIIe siècle, France exceptée), après avoir pourtant consulté les meilleurs spécialistes actuels de ces musiques. Erreur : ce vieux coffret est magnétique. La logique dramatique semble soudain prendre l'ascendant sur l'écriture musicale, et exalter toutes les bizarreries structurelles de la partition, l'aspect de récit ou de stances un peu hagardes. Pourtant Harnoncourt ne fait pas dans le tapage ni les contrastes spectaculaires, mais distille plutôt quelque chose d'assez vénéneux, parfaitement secondé par des voix de légende (Esswood !) à l'anglais bizarre (Fischer-Dieskau). Várady y trouve le rôle de sa vie (son Page ogresque est un ravissement, paradoxalement). Tout l'épisode biblique semble circuler au travers d'une lentille déformante, sans que la musique soit le moins du monde bancale ou enlaidie. Saisissant.


Nono – Prometeo (extraits) – Abbado
Superbe.
Nono – Prometeo (Prologue) – SWR, Ryan & friends
Le texte est absolument inintelligible mis en musique ainsi, mais les atmosphères restent très persuasives. Certes, sur la longue durée, on finit par entendre toujours les mêmes procédés, mais la lassitude n'apparaît que tardivement vu la qualité d'évocation générale.
J'aime moins l'Isola primera, dont il sera question dans les prochains carnets d'écoute.


Mendelssohn – Quintette à cordes n°2 – Mendelssohn SQ (chez BIS) +

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Comment ça marche ?

La cotation est complètement subjective et ne prend pas en compte la qualité mesurable de l'oeuvre, seulement le plaisir que j'ai à l'écouter (à ce moment précis). L'interprétation n'est pas prise en compte.

Une tartelette au citron (ou un putto d'incarnat selon les jours) est signe que ça m'a plu.


Une oeuvre agréable, qui n'appelle pas forcément la réécoute.
Exemple : Le trio avec piano de Rihm.


Une oeuvre intéressante, qui méritera d'être réécoutée de temps à autre.
Exemple : Les premiers trios de Beethoven.


Une très belle oeuvre, qui appelle des écoutes régulières.
Exemple : Les trios de Debussy et Ravel.


Un chef-d'oeuvre, une des oeuvres importantes de ma discothèque, à réécouter abondamment.
Exemple : Les trios de Théodore Dubois.


L'une des quelques oeuvres qui me sont extrêmement chères.
Exemple : Les quatuors de Czerny.

Ainsi, à part la tartelette esseulée qui est un peu mitigée (oeuvre agréable mais oubliable, ça va bien si le temps ne nous est pas compté), la seule présence de portion citronnée indique que j'ai aimé. Le principe n'a donc rien à voir avec les étoiles « objectives » des magazines qui donnent ou pas la moyenne aux enregistrements.

Exceptionnellement, si je suis vraiment en colère, je peux aussi le signaler. Je distribue alors des tartelettes au citron meringué, qui sont à la vraie tarte au citron ce que les persécutions nazies sont à l'Éphèse classique.


Je n'ai pas aimé du tout, du tout. Ça ne me parle pas.
Exemple : L'oeuvre orchestrale d'Olga Neuwirth.


C'est insupportable, grotesque, scandaleux. Et surtout ça fait mal.
Exemple : L'oeuvre pour orgue de Philip Glass.


Je suis mort.


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Commentaires

1. Le mercredi 1 avril 2015 à , par Cololi :: site

ça fait plaisir la notation des 7 dernières paroles :D
Saul de Haendel j'ai pas encore écouté, mais un jour ...
Et comme tu le dis OUI, attention il est facile si on en écoute trop d'être lassé par ce style (ça m'est arrivé au bout d'un moment, puis en prenant du recul, c'est reparti sur de bonnes bases).
P être reconnaîtras tu un jour que Théodora est sa plus belle oeuvre !

2. Le mercredi 1 avril 2015 à , par DavidLeMarrec

Bonsoir Cololi !

Je ne les aimais pas autant, mais un étrange tropisme Haydn (quatuors exclusivement) s'est récemment emparé de moi… Il faut dire aussi que la version des Terpsycordes est exceptionnelle, on croirait à la fois entendre le son profond des meilleurs quatuors beethoveniens et la chaleur des coloris des ensembles baroques…

C'est valable pour tous les styles, mais plus le langage est simple, plus on peut avoir l'impression d'entendre toujours la même chose. J'essaie de ne pas abuser de LULLY, du seria, du belcanto, et même de Verdi. En tout cas dans les mêmes journées / semaines.

3. Le mercredi 1 avril 2015 à , par Benedictus

En effet, magnifique playlist: je contresigne à peu près tout des deux mains.

La 4e d'Alfvén (cela dit, je ne connais pas cette version Willén, seulement Järvi et Westerberg), Saul par Harnoncourt, le Prometeo de Nono, les Mendelssohn par Bernius, les Sérénades de Brahms par Chailly, les quatuors de Haydn, les motets de Schütz, la musique de chambre de Tournemire (et même le Rossignol éperdu, que je ne place tout de même pas aussi haut que toi) - on se croirait presque dans mon panthéon personnel.

Tout au plus mes priorités en termes d'interprétation seraient-elles un peu différentes dans les Schütz (mais je vais essayer tout de même) et dans les Haydn (là, il me faut vraiment du crincrin baroqueux hardcore - les Kuijken, les Mosaïques ou encore Bylsma & Co. dans les derniers - ou, à l'autre bout du spectre les rares enregistrements des Italiano). Et dans les Sept Paroles, je crois que je préfère la version pour orchestre.

Sinon, Vaccai, je ne connais pas, les Rossini, bon... Steffani, ça fait très envie, enfin surtout Esswood, Watkinson et Curtis: je vais tâcher de trouver ça.

4. Le mercredi 1 avril 2015 à , par David Le Marrec

J'aime énormément cette version Willén (mais le Symphonique d'Islande est en général un orchestre très persuasif : peut-être la plus belle Septième de Sibelius au disque avec Sakari, ou peu s'en faut…).

Oui, pour Schütz cette école de « moyen terme » n'est pas non plus mon choix habituel, mais j'ai été frappé de l'excellent choix des pièes, et surtout que ça fonctionne très bien sur la durée, sans mollesse ni uniformité.

Pour Haydn, les Terpsycordes ne sont pas moins tendus que Kuijken, simplement les timbres sont plus beaux que chez tous ceux que tu cites (Italiano inclus…).
Pour les Sept Paroles, j'étais assez favorable à la version avec texte, tout simplement, mais quand c'est fait comme ça, je rends les armes.

Pour Rossini, c'est surtout que j'avais lu beaucoup de bien de cette nouveauté qui, disait-on, rejoignait les meilleurs maîtres (Fricsay ?). Et, en réalité, c'est beaucoup mieux que les meilleurs maîtres du passé, on tient là une référence parfaite, sans une once de facilité ou de mauvais goût, et d'une maîtrise superlative.
Ensuite, écouter un disque d'ouvertures à la suite (d'ailleurs je n'ai pas tout fait, comme c'est bien indiqué…), évidemment, ça n'a pas un intérêt démentiel. Je me suis rattrapé la semaine suivante avec Guillaume Tell en français dans une nouvelle version archi-intégrale (Fogliani). Là, ça a du sens. (même si, pour toi…)

Chez Steffani, Esswood est très déclinant, il ne tient que des parties basses et on l'entend à peine (mais comme ses duos sont avec Watkinson, il y a de quoi s'occuper). En revanche Elwes est meilleur que jamais.
Et surtout, cette musique peu documentée de la seconde moitié du XVIIe, qui donne à entendre une forme de Monteverdi volubile (bien plus qu'un pré-Vivaldi, qu'on sent davantage, en ce qui concerne Steffani, dans les grandes œuvres scéniques et sacrées), est assez jubilatoire. On entend une heure de duos dans le goût du final du Couronnement de Poppée, quand même ! (Si c'est pas du fantasme réalisé, ça…)

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