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A la découverte du LIED - V - Franz LISZT, Richard WAGNER, Friedrich NIETZSCHE

A propos des lieder de Liszt, Wagner et Nietzsche, dans différentes langues et à différentes périodes de leur production.


3.8. Franz Liszt

Liszt a écrit, comme Beethoven, dans de nombreuses langues, mais de façon plus précise - pas simplement sous l'angle du chant populaire. Marginalement en anglais et en hongrois, un peu plus en italien et en français, très largement en allemand.

3.8.1. L'écriture en allemand

L'écriture pianistique n'appartient pas au Liszt virtuose, plutôt au Liszt dépouillé (ou du moins au Liszt du lyrisme), avec toujours cette petite sècheresse, ce début d'ascétisme. La partition porte des indications (rédigées !) très précises sur les modes de jeu, notamment concernant l'équilibre avec le chanteur, les notes à privilégier dans le chant du piano, l'usage de la pédale, la relativité des nuances dynamiques, etc.
Liszt se plaît à utiliser des figures qu'il réexploite ensuite sur le mode de la variation.
Dédaignant superbement la forme strophique, les fins sont particulièrement travaillées, souvent sous forme d'extinction douce.

Du côté vocal, les tessitures peuvent être très centrales ou au contraire assez longues, selon l'oeuvre. Liszt n'exploite pas une veine extrêmement mélodique, plutôt laissée du côté du piano, et lui préfère une forme mi-récitative mi-lyrique, avec des intervalles parfois larges, qui préfigure tout à fait Wagner.

[Vous pouvez écouter Der König in Thule ("Le roi de Thulé") par Cord Garben, dans le récital Behrens, tout cela y apparaît très nettement, bien qu'il prenne avec quelque sens de la contradiction les indications du Maître.]

3.8.2. Dans d'autres langues

En italien, on sent une lointaine influence de type sérénade italienne (pour mettre en musique du Pétrarque !).
En français, le sens du charmant est préféré, et ici, le strophique revient en force (avec variations, of course). Les Hugo se parent d'un goût délicieux, romances ravivées au contact du sacré.


3.9. Richard Wagner

Wagner a fort peu écrit en dehors de ses opéras. Quelques ouvertures, et une poignée de lieder et de pièces pour piano.

3.9.1. Les Wesendonck-Lieder

Ceux-ci, écrits sur les poèmes de la femme de son mécène, son amante Mathilde Wesendonck qui lui inspira le sujet de Tristan und Isolde (Qu'est-ce qu'on dit ? - Merci Mathilde !), occupent une place à part. Ils sont prévus avec orchestre, et sont d'une qualité peut-être moindre que les oeuvres contemporaines de Wagner, mais tout à fait conséquente en elle-même.
Il s'agit de la seule oeuvre non opératique, avec Siegfried-Idyll, qui soit reconnue et régulièrement exécutée. Et encore, vous le sentez, l'opéra n'est pas loin.

Il existe une littérature abondante sur ces lieder qui mériteraient une longue étude à part. Disons simplement que leur lyrisme et l'intimisme de leurs textes sont très touchants, dès qu'ils sont bien servis.

3.9.2. Les lieder de jeunesse

La plupart datent du voyage à Paris de Wagner, au moment où le compositeur vend le livret du Vaisseau Fantôme à l'Opéra, faute de pouvoir vendre l'oeuvre entière pour payer ses dettes.

Vous savez à quel point j'aime le jeune Wagner des Fées et de La défense d'aimer, on ne peut pas me suspecter de légitimer la posture "une oeuvre inconnue est une oeuvre qui n'avait pas la qualité suffisante pour demeurer".
Eh bien, ces lieder s'apparentent assez largement à ses ouvertures. C'est-à-dure, pour faire simple et rester gentil, que ça ne vaut pas tripette.

Cela dit, si vous êtes curieux, c'est assez amusant.

Les Faust-Lieder Op.5 (Sieben Lieder zu Goethes Faust) reprennent dans des harmonies de conservatoire quelques-uns des moments fort de Faust I :
1. Lieder der Soldaten ("Chants des soldats")
2. Bauer unter der Linde ("Paysan sous le tilleul")
3. Branders Lied ("Chanson de Brander")
4. Lied des Mephistopheles ("Chanson de Méphistophélès" - chanson de la puce)
5. Gretchen am Spinnrade ("Marguerite au rouet")
6. Melodram Gretchens (Mélodrame de Marguerite)
7. Lied des Mephistopheles ("Chanson de Méphistophélès" - sérénade)

Mis à part le joli mélodrame, il n'y a rien de bien mémorable dans ces exercices - un jeune étudiant qui s'imagine compositeur en se confrontant aux chefs-d'oeuvres de la littérature d'une main mal assurée.
L'ensemble pourrait fonctionner en ponctuation d'une pièce de théâtre, une musique de scène un peu quelconque, mais en tant que tel, n'a pas grand intérêt.

[Néanmoins, l'anthologie Goethe par Dietrich Fischer-Dieskau rend ses quelques extraits tout à fait plaisants. Une seule intégrale est disponible, par Lo Koppel et Björn Asker, avec l'Hymnia Chamber Choir. Prise de son métallique (façon Naxos), et chanteurs vraiment moyens.
Björn Asker, malgré un jeu pas toujours très subtil, avec une voix rude, comme pas entièrement maîtrisée, doit sûrement avoir de l'impact sur scène. Lo Koppel est beaucoup plus problématique (vraiment très), et l'ensemble n'est pas très léché, beaucoup de scories. Ajouté au faible intérêt de ces pièces, on est tenté de se retenir, sauf en voyant le prix : 3,5€ chez certains vendeurs en ligne. Publié chez Classico ou, moins cher, chez Scan Class. Contient également d'autres pièces de Wagner dont on parle ci-après.]

Les autres lieder ?
Der Tannenbaum (le sapin), Geburtstagsgruß an Cosima, Lied für Louis Kraft, et plusieurs pièces en français : Adieux de Marie Stuart, Dors mon enfant, Attente, Mignonne, Tout n'est qu'images fugitives et pour finir Les deux grenadiers. Seule cette dernière pièce retient l'attention, plus évocatrice, plus développée que chez Schumann, et vraiment bien écrite pour la prosodie française. [Pour un bouquet de lieder de Wagner, dont celui-ci, voir l'anthologie Hampson/Parsons chez EMI, ces Grenadiers y sont véritablement excellents. Sans doute la meilleure approche possible pour cette musique, avec les réserves que l'on sait sur sa qualité.]

Verdict ?  A moins d'être très intéressé par l'ensemble de la production de Wagner (mais commencez donc par Das Liebesverbot et Die Feen), on peut en rester à sa production opératique, aux Wesendonck et aux Deux grenadiers, sans remords aucun.


3.10. Friedrich Nietzsche compositeur


J'avais initialement prévu de traiter Nietzsche comme sous-partie du répertoire Wagner, mais à la réécoute, je suis sensiblement surpris de l'intérêt de l'oeuvre.

Certes, musicalement, on assiste à un agencement très sage, avec des mélodies par segments (environ deux segments par vers), généralement des bouts de gamme agencés pour recréer les mouvements ascendants et descendants de la voix. Vocalement, l'écriture propose une tessiture extrêmement confortable. Le piano se montre très discret. Toutefois, le résultat est d'un charme très sûr. On peut penser aux délicieuses mélodies de Berlioz, sans doute pas profondes, mais vraiment séduisantes.

Le problème réside sans doute dans le fait que l'on a un horizon d'attente différent, si l'on s'intéresse à Nietzsche. On attend quelque chose qui fasse écho à sa passion pour la musique novatrice, la musique de Wagner, la pensée subversive ou généalogique, le triple sens de chaque vers vécu comme un aphorisme. Rien de toute cela, nous avons de très belles romances tout à fait conformistes, qui laissent le texte un peu à distance, comme si le compositeur manquait des moyens pour 'crocheter' les points-clefs du texte.

Néanmoins, on peut écouter avec plaisir cette quinzaine de lieder ainsi que les mélodrames (texte déclamé sur musique instrumentale), ou même des pièces pour piano dans le même goût. [Par exemple via le disque Fischer-Dieskau qui lui est consacré et qui contient, outre l'oeuvre pour lied, plusieurs exemples de mélodrames et une pièce pour piano pittoresque entre Liszt et Chabrier (Nachklang einer Sylvesternacht - toutes proportions gardées).]



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David Le Marrec

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