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samedi 24 décembre 2022

L'année musicale 2022


Estimés lecteurs,

Après un inhabituel silence lié à une actualité personnelle peu riante, me voici de retour pour célébrer 2022.

À la vérité, je ne nourris pas du tout un fétichisme des bilans, mais la perspective de papoter musique avec deux amies chères, encouragée par l'adorable complaisance de nos camarades – comment ne pas y céder ?

Cette fois-ci, le bilan a donc été essayé en vidéo – occasion aussi de tester des outils et des formats pour d'autres expérimentations de Carnets sur sol, notamment l'idée de présenter les œuvres inédites avec un son produit maison, pour rendre les éloges d'inédits moins abstraits et pouvoir étendre la connaissance du répertoire aux amateurs non pourvus d'un piano. En voici deux essais avec l'acte I (piano seul) et l'acte II (piano et voix) du Vercingétorix de Félix Fourdrain, compositeur niçois dont on ne trouve quasiment rien nulle part – et auquel je consacrerai bientôt une notule.

Ce n'est évidemment pas plus que ce que ça prétend être : une conversation (devant une dizaine de spectateurs que nous connaissions quasiment tous personnellement) entre passionnés, une fenêtre où les curieux peuvent jeter un coup d'œil – mais sans aucun apprêt ni maîtrise technique, cela viendra peut-être un jour.

Ce bilan ne me dispense pas tout à fait d'écrire une notule – comme vous le voyez ; tout n'a pas été dit à l'antenne, et le format vidéo est moins aisé à compulser qu'un résumé écrit. Résumé que je vais donc vous livrer, d'autant plus succinct qu'il existe cette version développée.





1. Réponse aux questions des internautes

Avant de commencer, nous avons répondu aux questions fondamentales qui nous avaient été posées. (Je ne donne que mes réponses, pour celles des camarades, vous pouvez regarder la vidéo.)

Adalbéron Palatnįk : « Quel est le plus beau coup de glotte de l'année ? »
    Le coup de glotte n'est pas qu'une coquetterie, la pression subglottique peut être un paramètre très important dans l'organisation vocale, en particulier pour les rôles lourds : lorsqu'on veut émettre une note, en particulier aiguë, de façon nette (un aigu isolé, par exemple), on peut obturer le conduit d'air par l'épiglotte et tout relâcher d'un coup, créant un son puissamment soutenu (et générant au passage un « plop » caractéristique).
    Ce phénomène se trouve même phonématisé dans la langue danoise, où un mot peut changer de sens selon qu'il inclue ou non le coup de glotte (stød).
    La réponse n'est pas facile : j'ai entendu beaucoup de chanteurs et je n'ai pas catégorisé de la sorte. En salle, c'est probablement Ekaterina Semenchuk en Hérodiade (chez Massenet) qui faisait les plus audibles… mais à l'échelle de la saison d'opéra mondiale, c'est assurément Dorothea Röschmann qui aura fait les plus beaux (je ne l'ai pas entendue cette saison). C'est inhabituel dans Mozart, assurément, mais elle va chanter Isolde cette année à Nancy et à Caen, alors ce sera l'occasion de vérifier ce qui est davantage un pronostic qu'un bilan.

Grégounet : « Quel est le ploum-ploum de l'année, disque et spectacle ? »
    Ploum-ploum : Dans certaines communautés Twitter, désigne une forme de musique légère dont l'accompagnement fait ploum. Ce peut désigner les Italiens (Donizetti peut-être, Rossini surtout), mais il s'agit en général de nommer le répertoire léger français, d'Adam à Yvain en passant bien sûr par Offenbach (où la catégorie ploum-ploum fait régulièrement l'intersection avec la catégorie glouglou).
    Au disque, clairement Le Voyage dans la Lune d'Offenbach (Dumoussaud chez Bru Zane), grande fantaisie jubilatoire dans l'esprit du Roi Carotte, à la rencontre de peuples lunaires. Le final de la neige est particulièrement jubilatoire et irrésistible, surtout dans cette très belle réalisation. La production était donnée à Massy ces jours-ci et une autre passera à l'Opéra-Comique en début d'année prochaine.
    En salle, l'un des tout meilleurs Offenbach (avec les deux sus-cités), Barbe-Bleue, dans une production amateur de très haut niveau, par l'orchestre et les chœurs Oya Kephalê – qui produisent, chaque mois de juin que Dieu fait, un opéra d'Offenbach.

Romain Tristan : « Et le piano de l'année ?  Et l'orgue de l'année ? »
    Il y sera répondu dans les parties suivantes !

« Le dîner, avant ou après le concert ? »
    Tout dépend de votre microbiote… Pour ma part, comme je ne mange pas souvent, ce n'est pas toujours une question. Il faut étudier si vous êtes plutôt sensible au ventre vide plaintif ou aux assoupissements postprandiaux. Cela dit, dans le second cas, la structure canonique des concerts ouverture-concertos-symphonie permet avantageusement de siester avant l'entracte sans manquer la musique intéressante qui vient après.

« Laisser un pourboire ? »
(nous avons oublié d'y répondre, je donne donc une réponse plus détaillée ici)
    Le classique ne générant pas de recettes suffisantes, il est en général soit autoproduit dans de petites salles (concerts au chapeau ou billetterie helloasso / weezevent…), soit rendu accessible par des subventions dans les grandes salles publiques. Il existe quelques zones intermédiaires, comme le Théâtre des Champs-Élysées, où la programmation est soutenue par une institution publique (la Caisse des Dépôts et Consignations, sans laquelle il serait impossible d'équilibrer le budget avec les seules ressources de billetterie), mais sous la forme d'un mécénat de droit privé. Si bien qu'il s'agit d'un théâtre privé, répondant comme tel à un droit dérogatoire, spécifique aux théâtres parisiens. Alors que dans tous les autres corps de métier et partout en France, il est interdit de rémunérer un salarié sans une base fixe (d'où l'utilisation du statut d'auto-entrepreneur pour le nouvel lumpenprolétariat des livreurs à vélo)… les théâtres privés parisiens, eux, ont le droit de rémunérer leurs ouvreurs aux seuls pourboires. Ce n'est donc pas un mensonge – comme je l'ai d'abord cru à mon arrivée dans la région –, mais bel et bien leur unique source de rémunération.
    S'ensuivent un certain nombre d'abus (agressivité envers le public, corruption pour de meilleures places), particulièrement au Théâtre des Champs-Élysées dont la direction souhaite depuis longtemps supprimer pourboires et replacements sauvages, sans y parvenir. Pour les replacements, parce que Perret était un imposteur qui ne savait pas bâtir des angles, si bien qu'une large partie du théâtre (la moitié ?) voit au mieux les deux tiers de la scène en se penchant. 35€ pour voir 30% de la scène, c'est cher. Et une partie du public joue donc aux ninjas des coursives. Pour le pourboire, parce qu'il est en réalité plus rémunérateur que le salaire pour le peu d'heures travaillées, ce qui rend les ouvreurs peu enclins à renoncer à cet avantage paradoxal.
    C'est actuellement en cours de négociation au Théâtre des Champs-Élysées (à l'Athénée, ils ne réclament jamais rien et sont de toute façon adorables, on leur donne avec grand plaisir), mais ça dure depuis 2020 et n'a toujours pas abouti.
    Alors, laisser un pourboire ?  J'avoue que la perspective de payer son maton ne m'enchante pas – c'est vraiment l'ambiance au TCE, on paie la personne qui vous empêchera de vous asseoir à un meilleur siège vide –, mais considérant que c'est la seule rémunération qu'ils perçoivent, si jamais je me fais placer, je donne. Si je me place tout seul, non, je ne finance pas les emplois fictifs non plus.



2. 2022 : l'année Franck ?

En 2022, il y avait assurément beaucoup de choix !  De Scriabine, on n'aura guère eu que le concerto pour piano (deux fois à Paris, alors qu'il est plutôt rare d'ordinaire), quelques disques (souvent des couplages), et le nombre habituel de Poème de l'Extase. Vaughan Williams a été fêté au Royaume-Uni, guère ici. Quant aux autres, même ceux qui pourraient être emblématiques (l'importance de Goudimel dans la diffusion de la Réforme, Halphen juif dans la France antisémite et mort sur le front en 1917…), célèbres (Forqueray, E.T.A. Hoffmann, Xenakis), patrimoniaux en France (Chambonnières, Mondonville, Davaux, Séverac, Büsser) ou tout simplement rocambolesques (Dupuy), rien.

Vous pouvez en retrouver une liste agrémentée de conseils dans ces six épisodes qui m'ont occupé de l'automne 2021 à l'automne 2022 :

I – de 1222 à 1672 : Morungen, Mouton, Goudimel, Ballard, Benevolo, Gaultier, Chambonnières, Schütz, Schürmann, Forqueray, Kuhnau, Reincken…
II – de 1722 à 1772 : Benda, Mondonville, Cartelleri, Daquin, Triebensee…
III – 1822, Hoffmann, Davaux, Dupuy… : l'auteur de génie qui compose, l'inventeur véritable du métronome, la perte des Reines du Nord…
IV – 1872 (a), Moniuszko, Carafa, Graener, Alfvén : Pologne, Campanie, Reich, Suède
V – 1872 & 1922 : Hausegger, Halphen, Juon, Büsser, Perosi, Séverac, Vaughan Williams, Scriabine, Baines
VI – 1922 & 1972 : Popov, Leibowitz, Grové, Grofé, Amirov, Xenakis, Erkin, Bárta, Wolpe, Bryant…


Le grand vainqueur, c'est donc César Franck. En quantité, on a assez peu eu de concerts, à part une concentration de concerts dans les églises (par l'Orchestre Colonne, le CRR de Paris, Oya Kephalê et même quelques-uns à Radio-France) autour de la date de sa naissance (10 décembre). Heureusement, Bru Zane a remonté Hulda, dont la production à Fribourg, malgré la qualité des interprètes mandatés, ne rendait pas du tout justice. Outre ses influences wagnériennes (rien à voir avec l'italianisant Stradella, par exemple), on pouvait profiter d'un livret particulièrement étonnant – dans l'esprit de Psycho de Hitchcock, quasiment tous les personnages principaux sont massacrés aussitôt qu'on les a présentés !

Au disque, trois disques ont marqué l'année.

¶ Une belle intégrale des mélodies (qui s'étendent de l'épure de la dévotion d'église à la sophistication chromatique) par Christoyannis, Gens et Cohen.
¶ Le ballet intégral de Psyché par Kurt Masur à Verbier – un chef-d'œuvre, l'œuvre la plus lyrique de tout Franck, et à la fois très rarement donnée, encore plus rarement en entier, et quasiment jamais par des interprètes de premier plan.
¶ L'intégrale de la musique de chambre chez Fuga Libera (Trio Ernest, Quartetto Adorno, Miguel Da Silva, Gary Hoffman, Franck Braley…), qui permettait notamment d'entendre les rares Trios piano-cordes, qui sont des chefs-d'œuvre très bien bâtis et particulièrement élancés.

Côté intégrale pour orgue, il y a eu à boire et à manger (quelques-unes à la finition moyenne sur des Cavaillé-Coll immondes), mais on avait déjà du choix de ce côté-là. C'est davantage le Franck lyrique (mélodies, liturgie, opéra) qu'il fallait remettre à l'honneur. Ce fut fait, sans grand tintamarre à destination du grand public, mais les mélomanes curieux avaient la possibilité d'en profiter.



3. Géopolitique et musique

Le fait qui a bouleversé notre perception du monde et nos existences (économiques, du moins) n'a pas été sans conséquence sur notre représentation de l'histoire musicale du monde. Devant ce qui s'annonçait comme une dévastation systématique de l'Ukraine, on ne pouvait pas faire grand'chose… sauf peut-être s'intéresser à un patrimoine immatériel qui, même lui, sera possiblement en danger dans les prochaines années.

J'ai été un peu déçu, je l'avoue, du peu de concerts thématiques sur le sujet (qu'on aurait pu introduire par des conférences), et les disques parus sont plutôt des concepts d'hommage (chansons traditionnelles notamment). Même à Paris, à part le concert d'Igor Mostovoï au Châtelet, le concert du Symphonique de Kiev à la Cité de la Musique et les quelques propositions du « Week-end à l'Est » consacré à Odessa (concert vocal à Saint-Germain et concert symphonique au Châtelet, tous deux organisés par le Châtelet, et à nouveau Mostovoï), on n'a pas croulé sous l'offre. Quelques récitals de piano (partiellement) composés de compositeurs ukrainiens. Mais aucune maison n'a tenté de monter (ou d'inviter une troupe) un opéra ukrainien, un cycle de symphonies, une saison thématique. Je sais qu'il faut du temps pour mettre sur pied ce genre de projet, mais je crains que si cela n'a pas été fait sous l'impulsion de l'émotion, maintenant que le conflit s'est installé dans la durée et que plus personne ne joue l'hymne ni ne dédie son concert à l'Ukraine, ce ne sera pas la saison prochaine que la Philharmonie (et encore moins l'Opéra de Paris) proposeront un grand cycle thématique. (Il y aura bien un week-end spécial dans la prochaine saison de la Philharmonie, bien sûr, dans l'air du temps, mais je doute qu'on bénéficie d'une exploration systématique.)

Pour le disque, le délai de publication étant toujours long (un an en général entre la captation et la mise sur le marché), nous verrons. Quelques récitals de chansons ukrainiennes jusqu'ici, mais c'est à peu près tout.

De mon côté, à défaut de pouvoir aider, je voulais comprendre, et dans la mesure du possible participer à la sauvegarde d'une culture qui sera potentiellement en danger (que sont devenus ces chœurs polyphoniques de vieilles dames ? seront-ils transmis ?). Pour la musique traditionnelle, le Polyphony Project a effectué un travail inestible de recensement et d'immortalisation.

Pour un propos plus détaillé, je parle sur Twitter de quelques spécificités de la musique ukrainienne et en présente également quelques dizaines des principaux compositeurs, avant de le développer en essayant de l'articuler à diverses problématiques, dans cette série de notules.

Après écoute d'un peu plus de 80 disques, de quelques enregistrements hors commerce et concerts, après quelques lectures aussi, j'ai quelques éléments à souligner.

¶ Comme la musique russe, la musique ukrainienne utilise énormément de thèmes folkloriques. Essentiellement ceux  contenus dans la collection Lvov-Prač, la seule disponible au XIXe siècle. Recueil inestimable, qui ne distingue pas entre les mélodies populaires russes et ukrainiennes, qui circulent donc beaucoup aussi bien chez les compositeurs russes qu'ukrainiens. (Mais Lysenko va aussi effectuer lui-même des relevés.)

La musique russe et la musique ukrainienne ne se distinguent pas fondamentalement à l'oreille. Elles ont des principes communs (les modes harmoniques utilisés, le goût pour le lyrisme et le folklore, le rhapsodisme plutôt que la grande forme, etc.), mais cette absence de distinction est aussi due à la situation politique.
    ¶¶ Lorsque des compositeurs ukrainiens, comme ceux qui sont présentés comme les trois premiers compositeurs russes (Berezovsky, Bortniansky, Vedel) sont repérés comme talentueux après leurs études en Ukraine, ils sont recrutés pour la chapelle impériale de Saint-Pétersbourg, où ils sont formés par des compositeurs italiens (et pour deux d'entre eux, partent temporairement étudier et exercer en Italie). Les premiers compositeurs russes sont d'abord des compositeurs… ukrainiens. Comme les commandes et le pouvoir sont en Russie, ils partent s'y perfectionner et y vivre.
    ¶¶ De même, s'il existe peu d'opéra ukrainien, par exemple, c'est que l'oukase d'Ems (en 1876, au moment précisément où la culture spécifique ukrainienne commence à être abondamment mise en valeur) interdit l'impression de textes en langue ukrainienne. Dans le même esprit, le mot « ukrainien » (qui veut déjà dire habitant « de la Marche », c'est-à-dire « du truc dont on se sert pour que les ennemis les bolossent avant nous ») est banni est remplacé par « petit-russien », qui n'est donc pas tant un terme affectif qu'une marque de domination. J'ai été frappé par le fait qu'on retrouve exactement la même rhétorique de la fraternité que dans le discours officiel russe actuel, mais une fraternité oppressive, celui du grand qui a autorité sur le petit et qui se pense des droits sur lui.
                → Il est donc exact que la musique ukrainienne se distingue peu de la musique russe… mais si cette école musicale ukrainienne ne s'est pas singularisée, c'est d'abord qu'il ne lui était pas possible, politiquement, de le faire !

Beaucoup de compositeurs que nous pensons comme russes sont en réalité ukrainiens : Berezovsky, Bortniansky, Vedel, Glière (qui utilise beaucoup de thématiques proprement ukrainiennes), Roslavets, Feinberg, Ornstein, Mosolov… sont nés en Ukraine et y ont (sauf Roslavets) été formés !  (Je trouve incroyable qu'on ne le sache pas davantage pour Mosolov, par exemple !)
On peut y ajouter quelques cas plus ambigus : Anton Rubinstein (fondateur du Conservatoire de Moscou et grand représentant de la culture russe de référence), né à Ofatinți, partie de la Transnistrie rétrocédée à la Moldavie en 1940… mais dont une fine bande de terre à été redonnée à l'Ukraine !  Gavriil Popov, né à Novocherkassk, qui a toujours été en Russie, mais qui était l'ancienne capitale des Cosaques – qui sont à l'origine de la formation de l'Ukraine moderne – si bien que culturellement, on pourrait l'inclure dans la sphère d'influence ukrainienne. Enfin Sergueï Prokofiev, né à Sontsivka, à l'Ouest de Donetsk, est considéré comme russe mais est pourtant bel et bien né dans un territoire ukrainien (et au recensement de 2001, plus de 92% de la population avait l'ukrainien pour langue maternelle !).
Voilà qui fait un certain nombre des plus grands compositeurs russes nés (et pour beaucoup formés) en Ukraine !




4. Spectacles

Pour les comptes-rendus, je vous renvoie à la vidéo ou aux commentaires faits après chaque concert sur Twitter (mot-dièse #ConcertSurSol).

Tentative de podium :

1. Barbe-Noire d'Ambroise Divaret au CRR
2. Marie Tudor au CNSM
3. Der Schatzgräber de Schreker à Strasbourg
4. Le Destin du Nouveau Siècle de Campra (où, sans contrainte, le compositeur se lâche totalement)
5. Doubles chœurs de Rheinberger & Mendelssohn par le Chœur de Chambre Calligrammes
6. La Nativité de Messiaen par les élèves de Sylvie Mallet au CRR
7. Phryné de Saint-Saëns à l'Opéra-Comique
8. Rheingold par Nézet-Séguin au TCE
9. Suite de Rusalka d'Ille & Honeck à la Maison de la Radio
10. Programme franco-italien du Poème Harmonique avec Eva Zaïcik à la Fondation Singer-Polignac
11. Journée à la Roche-Guyon du festival Un Temps pour Elles (3 concerts, 3 violoncellistes de mon top 5 : Luzzati, Legasa, Phillips !)
12. Trio n°3 de Frank Bridge avec Christine Lagniel à l'Amphi Bastille
13. Schubert et Chostakovitch par le Quatuor Belcea au Théâtre des Champs-Élysées

Et aussi…
Bru Zane : Hulda TCE
Larcher PP
Neojiba Cerqueira PP
Schmitt Psaume 47 MR
Stockhausen Freitag PP
Tailleferre opéras-minute au CNSM
Turangalila Salonen PP
Elektra à Bastille
Cendrillon de Massenet à Bastille
Vestale Spontini TCE
Roi Carotte Oya Kephalê
Parsifal Bastille
Karawane PP
Ariane & Bacchus Marais TCE
Thaïs TCE

J'ai un peu oublié les bides, mais je me souviens de mêtre ennuyé ferme pour A Quiet Place de Bernstein à Garnier, et m'être demandé pourquoi jouer des œuvres rares qui ne sont pas propres à soulever l'enthousiasme, quand le choix est si vaste parmi les chefs-d'œuvre ? (réalisation par ailleurs assez terne)

Parmi les moments forts, deux histoires à vous partager.


Benjamin Bernheim, alors qu'on lui fait un entretien de complaisance, en profite pour faire longuement l'éloge de son pianiste. Un ténor qui ne parle pas de lui, et en plus qui complimente son accompagnateur alors que ce n'est même pas la question posée, je ne pensais pas voir ça un jour. (et ça m'a ému)


¶ Reprise de Robert le cochon et les kidnappeurs de Marc-Olivier Dupin à l'Opéra-Comique.
Un véritable traumatisme (que je vous raconte à la fin de la vidéo).

Il s'agissait de la reprise d'un spectacle destiné au jeune public, par l'adroit compositeur du Mystère de l'écureuil bleu, qui sait manier les références et écrire de la musique à la fois nourrissante et accessible. Mais cette fois…
 
D'abord, peu d'action, beaucoup de numéros assez figés, aux paroles plutôt abstraites… j'ai pensé à l'opéra italien du XIXe siècle et à ses ensembles où chaque personnage évoque son émotion, son saisissement… pas forcément la temporalité adaptée pour les moins de dix ans.
 
Ensuite, le propos éducatif était… déroutant. La méchante, c'est la propriétaire de la décharge qui veut simplement conserver un peu d'ordre alors que Mercibocou le loup et Nouille la Grenouille cassent et mettent tout en désordre. Robert le Cochon, en voulant parlementer pour sauver son ami le loup, prisonnier (personne ne l'a kidnappé, il a surtout été arrêté alors qu'il commettait un délit…), se fait éjecter. Mais il trouve la solution, la seule fructueuse, pour être entendu : il apporte une hache. Et là tout le monde s'enfuit et il peut délivrer son ami. (La violence ne résout rien, mais quand même, elle rend tout plus facile. Prenez-en de la graine les enfants.)

Et surtout, des images traumatiques. Nouille la grenouille est éprise de Mercibocou le loup, mais elle est surtout passablement nymphomane. Elle s'éprend aussi du chasseur de loup embauché par la directrice de la décharge, lui fait une cour éhontée, s'empare d'une « machine d'amour » pour le forcer à l'aimer. Âmes sensibles comme je le suis, ne lisez pas ce qui va suivre.
Nouille attrape alors le chasseur de loup, qui se débat, elle le tire par les pieds alors qu'il s'accroche désespérément au plancher en criant « je ne veux pas ! », et l'emporte dans la fusée où elle le viole – hors du regard du public, mais dans la fusée au milieu de la scène, tout de même –, et lui appliquant la « machine d'amour », le tue. Elle sort alors en pleurant et traîne le cadavre du chasseur sur toute la scène.
Oui, parfaitement, dans un opéra pour enfant, l'un des principaux personnages présentés comme sympathiques viole un autre personnage, sur scène, avant le tuer et de se promener partout avec son cadavre ! 
Pour mettre à distance un peu cette scène, on nous apprend, une demi-heure plus tardi (sérieusement ?  j'ai eu le temps de développer deux ou trois névroses dans l'intervalle…), qu'en réalité ce n'était pas un véritable homme mais une baudruche. Je ne sais pas si c'est vraiment mieux : on sous-entend ainsi que si vous voulez violer quelqu'un mais qu'il se révèle par accident n'être pas véritablement un humain, alors vous n'avez rien à vous reprocher. Quant au procédé même de catégoriser un personnage en non-humain pour mieux pouvoir le torturer, je ne suis pas trop sûr non plus de ce que j'en pense exactement… mais mon ressenti ne valait clairement pas assentiment !

J'ai vraiment peine à comprendre comment personne, dans le processus de création, librettiste, compositeur, metteur en scène, producteurs, interprètes, professionnels de la maison, public interne des filages, public de la prémière série en 2014… n'a demandé à un moment « mais le viol sur scène suivi de meurtre et d'exhibition du cadavre avant de le décréter sous-homme, est-ce totalement la meilleure idée pour un opéra jeune public ? ». Dans un opéra décadent comique du milieu du XXe siècle, ça aurait pu être amusant, mais dans au premier degré dans un opéra pour enfants, j'en suis resté traumatisé – et je l'ai raconté par le menu à tous ceux qui ont eu l'imprudencede me demander ce que j'avais vu de marquant dernièrement.


Le bilan de tout cela reste quand même que sur les 6 meilleurs spectacles de l'année, je recense trois spectacles d'étudiants et un concert d'amateurs !  Honnêtement, cela vaut la peine d'aller voir, surtout au CNSM où le niveau est très élevé (niveau pro, l'enthousiasme des débuts en sus). Les concerts des conservatoires sont toujours gratuits de surcroît ! 
Le recensement n'est pas toujours évident (c'est annoncé peu de temps à l'avance, dans des sites fastidieux à consulter, date à date), aussi je vous rappelle que je maintiens à cet effet un agenda des concerts franciliens où j'inclus et mets en avant les soirées intéressantes. Les spectacles avec mise en situation théâtrale au CNSM (la classe d'Emmanuelle Cordoliani en particulier) me fournissent chaque année des expériences parmi les plus originales et marquantes de la saison.

C'est un peu tôt (en général à 19h), mais si vous avez la possibilité de partir un peu en avance ou si vous posez occasionnelle des après-midis de congé, courez-y, beaucoup n'osent pas, mais on est tout à fait bienvenu, c'est fait pour et disposer d'un public aide à la formation de ces jeunes !  Et le résultat est en général très enthousiasmant (pour les grands spectacles baroques du CRR, les auditions de ses classes d'instrument ou à peu près tout au CNSM).



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5. Nouveautés discographiques : œuvres

Difficile de sélectionner (mon fichier d'écoutes de 2022 fait un millier de pages, plusieurs heures d'écoutes quotidiennes et peu de redites…)

Je tente un petit palmarès.

1. Eben – intégrale d’orgue vol.1 : Job, Fantasia Corale, Laudes… – Janette Sue Fishell (Brilliant Classics 2022) ♥♥♥
→ Ensemble assez incroyable de bijoux… je découvre la densité du langage (très accessible cependant) de la Fantasia Corale, une certaine parenté avec Messiaen, en moins exagérément idiosyncrasique… Et une très belle version de Job, l’une des plus belles et ambitieuses œuvres pour orgue du XXe siècle, avec récitants anglais.
→ Très belles versions, tendues, bien registrées, bien captées… et l’on n’avait de toute façon, que des bouts de choses jusqu’ici. Début d’une série absolument capitale.

2. Winter, Schack, Gerl, Henneberg, P. Wranitzky, Salieri, Haydn, Mozart – « Zauberoper », airs d’opéras fin XVIIIe à sujets magiques – Konstantin Krimmel, Hofkapelle München, Rüdiger Lotter (Alpha 2022) ♥♥♥
→ Encore un carton plein pour Krimmel. Un des plus passionnants (et ardents !) récitals d’opéra de tous les temps. Voilà. (Et il y a beaucoup d’autres compositeurs que « Mozart Haydn Salieri » dans cet album).
→ Document passionnant regroupant des inédits de première qualité (enfin un peu du génial Oberon de Pavel Vranický au disque !) interprétés avec ardeur, et dits avec une saveur extraordinaire. (Je vous recommande chaleureusement son récital de lieder Saga, exceptionnel lui aussi.)
→ Par ailleurs une très belle voix, bien faite, qui ne cherche pas à s’épaissir contre-productivement et conserve sa clarté malgré les formants très intenses qui permettent à la voix de passer l’orchestre.

3. Campra – Le Destin du Nouveau Siècle – Valiquette, Lefilliâtre, Vidal, Mauillon, Van Essen ; La Tempest, Bismuth (CVS)
→ Campra, dans ce sujet purement allégorique où les sujets de la Guerre et de la Paix expriment leurs émotions (!), peut s'en donner à cœur joie et ne rien brider de son imagination musicale. Ébouriffant. (Et quelle distribution, bon sang.)

4. Saint-Saëns – Phryné – Valiquette, Dubois, Dolié ; Rouen, Niquet (Bru Zane 2022) ♥♥♥
→ Intrigue déjà utilisée par Don Pasquale, Das Liebesverbot, Die schweigsame Frau…
→ Nous n'avions qu'une bande de la RTF mal faite, et c'est ici la révélation, toutes ces saveurs dans tous les sens. Court et absolument jubilatoire.

5. Ireland, Stanford, Coleridge-Taylor, Clarke, Liszt – Sonates & autres pièces pour piano – Tom Hicks (Divine Art 2022) ♥♥♥
→ Très beau corpus pianistique anglais… la Sonate d’Ireland manifeste une grande ambition, postdebussyste (mais avec une forme thématique plus charpentée), et regorge de séductions.
→ Et, divine surprise, la version de la Sonate de Liszt échappe totalement à la virtuosité fulgurante qui m’exaspère d’ordinaire : Hicks travaille véritablement l’harmonie (très claire, mais il crée parfois des sortes d’appoggiature en laissant chevaucher la pédale), la structure, le son n’est pas le plus brillant du marché, mais la réalisation est l’une des plus éloquentes !  J’ai l’impression de découvrir – enfin ! – l’intérêt que les mélomanes lui portent.

6. Eleanor Alberga – Concertos pour violon 1 & 2 – Pearse, Bowes, BBC National Orchestra of Wales, Swensen (Lyrita 2022) ♥♥♥
→ Compositrice. Noire. Toutes les raisons de ne pas être jouée… et à présent toutes les raisons d’être réessayée. Vraiment dubitatif lors du concerto pour violon n°2 qui ouvre le disque, assez plat. En revanche le cycle de mélodies est marquant, et surtout l’incroyable premier mouvement du Premier Concerto, dans un goût quelque part entre Mantovani et Berg, de grandes masses orchestrales contrapuntiques menaçantes, mais tonales et très polarisées. Assez fantastiquement orchestré !

7. Pijper, (Louis) Andriessen, (Leo) Smit, Loevendie, Wisse, Henkemans, Roukens – « Dutch Masters », œuvres pour piano à quatre mains – Jussen & Jussen (DGG 2022) ♥♥♥
→ Panorama très varié (du postromantique décadent étouffant de Pijper à l’atonalité dodécaphonique avenante de Louis Andriessen en passant par les debussysmes de Smit) de ce fonds musical incroyablement dense pour un pays à la démographie aussi modeste. (Ma nation musicale chouchoute d’Europe avec les Danois, je me fais très souvent des cycles consacrés à l’un ou l’autre, avec un émerveillement récurrent.)
→ Pour finir, un étonnant concerto très syncrétique de Roukens, manifestement inspiré à la fois par le jazz, varèse et la musique grand public !  (et sans facilité, vraiment de la très bonne musique)

8. Maria Bach – Quintette piano-cordes, Sonate violoncelle-piano, Suite pour violoncelle seul – Hülshoff, Triendl (Hänssler 2022) ♥♥♥
→ Œuvres denses et avenantes à la fois, culminant dans cette Suite pour violoncelle qui m’évoque Elias de Mendelssohn : on y sent sans équivoque l’hommage à Bach, mais un idiome romantique plus souple et expressif qui me séduit considérablement. Oliver Triendl fait des infidélités à CPO et, de fait, les œuvres communes au disque CPO y sont plus ardentes.
&
Maria Bach – Quintette piano-cordes, Quintette à cordes, Sonate violoncelle-piano– (CPO 2022) ♥♥
→ Quintette à cordes de toute beauté, germanique mâtiné d’influences françaises. Thèmes fokloriques russes très audibles.

9. Hans Sommer – Lieder orchestraux – Mojca Erdmann, Vondung, Appl ; Radio Berlin (ex-Est), (PentaTone 2022) ♥♥♥
→ Généreux postromantisme sur des textes célèbres, très bien orchestré et chanté par des diseurs exceptionnels (Vondung, et surtout Appl). Coup de cœur !

10. Schütz, Gagliano, Marini, Grandi & Roland Wilson – Dafne – Werneburg, Hunger, Poplutz ; La Capella Ducale, Musica Fiata, Roland Wilson (CPO 2022) ♥♥♥
→ Si la reconstruction d’un opéra perdu peut paraître une pure opération de communication – la preuve, je me suis jeté sur ce disque alors même que je savais qu’il ne contenait pas une mesure de Dafne ! –, le projet de Roland Wilson est en réalité particulièrement stimulant.
→ En effet, partant de l’hypothèse (débattue) qu’il s’agissait bel et bien d’un opéra et pas d’une pièce de théâtre mêlée de numéros musicaux, il récupère les récitatifs de la Dafne de Gagliano (qui a pu servir de modèle), inclut des ritournelles de Biagio Marini, un lamento d’Alessandro Grandi (ami de Schütz), et surtout adapte des cantates sacrées de Schütz sur le livret allemand qui, lui, nous est parvenu. (Wolfgang Mitterer a même fait un opéra tout récent dessus…)
→ Le résultat est enthousiasmant, sans doute beaucoup plus, pensé-je, que l’original : énormément de danses très entraînantes, orchestrées avec générosité, un rapport durée / saillances infiniment plus favorable que d’ordinaire dans ce répertoire (même dans les grands Monteverdi…). Ce n’est donc probablement pas tout à fait cohérent avec le contenu de l’original, mais je suis sensible à l’argument de Wilson : c’est l’occasion d’entendre de la grande musique du temps que, sans cela, nous n’aurions probablement jamais entendue !  (Et dans un cadre dramatique cohérent, ajouté-je, ce qui ne gâche rien.) → Les deux ténors sont remarquables, l’accompagnement très vivant, et surtout le choix des pièces enthousiasmant !

10. Vladigerov – « Orchestral Works 3 » – Chambre Bulgare, Radio Nationale Bulgare, Vladigerov (Capriccio 2022) ♥♥♥
→ Remarquablement écrit tout cela !  Tonal et stable, mais riche, plein de couleurs, de climat, de personnalité, et surtout un élan permanent. Un grand compositeur très accessible et très méconnu.
→ Si le Poème juif se révèle l’héritier d’un postomantisme germanique généreux et décadents, les Impressions de Lyutin sont marquées par l’influence des motorismes soviétiques, tandis que le dernier des 6 Préludes Exotiques porte, lui, la marque éclatante du Ravel le plus expansif !  Et à chaque fois, sans pâlir du tout devant ses modèles, et non sans une personnalité réellement décelable.
→ D’autres choses sont moins marquantes, mais pas sans valeur, comme le lyrisme filmique de l’Improvisation & Toccata, qui a quelque chose de Max Steiner et Korngold…
→ Clairement le meilleur album de la série, trois disques de merveilles.

11. Czerny, Sonate n°6 / Schubert, Sonate D.958 en ut mineur – Aurelia Vişovan (Passacaille 2022) ♥♥♥
→ Encore un coup de maître d’Aurelia Vişovan… Première fois de ma vie que je suis passionné par une sonate de Schubert (hors peut-être la dernière). Quelle puissance rhétorique implacable, et sur un joli blong-blong en sus !
→ Très belle sonate (en sept mouvements !) de Czerny également.
→ Découvrez absolument aussi son disque Hummel / Beethoven !

12. Noskowski – Quatuors n°1 & 2 – Four Strings Quartet (Acte Préalable 2022) ♥♥♥
→ Le 2 est un bijou de lyrisme intense, quoique pas du tout « douloureux » comme le prétendent les indications de caractère des mouvements, au contraire d’un élan lumineux remarquable !

13. Taneïev – Trio à cordes Op.31, Quatuor piano-cordes Op.20 – Spectrum Concerts Berlin (Naxos 2022) ♥♥♥
→ Le Trio est rarement enregistré, petite merveille jouée avec des cordes d’une intensité d’attaque, d’une résonance, d’une précision d’intonation assez vertigineuses. Et le Quatuor, toujours aussi puissamment inspiré dans ses élans mélodiques… Disque miraculeux.

14. Pachelbel – Les Fugues Magnificat – Space Time Continuo (Analekta 2022) ♥♥♥
→ Oh, quelle merveille !  Des fugues distribuées à différents ensembles : théorbe, orgue ou consort de violoncelles, parfois même au sein de la même fugue. La matière en est très belle (cette Chaconne en fa mineur !) et la réalisation suprême.

15. Charlotte Sohy – Œuvres avec piano (dont mélodies) – Garnier, Nikolov, Phillips, Luzzati, Oneto Bensaid, Kadouch, Vermeulin (La Boîte à Pépites 2022) ♥♥♥
→ Première publication de ce label qui a déjà fourni beaucoup de matière en musique féminine de premier plan (cf. son calendrier de l’Avent récent ou le festival Un Temps pour Elles qui lui est lié).
→ Ce volume contient des pièces pour piano, des mélodies (les très belles Chansons de la Lande, qui ont clairement entendu Duparc), de la musique de chambre, en particulier le miraculeux trio, dont le traitement thématique est absolument fascinant. (Et quels artistes possédés par leur sujet, dans le trio tout particulièrement !)
→ Les pièces pour piano m’ont paru moins essentielles, davantage tournées vers le caractère, la décoration, le salon. À réécouter.

Mais il y a aussi :

Ibert : Le Chevalier errant
Messiaen : Chronochromie
Jarre (Maurice) : Concertino pour percussions et cordes
Mihalovici : Symphonie n°2, Toccata pour piano & orchestre
Milhaud : L’Homme et son désir
Roussel : Concert, Suite en fa, Symphonie n°3
Honegger : Symphonie n°3
Debussy : Marche écossaise, Berceuse héroïque, Faune, Nocturnes, La Mer, Jeux
Ravel : Alborada, Oye
⇒ Radio de Baden-Baden, Hans Rosbaud (SWR Classic 2022) ♥♥♥
→ 4 CDs dans un son clair très réaliste et physique, avec une direction acérée et tendue… Ibert extraverti, Messiaen totalement déhanché et débridé, Honegger frénétique, Debussy tranchant… vraiment un concentré de bonheur, de bout en bout… et avec quelques véritables raretés, comme le remarquable Chevalier Errant d’Ibert, ou bien sûr Maurice Jarre et les pièces de Mihalovici.

Perosi – Quintettes piano-cordes 1 & 2, Trio à cordes n°2 – « Roma Tre Orchestra Ensemble » : Spinedi, Kawasaki, Rundo, Santisi, Bevilacqua (Naxos 2022) ♥♥♥
→ On a beau être mélomane de longue date, la vie peut toujours réserver des surprises : en deux jours, moi qui trouvais le genre du Trio à cordes assez peu fulgurant, je viens de découvrir les deux plus beaux trios que j'aie entendus, et que je n'avais jamais écoutés !  Après Taneïev, voici Perosi n°2.
→ Le feu qui traverse cette œuvre est assez grisant, sans effets de manche ni épanchements superficiels. (Les Quintettes sont très beaux aussi, mais je les connaissais déjà.)

Fauchard – Intégrale pour orgue – orgue de Detmold, Flamme (CPO 2022)♥♥♥
→ Des aspects Vierne, mais aussi un grand nombre de citations de thèmes liturgiques, en particulier dans la Symphonie Mariale que je trouve particulièrement réussie, évocant les Pièces de Fantaisie de Vierne, mais dans une perspective structurée comme un Symphonie de Widor.
→ La Symphonie Eucharistique est encore plus impressionnante en développant davantage et ressassant moins. Quelques contrastes incroyables (dans le II « Sacrifice » !).
→ De la grande musique pour orgue – si vous aimez les grandes machines évidemment. (J’ai songé aux aplats enrichis du Job d’Eben en plus d’une occurrence dans la Quatrième Symphonie, et c’est un beau compliment.)

Bach (Suite n°1), Duport, Piatti, Battanchon, Hindemith (Sonate n°3), Sollima (Sonate 1959), Casals, Rostropovitch, Matt Bellamy – « Le Chant des Oiseaux » – Thibaut Reznicek (1001 Notes 2022) ♥♥♥
→ Programme puissamment original, qui parcourt des pans majeurs de l’œuvre pour violoncelle seul, un Bach sublime mais aussi de passionnants Battanchon et Hindemith, un touchant Sollima (cette simplicité qui touche toujours juste, encore plus peut-être que dans ses délectables Quatuors…). Et Reznicek en gloire, l’un des grands violoncellistes d’aujourd’hui, doté d’un grain et d’une musicalité qui ont peu d’équivalent sur la scène actuelle.

Edelmann, Persuis, Gluck, Monsigny, Grétry, J.-C. Bach, Dalayrac, Cherubini – « Rivales », scènes d’opéra rares du XVIIIe – Gens, Piau, Le Concert de la Loge Olympique, Chauvin (Alpha 2022)
→ J'ai vu le CD « Rivales », je me suis dit « oh non, encore un récital téléphoné à base de joutes vocales fantasmées ». En réalité, recueil de grandes scènes dramatiques françaises fin XVIIIe jamais enregistrées. Et interprétation aux couleurs et inflexions extraordinaires !
→ Les figuralismes de l’abandon d’Ariane (rugissements de bêtes, tempête maritime…) chez Edelmann sont absolument incroyables ; mais aussi le grand récit de Démophoon de Cherubini, et évidemment « Divinités du Styx » par Gens.



6. Nouveautés discographiques : versions

Et bien sûr des choses moins neuves, mais dans des interprétations miraculeuses.

LULLY – Acis & Galatée – Bré, Auvity, Crossley-Mercer, Tauran, Cachet, Getchell, de Hys, Estèphe ; Chœur de Chambre de Namur, Les Talens Lyriques, Rousset (Aparté 2022) ♥♥♥
→ Tout l’inverse du parti pris esthétique du Zoroastre paru la même semaine : déluge de couleurs variées et de dictions affûtées (mention particulièrement à Bénédicte Tauran, particulièrement charismatique). Immense proposition de toute l’équipe.

Purcell – Dido & Aeneas – Les Argonautes, Jonas Descotte (Aparté 2022) ♥♥♥
→ Incroyable !  Purcell joué comme du LULLY. Voix fines et expressives (à l’accent français plus délicieux qu’envahissant), couleurs orchestrales magnifiques, et le tout dans une finition d’une perfection absolue. Voilà qui rejoint d’emblée García Alarcón sur le podium des versions les plus intenses de cette œuvre pourtant rebattue !
→ Les danses, que j’ai toujours trouvées moins passionnantes que les récitatifs (quelle surprise…) se révèlent ici absolument irrésistibles. (Et les récitatifs restent fabuleux aussi.)
→ J’espère que cet ensemble ira loin, et fera la promotion du répertoire français en complément d’autres bien en cour actuellement, mais aux postures plus hédonistes (Les Surprises, Les Ambassadeurs font de l’excellent travail, mais ce n’est pas l’esthétique qui fonctionne le mieux dans ces musiques, à mon sens…).

Voříšek, Mozart – Symphonie en ré Op.23, Symphonie 38 – Gewandhaus O, Blomstedt (Accentus Music 2022) ♥♥♥
→ Contre toute attente, après des Brahms plutôt impavides et indolents, un Mozart plein de vie et d’aspérité : certes tradi, mais un tradi vibrillonnant, qui ne se contente jamais d’énoncer les formules mais les accompagne et leur insuffle un feu permanent. Une des plus belles versions que j’aie entendues, pour moi qui ai pourtant tendance à privilégier le crincrin crissant et le pouêt-pouêt couaquant !  Une partie du plaisir provient aussi de l’exécution intégrale, avec les reprises (18 minutes pour le premier movement, et 12 pour l’andante !), ce qui permet de goûter pleinement les équilibres formels et les trouvailles merveillleuses de notre (presque) vieux Mozart.
→ La Symphonie en ré de Voříšek est elle aussi extraordinairement réalisée, Blomstedt mettant en valeur son très grand potentiel dramatique, ses parentés avec Mozart dans la recherche harmonique, la variété de ses climats (des contrastes impressionnants dans le mouvement lent). Elle ne m’avait pas du tout autant frappé, et pour cause, dans l’excellente version Goebel.

Weber, Schubert, Schumann – Lieder orchestrés, airs d’opéra (Alfonso und Estrella, Euryanthe…) – Devieilhe, Fa, Degout ; Pygmalion, Pichon (HM 2022) ♥♥♥
→ Le projet ne m’enthousiasmait pas, mais le choix des œuvres (de très beaux airs de baryton de Weber et Schubert, rarement gravés en récital) et leur réalisation sur instruments anciens, débordant de couleurs et de textures, est absolument superlative. Je suis resté sonné par l’intensité de la réalisation – et Degout, qui n’est pas mon chouchou, est en forme olympique !
→ Du même degré de réussite que l’album « Mozart inachevés » de Pygmalion.

Schumann – Quatuors piano-cordes, Märchenerzählungen (version avec violon) – Dvořák PiaQ (Supraphon 2022) ♥♥♥
→ Je découvre avec stupéfaction qu’il existe un autre quatuor piano-cordes de Schumann… et qu’il vaut de surcroît son génial autre !  (Version formidable aussi.)

Meyerbeer – Robert le Diable – Morley, Edris, Darmanin, Osborn, Courjal ; Opéra de Bordeaux, Minkowski ♥♥
→ Je reste toujours partagé sur cette œuvre : les actes impairs sont des chefs-d’œuvre incommensurables, en particulier le III, mais les actes pairs me paraissent réellement baisser en inspiration. Et certaines tournures paraissent assez banales, on n’est pas au niveau de finition des Huguenots, où chaque mesure sonne comme un événement minutieusement étudié. Pour autant, grand ouvrage électrisant et puissamment singulier, bien évidemment !
→ Comme on pouvait l’attendre, lecture très nerveuse et articulée. Courjal, que je trouvais un peu ronronnant ces dernières années, est à son sommet expressif, fascinant de voix et d’intentions. Bravo aussi à Erin Morley qui parvient réellement à incarner un rôle où l’enjeu dramatique, hors de son grand air du IV, paraît assez ténu par rapport aux autres héroïnes meyerbeeriennes – avant tout un faire-valoir.
→ Très (favorablement) étonné de trouver ce chœur, qui bûcheronnait il y a quinze ans, aussi glorieux – son à la fois fin mais dense, ni gros chœur d’opéra, ni chœur baroque léger, vraiment idéal (seule la diction est un peu floue, mais il est difficile de tout avoir dans ce domaine).

Gluck, Rossini, Bellini, Donizetti, Halévy, Berlioz, Gounod, Massenet, Saint-Saëns – « A Tribute to Pauline Viardot » – Marina Viotti, Les Talens Lyriques, Christophe Rousset (Aparté 2022) ♥♥♥
→ Voilà, pour une fois, un récital intelligent, qui tient les promesses de son titre : le répertoire de Pauline Viardot, sur instruments d’époque, par une voix exceptionnelle, d’une très belle patine mais brillante, à la diction affûtée, à la projection manifestement aisée, maîtrisant aussi bien la cantilène profonde que la déclamation dramatique ou l’agilité la plus précise.
→ Orphée, La Juive, La Favorite, Les Troyens sont d’éclatantes réussites, qui offrent à la fois une qualité supérieure de diction et d’expression… mais aussi un accompagnement d’un caractère et d’une singularité qui renouvellent véritablement l’écoute !

Czerny – Nonette – Brooklyn Theatre Salon Ensemble (Salon Music 2022) ♥♥♥
→ Une nouvelle version du Nonette !  Timbres moins parfaits que chez le Consortium Classicum, mais la prise de son est encore plus aérée et détaillée, beaucoup d’aspect qu’on a l’impression de mieux découvrir. Pour l’un des plus hauts chefs-d’œuvre de Czerny.

¶ Brahms – Symphonie n°1, Concerto pour violon (S.-M. Degand, Le Cercle de l'Harmonie, Rhorer) (NoMadMusic 2021) ♥♥♥
→ Fin de l'année 2021, passé inaperçu dans les bilans.
→ Formidables couleurs renouvelées, et dans le concerto, ce que tire Degand de cordes en boyaux est tout simplement hallucinant d'aisance et de musicalité. Versions majeures, et très différentes de ce qu’on peut entendre ailleurs.

Brahms – Les Symphonies – Chambre du Danemark, Ádám Fischer (Naxos 2022) ♥♥♥
→ Dans le même goût que leurs Beethoven, avec une Héroïque particulièrement marquante, un Brahms aux cordes non vibrées qui n’en ressort pas (comme c’est en général le cas) rigidifié ou anémié : Fischer s’empare de cette options en faisant tout claquer avec une vivacité impressionnante… le plus admirable est que les mouvements lents eux-mêmes en sortent particulièrement rehaussés, par le grain, par la lisibilité structurelle, par la force des intensions.
→ Une très grande lecture, particulièrement marquante, qui renouvelle radicalement l’approche de ces œuvres d’ordinaire beaucoup plus pâteuses, et dont l’orchestration sort ici transfigurée. Je le mets dans mon panthéon aux côtés de Manze (pour la couleur, les accents) et Zehetmair (pour l’intelligence de l’articulation des cordes).
→ Bissé.

Offenbach – Le Voyage dans la Lune – Derhet, Lécroart ; ON Montpellier, Dumoussaud (Bru Zane 2022) ♥♥♥
→ Sur un schéma habituel (princesse enlevée par un prince mauvais sujet), farci de rebondissements plein de fantaisie (fusée, terre habitée, volcan), quelques pastiches identifiables (les enchères à la chandelle de la Dame Blanche « Personne ne dit mot ? »), et plusieurs moments assez marquants mélodiquement (le chœur de la neige), un bel Offenbach ambitieux et puissamment original, dans le goût du Roi Carotte ou de Barbe-Bleue.

Dubois, d’Indy, Caplet – Dixtuor, Chansons & Danses, Suite Persane  – Polyphonia Ensemble Berlin (Oehms 2022) ♥♥♥
→ Trois très belles œuvres, mais le disque vaut particulièrement pour sa version des Chansons & Danses de d’Indy, d’une verdeur exceptionnelle, complètement nasillarde et terroir – je n’imaginais pas des musiciens allemands capables de se donner à fond là-dedans !  Indispensable version de premier plan de ce chef-d’œuvre.

Sibelius – Symphonies 3 & 5, La Fille de Pohjola – Symphonique de Göteborg, Rouvali (Alpha 2022) ♥♥♥
→ Voilà une intégrale réalisée par un autre prodige finlandais, sur beaucoup plus long terme qu’Oslo-Mäkelä, et qui apporte, cette fois, une toute nouvelle perspective sur ces œuvres !  Captation merveilleuse de surcroît.
→ Rouvali a la particularité de traiter les transitions non comme des passages d’attente, mais comme si (et c’est le cas !) elles étaient le cœur du propos. Il n’hésite pas à mettre en valeur les motifs d’accompagnement et à les rendre thématiques (sans abîmer pour autant l’équilibre général de la symphonie et les thèmes). On se retrouve donc avec deux fois plus de thèmes (et de bonheur).
→ Sa Première était un bouleversement paradigmatique ; les autres parutions m’avaient moins impressionné. Mais dans cette Troisième, au premier mouvement très vif et élancé, au deuxième au contraire d’une lenteur particulièrement inspirée (avant que tout ne s’emballe), on sent à quel point, à nouveau, chaque équilibre, chaque progression est pensée. Vraiment un témoignage de tout ce qu’un chef peu magnifier dans une grande partition. → Tout simplement (et de loin) la meilleure version que j’aie entendu de la Troisième (et j’ai écouté toutes les intégrales discographiques de Sibelius).
→ La Cinquième est moins singulière, mais toujours remarquablement articulée et captée (pas une version où l’appel de cor du final est particulièrement majestueuse / exaltante, attention à ceux pour qui c’est important).

Sibelius – Symphonie n°7, Suite de Pelléas, Suite de Kung Kristian II – Radio Finlandaise, Nicholas Collon (Ondine 2022) ♥♥♥
→ Premier directeur musical non finlandais à la tête de la Radio, ce n’est en tout cas pas une erreur de casting : une Septième pleine de frémissements, de détails, de vie, de bout en bout, l’une des plus abouties de celles (très nombreuses) qu’il m’ait été donné d’entendre.

Langgaard – Symphonie n°1, « Pastorale des falaises » – Berliner Philharmoniker, Sakari Oramo (Da Capo 2022) ♥♥♥
→ Cette unique symphonie de Langgaard écrite dans le goût postromantique généreux (sur les 16 de son catalogue) trouve ici une lecture particulièrement limpide et animée… le résultat est d’un souffle absolument irrésistible.




7. Découvertes de l'année

L'exploration des anniversaires a bien sûr été l'occasion de beaucoup de belles découvertes (Ballard, Schürmann, Baines… et bien sûr la vie absolument démente de Dupuy !).

De même pour l'Ukraine. Parmi les belles rencontres inattendues, Semen Hulak-Artemovskiy dont l'histoire m'a passionné, et Leo Ornstein, pianiste exilé aux États-Unis dont le futurisme débridé me ravit absolument (le disque de Janice Weber avec les Sonates 4 & 7, ou le Quintette qu'elle a gravé avec le Quatuor Lydian, sont à couper le souffle).

En lisant Pelléas au piano, j'ai été frappé comme la foudre par l'hypocrisie de Debussy, se moquant de la façon de Wagner d'écrire un opéra à partir de bouts de motifs hystériques. Or, bien que les exégètes que j'ai lus aient toujours paru relativiser les leitmotive dans Pelléas, en réalité le plus clair de l'opéra n'est bâti que sur ces motifs (souvent des interludes ou des sections entiers !), peut-être encore davantage que dans Tristan ou le Ring… Découverte qui m'a stupéfié, j'étais toujours passé à côté à l'écoute – activité dont je ne suis pourtant pas suspect d'avoir été économe. Il y aura des notules (et peut-être même une « conférence-concert ») sur le sujet. Voyez déjà cette notule générale et celle-ci, plus récente.

Autre grand choc, la découverte des concertos pour violon de Pierre Rode, d'un style postclassique à la fois dramatique et d'une veine mélodique incroyable (un peu dans l'esprit de Dupuy), que j'ai écoutés en boucle pendant mes randonnées depuis le printemps dernier.

Une claque monumentale avec I Masnadieri de Verdi dans la version de Gavazzeni à Rome en 1972 (Ligabue, G. Raimondi, Bruson, Christoff).
Je n'avais jamais été très touché par cet opéra encore un peu formellement post-belcantiste, et dans des versions molles (Gardelli notamment) distribuées totalement à rebours (Bergonzi en brigand sans limites !). Réécoute avec cette version possédée, en relisant sa source Die Räuber.  J'en suis sorti vraiment sonné… Les plot twists surabondants et délirants (il y en a combien, une demi-douzaine rien que dans la dernière scène ?), et la fin assez inattendue et insoutenable, le désespoir qui baigne le tout – chaque personnage étant persuadé de sa damnation et se débattant malgré tout en s'enfonçant dans ses crimes et en choisissant mal la loyauté de ses serments –, la recherche d'un sublime perverti, tout concourt au malaise exaltant.
Ces outrances sidérantes ont dû faire réagir sur le plan de la bienséance, même pour un public habitué aux fantaisies romantiques !  Mais c’est aussi le terreau pour des scènes très contrastées comme Verdi les aime – la prière apocalyptique du méchant !  Les rôles sont eux aussi démesurés : l’épouse qui dérobe une épée et tient en respect le méchant, le baryton totalement maléfique, le ténor vociférant… j’en suis sorti assez secoué avec cet attelage plus grand que nature.
→ Et alors, Gianni Raimondi, que je tenais pour une belle voix (idéalement émise mais) un peu aimablement lisse, totalement hors de lui, est hallucinant dans sa dernière scène.

Quelques opéras du romantisme allemand, aussi, à commencer par Die Räuberbraut de Ries (dont je n'avais jamais rien trouvé saillant, et qui se révèle un tempérament dramatique de premier ordre !) et Die Lorelei de Bruch (de très loin supérieure en intensité à ses autres vocales comme Ulysse ou Arminius).

Enfin, les symphonies d'Alfvén dirigées par le compositeur, tellement claires, mordantes et redevables au folklore, on ne l'imaginerait pas du tout en écoutant les autres versions du commerce (beaucoup plus vaporeuses et « atmosphériques »).



8. Cycles de l'année

Pour approfondir un sujet ou préparer une notule, j'ai tendance à creuser un même sillon, d'où la poursuite de quelques cycles.

Cycle opéra suédois :
Je ne suis toujours pas inconditionnel de la Fête à Solhaug de Stenhammar (un rare Ibsen mis en musique), mais son Tirfing sur un sujet médiéval est absolument enthousiasmant, ces finals tournoyants particulièrement généreux m'ont transporté !  On trouve pas mal d'œuvres chez Sterling.
J'ai aussi profité de tout le fonds édité par BlueBell : récitals d'artistes suédois qui chantent tout le répertoire… en suédois. Mozart, Verdi, Wagner, R. Strauss, tout y passe… voix phénoménales et saveur très particulière de cette langue (variété vocalique et, par rapport à l'allemand, une fermeté qui n'exclut pas la rondeur). Vous pouvez commencer par le volume consacré à Arne Tyrén, vertigineux. Il faut après naviguer selon ses goûts, mais la quinzaine d'albums vaut le détour, particulièrement pour les chanteurs moins connus (qui chantent mieux…).

Cycle Segerstam
Cycle Westerberg
(de pair avec ce cycle opéra suédois)

Cycle opéras français post-1870 :
Hérodiade de Massenet, Aben-Hamet de Dubois, Vercingétorix de Fourdrain, Lutetia d'Holmès, Ivan le Terrible de Gunsbourg… évoquent tous à leur manière les tourments de la défaite et la recherche du sublime malgré la déchéance et l'horreur. Il est frappant de voir que le parallèle Romains-Germains est réalisé par plusieurs de ces œuvres (Hérodiade, Vercingétorix, Lutetia), alors que dans notre imaginaire contemporain la culture romaine (ne serait-ce que par la distribution linguistique) s'oppose justement à celle du Nord de l'Europe.

Cycle opéras de Théodore Dubois
En train de déchiffrer au piano tous ceux que j'ai pu trouver : Le pain bis, Xavière, Le Guzla de l'Émir, Aben-Hamet, Le Paradis perdu… Et je m'émerveille à chaque fois de la facilité de lecture et de l'économie de la pensée musicale, dispensant beaucoup de beautés, mais toujours à la juste proportion, comme une épice vient relever un plat sans le dénaturer.

Cycle Taneïev
Sa musique de chambre est extraordinaire, et les symphonies aussi. 45 disques écoutés, à peu près toutes les œuvres que j'ai pu trouver couramment disponibles.

Cycle intégrale Verdi
Réécoute de tous les opéras de Verdi. Toujours source d'émerveillement et de plaisir.

Cycle Oliver Triendl
Le grand pianiste défricheur (les concertos rares et la musique de chambre interlope chez CPO, c'est très souvent lui !). En plus il joue merveilleusement. J'ai suivi sa trace pour faire encore davantage de belles découvertes !

Et quelques autres autour de compositeurs :

Cycle Dupuy
Cycle Czerny
Cycle Stenhammar
Cycle Pejačević
Cycle Juon
Cycle Miaskovski
Cycle Tchèques milieu XXe (Luboš Fišer et Jan Fischer !)
Cycle Sviridov

Ou d'interprètes :

Cycle Gianni Raimondi
Cycle Fedoseyev
Cycle Dähler (le pianiste)

… ou même un cycle Civil War, pour retrouver la trace des thèmes les plus célèbres utilisés dans la musique américaine. (Pas évident de trouver de bons disques, beaucoup d'arrangements dégoûtants – j'ai dû fouiller un peu.)

Si vous êtes curieux, une recherche en ctrl+F dans le fichier des écoutes et dans son archive vous permettront de retrouver les disques et les commentaires.



9. Doudous

J'ai aussi réécouté certains de mes doudous personnels : les Variations « Prinz Eugen » de Graener, Miles fortis de Hamel, Raoul Barbe-Bleue de Grétry, Ungdom og Galskab de Dupuy, et j'ai découvert ou réécouté sans trête la musique de chambre de compositeurs majeurs dans ce genre et trop méconnus : Krug, Koessler, Schillings, Pejačević, Kabalevski, Taneïev, Howells…




J'espère que ce bilan vous aura donné des idées d'écoutes, ou que la vidéo vous aura amusés. À défaut, sachez que je diffuse et commente mes écoutes en temps réel sur ce fichier.

À l'année prochaine, estimés lecteurs !

mercredi 15 décembre 2021

Le grand tour 2021 des nouveautés – épisode 8 – Suédois à noms français, Tchèques & Lettons à noms allemands, Wallons à noms arabes, Polonais à noms polonais


lattès

Un mot

Cette huitième livraison sera aussi, selon toute vraisemblance la dernière de l'année.

J'ai trop tardé, occupé à documenter les anniversaires (gros travail à venir, pour l'immense génération 1872 !), à publier les nouveautés et les écoutes. Conclusion : non seulement je les documente en décalé, mais chaque semaine, je dois repousser la publication impossible de l'ensemble des écoutes… La mise en forme prend trop de temps, il faudra que j'agisse sur ce point.

Aussi, pour l'instant, à part les quelques non-nouveautés que j'ai relevées en début de notule, je me contente dans cette livraison de mentionner les parutions récentes.

Tout cela se trouve aisément en flux (type Deezer, gratuit sur PC ; ou sur YouTube) et en général en disque. Il faut simplement pousser la porte.

(Pardon, mes présentations de titres ne sont pas toutes normalisées, il faut déjà pas mal d'heures pour mettre au propre, classer et mettre un minimum en forme toutes ces notes d'écoutes. Il s'agit vraiment de données brutes, qui prennent déjà quelques heures à vérifier, réorganiser et remettre en forme.)



Cycles

J'ai moins écouté de nouveautés, à force de revoir toujours passer les mêmes œuvres, les mêmes genres musicaux… Non pas qu'il n'y ait pas (beaucoup !) de nouveautés dignes d'intérêt, comme vous verrez, mais considérant l'ampleur de ma consommation, aller fouiller dans le fonds préexistant ménage davantage de satisfactions.

Plusieurs découvertes marquantes hors des publications toutes fraîches, donc : les œuvres sacrées de (Jean) Mouton, le luth de Robert Ballard, le Stabat Mater de Domenico Scarlatti (l'une des rares survivances de son œuvre hors clavier), l'orgue de Lasceux, les œuvres vocales de Cartellieri et Schürmann, le Quatuor Scientifique de Rejcha (j'étais passé à côté au disque, le concert m'a dessillé), les symphonies de Goła̧bek, les motets du wallon Jean-Noël Hamal (écoute en boucle de Miles fortis, une bonne quizaine de fois en deux semaines), les quatuors de Kienzl (quel sens simultané de la mélodie et de la structure !)…

J'ai aussi mené des cycles méthodiques de découverte : les concertos et opéras de Dupuy le Suédois, les poèmes symphoniques et les quatuors de NovákKarg-Elert (ce n'est pas le plus célèbre de son catalogue qui est le plus enthousiasmant !), tout ce qu'on trouve de Biarent, Lipatti (ses compositions), l'orgue intégral de Leighton, Eben (Job, bon sang !)…

Je me dis que je devrais plutôt faire tout de bon une notule par cycle, ou reprendre le principe du disque de la semaine, pour ne pas ensevelir mes lecteurs… et avoir du temps à consacrer à d'autres sujets.

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La légende

Les vignettes sont au maximum tirées des nouveautés. Beaucoup de merveilles réécoutées ou déjà parues n'ont ainsi pas été immédiatement mises en avant dans la notule : référez-vous aux disques avec deux ou trois cœurs pour remonter la trace.
(Un effort a été fait pour classer par genre et époque, en principe vous devriez pouvoir trouver votre compte dans vos genres de prédilection.)

J'indique par (nouveauté) ou (réédition) les enregistrements parus ces dernières semaines (voire, si j'ai un peu de retard, ces derniers mois).

♥ : réussi !
♥♥ : jalon considérable.
♥♥♥ : écoute capitale.
¤ : pas convaincu du tout.

(Les disques sans indication particulière sont à mon sens de très bons disques, simplement pas nécessairement prioritaires au sein de la profusion de l'offre.)

Le tout est classé par genre, puis par ordre chronologique très approximatif (tantôt la génération des compositeurs, tantôt la composition des œuvres, quelquefois les groupes nationaux…) au sein de chaque catégorie, pour ménager une sorte de progression tout de même.




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A. Opéra

Beaucoup de titres, et quelques révolutions dans l'interprétation de l'opéra italien.

nouveautés
Rossi – Ézéchias (YT)
→ Cantate, rare évocation directe du règne d'Ézéchias, auquel on vient de consacrer une notule. Et une cantate plutôt bien écrite. (Pas sûr de recommander la version, qui sonne un peu comme la Foire au chapon.)

Rameau – Platée – Beekman, Auvity, Mauillon ; Les Arts Florissants, Christie (HM 2021)
→ Belle version qui privilégié souvent le ton élégiaque sur la couleur – pas nécessairement mon Rameau, et pas très bien capté (on entend vraiment la sècheresse du théâtre, le changement d'emplacement des comédies), ce n'est pas une révélation par rapport à l'histoire récente de l'interprétation de l'œuvre.
→ En revanche la distribution époustoufle : Auvity, Beekman et Mauillon, stupéfiants de projection naturelle en salle, et monstres d'abattage !
→ Parution en somme bienvenue, considérant que la plupart des versions marquantes ont été vidéodiffusées (et pas toujours en DVD).

♥♥ Rameau – Acanthe & Céphise – Devieilhe, Wanroij, Dubois, Witczak ; Les Ambassadeurs & La Grande Écurie, Kossenko
→ Incroyable ouverture, d'une profusion assez folle, réellement un inédit et un inouï. L'intrigue est par ailleurs plus sympathique que la plupart des galanteries du genre, avec quelques moments un peu plus typés tragédie en musique, et le chœur final est magnifique. Le reste demeure dans les étiages habituel des joliesses ramistes. (Orchestre magnifique.)

Beck – L'Île déserte – (CPO 2021)
→ Diction difficile à suivre, style instrumental peu français (dans la conception et surtout l'exécution) ; musique de Beck comme souvent assez peu marquante : essai méritoire de redonner vie à cette figure de la vie musicale bordelaise (que je n'ai jamais beaucoup admiré jusqu'ici), mais pas un disque bouleversant.

♥♥♥ Mozart – Mitridate – Spyres, Fuchs, Dreisig, Bénos, Devieilhe, Dubois ; Les Musiciens du Louvre, Minkowski (Erato 2021)
→ Cet enregistrement ébouriffe complètement !   Distribution exceptionnelle – en particulier Bénos, mais les autres ne sont pas en reste ! – et surtout orchestre totalement haletant, le résultat ressemble plus aux Danaïdes qu'à un seria de jeunesse de Mozart !
→ Bissé.

Mayr – L'amor conjugale – Santon, Pérez, Agudelo, Rimondi, Gourdy, Fournaison – Opera Fuoco, David Stern (Aparté 2021)
→ La portée du projet m'a échappé : un opéra bouffe du rang, sans grandes saillances, interprété par d'excellents chanteurs un peu hors de leur zone de confort (Santon, très grande musicienne, mais pour du joli dans ce genre, la voix est vraiment trop large, grise et vibrée ; Gourdy et Fournaison, chanteurs que j'adore en salle, mais peu flattés par les micros), et présentés sur une pochette Mondrian (mais pourquoi donc ?).
→ Au demeurant, Opera Fuoco est toujours épatant, vivant, coloré… (Mais pourquoi jouer ceci plutôt qu'autre chose ?)
→ Il y a eu des représentations de lancement, auxquelles je n'ai pu me rendre, peut-être des reprises à venir, à essayer pour tester sur pièce, dans une véritable configuration dramatique ?

♥♥♥ Bellini – Il Pirata – Rebeka, Camarena, Vassallo ; Opéra de Catane, Carminati (Prima Classics)
→ Disque électrisant, capté avec les équilibres parfaits d'un studio (ça existe, une prise de studio pour Prima Classics ?), dirigé avec beaucoup de vivacité et de franchise (Carminati est manifestement marqué par les expérimentations des chefs « musicologiques »), et magnifiquement chanté par une distribution constituée des meilleurs titulaires actuels de rôles belcantistes, grandes voix singulières et bien faites, artistes rompus au style et particulièrement expressifs.
→ Dans ces conditions, on peut réévaluer l'œuvre, qui n'est pas seulement un réservoir à airs languides sur arpèges d'accords parfaits aux cordes, mais contient aussi de superbes ensembles et de véritables élans dramatiques dont la vigueur évoque le final du II de Norma (par exemple « Parti alfine, il tempo vola »).

Moniuszko – Le Manoir hanté – Poznan (Operavision 2021)
→ L'œuvre, pourtant emblématique, ne m'a jamais convaincu, ni dramatiquement (que c'est lourdaud, ce passage obligé par tous les invariants des opéras comiques d'Auber…), ni musicalement (vraiment plat à mon sens). Halka mérite plus de considération, malgré le livret pesantissime (très triste et difficile à endurer aujourd'hui), et surtout ses très belles cantates, chroniquées cette année dans le cadre des nouveautés.

Franck – Hulda – Philharmonique de Fribourg, Bollon (Naxos 2021)
→ Enfin une intégrale de l'œuvre !  Je l'attendais depuis longtemps, bien que la lecture (rapide) de la partition ne m'ait pas révélé de merveilles cachées (que c'est consonant pour du Franck !).
→ Intégrale hélas servie par des chanteuses aux voix opaques et trémulantes – et à l'accent impossible. Le ténor et le baryton sont tout à fait bons.
→ Toujours l'énergie, le relief et la transparence exemplaires de Fabrice Bollon avec Fribourg, qu'on avait tant admiré pour ses Magnard.
→ L'œuvre n'est pas du grand Franck : orchestre opaque, mélodies peu marquantes, bien moindre audace harmonique qu'à son ordinaire, comme s'il se coulait de façon malaisée à la fois dans la simplicité de l'opéra et le modèle monumental de l'opéra postwagnérien.
→ Son sens dramatique est par ailleurs remarquablement inhibé (alors que le livret est plutôt exubérant, à la façon de La Tour de Nesle de Dumas !) : lors de l'assassinat terrible qui marque le point culminant de l'œuvre, la musique ne signale rien, même pas un silence. Au disque, on ne s'aperçoit de l'événement que parce que les personnages le disent. La musique ne s'est pas agitée d'un pouce.
→ Bientôt donné dans de bien meilleures conditions par Bru Zane. Mais l'œuvre est longue et pas nécessairement convaincante : je suis curieux du résultat.

♥♥ Smareglia – Il Vassallo di Szigeth – Cerutti (Bongiovanni 2021)
→ Très proche de l'esprit de Verdi, et très bien écrit. (Avec un décalage temporel très conséquent : né en 1854 !). L'interprétation n'est pas parfaite, comme toujours chez Bongiovanni, mais on les remercie de documenter ces pans si mal servis de la musique vocale italienne (leur grand cycle Perosi !).

Guiraud, Saint-Saëns & Dukas – Frédégonde – Kim, Sohn, Romanovsky, Opéra de Dortmund (vidéo officielle 2021)
→ Ouvrage collectif achevé par Saint-Saëns à la mort de Guiraud, conformément aux dernières volontés de celui-ci, et en partie orchestré par le jeune Dukas, une histoire terrible de reine mérovingienne.
→ En lisant / jouant la partition il y a quelques années, j'avais été saisi par l'intérêt de la chose… mais l'orchestration en semble assez opaque, et chanté dans un français aussi incompréhensible et des voix aussi opaques, on passe vraiment à côté. J'attends impatiemment la venue à Tours dans une distribution francophone !

Puccini-Matuz – acte II de Turandot, pour 2 flûtes, violon, violoncelle, piano – Gergely Matuz & Friends (YT 2021)
→ Ce n'est pas un disque, mais une nouvelle parution tout de même, très attendue, le nouvel enregistrement d'un acte intégral d'opéra par Gergely Matuz (qui a déjà publié le I de Tristan, les II & III du Crépuscule !).
→ Moins de transcriptions des lignes vocales que pour Tristan ou le Crépuscule. Le piano aussi, produit un effet moins chambriste que la version 2 flûtes + quatuor + contrebasse. Pour finir la matière musicale, riche mais très tournée vers le pittoresque simili--oriental, est moins intéressant en tant que telle.
→ Donc une belle transcription jouée de façon enthousiaste, mais pas prioritaire par rapport à ses autres réalisations !

♥♥♥ Hersant – Les Éclairs – Lanièce, E. Benoit, Bouchard-Lesieur, Rougier, Heyboer ; Aedes, Philharmonique de Radio-France, Matiakh (Operavision 2021)
→ Une création mondiale et diable de chef-d'œuvre. J'en dis plus par là.

Monteverdi – Il Ritorno d'Ulisse in patria – Zanasi, Richardot ; Gardiner (SDG 2018)

♥♥ LULLY – Alceste, actes I & II – Malgoire (Auvidis, réédition Naïve)
→ La focalisation de la voix de Sophie Marin-Degor est miraculeuse !

♥♥♥ LULLY – Alceste, actes I & II – Rousset (Aparté)
→ Un des meilleurs disques de tragédie en musique, œuvre comme exécution.

♥♥♥ LULLY – Isis, acte IV – Rousset (Aparté)

Campra – Tancrède – Schneebeli (Alpha)
→ Déçu par l'interprétation à la réécoute, vraiment sage et même un peu terne. (Malgoire c'était bien mieux, malgré le vieillissement du style !)

Marais – Alcione (Prologue, acte I) Minkowski (Erato)
Les voix, c'est un peu le musée des horreurs… Ce Minko-là, contrairement par exemple à son Phaëton, a pas mal vieilli – tandis que l'Alcione de Savall est au contrairement un accomplissement stupéfiant.

Georg Caspar Schürmann – Die getreue Alceste
– Zumsande, Karnīte, Müller, Harari, Ludwig, Drosdziok, Grobe, Heinemeyer, Barockwerk Hamburg, Hochman (CPO)
→ Du seria écrit comme de la cantate sacrée à l'Allemande, avec quelques chœurs à la française. Agréable.

Grétry - Richard Coeur de Lion, acte I - Doneux
→ Il faut écouter le disque de Versailles pour bien se rendre compte de la qualité (épatante) de l'œuvre, ici c'est un peu malaisé.

Mozart – Il re pastore – Harnoncourt
→ Pas passionnant ça.

Mozart – Lucio Silla – Harnoncourt
→ Comme à chaque fois : belles intuitions mélodiques, mais que c'est ennuyeux tout de même, sur la longueur. Et Harnoncourt, aux phrasés courts, manque un peu de couleurs et de « reprise » dramatique. On attend toujours une version émérite comme le Mitridate de Minkowski (ou même de Rousset).
→ Même vocalement, je trouve que ces voix assez opaques, un peu geignardes, ne font qu'accentuer l'impatience de l'auditeur que je suis.
→ (Ce reste néanmoins probablement, vu l'état sinistré de la discographie, le meilleur disque qu'on puisse trouver pour cet opéra…)

♥♥ Mozart – Der Schauspieldirektor – Harnoncourt

♥♥ Mozart – Thamos – Harnoncourt

¤ Beethoven – Fidelio, « Mir ist so wunderbar », « Das Gold » – Klemperer
→ Réécouté pour donner tort à un ami qui en disait le plus grand bien. Effectivement, le soleil s'est couché avant qu'on atteigne le second accord. (Et ce n'est même pas de la lenteur intense ou détaillée…)

♥♥♥ Beethoven – Fidelio – Altmeyer, Jerusalem, Nimsgern, Adam ; GdHsLeipzig, Masur (Sony)
→ Quel orchestre rond et savoureux à la fois !  Quelle distribution de feu !  (Jerusalem plane sur le rôle, Adam rayonne comme toujours dans les rôles de basse, et les seconds rôles sont fabuleux.)

♥♥♥ Beethoven – Fidelio, « Mir ist so wunderbar » –  Marzelline (Lucia Popp), Leonore (Gundula Janowitz), Rocco (Manfred Jungwirth) & Jaquino (Adolf Dallapozza). Leonard Bernstein conducting the Chor und Orchester  der Wiener Staatsoper, 1978 (DVD DGG 1978)

Beethoven – Fidelio, final du I – Marie McLaughlin, Gabriela Benačková, Neill Archer, Josef Protschka, Monte Pederson, Robert Lloyd ; ROH, von Dohnányi (DVD Arthaus 1991)
→ Il existe deux Fidelio de Dohnányi dans le commerce ! Le CD avec Ziesak-Schnaut-Protschka-Welker-Rydl (qui fait vraiment envie), et le DVD de la même année, avec McLaughlin-Benačková-Protschka-Pederson-Lloyd.
→ Le CD est depuis longtemps difficile à trouver, hélas (du moins en flux) : je n'ai pas pu essayer – alors que Ziesak, comment rêver mieux ici ?
→ Le DVD est très bien, même si Dohnányi n'y est pas dans ses soirs les plus colorés / mordants. Lloyd est un peu impavide, mais Benačková tient très bien sa partie, et Pederson est absolument terrifiant – l'insolence vocale mais aussi la posture en scène, jeune, arrogant, cruel.

E.T.A. Hoffmann – Dirna  – German ChbAc Neuss, Goritzki (CPO)
→ Mélodrame orchestral à plusieurs personnages, bien fait, sans se distinguer particulièrement.

♥ E.T.A HOFFMANN Liebe und Eifersucht – Seller, Simson, Specht, Martin, Wincent, Ludwigsburg Castle Festival Orchestra, Hofstetter
→ Singspiel joué avec beaucoup de vie par Hofstetter. Bonne œuvre.

♥♥ DUPUY – Ungdom Og Galskab / Flute Concerto n°1 – Collegium Musicum de Copenhague, Schønwandt (Dacapo 1997)
→ Sorte de singspiel suédois du romantisme encore classicisant, dans une veine volontiers emportée et avec de très beaux ensembles, sorte d'équivalent nordique aux opéras avec dialogues de Méhul.
→ Trissé.

♥♥ Foroni – Elisabetta, regina di Svezia – Göteborg (Sterling)
→ Pour la notule.
→ Bissé.

OFFENBACH, J.: Grande-Duchesse de Gerolstein – Ligot (Valentini-Terrani, Censo, Allemanno, Orchestra Internazionale d'Italia, Villaume) – Trio de la conspiration (Dynamic)

HUMPERDINCK, E.: Hänsel und Gretel (Sung in Italian) (Jurinac, Schwarzkopf, Streich, Panerai, Palombini, Ronchini, Karajan)
→ Chouette version qui sonne bien en italien. Panerai y est tellement charismatique !  (Évidemment, Scharzkopf sonne toujours aussi bouchée et Jurinac très homogène et fondue.

Stockhausen – Michaels Reise – MusikFabrik, Rundel (Arte à Cologne)
→ (Je préfère l'acte I de ce Donnerstag de Licht, mais c'est quand même bien beau.)




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B. Récital d'opéra

Des récitaux originals, mais aucun qui ne m'ait pleinement convaincu par son propos ou sa réalisation.

nouveautés
Monteverdi, landi, Belli, Telemann, Haendel – « Orpheus Uncut » – Vox Nidrosiensis, Orkester Nord, Wåhlberg (Aparté 2021)
→ Objet étrange, fait de bouts d'œuvres sans être un récital individuel. La qualité du son de l'ensemble se retrouve, l'inventivité de Wåhlberg également, mais j'avoue ne pas avoir bien compris le projet (je n'ai pas accès à la notice).
→ Je crois à la vérité que j'ai surtout été gêné par l'accent en italien (l'accent bokmål de Stensvold lui procure une couleur très singulière et touchante en allemand, mais en italien, la distance est vraiment trop grande).

Lulier, Bononcini, Caldara…
« Maria & Maddalena » – Francesca Aspromonte, I Barocchisti, Diego Fasolis (PentaTone 2021)
→ Répertoire un peu tardif pour la voix d'Aspromonte, qui peut être si expressive dans le XVIIe, mais paraît tout de suite poussée et blanchie, aux voyelles beaucoup moins différenciées, lorsqu'il faut donner dans un répertoire plus « vocal ». Dommage, elle ferait fureur dans un récital Cavalli-Rossi-Legrenzi à base de grands récits (quelle Euridice de Rossi ce fut !)…

Anna Netrebko
dans Wagner (Tannhäuser, Lohengrin, Tristan), Verdi (Don Carlo, Aida), Tchaïkovski (Pikovaya Dama), Puccini (Butterfly), Cilea (Lecouvreur), R. Strauss (Ariadne)… – « Amata dalle tenebre » – Scala, Chailly (DGG 2021)
→ Récital sans aucune cohérence thématique, juste des airs que Netrebko a peu chantés et qu'elle avait manifestement envie d'essayer. Ce n'est pas un problèpme en soi et le résultat est fort probant, mais l'interprétation n'est peut-être pas assez marquante pour donner envie de réécouter.
→  La voix reste toujours aussi grande (et peu articulée), intéressant surtimbrage grave en russe, plus étrange viscosité en allemand…
→ Se distingue tout de même l'Isolde d'un moelleux, d'une ductilité, d'une facilité assez extraordinaires. (Comme on a l'habitude de ne pas y avoir des mots très détaillés, on ressent surtout les avantages ici !)

♥♥ Arne Tyrén (basse) : Dupuy (opéra suédois), Bartolo Nozze en suédois, Rocco Fidelio, Magnifico Cenerentola en suédois, Fille du Régiment duo patriotique en suédois (Bluebell)
→ Voix magnifique et versions traduites éloquentes.




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C. Ballet & musiques de scène


nouveautés
AUBER, D.-F.: Overtures, Vol. 1 - Le maçon / Leicester / Le séjour militaire / La neige (Czech Chamber Philharmonic Orchestra, Pardubice, D. Salvi)
AUBER, D.-F.: Overtures, Vol. 2 - Le concert à la cour / Fiorella / Julie / Violin Concerto (Čepická, Czech Chamber Philharmonic, Pardubice, Salvi)
AUBER, D.-F.: Overtures, Vol. 3 - La Barcarolle / Les Chaperons Blancs / Lestocq / La Muette de Portici / Rêve d'Amour (Moravian Philharmonic, Salvi)
♥♥ AUBER, D.-F.: Overtures, Vol. 4 - Le duc d'Olonne / Fra Diavolo / Le Philtre / Actéon / Divertissement de Versailles (Moravian Philharmonic, Salvi)
♥♥ AUBER, D.-F.: Overtures, Vol. 5 - Zanetta / Zerline (Janáček Philharmonic, Salvi)
→ Je ne suis d'ordinaire pas très enthousiaste devant les regroupements d'ouvertures : isolées de leur contexte dramatique, assez semblables quand on constitue des disques autour d'un même compositeur, et surtout en général pas le meilleur de l'œuvre intégrale. Pour Auber, il en va un peu autrement : ses ouvertures sont très bonnes, et si la forme en est assez régulière, la typicité mélodique peut véritablement varier assez fortement de l'une à l'autre.
→ Elles sont ici interprétées avec une bonne rigueur stylistique, sans empâtement, et cela permet aussi de découvrir quelques pépites, comme ce Divertissement de Versailles où l'on entend la Passacaille d'Armide de LULLY, l'orage liminaire d'Iphigénie en Tauride ou encore « La Victoire est à nous » de La Caravane du Caire de Grétry !  De beaux ballets (tirés d'opéras) dans le volume 5 : de belles pièces (légères, certes), et de belles découvertes !

♥♥ Lord Berners – A Wedding Bouquet, Luna Park – RTÉ, Kenneth Alwyn (Marco Polo 1996 réédité Naxos 2021)
→ Réjouissante fantaisie vocale, où s'expriment les consonances loufoques de Berners. Réédition très bienvenue.

♥  Benda – Medea – Bosch

♥♥ Benda – Medea – Prague ChbO, Christian Benda (Naxos)
→ Cf. notule.




D. Cantates profanes




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E. Sacré


nouveautés
Tůma – Requiem & Mirerere – Czesh Ensemble Baroque O (Supraphon 2021)
→ Pas du tout dans le goût du Brixi (adoré dans la précédente livraison) : on est bien plus tard, au milieu du XVIIIe siècle, dans un univers qui évoque bien pus Pergolèse. Et l'interprétation n'a pas non plus l'acuité des meilleurs ensembles tchèques.
→ Bon disque, mais clairement pas mon univers, trop proche du seria.

♥♥♥ Jean-Noël HAMAL – « Motets » – Scherzi Musicali, Achten (Musiques en Wallonie 2021)
→ Pour moi clairement plutôt du genre cantate.
→ Musique wallonne du milieu du XVIIIe siècle (1709-1778), très marquée par les univers italien et allemand, pas tout à fait oratorio façon seria ,pas tout à fait cantate luthérienne, avec de jolies tournures.
→ Côté dramatique post-gluckiste quelquefois, très réussi dans l'ensemble sous ses diverses influences.
→ Le sommet du disque : l'air héroïque de ténor « Miles fortis » qui clôt la cantate Astra Cœli, d'une agilité et d'une vaillance parfaitement mozartiennes (augmentées d'une grâce mélodique et harmonique très grétryste), et qui pénètre dans l'oreille comme un véritable tube, ponctué par ses éclats de cor et ses violons autour de notes-pivots…
→ Splendide interprétation des Scherzi Musicali, qui ravive de la plus belle façon ces pages oubliées. Mañalich remarquable dans les parties très exposées de ténor, à la fois doux, vaillant et solide.
→ Écouté 7 fois en quatre jours (pas très séduit en première écoute, puis de plus en plus enthousiaste). Et largement une douzaine de fois dans ces deux semaines depuis parution. Comme quoi, il faut vraiment donner leur chance aux compositeurs moins connus, et ne pas se contenter d'une écoute distraite pour décréter leur inutilité.

Henri HARDOUIN : Four-Part A Cappella Masses, Vol. 2 (St. Martin's Chamber Choir, Krueger) (Toccata Classics 2021)
→ Nettement moins bien chanté que le premier volet, je ne sais pourquoi (ça sonne presque amateur cette fois-ci, alors que c'était très bien dans le volume 1 de 2013, que j'ai écouté conjointement).
→ Messes a cappella rares de la seconde moitié du XVIIIe siècles, très dépouillées et marquant déjà le désir du retour au plain-chant qui explose dans les années 1820-1830.
→ Belle musique dépouillée, vraiment conçues pour la prière.

Verdi – RequiemNorman, Baltsa, Carreras, Nesterenko ; BayRSO, Muti (BR Klassik)
→ Voix évidemment impressionnantes (le grain de Baltsa, le fondu de Norman…), mais interprétation orchestrale un peu blanche (le son de la Radio Bavaroise…) accentuée par la mollesse d'articulation de Muti, typique de sa période d'avant les années 90 bien avancées…
→ Il demeure cependant une raison puissante d'écouter cet enregistrement le Libera me de Norman, dans sa meilleure voix enveloppante, d'une intensité saisissante, d'une urgence à peine soutenable.
→ Bissé le Libera me.

Stanford – « Stanford & Howells Remebered », Magnificat à double chœur en si bémol, Op. 164 – The Cambridge Singers, John Rutter (Collegium 2020)
→ Voix un peu grêles d'enfants et jeunes gens, pour une œuvre dont les volutes enthousiastes, en contraste avec des sections recueillies, évoquent furieusement Singet dem Herrn ein neues Lied, le motet le plus allant et pyrotechnique de Bach.
→ Curieux d'entendre cela dans de meilleures conditions sonores !

♥♥♥ MOUTON, J.: Missa Dictes moy toutes voz pensées (Tallis Scholars, Phillips)
→ Fabuleux disque, très organique, des Tallis Scholars (Gimell 2012), très loin de leurs approches autrefois plus désincarnées – basses rugissantes, contre-ténors caressants, entrées nettes, texte bien mis en valeur.
→ Cf. notule.

♥♥ Claude Goudimel – Psaumes, Messe – Ensemble vocal de Lausanne, Corboz (Erato)
→ Grand compositeur de Psaumes dans leur traduction française, à l'intention des Réformés. Dans une langue musicale simple, plutôt homorythmique, très dépouillée et poétique.
→ Au disque, une version un peu fruste chez Naxos. La lecture de Corboz en revanche, pour chœur de chambre assez fourni, a très bien résisté au temps et permet de saisir les beautés de verbe et d'harmonie de la chose. (Couplé avec sa messe, très intéressante également.)
→ Cf. notule.

Monteverdi – Il Ritorno d'Ulisse in patria – Zanasi, Richardot ; Gardiner (SDG 2018)

BENEVOLI, O.: In angusita pestilentiae (Cappella Musicale di Santa Maria in Campitelli di Roma, Betta)
→ Disque consacré à la Messe « In angusita pestilentiæ » (messe des tourments de la peste !), intéressant dans son propos, mais un peu laborieusement exécutée (voix pas toujours belles, captation pas très claire, rythmes très rectilignes comme si l'on jouait de la musique du XVe…).

Johann Ernst BACH II : Passionsoratorium – Schlik, Prégardien, Varcoe ; Das Kleine Concert, Hermann Max (Capriccio)

♥♥♥ Jean GILLES – Requiem – Mellon, Crook, Lamy, Kooij, La Chapelle Royale Choir, Herreweghe (HM)

♥♥ Campa – Requiem – Malgoire

Georg Caspar Schürmann – Cantates – Bremen Weser-Renaissance, Cordes (CPO)
→ Dans le goût de Bach, assez réussi.

Bach – Cantate BWV 68, dont le « choral » air Ach, bleib bei uns, Herr Jesu Christ – Schlick, Limoges, Coin
→ Dans l'esprit de l'Erfühllet de la BWV, cette fois avec violoncelle piccolo. Très belle volutes.
→ Le reste de la cantate me passionne moins

♥♥ (Domenico) Scarlatti – Stabat Mater – Immortal Bach Ensemble; Baunkilde, Lars; Ducker, Michael; Meyer, Leif; Schuldt-Jensen, Morten (Naxos 2007)
→ Écrite à 10 voix réelles, une merveille aussi éloignée que possible de l'épure de ses œuvres pour clavier. Une des rares survivances de son legs sacré (largement détruit lors du tremblement de terre de Lisbonne).
→ À un par partie !

Haendel – Theodora HWV 68 – Gabrieli Consort, Gabrieli Players, Paul McCreesh (Archiv)
→ Très bien côté exécution, mais l'oeuvre toujours aussi molle et peu prenante.

HARDOUIN, H.: Four-Part A Cappella Masses, Vol. 1 (St. Martin's Chamber Choir, Krueger) (Toccata Classics 2021)
→ Nettement mieux chanté que le second volet paru tout récemment, je ne sais pourquoi.
→ Messes a cappella rares de la seconde moitié du XVIIIe siècles, très dépouillées et marquant déjà le désir du retour au plain-chant qui explose dans les années 1820-1830.
→ Belle musique dépouillée, vraiment conçues pour la prière.

♥♥ Hugard, Messe ; Lasceux, pièces pour orgue ; Hardouin, Domine salvum – Desenclos Accentus, Equilbey (Naïve 1998)
→ Univers du dépouillement archaïque

CARTELLIERI, A.C.: La Celebre Natività del Redentore (Spering) (Capriccio)

♥♥ Cartellieri – Gioas, re di Giuda – Detmolder ChbO, Gernot Schmalfuss (MDG 1997)
→ Cf. notule.

Perne – Messe des solennels mineurs (Kyrie), extrait de « Polyphonies Oubliées : Faux-bourdons XVIe-XIXe » – Ensemble Gilles Binchois, Maîtrise de Toulouse, Vellard (Aparté 2014)

♥♥ Perne – trois pistes réparties sur deux disques, le Kyrie de la Messe des solennels mineurs chez Aparté (programme passionnant de l'ensemble Gilles Binchois consacré à ce renouveau XIXe du plain-chant, à faux-bourdon), et Sanctus & Agnus Dei (messe non précisée) en complément du disque Boëly de Ménissier dans la collection « Tempéraments » de Radio-France. On y entend pour l'un la simplicité archaïsante, pour l'autre la maîtrise contrapuntique de cette écriture. Rien de particulièrement saillant en soi, mais la démarche me paraît tout à fait fascinante, un écho à l'épopée de Félix Danjou – le disque de Ménissier est d'ailleurs le seul à ma connaissance où l'on puisse aussi entendre sa musique !

♥♥ Liszt – Requiem  – Ferencsik (Hungaroton)
→ Cf. notule.

Liszt - Requiem R488 – Gruppo Polifonico "Claudio Monteverdi"
→ Voix qui flageolent…

♥♥ Stanford – Requiem & extraits de The Veiled Prophet of Khorassan – RTÉ, Leaper & Colman Pearce (Marco Polo 1997)
→ Terne jusqu'à l'Offertoire, qui éclate en fugues très parentes du Deutsches Requiem de Brahms. Sanctus diaphane qui prend son expansion de façon très réussi !

♥♥♥ Howells, Pizzetti, Puccini – les Requiem – Camerata Vocale Freiburg, Toll (Ars Musici 2010)
→ A cappella, aux inspirations grégoriennes, à la prévalence prosodique et aux nombreux enrichissements harmoniques imprévus, le Requiem de Pizzetti est un petit bijou (absolument pas italianisant) ; encore surpassé dans ce genre par celui de Howells, d'une sobre profusion absolument délectable.
→ Celui de Puccini ne contient que les cinq minutes d'Introitus, moins marquant.
→ Timbres et incarnation splendides.

Howells – Requiem – Vasari Singers, Jeremy Backhouse (Signum)
→ Interprétation assez lisse.

EBEN, P.: Choral Music (In Heaven) (Jitro Czech Girls Choir, Skopal) (Navona Records 2019)
→ Jolies psalmodies.




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F. Autres chœurs

nouveautés
♥♥ Franck – Chœurs « De l'autel au salon » – Chœur de Chambre de Namur, Lenaerts (Musiques en Wallonie 2021)
→ De réelles pépites dans cette anthologie, avec des chœurs qui vont du décoratif charmant à l'ambitieux chromatique. Le tout accompagné sur piano et harmonium – d'époque !
→ Hélas, ce chœur émérite est capté étrangement, donnant presque l'impression d'entendre les timbres un peu dépareillés et écrasés d'un ensemble amateur – alors que je sais de source sûre, les ayant entendus très souvent, que c'est un des excellents chœurs de l'aire francophone. Ce n'est toutefois pas au point de gâcher l'écoute et la découverte, loin s'en faut !

Pizzetti – 3 composizioni corali + 2 composizioni corali – Chœur de la Radio Nationale Danoise, Stefan Parkman (Chandos 1991)
→ Chœur un peu baveux, prise de son aussi. Œuvres atypiques intéressantes, mais pas du tout la même intensité que le Requiem (a cappella, aux inspirations grégoriennes, à la prévalence prosodique et aux nombreux enrichissements harmoniques imprévus).





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G. Symphonies


nouveautés
♥♥ Pavel Vranický / Paul Wranitzky –  Orchestral Works, Vol. 3 : Ouvertures, Symphonies Op.25 en ré « La Chasse » et Op.33 en ut  – Cz Chb PO Pardubice, Marek Stilec (Naxos 2021)
→ Volume beaucoup plus accompli que les précédents, des œuvres plus marquantes (l'énergie de la Symphonie en ré !) et une interprétation beaucoup plus concernée et frémissante que les assez placides parutions précédentes. Rend bien mieux compte de la qualité d'écriture de P. Vranický, même si le plus singulier de son œuvre reste à remettre au théâtre avec son Oberon.

♥♥♥ Mendelssohn – Symphonies 1 & 3 – SwChbO, Dausgaard (BIS)
→ Pas nécessairement de surprise, après être passé récemment entre les mains de beaucoup de propositions extrêmes (comme Heras-Casado ou Fey), mais on retrouve le fouetté et le moelleux simultanés qui faisaient tout le sel de l'intégrale (assez idéale) de Dausgaard chez Beethoven, avec le même orchestre. Grand sens du discours, des couleurs, véritable mordant, mais aussi plénitude permise par l'orchestre traditionnel (qui joue comme un ensemble spécialiste). Le meilleur de tous les mondes à la fois.

Bruckner – Symphonie n°2 – Philharmonique de Berlin, Paavo Järvi (Berliner Philharmoniker 2021)
→ Comme on pouvait s'y attendre : très fluide, superbes transitions remarquablement amenées dans un univers où ce peut paraître assez contre-intuitif, mais un certain manque de contrastes à mon goût pour soutenir pleinement l'attention (et rendre justice à l'écriture de Bruckner).

♥♥ Tchaïkovski – Symphonie n°1, Capriccio italien, Valse d'Onéguine – Tonhalle Zürich, Paavo Järvi (Alpha 2021)
→ Très pudique, retenu et dépouillé, beaucoup de charme (et absolument pas russe), paradoxalement. (Le solo de hautbois du II, au lieu de décoller par son lyrisme, semble rester à sa place comme on murmurerait un poème.
→ L'agogique est vraiment carrée pour de la musique russe (alors que Järvi est d'ordinaire l'empereur des transitions extensibles), les timbres restent très tenus aussi, mais la conception tient très bien ce parti pris inattendu.
→ Le final renoue avec les qualités motoriques entendues dans la n°2 et dans Roméo. Idem pour celui du Capriccio italien.
→ La Valse d'Onéguine est jouée avec une insolence inusitée, comme un véritable morceau de concert. (Ce sens dramatique fait rêver à ce que pourrait produire Järvi en dirigeant un opéra de Tchaïkovski ou Rimski…)
→ Bissé.

Tchaïkovski – Symphonie n°3, Polonaise d'Onéguine, Marche du Couronnement  – Tonhalle Zürich, Paavo Järvi (Alpha 2021)
→ Là aussi, un peu carré mais bel éclat (avec un orchestre droit et peu coloré), très réussi dans son genre même si moins grisant que les meilleurs volumes.
→ Bissé.

♥♥♥ Saint-Saëns – Intégrale des Symphonies – O National de France, Macelaru (Warner 2021)
→ Après avoir trouvé que Măcelaru rendait ces œuvres complètement fascinantes, je me demandais si le coffret paru ce jour tiendrait la rampe en face des souvenirs de concert.
→ OUI. Totalement. Limpidité, poésie, tension, on a vraiment le meilleur de tous les mondes à la fois, beaux timbres et clarté, charpente et élan…
→ Voilà qui remet ces symphonies à leur niveau réel, pas toujours avisément orchestrées pour mettre en valeur un matériau qui est en réalité de haute volée – et Măcelaru rééquilibre précisément les aspects par lesquels les autres, même les meilleurs comme Martinon, restaient modérément enthousiasmants.

♥♥ Walton, Vaughan Williams – Symphonie n°1 pour piano à quatre mains (arr. H. Murrill)  +  Crown Imperial (arr. H. Murrill)  // Suite pour piano à 4 mains – Lynn Arnold (2021)
→ Fabuleuse expérience de vivre la radiographie des rythmes et harmonies riches et complexes de l'une des plus belles symphonies du XXe siècle !

Florence PRICE : Symphony No. 3 / The Mississippi River / Ethiopia's Shadow in America (ORF Vienna Radio Symphony, Jeter)
Beaucoup de thèmes folkloriques, mais j'ai davantage été frappé par l'aspect rhapsodique de la pensée que par la structure, cette fois. Moins luxueux et moins architecturé, j'ai l'impression, que la version Nézet-Séguin.

Walter Werzowa-Beethoven – Beethoven X : The AI Project – Cameron Carpenter, Bonn Beethoven O, Kaftan (Modern Recordings 2021)
→ Construction par une intelligence artificielle d'un scherzo et d'un rondeau final pour une symphonie imaginaire de Beethoven.
→ Amusant sur le principe, peu convaincant dans les faits : on retrouve des caractéristiques (le pom-pom-pom-pom de la Cinquième, comme il y en a beaucoup, rejaillit nécessairement dans l'algorithme), l'orchestration est plutôt bien imitée… mais il manque toutes les idées, les ruptures, le sens de la mélodie ou de l'événement, qui émanent ordinairement du compositeur. Ici, une jolie pièce décorative et finalement prévisible… qui ne cadre pas vraiment avec ce que l'on attend de Beethoven.
→ Je n'ai pas compris l'inclusion d'un orgue concertant dans le rondeau final, ni le pourquoi de la seconde (« edited ») version, le livret n'étant pas disponible sur les sites de flux que j'ai consultés. Mais on s'éloigne d'autant plus de Beethoven, clairement.
→ Bissé.




lattès




H. Poèmes symphoniques & Ouvertures


nouveautés
MacMillan – Larghetto pour orchestre – Pittsburgh SO, Honeck (Reference Recordings 2021)
→ Très doux, jolies tensions harmoniques simples. Manque un peu de reprise rythmique.
→ Couplé avec une Quatrième de Brahms que je n'ai pas eu le temps d'écouter. (Mais Pittsburgh-Honeck, ce doit être vraiment excellent.)




lattès




I. Lied orchestral


nouveautés
Messiaen – La Transfiguration, Poèmes pour mi, Chronochromie – Daviet, BayRSO, Nagano (BR Klassik)
→ Pas très enthousiaste sur la grisaille (proverbiale à mon sens) de l'orchestre. Et la Transfiguration, c'est assez peu passionnant. Pas les meilleurs Poèmes ni Chronochromie non plus, même si très léché dans la direction.





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I. Concertos


nouveautés
Aubert, Leclair, Quentin, Exaudet, Corrette - Concertos pour violon - Ensemble Diderot, Pramsohler (Audax 2021)
→ Le son de l'Ensemble Diderot reste toujours aussi étroit et pincé, vraiment du violon soliste sur boyau accompagné par un tout petit ensemble aux timbres un peu stridents, mais c'est là un beau tour d'horizon du concerto français – où j'ai hélas avant tout remarqué Leclair (et le coucou Corrette, qui fait comme toujours son nid dans les mélodies des autres…).

Hoffmeister, Stamitz & Mozart - Concertos pour alto - Mate Szucs, Anima Musicæ ChbO
→ Inclut une transcription du concerto pour clarinette. Interprétation tradi pas très exaltante. Le concerto de Hoffmeister se tient, celui de Stamitz ne m'a pas paru très dense.

PRATTÉ – Œuvres pour harpe concertante : Grand Concert / Theme and Variations on a Swedish Folk Tune / Souvenir de Norvège – Constantin-Reznik, Norrköping Symphony, D. Musca (BIS 2021)
→ Très intéressant legs (avec de la véritable musique incluse) à la harpe.
→ Trissé.





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J. Musique de chambre

nouveautés
♥♥ Caix d'Hervelois – « Dans les pas de Marin Marais » – La Rêveuse
→ Superbe parcours qui révèle un compositeur de premier intérêt, varié et expressif – la viole de gambe sans l'aspect méditatif et sombre qui caractérise Marais et surtout Sainte-Colombe. Une expression plus ouverte et avenante, que j'ai été surpris de voir développée avec un matériau d'aussi bonne qualité !

GYROWETZ, A.: String Quartets, Op. 42
, Nos. 1-3 (Quartetto Oceano) (OMF 2021)
→ Ceux, composés à peine plus tôt, parus chez CPO m'avaient bien davantage convaincu, dans une veine à-peine-postérieur-à-Mozart.

Pleyel – Quatuors 10,11,12 – Pleyel Quartett Köln (CPO 2021)
→ Quatuors d'un classicisme tardif, toujours de très bonne facture et très bien servis !  L'intégrale se poursuit au même niveau d'excellence.

Draeseke – Quatuor n°3
, Scène pour violon & piano, Suite pour 2 violons - Constanze SQ (CPO 2021)
→ Belles œuvres, sans saillances majeures, mais bien écrites. Petite déception par rapport au volume précédent, qui m'avait hautement réjoui.
→ Bissé.

Henri Bertini – Nonette, Grand Trio – Linos Ensemble (CPO 2021)
→ Belle musique romantique pour ensemble, toujours impeccablement réalisée par le Linos Ensemble.

♥♥♥ LYATOSHINSKY, SILVESTROV, POLEVA – « Ukrainian Piano Quintets » – Pivnenko, Yaropud, Suprun, Pogoretskyi, Starodub (Naxos 2021)
→ Trois petites merveilles – en particulier Poleva, à la fois d'une fièvre postromantique et tout à fait tendu harmoniquement comme il se doit se son temps. Liatochinsky se révèle contre toute attente le plus sage des trois.

KLEBANOV, D.L.: String Quartets Nos. 4 and 5 / Piano Trio No. 2 (ARC Ensemble)
→ Début du Quatuor n°4 fondé sur le le Carol of the Bells, dans un traitement très minimaliste et tintinnabulant (forcément), qui débouche sur un esprit beaucoup plus swingué, très intéressant, persuasif et séduisant. Le reste m'a moins impressionné.
→ Bissé.




K. Bois solos




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L. Cordes à main


nouveautés
♥♥ Salzedo, Tchaïkovski, Hasselmans – « La Harpe de Noël » – Xavier de Maistre
→ En réalité de belles paraphrases et variations, virtuoses et assez denses musicalement, autour de thèmes célèbres. Pas un disque de bluettes sirupeuses, de véritables qualités musicales indubitablement. Beaucoup de compositions et d'arrangements de Salzedo.




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M. Violon

(solo ou accompagné)

nouveautés
PADEREWSKI, I.J. / STOJOWSKI, S.: Violin Sonatas (Pławner, Sałajczyk) (CPO 2021)
→ Beau romantisme passionné et très, très bien joué et capté.
→ Bissé.

Maija EINFELDE – Sonate pour violon solo , Sonates violon-piano 1,2,3 – Magdalēna Geka, Iveta Cālīte (Skani 2021)
→ Monographie consacrée à la compositrice lettonne du XXe siècle. J'y entends d'abord de la musique « de violoniste », virtuose et pas exagérément personnelle, trouvé-je. Mais le final de la Sonate pour violon solo impressionne par sa calme virtuosité et par le creusé de son ton.
Geka formidable évidemment, mais ce n'est pas le répertoire qui met le plus en valeur sa sensibilité.




N. Violoncelle




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(Pas nécessairement intuitif de prime abord : le disque Lasceux-Jullien chez le fameux label P4Y-JQZ.
On a bien le droit de mettre les pochettes qu'on veut et de nommer son label chacun à son goût…)





O. Orgue & clavecin


nouveautés
Orgues de Sicile (collection « Orgues du monde », vol. 1) – Arnaud De Pasquale (HM 2021)
→ Orgues dont le tempérament est très typé, mais dont il faut vraiment voir le clavier unique, étroit et branlant, pour apprécier toute la saveur. Aussi, par rapport au disque, qui ne met pas beaucoup en avant cet aspect (je ne sais quelle en est la raison technique), la vidéo promotionnelle qui montre le cliquetis de la traction mécanique du Speradeo de 1666 de l'église San Pantaleone à Alcara Li Fusi est assez incroyable.

♥♥♥ Guillaume Lasceux – Simphonie concertante pour orgue solo –  St. Lambertuskerk Helmond, Jan van de Laar (P4Y JQZ 2020)
+ Jullien : suite n°5 du livre I, Couperin fantaisie en ré, Böhm Vater unser, Jongen Improvisation-Caprice, Franck pièce héroïque
→ Le disque contenant le plus de Gilles Jullien, et une version extraordinairement saillante de la Pièce Héroïque de Franck.
→ Quel orgue fantastiquement savoureux !

♥♥ Bruckner – Psaume + Symphonie n°2 (Arr. E. Horn for Organ) – Hansjörg Albrecht (Oehms 2021)
→ Le Psaume se prête très bien à la transcription, magnifique, et la Deuxième symphonie est le premier Bruckner joué par H. Albrecht où je ne trouve pas les possibilités d'un clavier sans attaques dynamiques différenciées, sans plans finement réglables, frustrantes. Magnifiques couleurs et atmosphères, cela fonctionne à merveille dans cette symphonie, celle au ton le plus insolent et l'une des structure les plus simples du corpus, j'ai l'impression (je l'aime beaucoup).

Saint-Saëns – Complete Music for Organ – Michele Savino (Brilliant Classics 2021)
→ À écouter d'un bloc, un peu difficile vu la pudeur du corpus. (On connaît mieux les grandes Fantaisies, plus ambitieuses…)

♥♥ Oscar Jockel, Bruckner – Bruckner-Fenster II, Symphonie n°1 (Arr. pour orgue, Erwin Horn), 3 Pièces pour orchestre, Marche en ré mineur – Hansjörg Albrecht (Oehms 2021)
→ Moins intéressant que la symphonie n°2, le résultat paraît plus statique, mais le planant et dense Bruckner-Fenster m'a tout à fait réjoui !

♥♥ Petr Eben – Anthologie d'orgue : 4 Danses bibliques, Variations sur Le bon roi Venceslas, des extraits de Musique dominicale, Faust et Job – Janette Fishell (Pro Organo 2020)
→ Œuvres formidables, mais pour Job, allez impérativement voir du côté de David Titterington avec Howard Lee en récitant (chez Multisonic).

♥♥ Petr EBEN – Momenti d'organo, Festium omnium sacrorum, De nomine Ceciliæ, In conceptione immacaculatæ BMV, Arie Ruth, 4 Danses bibliques –Michiko Takanashi, Ludger Lohmann (Pan Classics 2021)
→ Les pièces vocales sacrées sont un peu figées dans leur prosodie minutieuse, en revanche les Momenti d'organo sont des merveilles de tonalité stable mais très enrichie, qui n'est pas sans parentés avec l'univers de Messiaen (en moins radicalement autre, bien sûr).

♥♥ Hugard, Messe ; Lasceux, pièces pour orgue ; Hardouin, Domine salvum – Desenclos Accentus, Equilbey (Naïve 1998)
→ Univers du dépouillement archaïque.




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P. Piano·s


nouveautés
Fanny Mendelssohn-Hensel – Piano Sonatas – Gaia Sokoli (Piano Classics 2021)
→ Jolies sonates équilibrées, qui ne cherchent pas les grands contrastes dramatiques, et très bien exécutées.

Dora Pejačević
6 Phantasiestücke, Blumenleben, Walzer-Capricen, 2 Esquisses pour piano, 2 Nocturnes, Sonate – Ekaterina Litvintseva (Piano Classics 2021)
→ Piano postromantique assez standard, pas du tout du niveau de son incroyable musique de chambre, même si la Sonate finit par culminer en un beau lyrisme.
→ Interprétation et captation tout à fait valeureuses.

♥♥ Walton, Vaughan Williams – Symphonie n°1 pour piano à quatre mains (arr. H. Murrill)  +  Crown Imperial (arr. H. Murrill)  // Suite pour piano à 4 mains – Lynn Arnold, Charles Matthews (Albion Records 2021)
→ Fabuleuse expérience de vivre la radiographie des rythmes et harmonies riches et complexes de l'une des plus belles symphonies du XXe siècle !

Mariotte Sonate en fa#m, (Didier) Rotella Étude en blanc n°2, Ravel Prélude 1913, Jacquet de La Guerre Suite en ré mineur – Andrew Zhou (Solstice 2021)
→ Première occasion d'entendre le Mariotte, crois-je, au disque !  Pas du tout aussi singulier que les Impressions urbaines ou même les Kakémonos, loin aussi du richardstraussisme de sa Salomé…mais tout de même un beau postromantisme enrichi.
→ La pièce de Rotella en hommage à Ravel est très réussie. En revanche, l'exécution de la suite pour clavecin d'ÉCJdLG souffre vraiment de toutes les difficultés liées au piano (agréments très lourds, staccato peu gracieux, tempérament égal particulièrement plat), sans que l'interprète parvienne à résoudre tous ces problèmes.
→ Prise de son difficile, dans un petit espace et acide, surtout pour le Jacquet de La Guerre et le final du Mariotte.





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Q. Airs de cour, lieder & mélodies…


nouveautés
♥♥ Bousset, Leclair, Fedeli, Naudé l'Aîné, Pinel, Lambert, anonymes… – « Vous avez dit Brunettes ? » – Les Kapsber'girls (Alpha 2021)
→ Programme fascinant consacré à ces pièces tendres et pastorales appelées Brunettes, et dont plusieurs recueils ont paru au début du XVIIIe sièce chez Christophe Ballard.
→ Refusant la prononciation restituée et favorisant au maximum le naturel des textes, l'ensemble propose une lecture extrêmement persuasive de ces pièces. La voix de la soprane (Alice Duport-Percier), douce, se marie merveilleusement à l'émission beaucoup plus tranchante de la mezzo (Axelle Verner), alliance inhabituelle (d'ordinaire inversée) qui permet une intelligibilité maximale de la musique et du texte – de surcroît, les solos révèlent des voix intrinsèquement sublimes.
→ Seule frustration, la prise de son très sèche d'Alpha, trop proche des chanteuses, qui relègue et écrase l'accompagnement, toutc en atténuant le fondu de leurs voix qui fait merveille en concert (j'étais à celui de lancement Salle Colonne, l'équilibre était bien meilleur même sans être au premier rang).

Beethoven – Irish Songs – Maria Keohane, Ricercar Consort, Philippe Pierlot (Mirare 2021)
→ Accompagnées à la harpe plutôt qu’au piano, avec violon sur boyaux, interprétation atypique de ces beaux chants traditionnels arrangés par Beethoven.

♥♥ Schubert – Die schöne Müllerin – Andrè Schuen, Daniel Heide (DGG 2021)
→ Très belle version. Des efforts pour être expressifs à tous les moments-clefs ; qualité d'articulation de la part des deux artistes. J'aime beaucoup la façon dont ils caractérisent précisément chaque moment de chaque lied.
→ Mais tout de même deux réserves pour ma part.
a) la transposition pour baryton rend la partie de piano un peu épaisse et poisseuse, on perd un peu en charme, malgré le grand soin des nuances ;
b) la substance de la voix du baryton. Dès que c'est fort, la l'instrument est poussé, et la couverture est exagérée (de francs [eu] pour des [è]...). En revanche toutes les nuances douces sont absolument merveilleuses, pour ainsi dire inégalée.
→ Ce n'est pas la lecture que je trouve la plus personnelle ou qui me touche le plus, il y a potentiellement de petites réserves techniques sur la voix, mais sur le plan artistique, l'interêt de l'interprétation, une grande version !

♥♥ Thorsteinson, Schumann – Lieder (en islandais + Op.39) – Andri Björn Róbertsson, Ástríður Alda Sigurðardóttir (Fuga Libera 2021)
→ Remarquable interprétation de Schumann, une voix aux belles moirures graves. Les lieder islandais souffrent de la comparaison avec Schumann (plus jolis que dramatiques, un peu lisses), possiblement aussi de ma maîtrise linguistique bien moindre.

Edouard Lassen – Lieder, mélodies – Reinoud van Mechelen, Anthony Romaniuk (Musiques en Wallonie 2021)
→ Un grand succès de son temps. Très doux, très simple, très réussi. Et le fondu de la voix de Mechelen se déploie idéalement dans ce contexte romantique.

♥♥♥ Biarent, Salvador-Daniel, Fourdrain, Berlioz, Gounod, Bizet, Saint-Saëns, Chausson – mélodies orientales « La chanson du vent » – Clotilde van Dieren, Katsura Mizumoto (Cyprès 2021)
→ Plusieurs véritables raretés dont les 8 Mélodies de Biarent, Alger le soir de Félix Fourdrain ou l'entêtante Chanson mauresque de Tunis de Francisco Salvador-Daniel !  Belle sélection de pièces très persuasives.
→ Interprétation par un mezzo capiteux mais à la diction précise, la voix sonne très « opéra » mais se coule remarquablement dans les exigences de l'exercice.

♥♥ Debussy, Rihm, Strauss, Schönberg – Ariettes oubliées (+ mélodies de jeunesse), 3 Hölderlin, Mädchenblumen, Op.2 – Sheva Tehoval, Daniel Heide (Cavi 2021)
→ Superbe voix, légèrement pincée, à l'aigu facile, aux graces clairs et naturels, le tout dans un français impeccable.

♥♥ Schumann, Barber – Schöne Wiege meiner Leiden, I Hear an Army – John Chest, Hans Adolfsen (VocalCompetition YT, 2016)

♥♥ FARWELL, A.: Songs, Choral and Piano Works (« America's Neglected Composer) (W. Sharp, Arciuli, Dakota String Quartet)
→ Compositeur nord-américain qui a mis à l'honneur la musique traditionnelle amérindienne en en insérant des thèmes arrangés dans sa musique. D'après la notice, il souffre  aujourd'hui des thématiques débattues autour de l'appropriation culturelle pour être remis à l'honneur. Il est vrai que sa musique est de grand intérêt, conçues avec un très beau métier et une belle inspiration personnelle ; vu son peu de notoriété initial, la plus grande difficulté réside sans doute d'abord là.




lattès




Je crois que vous avez là encore de quoi vous laisser surprendre… en attendant d'éventuelles présentation de cycles hors nouveautés, avec des exploration encore plus enthousiasmantes !  (En ce moment même, Alfvén 2 par Svetlanov et la Radio Suédoise, quelle Épiphanie !)

À très bientôt pour de nouvelles aventures autour des anniversaires, d'éditoriaux, de suggestions de découvertes ou de petites découvertes « pédagogiques »… ce n'est pas sûr encore !

(Ne mourez pas s'il vous plaît.)

dimanche 3 octobre 2021

Le grand tour 2021 des nouveautés – épisode 7 : Brixi, Wölfl, Florence Price, Miaskovski, Marais à l'opéra, tout Schumann, Mahler bricolé, Lipatti compositeur…


Un mot

Comme pour les précédents épisodes : petit tour des nouveautés que j'ai écoutées – et j'en profite pour partager les autres disques entendus durant cette période, parce qu'il n'y a pas que le neuf qui vaille la peine.

Un mois et demi (de calme été, en plus) s'est seulement écoulé, mais la somme accumulée est à nouveau assez considérable – alors même que j'ai passé beaucoup plus de temps au concert, et pas encore écouté bon nombre de nouveautés… que de disques à parcourir !  Je vous fais la visite ?

Parmi les trouvailles de la période, vous rencontrerez des versions extraordinaires d'œuvres déjà connues : Alcione de Marais, le Quintette à cordes de Schubert, (tous) les lieder de Schumann, La Princesse jaune de Saint-Saëns, ses Quatuors, son Second Trio, Roméo & Juliette de Tchaïkovski, Le Sacre du Printemps, Mahler relu de façon grisante par le Collectif9… mais aussi des portions mal connues du répertoire (quoique de très haute volée !), comme la musique sacrée (pragoise) de Brixi, les concertos pour piano de Wölfl, les pastiches et arrangements de Karg-Elert, les symphonies de Florence Price, les mélodies de Miaskovski ou celles de Dinu Lipatti !

Tout ceci se trouve aisément en flux (type Deezer, gratuit sur PC ; ou sur YouTube) et en général en disque. Il faut simplement pousser la porte.

(Pardon, mes présentations de titres ne sont pas toutes normalisées, il faut déjà pas mal d'heures pour mettre au propre, classer et mettre un minimum en forme toutes ces notes d'écoutes. Il s'agit vraiment de données brutes, qui prennent déjà quelques heures à vérifier, réorganiser et remettre en forme, je n'ai pas le temps de tout peaufiner si je veux aussi écrire d'autres notules un peu plus denses côté fond.)

miaskovski


La légende

Les vignettes sont au maximum tirées des nouveautés. Beaucoup de merveilles réécoutées ou déjà parues n'ont ainsi pas été immédiatement mises en avant dans la notule : référez-vous aux disques avec deux ou trois cœurs pour remonter la trace.
(Un effort a été fait pour classer par genre et époque, en principe vous devriez pouvoir trouver votre compte dans vos genres de prédilection.)

Cette fois-ci, j'ai regroupé et encadré les nouveautés au début de chaque section, pour faciliter le repérage sans briser la disposition par genre.

♥ : réussi !
♥♥ : jalon considérable.
♥♥♥ : écoute capitale.
¤ : pas convaincu du tout.

(Les disques sans indication particulière sont à mon sens de très bons disques, simplement pas nécessairement prioritaires au sein de la profusion de l'offre.)

Le tout est classé par genre, puis par ordre chronologique très approximatif (tantôt la génération des compositeurs, tantôt la composition des œuvres, quelquefois les groupes nationaux…) au sein de chaque catégorie, pour ménager une sorte de progression tout de même.




alcione




A. Opéra


nouveautés
♥  Monteverdi – L'Orfeo – Ensemble Lundabarock, Höör Barock, Ensemble Altapunta, F. Malmberg (BIS 2021)
→ Belle version, douce, bien dite, pas très typée.

♥♥ Monteverdi – L'Orfeo – Contaldo, Flores, Bridelli, Quintans, Salvo Vitale ; ChbCh de Namur, Cappella Mediterranea, García Alarcón (Alpha 2021)
→ Des choix originaux, beaucoup de vie, mais un certain manque de voix marquantes. J'aime beaucoup les chanteurs, mais ils manquent un peu de charisme dans une discographie saturée de propositions très fortes (seule Quintans s'élève nettement au-dessus de ses standards habituels).
→ Orchestralement en revanche, de très belles trouvailles d'alliages, de tempo, de phrasé... quoique le tout soit un peu lissé par une prise de son avec assez peu de relief et de couleurs.
→ Aurait pu être très grand, et mériterait en tout cas grandement d'être entendu en salle !

♥♥♥ Marais – Alcione – Desandre, Auvity, Mauillon ; Le Concert des Nations, Savall (Alia Vox 2021)
→ Issu des représentations à l'Opéra-Comique, enregistrement qui porte une marque stylistique française très forte : dans la fosse, sous l'étiquette Concert des Nations propre à Savall, en réa:lité énormément de musiciens français issus des meilleures institutions baroques, spécialistes de ce style), et un aboutissement déclamatoire très grand – en particulier chez Auvity et Mauillon (qui est proprement miraculeux de clarté et d'éloquence).
→ Le résultat est donc sans rapport avec l'équipe catalane du fameux enregistrement des suites de danses tirés de cet opéra (1993), non sans qualités mais pas du tout du même naturel et de la même qualité de finition (instrumentale comme stylistique).

Paer – Leonora – De Marchi (2021)
→ Musique d'opéra bouffe encore très marquée par les tournures de Cimarosa et Mozart. Pas nécessairement de coups de génie, mais l'ensemble est constamment bien écrit, bien chanté et exécuté avec chaleur : il mérite le détour.

Bellini – I PuritaniCoburn, Brownlee, Zheltyrguzov, Kaunas State Choir, Kaunas City Symphony, Orbelian (Delos 2021)
→ Brownlee toujours impressionnant, mais moins d'éclat en vieillissant évidemment. Coburn très virtuose, voix bien ronde et dense, un peu lisse et égale pour moi (où sont les consonnes ?), mais objectivement très bien chantée. Le reste m'impressionne moins, même mon chouchou Orbelian, assez littéral et au rubato pas toujours adroit.

Wagner – Tristan und Isolde – Flagstad, Suthaus, Covent Garden, Furtwängler (Erato, resmatering 2021)
→ Bonne version, très studio (donc comme toujours vraiment pas le meilleur de Furtwängler, d'une toute autre farine sur le vif avec Schlüter, et Suthaus en feu), où l'on peut surtout se régaler du Tristan de Suthaus, remarquablement ample et solide, mais aussi beau diseur.

♥♥♥ Saint-Saëns – La Princesse jaune – Wanroij, Vidal ; Toulouse, Hussain (Bru Zane 2021)
+ Mélodies persanes (Constans, Fanyo, Pancrazi, Sargsyan, Boutillier…)
→ Ivresses. Des œuvres, des voix.
→ Révélation pour ce qui est de la Princesse, pas aussi bien servie jusqu'ici, et délices infinies de ces Mélodies dans une luxueuse version orchestrale, avec des chanteurs très différents, et chacun tellement pénétré de son rôle singulier !

Debussy – Pelléas & Mélisande – Skerath, Barbeyrac, Duhamel ; Querré, Baechle, Varnier ; ONBA, Dumoussaud (Alpha 2021).
→ Lecture très traditionnelle, plutôt « épaisse » de tous les côtés : orchestre un peu ample et tranquille, interludes en version courte, voix très lyriques (Skerath comme toujours ronde, en-dedans, opaque ; Barbeyrac chante à pleine voix ; Duhamel expressif mais un peu monochrome), j'ai surtout aimé Querré en Yniold, l'illusion de l'enfant est assez réussite avec cette petite voix droite.
→ Belle version dans l'ensemble, mais très opératique, peu de finesses textuelles ou de coloris nouveau à se mettre sous la dent.

Holst – The Perfect Fool – R. Golding, P. Bowden, M. Neville, Mitchinson, Hagan, BBC Northern Singers and Symphony, Ch. Groves (réédition Lyrita 2021)

Et les écoutes / réécoutes hors nouveautés :

Landi – La morte d’Orfeo – Elwes, Chance, van der Meel, van der Kamp ; Tragicomedia, Stubbs (Accent, réédition 2007)
→ Dans la veine des premiers opéras, assez statiques harmoniquement, mais beaucoup d’ensembles (chœurs homorythmiques, duos ou trios plus contrapuntiques…) viennent rompre la monotonie.
→ Plateau vraiment délicieux de voix claires, délicates, mélancoliques.

Marais – Alcione – Minkowski (Erato)

Campra – Tancrède – Schneebeli (Alpha)
→ Déçu à la réécoute, vraiment sage et même un peu terne. (Malgoire c'était bien mieux, malgré le vieillissement du style !)

Desmarest – Vénus & Adonis – Rousset (Ambroisie)

♥♥ Francœur & Rebel – Pirame & Thisbé – Stradivaria, D. Cuiller (Mirare)

Berlioz – Les Troyens (en italien), entrée d'Énée – Del Monaco, La Scala, Kubelik (Walhall)
→ Oh, « marque » l'aigu de « le dévorent ». Et essentiellement métallique, pas très impressionnant / insolent / expressif. Orchestre pas ensemble, solistes non plus, prosodie italienne qui oblige à quelques irrégularités de ligne.

Berlioz – Les Troyens, entrée d'Énée – Giraudeau, RPO, Beecham (Somm)
→ Chant léger et impavide, très étonnant (comme un personnage secondaire de Cocteau…), et le RPO à la rue (bouché, la peine).

¤ Berlioz – Les Troyens (actes I, II, V) – Davis I (Philips)

♥♥♥ Verdi – Stiffelio (acte II) – Regio Parma, Battistoni (C Major)
→ La version sans faute de ce bijou trop peu joué. Comme Traviata, un drame de mœurs contemporain (l'adultère de la femme d'un pasteur).

♥♥♥ VERDI, Rigoletto (en allemand) (Coertse, Malaniuk, De Luca, Metternich, Frick, Vohla, Cologne Radio Chorus and Symphony Orchestra, Rossi) (1956) (Walhall édition 2007)

♥♥♥ Verdi – Il Trovatore (I,II) – Bonynge

♥♥♥ Verdi – Il Trovatore (I,II,III) – Muti 2000

Verdi – Le Trouvère (en français) – Martina Franca

♥♥ Verdi – Un Ballo in maschera (en allemand) – Schlemm, Walburga Wegner, Mödl, Fehenberger, DFD (libre de droits)
→ Günther Wilhelms en Silvano, remarquable. Voix franches et bien bâties, orchestre très investi et aux inflexions très wagnériennes.

♥♥ VERDI, G.: Otello (Sung in German) [Opera] (Watson, Hopf, Metternich, Cologne Radio Chorus and Orchestra, Solti) (1958)
→ Hopf en méforme, Solti pas aidé par l'orchestre non plus.

♥♥ Foroni – Elisabetta, regina di Svezia – Göteborg (Sterling)
→ Démarre doucement, mais des élans conspirateurs remarquables !

Gounod – Romeo et Juliette (en suédois) –  Björling, Allard, d'Ailly ; Opéra de Stockholm, Grevillius (Bluebell)

♥♥♥ Nielsen – Saul og David (acte IV) – Jensen (Danacord)

♥♥♥ Nielsen – Saul og David – N. Järvi (Chandos)
 
Peterson-Berger – Arnljot – Brita Ewert, Bjorck, Einar Andersson, Ingebretsen, Gösta Lindberg, Leon Björker, Sigurd Björling, Sven Herdenberg, Sven d'Ailly ; Royal Swedish Opera, Nils Grevillius
→ Un peu sec-discursif pour de l'opéra essentiellement romantique. Pas bouleversé. Mais quelle équipe de chanteurs !




gens




B. Récital d'opéra

Une très belle livraison de nouveautés sur le mois écoulé, avec des propositions de répertoire très originales et construites !

nouveautés
♥♥♥ Lully, Charpentier, Desmarest – extraits d'Armide, Médée, Circé… – Gens, Les Surprises, Camboulas (Alpha 2021)
→ Formidables lectures, de très grandes pièces (cet air-chaconne de Circé de Desmarest, dans l'esprit de l'entrée de Callirhoé, mais en plus long !), Les Surprises à leur meilleur, un chœur de démons nasal à souhait (les individualités de ce chœur de 8 personnes sont fabuleuses, de grands chanteurs baroques y figurent !), le tout agencé de façon très variée et vivante, et servi par la hauteur de verbe et geste de Gens… un récital-merveille !

« Jéliote »Mechelen, A Nocte Temporis, Mechelen (Alpha 2021)
→ Encore une belle réussite de Mechelen et son ensemble, autour d'une autre haute-contre historique – programme et exécution peut-être un peu moins originaux et marquants que pour le premier, mais vraiment recommandé.
→ Approche musicologique intéressante de se fonder sur un interprète précis, comme tant de récitals d'opéra seria l'ont fait, et renouvellement (même si moindre cette fois) des airs habituellement enregistrés.

Destouches (Marthésie), Philidor (Les Amazones), Cavalli, Viviani, Vivaldi, Schurmann… – « Amazone » – Léa Desandre (+ Gens, Bartoli), Ensemble Jupiter, Thomas Dunford (Erato 2021)
→ Beau récital vivant, d'où se détachent surtout pour moi, sans surprise, les pièces françaises (notamment les généreux extraits de Marthésie, qu'on est très heureux d'entendre pour la première fois !).
→ J'ai mainte fois dit que je trouve le timbre très fondu pour une voix aussi peu fortement projetée, et que j'aime davantage de franchise dans le verbe, mais la maîtrise du coloris et l'agilité sont irréprochables et l'interprète très engagée.

♥♥ Mozart, Méhul, Spontini, Rossini, Adam, Verdi, Offenbach, Wagner, Leoncavallo, Lehár, Ravel, Orff, Korngold… – « Baritenor »Michael Spyres, Philharmonique de Strasbourg, Marko Letonja (Erato 2021)
→ Déception partagée par les copains geeks-de-musique : ce n'est pas un récital de répertoire spécifique à cette catégorie vocale – selon les époques et les lieux, peut désigner aussi bien des ténors sans aigus (Licinius de La Vestale), que des barytons à aigus (Figaro du Barbier de Séville) ou des ténors aigus et agiles disposant d'une inhabituelle extension grave (Zampa d'Hérold, absent de ce disque). Dans cet album, on entend donc énormément de tubes des répertoires pour ténor aussi bien que pour baryton, pas nécessairement écrits pour baryténor.
→ Cette réserve formulée (on a tout de même Ariodant de Méhul et Lohengrin dans la traduction de Nuitter), le tour de force demeure très impressionnant (le véritable timbre de baryton saturé d'harmoniques pour la cantilène du Comte de Luna !) et ménage quelques très heureuses surprises, comme les diminutions aiguës dans l'air du Comte Almaviva de Mozart (tirant vraiment parti de la tessiture longue pour proposer quelque chose de différent mais tout à fait cohérent avec le style) ou pour le Figaro du Barbier (l'imitation des différentes voix qui appellent Figaro, de la femme à la basse, quelle amusante jonglerie !). Et tout de même beaucoup de rôles de barytons aigus (Danilo, Carmina Burana), ainsi que de ténors graves (Lohengrin), mais aussi, pour bien prouver que la voix n'est pas ternie, de ténors aigus (Le Postillon de Longjumeau).
→ Autre atout, le parcours (certes arbitraire puisque mélangeant ténors et barytons…) est construit de façon chronologique, on fait une petite balade temporelle au spectre très large, ce qui est très rare dans les récitals.
→ À écouter, donc, pour les amateurs de voix (qui seront très impressionnés) plutôt que pour les défricheurs de répertoire.
→ Partiellement bissé.

Et les écoutes / réécoutes hors nouveautés :

Gabrielli – extrait de S. Sigismondo, re di Borgogna – Bartoli, Andrés Gabetta, Sol Gabetta, Cappella Gabetta (Decca)
→ Quadrissé.
→ Avec instruments solistes. Pas très marquant, mais tout ce qu'on a au disque de ses opéras…

♥♥♥ Schlusnus dans Don Pasquale, Onéguine, Prince Igor (tout en allemand)
→ Chante Onéguine avec des nuances de lied… délectable ! Igor pas très épique.
→ Bissé

♥♥♥ Josef Metternich, « Rare and Unreleased Recordings (1948-1957) » (Andromeda)
→ Tout en allemand : Onéguine, Trovatore, Otello, Lortzing, Traviata, Arabella, Parsifal…
+ https://www.youtube.com/watch?v=v-WmSm50Nd8 (la perfection vocale…)




berners




C. Ballet & musiques de scène


nouveautés
♥♥ Arenski (Arensky) – Nuits égyptiennes (Ėgipetskiye nochi, Egyptian Nights), Op. 50 – Moscou SO, Yablonsky (Naxos réédition 2021)

Lord BernersBallet de Neptune, L'uomo dai baffi – English Northen Philharmonia, Lloyd-Jones (Naxos 2021)
+ arrangements pour orchestre de Philip Lane : 3 Valses bourgeoises, Polka (avec le Royal Ballet Sinfonia)
→ Toujours cette belle musique excentrique de Berners, quelque part entre la musique légère et la sophistication, comme une rencontre improbable entre Minkus et Schulhoff, le tout dans un esprit très proche de la musique légère anglaise.
→ Trissé.

♥♥♥ Stravinski – Feu d'artifice, Scherzo fantastique, Scherzo à la Russe, Chant Funèbre, Sacre du Printemps NHK SO, Paavo Järvi (RCA 2021)
→ Splendide version très vivante, captée avec beaucoup de relief physique, contenant quelques-uns des chefs-d'œuvre de jeunesse de Stravinski (parmi ce qu'il a écrit de mieux dans toute sa carrière, Feu d'artifice et le Scherzo fantastique…), ainsi qu'une version extrêmement charismatique et immédiatement prenante du Sacre du Printemps.
→ Järvi semble avoir tiré le meilleur de la NHK, orchestre aux couleurs peu typées (même un brin gris, ai-je trouvé en salle), mais dont la discipine et la solidité permettent ici une insolence et un aplomb absolument idéaux pour ces pages.
→ Bissé le Sacre, trissé les ouvertures.

Et les écoutes / réécoutes hors nouveautés :

Franck – Hulda, Op. 4 : le ballet allégorique – OP Liège, Arming (Fuga Libera 2012)
→ Du Franck plutôt décoratif, marqué par des modèles absolument pas wagnériens (le ballet à la française, avec un côté rengaine quasiment britannique dans le rondeau final !). Le reste de l'opéra n'est pas non plus le plus audacieux de Franck, mais il sera bientôt donné et enregistré dans les meilleures conditions par Bru Zane !
→ Couplé avec une très belle version tradi de la Symphonie.

♥♥ Stravinski – Petrouchka, Les Noces – Ančerl
→ Avec Žídek et Toperczer notamment !

Stravinski – Les Noces (en français) – Ansermet (Decca)




anniversaires




D. Cantates profanes


nouveautés
♥ Purcell – Birthday Odes for Queen Mary – Carolyn Sampson, Iestyn Davies… The King's Consort, Robert King (Vivat 2021)
→ Excellentes versions, très bien captées, qui valent en particulier pour les instrumentistes très vivement engagés. Joli plateau vocal également.
→ (Pour autant, je ne suis pas trop certain de vouloir vous encourager à financer le label autoproduit d'un abuseur d'enfants. J'ai longuement hésité avant d'écouter moi-même ce disque, alors que j'ai toujours énormément aimé le travail artistique de R. King. La séparation entre l'homme et l'œuvre me paraît problématique lorsque l'homme est vivant et en activité : on promeut le talent au-dessus d'être un humain décent, on excuse la destruction de vies au nom de ses qualités pour nous divertir, on remet potentiellement l'agresseur en position de prestige, d'autorité et de récidive. Bref : c'est un bon disque, mais si vous voulez l'écouter volez-le s'il vous plaît.)
→ [Tenez, je commettrai sans doute un jour une notule où je partagerai mon sentiment d'homme blet sur cette affaire de séparation de l'homme et de l'œuvre, sous un angle différent de la traditionnelle opposition « il est méchant il faut détruire son œuvre  » / « il est bon dans son domaine c'est tout ce qui m'intéresse ». Mon opinion a grandement évolué sur le sujet depuis ma naïve jeunesse, et je me pose quelques questions sur nos réflexes mentaux en la matière, que je partagerai à l'occasion.]




brixi




E. Sacré


nouveautés
Zácara da Teramo – Intégrale (Motets, Chansons édifiantes) – La Fonte Musica, Michele Pasotti (4 CDs, Alpha 2021)
→ Musique du XIVe siècle, dont la langue me paraît hardie pour son temps (ou sont-ce les restitutions?), mais trop loin de mes habitudes d'écoute pour que je puisse en juger – j'ai beau faire, je me retrouve un peu comme les wagnériens devant LULLY, je n'entends que le nombre limité de paramètres expressifs et pas assez les beautés propres de ces musiques à l'intérieur de leur système. Pas faute d'avoir essayé.
→ Belles voix, assez originales, ni lyriques, ni folkloriques, vraiment un monde à part très intéressant et avec des timbres très typés (mais pas du tout clivants / étranges).

♥♥♥ Brixi – Messe en ré majeur, Litanies – Hana Blažiková, Nosek Jaromír ; Hipocondria Ensemble, Jan Hádek (Supraphon 2021)
→ Alterne les chœurs d'ascèse, finement tuilés, très beau contrepoint qui fleure encore bon le contrepoint XVIIe, voire XVIe… pour déboucher sur des airs façon Messie (vraiment le langage mélodique de Haendel !).
→ Splendides voix tranchantes et pas du tout malingres, orchestre fin et engagé, Blažiková demeure toujours aussi radieuse, jusque dans les aigus de soliste bien exposés !

Et les écoutes / réécoutes hors nouveautés :

♥♥♥ Grégorien : Chants de l'Église de Rome VIe-XIIe s. – Organum, Pérès (HM)
→ Quelle sûreté de réalisation ! (et toujours ces beaux mélismes orientalisants)

♥♥♥ Dufay – Motets isorythmiques – Huelgas (HM)

Allegri – Miserere – A sei voci (Naïve)

♥♥ Titelouze – Messe – Les Meslanges, van Essen (Paraty 2019)

♥♥ CAPUANA, M.: Messa di defonti e compieta / RUBINO, B.: Messa di morti (Choeur de Chambre de Namur, García Alarcón) (Ricercar 2015)
→ bissé Capuana, trissé Rubino
→ Pas du niveau des Vêpres du Stellario, mais riche et stimulant !

♥♥♥ Du Mont – Cantica sacra – Boterf, avec Freddy Eichelberger à l'orgue Le Picard de Beaufays (1742) (Ricercar)

♥♥♥ Mendelssohn : Te Deum in D Major, MWV B15 ; Stuttgart KmCh, Bernius (Hänssler 2021)
→ Nouveau de cette année, génial (du Mendelssohn choral à un par partie !), mais déjà présenté la semaine de sa sortie lors d'une précédente livraison. Je n'encombre donc pas cette notule-ci.

♥♥♥ Danjou, Kyrie & Gloria // Perne, Sanctus & Agnus Dei // Boëly, pièces d'orgue – Ens. G. Binchois, F. Ménissier (Tempéraments 2001)
Danjou !!  J'étais persuadé que ça n'existait pas au disque. Passionnant de découvrir ça.

Saint-Saëns, Oratorio de Noël ; Ziesak, Mahnke, James Taylor, Deutsche Radio Philharmonie, Poppen (YT 2008)
→ Très épuré, sulpicien, contemplatif. Joli, et dans une interprétation de tout premier choix (quels solistes !).

♥♥ Braunfels : Große Messe – Jörg-Peter Weigle (Capriccio 2016)
→ D'ample ambition, une œuvre qui ne tire pas Braunfels vers du Bruckner complexifié comme son Te Deum, mais vers une véritable pensée généreuse et organique, dotée en outre de fort belles mélodies.

♥♥ Milhaud – Psaume 121 – RenMen





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F. A cappella profane


nouveautés
Hutchings, Meadow, Hopkins, Sigurdbjörnsson, Jóhannsson, Owens, Arnalds, Lovett, Rimmer, Gjeilo, Barton, Desai, Guðnadóttir, O'Halloran, L.Howard – « Infinity » Voces8 (Decca 2021)
→ Bascule toujours plus profonde dans la musique atmosphérique, avec ces pièces (elles-mêmes des arrangements) qui pour beaucoup ressemblent à du Whitacre en plus gentil. Mais réussi dans son genre, et particulièrement concernant les quelques pièces qui excèdent un peu ce cadre avec des harmonies plus recherchées (Sigurdbjörnsson).





florence price




G. Symphonies


nouveautés
Saint-George – Symphonie en sol, Symphonies concertantes – CzChbO Pardubice, Halász (Naxos 2021)
→ Plutôt mieux que d'habitude, assez charmant même, mais toujours aussi aimable et peu marquant, vraiment de la musique décorative, réutilisant exactement les tournures de son temps. Ni plus ni moins.
→ Amusant : Naxos écrit Saint-Georges à la française, alors que son nom s'écrit Saint-George – tandis que le Wikipédia anglais écrit aussi Saint-Georges, en référence à son probable père.
→ Bissé. (Parce que j'étais occupé pendant ma première écoute, pas parce que c'est génial.)

♥♥ (Cipriani) Potter – Symphonie n°1, Intro & rondo « à la militaire », Ouverture Cymbeline – BBCNO Wales, Howard Griffiths (CPO 2021)
→ Très belles œuvres du jeune romantisme britannique, l'ouverture pour Cymbeline de Shakespeare en particulier !
→ Trissé.

♥♥ Bruckner – Symphonie n°4 (les trois versions) – Bamberg SO, Hrůša (Accentus Music 2021)
→ Passionnant choix de confronter les différentes versions, dans une lecture assez traditionnelle (contrastes limités, couleurs assez fondues, transitions plutôt lissées) mais détaillée, lisible et toujours vivante.
→ Parmi les belles choses à repérer : dans la première version, 1874, l'écriture est beaucoup plus continue (les grands unissons sont ici harmonisés, avec un aspect beaucoup plus continu et brahmsien que j'aime beaucoup, moins étrange en tout cas), en particulier dans le premier mouvement. Et dans le final, amusante marche harmonique sur figures violonistiques arpégées qui fleure bon sa Chevauchée des Walkyries.
→ Dans le premier mouvement de la deuxième version, 1878, bel éclat majeur très lumineux, plus du tout dans l'esprit majesté-de-voûtes-romanes, très réussi. La progression vers le dernier climax du final est aussi très réussie, implacable apothéose.

♥♥ Tchaïkovski – Symphonie n°6, Roméo & Juliette – Tonhalle Zürich, Paavo Järvi (Alpha 2021)
→ Beaucoup plus proche de la rectitude de leur Cinquième que du fol engagement de leurs 2 & 4.
→ Le développement du premier mouvement reste impressionnant (et le timbre pincé du hautbois solo délectable), mais le reste manque un peu de pathos à vrai dire, cette musique en a d'ordinaire suffisamment, mais tout paraît un peu peu germanisé et distancié ici, malgré l'investissement audible de toutes les parties.
→ La marche-scherzo n'est absolument pas terrifiante mais danse avec sourire et délectation, culminant dans le très bel éclat (purement musical) de son climax. Surprenant, mais assez convaincant.
→ Roméo et Juliette absolument pas russe non plus, mais la netteté au cordeau, la différenciation des timbres y a quelque chose de tout à fait grisant – purement musical ici encore, plutôt que passionné ou narratif. J'aime beaucoup, bien plus proche des qualités des 2 & 4.

Saint-Saëns – Symphonie n°1, Concerto pour violoncelle n°1, Bacchanale – Astrig Siranossian, Philharmonique de Westphalie méridionale, Nabil Shehata (Alpha 2021)
→ Pas très emporté par ce disque : soliste pas particulièrement charismatique (et capté un peu en arrière), orchestre peu coloré, plutôt opaque, très tradi… la Symphonie est jouée avec vie, mais rien qui change nos vies, je le crains.

Saint-Saëns – Symphonies Urbs Roma & n°3 – Liège RPO, Kantorow
→ À nouveauté pour cette intégrale Kantorow, pas de révolution dans la perception des œuvres, mais une exécution de bonne tenue – un peu épaisse pour ce que peuvent réellement produire ces symphonies, néanmoins.

♥♥♥ Mahler – Symphonie n°8 – Howarth, Schwanewilms, Fomina, Selinger, Bardon, Banks, Gadd, Rose ; LPO Choir, LSO Chorus, Clare College Choir, Tiffin Boys Choir ; LPO, Jurowski (LPO Live)
→ Quel bonheur d'avoir des sopranos de la qualité de timbre de Schwanewilms et Fomina pour cette symphonie où leurs aigus sont exposés en permanence !  Barry Banks aussi, dans la terrible partie de ténor, étrange timbre pharyngé, mais séduisant et attaques nettes, d'une impeccable tenue tout au long de la soirée.
→ Par ailleurs, le mordant de Jurowski canalise merveilleusement les masses – très beaux chœurs par ailleurs.
→ Trissé.

♥♥ Florence Price – Symphonies 1 & 3 – Philadelphia O, Nézet-Séguin (DGG 2021)
→ Symphonies d'un compositeur qui cumulait les handicaps de diffusion, et cumule à présent les motivations de programmation : femme et afro-américaine !
→ Le langage de la Première se fonde largement sur des thèmes issus du gospel et utilisés comme motifs qui se diffractent et évoluent à travers l'orchestre, au sein d'une orchestration aux couleurs variées, d'un beau lyrisme qui ne cherche jamais l'épanchement, d'une construction qui ne suspend jamais le plaisir d'entendre de belles mélodies, jusque dans les transitions.
→ La Troisième m'a paru moins vertigineuse : plus lisse et continue, moins motorique et générative, davantage tournée vers les mélodies (qui sonnent un peu plus populaires que gospel cette fois). Très beau dans son genre postromantique, très bien écrit, mais moins neuf et saisissant.
→ Avec la fluidité propre à Nézet-Séguin et les timbres miraculeux de Philadelphie, c'est un régal absolu, qui rend justice à un corpus réellement intéressant et riche musicalement, et simultanément très accessible !  Qu'attendons-nous pour programmer ces œuvres en concert, surtout avec la mode de la réhabilitation des minorités culturelles ?  Sûr que ça plairait d'emblée à un vaste public.
→ Trissé.

(Malcolm) Arnold – Concerto Gastronomique, Symphonie n°9  – Anna Gorbachyova-Ogilvie, Liepaja Symphony Orchestra, John Gibbons (Toccata Classics 2021)
→ La Symphonie n°9, véritable épure, n'est pas sans charme, et interprétée avec charisme (quels magnifiques solistes !).
→ Le Concerto Gastronomique aurait pu être amusant, mais il reproduit surtout des formules à la Arnold (les accords de cuivres à l'harmonique décalée et enrichie pour le Fromage, vraiment rien de figuratif ou de propre à son objet…).


Et les écoutes / réécoutes hors nouveautés :


1) Baroques & classiques

Wilhelm Friedmann Bach – Symphonies (fk 67 « dissonante » et fk 66 avec ricercar) & Harpsichord Concertos – Ensemble Arcomelo, Michele Benuzzi (La Bottega discantica 2008)

♥♥ Corrette – Symphonies de Noëls – La Fantasia, Rien Voskuilen (Brilliant)
→ Réjouissant de bout en bout !


2) Classiques

♥♥ Richter – Symphony No. 53 in D Major, "Trumpet Symphony"
London Mozart Players - Orchestra ; Bamert, Matthias - Conductor (Chandos 2007)

Johann Stamitz – Sinfonia Pastorale – Hogwood (Oiseau-Lyre)
+ symphonie en ré Op.3 n°2
→ Avec les thèmes plein de parentés.
→ Bissée.

♥♥♥ Gołąbek, Symphonies / Kurpiński, Concerto pour clarinette – Lorenzo Coppola, Orkiestra Historyczna (Institut Polonais)
→ Absolument décoiffant, des contrastes qui évoquent Beethoven dans une langue classique déjà très émancipée.


3) Deuxième romantisme

♥♥♥ Tchaïkovski – Symphonies n°2,4 – Tonhalle Zürich, Paavo Järvi (Alpha 2021)
→ La Cinquième par les mêmes ne m'avait pas du tout autant ébloui qu'en salle (avec l'Orchestre de Paris) – un peu tranquillement germanique, en résumé. Hé bien, ici, c'est étourdissant. D'une précision de trait, d'une énergie démentielles !
→ On entend un petit côté « baroqueux » issu de ses Beethoven, avec la netteté des cordes et l'éclat des explosions, mais on retrouve toute la qualité de construction, en particulier dans les transitions (la grande marche harmonique du final du 2, suffocante, qui semble soulever tout l'orchestre en apesanteur !), et au surplus une énergie, une urgence absolument phénoménales.
→ Gigantesque disque. Ce qu'on peut faire de mieux, à mon sens, dans une optique germanique – mais qui ne néglige pas la puissance de la thématique folklorique, au demeurant.
→ (bissé la n°2)

♥♥ Tchaïkovski – Symphonie n°3 – Göteborg SO, Neeme Järvi (BIS)
→ Bissé.


4) XXe siècle

Schnittke – Symphony No. 1 – Tatyana Grindenko, Lubimov, Russian StSO, Rozhdestvensky (Chandos)
→ Atonal libre pas très beau.

Schnittke – Symphony No. 3 – Radio Berlin-Est, V. Jurowski (Pentatone)
→ Proche de la 4 (que j'aime énormément), en plus morne. Pas palpitant.




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H. Poèmes symphoniques


nouveautés
E. von Dohnányi – Ouverture de Tante Simona, Suite en fa#m, American Rhapsody – ÖRF, Paternostro (Capriccio 2021)
+ Leo Weiner – Serenade pour petit orchestre en fam
→ Belles œuvres, très consonantes et confortables dans leur postromantisme peu retors. Capriccio continue aussi bien de documenter les grandes œuvres ambitieuses du répertoire germanique chez Rott, Braunfels ou Schreker que d'explorer des œuvres moins mémorables, mais très bien bâties malgré leur ambition moindre.

♥♥♥ Stravinski – Feu d'artifice, Scherzo fantastique, Scherzo à la Russe, Chant Funèbre, Sacre du Printemps NHK SO, Paavo Järvi (RCA 2021)
→ Splendide version très vivante, captée avec beaucoup de relief physique, contenant quelques-uns des chefs-d'œuvre de jeunesse de Stravinski (parmi ce qu'il a écrit de mieux dans toute sa carrière, Feu d'artifice et le Scherzo fantastique…), ainsi qu'une version extrêmement charismatique et immédiatement prenante du Sacre du Printemps.
→ Järvi semble avoir tiré le meilleur de la NHK, orchestre aux couleurs peu typées (même un brin gris, ai-je trouvé en salle), mais dont la discipine et la solidité permettent ici une insolence et un aplomb absolument idéaux pour ces pages.
→ Bissé le Sacre, trissé les ouvertures.

Takemitsu – A Way a Lone II, Toward the Sea II, Dreamtime, « 1982 historic recordings) – Sapporo SO, Iwaki Hiroyuki (1982, DGG 2021)
→ Pour mesurer à quel point les orchestres japonais ont progressé… On peut trouver interprétations bien plus avenantes de ces belles œuvres (ou chef-d'œuvre, pour Toward the Sea II).
→ Complété par une heure de discours de Takemitsu, en japonais.

Et les écoutes / réécoutes hors nouveautés :

Weber – Ouvertures – Hanover Band, Roy Goodman (Nimbus 2000)
→ Assez décevant : capté de très loin, plans peu audibles, pas beaucoup de gain de timbres ou d'énergie avec les instruments d'époque.

Humperdinck – Rhapsodie mauresque – Gewandhaus Leipzig, Abendroth (réédition numérique Naxos)

Marx – Eine Frühlingsmusik, Idylle & Feste im Herbst – Radio-Symphonieorchester Wien, Wildner (CPO)
→ Comme la symphonie, en plus simple.




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I. Lied orchestral


nouveautés
♥♥♥ Saint-Saëns – La Princesse jaune – Wanroij, Vidal ; Toulouse, Hussain (Bru Zane 2021)
+ Mélodies persanes (Constans, Fanyo, Pancrazi, Sargsyan, Boutillier…)
→ Ivresses. Des œuvres, des voix.
→ Révélation pour ce qui est de la Princesse, pas aussi bien servie jusqu'ici, et délices infinies de ces Mélodies dans une luxueuse version orchestrale, avec des chanteurs très différents, et chacun tellement pénétré de son rôle singulier !

Vladigerov – Mélodies symphoniques – Bulgarie NRSO, Vladigerov (Capriccio 2021)
→ Moins séduisant et singulier, pour moi, que ses concertos ou symphonies, mais encore une fois du très beau postromantisme, très bien écrit, qui mérite d'être enregistré, réécouté, programmé en concert…

Et les écoutes / réécoutes hors nouveautés :

♥♥ Mahler – Das Lied von der Erde Kaufmann,Vienna Philharmonic, Nott (Sony 2017)
→ Kaufmann chante ténor et baryton à la fois. Les deux sont très bien, et Nott fait frémir Vienne plus que de coutume, avec des couleurs particulièrement fines et évocatrices, que l'orchestre se donne peu souvent la peine de produire !





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J. Concertos


nouveautés
♥♥♥ WÖLFL, J.: Piano Concertos Nos. 2 and 3 / Concerto da camera (Veljković, South West German Chamber Orchestra Pforzheim, Moesus) (CPO 2021)
→ Déjà beaucoup aimé, sorte de Mozart un peu plus tardif, dans ses Sonates (disque de Bavouzet par exemple), Wölfl confirme ici une véritable personnalité, et soutient remarquablement l'intérêt dans un genre d'essence décoratif – à l'oreille, le n°2 en mi, on dirait vraiment un Mozart perdu écrit pendant la série des concertos post-n°20 !
→ Bissé.

SPERGER, J.M.: Double Bass Concertos Nos. 2 and 15 / Sinfonia No. 30 (Patkoló, Kurpfälzisches Kammerorchester, Schlaefli)
→ Chouette, mais pourquoi toujours privilégier l'aigu pour un concerto d'instrument se distinguant au contraire par son extension grave ?

Saint-Saëns – Pièces rares pour violon et orchestre – Laurenceau, Orchestre de Picardie, Benjamin Lévy (Naïve 2021)
→ Essentiellement des Romances très lyriques, pas très passionné par leur contenu musical pour ma part, mais j'admire beaucoup le travail de pionnière de Geneviève Laurenceau (ancienne konzertmeisterin du Capitole de Toulouse), au service de compositeurs comme Magnard, Durosoir, Smyth, R. Clarke… Son très robuste et plein, pas du tout typé français, solidité et élan à toute épreuve.

Rubinstein: Piano Concertos Nos. 2 & 4 – Schaghajegh Nosrati, Radio-Symphonie-Orchester Berlin, Róbert Farkas (CPO 2021)
→ Un peu déçu en réécoutant ces œuvres, du concerto pour piano romantique très tourné vers le piano, qui perpétue un modèle post-chopinien, même si l'orchestre n'est pas sans intérêt.

Saygun, Işıközlü, Erkin, Kodallı… TURKISH PIANO MUSIC (THE BEST OF) (Biret, Güneş, Saygun, G.E. Lessing, Şimşek, Tüzün) (Idil Biret Archive 2021)
→ Œuvres vraiment pas fabuleuses sur la première œuvre du coffret : des concertos pour piano très difficiles à jouer, mais musicalement, un mélange d'orientalismes et de musique classique très formelle (quoique complexe), pas très mélodique ni riante. Le disque de trios piano-cordes turcs sorti cette année (chez Naxos) était autrement stimulant sur la production locale !

Et les écoutes / réécoutes hors nouveautés :

1) Pour piano

Hummel: Piano Concerto No. 2 in A Minor – Hough, B. Thomson (Chandos)
→ Très sympathique, là aussi vraiment un cousin chopinien ; j'en retiens surtout le beau solo de clarinette du final et son beau thème secondaire (le soin mélodique échappe toujours à l'automatisme, chez Hummel, tout de même l'immortel auteur du plus beau final de concerto pour basson de tous les temps !), mais ce reste globalement du concerto pour piano brillant, où le contenu musical n'entre qu'en seconde ligne par rapport à un quatuor ou une symphonie.

Thalberg – Concerto pour piano – Ponti
→ Assez formellement Thalberg, pas de grande surprise.

♥♥♥ Liszt – Totentanz – Berezovsky, Philharmonia, Wolff (Teldec)
→ Totalement fulgurant, parfait, surnaturel… le jeune Berezovsky était incroyable, d'une insolence proprement démoniaque.

♥♥♥ Henselt – Concerto pour piano Op.16 en fa mineur – Michael Ponti, Philharmonia Hungarica, Othmar Mága (VOX, réédition Brilliant Classics)
→ Très proche de Chopin dans les formules pianistiques, mais doté d'un orchestre très généreux, très bien écrit, qui puise à une tradition beaucoup plus luxuriante (Meyerbeer ?). Splendide et grisant, dans son genre lyrique mais travaillé !

Pierné – Concerto pour piano – Ponti
→ Très virtuose évidemment, de la musique très sérieuse qui contraste avec son final fondé sur la répétition inlassable de « Mets tes deux pieds en canard » de La Chenille qui redémarre.

♥♥♥ d'Albert – Concerto pour piano n°2Ponti
→ Quel beau lyrisme décidément !

Roussel – Concerto pour piano – Ponti

Sinding – Concerto pour piano – Ponti

BORTKIEWICZ, S.: Piano Concertos Nos. 2 and 3, "Per aspera ad astra" (Doniga, Janáček Philharmonic, Porcelijn) (Piano Classics 2018)

SCHNITTKE, A.: Piano Concerto / Concerto for Piano and String Orchestra / Concerto for Piano 4-hands and Chamber Orchestra (Kupiec, Strobel) (Phoenix 2008)
→ Version dotée d'un équilibre singuier du piano, plus intégré / symphonique. Pas celle que j'aime le plus, mais très belle, dans cette sélection de concertos considérables du XXe siècle !


2) Pour violon

♥♥ Tchaikovsky – Violin Concerto in D Major – Gitlis, Vienne SO, Hollreiser (VOX)
→ Impressionnant et ébouriffé, et l'orchestre est vraiment très bien, dynamique, présent, précis (contre toute attente vu la date, le chef et les conditions de non-répétition).
→ En revanche Gitlis, ce son très appuyé, ces effets qui bifurquent dans tous les sens, le rubato qui déborde en avant en arrière, j'entends trop que c'est du violon, ça me distrait de la musique.
→ Mais impressionnant d'insolence (la qualité parfaite du timbre avec un suraigu pas du tout tiré, surnaturelle), à connaître !
→ Orchestre splendide, ça ne ressemble pas du tout à un son viennois d'ailleurs, de l'excellente charpente à l'allemande, pas très coloré mais limpide sur tout le spectre, et avec vie et précision.

♥ Tchaïkovski – Concerto pour violon – Dumay, LSO, Tchakarov (EMI)
→ Beau, simple, un peu lent.

♥♥ Tchaïkovski – Concerto pour violon – Julia Fischer, Russie NO, Kreizberg (PentaTone 2006)
→ Sobre, doux, net, voilà qui tire davantage vers la poésie de la page. Et la culture russe de l'orchestre (quoique l'un des moins typés du pays) facilite les bonnes couleurs environnantes.

Tchaïkovski – Concerto pour violon – Hahn, Liverpool PO, V.Petrenko (DGG 2011)
→ Assez affirmatif, mais sobre, réussi ! Tempo très retenu.

Tchaïkovski – Concerto pour violon – Hudeček, S. de Prague, Bělohlávek (Supraphon)
→ Un peu gras pour ce que j'espérais d'un son tchèque au violon, pas mal de rubato quand même, et Bělohlávek toujours plutôt mou…
→ Est très bien, mais ne répond pas à mon espérance de netteté un peu acide en allant me tourner vers Supraphon !

¤ Tchaïkovski – Concerto pour violon – Radulović, Borusan Istanbul PO, Sascha Goetzel (DGG 2017)
→ Puisqu'on m'en a dit le plus grand mal, j'écoute. Je l'avais adoré avant la notoriété, dans une vidéo de rue où il était pris en train de livrer une insolente et hautement pensée Chaconne de la Partita n°2 de Bach… Peu écouté depuis ses grands succès, vu son positionnement cross-over sur des tubes un peu retravaillés, ce qui m'intéresse moins.
→ Je découvre qu'il est carrément passé chez DGG, chez certains ça va la vie !
→ L'orchestre n'est pas le meilleur du monde (je trouve d'ailleurs qu'il sonne très oriental, comme s'il jouait du Saygun ou plutôt du… Say, ça n'aide pas ;
→ Côté goût, ce n'est pas affreux, mais en effet ça s'alanguit dans tous les sens, le tempo et le phrasé bougent sans cesse, c'est sur-interprété en permanence, je ne suis pas fan.
→ Et côté son, un peu tiré, oui, comme une voix qu'on voudrait pousser trop fort, il y a plus précis et plus timbré sur le marché – j'entends chaque année les plus aguerris jouer ça à la Philharmonie, je suis un peu blasé côté virtuosité extrême.
→ En somme pas horrible du tout, mais clairement je ne vois pas trop l'intérêt d'écouter ça vu l'offre délirante sur ce concerto.

Tchaïkovski – Concerto pour violon – Ehnes, Sydney SO, Ashkenazy (Onyx)
→ Très policé et propre, pas très palpitant, et pas assez effacé pour être seulement poétique.
→ Impression persistante que le violon sonne fort tout le temps.

♥♥ Tchaïkovski – Concerto pour violon – Sarah Christian, Bremen KmPh, Rhorer
→ Accompagnement très net, interprétation très réussie (quoique, comme souvent, beaucoup de rubato superflu pour moi).

+ Borgstrøm – Concerto pour violon – Eldbjørg Hemsing, Wiener Symphoniker, Olari Elts (BIS 2018)


3) Pour autre chose

Telemann – Concertos pour vents (TWV 44:43, 51:D2, 51:D7, 52:d1, 52:e1, 53:D5) – Hoeprich & friends, Musica Antiqua Köln, Goebel
→ Joli son d'orchestre, de la première (deuxième) génération d'ensembles baroques, pour des compositions peu trépidantes.

♥♥♥ P. Vranický, Haydn – Concertos pour violoncelle en ut – Enrico Bronzi, Orchestra di Padova e del Veneto, Enrico Bronzi (Concerto Classics)
→ Meilleure version du Haydn ! Cet orchestre, qui s'est imprégné de modes de jeu musicologiques au moins depuis Maag, propose des sonorités capiteuses tout en conservant le moelleux des instruments traditionnels. L'insolence, les trépidations de joie, la rêverie y sont portées au plus beau degré.

♥♥♥ Gołąbek, Symphonies / Kurpiński, Concerto pour clarinette – Lorenzo Coppola, Orkiestra Historyczna (Institut Polonais)
→ Absolument décoiffant, des contrastes qui évoquent Beethoven dans une langue classique déjà très émancipée.

Bacewicz – Concerto pour alto – Kamasa, Varsovie PO, Wisłocki (LP sur YT)
→ Un peu trop soliste pour mon goût. Atmosphère tourmentée.





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K. Musique de chambre

nouveautés
♥♥ Beethoven – Quatuors 12 & 14 – Ehnes SQ (Onyx 2021)
→ Version très aboutie, aux timbres superbes, issue d'un cycle en cours autour des derniers quatuors de Beethoven.
→ Bissé.

♥♥♥ Schubert – Quintette à cordes – Tetzlaff, Donderer... (Alpha 2021)
→ Couplé avec le Schwanengesang de Julian Prégardien que je n'ai pas encore écouté.
→ Lecture d'une épure assez fabuleuse : absolument pas de pathos, cordes très peu vibrées, des murmures permanents (quel trio du scherzo ! ), et bien sûr une très grande musicalité.
→ Très atypique et pudique, aux antipodes de la grandiloquence mélodique qu'on y met assez naturellement.

Hummel & Schubert: Piano Quintets – Libertalia Ensemble (CPO 2021)
→ Très beau quintette (avec piano et contrebasse) de Hummel, énormément de très belles choses là-dedans.
→ La version de la Truite n'est pas du tout le plus exaltante du marché, un peu grise par rapport aux versions très engagées et typées qu'on peut trouver par ailleurs (Kodály-Jandó, Immerseel, etc.).

PAGANINI, N.: String Quartet No. 3 / Duetti Nos. 1, 2, 3 (Pieranunzi, Falasca, Fiore, Leardini, Carlini) (CPO 2021)
→ Jolies œuvres aimables, bien jouées.

♥♥ Saint-Saëns, Rameau, LisztTrio piano-cordes n°2, Pièces de clavecin en concert (Suites 1 & 5), Orpheus (arrangement) – Trio Zadig (Fuga Libera 2021)
→ Un des tout meilleurs trios en activité (probablement le meilleur que je connaisse moi), avec en particulier des cordes d'un charisme extraordinaire.
→ Lecture assez traditionnellement lyrique-germanique de Saint-Saëns, avec un son très peu français, misant davantage sur une sorte d'audace virtuose, où chaque motif à chaque instrument est ciselé et immédiatement présent et mélodique. Cette attitude dynamise beaucoup cette page, déjà très belle.
→ Étonnante association avec un Rameau version trio romantique (très réussie) et cette transcription du poème symphonique de Liszt.
→ Trissé pour le Saint-Saëns, bissé pour le reste.

♥♥♥ Saint-Saëns – Quatuors 1 & 2 – Tchalik SQ (Alkonost Classic)
→ Lecture très consciente stylistiquement, et ardente, de ces quatuors magnifiant à la fois la contrainte formelle et la beauté de l'invention… ce jeune quatuor a évolué de façon assez fulgurante ces dernières années. (Son intégrale Hahn est fabuleuse aussi.)

(réédition)
♥♥♥ Mahler, Bertin-Maghit & Hersant – « No Time for Chamber Music » (extraits arrangés de Mahler) – Collectif9 (2018, réédition Alpha 2021)
→ Réédition de cet album d'une formidable inventivité, réutilisant dans des contextes nouveaux (et pour effectif chambriste comme l'indique le nom de l'ensemble !) des thèmes issus de l'œuvre de Mahler. Fascinant de contempler ces mélodies connues se mouvoir selon des chemins imprévus, et le tout exécuté à un niveau instrumental assez hallucinant, recréant un orchestre complet rien qu'avec leurs textures de cordes.
→ Totalement jubilatoire.
→ Trissé.

Et les écoutes / réécoutes hors nouveautés :

GabrielliSonate con trombe e violini  – Cappella di San Petronio, Sergio Vartolo (Tactus)

♥♥ Schubert – Quintette piano-cordes en la – Anima Eterna Brugge, Immerseel (ZZT)

Hummel, Bertini – Quintette piano-cordes, Sextuor piano-cordes (MDG)
→ Hummel bissé.
→ Très belle version très bien captée. Meilleure que celle qui vient de sortir chez CPO (et couplage Bertini plus intéressant qu'une version moyenne de Schubert, évidemment…).

Wyschnegradsky - String quartet №2
→ Intéressant, à défaut de réellement séduisant.




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L. Violon

(solo ou accompagné)

nouveautés
Saint-Saëns – Pièces de caractère pour violon & piano – Fanny Clamagirand, Vanya Cohen (Naxos 2021)
→ On y retrouve les grands standards (Danse macabre, Rondo capriccioso, Havanaise…) et des pièces rares, où l'on peut profiter du son extraordinairement capiteux et flûté (produire un timbre aussi chantant, aussi peu « frotté » avec un violon relève du petit miracle) et de la musicalité de Clamagirand, qui impressionne beaucoup depuis quelques années déjà.
→ Pas de révélations particulières parmi les pièces moins célèbres, à mon sens.

♥♥ E. Andrée, Bonis, SmythSonates pour violon, « First Ladies » – Annette-Barbara Vogel, Durval Cesetti (Toccata Next 2021)
→ Décidément, quelques figures féminines commencent à solidement émerger, au moins dans le domaine de la mélodie et de la musique de chambre (et plus simplement du piano d'intérieur) !
→ Trois grandes compositrices… je n'ai pas été aussi impressionné par Bonis que par sa Sonate violoncelle-piano, mais Smyth me frappe à nouveau par sa typicité, sa façon de tisser le matériau folklorique dans les formes savantes… Très réussi.
→ De surcroît très bien joué, par une spécialiste de ce genre de bizarrerie – plusieurs disques Hans Gál à son actif !

Kreisler + divers arrangements et pièces virtuoses ou de caractère – « 12 Stradivari » – Janine Jansen, Antonio Pappano (Decca 2021)
→ Surtout intéressant pour son projet : réunir pendant 10 jours 12 stradivarius, dont certains plus joués depuis des années, ou jamais enregistrés, et concevoir un programme qui mette en valeur leurs caractéristiques ou le lien avec leurs possesseurs historiques. Le tout par une seule interprète.
→ Le projet est excitant mais le résultat, comme je pouvais m'y attendre (considérant ma sensibilité), reste assez peu exaltant : 1) on perçoit certes des nuances de timbre, mais le son d'un violon dépend avant tout de la personne qui joue sur le violon ; 2) le répertoire de pièces pittoresques n'est franchement pas passionnant si l'on n'est pas passionné du violon en soi, si l'on ne le regarde pas comme une épreuve d'athéltisme à travers des haies et balses obligées ; 3) le son adopté par Janine Jansen est uniformément très intensément vibré et assez dégoulinant, très loin de la sobriété légère qui fait son intérêt en tant qu'interprète – elle refuse en général les soulignements excessifs et les effets de manche, tandis que ce disque semble (un peu artificiellement) renouer avec cette tradition.

Et les écoutes / réécoutes hors nouveautés :

(réécoute nouveauté)
♥♥♥ Il Sud: Seicento Violin Music in Southern Italy ; œuvres de Falconieri, Montalbano, Trabaci, Pandolfi, Leoni, Mayone ; Ensemble Exit, Emmanuel Resche-Caserta (Passacaille 2020)
→ Œuvres rares à la veine mélodique généreuse et aux diminutions expansives, dans une interprétation pleine de couleurs (assise sur orgue positif et théorbe, remarquablement captés), avec un violon solo à la fois chaleureux et plein d'aisance. Un peu grisant.

Messiaen – Thème & Variations – Alejandro Bustamante, Enrique Bagaria (Columna Music)
→ Accords réguliers très marqués dans le style harmonique Messiaen, soutenant un violon plus lyrique.




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M. Violoncelle

(solo ou accompagné)

Frescobaldi, Ortiz, Vitali, Galli, Degli Antoni – Canzoni pour violoncelle(s) et basse continue – Cocset, Les Basses Réunies, Cocset (Alpha)
→ Quel son, quels phrasés !

♥♥ Gabrielli – Ricercari – Cocset (Agogique)
+ Vitali – Passacaglia

Bach – Suites pour violoncelle 1, 3 – Bruno Cocset (Alpha)
→ Vraiment différent, très vif et très droit. Manque de danse et de saveurs harmoniques pour moi, mais dans son genre fulgurant et droit au but, convaincant !




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N. Orgue

nouveautés
♥♥ Karg-Elert – Intégrale pour orgue, vol.12 : 3 Impressions, Hommage à Haendel, Partita n°1 – Steinmeyer de la Marienkirche de Landau/Pfalz, Stefan Engels (Priory 2020)
→ Les Impressions sont d'un postromantisme très conservateur et peu saillant, mais la Partita tire au contraire le meilleur du pouvoir des atmosphères.
→ Quant aux variations-hommage à Haendel, elles montrent une maîtrise ludique d'organiste pour tout ce qui est des diminutions et de la registrations.
→ Superbe orgue riche et généreux, superbement registré et capté.


Et les écoutes / réécoutes hors nouveautés :

1) Baroque XVIIe & louisquartorzien

Arauxo – Libro de tientos y discursos de musica practica, y theorica de organo (extraits) – Francesco Cera (Brilliant Classics 2018)

♥♥♥ Titelouze, Buxtehude, Pachelbel, Marchand, Boyvin, Corrette, Dandrieu… – Livres d'orgue sur les orgues du Jura franco-suisse  vol.1 – Delor, Baillot, Béraza, Meylan (Phaïa 1999)
→ Très belles orgues baroques françaises (Dole, Champagnole, Orgelet) ou suisse (Le Sentier), très typées. Et l'archaïsme de Titelouze, le grandiose de Marchand, le lyrisme de Boyvin, la fantaisie de Corrette & Dandrieu… Aussi des pièces d'Allemands, dont Buxtehude et (Georg) Böhm.
→ Un coffret totalement jubilatoire pour les amateurs d'orgue français, à connaître absolument !

Pachelbel – Œuvres pour orgue – Saint-Bonaventure de Rosemont à Montréal, Bernard Lagacé (Arion)
→ Captation très crue, pas très agréable.

♥♥ Pachelbel – Orgue vol. 2 – Essl & friends (CPO)
→ (Dont l'incroyable chaconne en sol, ♥♥♥.)

Pachelbel, Froberger, Muffat – « Organ Music Before Bach » – Kei Koito (DHM)

♥♥♥ Boyvin – Premier and Second livre d'orgue : Suites Nos. 1-8, « French Organ Music from the Golden Age, Vol. 6 » –  Bolbec, Ponsford (Nimbus)
→ Toujours aussi opératique ce Boyvin !

♥♥ André Raison  – Livre d'orgue – Ponsford à Saint-Michel en Thiérache (Nimbus)
→ Volume 3 de son anthologie française.

♥♥ Grigny, Lebègue – Orgue, motets – Ensemble Gilles Binchois, Nicolas Bucher (Hortus)
→ Sur l'orgue de l'abbatiale Saint-Robert de La Chaise-Dieu.

♥♥ Grigny – Les Hymnes – Lecaudey (Pavane)
→ Sur l'orgue Tribuot de Seurre.
https://www.deezer.com/fr/album/5407331

♥♥♥ Grigny – Le Livre pour orgue, avec alternatim – Vox Gregoriana, Mikkelsen

¤ Muffat – Œuvres pour orgue vol. 1 & 2 – Haselböck (Naxos)
→ Orgue blanc terrible.


2) XVIIIe siècle

♥♥♥ Dandrieu – Laissez paître vos bêtes – Maîtrise du CMBV, Jarry (CSV 2019)
→ Tube personnel, sur l'orgue de la Chapelle Royale de Versailles avec cet alternatim de la Maîtrise du CMBV !  (Il figure sur plusieurs notules de CSS.)

♥♥♥ Daquin – Nouveau Livre de Noëls – Gellone, Falcioni (Brilliant Classics)
→ (Première écoute intégrale du Livre ? Variations en réalité.)
→ Saveur extraordinaire, très pincée, acide, colorée, de l'orgue de Saint-Guilhem.

♥♥ Daquin – Nouveau Livre de Noëls – Bardon & St-Maximin

♥♥ Daquin – Nouveau Livre de Noëls – Baumont & Thiérache

♥♥ Daquin – Nouveau Livre de Noëls – Dom Bedos & Mouyen

♥♥ CorretteOffertoire La St François sur l'orgue Dom Bedos / Quoirin de Sainte Croix de Bordeaux (YT 2012)
09 - Dialogue sur les grands jeux - Paul Goussot (YT 2018)
→ Quel orgue !

♥♥ Balbastre – Noëls & pièces formelles – Rabiny-Maucourt-Puget (1781-1869-1953) de Saint-Félix-Lauragais, Pauline Koundouno-Chabert (Psalmus)
→ Pas la plus mobile des interprétations (pour cela, il y a Chapuis & Tchebourkina à Saint-Gervais !), mais le programme est très intelligemment conçu, avec son alternance de pièces formelles et de Noëls, qui évite toute lassitude… et l'orgue a des couleurs à la française réjouissantes !
→ Il existe de toute façon peu de grands recueils Balbastre, et celui-ci est l'un des plus plaisants !


3) XIXe siècle

♥♥♥ Schumann – Esquisses, Études, Fugues (orgue) – Rothkopf (Audite)
→ Trissé. (cf. notule sur ce disque)

♥♥ LISZT, F. / SCHUMANN, R. / MENDELSSOHN, Felix, Blanc, Albert Alain (Orgues du Jura Franco-Suisse, Vol. 2) (M.-C. Alain, Camelin, Champion, Lebrun, Leurent)
→ La Procession prise sous l'orage, quelle chose étonnante (figurative et réjouissante), à défaut d'être profonde musicalement !  Albert Alain est en revanche particulièrement ennuyeux, appliqué, sinistre.
→ Sur ces orgues aux timbres très typés français, les Mendelssohn-Schumann-Liszt prennent une saveur extraordinaire !


3) XXe siècle

Reger : Introduction, Passacaille et Fugue en mi mineur, Op. 127 – Gerhard Weinberger (CPO)
→ Quelle œuvre de la pleine démesure : l'élève (fantasmatique) de Fauré et de Wagner écrivant de la musique tonale (ce qu'il en reste) à l'époque de Wozzeck… Quelque chose dans cet esprit : vagabondage harmonique, certains accords très riches et dissonants, ambiance très sombre et pesante, Passacaille qui évoque davantage Berg que Brahms… le contrepoint, l'enharmonie et les errances tonales partout.
→ C'est monumental – quoique un peu sérieux et discipliné pour être réellement jubilatoire, me concernant. Mais très intéressant, effectivement au bout de la logique de Reger !
→ Très bien capté et phrasé.,

KARG-ELERT, S.: Organ and Piano Music - Poesien +  Silhouetten + arrangement de la Suite de Pelléas de Sibelius – Konttori-Gustafsson, Lehtola (Toccata Classics 2017)
→ La Suite de Pelléas fonctionne vraiment bien (l'orgue enveloppant, le piano mordant).
→ De belles choses dans les Silhouetten, quoique vraiment tradis.

REUCHSEL, E.: Promenades en Provence, Vols. 1-3 / Bouquet de France (extraits) – cathédrale St Louis (Missouri), Simon Nieminski
→ Les progressions figuratives sont beaucoup plus frappantes en vrai, mais ce disque sans éclat particulier a au moins le mérite rare de documenter un florilège de ce catalogue tout à fait digne d'intérêt. Je ne garantis cependant pas l'émotion à l'écoute de l'objet disque – je n'y suis pas parvenu.

Messiaen – L'Ascension – Innig (MDG)
→ Un peu sombre pour le lyrisme et les couleurs de cet opus.

♥♥ Messiaen – Livre saint Sacrement– Innig (MDG)
→ Très sobre et sombre, marche vraiment bien.

♥♥ Messiaen – Messe de la Pentecôte, Livre d'orgue – Innig (MDG)
→ Lecture très accessible, le Livre d'orgue (que je n'avais pas encore essayé dans cette intégrale) est même franchement réussi et échappe tout à fait au formalisme moche que j'y percevais d'ordinaire… !

♥♥ Florentz – Laudes, Prélude de l'Enfant noir, Debout sur le soleil, La Croix du Sud – Roquevaire, Thomas Monnet (Hortus 2014)
→ Très beau dans le style Messiaen, et assez sobre.
→ Trissé.




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O. Piano·s


(quatre mains)

nouveautés
(réédition)
SCHUMANN, R.: Arrangements for Piano Duet, Vol. 3 - Manfred (excerpts) / Symphony No. 3 / Overtures (Eckerle Piano Duo) (Naxos 2015, réédition 2021)
→ Intéressant (Manfred en particulier !), mais exécution vraiment molle. À retenter en d'autres mains.

Chausson, Ropartz, Massenet, Alkan, Chaminade, Godard – Pièces françaises à quatre mains, « Four Hands for France » – Stephanie McCallum, Annie Helyard (Toccata Classics 2021)
→ On retrouve Stephanie McCallum, déjà sur un de mes disques de l'Île Déserte (Dans l'ombre de la Montagne etles Préludes à danser pour chaque jour de la semaine de Ropartz), pour un programme qui, comme l'on pouvait s'y attendre, reste plutôt léger. Même Chausson, le tourmenté et modulant Chausson écrit de la bluette bien consonante, qui évoque davantage un décalque très assagi des Jeux d'enfants de Bizet que le langage d'Arthus ou de ses Maeterlinck… Les Ropartz aussi sont en deçà, à mon sens, du legs pianistique du compositeur. [Tout l'inverse des Allemands, donc, qui sont souvent meilleurs dans les configurations quatre mains / deux pianos.]
→ Très beau projet, mais je n'y ai trouvé rien d'essentiel pour ma part, je ne me sens pas de le recommander spécifiquement dans l'abondance de parutions…

KARG-ELERT, S.: Organ and Piano Music - Poesien +  Silhouetten + arrangement de la Suite de Pelléas de Sibelius – Konttori-Gustafsson, Lehtola (Toccata Classics 2017)
→ La Suite de Pelléas fonctionne vraiment bien (l'orgue enveloppant, le piano mordant).
→ De belles choses dans les Silhouetten, quoique vraiment tradis.


(deux mains)

Schumann, R.: Pedal Piano Music (Complete) - Studies, Op. 56 / 4 Sketches, Op. 58 / 6 Fugues On B-A-C-H (par Martin Schmeding, sur piano d'époque)
→ Rare disque sur un piano-pédalier d'époque. Pas forcément un plaisir au demeurant : piano limité (et peu fiable, d'après le pianiste).
→ En sus, jeu très carré, pas très poétique.

♥♥ Liszt – Vallée d'Obermann – Bolet
→ Toujours pas bouleversé par l'œuvre (souvent un peu univoque, le piano de Liszt).

Peterson-Berger – Improvisations au piano, mélodies – Peterson-Berger
→ Décoratif.

♥♥ Langgaard: Afgrundsmusik (Music of the Abyss), BVN 169 – Berit Johansen Tange
→ Ces inclusions soudaines de motifs brefs complètement dans le langage de Messiaen sont assez folles !




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P. Airs de cour, lieder & mélodies…


nouveautés
STROZZI, B.: Ariette a voce sola / Diporti di Euterpe / Sacri musicali affetti (La voce sola) (Dubinskaitė, Canto Fiorito) (Brilliant 2021)
→ Pas le plus édifiant corpus de son siècle, mais joliment écrit et très bien chanté.

♥♥♥ Schumann – Alle Lieder – Gerhaher, Huber, Rubens, Landshammer, Kleiter, Lehmkuhl… (Sony 2021)
→ Magnifique somme regroupant les cycles Schumann de Gerhaher, parmi les tout meilleurs qu'on puisse entendre et/ou espérer, et permettant de tout entendre, avec bon nombre de nouveautés (tout ce qui n'avait pas été enregistré, et même une nouvelle version de Dichterliebe). Il manque une poignée de lieder présents dans l'intégrale Hyperion, mais sinon, même les lieder en duo et les liederspiele à 4 y sont, tous !
→ Verbe au cordeau, variation des textures, mordant, tension, nuances, c'est la virtuosité d'une expression construite qui impressionne toujours autant chez lui !
→ Les artistes invités, ce n'est pas n'importe qui non plus, ces dames figurent parmi les meilleures liedersängerin de leur génération (Rubens, n'est-ce pas !). Les lieder prévus pour voix de femme sont ainsi laissés aux interprètes adéquates.
→ De surcroît le livret contient des introductions, un classement clair (même une annexe par poètes !) et les textes (monolingues, certes, mais c'est toujours une base de départ confortable pour ceux qui veulent ensuite des traductions).

Duparc, Saint-Saëns, Fauré, Chausson, Ibert, Ravel – Mélodies « Aimer à loisir » – Boché, Durham, Fanyo, Timoshenko (B Records 2021)
→ Issus de leur résidence Royaumont (interrompue par certain perturbateur microscopique de votre connaissance), quatre mini-récitals de duos piano-chant de jeunes artistes, où se distingue particulièrement, sans surprise, Kaëlig Boché, exceptionnel diseur – même si la voix est hélas peu phonogénique par rapport à son intérêt en salle !  Pour entendre Axelle Fanyo à son meilleur, allez d'abord entendre sa dernière Mélodie persane qui vient de paraître en couplage avec La Princesse jaune !

♥♥ (Dinu) Lipatti, Enescu, (Violeta) Dinescu – « Hommage à Dinu Lipatti  », Cycles de mélodies françaises (+ un lied de Dinescu) – Markus Schäfer, Mihai Ungureanu (Drever Gaido)
→ Quelle belle surprise que ce disque, qui documente pour la première fois les mélodies (on dispose que de quelques autres œuvres du disque) de Lipatti ! 
→ Je croyais à une réédition de ses interprétations de Chopin, j'ai failli passer mon chemin et puis j'ai vu le nom de Markus Schäfer, interprète vivant… Bien m'en a pris !
→ Les Marot d'Enescu (remarquablement naturels et riches à la fois) sont couplés avec les Verlaine de Lipatti (un peu plus ouvertement complexes et appliqués, prosodiquement moins exacts, mais très intéressants musicalement). Très belle découverte !
→ Hélas, sur le plan de la réalisation, il faut se contenter d'un français à très fort accent, Schäfer fait ce qu'il peut avec générosité, mais ce n'est clairement pas équivalent à un grand disque de mélodiste aguerri.
→ La longue pièce de Dinescu qui conclut est beaucoup plus ancrée dans le contemporain, mais très vivante et d'une expression assez naturelle malgré les effets. Une belle réussite.

♥♥♥ Miaskovski (Myaskovsky)– « Œuvres vocales vol. 1 » : Livre Lyrique, 12 Romances d'après Lermontov, Sonate violon-piano – Barsukova, Pakhomova, Dichenko, Solovieva (Toccata Classics 2021)
→ Quelle belle surprise que ce corpus, dans le goût généreux, d'un postromantisme enrichi, de ses premiers quatuors (on peut penser au langage traditionnel mais évolué des 4 & 5 !), et très bien servi. → Un très beau jalon du répertoire russe (soviétique en l'occurrence, mais ce sonne plutôt russe).

♥♥♥ Hahn – Trois jours de vendange – Théruel (YT)
→ L'idéal de la mélodie, l'idéal du chant aussi.

Debussy – Mandoline, Le Tombeau des Naïades – Fleming, Thibaudet (Decca)
→ Très intensément dits (comme peu l'osent !), avec un style étrange (plein de changements de timbre, du glissando à tout va…).

Peterson-Berger – Improvisations au piano, mélodies – Peterson-Berger
→ Décoratif.




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Si vous suivez mon exemple, je devrais vous tenir occupés quelques jours encore, le temps que je fournisse une notule digne de ce nom. D'autant que beaucoup de ces disques (à 2 ou 3 cœurs) méritent amplement d'être écoutés plus d'une fois !  Ainsi que ceux des épisodes précédents.

Puissiez-vous, estimés lecteurs, jouir des beautés de la musique retrouvée, tandis que l'Automne – et peut-être les Variants – s'empare doucement de nos vies en extérieur.

lundi 2 août 2021

L'opéra le plus grivois du répertoire


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… est bien sûr – qui en doutait – français.

On présente toujours Les Contes d'Hoffmann comme l'opéra le plus ambitieux d'Offenbach – et il est vrai qu'il est assurément le plus sérieux (hors Les Fées du Rhin), celui aussi où la matière musicale est la plus écrite, la moins sujette à des formules préétablies. On le remarque souvent dans ses œuvres légères du côté des accompagnements sommaires en ploum-ploum ou de la prosodie (beaucoup d'accents de mesure tombent sur des prépositions ou des portions de mots non accentuelles…) : il écrivait clairement avant tout ses mélodies irrésistibles et arrangeait ensuite le reste sans trop se tuer à la tâche – ce n'est pas de l'opéra comique écrit comme du Hérold, du Meyerbeer, du Bizet ou du Lecocq.

Cependant, si l'on met de côté cet étrange ouvrage, de surcroît partiellement inachevé et perdu, c'en est un autre, plus bizarre encore (et de loin !) qui se distingue comme son plus hardi et solidement écrit : Le roi Carotte.

Œuvre inhabituellement longue, se déroulant sur de multiples tableaux, dont un gigantesque mélodrame-pantomime de sorcellerie (avec danse des légumes, plus loin des insectes !) ou un quatuor de très belle facture – que je vous recommande vivement ! – à l'arrivée à Pompéi.

Impossible de résumer correctement le livret – Victorien Sardou, en voulant livrer un opéra-bouffe-féerie, s'est laissé emporter dans la démesure loufoque et somptuaire : jusqu'à 4 actes, 24 tableaux, 6 heures de spectacle. Le roi Fridolin XXIV est privé de sa promise Cunégonde par l'intervention vengeresse d'une sorcière qui lui envoie une Carotte maléfique pour régner à sa place. Chassé de son palais, trahi par sa fiancée sous emprise, il connaît de multiples mésaventures, notamment liées à ses propres turpitudes (irrévérence, crédulité…) avec au sommet ce départ pour Pompéi où les héros décrivent aux locaux les chemins de fer, le jour de l'éruption du Vésuve…

Lors de sa remise au théâtre – très tardive, je n'ai rien vu gravé par la Radio des années 60 qui a pourtant produit énormément de patrimoine… – en 2015 (Pelly, Aviat, et dialogues récrits par Agathe Mélinand), c'est la version opérette (3 actes 11 tableaux) qui a été reprise, en en allégeant au maximum le texte. (mais, ont promis les concepteurs, en conservant toute la musique). Le résultat tient, je sais comment, en 2h de musique. [Vérification faite : il manque clairement de la musique par rapport à la partition publiée, sans doute du fait du passage à la version opérette, qui est elle peut-être complète, mais contient sensiblement moins…]

Le succès fut immense sur tous les plans – les appréciations sur l'œuvre, sur la production, sur les qualités musicales individuelles des interprètes –, mais il n'y eut pas de reprise hors de la coproduction (Lille, et peut-être une troisième villle ?). Et si ce fut capté en vidéo par France Télévisions, ce ne fut jamais commercialisé sous aucune forme.
Bref, à part la vidéo qui se trouve chez le fameux label provençal Sulemantò, aucun enregistrement.

C'est pourtant, musicalement, ce qu'Offenbach a écrit de plus soigné et enthousiasmant dans le registre de ses opéras comiques les plus conséquents – avec Barbe-Bleue, dont il partage la langue musicale et le type de fantaisie loufoque.



Pour autant, le sujet de cette notule n'est pas de revenir sur cette belle découverte, que vous aurez tout le loisir de faire vous-même (vidéo en ligne), mais de partager mon ébaubissement devant la fin du premier acte qui concentre à ma connaissance les allusions à la fois les plus nombreuses et les plus salées jamais produites sur une scène d'opéra.

Oh, bien sûr il existe plus ouvertement sexué : j'avais déjà parlé des râles d'amour de Schulhoff (j'avais même titré la notule « Flammen ou la pornographie allégorique », en petit plaisantin que j'étais), on peut recenser quantité de viols hors scène (Rigoletto !) ou en scène (Lady Macbeth de Mtsensk), des épanchements douteux (les chats manifestement lubriques de L'Enfant et les Sortilèges), voire des abandons évidents (dans le clocher de 1984 de Maazel, ou bien sûr l'acte II de Tristan und Isolde).

Cependant : on est alors au XXe siècle, la société n'est plus la même et l'art n'y occupe pas la même place symbolique. Surtout, c'est rarement sur le ton de la plaisanterie : on y rencontre des étreintes tendres (et beaucoup de femmes forcées), mais pas énormément d'humour leste.

Je ne parle qu'à partir de ma connaissance (finie) du répertoire (quasiment infini) : dans l'immensité de ce qui a été écrit, on finira bien par trouver des contre-exemples.

En ce qui concerne l'allusion humoristique et pré-1900, j'avais relevé le cas de Guillaume Tell de Grétry, qui me paraissait franchement suspect. Un sentiment étrange et confus dans Bonjour ma voisine, bonjour mon voisin, qui sonne faux et paraît parler d'autre chose, renforcé par l'enchaînement sur la sicilienne de la Noisette, que ne peut cueillir le fils de Tell car il est encore trop jeune (!). Mais je pourrais surinterpréter.

Cette fois-ci, vu la date et le faisceau de citations, la destination aussi (non plus familiale, mais vraiment à un public habitué aux actions bouffes façon vaudeville, qui développent à leur façon des intrigues qu'on pourrait définir comme sexuelles et plaisantes), le doute est moindre. Je vous expose les éléments, et vous serez juges.

Tout se concentre dans ce moment : la fin du Ier acte, aussi l'un des sommets dramatiques de l'ouvrage, lorsque Fridolin est expulsé du palais de ses ancêtres où il prépare ses épousailles.



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Christophe Mortagne (Carotte), Yann Beuron (Fridolin), Antoinette Dennefeld (Cunégonde),
Opéra de Lyon, Victor Aviat.

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Voyons le détail. Pour commencer, dans le premier couplet de l'air :

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CAROTTE
Je suis le roi Carotte,
Sapristi,
Malheur à qui
S’y frotte !
I.
Je suis gnome
Et souverain,
Mon royaume
Est souterrain !
En sourdine
Avec les rats,
Je chemine
Sous vos pas !
Car je suis l’homme-racine !…
Je règne et je domine
Sur les nains des vergers !
Et ceux des potagers !
Ce n’est qu’à la nuit sombre
Que je sors de mon trou !
Toi, qui me vois dans l’ombre
Me glisser n’importe où !…
Le roi Carotte
Qui trotte
Peut te tordre le cou !

Il est donc question d'une Carotte qui « sort à la nuit sombre de [s]on trou » pour « [se] glisser n'importe où ». (Et « malheur à qui s'y frotte » !).

Dans l'ensemble qui suit l'air (sous l'effet de la malédiction, tout le monde sauf le roi Fridolin XXIV trouve l'avorton Carotte charmant, et ses gestes déplacés sont attribués  à Fridolin), on retrouve le même type d'énoncés équivoques :

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CUNÉGONDE, à Carotte, toujours assis.
Ah ! mon Dieu, qu’il est bien ainsi !

CAROTTE, montrant son bonnet.
Merci, je garde ma calotte,
Car le grand air m’aura saisi…
(Il fait le geste de mettre le doigt dans son nez.)
Et là-dedans ça me picote !
(Même jeu. — Tout le monde regarde le prince.)

CUNÉGONDE, à demi-voix, à Fridolin.
Ah ! prince, on va vous voir !… (bis)
Prenez au moins votre mouchoir !…

TOUS, lui tendant leurs mouchoirs.
Notre mouchoir !

Une fois qu'on se glisse n'importe où, vouloir « garder [sa] calotte » une fois « au grand air », alors que « là-dedans ça [le] picote », la concentration en potentiels doubles sens paraît trop dense, surtout pour un fantaisiste comme Sardou, pour être le seul fruit d'associations d'idées du lecteur-spectateur.

Se pose désormais la question : ceci est-il cohérent avec le reste de l'épisode ?


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CUNÉGONDE, avec empressement, lui montrant un siège que l’on a préparé à gauche pour lui.
Daignez accepter une chaise…
Mon prince, et mettez-vous à l’aise.

CAROTTE, s’asseyant.
Ah ! qu’il est bon de sortir de sa cave
Et de s’étirer au grand air !…
(Il s’étire et bâille bruyamment. — Tout le monde se tourne vers Fridolin, comme si c’était lui qui eût bâillé.)

Seul, « s'étirer » eût été tout à fait neutre et inoffensif. Dans ce contexte (juste avant l'extrait précédent : on reproche au roi de bâiller, puis de se curer le nez, alors que c'est Carotte qui le fait), il ne peut que renforcer les allusions turgescentes qui ont colonisé ces dix minutes de musique.

Il en va de même pour « c'est roide » :

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CAROTTE.
Ah ! princesse !
Ah ! déesse !…
Mon cœur voudrait vous dire…
(Il éternue.)

Atchou !
(Tout le monde se tourne vers Fridolin.)

LES DAMES.
Oh ! c’est fort !

TOUT LE CHŒUR.
C’est vif !

ROBIN, ROFFRE, SCHOPP, TRUCK, PIPERTRUNCK, TRAC, au prince.
C’est roide !

FRIDOLIN.
Eh bien ! quoi !
Il éternue et l’on s’en prend à moi ! (bis)

CAROTTE, à Cunégonde, en montrant le prince.
Il est bien enrhumé, ma foi ! (bis)
(Même jeu.)

Atchou !

CUNÉGONDE.
Encore !

CAROTTE.
Atchou !

KOFFRE.
C’est fort !

CAROTTE.
Atchou !

LES COURTISANS.
C’est roide !

CAROTTE.
Atchou !

PIPERTRUNCK.
C’est vif !

CAROTTE.
Atchou !

TOUS.
Ah ! prince !

FRIDOLIN, ahuri.
Il éternue et l’on s’en prend à moi !

« Vif » et « raide », contaminés par l'accumulation voisine, se trouvent soudains parés d'une vigueur joviale qui, là aussi, dépend de son contexte. A fortiori exprimés par la bouche de la princesse qui vient de recevoir les hommages des deux rois.

Le quatrième « sort » ne contient pas de possibles allusions grivoises, mais étant centré autour de l'alcool et de la danse (Carotte boit sans mesure et marche sur la princesse pendant le bal, on blâme Fridolin), il contient son propre comique, fréquent sur scène – les couplets du dîner de la Périchole en sont un des nombreux exemples. Il n'est donc pas étonnant, que les doubles sens lestes n'y affleurent plus, d'autant que la structure tripartite a déjà été remplie (bâillement, curage nasal, éternuement).

Quant au mouchoir conseillé au roi Fridolin par ses courtisans, je ne m'étendrai pas (merci, je garde ma calotte), je ne sais trop quand sa symbolique a été associée à l'onanisme – je ne suis pas sûr que ce remonte aussi loin, et je n'ai pas trop idée d'où chercher. Je m'abstiens donc – je suis un garçon sérieux et profond, je voudrais ne pas vous induire en erreur et perdre ainsi ma réputation de grande sagesse et pénétration.

Cependant le roi Carotte ne formule rien, explicitement, dans cette thématique. Sauf un petit détail supplémentaire… qui permet de le relier à la lubricité, dans le second couplet de son chant d'entrée :

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CAROTTE.
II.
Sur la terre,
Heureux séjour,
J’aime à faire
Un petit tour…
J’ai la ruse
Pour duper…
Je m’amuse
À vous tromper !
Oui, je fais naître vos songes,
Je souffle les mensonges
Qui se disent partout,
Chez les femmes surtout !…
C’est moi seul qui les pousse
A teindre leurs cheveux
De cette couleur rousse
(Il montre sa chevelure.)
Dont je suis glorieux !
Toute cocotte
Teinte en carotte
Par là charme vos yeux !
Oui, par là charme vos yeux !

La couleur rousse est, depuis le Moyen-Âge (édit de Louis IX en 1254), associée à la prostitution, ce qui constitue en soi un indice sur l'influence de Carotte sur les humains – et au moins chez les femmes. Mais Sardou le formule plus explicitement en les nommant ouvertement « cocottes ».

Je crois que cet élément, qui dans le principe même de l'action scénique consacre le pouvoir luxurieux de Carotte (poussant les femmes à afficher leur débauche, organisant la séduction des messieurs…), valide les intuitions sur la polysémie assez martelée (mais jusqu'ici jamais reliée directement à l'action) qu'on a pu observer dans ces mêmes dix minutes.



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J'en trouve le total assez impressionnant, et hardi dans son caractère figuratif (vraiment des protubérances qui grandissent, bougent et s'introduisent !), par rapport à ce qu'est usuellement la gauloiserie sur la scène d'opéra – des scènes évoquant des actes sexuels, parfois directement, mais jamais rien d'aussi descriptif !

Le saisissement sur moi fut tel (le grand air, tout ça), et la musique si bonne (comme la mère de Carotte) que je tenais à partager mon émerveillement. Outre le Grétry sus-mentionné, qui contient semblables procédés, cette notule est à rapprocher d'autres explorations sur l'apparition de dispositifs nouveaux – par exemple le hors-scène sonore (dès Thésée de LULLY !) ou l'exclusion de personnages secondaires de la résolution d'œuvres complexes (« Tout est bien qui finit mieux sans eux », une des premières notules de CSS, en 2005). 

mardi 6 avril 2021

Le grand tour 2021 des nouveautés – épisode 4 : cycles Pfleger, Cherubini, Schubert 13, Kreutzer, Dupuy, jeune Verdi, meilleurs Offenbach, Mahler-Tennstedt, Tapiola, femmes, Polonais, concertos pour violon, duos de piano, quatuors avec harmonium…


Toujours la brève présentation des nouveautés (et autres écoutes et réécoutes) du mois écoulé. Je laisse une trace pour moi, autant vous donner des idées d'écoutes…

heise

Conseils

Opéra

Trois opéras très peu présents au disque :
Les Feſtes d'Hébé de Rameau dans leur version révisée de 1747 ;
Drot og marsk de Heise, généreux opéra romantique suédois ;
Constellations d'Efrain Amaya d'après la vie de Miró (2012).

Hors nouveautés, retour aux fondamentaux : Isis de LULLY, La mort d'Abel de Kreutzer (six fois…), les meilleurs Verdi de jeunesse dans leurs meilleures versions (Oberto, Nabucco, Alzira, Stiffelio et sa refonte Aroldo… ne manquait qu'Il Corsaro !), Tristan de Wagner dans une version ultime (C. Kleiber, Scala 1978), les deux meilleurs Offenbach comiques (Barbe-Bleue et Le roi Carotte), Barbe-Bleue de Bartók en japonais, Saint François d'Assise de Messiaen dans la souple version Nagano !


Récitals


♦ Romances, Ballades & Duos, parmi les œuvres les plus touchantes de Schumann, par les excellents spécialistes Metzer, Vondung, Bode et Eisenlohr.
♦ Un autre cycle de Jake Heggie : Songs for Murdered Sisters.
♦ Yoncheva – disque au répertoire très varié, culminant dans Dowland et surtout une chaconne vocale de Strozzi éblouissante.
♦ Piau – grands classiques du lied symphonique décadent (dont les R. Strauss).

Hors nouveautés : j'ai découvert le récital composite de Gerald Finley avec le LPO et Gardner, tout y est traduit en anglais.


Sacré

♦ Cantates de la vie de Jésus par Pfleger, objet musical (et textuel) très intriguant.
♦ Couplage de motets de M.Haydn et Bruckner par la MDR Leipzig.

Hors nouveautés : Motets latins de Pfleger (l'autre disque), motets latins de Danielis (merveilles à la française), Cherubini (Messe solennelle n°2 par Bernius, aussi l'étonnant Chant sur la mort de Hayndn qui annonce… Don Carlos !), Messe Solennelle de Berlioz (par Gardiner), Service de la Trinité et Psaumes de Stuttgart de Mantyjärvi.


Orchestral

Hors nouveautés : Cherubini (Symphonie en ré), Mahler par Tennstedt (intégrale EMI et prises sur le vif), Tapiola de Sibelius (par Kajanus, Ansermet, Garaguly, plusieurs Berglund…), Pejačević (Symphonie en fa dièse)


Concertant

Hors nouveautés : concertos pour violon de Kreutzer, Halvorsen, Moeran, Harris, Adams, Rihm, Dusapin, Mantovani. Concertos pour hautbois de Bach par Ogrintchouk. Concerto pour basson de Dupuy par van Sambeek.


Chambre

♦ Trios de Rimski et Borodine, volume 3 d'une anthologie du trio en Russie.
♦ Pour deux pianos : Nocturnes de Debussy et Tristan de Wagner arrangé par Reger.
♦ Meilleure version de ma connaissance pour le Quatuor pour la fin du Temps de Messiaen par le Left Coast Ensemble (musiciens de la région de San Francisco).

Hors nouveautés : Matteis (disque H. Schmitt et disque A. Bayer), Bach (violon-clavecin par Glodeanu & Haas, souplesse garantie), Rondo alla Krakowiak de Chopin avec Quintette à cordes, disques d'arrangements du Quatuor Romantique (avec harmonium !) absolument merveilleux, Messiaen (Quatuor pour la fin du Temps par Chamber Music Northwest).
Et pas mal de quatuors à cordes bien évidemment : d'Albert, Smyth (plus le Quintette à cordes), Weigl, Andreae, Korngold, Ginastera (intégrale des quatuors dans la meilleure version disponible)…


Solo

♦ Récital de piano : Samazeuilh, Decaux, Ferroux, L. Aubert par Aline Piboule.

Hors nouveautés : clavecin de 16 pieds de Buxtehude à C.P.E. Bach.


La légende
Du vert au violet, mes recommandations…
→ * Vert : réussi !
→ ** Bleu : jalon considérable.
→ *** Violet : écoute capitale.
→ ¤ Gris : pas convaincu.
(Les disques sans indication particulière sont à mon sens de très bons disques, simplement pas nécessairement prioritaires au sein de la profusion de l'offre.)


piboule

Liste brute suit :




Nouveautés : œuvres

Rameau – Les Feſtes d'Hébé (version de 1747) – Santon, Perbost, Mechelen, Estèphe, Orfeo Orchestra, Vashegyi (radio hongroise)
→ Premier enregistrement de la version remaniée de 1747, très vivement animée par Vashegyi (davantage tourné vers l'énergie cinétique que la couleur). Des réserves fortes sur Santon ici (vibrato vraiment trop large, instrument surdimensionné), en revanche Estèphe (mordant haut et verbe clair) exhibe l'un des instruments les mieux faits de toute la scène francophone.
Audible sur la radio hongroise avant parution CD dans quelques mois…

Rimski-Korsakov, Cui, Borodine – Trios piano-cordes (« Russian Trio History vol.3 ») – Brahms Piano Trio (Naxos 2021)
→ Élan formidable du Rimski. Très beau mouvement lent lyrique de Borodine.

Brahms, Sonate à deux pianos // Wagner-Reger, Prélude et mort d'Isolde // Debussy, Nocturnes – « Remixed » –  Grauschumacher Piano Duo (Neos 2021)
→ Splendides timbres, textures et couleurs du duo. Ainsi transcrits, Tristan et les Nocturnes constituent une approche originale, et marquante.

Koželuch : Concertos and Symphony par Sergio Azzolini, Camerata Rousseau, Leonardo Muzii (Sony 2021)
→ Avec un son de basson très terroir.

Pfleger – Cantates « The Life and Passion of the Christ » – Vox Nidrosiensis, Orkester Nord, Martin Wåhlberg (Aparté 2021)
→ Musique du Nord de l'Allemagne au milieu du XVIIe siècle. Œuvres inédites (seconde monographie seulement pour ce compositeur.
→ Plus ascétique que ses motets latins (disque CPO, plus expansif), je vous promets cependant de l'animation, avec ses solos de psaltérion, ses évangélistes qui fonctionnent toujours à deux voix, ses structures mouvantes qui annoncent l'esthétique des Méditations pour le Carême de Charpentier.
→ Par ailleurs, curiosité d'entendre des textes aussi composites (fragments des Évangiles mais aussi beaucoup d'Ancien Testament épars), ou encore de voir Dieu s'exprimer en empruntant les mots d'Ézéchiel et en émettant des notes très graves (mi 1 - ut 1) sur des membres de phrase entiers.
→ On y rencontre des épisodes peu représentés d'ordinaire dans les mises en musique – ainsi la rencontre d'Emmaüs, ou la Cananéenne dont la fille est possédée – écrits en entrelaçant les sources des Évangiles, des portions des livres prophétiques, les gloses du XVIIe et les chants populaires de dévolution luthériens, parfois réplique à réplique…
→ De quoi s'amuser aussi avec le contexte (je vous en touche un mot dans la notice de ma main), avec ces duels à l'épée entre maîtres de chapelle à la cour de Güstrow (le dissipé Danielis !), ou encore lorsque Pfleger écarte sèchement une demande du prince, parce que lui sert d'abord la gloire de la musique et de Dieu. (Ça pique.)
→ Et superbe réalisation, conduite élancée, voix splendides et éloquentes.

SCHUMANN, R.: Lied Edition, Vol. 10 - Romanzen und Balladen / Duets (Melzer, Vondung, Bode, Eisenlohr)
→ Superbe attelage pour les lieder en duo de Schumann, de petits bijoux trop peu pratiqués.

Michael Haydn, Bruckner – Motets – MDR Leipzig, Philipp Ahmann (PentaTone 2021)
→ La parenté entre les deux univers sonores (calmes homorythmies, harmonies simples) est frappante. La couleur « Requiem de Mozart » reste prégnante chez M. Haydn. Très beau chœur rond et tendre.

Monteverdi, Ferrabosco, Cavalli, Strozzi, Stradella, Gibbons, Dowland, Torrejón, Murcia, traditionnel bulgare… – « Rebirth » – Yoncheva, Cappella Medeiterranea, García Alarcón (Sony 2021)
→ La voix est certes devenue beaucoup plus ronde et moins focalisée, mais le style demeure de façon impressionnante, pas le moindre hors-style ici.
→ Accompagnement splendide de la Cappella Mediterranea, parcourant divers climats – l'aspect « ethnique » un peu carte postale de certaines pistes, façon Arpeggiata, étant probablement le moins réussi de l'ensemble.
→ Le disque culmine assurément dans l'ineffable chaconne de l'Eraclito amoroso de Mlle Strozzi, petite splendeur. . Come again de Dowland est aussi particulièrement frémissant (chaque verbe est coloré selon son sens)… !

Samazeuilh, Le Chant de la Mer // Decaux, Clairs de lune // Ferroud, Types // Aubert, Sillages – Aline Piboule (Printemps des Arts de Monte-Carlo 2021)
→ Déjà célébrée par deux fois dans des programmes français ambitieux chez Artalinna (Flothuis, Arrieu, Smit, Fauré, Prokofiev, Dutilleux !), grand retour du jeu plein d'angles d'Aline Piboule dans quatre cycles pianistiques français de très haute volée :
→ le chef-d'œuvre absolu de Decaux (exploration radicale et approche inédite de l'atonalité en 1900),
→ première gravure (?) du Ferroud toujours inscrit dans la ville,
→ lecture ravivée de Samazeuilh (qui m'avait moins impressionné dans la version ATMA), et
→ scintillements argentés, balancements et mélodies exotiques fabuleuses des Sillages de Louis Aubert  !
→ bissé

PÄRT, A.: Miserere + A Tribute to Cæsar + The Deer's Cry, etc. – BayRSO, œsterreichisches ensemble fuer neue musik, Howard Arman (BR-Klassik 2021)
→ Belle version de belles œuvres de Pärt – pas nécessairement le Balte le plus vertigineux en matière de musique chorale, mais sa célébrité permet de profiter souvent de ses très belles œuvres, servies ici par ce superbe chœur.

Michał BERGSON – Piano Concerto / Mazurkas, Polonaise héroïque, Polonia!, Il Ritorno,  Luisa di Montfort [Opera] (excerpts) – Jonathan Plowright au piano, Drygas, Kubas-Kruk ;  Poznan PO, Borowicz (DUX 2020)
→ Le père d'Henri – principale raison d'enregistrer ces œuvres pas majeures.
→ Concerto très chopinien (en beaucoup moins intéressant). La Grande Polonaise Héroïque, c'est même du pillage de certaines tournures de celle de Chopin… (en beaucoup, beaucoup moins singulier)
→ L'Introduction de Luisa di Montfort est écrite sur le thème « Vive Henri, vive ce roi galant », plus original et amusant. Mais ensuite : cabalette transcrite pour clarinette, on garde donc juste la musique belcantiste pas très riche et la virtuosité extérieure, sans le théâtre.
→ Il Ritorno, une petite pièce vocale en français, galanterie ornementale virtuose parfaitement banale de 4 minutes. Pas enthousiaste.
→ Première déception chez DUX !  (mais au moins c'est rarissime et plutôt bien joué… donc toujours une découverte agréable)

Efrain AMAYA – Constellations [2012] – Young, Kempson, Shafer ; Arts Crossing Chb O, Amaya (Albany 2020)
→ Très tonal, sur jolis ostinatos, déclamation sobre pour trois personnages, un opéra inspiré par la vie (et les opinions) de Joan Miró. Il y discute de ses ressentis d'artiste (sur Dieu, dans le premier tableau…)  avec sa femme, parfois en présence de sa fille silencieuse. Également quelques échanges avec un oiseau, muse du peintre (incarné par la chanteuse qui fait l'épouse), et entre l'épouse et l'esprit de la maison.
→ Même le final, lorsque la famille fuit tandis que les bombes se mettent à pleuvoir sur le village, sonne plutôt « oh, regarde la télé, c'est absolument dément ce qu'ils font, tu y crois toi ? ».
→ Ce n'est pas du drame très brûlant, mais tout ça est très joli et délicat, assez réussi. À tout prendre beaucoup plus satisfaisant que ces opéras qui, en voulait être simultanément un laboratoire musical ou poétique, ne sont tout simplement pas opérants prosodiquement et dramatiquement – devenant vite mortellement ennuyeux. Choix peu ambitieux ici, mais plutôt séduisant.

STANCHINSKY : Piano Music (A Journey Into the Abyss) (Witold Wilczek) (DUX 2021)
→ Impressionnant pianiste, très découpé et enveloppant à la fois !
→ Le corpus en est ravivé (pièces polyphoniques, nocturne, mazurkas). Mais le plus intéressant demeure les Fragments, absents ici.

STANCHINSKY : Piano Works (Peter Jablonski) (Ondine 2021)
→ A beaucoup écouté Chopin... Très similaire dans les figures et l'harmonie, à la rigueur augmenté de quelques effets retors typés premier Scriabine.
→ Les Fragments sont plus intéressants que les Sonates et Préludes ; beaucoup plus originaux et visionnaires, plus scriabiniens, voire futuristes.
→ Pianiste assez lisse.

HEISE, P.A.: Drot og marsk (Royal Danish Opera Chorus and Orchestra, Schønwandt) (Dacapo 2021)
→ Superbe drame romantique, dans la veine de Kuhlau, remarquablement chanté et joué. Tout est fluide, vivant, inspiré, œuvre à découvrir absolument !  (il en existait déjà une version pas trop ancienne chez Chandos)

HEGGIE, J.: Songs for Murdered Sisters (J. Hopkins, J. Heggie)
→ Toujours dans le style fluide et très bien pensé rhétoriquement de Heggie. Songs très bien chantées.



Nouveautés : versions

Bach: 'Meins Lebens Licht' - Cantatas BWV 45-198 & Motet BWV 118 – Collegium Vocale Gent, Philippe Herreweghe (Phi 2021)
→ Approche très douce et caressante, comme voilée… Agréable, mais on peut faire tellement plus de ce corpus !
→ (Déçu, j'ai beaucoup lu que c'était ultime…)

Messiaen – Quatuor pour la fin du Temps – Left Coast Ensemble (Avie 2021)
→ Captation proche et très vivante, interprétation très sensible à la danse et à la couleur, une merveille où la direction de l'harmonie, le sens du discours apparaissent avec une évidence rare !
+ Rohde:  One wing (Presler, Anna; Zivian, Eric)
→ Très plaisante piécette violon-piano, congruente avec Messiaen, écrite par l'altiste membre de cet ensemble centré autour de San Francisco.

R. Strauss, Berg, Zemlinsky – Lieder orchestraux : Vier letzte Lieder, Morgen, Frühe-Lieder, Waldesgespräch – Piau, O Franche-Comté, Verdier (Alpha 2021)
→ Beau grain de cordes (pas du tout un fondu « grand orchestre », j'aime beaucoup), cuivres moins élégants.
→ Piau se tire très bien de l'exercice, même si captée de près (et pour ce format de voix, j'aime une articulation verbale plus acérée), très élégante et frémissante.

Verdi – Falstaff – Raimondi, OR Liège, Arrivabeni (Dynamic)
→ Raimondi vieillissant et éraillé, mais toujours charismatique. En revanche, tout est capté (y compris le très bon orchestre) atrocement, comme rarement chez ce label pourtant remarquable par ses prises de son ratées : on entend tout comme depuis une boîte sous la fosse, les chanteurs sont trop loin l'orchestre étouffé, c'est un carnage.
→ À entendre pour la qualité des interprètes, mais très peu agréable à écouter.

Beethoven:  König Stephan (King Stephen), Op. 117 (revised spoken text by K. Weßler) – Czech Philharmonic Choir, Brno; Cappella Aquileia; Bosch, Marcus (CPO 2021)
+ ouvertures de Fidelio
→ Version très informée et sautillante, avec un récitant (à défaut du texte d'origine) ce qui est rarement le cas.


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Autres nouvelles écoutes : œuvres

Offenbach – Le roi Carotte – Pelly, Lyon (vidéo France 3)
→ Les sous-entendus grivois les plus osés que j'aie entendus sur une scène d'opéra… Formidable composition étonnamment libre pour du Offenbach, livret d'une ambition bigarrée assez folle, une petite merveille servie au plus haut niveau (Mortagne, Beuron, Bou !).
→ Grand concertato des armures qui évoque Bénédiction des Poignards, superbe quatuor suspendu d'arrivée à Pompéi, impressionnante figuration des chemins de fer…

Danielis – Motets – Ensemble Pierre Robert, Desenclos (Alpha)
→ Petites merveilles à la française de ce compositeur wallon ayant exercé en Allemagne du Nord, où – à Güstrow notamment – il s'est illustré par ses frasques, insultes, caprices, chantages au départ…
→ Interprétation à la française également, d'une sobre éloquence, comme toujours avec Desenclos.
→ Bissé.

Buxtehude, Böhm, Weckmann, J.S. Bach, C.Ph. Bach, W.F. Bach – Vom Stylus phantasticus zur freien Fantasie – Magdalena Hasibeder sur clavecin 16’ de Matthias Kramer (2006) d’après un clavecin hambourgois (vers 1750) (Raumklang 2013)
→ Impressionnante majesté du clavecin doté d'un jeu de seize pieds (au lieu du huit-pieds traditionnel), capté de façon un peu trouble. Mais la superbe articulation de M. Hasibeder compense assez bien ces limites. Un pont entre deux esthétiques de l'affect différentes, sur un rare modèle reconstitué.

Moeran – Concerto pour violon – (Lyrita)
→ Lyrique, atmosphérique, dansant, très réussi. Mouvements lents encadrant un mouvement rapide très entraînant et bondissant.
+ Rhapsodie en fa# avec piano (aux formules digitales très rachmaninoviennes)
+ Rhapsodie en mim pour orchestre, très belle rêverie !

Roy Harris & John Adams: Violin Concertos – Tamsin Waley-Cohen, BBC Symphony Orchestra, Andrew Litton (Signum)
→ Deux concertos très vivants et colorés, où l'orchestre jou sa part.
→ Bissé.

Halvorsen – Concerto pour violon  – Henning Kraggerud, Malmö SO (Naxos 2017)
→ Très violonistique, mais beaucoup des cadences simples et sens de la majesté qui apportent de grandes satisfactions immédiates.

Rihm, Gedicht des Malers – R. Capuçon, Wiener Symphoniker, Ph. Jordan
+ Dusapin, Aufgang – R. Capuçon, OPRF, Chung
+ Mantovani, Jeux d'eau  – R. Capuçon, Opéra de Paris, Ph. Jordan
→ Mantovani chatoyant et plein de naturel, Rihm lyrique et privilégiant l'ultrasolo et le suraigu, Dusapin plus élusif.

Svendsen: Violin Concerto in A major, Op. 6 / Symphony No. 1 in D major, Op. 4 – Arve Tellefsen, Oslo PO, Karsten Andersen (ccto), Miltiades Caridis (symph) (Universal 1988)
→ Timbre d'une qualité surnaturelle… Sinon belle plénitude paganino-mendelssohnienne, et plus d'atmosphères que d'épate.
→ Symphonie plus naïve, en bonne logique vu le langage.

Matteis – False Consonances of Melancholy – A. Bayer,  Gli Incogniti, A. Bayer (ZZT / Alpha 2009)
→ Très beau disque également, mais de consonance plus lisse.

Matteis – Ayrs for the Violin – Hélène Schmitt (Alpha 2009)
→ Œuvres magnifiques, déjà tout un art consommé de doubles cordes notamment, mais toujours avec poésie.

Saint-Saëns – Suite pour violoncelle et orchestre – Camille Thomas, ON Lille, A. Bloch (DGG 2017)
→ Suite d'inspiration archaïsante mais extrêmement romantisée, très réussie.
+ des Offenbach arrangés

Boccherini, Couperin-Bazelaire, Frescobaldi-Toister, Monn-Schönberg – Concertos pour violoncelleJian Wang, Camerata Salzburg (DGG 2003)
→ Boccherini G. 482 en si bémol, plein de vie. Le reste du corpus est moins marquant, surtout Monn, assez terne. Très belle interprétation tradi-informée.

PabstTrio piano-cordes (« Russian Trio History vol.2 ») – Brahms Piano Trio (Naxos)
→ Bissé. Beau Trio à la mémoire d'A. Rubinstein, bien fait, mais je n'ai pas été particulièrement saisi.

Dupuy:  Flute Concerto No. 1 in D Minor – Petrucci, Ginevra; Pomeriggi Musicali, I; Ciampi, Maurizio (Brilliant Classics 2015)
→ On y retrouve les belles harmonies contrastées et expressives propres à Dupuy, mais l'expression galante et primesautière induite par la flûte n'est pas passionnante.

Édouard Dupuy – Bassoon Concerto in A Major – van Sambeek, Sinfonia Rotterdam, Conrad van Alphen (Brilliant 2012)
→ Orchestre hélas tradi-mou. Belle œuvre qui mériterait mieux, quoique en deçà du gigantesque concerto en ut mineur…

KreutzerViolin Concerto No. 14 in E Major – Peter Sheppard Skærved, Philharmonie Slovaque de Košice ; Andrew Mogrelia (Naxos 2007)
→ Quelle grâce, on pense à Du Puy ! 
+ n°15, Davantage classicisme standard, mais interprétation très belle (quel son de violon, quelle délicatesse de cet orchestre tradi !) qui permet de se régaler dans les moments les plus lyriques.
(Arrêtez un peu de nous casser les pieds avec Saint-George et faites-nous entendre du Clément et du Kreutzer, les gars !)

Kreutzer:  42 Etudes ou caprices – Masayuki Kino (Exton 2010)
→ Vraiment des études de travail, certes plutôt musicales, mais rien de bien passionnant à l'écoute seule, si l'on n'est pas dans une perspective technique. Un disque pour se donner des objectifs plutôt que pour faire l'expérience de délices musicales…
→ (mieux qu'Aškin et E. Wallfisch, paraît vraiment difficile à timbrer)

Marschner ouv Vampyr, Korngold fantaisie Tote Stadt, R. Strauss Ariadne Fantaisie, Meyerbeer fantaisie Robert le Diable – « Opera Fantasias from the Shadowlands » – Le Quatuor Romantique (violon, violoncelle, piano, harmonium) (Ars Produktion 2010)
→ Arrangements passionnants qui ne se limitent pas aux moments instrumentaux les plus évidents mais parcourent l'œuvre (le pot-pourri d'Ariadne est particulièrement exaltant !), et dans un effectif typique de la musique privée de la fin du XIXe siècle, un ravissement – qui change radicalement des disques qu'on a l'habitude d'entendre.
→ Trissé.

Wagner – Wesendonck, extraits de Rienzi, Lohengrin, Meistersinger,  Parsifal – « Operatic Chamber Music » – Suzanne McLeod, Le Quatuor Romantique (violon, violoncelle, piano, harmonium) (Ars Produktion 2013)
→ À nouveau des arrangements qui (échappent un peu moins aux grands tubes mais) renouvellent les équilibres sans déformer l'esprit ni l'impact des œuvres. Très persuasif !

Tchaïkovski, Casse-Noisette (extraits), Waldteufel Patineurs, Humperdinck ouverture Hänsel & Noëls traditionnels allemands – « CHRISTMAS MUSIC - A Late Romantic Christmas Eve » – (Elena Fink, Le Quatuor Romantique) (Arsk Produktion 2010)
→ Encore un délice…

BRAHMS, J.: Piano Quintet become String Quintet, Op. 34 (reconstructed by S. Brown) / WEBER, J.M.: String Quintet in D Major (Divertimenti Ensemble) (Cello Classics 2007)
→ Belle œuvre de Weber (Joseph Miroslav).
→ Transformation réussie du Quintette avec piano en quintette à cordes, les contrastes et les effets rythmiques demeurent vraiment de façon convaincante – davantage que dans la version Sonate pour deux pianos, pourtant de la main de Brahms !

Mantyjärvi – Service de la Trinité, Psaumes de Stuttgart et autres motets – Trinity College Cambridge, Layton
→ Excellent exemple de la belle écriture chorale de la baltique, avec une progression harmonique simple, des accords riches, un rapport éttroit au texte, une lumière intense.

Smyth – Quatuor en mi mineur – Mannheim SQ (CPO)
+ quintette à cordes
→ Œuvres remarquablement bâties, avec une belle veine mélodico-harmonique de surcroît. Le Quintette (de jeunesse) plus marqué par une forme de folklore un peu rustique, le quatuor plus sophistiqué (peut-être encore meilleur).

Bosmans – Quatuor –
→ Bien bâti, particulièrement court.

Honneur à la patrie (Collection "Chansons de France") – Chants patriotiques – Thill, Lucien Lupi, Dens, Arlette Deguil, Legros, Roux, Michèle Dorlan… (Marianne Melodie 2011)

Cherubini, Galuppi, Clementi, Bonazzi, Busi, Canneti… – Sonatas for two organs – Luigi Celeghin, Bianka Pezić (Naxos 2004)
→ Cherubini avec des marches harmoniques alla Bach, Galuppi tout bondissant en basses d'Alberti… quelles étranges choses. Assez sinistre sur ces pleins-jeux blanchâtres (pourtant des orgues italiens de 1785), pièces pas passionnantes…   et l'effet de dialogue est complètement perdu au disque (la matière musicale seule ne paraît pas justifier l'emploi de deux organistes.
→ Seul Cherubini m'a un peu intéressé, par sa tenue et son décalage avec l'habitude. Sinon, l'arrangement par Francesco Canneti du grand concertato à la fin du Triomphe d'Aida est un peu divertissant et tuilé, à défaut de subtil.

CherubiniSciant gentes – Keohane, Maria; Oitzinger, Margot; Hobbs, Thomas; Noack, Sebastian; Stuttgart Chamber Choir; Hofkapelle Stuttgart; Bernius, Frieder (Carus 2013)
→ Gentil motet sans éclat particulier, bien joué sans électricité excessive non plus.

CherubiniChant sur la mort de Haydn, Symphonie en ré – Cappella Coloniensis, Gabriele Ferro (Phoenix 2009)
→ Début de la mort de Haydn contient pas mal d'éléments du début de l'acte V de Don Carlos !  Culture sacrée commune aux deux, ou souvenir de Verdi ?

Cherubini
Pimmalione – Adami, Berghi, Carturan, Ligabue, RAI Milano, Gerelli (libre de droits 1955)

Cherubini – Les Abencérages – Rinaldi, Dupouy, Mars ; RAI Milan, Maag (Arts)
→ Quelques variations (orchestrales !) sur la Follia en guise de danses de l'acte I.
→ Ne semble pas génialissime (récitatifs médiocres en particulier), mais joué ainsi à la tradi-mou avec une majorité de chanteurs à fort accent et plutôt capté, on ne se rend pas forcément compte des beautés réelles… M'a évoqué le Cherubini-eau-tiède d'Ali Baba et de Médée, eux aussi très mal servis au disque…

Cherubini – Messe Solennelle n°3 en mi (1818) // 9 Antifona sul canto fermo 8 tona // Nemo gaudeat  – Ziesak, Pizzolato, Lippert, Abdrazakov ; BayRSO, Muti (EMI)
→ Mollissime. Il y a l'air d'y avoir de jolies choses, mais Muti, pourtant sincère amoureux de cette musique, noie tout sous une mélasse hors style.
→ Quand même la très belle découverte du motet Nemo gaudeat, très belles figures chorale, curieux de réentendre cela en de meilleures circonstances…

Bartók, Le Château de Barbe-Bleue (en japonais) – Ito, Nakayama, NHK Symphony, Rosenstock (1957, édité par Naxos)
→ Pas très typé idiomatiquement en dehors du Prologue, mais très bien chanté et joué, beaucoup d'esprit !

Górecki:  String Quartet No. 3, Op. 67, "Pieśni śpiewają" ( … Songs Are Sung) – DAFÔ String Quartet (DUX 2017)
→ Aplats et répétitions, pas aussi détendant que son Miserere ou sa Troisième Symphonie, clairement, mais dans le même genre à temporalité lente et au matériau raréfié.
→ Premier mouvement un peu sombre, le deuxième est au contraire un largo en majeur, en grands accords lumineux et apathiques, les deux scherzos intermédiaires apportant un brin de vivacité, jusqu'au final largo, plus sérieux et prostré. Assez bel ensemble, plutôt bien fait (mais très long pour ce type de matière : 50 minutes !).

CHOPIN : Rondo alla Krakowiak (Paleczny, Prima Vista Quartet, Marynowski) (DUX 2015)
→ Réjouissante version accompagnée par un quintette à cordes, pleine de saveur et de tranchant par rapport aux versions orchestrales forcément plus étales et arrondies – et ce même du côté du piano !



Autres nouvelles écoutes : interprétations

Chabrier, ouverture de Gwendoline, España, Bourrée fantasque, Danse villageoise / Bizet, Suite de l'Arlésienne  / Lalo Ys ouverture / Berlioz extraits Romé / Debussy Faune / Franck Psyché extts / Pierné Cydalise extts, Ramuntcho extts, Giration, Sonata da Camera – Orchestre Colonne, Pierné (Malibran)
→ Quelle vivacité, quel élan !  Et le son est franchement bon pour son temps.

Berlioz – Messe Solennelle (Resurrexit) – ORR, Gardiner (vidéo 1993)
→ La folie pure.

Messiaen – Saint François d'Assise – Hallé O, Nagano (DGG)
→ Quel naturel par rapport à Ozawa !  On sent que la partition fait désormais partie du patrimoine et que son discours coule de source.

Walton – Concerto pour violon – Suwanai (Decca)
→ Toujours son très beau son, mais l'œuvre me laissant assez froid…

Mahler – Symphonie n°5 – LPO, Tennstedt  (EMI)
→ Tourbillon dément.  Même l'Adagietto est d'une tension à peine soutenable.

MONN, G.M.: Cello Concerto in G Minor (arr. A. Schoenberg) (Queyras, Freiburg Baroque Orchestra, Müllejans) (Harmonia Mundi)
→ Un peu aigre comme son d'orchestre pour du classicisme, serait sans doute très bien dans une œuvre intéressante mais ici…

Saint-Saëns, Berlioz – « French Showpieces (Concert Francais)  » – James Ehnes, Orchestre symphonique de Québec, Yoav Talmi (Analekta 2001)

Bach – Oboe Concertos – Alexei Ogrintchouk, Swedish ChbO (BIS 2010)
→ Quel son incroyable, et quel orchestre aussi…

Verdi Oberto (version originale), acte I – Guleghina, Stuart Neil, Ramey ; Saint-Martin-in-the-Fields, Marriner (Philips)
→ Tire beaucoup plus, joué ainsi, vers Norma et le belcanto plus traditionnel. Plus formel, moins stimulant.
→ Avec Marriner, les formules d'accompagnement restent de l'accompagnement. Et même Ramey semble un peu prudent, composé. (Manque d'habitude de ces rôles en scène, probablement aussi : la plupart n'ont dû faire que ce studio.)

Verdi – Oberto – Dimitrova, Bergonzi, Panerai ; Gardelli (Orfeo)
→ Grande inspiration mélodique et dramatique pour ce premier opéra. Distribution qui domine ses rôles !  Et des ensembles furibonds étourdissants !

♥  Verdi – Alzira – Cotrubas, Araiza, Bruson, Gardelli (Orfeo)
→ De très très beaux ensembles… Un des Verdi les moins joués, et vraiment sous-estimé.

Sibelius – Symphonie n°2 – Suisse Romande, Ansermet (Decca 1962)
→ Belle version pleine d'ardeur, avec des timbres toutefois très aigrelets. Tout ne fonctionne pas à égalité (le mouvement lent manque peut-être un peu de plénitude et de fondu ?), mais la toute fin est assez incroyable de généreuse intensité.

Sibelius – Tapiola – Helsinki PO, Berglund
→ Un peu rond, mais rapide et contrasté, extrêmement vivant !
+ Kajanus
→ Orchestre limité et problématique (justesse, disparité de timbres), mais élan irrésistible, conduite organique du tempo, saveur des timbres !

Messiaen – Quatuor pour la fin du Temps – Chamber Music Northwest (Delos 1986)

Messiaen – Quatuor pour la fin du Temps
– Jansen, Fröst, Thedéen, Debargue (Sony)
→ Très soliste, manque un peu de cette fièvre commune (trop facile pour eux ?). Même Thedéen, mon idole d'éloquence élégance dans Brahms, paraît un peu forcer son timbre.

Verdi – Nabucco (extraits en allemand) – Liane Synek, Lear, Kónya, Stewart, Talvela ; Deutsche Oper Berlin, H. Stein (DGG)
→ Version très bien chantée (en particulier le ferme mordant de Stewart et la tendreté de Lear).
→ Les extraits sont étrangement choisis (pas d'ensembles, pas d'Abigaille hors sa mort !).

Verdi – Aroldo – Vaness, Shicoff, Michaels-Moore ; Maggio Firenze, Luisi (Philips 2001)
→ Distribution, orchestre, captation de luxe pour  cette refonte de Stiffelio, dans le contexte plus consensuel des croisades. Les meilleurs morceaux (le grand ensemble du duel à l'acte II, l'air du père au début du III…)  sont cependant conservés, à l'exception du prêche final, hélas. (La version Aroldo de la fin Deest non seulement musicalement fade, mais aussi dramatiquement totalement ratée.)
→ Meilleure version disponible au disque pour Aroldo, à mon sens.
→ bissé

Schubert – Quatuor n°13 – Diogenes SQ
+ Engegård (plus vivant)
+ Ardeo (un peu gentil)
+ Takacs (vrai relief, son grand violon)
+ Terpsycorde réécoute (instruments anciens)
+ Mandelring (belle mélncolie)
+ Chilingirian SQ (autant leur Quintette est fabuleux, autant ce quatuor, épais et mou me déçoit de leur part)

Sibelius – Tapiola – Suisse Romande, Ansermet
→ Ce grain incroyable, cette verdeur, cette clarté des timbres et du discours !
(+ Davis LSO, très bien)
(+ Berglund Radio Finlandaise, contrastes incroyables !)

Cherubini – Medea acte I – Forte, Antonacci, Filianoti ; Regio Torino, Pidò
→ Toujours aussi mortellement ennuyeux… et malgré Pidò (il faut dire que la distribution n'aide guère…).

Debussy, œuvres à deux pianos  –  Grauschumacher Piano Duo (Neos 2021)

récital : Weber (Euryanthe), Wagner (Tannhäuser, Meistersinger), Verdi (Otello), Tchaïkovski (Iolanta), Bizet (Carmen), Adams (Doctor Atomic), Turnage (The Silver Tassie)… en anglaisFinley, LPO, Gardner (Chandos 2010)
→ Très beau récital très varié et original, splendidement chanté sur toute l'étendue des tessitures et des styles…
+ réécoute de l'air d'Adams avec BBCSO & Adams (Nonesuch 2018)
Quel tube immortel !

Haendel – Jephtha (disco comparée)
Gardiner, c'est plutôt un de ses disques tranquilles (mous). Pas du niveau de son Penseroso par exemple.
Biondi est très bien mais attention, il utilise un orchestre moderne, les cordes sont en synthétique et très ronde même si ça vibre peu, couleurs des vents plutôt blanches aussi, et on entend que les archets sont modernes, ça n'a pas le même tranchant à l'attaque : c'est très bien pour un orchestre pas du tout spécialiste, mais vu qu'on a du choix au disque, n'en attends pas un truc comparable à ses enregistrements de Vivaldi.
Budday sonne un peu écrasé, Grunert plutôt triste. Même Christophers n'est pas très électrique.
Creed reste un peu tranquille, mais un des plus animés et équilibrés en fin de compte.
Harnoncourt a un peu vieilli, mais ça a le grain extraordinaire et l'engagement du Concentus des débuts… Il faut voir sur la longueur ce que ça donne, mais l'effet Saül n'est pas à exclure !  En tout cas, c'est nettement la plus habitée, je trouve. (Avec Biondi, mais instruments modernes…)

Schumann – Szene aus Goethes Faust, « Mitternacht » – Jennifer, Vyvyan Fischer-Dieskau ;  ECO, Britten (Decca)
+ réécoute Harding-BayRSO <3
+ réécoute Abbado-Terfel
+ réécoute Wit-Kortekangas
+ réécoute Harnoncourt-Concertgebouw
(avec partition d'orchestre)

Smetana:  Má vlast – Bamberg SO, Hrůša (Tudor 2016)
→ Beaux cuivres serrés, superbes cordes, grand orchestre assurément et par la légèreté de touche d'un habitué du folklore. Ensuite, je trouve toujours cette œuvre aussi univoque, faite de grands aplats affirmatifs, sans discours très puissant, une suite de grands instantanés grandioses. À tout prendre, dans le domaine du mauvais goût pas toujours souverainement inspiré, l'Alpestre de Strauss m'amuse autrement !




Réécoutes : œuvres

LULLY – Isis (actes III, IV) – Rousset

Pierné – Cydalise & le Chèvre-pied – Luxembourg PO, Shallon (Timpani)
→ Très joli, dans le genre de Dapnis (en plus rond). Le sujet versaillais n'induit pas vraiment d'archaïsmes. Très beau ballet galant et apaisé.

Pierné – La Croisade des Enfants (en anglais) – Toronto SO, Walter Susskind
→ Un peu lisse, en tout cas joué / chanté ainsi.

Pierné – L'An Mil – Peintre, ON Lorraine, Mercier (Timpani)
→ Aplats vraiment pauvres des mouvements extrêmes, mais ce scherzo de la Fête des Fous et de l'Âne est absolument extraordinaire, et illustre de façon éclatante le génie orchestratoire de Pierné – certains éléments, comme l'usage des harmoniques de violon pour créer des résonances dynamiques, sont abondamment réutilisés dans L'Oiseau de feu de Stravinski…

Moulinié: Le Cantique de Moÿse – par les Arts Florissants, William Christie (HM)
→ Toujours pas convaincu par cet corpus qui regarde bien plus vers la Renaissance et la polyphonie assez austère que vers les talents extraordinaires de mélodiste que manifesta par ailleurs Moulinié.

Pfleger – Motets latins – CPO

Kreutzer – La mort d'Abel – Droy, Bou, Pruvot ; Les Agrémens, van Waas (Singulares 2012)
→ six fois

Édouard Dupuy – Concerto pour basson – van Sambeek, Swedish ChbO, Ogrintchouk (BIS 2020)
→ Un des disques les plus écoutés en 2020, pour ma part !  Le thème lyrique et mélismatique du premier mouvement est une splendeur rare. Et ces musiciens sont géniaux (meilleur bassoniste du monde, meilleur orchestre de chambre du monde, dirigés par le meilleur hautboïste du monde…).

Ginastera – Quatuors 1,2,3 – Cuarteto Latinoamericano (Brilliant)
→ Folklore et audace de l'harmonie, des figures… du Bartók à l'américaine (australe).

ANDREAE : String Quartets Nos. 1 and 2 / Divertimento (Locrian Ensemble) (Guild)

Weigl – Quatuors 7 & 8 – Johann Christian Ensemble (CPO)

d'Albert – Quatuors – Sarastro SQ (Christophorus)

Joni Mitchell – Blue (1975)
→ La parenté avec la pensée du lied schubertien me frappe à chaque fois…

PEJACEVIC, D.: Symphony in F-Sharp Minor, Op. 41 / Phantasie concertante (Banfield, Rheinland-Pfalz State Philharmonic, Rasilainen)
→ Symphonie expansive et persuasive, riche !  Pas du tout une musique galante.

Cherubini Messe solennelle n°2 en ré (1811) – Ziesak, Bauer ; Stuttgart Klassische Ph, Bernius (Carus)
Qui tollis a l'aspect de volutes du début du Songe d'Hérode chez Berlioz (source de sa parodie). Et puis marche harmonique très impressionnante.
→ Dans le Sanctus / Benedictus, Hosanna en contraste, façon Fauré, très réussi.
→ Spectre orchestral qui respire beaucoup, réussite de Bernius.

BACULEWSKI, K.: String Quartets Nos. 1-4 (Tana String Quartet) https://www.nml3.naxosmusiclibrary.com/catalogue/item.asp?cid=DUX1238

DOBRZYŃSKI, I.F.: String Quartet No. 1 / MONIUSZKO, S.: String Quartets Nos. 1 and 2 (Camerata Quartet) (DUX 2006)
→ Beau romantisme simple, où se distingue surtout le Premier de Moniuszko.



Réécoutes : versions

Offenbach – Barbe-Bleue (duos de l'assassinat au II, entrée et duel de BB au III)
versions Pelly (Beuron), Cariven (Sénéchal), (Legay), Campellone (Vidal), Harnoncourt
« Le ciel, c'est mon affaire » (Zampa)
« Non dans un vain tournoi, mais au combat mortel » (Robert Le Diable)
« Le ciel juge entre nous » (Les Huguenots)

Mahler – Symphonie n°3 – LPO, Tennstedt (Ica, concert de 1986)

Verdi – La Forza del Destino (adieux et duel de l'acte III) – Del Monaco, Bastianini, Santa Cecilia, Molinari-Pradelli (Decca)
→ Quel verbe, quelles voix, quel feu !
→ (bissé)

Bach – Sonates violon-clavecin – Glodeanu, Haas (Ambronay 2007)
→ Merveille de souplesse, d'éloquence, la pureté et la chair à la fois.

Mahler – Das Lied von der Erde – K. König, Baltsa, LPO, Tennstedt  (EMI)
→ Un peu plus terne, manque de cinétique, un peu décevant. Les couleurs mordorées de Baltsa sont un peu inhibées par son allemand qui paraît moins ardent que son italien ou son français.

Offenbach – Barbe-Bleue (acte III) – Collart, Sénéchal, Peyron… Cariven

Mahler – Symphonie n°2 – Soffel, LPO, Tennstedt  (EMI)
→ Très très bien, mais pas aussi singulier / tendu / abouti que le reste de l'intégrale. Quand même le plaisir de profiter des frémissements de Soffel dans un tempo d'Urlicht ultra-lent.
→ On entend tout de même remarquablement les détails, les doublures, l'ardeur individuelle aussi (quelles contrabasses !). Le chœur chante avec naturel aussi, voix assez droites qui sonnent à merveille ici.

Mahler – Symphonie n°1 – LPO, Tennstedt  (EMI)

Mahler – Symphonie n°4 – Popp, LPO, Tennstedt  (EMI)
→ Excellent aussi.

Mahler – Symphonie n°3 – Wenkel, LPO, Tennstedt  (EMI)
→ Tellement tendu de bout en bout, et très bien capté !

Verdi – Nabucco – Souliotis, Prevedi, Gobbi ; Opéra de Vienne, Gardelli (Decca)
→ Chœur superbement articulé. Splendide distribution. Pas l'accompagnement le plus ardent, mais un sens du pittoresque qui n'est pas dépourvu de délicatesse.

Verdi – Nabucco – Theodossiou, Chiuri, Ribeiro, Nucci, Zanellato ; Regio Parma, Mariotti (C Major)
→ La version moderne idéale de l'œuvre, fouettée et dansante à l'orchestre (vraiment conçue sèche comme un os, aucune raison d'empâter ces harmonies sommaires conçues pour le rebond), chantée avec un luxe et une personnalité très convaincants.

Verdi – Stiffelio – Regio Parma, Battistoni (C Major)
→ La version sans faute de ce bijou trop peu joué.  Comme Traviata, un drame de mœurs contemporain  (l'adultère de la femme d'un pasteur).

Rott  – Symphonie en mi – Radio de Francfort, P. Järvi (RCA)
→ La superposition des deux thèmes du I est vraiment génialissime… et que de traits qui tirent le meilleur de Bruckner et annoncent le meilleur de Mahler !

Korngold – Quatuor n°3 – Flesch SQ (ASV / Brilliant)
Korngold – Quatuor n°2 – Brodsky SQ ()
Korngold – Quatuor n°1 – Franz Schubert SQ (Nimbus)

Verdi:  Aida: Act II Scene 2: O re pei sacri numi (Il Re, Popolo) – Hillebrand, Nikolaus; Bavarian State Orchestra; Muti, Riccardo (Orfeo)

Wagner – Tristan, acte III – Ligendza, Baldani, Wenkoff, Nimsgern, Moll ; Kleiber Scala 1978 (MYTO)






Autres nouvelles parutions à écouter

Suite de la notule.

lundi 29 juin 2020

Le défi 2020 des nouveautés – épisode 8 : Melcer-Szczawiński, Dzenītis, Dobrzyński, Janulytė, (Georg) Schumann et autres superstars


Petit bilan du mois écoulé. Nouveautés écoutées de ces dernières semaines.

Du vert au violet, mes recommandations.

♦ Vert : réussi !
♦ Bleu : jalon considérable.
♦ Violet : écoute capitale.
♦ Gris : pas convaincu.
(Les disques sans indication particulière sont à mon sens de très bons disques.)

Cette fois-ci, se distinguent les deux albums pour harpe (l'album italien XVIIe et surtout le viennois XVIIIe), deux splendides volets du Ring, des couleurs inédites dans la Neuvième de Beethoven, les deux albums Sony « alternatifs » du début XIXe par Goebel (avec la première version « propre » des capitales Variations orchestrales sur la Follia de Salieri, albums auxquels s'ajoute la symphonie concertante de Brandl chez CPO), un album d'airs baroques aux plus hauts standards imaginables (sélection, exécution), et, pépites des pépites, des versions (par de jeunes interprètes) des Quatuors de Moniuszko et du Trio de Melcer-Szczawiński qui agissent comme une révélation, et un ballet complètement enivrant de Tchérépnine !

Hors nouveautés, la Symphonie en fa mineur de Georg Schumann (chef de chœur auprès du Philharmonique de Berlin), délicieusement expansive et les symphonies du grand Macfarren (le grand compositeur d'opéra sérieux britannique au XIXe, fusionnant et juxtaposant les styles continentaux, vivement recommandé), d'un sens dramatique exacerbé, furent des découvertes à couper le souffle chez moi. Deux recommandations superlatives du seigneur Mefistofele, qui nous fait quelquefois l'amitié de partager ses riches découvertes par ici. Grâces lui soient rendues.





commentaires nouveautés : œuvres commentaires nouveautés : versions


Tcherepnin: Prelude to "La princesse lointaine", Op. 4 & Narcisse et Echo, Op. 40 – Bamberger Symphoniker, Borowicz (CPO)
→ Ballet d'un postromantisme très généreux, d'une richesse aux confins des mouvements « décadents », culminant dans les « chants lointains » d'une voix de ténor, tout à fait magnétiques.
Destouches, Campra, Haendel… « Portraits de la Folie » – d'Oustrac, Ensemble Amarillis, Héloïse Gaillard (HM)
→ Saveur formidable de cet ensemble, dans ce bouquet d'œuvres déjà documentées mais rares (Les Feſtes Vénitiennes, Sémélé, Le Carnaval et la Folie…).
→ De même, d'Oustrac dont la voix s'est vraiment empâtée et ternie pour le répertoire de Mozart à Poulenc, conserve son timbre intact (plus libre, même !) et son pouvoir de dire, toujours plus persuasif !
→ Le résultat est totalement jubilatoire, une vivacité de la danse, une saveur des mots que je n'avais pas entendues depuis longtemps dans un album consacré au baroque français !
Reicha Symphonie concertante pour 2 violoncelles, Romberg Concerto pour deux violoncelles, Eybler Divertisment – ( série « Beethoven's World ») – WDR SO, Goebel (Sony)

→ Très beau, programme hautement original (dans la collection où j'avais déjà loué les Concertos pour violon de Clément et qui vient de publier Salieri-Hummel-Vořišek), mettant en valeur des jalons considérables du patrimoine.
→ Un Reicha virtuose : un violoncelle faisant des volutes graves, l'autre énonçant de superbes mélodies – celle du premier mouvement évoque beaucoup Credeasi misera.
→ Un Romberg au mouvement lent plus sombre, inhabituellement tourmenté (sans agitation pourtant), se terminant dans un rondeau aux rythmes de cabalette et dont la mélodie invite à la danse.
→ Un Eybler trompettant, musique de fête.
→ Interprété avec une finesse de timbre et un élan absolument délectables.
Beethoven – Symphonie n°9 – Freiburger Barockorchester, Heras-Casado (HM)

→ On retrouve ici les saveurs inédites de leur Troisième de Mendelssohn, le grain incroyable des bassons par exemple. Le prélude instrumental du final a rarement été aussi charismatique, aussi précisément phrasé – presque toujours, le récitatif du pupitre de violoncelles reste global, flou (à part chez Hogwood et Mackerras, je suis toujours déçu de ce moment, même chez les plus grands).
→ Pour le reste, il existe plus fermement construit (de Dohnányi à Mackerras…), mais les couleurs et l'énergie y sont absolument ravissantes. Le final n'est pas très débridé (chœur joli mais pas très impressionnant), mais l'ensemble demeure une très belle réussite, une des versions les plus marquantes de cette symphonie !
Salieri, Hummel, Vořišek : Variations sur La Follia, Double concerto violon-piano, Symphonie en ré (« Beethoven's World ») – WDR SO, Goebel (Sony)
→ Trois très belles œuvres. La première version « musicologiquement informée » et sur un gros label, me semble-t-il, de la Follia de Salieri, à ma connaissance le premier geste d'orchestration aussi franc dans l'histoire de la musique. Il existe des effets d'orchestration incroyables dans Beethoven (le rôle du basson ou des timbales dans la Quatrième Symphonie…), mais c'est ici la démonstration par la variation de ce que l'instrumentation peut changer dans une œuvre orchestrale, avec une liberté d'alliages assez inédite. Belle version, la première de ce niveau d'exécution, quoique je trouve qu'elle mette peu en valeur les contrastes de timbres.
→ Double concerto de Hummel, très inspiré (pour du concerto). Une symphonie élancée et enthousiasmante de Vořišek. Le tout servi avec tranchant et vigueur, la Radio de Cologne étant traitée par Goebel, à s'y méprendre, comme un ensemble spécialiste sur instruments anciens !
Ravel – Mélodies – Sicard, Cardona
→ Je n'aime pas du tout la technique de Sicard, comme une désagréable constriction dans la gorge toujours audible. Pour le reste, je suis partagé entre la clarté de certaines inflexions, très belles, et une émission « saturée » d'harmoniques très denses (un peu agressives), une « artificialité » qui met le texte et l'expression un peu à distance. Les deux cohabitent étrangement. (Le piano d'Anna Cardona est lui un peu dur, sans doute capté de façon non optimale.)
→ C'est néanmoins un disque réussi, bien chanté, d'une approche assez originale. Il s'agit plutôt d'une divergence d'ordre esthétique – je crois que j'aime bien en réalité, mais je suis déstabilisé par ce que j'entends.
Józef Elsner : Sonata in F major for violin and piano, Op. 10 No. 1 — Ignacy Feliks Dobrzyński Piano Trio in A minor, Op. 17 & Andante e rondo alla polacca na flet i fortepian op. 42 | for flute and piano, Op. 42 (DUX)
→ Très belles œuvres dans un genre assez mélodique et lyrique, d'un épanchement agréablement proportionné, à réécouter pour plus ample commentaire, une écoute n'était pas suffisante pour apprécier ces compositeurs peu représentés.
Tchaikovski ; symphonie n°4 ; pittsburgh, honeck (reference recordings)
→ Cuivres stridents et violents, déconnectés du spectre ; structure également en alternance assez abrupte, à l'intérieur des phrasés comme dans les successions d'épisodes. Bien peu de rebond, tout semble juxtaposé sans enjeu, dommage. Déçu venant de cette association en général électrique.
Moniuszko – Quatuors – ãtma SQ, Quartetto Nero + contredanses 4 mains + Henryk Melcer-Szczawiński, la toupie, paraphrase moniuszko, andante du trio op.2 (DUX)
→ Inteprétations de haute volée issues de la compétition Moniuszko. Les ãtma semblent sur instruments anciens. Interprétations qui surpassent largement en tension, en timbres, en urgence, en lisibilité, celles du disque CPO (Plawner Quintet), qui m'avait moins convaincu de la valeur de ces œuvres.
→ Melcer-Szczawiński se distingue par une prégnance mélodique hors du commun, que ce soit dans la virtuose étude de la toupie ou dans l'andante de son Trio (seule réserve, les thèmes sont beaucoup répétés, et il en va de même pour le premier mouvement qui était aussi au programme du concours).
Verdi – Otello – F. Lombardi, Kaufmann, C. Álvarez ; Santa-Cecilia, Pappano (Sony)
Orchestre fabuleux, on n'a jamais eu aussi coloré et détaillé, tendu et bien capté (le live Solti avec Pavarotti, potentiellement).
Kaufmann commence à ne plus sonner très joliment : très en arrière et nasal en même temps, l'italien vraiment pas naturel non plus. Et m'y suis-je habitué, je ne lui trouve plus le même frémissement, la même tension qu'il y a dix ans. À la hauteur du rôle, certes – mais on perçoit bien que la voix ne claque pas du tout, reste ouatée, ce qui limite l'effet d'un tel rôle. Dans un genre tout aussi audiblement dans l'effort, Domingo avait une autre électricité, une autre présence vocale (incroyablement sonore en salle, comme si la voix sortait des murs) – en revanche on ne doit plus très bien entendre Kaufmann derrière l'orchestre, avec cette émission-là. J'admets cependant mes biais : mes Otello chouchous, ce sont plutôt Tamagno, Luccioni, Pavarotti, Bergonzi ou Cura, pas tout à fait les timbres de bronze ! (Mais j'aime beaucoup Vinay, Aldenhoff et Domingo, néanmoins.)
Álvarez a, lui, conservé sa superbe au fil des ans, voix glorieusement émise qui semble ne pas avoir bougé d'un pouce. En revanche l'incarnation reste comme toujours très homogène, ce Iago ne frémit pas beaucoup, ni de haine ni de joie.
→ Très belle Federica Lombardi, émission dense assez en avant, qui se rapproche plus que ses contemporaines de l'école italienne des années 50, un plaisir d'entendre ces lignes fermes dans ce rôle en général servi par des instruments plus vaporeux.
→ En fin de compte un très bel album, mais avec un rôle-titre frustrant et un petit manque théâtral, j'avoue avoir peu envie d'y revenir fréquemment, considérant la générosité de la discographie en versions superlatives.
Moniuszko : messes polonaises ; Musica Sacra Warsaw-Praga Cathedral Choir (DUX)
→ Joli ordinaire de messe chanté en polonais (par des chœurs manifestement amateurs de bon niveau).
Chopin sonate 3, mazurkas : Geniušas
→ Lecture fluide, élégante, aux beaux timbres ronds et au rubato généreux mais calibré, une sorte de Chopin-type, remarquablement abouti.
Pas forcément celui qui me parle le plus, mais on est frappé par la maîtrise et la justesse de l'ensemble, émotif sans vulgarité, calibré au plus juste sans sonner corseté.
Suk: Piano Quintet in G Minor, Op. 8 & Životem a snem, Op. 30 – Ch. Tetzlaff, Donderer, T. Tetzlaff, Kiveli Dörken (Ars)
→ Belle version (le violoncelle de Miss Tetzlaff ronronne extraordinairement !) de ce Quintette dans une veine ouvertement post-brahmsienne, moins moderne que les quatuors.
→ Le cycle pour piano est assez original, beaucoup de recherche d'harmonies riches où l'on sent l'influence de Debussy, et des recherches de timbres dans l'aigu !
Beethoven sonates piano 5,7,8,9,10,12,14,15,18, Immerseel (Alpha)
→ Comme toujours, Immerseel joue sur des instruments à faible dynamique, véritables contemporains des compositions (considérant que Beethoven pouvait jouer sur des instruments de la décennie d'avant, jamais de celle d'après…). Ce n'est donc pas aussi satisfaisant qu'un beau Graf des années 1820-1830, mais ce piano-ci dispose de superbes couleurs, les timbres chaleureux permettent d'entendre distinctement chaque détail sans effort, et je suis frappé de la netteté d'articulation et de conception d'Immerseel : il y avait longtemps que je n'avais pas écouté la Pathétique et le Clair de Lune avec un tel plaisir renouvelé !
→ Il ne faut pas en attendre la fièvre démiurgique des interprètes possédés, mais pour une lecture classique, lisible, avec des timbres variés et chaleureux, une approche particulièrement satisfaisante !
Un'Arpa Straordinaria: Italian Music of the 17th Century for Double Harp ; Das kleine Kollektiv
→ Très beau disque où la harpe, au continuo où davantage en valeur, est plus audible qu'à l'accoutumée. Très beau répertoire, des pièces rares de compositeurs importants, et remarquablement servies.
Schumann : Complete Works for pedal piano or organ – Daniel Beckmann (Aeolus)
→ Sur jeux de fond très doux, une réverbération qui brouille certains détails, mais de beaux phrasés.
→ Rothkopf plane sur la discographie, ainsi que Michelle Leclerc pour les Étudies, Keith John pour les Esquisses (éventuellement Guillou-Rotterdam) ; Vernet pour l'ensemble demeure une très belle référence équilibrée et articulée, à laquelle on peut désormais ajouter Beckmann.
Einfelde, Maulis, Vasks, Tormis, Dzenītis, Janulytė, Pärt – « Baltikum » – SWR VE, Creed (SWR Classic)
→ Je n'ai aimé ni la sélection (les Czesław Milosz de Vasks, c'est autre chose que ses Litene semi parlées…) ni les timbres (très blancs, les femmes poussent un peu pour tenir les voix non vibrées…). Pas séduit par ce volume (d'une collection extraordinaire que j'ai eu le plaisir d'écouter intégralement).
Haydn organ concertos – Ian Quinn, Arcangelo, Jonathan Cohen (Chandos)
→ Les cordes grincent beaucoup pour mon goût, et les attaques ne sont pas différenciées de la tenue. La netteté du jeu de Quinn et les tempi allants ne compensent pas totalement, pour moi : on s'habitue évidemment au spectre sonore, et cependant il manque un certain relief dans les dialogues, une fermeté de trait du côté de l'orchestre. Bonne version, mais suffisamment d'offre pour en essayer d'autres, même tradis, qui fonctionnent au moins aussi bien.
Massenet – Don César de Bazan – Dreisig, Behr, Naouri ; Les Frivolités Parisiennes, Romano (Naxos)
→ Deuxième opéra de Massenet à avoir été représenté (1872, après La Grand'Tante), un opéra comique à ce jour jamais enregistré, s'imaginant librement la vie rocambolesque du comte de Garofa qui illumine par son sans-gêne (et la perspective de faux espoirs de sauvetage) l'acte IV de Ruy Blas. Ici, il est à la fois père adoptif, condamné à mort, amoureux et intrigant d'amours cachées (qui le conduisent à envoyer sans ciller le roi au diable).
→ La musique en est séduisante, sans se démarquer très ostensiblement de la production de qualité du temps, à part, peut-être, une forme d'ambition formelle, avec de véritables ensembles et « scènes » chantées (moments d'action écrits de façon récitative aux voix, mais avec un orchestre qui raconte des choses au ieu de simplement ponctuer / accompagner).
→ Le disque permet aux Frivolités Parisiennes, qui l'avaient joué sur scène, de graver cette portion inconnue du legs de Massenet. La distribution a été entièrement renouvelée, avec des chanteurs célèbres (qui tiennent fort bien leur rang).
→ Il s'agit donc un jalon important, à découvrir… mais l'absence des dialogues pour économiser de la place sur le disque rend l'action difficile à suivre et ruine l'équilibre de l'œuvre… c'est vraiment une erreur majeure de Naxos, qui enregistre beaucoup d'opéras comiques inédits tout en dénaturant leur forme même. Grand dommage.
Wagner – Das Rheingold – Rutherford, Duisburger PO, Kober (CAvi 2019)
Wagner – Die Walküre – Watson, Weinius, Duisburger PO, Kober (CAvi 2020)
→ Orchestre décidément exceptionnel, l'un des meilleurs d'Europe, et toujours dans une prise de son extraordinaire (ces rafales de l'orage initial, incroyables !). Belle distribution dans l'ensemble.
Henze – Der Prinz von Homburg – Meister (Capriccio)
→ Pas le meilleur Henze (atonalité un peu corsetée, par l'abandon mélodique des Junge Liebenden, du Floß Medusa, du Junge Lord…), mais on en dispose enfin dans une version discographique moderne (jusqu'ici, il existait surtout un DVD, ce me semble), et dans un bel environnement.
Fauré – Ballades, Nocturnes… Matvievskaya (Artalinna)
→ Le Fauré le plus sophistiqué (Jardin clos, piano solo) me reste toujours à la fois assez hermétique dans ses voies et, je crois, assez lointain dans ses préoccupations de musique-qui-musique : elle semble se penser comme pour elle-même, hors de toute contingence – hors de tout considération pour l'auditeur, quasiment.
→ Matvievskaya, est-ce la sélection ou l'interprétation, parvient à y donner une « directionnalité » assez claire.
→ La notice est un fascinant guide d'écoute, aussi bien à travers les œuvres qu'à travers la cohérence interne du programme et du jeu de la pianiste – s'autorisant des exclamations admiratives qui, loin d'être de pure forme, permettent d'entrer dans la logique interne de ce récital exigeant.
→ Me touche toujours assez peu comme répertoire – toucher (piano ?) un brin métallique aussi. En revanche, cela vit beaucoup mieux qu'à l'accoutumée (interprète ? sélection ?).
Wagenseil, Krumpholtz, Gluck, Haydn, Schmittbaur – « The Harp in the Vienna of Maria Theresa » – Margret Köll & Il Furibondo (Accent)
→ Sur instruments anciens, saveur exceptionnelle de la harpe, et de très belles pièces rares : le concerto de Wagenseil (avec accompagnement de trio à cordes), la sonate de Krumpholtz, avec des mouvements lents assez merveilleux.
→ Seule interrogation : pourquoi au milieu de toutes ces raretés pour harpe, cette sonate pour piano de Haydn seulement jouée par un trio à cordes ? En concert, ce procure une pause au soliste… mais au disque ?

Brandl, Symphonies (concertante) – Rhénanie-Palatinat (CPO)
→ Premier romantisme (violon solo très schubertien !), délicieux, joué avec une belle conscience musicologique – cet orchestre tradi joue avec vibrato très limité et dans un spectre sonore tranchant et aéré comparable aux ensembles sur instruments d'époque !
→ Très belles compositions généreuses mélodiquement et bien charpentées, sans aucune superficialité.







autres nouvelles écoutes : œuvres autres nouvelles écoutes : versions


Moeran: String Quartets / String Trio par Maggini Quartet (Naxos) x3
→ Très bel ensemble, à réécouter encore pour bien m'y immerger.
Aboulker – Douce & Barbe-Bleue – Toulon 2017 (yt.com)
Aboulker – Douce & Barbe-Bleue – Montansier 2013 (yt.com)
Debissy – Noël des enfants – Toulon 2018
Wagenseil: Symphonies, Vol. 1 – L'Orfeo Barockorchester (CPO 2002)
→ Orchestre un peu sévère (typique des ensembles baroques allemands, avec du mordant mais un coloris sombre et un rebond limité), mais sur instruments anciens, informé, engagé, avec un continuo riche au clavecin…
→ Pas le plus marquant du compositeur, mais assez beau.
Berlioz: Huit Scènes de Faust — OSM, Dutoit (Decca 2003) + chasseur danois, impériale, marseillaise, lagunes…
→ Prise de son dantesque, interprétation ardente. Œuvres très stimulantes.
Marie Jaëll – Complete Works for Piano, Vol. 2,18 Pièces pour piano d'après la lecture de Dante – Cora Irsen (2015 | Querstand) Rachmaninov – Le Chevalier ladre – Neeme Järvi
¶ Très récitatif, de belles choses. Belle version.
Macfarren – Symphonies 4 & 7 – Queensland PO, W.A. Albert (CPO)
→ Écriture qui doit encore beaucoup à Beethoven et Weber, d'un très beau sens dramatique, trépidant !
→ Timbres de la petite harmonie vraiment dépareillés, mais belle écriture romantique qui sonne bien.
Davantage sur Macfarren.
Nicolai – Die lustigen Weiber von Windsor – Donath, Schreier, Weikl, Vogel, Moll ; Sk Berlin, Klee (Berlin Classics)
Georg SCHUMANN: Symphony in B Minor / Serenade (Munich Radio Orchestra, Gedschold)
→ Postbrahmsisme très tradi. Bien fait, mais pas du tout comparable à la Symphonie en fa mineur. La Sérénade, tout en légèreté de touche, a davantage de saveur.
Nicolai – Die lustigen Weiber von Windsor – Ridderbusch, BayRSO, Kubelik (Decca)
Georg Schumann, Symphonie en Fm – DSO Berlin, James Feddeck (CPO 2017)

→ Georg Schumann, de la génération Debussy-Mahler-R.Strauss, a surtout été renommé, de son vivant, comme chef de chœur au plus haut niveau – bien que ses compositions fussent déjà jouées.
→ J'ai ri de bon cœur en lisant que, pour célébrer les 150 ans de sa naissance, en 2016, le Philharmonique de Berlin – avec lequel il assurait dix concerts par an – lui avait consacré… une exposition ! (savoureux, vous avouerez)
→ En attendant, CPO a fait son boulot et a proposé deux volumes d'œuvres symphoniques, en 2012 et 2017. Très séduisants et stimulants.
→ J'ai entendu énormément de parentés dans cette Symphonie en fa mineur (1905) : des choses anciennes qu'il a sans doute héritées des maîtres qu'il a étudiés (les bois à nuits façon Songe d'une nuit d'été de Mendelssohn dans une section du II, cette fin du I en accords cassants très brahmsienne), ou qu'il partage avec ses contemporains (ce spectre sonore qui étincelle de détails un peu mahlériens au début du I, formules très brucknériennes, dans l'orchestration comme dans la mélodie, pour finir son mouvement lent). Des trépidations crépitantes qui évoquent les climax du d'Albert de Tiefland, ou les poussées les plus généreuses de la Femme sans ombre…
→ Mais surtout, c'est Wagner qui plane partout : les mêmes marches harmoniques que dans l'Annonce de la mort de la Walkyrie, des élans qui laissent clairement entendre la mort d'Isolde… D'une manière générale, la façon de faire proliférer le matériau à partir de motifs brefs qui s'enrichissent et se déforment doit beaucoup à Wagner.
→ À l'oreille, autrement, ce qui marque le plus est ce lyrisme intextinguible, qui passe par diverses formes plus ou moins sombres, plus ou moins volubiles, mais qui demeurent toujours remarquablement prégnant mélodiquement, et tendu sur une harmonie riche et évolutive.
→ À recommander à tous les amateurs de d'Albert, Rott ou Tyberg. De surcroît, l'orchestre est absolument splendide.
Verdi – Aroldo – Stella, Penno, Protti ; Firenze 53, Serafin (Walhall)
→ Rhabillage de Stiffelio, avec une révélation immédiate, donc moins de tension dramatique. Mais tous les grands ensembles extraordinaires sont conservés. J'aime davantage la tension interne du pasteur qui prêche l'inverse de ce qu'il ressent, mais le contexte féodal fonctionne bien aussi.
L'acte bricole des retrouvailles étranges, dans une musique nouvelle.
→ Orchestre évidemment un peu paumé (le nombre de décalages dans l'ouverture, hallucinant), mais progressivement de plus en plus en place, quoique mixé trop loin. Les parties a cappella sont complètement fausses (je veux dire, chantées à un ton d'écart !), les équilibres en-scène et hors-scène sratés…
→ Chanteurs aux voix éclatantes, à défaut d'être toujours subtils. Stella radieuse comme toujours (ni impavide, ni frémissante). Gino Penno devait faire un bruit démentiel en salle, la voix est à la fois très franche et dotée d'un espace assez fou, ça ne résonne que dans la face et il y a des cavernes dans son corps ! Ce n'est pas forcément passionnant en termes d'incarnation en revanche (parmi les ténors en GP qui riment, je préfère largement les douceurs de Gianni Poggi). Enfin Aldo Protti, au legato parfait et à l'assise inhabituelle, n'a jamais aussi bien chanté !
→ Peu de versions de toute façon, et celle-ci est probablement la plus satisfaisante.
Wagenseil : concertos pour harpe (avec accompagnement de trio à cordes), Rachel Talitman (Harp & Co. 2013)
→ Délicieux, caractère méditatif frémissant rare pour l'époque.
MERIKANTO, A.: Juha [Opera] (Lehtinen, Kostia, Krumm, Valjakka, Finnish National Opera Chorus and Orchestra, Söderblom) (Finlandia)
→ Splendeur des splendeurs, un opéra qui évoque à la fois Pelléas, Das Schoß Dürande (Schoeck) et Tosca. Dans une lecture rugueuse très différente de la version mieux connue (et plus avenante) chez Ondine.

Rachmaninov, air Aleko :
- Leferkus / N. Järvi
- Gerello / Orbelian (quelle éloquence !)
- Nesterenko / Kitayenko

Verdi – Il Trovatore – Scala, Molajoli
→ Témoignage du chant des années 30, où la diction et l'expressivité n'avaient pas du tout la même importance que dans les années 50. Chacun énonce mollement son texte en conservant surtout une belle texture moelleuse de voix. (Beau mais mou.) Beau ténor, superbe baryton, soprane impossible (elle sonne si vieux, pas de legato non plus…).
→ Intéressant dans la mesure où ce met en évidence les différences fondamentales entre les périodes, les écoles de pratique et de pensée du chant… tout en relativisant l'idée d'un Âge d'or absolu. (C'était globalement mieux chanté, mais ce n'est même pas si évident concernant la soprane sainement émise mais redoutablement moche.)

Chopin Études: Geniušas
→ Lecture très fluide et aisée, les contrechants « invisibles » y sonnent particulièrement bien.






réécoutes œuvres (dans mêmes versions) réécoutes versions


Wagner – Das Liebesverbot : air d'Isabella et final du I (R. Heger)
→ Version formidable (Zadek, Dermota, Equiluz, L. Weber !), mais de grosses coupures dans des moments importants. (Sinon Weigle est très bien.)

Wagner – Das Liebesverbot : air d'Isabella et final du I (Weigle)

Wagner – Das Liebesverbot : air d'Isabella et final du I (Savallisch)
B.-A. Zimmermann : Les Soupers du roi Ubu meistersinger, ouverture, solti vienne
van Gilse – Symphonie n°2 – PBSO Enschede, Porcelijn (CPO)
Symphonie n°1
Symphonie n°4
Tanzskizzen

Schoeck – Besuch in Urach – Harnisch, Berner SO, Venzago (Musiques Suisses)
Volbach – Symphonie en si mineur – SO Münster, Golo Berg (CPO 2019)
Volbach – Es waren zwei Königskinder – SO Münster, Golo Berg (CPO)
graener prinz eugen, NDRP Hanovre, W.A. Albert x4
Ropartz – Le Pays – Ossonce (Timpani)
→ Plus je le réécoute, plus j'admire et adhère à cette sorte de Tristan provincial… (Très proche aussi des wagnérismes de Fervaal ou L'Étranger, de d'Indy.)

Bernier – Aminte & Lucrine – Lesne (Virgin)
→ Sujet du type Callirhoé, aussi bien traité musicalement que Pyrame de Clérambault, une pure merveille, au sommet du genre !

Grandval – 4 cantates /6 : Rien du tout, Grégoire, Ixion, L'Impatient – Béatrice Mayo-Felip, Ensemble Amalsis, Pappas (Arion)
→ Interprétation de première classe, chanteurs formidables (quel français, quelle variété d'inflexions, sans jamais détimbrer, pour Mayo-Felip, on n'a jamais aussi bien chanté des cantates !) et continuo peu inventif mais sérieux.

Nicolai – Il Templario – Beermann
→ Vraiment plus belcantiste avec moins de traits weberiens que dans mon souvenir. Vocalement aussi, moins séduit (l'italien pas très beau) que lors de mes précédentes écoutes.

CPE Bach : Trios piano-cordes (Linos piano trio)

→ Il faut s'habituer au son des cordes non vibrées (avec piano, c'est toujours un peu inconfortable pour ma part), mais le corpus est absolument passionnant, à la naissance du genre, avec un piano très volubile qui échappe totalement au modèle initial de la Sonate en trio, véritablement les premières explorations d'un vrai trio pour / avec piano. (Et de très belles œuvres réellement nourrissantes, qui ont déjà un sens de la grande structure.)

Verdi – Stiffelio – Battistoni (C Major)
→ Un des tout meilleurs Verdi, dans une interprétation extraordinaire (belle voix saines, tension dramatique, orchestre beau et dirigé avec finesse).

Bischoff – Symphonie n°1 – W.A. Albert
Schubert – The Winter Journey, R. Williams, Burnside (Signum)
→ En anglais, tout en douceur ;

Hanson – Merry Mount (Naxos)
→ Format tradi, de beaux récitatifs assez simples, mais vraiment animé et nourrissant. Très belle œuvre.


Suite de la notule.

lundi 1 juillet 2019

Saison 2018-2019 : bilan de l'année concertante & grande remise des Putti d'incarnat


La saison passée, après avoir passé de nombreuses heures à essayer de faire une jolie présentation, je n'en suis pas venu à bout et n'ai rien publié…
Cette saison-ci, du fait des… 193 spectacles vus depuis le 1er septembre (et cela se poursuit en juillet), j'adopte une autre stratégie : un grand tableau qui contient toutes les données statistiques, avec les distributions, les lieux, les époques, les remises de putti d'incarnat, le prix de revient…

Tant de beautés, parfois un peu secrètes, méritent un petit tour d'horizon, que voici.



1. Les putti d'incarnat

Voici donc venu l'instant de la grande remise annuelle de la récompense suprême pour tout artiste informé, le putto d'incarnat – qui est au diapason d'or ce qu'est la médaille olympique de lancer de poids à la compétition de pétanque de la félibrée.
Seule la rédaction de Carnets sur sol réunie en collège extraordinaire est habilitée à le décerner, ce qui garantit la clairvoyance de son attribution, et l'absence absolue de collusion maligne.

Hautement respecté, il se matérialise par un putto de van Dyck, remis directement à chaque lauréat sous forme d'un précieux carré de pixels.


les putti d'incarnat

Au delà du jeu des breloques, c'est aussi et surtout l'occasion de mettre en valeur des œuvres, concerts ou interprètes qui n'ont pas toujours été très exposés. Il est vrai que le travail de recherche de ces concerts est un poste de dépense, en temps, assez considérable à lui seul !



2. Spectacles vus

Tout a donc été placé et organisé dans ce grand tableau.

Quelques précisions utiles pour sa lecture :
♦ en gris, les découvertes personnelles ;
♦ l'astérisque sur un nom signifie que j'entends l'interprète pour la première fois en salle (deux astérisques, que je le découvre complètement) ;
♦ dans la colonne « recension », tw signifie Twitter (cliquez sur « lire la discussion » pour accéder au commentaire complet), clk Classik (forum de référence), CSS Carnets sur sol (évidemment). Certains concerts n'ont pas été commentés (ou ont pu l'être sans que je remplisse la case, d'ailleurs).

Après hésitation, j'ai conservé la cotation des spectacles, pour permettre de lire plus clairement. Elle est sur cinq et ne relève que ma propre satisfaction : elle ne mesure pas l'intérêt des œuvres, ni même le niveau ou l'engagement des artistes… simplement l'état de ma subjectivité (qui peut varier selon le moment évidemment). D'une certaine façon, la seule cotation objective possible : celle de mes émotions plutôt qu'une qualité générale hypothétiquement universalisable.
D'une manière générale, on peut tout de même remarquer que jouent très fortement la rareté des œuvres (et leur intérêt, bien sûr ; cependant plus il y a découverte, plus l'émotion est forte, par exemple une opérette inédite par rapport à Tosca qui est un coup de poing, mais dont on a l'habitude), ainsi que certains paramètres d'interprétation (engagement, plaisir de jouer, qualité linguistique notamment).

À la louche, il faut le lire comme suit :
* : très bonne exécution, mais je n'ai pas vraiment été emporté, pas sensible aux choix, ou j'étais dans un mauvais soir (Couperin par Jarry, Mahler 3 par l'Opéra de Paris)
** : très bien, mais pas forcément sensible aux œuvres (Manon, Concerto pour violon de Weill, The Rake's Progress…) ou joué de façon terne (Boccanegra) ;
(à partir de ***, on est vraiment très haut)
*** : excellente soirée, très intéressante, très bien jouée ;
****  : assez parfait (mais ce n'est pas rare, ou bien il m'est arrivé d'entendre mieux), ou proposition imparfaite mais extrêmement stimulante (Les Démons à Berthier…) ;
***** : bonheur absolu

Je me suis même réservé, pour les grands soirs qui marquent une vie de spectateur, d'excéder les *****.

Je le redis ici, il ne faut pas le lire comme une « note » /5, ce n'est pas l'esprit de la chose.

Trois spectacles seulement sur les 193 ont une note « négative », où je me suis permis de partager mes doutes.
Bérénice de Jarrell. Je n'ai jamais autant regardé ma montre au spectacle. Jarrell est un très grand compositeur, les interprètes étaient excellents… cette fois-ci ça n'a pas pris, le rapport à Racine, la prosodie, même la musique ne s'articulaient pas ensemble. Une production où tout le monde était de bonne foi, mais une œuvre ratée à mon sens. Cela arrive. Il faut réécouter son opéra Galilée, son mélodrame Cassandre et sa musique symphonique.
Pelléas avec piano à l'Opéra-Comique. Les interprètes (pourtant tous très valeureux) ne possédaient pas bien leur rôle (pas techniquement, mais il ne se passait rien dramatiquement) : proposer le résultat d'une semaine de travail sur une œuvre aussi spécifique que Pelléas, avec un plateau où tout le monde faisait sa prise de rôle, dans un contexte aussi solennel qu'une grande salle de spectacle (pour ce qui aurait dû se donner dans une salle de répétition entouré des proches), ça ne pouvait pas fonctionner. Fausse bonne idée – là encore, ce n'était pas vraiment la faute des artistes, et ça aurait pu fonctionner, vu leur niveau, avec n'importe quel autre opéra… mais pas celui-ci avec tout le monde le nez dans la partition à compter les temps. Et surtout pas vendu comme un vrai concert, à Paris où l'on a en moyenne un Pelléas extraordinaire par an.
Le Procès de Krystian Lupa d'après Kafka, le seul pour lequel je n'ai pas beaucoup d'indulgence : atrocement lent, mal ficelé, délibérément laid… Tout était plat, démonétisé… et j'ai été mis un peu de mauvaise humeur aussi par ce qu'on voyait sur scène (de longues minutes pendant lesquelles un homme nu se touchait), alors qu'aucun avertissement envers le jeune public n'avait été émis (beaucoup de lycéens dans la salle). Un mauvais spectacle, c'est une chose, mais un spectacle nuisible…

Tout le reste, même pour les * où je ne suis pas convaincu sur les choix opérés, était de haute volée. Avec quelques sommets à peine imaginables dont je parlerai.



3. Statistiques

a) Lieux

193 soirées dans 91 salles différentes, dont 50 jamais testées !
Plus d'1/4 de salles nouvelles, après dix ans de concerts à Paris, je suis plutôt content de moi.

Les lieux les plus visités ?  Ils ne surprendront pas les habitués.
1. Philharmonie
2. CNSM
3. TCE
4. Bastille
5. Favart / Château de Versailles
6. CRR de Paris
7. Athénée / Odéon / Garnier
8. Marigny

Détail des salles où je suis allé plusieurs fois cette saison :
total Philharmonie (47)
Philharmonie (36)
total CNSM (24)
total Opéra de Paris (13)
CNSM – Fleuret (11)
CiMu (10)
TCE (10)
Bastille (9)
CNSM – salle d'orgue (6)
Favart (6)
total Château de Versailles (6)
total CRR (5)
CNSM – Pfimlin (4)
Athénée (4)
total Odéon (4)
Garnier (4)
CRR – auditorium Landowski (3)
Opéra Royal (3)
Versailles, Grande Écuries (3)
Odéon (3)
total Marigny (3)
CRR – salle Alain (2)
Temple du Luxembourg (2)
Saint-Gervais (2)
Marigny grande salle (2)

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b) Genres

Opéra (55), dont scénique (32) et concert (23)
Symphonique (39)
Sacré (20), dont oratorio (4)
Théâtre (18)
Musique de chambre (17)
Lieder & mélodies hors orchestre (13)
Instrument solo (7), dont piano solo (5)
Ciné-concert (5)
Chœur solo (8), dont a cappella (6)
Comédie musicale (4)
Théâtre & musique (4)
Orgue (4)
Cantates profanes (3)
Théâtre en langue étrangère (2)
Improvisation (2)
Airs de cour (2)
Traditionnel / Folklorique (2)
Ballet (2)
Récital d'airs d'opéras (2)
Chanson / Cabaret (1)

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c) Époques

Trop compliqué à compter, mais comme d'habitude, le déséquilibre de l'offre fait que triomphent très nettement les XIXe2 et XXe1, périodes que j'aime beaucoup, mais pas forcément à ce degré de différence.




4. Remise de prix

Les œuvres et interprètes remarquables sont déjà indiqués dans le fichier général, mais quelques précisions et éclairages.

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a) Accueil

On est bien accueilli en de multiples endroits, mais deux salles proposent une expérience extraordinaire, où vous êtes à chaque pas accueilli avec bienveillance ; on vous conseille même sur les prix moins chers (quand on ne vous accorde pas de réductions indues), on vous aide à vous replacer sans que vous ne demandiez rien, et toujours le sourire, le plaisir d'être au contact du public… Un plaisir d'y aller, rien que  pour se sentir bien.

Pour cela, L'Athénée à Paris (rue Boudreau) et le Théâtre Roger Barat d'Herblay.

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b) Lieux extraordinaires

Cette itinérance francilière m'a aussi permis d'accéder à des lieux incroyables. Il y a bien sûr les églises, avec les fresques XVIe du plein ceintre de Saint-Basile (Étampes), les culs-de-lampe drôles de Saint-Sévère (à Bourron-Marlotte), l'étrange cagibi qu'est la nouvelle Cathédrale orthodoxe de la Trinité à Paris, les splendides époques juxtaposées (XIe-XVIIe) de Saint-Aubin (Ennery).

Mais aussi d'autres lieux moins attendus, moins spécialisés : découvrir pour la première fois l'Orangerie de Sceaux, son volume et ses moulages, retrouver le grand théâtre de bois de l'amphi Richelieu de la Sorbonne (pour un programme Hensel-Wieck-Reverdy incroyable, de surcroît), être accueilli en invité dans les salons chamarrés du palais de la Fondation Polignac (très intimidant, l'impression d'entrer par effraction dans un monde parallèle), et sommet des sommets, la plus belle salle que j'aie vue sans doute, le Manège de la Grande Écurie face au château de Versailles, pour du LULLY ! – aux murs d'Hardouin-Mansart s'ajoutent les gradins et tourelles de bois de Patrick Buchain… ce lieu est d'une singularité et d'une poésie qui n'ont pas d'équivalent.

Quantité de théâtres charmants aussi (le Théâtre Michel par exemple), et des lieux qui, sans être toujours spectaculaires, marquent : la Fondation Pathé où les salles spécialisées peuvent accueillir de l'improvisation au piano devant les muets fraîchement restaurés, La Nouvelle Ève dans le quartier des cabarets, avec sa décoration totalement dépourvue de pudeur et de bon goût (ambiance lupanar avec des couloirs froides, déstabilisant), Les Rendez-vous d'ailleurs (un cabaret de quartier où les lavabos sont dans le m² de l'entrée, où le hall est aussi la salle… tout un théâtre de plain-pied contenu dans l'espace d'une grande salle à manger), La Passerelle (une sorte de microcantine-bibliothèque, un petit lieu de convivialité de quartier sous pierres apparentes, délicieux)…

Et bien sûr, souvenir particulier de la Salle du Dôme, grand demi-cercle au sommet du Conservatoire de Puteaux, où j'ai pu assister, tandis que le couchant embrasait Paris à travers les grandes baies panoramiques, à la répétition générale de Tarare de Salieri, littéralement contre les musiciens et chanteurs. Lieu fort beau, mais dont la jauge ne permet pas de donner de spectacles (nous étions quatre spectateurs).

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c) Opéra scénique

Les Huguenots : contre toute attente, une production de l'Opéra de Paris. La qualité de la partition est telle que, bien servie (j'ai attendu qu'on soit en place, en toute fin de série…), elle procure une jubilation ininterrompue assez incroyable… tant de qualité mélodique, de modulations de relance adroites, de tuilages et ensembles… le vertige.

Normandie de Misraki (La Nouvelle Ève) : festival de jeux de mots lestes, musique généreuse servie avec un entrain formidable. Production assez géniale de ce qui aurait dû être une aimable curiosité.

Into the Woods de Sondheim (Massy) : jubilatoire jeu de contes, peut-être aussi le Sondheim mélodiquement le plus irrésistible.

Rusalka de Dvořák (mise en scène Carsen) : le wagnérisme dans un creuset mélodique slave, et une mise en scène à la fois si belle et fine (peut-être ce que j'ai vu de mieux sur une scène d'opéra), vraiment fabuleux (musicalement, on baigne dans la plus belle des riches voluptés).

Et beaucoup d'autres moments fabuleux : la décantation de Iolanta, The Importance of Being Earnest (Gerald Barry) et sa fantaisie, Véronique de Messager (version quintette piano-cordes), Le Testament de la tante Caroline (Roussel !), Madame Favart (le meilleur Offenbach peut-être), Le Jugement de Midas de Grétry, Le Retour d'Ulysse d'Hervé, Donnerstag de Stockhausen (quelle poésie !)…

Aussi le plaisir de la découverte en salle d'ouvrages que je savais plus mineurs mais qui, en vrai, demeuraient charmants : Galuppi-Goldoni (Il Mondo alla roversa), Korngold (Die stumme Serenade), Loesser (Guys & Dolls), Berio-Monteverdi (Orfeo III) Sondheim (Marry Me A Little).

Quelques belles retrouvailles aussi : L'Elisir d'amore (ça ne manque jamais), Otello (Kurzak et Alagna époustouflants, on verra cette soirée avec nostalgie avant peu), Hamlet, Tristan (Serafin m'a beaucoup touché !), Ariadne auf Naxos…

Très peu de mauvaises surprises : j'ai trouvé Mam'zelle Nitouche faible, mais les artistes se donnaient ; je n'aime toujours pas Manon mais la production était remarquable en tout point ; reste surtout la frustration de ce Boccanegra à l'économie du côté mise en scène et orchestre, vraiment pas au niveau d'une telle maison ni de l'œuvre… mais le niveau vocal était suffisamment très-bon pour sortir content.

Étrangement, cette saison, plus d'opérette et de comédie musicale, revenant en force à Paris, que de baroque français !  Je ne m'en plains pas, j'ai fait bombance de ce genre alors que les autres étaient jusqu'ici un peu négligés.

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d) Opéra en concert

La Pskovitaine de Rimski-Korsakov : une œuvre d'une densité et d'un feu extraordinaire (le meilleur Rimski, à mon gré), alors servie par le Bolchoï, on crève de bonheur.

Paul & Virginie de Victor Massé : Massé n'est pas seulement l'immortel auteur des légers Les Noces de Jeannette ou Galathée, il a aussi donné dans le grand genre, et cet opéra est d'une richesse assez incroyable. Il comporte en ouvre de très grands morceaux de bravoure (un grand solo d'un quart d'heure pour le ténor, la lecture de la lettre de Virginie par Paul et son apparition fantomatique…), au service d'un roman qu'on ne considère plus guère et qui retrouve réadapté sans niaiserie, comme son modèle, au goût du second XIXe siècle. C'était en outre dans une distribution à crever de bonheur, que des très très grands : Sahy Ratianarinaivo (vous le retrouverez la saison prochaine dans plusieurs premiers rôles en France), Halidou Nombre, Tosca Rousseau, Qiaochu Li, L'Oiseleur des Longchamps (quel récitant hors de pair !), Guillemette Laurens…
Il faudrait vraiment d'une maison pourvue de moyens reprenne cela avec ou sans orchestre, et la même équipe.

Tarare de Salieri : je vous épargne pourquoi. Unique livret de Beaumarchais, une œuvre virevoltante et piquante, dans le langage français de l'époque mais plus riche, et écrit dans une continuité déjà wagnérienne… un hapax incroyablement jubilatoire, et par la meilleure équipe possible.

Léonore de Gaveaux : la source de Fidelio, dont beaucoup de l'esprit musical a été repris (et totalement transcendé) dans la partition de Beethoven. Un ravissement de fraîcheur, et non sans ambition, par de jeunes artistes de très, très haute volée (chefs de chant de la classe d'Erika Guiomar, et très grands chanteurs Ricart, Pouderoux, Poguet, Athanase…).

Le Roi Pausole d'Honegger : un des rares livrets loufoques réellement drôles. Récital d'examen (direction de chant) de Cécile Sagnier plein de vie.

Tristan und Isolde : un petit condensé Récital d'examen (direction de chant) de KIM Yedam. Avec Marion Gomar et Léo Vermot-Desroches, un duo d'amour incroyable, sur le tapis mouvement d'un orchestre enfermé dans un piano. Très, très grande lecture.

Tarass Boulba de Lysenko : le grand compositeur national ukrainien, contemporain de Tchaïkovski (et revenu à l'honneur dans l'Ouest du pays dernièrement, tandis qu'on joue La Fiancée du Tsar dans les opéras du Donbass – je n'invente rien !). De la musique très tranquillement consonante, dont les mélodies sont teintées de folklore. Passionnant de pouvoir le découvrir enfin en salle, dans de très bonnes conditions. Récital d'examen (direction de chant) d'Olga Dubynska.

Et beaucoup d'autres très grands moments : Idylle sur la Paix de LULLY (dans le style d'Armide), Arabella par l'Opéra de Munich, Salome (version piano condensée Théodore Lambert), Euridice de Peri (le premier opéra conservé, et dans une version expérimentale de recitar cantando), Candide de Bernstein (Rivenq en récitant dans un si bel anglais !)…

Par ailleurs, plaisir de découvrir Le Roi Pinard Ier de Déodat de Séverac (réputé perdu), l'étrange comédie tonale un peu sinueuse de Pierre Wissmer (Léonidas ou la torture mentale), Maître Péronilla d'Offenbach, d'être enfin convaincu par Isouard (Cendrillon par la Compagnie de L'Oiseleur), d'entendre enfin Issé de Destouches (même si déçu par la partition et l'interprétation). Et bien sûr, on ne se plaindra jamais de retrouver des doudous comme Serse (par Il Pomo d'oro en feu), Nabucco (Rustioni à fond et distribution folle), La Damnation (Antonacci, Vidal, Courjal, Roth !), Siegfried (avec Stikhina au sommet) et Götterdämmerung (Sergeyeva…) par le Mariinsky…


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… la suite un peu plus tard avec les remises de prix symphoniques, chambristes, d'oratorio, de mélolied… et les distinctions concernant les artistes (autant cajoler aussi les vivants).




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e) Musique symphonique

Sibelius 2 par l'orchestre Ut Cinquième, direction William Le Sage. Dans une église insupportablement glaciale (10°C, pas plus), la plus grande interprétation que j'aie entendue de cette symphonies. Bien qu'ensemble amateur, on est saisi par l'aisance et l'aplomb incroyable de cette formation, le plaisir évident de jouer aussi. William Le Sage (alors encore étudiant en direction au CNSM, il vient d'obtenir son prix il y a deux semaines !) parvient avec eux à sculpter la structure élusive des symphonies sibéliennes : l'impression de comprendre, comme jamais, les transmutations de la matière thématique, et avec quel relief et quelle gourmandise. Une expérience d'orchestre où les musiciens vous donnent l'impression de connaître si bien la composition que vous auriez pu l'écrire, un de ces voyages qui peuvent marquer une vie de mélomane.

Star Wars IV,V,VI,VII par l'ONDIF : musique géniale, du niveau des grands Wagner (en tout cas les IV & V), une forêt de leitmotive incroyables, habituellement couverts par les dialogues et bruitages, qui peuvent enfin, en condition de concert, s'épanouir (on entend mal sur les disques, qui ne sont d'ailleurs pas complets, et qui souffrent de manquer de l'ancrage de l'image évidemment, comme du Wagner écouté en fond…). A fortiori avec l'investissement toujours exceptionnel de l'ONDIF, qui n'a d'ailleurs rien mis à côté dans ces courses très intenses (où il faut absolument tenir le tempo) et malgré des traits d'orchestre absolument redoutables (et très exposés). Incroyablement jubilatoire en termes de musique pure, même indépendamment de l'intérêt des films.

Mendelssohn 3 par l'OCP et Boyd : À la fois charnue et acérée, la lecture la plus complète que je n'aurais pu rêver de cette symphonie… je découvre au moment de son départ que, tout en sobriété et finesse, Boyd est un très grand chef. Et l'engagement de l'OCP, comme d'habitude, combiné à leur hallucinant niveau individuel, a battu à plates coutures toutes mes références discographiques (Vienne-Dohnányi, HerasCasado-FreiburgerBO, Fey-Heidelberg…), émotionsubmergeante.

Bruckner 6 par l'OPRF et Chung (que j'entendais diriger pour la première fois, étrangement !). Je tenais la symphonie pour la plus faible de Bruckner – la seule que je n'aime pas vraiment, avec la 8 –, et j'ai au contraire été absolument passionné de bout en bout par cette lecture peut-être facialement traditionnelle, mais qui empoigne le matériau avec une telle intensité, une telle qualité d'articulation, que tout paraît, pour une musique aussi formelle et abstraite, incroyablement présent.

Polaris de Thomas Adès (Orchestre de Paris, Harding), pièce contemporaine au sujet astral, qui exploite l'espace d'une salle de concert de la façon la plus persuasive et agréable. Ce ne doit pas être très opérant au disque, mais c'est un ravissement en contexte.

Chostakovitch 5 par Toulouse et Sokhiev : Après avoir vénéré Chostakovitch et puis (très rare cas en ce qui me concerne) avoir réévalué mon intérêt sensiblement à la baisse ; après une mauvaise expérience en salle de cette symphonie (OPRF / Kuokman, vraiment pas un bon soir), l'une des rares que j'aime vraiment chez lui (avec la 10)… une révélation. Lecture ronde mais dense et intense, portée par l'engagement toujours sans faille de l'orchestre. La lumière douce et aveuglante à la fois du Largo m'a terrassé.

Quelques autres grandes expériences, comme le Beethoven (1,2,4) totalement ravivé et jubilatoire du Concert des Nations, ou Mendelssohn 4 & Schumann 2 par Leipzig (quel orchestre somptueux, charpenté à l'allemande mais d'une rare chaleur).

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f) Musique de chambre

Le Cuarteto Quiroga, mon chouchou de tous les quatuors en activité, dans un incroyable programme Turina (Oración del Torero), Ginastera 1, Helffter (Ocho Tientos), Chostakovitch 8 !  La fine acidité fruité du son, le feu, la lisibilité sont poussés à des degrés inégalés dans des pièces dont la rareté n'a d'égale que la richesse (les modulations de Turina, les danses folles de Ginastera…).

Quintette piano-cordes de Jean Cras (Sine Nomine, Ferey). Farci de folklore breton et de chants de marins, mais d'une sophistication digne de son goût postdebussyste, une œuvre considérable, rarissime au concert (il s'agissait de célébrer la parution d'un second enregistrement de ce quintette).

Trios piano-cordes de Mmes Mendelssohn-Hensel, Wieck-Schumannk, Reverdy et K.M. Murphy par le Trio Sōra (là aussi, dans le tout petit groupe des meilleurs trios du monde, avec avec les Zadig, les Grieg et les ATOS…). Œuvres de grand intérêt, de véritables bijoux structurés avec sérieux et mélodiques avec générosité, servies avec l'évidence de ces artistes de haute volée (qui font sonner, sans exagérer, Kagel comme s'il était aussi accessible et génial que Mozart).

Réentendre, à deux ans d'intervalle (!) l'immense Quintette piano-cordes de Koechlin, cette fois par Léo Marillier et ses spectaculaires amis. Un des sommets de toute la musique de chambre.

Mouvements tirés de Haydn 72-2, Schubert 14, Grieg, Fauré, et deux quatuors de Brahms (3, par les Voce) Leilei (figuralismes d'arbre) par les étudiants du Quatuor Voce dans le 93 (CRR Aubervilliers, CRD Courneuve, CRM Fontaine-sous-Bois…). Niveau quasiment professionnel, même pour les quatuors issus de conservatoires municipaux, une homogénéité de son, une aisance, et même une réelle maturité musicale… Les présents (très peu nombreux dans la Mairie du IVe) furent très impressionnés. Un vrai moment intime et très intense de musique de chambre.

Sonates anglaises violon-clavecin (rien que des opus 1 !) du premier XVIIIe, d'Eccles, Stanley, Shield, Gibbs, Festing… par Martin Davids & Davitt Moroney. Outre les talents exceptionnels de conteur (et en français !) de Moroney, très surpris par l'intérêt de ce répertoire (étant peu friand de musique de chambre baroque, en général surtout décorative), et découverte de Martin Davids, un violoniste qui joue avec la même facilité que s'il traçait négligemment un trait de crayon dans le spectre sonore…

Pièces avec flûte, notamment de Rolande Falcinelli. Découverte de la compositrice, encore une figure, comme Henriette Puig-Roget par exemple, qui représente avec beaucoup de valeur la succession de la grande tradition française du début du XXe, et que le disque, les concerts ont totalement occultée.

Et quantité d'autres grandes aventures… les Quatuors de Gasmann et Pleyel sur instruments d'époque (Quatuor Pleyel), l'arrangement de la Symphonie 104 de Haydn pour Quintette flûte-cordes, un après-midi consacré à Louis Aubert par Stéphanie Moraly, la Première Symphonie de Mendelssohn pour violon, violoncelle (Quatuor Akilone) et piano quatre mains, le même Turina pour quatre guitares, l'intégrale des Trios de Brahms par Capuçon-Moreau-Angelich, le beau quatuor de Jean-Paul Dessy (Quatuor Tana), du clavecin à quatre mains (avec même au menu Saint-Saëns et Dvořák !)… bombance !

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g) Musique solo

Franck, Saint-Saëns, Samuel Rousseau, Tournemire, Demessieux à la Madeleine par Matthew Searles. Quel programme de raretés !  Et exécutées avec une grande générosité, malgré l'instrument et l'acoustique vraiment difficiles. Les improvisations transcrites de Tournemire vous foudroient par l'ampleur des possibles qui s'ouvraient instantément sous les doigts de l'auteur des Préludes-Poèmes (on est plutôt dans cet esprit très complet, virtuose et nourrissant que dans les contemplations poétiques grégoriennes de l'Orgue Mystique).
Pas vu beaucoup de récitals d'orgue de cet intérêt et aussi bien soutenus !

Boyvin, Marchand & Bach sur le tout jeune orgue de Saint-Gilles d'Étampes (2018 !). Les deux Français splendides… en particulier Boyvin, lyrisme d'opéra si prégnant transposé (mais sans creux, répétitions ni longueurs, contrairement aux transcriptions d'opéras réels) dans le langage organistique. Si peu documenté au disque, et si persuasif.

Bach, Intégrale des Sonates & Partitas pour violon, Isabelle Faust. Comme le disque en témoigne, l'équilibre absolu entre les traditions, ni épaisseur du trait ni acidité du timbre, le meilleur de tous les mondes à la fois, tout en sobriété.

Beethoven, Sonates 6-14-16-31 par Daniel Barenboim. Autant j'ai de très grandes réserves sur le chef, autant le pianiste m'intéresse toujours. On pourrait trouver des petits jeunes encore plus fiables, mais il demeure bien préparé et très bien articulé comme toujours. Si ce concert m'a marqué (et davantage que celui avec les 7,13,21), c'est que j'ai redécouvert à l'occasion les sonates 6 et 16, de formidables bijoux d'invention qui ne m'avaient jamais autant frappé au disque.

Moi qui n'avais vu qu'un seul récital de piano solo en dix ans de concerts parisiens (et encore, un concert uniquement constitué de transcriptions d'opéras, d'oratorios et de symphonies par les élèves en direction de chant d'Erika Guiomar !), je les ai multipliés cette saison, avec la confirmation de l'évidence que les plus célèbres, même les artistes sérieux décantés par la carrière, ne sont pas nécessairement les plus intéressants.
Barenboim a tenu son rang, mais Pollini dépassé par des programmes que son âge ne lui permettent plus d'assumer, ou Zimerman excellent (mais pas virtuose ou singulier au point d'accéder aux demandes invraisemblables qu'il adresse à la Philharmonie pour accepter de venir) n'ont pas été mes plus grands moments d'éblouissement. Très agréable néanmoins, et belle expérience d'entendre tout ce monde en vrai, de se faire une représentation de la réalité de leur son (pareil pour Martha Argerich, que j'entendais pour la seconde fois – elle ne m'a pas déçu, absolument splendide et habitée dans le Concerto de Schumann, en revanche sa supériorité absolue me paraît une vue de l'esprit).

samedi 3 novembre 2018

Innovant novembre




Encore une fois, sélection personnelle dont le ressort est souvent la rareté ou la bizarrerie. Pour une sélection plus transversale et moins triée, l'Offi et Cadences sont assez complets (tout en ratant certaines de mes propositions, considérant les recoins où je râcle des pépites et ma veille généralisée des clubs interlopes). Et bien sûr France Orgue pour les concerts de pouêt-pouêts à tuyaux, ce n'est pas exhaustif, mais de très loin ce qu'on trouve de plus complet !



1. Rétroviseur

En cliquant sur les liens, mon avis (égrené en général sur le fil Twitter de CSS dans les heures suivant le spectacle, voire dès l'entracte) apparaît. Je m'efforce autant que possible de remettre aussi les œuvres en perspective et de poser des questions plus larges que le bon / pas bon du soir donné, aussi j'espère que les retardataires et les absents y trouveront quelques satisfactions tout de même.

Les ♥ mesurent mon émotion (depuis « ça va, c'est joli » jusqu'à l'extase), non la qualité des spectacles. Des spectacles que j'ai trouvés remarquables m'ont touché avec modération, tandis que d'autres plus bancals ou moins exceptionnels m'ont bouleversé. C'est ainsi.
Quant à ♠ : j'ai pas du tout aimé.

♥ Agréable, mais je ne suis pas entré dans le spectacle.
♥♥ Intéressant.
♥♥♥ Excellent.
♥♥♥♥ Merveilleux.
♥♥♥♥♥ Événément marquant dans une vie de spectateur.

♠ J'aime pas.
♠♠ Je déteste.
♠♠♠ C'est scandaleux !  (encore jamais attribué)
♠♠♠♠ J'ai hué le metteur en scène et vais lui défoncer sa race à la sortie.

► #12 Extraits de tragédies en musique (LULLY, Charpentier, Destouches, Rameau) pour soprano (Eugénie Lefebvre) et deux clavecins, dans la merveilleuse église (juxtapositions XIe-XVIe) d'Ennery. Un délice d'éloquence et de contrepoints : grand, grand concert. ♥♥♥♥♥
► #13 Révélation de Léonora Miano (pièce mythologique évoquant les traites négrières) mis en scène par Satoshi Miyagi en japonais à la Colline, avec un orchestre de 11 percussionnistes. Un univers très étonnant. (avec des morceaux de mythologie et d'onomastique dans mon commentaire) ♥♥♥
► #14 Rarissime exécution en concert du Quintette piano-cordes de Jean Cras, les chants de marin les plus modulants que l'on puisse rêver !  (avec quelques extraits de partition) ♥♥♥♥♥
► #15 Bérénice de Michael Jarrell à Garnier. Grande déception – je n'y retrouve ni le sens dramatique de Cassandre (qui n'était certes pas un opéra), ni le contrepoint lyrique de Galileo (qui n'était certes pas sis sur des alexandrins français).  ♠
► #16 Symphonie n°7 de Stanford (et Concerto pour clarinette), Éric van Lauwe. Très belle interprétation, œuvres pas au faîte du catalogue de Stanford. ♥♥
► #17 Tristan und Isolde : Serafin, Schager, Gubanova, Goerne, Pape ; Viola, Sellars, ONP, Jordan. ♥♥♥ (ça en mérite davantage, mais je connais tellement l'œuvre que l'effet de surprise n'est pas le même, et du fond de Bastille…)
► #18 Grétry, Le Jugement de Midas. CRR de Paris. ♥♥♥♥
► #19 Destouches, Issé. Wanroij, Santon, E. Lefebvre, Vidal, Collardelle, Lecroart, Dolié, Barolz ; Chantres, Les Surprises, Camboulas. ♥♥ (parce que c'est une nouveauté… mais pas palpitant, la faute au livret, et sans doute aussi un biais d'interprétation défavorable au drame, à la danse, à la déclamation)
► #20 Orgue à la Madeleine par Matthew Searles : Franck, (Samuel) Rousseau, Saint-Saëns, Tournemire, Demessieux… Programme français assez incroyable, autour des chorals et de l'improvisation transcrite (celles de Saint-Saëns et Tournemire sont incroyables !). ♥♥♥♥♥
► #21 Quatuor a cappella Bonelli, dans Josquin, Palestrina, Victorian, Mendelssohn, Sullivan, bruckner, Debussy, Peterson-Berger, Duruglé, Kodály, Poulenc, gospels… à un par partie !  Fulgurant, la technique parfaite, et jusque dans les langues !  ♥♥♥♥♥
► #22 Maeterlinck, La Princesse Maleine, Pascal Kirsch. ♥♥♥♥♥
► #23 Bernstein, Candide. Swanson, Devieilhe, Rivenq, Amiel, Saint-Martin, Courcier, Koch. Opéra de Marseille, Robert Tuohy. ♥♥♥♥
► #24 Toshiki Okada, Five Days in March (en japonais). ♥♥
► #25 Meyerbeer, Les Huguenots. Oropesa, Jaho, Kang, Testé… Kriegenburg, ONP, Mariotti. ♥♥♥♥♥
► #26 Berlioz, La Mort de Cléopâtre (Richardot), Symphonie fantastique, ORR, Gardiner. ♥♥♥♥
► #27 Debussy, Pelléas et Mélisande, version piano. Lanièce, Dominguez, Degout, Dear… Martin Surot. ♠ (c'est terrible, encéphalogramme plat… vraiment dangereux à présenter après si peu de répétitions… et pas du tout aimé ce que faisaient les chanteurs, alors même que j'ai adoré Lanièce jusqu'ici, mais il change sa voix, et beaucoup aimé Dear, mais dans des rôles plus opératiques…)
► #28 Haendel, Serse. Fagioli, Kalna, Genaux, Aspromonte, Galou, Andreas Wolf, Biagio Pizzuti. Il Pomo d'oro, Emelyanychev. ♥♥♥♥ (interprété comme cela, quel plaisir !)
► #29 Baroque viennois (Kerll, Fux, Conti, Schmelzer) par le Consort Musica Vera. Une brassée de découvertes ! ♥♥♥♥
► #30 Emond de Michalik. ♥♥♥♥♥ (en cours de commentaire, revenez plus tard)
► #31 Magnard, Hymne à la Justice, par les Clés d'Euphonia. (Et Ravel main gauche, Strauss Tod und Verklärung.) ♥♥ (Magnard passionnant et très réussi, j'étais dans de moins bonnes dispositions pour écouter le reste du programme.)

Et quelques déambulations illustrées d'octobre :
☼ La Forêt de Rambouillet traversée du Sud au Nord, du Palais du Roi de Rome jusqu'aux Étangs de Hollande.
☼ La Forêt d'Armainvilliers, ses arbres remarquables et vestiges archéologiques.
☼ Baillet-en-France, Chauvry, Béthemont, Villiers-Adam… villages autour de la Forêt de l'Isle-Adam

Château de Rambouillet.
Palais du Roi de Rome.

† Église XIIe-XVIe d'Ennery, premier gothique et flamboyances prolychromes.
† Cathédrale Saint-Maclou de Pontoise.
Église Saint-Lubin de Rambouillet (avec vidéo-test d'acoustique).
† Cathédrale Saint-Louis de Versailles.
Sainte-Marie des Batignolles.
† Saint-Joseph-Artisan.
† Saint-Nicolas-des-Champs
† Temple de Port-Royal.

Expo Miró au Grand-Palais

Pour ceux qui ne sont pas mis en lien, vous les trouverez épars sur cette page.



2. Distinctions

Quelques statistiques :
● 20 concerts en octobre (oui, c'est beaucoup) dans 18 lieux différents dont 6 où je n'avais jamais mis les pieds. C'est plutôt bien d'y parvenir encore, après dix ans de loyaux services dans la région.

putto incarnat
Quelques ovations musicales :
Putto d'incarnat de l'exhumation : Consort Musica Vera pour le Requiem de Kerll, Ferey & Sine Qua Non pour le Quintette piano-cordes de Cras, Matthew Searles pour l'ensemble de son programme.
Putto d'incarnat œuvre : Les Huguenots de Meyerbeer, Callirhoé (extraits) de Destouches, Requiem de Kerll, Quintette de Cras, Médée (extraits) de Charpentier.
Putto d'incarnat claviers : Clément Geoffroy (à deux clavecins + continuo Issé), Matthew Searles (registration et souplesse).
Putto d'incarnat orchestre : Orchestre Révolutionnaire et Romantique (couleurs et cohésion dans Berlioz), CRR de Paris et environnants pour Grétry (quel engagement !).
Putto d'incarnat direction : Mariotti (animer ainsi cet orchestre, et rattraper l'air de rien les décalages des chanteurs dans les grands ensembles des Huguenots, du grand art), Ph. Jordan (Tristan).
● Une belle moisson de chanteurs exceptionnels (et je pèse mes mots) : Morgane Collomb (Kerll), Fanny Soyer (quatuor a cappella), Eugénie Lefebvre (Médée, Callirhoé, Amélite, Hespéride d'Issé), Marion Vergez-Pascal (quatuor a cappella), Bo Skovhus (Bérénice), Mathieu Lecroart (Issé), Biagio Pizzuti (Serse), Andreas Wolf (Serse), Adrien Fournaison (quatuor a cappella)… auxquels nous décernons volontiers un putto d'incarnat 2018.
● et les Putti d'incarnat de l'injustice critique, pas forcément adorés comme ceux choisis précédemment, mais réellement admirés, excellents, au-dessus de la désapprobation et que j'ai pu lire ou entendre de façon récurrente à leur encontre : Ermonela Jaho, Martina Serafin, Yosep Kang, Il Pomo d'oro… Courage les petits, vous êtes des grands !

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Quelques saluts théâtraux :
Putto d'incarnat théâtre : Maleine de Maeterlinck (pour le texte et sa vie sur scène, pas pour la mise en scène qui l'abîme en certains endroits), Edmond de Michalik (une sorte de vaudeville à références littéraires, très accessible et tout à fait jubilatoire à chaque instant).
Putto d'incarnat acteurs : Haruyo Suzuki (voix d'Inyi dans Révélation), Bénédicte Cerutti (la Reine étrangère dans Maleine), Cécile Coustillac (la Nourrice semi-comique dans Maleine), Nicolas Rivenq (quel anglais remarquable en narrateur-Pangloss de Candide).

Autant dire que je ne suis pas assuré que novembre soit du même tonnel…



3. Sélection des raretés et événements

En rouge, les interprètes qui méritent le déplacement.
En gras, les œuvres rares.
Et donc combiné : œuvres rares et tentantes (déjà écoutées, ou quelquefois simplement significatives / prometteuses).

Vendredi 2
→ Auditorium de Vincennes : Hymne à la Justice de Magnard (+ Tod & Verklärung, Ravel gauche). Les Clefs d'Euphonia. Libre participation.
→ Gaveau : Schütz, Erlebach, Theile, Ritter, Tunder par l'Arpeggiata.

Samedi 3
→ 16h, Saint-Gervais. Intégrale des motets de Couperin #4 par l'Ensemble Marguerite Louise (Gaëtan Jarry). Libre participation.
→ 18h, Royaumont, Masterclass Immler & Deutsch avec Garnier & Oneto-Bensaid (putto d'incarnat novembre 2017), Boché (putto d'incarnat mai 2018 et juin 2018) & Vallée… 18h, sur inscription.
→ Saint-Merry, violoncelle roumain & français.
→ Maison de la Radio, Esther de Racine avec la musique de scène d'origine de Moreau.
→ Auditorium de Vincennes : Hymne à la Justice de Magnard (+ Tod & Verklärung, Ravel gauche). Les Clefs d'Euphonia. Libre participation.

Dimanche 4
→ 14h30, Péniche Over the Rainbow : des succès de comédie musicale sous la direction de l'ancien grand chanteur-baroque-français Luc Coadou.
→ 15h, Saint-Germain-des-Prés : Concert baroque & musique ancienne coréenne.
→ 16h, Auditorium de Vincennes : Hymne à la Justice de Magnard (+ Tod & Verklärung, Ravel gauche). Les Clefs d'Euphonia. Libre participation.
→ 17h Temple Saint-Pierre (Paris XIX), Reincken au clavecin et Pachelbel à l'orgue par Clément Geoffroy (putto d'incarnat de septembre 2018 et octobre 2018). 55 rue Manin, gratuit.

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Lundi 5
→ Philharmonie, création de CHEN Qigang, Capitole, Sokhiev.

Mardi 6
→ 12h30 puis 19h, CNSM : ECMA, Académie de Musique de Chambre Européenne, le lieu chaque année de mes grands coups de cœur et de mes nouveaux chouchous !  J'y ai découvert avant tout le monde les Akilone, Hanson, Arod, Sōra, Zadig, lorsqu'ils étaient encore élèves…
→ 12h30, Orsay, masterclass de la Fondation Royaumont, cf 3 novembre.
→ Opéra de Versailles, Berlioz, Damnation de Faust. Antonacci, Vidal, Courjal, Les Siècles, Roth. Alerte glottique !  Mathias Vidal a remplacé en catimini (le déjà très bon) Bryan Register. On se retrouve donc avec le plus beau plateau jamais réuni pour cette œuvre. Hélas, il ne reste plus que des places à 80€, car tout était déjà parti…

Mercredi 7
→ Temple du Luxembourg : Massé, Paul & Virginie ; Compagnie de L'Oiseleur. T. Rousseau, G. Laurens, Ratianarinaivo, Qiaochu Li… Massé n'a pas écrit que les pièces légères Les Noces de Jeannette (grand succès d'alors) ou Galathée (qui a bénéficié, il y a longtemps, des rares honneurs du disque) ; voici un de ses drames plus sérieux, qui met en relation ces héros emblématiques de la littérature française avec leurs lecteurs, avec de beaux
ensembles consonants mais riches. Hâte d'entendre cela en action !  Libre participation.
→ Philharmonie : Tippett, A Child of Our Time ; Connolly, Padmore, Relyea, OP, Adès. Oratorio très réussi (style brittenien en mieux), son œuvre emblématique.
→ Philharmonie : Armand Couperin, Dandrieu… par Béatrice Martin, Olivier Baumont, Claire Antonini, et Julien Cigana à la déclamation en français restitué (il n'y a pas plus savoureux que lui !).
→ Odéon : Début des Femmes Savantes mises en scène par Braunschweig.

Jeudi 8
L'une des journées les plus riches de l'année !
→ 18h, Musée d'Orsay : Lauréats de la Fondation Royaumont (dont les membres de la masterclass du 3 novembre) répartis dans le musée !
→ 19h, CNSM : Ouverture du Fliegende Holländer, Concerto pour violon et orchestre à vents de Weill, Concerto pour violon n°2 de Bartók. Orchestre des Lauréats du Conservatoire. Gratuit.
→ Mairie du IIIe : Quintette piano-cordes de Durosoir (et celui de Franck) par l'Ensemble Syntonia (putto d'incarnat 2017). Gratuit ?
→ Philharmonie : Tippett, A Child of Our Time ; Connolly, Padmore, Relyea, OP, Adès. Oratorio très réussi (style brittenien en mieux), son œuvre emblématique.
→ Orsay : Immler-Deutsch dans Schreker, Grosz, Gál, Wolf, Berg. Rarissime et exaltant mais cher pour un récital de lied (35€).
→ Invalides : Requiem de Farr, Élégie pour cordes et harpe de Kelly. Pas des chefs-d'œuvre intersidéraux, mais plaisants et rarissimes.
→ Seine Musicale : Haydn, Symphonie n°102, une Symphonie de CPE Bach, Concerto pour piano n°20 de Mozart. Insula Orchestra, Christian Zacharias.
→ Philharmonie : Louis & François Couperin par Rousset.
→ CRR de Paris : Debussy, Pelléas ; la formation n'est pas claire, j'avais compris Pascal Le Corre au piano, mais je vois qu'à présent des élèves instrumentistes sont crédités. Gratuit.
→ Ivry : Les Justes de Camus.

Vendredi 9
→ TCE : Verdi, Nabucco ;  Opéra de Lyon avec Anna Pirozzi, Leo Nucci… Les meilleurs titulaires d'aujourd'hui, pour un opéra d'un accomplissement remarquable, certes un tube, mais guère donné en France.
→ Chapelle Royale de Versailles : Moulinié, Cantique de Moÿse & Requiem, motets Louis XIII de Formé et Bouzignac. 18€.
→ Philharmonie : Durosoir, Amoyel, Britten, Debussy, Bach sur une copie du violoncelle de fortune de Maurice Maréchal, dans les tranchées. Par Emmanuelle Bertrand.
→ CRR de Paris : Debussy, Pelléas ; la formation n'est pas claire, j'avais compris Pascal Le Corre au piano, mais je vois qu'à présent des élèves instrumentistes sont crédités. Gratuit.
→ Massy : Samson & Dalila, production de Metz (Kamenica, Furlan, Duhamel).
→ Chelles : Sopro, pièce de Tiago Rodrigues en portugais, autour de la figure d'une souffleuse (réellement souffleuse). Donné également jusqu'à mi-décembre au Théâtre de la Bastille, dépêchez-vous, la plupart des dates sont complètes.

Samedi 10
→ 15h, Cortot : Septuor de Saint-Saëns (OCP)
→ 18h, Gargenville (aux Maisonnettes, l'ancienne maison de Nadia & Lili Boulanger), concert viole de gambe / clavecin. 8€.
→ 20h, Église écossaise : violon-piano de Janáček, Sonate pimpante de Rodrigo, Beethoven 9.
→ 20h30, La Chapelle-Gaillard : Lambert, Jacquet, Marais, Dandrieu, etc. Entrée libre. Réservation conseillée.
→ Début de Nel paese d'inverno (en italien) de Silvia Costa, plasticienne qui a été l'assistante de Castellucci.

Dimanche 11
→ Ivry : Les Justes de Camus.
→ 21h, Philharmonie : Chœurs de Caplet (Messe à 3), Reger, Schönberg, Ravel, Poulenc, Fujikura. Chœur de Chambre du Québec, Sequenza 9.3, Chœurs de l'Armée Française. Déplacé à 21h pour cause d'Armistice. Complet mais vérifiez sur la Bourse aux Billets (ou demandez-moi, je risque de revendre ma place…).

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Lundi 12
→ CNSM : programme de chambre au Salon Vinteuil du BDE.
→ Athénée : Mirianashvili.
→ 21h, Théâtre de la Bastille : Sopro, pièce de Tiago Rodrigues en portugais, autour de la figure d'une souffleuse (réellement souffleuse).Jusqu'à mi-décembre,la plupart des dates sont complètes.

Mardi 13
→ Toute la journée : masterclass de Gary Hoffman (violoncelle) au CNSM.
→ 14h, CRR : masterclass publique sur les vaudevilles du XVIIIe siècle.
→ 18h, CNSM : pièces du compositeur récemment disparu Nguên Thiên Dao.
→ 20h, Colline : début du Lazare de Castellucci.
Chœur Calligrammes (putto d'incarnat du concert de l'année en 2017 et 2018 !), programme « Noël espagnol des trois Amériques » : Guastavino, Susa, Galindez, Valera, Corona (pardon, en vérifiant le lieu, je vois que c'est évidemment en décembre)

Mercredi 14
→ 14h, CRR : masterclass publique sur les vaudevilles du XVIIIe siècle.
→ 19h, CNSM : concert de thèse, Paganini au piano. Liszt, Busoni, Michael Zadora, Ignaz Friedman.

Jeudi 15
→ 18h30, Favart : Stockhausen, Donnerstag aus Licht. L'opéra totalisant qui regroupe une large part de sa production sera (partiellement) donné cette année : Jeudi à l'Opéra-Comique, et plus tard dans la saison Samedi à la Philharmonie !  Ici, c'est avec mise en scène, une expérience qui vous convaincra diversement (ensemble très hétéroclite, mais atonal bien sûr), à ne pas rater, au moins pour connaître cet objet étrange.
→ 19h, CNSM : cours public d'improvisation de musique indienne
→ Orsay : pièces à thématiques circassiennes de Satie (Parade !), Stravinski, Rota, Debussy (orchestrations de Children's Corner) etc., par le Secession Orchestra dirigé par Clément Mao-Takacs.
Chœur Calligrammes (putto d'incarnat du concert de l'année en 2017 et 2018 !), programme « Noël espagnol des trois Amériques » : Guastavino, Susa, Galindez, Valera, Corona (pardon, en vérifiant le lieu, je vois que c'est évidemment en décembre)
→ Philharmonie : Monologues de Jedermann de Frank Martin par Goerne, un des grands cycles vocaux du XXe siècle (assez récitatif et dramatique, comme les Vier dramatische Gesänge de Gurlitt ou les Häxorna de Rangström). Couplé avec la Dante-Symphonie de Liszt, fameuse et très enregistrée mais peu donnée en concert.

Vendredi 16
→ Invalides (salon) : pièces à deux pianistes de Saint-Saëns, Debussy, Rachmaninov, Chostakovitch. Avec Jean-Philippe Collard.
→ Philharmonie : Vivier, Grisey (Les Chants du Seuil), EIC, Louledjian (très remarquée la saison dernière dans la Damoiselle Élue – quelle diction, quelle présence !).

Samedi 17
→ 16h30 Épinay-sous-Sénart : baroque des Andes.
→ 18h, Écouen : Jodelle, Cléopâtre captive. Rare représentation de cette pièce fondamentale du patrimoine français. Gratuit sur réservation, dans le cadre merveilleux du château !
→ 18h30, Favart : Stockhausen, Donnerstag aus Licht. Voir jeudi pour commentaires.

Dimanche 18
→ 16h, Maison de la Radio : Chœurs de Schubert, Mendelssohn, Brahms par le Chœur de Radio-France. Ma dernière expérience, il y a près de dix ans, avait été très peu concluante (techniques lourdes qui s'accommodent mal de cette forme délicate), mais Sofi Jeannin (et désormais Martina Batič ?) les a beaucoup assouplis pendant son bref intérim.

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Lundi 19
→ Toute la journée au CNSM : masterclasses du Quatuor Ébène. Gratuit.
→ 19h, CNSM : Symphonies 1 de Beethoven et 9 de Schubert, par les Lauréats du Conservatoire (multi-putto d'incarnat ces dernières années). Gratuit sur réservation.
→ 20h, Villette : début des représentations de l'épisode du Mahābhārata vu par Miyagi, avec son orchestre de percussions (et en japonais), gros succès à Avignon…

Mardi 20
→ 19h, Bondy : Chansons de Bord de Dutilleux (bijoux !), Chansons de la Pointe de Manac'h, Kodály, Ligeti, Fujiwara, par la Maîtrise de Radio-France. Gratuit.
→ 19h, CNSM : Concertos baroques de Jiranek, Heinichen, Reichenauer, Bentner et Zelenka ! Gratuit.

Mercredi 21
→ 20h30, Bal Blomet : pièces d'Anthiome, Berlioz, Saint-Saëns, Fauré. Ambroisine Bré et l'Ensemble Contraste. 22€.

Jeudi 22
→ 12h30 Petit-Palais : récital de lied & mélodie par Kaëlig Boché (double putto d'incarnat au dernier semestre !) et Jeanne Vallée.
→ 20h, Invalides : Programme varié très étonnant. Pièces héroïques pour orgue et cuivres de Widor et Dupré, extraits de Janáček (Glagolitique, Tass Boulba), Bartók, Pärt, Nilović, Eötvös, Rhapsodie pour clarinette et orchestre de Debussy… !
→ 20h, Opéra Royal de Versailles : Salieri, Tarare. Un des plus hauts chefs-d'œuvre de l'histoire de l'opéra, l'un des plus grands succès de l'Opéra de Paris également. J'en avais présenté le livret et le contexte ici. Équipe de dingue menée par Dubois, Bou, Rousset… Donné également à la Cité de la Musique.
→ 20h, Maison de la Radio : Bernstein, Divertimento, Halil, Riffs ; Dusapin, Morning in Long Island. ONF, Sirvend.
→ 20h, Fondation Singer-Polignac : Lauréats du prix Boulanger. Est-ce public ?  (souvent, non, mais je n'ai pas vérifié ici, étant déjà pris…)
→ 20h, T2G : Début des représentations de la pièce de Hideto Iwaï (en français).
→ Maison du Japon : « Jetons les livres ». Théâtre en japonais, viol / pop / onirique / trash. Pas pour moi, mais doit être assez surprenant.
→ 20h30, Philharmonie : Koechlin, Vers la Voûte étoilée (très jolie pièce, pas son chef-d'œuvre, mais on ne le joue jamais, c'est déjà bien…) et autres programmes stellaires d'Adès, Holst, Ives, R. Strauss. Orchestre de Paris, Pierre Bleuse (absolument formidable dans le récent album d'airs français de Julien Behr).
→ 21h, Théâtre de Saint-Louis-en-L'Île : mélodies de Kuula, O. Merikanto, Sibelius, Melartin, par Sophie Galitzine (une bonne voix) et Jean Dubé (oui, le Jean Dubé !). Programme déjà rodé au moins depuis le début d'année.

Vendredi 23
→ 19h, CRR de Paris : Orchestre d'harmonie de la Région Centre dans Roger Boutry (Concerto pour violoncelle et ensemble à vent), et arrangements : Lili Boulanger (D'un matin de printemps), Debussy (Fêtes des Nocturnes) et Bernstein (Suite de Candide). Gratuit.
→ 20h30 : Début de La Naissance de la tragédie de Kuvers.

Samedi 24
→ 15h, Cortot : quatuor à vent. Français, Villa-Lobos, Rossini, Beethoven, Poulenc, Jolivet
→ Tout l'après-midi, MAHJ  : Intégrale des Quatuors avec piano de Mendelssohn (œuvres de prime jeunesse, pas le plus grand Mendelssohn, mais déjà très belles et jamais données) avec le Trio Sōra, Mathieu Herzog, et culminant en fin de journée dans une transcription de la Première Symphonie avec le Quatuor Akilone (et un piano) !
→ 20h30, Saint-Joseph-Artisan : Automn de Delius, première audition française de ce mouvement de suite symphonique. Programme un peu moins aventureux que d'ordinaire (après un tout-Stanford !). Couplage avec le Second Concerto de Brahms. Excellent orchestre d'Éric van Lauwe. Libre participation.

Dimanche 25
→ 12h, Garnier : Quatuors de compositeurs d'opéra. Grétry n°3, Verdi, Meyerbeer Quintette avec clarinette.
→ 16h, Saint-Joseph-Artisan : Automn de Delius, première audition française de ce mouvement de suite symphonique. Programme un peu moins aventureux que d'ordinaire (après un tout-Stanford !). Couplage avec le Second Concerto de Brahms. Excellent orchestre d'Éric van Lauwe. Libre participation.
→ 16h, Chapelle royale de Versailles : Couperin, extraits de la Messe pour les Couvents par Desenclos, et motets par l'Ensemble Marguerite Louise.
→ 17h, Le Pecq : Garnier & Oneto-Bensaid (laquelle fut multi-putto d'incarnat et vient de sortir son premier disque, entièrement des transcriptions de sa main ! ♥) Dans Schubert, Duparc, Poulenc…

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Lundi 26
→ Toute la journée, CNSM : masterclasses du Quatuor Modigliani. Gratuit.

Mardi 27
→ Uniquement des événements déjà cités.

Mercredi 28
→ 19h, CNSM : Concert (de chambre) de l'Association de musique Sainte-Cécile, sorte de remise de prix organisée par d'anciens du CNSM, une des plus anciennes associations culturelles de France. Je ne dispose pas du programme, mais en principe ce sont des gens plutôt bons –  et c'est dans ces murs que je vis régulièrement mes plus belles expériences de musique de chambre !
→ 20h30, Philharmonie : Salieri, Tarare. Un des plus hauts chefs-d'œuvre de l'histoire de l'opéra, l'un des plus grands succès de l'Opéra de Paris également. J'en avais présenté le livret et le contexte ici. Équipe de dingue menée par Dubois, Bou, Rousset… Donné également à Versailles la semaine précédente.
→ 20h30, Philharmonie : Intégrale des airs de cour de Couperin (très peu donnés, même pas sûr d'en avoir déjà entendu !) + divertissements, Sempé.

Jeudi 29
→ 19h, CNSM : orgue de Reger, Escaich, Bach.
→ 20h, Maison de la Radio : Martinů (Concerto pour violon n°1), Bernstein (Songfest, une grande cantate assez réussie), Barber (Adagio & ouverture pour The School for Scandal). ONF.
→ 20h30, Grand-Palais : Lotti, Giove in Argo, étudiants du CNSM, García-Alarcón. Gratuit sur réservation. On dispose de très peu de choses de ce compositeur vénitien (et essentiellement de la musique sacrée, très bien faite). On est à (1718) à l'époque du premier seria, mais on peut parier pour que ce soit plutôt du haut de gamme musical, avec peut-être une forme plus libre, que de la pure ostentation vocale. Mais c'est pur pari de ma part…

Vendredi 30
→ Fin de l'exposition des étonnantes gravures de Georges Focus à l'École des Beaux-Arts.
→ 20h, Maison de la Radio : Symphonie n°2 de Bernstein, OPRF, Vasily Petrenko. Je trouve personnellement cette symphonie particulièrement sinistre et insipide, mais elle est incontestablement rarement donnée.
→ 20h, Opéra Royal de Versailles : première des trois représentations d'Actéon de Charpentier et Pygmalion de Rameau, par l'Atelier Tafelmusik de Toronto. Mise en scène toujours adroite avec peu de moyens de Pynkoski.
→ 20h30, Philharmonie de Paris : Manfred de Tchaïkovski. Orchestre des Jeunes de Roumanie, Mandeal. Très peu joué en France et difficile à réussir, alors par de petits jeunes enthousiastes, c'est tentant !

Samedi 1er décembre
→ 17h30, Écouen, Le Procès de Monsieur Banquet (théâtre). Aménagement d'une pièce allégorique du XVIe siècle, interprété par un seul comédien.

Dimanche 2 décembre
→ 17h, Invalides : Jacques Alphone de Zeegant et Karoł Kurpinski, une Messe, et une Symphonie Chemin des Dames !



Mon agenda étant déjà totalement occupé, je n'ai pas vérifié les récitals d'orgue, mais si vous êtes intéressés, France Orgue fait une grande partie du travail pour vous !

Courage pour vivre votre (meilleure) vie au milieu de toutes ces tentations afférentes !

mardi 7 août 2018

[Carnet d'écoutes n°121] – les tubes de l'été : Volkmann, Kalinnikov, Andriessen, quatuors, Kitayenko, Currentzis…


Contrairement aux apparences, Carnets sur sol est en pleine effervescence, accaparé par la préparation de quelques notules qui s'élaborent doucettement depuis des mois.

Cependant, comme il ne s'agit pas de vous laisser sans soutien à votre bon goût naturel, en cette période de Grand Désœuvrement, vous trouverez ici quelques impressions, laissées en vrac, sur certaines de mes écoutes de ces derniers mois. Manière d'avoir trace, pour celles à qui je n'ai pas encore eu le loisir de consacrer une notule bien méritée (Andriessen !), de certaines figures intéressantes. Évidemment, quand c'est pour dire que j'ai écouté les quatuors de Mendelssohn ou les symphonies de Beethoven, ça revêt un peu moins d'intérêt – mais précisément, c'est du vrac.

À propos de la cotation :
Les binettes se lisent comme les tartelettes au citron ou les putti : elles ne concernent que les œuvres, pas les interprétations (en général choisies avec soin, et détaillées le cas échéant dans le commentaire). Ces souriards ne constituent en rien une note, et encore moins un jugement sur la qualité des œuvres : ils indiquent simplement, à titre purement informatif, le plaisir que j'ai pris à leur écoute. Je peux avoir modérément goûté l'écoute de chefs-d'œuvre et jubilé en découvrant des bluettes, rien de normatif là-dedans.
1 => agréable, réécoute non indispensable
2 => à réécouter de temps en temps
3 => à réécouter souvent
4 => œuvre de chevet
5 => satisfaction absolue
Un 2 est donc déjà une bien bonne note, il ne s'agit pas de le lire comme une « moyenne » atteinte ou non.



Lundi

¶ Méhul, La Chasse du jeune Henri, ouverture 
Very Happy Very Happy Very Happy Very Happy

¶ Tamberg, Symphonie n°1 Very Happy Very Happy 
¶ Tamberg, Symphonie n°2 Very Happy Very Happy 
Du soviétisme gentil associé d'églogues façon Comodo-de-la-3-de-Mahler. Mignon.

¶ Offenbach, Grande-Duchesse, version Lafaye 
Very Happy
(mais le Trio des Conspirateurs, c'est Very Happy Very Happy Very Happy Very Happy )


Mardi

¶ Schoeck, Venus, Venzago (Musiques Suisses) 
Very Happy Very Happy Very Happy Very Happy Very Happy 

¶ Zavaro, Manga-Café, Les Apaches, Masmondet 
Very Happy Very Happy
Livret qui peine à trouver son ton (et sans tension), mais ambiance sympa.

¶ Bernstein, Trouble in Tahiti, Les Apaches, Masmondet 
Very Happy Very Happy Smile


Mercredi

¶ Trios de Mendelssohn, Estrio (Decca) 
Very Happy Very Happy Very Happy Very Happy Very Happy
Bonne version. J'ai eu une épiphanie récente avec le final du 2 dans la version J.Fischer/Müller-Schott.

¶ Trios 1 & 2 de Schumann, Trio Karénine (Mirare, je crois) 
Very Happy Very Happy Very Happy Smile
Petits jeunes, appréciés en vrai en juillet dernier. Apparemment ils font leur trou même au disque. 

¶ Autres Trios de Schumann, Trio Brahms de Vienne (Naxos) 
Very Happy Very Happy Very Happy Smile
Dont les transcriptions des pièces pour piano-pédalier !

¶ Nocturnes de Fauré, intégrale Jean-Michel Damase (Accord)
Very Happy Very Happy
Assez sec, vraiment scolaire au niveau des articulations. Pas la même auteur de vue qu'en tant que compositeur.


Jeudi

¶ Stenhammar, Quatuor 3 (intégrale Caprice) Very Happy Very Happy Very Happy Very Happy Very Happy
¶ Stenhammar, Quatuor 2 (intégrale Caprice) Very Happy Very Happy Very Happy Very Happy Smile
¶ Stenhammar, Quatuor 4 (intégrale Caprice) Very Happy Very Happy Very Happy Very Happy
L'intégrale du Quatuor Stenhammar est meilleure, mais j'ai celle-ci (très bien aussi) sous la main. Quelles œuvres, bon sang !


Vendredi

¶ Szymanowski, Concerto pour violon n°1 
Very Happy Very Happy Very Happy Very Happy
Steinbacher / Radio Berlin ex-Est / Janowski, chez PentaTone.
Superbe orchestre, mais Steinbacher sonne vraiment tirée dans cet enregistrement.

¶ Szymanowski, Concerto pour violon n°1 
Very Happy Very Happy Very Happy Very Happy
Anna Akiko Meyers, Philharmonia, Kristjan Järvi (chez Avie)
Orchestre logiquement plus vif, mais là aussi, l'œuvre met à l'épreuve la violoniste, son pas très agréable.

¶ Szymanowski, Concerto pour violon n°1 
Very Happy Very Happy Very Happy Very Happy
Tasmin Little, BBCSO, Gardner (chez Chandos)
Bien mieux côté violon, et belle direction, mais même s'il s'agit d'un Chandos relativement récent, je trouve la prise de son de l'orchestre un peu trop lointaine et floue pour l'œuvre.

Il faudra que j'essaie, dans ce cas, Skride-V.Petrenko et Jansen-Gergiev, les deux adorés en salle, mais pas testé le rendu sur disque. Il faut dire que c'est l'une des œuvres que j'adore en vrai (peut-être parce qu'elle m'épargne l'écoute d'un véritable concerto ?), mais que je vais spontanément moins écouter en choisissant un disque.


Samedi

¶ Gounod, Faust, version originale et traditionnelle, Rousset et annexes chez Plasson 
Very Happy Very Happy Very Happy Very Happy

¶ Beethoven, intégrale symphonique 
Very Happy Very Happy Very Happy Very Happy Very Happy 
1,2,3,4, Ouvertures par Solti 74.
5,9, Musiques de scène, Wellington par Dausgaard & Chambre de Suède. 
Le reste est en cours.

¶ Nowowiejski, Symphonie n°2, OP Poznań, Borowicz (chez DUX) Very Happy Very Happy Very Happy
¶ Nowowiejski, Symphonie n°3, OP Poznań, Borowicz (chez DUX) Very Happy Very Happy Very Happy
Tradi, quelque part entre du postromantisme à ostinatos et du présoviétisme gentil. Sympa.

¶ Grigori Frid, Das Tagebuch von Anne Frank 
Very Happy Very Happy Very Happy Smile
L'opéra d'une heure de Grigori Frid mélange de façon très étonnante les styles du XXe siècle… le Prélude est d'une atonalité acide, avec des stridences et des agrégats hostiles, tandis que le chant s'apparente bien davantage à l'univers des lieder de Max Reger, du jazz, en tout cas de la tradition. Tout cela se mélange, alterne, avec un résultat qui peut ressembler à du Berg de jeunesse comme à de l'atonalité libre du second XXe… assez séduisant en réalité, d'autant que dans la représentation que j'ai vue, Nina Maria Edelmann chante avec un timbre, une diction et une éloquence magnétisants.

¶ George Stephănescu, Cântecul fluierașului, Gheorghiu, Jeff Cohen. 
Very Happy Very Happy
Très naïf, typé jeune romantique même si plus tardif (Flotow…).
¶ Tiberiu Brediceanu, Cine m-aude cântând, Ruxandra Cioranu, Ecaterina Barano  
Very Happy Very Happy Smile

 David DiChieraCyrano ; Opéra de Detroit Very Happy Very Happy
→ Il s'agit du véritable texte (coupé et parfois arrangé – « hanap » devient « coupole »), mis en musique par David DiChiera (né en 1935) dans une langue complètement tonale, et simple (beaucoup d'aplats, pas particulièrement virtuose). L'accent porte évidemment davantage sur le texte (d'ailleurs les facéties de l'acte I sont conservées, pas seulement l'histoire d'amour), mais je trouve cependant le résultat moins prégnant musicalement que chez Tamberg, clairement.

¶ Battistelli, Richard III ; Opéra de Genève Very Happy Very Happy Very Happy
→ Dans un langage quelque part entre l'atonalité polarisée et la tonalité élargie, Battistelli écrit dans une langue non dépourvue de lyrisme… Il fait un grand usage des chœurs, notamment dans la scène finale, où ils flottent en beaux agrégats, impalpables, au-dessus de la scène jonchée des cadavres que foule le nouveau roi. Mérite d'être entendu.

¶ Schoeck, Besuch in Urach ; Harnisch, Berne, Venzago Very Happy Very Happy Very Happy Very Happy Very Happy

¶ Corigliano, The Ghost of Versailles, air du Ver ; Brenton Ryan, Plácido Domingo Very Happy Very Happy Very Happy Very Happy Smile
https://www.youtube.com/watch?v=AhebF07M4lY (page de l'artiste)

¶ Rihm, Das Gehege Very Happy
Très monotone pour du monodrame. C'est tiré de Botho Strauß : une femme rêve de se faire déchirer [sic] par un aigle, ouvre sa cage, mais comme il est vieux et impuissant, elle le tue. 
Cool.
Mais la musique est tout sauf vénéneuse et tourmentée ou paroxystique, assez poliment ennuyeux. 

Et à présent, une petite pause légèreté : 

¶ Langgaard, Fortabelsen ; Dausgaard Very Happy Very Happy Very Happy Very Happy
bounce

¶ Liszt, La Légende de la sainte Élisabeth ; Opéra de Budapest, Joó Very Happy Very Happy Very Happy Smile
Très étonnant tout de même : surtout orchestral, des aspects wagnériens, et quand le chœur arrive ça ressemble à du Elgar. scratch

¶ Reimann, L'Invisible, sur trois pièces de Maeterlinck Very Happy Smile
L'opéra réunit trois courtes pièces de Maeterlinck, L'Intruse, Intérieur et La mort de Tintagiles ; on y retrouve la langue postberguienne de Reimann, peut-être moins aride que dans Lear. Je trouve personnellement la langue musicale de Reimann (à la fois grise et très dramatique) assez incompatible avec l'univers de Maeterlinck, mais les critiques ont été dithyrambiques. Il faut dire que la distribution, réunissant le délicieux Thomas Blondelle et la miraculeuse Rachel Harnisch, magnifie tout ce qui peut l'être dans cette partition.

¶ Riisager, Études (ballet) ; National du Danemark, Rozhdestvensky Very Happy Very Happy Very Happy Very Happy
Des orchestrations de pièces pédagogiques de Czerny. Contre toute attente, c'est réjouissant ; quel sens de la couleur ce Knudåge !

¶ Gordon Getty, Usher House ; Elsner, É. Dupuis, L. Foster (PentaTone) Very Happy Very Happy Smile
Dans un langage qui évoque l'atonalité romantique (héritage revendiqué de Schönberg), un peu gris, mais avec un certain sentiment de naturel et de liberté, une variation autour de la nouvelle de Poe. Getty parle de la prévalence de sa propre nécessité intérieure sur le fait de faire de la nouveauté. (pour autant, cela ressemble bien à de l'opéra du second XXe)

¶ Beethoven, Missa Solemnis ; Popp, Minton, Mallory Walker, Howell, Chicago, Solti Very Happy Very Happy Very Happy Very Happy Very Happy
Je n'aurais jamais cru que Solti ni Decca puissent commettre ça. Ce chœur pléthorique semi-amateur, cette prise de son solide… pale (j'en parle plus en détail dans le fil)

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J'ai entendu la semaine passée la première exécution de l'Ode à la France, la dernière œuvre de Debussy – inachevée, certes, la dernière achevée restant Les soirs illuminés par l'ardeur du charbon (remerciement à son fournisseur en 1918).

Il s'agit d'une cantate avec soprane et chœurs (laissée à l'état d'accompagnement avec piano), représentation des derniers moments de Jeanne d'Arc, sur un assez méchant poème de Louis Laloy.

La musique hésite entre le dépouillement du Debussy « national » qui regarde vers Couperin et Rameau et les harmonies complexes d'Usher… 
Je ne trouve pas le résultat très heureux, quelque chose du Noël des enfants qui n'ont plus de maison, mais qui se prendrait très au sérieux (et sans du tout le même caractère direct des mélodies : je parle de l'esprit, pas du style musical à proprement parler très différent). Plutôt Jeanne d'Honegger-Claudel, le prosaïsme en moins.

Il n'empêche qu'entendre un Debussy de maturité aussi ambitieux (il nous en reste un quart d'heure, sauvé par Emma après la mort de Claude Achille), qui n'a jamais été gravé (et guère représenté hors de la soirée de création, en 1928), voilà qui constitue une réelle expérience !

(Le reste du concert, avec des inédits de Caby, Ladmirault, Cartan, Auric, Ropartz… était autrement plus nourrissant musicalement, ai-je trouvé. Mais celui-ci occupe une place particulière, puisqu'on pourrait croire tout avoir entendu de Debussy…)

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Cette semaine.

¶ Riisager, Études, ballet d'après des orchestrations de Czerny. 
Beaucoup plus intéressant que supposé, grâce au talent de coloriste de Riisager. A ses faiblesses bien sûr, sur 40 minutes.

Quelques opéras donnés cette saison.

¶ (David) Little, JFK
→ Reprise d'une commande pour Fort Worth et l'American Lyric Theater. Assez étrange matériau musical : des boucles d'arpèges en accompagnement (qui évoquent presque plus les musiques de séries DC Comics que l'influence minimaliste, d'ailleurs), et une écriture mélodique qui sent l'influence du musical, sans être particulièrement évidente. Toutefois, ça a l'air de fonctionner avec une certaine fluidité, en tout cas musicalement – je n'ai pas réussi à bien suivre en audio seul (et je n'ai pas le livret).

¶ (Avner) Dorman, Wahnfried 
→ Opéra satirique protéiforme, tantôt atonal post-bergien, tantôt cabaret grinçant, qui met en scène l'univers domestique des Wagner. Chamberlain (le théoricien racialiste) y fait un discours sur fond de défilé de walkyries, et à l'exception du Maêêêêêtre, tous sont là : Cosima, Siegfried, Winifred, Isolde, Bakounine, Hermann Levi, l'Empereur… et même un Wagnerdämon !

¶ Bryars, Marilyn Forever 
→ Créé à au Long Beach Opera il y a deux ans, je crois – en tout cas pas une création. Le projet est de montrer Monroe dans l'intimité plutôt que dans la gloire publique, et utilise des styles musicaux assez variés, ça se déhanche comme du jazz blanc, les voix ne sont pas toujours purement lyriques. Joli (malgré le sujet qui m'intéresse très peu), mais je n'en ai entendu que des extraits.

¶ Reimann, L'Invisible 
→ L'opéra réunit trois courtes pièces de Maeterlinck, L'Intruse, Intérieur et La mort de Tintagiles ; on y retrouve la langue postberguienne de Reimann, peut-être moins aride que dans Lear. Je trouve personnellement la langue musicale de Reimann (à la fois grise et très dramatique) assez incompatible avec l'univers de Maeterlinck (ici traduit en allemand), mais les critiques ont été dithyrambiques. Il faut dire que la distribution, réunissant le délicieux Thomas Blondelle et la miraculeuse Rachel Harnisch, magnifie tout ce qui peut l'être dans cette partition.

(Jack) Heggie, Moby-Dick 
→ L'opéra de Jack Heggie est manifestement un succès (puisqu'il aussi été donné, ces dernières années, à San Francisco et Adelaide, au minimum), et il faut dire que sa veine tonale mais riche, lyrique mais variée ne manque pas de séduction. Le texte du livret, simple et sans façon, la place efficace des chœurs, permettent d'entrer aisément dans cette veine épique, très directe.

Puis grosse crise quatuors.

Schumann 3, Ébène SQ (bande) Very Happy Very Happy Very Happy Very Happy
Voilà qui me rajeunit… je les avais entendus dans cette œuvre au début des années 2000 (2004, 2005 ?) la donner en concours (où ils avaient terminé deuxièmes ex æquo avec le Quatuor Aviv, pas de premier prix cette année-là…), et je n'avais pas alors adoré ce qu'ils faisaient (assez rugueux). Ils ont combien affiné leur discours (ou moi éduqué mon oreille, possible aussi) depuis cette époque ! Vraiment devenu un quatuor important, indépendamment de leur place médiatique privilégiée (Mathieu Herzog est incroyable dans ses solos).

Mendelssohn 1, Ébène SQ (bande) Very Happy Very Happy Very Happy Very Happy
Mendelssohn 2, Ébène SQ (bande) Very Happy Very Happy Very Happy Very Happy
Mendelssohn 2, Ébène SQ (studio Virgin) Very Happy Very Happy Very Happy Very Happy
Mendelssohn 6, Ébène SQ (bande) Very Happy Very Happy Very Happy Very Happy Very Happy
Fanny Mendelssohn, Ébène SQ (bande) Very Happy Very Happy Very Happy
Mendelssohn 1, Emerson SQ (DGG) Very Happy Very Happy Very Happy Very Happy
Mendelssohn 2, Emerson SQ (DGG) Very Happy Very Happy Very Happy Very Happy
Mendelssohn 4, Emerson SQ (DGG) Very Happy Very Happy Very Happy
Mendelssohn 5, Emerson SQ (DGG) Very Happy Very Happy Very Happy
Mendelssohn 6, Emerson SQ (DGG) Very Happy Very Happy Very Happy Very Happy Very Happy

Dvořák 12, Escher SQ (BIS) Very Happy Very Happy Smile
Tchaïkovski 1, Escher SQ (BIS) Very Happy Very Happy Very Happy
Tchaïkovski 1, Atrium SQ (Sony) Very Happy Very Happy Very Happy

Stenhammar 2, København SQ (Caprice) Very Happy Very Happy Very Happy Very Happy Smile
Stenhammar 3, Gotland SQ (Caprice) Very Happy Very Happy Very Happy Very Happy Very Happy
Stenhammar 4, Gotland SQ (Caprice) Very Happy Very Happy Very Happy Very Happy
Stenhammar 1, Stenhammar SQ (BIS) Very Happy Very Happy Very Happy
Stenhammar 2, Stenhammar SQ (BIS) Very Happy Very Happy Very Happy Very Happy Smile
Stenhammar 3, Stenhammar SQ (BIS) Very Happy Very Happy Very Happy Very Happy Very Happy
Stenhammar 4, Stenhammar SQ (BIS) Very Happy Very Happy Very Happy Very Happy
Stenhammar 5, Stenhammar SQ (BIS) Very Happy Very Happy Very Happy Very Happy Smile
Stenhammar 6, Stenhammar SQ (BIS) Very Happy Very Happy Very Happy Very Happy

Schubert 14, Haas SQ Very Happy Very Happy Very Happy Very Happy Very Happy

Et pour élargir : 

Schubert, Quintette à cordes, Haas SQ Very Happy Very Happy Very Happy Very Happy
Schubert, Quintette avec piano, bande amateur Very Happy Very Happy Very Happy Very Happy Smile

Haydn, Trio n°44, Trio Sōra Very Happy Very Happy Very Happy
Brahms, Trio n°1, Trio Sōra Very Happy Very Happy Very Happy Very Happy Very Happy
(actuellement en résidence à Verbier, dont elles ont remporté le prix spécial… j'en ai dit à plusieurs reprises le plus grand bien, vraiment un des symptômes du dynamisme musical dans le domaine chambriste, où l'on fait aujourd'hui infiniment mieux, techniquement, stylistiquement, et même en matière d'ardeur, qu'hier.

Mozart, La Clemenza di Tito, Nézet-Séguin Very Happy Very Happy Very Happy Very Happy Very Happy
J'ai commencé à écouter ce matin (le premier tiers). C'est bien sûr excellent, avec quelques réserves par rapport à la discographie (qui de sinistrée dans les années 90, où les seules versions réellement convaincantes étaient Hogwood et Harnoncourt, est devenue pléthorique en grandes versions, avec Wentz, Mackerras, Steinberg, Jacobs, De Marchi, Rhorer !) : malgré toute l'animation et la poésie dont Nézet est capable, ça reste un peu tradi, il me manque le grain des orchestres sur instruments d'époque, ou alors fouettés par Harnoncourt, Mackerras ou Steinberg, les violons sont vraiment lisses. Sinon, vents superbes et très belle distribution.

En audio seul, ce n'est pas non plus la version la plus incarnée – Villazón paraît tellement chanter autre chose qu'un empereur romain… on dirait plutôt Aleko en version ténor… (pas tant au niveau du style à proprement parler que du caractère de la voix, des inflexions de la diction)

Bref, excellent, mais pour l'instant pas une version à laquelle j'aurai envie de beaucoup revenir, considérant l'offre hallucinante de ces dernières années.

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Cinq œuvres à recommander ?

Cinq œuvres parmi d'autres, de genres différents, dont j'entends peu parler, et qui me paraissent tellement grisantes. 

Buonaventura RUBINO, Vespro per lo Stellario della Beata Vergine di Palermo
Milieu du XVIIe, une sorte de récapitulation générale de tous les genres du siècle dans cette cérémonie d'une heure, constituée d'une multitude de cantates, de cinq à dix minutes, dont de nombreuses chaconnes (certaines à 4 temps !). Jubilatoire en diable, si j'ose dire.

Antonio Casimir CARTELLIERI, Symphonie n°1
Au tournant du XIXe siècle, un compositeur qui tire toutes les conséquences de Mozart tout en absorbant les tempêtes romantisantes du dernier Haydn, d'une séduction mélodique et dramatique hors du commune – il faut aussi entendre la Troisième, ou les nombreux concertos pour clarinette.

Antonín DVOŘÁK, Armida
Alors qu'il s'agit du grand Dvořák de maturité, on ne le donne jamais (mais on le trouve au disque, avec Šubrtová et Blachut) ; le compositeur y tempère son style habituel par échos de fanfares archaïsantes qui changent assez radicalement l'équilibre général de sa musique par rapport à ses œuvres folklorisantes (ou plus wagnérisantes, comme Rusalka). Et une très belle réussite, d'un style différent.

Hermann von WALTERSHAUSEN, Oberst Chabert
Compositeur au destin singulier, amputé de ses deux membres droits pour le sauver d'un cancer dans son enfance, mais pianiste-gaucher virtuose, chef d'orchestre loué et, avons-nous pu découvrir récemment, compositeur éminent. 
Sur le sujet hautement porteur du Colonel Chabert de Balzac, un opéra plein de réminiscences et de poésie, dans un langage à la fois sensible à la simplicité des élans romantiques et à la complexité de l'écriture « décadente ». Un grand bijou, remonté récemment par Jacques Lacombe, documenté par CPO, et qui sera repris à Bonn le 13 juillet.
Plus d'infos : http://operacritiques.free.fr/css/index.php?2018/01/10/2991-waltershausen-la-difformite-et-la-gloire .

Robert STILL, Quatuors 1,2,3,4
Les quatuors de Still évoluent au fil du des styles du XXe siècle, et, ce qui est très fort, chacun présente un visage très abouti et avenant à la fois des langages successifs qu'il y aborde. (Un peu comme Bacewicz, mais ici chaque quatuor ne constitue pas une évolution, vraiment un style distinct).

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Dichterliebe et Karłowicz par Beczała à Garnier

Le ballet est 
sold out à Garnier toute la semaine, mais pour le lied, ça ne se bouscule pas !

Pourtant, Piotr Beczała y chantait Dichterliebe de Schumann-Heine, et des mélodies délicieuses de Dvořák, Rachmaninov, même Karłowicz ! I love you

Grosse glotte et raretés.

Le cas de Beczała est très intéressant : la voix est à la fois en arrière (placement polonais, malgré ses études autrichiennes) et riche en résonances hautes (surtout dans les aigus). 

De même, pas très expressif, mais sa sobriété met en valeur les mots et les langues. Je n'en attendais rien et j'ai été bouleversé par son (sa) Dichterliebe : rien de singulier, d'une grande sobriété, et justement il ne fait jamais primer la ligne sur le naturel de la diction… Dans « Hör' ich das Liedchen » ou « Allnächtlich », c'est toute la saveur brute de l'œuvre de Heine-Schumann qui nous frappe, sans truchement d'interprète… l'œuvre toute nue (et quels beaux graves, très timbrés !).

J'ai moins aimé le reste : le timbre reste très blanc, et les œuvres sont moins marquantes. Le gentil romantisme du jeune Karłowicz de fin d'études, le folklore tsigane convenu de Dvořák
Les Rachmaninov (en particulier les stances de « Ne poj, krasavica » et les figuralismes fluviaux de « Vesennije vodi ») sont beaucoup plus entraînants, pour finir !

Un véritable festival linguistique ; 1h30 de récital, 4 bis très expansifs (zarzuela, Zueignung de Strauss, Werther, Catarì) et… 7 langues ! Allemand (très bon, malgré des « -en » pas tout à fait exacts), polonais (savoureux), tchèque (très en arrière et… polonais), russe (polonais aussi, asséché, sans les mouillures…), espagnol (avec une belle gouaille !), français (blanchâtre, mais c'était son emblématique Werther !), italien (généreux et expansif, avec Catarì)…

Impressionnés (avec mon accompagnateur, lecteur occasionnel de ce forum), dans Werther, par sa capacité (la voix était un peu prise dans le centre de gravité plus bas et la moindre projection des lieder) à changer totalement le placement *en cours d'émission* pour faire sortir glorieusement les aigus lorsqu'ils semblaient bloqués…

Amusant : rien qu'à l'entendre jouer, je me doutais que Sarah Tysman n'était pas principalement une cheffe de chant (plus de doigts, moins de logique) ni une soliste (peu de relief). De fait, elle semble beaucoup faire carrière comme accompagnatrice. Très agréablement fluide, mais sans grand relief aussi. Souplesse réelle, sans être totalement à son aise : sans être passionnant, c'était suffisant au plaisir de la soirée.

En fin de compte, outre le parcours original, on en retire un Dichterliebe très émouvant, et une générosité remarquable pour un artiste qui est en cours de répétitions au pied levé pour son second Lohengrin et son premier Bayreuth !

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Hjalmar BORGSTRØM, Thora Paa Rimol – Stene, Bjørkøy, Moe, Trondheim SO, Terje Boye Hansen

Un de mes opéras fétiches. I love you C'est le même langage que le Vaisseau fantôme (avec quand même quelques harmonies tout à fait locales), sur un sujet inspiré de Sturluson et Oehlenschläger, certes écrit un demi-siècle plus tard, mais d'une maîtrise incroyable. Écoutez au moins l'ouverture, même si vous n'aimez pas l'opéra en général, il faudrait donner ça au concert, ça vaut (largement) les Weber ! Cette vague d'imitations savoureuses…

Pour ne rien gâcher, c'est joué par le Symphonique de Trondheim, le plus bel orchestre du monde connu. bounce


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Cycle opéra contemporain (suite) 

=> Battistelli, Richard III, bande vénitienne de cette année Very Happy Very Happy Very Happy 
Dans un langage quelque part entre l'atonalité polarisée et la tonalité élargie, Battistelli écrit dans une langue non dépourvue de lyrisme… Il fait un grand usage des chœurs, notamment dans la scène finale, où ils flottent en beaux agrégats, impalpables, au-dessus de la scène jonchée des cadavres que foule le nouveau roi. Mérite d'être entendu. 

=> (Gordon) Getty, Usher House ; Elsner, É. Dupuis, Foster (PentaTone) Very Happy Very Happy 
Évoque l'atonalité romantique (héritage revendiqué de Schönberg), un peu gris, mais avec un certain sentiment de naturel et de liberté, une variation autour de la nouvelle de Poe. Getty parle de la prévalence de sa propre nécessité intérieure sur le fait de faire de la nouveauté. (pour autant, cela ressemble bien à de l'opéra du second XXe) 

=> (Gordon) Getty, The Canterville Ghost ; Gewandhaus, Foremny (PentaTone) Very Happy Very Happy 
Ce versant plus comique du legs de Wilde a aussi été capté chez PentaTone, avec le Gewandhaus de Leipzig (direction Foremny, le chef de la monographie Oskar Fried). La déclamation est évidemment plus à nu, sans être particulièrement savoureuse, mais cela s'écoute sans grand effort, même si l'absence de séduction particulière du langage renforce un peu le côté braillard inhérent à l'opéra post-1800 en général. 

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Cycle Kalinnikov

=> Kalinnikov, Symphonie n°1, O de l'URSS, Kuchar (Naxos) Very Happy Very Happy Very Happy Very Happy 
Je découvre à ma honte l'existence de Kalinnikov, protégé de Tchaïkovski à la santé fragile (réfugié vers le climat de Crimée alors que sa carrière portait ses premiers fruits…), et cette Première Symphonie, baignant dans les grands espaces et le folklore, splendide. Un mouvement lent avec cor anglais et cordes suspendues qui scintillent. Le final ressasse certes son thème (modérément) varié, mais les relances harmoniques de la coda sont splendides (on songe vraiment au Tchaïkovski de la Première Symphonie !). 
=> Kalinnikov, Symphonie n°1, Philharmonique de Moscou, Kondrachine (Melodiya) 
Interprétation lourdement cuivrée, on passe vraiment à côté des subtilités que j'ai entendues dans ma découverte avec Kuchar. 
=> Kalinnikov, Symphonie n°1, Philharmonique de Malaisie, Bakels (BIS)
Bonne lecture, très occidentale.
=> Kalinnikov, Symphonie n°1, Symphonique de Russie (lequel ?), Veronika Dudarova (Olympia)
Là tout le contraire, un son et une verve tellement russe ! I love you

=> Kalinnikov, Symphonie n°2, Écosse RNO, N. Järvi (Chandos) Very Happy Very Happy 
=> Kalinnikov, Symphonie n°2, O de l'URSS, Kuchar (Naxos) 
Järvi est vraiment mou et Kuchar toujours remarquable là-dedans, mais la symphonie m'a paru d'un romantisme plus convenu, sans les saillances de la première. 

=> Kalinnikov, Suite orchestrale, Orchestre d'État de l'URSS, Svetlanov (Melodiya) Very Happy Very Happy Smile
Quelque part entre la suite de caractère et la grande pièce plus ambitieuse… je suis partagé, dépend vraiment de langle sous lequel on le regarde. 

=> Kalinnikov, Tsar Boris (musique de scène), Budapest SO, Jancsovics (Marco Polo) Very Happy Very Happy Very Happy 
Très réussi, vraiment de l'atmosphère. 
=> Kalinnikov, Poème épique, Budapest SO, Jancsovics (Marco Polo) Very Happy Very Happy Smile 
=> Kalinnikov, Le Cèdre et le Palmier, Budapest SO, Jancsovics (Marco Polo) Very Happy Very Happy Very Happy Smile 
=> Kalinnikov, Le Cèdre et le Palmier, Orchestre d'État de l'URSS, Svetlanov (Melodiya)
=> Kalinnikov, Bilina , Orchestre d'État de l'URSS, Svetlanov (Melodiya) Very Happy Very Happy Very Happy

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Cycle (Friedrich Robert) Volkmann 

=> Volkmann, Richard III (ouverture), Philharmonique de la NDR de Hanovre, Werner Andreas Albert (CPO)  Very Happy Very Happy    Very Happy Smile 
Oh, intense !
=> Volkmann, Symphonie n°1 en ré mineur, Philharmonique de la NDR de Hanovre, Werner Andreas Albert (CPO) 
Final étrangement naïf en comparaison du reste. Very Happy Very Happy Smile
=> Volkmann, Symphonie n°2 , Philharmonique de la NDR de Hanovre, Werner Andreas Albert (CPO) 
Tout de suite en majeur, globalement plus cohérent avec son style. Very Happy Very Happy Smile
=> Volkmann, Concerto pour violoncelle, Philharmonique de la NDR de Hanovre, Werner Andreas Albert (CPO) 
Très beau (quoique bref, 16'), dans le goût des concertos de Dvořák ou Röntgen. Very Happy Very Happy Very Happy
=> Volkmann, Ouverture posthume en ut majeur, Philharmonique de la NDR de Hanovre, Werner Andreas Albert (CPO) Very Happy Very Happy Smile

=> Volkmann, Quatuor à cordes n°1, Mannheimer SQ (CPO)  Very Happy Very Happy
=> Volkmann, Quatuor à cordes n°4, Mannheimer SQ (CPO)  Very Happy Very Happy Smile
=> Volkmann, Quatuor à cordes n°2, Mannheimer SQ (CPO)  Very Happy Very Happy
=> Volkmann, Quatuor à cordes n°5, Mannheimer SQ (CPO)  Very Happy Very Happy Smile
J'étais peut-être trop occupé lorsque je les ai découverts. Du bon romantisme du rang, rien de particulièrement saillant de remarqué, même si quelques moments retiennent l'attention dans le 4 et le 5. 

=> Volkmann, Trio piano-cordes n°1, Ravensburg Beethoven Trio (CPO)  Very Happy Smile
=> Volkmann, Trio piano-cordes n°2, Ravensburg Beethoven Trio (CPO)  Very Happy Very Happy
Sympa, pas très marquant non plus, même si le final du deuxième est assez dense et réjouissant. 

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Cycle Cras (et assimilés)

=> Cras, Quatuor n°1, Louvigny SQ (Timpani) Very Happy Very Happy Very Happy Very Happy 
Je n'avais jamais mesuré à quel point c'est un bijou, plus encore que le trio ou le quintette, je crois. 

=> Cras, Quintette piano-cordes, Louvigny SQ, Jacquon (Timpani) Very Happy Very Happy Very Happy Smile 
=> Cras, Sonate violoncelle-piano, Khramouchin, Jacquon (Timpani) Very Happy Very Happy Very Happy Smile 
=> Cras, Trio piano-cordes (Timpani) Very Happy Very Happy Very Happy Smile 
=> Cras, Largo violoncelle-piano, Khramouchin, Jacquon (Timpani) Very Happy Very Happy Very Happy Smile 

=> Cras, Chœurs sacrés a cappella ou avec orgue (Timpani) Very Happy Very Happy Very Happy 
Délibérément archaïsant, très agréable, mais pas son sommet. 

=> Lekeu, Quatuor en sol, Camerata SQ Very Happy Very Happy Very Happy Very Happy 
=> Lekeu, Molto adagio, Camerata SQ Very Happy Very Happy Very Happy Very Happy Smile 
Chefs-d'œuvre. 

=> Fauré-Messager, Messe des Pêcheurs de Villerville, Herreweghe Very Happy Very Happy Very Happy 
Adorable, très touchant. 

=> Chausson, Concert, Jansen, Stott & friends (bande de la radio néerlandaise) Very Happy Very Happy Very Happy Smile 

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Cycle transcriptions d'orgue (suite)

=> Vivaldi, Les 4 Saisons, Hansjörg Albrecht Very Happy Very Happy Very Happy Very Happy 
=> Wagner, extraits du Crépuscule des dieux, Hansjörg Albrecht Very Happy Very Happy Very Happy Very Happy 
Très chouette, même si Albrecht demeure toujours d'un maintien assez raide pour ce type d'exercice. 

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Cycle Kitayenko 

=> Grieg, Holberg, Philharmonique de Moscou, Kitayenko (Melodiya) Very Happy Very Happy Very Happy Smile
=> Respighi, Antiche danse ed arie per liuto, Suite n°3, Philharmonique de Moscou, Kitayenko (Melodiya) Very Happy Very Happy Smile
=> Puccini, Missa di Gloria, Philharmonique de Moscou, Kitayenko (Melodiya) Very Happy Very Happy Very Happy Very Happy
=> Brahms, Deutsches Requiem, Philharmonique de Moscou, Kitayenko (Melodiya) Very Happy Very Happy Very Happy Very Happy Smile
=> Chostakovitch, Symphonie n°10, Philharmonique de Moscou, Kitayenko (Melodiya) Very Happy Very Happy Very Happy Smile
=> Donizetti, Miserere, Philharmonique de Moscou, Kitayenko (Melodiya) Very Happy Very Happy
=> Rachmaninov, Cloches, Larin, Philharmonique de Moscou, Kitayenko (Melodiya) Very Happy Very Happy Very Happy
=> Prokofiev, Symphonie n°1, Philharmonique de Moscou, Kitayenko (Melodiya) Very Happy Very Happy Very Happy Very Happy Smile
=> R. Strauss, Suites de danses d'après Couperin, Philharmonique de Moscou, Kitayenko (Melodiya) Very Happy
=> Tchaïkovski, Fantaisie de concert, Philharmonique de Moscou, Kitayenko (Melodiya) Very Happy Very Happy

Tout est intéressant, évidemment les pièces archaïsantes traitées avec un gros son paraissent un peu à côté du sujet. Étrange Miserere de Donizetti aussi, qui veut manifestement imiter le grégorien et qui est chanté comme l'Obikhod. Mais partout, quelle verve des timbres (ces bassons !).
Deutsches Requiem insolite, très belles Cloches, Missa di Gloria parmi les plus intenses (au disque, j'ai une faiblesse pour Morandi-Palombi, Pappano-Alagna et Scimone-Carreras, mais celle-ci est du même tonnel, quoique pas du tout dans le même univers), tandis que la Dixième de Chosta est au contraire remplie d'une étrange plénitude. Très beau coffret.

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Symphonies 

=> Mendelssohn, Symphonie n°3 ; COE, Nézet-Séguin Very Happy Very Happy Very Happy Very Happy Very Happy 
=> Mendelssohn, Symphonie n°4 ; COE, Nézet-Séguin Very Happy Very Happy Very Happy Very Happy Very Happy 
Splendide, limpide, cursif, vraiment parfait. 

=> Holst, Symphonie en fa « Cotswolds » (1900), Ulster O, Falletta. Very Happy Very Happy Very Happy 
Très mignon, avec un effet très rétro des trompettes. 

=> Sgambati, Symphonie n°1, La Vecchia (1880) Very Happy Smile 
Rien à faire, ça ne me passionne pas. Orchestration chiche, pas de mélodies, je m'ennuie assez, surtout qu'elle est longue. Un peu marri que ce soit Benedictus qui me fasse la leçon sur les symphonies gentilles pour cette fois. Confused 

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Opéra légers 

=> Mozart, Clemenza ; Nézet-Séguin Very Happy Very Happy Very Happy Very Happy Very Happy 
Confirme les impressions de l'acte I : très bien, mais reste tradi, on est habitué à mieux dans cette œuvre désormais, ainsi que de la part de Nézet. 

=> Donizetti, Don Pasquale, Opéra de Paris, Pidò 2018 (CultureBox) Very Happy 
J'ai tenu un quart d'heure en avance rapide, qui m'a confirmé qu'hors de l'air « Pura siccome un'angelo » au tout début, cet opéra m'ennuie atrocement. Au passage, Sempey continue de progresser, il devient réellement intéressant. Et Pidò tire comme toujours le meilleur de ces partitions en les faisant claquer avec esprit. I love you (pas trop aimé le reste, Sierra et Pertusi assez gris, Brownlee manifestement un peu fatigué) 

=> Boito, Mefistofele (tout), Marinov avec Ghiuselev (Capriccio) Very Happy Very Happy Very Happy Very Happy 
Que de trouvailles mélodiques, et puis ces simples chœurs célestes bien conjoints mais progressant par chromatismes, quel régal !

=> Boito, Mefistofele (prologue), Poggi, Neri, Capuana 
=> Boito, Mefistofele (prologue), Del Monaco, Siepi, Serafin 
=> Boito, Mefistofele (prologue), Poggi, Siepi, Votto 
=> Boito, Mefistofele (prologue), Pavarotti, Ghiaurov, De Fabritiis 
=> Boito, Mefistofele (prologue), La Scola, Ramey, Muti 

=> Boito, Mefistofele (épilogue), Poggi, Neri, Capuana 
=> Boito, Mefistofele (épilogue), Christoff, Gui 
=> Boito, Mefistofele (épilogue), Del Monaco, Siepi, Serafin 
=> Boito, Mefistofele (épilogue), Pavarotti, Ghiaurov, De Fabritiis 
=> Boito, Mefistofele (épilogue), Vargas, Abdrazakov, Luisotti 

=> Offenbach, Grande-Duchesse, trio des conspirateurs, Minkowski Very Happy Very Happy Very Happy Very Happy 
Tout le reste de l'opéra, je m'en passe très volontiers, mais ce moment est délectable. Very Happy 

=> Wagner, Rheingold, Nimsgern, Soffel, Jung, Wlashiha, Jerusalem ; Bayreuth, Solti 83 (bande radio) Very Happy Very Happy Very Happy Very Happy Very Happy 
Cette version est absolument parfaite en plus, comme sa Walkyrie-surœ. 

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Divers 

=> Spohr, Messe en ut mineur Op.54, Radio de Berlin (CPO) Very Happy Very Happy
Agréable.
=> Spohr, Psaumes Op.85, Radio de Berlin (CPO) Very Happy Very Happy Very Happy Smile
Là, beaucoup plus sérieux, avec de beaux mouvements fugués, une ambition musicale autrement intéressante !

=> Puccini, Missa di Gloria, Morandi (Naxos). Very Happy Very Happy Very Happy Smile 
Avec Palombi en solo. Une des toutes meilleures versions (avec Pappano et Scimone), pour ne pas dire la meilleure, fonctionne très bien, chœurs d'opérette (!) hongrois inclus. 

=> Puccini, Preludio sinfonica, Morandi (Naxos). Very Happy Very Happy Very Happy Smile 
Très réussi dans son genre planant ! 

=> Szymanowski, Demeter, Ewa Marciniec, Philharmonique de Varsovie, Wit (Naxos) Very Happy Very Happy
Profusion d'une chatoyance paradoxalement grise, pas vraiment touché, vraiment le Szyma qui ne m'est pas très accessible. 

=> Szymanowski, Penthesilea, Iwona Hossa, Philharmonique de Varsovie, Wit (Naxos) Very Happy Very Happy Very Happy Very Happy
=> Szymanowski, Penthesilea, Iwona Hossa, Philharmonique de Varsovie, Wit (Naxos) 
=> Szymanowski, Penthesilea, Iwona Hossa, Philharmonique de Varsovie, Wit (Naxos) 
Trissé. bounce Un Szyma étonnant, différent de l'ordinaire, d'un lyrisme plus franc, beaucoup plus proche de l'élan des décadents germaniques – ce ressemble beaucoup à Besuch in Urach de Schoeck, en réalité ! Et Iwona Hossa est d'une plénitude merveilleuse ici.

=> Szymanowski, Stabat Mater, Philharmonique de Varsovie, Wit (Naxos) Very Happy Very Happy Very Happy
Un des Szymanowski auxquels je reviens le plus volontiers (avec les concertos pour violon, les trois premières symphonies, le Roi Roger, les Mythes…), ce qui veut dire pas si souvent, en réalité…

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Je réécoute Le Bourgeois gentilhomme (avec la musique de scène de LULLY. Il y a beaucoup d'allusions aux genres d'époque (on explique à Jourdain ce qu'il faut pour faire de la musique de chambre, notamment, côté évident drolatique, comme si on expliquait à quelqu'un qu'il faut des violons et des trompettes dans un orchestre), et même des choses assez subtiles pour l'oreille d'aujourd'hui.

Lorsque Jourdain dit à ses maîtres « il y a du mouton là-dedans » (sa ridicule chansonnette qui contient une comparaison ovine), on joue évidemment pour les spectateurs d'époque sur l'équivoque avec « il y a du Mouton là-dedans » (donc l'inspiration d'une grande figure de la musique de cour).

Pour une fois que la musique permet de frimer dans les dîners en ville, ne croyez surtout pas que je vais m'en priver.
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Joseph Ermend BONNAL – 1860-1944


Un compositeur bordelais (mais monté à Paris) qui a étudié avec les grandes figures du temps : Bériot au piano, Fauré en composition, Guilmant-Tournemire-Vierne à l'orgue (il a même fait des remplacements de Widor à la tribune !), successeur des plus grands (il prend la suite d'Ollone et de Tournemire), bardé de prix (même plus grand public, comme le Grand Prix du Disque pour son trio à cordes). Il composait également des chansons populaires (sous le pseudonyme de Guy Marylis).

J'ai compté deux disques chez Pavane (musique de chambre, orgue), un disque chez Arion (Quatuors).

Les Quatuors (1927 et 1938) sont vraiment écrits dans un langage ravélien, c'en est frappant. Avec moins de facéties rythmiques et d'effets, un Ravel proche de celui du Quatuor, en plus mou. C'est vraiment bien écrit. 

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=> Debussy, Faune / extraits de Saint Sébastien / Mer, Philharmonia, Heras-Casado
On entend vraiment l'ardeur et la finesse du chef qui affleure, le rendu est splendide, le Philharmonia a rarement aussi bellement et finement joué. Superbes versions de ces pages. (On me signale en revanche une hénaurme erreur de lecture : il y a une erreur de clef pour les violoncelles sur le matériel d'orchestre, qui déplace leur ligne d'une quinte, et Heras-Casado ne bronche pas malgré les dissonances.)
La Mer m'a beaucoup moins impressionné : très bien, mais plus épais et terne que ce qui précède, on retrouve ici davantage le son du Philharmonia que les fulgurances du chef…

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Francesco Malipiero : Impressions d'après nature (1914-1922)

Pas vraiment bouleversé, mais effectivement, on est dans le haut de la production de Malipiero, avec quelques très beaux alliages (
Mélomaniac n'a pas parlé au hasard d'impressionnisme, un vrai sens du coloris). 

De vrais beaux moments, étonnants comme les superpositions de cloches (figurées d'une façon assez différente de ce que j'ai entendu chez les autres musiciens, plus une recherche de reproduction de l'effet musical que timbrale), réjouissants comme le bal champêtre ; d'autres plus platement illustratifs, voire pénibles comme le Festival du Va d'Enfer qui est une boucle quasi-minimaliste pas vraiment inspirée.

Toujours pas convaincu que Malipiero soit un compositeur de première farine (dans le genre chatoyant, Riisager m'étonne et me réjouit davantage), mais ce sont de belles pièces qui méritaient en effet d'être distinguées et découvertes !

(le couplage avec les Pause del silenzio, assez redoutablement ennuyeuses, met encore plus en lumière l'inspiration de Malipiero dans ce cycle !)

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Erkki Melartin : Symphonie N°5 "Sinfonia brevis" (1915-1916) 


Donc, écoute de cette Symphonie n°5 (tirée de l'intégrale Tampere PO / Leonid Grin). Très séduit par le début : thème très identifiable, ton très lumineux, fugato dès l'exposition… Jusqu'au début de l'Andante (II), néanmoins, je trouve que les cordes dominent beaucoup, dans un goût lyrique-romantique qui m'a évoqué (certes, avec une veine mélodique plus marquante) ses autres symphonies. 

Et puis, au milieu de l'andante, d'étranges interventions babillardes de bois, comme un plot twist… j'attends de voir si ça va effectivement évoluer, c'est en cours d'écoute.

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¶ Caplet – Épiphanie
Je me demande s'il n'y a pas erreur d'étiquetage sur mon disque… j'avais plus l'impression d'entendre les Strophes de Sacher que du Caplet, vraiment très hardi m'a-t-il semblé… (Pourtant, j'ai passé les plages Dutilleux. Il faudra que je survole à nouveau tout le disque pour en avoir le cœur net.)

¶ RVW – Songs pour ensemble (dont les 4 Hymnes) – Partridge Very Happy Very Happy Very Happy Very Happy
Quel mélodiste, décidément !
¶ Warlock – Capriol Suite Very Happy Very Happy Very Happy Very Happy
Que j'aime cet archaïsme sans façon ! bounce
¶ Warlock – Songs pour ensemble (dont The Curlew) – Partridge Very Happy Very Happy Very Happy 

¶ Caplet – Le Miroir de Jésus – version Saphir Very Happy Very Happy Smile
Le chœur n'est pas très joli.
¶ Caplet – Le Miroir de Jésus – version Accord (avec Schaer) Very Happy Very Happy Smile
Moins précisément articulé, mais beaucoup plus agréable (et Hanna Schaer, quoi).
¶ Caplet – Mélodies (Le vieux Coffret, Paul Fort, etc.) – Schaer Very Happy Very Happy 

¶ Dvořák – Rusalka – Neumann, Vienne live (Orfeo) Very Happy Very Happy Very Happy Very Happy Very Happy
Ils ont coupé des choses, dont le délectable cuistot. Surprised
¶ Dvořák – Rusalka – Neumann, Philharmonie Tchèque studio Very Happy Very Happy Very Happy Very Happy Very Happy
Nettement plus proprement joué (Vienne en mode routine, hein…) et plutôt mieux chanté, en outre. Super version, immense œuvre.

¶ Tchaïkovski – Onéguine – Levine (DGG) Very Happy Very Happy Very Happy Very Happy Very Happy
Quelle version enthousiasmante ! Levine joue sa vie à chaque mesure, avec une impétuosité rare (et jamais clinquante), tout le plateau parle un russe fort décent, avec des timbres tellement savoureux ; même Ghiaurov est plus en mots que jamais, avec un russe aux mouillures très gourmandes. bounce 

¶ Tchaïkovski – Pikovaya Dama (extraits) – Orbelian (Delos) Very Happy Very Happy Very Happy Very Happy Very Happy
De loin la meilleure version, sauf que ce ne sont que des extraits. Regrets d'autant plus éternels que certains des protagonistes sont morts maintenant…
¶ Tchaïkovski – Pikovaya Dama (tout) – Opéra de Belgrade, Baranovich (Classical Moments) Very Happy Very Happy Very Happy Very Happy Very Happy
En intégrale, la version que j'aime le plus, de loin. Pourtant, l'Opéra de Belgrade en 1955, ça ne fait pas rêver. Il n'y a pas beaucoup de Lisa pas trop pénibles, pour commencer, et puis la typicité de l'orchestre (avec ces vents pincés à la tchèque, ces cordes tranchantes et un brin acides) ajoute au relief. Très propre pour l'époque aussi, son comme exécution, et chanteurs sans faiblesses.

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¶ Toch – Symphonie n°3 – Pittsburgh SO, Steinberg Very Happy

¶ Hindemith – « Symphonie » Mathis der Maler – Pittsburgh SO, Steinberg Very Happy Very Happy Very Happy

¶ Bloch – Concerto Grosso n°1 – Pittsburgh SO, Steinberg

C'était ma contribution au cycle « musiques sinistres ». Bon bon bon bon… Le Toch m'a assez ennuyé (pas vraiment de qualité, mais que c'est gris), le report très filtré que j'écoute massacre assez le grain et les couleurs (certes des dégradés de gris) de Mathis, et je ne sais pas si j'aurai la force de réécouter le Bloch, que je n'avais pas adoré la dernière fois, après ça…
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¶ Wildhorn – Dracula – Graz 2017 Very Happy Very Happy Very Happy Very Happy Smile
J'aime décidément beaucoup. L'intrigue suit de très près le roman, à ceci près que le nœud des enjeux ne réside pas dans la conquête du monde par Dracula, mais dans son amour pour Mina – et une certaine réciprocité de la part de ses victimes. Wildhorn a de toute évidence beaucoup écouté les Miz, on y retrouve beaucoup de points communs musicaux. Très chouette.

¶ Büsser – Marche de Fête – Paradell Very Happy Very Happy Very Happy
¶ Boëllmann – Toccata (de la Suite Gothique) – Paradell Very Happy Very Happy
¶ Usandizaga – Pieza sinfónica (tripartite) – Paradell Very Happy Very Happy Smile
¶ Bélier – Toccata – Paradell Very Happy Very Happy Smile
Qu'est-ce que ça emprunte à Bach (les marches harmoniques assez vivaldiennes…). Mais du coup c'est joli.
¶ Torres – Impresión teresiana – Paradell Very Happy Very Happy
Inclut des thèmes tirés de chants d'enfants donnés à Avila en l'honneur de Thérèse.
¶ Franck – Choral en la mineur – Paradell Very Happy Very Happy Very Happy
Vraiment pas celui que j'aime le plus des trois derniers chorals (je suis devenu fou du premier), mais ça se tient quand même plutôt bien, il n'y a pas à dire.

¶ Tchaïkovski – Le Voïévode – Kozhukar Very Happy Very Happy Very Happy Very Happy Smile
Encore une merveille de jeunesse, quelque part entre l'épopée permanente d'Opritchnik et les grands numéros de Mazeppa (mais plus palpitant que ce dernier, je trouve). Du niveau de ses grandes œuvres de maturité, pour moi. (Quelle partie écrasante de ténor, au passage…)

¶ (Ronald) Corp – The Ice Mountain (Naxos) Very Happy Smile
Gentiment planant et plein de petits braillards. Instrumentation et harmonique de musical theatre, étrange.

¶ Bach – Prélude & Fugue BWV 546 – Hurford (Decca) Very Happy Very Happy
Le jeu, quoique un peu droit, n'est pas inintéressant, mais ces prises sèches et ce plein-jeu blanc et strident, c'est pas possible pour moi. (Déjà que je fais l'effort d'écouter du Bach, le moins est de m'offrir un peu de couleur.) Je retourne écouter mes Hinsz des Bovenkerk et Martinikerk…    

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¶ La Tombelle – Toccata en mi mineur – Willem van Twillert (Hinsz de Bolsward) Very Happy Very Happy Very Happy Smile
Oh, il y a vraiment de la matière musicale pour une toccata (pourtant sur le patron Widor / Dubois / Boëllmann) !
¶ Stanford – Postlude en ré mineur – Willem van Twillert (Hinsz de Bolsward) Very Happy
Très fade, pas le grand Stanford du Stabat Mater.
¶ Bach-Dupré – Sinfonia de la Cantate BWV 29 – Willem van Twillert (Hinsz de Kampen) Very Happy Very Happy
¶ Reger – Ein feste Burg Op.27 – Willem van Twillert (Deakons-Marcussen de Goes) Very Happy Very Happy Very Happy

¶ Suppé – Requiem– Corboz Very Happy Very Happy Very Happy Smile
Vraiment étonnant, même les chœurs sont assez vindicatifs !

¶ Pierné – Étude de concert – Wagschal (Timpani) Very Happy Very Happy Smile
(C'est la Passacaille qui est géniale, là c'est sympa mais pas indispensable.)

¶ Messiaen – Ascension – Hakim (Trinité) Very Happy Very Happy Very Happy Very Happy Smile
¶ Messiaen – Ascension – Katowice, Wit (Naxos) Very Happy Very Happy Very Happy Very Happy
¶ Messiaen – Turangalîla – Katowice, Wit (Naxos) Very Happy Smile
(Tout de même, autant de complexité harmonique et contrapuntique pour obtenir un résultat comparable au jazz blanc des années 50, ça me laisse sacrément admiratif.)

¶ Gossec, La Marseillaise, Garde Républicaine, Dondeyne (BNF) Very Happy Very Happy Very Happy Smile
Version très boisée, mais clairement pas le meilleur arrangement.

¶ traditionnel, Légendes sacrées, Les Têtes de Chien Very Happy
J'aime pas les arrangements, ça cherche à faire un truc cool et ça ressemble pas à grand'chose au bout du compte. Déçu.

¶ van Gilse, Symphonie n°2, Symphonique des Pays-Bas, Porcelijn Very Happy Very Happy Very Happy Very Happy Very Happy

¶ Brahms, Concerto n°2, Egorov, Symphonique des Pays-Bas Very Happy Very Happy Very Happy Very Happy Very Happy
Croyez-le si vous voulez, je l'écoutais pour l'orchestre (très bien), mais alors Egorov, quel aplomb incroyable ! Je crois que c'est pianistiquement la meilleure version que j'aie entendue, loin devant Pollini, Barenboim, Richter ou Gilels… Shocked

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 [Proms] – Beethoven 2 & 5, MusicAeterna, Currentzis (28 juillet)

C'était donné hier, on peut le réécouter aujourd'hui.
https://www.bbc.co.uk/radio/play/b0bck31y

C'est du pur Currentzis, pour le meilleur (tous ces contrechants électrisants qu'on n'entend jamais comme dans son DG, bien sûr l'énergie) et pour le pire (son d'orchestre assez blanc – où sont les bois ? –, sorte de hâte un peu impavide comme dans son Sacre…).

La 2 m'a paru assez fade : rapide mais très peu dramatique. En revanche la 5 fonctionne très bien, même si le final est tout sauf grandiose / exaltant / triomphal / tragique, avec d'étonnantes baisses de tension.

Le plus amusant reste que ça me paraît une lecture assez peu originale (proche de ce que faisait Hogwood dans son intégrale pour l'Oiseau-Lyre, un label que je suis trop jeune pour avoir connu dans les bacs…), vraiment dans le (beau) standard des baroqueux percussifs / secs.

Et je vois que ça s'écharpe d'un peu partout sur la question du génie de l'imposture… Moi ça me paraît juste une très belle version (un peu hystérisante mais) pas très originale. Qui me plaît beaucoup au demeurant, parce que le baroqueux qui claque, ça sied très bien à Beethoven.

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¶ (Roger) Boutry – Variations sur un thème imaginaire, pour piano et orchestre d'harmonie – Handelsman (bande vidéo) Very Happy Very Happy Very Happy
Très bien écrit, comme toujours avec Boutry – quel dommage qu'on ne le joue pas plus (son très beau quatuor ravélo-berguien – en beaucoup plus simple, hein ! – en particulier.) Et que son legs soit assez largement des solos pour vents ou des pièces pour orchestre d'harmonie.

¶ Bellini – Norma, « Casta diva » – Sumi Jo (DGG) Very Happy Very Happy Very Happy
Entendu ça en fond d'un reportage… Je me demandais qui cela pouvait être : voix très franche, assez peu converte, tout en conservant un moelleux magnifique… J'ai assez vite trouvé, parce qu'il y a assez peu d'artistes avec ces caractéristiques (Scotto, à côté, c'est Polaski : la voix n'est pas lourde mais toujours très couverte). Tiré d'un de ses récitals tardifs, où elle essaie des choses plus larges. J'ai adoré ça, et bien que je sois conscient, pour l'avoir entendue en scène, qu'on ne l'y entendrait guère, le résultat sur disque est absolument merveilleux.

¶ Beethoven – Symphonie n°2 – MusicAeterna, Currentzis (bande BBC3) Very Happy Very Happy Very Happy Very Happy Very Happy
¶ Beethoven – Symphonie n°5 – MusicAeterna, Currentzis (bande BBC3) Very Happy Very Happy Very Happy Very Happy Very Happy
Interprétation pas très originale en réalité, mais pleine de vigueur, et quelles œuvres ! (voir le fil dédié en rubrique « Concerts », Adalbéron y était)

¶ Magnard – Guercœur – Donostiarra, Toulouse, Plasson (EMI) Very Happy Very Happy Very Happy Very Happy
Belle révélation à la réécoute. (cf. fil concerné)

 Bruckner – Symphonie n°4 – Philharmonique de la Radio des Pays-Bas (Hilversum), van Zweden (Challenge Classics) Very Happy Very Happy Very Happy Very Happy
Version très cursive, ce qui fonctionne très bien dans leurs Brahms, mais vraiment trop peu tendue pour Bruckner. Un peu lisse et pas passionnant. À chaque fois que je réécoute, j'ai un espoir (troisième tentative, au moins), mais non.

¶ Britten – War Requiem – Philharmonique de la Radio des Pays-Bas (Hilversum), van Zweden (Challenge Classics) Very Happy Very Happy Very Happy Very Happy Smile
Version très sobre et lumineuse, un peu à rebours, mais très réussie !

¶ Respighi – Belfagor – Philharmonique de la Radio des Pays-Bas (Hilversum), Ashkenazy (Exton) Very Happy Very Happy Very Happy
¶ Respighi – Belkis, reine de Saba – Philharmonique de la Radio des Pays-Bas (Hilversum), Ashkenazy (Exton) Very Happy Very Happy Smile
¶ Respighi – Vetrate di chiesa – Philharmonique de la Radio des Pays-Bas (Hilversum), Ashkenazy (Exton) Very Happy Very Happy Very Happy
Mélange de choses spectaculaires et colorées et d'autres moins marquantes. Mais globalement l'une des œuvres les plus intéressantes de Respighi.
¶ Respighi – Metamorphoseon modi XII – Philharmonia, Goeffrey Simon (Chandos) Very Happy Very Happy Very Happy Very Happy Smile
… Mais son chef-d'œuvre absolu, ce sont ces Métamorphoses symphoniques… Soudain mâtiné de Hindemith (pour la richesse musicale, parce que pour les couleurs et la chaleur, ce sont celles du triptyque romain, un côté folklorisant de pâtre des Abruzzes et archaïsant néo-monteverdien en sus. I love you ), avec des touches orchestrales du meilleur Korngold !
Cette version a plus de couleurs et d'élan que Rome SO & La Vecchia qui plus studieuse, je trouve.

¶ Gurlitt – Wozzeck, le meurtre et le couteau – Scharinger, DSO Berlin, G. Albrecht (Capriccio) Very Happy Very Happy Very Happy Very Happy Very Happy
¶ Berg – Wozzeck, le meurtre et le couteau – Schwanewilms, Trekel, Graf (Naxos) Very Happy Very Happy Smile
Un des meilleurs moments de l'œuvre, chez les deux (et superbe version Graf, contre toute attente – je n'avais pas adoré sa version avec l'ONBA et déjà Schwanewilms, vue en salle en 1999).

Cycle Hendrik Andriessen

¶ H. Andriessen – Symphonie n°1 – Symphonique des Pays-Bas (Enschede), Porcelijn (CPO forever) Very Happy Very Happy Very Happy
¶ H. Andriessen – Suite de ballet – Symphonique des Pays-Bas (Enschede), Porcelijn Very Happy Very Happy Very Happy Smile
 H. Andriessen – Étude symphonique – Symphonique des Pays-Bas (Enschede), Porcelijn Very Happy Very Happy Very Happy Very Happy Smile
¶ H. Andriessen – Variations et Fugue sur Kuhnau – Symphonique des Pays-Bas (Enschede), Porcelijn Very Happy Very Happy Very Happy Smile
L'Étude est vraiment superbe. Quel orchestre, quel chef, quelle prise de son, aussi. (Sinon c'est la Symphonie Concertante qui m'impressionne le plus chez Andriessen.)

¶ Joline (Dolly Parton) 

¶ H. Andriessen – Symphonie n°2 – Symphonique des Pays-Bas (Enschede), Porcelijn (CPO) Very Happy Very Happy Smile
¶ H. Andriessen – Ricercare – Symphonique des Pays-Bas (Enschede), Porcelijn (CPO) Very Happy Very Happy Very Happy Very Happy
¶ H. Andriessen – Mascherata – Symphonique des Pays-Bas (Enschede), Porcelijn (CPO) Very Happy Very Happy Very Happy Smile
 H. Andriessen – Rhapsodie Wilhelmus – Symphonique des Pays-Bas (Enschede), Porcelijn (CPO) Very Happy Very Happy Very Happy Very Happy

¶ Le Prisonnier de Hollande (Olivia Chaney) 

¶ H. Andriessen – Ricercare – Symphonique des Pays-Bas (Enschede), Porcelijn (CPO) Very Happy Very Happy Very Happy Very Happy
¶ H. Andriessen – Mascherata – Symphonique des Pays-Bas (Enschede), Porcelijn (CPO) Very Happy Very Happy Very Happy Smile
 H. Andriessen – Rhapsodie Wilhelmus – Symphonique des Pays-Bas (Enschede), Porcelijn (CPO) Very Happy Very Happy Very Happy Very Happy

¶ Nénufar, t'as du r'tard (chanson raciste pour l'exposition coloniale de 1931) 

¶ H. Andriessen – Ricercare – Symphonique des Pays-Bas (Enschede), Porcelijn (CPO) Very Happy Very Happy Very Happy Very Happy
¶ H. Andriessen – Mascherata – Symphonique des Pays-Bas (Enschede), Porcelijn (CPO) Very Happy Very Happy Very Happy Smile
 H. Andriessen – Rhapsodie Wilhelmus – Symphonique des Pays-Bas (Enschede), Porcelijn (CPO) Very Happy Very Happy Very Happy Very Happy
Ce n'est pas une erreur, j'ai trissé les trois pièces. Non pas que ce soient des œuvres à ce point exceptionnelles, mais je les ai beaucoup aimées cette fois, j'avais envie de m'en imprégner. Les mouvements contraires rétro du Ricercare me font craquer ; et le doux côté épique de Wilhelmus…

¶ Something Just Like This (adaptations multiples des Chainsmokers)

¶ H. Andriessen – Symphonie n°3 – Symphonique des Pays-Bas (Enschede), Porcelijn (CPO) Very Happy Very Happy Very Happy Very Happy
Quant à la Troisième Symphonie, c'est la meilleure des quatre à mon sens, beaucoup plus directe, jubilant plus ouvertement de sa propre musique au lieu de s'astreindre à une sorte de sérieux presque sinistre. Plus proche de van Gilse 2 que de Pijper, en somme.


¶ H. Andriessen – Symphonie Concertante – Symphonique des Pays-Bas (Enschede), Porcelijn (CPO) Very Happy Very Happy Very Happy
Finalement, j'aime davantage les symphonies 3 & 4 : un petit côté pastiche par endroit, plus accessible mais un peu moins nourrissant. Très chouette néanmoins, ce n'est pas comme s'il existait par ailleurs des symphonies concertantes intéressantes (Szymanowski à la rigueur, mais Mozart, Langgaard ou Prokofiev, bof quand même).
¶ H. Andriessen – Chantecler – Symphonique des Pays-Bas (Enschede), Porcelijn (CPO) Very Happy Very Happy Very Happy Smile

¶ H. Andriessen – Symphonie n°4 – Symphonique des Pays-Bas (Enschede), Porcelijn (CPO) Very Happy Very Happy Very Happy Smile
Début sombre, mais de beaux moments de lyrisme ensuite !
 H. Andriessen – Libertas venit – Symphonique des Pays-Bas (Enschede), Porcelijn (CPO) Very Happy Very Happy Very Happy Very Happy
Commande de l'Orchestre du Brabant pour célébrer les dix ans de la libération de la province. Une lente marche, qui se pare d'échos menaçants (Dies iræ inclus), se charge de chants de guerre, et exprime avec lyrisme la fin de l'oppression. Quelque part entre le 1812 de Tchaïkovski et le Chant funéraire de Magnard, mais beaucoup moins spectaculaire que l'un et l'autre.
¶ H. Andriessen – Capriccio – Symphonique des Pays-Bas (Enschede), Porcelijn (CPO) Very Happy Very Happy Very Happy Smile
¶ H. Andriessen – Canzona – Symphonique des Pays-Bas (Enschede), Porcelijn (CPO) Very Happy Very Happy Very Happy Smile

¶ H. Andriessen – Intégrale pour orgue – Benjamin Saunders (Brilliant) Very Happy Very Happy Very Happy Smile
Corpus très homogène, pas forcément à écouter d'une traite comme je l'ai fait, mais de toute beauté : d'une subtilité sans ostentation, sorte de Tournemire batave. I love you

Et réécoutes : 

¶ H. Andriessen – Symphonie n°4 – Symphonique des Pays-Bas (Enschede), Porcelijn (CPO) Very Happy Very Happy Very Happy Smile
¶ H. Andriessen – Libertas venit – Symphonique des Pays-Bas (Enschede), Porcelijn (CPO) Very Happy Very Happy Very Happy Very Happy
¶ H. Andriessen – Capriccio – Symphonique des Pays-Bas (Enschede), Porcelijn (CPO) Very Happy Very Happy Very Happy Smile
¶ H. Andriessen – Canzona – Symphonique des Pays-Bas (Enschede), Porcelijn (CPO) Very Happy Very Happy Very Happy Smile
¶ H. Andriessen – Libertas venit – Symphonique des Pays-Bas (Enschede), Porcelijn (CPO) Very Happy Very Happy Very Happy Very Happy

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Cycle Holst

¶ Holst – Les Planètes– Chicago SO, Levine (DGG) Very Happy Very Happy Very Happy
Oh !  Après tant de tentatives infructueuses, j'y ai enfin pris du plaisir !  Ce n'est pas très subtil, mais extrêmement neuf (et vraiment pillé par la musique de film épique américaine, de Williams à Horner).
¶ RVW – Fantaisie Greensleeves– Chicago SO, Levine (DGG) Very Happy Very Happy
¶ RVW – Fantaisie Tallis– Chicago SO, Levine (DGG) Very Happy Very Happy Very Happy
J'aime bien ces œuvres, mais c'est juste parce que j'étais trop occupé pour changer le disque que je les ai entendues aujourd'hui. Mr. Green

¶ Holst – Mars pour orgue– arrangement et exécution par Stangier (Acousence) Very Happy Very Happy
Beaucoup plus raide, forcément.
¶ Holst – Les Planètes pour quatre mains– ZOFO Duet (Dorian Sono Luminus) Very Happy Very Happy Very Happy
Change totalement le visage de ces pièces, et on y entend le lien direct avec Debussy, dans Venus ; ainsi que d'autres filiations ailleurs.

¶ Holst – Symphonie en fa– Ulter O, Falletta (Naxos) Very Happy Very Happy Very Happy Smile
Vraiment très sympathique, couleurs locales et médiévalisantes !  Pas un chef d'œuvre, mais roboratif !

¶ Holst – A Fugal Overture– LPO, Boult (Lyrita) Very Happy Very Happy Very Happy Smile
Profusif (mais assez peu fugué), très sympathique.
¶ Holst – A Somerset Rhapsody– LPO, Boult (Lyrita) Very Happy Very Happy
Jolie cantilène.
¶ Holst – Beni Mora– LPO, Boult (Lyrita) Very Happy Very Happy Smile
Hit absolu dans l'histoire de se forum. Très sympa dans le genre de la caricature coloniale (moi j'aime bien ces trucs bigarrés qui ne ressemblent à rien). Sa caractéristique majeure est son final, avec le motif de flûte qui se répète en boucle sans moduler, pendant toute la pièce !
¶ Holst – Hammersmith– LPO, Boult (Lyrita) Very Happy Very Happy Very Happy Smile
Très méditatif, ample et sombre, puis pépiant de façon farouche, assez riche.


¶ Holst – Scherzo – LPO, Boult (Lyrita) Very Happy Very Happy Smile
¶ Holst – Japanese Suite – LSO, Boult (Lyrita) Very Happy Very Happy


Cycle orchestres de Radio des Pays-Bas


¶ (Yves) Ramette –Symphonie n°5– Philharmonique de la Radio des Pays-Bas, Jan Stulen (Navona) Very Happy Very Happy Very Happy 
♪♪ Quoique du second XXe, complètement tonal – c'était un organiste… –, et on y entend beaucoup d'effets reçus de Beethoven et Mahler, quoique l'harmonie soit clairement du (début du…) XXe siècle. Anachronique, mais assez bien fait.


¶ Diepenbrock – Lieder orchestraux (anniversaire vol.3) – Philharmonique de la Radio des Pays-Bas, London Promenade O, Residentie Den Haag, Otterloo, van der Berg et autres Very Happy Very Happy Very Happy Very Happy
¶ Diepenbrock – Lieder orchestraux (bissé)
♪♪ De très belles mises en musique de poèmes célèbres en néerlandais, allemand (Heine, Brentano, Novalis) et français (Baudelaire, Verlaine), d'un beau lyrisme calme, de beaux miroitements orchestraux, et une très belle poésie, français inclus – on peut songer, en particulier dans la Bonne Chanson, à une sorte de Fauré qui aurait un talent d'orchestrateur beaucoup plus diaphane et irisé, plus rural aussi.
♪♪ Évidemment, Otterloo procure un relief tout particulier à ses participations, et pour ne rien gâcher, les poèmes français sont interprétés par Bernard Kruysen ! Vraiment un disque à entendre.

¶ (Benjamin) Wallfisch – Speed – Philharmonique de la Radio des Pays-Bas, B. Wallfisch (Quartz) Very Happy Very Happy Very Happy Smile
♪♪ L'occasion de vérifier la considérable maîtrise technique de l'orchestre (j'en vois de plus haute renommée, comme la Radio du Danemark ou le Royal Philharmonic, qui auraient probablement un peu plus de peine à tenir ce type de stress test), avec des sur-suraigus impeccablement justes, des articulations rythmiques complexes parfaitement nettes, des timbres inaltérés par l'effort.
♪♪ Cette pièce de 13 minutes explore des atmosphères très différentes et assez figuratives. Rien d'original, on retrouve les cliquetis en nuage, les rafales de cuivres varésiens, des suspensions plus chostakovitcho-herrmannien… car tout en utilisant les outils de l'orchestre du XXe siècle, Wallfisch écrit une musique complètement tonale, une sorte de Connesson qui aurait pris en compte Ligeti et Murail. Et cela fonctionne assez bien, à défaut de révolutionner quoi que ce soit.

¶ Michael Torke (1961-) – Livre des Proverbes – Philharmonique de la Radio des Pays-Bas, de Waart (Ecstatic Records & Decca) Very Happy Very Happy Very Happy Smile
♪♪ Quelque part entre l'atmosphère déhanchée de Bernstein et quelque chose de plus minimalisme, pas si éloigné des harmonies pures de Gregory Spears (Fellow Travelers, pour ceux qui ont le tort de ne pas lire CSS), très simple, très agréable, doucement dansant.

¶ Wagner-Vlieger – Suite des Meistersinger– Philharmonique de la Radio des Pays-Bas, de Waart (Challenge Records) Very Happy Very Happy Very Happy Very Happy Very Happy
¶ Wagner-Vlieger – Deux entractes tragiques– Philharmonique de la Radio des Pays-Bas, Otto Tausk(Challenge Records) Very Happy Very Happy Very HappySmile
Ça ressemble beaucoup à Rosamunde de Schubert…

¶ Wagner-Vlieger – Suite des Meistersinger – Philharmonique de la Radio des Pays-Bas, de Waart (Challenge Classics) Very Happy Very Happy Very Happy Very Happy Very Happy
Bissé.
¶ Wagner-Vlieger – Suite de Tristan– Philharmonique de la Radio des Pays-Bas, de Waart (Challenge Classics) Very Happy Very Happy Smile
Déçu en réécoutant : franchement, les Appels sans la ligne mélodique, et cet enchaînement d'accompagnements, bof. Mais je crois que j'aime moins Tristan, aussi, tout simplement.

¶ Herman Strategier – Rapsodia elegiaca – Philharmonique de la Radio des Pays-Bas, Haitink (Etcetera) Very Happy Smile
¶ Herman Strategier – Musique pour faire plaisir – Chambre Philharmonique de la Radio des Pays-Bas, Krol (Etcetera) Very Happy Very Happy
¶ Herman Strategier – Concerto pour accordéon – Chambre Philharmonique de la Radio des Pays-Bas, Krol (Etcetera) Very Happy Very Happy
¶ Herman Strategier – Sextuor – Hexagon Ensemble (Etcetera) Very Happy Very Happy 
¶ Herman Strategier – Partita in modi antichi – Chambre Philharmonique de la Radio des Pays-Bas, Spruit (Etcetera) Very Happy Very Happy Smile
¶ Herman Strategier – Præludium en Fuga – Philharmonique de la Radio des Pays-Bas, Fournet (Etcetera) Very Happy Very Happy Very Happy
Ces deux orchestres ont une histoire totalement distincte (le premier est celui de Hilversum, jamais fusionné, le second le fruit de nombreuses fusions et dissout depuis 2014). Pour l'anecdote, le Philharmonique est le premier orchestre que Haitink ait dirigé en concert public, en 1954 (il en a pris la tête en 1957, avant que Fournet ne lui succède, ce qui ne le rajeunit pas exactement).
Sinon, des pièces assez délibérément archaïsantes de ce compositeur local ; je n'ai rien trouvé de bouleversant là-dedans, sauf le Prélude & Fugue très sympathique.

¶ Joep Franssens – Roaring Rotterdam – Philharmonique de la Radio des Pays-Bas, G. Albrecht (Etcetera) Very Happy Very Happy Very Happy Very Happy
Tonal mais d'une écriture « globale », par blocs, atmosphérique, alla Corigliano. Très séduisant au demeurant.
¶ Joep Franssens – Harmony of the Spheres – Chœur de la Radio des Pays-Bas, G. Albrecht (Etcetera) Very Happy Very Happy Very Happy Very Happy
Splendide écriture planante, dans la veine de ce que font les meilleurs nordiques.
¶ Joep Franssens – Magnificat – Chœur & Philharmonique de la Radio des Pays-Bas, G. Albrecht (Etcetera) Very Happy Very Happy Very Happy
Très réussi aussi, dans ce genre.

¶ Badings – Scherzo symphonique – Orchestre de la Radio des Pays-Bas, Henrik Schaefer (Etcetera) Very Happy Smile
¶ Badings – Concerto pour violoncelle n°2 – Chambre Philharmonique de la Radio des Pays-Bas, Michael Müller, Henrik Schaefer (Etcetera) Very Happy Smile
¶ Badings – Symphonie n°2 – Orchestre de la Radio des Pays-Bas, Henrik Schaefer (Etcetera) Very Happy Very Happy
L'Orchestre de la Radio des Pays-Bas a lui été fusionné (lui-même fruit de fusions), dans le Philharmonique de la Radio que vous voyez dans le reste de la playlist. Il n'est pas directement lié non plus à la Chambre Philharmonique de la Radio. Je vous ferai un petit schéma dans le bon fil le moment venu, car le Philharmonique des Pays-Bas, le Symphonique des Pays-Bas, le Phliharmonique de la Radio des Pays-Bas, le Philharmonique de Chambre des Pays-Bas, l'Orchestre de la Radio des Pays-Bas, l'Orchestre de l'Omreop (Radio des Pays-Bas) et le Symphonique de la Radio des Pays-Bas sont tous des orchestres différents, même pas tous dans les mêmes villes. hehe 
Sinon, Badings ? Du Badings : du postromantisme XXe tardif bien fait, mais pas particulièrement palpitant.

¶ Per August Ölander – Symphonie en mi bémol – Symphonique de Västerås, Harry Damgaard (Sterling) Very Happy Very Happy 
¶ Bengtsson – Vettern – Symphonique de Gävle, Liljefors (Sterling) Very Happy Very Happy
¶ Weyse – Sovedrikken (Ouverture) – Orchestre Royal Danois, Hye-Knudsen (Sterling) Very Happy Very Happy Very Happy Smile
Du beau classicisme tardif, plein d'entrain !
¶ Olsson – Symphonie en sol mineur – Symphonique de Gävle, Liljefors (Sterling) Very Happy Very Happy Very Happy Very Happy
Tellement Alfvén, dans le début de l'adagio !

¶ R. Strauss – Salome (entrée de Salomé jusqu'à sortie de Jibé) – Bumbry, Wixell, RAI Torino 1979, Dohnányi (bande radio) Very Happy Very Happy Very Happy Very Happy Smile
Le son est vraiment défavorable, on entend surtout les défauts de l'orchestre, et assez mal les chanteurs ; par ailleurs peu de mots chez Bumbry, et Wixell qui essaie d'épaissir de façon absurde, un peu décevant par rapport à l'idéal promis par l'affiche. 

¶ Lyapunov – Symphonie n°1 Very Happy Smile
Très gentil, plutôt agréable, mais absolument inoffensif ; on retrouve les thèmes russisants qui affleurent chez Tchaïkovski, sauf qu'ici il ne se passe à peu près rien. 

¶ Schumann – Genoveva – G. Albrecht (Orfeo) Very Happy Very Happy Smile
Autant cette œuvre me grise avec Masur, autant à chaque fois dans les autres contextes, même en concert, j'y entends surtout sa faible veine mélodique, son statisme, ce qu'elle veut tenter sans y réussir. 

¶ James Carr – The Dark End of the Street (& album) Very Happy Very Happy Very Happy

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Cycle Engegård SQ

Je découvre cet ensemble récent (fondé en 2006) et le mets à l'épreuve. Arvid Engegård, le premier violon, lui donne son nom, et il arrive, de fait, après une carrière particulièrement accomplie : nombreux enregistrements comme soliste, ancien konzertmeister de la Camerata de Salzbourg sous Végh, ancien premier violon du Quatuor Orlando…

¶ Schumann – Quatuor n°3 (scherzo) – Engegård SQ (BIS) Very Happy Very Happy Very Happy Very Happy Very Happy 
Ce scherzo est un bon test, et BIS y confirme sa clairvoyance en matière de choix de quatuors à cordes : non seulement personne ne les capte mieux, mais comme pour le Stenhammar SQ, on a ici du tout premier choix. J'ai rarement entendu un son aussi fin et un discours aussi étagé et engagé dans du Schumann. Le scherzo a proprement parlé est encore plus ardent chez d'autres, mais l'ensemble du corpus de Schumann est en revanche porté à un degré d'intelligence rare, alors qu'il n'est pas forcément très avenant ni coloré. 

¶ Haydn – Quatuor Op.77 n°1 – Engegård SQ (2L) Very Happy Very Happy Very Happy Very Happy Smile
Finesse, énergie, hauteur de vue… encore plus fort que les Alcan, avec un son splendide (très typé norgévien, on croirait entendre Trondheim, où Engegård a étudié et débuté !).
¶ Haydn – Quatuor Op.76 n°3 – Engegård SQ (2L) Very Happy Very Happy Very Happy Very Happy Very Happy
Et ici, ça égale tout à fait les Takács, soit l'absolu absolu de ce qu'il est possible de faire en structure et en chaleur. Grand, grand ; et ceux qui y parviennent dans Haydn sont excessivement rares.

¶ Bartók – Quatuor n°5 – Engegård SQ (2L) Very Happy Very Happy 
Vraiment pas celui que j'aime le plus, mais joué avec cette finesse de trait, cette aération, cette lisibilité, on sent davantage la jubilation musicale que les affects oppressants qui s'y bousculent !

¶ Haydn – Quatuor Op.76 n°5 – Engegård SQ (2L) Very Happy Very Happy Very Happy Very Happy

¶ Grieg – Quatuor – Engegård SQ (2L) Very Happy Very Happy Very Happy Smile

¶ Schumann – Quatuor n°1 – Engegård SQ (2L) Very Happy Very Happy Very Happy
¶ Schumann – Quatuor n°2 – Engegård SQ (2L) Very Happy Very Happy Very Happy
¶ Schumann – Quatuor n°3 – Engegård SQ (2L) Very Happy Very Happy Very Happy Very Happy
Grande, grande référence ! 

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¶ Weingartner – Septuor pour piano et cordes – Ensemble Acht, Triendl (CPO) Very HappyVery Happy Very Happy
¶ Weingartner – Octuor pour piano, vents et cordes – Ensemble Acht, Triendl (CPO) Very Happy Very Happy Very Happy Smile
Très agréable, sans qu'il y a là d'exceptionnellement marquant. Autant j'ai adoré le pastoralisme trop classique pour ne pas être un peu décadent (sorte de Mozart romantique qui sait secrètement que Schreker existe) de la Première Symphonie, et beaucoup goûté la sobriété des guatuors, autant je n'ai pas complètement senti la nécessité de l'exhaustivité des publications (j'ai écouté les six symphonies parues, et elles se ressemblent vraiment beaucoup, sans apporter de couleurs nouvelles).
Il en va un peu de même avec ces pièces de chambre, surtout le Septuor : beau mouvement lent, belle Danza funebre (pas du tout solenelle ni terrible ni funèbre) finale, mais mobiliser un septuor pour tenir le propos d'un trio du milieu du XIXe siècle, pourquoi ? L'Octuor va chercher des alliages de couleurs un peu plus originaux grâce aux vents (grosse place de la clarinette et du cor) ; on a un peu l'impression d'entendre du post-Czerny, mais comme pour la Première Symphonie, l'œuvre conserve sa verve et son charme propres.




À bientôt pour de nouvelles aventures – tout aussi exotiques, mais je l'espère plus ordonnées et consistantes !

dimanche 14 janvier 2018

[fuites] Opéra de Paris 2018-2019, la saison officielle


Sur le (mirifique) forum Classik, on trouve la saison 2018-2019 de l'Opéra de Paris apparemment officielle et tirée des brochures (présentation au public à la fin du mois). Avec les distributions assez complètes, manifestement (que je ne recopie pas ici, je vous laisse aller regarder).

C'est apparemment tiré d'un autre site (d'un forum où je ne vais plus, je soupçonne), ces informations circulent vite, donc je ne vais pas recopier ce qui a déjà été formalisé ailleurs, juste les titres et quelques remarques.

► 17 titres.
► 1 opéra baroque (début XVIIIe), 2 opéras classiques (Mozart), 13 opéras romantiques, 2 opéras du XXe (dont Rusalka, créée en… 1901), 1 opéra du XXIe.
► 9 en italien (plus de la moitié !), 2 en allemand (grosse chute), 3 en français, 2 en russe, 1 en tchèque.
► 0 LULLY, 2 Mozart, 1 Rossini, 2 Donizetti, 4 Verdi, 1 Wagner, 0 Puccini, 0 R. Strauss

Considérant que les opéras relativement rares sont des reprises (Iolanta, Rusalka), que Lady Macbeth de Mtsensk a été donnée il y a une dizaine d'années (et finalement régulièrement à Paris, où Chung, Gergiev et Haenchen, au moins, l'ont dirigée depuis les années 90), sont surtout rares l'oratorio de Scarlatti, et Les Huguenots (et, par essence, la création de Jarrell).

L'Opéra de Paris n'a clairement pas décidé de jouer au pionnier, mais la plupart des titres sont à mon gré, et c'est tout de même un peu plus varié et aventureux que la saison en cours (certes, pour trouver moins aventureux, après, il fallait aller à Des Moines).

Les distributions sont globalement très belles, et les nouvelles productions données à des metteurs en scène en vue (même si Bieito, Guth, Warlikowski, Tcherniakov ont eu leurs mauvais soirs, notamment à l'Opéra de Paris). D'ailleurs toujours les mêmes metteurs en scène à la mode (Castellucci revient aussi, et on aura van Hove), aucune nouvelle production dans le genre tradi, le but est clairement de changer l'image de la maison.
[À mon humble avis, outre qu'il est dommage de ne pas laisser le choix au public, ces metteurs en scène font trop de productions par an pour avoir le temps de produire, après des débuts très prometteurs, un travail qui soit de la même qualité partout. Les premières production de Guth et Bieito étaient d'une autre force que celles d'aujourd'hui… Tcherniakov, c'est différent, c'est pile ou face.]

    → Pour ma part, la plupart de tout cela me tente. Et malgré la distribution en volapük héroïsant, les Huguenots sont dirigés par Michele Mariotti, capable d'exalter les contenus fins des accompagnements et de maintenir la tension, presque le plus important.
    → L'autre grande nouvelle, c'est la Bérénice de Jarrell (annoncée depuis longtemps, mais confirmée), l'un des rares compositeurs vivants capables d'écrire un véritable opéra cohérent dans un langage du XXIe siècle (son Galileo genevois avait été une splendeur, farci d'ensembles richardstraussiens dans un langage atonal-polarisé).

La liste :

A. Scarlatti – Il primo omicidio (« Le premier meurtre »)
Mozart – Don Giovanni
Mozart – Die Zauberflöte
Rossini – La Cenerentola
Donizetti – L'Elisir d'amore
Donizetti – Don Pasquale
Meyerbeer – Les Huguenots
Berlioz – Les Troyens
Verdi – La Traviata
Verdi – La Forza del destino
Verdi – Simone Boccanegra
Verdi – Otello
Wagner – Tristan und Isolde
Tchaïkovski – Iolanta
Dvořák – Rusalka
Chostakovitch – Lady Macbeth de Mtsensk (dans sa version révisée Katerina Ismaïlova, je crois)
Jarrell – Bérénice

La folie des réservations pour juillet 2019 dans les salles parisiennes va donc bientôt débuter…

vendredi 22 septembre 2017

Opéras 2017-2018 : raretés et beaux plateaux en Province


Comme chaque année, quantité de bijoux vont circuler à travers le territoire hexagonal (et étranger proche). En particulier à Bordeaux, Lyon, Tours ou Toulouse, mais pas seulement.

Cette année le centre du monde lyrique se trouve incontestablement à Bordeaux, dont toutes les productions suscitent le plus vif intérêt. J'y débute donc mon tour de France. Contrairement aux précédentes éditions, je me suis dit que le lieu était peut-être plus déterminant que les styles : on voyage plus volontiers dans une ville pas trop distante, quitte à étendre ses choix. Et cela procure aussi une visibilité sur les dominantes des différentes maisons. [Retours appréciés sur la question, si vous vous en servez / avez une opinion.]



N.B. : La cote en putti d'incarnat suit la cote « spectacle vivant » et non celle habituelle des disques.

Cote d'intérêt d'œuvre, si elle est rare, pour vous aider à vous déterminer (je ne vais pas me risquer à me prononcer sur les intérêts relatifs de la Flûte vs. Traviata vs. Lohengrin…).
un putto d'incarnat : dispensable
un putto d'incarnatun putto d'incarnat : intéressant (avec des réserves)
un putto d'incarnatun putto d'incarnatun putto d'incarnat : stimulant
un putto d'incarnatun putto d'incarnatun putto d'incarnatun putto d'incarnat : grisant
un putto d'incarnatun putto d'incarnatun putto d'incarnatun putto d'incarnatun putto d'incarnat : depuis tout ce temps qu'on l'attendait !

Cote d'attente d'interprétation. Par essence, contrairement aux œuvres qui existent déjà, elle n'est qu'une projection de probabilités (subjectives de surcroît…).
un putto d'incarnat : ouille
un putto d'incarnatun putto d'incarnat : inégalement attirant
un putto d'incarnatun putto d'incarnatun putto d'incarnat : très appétissant
un putto d'incarnatun putto d'incarnatun putto d'incarnatun putto d'incarnat : exceptionnel
un putto d'incarnatun putto d'incarnatun putto d'incarnatun putto d'incarnatun putto d'incarnat : potentiellement une référence à venir




En Province


Bordeaux :
Bellini – Il Pirata un putto d'incarnatun putto d'incarnat
Ce n'est pas l'œuvre du siècle, assez loin des grands aboutissements de Bellini (même de La Straniera et des Capuletti, voire de la Sonnambula), du belcanto assez pâle à mon gré (sans les petites finesses harmonies ou les joliesses d'orchestration dont il est coutumier par ailleurs). Mais c'est rare. De la distribution, je ne connais que René Barbera (excellent ténor spécialiste), et Adèle Charvet dans le petit rôle d'Adele. Si le reste est du même niveau, ce sera très beau.
Offenbach – La vie parisienne un putto d'incarnatun putto d'incarnatun putto d'incarnatun putto d'incarnatun putto d'incarnat
Pas l'œuvre majeure du répertoire, mais dirigé par Minkowski avec Gillet, M.-A. Henry, Extrémo, de Hys, Fouchécourt, Barrard, H. Deschamps. Uniquement des chouchous, et uniquement de grands interprètes.
Debussy – Pelléas et Mélisande un putto d'incarnatun putto d'incarnatun putto d'incarnatun putto d'incarnatun putto d'incarnat
Avec Minkowski, Skerath, Brunet, Barbeyrac, Duhamel et Varnier !  Quelle distribution éclatante, complètement francophone de surcroît – et de quelle façon !  Petite curiosité, la mise en scène est assurée par Philippe Béziat, qui avait tourné le documentaire autour de la création russe de Pelléas en juin 2007 – par Minkowski et Py.
R. Strauss – Elektra un putto d'incarnatun putto d'incarnatun putto d'incarnatun putto d'incarnatun putto d'incarnat
Avec Brimberg, M.-A. Henry, Palmer, Alvaro, Mortagne, Delunsch (dans les élans de la Cinquième Servante !), et dans les rôles minuscules Morel, Pasturaud, Legay, Tachdjian, Tréguier !  Même au disque et en studio, j'ai peu vu de distributions aussi exaltantes : le duo épique des sœurs, la Cinquième Servante, l'ultra-luxe de chaque petit rôle…
Henri Rabaud – Mârouf, savetier du Caire. un putto d'incarnatun putto d'incarnatun putto d'incarnatun putto d'incarnat
Un opéra rare foisonnant, très riche et fantaisiste, qu'on peut conseiller à tous : beaucoup de matière musicale, beaucoup d'action, mise en scène traditionnelle (mais animée) très chatoyante pour les novices, et distribution de feu : Bou, Santoni, Teitgen, et puis dans la constellation de petits rôles importants Legay, Contaldo, Leguérinel, Peintre, Tachdjian, Yu Shao – toutes personnes dont l'éloge a déjà été fait dans ces pages.
Boesmans – Pinocchio un putto d'incarnatun putto d'incarnatun putto d'incarnatun putto d'incarnat
La nouvelle production Boesmans-Pommerat, après le succès remarquable d'Au Monde (sorte de langage de Pelléas atonal placé dans l'univers théâtral désabusé d'aujourd'hui), prend à nouveau une distribution remarquable (Briot, Lhote, Auvity, Le Saux…), et va tourner en France. Intriguant et très attirant. La cotation n'exprime que l'attente, puisque personne ne l'a encore entendu !
Annoncé pour 2018 en Île-de-France (Athénée à l'automne ?).

◊ Seule production peu attirante, la Lucia de Donizetti avec Behr et Sempey, qui va agréger à peu près tout ce que je n'aime pas en chant – mais ce ne sera pas vilain non plus, loin s'en faut. Et il y aurai Thomas Bettinger (Arturo) et François Lis (Raimondo).


Toulouse :
d'Albert – Tiefland un putto d'incarnatun putto d'incarnatun putto d'incarnatun putto d'incarnat / (un putto d'incarnatun putto d'incarnat)
Certes avec Schukoff, Brück et Flor, donc pas la fête de la glotte facile ni des baguettes élancées, mais tout de même, ce petit bijou de romantisme décadent – plaqué sur un livret réaliste, sorte de Wally allemande, à ceci près que la musique en est remarquable…
Puccini – La Rondine un putto d'incarnatun putto d'incarnat
De la conversation en musique dans le genre lyrique italien. Je ne suis pas un inconditionnel (ça sirupise beaucoup), dans le genre Wolf-Ferrari a beaucoup mieux réussi la juste mesure, à mon sens. Mais c'est peu donné.


Limoges :

Piazzolla – María de Buenos Aires
Je suppose que ce dépendra beaucoup du parti pris lyrique ou non. (Je me rends compte que je ne l'ai jamais écouté, alors que ça pique ma curiosité depuis lontemps !)
Bizet – Les Pêcheurs de perles un putto d'incarnatun putto d'incarnatun putto d'incarnatun putto d'incarnatun putto d'incarnat
Avec Guilmette, Dran et Duhamel. Là encore, du très bon francophone !  (Duhamel y était tout bonnement miraculeux il y a un peu plus d'un lustre. La voix a changé vers plus de noirceur, moins de clarté, d'impact et d'aisance en haut, il faut voir. Mais ce sera très beau de toute façon.)


Rennes :
Gounod – Le Médecin malgré lui un putto d'incarnatun putto d'incarnatun putto d'incarnat
Rare, et agréable.
Zemlinsky – Der Zwerg un putto d'incarnatun putto d'incarnatun putto d'incarnat
Un opéra court assez régulièrement donné en France (et la Tragédie florentine doit être dans le top 5 ou 10 des opéras du XXe montés en France…). L'intérêt réside particulièrement dans la prise de rôle de Mathias Vidal, le chanteur le plus éloquent en activité – jamais entendu en allemand pour ma part, en italien il est quasiment aussi excellent qu'en français. La voix a gagné en largeur, et il a démontré qu'il pouvait tenir, malgré sa nature de départ, de véritables rôles lyriques. Ici, on est à la frontière du très grand lyrique, voire du dramatique (surtout à l'échelle italienne !), mais l'orchestre ne concurrence pas trop, je suis très curieux d'entendre le résultat.


Angers-Nantes :

1 opéra-comique d'Hervé : Mam'zelle Nitouche
1 opérette de Messager : Les P'tites Michu
Haendel – Rinaldo un putto d'incarnatun putto d'incarnatun putto d'incarnatun putto d'incarnatun putto d'incarnat
Dirigé par B. Cuiller, avec Negri, Dolié et surtout Benos – le seul contre-ténor en activité, avec Bejun Mehta dans un genre plus héroïque, qui me paraisse vraiment doté d'un impact physique et d'une capacité de diction. Je n'aime pas faire de généralités abusives, mais vraiment, tous les autres altos masculins que j'ai entendus en salle, même ceux qui sonnent bien en retransmission et au disque (Fagioli, Čenčić…) n'ont aucun impact sonore, même de près, et s'expriment dans une certaine bouillie verbale. C'est très bien dans le répertoire sacré (en particulier dans les chœurs et les ensembles), mais pour tenir des solos dans des situations dramatiques, ça ne fonctionne vraiment pas bien. Sauf Benos, passionnant jusque dans le lied.
[Tournée à Quimper, Besançon, Saint-Louis, Compiègne, Dunkerque, Charleroi, Mâchon, La Rochelle.]
Berlioz – La Damnation de Faust un putto d'incarnatun putto d'incarnatun putto d'incarnatun putto d'incarnatun putto d'incarnat
Avec Hunold, Spyres, Alvaro. Ça vient de se terminer et c'était semble-t-il hautement satisfaisant.


Tours :
Gounod – Philémon et Baucis un putto d'incarnatun putto d'incarnatun putto d'incarnat
Pas le Gounod le plus saillant (un peu uniformément doux…), mais rarissime, à l'occasion de l'anniversaire.
Tchaïkovski – Iolanta un putto d'incarnatun putto d'incarnatun putto d'incarnatun putto d'incarnat
Le dernier opéra de Tchaïkovski semble s'imposer durablement sur les scènes européennes. Pas du niveau constant de ses deux précédents, toujours au répertoire (Onéguine et Dame de Pique, sommets assez absolus du genre opéra), mais un joli conte aux couleurs plus françaises, moins prodigue en épanchements lyriques. J'aimerais bien qu'on nous donne aussi les premiers, qu'on ne joue jamais (L'Enchanteresse en particulier, mais je ne dirais pas non à Vakoula ou au Voïévode !).
Rimski-Korsakov – Mozart et Salieri un putto d'incarnatun putto d'incarnat
Mise en musique littérale de portions des saynètes de Pouchkine, sous une forme très récitative. Pas évident pour les non-russophones, et pas très chatoyant en tout état de cause, mais change de ce qu'on joue majoritairement.
Britten – A Midsummer Night's Dream un putto d'incarnatun putto d'incarnatun putto d'incarnat
Non sans longueurs, mais non sans charmes (les chœurs, les répliques de Puck !).


Caen :
Hervé – Les Chevaliers de la Table Ronde un putto d'incarnat / (un putto d'incarnatun putto d'incarnatun putto d'incarnat)
Vraiment pas grand intérêt musical ni scénique, sans être sublimé par l'interprétation pour ce dont j'ai pu juger par la retransmission (en tournée depuis deux ans).
Marais – Alcione un putto d'incarnatun putto d'incarnatun putto d'incarnatun putto d'incarnat / (un putto d'incarnatun putto d'incarnatun putto d'incarnatun putto d'incarnatun putto d'incarnat)
Production de l'Opéra-Comique (Savall / L. Moaty).
Poulenc – Dialogues des Carmélites un putto d'incarnatun putto d'incarnatun putto d'incarnatun putto d'incarnatun putto d'incarnat
Production du théâtre des Champs-Élysées dans la belle mise en scène de Py, avec sa distribution affolante : Petibon-von Otter-Gens-Devieilhe-Koch-Barbeyrac-Cavallier (et Piolino, Hys et Lécroart dans les petits rôles !).


Rouen :
Cherubini – Médée un putto d'incarnatun putto d'incarnat
En version française, avec Hervé Niquet.


Lille :
Mozart – Così fan tutte un putto d'incarnatun putto d'incarnatun putto d'incarnatun putto d'incarnat
Par Haïm et Honoré. Avec Azzaretti, Arduini et Rivenq qui seront excellents. Autres interprètes inconnus de moi (Mantashyan, Verrez, Giustiniani).
Offenbach – Le Roi Carotte un putto d'incarnatun putto d'incarnatun putto d'incarnat / (un putto d'incarnatun putto d'incarnatun putto d'incarnatun putto d'incarnatun putto d'incarnat)
Reprise de la production Pelly : Schnitzler, Mortagne, Beuron, H. Mas, Gay, Grappe, Briot…
Zemlinsky – Der Zwerg un putto d'incarnatun putto d'incarnatun putto d'incarnat
Un opéra court assez régulièrement donné en France (et la Tragédie florentine doit être dans le top 5 ou 10 des opéras du XXe montés en France…). L'intérêt réside particulièrement dans la prise de rôle de Mathias Vidal, le chanteur le plus éloquent en activité – jamais entendu en allemand pour ma part, en italien il est quasiment aussi excellent qu'en français. La voix a gagné en largeur, et il a démontré qu'il pouvait tenir, malgré sa nature de départ, de véritables rôles lyriques. Ici, on est à la frontière du très grand lyrique, voire du dramatique (surtout à l'échelle italienne !), mais l'orchestre ne concurrence pas trop, je suis très curieux d'entendre le résultat.

Tourcoing :
Debussy – Pelléas et Mélisande un putto d'incarnatun putto d'incarnatun putto d'incarnatun putto d'incarnatun putto d'incarnat
Très appétissante version : à la perspective intriguante d'écouter Malgoire diriger ce répertoire, s'ajoute une distribution où figurent uniquement (hors Andrieux, et Devieilhe et ses soirs) des diseurs baroqueux !  Devieilhe en alternance avec Reinhold (pas du tout les mêmes caractéristiques, ce serait étonnant de comparer !), Andrieux, et puis Buet, Haller, Delaigue, Faraon, Buffière !

Reims :
Grétry – Richard Cœur de Lion un putto d'incarnatun putto d'incarnat
Emblématique sans être majeur, on ne peut néanmoins considérer avoir vécu sans entendre « Ô Richard, ô mon roi » et bien sûr l'ariette de Laurette chantée de façon complètement désarticulée par la vieille Comtesse dans la Dame de Pique de Tchaïkovski.
Bizet – Les Pêcheurs de perles un putto d'incarnatun putto d'incarnatun putto d'incarnatun putto d'incarnatun putto d'incarnat
Avec Guilmette, Dran et Duhamel. Là encore, du très bon francophone !  (Duhamel y était tout bonnement miraculeux il y a un peu plus d'un lustre. La voix a changé vers plus de noirceur, moins de clarté, d'impact et d'aisance en haut, il faut voir. Mais ce sera très beau de toute façon.)


Metz :
Saint-Saëns – Samson et Dalila un putto d'incarnatun putto d'incarnatun putto d'incarnatun putto d'incarnat
Avec Kamenica, Furlan, Duhamel, Bolleire !  Sans doute pas très intelligible chez Kamenica (mais quel fruité !), et francophones remarquables et vaillants pour les autres.
☼ (On annonce Sigurd de Reyer en début de saison prochaine !)


Nancy :
Massenet – Werther un putto d'incarnatun putto d'incarnatun putto d'incarnat
Avec Montvidas et d'Oustrac. Probablement pas totalement idoine, mais très intriguant assurément, et sans doute original et… différent !


Strasbourg :

■ Saison étrange, très peu de titres grand public, beaucoup d'arrangements et de contemporain.
Zandonai – Francesca da Rimini un putto d'incarnatun putto d'incarnatun putto d'incarnat
L'œuvre, langage italien de la mouvance pucciniste, est mâtinée d'aspects plus richardstraussiens, un beau mélange sonore, même si le livret est particulièrement immobile – une action par acte, dans un rythme dramatique qui n'excède pas de beaucoup Lohengrin (Parsifal, à côté, c'est The Naked Gun III). Après une assez longue éclipse dans tout le milieu du XXe siècle, elle semble être programmée à intervalles assez régulier en Europe ces dernières années (à un échelon moindre, un peu comme Hamlet de Thomas, Die tote Stadt de Korngold ou les Janáček).
Manoury – Kein Licht un putto d'incarnatun putto d'incarnatun putto d'incarnatun putto d'incarnat
Manoury fait partie des rares compositeurs atonals en activité à être capable d'écrire réellement bien pour le drame et la voix. Très curieux de voir ça très bientôt à l'Opéra-Comique à Paris.


Dijon :
Mondonville – L'Amour et Psyché un putto d'incarnatun putto d'incarnatun putto d'incarnat
Un ballet en un acte qui n'a jamais été enregistré – style galant post-ramiste. En couplage avec le merveilleux Pygmalion Avec Bennani de Rameau., Léger, Sicard (et Mechelen Jr. dans Pygmalion), le Concert d'Astrée.

Verdi – Simone Boccanegra
Pas souvent donné en Province, j'ai l'impression.
Boesmans – Pinocchio un putto d'incarnatun putto d'incarnatun putto d'incarnatun putto d'incarnat
La nouvelle production Boesmans-Pommerat, après le succès remarquable d'Au Monde (sorte de langage de Pelléas atonal placé dans l'univers théâtral désabusé d'aujourd'hui), prend à nouveau une distribution remarquable, différente de Bordeaux (Briot, Degout, Beuyron, Boulianne, Munger…), et va tourner en France. Intriguant et très attirant. La cotation n'exprime que l'attente, puisque personne ne l'a encore entendu !
Annoncé pour 2018 en Île-de-France (Athénée à l'automne ?).

Saint-Étienne :


■ Depuis l'expulsion de Campellone, qui vient désormais plus régulièrement à Paris pour combattre la pénurie de concerts (…), pour notre plus grand plaisir… Saint-Étienne n'est plus, hélas, le même centre d'exploration du répertoire massenetien et du XIXe français tardif.
Cilea – Adriana Lecouvreur un putto d'incarnatun putto d'incarnatun putto d'incarnat
Là aussi, peu donnée en France. Pour ma part, j'adore les parties comiques (début du I et du III), c'est-à-dire à peu près toutes les scènes de Michonnet, dans une veine archaïsante qui n'empêche pas la virtuosité ; beaucoup moins toute la partie sérieuse, où les gros motifs sont rabâchés à coups de doublure voix-orchestre, vraiment pas du grand raffinement. Et puis cette fin supposément pathétique (et tellement peu XVIIIe, malgré le sujet « réaliste ») qui vient conclure un vaudeville que je trouve plutôt fendard…


Lyon :

■ Pour la première fois depuis bien des années, Lyon n'est pas l'Opéra doté de la plus belle programmation de France – je mets de côté l'Opéra-Comique qui, en abandonnant le grand répertoire à Garnier, Bastille et Champs-Élysées, peut se spécialiser dans les répertoires qui me plaisent. Néanmoins, si Bordeaux fait carton plein, Lyon représente cette saison encore un très solide dauphin !
Mozart – Don Giovanni un putto d'incarnatun putto d'incarnatun putto d'incarnatun putto d'incarnat
Avec Montanari, le très charismatique Sly (le rôle doit lui aller comme un gant), l'inaltérable Buratto, l'expressif Ketelsen – certes, il y a Julien Behr et ses limites, mais ce n'est pas non plus de quoi sortir fâché. Très prometteur.
Rossini – La Cenerentola un putto d'incarnatun putto d'incarnatun putto d'incarnat
Mise en scène de Herheim en coproduction avec Oslo, direction musicale du spécialiste Montanari (et Cyrille Dubois en Prince), de quoi rehausser la seule reprogrammation d'un classique.
Verdi – Attila un putto d'incarnatun putto d'incarnatun putto d'incarnat / (un putto d'incarnatun putto d'incarnatun putto d'incarnatun putto d'incarnat)
Des longueurs assez peu exaltantes (les duos des amoureux, peu tourtereaux au demeurant), mais aussi des moments impressionnants comme les affrontements entre Attila et l'Ambassadeur de Rome, ou ses songes terrifiants. Avec T. Serjan, Markov, Ulyanov. Et visite à Paris ensuite.
Verdi – Don Carlos un putto d'incarnatun putto d'incarnatun putto d'incarnatun putto d'incarnat
Version française de ce standard. Production d'Honoré, et belle distribution : S. Matthews, Romanovsky, Degout, Pertusi, Scandiuzzi, Bolleire.
Rimski-Korsakov – Mozart et Salieri un putto d'incarnatun putto d'incarnat
Mise en musique littérale de portions des saynètes de Pouchkine, sous une forme très récitative. Pas évident pour les non-russophones, et pas très chatoyant en tout état de cause, mais change de ce qu'on joue majoritairement.
Zemlinsky – Der Kreiderkreis un putto d'incarnatun putto d'incarnatun putto d'incarnatun putto d'incarnat / (un putto d'incarnatun putto d'incarnatun putto d'incarnatun putto d'incarnatun putto d'incarnat)
Un des grands Zemlinsky les moins joués, servi par une brochette de spécialistes : L. Koenigs à la direction, Beller Carbone, G. Fassbender, (Lauri) Vasar et le miraculeux Rügamer. Mise en scène d'un excellent directeur d'acteurs chantants, Richard Brunel.
Respighi – La Belle au bois dormant un putto d'incarnatun putto d'incarnatun putto d'incarnatun putto d'incarnat
Une charmante miniature ni hardie, ni totalement archaïsante. Très séduisant.

☼ Comme si cela ne suffisait pas, sept (!) soirées avec le War Requiem de Britten « mis en scène », avec rien de moins que Chtcherbatchenko, Groves et L. Vasar !

Avignon :

♦ Deux titres légers (Des Land des Lächelns de Lehár et Les Mousquetaires au couvent de Varney).

Montpellier :
Verdi – Nabucco un putto d'incarnatun putto d'incarnatun putto d'incarnat
Pas si souvent donné en France, et avec Jennifer Check en Abigaille – il y a quinze ans, elle chantait formidablement Rusalka… Ça fait a priori plutôt très envie, si la voix a évolué harmonieusement (j'ai pourtant tâché de la suivre, mais les bandes américaines circulent moins bien, et je ne crois pas qu'elle ait fait une carrière gigantesque).
Grieg – Peer Gynt un putto d'incarnatun putto d'incarnatun putto d'incarnat
Avec Philipe Estèphee, Norma Nahoun et Marie Kalinine, direction Schønwandt.
Bizet – Carmen un putto d'incarnatun putto d'incarnatun putto d'incarnatun putto d'incarnat
Je ne connais pas Robert Watson en José, mais Anaïk Morel et Alexandre Duhamel, je n'aurais pas choisi mieux si on m'avait demandé mon avis (et Piolino en Remendado !).


Marseille :

Neuf titres du répertoire léger : 1 J. Strauß II, 2 Offenbach, 1 Messager, 1 O. Straus, 1 Yvain, 1 F. Loewe, 2 Lopez !
Rossini – Tancredi un putto d'incarnatun putto d'incarnat / (un putto d'incarnatun putto d'incarnatun putto d'incarnatun putto d'incarnat)
Il faut aimer le seria romantique, avec ses livrets remarquablement immobiles en compensation de son agilité glottique spectaculaire, mais il sera servi par les meilleurs spécialistes : Carella, Barcellona, A. Massis, Bolleire…
Donizetti – La Favorite un putto d'incarnatun putto d'incarnatun putto d'incarnatun putto d'incarnat / (un putto d'incarnatun putto d'incarnat)
Une des plus belles réussites de Donizetti, dont la veine mélodique semble mieux s'épanouir loin des contraintes de l'agilité démonstratives, et dont le sens dramatique, sis sur un bon livret mobile, surprend. Distribution contrastée : Courjal devrait être un pontife fulgurant, mais il faudra supporter en regard l'engorgement et la diction de Margaine, et l'élégance discutable de Fanale (que j'anticipe mal, peut-être à tort, dans les souplesses et demi-teintes du répertoire français).
Verdi – Ernani un putto d'incarnatun putto d'incarnatun putto d'incarnat / (un putto d'incarnatun putto d'incarnatun putto d'incarnat)
Un livret certes privé du sel de son modèle (la censure tudesque n'a pas voulu du Roi dans l'armoire !), et une langue musicale encore très belcantiste, mais aussi de très belles choses – l'air d'entrée d'Ernani, le duo et l'ensemble de la chambre… Avec Hui He, Meli, Tézier, Vinogradov, dirigés par Foster.
Massenet – Hérodiade un putto d'incarnatun putto d'incarnatun putto d'incarnat / (un putto d'incarnatun putto d'incarnat)
Pas le Massenet le plus subtil, enfilade d'airs à forte couleur locale (supposément antique, donc), et donc assez dépendant des qualités individuelles. Il y aura Nicolas Courjal pour le monologue des Astres, et Lapointe pour « Vision fugitive » ; pour le reste, Mula, Uria-Monzon et Laconi, sans être du tout indignes, ne promettent pas une exécutionde la première grâce (disons).
(David) Alagna – Le dernier jour d'un condamné un putto d'incarnatun putto d'incarnat / (un putto d'incarnatun putto d'incarnatun putto d'incarnatun putto d'incarnat)
Pas le grand opéra de son temps, avec une musique oscillant entre les innovations du début du XXe (Debussy, R. Strauss) et une laque de sirop post-puccinien par-dessus, un livret qui ne brille pas par ses nuances ni par la sobriété d'un verbe hautement littéraire… Néanmoins, tout cela est assez agréable, et servi, outre Alagna, par des artistes francophones de grande qualité (Dudziak, Ghazarossina, Ermelier, Martin-Bonnet…) et dirigé par Ossonce.




Dans les Provinces


Liège :
Bellini – Norma un putto d'incarnatun putto d'incarnatun putto d'incarnatun putto d'incarnatun putto d'incarnat
Avec Silvia Dalla Benetta (capiteuse et ardente), Kunde, J-.M. Lo Monaco et dirigé par le très détaillé, net et animé Zanetti (sa Luisa Miller dans les mêmes lieux était un modèle).

Bruxelles :

♦ Dallapiccola – Il prigioniero un putto d'incarnatun putto d'incarnatun putto d'incarnatun putto d'incarnat / (un putto d'incarnatun putto d'incarnatun putto d'incarnatun putto d'incarnatun putto d'incarnat)
Avec Blancas-Gulín, Graham-Hall et Nigl.
[Couplé avec Das Gehege de Rihm, monodrame.]
♦ Poulenc – Dialogues des Carmélites un putto d'incarnatun putto d'incarnatun putto d'incarnatun putto d'incarnatun putto d'incarnat
Mise en scène de Py, avec des variations de distribution réjouissantes dans la distribution B : Altinoglu, et Gillet en Blanche avec M.-A. Henry en Lidoine, Deshayes en Mère Marie, et bien sûr Saelens en Premier Commissaire. Toujours Barbeyrac et Cavallier ; Brunet en Croissy.

Anvers :
♦ Donizetti – Le Duc d'Albe un putto d'incarnatun putto d'incarnat
Un Donizetti français assez pâle, où on retrouve l'absence de veine mélodique qui caractérise un grand nombre de ses titres italiens – on retrouve bien le compositeur de Bolena, Stuarda, Devereux, Borgia, Pasquale, plus que celui de La Favorite, L'Elisir ou Lucia.
♦ Korngold – Der Wunder der Heliane
un putto d'incarnatun putto d'incarnatun putto d'incarnatun putto d'incarnatun putto d'incarnat
Musique comme livret, si le vocable décadent a un sens… il s'incarne ici. Assez peu donné, surtout à portée de français…
♦ Prokofiev – Le Joueur un putto d'incarnatun putto d'incarnatun putto d'incarnat
Quasiment pas d'opéra russe en France cette année, hors Onéguine (voire Iolanta), et encore moins des titres rares. Dirigé par Dmitri Jurowski.


Lausanne :
Menotti – Amahl et les visiteurs du soir un putto d'incarnatun putto d'incarnat
Conte de Noël. Pas vertigineux, mais c'est assurément rare.


Monaco :


■ Toujours des distributions très prestigieuses et au cordeau, avec en particulier :
Verdi – I Masnadieri un putto d'incarnatun putto d'incarnat / (un putto d'incarnatun putto d'incarnatun putto d'incarnatun putto d'incarnat)
Pas le meilleur Verdi, mais de beaux ensembles. Et une distribution de gens très concernés et adroits : Giannattasio, Vargas, N. Alaimo.
Gounod – Faust un putto d'incarnatun putto d'incarnatun putto d'incarnatun putto d'incarnat
Avec Campellone, Calleja, Rebeka, Lhote.
Offenbach – Les Contes d'Hoffmann un putto d'incarnatun putto d'incarnatun putto d'incarnatun putto d'incarnatun putto d'incarnat
Avec Lacombe, Peretyatko (quatre héroïnes), Flórez, Courjal, R. Briand (4 valets) !  Ce serait bien qu'il soit retransmis, celui-là : ce sera très différent de l'ordinaire (Flórez moins dramatique, Courjal plus basse, Brian sans nul doute épatant, Lacombe toujours parfait dans ces répertoires…). Et avec toutes ces vedettes (même Burshuladze en Crespel !), une excuse toute trouvée à la diffusion.
Britten – Peter Grimes un putto d'incarnatun putto d'incarnatun putto d'incarnat
Avec José Cura.


Barcelona :
Donizetti – Poliuto un putto d'incarnatun putto d'incarnatun putto d'incarnat / (un putto d'incarnatun putto d'incarnatun putto d'incarnatun putto d'incarnatun putto d'incarnat)
Avec Callegari, Radvanovsky, Kunde, Salsi.
Wagner – Tristan und Isolde un putto d'incarnatun putto d'incarnatun putto d'incarnatun putto d'incarnat
Mise en scène Ollé, avec Theorin et Vinke !
Rubinstein – Le Démon un putto d'incarnatun putto d'incarnatun putto d'incarnatun putto d'incarnat / (un putto d'incarnatun putto d'incarnatun putto d'incarnat)
Très bel opéra pas si russe (largement teinté de Marschner) dans une production (probablement hardie) importé du Helikon de Moscou. Particulièrement rare sous nos contrées, un livret très prenant et de la belle musique.


Bilbao :

♦ Bellini – Norma un putto d'incarnatun putto d'incarnatun putto d'incarnatun putto d'incarnat
Avec Axentii reconvertie en soprano, et dans l'autre distribution Tro Santafé et Kunde.
Verdi – I Masnadieri un putto d'incarnatun putto d'incarnat / (un putto d'incarnatun putto d'incarnatun putto d'incarnatun putto d'incarnat)
Avec Giannattasio, Stoyanov, Kares.
Britten – War Requiem
Avec le meilleur diseur (allemand) actuel, Thomas E. Bauer.



Je consacrerai une notule complète à l'intention des grands voyageurs, autour des opéras vraiment rares, eux, à voir en Europe.

mardi 8 août 2017

Panorama de la couverture vocale — II


Légende : pour plus de lisibilité, les noms des artistes utilisant une forte couverture figureront en bleu, ceux couvrant peu en rouge, et les cas plus équilibrés (ou incertains, pour ceux pour lesquels nous ne disposons pas d'enregistrements) en vert.



2. Catégories et travaux pratiques

2.1. Voix ouvertes, sans couverture
2.2. Degré de couverture
2.2.1. Degré de couverture : étendue de la couverture

Ces questions ont été traitées dans la première notule de la série (qui répond aussi aux questions fondamentales « pourquoi ? », « qu'est-ce ? », et tente de lever quelques ambiguïtés lexicales), à la suite de laquelle celle-ci sera ajoutée, pour faciliter la lecture d'ensemble. Les échanges en commentaires apportent par ailleurs quelques précisions.




En avant pour les multiples enjeux de la couverture à l'Opéra !


couverture vocale belle hélène

(et du déshabillé, semble-t-il)



2.2.2. Degré de couverture : couleur de la couverture

Comme son étendue, la couleur de la couverture peut varier très fortement entre les voix et surtout entre les techniques. 


2.2.2.1. Claire


[[]]
Verdi, Don Carlos, Suzanne Sarroca, Georges Liccioni, direction Pierre-Michel Le Conte.

Dans cet extrait en français de Don Carlos de Verdi, Georges Liccioni étonne par l'aperture (très ouverte linguistiquement) de ses aigus, mais on sent bien qu'il protège les attaques (au sommet de l'art de l'aperto-coperto, dont on parlera plus loin, à peine audible tellement il est souverainement réalisé), que le placement n'est malgré tout pas totalement le même qu'en voix parlée, un peu plus reculé et arrondi – voyez par exemple ses attaques sur « avare » (comme un [o] avant le [a]) « pitié » ou « j'ai supplié » (le [é] est articulé au niveau du [eu]). Le son général paraît pourtant très ouvert et trompettant, j'avais même publiquement douté qu'il couvrît, mais c'est finalement évident lorsqu'on observe le phénomène de près. 


2.2.2.2. Mixée

Lorsqu'un chanteur fait usage de la voix mixte, la voix s'éclaire immédiatement (pour des raisons physiologiques multiples : partage de la résonance, rapport de tension entre muscles et ligaments…). Mais cela ne veut pas dire qu'il ne couvre pas, bien sûr : Alain Vanzo, prince de l'émission mixte, en fait grand usage.

[[]]
Puccini, La Bohème en français. Air enregistré pour la télévision française devant un petit public.

Que cette main est froide, laissez-moi la réchauffer ;
Il fait trop sombre, pourquoi chercher dans l'ombre ?
Mais de la lune,
Perçant la nuit brune
En attendant que la clarté ruisselle,
Laissez mademoiselle,
Qu'en deux mots je vous dise…

Vous pouvez le remarquer sur les voyelles grassées : bien qu'on les reconnaisse sans difficulté (et c'est là le grand art), leur articulation n'est pas exactement celle de la langue parlée. Le [é] de « réchauffer » et le [è] de « ruisselle » semblent émis à partir de la position du [eu], au moins au début de l'émission ; le [i] de « il » également émis sur une position plus ample que le [i] français, très étroit (plutôt un [eu] ici ; d'autres choisissent le [ü]) ; le [a] de « pourquoi » est moins ouvert que dans la réalité quotidienne des locuteurs français (il reste assez proche du [ô] ou du [â], au lieu d'être relativement ouvert), et de même pour la nasale [an] qui se chante à partir de la posture du [on]. Plus loin vous pouvez observer que les [ou] (« nuit et jour », « dieu de l'amour ») se rapprochent beaucoup du [ô].
Ce sont réellement des voyelles individualisées (pas la substitution indistincte de beaucoup de chanteurs internationaux fameux comme Sutherland ou Nilsson…), mais elles ne sont pas fabriquées à partir de leur endroit habituel, plutôt déplacées vers un endroit où elles peuvent être articulées de façon moins tendue pour l'appareil phonatoire (poussé dans ses parties aiguës).

C'est une observation contre-intuitive, parce qu'on associe en général la couverture au caractère épais et sombré des voix d'opéra, mais les grands maîtres de la voix mixte l'utilisent en réalité abondamment, peut-être même plus que les autres, pour assouplir et égaliser leur voix. Nommez-les et testez.


École américaine ?

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Bizet, Les Pêcheurs de Perles, John Aler avec Toulouse et Plasson.
Les [a] presque changés en [o], les [è] presque en [eu], on les retrouve ici, malgré l'intelligibilité parfaite et le naturel du français de John Aler (en Nadir dans les Pêcheurs de Perles).


École italienne ?

[[]]
Donizetti, L'Elisir d'amore, Tito Schipa.

Una furtiva lagrima negli occhi suoi spuntò. Vous entendez ce [è] devenu [eu], voire [o], ce premier [ou] presque [ô], ces [o] très fermés, ces [a] ouverts mais très ronds, et qui changent d'ailleurs de placement (« m'ama ! ») ; voilà l'effet de la couverture, malgré cette voix limpidissime. Tito Schipa en Nemorino (L'Elisir d'amore).

La couverture posée sur une couleur de timbre claire reste valable pour d'autres formats plus larges et inattendus (où il s'agit plutôt d'une voix de poitrine légèrement allégée, le pourcentage de « voix de tête » étant minime mais éclaircissant considérablement le résultat). Évidemment, la clarté est alors liée à la voix mixte, mais une couverture vocale très homogène n'y occulte pas la lumière, une belle leçon pour bien des ténors lyriques et dramatiques d'aujourd'hui.


Voix dramatiques ?

[[]]
Verdi, La Forza del destino, acte III, Solti à Covent Garden. Ici, le jeune Carlo Bergonzi en Alvaro.
Au passage, pour les verdiens, version absolument extraordinaire, on ne fait pas plus ardent et plus net à la fois – si on ne s'arrête pas à la justesse discutable de l'excellente soprane.


Vous entendez cette couleur claire malgré le rôle héroïque (un amérindien maudit qui veut arrêter de tuer malgré lui et qui laisse dans le processus une traînée de si bémol 3…), cette rondeur qui accompagne toujours les aigus ?  C'est l'effet de la voix mixteCarlo Bergonzi détend son émission, en quelque sorte, en l'assouplissant, en cherchant la flexibilité plutôt que le métal (qu'on n'entend pas en retransmission mais qu'il devait tout de même avoir !).

Et pourtant, il couvre beaucoup, en particulier sur les aigus.

Al chiostro, all'eremo, ai santi altari
L'oblio, la pace [or] chiegga il guerrier.

Alvaro va expier ses fautes et se dérober à la vengeance en se faisant moine :
« L'oubli et la paix réclament [désormais] au soldat le cloître, l'ermitage, les saints autels. »

« Santi altari » devient ainsi [sônti ôltari], et surtout le « chiegga » [kiegga] devient quelque chose comme [kieugga] ou même [kiôgga], une voyelle indéfinie. On sent très bien, d'ailleurs, que dans l'aigu, toutes ses voyelles sont émises du même endroit. Les différences d'articulation entre elles deviennent très minimes, et c'est le contexte de l'ensemble du mot (consonnes, autres voyelles plus nettes) qui permet de restituer le sens exact. On entend bien l'effet de protection, en particulier sur ce dernier aigu : la véritable voyelle, plus franche, aurait mis à nu l'instrument, et à toute force, ce serait mettre une tension dangereuse sur les cordes vocales. [Vous remarquez néanmoins que le grave est beaucoup moins couvert, en particulier ses [i] très francs et libres.]

Bergonzi le faisait beaucoup, et tellement que ses aigus ont la réputation (un peu exagérée : ce reste rare hors de la fin de sa carrière, les soirs de méforme) d'avoir souvent été un peu bas, et on sent bien de fait l'impression de « plafonnement ». Il privilégiait avant tout le caractère beau et sain des sons (très légèrement mixés, correctement couverts), quitte à paraître court. Mais on ne trouvera jamais une bande où il chantait de façon laide ou périlleuse – même son dernier concert (victime d'un refroidissement), un Otello où les aigus ne passaient pas, est magnifique (simplement certains aigus sortaient un ton trop bas…).

C'est aussi ce qui peut procurer, dans certains studios où il est moins engagé (ceux avec Gardelli chez Philips, pas exemple, où tout le monde paraît anesthésié), une impression de grande placidité, puisque quelle que soit la tension dramatique ou technique du rôle, il ne paraît jamais en danger vocalement.


Techniques baroques ?

[[]]
Salieri, Tarare, air « J'irai, oui, j'oserai ». Howard Crook dans le DVD Malgoire.

Ténor emblématique de l'explosion de l'intérêt pour des voix différentes dans le répertoire ancien, Atys pour Christie, Renaud pour Herreweghe, Évangeliste pour Koopman, soliste auquel Herreweghe confie (alors que ce devrait être la voix de taille) l'extraordinaire Introït de l'enregistrement qui popularise de Requiem de Gilles… Aujourd'hui professeur manifestement très performant (à en juger parle niveau de préparation des élèves qui en sont issus) au CRR de Paris. Pourtant, il mixe et il couvre. Oui, autre idée reçue : si, on peut chanter du baroque en couvrant, ça arrive même fréquemment !

Vous l'entendez ici : « et [= eué] si je succômbe », « a bien mérité qu'on l'en prive [= preuïve] ».

Et cela alors qu'il est improbable que les chanteurs baroques, du moins jusqu'au milieu du XVIIe siècle, aient recouru à la voix mixte (sans doute des voix beaucoup plus « naturelles »), il n'est pas rare que les chanteurs qui y exercent y recourent. [Ici néanmoins, considérant l'extension progressive des tessitures et le caractère public des représentations dans des théâtres qui commencent à être vastes, au XVIIIe siècle puis au fil de l'ère classique comme pour Tarare, ce n'est pas tout à fait absurde.]
Plusieurs raisons à cela :
→ La formation initiale des chanteurs lyriques est standard quel que soit le répertoire ; il y a eu quelques cas au début du renouveau baroque, où de jeunes chanteurs débutaient dans la classe de Christie, mais ce n'ont jamais été que des exceptions, qui n'existent plus guère aujourd'hui – il reste les cas de transition immédiate de la maîtrise de garçons vers des formateurs baroques, comme pour Cyril Auvity, mais ce reste là aussi rare. La plupart du temps, les premiers professeurs préparent les étudiants à une technique standard italienne / belcantiste. Et leur demandent donc une étendue vocale longue, cherchent à favoriser la projection sonore, et s'aident pour tout cela de notions de couverture vocale.
→ Dans ce cadre, les techniques mixtes sont un bon moyen de recruter des chanteurs qui auront une couleur adaptée, douce dans les aigus… Ils auront aussi une aisance dans le haut du spectre qui est utile pour les parties de haute-contre – dont les rôles, contrairement à une idée reçue, sont très médium dans les opéras chez LULLY et ses immédiats successeurs –, dans la musique sacrée française.
On ne peut pas être certain de ce qu'étaient réellement les techniques employées (et ce différait sans doute selon les répertoires et les pays, a fortiori à des époques où les échanges n'étaient pas aussi immédiats qu'aujourd'hui, entre les avions et les enregistrements !), mais elles étaient très vraisemblablement plus franches que ces belles voix rondes conçues pour chanter les rôles légers / aigus du premier XIXe – John Aler, typiquement !


Voix graves ?

J'ai pris l'exemple des ténors, parce qu'il est le plus audible et le plus spectaculaire : contrairement aux voix de femme qui ont une étendue naturelle en voix de tête, contrairement aux barytons et basse qui n'ont qu'une petite partie de leur voix au-dessus du passage (l'endroit où le mode d'émission doit changer pour atteindre les aigus), le ténor a un tiers de sa tessiture à construire au delà de la zone de confort qui correspond, disons, à la voix « parlée » (c'est un peu plus subtil que ça, mais ça pose bien les choses). De surcroît, les compositeurs du XIXe et du XXe exploitent assez à fond leurs limites, et aiment faire entendre les tensions jusqu'au bout de la voix, si bien que les exemples qu'on peut trouver rendent vite très audibles les procédés (il faut soutenir vigoureusement au niveau du diaphragme et couvrir beaucoup ses voyelles).

Il y aura peu de dames dans mes extraits parce que leur prononciation est souvent lâche dans les aigus (pour plusieurs autres paramètres techniques et / ou physiologiques), et permet moins bien de saisir le phénomène. (Par ailleurs, ne l'étant pas moi-même, j'ai plus de difficulté à appréhender le détail de certains mécanismes.)

Néanmoins, la couverture existe chez toutes les autres tessitures lyriques. Et certains, comme Jean-Philippe Courtis, mixent aussi (ce qui est beaucoup plus rare).

[[]]
Verdi, Don Carlos, final d'une des éditions italiennes. Jean-Philippe Courtis en Moine-Empereur.

Il duolo della terra nel chiostro ancor ci segue
Solo del cor la guerra in ciel si calmerà.

Les douleurs du monde nous suivent encore au cloître ;
La guerre dans ton cœur ne se calmera qu'au ciel.

La rondeur est due à la voix mixte, mais là encore, vous percevez comme toutes les voyelles semblent fabriquées au même endroit. On l'entend nettement sur les aigus : « la guerra » et « in ciel » semblent tirer sur le [eu], ne plus être les voyelles pures qu'on ferait en parlant, mais quelque chose d'accommodé, de plus construit, comme un petit logement plus spacieux dans lequel on accueillerait les voyelles les plus étroites.


2.2.2.3. Sombre

Bien sûr, pour les rôles plus lourds et les voix les plus sombres, on trouvera très peu (pas ?) de voix qui ne soient solidement couvertes. Souvent, ces chanteurs, à cause des dangers de leurs rôles ou de la nature déjà épaisse de leur voix, couvrent sur toute l'étendue, même dans les parties basses de la voix où ce n'est pas indispensable (cf. §2.2.1 « étendue de la couverture »).

[[]]
Massenet, Werther, Georges Thill.

Georges Thill racontait la jolie histoire (fictive ?) de son retrait de la scène, ayant demandé son avis à un machiniste « vous étiez devenu plus baryton que baryton, mais aujourd'hui, vous avez vraiment chanté comme un ténor ». S'estimant comblé et digne de ses aspirations, il aurait choisi ce moment pour terminer sa carrière.

Très frappant ici sur les [a] qui deviennent des [ô] : « ah ! », « s'envola », « temps » (presque [ton]), « printemps », « souvenant ». Le [eu] de « deuil » est assez fermé par rapport à ce qu'il est en français parlé.  Le reste de l'air est assez libre tout de même, avec une clarté que Thill n'a pas eu toute sa carrière, et une facilité verbale qui ne l'a jamais quitté – cette impression qu'il vous parle sans effort, tout en chantant ces tessitures impossibles.

[[]]
Bizet, Carmen, Georges Thill.

Ici, on entend plutôt les voyelles qui se ferment, [eu] : « jetée », « fleur » [fleûr] surtout, ou bien [on] comme dans « prison » [prisôn].


[[]]
Gounod, Roméo et Juliette, Plácido Domingo.

Plus difficile de faire la part des choses chez Plácido Domingo avec ses difficultés proprement linguistiques, mais on entend tout de même le [ou] du premier « amour » (voyelle qui serre trop la gorge), et surtout le [è] dans « être » qui devient largement un [eu] (façon de se protéger des voyelles trop ouvertes).

Et puis on entend globalement la même couleur sur toute la voix, les différences étant plus dues à des difficultés de prononciation. Autre effet de la couverture, qui lisse beaucoup les timbres.


[[]]
Verdi, Otello, Vladimir Galouzine (Galuzin / Галузин) – Florence 2003 avec Zubin Mehta.

Allons jusqu'à la caricature avec Vladimir Galouzine qui, en laissant sa spécialisation russe (où il était éclatant mais beaucoup moins épais et barytonnant), a très vite glissé vers une voix très étrange, aux fondations rugueuses très audibles, au timbre voilé, qui ne lui interdisait nullement le volume sonore, l'endurance et l'accès aux aigus. Ici, au demeurant, je crois que ce sont des aigus parmi les plus faciles que j'aie jamais entendus dans cette partie très haut placée pour un ténor dramatique !

Galouzine couvre à la russe, c'est-à-dire en mélangeant une certaine quantité de [eu] à toutes ses voyelles. Ses [a] ne tirent pas tant sur le [o] que dans la méthode italienne – c'est flagrant sur « sepolto in mar » [meuâr]. Je crois aussi qu'il a un très bon naturel et une grande intuition, et qu'ici, tous les sons sont un peu relâchés pour faciliter au maximum l'ouverture de la gorge (et sur la vidéo qui existe, la mâchoire s'ouvre très, très largement) :  « del ciel è gloria » [dal ciel ô glôriô] tire sur le [a], le [ô], tout ce qui peut arrondir. Si bien qu'il n'y a pas vraiment de substitutions vocaliques sur les aigus finaux, simplement la conservation du même placement général.


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Wagner, Die Walküre, fin du I, Eva Maria Westbroek, Jonas Kaufmann, Orchestre du Met, Fabio Luisi.

Afin de ne pas laisser mes statistique s'empâter dans la torpeur d'août, pouvais-je ne pas inclure Jonas Kaufmann dont la célébrité et les suffrages d'abord unanimes ont laissé place à un débat-amusette dépourvu de sens sur sa transformation potentielle en baryton. (Question absurde : il chante les rôles de ténor, et sans difficulté notable, donc il est ténor. Que le timbre plaise ou pas est une autre affaire, mais on est loin du cas limite Ramón Vinay, qui a toujours sonné très tendu en ténor et très aisé en baryton, tout en s'illustrant exceptionnellement dans les deux. Ou même, côté timbre, de Nicola Martinucci !)

Le cas est de plus intéressant pour notre sujet : un des charmes de Kaufmann tient justement dans l'impression de tension permanente de la voix (comme Domingo) assortie d'une très jolie patine, qu'on obtient notamment par une couverture uniforme de la tessiture – Kaufmann couvre toujours ses médiums et ses graves.

Comme l'allemand est probablement moins facile à suivre que l'italien (aux voyelles peu nombreuses et plus ouvertes), je sous-découpe l'extrait :

[[]]

« Wälse » [vèlse] est attaqué par une protection en [eu] (un peu ratée, on l'entend qui glisse pas très joliment), procédure standard.

[[]] [[]]

Pareil pour les [a] : « ich halte » est quand même très sombre, et « siehst du, Weib » [zist dou faïp] tire clairement sur le [ô] (quoiqu'on entende très bien qu'il s'agit d'un vrai [a]).

Plus net encore pour «  ich fass' es nun » (lorsqu'il s'empare de la poignée de l'épée) :

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Vous notez aussi comment « nun », pourtant en bas de la tessiture, est accommodé de [ou] en [ô], pour conserver les conduits bien libérés et éviter le resserrement, même dans les parties sans danger. Cela évite de dérégler l'instrument, et avec des voix lourdes et des rôles difficiles, ce peut être salutaire – témoin ce qui arrive en peu d'années aux chanteurs qui osent Tristan et Siegfried (ou Isolde et Brünnhilde).

[[]] [[]]

Enfin, un cas particulier, les [i] de Kaufmann. C'est plutôt une caractéristique (voire un manque) technique qu'une application stricte des principes de couverture : le placement de ses [i] ne lui permet pas de les emmener jusque dans l'aigu. Aussi (c'est encore plus flagrant en italien, en particulier dans Radamès où les [i] très exposés sont nombreux), il les tire vers le [è] faute de mieux (ce qui tend à les détimbrer) ou, lorsque c'est possible comme dans le second exemple, les prépare en [eu]. Mais ses [i] ne sont jamais purs, une petite faiblesse technique si vous y prêtez garde.

Le [i] est un bon étalon des techniques en général : un [i] franc qui monte bien jusqu'en haut sans être modifié est souvent le signe d'une voix efficacement placée, à la fois facile et sonore. Bien sûr, il n'y a pas de garantie absolue – Alagna, avec une voix pourtant plus légère, a toujours eu des [i] parfaits et a toujours rencontré plus de difficulté à timbrer ses aigus que Kaufmann.

Il faut être conscient que le [i], que l'on croit unique, n'est pas le même entre la France, l'Italie, l'Allemagne et la Russie, chacun a son placement propre, et bien pas évident en voix parlée, ce peut tout changer dans les horlogeries délicates de l'émission lyrique.


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Verdi, Don Carlos, Renato Bruson, Scala, Abbado (1978, pour la fameuse captation vidéo entravée par Karajan).

Finissons avec des barytons. Renato Bruson, qu'on peut trouver assez uniforme et gris depuis les années 90 (où tout paraît teinté d'une certaine dose de [eu] blanchâtre, et manque un peu d'éclat, en tout cas en retransmission), dispose tout de même d'une technique initiale assez stupéfiante.

Per me giunto è il dì supremo,
No, mai più ci rivedrem ;
Ci congiunga Iddio nel ciel,
Ei che premia i suoi fedel.
Sul tuo ciglio, il pianto io miro,
Lagrimar così, perchè ?
No, fa cor, l’estremo spiro
Lieto è a chi morrà per te.

On entend nettement que les « e » [é] et [è] se centralisent, s'arrondissent, se labialisent en [eu], mais en réalité, tous les sons sont émis du même endroit, et cela lui permet ce legato infini (très utile dans cet arioso), comme si, malgré les voyelles et les hauteurs différentes, le son coulait à jet continu de la même source. Ici, on entend très bien le rôle unificateur de la couverture.

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À l'inverse, autre grand titulaire, Peter Mattei privilégie le mot sur la ligne, et on perçoit très bien comment les voyelles se distinguent les unes des autres. En revanche le souffle est plus court, et l'impression de cantilène infinie disparaît.

L'idéal, pour moi, se trouve probablement dans des réalisations intermédiaires, comme ici Juan Pons dans ses meilleures années (on a de lui l'image rugueuse de ses réalisations plus tardives dans le vérisme), d'un moelleux extraordinaire (une pointe infime de mixage peut-être), d'une grande unité de couleur vocale, mais où les voyelles restent très nettement individualisées :

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Verdi, Il Trovatore, entrée du comte de Luna. Boncompagni dirige Troitskaya, Obraztsova, Carreras et Pons, tous à leur faîte.
Une des versions les plus électrisantes (hors les premières bandes de Mehta au Met et à Tel Aviv, je ne vois pas ce qui peut rivaliser avec ça).




couverture Freni
Couvrez, c'est bon pour la santé.



Quelques précisions

    Vous aurez noté que je me limite essentiellement au français et à l'italien. Les raisons en sont évidentes, mais autant les préciser : on entend mieux le phénomène sur les langues qu'on maîtrise le mieux (français) ou qui ont des voyelles simples et en nombre limité (italien, encore que, pour avoir l'exacte aperture…). Je me serais bien évidemment réjoui de l'explorer avec vous sur le letton ou le croate, mais outre que la matière aurait été moins profusive, les chanteurs moins célèbres (c'est aussi le plaisir, décrypter ce que font ces gens qui nous sont familiers), je craindrais de perdre l'objectif pédagogique en cours de route.
    Et puis, si j'ai quelques notions superficielles de croate, je ne maîtrise pas le letton…

    De même, vous aurez peut-être ressenti avec frustration le peu de Wagner, alors même qu'il existe des bandes en français ou en italien. Cela tient largement à l'écriture wagnérienne (c'est sa faute à lui, pas à moi) : les phrasés sont souvent assez hachés, ce qui ne permet pas d'entendre aussi bien les phénomènes que dans une ligne italienne continue et conjointe toute simple. Par ailleurs, les voix éprouvées par Wagner se dérèglent vite, si bien que je pourrais présenter peu de chanteurs wagnériens un tant soit peu célèbres qui ne présentent pas des biais techniques déjà considérables.
    Pour la même raison, difficile de se servir de Pelléas, qui manque singulièrement de notes tenues, tout simplement. Mais on pourrait faire des essais avec la fin de l'acte IV, nous verrons pour la suite, je n'ai pas encore prévu tous les extraits.
    Verdi et Gounod me paraissent quand même très indiqués pour l'exercice.

    La couverture existe aussi dans la langue parlée. En passant dans un quartier populaire d'une ville populaire d'Île-de-France, j'entendis ainsi une mère de famille aux poumons athlétiques appeler son fils depuis la Tour : « Mamado ! ». Spontanément, pour protéger sa voix en criant, et pouvoir tenir son son, elle avait accommodé le [ou] en [o]. Hé oui, CSS se nourrit de fines investigations anthopologiques de terrain et vous ouvre les yeux sur le complexe mécanisme de l'Univers. De rien.


Plus tard

Dans le prochain épisode, nous entrerons dans les finesses de la question du degré de couverture, avec l'aperture plus ou moins grande des voyelles au sein d'une voix couverte, de Carreras à Gigli.

Ensuite, il nous restera à évoquer les types de voyelles de repli (mais si vous avez suivi, il serait assez facile de les deviner sans mon concours), l'incidence de l'âge, et bien sûr le Graal : l'aperto-coperto, très facile à comprendre et remarquer une fois qu'on a l'habitude du mécanisme de la couverture. Cela devrait vous permettre d'aaexpliquer pourquoi certains chanteurs attaquent leur note en deux temps ou par en-dessous.

J'espère aussi avoir le temps d'évoquer la question du développement historique de cette technique (certes évoqué par touches dans les notules déjà publiées) et de sa délicate application pédagogique.

Pour une prochaine livraison, donc !

dimanche 6 novembre 2016

De l'usage raisonné du Don Giovanni de Currentzis


Comme tout le monde, depuis vendredi, il n'existe qu'une seule chose dans ma vie : le Don Giovanni de Currentzis.
Bien, en réalité je l'ai écouté hier entre 23h et 2h en passant l'aspirateur – c'est un peu moins long, mais ça change de Parsifal –, ne le répétez pas.

L'occasion de poser quelques questions plus générales sur les motivations à faire et écouter quelque chose de différent.

Et quoi de plus naturel que d'accompagner votre lecture d'une écoute gratuite et légale de l'enregistrement ?



1. Histoire de promo

J'ai beau concevoir CSS comme un lieu non soumis à l'actualité, il faut bien admettre que, depuis que les nouveaux enregistrements sont immédiatement disponibles en flux, il est difficile de ne pas mettre son nez dans les nouvelles parutions un peu originales.

Et Currentzis, que je n'aime pas particulièrement (son Requiem de Mozart dégraissé et méchant est ma référence personnelle, mais pour le reste, j'aime bien en général, sans être hystérique du tout), a bénéficié d'une large couverture (dont il n'a guère besoin !) dans Carnets sur sol :

Dido and Æneas de Purcell (pas du tout aimé), au fil de la discographie (& vidéographie) exhaustive consacrée à l'œuvre.
Jolis extraits de Rameau avec une simili-Kermes.
Le Nozze di Figaro, très convaincantes à défaut de se départir de leur aspect très studio.
Così fan tutte mortifère, où le seul plaisir de jouer avec un orchestre ne se hisse pas vraiment à la hauteur des enjeux de l'œuvre.
♣ Un Sacre du Printemps très différent et distancié ; là aussi, de la musique pure, ce qui fonctionne très bien – mais on peut se demander le sens qu'il y a à jouer le Sacre sans violence ni paroxysmes ?

Et cette fois, c'est la clôture attendue d'un cycle Da Ponte très surveillé (entre les Noces largement portées au pinacle – quelquefois détestées – et le Così unanimement censuré…), avec son titre le plus populaire, aussi celui où il y a le plus de facéties à commettre…

Pour couronner le tout, on dispose d'une petite histoire à raconter. La distribution initiale était la suivante :

Donna Anna : Simone Kermes
Donna Elvira : Natasha Marsh
Zerlina : Jaël Azzaretti
Don Ottavio : Sean Mathey
Don Giovanni : Simone Alberghini
Leporello : Nathan Berg
Masetto : Darcy Blaker
Il Commendatore : Michael George

… et que voit-on au dos du coffret :

Donna Anna : Myrtò Papatanasiu
Donna Elvira : Karina Gauvin
Zerlina : Christina Gansch
Don Ottavio : Kenneth Tarver
Don Giovanni : Dimitris Tiliakos
Leporello : Vito Priante
Masetto : Guido Loconsolo
Il Commendatore : Mika Kares

Pas forcément une déception, d'ailleurs : Papatanasiu est remarquablement compétente dans Mozart (et plus incarnée que Kermes), Gauvin a amplement fait ses preuves ici, Tarver est minuscule en salle mais parfait avec les micros (moins fouillé mais plus équilibré que Mathey), Kares tellement plus large et profond que George, Priante un italien bon diseur à la place de l'engorgement épais de Berg… Même la disparition d'un italien en Don Giovanni n'est qu'une déception modérée, dans la mesure où Dimitris Tiliakos dispose de la fermeté et du verbe requis ; il n'y aurait que Jaël Azzaretti qui soit, réellement, irremplaçable.
    En tout cas, le profil général est beaucoup moins atypique dans cette nouvelle distribution.

Mais pourquoi avoir remplacé toute la distribution.

La réponse officielle ne manque pas de sel. Currentzis lui-même explique qu'il avait commis une première version géniale (dont subsistent des traces de répétitions ou de représentations, le studio intégral a même été gravé), que tout le monde lui disait que c'était son meilleur enregistrement, et que c'était vraiment formidable… mais qu'à la réécoute, il n'y trouvait pas assez d'ombre et de proximité théâtrale entre les chanteurs. Il a donc demandé à tout refaire, malgré le génie de sa première version.

Paraît-il qu'aucun des chanteurs n'était disponible aux nouvelles dates d'enregistrement. Oui, même les méga-stars Natasha Marsh et Darcy Blaker ne pouvaient pas se libérer pour un studio de Don Giovanni avec Currentzis – sans doute trop occupés à chanter Annina et Douphol à Tirana ou à Cagliari.

On peut, de là, faire des suppositions complotistes.
    Problème technique chez Sony honteusement caché ?  Peu probable dans l'absolu, et pas si grave à communiquer. Currentzis n'aurait de toute façon pas accepté de couvrir l'affaire.
    Discrépance artistique qui aurait conduit tout le monde à quitter le navire ?  On peut en douter, vu ce que les artistes endurent déjà en mises en scène… et puis il n'y a pas de triche avec la partition (des ajouts un peu libres, certes, mais pas de réorchestration, d'introduction de nouveaux instruments… ce ne sont pas Falvetti par García-Alarcón ou les Noces de Marthaler avec son nouveau continuiste). Et puis, se couper d'un chef capable de vous faire instantanément exister dans le milieu, Kermes le pourrait, mais les autres ?
    Caprice du chef ?  C'est peu ou prou l'histoire racontée, et elle paraît finalement très crédible considérant son profil. D'autant que la chose permet de faire parler de l'enregistrement, et incitera à acheter la seconde version, paraît-il très différente (sans doute pas tant que ça, mais au moins les chanteurs sont tous nouveaux !). Et c'est peut-être là qu'il faut chercher l'explication : Sony a probablement, à mon sens, imposé de changer totalement les rôles, de façon à pouvoir vendre plus tard la copie. Currentzis laisse entendre que ce sera sûrement le cas : sans doute le prix à payer pour pouvoir ré-enregistrer un enregistrement déjà achevé. Tout le monde y gagne : la maison, le chef, le public.

Bien sûr, je trouve extrêmement sympathique de faire vendre un enregistrement sur le nom d'un chef qui s'interroge sur la partition, plutôt que sur une notoriété de papier (non, certains Da Ponte de Barenboim sont très réussis, ne me surinterprétez pas comme cela, ce n'est pas bien) ou sur des glottes isolées.

Mais un peu moins sympathique quand il s'agit de Currentzis, qui explique qu'il est le seul à faire vraiment de la musique, qu'il est génial tout le temps (sans jamais mentionner ses musiciens, qui sont, eux, réellement phénoménaux), qu'il peut jouer tous les répertoires avec le même degré d'inspiration divine, qu'il n'y a pas de metteur en scène capable de monter Onéguine, qu'il est très subversif en mentionnant l'homosexualité de Tchaïkovski, etc. Un gamin surdoué sans nul doute, mais très mal élevé, et qui se croit sans doute un peu meilleur qu'il n'est. Je ne félicite pas M. & Mme Currentzis.



jean goujon nymphe triton
Jean GOUJON, Teodor dirige l'Introduction de Don Giovanni.
Milieu XVIe siècle.


Crédits :
Toutes les illustrations de cette notule sont tirées de photographies du Fonds Řaděná pour l'Art Puttien, disponibles sous Licence Creative Commons CC BY 3.0 FR.



2. L'exigence de l'excellence

Deux éléments de réputation sont fondés en tout cas : Currentzis fait toujours différent (moins pour Rameau, Mahler et Chostakovitch que pour Purcell et Mozart), et les réalisations techniques de ses musiciens sont toujours d'un niveau exceptionnel.

Cela reste valable dans ce Don Giovanni, et peut-être plus encore qu'ailleurs.

♥ Contrairement à son Così, et même dans une moindre mesure à ses Noces, tout y est extraordinairement tendu, toujours. Même les airs décoratifs ou de caractère, très nombreux dans Don Giovanni, paraissent essentiels ou passent comme un songe, très intégrés.
♥ Les strates de l'orchestre sont toutes audibles (dans les cordes, on entend très bien, sans que cela prenne le pas sur la partie thématique, les lignes de seconds violons et d'altos !), et d'une qualité de finition fabuleuse (la clarinette solo est assez miraculeuse).
♥ Le profil sonore général est assez percussif : clairement du baroqueux comme le faisaient les ensembles à la mode des années 2000 (Matheus, Modo Antiquo, etc.), avec un traitement par accords secs, beaucoup de discontinuité dans le spectre… On a peu joué Don Giovanni comme cela, même Jacobs, et le caractère dramatique de l'ouvrage s'y prête évidemment très bien. À certains endroits, on pourrait croire entendre de la musique contemporaine, tant la rudesse est poussée loin.
♥ Le pianoforte est très présent, pendant les numéros aussi, et improvise beaucoup de petites plaisanteries piquantes, dans le goût de ce que faisait (mieux que personne) Nicolau de Figueiredo pour les Mozart et Rossini de Jacobs. Cela donne de l'intérêt aux récitatifs nus, et surtout renforce le grain orchestral de façon remarquable.



3. Les intentions vs. la musique

Toutefois, les idées géniales ont leurs limites, ou du moins leurs corollaires. Pas tous positifs.

♠ La sècheresse des cordes (certes sublimes et précises comme aucun orchestre orchestre), les accents très puissants des cuivres, les fp brutaux tendent à couvrir le spectre sonore : on est obligé d'attendre la fin de l'intervention cuivrée (toujours courte chez Mozart) pour retrouver son monde. Au lieu d'un regain d'intensité (déjà là), il s'agit presque d'une nuisance qui brouille la limpidité suprême de la pâte orchestrale.
♠ Ce que propose Currentzis est objectivement proche de la caricature qu'on a souvent faite des ensembles baroqueux (excepté la maîtrise suprême… ça ne joue faux que sur commande expresse !) : les contrastes exagérés, la sècheresse (voire l'impavidité), la rapidité uniforme.
♠ Certes, le résultat, comme précisé, est extraordinairement présent et tendu, comme aucun autre (du moins dans ce genre « claquant » – côté noirceur, Mitropoulos reste un absolu assez sérieux) ; mais il faut voir si ces appuis très forts ne sont pas lassants à l'usage. Tout le temps rapide, tout le temps fort, tout le temps énervé, tout le temps brutalement contrasté peuvent finir par rebuter. À la découverte, c'est assez exaltant, mais je doute de vouloir écouter ça souvent.
♠ C'est donc à la fois très neuf, mais aussi un peu tout le temps pareil. Les différences entre les moments de caractère et les grandes scènes dramatiques sont assez ténues : on est déjà à un tel degré de sollicitation qu'on ne peut pas gérer ce type de contraste. Au contraire, Currentzis tend à alléger certains éléments de façon inattendue – ainsi les variations de dynamique dans l'apparition finale du Commandeur, qui empêchent le côté obsédant et menaçant de l'ostinato pointé.

Malgré ses grandes qualités, donc, et le très réel plaisir que j'ai eu à l'écouter, je ne suis pas persuadé que tout cela demande des réécoutes très régulières, en réalité. Dans le genre alternatif, Jacobs propose une variété de climats beaucoup plus vaste, une vision d'ensemble qui nous autorise à visiter plusieurs manières.

L'Ouverture fascine complètement, mais arrivé à la moitié du premier acte, on a l'impression qu'on peut deviner ce qui va être fait ensuite, malgré la fantaisie ambiante.



poussin concert amours viole
Nicolas POUSSIN, Teodor découvre le battuto col legno.
Vers 1626-1627.





4. Quelques détails

L'Ouverture, tellement entendue pourtant, est complètement jubilatoire, déborde d'une joie de faire de la musique et d'une hardiesse qui siéent tellement au sujet !  Il devrait vraiment faire les symphonies, et celles de Haydn… [En réalité il a plutôt prévu une intégrale des symphonies de Beethoven. Où je ne suis pas sûr qu'il puisse apporter tellement de neuf : les baroqueux ont épuisé (avec bonheur) le filon hystérique depuis longtemps, je ne crois pas qu'il reste beaucoup de neuf à dire dans sa veine à lui après Hogwood, Dausgaard et Antonini… En tout cas, probablement pas plus intéressant s'il continue à travailler de la même façon. Et puis Tchaïkovski 6, Mahler 1, et plus tard, horizon 2020, du Bach et Tristan und Isolde.]

Le fameux Menuet du final du I est étrangement survolté (comme le reste), dès le début, et opère de nombreux ajouts (et quelques notes volontairement fausses). C'est un assez bon exemple du principe de cet enregistrement : pourquoi faire ça dès le début, alors que la fête se déroule pour le mieux, et que ce désordre est déjà prévu par Mozart au moment de la tentative de viol ? – le décalage entre la musique d'origine et ce qu'elle devient créant, précisément, l'expression.

Currentzis rend passionnant Metà di voi qua vadano (le second air de don Giovanni) où les multiples bruissements fusent comme jamais ; et il rend écoutable Per queste tue manine, le duo Zerline-Leporello qui n'est pas du très grand Mozart (l'écriture de l'accompagnement par arpèges d'unissons…). D'une manière générale, il rehausse les pages secondaires, tandis que les moments les plus aboutis paraissent un peu noyés dans la constance de sa rage…



5. La pause glottologie

georges lemaire la main chaudeEt alors, comment ça chante ?

Eh bien, Currentzis a bien pris garde à rester la vedette : tous sont vraiment très bons, et peu attirent l'attention individuellement sur leur timbre ou leur expression, tout à fait fondus dans la logique d'ensemble et le peu de propension du chef à s'atarder.

Tous dignes d'éloges, donc, même si Papatanasiu (Donna Anna) pâlit un brin – étrange, parfaite en Fiordiligi – sont-ce des directives de faire du Kermes/Koutcher ?). Tiliakos (don Giovanni), Tarver (don Ottavio), Gauvin (donna Elvira) sont assez parfaits. J'espérais un peu plus de Priante (Leporello), excellant autant que les autres, mais en tant qu'italien rompu au récitatif baroque, j'attendais un supplément de truculence qui n'est pas venu. Kares aurait dû renverser la table, mais il ne sonne pas avec la même majesté au disque qu'en vrai (c'était déjà le cas dans le Vaisseau fantôme de Minkowski), où il est hors de pair – et son italien est un peu terne.

Les villageois sont de superbes découvertes. Christina Gansch n'est pas dénuée d'ampleur, et Guido Loconsolo dispose de tout pour lui : la noirceur et le mordant de la voix, l'expressivité de l'italien. Un de tout plus beaux Masetto de la discographie, qui n'en compte pas tant. Il est promis à de très grands Leporello et don Giovanni (et Guglielmo !).

Pas de vedette voyantes, mais que d'excellents chanteurs, voilà qui me convient très bien.

Légende :
Georges LEMAIRE, La Presse contemplant le dernier disque de Currentzis.
Camée sur sardonyx à trois couches, 1885.




6. Autres fréquentations

À défaut, pour Don Giovanni ce n'est pas le choix qui manque, dans toutes les esthétiques… Ces derniers temps, j'ai un faible pour Gardiner (et je reste un inconditionnel de la version allemande de Fricsay, un théâtre insoutenable). Schröder aussi, contre toute attente, est absolument ébouriffant.
Et puis, bien sûr, il y a de grands classiques pllus équilibrés, Fricsay en italien, Harnoncourt en studio, Abbado avec le COE, Böhm à Covent Garden, Pešek, Marriner, Solti I et II, Rosbaud

Pour ceux qui veulent de l'épaisseur de son, Mitropoulos (à Salzbourg) et Barenboim (version Philharmonique de Berlin) offrent une noirceur et une hauteur de vue remarquables. Pour ceux qui au contraire veulent du méchant crincrin, Jacobs et Harding ont tout ce qu'il faut. Et pour ceux qui aiment la posture distanciée de Currentzis, Kuijken s'impose (très supérieur à Currentzis dans les deux autres volets, plutôt complémentaire dans celui-ci).

Je n'ai pas eu l'occasion de les citer, mais on peut aussi aller voir, pour des propositions encore différentes, du côté de Malgoire, Nézet-Séguin, Halász, Leinsdorf, Mackerras 95, Walter, Busch… tout cela n'est que hautement recommandable !  Et très loin d'un début d'exhaustivité des bonnes versions de Don Giovanni.



7. Point d'étape

Puisqu'il n'a plus prévu de Mozart pour les années à venir (il a annulé L'Enlèvement au Sérail pour éviter de perdre son temps faute de temps), un petit point.

Il s'agit, clairement, du meilleur volet de sa trilogie Da Ponte : les Noces étaient excellentes, mais un rien aseptisées (et pas si neuves, quand on a Kuijken, Jacobs et Nézet-Séguin – tous habités de nécessités plus impérieuses, à mon sens) ; Così ne fonctionnait pas du tout. Ce n'est pas du niveau, intouchable, de son Requiem, mais c'est un très bel enregistrement, très différent, qu'il faut vraiment écouter.

Pour être tout à fait honnête, je ne suis pas persuadé que j'aurais écouté un nouvel enregistrement de Don Giovanni s'il n'avait été aussi bizarre : quand on l'a beaucoup écouté, vu, chanté, accompagné, joué dans divers arrangements, exploré dans diverses langues (arabe inclus…), on aspire à un peu de repos, on a peut-être moins envie de se gaver. La proposition de Currentzis a au moins de quoi remettre au travail les mélomanes blasés. Et interloquer les autres.

Je ne suis pas persuadé que par la suite beaucoup de monde y reviendra, mais c'est une proposition réellement neuve, et différente même de ses autres Mozart.

Au passage, on peut entendre la première distribution dans le chœur final, ici. Je trouve que cette vision, plus fluide et musicale, moins percussive et spectaculaire, convient peut-être mieux à une écoute durable, moins centrée sur le détail et l'éclat, mais il faudrait voir l'aspect du reste, bien sûr.

J'aurais envie de suggérer à Currentzis, s'il veut vraiment faire l'histoire, de prendre un bon Salieri / Martín y Soler / Vranic, et de lui faire suivre le même traitement ?  Joué comme cela, même Il Matrimonio Segreto doit paraître insoutenable d'intensité !
Il serait ainsi non seulement le Phénix des Chefs, mais aussi un Phare pour la Connaissance des Biens Immatériels de l'Humanité – toutes choses qui devaient en appeler à son sens de la juste mesure.

dimanche 4 septembre 2016

Saison 2015-2016 : bilan statistique et subjectif… et putti d'incarnat


Vous l'attendiez, vous n'en pouviez plus. Le voilà.

Juillet a été riche, août fut mort ; il est temps de proposer un petit bilan autour des choses vues.
D'abord, un retour sur les saisons précédentes.


Cette saison, en plus des statistiques, une grande remise de putti d'incarnat. les putti d'incarnat

Comme c'est devenu la tradition, le putto d'incarnat récompense une réalisation exceptionnelle dans le domaine des arts. Seule la rédaction de Carnets sur sol, réunie en collège extraordinaire, est habilitée à le décerner, ce qui garantit son attribution, complètement indépendante, aux meilleurs artistes de notre temps.

Hautement respecté, il se matérialise par un putto de van Dyck (ou Lagrenée, selon les années), remis directement au lauréat sous forme d'un carré de pixels.

C'est aussi et surtout l'occasion de mettre en valeur certains concerts ou certains interprètes qui sont restés un peu négligés par la presse ou l'exposition publique – mais ce paramètre n'entre pas en considération dans l'attribution des récompenses.

(Le jury tient à souligner que ne sont nommés qu'un petit nombre parmi  les plus marquants, les autres étant loin de faire figure tocards pour autant…)




1. Liste des spectacles vus

Concerts, opéras, théâtre… En voici la liste, dans l'ordre de la saison. Beaucoup ont été commentés, et quelques-uns ont servi de présentation à une œuvre, un genre, une problématique transversale… les liens sont indiqués entre crochets et s'ouvrent dans une nouvelle fenêtre.

Hors décompte : août 2015. N'ayant jusqu'ici jamais fait de concert en août, je ne les décompte pas dans la saison pour ne pas fausser les statistiques.

a) Parc Floral – polyphonies et chansons – Voces8 [notule]
b) Parc Floral – Brahms, Premier Trio avec piano – Fouchenneret, Julien-Laferrière, H. Cartier-Bresson [notule]
c) Parc Floral – Gossec, Symphonie – Orchestre de Chambre Pelléas [notule]
d) Parc Floral – Beethoven, Concertos pour piano 3 & 5 – Orchestre de Chambre de Paris, F.-F. Guy

Puis, de septembre à début juillet :

1. Philharmonie (PP) – Sibelius, Symphonie n°5 – Orchestre de Paris, Paavo Järvi [notule]
2. Théâtre des Champs-Élysées (TCE) – Weber, Der Freischütz – Gens, Schukoff, Speer, NDR Hambourg, Hengelbrock
3. Maison de la Radio (MR) – Dutilleux, The Shadows of Time / Poulenc, Litanies – Maîtrise de RF, Philharmonique de RF, Mikko Franck
4. Studio 105 – Waed Bouhassoun dans ses propres compositions
5. 38 Riv' – Santiago de Murcia pour harpe et guitare
6. Cité de la Musique (CiMu) – Meisel, Berlin, Die Sinfonie der Großstadt en réduction – Philharmonique de Strasbourg, Strobel [notule]
7. TCE – R. Strauss, Ariadne auf Naxos – Amber Wagner, Kaufmann, Opéra d'État de Bavière, K. Petrenko [notule]
8. Gaveau – Monteverdi, L'Orfeo – van Elsacker, Lefilliâtre, van Achten, La Fenice, Tubéry [notule]
9. PP – Stravinski et Bartók, L'Oiseau de feu et Le Mandarin merveilleux complets – London Symphony, Gergiev [notule]
10. 38 Riv' – Visée et Dollé pour théorbe et gambe – Thibaut Roussel, Robin Pharo [notule]
11. PP – Mahler, Symphonie n°3 – Jennifer Johnson, Orchestre de Cleveland, Welser-Möst [notule]
12. Ménilmontant – Ibsen, John Gabriel Borkman – Compagnie du Tourtour, Claudine Gabay [notule-bilan sur le patrimoine et les lignes de force d'Ibsen]
13. Bastille – Schönberg, Moses und Aron – Castellucci, Graham-Hall, Mayer, Castellucci, Ph. Jordan [notule 1] [notule 2]
14. PP – Saint-Saëns, Symphonie n°3 – Gabetta, Orchestre de Paris, P. Järvi [notule] [l'orgue]
15. Studio 104 – Walton, Symphonie n°1 – D. Pascal, Orchestre Colonne, Petitgirard [notule]
16. TCE – Britten, Sérénade pour ténor, cor et cordes – Staples, Orchestre de Chambre de Paris (OCP), Boyd [notule]
17. Saint-Gervais – Motets de Charpentier – Ensemble Marguerite Louise, Gaétan Jarry
18. MR – Tchaïkovski, Symphonie n°1 – Ehnes, Orchestre National de France (ONF), Gardner [notule]
19. PP – Mahler, Symphonie n°5 – Argerich, Orchestre du Festival de Lucerne, Nelsons [notule]
20. CiMu – Bach, Motets et Cantates – Ensemble Pygmalion, Pichon
21. Cortot – Cœur : Guédron, Le Roy & friends – Lefilliâtre, Le Levreur, Goubioud, Mauillon, Le Poème Harmonique, Dumestre [notule]
22. CNSM, salle d'orgue – Telemann, Saint-Saëns, G. Jacob… Hommage à Colette Lequien
23. PP – Clyne, création ; Tchaïkovski, Symphonie n°2 – Bavouzet, Orchestre National d'Île-de-France (dit ONDIF), Mazzola [notule]
24. Invalides, Grand Salon – LULLY, airs d'Atys, Armide ; Charpentier, Stances du Cid – Madelin, Croux, Benos, Hyon… CNSM, Haïm
25. PP – Dvořák, Symphonie n°7 – Orchestre de Paris, Dohnányi
26. PP – Nono, Prometeo – SWR Freiburg Baden-Baden, Matilda Hofman, Metzmacher [notule, expérience]
27. Bastille – Berlioz [notule], La Damnation de Faust – Hermanis, Koch, Kaufmann, Terfel, Ph. Jordan [notule et huées]
28. PP – LULLY, Armide – M.-A. Henry, Wanroij, Chappuis, Auvity, Mauillon, Les Talens Lyriques, Rousset [notule]
29. Cité des Arts – Hahn, Koechlin, Ravel, Emmanuel pour violon et piano – Moraly, R. David [notule]
30. CNSM, salle d'orgue – Fauré, Vierne, Hakim pour orgue – Kumi Choi [notule]
31. PP – Magnificat de Bach, Psaume et Cantate de Mendelssohn – Orchestre de Paris, Hengelbrock [notule]
32. Vieux-Colombier – Goldoni, I Rusteghi – comédiens-français [notule]
33. CNSM, salon Vinteuil – Marx, pièces pour quatuor avec piano – étudiants du CNSM [notule]
34. MR – Scherzo de Suk, Concerto pour violoncelle n°1 révisé et Symphonie n°6 de Martinů – J. Moser, Philharmonique de Radio-France (OPRF), Hrůša [notule]
35. MR – Haydn 103, Mozart concerto 23, Schubert n°5 – OPRF, Norrington [notule]
36. MR – Tchaïkovski, Symphonie n°5 – ONF, Gatti [notule]
37. MR  – Dutilleux, Symphonie n°2, Métaboles… – OPRF, Kwamé Ryan [notule]
38. TCE – Garayev, Thilloy, Debussy (Nocturnes), Poulenc (Les Biches) – Orchestre Lamoureux, Antoine Marguier [notule]
39. PP – Hommage à Boulez – Damiens, Ensemble Intercontemporain, Orchestre de Paris, P. Järvi… [notule]
40. PP – Bruckner, Symphonie n°5 – Orchestre de Paris, P. Järvi [notule]
41. Billettes – Airs de cour baroques espagnols – Kusa, Egüez [notule]
42. Opéra Royal – Godard, Dante – Gens, Montvidas, Radio de Munich, Schirmer [notule, présentation de l'œuvre]
43. PP – Bartók, Le Prince de bois – Orchestre de Paris, Zinman
44. PP – audition d'orgue : Bach, transcriptions, Widor 6… – Foccroulle, Lefebvre, Latry, Marshall
45. CNSM, salle Fleuret – Beethoven, Ouverture pour Coriolan – étudiants membres du BDE (Bureau des Étudiants)
46. TCE – Haendel, Rinaldo – Lezhneva, Gauvin, Fagioli, Wey, A. Wolf, Il Pomo d'Oro, Montanari [notule plus générale sur les erreurs de falsettistes et de diapasons]
47. PP – Verdi, Requiem – Grimaldi, Lemieux, Pirgu, Pertusi, Orchestre de Paris, Noseda
48. PP – Mendelssohn, symphonies 2 & 3 – RIAS Kammerchor, Chamber Orchestra of Europe, Nézet-Séguin [notule]
49. PP – Mendelssohn, symphonies 1, 4 & 5 – Chamber Orchestra of Europe (COE), Nézet-Séguin [notule]
50. Sainte-Élisabeth – Charpentier, motets pour le Port-Royal – Achille, Boudet, Le Vaisseau d'Or, Robidoux [notule]
51. PP – Sibelius, Symphonie n°3 – Orchestre de Paris, P. Järvi [notule]
52. PP – Bruckner, Symphonie n°9 – OPRF, Inbal [notule]
53. MR – Soir de Fête de Chausson, Printemps de Debussy, Les Animaux modèles de Poulenc – Latry, ONF, Gabel [notule]
54. MR – Lalo-Coquard, La Jacquerie – OPRF, Davin [notule]
55. Studio 104 – Musique de chambre de Castillon, Saint-Saëns et Fauré – membres de l'ONF, Girod [notule]
56. Théâtre de la Porte Saint-Martin – Massenet, Don César de Bazan – Revault d'Allonnes, Dumora, Sarragosse, Les Frivolités Parisiennes
57. TCE – airs et duos de LULLY, Charpentier, Rameau, Leclair – von Otter, Naouri, Le Concert d'Astrée, Haïm [notule]
58. Châtelet – Sondheim, Passion – Ardant, E. Spyres, Dessay, K. McLaren, R. Silverman, Thantrey, A. Einhorn [notule]
59. CiMu – Bource, The Artist – Hazanavicius, Brussels Philharmonic, Ernst Van Tiel [notule]
60. CiMu – Symphonie en ut de Bizet, Concerto pour hautbois de R. Strauss – Leleux, COE, Pappano [notule]
61. CNSM, salle Fleuret – Récital-spectacle Kosma – Vittoz, H. Deschamps, Fanyo, A. Bertrand, Woh, Worms… [notule]
62. Musée d'Orsay – Pillois, et mélodies orientales de Saint-Saëns, Caplet, Delage, Stravinski… – Brahim-Djelloul, Garde Républicaine [notule]
63. Hôtel de Soubise – Schubert 13, Ravel, BoutryQuatuor Akilone [notule du concert]
64. Bastille – Wagner, Die Meistersinger – Herheim, Kleiter, Keitel, Spence, Jovanovich, Skovhus, Finley, Groissböck, Ph. Jordan [notule et les bizarres longueurs wagnériennes]
65. CNSM, salle Fleuret – « Notre Falstaff », d'après Nicolai notamment – Cordoliani, (jeunes) étudiants du CNSM, Molénat [notule sur la méthodologie]
66. PP – Sibelius, Symphonie n°4 – Bell, Orchestre de Paris, Paavo Järvi [notule sur la place du soliste]
67. CNSM, salle d'art lyrique – Transcriptions d'opéra pour un ou deux pianos à deux ou quatre mains – Classe d'Erika Guiomar (Lucie Seillet, Rémi Chaulet, Pierre Thibout, Nicolas Chevereau…) [notule]
68. TCE – Persée de LULLY dans la révision de Dauvergne, Bury et Francœur en 1770 – Guilmette, Santon, Kalinine, C. Dubois, Vidal, Christoyannis, Teitgen, Le Concert Spirituel, Niquet [longue notule]
69. CNSM, salle d'art lyrique – Liederabend Zemlinsky par la classe d'Anne Le Bozec – Madelin, Garnier, Feix, Spohn, Bunel, Benos, Boché, Worms, Spampanato… [notule]
70. Lycée d'État Jean Zay, salon de réception – La Création de Haydn en français – Le Palais Royal, Sarcos [notule]
71. Théâtre Trévise – Adam, Le Farfadet – Les Frivolités Parisiennes [notule]
72. Ancien Conservatoire – La Création de Haydn en français – Bello, R. Mathieu, Tachdjian, Le Palais Royal, Sarcos [notule]
73. PP – Grieg, Concerto pour piano ; Dvořák, Symphonie n°8 – Tonhalle de Zürich, Bringuier [notule autour de l'importance de la vue]
74. PP, salle de répétition – Beethoven, Symphonie n°7 pour nonette à vent – souffleurs de l'Orchestre de Paris [notule : éditions et la discographie]
75. 38 Riv' – Quatuors de Haensel, Auber et I. Pleyel – Quatuor Pleyel [notule sur les œuvres]
76. Palais Garnier – Ballets de Paulli, Sauguet et Damase – École de Danse de l'Opéra, Orchestre des Lauréats du CNSM
77. MR – Schumann, Symphonie n°3 – OPRF, Norrington
78. Église de Joinville-le-Pont – Autour d'Ariane : Haendel, Vivaldi, Marcello, Marais, Mouret, Benda – Lohmuller, Ensemble Zaïs, B. Babel [notule sur les œuvres]
79. Bastille – Rigoletto de Verdi – Guth, Peretyatko, Kasarova, Fabiano, Kelsey, Siwek, Luisotti [notule]
80. MR – Beethoven, Symphonie n°2 – OPRF, Koopman
81. MR, studio 104 – Franck, chœurs ; Aboulker, Boule de Suif – Maîtrise de Radio-France
82. CiMu – Airs de Charpentier & co – Petibon, Amarillis, Cochard, H. Gaillard
83. TCE – Wagner, Tristan und Isolde – Audi, Nicholls, Breedt, Kerl, Polegato, Humes, ONF, Gatti [notule]
84. Notre-Dame-de-Paris – Credo de MacMillan, Requiem de Fauré – Maîtrise de NDP, OCP, J. Nelson
85. CRR – Campra, L'Europe Galante – Étudiants en musique ancienne du CRR
86. CRR – Mélodies orchestrales de Marx, Concerto pour violoncelle de J. Williams – Orchestre des étudiants du CRR
87. PP – Concerto pour violoncelle n°2 de Dvořák, Symphonie Fantastique de Berlioz – G. Capuçon, Capitole de Toulouse, Sokhiev
88. Bastille – R. Strauss, Der Rosenkavalier – Wernicke, E. Morley, Kaune, Houtzeel, Demuro, Gantner, P. Rose, Ph. Jordan
89. TCE – Spontini, Olympie (version originale) – Gauvin, K. Aldrich, M. Vidal, Le Cercle de l'Harmonie, Rhorer
90. Cinéma Le Balzac – Busatto, The Black Pirate (sur le film d'A. Parker écrit par Fairbanks) – Busatto himself [notules]
91. Notre-Dame-des-Blancs-Manteaux – Puccini, La Bohème – Galvez-Vallejo, Ut Cinquième
92. CNSM, salle d'art lyrique – Récital de fin d'études de Master 2pas du tout aimé, garde le nom secret pour ne pas nuire à la chanteuse [notule]
93. Palais Garnier – Reimann, Lear – Bieito, Dasch, Merbeth, Alisch, A. Conrad, Skovhus, Luisi [notule]
94. PP – Mahler, Symphonie n°3 – DeYoung, Orchestre de Paris, P. Järvi [notule]
95. Palais Garnier – Adam & tripatouilleurs, Le Corsaire – Petipa-Sergueyev-A.M.Holmes, Rojo, Hernández, Corrales, Saruhashi, Orchestre Colonne [longue notule]
96. CiMu – Cantates de Liszt et Gounod (sainte Cécile et saint François) – Deshayes, Barbeyrac, Sempey, OCP, Équilbey
97. Hôtel des Menus-Plaisirs – extraits d'Alcide de Marais & Louis Lully – chantres du CMBV, membres des CRR de Versailles et Cergy, van Rhijn
98. Cour de Guise (à Soubise) – Spanisches Liederspiel de Schumann, Neue Liebeslieder Waltzes de Brahms – Perbost, Zaïcik, P. García, Raschke, Ambroselli Brault, Williencourt
99. Cour de Guise – Quatuors avec piano, n°1 de Fauré et n°3 de Brahms – Trio Karénine, Sarah Chenaf
100. Cité Internationale des Arts – Programme Georges Migot (violon-piano, poèmes) – Couic Le Chevalier, Hosoya [lien]
101. Cour de Guise – Quatuor n°8 de Beethoven, Quintette avec piano de BrahmsAkilone SQ, Williencourt

C'est beaucoup, et pourtant quasiment que des très grandes soirées.





2. Commentaires manquants

Grande résurrection inattendue d'une œuvre crue détruite dans l'incendie de l'Opéra-Comique, finalement partiellement retrouvée et tout à fait reconstruite, Don César de Bazan, composé tôt dans sa carrière (juste après Le Roi de Lahore, son premier) figure parmi les toutes dernières partitions inédites de Massenet pour l'opéra. La plupart de ce qui reste se résume à des œuvres légères de prime jeunesse ou à des œuvres inachevées et souvent perdues (La Coupe du Roi de Thulé sur le livret d'É. Blau et Gallet figure parmi les plus intriguantes). Des œuvres écrites après sa trentième année et non perdues, il n'y a plus guère que Bacchus qui n'ait pas été remonté (il me semble) et qu'Ariane et Panurge qui ne disposent pas d'enregistrement officiel.
        Le résultat s'est révélé remarquable : œuvre d'essence plutôt légère, mais dont la musique n'est nullement triviale, Bazan explore la vie supposée du personnage plaisant de Ruy Blas de Hugo ; la pièce de théâtre initiale (écrite près de 30 ans plus tôt par le futur librettiste de Massenet, en collaboration avec l'ancien directeur du Théâtre des Variétés) est commandée par le créateur du rôle chez Hugo qui voulait conserver son personnage tout en ayant le premier rôle. L'opéra de Massenet qui se fonde sur lui est une sorte de vaudeville (mais au contenu musical très développé et sérieux, comme un opéra comique) qui joue avec la mort (et se laisse quelquefois rattraper), débutant en beuverie, se constellant d'amitiés sincères, culminant avec une évasion, et finissant par faire du frippon le mari le plus soucieux des convenances (assez étonnant comment cet opéra au ton supposément canaille finit par laisser au transgresseur les clefs des convenances les plus bourgeoises), mettant à la porte le roi.
       Plaisant, vif, plein de séductions, et servi par une équipe musicale extraordinaire (en particulier Dumora et Sarragosse, et par-dessus tout l'orchestre des Frivolités Parisiennes, du grand premier choix !), une résurrection méritée dans les murs mêmes où le Don César en version parlée fut créé – Théâtre de la Porte Saint-Martin.

Pas eu le loisir non plus de dire mon émerveillement devant le programme des danseurs de l'École de l'Opéra, et pas seulement à cause de l'enthousiasme et de la qualité des jeunes interprètes, d'une qualité d'expression rarement vue, pour ma part, chez leurs aînés. Trois ballets courts.
        La musique de Paulli est peut-être la pire chose que j'aie entendu… certes, il s'agit d'imiter une école de danse et la muzak qui y sévit, mais même un exercice d'harmonie de première année sonne mieux, on dirait que le but est de produire la plus mauvaise musique possible sans enfreindre aucune règle. À côté, Anna Bolena, c'est déroutant et tendu comme Pierrot Lunaire. Presque physiquement violent.
       En revanche, belle réussite pour Les Forains de Roland Petit, jolie histoire mélancolique sur une musique de Sauguet qui tire adroitement parti de l'univers du cirque, avec beaucoup de couleurs et d'assemblages un peu crus et très variés ; et surtout, surtout, l'éblouissement du Piège de lumière de John Taras, avec une musique lyrique du Damase des grands jours, nullement répétitif ou prévisible, osant des coloris sombres qui lui sont moins familiers, même dans les tourments de L'Héritière ou les trahisons de Colombe. L'argument du ballet est lui-même très inhabituel et assez prenant, pour une fois : des détenus d'un pénitencier s'échappent , et bien sûr de rayonnants épanchements.dans la forêt vierge. Pris par la soif, l'un d'eux voit des papillons s'ébattre autour de lui comme dans un délire. L'occasion de sacrés contrastes visuels et sonores, et une intrication de deux sujets incompatibles très réussie.
      
Entendre le Rosenkavalier en salle a été une expérience extraordinaire : contrairement au disque, l'orchestre domine et la finesse de l'écriture, la récurrence des motifs frappent en pleine figure ; c'est toute la science de Wagner au service d'une expression guillerette, mais pas moins raffinée ni profonde. Une des expériences musicales les plus impressionnantes que j'aie faites, alors même que je ne suis (toujours) pas un gros client de l'œuvre au disque – chez le Strauss « conversationnel », j'aime davantage Intermezzo et surtout Arabella. Mais le Rosenkavalier, malgré son livret pas complètement bien proportionné, justifie sa haute réputation par l'ambition de sa musique, très impressionnante. (Par ailleurs, cette fois-ci, les qualités de détail de Philippe Jordan, audibles à la radio mais pas toujours en salle, étaient complètement perceptibles, ce qui ajoutait à l'impression d'extraordinaire.)

En fin de saison, quelques grands moments d'émotion toute nue, avec de la musique de chambre interprétée avec chaleur (n°99 & 101) : entendre ces œuvres bien structurées s'épanouir dans l'acoustique sobre d'une cour d'hôtel, dans une atmosphère qui n'a pas du tout les pesanteurs de la saison officielle (où, surtout à Paris, le public vient souvent à l'adulation ou à la curée), et par de jeunes musiciens encore émerveillés de toucher à ces chefs-d'œuvre (quoique parfaitement aguerris), c'est la musique brute, au delà de toutes les questions accessoires. Dans certains cas, partition (discrètement) en main, pour profiter de tous les détails. L'impression de revenir à l'essentiel, d'une certaine façon.




3. Statistiques

3a. Statistiques : lieux fréquentés

Septième saison francilienne, et cependant encore un assez respectable taux de renouvellement des salles : 101 soirées, 43 lieux, dont 15 nouveaux. Soit un tiers de lieux inédits (notés en gras).

(Philharmonie 1 & 2 : 30)
Philharmonie : 22
(MR total : 14)
(Conservatoires total : 13)
MR auditorium : 10
TCE : 10
(CNSM total : 9)
(Opéra de Paris total : 8)
CiMu : 7
Opéra Bastille : 5
(Soubise total : 4)
Parc Floral : 4
--
CNSM (salle Fleuret) : 3
CNSM (Salle d'art lyrique) : 3
MR Studio 104 : 3
Palais Garnier : 3
Hôtel de Soubise (cour de Guise) : 3
38Riv' : 3
CNSM, salle d'orgue : 2
CRR Auditorium Landowski : 2
Cité Internationale des Arts : 2
Versailles (Opéra Royal) : 1
Musée d'Orsay : 1
Billettes : 1
Gaveau : 1
Salle Cortot : 1
Invalides (grand salon) : 1
Châtelet : 1
Hôtel de Soubise (salon) : 1
Hôtel des Menus-Plaisirs : 1
Salle des Concerts du Vieux Conservatoire : 1
Salle de répétition 1 de la Philharmonie : 1
CNSM, salon Vinteuil : 1
NDP, côté portail Ouest : 1
Saint-Gervais : 1
Notre-Dame des Bancs Manteaux : 1
Sainte-Élisabeth-du-Temple : 1
Église Saint-Charles de Joinville-le-Pont : 1
MR Studio 105 : 1
Théâtre de la Porte Saint-Martin : 1
Théâtre Trévise : 1
Vieux-Colombier : 1
Théâtre de Ménilmontant : 1
Cinéma Le Balzac : 1
Grand Salon du Lycée d'État Jean Zay : 1

Sans doute liée à la fermeture de théâtres lyrique comme l'Opéra-Comique et l'Athénée (et aussi à la programmation sympa, à l'effet de nouveauté, etc.), claire avance de la Philharmonie, et de Radio-France (gonflé par les places impossibles à revendre, précisons-le…). Présence significative des conversatoires, des Champs-Élysées, contre-performance de Versailles (malgré le très beau programme !), de l'Opéra de Paris, des Billettes (ce sera peut-être pire la saison prochaine vu le programme très italien-XVIIIe), du Musée d'Orsay (toute la bonne came est le midi en semaine, et c'est encore pire pour la saison à venir !).



3b.  Statistiques : genres écoutés

Pour la première fois, il me semble, l'opéra n'est pas en première place, grosse orgie symphonique. Belle proportion de musique de chambre aussi, ça manquait cruellement les années passées.

Symphonique : 36 (dont baroque 2, classique 8, romantique 21, décadent 7, moderne 14, néo- 1, cœur XXe 3, contemporain 9)
Opéra : 21 (dont 8 scéniques, 10 en concert – et les autres ? ; dont 10 en français, 7 en allemand, 4 en italien ; dont premier baroque 1, tragédie lyrique 5, seria 1, opéra comique 1, grand opéra 3, romantique 5, décadent 2, atonal 1, contemporain 1)
Chambre : 18 (dont baroque 3, classique 2, romantique 7, décadent 2, moderne 6,contemporain 3 ; violon-piano 1, violon orgue 1, quatuor piano-cordes 1, quatuor 5, piano 5, nonette à vent 1)
Lied & mélodie : 11 (dont airs espagnols 1, air de cour 2, mélodies françaises 2 ; avec ensemble 1, avec orchestre 4, en quatuor vocal 1)
Musique vocale sacrée : 11 (dont baroque allemand 2, baroque français 2, classique 2, XIXe français 2, XIXe italien 1, XIXe allemand II, XXe 1, XXIe 1)
Orgue : 6 (dont baroque 3, moderne 3, contemporain 1, improvisations 2)
Récital d'opéra : 6 (tragédie lyrique 4, seria 1, diplôme 1)
Improvisations : 5
Ballet : 4 (scénique 2, triple-bill 2, concert 2)
Ciné-concert : 3
Théâtre : 4 (dont Ibsen 1)
Chœurs profanes : 2
Spectacle musical : 4
Traditionnel : 2
Chanson : 2
Piano : 2
Jazz : 1
Pop : 1
Comédie musicale : 1

Vous noterez que les récitals vocaux sont à peu près exclusivement dévoués au lied, à la mélodie et à la tragédie en musique… Prendre en tranches les parties les moins intéressantes des opéras les plus rebattus, bof.

Très peu de théâtre cette année, faute de temps vu la place occupée par les concerts… (et puis un seul Ibsen autre que Dukkehjem) Quelques titres supplémentaires cet été – Marivaux avec chants a cappella à la Comédie Nation, La Poupée sanglante d'après Gaston Leroux à la Huchette, également jubilatoires – mais ils entreront dans la statistique de la saison prochaine.



3c.  Statistiques : époques musicales

traditionnel : 2
XVIe1 : 1
XVIe2 : 3
XVIIe1 : 6
XVIIe2 : 14
XVIIIe1 : 16
XVIIIe2 : 14
XIXe1 : 23
XIXe2 : 47
XXe1 : 35
XXe2 : 18
XXIe : 17

En réalité plus représentatif de l'offre que de choix réels, mais il est certain qu'à la jointure du XIXe et du XXe siècles, les grandes machines orchestrales des symphonies et des opéras ont une réelle plus-value avec l'impact physique de la salle. Ce sont aussi des musiques complexes qui bénéficient d'une écoute attentive et d'un support visuel. Mais clairement, il y aurait plus d'offre en XVIIe, l'écart ne serait pas du tout le même.



3d.  Statistiques : orchestres et ensembles

28 orchestres, dont 13 découvertes en salle, soit près de la moitié (notés en gras). Et beaucoup de grands noms ou de découvertes assez épatantes.

Orchestre de Paris 11 (+ membres 1)
Orchestre Philharmonique de Radio-France 9
Orchestre de l'Opéra de Paris 6
Orchestre National de France 4 (+ membres 1)
Orchestre de chambre de Paris 4
Chamber Orchestra of Europe 3
Les Frivolités Parisiennes 2
Orchestre Colonne 2
Orchestre National d'Île-de-France
LSO
Radio de Munich
Capitole de Toulouse
Orchestre Philharmonique de Strasbourg
Ut Cinquième
Orchestre des Lauréats du CNSM
Orchestre des Étudiants du CNSM
Orchestre du Bureau des Étudiants du CNSM
Orchestre des Jeunes du CRR
Orchestre Lamoureux
Brussels Philharmonic
Tonhalle Zürich
Elbphilharmonie de la NDR de Hambourg
Le Palais-Royal
Orchestre du Festival de Lucerne
Orchestre Symphonique de Cleveland
Opéra de Munich (Bayerisches Staatsorchester)
SWR Freiburg Baden-Baden
Orchestre de chambre Pelléas

les putti d'incarnat Arrêt des Putti d'incarnat les putti d'incarnat
Meilleur orchestre de la saison, sont nommés :
Brussels Philharmonic (The Artist de Bource), Tonhalle de Zürich (concerto pour piano de Grieg), Orchestre de Paris (Sibelius 3,4,5),
Orchestre National d'Île-de-France (Tchaïkovski 2, Clyne), Les Frivolités Parisiennes (Le Farfadet, Don César de Bazan), Chamber Orchestra of Europe (Symphonies de Mendelssohn et Bizet), Opéra de Paris (Rosenkavalier).
Attribué à : Orchestre National d'Île-de-France. Pas le plus virtuose malgré de superbes cordes graves (la petite harmonie est clairement en deçà des standards des grands orchestres), mais à chaque fois une intensité hors du commun et l'exaltation palpable des musiciens. N'a pas de prix. [notule]
Dauphin : Les Frivolités Parisiennes. Quelle divine surprise, avec de ce qui devrait théoriquement être un orchestre de cacheton (ou de professionnels passionnés mais de seconde zone), de rencontrer un orchestre d'une précision remarquable, et de dotés de timbres personnels et chaleureux, un vrai son français au meilleur sens du terme, franc, doté d'un grain très physique, et sans les défauts d'approximation ou de laideur qu'on y associe souvent. [notule]



De même, un assez grand nombre d'ensemble sur instruments anciens (et 8 sur 14 étaient des premières écoutes en salle) :

Les Talens Lyriques
Le Cercle de l'Harmonie
Le Concert Spirituel
Le Concert d'Astrée
Ensemble baroque du CNSM
Ensemble Pygmalion
Ensemble La Fenice
Il Pomo d'Oro
Ensemble Zaïs
Ensemble Pulcinella
Ensemble Marguerite Louise
Le Vaisseau d'or
Étudiants de Versailles et Cergy autour de Marie van Rhijn
Orchestre issu du département de musique ancienne du CRR de Paris

les putti d'incarnat Arrêt des Putti d'incarnat les putti d'incarnat
Meilleur ensemble sur instruments anciens de la saison, sont nommés :
Les Talens Lyriques
(Armide de LULLY), Le Cercle de l'Harmonie (Olympie de Spontini), La Fenice (Orfeo de Monteverdi),
Ensemble baroque du CNSM (récital LULLY dirigé par Emmanuelle Haïm), Ensemble Zaïs (autour d'Ariane), Il Pomo d'Oro (Rinaldo de Haendel), Ensemble Pulcinella (récital Magiciennes de Petibon), Ensemble Marguerite Louise (motets de Charpentier)
Attribué à : La Fenice. La variété des couleurs d'ensemble est formidable, mais c'est plus encore la présence individuelle de chaque interprète qui impressionne (à commencer par le cornetiste-chef, la violoniste-soprano, ou le théorbiste-baryton Nicolas Achten). En plus, une vision assez renouvelée et cohérente d'un bijou rabâché – L'Orfeo.  [notule]
Dauphin : Ensemble baroque du CNSM. Quel sens du style !  Il Pomo d'Oro dans le seria, à la fois virevoltant et sans tropisme pour les effets extérieurs, ou bien la finesse du continuo de l'Ensemble Zaïs méritaient les plus beaux éloges.



Enfin, deux ensembles spécialistes en musique contemporaine :

Ensemble Intercontemporain (hommage à Boulez)
Ensemble Recherche (participant au Prometeo de Nono)



3e.  Statistiques : chœurs

22  formations, dont 10 nouvelles.

Chœur ONP x5
Chœur OP x4
Maîtrise de Radio-France x2
Chœur RF x2
Maîtrise OP
Maîtrise NDP
Radio Flamande
Radio Bavaroise
WDR Köln
NDR Chor
Chœur Lamoureux
Accentus
Frivolités Parisiennes
Le Palais-Royal
Chœur ad hoc Châtelet Sondheim
Pygmalion
Concert Spirituel
Le Vaisseau d'or
RIAS Kammerchor
Schola Heidelberg
Chœur de chambre de Namur
Voces8

Voces8 est un peu à part, étant un ensemble à 8 (extraordinaire collectivement, individuellement, stylistiquement…). Une référence aussi bien pour les Motets de Bach que pour les transcriptions de standards de jazz.

les putti d'incarnat Arrêt des Putti d'incarnat les putti d'incarnat
Meilleur chœur de la saison, sont nommés :
Chœur de l'Orchestre de Paris (Requiem de Verdi), Maîtrise de Radio-France (Litanies de Poulenc, Chœurs de Franck), Chœur du Palais-Royal (La Création de Haydn en français), Chœur féminin du Vaisseau d'or (Messe du Port-Royal de Charpentier)
Chœur de l'Orchestre de Paris
Attribué à : Chœur de l'Orchestre de Paris.  [notule]
Dauphin : Maîtrise de Radio-France.



3f.  Statistiques : chefs


64 chefs d'orchestre, dont 37 entendus pour la première fois en salle (et un certain nombre tout simplement découverts dans l'absolu).


Chefs multi-fréquentés
Paavo Järvi x7 (OP)
Philippe Jordan x4 (Opéra de Paris)
Emmanuelle Haïm x2 (Ensemble baroque du CNSM, Concert d'Astrée)
Daniele Gatti x2 (ONF)
Roger Norrington x2 (OPRF)
Thomas Hengelbrock x2 (NDR Hambourg, OP)
Jean-Philippe Sarcos x2 (fondateur Palais Royal)

Avec orchestres franciliens
Fabio Luisi (Opéra de Paris)
Nicola Luisotti (Opéra de Paris)
Christoph von Dohnányi (OP)
Gianandrea Noseda (OP)
David Zinman (OP)
Edward Gardner (ONF)
Fabien Gabel (ONF ; ancien assistant de Zinman)
Mikko Franck (OPRF)
Eliahu Inbal (OPRF)
Ton Koopman (OPRF)
Patrick Davin (OPRF)
Jakub Hrůša (OPRF)
Kwamé Ryan (OPRF)
Andy Einhorn (OPRF dans Sondheim)
Douglas Boyd (OCP)
John Nelson (OCP)
Laurence Équilbey (OCP)
François-Frédéric Guy (OCP)
Enrique Mazzola (ONDIF)
Guillermo García Calvo (Lauréats du CNSM dans Sauguet et Damase)
Xavier Delette (Orchestres des Jeunes du CRR)
Marion Ladrette (Orchestres des Jeunes du CRR)
François Boulanger (Garde Républicaine)
Matthias Pintscher (EIC)
Laurent Petitgirard (Colonne)
Gavin Sutherland (Colonne)
Antoine Marguier (Lamoureux)
Mathieu Romano (Frivolités Parisiennes – Bazan)
Nicolas Simon (Frivolités Parisiennes – Farfadet)
Benjamin Levy (fondateur orchestre de chambre Pelléas ; ancien assistant de Zinman)
chefs du BDÉ du CNSM
Romain Dumas (Ut Cinquième)

Avec orchestres invités
Frank Strobel (Philharmonique de Strasbourg)
Tugan Sokhiev (Toulouse)
Ernst Van Tiel (Brussels Philharmonic)
Yannick Nézet-Séguin (COE)
Antonio Pappano (COE)
Valery Gergiev (LSO)
Ingo Metzmacher (SWR Baden-Baden Freiburg)
Matilda Hofman (SWR Baden-Baden Freiburg)
Andris Nelsons (Lucerne)
Lionel Bringuier (Tonhalle Zürich)
Ulf Schirmer (Radio de Munich)
Kirill Petrenko (Opéra de Munich)
Franz Welser-Möst (Cleveland)


les putti d'incarnat Putti d'incarnat les putti d'incarnat
Meilleur chef d'orchestre, sont nommés :
Paavo Järvi
(Sibelius 5, Bruckner 5), Philippe Jordan (Rosenkavalier), Roger Norrington (Haydn), Christoph von Dohnányi (Dvořák 7), Gianandrea Noseda (Requiem de Verdi), David Zinman (Le Prince de bois de Bartók), Edward Gardner (Tchaïkovski 1), Eliahu Inbal (Bruckner 9), Ton Koopman (Beethoven 2), Jakub Hrůša (Martinů 6 & Premier Concerto pour violoncelle), Kwamé Ryan (Métaboles), Enrique Mazzola (Tchaïkovski 2), Frank Strobel (Berlin de Meisel), Yannick Nézet-Séguin (Intégrale Mendelssohn), Antonio Pappano (Symphonie en ut de Bizet), Valery Gergiev (L'Oiseau de feu de Stravinski), Mikko Franck (Poulenc, Dutilleux).
Attribué à :
Honnêtement, pas possible de choisir entre les structures de Järvi, le détail poétique de Jordan, le tranchant de Dohnányi, l'élan de Noseda et Zinman, l'intensité d'Inbal et Gardner, le goût parfait de Koopman… Mais puisqu'il faut bien en distinguer quelques-uns, alors ce seront Mazzola, Koopman, Järvi et Inbal. Et Gardner, et Dóhnanyi, et Jordan, et Strobel… Stop, stop, c'est reparti !




Avec ensembles sur instruments anciens
Emmanuelle Haïm x2 (Ensemble baroque du CNSM, Concert d'Astrée)
Jean Tubéry
Hervé Niquet
Christophe Rousset
Vincent Dumestre
Jérémie Rhorer
Raphaël Pichon
Gaétan Jarry (Ensemble Marguerite Louise)
Héloïse Gaillard (Pulcinella)
Marie van Rhijn (Étudiants de Versailles et Cergy)
Sébastien Marq (Département Musique Ancienne CRR Paris)
Stefano Montanari (chef invité par Il Pomo d'Oro)
Martin Robidoux (fondateur Vaisseau d'Or)

Meilleur chef d'ensemble spécialiste, sont nommés :
Vincent Dumestre
(Guédron & Friends), Jean Tubéry (L'Orfeo), Emmanuelle Haïm (LULLY avec le CNSM, surtout pas avec son ensemble !), Héloïse Gaillard & Violaine Cochard (Pulcinella), Marie van Rhijn (Alcide de Marais), Sébastien Marq (L'Europe galante), Stefano Montanari (Rinaldo).
Attribué à : Vincent Dumestre toujours à la pointe des meilleurs arrangements dans l'air de cour du début du XVIIe siècle.
Dauphine : Emmanuelle Haïm pour son travail avec les étudiants du CNSM dans LULLY (le récital du même répertoireavec son ensemble sentait au contraire la routine et le peu d'entrain…).



3g.  Statistiques : metteurs en scène & chorégraphes

Wernicke, Bieito, Guth, Herheim, Hermanis, Castellucci, les metteurs en scène les plus en vogue se sont succédés dans ma saison scénique (pourtant limitée en nombre).

Dominique Pasquet (Les Sincères de Marivaux)
Jean-Louis Benoît (I Quattro Rusteghi de Goldoni)
Alvis Hermanis (La Damnation de Faust de Berlioz-Nerval-Gandonnière)
Claus Guth (Rigoletto de Verdi & Piave)
Pascal Neyron (Le Farfadet d'Adam & Planard)
Anna-Marie Holmes (chorégraphie pour  Le Corsaire d'Adam, d'après celle de Sergueïev – d'après celle de Petipa)
August Bournonville (chorégraphie pour Conservatoire de Holger-Simon Paulli)
Stefan Herheim (Die Meistersiner von Nürnberg de Wagner)
Claudine Gabay (John Gabriel Borkman d'Ibsen)
Damien Bigourdan (Don César de Bazan de Massenet & d'Ennery, Dumanoir, Chantepie)
Herbert Wernicke (Der Rosenkavalier de R. Strauss & Hofmannsthal)
Romeo Castellucci (Moses und Aron de Schönberg)
John Taras (chorégraphie pour Piège de lumière de Damase)
Roland Petit (chorégraphie pour Les Forains de Sauguet)
Calixto Bieito (Lear de Reimann & Henneberg-Zimmer)
Fanny Ardant (Passion de Sondheim & Lapine)
Éric Chantelauze (La Poupée sanglante de Didier Bailly & Jérôme Chantelauze)

Je ne compte pas les mises en espace de circonstance (Kosma et Notre Falstaff au CNSM, L'Europe Galante au CRR, Alcide aux Menus-Plaisirs, ni La Favola d'Orfeo par Tubéry à Gaveau, remarquablement suggestive d'ailleurs, avec ses musiciens chantants qui se lèvent ou apparaissent dans les loges !).

Chacun assez conforme à ses habitudes : Hermanis un peu perdu par ses propres concepts (potentiellement stimulants, mais tellement déconnectés de la scène), Guth dans un bon jour pas trop hardi (le double de Rigoletto ne dit pas grand'chose, en revanche le carton mobile est très beau et renvoie efficacement les voix), Herheim dans l'univers où il excelle (niveaux de lecture multiples, beauté plastique, lisibilité et direction d'acteurs permanente, même chez ceux qui se taisent), Castellucci plaisant visuellement sans chercher à construire un récit, Wernicke que je n'avais jamais vu aussi subtil (malgré les reprises en son absence, gestuelle très précise et riche)… chacun a fait ce qu'on attendait de lui. Seul Bieito m'a paru décevant eu égard à ses standards : peu d'usage de la profondeur de scène, personnages peu caractérisés, ensemble plutôt statique, et un peu comme la musique, grande uniformité des aspects visuels gris. Dans le genre sombre, très loin de la réussite de son Wozzeck magnétique, par exemple.

En revanche, beaucoup de choses très impressionnantes dans les petites salles : la finesse des dialogues se prolonge dans de délicats intermèdes musicaux a cappella chez Dominique Pasquet (nouveau collectif Les Sincères), la place laissée par Jean-Louis Benoît à la verve des meilleurs acteurs comiques du Français (Hecq, Raffaelli…), la vie apportée à un petit opéra comique par Pascal Neyron, l'adroite scénographie avec des moyens limités chez Damien Bigourdan, et l'inventivité épatante de cette fresque racontée à trois acteurs dans la Poupée de Chantelauze… autant de régals.

S'il fallait faire ici aussi une remise de prix, ce serait par la force des choses Herheim (virtuose au dernier degré) voire Wernicke (dans un ouvrage plus facile à servir, mais fin et plastique à la fois, c'est toujours un enchantement. Mais, avec les moyens très limités (ne serait-ce que l'espace de 10m², sans décor), sans doute encore plus impressionné par la justesse de Pasquet et l'inventivité débridée de Chantelauze.

Pour la chorégraphie, musique, sujet, chorégraphie (et même qualité des danseurs), tout plaide pour Piège de lumière, une des grandes musiques de Damase, pas du tout une pièce de circonstance aux ressorts un peu répétitifs (comme ses concertos par exemple), mais au contraire un univers riche et généreux, de plus extrêmement avenant pour tout public (sorte de Poulenc lyricisé). Sur un argument à la fois original et propice aux épanchements féeriques.



3h.  Statistiques : instrumentistes

Autre nouvelle catégorie. Où l'on recense tous les solistes entendus et distingue quelques chambristes particulièrement remarquables.

Pianistes :
François-Frédéric Guy (Beethoven 3 & 5), Lars Vogt (Brahms 2, puis Mozart), Denis Pascal (dans le Burleske de R. Strauss), Jean-Efflam Bavouzet (Rachmaninov 2), Romain David (Koechlin), Emmanuel Ax (Beethoven 2), Momo Kodama (Mozart 23), Maroussia Gentet (Dutilleux), Pierre Thibout (Tannhäuser), Nicolas Chevereau (Thaïs), Radu Lupu (Beethoven 3), Jean-Yves Thibaudet (Grieg).
→ Hors solistes internationaux : Pierre Thibout et Nicolas Chevereau (par accompagnateur régulier de L'Oiseleur des Longchamps) se produisaient comme élèves de la classe de direction de chant d'Erika Guiomar.

Violonistes :
Simon Ehnes (Britten), Stéphanie Moraly (Koechlin), Julian Rachlin (Prokofiev 2), Francesca Borrani (tutti Mendelssohn), Gil Shaham (Brahms), Joshua Bell (Tchaïkovski), Émeline Concé (Boutry, Ravel), Fanny Robilliard (Brahms, Quatuor avec piano n°3).
→ Hors solistes internationaux : Francesca Borrani est violon solo à l'Orchestre de Chambre d'Europe (COE), Émeline Concé est le premier violon du Quatuor Akilone (et aussi chef d'attaque des seconds violons à l'Orchestre Lamoureux), Fanny Robilliard est membre du Trio Karénine (avec piano), et occasionnellement de Musica Antiqua Köln et de l'ensemble baroque du Philharmonique de Berlin.

Altistes :
► Beaucoup d'excellents entendus (chefs de pupitre au Philharmonique de Radio-France pour Dutilleux, ou à la Tonhalle de Zürich pour Dvořák…), mais réellement mis en valeur, et de toute façon la plus passionnante, Sarah Chenaf (du Quatuor Zaïde) emporte la palme.

Violoncellistes :
Johannes Moser (Martinů 1 révisé), Sol Gabetta (Saint-Saëns 1), Gautier Capuçon (Dvořák 2).

Flûtistes :
Philippe Bernold (Mozart harpe), Emmanuel Pahud (Widmann), Vincent Lucas (Nielsen), Clara Andrada de la Calle (Bizet, Symphonie).
→ Hors solistes internationaux : Vincent Lucas est solo à l'Orchestre Paris (venu jouer le concerto de Nielsen), Clara Andrada de la Calle est solo à l'Orchestre de Chambre d'Europe.

Ondiste :
► Thomas Bloch (dans Thilloy).

Pour beaucoup d'entre eux  – sauf Capuçon (entendu dans la même œuvre il y a un peu plus de quinze ans !), Lupu (il y a un peu plus de dix ans), Shaham (idem) et Concé (trois fois rien que cette année !) –, c'était la première fois que je les entendais en salle.

Et à présent, les distinctions :

les putti d'incarnat Putti d'incarnat les putti d'incarnat

Meilleur pianiste de la saison, sont nommés :
Emmanuel Ax (Beethoven 2), Romain David (Koechlin), Pierre Thibout (Tannhäuser), Nicolas Chevereau (Thaïs), Radu Lupu (Beethoven 3), Jean-Yves Thibaudet (Grieg).
Attribué à : Pierre Thibout. « Rien qu'en plaquant les accords simples de la marche des pèlerins de Tannhäuser, on entendait la causalité de chaque accord, chacun pourvu d'un relief extraordinaire… on entendait Wagner composer ! » [notule]
Dauphin : Romain David. « il est facile d'être un peu décontenancé et mécanique dans les contrepoints du Koechlin, par exemple, mais ici on sentait au contraire (et plus encore lorsqu'on a l'habitude de l'écouter, le lire ou le jouer) un soin apporté à chaque section. Pas de camouflage à la pédale au piano, pas de régularité négligente, au contraire chaque phrasé semble avoir été patiemment pensé. » [notule]
♥ … au demeurant très impressionné par la présence sonore d'Emmanuel Ax, dans une œuvre que j'ai longtemps crue (à tort, je l'admets) mineure.

Meilleur violoniste de la saison, sont nommés :
Simon Ehnes (Britten), Stéphanie Moraly (Koechlin), Francesca Borrani (violon solo du COE, tutti Mendelssohn), Émeline Concé (Boutry, Ravel), Fanny Robilliard (Brahms, Quatuor avec piano n°3).
Attribué à : Stéphanie Moraly. « malgré l'acoustique très précise et impitoyable, une interprétation d'une précision extraordinaire (même chez les très bons, une telle justesse d'intonation chez un violoniste, sur un programme aussi long et technique, est rarissime) et travaillée dans ses moindres recoins [...] Stéphanie Moraly présentait très brièvement chaque pièce avec chaleur, aisance, un sens de l'anecdote, [...] un ton très direct [...] et une très jolie voix, souple et mélodieuse. » [notule]
Dauphine : Émeline Concé. « Le Quatuor Akilone s'exprime par un beau truchement : un son franc, bien étagé, physique, brillant mais sans rondeurs inutiles. Dans Ravel, on a l'impression de revenir aux sources d'un goût français du sans façons, loin des fondus d'orchestre et des épaisseurs confortables. Et, surtout : elles savent phraser ! La moindre articulation du discours est amenée avec naturel, et dans une pièce aussi souvent jouée et enregistrée, elles se frayent un chemin personnel sans le moindre effet appuyé. De la musique en barre, émouvante avant d'être (très) impressionnante. » [notules]
♥ … et je n'ai jamais vu konzertmeisterin aussi ardente et communicative que Borrani, ni soliste aussi aisé et musical (dans l'assommante choucroute virtuosissime et amélodique de Britten) qu'Ehnes, on aurait pu prolonger la distribution.

Meilleur altiste de la saison :
Louise Desjardins
(Quatuor Akilone) dans le Huitième Quatuor de Beethoven, Sarah Chenaf (Quatuor Zaïde) dans le Troisième Quatuor avec piano de Brahms, Jean-Baptiste Brunier (alto solo de l'OPRF) dans la Seconde Symphonie de Dutilleux.
Attribué à : Sarah Chenaf (membre du Quatuor Zaïde, également primé à Bordeaux). Impressionné par sa présence exceptionnelle dans des pièces de musique de chambre (Troisième Quatuor avec piano de Brahms, en particulier) où elle devrait être cachée milieu de l'harmonie, et où elle fait primer chaque détail avec un charisme rare dans ces parties.

Meilleur violoncelliste de la saison, sont nommés, sont nommés :
Johannes Moser (Martinů 1 révisé), Sol Gabetta (Saint-Saëns 1).
Attribué à : Johannes Moser. « … bien que complètement de dos, le son parvenait sans effort, parfaitement timbré (pas du tout ce côté élimé et râpeux fréquent dans le violoncelle concertant, sans être du gros son pour autant)… le tout culminant dans une sarabande de Bach (Première Suite), murmurée mais timbrée comme à pleine puissance, osant même les diminutions dans les reprises. Il pourrait paraître un excellent violoncelliste parmi d'autres, mais dans la salle, on s'aperçoit vraiment qu'il s'agit d'un interprète particulièrement exceptionnel. » [notule]
Dauphine : Sol Gabetta. En salle, le son un peu poussé ou geignard qu'on entend en retransmission disparaît complètement, et se projette glorieusement, avec assez bon goût d'ailleurs – même si l'on demeure très loin, tout de même, de la classe intersidérale et inaccessible de Moser.

Meilleur flûtiste de la saison, sont nommés :
Attribué à : Clara Andrada de la Calle. « meilleure flûte solo [du COE] de tous les temps : comment est-il possible de timbrer aussi rondement (et d'exprimer aussi bien) sur ce petit tube dont les plus grands tirent souvent des sons lourdement empreints de souffle ! » [notule]



3i.  Statistiques : chanteurs

Comme chaque année, beaucoup d'interprètes exceptionnels dont je ne peux pas forcément parler à chaque fois… Voici leurs noms.

Légende :
¶ Formidable comme d'habitude
Opinion améliorée par rapport à une précédente expérience
Première audition en salle

Sopranos :
Agathe Boudet (Port-Royal),
Cécile Madelin (Sangaride, Zemlinsky),
♪ Cécile Achille (Port-Royal),
Marie Perbost (Spanisches Liederspiel),
Julia Lezhneva (Almirena),
♪ Marie-Adeline Henry (Armide),
♪ Michaela Kaune (Werdenberg),
Erika Grimaldi (Requiem de Verdi),
Amber Wagner (Ariadne).

Mezzo-sopranos :
Eva Zaïcik (Rosina, Spanisches Liederspiel),
Niina Keitel (Lene),
Stephanie Houtzeel (Octavian),
Jennifer Johnson (Mahler 3).

Contre-ténors, falsettistes :
Bruno Le Levreur (Guédron),
Paul-Antoine Benos (Cid, Zemlinsky)

Ténors :
Paul Belmonte ? / Alexandre Cerveux ? (Alcide – divergence entre les programmes !)
Pablo García (Spanisches Liederspiel),
Oliver Vincent (Voces8),
Serge Goubioud (Guédron),
Kevin Connors (Tanzmeister dans Ariadne),
Jean-Noël Teyssier (Bastien dans Le Farfadet)
♪ Mathias Vidal (Persée, Cassandre),
♪ Fabien Hyon (Atys),
Andrew Staples (Serenade de Britten),
Francesco Demuro (le chanteur italien),
Michael Fabiano (Duca di Mantova),
Saimir Pirgu (Requiem de Verdi),
♪ Jonas Kaufmann (Bacchus, Damnation de Faust),
Brandon Jovanovich (Stolzing),
♪ John Graham-Hall (Aron).

Barytons :
♪ Marc Mauillon (Guédron, La Haine),
Nicolas Achten (berger de l'Orfeo),
Andreas Wolf (Argante),
Christian Immler,
♪ Jean-Baptiste Dumora (César de Bazan),
Steven Humes (Marke),
Gerald Finley (Sachs),
♪ Thomas Johannes Mayer (Moses).

Basses :
Dingle Yandell (Voces8),
Jean-Claude Sarragosse (Premier Ministre dans Bazan),
Yorck Felix Speer (Cuno),
Günther Groissböck (Pogner),
Peter Rose (Ochs).

… les voilà réunis pour une petite remise de prix.


les putti d'incarnat Putti d'incarnat les putti d'incarnat

Meilleur soprano (léger) de la saison, sont nommées :
Agathe Boudet (Port-Royal), Cécile Madelin (Sangaride, Zemlinsky), Marie Perbost (Spanisches Liederspiel), Julia Lezhneva (Almirena).
Attribué à : Cécile Madelin.
Dauphine : Marie Perbost.

Meilleur soprano (grand format) de la saison, sont nommées :
Véronique
Gens (Béatrix, Marie), Marie-Adeline Henry (Armide), Michaela Kaune (Werdenberg), Amber Wagner (Ariadne).
Attribué à : Véronique Gens.
Dauphines : Amber Wagner, Marie-Adeline Henry.

Meilleur mezzo-soprano de la saison, sont nommées :
Eva Zaïcik (Rosina, Spanisches Liederspiel), Niina Keitel (Lene), Stephanie Houtzeel (Octavian), Jennifer Johnson (Mahler 3).
Attribué à : Eva Zaïcik.
Dauphine : Jennifer Johnson.

Meilleur falsettiste de la saison :
Attribué à : Paul-Antoine Benos (Cid, Zemlinsky).
Dauphin : Bruno Le Levreur (Guédron).

Meilleur ténor (léger) de la saison, sont nommés :

Oliver Vincent (Voces8), Serge Goubioud (Guédron), Mathias Vidal (Persée, Cassandre), Fabien Hyon (Atys), Andrew Staples (Serenade de Britten)
Attribué à : Mathias Vidal (pour Persée en particulier).
Dauphin : Andrew Staples.

Meilleur ténor (grand format) de la saison, sont nommés :
Saimir Pirgu (Requiem de Verdi), Michael Fabiano (Duca di Mantova)Jonas Kaufmann (Bacchus, Damnation de Faust), Brandon Jovanovich (Stolzing), John Graham-Hall (Aron).
Attribué à : Saimir Pirgu.
Dauphin : Brandon Jovanovich.

Meilleur baryton (lyrique) de la saison, sont nommés :
Marc Mauillon (Guédron, La Haine), Nicolas Achten (berger de l'Orfeo), Andreas Wolf (Argante), Jean-Baptiste Dumora (César de Bazan).
Attribué à : Marc Mauillon.
Dauphins : Andreas Wolf.

Meilleur baryton-basse de la saison, sont nommés :
Steven Humes (Marke), Gerald Finley (Sachs), Thomas Johannes Mayer (Moses).
Attribué à : Steven Humes.
Dauphin : Gerald Finley.

Meilleure basse chantante de la saison :
Attribué à : Dingle Yandell (Voces8).

Meilleure basse noble de la saison, sont nommés :
Jean-Claude Sarragosse (Premier Ministre dans Bazan), Yorck Felix Speer (Cuno), Günther Groissböck (Pogner), Peter Rose (Ochs).
Attribué à : Yorck Felix Speer.
Dauphin : Günther Groissböck.

Je devrais faire la même chose pour les danseurs de ballet, mais j'en ai finalement peu vu, et surtout aimé les petits jeunes de l'Opéra (dans Les Forains de Petit et Piège de lumière de Taras), et l'English National Ballet (Rojo forever)…




4. Ressenti

Que souligner, hors l'extrême variété et surabondance de l'offre, très loin d'être épuisée par ce tour d'horizon qui ne reflète que ma pratique personnelle de l'année, le concert n'étant même pas mon premier poste en dépense de temps…

Toujours énormément de concerts gratuits (notamment dans les conservatoires, les églises…), originaux, et de haute volée… on peut se faire une saison complète à l'œil, sans rien rogner sur la qualité. Certes, on ne verra pas les orchestres internationaux ni les solistes à la mode, et le niveau individuel de virtuosité sera peut-être (pas systématiquement, loin s'en faut !) moindre. Mais ce sera grand tout de même – car Paris est généreuse.

Alors, peut-être souligner la présence de quelques (beaucoup de) superbes raretés, comme les airs de cour de Guédron, le Berlin de Meisel, la Première Symphonie de Walton (symphonie de l'année ?), la Sonate avec violon de Koechlin, etc.

Remarqué une fois de plus que le répertoire symphonique français, qui m'exalte tellement au disque, me touche moins fort au concert, à cause de sa forme moins discursive (plus rhapsodique, ou du moins plus contemplative) que les grands monuments germaniques équivalents. Chausson (Soir de fête) et Debussy (Printemps) en l'occurrence, face à Bruckner – que je n'aurais pas dit du même tonnel…

La grande surprise des productions lyriques ne provenait pas de Bru Zane cette saison (contrairement au Cinq-Mars fulgurant de Gounod, possiblement son meilleur opéra) : il me semble que la politique de la maison se tourne de plus en plus vers la documentation de ce qui avait du succès au XIXe (David, Joncières…) plus que de ce qui peut marquer notre propre époque. Travail précieux de musicologie et d'historiographie, mais moins stimulant pour le mélomane : Dante de Godard et La Jacquerie Lalo & Coquard n'étaient pas dépourvus de qualités ponctuelles, mais leur inégalité et la faiblesse extrême de leurs livrets expliquent très bien qu'ils n'aient pas été repris au delà de leur propre période. Patrie ! de Paladilhe, La Dame de Monsoreau de Salvayre ou Hernani de Hirchmann, pour se limiter à des titres souvent cités en ces pages (pour le reste, il y en a quelques tombereaux ).
        Côté opéra, le grand coup fut frappé, dans le secteur même d'activité de Bru Zane, par Les Frivolités Parisiennes, remarquable compagnie qui emploie les plus fins musiciens (ainsi que d'excellents chefs, chanteurs et metteurs en scène) dans des productions scéniques complètes ; bien que peu subventionnée, elle se produit dans d'adorables théâtres (cette saison, Trévise et Porte Saint-Martin…) avec une qualité de finition épatante et des tarifs très abordables. Pour de l'opéra de veine comique, nul besoin de se forcer à écouter pour la vingtième fois le Barbier de Séville à 50 mètres des chanteurs pour 150€, on a ce qu'il vous faut. Don César de Bazan de Massenet, qu'on avait cru perdu, se révèle, sinon le chef-d'œuvre de son auteur (l'ensemble reste sur un ton en général aimable plus qu'audacieux), une œuvre d'une cohérence et d'une séduction assez imparables.

L'année Louis XIV n'a pas permis au CMBV de proposer des explorations majeures en tragédie en musique (plutôt centré cette année sur les célébrations religieuses, programme au demeurant très intéressant.). Cette année, la nouveauté majeure en tragédie lyrique fut le Persée de LULLY dans sa révision massive à un siècle de distance (1682-1770) par Dauvergne, Bury & Francœur, à l'occasion du mariage de Marie-Antoinette ; une partition très différente, très surprenante, mais pas sans charme, grisante par endroit, qui a cependant mis en fureur ceux (je ne dénonce personne) qui espéraient entendre du LULLY et ont récolté de la déclamation post-gluckiste (malgré la date, ça tire déjà pas mal vers Gossec et Méhul, étrangement) avec des ariettes et des fusées orchestrales post-ramistes.

Seule découverte réellement désappointante, Garayev et Thilloy dans un concert coloré d'horizons (Nocturnes de Debussy, Pulcinella de Stravinski, Les Biches de Poulenc) de l'Orchestre Lamoureux (en très petite forme) ; le premier d'un orientalisme insipide, quoique pas déplaisant ; le second, tiré d'une musique de film, brille au concert par une vacuité qui ferait passer les Glassworks pour L'Art de la Fugue après duplications en miroir.
Je ne reviens pas sur ma souffrance Migot, récemment partagée avec force jérémiades hyperboliques.



Trois soirées auront probablement marqué mon expérience de mélomane et de spectateur : la Deuxième Symphonie de Tchaïkovski par Mazzola, le Rosenkavalier par Wernicke & Jordan, le Berlin de Meisel (dans un arrangement sans cordes) par Strobel et avec projection du film – mais la musique est sublime sans, malgré son caractère figuratif. Des sommets comme on n'en croise pas souvent, même à l'échelle de la démentielle offre francilienne.

Et puis quantité de spectacles extraordinaires pour une raison ou une autre (œuvres, interprètes, ambiance générale), et qui n'entraient pas forcément dans l'une ou l'autre catégorie des récompenses : la Poupée sanglante, Armide par Rousset, Walton 1 par Colionne, Sibelius 5 par Järvi, Bruckner 5 par Järvi, Mahler 3 par Järvi, Bazan, Koechlin par Moraly & R. David, Brahms et Fauré par le Trio Karénine + S. Chenaf, Guédron & Friends, Liederpiel à Soubise, récital LULLY au CNSM, Sérénade de Britten par Staples, Shadows of Time couplées avec les Litanies de Poulenc, Dvořák 7 par Dohnányi, Tchaïkovski 1 par Gardner, Requiem de Verdi par Noseda, Meistersinger par Herheim & Jordan, Akilone SQ dans Beethoven 8, Akilone SQ dans Ravel & Boutry, Bruckner 9 par Inbal, Transcriptions des futurs chefs de chant du CNSM, Les Sincères de Marivaux avec intermèdes a cappella, le Farfadet d'Adam à Trévise, le Persée de 1770, The Artist de Bource en concert, I Rusteghi par les comédiens-français, les quatuors avec piano de Marx, Voces8, Piège de lumière de Damase, hommage à Boulez, extraits des Ariane de Marais et de Mouret, Martinů par Hrůša, Beethoven 2 par Koopman…

À peu près tout le reste était peut-être un peu moins excessivement génial, mais quand même tout à fait épatant (très bien choisi sans doute, mais au sein d'une offre qui permet de faire 100 concerts épatants tout en ratant beaucoup d'autres grandes soirées…) : Olympie de Spontini, intégrale Mendelssohn du COE, Franck par la Maîtrise de Radio-France, Quatuors de Haensel-Auber-Pleyel, Sibelius 3 par Järvi, Sibelius 4 par Järvi, Dollé-Visée, Trio avec piano 1 de Brahms avec Cartier-Bresson, L'Orfeo par Tubéry, inauguration de l'orgue de la Philharmonie, cantates de Liszt et Gounod, COE & Pappano, airs de cour espagnols, la Création de Haydn en français, le Prince de Bois par Zinman, Rinaldo par Il Pomo d'Oro, concert Dutilleux par Ryan, l'Oiseau de feu par Gergiev, Credo de MacMillan, le Corsaire avec Tamara Rojo, Rigoletto par Guth-Luisotti, Les Animaux Modèles (et Printemps !), le Concerto de Grieg par la Tonhalle, le Freischütz par Hengelbrock…

Dans les semi-réussites, peut-être Schubert 5 par Norrington (joué de façon aussi haydnienne, exalte surtout la simplicité et les répétitions), Bach et Mendelssohn par l'Orchestre de Paris (problème de style malgré Hengelbrock, ça ne se fait pas en une nuit), le Tristan d'Audi (musicalement superbe, mais visuellement bâclé un à point qui m'avait presque agacé), Mahler 3 par Cleveland (problème basique de gestion de la tension des phrasés tuilés),  Petibon donc la voix s'est beaucoup arrondie pour chanter LULLY et ses semblables… mais de très bonnes soirées tout de même ! 

Un peu plus réservé sur Passion de Sondheim (vraiment pas très grand, et la mise en scène très grise et conventionnelle d'Ardant ne comblait pas les manques), Santiago de Murcia pour guitare baroque et harpe (problème d'instruments surtout, ils sonnaient mal… dans ce répertoire, si on n'a pas de bons crincrins…). Assez perdu, même en étant familier du sujet et des œuvres jouées (et en ayant lu le programme de salle), par Notre Falstaff au CNSM. Comme si j'assistais à un happening de regietheater avec des moyens amateurs ; sans être déplaisant, déstabilisant. Trouvé le temps très long dans le Concerto pour violoncelle de John Williams au CRR (sans grand intérêt), et puis c'était l'orchestre des étudiants, pas encore aguerri). Mais dans ces deux cas, ce sont des concerts gratuits ouverts au public pour permettre l'entraînement des étudiants… c'est en général assez superlatif, mais il n'y a pas d'obligation de résultat, on est invité à voir les travaux en cours et on aurait mauvaise grâce à le leurreprocher !

Ce que je n'ai vraiment pas aimé ?  L'examen de fin d'année d'une étudiante de master au CNSM (j'avais dit que je me demandais à quoi servait de bâtir une voix d'opéra épaisse, moche et inintelligible si c'est pour ne pas se faire entendre au bout d'une salle de 100m²), parce qu'il dit quelque chose des techniques (à mon avis dévoyées) à la mode dans l'enseignement et la pratique du chant. Et surtout, bien sûr, ma souffrance intense en compagnie de Georges Migot. Deux entreprises au demeurant sympathiques (examen ouvert au public, mise en valeur d'un compositeur totalement négligé), on voit à quel point il y avait peu matière à se plaindre de cette très vaste saison de concerts.



Le moment est-il venu de se quitter en distinguant les plus beaux spectacles de l'année ?  J'ai été le premier surpris du résultat.


les putti d'incarnat Putti d'incarnat les putti d'incarnat

Meilleur opéra en version scénique, sont nommés :
Le Farfadet (Frivolités Parisiennes), Don César de Bazan (Frivolités Parisiennes), Die Meistersinger von Nürnberg (Herheim-Ph.Jordan), Der Rosenkavalier (Wernicke-Ph.Jordan)
Attribué à : Der Rosenkavalier.
[La saison passée : Rusalka par Carsen-Hrůša.]

Meilleur opéra en version de concert, sont nommés :
Armide (Talens Lyriques), Persée 1770 (Concert Spirituel), Olympie (Cercle de l'Harmonie)
♥♥ Attribué à : Armide.
[La saison passée : Cinq-Mars par Schirmer.]

Meilleur concert symphonique, sont nommés :
Bruckner 5 (OP-Järvi), Bruckner 9 (OPRF-Inbal), Tchaïkovski 1 (ONF-Gardner), Clyne & Tchaïkovski 2 (ONDIF-Mazzola), Mahler 3 (OP-Järvi), Sibelius 5 (OP-Järvi), Walton 1 (Colonne-Petitgirard), Suk-Martinů (OPRF-Hrůša), Poulenc-Dutilleux (OPRF-Franck)…
♥♥ Attribué à : Clyne & Tchaïkovski 2.
[La saison passée : Tchaïkovski 5 par P. Järvi.]

Meilleur concert chambriste, sont nommés :
Quatuor Pleyel (Haensel, Auber, Pleyel), Quatuor Akilone & Williencourt (Beethoven 8, Quintette Brahms), Trio Karénine & S.Chenaf (Brahms 3, Fauré 1), Transcriptions de la classe de direction de chant du CNSM, Quatuors avec piano de Marx, Quatuor Akilone (Schubert 13, Ravel, Boutry), S.Moraly-R.David (Hahn, Koechlin, Ravel, Emmanuel).
♥♥
Attribué à : S.Moraly-R.David (Hahn, Koechlin, Ravel, Emmanuel).
Dauphin : Trio Karénine + S. Chenaf ; Transcriptions CNSM. Au demeurant, les Akilone ont livré un deuxième Razoumovski de Beethoven et un Ravel qui n'ont guère d'équivalents ! (en revanche bizarrement à la peine dans le Quintette de Brahms)
[La saison passée : ECMA, avec notamment les quatuors Akilone, Hanson et Arod.]

Meilleur concert de lied ou mélodie, sont nommés :
Spanisches Liederspiel de Schumann (Perbost, Zaïcik, García, Reschke…), Serenade pour ténor, cor et cordes de Britten (Staples, OCP, Boyd).
♥♥
Attribué à : Spanisches Liederspiel. Au moins du niveau de l'assemblage Röschmann-Kirchschlager-Bostridge-Quasthoff-Deutsch-Drake (tournée européenne de 2009), c'est assez en dire. La qualité stylistique et expressive de ces jeunes chanteurs non-natifs est très impressionnante, en plus de la beauté des voix (les deux demoiselles en particulier).
Dauphin : Serenade de Britten. Outre que c'est magnifique en soi, le remplacement de l'excellent Toby Spence par Andrew Staples a permis de prendre la mesure d'un véritable miracle – la maîtrise absolue de l'instrument comme des intentions, et une variété de coloris immense. Il chante énormément sur les plus grandes scènes (il sera à nouveau là pour les Scènes de Faust à la Philharmonie, une partie qu'il a déjà beaucoup éprouvée, à Berlin, à Munich…), mais il n'a étrangement pas atteint la notoriété d'autres chanteurs de ce registre (rôles de caractère et oratorio romantique & XXe, disons, un lyrique assez léger – mais la voix est extraordinairement projetée, il pourrait tout aussi bien chanter des héros romantiques, Roméo au minimum).
[La saison passée : Elsa Dreisig – extraits du concert dans cette notule.]

Meilleur concert baroque, sont nommés :
Guédron & Friends (Dumestre), récital LULLY (CNSM, Haïm), Port-Royal (Vaisseau d'or, Robidoux), figures d'Ariane (Zaïs), Dollé-Visée (R. Pharo, Th. Roussel), airs de cour espagnols (Kusa, Egüez)
♥♥ Attribué à : récital LULLY. De jeunes chanteurs dont certains sont de très grandes promesses pour le répertoire (Cécile Madelin, Paul-Antoine Benos), et d'autres des chanteurs qui ne se spécialiseront peut-être pas (Fabien Hyon) mais qui forcent l'admiration par leurs qualités propres. Concert fondé sur des duos et ensembles qui ne sont pas tous des tubes (la dispute du IV d'Atys !), et accompagné avec un feu dansant incroyable par les élèves du CNSM. Le contraste avec le (plaisant mais) poussif récital von Otter-Naouri dirigé par la même Haïm avec son ensemble était d'autant plus saisissant. [Au passage, ce sont les seuls récitals d'opéra de l'année avec celui de Zaïs, vraiment le seul répertoire qui est représenté dans cette catégorie peu noble, à chaque saison de CSS.]
Dauphin : Guédron & Friends. Dans une certaine mesure plus proche de la chanson (enfin, à plusieurs parties, donc madrigalisée…), avec des ostinati irrésistibles et des textes débordant d'une roborative verdeur. Et quels chanteurs (Le Levreur, Goubioud, Mauillon, meilleurs qu'ils ne l'ont jamais étés), attelés avec l'étrange (et fascinante) Lefilliâtre.
[La saison passée : Vespri de Rubino en collaboration CNSM-Palerme.]

Théâtre, sont nommés :
Les Sincères de Marivaux, Les Rustres de Goldoni, John Gabriel Borkman d'Ibsen, La Poupée sanglante de Chantelauze & Bailly (d'après Leroux).
♥♥ Attribué à : La Poupée sanglante. Inventif et jubilatoire. En plus mis en musique.
Dauphin : Les Sincères.
[La saison passée : La Mort de Tintagiles de Maeterlinck mise en scène par Podalydès et en musique avec une sélection et des improvisations de Coin. Complètement terrifiant et tellement poétique.]

Œuvre en première mondiale (re-création), sont présents :
La Création de Haydn dans la version de la création française, La Jacquerie de Lalo & Coquard, Dante de Godard, Don César de Bazan de Massenet, Quatuors avec piano de Joseph Marx, Musique de chambre de Migot.
♥♥ Attribué à : Don César de Bazan. Vraie bonne surprise.
Dauphin : Quatuors avec piano de Joseph Marx (étudiants du CNSM).
Les autres n'étaient pas grandioses (et Migot carrément pénible).
[La saison passée : Cinq-Mars de Gounod.]

Compositeur vivant, sont présents :
Aboulker (Maîtrise de Radio-France), Widmann (Orchestre de Paris), Burgan (Orchestre Colonne), Clyne (Orchestre National d'Île-de-France). [Boulez, Damase et Dutilleux y échappent de peu, mais leurs œuvres présentées datent souvent d'un demi-siècle de toute façon…]
♥♥ Attribué à : Anna Clyne. Très belle utilisation de l'orchestre pour une écriture très accessible et avenante (ce n'est pas du néo- ni du tonal définissable pour autant).
    Boule de suif d'Aboulker est un peu long et recycle tout le temps les mêmes (bons) effets, par ailleurs déjà entendus chez elle.
    La Suite pour flûte et orchestre de Widmann est d'un modernisme de moyen terme bon teint, parfait pour avoir l'air d'aujourd'hui sans rien oser… d'ailleurs, je n'ai pas trouvé très honnête de finir sur une pièce assez jubilatoire (et bissée !) qui n'avait rien à voir avec le reste et citait la Badinerie de Bach (et Tristan !), façon un peu vulgaire d'attirer les applaudissements Cela dit, c'était le seul bon moment de la pièce, j'étais ravi que ce soit bissé, mais triompher en pillant Bach dans les cinq dernières minutes me laisse un peu interdit sur la philosophie du compositeur – je tire à la ligne pendant un quart, et puis j'emprunte un tube pour faire un joli final brillant. Il fait une très belle carrière de clarinettiste, pourquoi s'imposer ça ?
    Mais c'est toujours mieux que Le Lac de Burgan qui met en musique le poème de Lamartine – dans des atmosphères indistinctes et une prosodie aberrante.
    Par ailleurs, les moments Damase-Dutilleux-Boulez ont été excellents, tout n'est pas perdu pour les gens du XXIe siècle.
[La saison passée : Au monde de Boesmans.]




5. Et puis

En finissant, je m'aperçois que le parti de distinguer individuellement entre en contradiction avec la recherche de lignes de force, mais après tout, comme il s'agit d'une bilan purement personnel, limité à ce que j'ai vu, autant conserver les propos généraux pour les annonces de saison.
    J'espère surtout que ce contribuera à mettre en lumière des lieux et des artistes particulièrement intéressants.

Pour ceux qui sortent parfois avec le sentiment d'à-quoi-bon en quittant un concert prestigieux où l'on n'a pas été très concerné (voire agacé), un concert dans une petite salle avec des interprètes enthousiaste est un remède assez irrésistible – l'émotion n'est pas du tout de même nature qu'avec les solistes les plus professionnalisés au milieu d'une grande salle.
        Indépendamment de l'engagement (qui peut s'émousser, ou du moins s'automatiser, chez ceux qui ont passé quarante ans à recueillir des triomphes en enchaînant les plus grandes salles) et de la dimension des lieux (sentir le grain des timbres sur sa peau est quelque chose de très précieux, qui ne passe pas la rampe dans les vastes ensembles architecturaux), il existe, me semble-tèil, une plus-value psychologique immédiate. Dans un concert prestigieux, on jauge toujours les artistes, on attend que ce soit au niveau (a fortiori si on a payé cher, raison pour laquelle je m'y refuse), que leur travail nous séduise, voire nous subjugue ; dans le concert intime, on regarde au contraire d'un œil bienveillant des artistes en devenir ou restés discrets, et qui malgré l'absence de regards officiels susceptibles de promouvoir leur carrière, partagent avec nous un moment privilégié. Dans le premier cas, on sent la pression de l'événement, et qu'on le veuille ou non, on le regarde comme tel, on se doit d'une certaine façon de déterminer avant l'entracte si c'était bon ; dans le second, on se sent au contraire en connivence, récipiendaires d'un secret, partenaires d'une passion commune.
        Pardon de le dire ainsi, mais les mélomanes sont comme les poules de batteries auxquelles, si l'on donne trop d'espace (mais pas beaucoup pour autant, ni de plein air), développent des instincts cannibales : le lieu et le statut du concert ont, très involontairement, une influence mécanique sur la perception des choses. J'étais émerveillé d'entendre la Première Symphonie de Walton en concert, avec une exécution qui m'aurait sans doute mis en fureur (ou plus vraisemblablement fait lever un demi-sourcil) s'il s'était agi d'un Beethoven à la Philharmonie, mais qui m'a ravi dans ce contexte, parce qu'elle apportait tout l'élan et la lisibilité nécessaires à cette musique (et vu sa difficulté et sa rare pratique, on n'allait pas mégoter sur la beauté des timbres ou les détails de mise en place)…

Cette saison (comme la précédente), les repérages de concerts insolites ou rares (plutôt en Île-de-France, puisque c'est issu de recherches initialement pour ma pomme) seront plutôt proposés mensuellement qu'annuellement, la formule a paraît-il semblé plus efficace.

Nous songeons à louer une salle pour la cérémonie de l'an prochain, avec retransmission en mondiovision et partenariat avec Medici.tv. Kim Jong-eun a déjà proposé de prêter le Salon Kim Il-sung de l'aile Ouest du Mémorial du Juche, mais nous voudrions accueillir un public nombreux et cherchons une adresse un peu moins enclavée en transports (on travaille le lendemain). Toute proposition sérieuse acceptée.

dimanche 22 mai 2016

[Carnet d'écoutes n°95] – Wagner : Tristan, Audi, ONF, Gatti, TCE


Comme beaucoup de hideux wagnériens traînent dans les parages, je laisse traîner mon opinion sur le dernier spectacle parisien du genre, écrite pour les voisins.

Distribution assez remarquable (j'ai même l'impression de retrouver le Kerl du début des années 2000), sonore, assez aisée… Rachel Nicholls, Torsten Kerl et Brett Polegato ne sont pas mon type de voix, mais pour se faire entendre avec facilité dans du Wagner, je suis impressionné par leur saturation en harmoniques, sans que leurs instruments paraissent forcer : tout passe par l'obtention de partiels formantiques très denses, ce qui est sans relation avec l'intensité de sollicitation des cordes vocales (ça se passe uniquement dans les résonateurs), et évite donc les impressions de constrictions hululées. Même si mon goût a changé depuis, j'ai toujours beaucoup aimé l'émission suspendue de Michelle Breedt, ce qui ne se dément pas.

Plus étonnant, un orchestre très français, avec des cordes rêches et denses, très franches, une petite harmonie présente, des cuivres translucides et acides… un peu comme si la RTF des années 50 était devenue un orchestre de premier plan – c'est un peu le résumé de l'histoire de l'ONF, de toute façon). Seuls les climax sont un peu ratés et manquent d'élan et d'abandon, mais je n'ai rien de trouvé de la mollesse souvent mentionnée dans les commentaires issus des premières représentations (les attaques ne sont pas toujours fermes, mais le discours n'est absolument pas mou).

Grop coup de cœur pour le roi de Steven Humes : voix très franche, très claire, placée très en avant, avec une impédance basse, si bien que le texte paraît avec une netteté et une éloquence assez hors du commun. Très beau choix, atypique mais assez idéal.

En revanche, après un premier acte agréablement mobile, grâce au changement de tableau permanent des panneaux, la mise en scène de Pierre Audi se révèle d'une réelle vacuité au II (ils s'asseoient et se lèvent, à longue distance, sans jamais se regarder, se toucher ni même se parler… et sans que ce soit un parti pris pour autant) et même d'une absolue ineptie au III (on parle à des personnages absents, le pâtre voit le bateau vers le fond de scène tandis que Kurwenal le pointe vers le public, Marke vient faire la paix mais commence par lancer ses soldats armés sur ceux de Tristan…). J'ai commencé par trouver ça plutôt bien (vu la qualité exécrable du poème et les standards modestes d'Audi), et j'ai fini par trouver ça pas loin de nul… (ou en tout cas peu digne de son cachet)

Sinon, étrangement, je m'aperçois que Tristan me touche beaucoup moins désormais : j'ai trouvé ça long, peut-être à cause de la médiocrité conjuguée du poème et de la mise en scène, ou bien de la moiteur étouffante, alors que les Maîtres, dans le cadre moins prenant de Bastille, n'avaient pas pas cessé pour une seconde de m'enthousiasmer. Quelque chose de plus segmenté dans la musique, où j'ai senti les motifs comme très évidents et martelés, toujours dans un tourment un peu complaisant. Étrange comme cela peut changer d'une soirée à l'autre, aussi bien pour les musiciens que pour l'auditeur.


Il me semblait qu'Isolde saluait traditionnellement en dernier. Ce soir c'était Kerl. Les deux se justifient de toute façon.

Félicitations à mes voisins, d'une discrétion parfaite pendant tout l'opéra, qui commentent la réalisation du dernier accord par Gatti… pendant le dernier accord !


jeudi 5 mai 2016

Panorama de la couverture vocale — I


Légende : pour plus de lisibilité, les noms des artistes utilisant une forte couverture figureront en bleu, ceux couvrant peu en rouge, et les cas plus équilibrés (ou incertains, pour ceux pour lesquels nous ne disposons pas d'enregistrements) en vert.



1. Principes fondamentaux

1.1. Décrire la couverture : la pagaille


Après plus de dix ans de notules, voilà un sujet que j'avais toujours évité d'aborder de front (un peu ici, et par touches très allusives et , plus des mentions dans les commentaires de disques ou de concerts), tant il est délicat. Dix ans d'expériences et d'informations plus tard, lançons-nous.

L'enseignement et la description du chant lyrique
sont issus d'une tradition particulièrement ancienne – sans chercher absolument à trouver les premiers traités un peu précis, on peut simplement souligner le fait que le vocabulaire utilisé et la représentation du système phonatoire sont toujours largement ceux du début du XIXe siècle, à l'époque de Garcia, Duprez & co.
        Or, notre connaissance de la physiologie a considérablement progressé depuis, et les constats empiriques d'antan, s'ils n'ont jamais empêché de bien chanter, ne sont pas toujours pertinents en termes de description, et donc de compréhension des phénomènes.

C'est pourquoi, même lorsque les chanteurs qui réalisent le mieux ce geste l'expliquent, il demeure souvent des confusions – il faut entendre Pavarotti faire la différence entre un vrai et un faux ténor par la présence de couverture, et d'autres gens sérieux la définir comme une façon de « sombrer » la voix. Or si la corrélation existe souvent (en particulier lorsque les chanteurs abordent des répertoires lourds), la couverture n'est pas exactement une mécanique qui change le grain du timbre, elle équilibre surtout le placement des voyelles, pour éviter de forcer la voix – c'est exactement ce que Pavarotti fait d'ailleurs, n'ayant jamais cherché à sombrer sa voix.
        On rencontre les mêmes types de raccourcis avec la place du larynx (si c'était la même chose, alors l'aperto-coperto, sommet de la maîtrise de la couverture, ferait faire des bonds au larynx sur la même note !) et la voix de poitrine. Pour certains professeurs (prestigieux au besoin), chanter un aigu en voix de poitrine, avec le larynx bas, en utilisant les résonances du « formant du chanteur » et en couvrant, c'est la même chose. Alors qu'on peut parfaitement chanter en voix mixte avec larynx bas, peu de résonance formantique et en couvrant ; ou en voix de poitrine avec larynx haut (pas vraiment dans le répertoire lyrique, certes, encore que certains baroqueux comme Marco Beasley ou Jeffrey Thompson [cf. notule] le fassent), avec des partiels formantiques forts (pas forcément les mêmes) et sans couvrir, etc.

Bref, il n'est pas facile de s'y retrouver par soi-même, et c'est finalement plus que la lecture des théoriciens rarement en accord et pas tous au clair avec eux-mêmes, l'observation des pratiques chez les chanteurs les plus aguerris de différentes écoles qui permettent d'isoler la nature des phénomènes. Ce que nous allons faire si vous nous accordez l'honneur insigne de votre attention.


rolla gervex
Henri Gervex, Éloge de la couverture
Huile sur toile, 1878 (musée d'Orsay).




 1.2. Pourquoi la couverture ?

La voix humaine peut être émise grâce à trois éléments :
  • la soufflerie, l'air émis par les poumons ;
  • la vibration, celle des cordes vocales dans le larynx (c'est paraît-il la forme du larynx qui empêche les grands singes de parler réellement) ;
  • les résonateurs, qui définissent le timbre et l'amplification du son (pharynx, bouche, cavités nasales).

Lorsqu'on chante, deux choses en particulier changent par rapport à la voix parlée : le son devient plus continu (ce qui réclame plus d'effort pour le soutenir, notamment en matière de souffle) et, en général, la voix est plus aiguë que pour la voix parlée (sinon elle s'affaisse désagréablement). [C'est bien sûr beaucoup moins vrai pour les musiques de l'intimité et les musiques amplifiées, mais ces deux paramètres sont incontestablement la norme pour le chant lyrique, qui nous occupe principalement dans cette notule.]

Or, il n'existe pas d'organe spécifique de la phonation, et le corps humain utilise pour ce faire des éléments qui ont d'autres fonctionnalités, qui sont en général régis par toute une gamme de réflexes. Aussi, en sollicitant la voix, notamment en chantant de façon continue et forte dans l'aigu, on met le corps à rude épreuve. Car les caractéristiques physiologiques du son changent dans le haut de la voix : c'est notamment ce que l'on appelle le passage (ou passaggio), le moment où la voix « bascule » – elle se tend et rompt si on ne change pas de mode d'émission.

Il existe toute une série (1,2,3) en cours consacrée à ces questions, dont la couverture constitue, précisément, le prochain point d'étape – on rejoindra le parcours de ladite série lorsqu'on abordera les questions de réalisation pratique de la couverture.

Pour éviter de briser le son ou de contraindre dangereusement la voix, les chanteurs ont développé toute une gamme d'astuces, selon les répertoires (le belting, larynx haut et soutien diaphragmatique de béton, est celui le plus couramment utilisé en pop et musiques traditionnelles). Dans le répertoire lyrique (en tout cas à partir du XIXe siècle), la couverture des voyelles en est un exemple important ; c'est même l'une des cartes d'identité du chant lyrique, celle qui donne cet aspect homogène, un peu épais, qui fait « qu'on n'y comprend rien », etc. 


1.3. Mais qu'est-ce que la couverture, à la fin ?

Allons donc, on est sur le point de vous révéler le deuxième plus grand secret de l'univers, vous n'étiez pas à quelques prolégomènes près.

Tout cela servait à souligner le fait que, lorsque vous chantez vers l'aigu, la même position vocale qui était confortable va devenir insoutenable. Il va donc falloir opérer des changements. La couverture vocale s'applique sur les voyelles et les égalise, les rééquilibre de façon à les rendre sans danger. Dans l'aigu, le nombre de positions vocales sans danger est plus réduit (elles changent selon le type de technique utilisé, mais leur nombre demeure limité), ce qui signifie que toutes les voyelles ne peuvent pas être utilisées dans leur état d'origine.
        La définition la plus simple est donc sans doute de dire que la couverture est une accommodation des voyelles – de la même façon que le cristallin, dans l'œil, accommode selon les distances pour nous permettre de voir net.
       
La couverture replace donc les voyelles les plus exposées (le [a], particulièrement le [a] ouvert, le [è], et, mais ce sont des cas un peu différents, certaines écoles le font massivement pour le [ou] – à commencer par l'école italienne –, voire le [i] – mais ce ne sont pas les techniques les plus solides, dans ce cas) vers une zone plus sûre, les rééquilibre vers une sorte de juste milieu.
        Généralement, cela passe par une tendance à la fermeture des voyelles ouvertes [a] tire vers le [o], [è] tire vers le [eu] (cela ne veut pas dire remplacement, comme soutenu par des professeurs un peu hâtifs), un arrondissement des conduits, une focalisation du son au même endroit.


 
Luciano Pavarotti montre très bien, dans ses masterclasses, la différence entre les deux (vous entendez une vocalisation ouverte, puis couverte) – je trouve d'ailleurs que son chant ouvert sonne très bien (plus tendu, plus électrique que son légendaire confort vocal avec la couverture), mais il est certain qu'il ne donne pas du tout le même degré de confort. C'est pourquoi, s'il peut être utilisé pour des répertoires où le chant lié et les longues tenues ne sont pas nécessaires (chanson, airs de cour, baroque français, récitatifs romantiques…), il n'est pas envisageable pour le belcanto romantique ni les grands airs.
        La différence qu'il propose est néanmoins un peu radicale : sa réalisation, sur scène (particulièrement dans les années 90, où il ne couvre plus en permanence), est beaucoup plus nuancée. Voyez plutôt :


Extrait assez idéal : on entend très nettement le changement par rapport au début de la tirade, mais l'équilibre est parfait et démontre très bien comment fonctionne, dans le meilleur des cas, la couverture vocale. Limitons-nous aux [a] pour l'instant. Vous voyez bien que tous ceux au-dessous du passage (tous ceux du début, qui sont dans le grave et le médium) sont complètement ouverts, comme lorsqu'on parle italien. En revanche, dans les parties qui montent, ils sont plus ronds, comme tirant vers le [o] (sans qu'on puisse les confondre). C'est sans doute ce qui m'impressionne le plus chez Pavarotti : ses [a] couverts sonnent tout de même comme de vrais [a]. L'équilibre (car c'est de cela qu'il est question avec la couverture) est assez miraculeux. De plus près :


Premier « pietà » légèrement couvert mais encore relativement exposé, second « pietà » plus couvert (mais la voyelle reste encore très pure et ouverte, même si le son est couvert), premier [a] d'« avaro » comme précédé d'un [o] très bref, puis un vrai [a] pour la suite de la voyelle et pour le second [a], un peu plus fermé que dans la langue parlé, mais encore très exact. S'il avait chanté cela ouvert, le son serait beaucoup plus petit, et il forcerait beaucoup plus son instrument.


Outre la sécurité vocale qu'elle assure, la couverture facilite les notes les plus hautes, évite les aspects nasillards et criés, l'éparpillement des sons (chaque voyelle placée à un endroit différent – ce que j'aime beaucoup entendre personnellement, mais qui constitue un handicap technique incontestable), et donne une patine homogène à l'ensemble des voyelles émises, ce qui permet de chanter de belles lignes continues et de ne pas faire de mauvais geste en plaçant une voyelle par hasard au mauvais endroit. Ce qui aurait été contraint en conservant la même exactitude de voyelles devient soudain facile : en changeant le mode d'émission, on a paradoxalement permis la continuité du timbre.

Il existe ensuite plusieurs écoles pour son usage :
  • tout le monde est obligé de l'utiliser un minimum dans son aigu, mais les voix plus légères et plus aiguës au sein de chaque tessiture peuvent l'utiliser plus tard dans la montée : un ténor léger peut couvrir seulement après le sol, là où un ténor dramatique devrait impérativement commencer à partir du mi… ;
  • certains ne couvrent que le nécessaire, laissant le grave et le médium très libres (par exemple toute une école de sopranos français, d'Esposito à Manfrino), mais certains (pas moi) sont gênés par la césure forte entre les registres ;
  • d'autres couvrent progressivement, en augmentant progressivement le degré d'accommodement des voyelles (le grand art) ;
  • d'autres enfin enseignent qu'il faut toujours couvrir, du plancher au plafond, de façon à rendre la voix la plus continue possible (patent chez Sutherland, Nilsson, Domingo, Galouzine, Kaufmann, Cappuccilli, Bruson, Christoff, Siepi…), et à conserver la même couleur dans la limite grave que dans l'aigu.

Dans ce dernier cas, il est évident que la couverture a un impact sur le timbre et va assez significativement le sombrer. Mais pour un ténor qui mixe, par exemple, la couverture n'empêche absolument pas la clarté. Son abus (si toutes les voyelles sont trop fermées) peut « boucher » une voix, l'empêcher de s'épanouir et de se projeter, mais le principe de la couverture altère l'emplacement de voyelle plus que le grain de la voix (même si l'interdépendance est loin d'être nulle).



rolla bigne
Henri Gervex : Conseil aux chanteurs
(Sortez couverts.)
Huile sur toile, 1879 (musée d'Orsay)




1.4. Ouverture et aperture : imprécisions lexicales

Avant de commencer, il faut bien faire la différence entre l'aperture des voyelles (imposée par la langue qu'on parle ou chante) et la couverture (artifice technique). La confusion vient du vocabulaire : en linguistique, une voyelle est ouverte ou fermée ([é] vs. [è], par exemple), et en chant la voix sur cette voyelle peut être ouverte ou couverte (un [è] vs. [è] tirant sur le [eu]). Comme les voyelles ouvertes linguistiquement sont en général couvertes vocalement en allant vers plus de fermeture, on peut vite faire l'amalgame, mais la couverture n'est pas forcément une fermeture, et ne s'y limite pas en tout cas (le but est au contraire de conserver la gorge libre !).

La couverture ne signifie pas que l'on change toutes les voyelles ouvertes en voyelles fermées (sinon la langue devient difforme et inintelligible), mais bien que l'on accommode les voyelles les plus dangereuses, en les décalant légèrement (par exemple dans le sens de la fermeture, pour le [a] et le [è]).

On peut donc tout à fait chanter des voyelles fermées sans avoir couvert sa voix (par exemple dans la pop, ou en parlant dans la vie de tous les jours), ou à l'inverse changer des voyelles audiblement ouvertes tout en couvrant correctement. Évidemment, un [a] très ouvert peut difficilement être couvert, même si je me pose un peu la question.

Je vais avant tout proposer des voix d'hommes (et les voyelles [a] et [è], les plus emblématiques), en exemple : j'ai évidemment une meilleure représentation de leur fonctionnement, mais, surtout, les phénomènes sont plus audibles car ils ne se mélangent pas avec les caractéristiques de la voix de tête féminine (celle utilisée par le répertoire lyrique, contrairement à la plupart des autres styles), qui posent encore d'autres enjeux… Évidemment, les femmes couvrent aussi dans le répertoire lyrique, avec les mêmes types de méthodes et d'expédients que pour les hommes.





le dominiquin renaud armide putti
Le Dominiquin, Putti abusant de la polysémie
Toile découverte au musée du Louvre.





2. Catégories et travaux pratiques


2.1. Voix ouvertes, sans couverture

D'abord, quelques exemples d'un chant sans couverture, avec des voyelles à l'état naturel :


Ici Tom Raskin (l'Athlète funèbre dans Castor et Pollux avec Gardiner en 2006), membre du Monteverdi Choir, produit des [è] aigus complètement ouverts : j'aime beaucoup personnellement, on entend bien l'éclat de l'émission naturelle, à la limite de la rupture, mais il est évident que cette technique ne produit pas le maximum de confort pour le chanteur. Dans le répertoire romantique (et même dans les aigus suspendus de Mozart), ça poserait des poroblèmes majeurs.

Au passage, vous remarquez que le [é] de « briller » tire très légèrement vers le [eu] – nécessité pour vocaliser sans se blesser ou simple effet de l'accent anglais, je ne puis dire, mais cela s'apparente à une très légère couverture. D'ailleurs, il en va de même (ici encore, discrètement) pour le [a] de « gloire » (mais les mots en « -oi- » s'y prêtent bien, avec le [w] qui prépare le son et le [a] qui n'est de toute façon pas très ouvert).


Plus troublant, ce moment d'égarement de Pierre Germain (Arfagard dans Fervaal de d'Indy, tiré de la bande radio de Le Conte) : par ailleurs un très bon chanteur, sort soudain cet aigu complètement ouvert. On ne trouve nulle part ailleurs, dans ce rôle écrasant, ce type d'erreur, très étrange de la part d'un chanteur aguerri (tellement différent des gestes vocaux qu'il a passé sa vie à faire !), donc ce n'est pas lui rendre justice, mais je trouve que c'est le meilleur exemple possible d'un aigu ouvert : ce [a] au delà de la zone de confort qui devient soudain poussé et crié (et probablement moins sonore, d'ailleurs), impossible à tenir longtemps. Normalement couvert, le son aurait dû rester plus rond, plus proche du reste de la voix.


        Il est aussi possible de très bien chanter le grand répertoire en ne couvrant quasiment pas : Giuseppe Di Stefano (Alvaro dans La Forza del Destino de Verdi), toujours révéré des mélomanes et très contesté par les théoriciens, chantait quasiment sans couvrir ses sons. On l'entend ici : non seulement en bas, les [a] sont très ouverts, mais ça ne change pas en haut. Même sur [o] (qui est plus facile à accommoder) et [é] (qui n'est pas forcément dangereux), à la fin de l'extrait, on sent bien toute la netteté du geste et toute la tension accumulée. J'aime énormément, personnellement, ce naturel, ce tranchant, cet enthousiasme sans filtre, cette façon de « claquer », mais le geste est effectivement très contraignant pour l'instrument.

Parmi les hypothèses avancées, le centre de gravité très haut de la voix, avec un passage (la hauteur où la voix doit changer d'émission pour être émise sans danger) beaucoup plus haut que la plupart des ténors. On parle abondamment de son déclin, mais en réalité, malgré une vie réputée animée, il n'a pas eu une carrière particulièrement courte (plus de quinze ans de pleine gloire, et une fin loin d'être ridicule – il avait perdu les aigus les plus hauts, mais le timbre demeurait absolument intact).
        Ainsi, vous entendez ce que produit une voix ouverte et bien émise – on en trouve beaucoup dans le chant traditionnel, lemusical, etc. (les ressorts techniques en sont différents, notamment par l'usage du belting) – mais, vu les contraintes de hauteurs vertigineuses et de tenues longues de notes, le chant ouvert demeure l'exception dans l'opéra.
        Le répertoire du XVIIe siècle est néanmoins tout à fait accessible à des voix non couvertes (on en entend peu parce que ce sont des chanteurs lyriques formés avec les normes du XIXe siècle qu'on utilise aujourd'hui) ; pour le XVIIIe siècle, malgré l'étendue et la virtuosité, je ne suis pas certain non plus qu'on ait utilisé la couverture, en tout cas vraisemblablement pas comme nous le faisons aujourd'hui. Mais cela réclamerait une investigation que je n'ai pas encore faire – il y aurait tout un travail à fournir sur l'évolution historique des techniques de chant, je ne suis pas sûr que ça existe déjà (ni que ce soit faisable, vu la nature très aléatoire des témoignages).

J'ai même été surpris, en préparant cette notule, de repérer chez Di Stefano des traces de couverture :


C'est un peu ténu, mais le [a] de « palpito » (sur l'aigu) n'est pas aussi ouvert que ses autres [a], on entend bien qu'il se passe un petit quelque chose et qu'il se reloge dans une zone plus moelleuse et plus mate – le processus est léger, mais c'est bien le geste de protection d'une micro-couverture.
        On a bien dû le lui enseigner, puisqu'il fait le geste : attaque en deux fois, comme pour l'aperto-coperto dont je parlerai plus loin… sauf que la couverture de la voyelle ne change pas entre l'attaque et la tenue !

Maintenant, allons voir ceux qui couvrent : à peu près tous les autres !



2.2. Degré de couverture


2.2.1. Degré de couverture : étendue de la couverture

Comme évoqué dans la présentation du principe de la couverture (§3), il est possible de couvrir à divers degrés. Certains préférent couvrir seulement les aigus pour conserver le naturel et la clarté des médiums ; d'autres couvrent progressivement de bas en haut pour masquer le moment du passage et faire une jolie transition entre des graves ouverts et libres et des aigus couverts et puissants ; d'autres enfin couvrent sur toute leur étendue pour homogénéiser au maximum le timbre. Et l'on trouve de grands artistes dans toutes les catégories.

2.2.1.1. Sur les notes hautes

Cas impressionnant parmi les grands anciens, Arturo Tamagno (le créateur d'Otello de Verdi, ici en Manrico-titre du Trovatore) ne couvre vraiment que pour les notes hautes :

Là aussi, on peut supposer un bon naturel, mais tout de même, c'est impressionnant. Certes, il chante légèrement avec le nez, et ma supposition est qu'il doit toujours être placé dans la zone de confort qui permet la couverture, mais cela ne s'entend absolument pas : [é] extrêmement francs, [a] et [o] tout à fait ouverts (au moins au sens linguistique de l'aperture, du timbre). Et il monte très bien sans rien changer… sauf lorsqu'on dépasse la limite – « è sola speme un cor » (les autres voyelles restent identiques, mais à partir de là tous les [o] sont couverts, même en redescendant sur « al Trovator »). Si vous observez bien le phénomène, tous ses [o] sont ouverts (logique, entravés par un [r], c'est comme ça qu'on les fait dans la vie de tous les jours, même en français d'ailleurs), y compris ceux qui paraissent aigus… mais lorsqu'il dépasse le passage (ici, c'est un sol3, juste au-dessus de la limite habituelle des ténors), soudain ses [o] se ferment audiblement (pas spectaculairement, on entend bien la voyelle d'origine, mais se ferment tout de même), toute l'émission s'arrondit, on entend très bien la décontraction des conduits pour émettre l'aigu. « Un còr al Trovatòr » devient presque « Un côr al Trovatôr ».
Je trouve cet extrait très parlant parce qu'il reprend les mêmes mots et fait très bien entendre la césure entre la partie sous le passage et la partie au-dessus du passage. On se rend compte également que Tamagno ne fait pas réellement des [ô], mais qu'il tire plutôt ses [ò] vers une zone de confort intermédiaire.

En plus de tout cela, c'est un chanteur que j'aime beaucoup, et qui remet l'église au milieu du village lorsqu'on parle d'héritage italien en promouvant des voix où toutes les voyelles sont égalisées, la couverture omniprésente, les sons bouchés, le timbre éteint… Au lieu de ce timbre clair, de ces voyelles très différenciée, de cette voix libre (et même assez largement ouverte). Pourtant Tamagno chantait Otello (mieux, en tant que créateur, il en constitue quelque part le modèle, l'idéal peut-être), rôle parmi les plus lourds qu'on n'oserait pas distribuer aujourd'hui à une voix qui ne serait pas sombrée.

Ces exemples spectaculaires demeurent assez rares. Ils sont plus dangereux en cas de mauvaise réalisation – la tension musculaire et ligamentaire n'est pas la même, à note égale, selon l'intervalle fait et surtout la voyelle émise –, et si l'on n'applique qu'une couverture binaire, on risque de ne pas couvrir au bon moment sur des notes intermédiaires et, un jour de fatigue vocale par exemple, de se faire mal. C'est pourquoi la plupart des professeurs (dans un but esthétique aussi, pour homogénéiser la voix) demandent au minimum de commencer à couvrir progressivement à l'approche du passage (notre prochaine série d'exemples).

2.2.1.2. Après le passage

Néanmoins, on trouve toute une école de chant français, en tout cas chez les femmes (Esposito, Raphanel, Perrin, Fournier, Manfrino, Vourc'h, Pochon, Barrabé…) qui émettent un médium très libre (souvent avec des [r] uvulaires, d'ailleurs) et ne modifient leurs voyelles qu'assez haut dans la voix, au moment du passage ou peu avant. Il existe bien sûr d'autres phénomènes simultanés (chez Cécile Perrin, Nathalie Manfrino ou Karen Vourc'h, ce sont tous les paramètres de la voix qui changent, jusqu'au timbre qui devient méconnaissable), mais la couverture en fait partie. On a sélectionné pour vous un cas particulièrement limpide (et une interprétation de tout premier choix) :

Anne-Catherine Gillet (Micaëla dans Carmen) ne fait pas entendre de cassure dans la voix, mais si l'on observe les voyelles, il existe bien un changement net au-dessus du passage (alors qu'elle ne poitrine jamais et chante tout dans le même registre, même le grave).

Je vais voir de près cette femme
Dont les artifices maudits
Ont fini par faire un inme
De celui que j'aimais jadis !
Elle est dangereuse, elle est belle,
Mais je ne veux pas avoir peur,
Non, non, je ne veux pas avoir peur,
Je parlerai haut devant elle,
Seigneur,
Vous me protègerez, Seigneur.
Ah !
Je dis que rien ne m'épouvante,
Je dis, hélas, que je réponds de moi ;
Mais j'ai beau faire la vaillante
Au fond du cœur je meurs d'effroi…
Seule en ce lieu sauvage
Toute seule j'ai peur – mais j'ai tort d'avoir peur :
Vous me donnerez du courage,
Vous me protègerez, Seigneur !
Protégez-moi, donnez-moi du courage !

J'ai souligné les syllabes où la couverture s'exerce. La plupart du temps, dans l'essentiel du médium, les voyelles restent très naturelles (voyez ces [i] très authentiques, ces [eur] bien ouverts, ces [è] clairement dessinés. Et dans les syllabes soulignées, la définition des voyelles devient au contraire plus floue ; pour des raisons d'émission propres aux voix de femme, mais aussi parce que (et je crois que cela s'entend très bien dans cet extrait) la chanteuse déplace un peu ses voyelles vers une zone sans danger – sinon la voix se tendrait, s'assècherait, se romprait.

Voyez par exemple « hélas » au début de la seconde partie de l'extrait (en réalité la reprise de la première partie de l'air), « elle est belle », ou « cœur », bien ouverts, très naturels, et comparez-les aux équivalents couverts :

  • « hélas » à « femme / infâme » (flottants, tirant sur le [ô]) ;
  • « elle est belle » à « faire / aimais / mais j'ai » (comme un petit voile, toujours un [è], mais un peu plus proche du [eû], arrondi en somme) ;
  • « cœur / meurs » à « avoir peur » (qui s'arrondit de façon plus fermée, mais pas forcément vers le [eû], plutôt vers un [a] couvert – donc un [a] avec des caractéristiques de [ô]) ;
  • ou pour les [i], « artifices maudits », très francs et antérieurs, à « fini », où ils deviennent plus ronds, plus en arrière (discrètement inspirés par les [ü] ou les [eû], sans être déformés non plus – un [i] plus en arrière).


Pour vous faciliter la tâche, un montage avec les quatre couples vocaliques concernés.

Autre fait amusant, ses [ou] ne sont jamais vraiment naturels mais tirent tous un peu vers le [ô] (ce qui n'est pas obligatoire dans les graves), un choix personnel.

2.2.1.3. Progressivement

Tout cela est très bien fait, et la voix ne paraît pas du tout rompue ou dysharmonieuse ; A.-C. Gillet ménage tout de même des ponts (« Seule en ce lieu sauvage », qui n'est pas haut, est partiellement couvert pour ménager la transition – de même pour le [a] d'« effroi »), mais globalement, on entend très bien la différence entre le bas très naturel et le haut, plus rond, plus sophistiqué, de la voix. À titre tout à fait personnel, je trouve qu'elle tire en réalité le meilleur parti possible de cette disposition, en maximisant son intelligibilité et la variété de ses voyelles (donc de ses couleurs), mais cela réclame une précision du geste vocal considérable, beaucoup plus délicate que dans les cas où la couverture est uniforme sur toute la tessiture – une forme d'idéal esthétique, alors même que ce n'est pas ce que recommanderont les professeurs en priorité.

Je crois que c'est aussi un excellent exemple de progressivité, donc, même s'il y a des artistes qui comment vraiment plus nettement avant le passage. Je renvoie aussi aux exemples de L. Pavarotti dans Don Carlo au §3, qui exemplifie à merveille le principe de la couverture progressive avant le passage, arrondissant de plus en plus nettement la voix pour masquer les transitions tout en conservant un grave naturel. Cela me permet de ne pas alourdir superfétatoirement cette notule qui est loin d'arriver à son terme.

2.2.1.4. Sur toute la tessiture

Esthétique qui se partage la prédominance avec la couverture progressive, la couverture totale (ce ne sont pas des locutions consacrées, j'essaie seulement de me faire comprendre) est de nos jours quasiment obligatoire pour les voix les plus larges (et, plus gênant, pour les rôles supposément plus larges, même chanté par des voix légères, ce qui peut contribuer à les boucher et les dénaturer… témoin tous les petits Siegmund et Siegfried sombres mais à peine audibles).

Plácido Domingo en est un exemple particulièrement illustre ou abouti (ici, entrée d'Alvaro en 1986 dans La Forza del Destino de Verdi). Il ne chante pas sur une seule voyelle, non, mais les émet toutes au même endroit (comme légèrement mâtinées de [eû]), avec la même couleur.


Pour vous faciliter la tâche, un montage avec les quatre couples vocaliques concernés.

« Ciel ! che t'agita » (en principe prononcé « Tchèl, ké t'adjita ») est articulé un peu en arrière, au bon point de résonance (ce qui n'empêche pas que Domingo dispose des harmoniques faciales les plus impressionnantes du monde – simplement la caractéristique passe très mal au disque chez lui, et je me contente de commenter ce qu'on entend sur cette bande), et ressemble un peu à « Tcheul ! keu t'eudjeuteu ». Pas à ce point-là bien sûr, les voyelles sont différenciées, mais leurs différences sont minimisées, leur emplacement est quasiment identique et leur timbre très proche. Cela donne une aisance maximale pour chanter n'importe quelle ligne, puisqu'il n'y a plus besoin de se préoccuper des spécifités de chaque voyelle (certaines doivent être accommodées plus tôt dans la voix que d'autres !).

Voyez, lorsqu'il descend, ses [a] ne s'ouvrent pas. Prenez « m'han vietato penetrar » (à partir de 6') : le [a] de « vietato », court et emporté, est ouvert (quoique placé sensiblement au même endroit), mais pas celui de « penetrar », très couvert alors qu'il est beaucoup plus grave – et c'est le cas de tous les [a] tenus qu'émet P. Domingo. Vous pouvez le vérifier avec « santo » (17'), « incanto » (24') ou le [o] final, très fermé et protégé, de « tramutò » (44').

Outre la stabilité, cela permet aussi d'assurer plus de rondeur et de puissance dans les graves, ce qui peut être utile pour certains rôles écrits bas ou concurrencés par l'orchestre dans ces zones naturellement moins projetées.

On pourrait multiplier les exemples chez des chanteurs d'horizons très différents : c'est la technique usuelle pour les spécialistes du répertoire italien (hélas, ajouté-je subjectivement), et assez incontournable (je le concède) pour le belcanto (en tout cas le belcanto romantique, mais ça facilite aussi les choses pour le belcanto du XVIIIe s.). Parmi les célébrités qui couvrent toutes leurs notes de haut en bas, et dans n'importe quel rôle, vous pouvez tester sur Deezer ou Youtube n'importe quel témoignage de Joan Sutherland, Birgit Nilsson (qui ne différencient même pas les voyelles, comme ça c'est encore plus simple), Marco Berti, Mirella Freni, Piero Cappuccilli, Ludovic Tézier… 


2.2.2. Degré de couverture : couleur de la couverture





Considérant qu'il reste encore beaucoup de chemin à parcourir, je publie la notule en plusieurs fois. Le présent bloc est déjà assez long pour un format toile ; il était nécessaire de poser les termes et de donner quelques exemples pour qu'on commence à voir de quoi il est question.

Les prochains épisodes seront consacrés à la suite du repérage des infinies combinaisons possibles, de quelques cas particuliers. Puis on en viendra à la pratique et aux implications de la couverture chez le chanteur – ce n'est ni une fatalité, ni un plaid une plaie.

Dans l'intervalle, vous pouvez vous reporter aux autres notules consacrées à la technique lyrique, et en particulier à notre dernière série sur le déblocage des aigus. (Voir aussi la section glottologie de notre cabinet.)



Épisode II



2. Catégories et travaux pratiques

2.1. Voix ouvertes, sans couverture
2.2. Degré de couverture
2.2.1. Degré de couverture : étendue de la couverture

Ces questions ont été traitées dans la première notule de la série (qui répond aussi aux questions fondamentales « pourquoi ? », « qu'est-ce ? », et tente de lever quelques ambiguïtés lexicales), à la suite de laquelle celle-ci sera ajoutée, pour faciliter la lecture d'ensemble. Les échanges en commentaires apportent par ailleurs quelques précisions.




En avant pour les multiples enjeux de la couverture à l'Opéra !


couverture vocale belle hélène

(et du déshabillé, semble-t-il)



2.2.2. Degré de couverture : couleur de la couverture

Comme son étendue, la couleur de la couverture peut varier très fortement entre les voix et surtout entre les techniques. 


2.2.2.1. Claire


[[]]
Verdi, Don Carlos, Suzanne Sarroca, Georges Liccioni, direction Pierre-Michel Le Conte.

Dans cet extrait en français de Don Carlos de Verdi, Georges Liccioni étonne par l'aperture (très ouverte linguistiquement) de ses aigus, mais on sent bien qu'il protège les attaques (au sommet de l'art de l'aperto-coperto, dont on parlera plus loin, à peine audible tellement il est souverainement réalisé), que le placement n'est malgré tout pas totalement le même qu'en voix parlée, un peu plus reculé et arrondi – voyez par exemple ses attaques sur « avare » (comme un [o] avant le [a]) « pitié » ou « j'ai supplié » (le [é] est articulé au niveau du [eu]). Le son général paraît pourtant très ouvert et trompettant, j'avais même publiquement douté qu'il couvrît, mais c'est finalement évident lorsqu'on observe le phénomène de près. 


2.2.2.2. Mixée

Lorsqu'un chanteur fait usage de la voix mixte, la voix s'éclaire immédiatement (pour des raisons physiologiques multiples : partage de la résonance, rapport de tension entre muscles et ligaments…). Mais cela ne veut pas dire qu'il ne couvre pas, bien sûr : Alain Vanzo, prince de l'émission mixte, en fait grand usage.

[[]]
Puccini, La Bohème en français. Air enregistré pour la télévision française devant un petit public.

Que cette main est froide, laissez-moi la réchauffer ;
Il fait trop sombre, pourquoi chercher dans l'ombre ?
Mais de la lune,
Perçant la nuit brune
En attendant que la clarté ruisselle,
Laissez mademoiselle,
Qu'en deux mots je vous dise…

Vous pouvez le remarquer sur les voyelles grassées : bien qu'on les reconnaisse sans difficulté (et c'est là le grand art), leur articulation n'est pas exactement celle de la langue parlée. Le [é] de « réchauffer » et le [è] de « ruisselle » semblent émis à partir de la position du [eu], au moins au début de l'émission ; le [i] de « il » également émis sur une position plus ample que le [i] français, très étroit (plutôt un [eu] ici ; d'autres choisissent le [ü]) ; le [a] de « pourquoi » est moins ouvert que dans la réalité quotidienne des locuteurs français (il reste assez proche du [ô] ou du [â], au lieu d'être relativement ouvert), et de même pour la nasale [an] qui se chante à partir de la posture du [on]. Plus loin vous pouvez observer que les [ou] (« nuit et jour », « dieu de l'amour ») se rapprochent beaucoup du [ô].
Ce sont réellement des voyelles individualisées (pas la substitution indistincte de beaucoup de chanteurs internationaux fameux comme Sutherland ou Nilsson…), mais elles ne sont pas fabriquées à partir de leur endroit habituel, plutôt déplacées vers un endroit où elles peuvent être articulées de façon moins tendue pour l'appareil phonatoire (poussé dans ses parties aiguës).

C'est une observation contre-intuitive, parce qu'on associe en général la couverture au caractère épais et sombré des voix d'opéra, mais les grands maîtres de la voix mixte l'utilisent en réalité abondamment, peut-être même plus que les autres, pour assouplir et égaliser leur voix. Nommez-les et testez.


École américaine ?

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Bizet, Les Pêcheurs de Perles, John Aler avec Toulouse et Plasson.
Les [a] presque changés en [o], les [è] presque en [eu], on les retrouve ici, malgré l'intelligibilité parfaite et le naturel du français de John Aler (en Nadir dans les Pêcheurs de Perles).


École italienne ?

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Donizetti, L'Elisir d'amore, Tito Schipa.

Una furtiva lagrima negli occhi suoi spuntò. Vous entendez ce [è] devenu [eu], voire [o], ce premier [ou] presque [ô], ces [o] très fermés, ces [a] ouverts mais très ronds, et qui changent d'ailleurs de placement (« m'ama ! ») ; voilà l'effet de la couverture, malgré cette voix limpidissime. Tito Schipa en Nemorino (L'Elisir d'amore).

La couverture posée sur une couleur de timbre claire reste valable pour d'autres formats plus larges et inattendus (où il s'agit plutôt d'une voix de poitrine légèrement allégée, le pourcentage de « voix de tête » étant minime mais éclaircissant considérablement le résultat). Évidemment, la clarté est alors liée à la voix mixte, mais une couverture vocale très homogène n'y occulte pas la lumière, une belle leçon pour bien des ténors lyriques et dramatiques d'aujourd'hui.


Voix dramatiques ?

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Verdi, La Forza del destino, acte III, Solti à Covent Garden. Ici, le jeune Carlo Bergonzi en Alvaro.
Au passage, pour les verdiens, version absolument extraordinaire, on ne fait pas plus ardent et plus net à la fois – si on ne s'arrête pas à la justesse discutable de l'excellente soprane.


Vous entendez cette couleur claire malgré le rôle héroïque (un amérindien maudit qui veut arrêter de tuer malgré lui et qui laisse dans le processus une traînée de si bémol 3…), cette rondeur qui accompagne toujours les aigus ?  C'est l'effet de la voix mixteCarlo Bergonzi détend son émission, en quelque sorte, en l'assouplissant, en cherchant la flexibilité plutôt que le métal (qu'on n'entend pas en retransmission mais qu'il devait tout de même avoir !).

Et pourtant, il couvre beaucoup, en particulier sur les aigus.

Al chiostro, all'eremo, ai santi altari
L'oblio, la pace [or] chiegga il guerrier.

Alvaro va expier ses fautes et se dérober à la vengeance en se faisant moine :
« L'oubli et la paix réclament [désormais] au soldat le cloître, l'ermitage, les saints autels. »

« Santi altari » devient ainsi [sônti ôltari], et surtout le « chiegga » [kiegga] devient quelque chose comme [kieugga] ou même [kiôgga], une voyelle indéfinie. On sent très bien, d'ailleurs, que dans l'aigu, toutes ses voyelles sont émises du même endroit. Les différences d'articulation entre elles deviennent très minimes, et c'est le contexte de l'ensemble du mot (consonnes, autres voyelles plus nettes) qui permet de restituer le sens exact. On entend bien l'effet de protection, en particulier sur ce dernier aigu : la véritable voyelle, plus franche, aurait mis à nu l'instrument, et à toute force, ce serait mettre une tension dangereuse sur les cordes vocales. [Vous remarquez néanmoins que le grave est beaucoup moins couvert, en particulier ses [i] très francs et libres.]

Bergonzi le faisait beaucoup, et tellement que ses aigus ont la réputation (un peu exagérée : ce reste rare hors de la fin de sa carrière, les soirs de méforme) d'avoir souvent été un peu bas, et on sent bien de fait l'impression de « plafonnement ». Il privilégiait avant tout le caractère beau et sain des sons (très légèrement mixés, correctement couverts), quitte à paraître court. Mais on ne trouvera jamais une bande où il chantait de façon laide ou périlleuse – même son dernier concert (victime d'un refroidissement), un Otello où les aigus ne passaient pas, est magnifique (simplement certains aigus sortaient un ton trop bas…).

C'est aussi ce qui peut procurer, dans certains studios où il est moins engagé (ceux avec Gardelli chez Philips, pas exemple, où tout le monde paraît anesthésié), une impression de grande placidité, puisque quelle que soit la tension dramatique ou technique du rôle, il ne paraît jamais en danger vocalement.


Techniques baroques ?

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Salieri, Tarare, air « J'irai, oui, j'oserai ». Howard Crook dans le DVD Malgoire.

Ténor emblématique de l'explosion de l'intérêt pour des voix différentes dans le répertoire ancien, Atys pour Christie, Renaud pour Herreweghe, Évangeliste pour Koopman, soliste auquel Herreweghe confie (alors que ce devrait être la voix de taille) l'extraordinaire Introït de l'enregistrement qui popularise de Requiem de Gilles… Aujourd'hui professeur manifestement très performant (à en juger parle niveau de préparation des élèves qui en sont issus) au CRR de Paris. Pourtant, il mixe et il couvre. Oui, autre idée reçue : si, on peut chanter du baroque en couvrant, ça arrive même fréquemment !

Vous l'entendez ici : « et [= eué] si je succômbe », « a bien mérité qu'on l'en prive [= preuïve] ».

Et cela alors qu'il est improbable que les chanteurs baroques, du moins jusqu'au milieu du XVIIe siècle, aient recouru à la voix mixte (sans doute des voix beaucoup plus « naturelles »), il n'est pas rare que les chanteurs qui y exercent y recourent. [Ici néanmoins, considérant l'extension progressive des tessitures et le caractère public des représentations dans des théâtres qui commencent à être vastes, au XVIIIe siècle puis au fil de l'ère classique comme pour Tarare, ce n'est pas tout à fait absurde.]
Plusieurs raisons à cela :
→ La formation initiale des chanteurs lyriques est standard quel que soit le répertoire ; il y a eu quelques cas au début du renouveau baroque, où de jeunes chanteurs débutaient dans la classe de Christie, mais ce n'ont jamais été que des exceptions, qui n'existent plus guère aujourd'hui – il reste les cas de transition immédiate de la maîtrise de garçons vers des formateurs baroques, comme pour Cyril Auvity, mais ce reste là aussi rare. La plupart du temps, les premiers professeurs préparent les étudiants à une technique standard italienne / belcantiste. Et leur demandent donc une étendue vocale longue, cherchent à favoriser la projection sonore, et s'aident pour tout cela de notions de couverture vocale.
→ Dans ce cadre, les techniques mixtes sont un bon moyen de recruter des chanteurs qui auront une couleur adaptée, douce dans les aigus… Ils auront aussi une aisance dans le haut du spectre qui est utile pour les parties de haute-contre – dont les rôles, contrairement à une idée reçue, sont très médium dans les opéras chez LULLY et ses immédiats successeurs –, dans la musique sacrée française.
On ne peut pas être certain de ce qu'étaient réellement les techniques employées (et ce différait sans doute selon les répertoires et les pays, a fortiori à des époques où les échanges n'étaient pas aussi immédiats qu'aujourd'hui, entre les avions et les enregistrements !), mais elles étaient très vraisemblablement plus franches que ces belles voix rondes conçues pour chanter les rôles légers / aigus du premier XIXe – John Aler, typiquement !


Voix graves ?

J'ai pris l'exemple des ténors, parce qu'il est le plus audible et le plus spectaculaire : contrairement aux voix de femme qui ont une étendue naturelle en voix de tête, contrairement aux barytons et basse qui n'ont qu'une petite partie de leur voix au-dessus du passage (l'endroit où le mode d'émission doit changer pour atteindre les aigus), le ténor a un tiers de sa tessiture à construire au delà de la zone de confort qui correspond, disons, à la voix « parlée » (c'est un peu plus subtil que ça, mais ça pose bien les choses). De surcroît, les compositeurs du XIXe et du XXe exploitent assez à fond leurs limites, et aiment faire entendre les tensions jusqu'au bout de la voix, si bien que les exemples qu'on peut trouver rendent vite très audibles les procédés (il faut soutenir vigoureusement au niveau du diaphragme et couvrir beaucoup ses voyelles).

Il y aura peu de dames dans mes extraits parce que leur prononciation est souvent lâche dans les aigus (pour plusieurs autres paramètres techniques et / ou physiologiques), et permet moins bien de saisir le phénomène. (Par ailleurs, ne l'étant pas moi-même, j'ai plus de difficulté à appréhender le détail de certains mécanismes.)

Néanmoins, la couverture existe chez toutes les autres tessitures lyriques. Et certains, comme Jean-Philippe Courtis, mixent aussi (ce qui est beaucoup plus rare).

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Verdi, Don Carlos, final d'une des éditions italiennes. Jean-Philippe Courtis en Moine-Empereur.

Il duolo della terra nel chiostro ancor ci segue
Solo del cor la guerra in ciel si calmerà.

Les douleurs du monde nous suivent encore au cloître ;
La guerre dans ton cœur ne se calmera qu'au ciel.

La rondeur est due à la voix mixte, mais là encore, vous percevez comme toutes les voyelles semblent fabriquées au même endroit. On l'entend nettement sur les aigus : « la guerra » et « in ciel » semblent tirer sur le [eu], ne plus être les voyelles pures qu'on ferait en parlant, mais quelque chose d'accommodé, de plus construit, comme un petit logement plus spacieux dans lequel on accueillerait les voyelles les plus étroites.


2.2.2.3. Sombre

Bien sûr, pour les rôles plus lourds et les voix les plus sombres, on trouvera très peu (pas ?) de voix qui ne soient solidement couvertes. Souvent, ces chanteurs, à cause des dangers de leurs rôles ou de la nature déjà épaisse de leur voix, couvrent sur toute l'étendue, même dans les parties basses de la voix où ce n'est pas indispensable (cf. §2.2.1 « étendue de la couverture »).

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Massenet, Werther, Georges Thill.

Georges Thill racontait la jolie histoire (fictive ?) de son retrait de la scène, ayant demandé son avis à un machiniste « vous étiez devenu plus baryton que baryton, mais aujourd'hui, vous avez vraiment chanté comme un ténor ». S'estimant comblé et digne de ses aspirations, il aurait choisi ce moment pour terminer sa carrière.

Très frappant ici sur les [a] qui deviennent des [ô] : « ah ! », « s'envola », « temps » (presque [ton]), « printemps », « souvenant ». Le [eu] de « deuil » est assez fermé par rapport à ce qu'il est en français parlé.  Le reste de l'air est assez libre tout de même, avec une clarté que Thill n'a pas eu toute sa carrière, et une facilité verbale qui ne l'a jamais quitté – cette impression qu'il vous parle sans effort, tout en chantant ces tessitures impossibles.

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Bizet, Carmen, Georges Thill.

Ici, on entend plutôt les voyelles qui se ferment, [eu] : « jetée », « fleur » [fleûr] surtout, ou bien [on] comme dans « prison » [prisôn].


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Gounod, Roméo et Juliette, Plácido Domingo.

Plus difficile de faire la part des choses chez Plácido Domingo avec ses difficultés proprement linguistiques, mais on entend tout de même le [ou] du premier « amour » (voyelle qui serre trop la gorge), et surtout le [è] dans « être » qui devient largement un [eu] (façon de se protéger des voyelles trop ouvertes).

Et puis on entend globalement la même couleur sur toute la voix, les différences étant plus dues à des difficultés de prononciation. Autre effet de la couverture, qui lisse beaucoup les timbres.


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Verdi, Otello, Vladimir Galouzine (Galuzin / Галузин) – Florence 2003 avec Zubin Mehta.

Allons jusqu'à la caricature avec Vladimir Galouzine qui, en laissant sa spécialisation russe (où il était éclatant mais beaucoup moins épais et barytonnant), a très vite glissé vers une voix très étrange, aux fondations rugueuses très audibles, au timbre voilé, qui ne lui interdisait nullement le volume sonore, l'endurance et l'accès aux aigus. Ici, au demeurant, je crois que ce sont des aigus parmi les plus faciles que j'aie jamais entendus dans cette partie très haut placée pour un ténor dramatique !

Galouzine couvre à la russe, c'est-à-dire en mélangeant une certaine quantité de [eu] à toutes ses voyelles. Ses [a] ne tirent pas tant sur le [o] que dans la méthode italienne – c'est flagrant sur « sepolto in mar » [meuâr]. Je crois aussi qu'il a un très bon naturel et une grande intuition, et qu'ici, tous les sons sont un peu relâchés pour faciliter au maximum l'ouverture de la gorge (et sur la vidéo qui existe, la mâchoire s'ouvre très, très largement) :  « del ciel è gloria » [dal ciel ô glôriô] tire sur le [a], le [ô], tout ce qui peut arrondir. Si bien qu'il n'y a pas vraiment de substitutions vocaliques sur les aigus finaux, simplement la conservation du même placement général.


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Wagner, Die Walküre, fin du I, Eva Maria Westbroek, Jonas Kaufmann, Orchestre du Met, Fabio Luisi.

Afin de ne pas laisser mes statistique s'empâter dans la torpeur d'août, pouvais-je ne pas inclure Jonas Kaufmann dont la célébrité et les suffrages d'abord unanimes ont laissé place à un débat-amusette dépourvu de sens sur sa transformation potentielle en baryton. (Question absurde : il chante les rôles de ténor, et sans difficulté notable, donc il est ténor. Que le timbre plaise ou pas est une autre affaire, mais on est loin du cas limite Ramón Vinay, qui a toujours sonné très tendu en ténor et très aisé en baryton, tout en s'illustrant exceptionnellement dans les deux. Ou même, côté timbre, de Nicola Martinucci !)

Le cas est de plus intéressant pour notre sujet : un des charmes de Kaufmann tient justement dans l'impression de tension permanente de la voix (comme Domingo) assortie d'une très jolie patine, qu'on obtient notamment par une couverture uniforme de la tessiture – Kaufmann couvre toujours ses médiums et ses graves.

Comme l'allemand est probablement moins facile à suivre que l'italien (aux voyelles peu nombreuses et plus ouvertes), je sous-découpe l'extrait :

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« Wälse » [vèlse] est attaqué par une protection en [eu] (un peu ratée, on l'entend qui glisse pas très joliment), procédure standard.

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Pareil pour les [a] : « ich halte » est quand même très sombre, et « siehst du, Weib » [zist dou faïp] tire clairement sur le [ô] (quoiqu'on entende très bien qu'il s'agit d'un vrai [a]).

Plus net encore pour «  ich fass' es nun » (lorsqu'il s'empare de la poignée de l'épée) :

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Vous notez aussi comment « nun », pourtant en bas de la tessiture, est accommodé de [ou] en [ô], pour conserver les conduits bien libérés et éviter le resserrement, même dans les parties sans danger. Cela évite de dérégler l'instrument, et avec des voix lourdes et des rôles difficiles, ce peut être salutaire – témoin ce qui arrive en peu d'années aux chanteurs qui osent Tristan et Siegfried (ou Isolde et Brünnhilde).

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Enfin, un cas particulier, les [i] de Kaufmann. C'est plutôt une caractéristique (voire un manque) technique qu'une application stricte des principes de couverture : le placement de ses [i] ne lui permet pas de les emmener jusque dans l'aigu. Aussi (c'est encore plus flagrant en italien, en particulier dans Radamès où les [i] très exposés sont nombreux), il les tire vers le [è] faute de mieux (ce qui tend à les détimbrer) ou, lorsque c'est possible comme dans le second exemple, les prépare en [eu]. Mais ses [i] ne sont jamais purs, une petite faiblesse technique si vous y prêtez garde.

Le [i] est un bon étalon des techniques en général : un [i] franc qui monte bien jusqu'en haut sans être modifié est souvent le signe d'une voix efficacement placée, à la fois facile et sonore. Bien sûr, il n'y a pas de garantie absolue – Alagna, avec une voix pourtant plus légère, a toujours eu des [i] parfaits et a toujours rencontré plus de difficulté à timbrer ses aigus que Kaufmann.

Il faut être conscient que le [i], que l'on croit unique, n'est pas le même entre la France, l'Italie, l'Allemagne et la Russie, chacun a son placement propre, et bien pas évident en voix parlée, ce peut tout changer dans les horlogeries délicates de l'émission lyrique.


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Verdi, Don Carlos, Renato Bruson, Scala, Abbado (1978, pour la fameuse captation vidéo entravée par Karajan).

Finissons avec des barytons. Renato Bruson, qu'on peut trouver assez uniforme et gris depuis les années 90 (où tout paraît teinté d'une certaine dose de [eu] blanchâtre, et manque un peu d'éclat, en tout cas en retransmission), dispose tout de même d'une technique initiale assez stupéfiante.

Per me giunto è il dì supremo,
No, mai più ci rivedrem ;
Ci congiunga Iddio nel ciel,
Ei che premia i suoi fedel.
Sul tuo ciglio, il pianto io miro,
Lagrimar così, perchè ?
No, fa cor, l’estremo spiro
Lieto è a chi morrà per te.

On entend nettement que les « e » [é] et [è] se centralisent, s'arrondissent, se labialisent en [eu], mais en réalité, tous les sons sont émis du même endroit, et cela lui permet ce legato infini (très utile dans cet arioso), comme si, malgré les voyelles et les hauteurs différentes, le son coulait à jet continu de la même source. Ici, on entend très bien le rôle unificateur de la couverture.

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À l'inverse, autre grand titulaire, Peter Mattei privilégie le mot sur la ligne, et on perçoit très bien comment les voyelles se distinguent les unes des autres. En revanche le souffle est plus court, et l'impression de cantilène infinie disparaît.

L'idéal, pour moi, se trouve probablement dans des réalisations intermédiaires, comme ici Juan Pons dans ses meilleures années (on a de lui l'image rugueuse de ses réalisations plus tardives dans le vérisme), d'un moelleux extraordinaire (une pointe infime de mixage peut-être), d'une grande unité de couleur vocale, mais où les voyelles restent très nettement individualisées :

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Verdi, Il Trovatore, entrée du comte de Luna. Boncompagni dirige Troitskaya, Obraztsova, Carreras et Pons, tous à leur faîte.
Une des versions les plus électrisantes (hors les premières bandes de Mehta au Met et à Tel Aviv, je ne vois pas ce qui peut rivaliser avec ça).




couverture Freni
Couvrez, c'est bon pour la santé.



Quelques précisions

    Vous aurez noté que je me limite essentiellement au français et à l'italien. Les raisons en sont évidentes, mais autant les préciser : on entend mieux le phénomène sur les langues qu'on maîtrise le mieux (français) ou qui ont des voyelles simples et en nombre limité (italien, encore que, pour avoir l'exacte aperture…). Je me serais bien évidemment réjoui de l'explorer avec vous sur le letton ou le croate, mais outre que la matière aurait été moins profusive, les chanteurs moins célèbres (c'est aussi le plaisir, décrypter ce que font ces gens qui nous sont familiers), je craindrais de perdre l'objectif pédagogique en cours de route.
    Et puis, si j'ai quelques notions superficielles de croate, je ne maîtrise pas le letton…

    De même, vous aurez peut-être ressenti avec frustration le peu de Wagner, alors même qu'il existe des bandes en français ou en italien. Cela tient largement à l'écriture wagnérienne (c'est sa faute à lui, pas à moi) : les phrasés sont souvent assez hachés, ce qui ne permet pas d'entendre aussi bien les phénomènes que dans une ligne italienne continue et conjointe toute simple. Par ailleurs, les voix éprouvées par Wagner se dérèglent vite, si bien que je pourrais présenter peu de chanteurs wagnériens un tant soit peu célèbres qui ne présentent pas des biais techniques déjà considérables.
    Pour la même raison, difficile de se servir de Pelléas, qui manque singulièrement de notes tenues, tout simplement. Mais on pourrait faire des essais avec la fin de l'acte IV, nous verrons pour la suite, je n'ai pas encore prévu tous les extraits.
    Verdi et Gounod me paraissent quand même très indiqués pour l'exercice.

    La couverture existe aussi dans la langue parlée. En passant dans un quartier populaire d'une ville populaire d'Île-de-France, j'entendis ainsi une mère de famille aux poumons athlétiques appeler son fils depuis la Tour : « Mamado ! ». Spontanément, pour protéger sa voix en criant, et pouvoir tenir son son, elle avait accommodé le [ou] en [o]. Hé oui, CSS se nourrit de fines investigations anthopologiques de terrain et vous ouvre les yeux sur le complexe mécanisme de l'Univers. De rien.


Plus tard

Dans le prochain épisode, nous entrerons dans les finesses de la question du degré de couverture, avec l'aperture plus ou moins grande des voyelles au sein d'une voix couverte, de Carreras à Gigli.

Ensuite, il nous restera à évoquer les types de voyelles de repli (mais si vous avez suivi, il serait assez facile de les deviner sans mon concours), l'incidence de l'âge, et bien sûr le Graal : l'aperto-coperto, très facile à comprendre et remarquer une fois qu'on a l'habitude du mécanisme de la couverture. Cela devrait vous permettre d'aaexpliquer pourquoi certains chanteurs attaquent leur note en deux temps ou par en-dessous.

J'espère aussi avoir le temps d'évoquer la question du développement historique de cette technique (certes évoqué par touches dans les notules déjà publiées) et de sa délicate application pédagogique.

Pour une prochaine livraison, donc !

samedi 7 novembre 2015

[Carnet d'écoutes n°92] – Marathon : les orchestres parisiens


Intéressante expérience ces derniers jours. En deux semaines, entendu les principaux orchestres parisiens en concert : Orchestre de l'Opéra, Orchestre National de France, Orchestre de Paris, Orchestre de chambre de Paris, Orchestre Colonne. Épuisé, quasiment agonisant, j'ai renoncé à finir le cycle avec le Philharmonique de Radio-France, de toute façon entendu il y a peu.

Il manquait donc le National d'Île-de-France et les deux autres municipaux, Lamoureux et Pasdeloup. Et la juxtaposition est très intéressante, parce qu'elle révèle pas mal de détails qui passent peut-être inaperçus sur la longue durée.

À ceux-là, s'ajoutent depuis septembre le Philharmonique de Strasbourg, la Radio de Hambourg (NDR), l'Opéra de Munich (BayStO), le Symphonique de Londres (LSO) et le Symphonique de Cleveland, mais ce sera pour d'autres fois.


L'Orchestre Colonne – Première Symphonie de Walton
(lundi 2 novembre)

De la série, Colonne est clairement le plus modestement doté techniquement – je l'aime beaucoup d'ordinaire, mais dans ce programme particulièrement peu rebattu (une œuvre du XXIe siècle, le Burleske de R. Strauss et la Première Symphonie de Walton), les fragilités étaient plus saillantes :  il n'y avait pas de fondu d'orchestre, les pupitres semblaient émerger assez aléatoirement de la masse sonore, et (je ne voudrais pas en jurer) le Burleske m'a paru vraiment mal en place. Certes, on s'en moque, cette pièce ne vaut pas un złoty, mais entre les violons très aigres et l'impression de décalages récurrents (dont j'attribuais la cause principale à la précipitation du pianiste, sans plus de certitude…), ce n'était pas le beau visage de l'orchestre engagé dans Gould, Rangström ou Tchaïkovski.

L'œuvre de Patrick Burgan (Le Lac, avec le texte de Lamartine) n'était au demeurant pas passionnante : le début instrumental intéresse, avec ses vagues consonantes qui se superposent en dissonances, avec ses aplats d'agrégats qui, sur des flûtes ascendantes, semble mimer la brume humide qui s'élève… mais le traitement textuel est une parodie de semi-mélodies en escalier mille fois entendues (refus des mélodies conjointes, tout en restant néo-, donc parfaitement gris et plat sans même être radical pour autant).

À l'opposé, la Première Symphonie de Walton, pour laquelle je m'infligeais tout cela, mériterait de devenir un standard des salles, pour changer un peu de Mahler. Véritablement haletante pendant ses 45 minutes, parcourue d'un motif cyclique en mutation perpétuelle, elle cumule les avantages de son genre (très riche en couleurs, grande sollicitation de chaque pupitre, forme particulièrement développée) et l'immédiateté d'une œuvre de caractère – il suffit de considérer cet ostinato aux contrebasses (presque toujours divisées par deux, chose plutôt rare – c'est dire le niveau de complexité contrapuntique de la partition !) pendant le plus clair du premier mouvement. Un motif très déhanché, qui procure une assise en mouvement perpétuel à l'ensemble – exactement ce que Nielsen a du mal à réussir, avec un propos original et passionnant mais des basses un peu molles, qui manquent de rebond. Bref, savamment arachnéen mais tirant vers la félibrée… Imparable.
Au demeurant, Colonne s'en tirait fort bien (un programme énorme et totalement nouveau en combien de services) ; il ne fallait pas y chercher l'hédonisme sonores des plus grands orchestres, mais l'œuvre fonctionnait aussi bien qu'au disque, justice lui fut vraiment rendue – et malgré sa structure assez didactique, je me figure qu'il est aisé de se perdre dans ce grand ensemble. Grâce à cette seconde partie, l'un des concerts les plus enthousiasmants de ce début de saison.


L'Orchestre de Chambre de Paris – Serenade de Britten
(mardi 3 novembre)

L'Orchestre de Chambre de Paris, plusieurs fois loué ici, n'était pas tout à fait à son meilleur niveau ce soir-là (petites imprécisions), ni dans son meilleur répertoire. Quelle étrange chose, aussi, de faire jouer du consort de violes de Purcell par un orchestre à cordes moderne (et de culture romantique, même si leur souci stylistique est important). Pour Corelli non plus, clavecin ou pas, ça ne fonctionne pas bien. Comme avec Norrington, les basses sont trop lourdes et régulières, les irrégularités de phrasés un peu systématiques pour ce répertoire. À tout prendre, je crois que j'aime d'avantage l'option grassement hors-style (Monteverdi façon Maderna ou Lully façon Rosenthal) plutôt que ce compromis sec mais peu dansant.

Contrairement à la Fantaisie sur Tallis de Ralph Vaughan Williams avec Norrington, sur un parti pris audacieux, dépaysant et réussi de refus (exotique dans cette musique) du vibrato, pas très séduit non plus par la Fantaisie sur Corelli de Michael Tippett, qui crincrinne un peu sans vibrato – les dernières minutes, où il intervient enfin, sont beaucoup plus convaincantes. Les Variations sur un thème de Bridge de Benjamin Britten démontraient mieux la versatilité du l'orchestre, mais l'œuvre n'est pas un sommet non plus, même si le pittoresque des sections centrales (marche, romance, air italien, bourrée, valse viennoie, perpetuum mobile) demeure particulièrement roboratif en concert.

Ils avaient manifestement beaucoup mieux préparé (ou joué plus souvent ?) la Sérénade pour ténor, cor et cordes de Britten, où l'on retrouve leurs qualités proverbiales : finesse du trait, agilité, délicatesse… Vraiment calibré pour alléger les romantiques et les modernes, pour en donner des interprétations particulièrement lisibles et débarrassées des épaisseurs superflues.
Par ailleurs, Andrew Staples (ténor solo dans les Scènes de Faust de Schumann par Harding et la Radio Bavaroise – une référence – et dans le Messie de Haendel par Haïm, très bon dans tout cela) se révèle un petit miracle sonore en vrai : grâce à une émission haute, claire et sonore, il peut se mouvoir dans des configurations légères, suspendues, délicates ou glorieuses. L'agilité est très bonne et l'anglais parfaitement articulé (ce n'est pas un attribut automatique chez ses confrères britanniques !), d'une émotion pudique. En réalité, toute la voix est fondée sur un équilibre très soigné entre l'efficacité d'émission (presque nasale) et la beauté du timbre (avec une rondeur qui s'obtient au contraire plus en arrière de la bouche), avec une émission mixte très souple, qui permet aussi bien le confort dans les parties longtemps très aiguës (en élargissant la voix de tête) que la voix pleine glorieuse (mais agréablement timbrée). Particulièrement impressionnant.
À leurs côtés, Stefan Dohr, premier cor solo au Philharmonique de Berlin, aux caractéristiques très allemandes (son particulièrement rond, d'un éclat sombre).


L'Orchestre de Paris – Saint-Saëns
(jeudi 29 octobre)

Saint-Saëns (Concerto pour violoncelle avec Sol Gabetta – d'ailleurs une sacrée projection très timbrée, qui explique un succès qui ne me paraissait pas évident, au disque – et Symphonie avec orgue) ne flatte pas les qualités du tandem OP-Järvi, au demeurant très bon ce soir-là, avec une grande lisibilité logique dans la progression structurelle.

D'une manière générale, à l'Orchestre de Paris, j'aime surtout leur grande plasticité – c'est à rebours de leur caractère (exécrable pour certains chefs d'attaque et de pupitre) et de leur réputation (d'indiscipline) –, mais en concert, c'est l'un des orchestres qui adapte le mieux son profil sonore au chef et au répertoire. Avec Järvi, en conséquence, on obtient un résultat beaucoup moins standardisé (que ce soit par rapport aux normes internationales ou par rapport au son habituel de tel orchestre d'un concert à l'autre) qu'avec n'importe quelle autre formation parisienne.

Il a mauvaise réputation chez les mélomanes concertivores, le considérant souvent comme un orchestre de seconde zone, manquant de cohésion ; c'est non seulement injuste (le niveau individuel est très élevé, même s'il n'est pas celui des orchestres de Radio-France ou de l'Opéra) mais aussi biaisé, si l'on ne prend pas en compte la sensibilité au style, justement. Par rapport à tous ces orchestres qui jouent tout, peut-être avec une meilleure fusion collective, mais avec la même pâte quel que soit le répertoire. Par exemple le Philharmonique de Radio-France (finalement dû revendre ma place de cette semaine, mais entendu il y a peu de toute façon), qui est fulgurant dans Wagner, R. Strauss ou Rachmaninov, mais joue la musique française avec le son du Philharmonique de Berlin des années Karajan – et ça, c'est mal.

L'Orchestre de l'Opéra de Paris – Moses und Aron
(lundi 26 octobre)

Déjà commenté le spectacle deux fois (vidéo et représentation) ; concernant l'Orchestre de l'Opéra, on ne peut qu'admirer le niveau de virtuosité superlatif, peut-être le plus élevé de France (et en tout cas l'un des plus prestigieux, même pour les musiciens – tiens, comme à Francfort). Étrangement, je ne lui trouve pas un profil sonore très personnel… il peut varier selon les productions, et surtout reste assez neutre, ne recherchant pas la typicité. C'est une valeur sûre pour servir toutes les musiques, de ce point de vue, avec quelque chose de peut-être un peu froid – mais rarement peu engagé, en tout cas dans le répertoire où je vais majoritairement le voir – raretés, donc plutôt XXe siècle vu leur répertoire (car dans Mozart ou pour le ballet, ce n'est pas exactement ardent en général…).
Leurs concerts symphoniques sont en général très beaux, du niveau des meilleures formations.


L'Orchestre National de France – Tchaïkovski & Britten
(jeudi 5 novembre)

Voilà un cas amusant… Le National était à l'origine l'orchestre de radio français le plus prestigieux, chargé du patrimoine français et des créations (tandis que le Philharmonique devait être à configuration variable, pour servir le XVIIIe allégé ou à l'inverse les grandes machines du XXe).

Mais le vent a tourné, et les amateurs éclairés, le prestige regardent désormais le Philharmonique comme le sommet de l'excellence symphonique française. Les attributions aussi : le National joue essentiellement le grand répertoire du XIXe, que ce soit l'accompagnement d'opéras (suivre des chanteurs dans Donizetti ou Verdi, voilà qui n'est pas follement prestigieux) ou les symphonies de Mendelssohn, Dvořák, etc. Comme on ne propose plus guère de répertoire français dans cette maison, ils se font plus rares (et sont même parfois confiés au Philharmonique, qui programme volontiers Debussy et Dukas). Le Philharmonique joue certes toujours les formats semi-chambristes du XVIIIe et du début du XIXe (assez bien d'ailleurs, considérant sa culture de départ), mais se trouve surtout dévolu au vingtième siècle, et à la création.

Bien que le Philharmonique soit toujours très peu représenté au disque (une dizaine de titres !), le National est ainsi regardé avec une forme de mépris plus ou moins discret – l'orchestre-pour-Verdi, l'orchestre-pour-programmes-grand-public, etc. Pourtant, je lui trouve un niveau exceptionnel : le grain des cordes est particulièrement impressionnant (rarement entendu un si beau pupitre d'altos, à la fois tranchant et profond !), très dense, légèrement dur, mais avec une profondeur de résonance très grande, tandis que la petite harmonie dispense des couleurs chaleureuses inhabituelles en France (où les timbre sont en général plus clairs et froids). Non seulement cela se vérifie quel que soit le programme, mais surtout cela s'adapte très bien à n'importe quel type de musique : la fermeté et la couleur, tout le monde peut en bénéficier ! 

Par ailleurs, la discipline d'ensemble est impressionnante : on voit rarement en France les pupitres s'élancer comme un seul homme – même visuellement, le moindre orchestre allemand paraît immédiatement une caserne lorsqu'on est habitué aux orchestres français. Beau travail collectif.

Très agréablement surpris par Edward Gardner (ancien chef principal à l'ENO), qui ne m'avait pas laissé cette impression d'énergie et de netteté dans ses précédentes fonctions (mais il faut dire que j'ai surtout dû l'entendre dans le flou des prises Chandos, que ce soit pour de l'opéra ou du symphonique). Quant au violoniste James Ehnes, pas vraiment starisé, on est confondu par la puissance de la projection, la qualité de timbre (même dans les passages rapides, toujours une rondeur extrême, façon Hilary Hahn), le goût des phrasés. Ce ne sont pas les grands violonistes qui manquent, mais celui-ci en est vraiment l'un des meilleurs. En bis, son mâle Bach tradi était à couper le souffle.

Voilà pour ce petit bilan, assez différent des hiérarchies habituellement prêchées, qui permettra – je l'espère – de se poser la question, précisément, sur les critères d'une hiérarchie.


Notule ouverte à Radio-France

Pour terminer, un petit message personnel.

Radio-France, vous avez un problème.

Pour le concert Britten-Tchaïkovski-ONF-Gardner, le système de réservation annonçait une salle quasiment pleine – dans les faits, plus du tiers était libre. Ce n'est pas pour laisser cours à mes instincts poujadistes, mais considérant que les déficits de billetterie sont directement financés par les contribuables (même les poitevins et franc-comtois, même ceux qui écoutent Drake ou n'aiment pas la musique), au delà de mon confort personnel de n'avoir aucun voisin sur mon rang, pourrait-on essayer de tout vendre ?

J'ai quelques hypothèses, et je ne crois pas que le positionnement peu clair des orchestres (qui jouent tous deux Wagner, Mahler et Debussy) en soit responsable :
¶ identité de la salle (quel est son projet, au juste ?) ;
¶ tarifs (peu de places pas chères comparé à la concurrence, qui propose pour moins cher des orchestres étrangers ou des solistes superstars : qui va payer 40€ pour être de côté pour entendre un orchestre de radio, indépendamment de l'intérêt du programme et de la qualité de l'exécution ?) ;
¶ accueil du public (l'accueil dans le hall est passablement suspicieux et brutal, sans être toujours rigoureux pour autant : outre le contrôle, souvent à la limite de l'impolitesse, les espaces intérieurs sont mal délimités, ce qui conduit le personnel à courir après les gens pour leur demander où ils vont, ce qui n'est agréable pour aucune des deux parties). On sent bien que le lieu n'est pas conçu pour le public comme une salle de spectacle standard, et que l'on y est, billet en poche ou pas, tout juste toléré au creux d'un plus vaste dessein.

Bref, aller dans une salle peu prestigieuse en payant plus cher pour voir des artistes moins célèbres depuis des places qui ne paient pas de mine (même si le son est bon), forcément que ça peine un peu à remplir, tandis que la Philharmonie a si bien saisi l'air du temps (le contrat est diversement rempli, mais ça donne envie d'aller découvrir – personne ne m'a dit ça pour Radio-France).

Je conçois bien qu'un certain nombre de ces paramètres sont difficiles à amender, mais au minimum… mettez les places en vente, ça aidera. 


mercredi 22 juillet 2015

Les noms de code des orchestres — I — Berlin


Berlin est l'une des villes les plus richement dotées au monde en matière d'orchestres permanents (moins loin de Londres, vainqueur toutes catégories). Et si la dénomination londonienne est claire, à Berlin, l'Histoire a laissé une grande confusion.

Pour commencer, voyons la liste actuelle. En laissant de côté les ensembles spécialistes à géométrie variable (les orchestres baroques, par exemple, contiennent très peu de musiciens titulaires, n'ont pas forcément de salle attitrée, etc.), on se trouve plus ou moins à dix orchestres permanents.

Suivent les descriptions et les extraits sonores (à ouvrir dans une nouvelle fenêtre pour accompagner votre écoute, par exemple).

1. Les orchestres berlinois

Trois orchestres de fosse :
– Staatskapelle Berlin
– Deutsche Oper
– Komische Oper

Deux orchestres de radio :
– Rundfunk-Sinfonieorchester Berlin
– Deutsches Symphonie-Orchester Berlin

Trois orchestres prévus pour le concert symphonique :
– Berliner Philharmoniker
– Konzerthausorchester Berlin
– Berliner Symphoniker

Deux orchestres de chambre :
– Mahler Chamber Orchestra
– Philharmonisches Kammerorchester Berlin

Un orchestre de variétés :
– Orchester des Friedrichstadt-Palastes

… et sans doute quelques autres. Déjà, pour entendre le Komische Oper ou les Symphoniker sans se rendre à Berlin, il faut se lever de bonne heure !

2. La valse des noms

Pour les orchestres de fosse, c'est facile, chacun correspond à un théâtre lyrique (la Staatskapelle, plus vieil orchestre du monde encore en activité, étant l'orchestre de fosse de la Staatsoper unter den Linden…).

Pour les orchestres de concert / symphoniques, ce n'est pas trop complexe encore (davantage avec les dénominations, j'y reviens) : l'Orchestre du Konzerthaus a été institué par la RDA pour concurrencer le Philharmonique, sis en RFA. Quant aux Berliner Symphoniker, créés à la fin des années 60, je n'ai jamais trop vu à quoi ils servaient. Ils jouent surtout de grands classiques, c'est même leur slogan (« nous jouons les classiques du classique »), je suppose qu'ils sont plus ou moins les équivalents des orchestres municipaux parisiens (qui eux, font vraiment des efforts en matière d'originalité de répertoire), destinés à toucher un vaste public plutôt qu'à chercher l'excellence immaculée à destination des mélomanes chevronnés ou snobs. En tout cas, les bandes n'abondent pas hors d'Allemagne.

C'est pour les deux orchestres de radio que nous allons vous demander un instant de concentration, merci. Après la capitulation de 1945, la radio est restée du côté Est de la ville, et en 1946, on fonde donc un équivalent avec son propre orchestre (la RIAS, acronyme allemand pour Radio du Secteur Américain – ''Rundfunk im amerikanischen Sektor''). Lors de la Réunification, la Radio Est a conservé sa dénomination radiophonique (Rundfunk-Sinfonieorchester Berlin), tandis que l'ancienne RIAS est désormais Deutsches Symphonie-Orchester Berlin (sorte de National d'Allemagne…).
Le problème est que, dans l'intervalle, l'Allemagne occidentale reprenant son indépendance, la RIAS a été appelée Radio de Berlin, exactement comme à l'Est, ce qui a causé quelques entrecroisements de noms. Parfois, la différence tient simplement à l'ordre des mots, ou à la graphie (Sinfonie/Symphonie, Rundfunk/Radio, etc.)…

Dit comme ça, ça paraît à peu près clair (peut-être). Mais lorsqu'il s'agit de savoir qui s'appelle comment à une date donnée, ou qui fait quoi sur un disque, ça devient tout de suite plus délicat. Voici les difficultés qu'on avait soulevées ici même il y a deux ans, en incidente du Tchaïkovski de Günter Wand (code couleur pour vous aider : chaudes pour l'Est, froides pour l'Ouest) :
Le Deutsches Symphonie-Orchester Berlin est l'orchestre actuel issu de l'ancienne radio de Berlin-Ouest (fondé en 1946). A l'origine, c'était même la RIAS, c'est-à-dire la radio du secteur américain (Rundfunk im amerikanischen Sektor). Son nom cause quelques problèmes d'identification, puisque de 1956 à 1993, il était appelé Radio-Symphonie-Orchester Berlin, tandis que l'orchestre de Berlin-Est a toujours été appelé (dès sa création, en 1923), Rundfunk-Sinfonieorchester Berlin, soit exactement le même sens – tous deux abréviés en RSO Berlin. Ainsi on se retrouve avec des enregistrements de Riccardo Chailly (directeur dans les années 80 de l'orchestre Ouest) où RSO Berlin apparaît seul sur la pochette, si bien qu'on peut douter de la provenance (a fortiori puisque désormais, ce qui inclut les dates de réédition, seul l'orchestre anciennement à l'Est se nomme RSO Berlin !).

Ce n'est que l'une des nombreuses complexités de la vie orchestrale berlinoise - par exemple, le Rundfunk-Sinfonieorchester Berlin se produit régulièrement au Konzerthaus, comme... le Konzerthausorchester Berlin (fondé en 1952), qui devait être le pendant à l'Est du Philharmonique de Berlin. Lorsqu'on considère qu'il s'appelait à l'époque le Berliner Sinfonie-Orchester, et qu'il existe depuis 1967 à l'Ouest le Symphonisches Orchester Berlin, aujourd'hui Berliner Symphoniker... on voit l'importance de placer les mots dans le bon ordre ! 
Évidemment, les chefs (même permanents) peuvent voyager d'un orchestre à l'autre, ainsi Lothar Zagrosek qui enregistra les Gezeichneten avec le DSO Berlin, mais qui a été par la suite directeur musical de l'Orchestre du Konzerthaus, ce qui ne contribuera pas à éclairer les mélomanes dans quelques années. De plus, si l'on traduit en anglais (comme souvent sur les pochettes) ou en français, on obtient souvent exactement la même expression pour désigner ces orchestres, ce qui n'est pas pour faciliter la tâche des auditeurs de bonne volonté.

Le projet de fusion entre DSO Berlin, Radio(-Est) et Konzerthaus, souhaité par les autorités pour des raisons évidentes de rationalisation économique, ayant échoué, il faudra encore que l'honnête mélomane se plie à cette gymnastique un certain temps… De toute façon, les disques déjà enregistrés ont déjà ce problème d'étiquette ! Quand on vous dit qu'il ne faut pas faire des guerres, maintenant vous savez pourquoi.

3. Identités individuelles

À présent, un mot tout de même sur chacun.

Orchestres de fosse

La Staatskapelle Berlin : l'orchestre (parmi les plus anciens du monde, constitution en 1570, pas du tout avec les mêmes pupitres !) de la Maison d'Opéra la plus prestigieuse de Berlin. Répertoire essentiellement constitué des piliers du répertoire. Sous Barenboim, son rayonnement comme formation symphonique s'est accru, mais là aussi dans de très grands classiques (Beethoven, Bruckner…). Vous pourrez trouver une présentation beaucoup plus détaillée dans cette notule. Son profil sonore a toujours été homogène et plutôt enclin au grandiose.
Directeurs musicaux : Agricola, Reichardt, B. A. Weber, Spontini, Meyerbeer, Nicolai, R. Radecke, J. Sucher, R. Strauss, L. Blecher, E. Kleiber, C. Krauss, Karajan, Keilberth, à nouveau E. Kleiber, Konwitschny, Suitner, Barenboim.
Disques : Le choix ne manque pas… Parmi les grands disques, il faut écouter les deux derniers actes de Tristan par Furtwängler (lien sonore), la Deuxième de Mahler et la Septième de Bruckner par Suitner (pourquoi pas ses deux Così), la Troisième de Schumann par Barenboim (lien sonore) – éventuellement sa Huitième de Beethoven et son Tannhäuser

L'Orchestre de la Deutsche Oper se trouve au contraire dans une maison récente : l'institution, ouverte en 1912, a été rebâtie en 1961 dans un style parking-bureau-Corbusier très caractéristique. La maison et l'orchestre sont un peu moins prestigieux, mais le positionnement est assez identique, même si la Deutsche Oper ose quelques originalités (comme son cycle Meyerbeer actuel, incluant Le Pardon de Ploërmel en version opéra-comique cette saison et l'édition critique de Vasco de Gama la saison prochaine) : essentiellement du grand répertoire. (C'est le paradoxe lyrique de Berlin : une offre plus importante que n'importe où ailleurs, et un répertoire pas plus ouvert pour autant.)
Directeurs musicaux : Waghalter, Walter, Adler, Rother, Dammer, Fricsay, R. Kraus, Hollreiser, Maazel, G. Albrecht, López-Cobos, Sinopoli, Frühbeck de Burgos, Thielemann, Palumbo, Runnicles. Beaucoup de grands chefs abusivement considérés comme secondaires (Kraus, Maazel, Albrecht, Sinopoli, Palumbo…).
Disques : Le chœur (pas le plus formidable, d'ailleurs) a beaucoup collaboré avec le Philharmonique et Karajan, et les excellentes bandes radio existent, mais il est plus difficile de citer des disques majeurs (considérant que je ne m'abaisserai pas à promotionner Carmina Burana et que la fameuse Aida avec Sinopoli laisse surtout entendre le cymbalier…). À mon sens, ce sont les Lulu et surtout Wozzeck avec Böhm, extrêmement intelligibles et très lyriques (traités avec l'évidence de la musique tonale), qui s'imposent pour entendre cet orchestre au meilleur de sa générosité. Lien sonore.

L'Orchestre de la Komische Oper, maison inaugurée en 1892 pour y programmer de l'opérette, s'est depuis spécialisé dans les productions de langue allemande – originaux légers ou traductions d'œuvres célèbres. Dans les faits (pour une raison toujours aussi obscure), on y joue désormais assez peu de titres par an, dont une bonne partie sont des œuvres célèbres en langue originale. On trouvera ainsi, la saison prochaine, Don Giovanni de Mozart dans une traduction allemande récente, Les Contes d'Hoffmann d'Offenbach en français mais avec des dialogues allemands, et Aida de Verdi en version originale.
Il se distingue de ses orchestres concitoyens par un son d'ensemble très franc, et même acide dans les vents, assez inhabituel pour un orchestre allemand – j'aime beaucoup personnellement (sans doute parce que ça ressemble davantage à un orchestre tchèque).
Directeurs musicaux : Oberfrank, R. Reuter, Kreizberg, K. Petrenko, C. St.Clair, Lange, Nánási.
Disques : On trouve peu de choses (une Symphonie Fantastique, trois volumes monographiques sur Siegfried Matthus, une intégrale très tradi de L'Allegro, il Penseroso ed il Moderato de Haendel, tout ça chez Berlin Classics), mais on dispose grâce à CPO de trois disques symphoniques consacrés à Josef Suk (pour des pièces très supérieures aux œuvres symphoniques « célèbres » de Suk), qui en plus de leur programme original et très convaincant rendent vraiment justice à l'orchestre… et présentent la curiosité de faire entendre Kirill Petrenko avant son accession aux plus hautes fonctions – déjà une poussée et une évidence assez hors du commun, dans une musique qui aurait pu s'empâter. Lien sonore.

Orchestres de radio

Le Rundfunk-Sinfonieorchester Berlin, ex-Radio-Est, a abondamment été représenté au disque sous étiquette Eterna (désormais en CD sous Berlin Classics et certains labels à licence) ou Capriccio. Bien qu'il ait abondamment (comme son homologue de l'Ouest, d'ailleurs) enregistré les décadents germaniques, son son n'est pas toujours caractérisé par une transparence exceptionnelle – en réalité, cela dépend beaucoup des prises de son. On peut ainsi
Directeurs musicaux : Seidler-Winkler, Jochum, Celibidache, Abendroth, Kleinert, Rögner, Frühbeck de Burgos, Janowski.
Disques : Parmi la quantité de très bon disques, figurent quelques sommets absolus de l'histoire de l'enregistrement. Meistersinger et surtout Parsifal par Janowski (les deux sur le podium des meilleures versions de tous les temps), Troisième Symphonie de Mahler par Rögner (clarté des plans et douce tension permanente), Die ersten Menschen de Rudi Stephan dirigés par Rickenbacher (un détail d'instrumentation capiteux, proche de la crudité, magnifique), Die verklärte Nacht d'Oskar Fried dirigé par Foremny (l'orchestre sonne plus opaque, c'est surtout l'œuvre documentée qui est capitale), les Vier dramatische Gesänge de Gurlitt dirigés par Beaumont (idem). Pour entendre l'orchestre, donc : l'acte III de Parsifal [lien sonore], le final de la Troisième de Mahler [lien sonore] ou les Premiers Hommes de Stephan.

Le Deutsches Symphonie-Orchester Berlin, ex-RIAS (Radio de l'Ouest), d'abord célèbre pour son partenariat avec Fricsay, très volumineusement documenté au disque (et en général révéré par les mélomanes et les revues), a lui aussi beaucoup travaillé sur le legs alternatif et innovant du début du XXe siècle germanique. Exactement pour la Radio de l'Est, la diversité des prises de son fait entendre des profils très différents, même à époque égale. Néanmoins, la tendance est à plus de détail, avec un profil sonore qui se caractérise plus par la précision des arrière-plans que par la recherche de fondu – en revanche, le son d'orchestre est aujourd'hui superbe, rien à voir avec les cordes rêches de l'époque Fricsay.
Directeurs musicaux : Fricsay, Maazel, Chailly, Ashkenazy, Nagano, Metzmacher, Sokhiev. Entre Maazel et Chailly, un intervalle de 8 ans sans chef permanent, avec des interventions récurrentes de Jochum, Leinsdorf, G. Albrecht, Rozhdestvensky, Marriner…
Disques : Là aussi, en tant qu'orchestre de radio, on dispose à la fois d'un assez bon nombre de captations et d'une grande variété de répertoire, en particulier en ce qui concerne le répertoire décadent ou « dégénéré » dont l'orchestre s'est fait une spécialité. Du côté des témoignages anciens, j'aurais envie de recommander les Nozze di Figaro par Fricsay (lien sonore ; timbres peu séduisants, mais une qualité de phrasé et d'atmosphère saisissante) ; pour les raretés, l'Acte préalable de Scriabine-Nemtine par Ashkenazy (lien sonore ; œuvre colossale, et interprétation à la hauteur de sa complexité et de sa virtuosité immenses), deux versions de Die Gezeichneten de Schreker au compteur (Zagrosek et Nagano – prenez Zagrosek, Nagano (1,2,3,4) est très coupé et la mise en scène occulte pas mal d'aspects du livret – lien sonore), Wozzeck de Gurlitt par G. Albrecht (lien sonore ; moins transparent qu'à l'habitude, mais œuvre majeure menée sans coup férir). Pour le grand répertoire aussi, plusieurs témoignages hors du commun, à mon avis les meilleurs jamais laissés pour les œuvres concernées, comme la Troisième de Beethoven (lien sonore), la Cinquième de Bruckner (lien sonore), les Cinquième (lien sonore) et Sixième de Tchaïkovski (lien sonore) – tout cela dans des prises de son très physiques chez Hänssler, sous la direction de Günter Wand : lisibilité maximale, couleurs chaleureuses, tension énorme (mais une tension lumineuse, transcendante).

Orchestres symphoniques / de concert

Les Berliner Philharmoniker (leur dénomination se fait par un pluriel désignant les musiciens, en accord avec leur principe électif : « les Philharmonistes de Berlin ») constituent bien sûr l'orchestre superstar de la capitale, du pays et du monde – à telle enseigne que pour le nommer, les mélomanes disent en général « Berlin », tout simplement. On en avait déjà touché un mot ici. Leurs caractéristiques ont énormément évolué au fil des ans, de la rudesse sombre des années Celibidache et Furtwängler à la rondeur transparente de Rattle aujourd'hui, en passant par la très étrange période Karajan et son son chantilly inimitable, écrasé par des cordes d'un moelleux sans égal. L'orchestre porte encore l'empreinte, dans son profil sonore, des choix esthétiques de Karajan, mais en fait désormais tout autre chose, en respectant mieux les styles abordés – la personnalité de l'orchestre continue de tempérer les options des chefs, mais les Philharmoniker jouent désormais le premier romantisme ou le XXe français et russe avec un sens du style indéniable.
Leur répertoire aussi s'est grandement élargi : il ne faudrait pas se laisser abuser par la production discographique (étant l'orchestre le plus célèbre du monde, et peut-être le plus virtuose, on lui fait bien sûr enregistrer tous les piliers du répertoire où il est censé « faire référence »), car le concert permet d'entendre beaucoup de choses originales, souvent des œuvres considérables mais moins courues.
Directeurs musicaux : von Brenner, von Bülow, Nikisch, Furtwängler, Borchard (pour quelques mois en 1945), Celibidache, Furtwängler à nouveau, Karajan, Abbado, Rattle, K. Petrenko.
Disques : Étant peut-être l'orchestre le plus enregistré de la planète, le choix est large. On peut procéder par période : la Quatrième Symphonie de Mendelssohn avec Celibidache (lien sonore ; très directe, dans un style qui n'a plus jamais été celui de Berlin par la suite), la Quatrième Symphonie de Schumann par Furtwängler (lien sonore), les symphonies de Beethoven par Abbado à Rome (lien sonore ; retrouvailles du style juste et de la possibilité du chambriste), les symphonies de Brahms par Rattle (où les qualités instrumentales cèdent le pas à une recherche de clarté absolue des plans et à des articulations inédites).
La période la plus intéressante est à mon sens celle d'aujourd'hui, où la radio et la plate-forme web de l'orchestre documentent des répertoires très différents, et souvent des soirées où l'engagement des musiciens est beaucoup plus patent qu'en studio, ne restant plus dans le confort du beau son ou de la virtuosité, mais allant chercher la couleur spécifique des musiques, la lisibilité maximale des plans internes aussi bien que de l'architecture et de la « directionnalité » de la partition. Sous Rattle, les Français ont été particulièrement bien servis, avec les meilleurs Pelléas (en 2006) et Shéhérazade (avec Kožená) de tous les temps.
Et pour Karajan ? Malgré l'exagération de ses tropismes, il y a beaucoup de grandes choses. Pour les parcourir, essayez par exemple sa Cinquième de Beethoven (version Clouzot, explosive), ses Missa Solemnis (d'une générosité hors du commun si l'on supporte le chœur terne du Wiener Singverein), sa Troisième de Beethoven (lien sonore ; intégrale de 1977, avec un orchestre infini comme la mer), son Tristan de studio (lien sonore ; controversé à cause d'une distribution étrange, mais d'une splendeur et d'une intensité orchestrales inégalées). Et, pourquoi pas en complément, des visions assez abouties issues du « grand son Karajan » des années 70-80 (pas forcément en style, mais très persuasives) : son Fidelio de studio, son Lohengrin, son Aida chez EMI, ses différentes Symphonies de Brahms, ses Quatrième et Septième de Bruckner… Dans cette période, il existe aussi nombre de témoignages discographiques importants de chefs invités : par exemple l'ardeur et la douceur extrêmes de la Quatrième de Mendelssohn par Tennstedt. Lien sonore.

À l'Est, le Konzerthausorchester Berlin fut fondé, en 1952, comme le rival du Philharmonique de Berlin, situé à l'Ouest. Il portait alors le nom de Berliner Sinfonie-Orchester, mais n'eut jamais le même prestige en matière de son, de chefs permanents (les trois derniers sont impressionnants, mais n'ont pas forcément la réputation proportionnée à leur mérite) ou de faveur du public. Les témoignages officiels ne sont pas extrêmement abondants par rapport aux autres grands orchestres berlinois (même Herbig, pourtant chef permanent, a plutôt laissé des enregistrements avec d'autres orchestres). Avec Sanderling, et même au delà de son mandat, il avait une intensité particulière avec des timbres très différenciés, robustes, légèrement agressifs, qui entraient merveilleusement en accord avec les visions peu amènes du chef. Aujourd'hui, je trouve que leur son est devenu assez banal, un bon orchestre allemand parmi tant d'autres. Et même s'ils s'intéressent eux aussi au répertoire décadent, leur impact dans la mise à l'honneur des répertoires alternatifs est sans comparaison avec les plus audacieux de la capitale.
Directeurs musicaux : H. Hildebrandt, Smetáček (en guise de transition comme « premier chef invité), K. Sanderling, Herbig, Flor, Schønwandt, Inbal, Zagrosek, I. Fischer.
Disques : Hélas, assez peu de choses, alors que certaines associations ont dû être intéressantes. Il faudrait thésauriser les témoignages radio (dans l'immensité des autres possibles, pour des orchestres qu'on est en droit d'aimer davantage…) pour s'en faire une représentation fidèle. Dans l'état de la discographie, je peux surtout recommander quelques grands classiques par Kurt Sanderling, des disques d'ailleurs assez universellement appréciés : le Premier Concerto de Brahms avec Hélène Grimaud, les œuvres concertantes de Rachmaninov avec Peter Rösel (mais qui mettent, forcément, avant tout en valeur le pianiste), et bien sûr l'intégrale délicieusement granuleuse des Symphonies de Sibelius. Lien sonore.

Je n'ai pas voulu, vu leur importance secondaire dans le panorama, surcharger la liste des confusions possibles ; néanmoins les Berliner Symphoniker, créés plus récemment (1967), portent le même nom qu'un orchestre de l'Est (fondé dans les années 50 et dissout dans les années 80). Les Symphoniker actuels, dont on parle ici, étaient à l'origine nommés Symphonisches Orchester Berlin (provenant de la fusion du Berliner Symphonisches Orchester et du Deutsches Symphonieorchester – ils auront vraiment essayé toutes les combinaisons !).
Ils sont spécialisés dans le répertoire le plus courant, beaucoup de « tubes », leur slogan étant qu'ils jouent « les classiques du classique », et ne sont pas représentés dans les discographies des magazines et les discothèques des mélomanes. En revanche, ils servent fréquemment d'ambassadeur en tournée dans le monde. Les disques révèlent un très bon orchestre (avec des sonorités très claires et typées, inhabituelles en Allemagne, comme pour le Komische), mais il est assez difficile de s'y retrouver dans tous ceux nommés « Berlin Symphony Orchestra » : les erreurs de classement, au moins chez les distributeurs, sont nombreuses. Vous pouvez au moins tenter ce disque où figure leur directeur musical, pas de confusion possible. Programme très grand public, mais exécution remarquable de justesse, d'une grande générosité aussi.
De même pour les directeurs musicaux : le plus célèbre d'entre eux doit être Alun Francis (chef remarquable par ailleurs !) dont l'exposition médiatique se limite à peu près à ses contributions au catalogue CPO – Toch, Wolf-Ferrari, Milhaud, Kabalevski, Pettersson, Cowell, Searle, Klemperer (dont certains avec le DSO Berlin et la Radio-Est !) – et à ses Donizetti et Offenbach pour Opera Rara. Tous disques très-dignes d'intérêt (et même davantage), mais qui ne permettent pas d'entendre les Berliner Symphoniker.

Orchestres de chambre

En laissant de côté les ensembles baroques, on en trouve au moins deux à Berlin.

Le Mahler Chamber Orchestra, formé en 1997 autour de Claudio Abbado avec des membres du Gustav Mahler Jugendorchester (Orchestre de Jeunes Gustav Mahler, sis à Vienne depuis sa fondation en 1986 par le même Abbado) qui avaient passé la limite d'âge mais souhaitaient continuer de jouer ensemble. (Ils sont aussi inclus dans le fameux Orchestre du Festival de Lucerne.) L'orchestre est gouverné selon le principe de collégialité cher à Abbado (reproduit également pour son Orchestre Mozart).
Ce n'est un orchestre de chambre que dans le sens le plus lâche du terme : je les ai moi-même vus jouer iTristan/i, pas exactement une nomenclature de poche ! Mais la formation par défaut contient relativement peu de cordes par rapport aux grands orchestres sédentaires.
Leur son, peut-être à cause de la diversité des origines, n'est pas extrêmement typé, et leur répertoire, quoique revendiquant de tout embrasser du baroque au contemporain, se concentre largement sur le romantisme tardif et le XXe doux. Peut-être pourrait-on mentionner leur coloris plutôt sombre pour un orchestre de cette taille (et la grande qualité des bois).
Disques : Il n'y a pas tellement de disques, et j'en ai peu à recommander : ils ont fait de belles choses avec Daniel Harding notamment, mais quasiment rien qui me paraisse une référence totalement incontournable. Plutôt que leur Quatrième de Mahler (lien sonore) ou leur Turn of the Screw, je recommanderais leurs Mozart aixois sur le vif (Don Giovanni en CD (lien sonore) et Così fan tutte en DVD, très nets, voire secs, mais hautement dynamiques et poétiques).

Le Philharmonisches Kammerorchester Berlin (fondé en 2002 sous le nom de Berliner Kammerphilharmonie) n'a pas du tout le même rayonnement international : il s'agit d'une association à but non lucratif, qui se produit à la Philharmonie, au Konzerthaus, organise des masterclasses de direction d'orchestre autour de chefs célèbres… mais son rôle n'est pas du tout, contrairement à la plupart des autres orchestres de cette liste, de rivaliser pour éblouir les mélomanes du monde entier.
(Il existe aussi un Deutsches Kammerorchester Berlin, mais je n'ai pas réussi à déterminer s'il s'agissait de la même formation.)

Il est probable qu'il en existe quelques autres, mais ce n'est de toute façon pas le cœur du sujet.

Orchestre de variété

Nous reste l'Orchester des Friedrichstadt-Palastes, mais je ne suis pas trop sûr de ce qu'il contient – bien sûr, il y a des guitares amplifiées et des synthétiseurs, mais y a-t-il aussi une nomenclature traditionnelle ? J'en doute un peu, et pas dans les soirées que j'ai pu entendre, mais je ne puis l'affirmer non plus.

--

Ai-je besoin de préciser que ce sont les deux orchestres de radio qui retiennent le plus mon intérêt, aussi bien pour le style que pour le répertoire ? [Et puis j'adore le Komische pour sa typicité, même si on l'entend peu souvent.]

Ainsi se termine notre voyage à travers la forêt de symboles des orchestres berlinois ; de quoi décrypter ce que vous écoutez, et probablement de quoi faire de bonnes rencontres discographiques. D'autres villes sont en projet (et, même pour Londres, encore plus fournie mais moins abmbiguë, ce devrait être plus court).
Nombre de liens (sonores notamment) ont été disséminés dans la notule (en particulier dans les sections discographiques), ceci devrait vous occuper quelque temps en attendant la prochaine.

dimanche 22 mars 2015

[Carnet d'écoutes n°70] — Médée-Kožená, Barber-Roe, nouveau Rossignol éperdu, les meilleurs Wesendonck, Sextuors germaniques décadents, Quatuors de Haydn et Katzer…


Cette fois-ci :

  • Spectacle vivant :
    • Médée de Charpentier à Bâle avec Magdalena Kožená.
    • Re-création de Nausicaa de Hahn à l'Hôtel de Birague.
  • Trois nouveautés (très réussies !) :
    • Récital « Révolution » d'Emmanuel Pahud consacré à la fin du XVIIIe français, dirigé par Giovanni Antonini (Warner).
    • Parution d'une quatrième version du Rossignol éperdu, vaste cycle pour piano en quatre parties de Reynaldo Hahn, par le spécialiste Billy Eidi (Timpani).
    • Récital Barber-Britten d'Elizabeth Joy Roe, du formidable duo Anderson & Roe (Decca).
  • De grandes versions de Haydn (quatuors) et Mozart (concertos).
  • Chefs-d'œuvre du répertoire romantique et postromantique pour quintette et sextuor à cordes : Brahms, Wagner, Tchaïkovski, Bruckner, Rimski-Korsakov, Zemlinsky, Braunfels, Korngold…
    • … dont la plus belle version des Wesendonck jamais enregistrées (Breedt / Sextuor à cordes de Vienne).
  • Du contemporain : symphonique pour Lachenmann, quatuors pour Katzer.
  • Arrangements divers pour cor et guitare ; arrangements de Schubert pour guitare solo.
  • … et quelques autres (bonnes) choses.






Suite de la notule.

dimanche 21 septembre 2014

Claude DEBUSSY, auteur de 12 opéras — II — L'histoire de Tristan


… quelquefois aussi présentée (fautivement) dans les notices sous le titre La Légende de Tristan. Légende à tout point de vue.


Pour accompagner votre lecture, la meilleure version de Tristan qui soit : le meilleur arrangement orchestral de Pelléas, par Marius constant.
Tiré de l'intégrale Jun Märkl / Orchestre National de Lyon.


1. La source : Joseph Bédier

En 1900, alors qu'il est en voie d'achèvement de Pelléas, Debussy lit le Roman de Tristan de Joseph Bédier, à peine publié. Il s'agit d'une refonte cohérente du mythe (dont les versions les plus anciennes de Béroul et Thomas, qui font référence, ne sont que des fragments, qui ne couvrent pas toute leur histoire), dans une langue simple et pure, émaillée occasionnellement de mots un peu archaïques — c'est même encore l'une de celle qu'on lit le plus souvent, avec celles d'André Mary et de René Louis.

La refonte plus tardive de René Louis (1972) est la plus souvent convoquée dans les manuels scolaires, très adaptée à notre temps et à un public moins averti : elle restitue avec minutie l'intrigue, dans une belle langue simple pas si éloignée de Bédier, mais sans difficultés de vocabulaire.

André Mary publie la sienne, plus expansive, en 1937, un an avant le décès de Bédier – qu'il admirait beaucoup. Il avait poussé la déférence jusqu'à lui offrir, dans un exemplaire de ses Légendes épiques, un rondeau laudateur :

De ce Tristan ne vous émayez mie, Maître Bédier ou sire Béduyer :
Es cors, jadis, Champenois, Hennuyer,
Rebaudissaient la gent sans ennuyer,
Chantant sans fin de Tristan et s'amie.

La noble joute et la belle escrémie !
A l'autre l'un n'enviait son loyer :
Chacun gangait à dire et rimoyer
De ce Tristan.

Clerc de grand los, qui la Dame endormie
En la gaudine allâtes réveiller,
Et mon printemps sûtes émerveiller,
Si je vous puis à mon tour égayer,
Soulas petit n'aurai n'aise demie.

Bédier se montra plus losengier, parlait sans dissimulation d'une œuvre qui contenait « de l'attristant et Iseut ».

Néanmoins cette admiration collective a un sens : c'était la première refonte sérieuse, me semble-t-il — c'est-à-dire liant les sources et en faisant nécessaire des choix dans leurs contradictions, mais sans y adjoindre sa propre fantaisie — qui ait paru en langue française. En tout cas, c'est pour le grand public la première fois que le détail de la légende lui parvient, et un très beau succès salué par tous.

Immédiatement, Debussy souhaite préparer un opéra sur ce sujet. Louis Laloy fait les présentations. Bédier était un ancien professeur de Debussy à l'École Normale Supérieure, et le caractère réservé en société des deux hommes s'accordait paraît-il très bien.

En 1907, il se décide à concrétiser le projet, sérieux dès l'origine, avec un livret de Gabriel Mourey (contrairement aux deux Poe qu'il réalise lui-même).

2. Le librettiste : Gabriel Mourey

Les deux hommes sont quasiment du même âge (Debussy naît en 1862, Mourey en 1865) ; ils se rencontrent en 1889 et ont une assez grande confiance réciproque Debussy s'embarque pour son projet de Tristan.

Mourey n'est pas un petit littérateur : il a traduit tous les poèmes de Poe (parus l'année de sa rencontre avec Debussy), puis l'intégralité des Poems et Ballads de Swinburne, passait pour l'un des grands spécialistes d'Odilon Redon, écrivait lui-même des vers et des drames, et était un wagnérien éminent.


Malwine et Ludwig Schnorr von Carolsfeld dans leur petit canapé de l'acte II, pour la création du ''Tristan'' de Wagner en 1865 au Théâtre Royal de Munich.
Photographie de Joseph Albert.


Il écrit d'ailleurs dans la Revue Wagnérienne (du 15 janvier 1887) une version de Tristan et Isolde qui ressemble à ceci (plutôt élégant eu égard au modèle) :

Avoir le ciel entier pour soi, n'être plus qu'un
Et deux pourtant ; fondre mon être dans ton être ;
Devenir azur, nuage, étoile, parfum,
Loin des hommes, loin des demain, loin des peut-être !

Debussy raconte à Victor Segalen (lettre du 27 juillet 1907) qu'il avait oublié le projet jusqu'à ce que Mourey le lui propose.

J'ai lu le Roman de Tristan dès sa sortie et j'ai tout de suite voulu en tirer un opéra, tant sa beauté m'impressionnait, et tant me semblait nécessaire la restauration du caractère légendaire de Tristan, tellement déformé par Wagner… Puis j'oubliai ce projet jusqu'à ce que, récemment, Mourey (que je n'avais pas vu depuis des années) vînt me voir et me parlât de ses projets pour Tristan. Mon enthousiasme, tristement assoupi, je le confesse, s'est réveillé immédiatement et j'ai accepté !

(Retraduit de l'anglais, pardon.)

Debussy, s'il avait été très critique envers les Maîtres Chanteurs et la Tétralogie, avait néanmoins toujours admiré Tristan et Parsifal. Cela ne l'empêchait pas de les critiquer en public, mais la conversation avec Mourey semble avoir porté, dès les débuts, notamment sur la musique de Wagner. Plusieurs témoignages insistent sur sa fascination et son imprégnation, telles qu'il ne pouvait composer rapidement pour l'opéra, sous peine d'écrire dans un style wagnérisant.

Il paraît que les premières esquisses de Pelléas (que j'aimerais bien pouvoir voir un jour…) ont été abandonnées car trop marquées par l'influence wagnérienne, précisément.
Et cela peut se mesurer facilement en observant les interludes allongés en catastrophe pour les changements de décor de Pelléas : on y entend de gros morceaux de Wagner à peine altérés — notamment les interludes I,1-2 et II,1-2, où resurgit sans ambiguïté (comment ne s'en est-il pas aperçu !) la marche de la Présentation du Graal de Parsifal. C'est d'ailleurs parmi ce que Debussy a écrit de plus beau, et ce n'est pas un Wagner simplement transposé dans une esthétique française comme avec Fervaal de d'Indy ou Le Roi Arthus de Chausson, mais bien un Wagner décanté, qui affleure par moment mais nourrit une esthétique assez profondément distincte.
On l'a déjà un peu regardé ici (et là pour les leitmotive… et Moussorgski )

En 1908, Debussy est tellement enthousiaste et confiant (et en manque d'argent) pour l'avancée de son Tristan qu'il signe un contrat avec Giulio Gatti-Casazza, directeur du Metropolitan Opera de New York, et touche une avance, pour trois opéras — il a posé la condition qu'ils soient indissociables, et jamais couplés avec des pièces d'autres compositeurs. On parle souvent des deux Poe (La Chute de la Maison Usher et Le Diable dans le Beffroi) à cette occasion, rarement de L'histoire de Tristan qui figure pourtant dans le contrat.

Je reviens après sur le contenu de leurs travaux.

L'inachèvement de Tristan n'a pas mis un frein à la collaboration entre les deux hommes puisque Debussy écrit, en 1913, Syrinx pour la scène de la mort de Pan (puisqu'une phrase ambiguë chez Plutarque peut laisser entendre qu'il peut mourir – dans ce cas, il est fils d'Hermès et… Pénélope), prévue pour un écho hors scène dans une scène pastorale de Psyché de Mourey. C'est Debussy qui insiste sur les qualités d'évocation de la flûte solo.
Par ailleurs, quelques auteurs malicieux ont relevé les potentielles convergences entre Lawn-tennis, une pièce de Mourey au lesbianisme évident, et Jeux, qui présente quelques parentés dans l'argument — bien sûr, le second (1912) n'est pas une adaptation du premier (1891, refusé par le théâtre).

3. La raison de l'inachèvement : Louis Artus

Dans le cas de L'histoire de Tristan, qui avançait lestement, l'absence d'aboutissement n'est pas due à des crises de doutes, d'inspiration, ou tout simplement un manque de temps, causes dont Usher et le Beffroi ont souffert. Non, il semblait, à cette époque où la musique n'était pas encore composée, que rien n'était parti pour arrêter Debussy, et que l'ombre de Wagner lui traçait finalement une voie nécessairement alternative, plutôt facile à suivre.

Paradoxalement, c'est le succès de Bédier qui va ruiner le projet.

Peu après la publication du Roman de Tristan (1900), le cousin de Joseph Bédier, Louis Artus (ça ne s'invente pas !), lui demande l'autorisation d'en réaliser une adaptation théâtrale. Il met 28 ans à mener à bien le projet (qui arrive sur la scène en 1929). Considéré comme médiocre par les commentateurs, Artus était manifestement admiré pour son aisance en société par le timide Bédier. Lors de la première des quatre candidatures, toutes infructueuses, à l'Académie Française, il fut même le seul à voter pour Artus aux quatre tours de scrutin.

La chronologie est alors difficile à déterminer : on assiste à un chassé-croisé raconté par fragment chez les auteurs concernés, chacun défendant de plus son poulain et le déclarant de la meilleure volonté du monde. Louis Artus ayant le moins biographes, c'est structurellement lui qui prend cher. Aussi, je vous livre les différents éléments, un peu contradictoires, en ma possession, sans chercher à les réorganiser logiquement (je risquerais d'introduire des causalités imaginaires) :

¶ Le 20 février 1909, Debussy écrit à Mourey qu'il n'est pas satisfait du détail de la réalisation, et lui demande d'abandonner l'alternance entre parlé et chanté :

Vous traitez la question de la mise en musique avec trop de légèreté. D'abord, nous de pouvons pas avoir de chanteurs qui jouent aussi bien que cela. Les chanteurs n'ont pas plus d'idée sur ce qu'est jouer que n'en a le pied d'une table en bois ; et concernant la combinaison de vers parlés et chantés, voilà qui est redoutable. Le résultat sera que les deux sonneront faux. Je préfèrerais un opéra sans cette ambiguïté poétique.

(Pardon, encore une retraduction à partir d'un – autre – exégète anglais.)

¶ En avril 1909, au terme d'un opposition avec Debussy, Louis Artus défend au compositeur de traiter directement avec Bédier. Artus avait conditionné l'autorisation de la mise en musique au travail sur son scénario, ce que Debussy avait refusé, tenant à son travail avec Mourey (dès 1907, Mourey lui avait fourni un synopsis complet, et Louis Laloy avait déjà commencé à travailler sur des détails avec le compositeur).
Marcel Dietschy commente plaisamment (dans son ouvrage de 1962) : comment Debussy aurait-il pu être enthousiaste à collaborer avec le vaudevilliste qui a écrit La culotte ?
C'est à ce moment que le projet est abandonné.

¶ En 1910, Debussy dit à Laloy qu'il espère encore travailler avec Bédier (mais le projet n'a semble-t-il pas progressé pour autant).

¶ Néanmoins, étrangement, en juin 1912, Déodat de Séverac (peut-être informé avec retard, puisqu'il paraît que le sujet n'est devenu public qu'à partir de 1914, autre information démentie par la lettre suivante) écrit à Artus qu'il renonce à composer un opéra sur son livret, par peur de se confronter à Debussy. Manifestement, Artus (dont je n'ai pas les lettres) ne l'a pas contredit, pourquoi ?

Un de mes camarades m'a dit hier soir que M. Debussy mettait en musique un Tristan fait d'après le livre de Bédier. Cette nouvelle avait été annoncée par Comœdia il y a quelques jours paraît-il et si le fait est vrai, je me vois dans l'obligation de renoncer à votre beau poème ! Je ne voudrais pas avoir l'air de « concourir » avec un Debussy, c'est déjà beaucoup trop pour moi du Tristan de Wagner.


¶ Le 4 juillet 1912, une lettre de Bédier à Debussy montre qu'il tente encore, sans trop d'espoir, de convaincre le compositeur d'écrire cette fois de la musique de scène pour ce qui devient une pièce de théâtre. Sans succès.

Il est donc difficile de dénouer exactement le moment de l'abandon définitif du projet, mais Debussy et Mourey ont cessé le travail depuis 1909, et la bonne volonté semblait assez absente de part et d'autre pour pouvoir collaborer, pour des raisons d'intérêt personnel ou artistique assez compréhensibles (la concurrence écrasante de Debussy ou l'association à un auteur mineur).

4. L'œuvre achevée d'Artus

Vous êtes peut-être curieux, d'ailleurs, de voir à quoi ressemble cette pièce d'Artus, finalement co-écrite avec Bédier, et créée sous forme théâtrale à Nice, en 1929. C'est dans un genre un peu didactique et autoexégétique, mais ça se laisse lire (du moins comme livret d'opéra putatif, car le passage à la scène doit être un peu rude) :

TRISTAN
Oui, tu es à moi, et je te garde : j'ai droit sur toi. Ils nous ont chassés dans ce désert du Morois : j'ai droit sur toi.
ISEUT
Je bénis leur cruauté. Par elle, tu es mon droit seigneur. Quand ils nous ont emmurés dans cette forêt, ils ont affranchi nos cœurs.
TRISTAN
Puisqu'ils nous traquent comme des bêtes des bois, aimons-nous comme les bêtes des bois, innocentes et farouches.
ISEUT
Nos amours traquées sentent bon l'odeur des herbes sauvages…
TRISTAN
Et l'odeur du sang. Aimons nos amours.

Il semble tout de même que Louis Artus ait été doté d'un caractère peu facile, si l'on croit sa correspondance ultérieure avec Bédier, lorsque celui-ci rechigne à ajouter certaines scènes de caractère.

Vous maintenez que votre scène de la harpe est excellente, je maintiens qu'elle est très mauvaise. Cependant, pour vous être agréable, je me résigne à la contresigner. Livrez-la donc à Brulé [metteur en scène de la création et acteur de Tristan, ndDLM], soit telle qu'elle est, soit modifiée pour ce qui est du style, des « mots » dans la mesure que vous voudrez.
Si je cède en la circonstance, la menace que vous me faites entrevoir d'un dédit que j'aurais, dites-vous, à payer, n'y est pour rien : vous me connaissez, vous savez qu'on ne me fera jamais faire pour l'argent une chose que, pour des raisons littéraires, j'aurais résolu de ne pas faire.

(Brouillon de lettre du 25 juillet 1928 de Joseph Bédier à Louis Artus.)

S'il va jusqu'à menacer de poursuites son généreux cousin s'il ne lui permet pas de défigurer son œuvre, on peut imaginer le peu d'appétence d'autres artistes à collaborer avec un aussi bouillant personnage. Je me demande d'ailleurs s'il n'y a pas une possibilité (je ne connais pas assez le caractère de Séverac pour le dire) que l'impossibilité évoquée ne soit pas un refus poli…

5. Le contenu final du Tristan inachevé

Suite de la notule.

mercredi 2 juillet 2014

Hors du nombril du Monde : opéra en province et à l'étranger en 2014-2015

En tant que spectateur, on a sans doute tendance à faire trop confiance à ses goûts : j'étais déçu de la saison de l'Opéra de Paris (je vais même probablement faire le voyage à Lyon pour voir Rusalka, plutôt que la production locale !), mais en fin de compte, il y a tellement à faire qu'on est bien content que toutes les salles ne proposent pas la même densité que Versailles en chefs-d'œuvres incontournables ou que l'Athénée en dispositifs intrigants.

On se retrouve d'ailleurs face au choix d'explorer à fond un domaine qui nous plaît — dans ce cas, en voyageant un tout petit peu, rien qu'en France, on peut être comblé ! — ou de varier les plaisirs (dans ce cas, le temps manque rien qu'à Paris). Je suis plutôt dans la seconde perspective (il y aura donc Decaux, Menotti, Uthal, Amendoeira et Bobby & Sue), mais pour ceux qui souhaitent plutôt approfondir la première, voici de quoi vous occuper un peu l'année prochaine.

Comme l'an passé, en gras les œuvres peu données et particulièrement intéressantes, en souligné les distributions très alléchantes.

Suite de la notule.

mercredi 17 juillet 2013

Saison 2012-2013 ––€ Bilan statistique et subjectif


Pas de grandes leçons générale à tirer de ce bilan, à ceci près qu'il est possible de faire un nombre à peu près illimité de concerts de premier intérêt en Île-de-France, et quels que soient ses goûts...

73 spectacles dans 34 lieux différents (dont 18 "nouveaux") : quand on se déplace un peu, on trouve. Et à prix la plupart du temps très doux (sous les 20€€).

Il y aura probablement un ou deux concerts supplémentaires d'ici à la fin de l'été, mais voici d'ores et déjà l'essentiel des données.

A. Liste des spectacles vus

Suite de la notule.

jeudi 27 décembre 2012

Symphonie n°2 de Bruckner, Concerto pour violoncelle d'Elgar à Pleyel (Coppey, Philhar R-F, Inbal)


Le concerto pour violoncelle d'Elgar, dont il a été question il y a peu de temps, s'est révélé plutôt ennuyeux en salle : moins travaillé que la symphonie, et surtout assez mal orchestré. Ses masses opaques n'apportent pas beaucoup de distraction, et tendent à étouffer le soliste dès que les tutti sont écrits trop forts. Le premier mouvement reste néanmoins très beau, même si le reste se suit moins agréablement très beau. Au passage, Marc Coppey est le cas typique du soliste charismatique en salle, avec quelque chose d'assez pénétrant à chaque fois que je l'entends, tandis que ses disques me paraissent toujours râpeux et pas très inspirés ; vraiment, quelque chose se perd en captation chez lui, au même titre que chez Leonidas Kavakos par exemple. Côté chanteurs, le cas est encore plus fréquent (j'ai déjà dû parler dans ces pages de Soile Isokoski, Mireille Delunsch, Nicolas Testé ou Fernand Bernadi, trahis par les micros...).

La Deuxième Symphonie de Bruckner se révèle une belle surprise, bien plus convaincante qu'au disque. Eliahu Inbal, que je me faisais une joie d'entendre en salle, en fait une lecture vive, immédiatement lyrique, presque amène (quasiment insolite). Et la symphonie recèle bien des beautés, parmi les plus belles du corpus de Bruckner, en fait : un beau moment avec bois solos façon Quatrième de Nielsen dans le premier mouvement, un beau mouvement lent, un scherzo ressassant mais redoutablement enthousiaste, un beau final (après une récapitulation un peu longue). On y retrouve tout ce qui fait la particularité de Bruckner - par exemple les grandes transitions statiques en forme de marches harmoniques, ou les ruptures par le silence -, mais utilisé avec mesure et disposant toujours d'un petit supplément pour capter l'attention. Exactement ce qui peut manquer à la Huitième, par exemple - aussi étrange que cela puisse paraître, j'y entends un peu trop Bruckner, de façon peut-être un peu trop prévisible.

Très belle soirée, avec un orchestre particulièrement à son aise dans le grand répertoire germanique tardif, comme il l'a mainte fois montré.

dimanche 14 octobre 2012

C'est Tristan - [Franck, Stemme, Franz, Pleyel]


Il existe un phénomène singulier, que je ne crois pas avoir rencontré pour un autre opéra, et jamais à ce point dans une oeuvre instrumentale, le « c'est Tristan, quoi ».

Alors que le classiqueux aime généralement s'étriper avec son semblable (à plus forte raison s'ils ont globalement les mêmes goûts) sur une histoire de tempo, d'articulation, de timbre, d'équilibres, Tristan, sans être exempt de ces débats, paraît étouffer les velléités de dispute sous l'admiration béate de l'oeuvre. Une sorte de communion magique, un des très rares cas où le mélomane-geek ne dira pas « étonnant comme le tempo était lent » ou « la soprane était brillante » mais en reviendra sobrement à l'oeuvre elle-même : « c'est Tristan, quoi ».

Etant au nombre de privilégiés qui ont pu assister, dans une salle pleine comme un oeuf, au Tristan donné à Pleyel ce samedi, je ne puis que perpétuer la tradition. Je vais tout de même tâcher d'en dire un mot, car nombreux sont ceux qui n'ont pas pu assister à la soirée, intégralement vendue en vingt minutes à l'ouverture des réservations.

Retour sur le livret

D'abord, une impression étonnamment favorable sur le livret. Ce n'est pas faute d'avoir dit à quel point la poétique du ressassement (qui se veut épique) ou l'esthétique dévoyée du récit hors-scène à la façon des stasima peuvent être vaines et pénibles, et rendre longs des drames dont la musique est pourtant passionnante de bout en bout - typiquement, le Crépuscule des dieux, pourtant un beau sujet à la (dé)mesure de Wagner compositeur (mais qui dépassait assez largement le Wagner poète).

Néanmoins, au sein des vers allitératifs, des répétitions archaïsantes,

Dir nicht eigen, / Ne t'appartenant pas,
einzig mein, / seulement à moi,
mitleidest du, / tu partages ma souffrance
wenn ich leide : / lorsque je souffre ;
nur vas ich leide, / seulement, ce que je souffre,
das kannst du nicht leiden ! / il t'est impossible d'en vivre la souffrance.
(Tristan à Kurwenal en III,1)

des syntaxes médiévalisantes,

Die kein Himmel erlöst, / Dont aucun Ciel ne libère,
warum mir diese Hölle ? / Pourquoi cet Enfer ?
Die kein Elend sühnt, / Qu'aucun désespoir n'expie,
warum mir diese Schmach ? / Pourquoi cette honte ?
(Marke à Tristan en II,3)

d'aphorismes contorsionnés,

wie könnte die Liebe / Comment pourrait l'Amour
mit mir sterben / avec moi mourir,
die ewig lebende / lui toujours vivant
mit mir enden ? / avec moi finir ?
(Tristan à Isolde en II,2)

... peut se dégager un certain charme, celui d'un pastiche un peu crispé, avec quelques fulgurances ici et là. Si l'acte I se perd un peu en détails et redites à partir de la scène 3 (les mêmes motifs psychologiques étant à peine réagencés), si le duo d'amour de l'acte II est réellement difficile à sauver d'un point de vue littéraire (mais quel texte proposer pour une scène d'amour « végétative », d'une passion vécue et peu sujette à une mise en conversation ?), l'acte III ménage quelques belles images dans le délire de Tristan, où la bavarde profusion d'aphorismes et la logique confuse des enchaînements siéent à merveille à la situation.
On peut même avoir le sentiment que Wagner maîtrise réellement sa langue ici, et que ce n'est pas seulement l'adéquation fortuite de ses traits habituels à la situation qui donne satisfaction.

La mort d'Isolde (dont je n'aime pas beaucoup le texte, pourtant), culmine tout de même en une forme de virtuosité métatextuelle, puisque soudain Isolde sort du cadre du drame et désigne directement la musique qu'on entend dans ce concert (une fois de plus, comme dans les Maîtres, Wagner en profite pour d'autocongratuler) :

Höre ich nur diese Weise, / Entends-je seule cet air,
die so wundervoll und leise, / qui si merveilleux et si léger,
Wonne klagend, / d'une plainte extatique,
alles sagend, / énonçant tout,
mild versöhnend / réconciliant doucement,
aus ihm tönend, / sonnant de lui,
in mich dringet, / me pénètre,
auf sich schwinget, / s'élève,
hold erhallend / résonant harmonieusement
um mich klinget ? / me retentit alentour ?
(Isolde en transfiguration, en III,3 -
le charabia illisible de ma traduction est d'une certaine façon assez fidèle au gloubi-boulga original)

Et en tout état de cause, même si je reste persuadé qu'un livret honnête écrit par un auteur extérieur aurait grandement profité au résultat, je dois bien convenir que peu de monde aurait pu prétendre écrire un livret qui, d'une façon ou d'une autre, ne paraisse pas trop en deçà de la musique.

La musique

Tristan est l'un des très rares chefs-d'oeuvre lyriques à ne pas perdre de sa force en étant privé de son texte.

Je ne reviens pas sur cette musique, dont tout a été dit par les plus grands érudits, depuis les techniciens de l'analyse et de l'harmonie jusqu'aux philosophes. Elle incarne en quelque sorte l'absolu de la musique sérieuse, d'un lyrique débordant mais d'une inventivité constante, à la fois spontanément enthousiasmante et d'une modernité folle. Un fonds peut-être moins inépuisable, du point de vue technique, que la grammaire musicale du Ring ou des deux derniers actes de Parsifal, mais d'une immédiateté et d'une puissance émotive telle qu'aucun amateur de cet opéra ne semble l'être avec tiédeur.
A telle enseigne que « c'est Tristan » semble pouvoir commencer et clore à la fois toute conversation sur le sujet - la communion étant telle que la parole y semble superflue.

On pourrait peut-être inventer quelques clivages : sur le caractère limitant ou non du livret, sur le meilleur des trois actes (pour ma part, je trouve les deux premiers tiers du II d'une énergie suprême, mais plus le temps passe, plus je me repais avant tout du III, plus dense musicalement et dramatiquement, moins « facile » mais plus disert), sur la nécessité de le jouer sur trois soirs pour éviter l'épuisement des spectateurs... mais on a beau essayer les sujets de dispute, on en revient toujours, en une touchante évidence, à ce sobre constat : « c'est Tristan ».

Interprétation

Suite de la notule.

dimanche 30 septembre 2012

[Sursolscope] Planning de spectacles pour octobre



(Mise à jour du 1er octobre : corrections et ajout des deux récitals de L'Oiseleur des Longchamps.)

En attendant que le Klariscope quitte son doux sommeil, le programme du mois.

Octobre particulièrement riche, comme tous les ans : on est au plus fort de la saison du CMBV, du démarrage sérieux des saisons des différentes scènes... Heureusement, ce qui m'intéresse des pièces de théâtre et du Festival d'Automne (pas trop palpitant cette année) se trouve un peu plus tard.

L'astérique indique une certaine détermination des lutins.

J'en profite pour signaler que j'ai une, peut-être deux places à vendre (30€ l'unité, il n'y a pas de tarif inférieur...) pour Renaud de Sacchini à l'Opéra Royal de Versailles, le 19 octobre.

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4 - répétition du Cantate Domino de Bernier
Au continuo. Juste pour dire que ce soir-là est déjà pris.

5 - Mélodies de Massenet par L'Oiseleur des Longchamps au Temple de Pentémont
Ces mélodies ne sont pas le meilleur de la production de Massenet (un peu gentilles), mais vu le talent de L'Oiseleur comme chanteur et comme défricheur, je me serais vraiment laissé tenté par ce concert monographique dont je viens de découvrir la tenue. J'hésite à abandonner Szymanowski, qui est finalement un peu moins rare (mais musicalement plus intéressant, il est vrai).

5,6,7,8,9 - La Cité du rêve d'après Kubin, Théâtre de la Ville
En revanche, attention, même la « version courte » donnée le week-end est très longue (quatre heures sans les entractes, comme Peer Gynt). Sans parler des cinq heures (sans les entractes) de la version complète. Il est recommandé d'être dans l'humeur adéquate (et l'endurance physique indispensable), ce soir-là.

*6 - Szymanowski 1, Brahms 1 et le Premier Concerto pour Violon de Szymanowski à Pleyel (Jansen, LSO, Gergiev)
Super concept de la double intégrale, qui va obliger les fans de Brahms à se bouger un peu les oreilles. Bravo. (En plus, la Première Symphonie de Szymanowski est vraiment accessible en plus d'être très belle.)
Le cycle se poursuit le lendemain.

Suite de la notule.

mercredi 25 mai 2011

Atmosphères - II - Jubilation cosmique


Dans la série déjà amorcée autour des atmosphères musicales, voici une petite liste d'oeuvres qui peuvent transmettre la sensation d'une exultation très positive, brillante et sans frein. Bien sûr, j'ai dû en laisser beaucoup, et il y a bien des cas limites (nul doute que certains seront plus hystérisés par un final d'un opéra Rossini que par ceux des Sonates de Koechlin...). Néanmoins, quelques titres dans la liste pourraient être de belles découvertes si vous ne les avez pas testés !

Je signale prudemment que cette sélection est purement affiliée à ma subjectivité, et sera donc considéré à bon droit lacunaire ou abusif pour tel ou tel titre. [Je m'attends par exemple à des réclamations sur l'absence du final de Neuvième de Beethoven, qui n'entre pas pour moi dans le cadre d'une exultation sans frein, vu ses fréquents "paliers".]
Pour plus de clarté, j'ai mis en gras les flacons qui me paraissent particulièrement puissants (sans qu'il y ait hiérarchie de valeur, au demeurant).

Liste susceptible de s'agrandir, évidemment.

... et les listes personnelles des lecteurs de CSS sont bien sûr chaleureusement accueillies.

Suite de la notule.

vendredi 23 juillet 2010

Saison 2009-2010 : moments choisis


Après le bilan statistique, voici une ébauche de bilan subjectif.

Suite de la notule.

dimanche 18 juillet 2010

Saison 2009-2010 : Bilan statistique


Pour le plaisir de la statistique et de la remise en perspective.

Un rapide bilan de la saison écoulée, tout à l'ivresse des prodigalités de la capitale. Genres fréquentés, époques, salles, et pour finir la liste et les liens avec les comptes-rendus.

Suite de la notule.

mercredi 16 décembre 2009

Mise à jour Tristan Harding / Meier / MacMaster

Juste pour signaler un ensemble de petites exégèses autour du commentaire des lutins sur ce concert, grâce au concours bienveillant d'une lectrice fidèle et attentive.

mercredi 11 novembre 2009

L'acte II de Tristan und Isolde (Harding TCE 2009) et les abîmes psychologiques d'un spectateur


Au sein d'une semaine difficile et chargée, un mot et quelques méditations autour de la représentation du deuxième acte de Tristan, au Théâtre des Champs-Elysées.

La soirée débutait par le Prélude du premier acte, directement enchaîné à l'acte II.

On peut faire rapidement le point sur la distribution avant de dire un mot, peut-être, sur quelques impressions subjectives sur l'oeuvre. Oui, c'est là un sujet bien frivole pour ces sévères lieux qu'un commentaire de distribution starisante, mais on l'a promis à qui se reconnaîtra. Et puis l'on profite des derniers moments de sous-traitance des lutins, bientôt appelés pour d'autres travaux plus manufacturiers à Qeqertasuag ou à Thulé.

Suite de la notule.

jeudi 20 août 2009

Découvrir le lied : essai de discographie réduite et essentielle

Lied et lieder, une discographie essentielle (essential discography)

(Remarques pratiques : Si le texte vous paraît trop petit, vous pouvez utiliser sous Windows la commande "Ctrl" + "+". Ou bien le zoom de votre butineur préféré. Par ailleurs, cet article se trouve également ici pour que vous puissiez, si cela vous paraît plus pratique, le télécharger sur votre disque dur pour consultation ultérieure... ou impression pour faire les courses ! Il apparaît en pleine page, beaucoup plus agréable à lire.)

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Pour prolonger notre série d'initiation au lied, on tente ici un essai de discographie très sélective, équilibrée autant que possible entre les époques, différents types de voix et d'interprétation, et tâchant de recouvrir aussi bien les incontournables célébrités du répertoire que les raretés souvent encore plus passionnantes.
Avec ces quelques disques, on peut estimer bien connaître l'essentiel du lied et bon nombre de ses meilleurs interprètes, chanteurs et pianistes. 

On a fait le calcul : si vous utilisez notre guide au plus serré, vous disposez de l'essentiel en 23 disques !


Quelques remarques formelles :

1) On a séparé les oeuvres que tout amateur de lied doit connaître de celles que nous estimons incontournables, mais qui ne sont pas forcément très connues (voire extrêmement peu, comme les lieder de Reger et Holl ou le cycle de Gurlitt...).

2) Le fond jaune indique qu'il s'agit d'un cycle de lieder avec orchestre (ou d'une interprétation avec orchestre). Cela n'a rien à voir avec une quelconque mise en valeur : souvent, les cycles orchestraux de lieder sont quasiment plus des poèmes symphoniques avec voix, plus musicaux que réellement une mise en musique d'un texte révéré.

3) On a essayé de diversifier les interprètes recommandés pour couvrir un spectre d'interprétations à la fois irréprochable et varié.

4) On adopte l'ordre chronologique d'exercice des compositeurs. (Entre parenthèses figurent les poètes et les labels.)

5) Lorsqu'on propose le choix entre plusieurs interprétations assez différentes et difficiles à départager, on essaie de placer la référence qui nous paraît la plus recommandable en premier.

Poèmes et traductions :

Dans le cas où il manquerait les textes (indispensables pour apprécier pleinement le genre), pas de panique, il faut consulter le site formidable d'Emily Ezust qui en contient énormément de traduits. Et s'ils y figurent non traduits, Google Traduction dégrossit un peu l'affaire. On essaie de préciser tout cela, mais nous n'avons pas tous ces disques sous la main à l'instant où nous rédigeons ces lignes...

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Compositeur

Oeuvre

Version

Commentaires

Indispensables célèbres

Première période : romantisme

Schubert

Die Winterreise

« Le Voyage d’Hiver »

(Müller)

Fischer-Dieskau / Moore

Prades 1955 (INA)

- Cycle fondamental, une marche dans et vers l'anéantissement.
- DFD dans ses meilleures années et dans un bon son, avec Moore concerné, la quadrature du cercle entre lyrisme et expression. Attention, pas de livret, il faut utiliser le site d'Emily Ezust, ou alors acheter plutôt la version Goerne / Johnson (Hyperion) avec traduction anglaise, ou pour une traduction française Fischer-Dieskau / Demus (très, trop lyrique). Goerne / Brendel, peut-être préférable à cette dernière, devrait logiquement comporter une version française.

Schubert

Intégrale

G. Johnson (Hyperion)

Une somme immense, à pricorer au gré des volumes disponibles séparément à la vente (l'intégrale existe d'un seul tenant, mais présentée de façon moins pratique - en mélangeant les interprètes et les sujets au profit de la chronologie - et surtout en ôtant les commentaires musicologiques et littéraires remarquables des notices de Graham Johnson). Traductions anglaises des textes allemands.

Schubert

Lieder (épiques et antiques)
(Schiller, Mayrhofer...)

Rolfe-Johnson / Johnson (Hyperion)

Deux volumes particulièrement aboutis de l'intégrale. Ils ont l'avantage d'être extrêmement convaincants tant au niveau des pièces que des interprètes, de ne pas être contemporains du Winterreise pour changer un peu les atmosphères, et de ne comporter qu'un nombre réduit de tubes, ce qui laisse ensuite toute latitude ensuite pour écouter ses interprètes favoris dans les standards dont on ne parvient pas à se débarrasser dans les récitals les plus courants... 

Schubert

Lieder (nocturnes)
(Goethe, Schiller, Ossian...)

Hampson / Johnson (Hyperion)

 

Schumann

Liederkreis Op.39

« Cycle de lieder » (Eichendorff)

Goerne / Schneider (Decca)

- Une sorte d'idéal romantique, sur des poèmes parmi les plus beaux de langue allemande, avec des teintes crépusculaires et mélancoliques, jubilatoires parfois aussi...
- Si l'on privilégie une version féminine, peut-être moins prenante mais tout aussi bien dite (quelques petites imperfections ici ou là, notamment au niveau de l'accent gallois), M. Price / Johnson chez Hyperion est également un excellent choix.

Schumann

Dichterliebe Op.48 

« L’amour du poète »

(Heine)

Fassbaender / Reiman (EMI)

- Une suite de miniatures ironiques sur l'amour déçu. 

- Fassbaender en accentue particulièrement la dérision amère ; le disque RCA, lui, contient en complément l'opus 90 et plusieurs lieder majeurs de Schumann. Enfin, la version disponible sur Carnets sur sol est tout aussi bonne et légalement gratuite, puisque ses droits d'auteur patrimoniaux et voisins sont arrivés à expiration.

 

ou Gerhaher / Huber (RCA)

ou libre de droits disponible sur CSS : Souzay / Cortot

Deuxième période : romantisme tardif
 

Wagner

Wesendonck-Lieder

« Lieder sur des poèmes de Mathide Wesendonck »

Minton / Boulez (Sony)

- Cycle de lieder sur les poèmes de la maîtresse de Wagner, épouse de son mécène d'alors. Ce sont largement des esquisses de Tristan und Isolde, également inspiré par leur relation. Le dernier lied a été orchestré seulement pour une sérénade d'orchestre de chambre sous les fenêtres de Mathilde, à l'occasion de son anniversaire. Les autres orchestrations (pas bien meilleures...) sont dues à Felix Mottl (l'assistant de Hans Richter pour la création du Ring). Cependant, l'oeuvre sonne mieux avec orchestre - au piano, on entend des silences et des redondances, un déséquilibre voix-piano aussi.
- Le problème réccurent est que la diction est totalement incompréhensible, ou alors avec peu de relief, chez la plupart des interprètes. La notre y échappe tout à fait, même s'il y a plus précis (Crespin / Prêtre chez EMI) ; la direction de Boulez fait de surcroît de l'orchestration là où il n'y en pas vraiment d'écrite.
- Le disque Sony est couplé avec de bons Rückert-Lieder, qui ne dispensent peut-être pas d'une version plus frémissante.

Brahms

Volkslieder

S. Genz / Vignoles (Apex)

Parmi les oeuvres très homogènes de Brahms (entre elles, et même à l'intérieur de chaque pièce), c'est là sans doute le corpus le plus avenant. Version très bien dite et chantée.

Troisième période : les mouvements décadents (postpostromantiques ou novateurs violents ou raffinés)

Wolf

Lieder
(Mörike)

Bär / Parsons (EMI)

- Les lieder les plus célèbres de Wolf, interprétés par une voix très claire (qui tient depuis des emplois parfois voisins du baryton dramatique, voire du baryton-basse !), très raffinée, idéal équilibre entre la simplicité et la sophistication. C'est précisément cette simultanéité bizarre qui est le propre de Wolf.
- Epuisé ou en voie d'épuisement, auquel cas on peut adopter le disque Goethe-Mörike de Kirchschlager / Deutsch Anakreons Grab (paru sous forme de livre-CD et sous forme CD).

Wolf

Spanisches Liederbuch

« Livre de lieder espagnol »

(Heyse & von Geibel)

von Otter / Bär / Parsons (EMI)

- Deux heures de lied sous sa forme populaire et joyeuse, mais toujours très travaillée chez Wolf. Sans doute le plus accessible de son corpus.
- Ce disque, un petit bijou vocal et verbal, est aussi épuisé ou en voie d'épuisement, auquel cas le disque Schwarzkopf / Fischer-Dieskau / Moore (EMI) est excellent... sauf en ce qui concerne les interventions de Schwarzkopf, pourtant d'habitude plutôt à son aise dans Wolf.

Mahler

Des Knaben Wunderhorn

« Le Cor merveilleux de l’enfant »

(Arnim & Brentano)

Bonney, Goerne (Fulgoni, Winbergh) / Chailly (Decca)

- Des Knaben Wunderhorn, fondé sur le recueil de poèmes populaires d'Arnim & Brentano, est aussi un recueil de chants au ton badin ou insolent, écrits et orchestrés brillamment par Mahler.
- Cette version est la plus complète du marché (car aucune ne contient absolument tous les numéros), soit un lied de plus qu'Abbado. C'est aussi l'une des plus spectaculaires orchestralement et des plus vivantes tout court. 

Mahler

Trois cycles :
- Lieder eines fahrenden Gesellen

« Chants d’un compagnon errant » 

(Mahler)

 - Rückert-Lieder 

« Lieder sur des poèmes de Friedrich Rückert »

(Rückert)
- Kindertotenlieder 

« Chants sur les enfants morts » (Rückert)

Hampson / Bernstein

(DG, existe également en DVD)

- Trois éléments indispensables de l'histoire du lied orchestral, conçu comme tel dès l'origine, même si Mahler est passé par une particelle (= version piano non destinée à publication), alors que la plupart des exemples précédents sont des orchestrations a posteriori, une fois la carrière des partitions faite en piano / voix.
- Il y a de surcroît quantité d'anecdotes attachées à leur composition dans la vie personnelle de Mahler, ce qui contribue d'autant plus à leur célébrité.
- Interprétation extrêmement incarnée, difficile de trouver beaucoup mieux.
- Moins cher, Henschel / Nagano, assez dans le même genre et avec le même programme, a paru chez Apex. Les petites budgets peuvent y aller voir aussi (sans attendre les textes qui sont chez DG...). On peut aussi citer, dans des cycles dépareillés, Siegfried Lorenz, Waltraud Meier, Dietrich Fischer-Dieskau, Brigitte Fassbaender, etc. Mais on préfère s'en tenir au plus petit nombre de disques possible, pour constituer cette discothèque 'essentielle'.
Mahler Das Lied von der Erde
"Le Chant de la Terre"
(Poètes chinois massacrés)
Thorborg / Öhman (parfois graphié Öhmann) / Schuricht
(domaine public, disponible sur CSS)
- Mahler rechignait à écrire une dixième symphonie, du fait de l'image de la malédiction qui pesait dessus depuis Beethoven et Schubert ; aussi, après sa Huitième, il imagine de présenter autrement sa prochaine grande fresque chantée, sous le titre de Lied, alors qu'il s'agit bien dans son esprit d'une symphonie - c'est au demeurant amplement autant une symphonie que la Huitième (pas moins en tout cas...).
Il utilise l'adaptation allemande de poèmes chinois assez méconnaissables, pour certains à partir d'une traduction française... avec de surcroît des ajouts de sa propre fantaisie ici et là.
- La version Schuricht dispose d'une atmosphère extraordinaire,  et le son est tout à fait bon pour l'époque (à part pour l'incident fameux de l'exaltée néerlandaise probablement nazifiante qui vient prononcer un petit slogan près du micro avant de sortir : on l'entend à peine, ce n'est absolument pas une gêne à l'écoute).
Pour les oreilles sensibles ou les âmes délicates, Klemperer, dans un tout autre genre, plus charnu mais sans sa lourdeur coutumière, est un enchantement.
[pour ceux qui n'aiment pas les versions anciennes :
Ludwig / Wunderlich / Klemperer (EMI)]
R. Strauss Vier Letzte Lieder
« Quatre derniers lieder »
(3 Hesse et 1 Eichendorff)
Te Kanawa / Soli (Decca) - Dans le versant ultralyrique et assez sirupeux du Chevalier à la Rose et d'Arabella, le grand classique du lied orchestral. D'une beauté hors du commun, il faut bien le reconnaître.
- Parmi les pléthoriques excellentes versions (Grümmer / R. Kraus, Stemme / Pappano, Janowitz / Karajan, Norman / Masur, Popp / Tennstedt, Della Casa / Böhm, Mattila / Abbado, Fleming /  Thielemann, Pollet / Weise, etc.), on a choisi celle-ci comme le meilleur équilibre entre la diction (secondaire mais appréciable), l'expression, la ductilité - et la présence de l'orchestre. De surcroît, le couplage avec d'autres lieder orchestrés de Strauss (nettement moins essentiels) correspondait mieux à notre projet que les autres couplages. Mais chacun peut aller voir ses chouchous et ne manquera pas de le faire s'il en a.
Berg Sieben Frühe Lieder
« Sept lieder de jeunesse »
(divers poètes)
von Otter / Forsberg (DG)
(version piano)
- Les Frühe Lieder sont encore dans un ton très décadent à la façon de Schreker ou du jeune Webern, tarabiscoté mais tout à fait dans une logique tonale. On préfère recommander la version piano, pour mieux goûter les délicieuses alternances tension-détente de l'harmonie, et tout l'intimisme sophistiqué de leur ton, mais ils ont été orchestrés par Berg vingt ans plus tard (très belle chose également).
- Les Altenberg-Lieder, eux, sont déjà du côté des recherches d'avant-garde de Berg, et appartiennent vraiment au coeur du vingtième siècle (les strates alla Schreker se font de plus en plus libres et inquiétantes). Le texte chanté est très bref, et l'orchestre tient la première place (souvent l'introduction, les ponctuations et la conclusion sont plus longues cumulées que la partie chantée...). Le travail orchestral tient véritablement de l'orfèvrerie, mais l'on n'est finalement plus dans le lied. [C'est d'ailleurs une constante : après Wolf, le texte, même s'il est très soigneusement choisi, devient de plus en plus prétexte à une expression essentiellement musicale. C'est aussi lié aux langages musicaux de plus en plus libres qui s'accommodent mal des inflexions naturelles de la voix parlée. Et à la prédominance au fil du temps du lied orchestral - un contresens d'une certaine façon par rapport à la nature initiale du lied.]
- On a choisi deux versions superlatives, mais qui ont le défaut d'être séparées, pour deux cycles assez court. Il est donc possible, pour économiser, d'acquérir en un seul volume Banse (Frühe) / Marc (Altenberg) / Sinopoli  (Teldec, avant que ce soit épuisé...), avec une direction extraordinairement précise et intense de Sinopoli, mais Marc vraiment en difficulté vocalement (ça criaille, même si ce n'est pas grave ici - mais on est loin de la magie de Price) ou Balleys / Ashkenazy (Decca), très détaillé, assez sombre et un peu froid (mais peut-être plus préférable car plus équilibré). Tout cela est excellent et, pour le coup, ce sont les versions orchestrales des Frühe Lieder, moins essentielles, on l'a dit, mais c'est une économie possible.
Berg Altenberg-Lieder
« Lieder sur des poèmes de Peter Altenberg »
M. Price / Abbado (DG)
Quatrième période : modernités et contemporanéité
Cycles contemporains Il existe bien sûr des cycles intéressants plus récents (en particulier Rihm), mais ils nous paraissent moins essentiels, aussi bien du point de vue de la célébrité que de leur intérêt intrinsèque. Il faudrait plutôt aller chercher du côté de la mélodie française symphonique : Poèmes pour mi de Messiaen, La Geôle & Deux Sonnets de Jean Cassou de Dutilleux, Pli selon pli (voire Le Soleil des eaux) de Boulez pour rencontrer des choses vraiment indispensables. Et qui, esthétiquement, doivent bien plus au lied que de la mélodie française. 
Au moins aussi indispensables, mais moins connus et commentés
(donc moins utiles pour nourrir la conversation, et peut-être moins urgents pour le néophyte qui voudrait pouvoir échanger)
Première période : romantisme
Wieck-Schumann Lieder Högman / Pöntinen (BIS) - Entre Schubert et Schumann, et certainement pas inférieure, inspiration et poésie au sommet. - Version superlative pour l'investissement des deux partenaires, la poésie et l'évidence du tout : peut-être le plus beau disque de lied du marché. Couplé avec d'autres indispensables de Fanny Mendelssohn-Hensel et Alma Schindler-Mahler, donc très économique.
- Pour aller plus loin : intégrale Gritton / Loges / Asti (Hyperion) ou  Craxton / Djeddikar  (Naxos). 
Deuxième période : romantisme tardif
On pourrait sans doute parler des lieder de Liszt, mais faute de disques vraiment monographiques (il n'y en a presque pas !), et surtout faute que le corpus soit totalement majeur (même s'il est passionnant !)... on s'abstiendra, en le mentionnant simplement pour mémoire.
Troisième période : les mouvements décadents (postpostromantiques ou novateurs violents et raffinés)
Reger Duos Op.14
(divers poètes dont Eichendorff)
Klepper / M. Borst / Deutsch (Capriccio) - Attention, cela dure à peine un quart d'heure, mais c'est un sommet de délicatesse, le cycle de duos à connaître dans le répertoire du lied.
- Version remarquable avec pianiste remarquable. Couplé avec d'autres duos (intéressants) dans le domaine du lied également.
Reger Lieder May / Renzikowski (Arte Nova) - Ce disque parcourt l'ensemble de la production de Reger, de puis la jeunesse jusqu'à la maturité, et révèle un raffinement décadent dont on n'imaginerait pas capable l'auteur des poèmes symphoniques rondement et tristounettement postromantiques. Un corpus majeur, tout un monde ; dans le même goût que Wolf si l'on veut, mais infiniment plus travaillé et personnel.
- Excellente interprétation, sobre mais habitée.
Schindler-Mahler Lieder
(dont
Novalis et Dehmel)
Högman / Pöntinen (BIS) - Un corpus vertigineux, dont on ne connaît malheureusement que très peu de titres, ceux publiés par Alma de son vivant (on se rappelle que son mari lui avait défendu la composition). C'est véritablement l'une des fulgurances les plus étonnantes de l'histoire de la musique, en pointe de la modernité et de l'invention chez les décadents, bien plus moderne (et, disons-le, plus génial) que Mahler dans les mêmes années, par exemple. A connaître absolument, quasiment tous ceux qui l'ont découvert ont été conquis... 
- Disque superlatif décrit plus haut (Clara Wieck-Schumann) et qui contient aussi du Fanny Mendelssohn-Hensel, donc un véritable achat économique et forcément enthousiasmant.
- Pour aller plus loin : intégrale (de ce qui était alors publié) Ziesak / Vermillion / Elsner / Garben chez CPO.
Langgaard Lieder Dahl / Stærk (Da Capo) - Un corpus étrange, avec une sorte d'hypertophie du discours, quelque chose d'assez véhément et épique, dans un langage qui reste relativement postromantique. Assez insolite, cette manière de traiter la petite forme avec les moyens de la grande, y compris sur la durée assez étendue des pièces.
- Belle interprétation pour pas cher (la seule au disque).
Webern Intégrale Oelze / Schneider (DG) - Dans le coffret de la seconde intégrale Boulez de Webern, la véritable intégrale qui contient (à peu près) tout en deçà des numéros d'opus, on trouve cette intégrale des lieder, par un couple de rêve (ductilité et naturel... surnaturels d'Oelze dans cette musique si difficile, et rondeur très assurée chez Schneider). Les premières oeuvres sont les plus intéressantes, de la tonalité stricte des Frühe Lieder à l'atonalisme libre des autres premiers cycles. Le sens de l'atmosphère de Webern, sans s'attacher plus que cela au mot en tant qu'unité, est proprement exceptionnel. Peut-être l'ensemble le plus émouvant, le plus prenant depuis Schubert... Rien de sombre dans ces premières pièces, juste une sorte de lassitude chaleureuse, comme accablée sous un été gorgé de soleil. A connaître absolument.
Gurlitt Vier dramatische Gesänge
« Quatre chants dramatiques »
(Hardt, Goethe, Gerhart Hauptmann)
Oelze / Beaumont (Phoenix) - Ici aussi, peut-être l'exemple le plus réussi de lieder orchestraux, car le texte est au coeur du traitement de Gurlitt, qui choisi quatre extraits fondamentaux du théâtre allemand pour en faire un traitement relativement récitatif, mais toujours lyrique.
- Oelze participe bien entendu largement à la réussite de l'entreprise par la justesse de son ton mélancolique mais détaillé. (On se souvient qu'Antony Beaumont avait écrit une fin alternative à celle de Philipp Jarnach pour le Doktor Faust de Busoni...)
Schreker Vom ewigen Leben
« De la vie éternelle »
(sur traduction allemande de Whitman)
Barainsky / Ruzicka (Koch) - Dans le versant purement instrumental du lied avec orchestre, un complément très bienvenu au Vier Letzte Lieder, bien plus sinueux et sophistiqué, moins direct aussi. Une orgie orchestrale du meilleur Schreker. [Il s'agit en réalité de l'orchestration de ses deux derniers lieder.]
- Peu de versions disponibles (déjà rares) sont satisfaisantes, celle-ci l'est pleinement.
Korngold Lieder Kirchschlager / Deutsch (Sony) - Beaucoup de poèmes anglais en VO (y compris du Shakespeare) dans les deux cycles proposés dans ce disque, mais Korngold mérite tout de même d'être mentionné, vu son esthétique, en tant que compositeur de lied. Extrêmement tonal, se fondant sur la plénitude des harmonies et des tensions-détentes, il serait assez à comparer à Mahler sans les grincements ou à R. Strauss sans le sirop, pour ces oeuvres-là.  (Leur date de composition est très tardive - années 40, et la conception de ces cycles a donc eu lieu en Amérique où Korngold s'installe comme compositeur de film dès 1934.)
- Magnifique interprétation, ronde, fruité, très dite, très maîtrisée aussi ; avec un piano présent et inspiré.  Il s'agit du premier récital discographique de Kirchschlager - son meilleur au demeurant, et d'une audace programmatique plus que notable, puisque ces Korngold sont couplés avec le premier cycle d'Alma Schindler-Mahler et des extraits de Des Knaben Wunderhorn de Gustav Mahler en version piano. 
Quatrième période : modernités et contemporanéité
Holl Lieder Holl / Jansen (Sonder) Robert Holl est surtout connu comme chanteur (encore en activité), mais son inspiration comme compositeur apparaît bien supérieure à celle de sa (bonne) qualité d'interprète. C'est une lecture très noire du lied, extrêmement tourmentée et qui reste cependant tonale ; cela se rapproche beaucoup de la couleur de Křenek (en mieux), ou du Berg des pièces orchestrales Op.6 et des Altenberg. En réalité, il s'agit d'un héritage direct de la décadence radicale, et ce n'est pas véritablement de la musique typée XXIe siècle que l'on entend là (encore qu'il y ait aujourd'hui beaucoup de courants postmodernes, néotonals ou syncrétiques - majoritaires d'ailleurs sur la stricte atonalité). Il n'empêche que pour le coup, on dispose d'un traitement étroit du texte et non pas de volutes abstraites ou d'une succession d'effets, et par conséquent, cela marche bien mieux pour le lied.
En tout état de cause, il s'agit d'un très bel ensemble. On peut s'en faire une idée sonore sur son site personnel (les CDs ne sont de toute façon pas faciles à trouver dans le commerce) ; et pour en savoir plus... on peut lire CSS. Ceci, par exemple.
Jalons historiques
(Pour comprendre les origines du lied, mais pas majeur du tout.
On s'est limité aux très célèbres, mais C.P.E. Bach, Zelter et Loewe peuvent permettre de comprendre également des choses.)
Mozart Intégrale Ameling (Philips) - Des miniatures très naïves, vraiment sous forme de romances. On se trouve vraiment au moment où la chanson populaire fusionne avec la bluette de salon (ou plutôt juste avant, puisqu'on est encore dans quelque chose de galant).
- Très belle interprétation souple et gracieuse d'Ameling, mais la version de l'intégrale Brilliant Classics (avec Claron McFadden pour moitié), de surcroît pour partie avec pianoforte (ce qui devrait procurer un brin plus de relief) devait tout à fait faire l'affaire, inutile de se mettre en dépense.
Beethoven An die ferne Geliebte
(Jeitteles)
Goerne / Brendel (Decca) - La première oeuvre expérimentale du lied : le ton est très simple, sans affèteries, mais il s'agit d'un cycle continu où chaque lied s'enchaîne directement aux autres (la partition ne marque d'ailleurs aucune discontinuité), comme un tout. De surcroît, le travail malicieux (mais pas drôle non plus, entendons-nous bien, c'est Beethoven), presque expérimental, sur le matériau musical, le retour de thèmes, la manière de variations sur les motifs déjà énoncés, l'unité générale, tout cela fait véritablement de la chanson légère une oeuvre à part entière, destinée à ceux qui sont capable de l'apprécier - et non plus l'importation de thématiques populaires, même s'il en est encore question.
L'oeuvre en elle-même n'est pas d'une beauté bouleversante, mais sa modernité presque insolente est vraiment impressionnante - et fondamentale pour la suite.
- On propose une excellente version, profonde et intériorisée, couplée qui plus est au Schwanengesang de Schubert, autre morceau majeur du répertoire - une économie de plus !

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Mais... à part l'allemand ?

On a  délibérément écarté les autres langues germaniques, scandinaves et nordiques du corpus, pour des raisons de vastitude de l'entreprise, de documentation disponible moindre... et surtout de nature. Le ton des mélodies nordiques est extrêmement différent du lied ; on parle d'ailleurs de mélodies scandinaves...  Et à juste titre, car il s'agit plus de miniatures rondes et un peu populaires. On pourrait presque parler de chansons (en conservant la mélodie pour le salon poétique à la française). 

Pour ceux qui sont intéressés, on peut déjà indiquer quelques pistes, comme Toivo Kuula pour la part finnoise et la remarquable anthologie Aulin / Rangström / Nystroem / Alfvén / Larsson (et accessoirement Alqvist /  Frumerie / Linde) d'Anne Sofie von Otter et Bengt Forsberg, extrêmement représentative de la meilleure école suédoise (récital « Watercolours  » chez DG). Grieg et Sibelius nous paraissent moins urgents. 

Il manque bien entendu, au sein même des compositeurs de langue allemande, un nombre important de corpus, mais nous les détaillerons plus volontiers dans un autre tableau en préparation, qui tentera de rassembler tous les excellents enregistrements de lieder de notre connaissance, tous compositeurs confondus, destiné donc à ceux qui connaissent déjà le répertoire, ou qui veulent partir à l'aventure, collectionner, etc. 

On a aussi remarqué non sans une indicible horreur, à l'heure de publier ce petit récapitulatif, qu'il nous manquait Erwartung et Pierrot Lunaire de Schönberg. Faute d'avoir été séduits par le premier en quelque circonstance que ce soit, les lutins ne citeront pas de versions pour l'heure, et chercheront. Pour Pierrot Lunaire, la version DeGaetani / Weisberg (Nonesuch) s'impose absolument : les autres versions, trop parlées, trop chantées, trop minaudées, ne nous ont jamais convaincu, alors qu'ici tout prend évidence et poésie.
On tâchera de mettre le tableau à jour en conséquence, mais pour l'heure, il se peut que nous n'en ayons pas le loisir.

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La recommandation des lutins ?

Voici à  à notre gré, sans considération de célébrité, les corpus les plus intéressants, par ordre chronologique : Schubert / Schumann / Wieck / Reger / Schindler / Gurlitt / Webern  / Holl. 


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Pour aller plus loin qu'une discographie ?

Un certain nombre de ces oeuvres et la plupart de ces compositeurs ont été abordés sur Carnets sur sol ;  on peut y accéder : 

- par l'index (pratique, mais encore incomplet) ; 

- dans la série d'introduction au lied

- dans la catégorie indépendante, consacrée à la mélodie et au lied

- en effectuant une recherche dans le petit moteur de la colonne de droite ('Fouiner').

N'hésitez pas, parce qu'il y a très probablement du matériel autour du corpus qui vous intéressera. Et amusez-vous bien. 

jeudi 23 juillet 2009

Introduction à ARABELLA - [Richard Strauss ; Hugo von Hofmannsthal]

Comme nous avons préparé une petite présentation chez les voisins, autant en toucher un mot sur CSS.

Il s'agit simplement d'une introduction à l'oeuvre - et d'une invitation à la fréquenter.

1. La création. / 2. Introduction à l'intrigue / 3. Le pendant du ''Rosenkavalier / 4. ... en mieux / 5. Leitmotive comparés à Wagner

Suite de la notule.

vendredi 12 juin 2009

Koechlin au concert, Koechlin en vidéo

Soirée musicale hier, dans le grand hangar bordelais (ancien palais des sports reconverti en salle pour concerts classiques). Le programme avait tout pour faire déplacer les lutins :

  • Charles KOECHLIN
    • Vers la voûte étoilée Op.129, nocturne pour orchestre dédié à la mémoire de Camille Flammarion.
  • Richard WAGNER
    • Wesendonck-Lieder
  • Olivier MESSIAN
    • Les Offrandes oubliées, méditation symphonique
  • Richard WAGNER
    • Prélude de Tristan und Isolde
    • Mort d'Isolde (chantée)
  • Interprètes : Orchestre National Bordeaux Aquitaine dirigé par Kwame Ryan ; Jeanne-Michèle Charbonnet (soprano dramatique).


Original, et distribué pour un orchestre pléthorique, ce qui peut procurer un impact physique significatif qu'on ne rencontre pas au disque.


Un regard vers la voûte étoilée - en la cathédrale de Burgos, prodigue de ce genre de structures fastueuses.


Pour fêter l'événement, une longue vidéo intégrale d'un inédit de Koechlin, donné par un grand orchestre, figure en fin de notule.

Suite de la notule.

jeudi 28 mai 2009

Rémanence des suggeritori


En 1978 à La Scala, le souffleur de Tristan und Isolde sous la direction de Carlos Kleiber. (On entend également Piero de Palma et l'inégalable Siegmund Nimsgern. Puis, dans le second extrait, le grand Tristan Spas Wenkoff.)


Le souffleur n'a pas disparu.

A La Scala, il en demeure quatre.

On se demande souvent à quoi sert le souffleur, considérant qu'à l'opéra, la musique permet la mémorisation du texte, et que l'un ne va pas véritablement sans l'autre.

Suite de la notule.

samedi 16 mai 2009

Le blockbuster est un opéra - ancienne version

En fouillant dans mes archives pour reprendre un projet de notule amorcé en 2006 ou 2007, je le découvre déjà largement achevé. Mais pas publié en raison de ses longues digressions (avec pas mal de remarques sociétales). Je n'exprimerais sans doute plus les choses de la même façon (un peu touffue). Pourtant, il comporte quelques éléments qu'il serait peut-être intéressant de fouiller.

Quelques paragraphes subsistent sous forme de notes, mais c'est assez aisé à appréhender, je pense.

Suite de la notule.

jeudi 23 avril 2009

Clara juge de Richard (1)


1. Sur Tristan

A la fin de sa vie, Clara, s'arrêtant de passage à Munich pour entendre Manfred de son défunt Robert, note des observations aussi pertinentes qu'égarées à propos de Tristan und Isolde, qu'elle va entendre deux jours plus tard.

« C'est ce que j'ai entendu dans ma vie de plus antipathique. Être obligée de contempler et d'entendre toute une soirée une pareille aberration d'amour qui révolte en nous tous les sentiments de moralité, et voir non seulement le public, mais les musiciens en extase, c'est ce qui m'est arrivé de plus triste encore dans ma vie d'artiste. J'ai tenu bon jusqu'à la fin. Je voulais avoir tout entendu. Pendant tout le deuxème acte, les deux comparses dorment et chantent. Pendant tout le dernier, Tristan meurt. Cela dure quarante minutes [nddlm : malgré tout, elle est gentille] et ils appellent cela dramatique !!! Levi dit que Wagner est bien meilleur musicien que Gluck ! Et Joachim n'a pas le courage de s'élever contre les autres ! Sont-ils donc tous fous, ou est-ce moi ? Je trouve ce sujet si misérable ! Une frénésie d'amour provoquée par un philtre – est-ce qu'on peut en pareil cas prendre encore le moindre intérêt aux amants ? Ce ne sont plus là des sentiments, c'est de la maladie. Ils s'arrachent positivement le coeur du corps, et la musique représente cela avec les accents les plus désagréables ! Hélas ! je pourrais gémir jusqu'à demain et crier hélas ! hélas ! ... »

richard wagner par willich by              clara wieck schumann wagner johannes brahms
Mais non, chers lecteurs lutinants, n'ayez crainte :
;;
Ta bouche tait-elle tes questions,
Ou bien laisse-t-elle entendre ma défaveur ?
Quoi que puisse proférer ma bouche,
Vois mes yeux - je t'aime !

La première partie de son commentaire est assez bien vue : Wagner joue précisément avec tous les codes moraux au nom de l'amour absolu, les brise même, comme elle l'a d'une certaine façon fait en désobéissant à son père, en s'alliant aux hommes de loi contre lui pour épouser Robert.
Cette extase quelque peu déshonnête qui parcourt l'assistance à l'écoute du Maître est également très révélatrice - Wagner suscite le fanatisme, voire l'exclusivité, comme aucun autre, tout un monde à lui seul. Au point que certains mélomanes, aujourd'hui encore, le fréquentent jusqu'à l'exhaustivité - et en écartant tous les autres...

Suite de la notule.

samedi 11 avril 2009

Le retour des Fées : Paris-Châtelet 2009 - III - des innovations majeures


[Voir le reste de la série sur 'lesfeesdewagner'.]

1.2.2. Les préfigurations


Malgré le caractère de creuset qu'on a observé dans l'épisode précédent, Les Fées préfigurent, ou plutôt présentent déjà plusieurs caractéristiques du Wagner de la maturité.

Evidemment, on ne peut que songer à ses trois premiers opéras « de la maturité » à plusieurs reprises : grandes poussées de lyrisme qui rappellent Tannhäuser, en particulier vers la fin de l'acte III, lors de la victoire finale (sans parler de l'usage très littéral et pas très heureux de la harpe solo pour figurer la lyre, sans réelle stylisation, également en vigueur dans cet opéra), choeurs tuilés extraordinaires qui sont parents de Lohengrin... Plus que tout, la parenté de certains thèmes avec le Fliegende Holländer est frappante. On entend ainsi la dernière partie du duo entre Senta et le Hollandais dès l'Ouverture, avec son rebond très spécifique :
;;
Fin de l'Ouverture des Fées (Jun Märkl, Radio munichoise).
;;
Duo du Vaisseau Fantôme avec Gwyneth Jones et Thomas Stewart (Böhm, Bayreuth, DGG).

Et, sans doute plus anecdotique, on entend que Wagner fait déjà joujou avec le motif qui deviendra le motif récurrent de la colère de Wotan à partir de Walküre. Il semble être content de lui et bien le regarder en action, en empilant sa répétition d'un seul coup.
;;

On a déjà évoqué les questions récurrentes de rédemption, en particulier par le sacrifice de la femme, et on en retrouve ici des composantes dans le livret, de même que la force terrible du mot - qui porte tout pouvoir, mais qui n'est pas maîtrisé par le héros en quête. Même Isolde et Tristan, faute de pouvoir exprimer avec justesse le contenu de leurs émotions, se hâtent vers leur perte. Le motif (textuel) du pacte rompu et du blasphème maladroit est même la figure décisive de l'acte II (la malédiction).

Inutile d'évoquer la délivrance de la vierge surnaturelle inanimée, le metteur en scène l'a fait pour nous en un sympathique clin d'oeil qui nous a fait agréablement sourire - un anneau couleur braise descend sur Ada lors de sa pétrification.

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1.2.3. Les trouvailles

Suite de la notule.

samedi 8 novembre 2008

Franz Liszt - VIA CRUCIS - III, Structures



Une lecture très intéressante de la Passion, celle d’André Lhote : les visages affligés de l’assistance révèlent la scène et évitent la représentation de la Croix. La Mère, elle-même en position de crucifiée, en devient le sujet central.


4. Constitution de l’oeuvre

Le Chemin de Croix de Liszt s’appuie, outre sur les quatorze stations traditionnelles, sur l’hymne de saint Venance Fortunat (VIe siècle), le Vexilla Regis (sur le mystère de la Résurrection), qui colore d’emblée le Chemin de Croix comme un aboutissement, par opposition à la succession de tableaux tragiques que développe ensuite l’œuvre – jusqu’à la reprise du cantique dans la dernière station.

L’œuvre est à l’origine écrite pour clavier et voix ; conçue pour l’office, elle se conçoit pour orgue, solistes (très brefs) et chœurs, mais la partition porte la marque d’un double système de portées alternatif, prévu pour le piano.

Dans les quatorze stations peuvent alterner divers traitements : chant grégorien, plain-chant [1] d’un soliste, chœur (mixte ou non selon les 'scènes') ou piano solo.
Certaines stations sont en effet muettes, et seul le piano y parle (4e, 5e et 13e) ; trois moments de plain-chant soliste (Pilate, le salut à la Croix et l’adresse aux femmes de Jérusalem) ponctuent brièvement deux stations purement instrumentales (1ère et 2e).

L’ensemble se trouve chanté en latin liturgique, à l’exception de la sixième station (Véronique essuie le visage de Jésus) qui, elle, emploie l’allemand.
On conçoit aisément que cette structure parfois dépourvue de texte rituel, ou alternant les langues et les musiques en mélangeant quasiment traditions catholique et luthérienne ait pu laisser dubitative, voire défiante, la hiérarchie garante de la conformité du culte.

L’œuvre ménage par ailleurs de véritables audaces harmoniques, certes absolument pas neuves à l’époque, mais dans une perspective assez intéressante. Au lieu, comme Wagner, de multiplier les emprunts chromatiques dans son flux tonal, Liszt utilise des couleurs harmoniques, quasiment détachées de leur fonction. Le but musical ne tient plus tant dans la direction ou la relation des accords que dans le climat que chaque agrégat crée.
C’est une autre façon d’ouvrir la porte de l’atonalité – plus volontaire que du côté wagnérien. [2]

Evidemment, lorsqu’on prétend se placer en tête d’un mouvement de retour aux sources, cette attitude fait méchamment désordre, et le Via Crucis n’a véritablement rien d’une entreprise liturgique un peu limitée dans son rapport au monde.
Certes, il vaut mieux être sensible au caractère codé, à l’ambiance rituelle qui se dégagent de l’œuvre, mais il y a là de quoi toucher tout amateur de tragique ou de mythologie – nul besoin de recourir à la foi pour percevoir la force tragique de l’innocent qui accepte de mourir ou l’exaltation symbolique qui parcourt toutes ces pièces.

Il est possible de considérer que le postlude au cœur de la seconde station, reprenant le texte musical du Vexilla Regis, lui, prêchant une jubilation un peu sage et plus très inventive musicalement, ressassant les mêmes formules verbales et musicales, bégayant presque, est moins touchant pour le non croyant, dans la mesure où son message d’espoir, déjà formulé dans le Vexilla Regis, reste exprimé de façon très théorique.
Ce rabâchage un peu complaisant tranche nettement avec la vérité humaine - voire plus ample - à laquelle touche le reste de l’œuvre.

Lire la suite.

Notes

[1] Sans accompagnement, donc.

[2] Distinction entre deux attitudes que nous avions déjà évoquée, récemment, dans ces pages.

Suite de la notule.

Franz Liszt - VIA CRUCIS - II, Contexte et dévotions

Introit

Les lutins conseillent de façon récurrente l’écoute du Via Crucis de Liszt, en ce qu’il s’agit d’une œuvre d’une économie et d’un climat extraordinaires.

Il arrive pourtant fréquemment que de véritables esthètes, très sensibles à la qualité d’œuvres épurées et raffinées, manifestent un scepticisme appuyé devant cette œuvre, trop religieuse ou trop indigente. Presque un cantique provincial qui anticiperait sur l’ambiance Vatican II.

On en tient sans doute une explication dans la discographie, relativement étendue, mais souvent peu convainquante. A notre grand étonnement, au demeurant, tant l’œuvre nous semblait parler d’elle-même.

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Liszt et la vocation

Liszt, dès son plus jeune âge, avait été plongé dans de forts sentiments religieux, et ce n’est qu’en cédant aux prières de sa mère qu’il avait renoncé à se faire prêtre. Déjà fortement inspiré par la rencontre de Lamennais à l’âge de vingt-trois ans, il franchit le pas définitivement en 1865 en entrant chez les Franciscains (ordre où la sobriété règne en maître), à la suite de l’impossibilité de faire annuler le mariage de sa compagne Carolyne de Sayn-Wittgenstein, épouse d’un prince russe. C’est à son contact qu’il élabore son projet de réforme de la musique religieuse, délivrée de toute théâtralité romantique, fondée sur un retour aux références grégoriennes.

Malgré le soutien de Pie IX, son adhésion au mouvement cécilianiste se trouve en butte à des réticences de sa hiérarchie : Pustet, l’éditeur attitré du mouvement, refuse son Via Crucis, et l’ensemble de sa démarche se trouve finalement condamnée pour modernisme par sa hiérarchie.

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Source

Dès janvier 1874, Liszt souhaite écrire cette œuvre, inspiré par les aquarelles de Johann Friedrich Overbeck (réalisées en 1855).

Jésus est condamné à mort (comme chez Liszt, c’est la lâcheté de Pilate qui est mise au sommet de la scène) – Jésus est chargé de la croix (« Ave, crux ! » – « Salut à toi, croix ! »)

Simon de Cyrène aide Jésus à porter sa croixDéploration des femmes de Jérusalem

Jésus est cloué sur la croix

On se passera de commentaire sur la qualité exceptionnelle de ces aquarelles sur carton, qui ont surtout pour elles d’avoir été réalisées par un luthérien fraîchement converti au catholicisme – ce qui peut excuser bien des fautes de goût.

Liszt emprunte, pour mener à bien son projet de rénovation musicale du culte religieux, aux modes grégoriens (ce qui est en particulier sensible dans le Vexilla Regis initial et lors de sa reprise dans les deux derniers tiers de la quatorzième station) comme le font les cécilianistes, mais aussi à Palestrina, à l’esthétique luthérienne et, ponctuellement, à Bach (on y trouve au moins une citation de la Passion selon saint Matthieu).
Ce qui ne l’empêche nullement, dans cette atmosphère épurée, de produire une œuvre extrêmement personnelle, au style très reconnaissable, avec une belle unité et une audace harmonique réelle. Comme on l’a déjà souligné, l’atmosphère musicale du Via Crucis tient pour bonne part du Tristan réduit à l’essentiel – sans trop d’audaces et sans trop de notes. Pour une émotion très directe.

Eu égard à la niaiserie de son modèle pictural, la puissance de la musique parcimonieuse et de la dramaturgie minimale du Via Crucis tient tout de bon du miracle.

Suite de la notule.

mardi 4 novembre 2008

'Je dois tout à Liszt' - Richard Wagner

Il est de notoriété publique que Wagner a emprunté quelques-uns de ses motifs les plus frappants (notamment, dans Parsifal, le leitmotiv du Graal ou celui de la Cène) à Liszt, et lui doit beaucoup pour l'attitude de recherche dans l'hyperchromatisme et l'au-delà de la tonalité.

Le caractère précurseur de Liszt peut se discuter, tant les démarches sont distinctes : en atteignant à la sobriété parfaite, Liszt s'éloigne de la logique tonale et structurelle traditionnelles, mais ne la met pas réellement en péril. En revanche, Wagner, en poussant la richesse du système jusqu'à ses limites, pose la question brûlante de l'après. (Les deux démarches se rejoignant assez, il est vrai, dans la Sonate en si, achevée dès 1853, et qui contient en germe de façon très impressionnante les caractéristiques de Wagner : motifs récurrents, altérés et signifiants, structure continue, richesse des emprunts entre tonalités. Wagner en a sans le moindre doute tiré le meilleur parti, la coïncidence serait un peu forte.)

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Néanmoins, à travers quelques exemples, on s'aperçoit à quel point Wagner était baigné de Liszt. Non pas bien sûr en guettant la moindre mesure pour lui en dérober une idée secondaire, mais de façon suffisamment familière pour que des échos de son aîné se fassent sentir jusque dans sa meilleure musique.

Prenons Tristan. Le merveilleux Prélude par exemple. Et écoutons.

Suite de la notule.

mercredi 30 juillet 2008

Menus projets

Outre les propres 'concerts commentés' de CSS, qui devraient reprendre dès le début de l'année si nos partenaires sont toujours intéressés, une activité de spectateur itinérant est à prévoir, peut-être plus nette que pour les saisons passées. (Rien du tout pendant des années, Ulysse de Rebel à la Cité de la Musique en juin 2007, et Bruckner / Herreweghe à Saintes en juillet 2008.)

Quelques spectacles ont retenu notre attention. Nos suggestions peuvent peut-être donner quelques idées aux lecteurs de CSS, qui sait.

En avant pour le prosélytisme. Tour d'horizon de quelques représentations françaises engageantes.

Suite de la notule.

dimanche 3 février 2008

Enregistrements, domaine public - XXXII - Germaine Lubin dans Weber, Wagner et Reyer (tout en français)


Germaine Lubin est réputée comme la gloire du chant wagnérien entre les deux guerres, l'Isolde inégalée, qu'elle chanta à Bayreuth avec Lorenz sous la direction de Sabata.

Aussi, CSS s'est fait un devoir de permettre à ses lecteurs de l'entendre dans quelques-uns des témoignages qui ont subsisté.

(Surtout, avouerons-nous, les commentaires à faire sont minces, ce qui nous épargne un temps précieux pour la préparation d'autres notes un peu plus profondes que des jeux puérils de reconnaissance à l'aveugle, n'est-ce pas...).

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Que dire ?

1. Répertoire intégral de Germaine Lubin

Ces airs d'opéras sont enregistrés par Germaine Lubin entre 1929 et 1930. Parmi eux, également un Gounod dont nous ne disposons pas, et deux extraits de Tosca de Puccini (non libres de droits, bien que composés en 1899 et créés en 1900...).

Suite de la notule.

jeudi 24 janvier 2008

Claude DEBUSSY - Rodrigue & Chimène, le faux double ? - Nagano

Rapport à Wagner, aspect musical, questions d'interprétation et de distribution.

Les distances du livret avec Corneille.

... et à nouveau la prosodie de... Pelléas.

Suite de la notule.

Tristan vu par Bill Viola

Extraits vidéos ci-après.

La mise en scène de Peter Sellars à Paris en 2005 avait fait grand bruit, tant par la qualité des interprètes rassemblés que par la vision très attendue du metteur en scène.

Suite de la notule.

samedi 19 janvier 2008

Enregistrements, domaine public - XXX - Verdi, La Forza del Destino - Schmidt-Isserstedt - Martinis, Mödl, Schock, Metternich, Frick (en allemand)

La Forza del Destino ossia Die Macht des Schicksals.

Une version exceptionnelle, libre de droits et dans un excellent son.

Dûment introduite par nos soins.

Suite de la notule.

jeudi 20 décembre 2007

Enregistrements, domaine public - XXVII - Antonín DVOŘÁK, Concerto pour violoncelle (Leonard Rose, Artur Rodziński, NYPO)

CSS imagine à présent qu'ayant digéré l'ensemble des oeuvres de Mahler et Wagner proposées à l'écoute, on trouvera nos lecteurs tout disposés à souffrir quelques nouvelles friandises.

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Le concerto pour violoncelle de Dvořák représente un petit bijou rhapsodique, dont les mérites sont bien connus, pilier incontournable du répertoire de l'instrument.

Des thématiques folkloriques s'y enfilent, s'y prolongent, tout à tour sur le mode lyrique, le mode dansant, le mode élégiaque.

De ce point de vue, le premier et le troisième mouvement semblent se répondre - ce dernier semblant un écho animé et dansant de l'esprit plus mélancoliquement contemplatif d'un premier mouvement comme abîmé dans la contemplation de paysages démesurés et inviolés.

La richesse de la section initiale est sans doute supérieure aux deux autres, par sa variété de ton, qui produit avec un sens stupéfiant de la transition les mutations du thème, exposé sans ostentation au travers d'un grand nombre d'affects différents. On ne s'étend pas sur le dernier mouvement qui est son pendant évident, en légèrement plus bref (hélas) et plus vif.
Le deuxième mouvement se montre, contrairement à ce qu'on pourrait imaginer, d'une grande pudeur de ton, malgré les épanchements écrits. Son discours si modeste semblerait même, lors de l'écoute rapide, étonnamment discret, presque insaisissable thématiquement - ce que l'écoute attentive dément vigoureusement, bien entendu. Sans doute sera-ce en raison du partage très généreux avec l'orchestre - le soliste s'y trouve constamment soutenu par des contrechants très audibles, notamment aux bois. Ou peut-être également par contraste avec l'expansivité exceptionnelle des deux autres parties - ce qui semblerait un mouvement lent éloquent ou émouvant dans un autre concerto pourrait alors paraître dans celui-ci comme doté d'une honnête réserve.

Chef-d'oeuvre, donc. Que les lutins de CSS livreront ainsi avant Noël.

Suite de la notule.

dimanche 2 décembre 2007

AaaaaaAh !

Contrairement aux apparences, pas de rapport direct avec Katherine Fuge (entrée BaaAAAAAARRbaaaaAAAARHAaaaa).

Mais c'est un peu le même principe tout de même.

Suite de la notule.

samedi 24 novembre 2007

Enregistrements, domaine public - XXVI - Richard WAGNER, les opéras de la maturité

Toujours dans la même visée méthodique et si possible pédagogique, Carnets sur sol vous propose aujourd'hui un petit corpus d'oeuvres à découvrir, le plus complet possible sur un compositeur donné.

Evidemment, pour Wagner, il existe plus que partout ailleurs des enregistrements légendaires dans le domaine public - nous avons tâché d'en sélectionner les plus édifiants. Cependant, aucun des trois opéras de jeunesse et rien de ses lieder (Wesendonck exceptés) ou travaux instrumentaux ne sont disponibles dans la période qui nous est autorisée, avant 1957. Hors Die Feen et Das Liebesverbot, ce ne sont pas des oeuvres majeures (voire franchement médiocres), en tout état de cause, même si l'oeuvre pour piano est dotée d'un grand charme - quelque part entre Beethoven et le meilleur Czerny. Nous vous recommandons volontiers la belle intégrale pour piano en deux volumes par Stephan Möller.

Pour le reste (à savoir les dix opéras de la maturité), voici. Nous réservons pour plus tard les Wesendonck, quelques récitals importants et nos habituelles fantaisies linguistiques.

Suite de la notule.

dimanche 18 novembre 2007

Portamento et attaques par en-dessous

Pour les questions plus spécifiquement liées au legato et aux types de portamento, on peut se référer à cette notule ultérieure, également pourvue d'extraits sonores.

Aujourd'hui, une question a été posée (loin, hors de la coulisse même) concernant deux aspects d'une même question, à savoir le portamento et l'attaque par en-dessous. Comme ces termes peuvent se rencontrer régulièrement sur Carnets sur sol, on en transcrit ici le point d'étape.

Définitions et illustrations par CSS.

Suite de la notule.

lundi 17 septembre 2007

Enregistrements, domaine public - XVIII - Richard WAGNER, Tristan und Isolde - Karajan I , Bayreuth 1952, Mödl, Vinay - Malaniuk, Hotter, Weber

CSS poursuit sa patiente constitution d'une bibliothèque choisie du domaine public. Après vous avoir abreuvés de (splendides) raretés biscornues, un enregistrement tout aussi remarquable, mais fort connu.

Il s'agit de l'un des plus beaux Tristan jamais donnés, un an après la réouverture de Bayreuth.

Suite de la notule.

lundi 2 avril 2007

Siegmund NIMSGERN

J'admire depuis toujours ce chanteur à la fort mauvaise réputation, et je l'admire sans nul doute pour de mauvaises raisons.

Une technique fort peu orthodoxe, avec des notes qui s'aplatissent, un peu acides ; pourtant, plusieurs choses me réjouissent hautement chez lui.

D'abord son engagement total dans chacun de ses rôles, incarné de bout en bout. Mais aussi son timbre de méchant d'opéra de seconde catégorie, quel que soit le rôle abordé : toujours grimaçant, prêt à mordre (beau mordant aussi), d'une façon que je trouve infiniment attendrissante.
A son écoute, je suis toujours partagé entre l'électrique de la prestation, l'amusement de l'incongruité et le sourire attendri. Et, sans doute, la volupté avec laquelle on l'entend croquer les mots.

C'est donc à sa gloire que je vous propose cette petite liste commentée de rôles et d'enregistrements, ainsi que ces quelques extraits jamais publiés.

Suite de la notule.

mardi 9 janvier 2007

Index thématique

Chocs esthétiques, Emerveillements et langue, Oeuvres et genres (Opéra), Oeuvres et traductions (Lied), Oeuvres (Musique intstrumentale), Oeuvres (Littérature), Oeuvres (Pictural), Portraits (Compositeurs), Portraits (Interprètes), Discographie, Comptes-rendus, etc.

On peut également se reporter à l'index alphabétique.

Complété petit à petit. N'est donc pas constamment à jour.

Suite de la notule.

vendredi 22 décembre 2006

A la découverte du LIED - V - Franz LISZT, Richard WAGNER, Friedrich NIETZSCHE

A propos des lieder de Liszt, Wagner et Nietzsche, dans différentes langues et à différentes périodes de leur production.

Suite de la notule.

mercredi 19 juillet 2006

A la découverte de Pelléas & Mélisande de Debussy/Maeterlinck - I - Présentation succincte

D'expérience, Pelléas et Mélisande n'enthousiasme que peu les lyricomanes.

Je vous propose donc cette balade dans l'oeuvre, à travers des extraits commentés d'enregistrements du domaine public ou non commerciaux (afin de ne léser personne).


1. Quelques banalités en introduction

1.1. La création

Contrairement à ce qu'on en dit parfois, l'oeuvre n'a pas chuté lors de sa création à l'Opéra-Comique, soutenue par la jeune garde enthousiaste qui venait gonfler le succès très mitigé.
On connaît bien l'histoire tumultueuse de la collaboration entre Debussy et Maeterlinck, ce dernier ayant souligné la nature fortement invalidante pour la qualité du texte des coupures opérées par le compositeur. Mais personne ne s'aveugle sur les véritables raisons de la brouille définitive entre les deux hommes : Maurice Maeterlinck souhaitait imposer Georgette Leblanc, soeur de Maurice Leblanc et accessoirement maîtresse de notre poète, tandis que Debussy avait fini par imposer l'américano-écossaise Mary Garden, au français parfaitement intelligible et dosé mais dont on moqua un peu l'accent à la création.
La querelle fut très vive, puisque certains témoignages laissent entendre que Maeterlinck aurait pensé à provoquer Debussy en duel. Il faut dire que ce dernier n'avait reçu l'autorisation d'utiliser Pelléas & Mélisande qu'à la condition expresse que le rôle féminin principal soit confié à Georgette Leblanc. On alla même jusqu'au sabotage, en saccageant le matériel d'orchestre - les (nombreuses) altérations en avaient été biffées !

Il nous reste un témoignage assez émouvant de Mary Garden chantant Mélisande avec Debussy au piano. Voici la chanson de la première scène de l'acte III (enregistré en 1904 mais son véritablement excellent !).

Très intéressant, car il s'agit du témoignage d'une autre école de chant : vibrato un peu serré et irrégulier, privilège de l'expression sur la justesse (pression du souffle pas toujours bien maîtrisée)... Et Debussy, sans être un grand virtuose, a quelque chose d'assez touchant, comme en attestent encore mieux les reconstitutions par piano mécanique des interprétations de ses propres oeuvres.

Suite de la notule.

lundi 19 juin 2006

Le théâtre chanté chinois et l'opéra occidental - VI, Le rapport à la nécessité dramatique et à la concision (b)

Aujourd'hui, la part religieuse du drame. A mon sens le parallèle le plus fécond de l'étude.


Seule source disponible aisément en français, mais qui ne comprend que des drames bouddhiques, centrés autour de la même dynastie. La partie émergée de l'iceberg. Pour la diversité, aller chercher du côté des livres anglais. On en parlera dans la bibliographie.

Suite de la notule.

dimanche 11 juin 2006

Wagner en français, Wagner et les autres langues

Pour fêter son retour, et sur une suggestion de Philippe[s], revenons-en à nos moutons oiseaux de la forêt.


Partition originale de Siegfried.

N.B. : Pour s’initier à Wagner, on peut se reporter à ces conseils succincts.

Suite de la notule.

jeudi 22 décembre 2005

Les catégories de ténors et leurs enjeux.

Les ténors, une tentative de classification. Un truc casse-figure pas possible.

La seconde partie de cette aventure ténorine a de la même façon été réalisée sur demande.


VOICI, comme promis, le second volet de cette visite de l’univers ténorin.

Du plus grave au plus aigu, du plus sombre au plus clair.

L’étendue est constituée par l’ensemble des notes que le chanteur peut atteindre. La tessiture est la zone de l’étendue où il se déplace avec le plus d’aisance.
L’ut 3 est le do central d’un clavier de piano (classification française). Pour repère, les voix de basse sont comprises entre l’ut1 et le fa3, de baryton entre le sol1 et le sol3, de soprane entre le si bémol 2 et le mi bémol 5.


Les catégories qui suivent sont extrêmement fluctuantes selon les ouvrages. On a essayé d’en retenir le maximum, en en présentant les traits communéments admis et en précisant à l’intérieur de chaque type ceux qui sont plutôt des sous-catégories. Mais on aurait pu dédoubler Heldentenor et ténor héroïque, ce n’est pas exactement la même chose, comme expliqué dans la rubrique.
Il y a aussi les catégories trop précises, tel "di forza" (comme Mario Del Monaco), qui ne correspondent pas réellement à un réseau de rôles, ou à un nombre trop réduit parfois.
Le "fort ténor", qui se veut l’analogie du ténor "di forza", est en fait un type historique de voix, (comme Georges Thill, Guy Chauvet ou, hors de l’époque, Gösta Winbergh) qui a eu cours en France, et qui permettait de chanter des rôles lyriques lourds, des rôles dramatiques, des rôles héroïques. Un baryton dramatique aux grands moyens (pouvant chanter plus lourd) mais avec des possibilités d’expression (pouvant chanter plus léger) ; ce n’est donc pas une catégorie vocale précise - mais plutôt l’expression de moyens vocaux.

On a cherché, plutôt que de multiplier les exemples, à utiliser ceux qui semblaient les moins ambigus. On a aussi évité de citer des oeuvres trop rares - d’où l’absence notable de vingtième siècle dans les rôles.


BARYTON-MARTIN
 : Ténor doté d’un cerveau, dit-on. Baryton à la voix claire, à l’aigu développé. Tire son nom du chanteur qui a "créé" la catégorie. On y trouve parfois des "ténors paresseux", comme Jacques Jansen. Rôles les plus célèbres : Pelléas, Danilo de La veuve joyeuse (Lehár).
Etendue : la 1-si bémol 3.


TAILLE
 : Voix de ténor grave spécifique au baroque français. Employé dans les choeurs ou comme soliste dans les oeuvres liturgiques. Sonorité douce et caressante.
Exemples de rôles :
=> "Laudate nomen ejus" dans Jubilate deo omnis terram, Grand Motet de Michel-Richard De Lalande.
=> La partie de ténor du Messiah de Haendel s’en rapproche fortement.
Exemples d’interprètes :
=> Ian Honeyman.


HELDENTENOR ou TENOR HEROÏQUE
 : Voix de ténor destinée à chanter les rôles les plus lourds chez Wagner (Tristan et Siegfried principalement). Par extension, on l’applique parfois un peu abusivement à l’ensemble des premiers rôles ténor wagnériens. La confusion est entretenue par les interprètes qui ont chanté à la fois les deux types de rôles, tel Wolfgang Windgassen.
La couleur en est généralement sombre, assez barytonnante (Ramón Vinay a fini en Iago d’Otello de Verdi !), la puissance très grande, et le timbre pas toujours beau. C’est un répertoire assez exclusif - le chanteur détimbre facilement dans le répertoire plus léger. Le contre-ut est nécessaire, mais souvent crié...
On parle de ténor héroïque pour des rôles très lourds, essentiellement français (Enée des Troyens de Berlioz), souvent inspirés par l’esthétique wagnérienne (Samson chez Saint-Saëns).
Etendue : ut2-ut4. Tessiture très longue, toute l’étendue doit être maîtrisée.
Exemples de rôles :
=> cf. notice ci-dessus. Otello de Verdi.
Exemples d’interprètes :
=> Lauritz Melchior, Max Lorenz, Wolfgang Windgassen, Hans Hopf. On se plaint souvent de la disparition de cette catégorie, aussi les rôles sont souvent tenus par des ténors dramatiques lourds (Siegfried Jerusalem, Ben Heppner, Robert Dean Smith). Les quelques représentants actuels sont souvent très spécialisés dans ces quelques rôles (Christian Frantz). Le timbre est alors souvent ingrat.


TENOR DRAMATIQUE
 : Voix de ténor sombre. Destiné à des rôles plutôt lourds, avec des épanchements lyriques cependant.
Etendue : ut2-ut4. Tessiture centrale.
Exemples de rôle  :
=> Don Carlos de Verdi (lorsque chanté à la façon italienne, et non comme le grand lyrico-dramatique à la française originellement prévu).
=> Lohengrin ou Siegmund (Die Walküre) de Wagner.
Exemples d’interprètes :
=> James King
=> Jonas Kaufmann
=> Peter Seiffert
=> Mario Del Monaco


TENOR LYRIQUE
 : Voix plus légère, moins sombre, plus "pure", plus souple que le ténor dramatique. On lui réserve généralement des lignes mélodiques longues et flatteuses. Le ténor lyrique est en quelque sorte, dans l’imaginaire collectif, l’archétype du ténor. Variante : le lirico spinto est très utilisé par Verdi. C’est un ténor lyrique avec un très grand ambitus et des possibilités dramatiques. (comme Riccardo du Ballo in maschera).
Etendue : ut2-ut4. On lui requiert régulièrement le contre-ut (ut4) de poitrine. Tessiture un peu plus aiguë que le ténor dramatique.
Exemples de rôles :
=> Le duc de Mantoue dans le Rigoletto de Verdi.
=> Roméo dans Roméo et Juliette de Gounod
=> Gennaro dans Lucrezia Borgia de Donizetti
Exemples d’interprètes :
=> Alfredo Kraus
=> Luciano Pavarotti
=> Roberto Alagna
=> Marcelo Alvarez
=> Ramón Vargas


TENOR DEMI-CARACTERE
 : On y trouve bon nombre de rôles français moyennement lourds, on y utilise volontiers la voix mixte à partir du médium aigu - art du chant qui se pratique très peu désormais. Peut monter plus haut dans l’aigu, notamment en voix mixte.
Etendue : ut 2 - ut 4 .
Exemples de rôles :
=> Nadir dans les Pêcheurs de perles de Bizet.
=> George Brown dans La dame blanche de Boïeldieu.
=> Les premiers rôles dans les opéras-comiques d’Auber.
Exemples d’interprètes :
=> Alain Vanzo
=> John Aler
=> Rockwell Blake. La virtuosité n’entre pas, sans doute à tort, dans les classifications traditionnelles. On pourrait considérer que le ténor rossinien est un ténor demi-caractère musclé et très agile, parce que les rôles comiques sont plutôt des tenori di grazia agiles, et les rôles sérieux sont plutôt des ténors lyriques agiles. R.Blake est, lui, un ténor demi-caractère agile, et Chris Merritt, un ténor lyrico-dramatique agile !


TENORE DI GRAZIA
 : Format léger qui vise, comme l’indique son nom, à la séduction. Il se trouve chez Mozart et aussi dans le belcanto romantique (Nemorino de L’Elisir d’amore de Donizetti). La voix doit être assez souple.
Etendue : ut2-ut4. Tessiture assez réduite (sol2-la3).
Exemples de rôles :
=> Chez Mozart : Don Ottavio (Don Giovanni),
Exemples d’interprètes :
=> Tito Schipa
=> Léopold Simoneau
=> Stuart Borrows


TENOR LEGER
 :
Voix claire, plutôt réservée à l’Opéra-Comique, particulièrement dans la seconde moitié du XIXe siècle, puis à l’opérette. Il peut user de voix de tête pour réaliser les aigus les plus périlleux.
Etendue : ut 2 à ut 4.
Exemples de rôles :
=> Zéphoris dans Si j’étais roi (Adam).
Exemples d’interprètes :
=> André Mallabrera
=> les ténors d’opérette


Attention !
On a parfois tendance à confondre ces trois catégories, qui sont il est vrai perméables. Luigi Alva est un ténor léger spécialisé dans les emplois di grazia (ce qui lui vaut d’être aujourd’hui largement contesté après des années de triomphe). Le ténor demi-caractère est si l’on veut l’avatar français du tenore di grazia, mais il est plus exigeant vocalement, et se rapproche souvent du ténor lyrique. Certains rôles sont des même des lyrico-dramatiques avec un brin d’esprit demi-caractère ; c’est le cas, typiquement, des rôles de Meyerbeer (Robert le diable, Raoul de Nangis, Jean de Leyde, Vasco de Gama), qui pouvaient être chantés en voix mixte ou en voix de poitrine - historiquement, Nourrit et Duprez les ont chantés avec succès.
Quant au ténor léger, il est parfois confondu avec les autres selon la lourdeur des rôles : Gérald de Lakmé (Delibes) est un léger plus lourd qu’un rôle d’opérette, et peut se rapprocher du demi-caractère. Il est souvent rattaché à des rôles de héros qui refusent radicalement l’héroïsme.


TENOR DE CARACTERE

Sa voix est souvent nasale ou peu vibrée, car il s’agit avant tout de dresser un portrait. Il s’agit de l’anti-ténor-héros, qui s’exprime parallèlement à l’action principale. La voix n’est pas conçue pour être belle, mais pour exprimer des affects, souvent comiques. On trouve parfois la classification de "ténor aigu", peu usitée, qui recoupe largement cette catégorie et celle du haute-contre (donc peu pertinente).
Etendue : ut 2 à ut 4
Exemples de rôles :
Courts mais très nombreux.
=> Monostatos dans Die Zauberflöte (Mozart)
=> Les trois valets dans Les Contes d’Hoffmann (Offenbach)
=> Le Tanzmeister (maître à danser) dans le Prologue d’Ariadne auf Naxos (R.Strauss)
=> Le Capitaine de Wozzeck (Berg)
Exemples d’interprètes :
=> Heinz Zednik, version lourde (peut chanter Loge ou Mime dans le Ring wagnérien) ; catégorie nasale
=> Michel Sénéchal, version lyrico-légère (a chanté Vincent de Mireille de Gounod, un rôle demi-caractère) ; catégorie nasale et peu de vibrato
=> Jean-Paul Fouchécourt, lyrico-léger également ; peu de vibrato


HAUTE-CONTRE

Ténor aigu qui était employé pour les héros de la tragédie lyrique (l’opéra baroque français). La voix en est claire, progressivement mixte en s’élevant, le ton doit en être à la fois vaillant et charmant, sans aucune violence. Il incarne le raffinement du genre et son goût du texte (par opposition aux infinies coloratures italiennes contemporaines), qui grâce à ce type de voix est d’une intellegibilité parfaite - les harmoniques graves parasites sont gommées par l’usage de la voix mixte.
La tessiture se situe assez haut, toujours dans le médium aigu, même si l’aigu n’est pas requis.
Exemples de rôles :
Tous les héros de la tragédie lyrique :
=> Lully : Cadmus, Atys, Phaëton, Roland, Persée, Renaud (Armide), Thésée...
=> Charpentier : Jason (Médée)
=> Desmarest : Enée (Didon)
=> Destouches : Agénor (Callirhoé)
=> Leclair : Glaucus (Scylla & Glaucus)
=> Boismortier : Don Quichotte (Don Quichotte chez la Duchesse)
=> Rameau : Dardanus, Zoroastre, Platée...
Exemples d’interprètes :
Ces chanteurs peuvent tous chanter des rôles de demi-caractère, de taille (moins exigeant), voire dans certains cas de lyrique.
=> Guy de Mey
=> Bruce Brewer
=> Howard Crook (l’exemple-type)
=> John Mark Ainsley (par ailleurs récitaliste de lieder, plutôt demi-caractère)
=> Gilles Ragon (peut chanter jusqu’au lyrico-dramatique)
=> Mark Padmore
=> Stephan van Dyck (autre exemple parfait)

A ne pas confondre :
Le CONTRE-TENOR n’a pas de lien avec le ténor. Ce terme signifie simplement que la voix se situe au-dessus du ténor. Il s’agit en réalité de falsettistes - certains préfèrent utiliser ce terme, plus explicite -, c’est-à-dire de chanteurs qui utilisent la voix de tête (le registre de fausset). Ils peuvent être ténors ou barytons, à l’origine ! Le contre-ténor n’est pas une catégorie en soi : il existe des contre-ténors alto et des contre-ténors soprano. On n’en rencontre pas en musique baroque française.
Exemples de rôles :
=> l’alto soliste du Messiah de Haendel (on en trouve en règle génrale beaucoup dans les oratorios et cantates baroques)
Exemples d’interprètes :
=> James Bowman (le premier à retravailler en tant que falsettiste)
=> Paul Esswood (alto)
=> Charles Brett
=> Andreas Scholl (alto)
=> David Daniels (alto)
=> Bejun Mehta (alto)
=> Brian Asawa
=> Philippe Jaroussky (soprano, qui s’essaie désormais à l’alto)
=> Un cas entretient la confusion : Gérard Lesne, un falsettiste autodidacte qui chante aussi bien des rôles de contre-ténor dans l’oratorio italien que des rôles de haute-contre dans les cantates françaises ! Il se dit haute-contre, sans doute pour des raisons de style, mais est vocalement à classer comme contre-ténor.
Autre piège :
Pour des raisons de publicité (faire comme les castrats) de vraisemblance (les femmes guerrières ne font pas recette), et aussi du fait de l’envie des contre-ténors célèbres d’élargir leur répertoire (très réduit, et équivalant à presque rien à l’opéra), on fait aujourd’hui tenir des rôles de castrats aux contre-ténors (comme les rôles-titre des opéras de Händel : Rinaldo, Giulio Cesare...), qui ont par ailleurs du mal à se faire entendre en salle.
En effet, ces rôles étaient conçus pour castrats alto ou voix de contralto féminin, interchangeables, et les contre-ténors de l’époque étaient réservés à la musique sacrée ou à de plus petits rôles. Ils ne sont donc pas des rôles de contre-ténors, même si ceux-ci peuvent être engagés pour les chanter de nos jours. La voix d’un contre-ténor n’a rien à voir avec celle d’un castrat - plus féminine, plus agile et plus puissante. Les contre-ténors n’étaient pas des falsettistes, d’où leur plus grande aisance.


A noter
 : on peut attribuer, on l’a vu, ces classifications à un rôle ou à un interprète. On remarque qu’il y a des mélanges. Ainsi, Don Basilio peut être interprété par des tenori di grazia ou des ténors de caractère (voire des ténors légers).
De même, sans dévoyer l’esprit de ses rôles, Gilles Ragon a chanté successivement Jason de la Médée de Charpentier, Platée de Rameau (rôles de haute-contre), Raoul des Huguenots de Meyerbeer (rôle lyrique lourd), Ferrando dans le Così fan tutte de Mozart (rôle di grazia), Thésée dans Les rois de Fénelon (rôle dramatique, voire héroïque), et va aborder Werther de Massenet (rôle lyrico-dramatique). On remarque qu’il a éprouvé des difficultés dans Ferrando (son rôle le plus "léger" hors répertoire baroque) et dans Raoul (seulement vocales et très acceptables), un format lourd pour lui. Alors qu’il a chanté avec plus d’aisance vocale des rôles plus légers, plus lourds et plus centraux que ceux-là.
Il y a aussi le cas de Nicolaï Gedda, qui a chanté dans toutes les langues et tous les styles. Il a ainsi abordé avec succès TOUTES les catégories solistes, heldentenor excepté : du ténor dramatique très lourd à la haute-contre, en passant par les grands lyriques, les ténors demi-caractère, di grazia, de caractère ou légers ! Et avec une bonne maîtrise des styles spécifiques.
Plácido Domingo pose un autre problème, puisqu’il a aussi abordé un répertoire allant du ténor héroïque (en studio) au tenore di grazia, mais toujours avec le même style de lirico-drammatico spinto...

Autant dire qu’il s’agit seulement de repères, bon nombre de rôles et d’interprètes se trouvant à cheval entre deux classifications (qui varient sensiblement d’un ouvrage à l’autre, d’une tradition à l’autre), et souvent en recouvrant plusieurs. On voit ainsi des mezzo-sopranes chanter Fidelio (soprane dramatique, Fidelio et Leonore de Beethoven) ou Isolde (soprane dramatique, Tristan und Isolde de Wagner), ou des sopranes chanter Oktavian (mezzo-soprane lyrique, Der Rosenkavalier de Richard Strauss).
Certains rôles, comme Dorabella ou Despina du Così fan tutte de Mozart, très hybrides, sont impossibles à classifier rigoureusement, en l’absence de telles distinctions à l’époque de la création. On les distribue soit à des sopranes demi-caractère (légères mais plus sombres), soit à des mezzo-sopranes assez légères (de Teresa Berganza à Angelika Kirchschlager) - hélas parfois aussi à des mezzo-sopranes aux moyens plus écrasants.
Et beaucoup d’interprètes varient au cours de leur carrière, tel Dietrich Fischer-Dieskau, qui de baryton aigu à ses débuts (1941-1950 - il chantait le Winterreise en tonalité originale !) est rapidement devenu baryton lyrique (1950-1975) pour finir baryton de caractère (1975-1992).

En réalité, pour être totalement pertinent, il faudrait subdiviser cette classification en écoles selon les nations chantantes et les époques. Là, on pourrait approcher une certaine pertinence.

Un autre sujet intéressant serait le rapport des compositeurs avec les ténors, et la place qu’ils occupent dans leur schéma vocal et dans leur dramaturgie - ou la façon qu’ils ont d’influencer leur écriture. Mais ce n'était pas le lieu sur Vocalises.net, plus focalisé sur la technique vocale et la pratique amateur.

David LM - subversifdupauvre

David Le Marrec

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