Carnets sur sol

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A la découverte de Pelléas & Mélisande de Debussy/Maeterlinck - I - Présentation succincte

D'expérience, Pelléas et Mélisande n'enthousiasme que peu les lyricomanes.

Je vous propose donc cette balade dans l'oeuvre, à travers des extraits commentés d'enregistrements du domaine public ou non commerciaux (afin de ne léser personne).


1. Quelques banalités en introduction

1.1. La création

Contrairement à ce qu'on en dit parfois, l'oeuvre n'a pas chuté lors de sa création à l'Opéra-Comique, soutenue par la jeune garde enthousiaste qui venait gonfler le succès très mitigé.
On connaît bien l'histoire tumultueuse de la collaboration entre Debussy et Maeterlinck, ce dernier ayant souligné la nature fortement invalidante pour la qualité du texte des coupures opérées par le compositeur. Mais personne ne s'aveugle sur les véritables raisons de la brouille définitive entre les deux hommes : Maurice Maeterlinck souhaitait imposer Georgette Leblanc, soeur de Maurice Leblanc et accessoirement maîtresse de notre poète, tandis que Debussy avait fini par imposer l'américano-écossaise Mary Garden, au français parfaitement intelligible et dosé mais dont on moqua un peu l'accent à la création.
La querelle fut très vive, puisque certains témoignages laissent entendre que Maeterlinck aurait pensé à provoquer Debussy en duel. Il faut dire que ce dernier n'avait reçu l'autorisation d'utiliser Pelléas & Mélisande qu'à la condition expresse que le rôle féminin principal soit confié à Georgette Leblanc. On alla même jusqu'au sabotage, en saccageant le matériel d'orchestre - les (nombreuses) altérations en avaient été biffées !

Il nous reste un témoignage assez émouvant de Mary Garden chantant Mélisande avec Debussy au piano. Voici la chanson de la première scène de l'acte III (enregistré en 1904 mais son véritablement excellent !).

Très intéressant, car il s'agit du témoignage d'une autre école de chant : vibrato un peu serré et irrégulier, privilège de l'expression sur la justesse (pression du souffle pas toujours bien maîtrisée)... Et Debussy, sans être un grand virtuose, a quelque chose d'assez touchant, comme en attestent encore mieux les reconstitutions par piano mécanique des interprétations de ses propres oeuvres.

1.2. L'oeuvre

Deux mots très généraux sur Pelléas. Il s'agit d'une oeuvre évidemment impressionnante. Tout en s'attachant de très près à la prosodie française, Debussy ménage un langage éminemment personnel, qui crée un monde onirique propre à prolonger les atmosphères incertaines de son livret. Certes, tout est appuyé sur la prosodie, mais celle-ci est réinventée et ne correspond pas strictement à la reproduction des inflexions parlées (contrairement aux récitatifs de Massenet ou Landowski).
Tout le monde assure que c'est un chef-d'oeuvre absolu et ce n'est que justice, notamment en ce qui concerne le traitement orchestral. Ou la capacité à magnifier les potentialités du livret par cette nouvelle prosodie, et ces atmosphères très mystérieuses.

Le livret de Maeterlinck, quant à lui, travaille plus sur un système d'écho que sur le soin strict de la langue auquel nous sommes accoutumés. On reviendra particulièrement sur cela.

Pour prolonger ces plaisirs, outre Rodrigue et Chimène du même (assez marqué par le Tristan und Isolde de Wagner), le Polyphème de Jean Cras est exactement dans la même veine musicale, un rien plus lyrique sans doute, plus stable, plus « opératique ». La musique en est quasiment aussi exceptionnelle. Et l'interprétation sur disque Timpani à l'avenant.

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Commentaires

1. Le jeudi 20 juillet 2006 à , par Bra :: site

Jean Cras, un compositeur vraiment trop oublié. heureusement que certains en aprlent, que certains le jouent, que certains osent l'enregistrer. Mais ils sont, vous êtes, encore bien trop nombreux...

2. Le jeudi 20 juillet 2006 à , par Bra :: site

Je rectifie... Trop PEU nombreux !!!

3. Le jeudi 20 juillet 2006 à , par DavidLeMarrec

Parmi les Bretons, il y a aussi les deux autres compères de la « trinité » : Ropartz et Le Flem.

Le Requiem de Ropartz est à mon sens le plus abouti de tout le répertoire, tant il conjugue la conviction et la pudeur.

Et les symphonies de Le Flem méritent largement d'être jouées. A mon sens, c'est plus urgent que Roussel, et je gage que ça remporterait en outre plus de succès !

4. Le jeudi 20 juillet 2006 à , par Bra :: site

Paul Le Flem... Mon prof d'esthétique en licence de musico terminait alors sa thèse sur lui... Philippe Gonin, je crois... Je ne me souviens plus... Mais du coup, on avait toujours du Le Flem par ci, Le Flem par là... Sans oublier les évocations inombrables et quasi chroniques des rencontres thésardes avec Mme Milhaud... Dans monn souvenir, c'était plutôt bien aussi (je devrais en réécouter d'ailleurs, c'est bien de m'y faire penser). Comme Roppartz que j'aime beaucoup.

5. Le jeudi 20 juillet 2006 à , par DavidLeMarrec

A propos de Ropartz, justement, on pourrait jouer sans trop de frais ses mélodies plus souvent, ne serait-ce que les extraits de l'Intermezzo de Heine ! Il n'existe que van Dam au disque ! (et ce répertoire n'est pas vraiment celui qui lui sied le mieux)

On est entre Fauré et Liszt, autant dire que le résultat est très excitant.

6. Le vendredi 26 février 2010 à , par Lionel

Bonjour, merci pour cet enregistrement de Mary Garden chantant Mélisande avec Debussy au piano. Pourriez vous nous en dire plus quand à son origine? A t il bien été réalisé en 1904? n'est ce pas un peu tôt?

Bien à vous

7. Le vendredi 26 février 2010 à , par DavidLeMarrec

Bonjour Lionel !

Cette série de quatre enregistrements (on y trouve notamment Il pleure sur mon coeur), si l'on excepte les quelques rouleaux gravés en 1913, sont les seuls témoignages de Debussy comme pianiste.

Ca date bien de 1904, et ça a été initialement publié par G&T, semble-t-il. Je n'ai pas actuellement la documentation de mon édition (EMI) pour en dire plus long.

Bonne journée !

8. Le vendredi 26 février 2010 à , par Lionel

Merci pour votre réponse rapide!

C'est donc avec un gramophone que ces extraits ont étés enregistrés?

Vous soulignez au début de votre article que tous les enregistrements disponibles ici sont du domaine public (et non commerciaux), puis-je me les procurer sur internet? si oui, où?

Lionel

9. Le samedi 27 février 2010 à , par DavidLeMarrec

Bonjour Lionel,

On ne peut pas enregistrer avec un gramophone, seulement jouer, mais oui, c'était gravé sur un cylindre de latex ou un disque d'ébonite qu'on faisait passer ensuite sur gramophone.

Concernant le domaine public, un détail considérable m'avait échappé : pour une oeuvre de collaboration, en France, c'est au dernier mort qu'on fait courir la protection. Si bien qu'à cause de Maeterlinck qui n'a pas été tué en duel par Debussy, Pelléas n'est pas dans le domaine public, et ses interprétations, même dans le domaine public, ne peuvent pas être distribuées librement.

Cela dit, on peut trouver des extraits sur des sites de pays où la législation est moins démesurément protectrice qu'en France, comme le Canada ou les Etats-Unis.
Il y en a un certain nombre dans les pages recensées ici :

http://musicontempo.free.fr/musique.html .
Pensez aussi à aller voir Cantabile-Subito.de.

Par ailleurs, pour les enregistrements non commerciaux, il existe une tolérance très grande, même en France, mais c'est à proprement parler illégal hors du cercle familial et je n'en assure donc pas la diffusion. Ce sont des captations radio (et parfois en salle sur les genoux) que j'ai pu recueillir ou qu'on m'a donné à connaître. C'est une affaire de vigilance à la radio... ou de réseaux privés, d'échanges en bonne camaraderie, etc.

Maintenant, en cherchant les références, on peut parfois remonter à la source (certaines radios, par exemple, laissent leurs programmes plusieurs années en ligne, comme la troisième station publique lettonne).


Et si, dans la série autour de Pelléas, une des versions vous paraît vraiment intéressante, contactez-moi par courriel pour que je vous aiguille au mieux.

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David Le Marrec

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