Franz Liszt - VIA CRUCIS - III, Structures
Par DavidLeMarrec, samedi 8 novembre 2008 à :: Via Crucis de Liszt - Domaine religieux et ecclésiastique :: #1075 :: rss

Une lecture très intéressante de la Passion, celle d’André Lhote : les visages affligés de l’assistance révèlent la scène et évitent la représentation de la Croix. La Mère, elle-même en position de crucifiée, en devient le sujet central.
4. Constitution de l’oeuvre
Le Chemin de Croix de Liszt s’appuie, outre sur les quatorze stations traditionnelles, sur l’hymne de saint Venance Fortunat (VIe siècle), le Vexilla Regis (sur le mystère de la Résurrection), qui colore d’emblée le Chemin de Croix comme un aboutissement, par opposition à la succession de tableaux tragiques que développe ensuite l’œuvre – jusqu’à la reprise du cantique dans la dernière station.
L’œuvre est à l’origine écrite pour clavier et voix ; conçue pour l’office, elle se conçoit pour orgue, solistes (très brefs) et chœurs, mais la partition porte la marque d’un double système de portées alternatif, prévu pour le piano.
Dans les quatorze stations peuvent alterner divers traitements : chant grégorien, plain-chant [1] d’un soliste, chœur (mixte ou non selon les 'scènes') ou piano solo.
Certaines stations sont en effet muettes, et seul le piano y parle (4e, 5e et 13e) ; trois moments de plain-chant soliste (Pilate, le salut à la Croix et l’adresse aux femmes de Jérusalem) ponctuent brièvement deux stations purement instrumentales (1ère et 2e).
L’ensemble se trouve chanté en latin liturgique, à l’exception de la sixième station (Véronique essuie le visage de Jésus) qui, elle, emploie l’allemand.
On conçoit aisément que cette structure parfois dépourvue de texte rituel, ou alternant les langues et les musiques en mélangeant quasiment traditions catholique et luthérienne ait pu laisser dubitative, voire défiante, la hiérarchie garante de la conformité du culte.
L’œuvre ménage par ailleurs de véritables audaces harmoniques, certes absolument pas neuves à l’époque, mais dans une perspective assez intéressante. Au lieu, comme Wagner, de multiplier les emprunts chromatiques dans son flux tonal, Liszt utilise des couleurs harmoniques, quasiment détachées de leur fonction. Le but musical ne tient plus tant dans la direction ou la relation des accords que dans le climat que chaque agrégat crée.
C’est une autre façon d’ouvrir la porte de l’atonalité – plus volontaire que du côté wagnérien. [2]
Evidemment, lorsqu’on prétend se placer en tête d’un mouvement de retour aux sources, cette attitude fait méchamment désordre, et le Via Crucis n’a véritablement rien d’une entreprise liturgique un peu limitée dans son rapport au monde.
Certes, il vaut mieux être sensible au caractère codé, à l’ambiance rituelle qui se dégagent de l’œuvre, mais il y a là de quoi toucher tout amateur de tragique ou de mythologie – nul besoin de recourir à la foi pour percevoir la force tragique de l’innocent qui accepte de mourir ou l’exaltation symbolique qui parcourt toutes ces pièces.
Il est possible de considérer que le postlude au cœur de la seconde station, reprenant le texte musical du Vexilla Regis, lui, prêchant une jubilation un peu sage et plus très inventive musicalement, ressassant les mêmes formules verbales et musicales, bégayant presque, est moins touchant pour le non croyant, dans la mesure où son message d’espoir, déjà formulé dans le Vexilla Regis, reste exprimé de façon très théorique.
Ce rabâchage un peu complaisant tranche nettement avec la vérité humaine - voire plus ample - à laquelle touche le reste de l’œuvre.
Notes
[1] Sans accompagnement, donc.
[2] Distinction entre deux attitudes que nous avions déjà évoquée, récemment, dans ces pages.
Commentaires
1. Le dimanche 9 novembre 2008 à , par HerrZeVrai
2. Le dimanche 9 novembre 2008 à , par DavidLeMarrec :: site
3. Le dimanche 9 novembre 2008 à , par HerrZeVrai
4. Le dimanche 9 novembre 2008 à , par DavidLeMarrec :: site
5. Le dimanche 9 novembre 2008 à , par WoO
6. Le lundi 10 novembre 2008 à , par DavidLeMarrec :: site
7. Le mardi 26 janvier 2021 à , par Damien Riviere
8. Le mardi 26 janvier 2021 à , par DavidLeMarrec
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