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samedi 25 janvier 2025

Pourquoi je ne joue pas de piano au piano — [Un an et demi de déchiffrages d'inédits – VII – Arrangements inédits, de Mozart à Sibelius]


asgér hamerik
Asgér Hamerik, l'une des seules pas-vraiment-superstar de cette notule.

Pour les implications techniques (pianistiques) de l'entreprise, voyez la première notule de la série.

Pour le point sur les dernières découvertes côté opéras en français, voyez la deuxième notule de la série.

Pour les opéras en allemand, voyez la troisième.

Pour les opéras en d'autres langues, le répertoire sacré, la musique symphonique, les mélodies françaises : épisode n°4.

Pour les lieder et songs : épisode n°5.

Quant à la musique de chambre, au clavecin, au piano solo, aux mélodies slaves : épisode n°6.

J'ai aussi recueilli ces lectures dans un fichier que je mettrai à jour.



[[]]

(Quelques transcriptions ou fantaisies pour piano à partir de tubes mentionnés plus bas.
Le disque le plus conforme que je connaisse, la Troisième Symphonie de Bruckner
transcrite pour piano à quatre mains par Mahler,
n'est pas disponible en flux.)


13. Tubes en réduction

Je touche à la fin de ce panorama, avec dans l’intervalle des nouveautés, évidemment.

Je n’ai pas évoqué cependant une catégorie d’inédits, qui m’a beaucoup occupée, mais qu’il serait probablement assez peu utile de commenter (et encore moins de diffuser) : une vaste partie des pièces que je joue au piano sont des transcriptions, de symphonies, de quatuors... jamais enregistrées en version piano ou, quand c’est le cas, pas dans l’arrangement que j’ai soigneusement sélectionné.
Je ne parle même pas des opéras en version réduite, où j’intègre moi-même les lignes vocales à l’« orchestre ».


a) Répertoire

Dans cet ensemble, des œuvres peu célèbres (Concertos pour violon de Pierre Rode [lien], Quatuors d’Anton Rubinstein [lien], Symphonie n°1  de Kalinnikov ou n°2 d’Asgér Hamerik [lien]…), et beaucoup de tubes. Les symphonies de Beethoven (1,2,3,4,5,6,7,8,9), de Schubert (3,5), de Mendelssohn (3,4,5), de Schumann (2,3,4), de Bruckner (2,3,4,5,6,7,9), de Brahms (1,4), de Tchaïkovski (1,2,3,4,5,6), de Dvořák (7,8,9), de Mahler (1,2,3,5,8,9), de Sibelius (1,5, faute de trouver les autres) ; les poèmes symphoniques de Tchaïkovski, les trois grands ballets français de Stravinski ; les quatuors de Beethoven (1,2,3,4,5,6,7,8,9,15 pour l’instant), Schubert (12,13,14,15), Mendelssohn (2,6), Schumann (3), Debussy...

Côté opéra, parmi les plus joués :
→ l'horrible Richard Wagner [notules] : le Vaisseau fantôme, les scènes aquatiques et célestes de Rheingold, les actes I et III de la Walkyrie, l'acte III de Parsifal… souvent dans des traductions françaises ;
→ Richard Strauss [notules] : tout le début d'Elektra jusqu'à la fin de la première scène de Chrysothemis, les débuts du I et du II du Rosenkavalier, tout Ariadne auf Naxos, le début de Die Frau ohne Schatten, et surtout tout Arabella, ;
→ Mozart : actes pairs des Noces, tout Don Giovanni, tout Così, toute la Clemenza ;
→ Verdi : Stiffelio, Un Ballo in Maschera (tableau du gibet), Don Carlos (actes impairs), Aida (actes III et IV), Otello (acte II)… ;
→ Debussy : tout Pelléas & Mélisande ;
→ Bizet : tout Carmen ;
→ Puccini : tout Tosca, acte I de La Bohème ;
→ Reyer : acte IV de Sigurd ;
→ Meyerbeer : actes I et V des Huguenots ;
→ Halévy : extraits de La Juive ;
→ Bellini : actes I et II, fin de l'opéra des Puritains ;
→ etc.
Le plus joué sans conteste, l'acte III de Die Walküre (comme d'habitude), suivi des I et III d'Arabella, puis l'acte IV des Noces, tout Tosca, Pelléas, l'acte II d'Otello, le final de Stiffelio. (Si l'on compte les extraits isolés, le duo de révélation du V de La Reine de Chypre d'Halévy arrive dans le trio de tête !  Réduction réalisée par… l'horrible Richard Wagner.)

Côté musique sacrée, beaucoup de lectures de la Missa Solemnis de Beethoven, du Psaume 42 et d'Elias de Mendelssohn, du Requiem de Verdi, du Deutsches Requiem de Brahms

Et sans doute bien d'autres choses que j'oublie.



b) Effets

Et il faut bien le dire, accéder à une partie de la richesse de ces musiques, la réaliser seul, en incarner les arcanes, a quelque chose de particulièrement grisant. Parmi les bonnes surprises, le Quatuor de Debussy se joue assez bien au piano, qui tombe assez bien sous les doigts, peu de sacrifices à opérer dans la musique, alors qu'il faut souvent opérer des choix déchirants dans les réductions de quatuor !  Quant au mouvement lent de l’opus 59 n°2 de Beethoven, voilà probablement l’une des pièces « pour piano » que j’ai le plus jouées... une partie de son caractère ineffable et de la succession ininterrompue d’idées fulgurantes se communique très bien à la version piano.

Évidemment, toutes les polyphonies ne sont pas réalisables (certaines ne sont même pas notées par les transcripteurs !) et les effets de timbre ou de texture peuvent ne pas trouver de correspondance au piano, mais ce reste tout de même un outil d’approche incroyablement intuitif et jubilatoire ! 

Les choix des transcripteurs sont en eux-mêmes éclairants, également : ainsi pour les symphonies de Beethoven, Otto Singer II, le grand transcripteur d’opéras de Wagner et Strauss, n’est-il pas le plus confortable pianistiquement ni le mieux sonnant quand aux équilibres des registres. Liszt, que je n’ai jamais beaucoup aimé ici, me paraît vraiment un attrape-pianiste – des octaves partout, mais cela imite assez mal les textures d’un orchestre à cordes et vents ; on le perçoit déjà à l’audition, et c’est encore plus vrai lorsqu’on le lit et le joue. (En outre, quoique très pianistique, je ne trouve pas ça confortable à jouer, on sent les grandes mains puissantes, on a l'impression de toujours courir après le brillant plutôt que de travailler le fondu et la couleur.) Une œuvre pour faire briller le pianiste plutôt que pour évoquer fidèlement le souvenir de l’original. Après pas mal d’essais, je me suis tourné vers Ernst Pauer, pianiste et compositeur deux générations plus tard (né en 1826), dont les propositions modestes et équilibrées, qui visent davantage à la fidélité qu’à l’effet, permettent réellement de faire réentendre le matériau d’origine, avec, évidemment, son lot de simplifications ou d’impossibilités pratiques. De même pour Tchaïkovski, où j’ai privilégié l’éditeur moscovite Jadassohn, lui-même transcripteur, sur d’autres noms plus prestigieux.



c) Déviance

Vous vous posez peut-être la même question que celle naguère émise par un camarade : il existe tellement de chefs-d’œuvre pour le piano (documentés ou non), pourquoi t’acharner sur des œuvres qui ne sont pas écrites pour l’instrument?

Et en effet, je joue beaucoup plus d’opéras, de symphonies, de musique de chambre (avec ou sans piano prévu !) que de musique pour piano. Phénomène encore spectaculairement accentué lorsqu’il s’agit de jouer des œuvres qui figurent dans le grand-répertoire.

C’est à la vérité une très bonne et légitime question, et il se trouve que je dispose de réponses – qui éclairent certes mon approche, mais aussi, je crois, une dimension musicale susceptible de tous nous concerner à divers degrés.

1) Beaucoup de pièces pour piano sont déjà disponibles au disque : ce sont les plus faciles à enregistrer et diffuser ; même si je ne les trouve pas de prime abord, il est fréquent qu’en réalité une piste isolée (et mal référencée) se dissimule dans une anthologie, sans parler bien évidemment des captations artisanales publiées sur YouTube. Le risque de travailler pour rien est donc assez élevé.

2) Les œuvres pour piano sont souvent écrites pour mettre en valeur les pianistes, nécessitent de la virtuosité, contiennent des traits purement pianistiques. Autant je peux arriver à donner le change en première lecture d’un opéra (quitte à opérer des choix d’urgence dans les voix et/ou l’accompagnement), autant sur une pièce écrite pour piano, si on escamote les cabrioles prévues, le résultat paraît tout de suite moche. Néanmoins, cette considération ne concerne en réalité surtout les captations / diffusions – rien ne m’empêche de les jouer pour moi-même.

3) La véritable raison, c’est que ladite virtuosité est souvent présentée comme une vertu (un grand pianiste, c’est un « virtuose »), alors que pour ma part, en tant qu’auditeur, à matériau égal, je trouve l’œuvre virtuose moins intéressante. Non seulement les fanfreluches n’apportent rien au discours, mais elles l’affadissent (pour moi), se reposant sur des formules vives et stéréotypées au lieu de laisser chanter la mélodie, l’harmonie, en somme le discours.
Or, très peu de compositions pour piano échappent à ce genre de réflexe. Je trouve donc plus satisfaisant de jouer d’autres genres musicaux transcrits, qui échappent à ces formules prédéfinies que je trouve à la fois inutilement difficiles à jouer et particulièrement pauvres en sens musical.

4) Mais la motivation ultime, celle à laquelle vous n’aviez peut-être pas pensé, celle qui fait que je reviens sans cesse, à mon piano, plutôt aux Quatuors de Beethoven et aux Symphonies de Tchaïkovski (pourtant vraiment virtuoses) qu’aux Études de Chopin et aux Rhapsodies de Liszt : la rêverie.
Lorsque vous jouez une pièce pour piano écrite pour le piano, tout est écrit sur la partition, il faut exécuter ce qui est prévu, il n’y a pas vraiment de place à la créativité. Tandis qu’avec une œuvre prévue pour un autre instrumentarium, il faut souvent opérer des choix (y compris sur la réduction piano déjà écrite, pas nécessairement exécutable en l’état), choisir les voix à faire sonner... Une sorte de co-transcription, en quelque sorte, assez stimulante intellectuellement. Cet aspect est encore plus évident concernant les opéras, évidemment : il faut chercher à intégrer les voix au maximum tout en jouant l’accompagnement piano, lire le texte et les didascalies pour comprendre ce qui s’y passe... mais quel cocktail d’émotions !

5) Corollaire : une grande partie du travail se situe du côté de l'imagination. Il faut se figurer les timbres des instruments absents, et essayer de rendre audibles leurs textures, leur étagement,  leurs contrastes – l'attaque fine d'un hautbois, la transparence pénétrante d'un cor, un glissando de corde ou un portamento de voix. on a réellement l’impression d’effectuer un travail d’interprète, de coloriste, de concepteur. On se représente les timbres que l’on veut suggérer, et ce sont des mondes qui s’ouvrent en plus de la simple exécution : ainsi, jouer une symphonie, c’est aussi être chef d’orchestre en plus d'être co-arrangeur.
Évidemment, je ne pense pas du tout avoir le niveau pour parvenir à communiquer cela (j’essaie), mais sur le plan intérieur, cette approche est d’une richesse sans commune mesure avec la simple tentive de jouer bien propre des bouts de gammes ou d’arpège conçus pour épater la galerie – et, accessoirement, pour écarter des scènes des pianistes médiocres comme moi.

6) Encore plus irrationnel, dans des pièces transcrites, je ressens le frisson d’être utile (même si ces lectures-plaisir n’ont pas du tout vocation à être jamais diffusées !) : je suis certain que personne n’a capté les transcriptions de Pauer, Jadassohn ou Singer, et d'une certaine façon, je documente un état de la partition qui n'est disponible nulle part. (Et ce, même si l'intérêt de publier des disques de transcription piano assez littérales par des pianistes compétents n'aurait peut-être pas un intérêt majeur – vous ne serez pas surpris que je pense en réalité que si.)



D) Point final

Vous connaissez à présent mon secret, celui que mon confesseur tremble de devoir un jour révéler sous les sévices, portant ainsi malgré lui le désarroi dans le monde, pour la seconde fois depuis l’Arbre de la connaissance du Bien et du Mal.

Vous pouvez désormais vous constituer tribunal et me mettre aux fers avec Dreyfus et Valjean.

Vous serez, estimé lecteur, le héros de l'épisode qui achèvera cette série : je dois vous poser une question dont dépendra – peut-être – le reste de ma vie.

vendredi 13 janvier 2023

[podcast opéra] – Épisode 4 : Pourquoi l’opéra est-il toujours chanté en langue étrangère ?



Certains interprètes généreusement militants ont toujours tenu à tout chanter en langue étrangère.

Plusieurs amis m'ont fait remarquer qu’il n’existait manifestement pas de podcast de vulgarisation sur l’opéra. J'ai été en peine de leur faire des recommandations : je trouve que ce qui existe, y compris en vidéo, parle rarement des éléments constitutifs du genre de façon progressive, et propose plutôt des anecdotes, voire des résumés d'intrigues – ce qui à mon sens doit plutôt intéresser un public déjà informé. Et, en tout état de cause, je connais mal l'offre. À défaut de pouvoir conseiller, j'ai donc opéré un petit essai :  l’idée serait de poster une seule notion à la fois, moins entrelacée et développée que dans une notule, pour essayer de toutes les clarifier, les unes après les autres.

J'en ai réalisé 6 épisodes cette semaine. Vous pouvez vous abonner dans votre application habituelle avec ce lien RSS : https://anchor.fm/s/c6ebb4c0/podcast/rss .
Sinon, il se trouve ici sur Google Podcast, Spotify, Deezer, SoundCloud

Pour ceux qui n'aiment pas l'audio, j'en recopie le script ici. (Il manque quelques précisions faites à l'oral, évidemment, mais l'essentiel est là.)  Rien que les lecteurs de CSS ne sachent déjà, mais il est possible que vous découvriez des choses au fil de l'avancée de la série, j'essaierai d'explorer, autant que possible sans aucun prérequis, des notions un peu plus précises au fil des semaines – si la chose trouve son public. J'envisage également des séries un peu plus techniques, par exemple sur la musique ukrainienne, qui me prend beaucoup de temps en rédaction à cause du format un peu ambitieux des notules, et qui gagnerait sans doute en promptitude en le réalisant sous forme audio.
 
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Épisode 4 : Pourquoi l’opéra est-il toujours chanté en langue étrangère ?

De toutes les difficultés qui s’offrent au novice ou à l’aficionado, en matière d’opéra, la langue n’est pas la moindre. On voit bien que le théâtre est en général toujours proposé en traduction. La comédie musicale est régulièrement traduite (les grands succès comme Les Misérables ou Wicked ont même leurs versions en hongrois et en coréen). Alors pourquoi pas l’opéra ?

La réponse devrait être simple, mais elle est nuancée.

Cela dépend énormément de l’époque, et du contexte.

On peut dire que, globalement, jusqu’aux années soixante, l’opéra était chanté dans la langue du public. Parce qu’il fallait que le public (sans surtitres) comprenne. Des poètes, comme Philippe Quinault (le librettiste principal de LULLY, le véritable fondateur de l’opéra en langue française), avaient même théorisé l’utilisation de formules figées, de phrases à la syntaxe simplifiée, la répétition de mots, pour permettre au public de comprendre ce que le chant pourrait autrement déformer. On chantait pour être compris. Et tout cela est cohérent avec la naissance de l’opéra, créé pour exalter le texte parlé. (Je remonte ce fil-là dans l’épisode 3.)
Il existe cependant une exception importante : au XVIIIe siècle, à l’exception de la France et de quelques villes isolées comme Hambourg ou Stockholm (plus marginalement Saint-Pétersbourg), on chantait partout, quelle que soit la langue du public, l’opéra en italien. Mais il faut dire qu’on était alors en plein triomphe de l’opéra seria : après un XVIIe siècle où l’on a exploré la puissance dramatique de la parole chantée, le XVIIIe siècle est la période où le public se fascine pour les voix et leur agilité. De longs airs (qui peuvent faire une dizaine de minutes dans la seconde moitié du XVIIIe siècle) s’enchaînent sur des situations stéréotypées, où le sens importe moins – et où le vocabulaire italien est de toute façon réduit. En ce temps-là, toutes les cours, de Lisbonne à Saint-Pétersbourg accueillent des opéras en italien, parfois même composés par des ressortissants locaux (De Sousa Carvalho au Portugal, Bortniansky, Ukrainien qui remporte des succès en Italie…). Le public veut surtout entendre des voix agiles et les textes sont suffisamment stéréotypés pour ne pas gêner la compréhension générale de ce qui se passe sur scène.

Le reste du temps, on chante en bonne logique dans la langue du public, pour être compris. Et l’on peut entendre dans les pays concernés, Guerre et Paix de Prokofiev en italien, Carmen de Bizet en russe, Le Château de Barbe-Bleue de Bartók en français, Fidelio de Beethoven en tchèque, Don Carlos de Verdi en bulgare… Les chanteurs étrangers invités doivent apprendre la version traduite dans la langue locale – sauf les plus grandes vedettes qui en sont exemptées (Del Monaco chantant en italien au milieu d’une Carmen en russe, Ghiaurov en italien également au milieu d’un Don Carlos en bulgare…). À de rares exceptions près : lorsqu’une troupe étrangère se rendait dans une ville lointaine, elle chantait dans sa propre langue bien sûr.
Il s’agissait de donner à comprendre un texte dans la plupart des situations.

Tout cela bascule au cours des années 60, et la langue originale de composition devient la norme dans les années 70. Je n’ai jamais pu comprendre ce qui avait suscité ce changement radical (et universel).
¶ Peut-être un début de conscience musicologique : le compositeur a écrit dans cette langue, avec des rythmes, des accents précis pour mettre en valeur le texte, ce que la traduction ne peut pas toujours respecter (il y en a de sublimes qui sont encore meilleures que les originaux, d’autres très honnêtement fonctionnelles, et certaines qui abîment tout, la qualité verbale du texte, le caractère des personnages et des situations, l’accentuation des mots, et bien sûr les rythmes d’origine). C’est le moment des expérimentations de Hindemith et Harnoncourt, une sensibilité générale à ces questions se développe peut-être à ce moment.
¶ Mais sûrement aussi un début de mondialisation : si l’on veut les chanteurs à la mode, qui peuvent désormais se déplacer en avion, on ne peut pas leur imposer de chanter dans chaque langue de chaque pays visité. Il vient avec la partition qui est la même pour tous, celle de la langue d’origine.

Dans les années 80, l’apparition des surtitres finit par régler la question : on peut à la fois respecter le travail du compositeur sur la langue et comprendre l’action !

Et c’est ainsi que l’on entend aujourd’hui majoritairement la langue d’origine, en dehors de quelques rares institutions spécialisées (comme l’English National Opera) et d’initiatives ponctuelles et locales. Puccini en italien, Wagner en allemand, Moussorgski en russe, Janáček en… tchèque, Bartók en hongrois. Même lorsque ces langues sont peu pratiquées dans le pays d’arrivée.

Je ne sais pas si ce choix est le plus pertinent, considérant qu’il existe de belles traductions, et que le surtitrage constitue tout de même une médiation, un éloignement par rapport au frisson du texte directement exalté par la musique – il n’est que d’entendre le public rire avant ou après les répliques, en lisant le surtitrage…
Cette nécessité de polyvalence en langues crée aussi des problèmes vocaux dont il a déjà été question plusieurs fois sur le site et que je n’aurai pas le temps d’évoquer dans cette brève vignette. (Et il est difficile d’en tenir rigueur aux chanteurs, le cahier des charges s’est tellement alourdi : il faut être capable de produire du beau son dans beaucoup de systèmes phonétiques différents, sans même parler du sens à donner !)
Mais cette exigence nous propose aussi le frisson de langues étranges, l’impression d’accéder à une Europe du son, qui n’est pas sans attraits.

Que vous soyez convaincu ou non par ce choix, j’espère avoir donné quelques pistes d’explication sur la raison de cette prédilection pour les langues étrangères lorsqu’on représente de l’opéra !

[Je finis peut-être, cette fois, par une recommandation d’écoute : écoutez l’acte I de l’Alceste de LULLY (dans la version Rousset si vous pouvez), où cohabitent la déclamation française la plus directe et une plainte italienne posée là uniquement pour le son et l’atmosphère. ]

Voyez aussi cette antique notule.

samedi 30 juillet 2022

Beyoncé & Jenůfa – comment la musique change vos relations érotiques


beyoncé renaissance
(nouveauté) (perplexité)
Shawn Carter, Allen George, Beyoncé Knowles, Fred McFarlane, Terius Nash, Adam Pigott, Freddie Ross, Christopher Stewart, Ryan Tedder… – « Renaissance » – Beyoncé, LREM Orchestra (Parkwood Entertainment Columbia 2022)







1. Queen Bey

J’ai toujours admiré la technicienne en Beyoncé, suraigu insolent, clarté d’élocution, médium très bien tenu, énergie agogique, et bien sûr – cela m’intéresse moins mais demeure indispensable pour atteindre ce genre de célébrité – des qualités de danseuse impeccable et un charisme de scène incontestable. En matière de technique de chant, il y a beaucoup à observer dans ce phénomène hors normes, par opposition à beaucoup d’ambitus limités ou de voix se reposant sur les bienfaits de la postproduction. Pour autant, j’écoute peu souvent ses productions, dans la mesure où je suis assez peu touché par les boîtes à rythme et les propositions largement rythmiques, où texte, contrepoint ou effets harmoniques sont peu centraux.

J’étais donc curieux de mesurer mon ressenti à l’écoute de ce nouvel opus. Résultat mitigé.

La voix reste très intéressante, capable de se couler dans des identités très différentes, avec une virtuosité intacte, depuis le suraigu flûté jusqu’aux médiums soufflés, timbre tantôt limpide, tantôt sombre et autoritaire… J’aime moins la retouche numérique permanente ; Beyoncé n’a pas besoin d’AutoTune (le logiciel qui permet aux vedettes sans talent de chanter juste), mais à entendre l'artificialité du résultat, il doit y avoir cinq logiciels du genre qui tournent simultanément pour retraiter la voix !  (Difficile de comprendre les critiques qui louent abondamment la puissance de sa voix – je ne vois pas trop comment s’en rendre compte dans ce contexte.)

La variété des influences et des productions intéresse également, saluée par la critique (davantage de House ici, mais on garde toujours la trame RnB et Soul non loin), clairement l’album échappe au syndrome récurrent de ces parutions qui intéressent à la première piste et finissent par écœurer à mi-disque, à force d’entendre exactement la même jolie chose de piste en piste. (Vu le nombre de collaborateurs à la composition, et qui changent de piste en piste – je n’ai pas cité tout le monde ! –, c’est bien le moins, vous me direz.)



2. Imaginaire verbal

Ma réserve se fonde plutôt sur la partie textuelle. Je connais mal, je le disais, le détail des œuvres de Beyoncé, mais en vérifiant dans ses textes passés, si en effet la connotation sexuelle était bien sûr présente (il s’agit en grande partie de musique calibrée pour les dance floors, autrement dit les zones de chasse du petit vérin), elle n’était pas exploitée de la même façon. Dans Lemonade (2016), si l'on extrapole les allusions, on suggère des choses sur le tempo d’actes sexuels, mais toujours relié à une histoire émotionnelle, à un état de couple. Ça ne me pose pas de problème en soi – c’est une partie de la vie de l’humanité, et il n’est pas illégitime que l’art s’en empare (ce qu’il a toujours fait au demeurant, fût-ce de façon plus allusive, ne serait-ce que l’obsession répandue pour la virginité).

Or, ici, l’accumulation du même stéréotype me met mal à l’aise. Quasiment chaque chanson (même celles non indiquées comme « explicites ») évoque un acte sexuel dans un contexte identique : Monsieur est invité à y aller plus fort, il est remercié de faire l’aumône de jeter un regard avant de rentrer chez lui, Madame mentionne l’argent que ça vaut, et se vante de ses sacs Dior.

Et cela crée une gêne chez moi. Pas parce que ce ne sont pas des personnages positifs – on ne peut pas dire que la littérature mondiale manque de contre-modèles, parfois érigés en modèles –, mais parce qu’il s’agit d’un modèle unique qui est présenté ici sans recul. Et qui a des implications – en tout cas du fait de la popularité de la chanteuse, et de la réception critique sans aucune réserve.

Autant on pouvait rencontrer des éléments d’affirmation féminine ou afro-descendante dans les albums précédents (mêlés, bien sûr, au même type de production visant les discothèques), autant ici, cela se limite à quelques « nigga » qui attestent l’appartenance ethnico-sociale de la chanteuse à partir d’un argot que seuls les noirs peuvent utiliser sans honte ; sans plus ample ambition.

Tout l’imaginaire de l’album semble fusionner deux figures : la femme vue par la pornographie (qui désire, quoi qu’elle en die, se faire défoncer le plus fort possible) et la figure de la michetonneuse, pour qui l’argent est la principale valeur sûre de l’érotisme. L’emblème de la chanson mondiale crée ainsi, dans cet album, un portrait cohérent de femme archétypale et désirable (elle explique très bien dans ses entretiens, par ailleurs, comment son alter ego scénique, Sasha Fierce, représente une sorte d’absolu, notamment en matière de séduction) : cet idéal décrivant peu ou prou une pornstar rémunérée aussi dans le privé.


extrait de Church Girl
[Chorus]
I'll drop it like a thottie, drop it like a thottie
I said now pop it like a thottie, pop it like a thottie (You bad)
Me say now drop it like a thottie, drop it like a thottie (You bad)
Church girls actin' loose, bad girls actin' snotty (You bad)
Let it go, girl (Let it go), let it out, girl (Let it out)
Twirl that ass like you came up out the South, girl (Ooh, ooh)
I said now drop it like a thottie, drop it like a thottie (You bad)
Bad girl actin' naughty, church girl, don't hurt nobody

[Post-Chorus]
You could be my daddy if you want to
You, you could be my daddy if you want to
You could get it tatted if you want to
You, you could get it tatted if you want to (She ain't tryna hurt nobody)
Put your lighters in the sky, get this motherfucker litty
She gon' shake that ass and them pretty tig ol' bitties (Huh)
So get your racks up (Word), get your math up (Huh)
I'ma back it up (Uh), back it, back it up (Back it, back it up)
I'ma buss it, buss it, buss it, buss it, actin' up (Actin' up)
I see them grey sweats (Grey sweats), I see a blank check


extrait de Summer Renaissance
(Ooh)
Boy, you never have a chance
If you make my body talk, I'ma leave you in a trance
Got you walking with a limp, bet this body make you dance
Dance, dance, dance

[Chorus]
Ooh, it's so good, it's so good
It's so good, it's so good, it's so good
Ooh, it's so good, it's so good
It's so good, it's so good, it's so good

[Bridge]
Applause, a round of applause
Applause, a round of applause
Say I want, want, want, what I want, want, want
(I want, want, want what I want, want, want)
I want, want, want what I want, want, want
(I want, want, want what I want, want, want)
I want your touch, I want your feeling
(I want your touch, I want your feeling)
I want your love, I want your spirit
(I want your love, I want your spirit)
The more I want, the more I need it
(The more I want, the more I need it)
Need it
(Need it)
Versace, Bottega, Prada, Balenciaga
Vuitton, Dior, Givenchy, collect your points, Beyoncé
So elegant and raunchy, this haute couture I'm flaunting
This Telfar bag imported, Birkins, them shits in storage
I'm in my bag

[Outro]
Ah-ooh
Ah-ooh
Ah-ooh


extrait de Thique
[Bridge]
Boy, you crazy, body mean, back it up like limousine
You gotta make a fold out to fit a magazine, right
Girl, look at your body, right
Boy, take this in slow, don't let go
Tell me how bad you been wanting it
And hurry up, quick, 'fore the moment ends
I like what I hear, might be sleeping in
Screaming, "Beyoncé," chocolate ounces
Sit on that, bounce it, bounce it

[Chorus]
Ass getting thicker
Cash getting thicker
Cash getting larger
He thought he was loving me good, I told him "Go harder" (Baby, that's that thick)
Thought she was killing that shit, I told her "Go harder" (That's that thick)
Look at this alkaline wrist 'cause I got that water (Baby, that's that thick)
Ass getting thicker (That's that thick)
Cash getting
Look at this shit




3. Implications

Contrairement à ce que l’on pourrait penser, ce n’est pas une réserve morale de ma part (il faudrait être bien sot pour juger de la moralité de personnages de fiction, et bien haut dans la hiérarchie épiscopale pour décider des pratiques intimes licites), mais plutôt une inquiétude sur les conséquences concrètes de cette fiction. J’ai pu constater de première main et de façon récurrente, auprès d’adolescents (des cités où le contrôle parental est plus lâche, mais aussi des beaux quartiers), la puissance des représentations pornographiques et du mythe de la michto. Je ne dis pas du tout qu’il soit de la responsabilité de la chanteuse de vérifier quelles sont les implications sociales de sa musique, évidemment ; en revanche je perçois de possibles conséquences.

Comme la pornographie est désormais accessible partout – pire, si vos parents n’ont pas Netflix ou que vous aimez du manga underground et que vous allez chercher sur des sites de flux illégaux, vous en verrez sans en avoir demandé –, la question n’est plus de se demander si vos enfants ont vu de la pornographie, mais simplement s’ils en voient plutôt à dix ans ou auparavant. Les médias ont beaucoup évoqué les groupes d’entraide entre collégiens sur Snapchat à propos du prolongement du harcèlement scolaire, mais ces endroits hors du contrôle des adultes sont aussi les endroits où, pour s’amuser, pour montrer qu’on est au courant, pour s’indigner, on poste des images assez crues, pas toujours soigneusement sélectionnées – en effet la pornographie gratuite contient beaucoup d’images volées et de vidéos mettant en scène des personnes non consentantes, voire des mineurs ; c’est même le modèle économique des plates-formes comme PornHub.
Or, beaucoup de parents refusent, par principe, par gêne ou par déni de réalité, d’aborder ces sujets, si bien que la pornographie est devenue une contre-culture dès des âges assez tendres (la proportion de jeunes de 10 ans qui en ont vu est écrasante). Plus effrayant encore, l’existence de ce modèle sous-jacent chez les jeunes incite les jeunes qui n’en ont pas vu (jeunes filles surtout) à modeler leurs comportements sur cette norme (vanter sa grosse bouche, faire des moues évocatrices…).

De même, le mythe de la michetonneuse, popularisée par les thématiques du rap – les femmes sont d’abord attirées par l’argent, elles ne vous voient pas à votre juste valeur si vous n’êtes pas riche –, semble très ancrée dans les croyances des adolescents. 

Et c’est pourquoi je suis gêné : si même la musique considérée comme mainstream fait circuler sans recul ces représentations, y a-t-il une possibilité pour la jeunesse de savoir qu’il est possible de connaître des relations sentimentales qui ne soient pas une lute de pouvoir implicite, de vivre des relations sexuelles non violentes, de percevoir des représentations de la femme non vénales ?  Beyoncé se met quelquefois en scène dans ces chansons et exprime qu’elle est en quelque sorte le Graal, le meilleur coup possible… et le fait tout en demandant qu’on y aille fort, en se félicitant de l’argent que cela vaut, en s’interrompant soudain pour citer des marques de luxe. Je suis déçu qu’il n’y ait pas vraiment d’autres messages, de points de vue variant de chanson en chanson.

Autant, musicalement, malgré l’aspect léché et calibré de la production, la variété des ambiances sonores est immédiatement sensible, autant l’imaginaire textuel paraît vraiment pauvre, voire problématique – il s’agit clairement de chansons conçues pour danser en boîte (voire pour s’agiter après la boîte), dont le propos m’a paru singulièrement limité, et potentiellement néfaste.

La pochette, sur laquelle j’ai moins d’avis, rejoint assez cet esprit : on glorifie un corps stéréotypé globalement impossible (taille de guêpe à l’âge où l’on a eu des enfants, mais pourvue d'attributs sexuels secondaires disproportionnés), et il s’agit manifestement de l’argument de vente principal – c’est un bon coup car elle a le bon corps, et ça prouve à quel point c’est une glorieuse chanteuse.



4. Échos musicaux

Tout cela rejoint aussi quelques réserves plus purement musicales : le lien de la musique avec le texte est souvent ténu :  pour un couplet donné on entendra texte sur une ambiance globale, pas de mots soulignés, on sent que tout cela a été écrit à quinze, chacun dans son couloir. La pauvreté des refrains (plus ou moins des répétitions de formules de gémissements) rend difficile de trouver le grand frisson où un mot coïncide avec un effet sonore, nous touche par rapport à notre expérience ou notre perception du monde.

J'y retrouve par ailleurs une mode qui m’agace, le chant gémissant (pas du tout limité à la chanson suggestive, c’est vraiment une mode esthétique très répandue), où j’ai toujours l’impression que les chanteuses cherchent à me vendre de la viande plus ou moins fraîche au lieu de me convaincre par leur timbre ou leur expression reliée au texte. Ici, certes, gémissements pleinement en contexte.



5. Généalogie du mauvais modèle

Ce type de question sur les messages dangereux portés par la musique ne sont pas neufs évidemment.

Philippe Quinault a été disgracié et exilé parce qu’il était possible de lire un double sens critique sur la possessivité de la Montespan dans le livret d’Isis de LULLY – on ne voit pas comment cela aurait pu être le projet d’un poète de cour qui écrivait des Prologues à la gloire explicite du souverain, mais la rumeur fut telle qu’il fallut bien une réaction.

On n’a pas toujours pris au sérieux l’opéra – témoin l’incroyable absence de scandale devant Robert le Diable de Meyerbeer (livret de Scribe), où le héros est fils d’un démon, et vole une relique sainte tout en culbutant une abbesse dannée sur un autel consacré… (Et Meyerbeer & Scribe les empile, faisant jouer le mauvais rôle aux catholiques dans Les Huguenots, critiquant l'aristocratie dans Le Prophète et l'Église dans L'Africaine…) L'explication la plus probable demeure que personne ne se faisait d'illusions sur la portée d'un opéra, par essence une fiction pas très sérieuse.

On peut tout de même dénombrer quelques scandales : ainsi chez Verdi, accueil d’abord gêné de Stiffelio et de La Traviata, qui mettaient en scène les désordres privés (et pour tout dire sexuels) de personnages de la vie contemporaine (un pasteur et pire, une courtisane), avant le triomphe de la seconde lors des reprises – en Angleterre, l’Église anglicane avait recommandé aux fidèles de ne pas y assister, tandis que la reine Victoria n’alla jamais au théâtre les soirs où la pièce était donnée.

On se souvient aussi de Carmen de Bizet, dont l’indécence du sujet et des manières (la séduction purement animale, le désir dans les basses classes et non plus l’habillage convenable des passions aristocratiques) avait provoqué le rejet lors de la première.
Ou encore Thaïs de Massenet, d’après un roman d'Anatole France tournant en dérision la foi, où il fallut non seulement supprimer le ton critique, retirer certaines représentations païennes (trop laudatives) ou diaboliques, et même changer le nom du prédicateur, tant on craignait les épigrammes lancés du poulailler, où Paphnuce (devenu Athanaël) aurait rimé avec prépuce.

Je vois aussi d’autres opéras qui ont moins été mis en accusation et qui entrent plutôt dans la catégorie où je place cet album de Beyoncé. Don Giovanni est un cas intéressant : le livret de Da Ponte dresse le portrait d’un violeur vantard, d’un aristocrate lâche qui obtient les faveurs des femmes par la force ou la ruse, sous la protection de l’anonymat. Même sous la plume d’un homme peu tourné vers la morale traditionnelle, le portrait n’est pas flatteur, et reste très proche de ceux dressés par Molière puis Bertati (qui place la mort du Commandeur en début d’ouvrage), appelant clairement la désapprobation.
Or, la musique de Mozart en change totalement la perception : dès que Don Juan s’exprime, la musique se pare de lumière (« Più fertile talento del mio non di dà », dans le trio d’éloignement d’Elvire, ou bien sûr « Vivan les femmine, viva il buon vino »), si bien que le personnage attire toute la lumière, devient admirable, presque exemplaire. Sans la musique de Mozart, il n’est pas certain que cet abuseur sans aucune authenticité eût jamais attiré l’intérêt des Romantiques, qui en font un étendard de l’absolu (aimer toutes les femmes, suivre ses passions et sa quête plutôt que Dieu, ce devient une forme d’allégorie du mouvement).

On pourrait aujourd’hui le voir avec le regard désapprobateur de l’héroïsation de comportement destructeurs pour les individus et la société – Don Juan ravage tout le contrat social d’Ancien Régime, qui fait reposer (Molière l’explicite dans son Dom Juan) tout le système sur l’exemplarité de ceux qui en sont à la tête, et qui n’ayant plus grande justification militaire dans un pays unifié, doivent justifier leurs privilèges par le modèle qu’ils donnent à voir.
De surcroît, même hors de ce contexte, il piétine le droit naturel de tous ceux qu’il croise, valet contraint aux délits, femmes violées ou abandonnées, maris déshonorés, rivaux ou gêneurs occis. On pourrait se faire une cause féministe que de faire une lecture critique de la pièce avant toute représentation de Don Giovanni : sa matrice, qui était plutôt une représentation critique de ce qui arrive aux mauvaises élites (« dormez sur vos oreilles, bonnes gens, Dieu va réparer tout ça et plus vite que vous ne croyez »), a été totalement renversée et semble célébrer l’objectification des femmes. Mais l’opéra semble tellement adoré de tous (non sans raison, musicalement comme dramaturgiquement !) qu’il a échappé jusqu’ici à ce type de critiques.

Moins emblématique, et moins lié à la musique, je ressens davantage cette gêne avec Jenůfa de Janáček. L’intrigue est simple : Jenůfa est en couple avec un jeune muguet un peu superficiel, son cousin Števa – il passe son temps à boire, si bien qu’elle ne peut même pas lui révéler qu’elle est enceinte de lui. Le demi-frère de Števa, Laca, est jaloux et, affirmant que Števa n’aimerait jamais Jenůfa si ce n’était pour ces joues roses, lui lacère le visage avec le couteau qu’il vient de faire aiguiser. Quelques actes (et un nourrisson congelé) plus tard, tout est bien qui finit bien : Števa a bien sûr quitté Jenůfa de dégoût, et Laca veut bien de Jenůfa, qui a ainsi tout le loisir d’épouser son bourreau – le livret et la musique présentent cela comme le triomphe de l’amour vrai. Typiquement le genre d’intrigue où l’on est mal à l’aise sur la vision du monde que les créateurs veulent nous amener à partager.



6. Apostilles

En vieillissant, bien que biberonné au « séparer le propos de la beauté de l'œuvre », j'avoue apporter davantage d'attention aux comportements antisociaux que valorisent certaines représentations. J'écoute quand même du Wagner, bien sûr, mais je ne nommerais certes pas une rue à sa gloire, à cause du mauvais exemple qu'il était en tant qu'humain – la société de ses contemporains se serait vraisemblablement mieux portée sans lui.
Et j'avoue être ainsi plus sensible les implications sur les représentations et les comportements sociaux, surtout d'œuvres destinées à toucher le plus grand nombre, et sans appareil critique afférent – il suffit de voir que les questions que j'ai soulevées (insérer métaphore à la mode) n'ont même pas été évoquées dans la plupart des critiques de l'album Renaissance.

Surtout, autant l'opéra est destiné à une sorte d'élite culturelle (pour faire simple, des vieux qui aiment lire), qui peut mettre tout cela à distance – et si ce n'est pas le cas, les metteurs en scène s'en chargent –, autant un album de RnB implique une identification plus immédiate au contenu, par un public plus jeune… selon son degré de cool (ne dites plus swag, c'est très 2015), il peut imprégner un sentiment d'appartenance commune, une partie des représentations des mondes.
C'est pourquoi je m'alarmais plus tôt, davantage que pour les livrets à base d'héroïnes perdues au milieu de mâles infâmes.

Et comme ce bavardage excède en longueur ce que je souhaite mettre dans ma liste d'écoutes, je le glisse ici, sans prétendre avoir fourni tout le contexte et toute la profondeur de champ que le sujet mériterait. (J'en ai conscience.)

mardi 21 décembre 2021

Cap 2022 : l'agenda de tous les spectacles que vous n'espériez pas même voir (et qui seront de toute façon pour moitié annulés)


A. L'an 2022 (quoi de beau quoi de neuf)

        ► Vous êtes heureux d'avoir survécu à 2020 ?

        ► Extatiques d'avoir eu la permission de recommencer (un peu) à vivre en 2021 ?

        ►► Préparez-vous à exploser de bonheur : voici le programme des festivités en 2022 !

    Bien plus complet que Cadences (et mieux calibré pour vos goûts que l'Offi), voici le glorieux agenda de Carnets sur sol !

    Il sera enrichi au fil des semaines, mais les grandes salles et quelques chouchoutes (Athénée, conservatoires…) ont été remplies jusqu'à la mi-mars.

    Comme je suis seul à le constituer, le relevé est bien sûr partiel et subjectif (je relève en priorité ce qui peut m'intéresser…), mais tout de même assez vaste. De quoi vous donner, je n'en doute pas, grands fous que vous êtes, des idées à travers tout Paris – et quelquefois l'Île-de-France !  (Conseils randos / patrimoine afférents sur demande.)



B. Enfant, on a tout notre temps

    Les temps restant hautement incertains (on attend dès à présent le mutant combiné avec la variole et la fièvre hémorragique de Marburg pour relancer un peu la Saison 3), le relevé s'arrête un peu avant le printemps (mais j'ai d'ores et déjà mentionné quelques dates au delà).

    Comme promis, je reviens sur le format simplifié : je le trouve beaucoup plus commode, infiniment plus rapide (d'un facteur 3 à vue de nez…), on voit plus facilement jour par jour, et à charge ensuite à chacun de reporter dans son agenda personnel le concert pour telle date donnée. Il me permet aussi de le remplir tandis que je fais mes 3 à 6 heures de transports quotidiens, contrairement au format tableau, très fastidieux à manipuler sur téléphone.
    Mais je suis bien sûr preneur de retours, s'il y a des choses à ajuster ou des besoins à satisfaire. (Ou simplement des lauriers à jeter !)

    Le contenu sera progressivement complété au fil des prochaines semaines.




    TCE bernheim
La salle Jehan Alain du CRR de Paris, très bien représenté dans cette livraison.



C. Gratuit comme le soleil, l'amour, l'amitié

    Cette fois-ci, j'ai donc court-circuité la hiérarchie des salles pour relever en priorité le plus intéressant : les programmes des conservatoires, qui disposent d'avantages multiples comme la gratuité, l'engagement des interprètes et surtout l'originalité des répertoires. Le CRR de Paris, en particulier, fait vraiment l'effort, sous l'impulsion de ses professeurs, de documenter des pans entiers du répertoire français – de violon avec Stéphanie Moraly, de tragédie en musique et opéra comique avec Stéphane Fuget / Lisandro Nesis / Isabelle Poulenard / Howard Crook, de mélodie avec Philippe Biros, de musique de chambre avec Philippe Ferro, Marie-France Giret, Pascal Le Corre et Pascal Proust… et quelquefois même de la symphonie, avec cette saison Gaubert, Ibert, Murail…
    Quant au CNSM, c'est la garantie d'un niveau équivalent à celui que l'on entend dans les grandes salles parisiennes. Gratuitement. Depuis le premier rang. Dans des répertoires qu'on n'entend pas d'habitude.

    Les conservatoires d'arrondissement ou des communes franciliennes (Versailles, Cergy, Pantin, Saint-Maur, Choisy, Palaiseau…) méritent aussi la surveillance, de belles choses inédites s'y passent régulièrement. Le plus difficile est d'être suffisamment vigilant pour tout surveiller.
  
    (Et, souvent, des soirées plus marquantes que ce qu'on peut vivre au fond d'une grande salle avec des interprètes pour qui ce type de concert représente une forme d'habitude, et dans un répertoire que nous connaissons déjà tous par cœur.)



D. L'eau coule encore dessous le Pont-Neuf

Voici donc le fichier :
http://carnetsol.fr/agendacss.txt .

Si les caractères accentués sont déformés, n'hésitez pas à le télécharger et à l'ouvrir dans un bloc-note ou éditeur de texte. (Et à le signaler si le problème persiste.)

Je mets aussi le contenu en fin de notule, pour ceux qui rencontreraient des difficultés de ce genre, mais il ne sera pas mis à jour.



E. Chanter les mêmes chansons

    La signalétique reste la même que d'ordinaire :

*** capital, immanquable
** œuvre rare (et passionnante) et/ou interprétation qui fera date
* très intéressant
¤ intéressant, mais je n'ai pas prévu d'y aller (pas assez rare / trop cher / j'aime pas les interprètes, etc.)
(( début de série
)) fin de série
AV place à vendre
? programme inconnu
yy et ww sont des symboles personnels que je n'ai pas enlevés (j'ai une place / je dois acheter une place)

Les lignes débutent soit par l'horaire, soit par un tiret, afin que vous les repériez mieux. Le format texte rend l'ensemble moins immédiat qu'un tableau, mais si vous regardez simplement les jours dont vous avez besoin, c'est à mon sens encore plus pratique.



F. Le trajet Vénus-Junon-la Terre

    Comme je relève, dans l'immensité de l'offre, essentiellement ce qui me plaît pour moi-même, je vous fournis aussi la liste de salles dont je fais en général le tour (je ne puis le faire pour toutes à chaque fois !) avant de publier l'agenda.

Institutions lyriques :
Opéra de Paris, Opéra-Comique, Châtelet, Athénée, Opéra Royal de Versailles, Massy

Institutions symphoniques :
Philharmonie, Maison de la Radio, Théâtre des Champs-Élysées, Seine Musicale, Gaveau, Invalides, Colonne, Wagram

Institutions chambristes :
Cortot, Fondation Singher-Polignac, Auditorium du Louvre, Musée d'Orsay, La Scala Paris, Espace Bernanos, Espace Ararat (fermé pour 4 ans), Bal Blomet, Guimet (Les Pianissimes)

Conservatoires :
CNSM, CRR de Paris, PSPBB, CRR de Versailles, CRR de Cergy, Conservatoires du XVIIIe, de Choisy-le-Roi, Pantin, Saint-Maur…

Salles qui programment quelques opéras :
Bouffes du Nord, Marigny, BNF, Déjazet, Herblay, Saint-Quentin-en-Yvelines

Théâtres qui programment un peu de musique :
Théâtre Grévin, La Ferme du Buisson (Noisiel), Le Figuier Blanc (Argenteuil)

Festivals (hors été) :
Philippe Maillard, Festival Marin Marais, Jeunes Talents (Archives Nationales principalement), Concerts de la rue Bayard (fini), Forum Voix Étouffées, Les Concerts de Poche, Inventio, Les Pianissimes (Guimet principalement), Baroque de Pontoise, Royaumont, ProQuartet (Paris & 77)

Églises :
Église Américaine de Paris (chambre & vocal, souvent rare), The Scots Kirk (chambre rare, fini), Saint-Merry (symphonique, chambre, musiques du monde…), La Madeleine (concerts sacrés), Billettes, Val-de-Grâce (concerts thématiques « patriotiques »)

Orgues :
Oratoire du Louvre (avec écran !), Saint-Eustache, La Trinité, Saint-Louis de la Pitié-Salpêtrière, Temple de l'Étoile, Saint-Pierre-de-Montmartre, Saint-Gervais-Saint-Protais, La Madeleine, Saint-Sulpice, Saint-Roch, Saint-Antoine-des-Quinze-Vingts, Chapelle Royale de Versailles, Houdan, Brunoy, Mantes-la-Jolie, Orgue-en-France.org

Compagnies :
La Compagnie de L'Oiseleur, Les Frivolités Parisiennes, Orchestre de Chambre de Paris, Il Festino, Ensemble Poséidon, Faenza, Les Épopées, l'Orchestre d'Éric van Lauwe, Les Talens Lyriques, La Chanson Perpétuelle, Les Monts du Reuil, Ensemble Athénaïs…

Artistes :
Dagmar Šašková, Jean-Sébastien Bou, Marc Mauillon, Gérard Théruel, Claire-Élie Tenet, Sahy Ratianarinaivo, Kaëlig Boché, Trio Zeliha, Trio Zadig, Trio Sora, Cuarteto Quiroga, Quatuor Tchalik, Quatuor Akilone, Quatuor Hanson, Quatuor Arod, Le Consort, Patrick Cohën-Akenine, Sophie de Bardonnèche, Héloïse Luzzati, Gary Hoffman, Célia Oneto-Bensaid…

Autres styles :
La Huchette (comédie musicale), Sunside (jazz), Duc des Lombards (jazz), Quai Branly (musiques du monde)

Théâtre :
Comédie-Française, Odéon, Colline, Montansier, Gérard Philippe (Saint-Denis), Les Amandiers, L'Usine, L'Apostrophe

Auteurs :
Ibsen, Maeterlinck

Ballet :
Théâtre de la Ville, Chaillot

Sources transversales complémentaires :
Cadences.fr, Offi.fr, France-Orgue.fr


    (Rien qu'écrire la liste prend une heure… d'où la nécessité pour moi d'alléger le processus et de n'effectuer qu'un relevé sur un format rapide, du moins si vous voulez en profiter un peu en amont.)




G. Tu dors, je rêve éveillé

    Pour ceux qui se demandent d'où proviennent ces titres – d'une de mes chansons préférées. Suivez le lien.

    Voici pour l'une des dernières notules industrieuses de l'année, à l'heure où vous vous gobergez déjà – ne niez pas, on m'a tout dit.

    Profitez bien, protégez-vous, survivez, et revenez au concert pour la seconde partie de saison. Nous serons là – si nous avons survécu, ou si nous ne renonçons pas à revenir de notre province.

Suite de la notule.

mardi 6 avril 2021

Le grand tour 2021 des nouveautés – épisode 4 : cycles Pfleger, Cherubini, Schubert 13, Kreutzer, Dupuy, jeune Verdi, meilleurs Offenbach, Mahler-Tennstedt, Tapiola, femmes, Polonais, concertos pour violon, duos de piano, quatuors avec harmonium…


Toujours la brève présentation des nouveautés (et autres écoutes et réécoutes) du mois écoulé. Je laisse une trace pour moi, autant vous donner des idées d'écoutes…

heise

Conseils

Opéra

Trois opéras très peu présents au disque :
Les Feſtes d'Hébé de Rameau dans leur version révisée de 1747 ;
Drot og marsk de Heise, généreux opéra romantique suédois ;
Constellations d'Efrain Amaya d'après la vie de Miró (2012).

Hors nouveautés, retour aux fondamentaux : Isis de LULLY, La mort d'Abel de Kreutzer (six fois…), les meilleurs Verdi de jeunesse dans leurs meilleures versions (Oberto, Nabucco, Alzira, Stiffelio et sa refonte Aroldo… ne manquait qu'Il Corsaro !), Tristan de Wagner dans une version ultime (C. Kleiber, Scala 1978), les deux meilleurs Offenbach comiques (Barbe-Bleue et Le roi Carotte), Barbe-Bleue de Bartók en japonais, Saint François d'Assise de Messiaen dans la souple version Nagano !


Récitals


♦ Romances, Ballades & Duos, parmi les œuvres les plus touchantes de Schumann, par les excellents spécialistes Metzer, Vondung, Bode et Eisenlohr.
♦ Un autre cycle de Jake Heggie : Songs for Murdered Sisters.
♦ Yoncheva – disque au répertoire très varié, culminant dans Dowland et surtout une chaconne vocale de Strozzi éblouissante.
♦ Piau – grands classiques du lied symphonique décadent (dont les R. Strauss).

Hors nouveautés : j'ai découvert le récital composite de Gerald Finley avec le LPO et Gardner, tout y est traduit en anglais.


Sacré

♦ Cantates de la vie de Jésus par Pfleger, objet musical (et textuel) très intriguant.
♦ Couplage de motets de M.Haydn et Bruckner par la MDR Leipzig.

Hors nouveautés : Motets latins de Pfleger (l'autre disque), motets latins de Danielis (merveilles à la française), Cherubini (Messe solennelle n°2 par Bernius, aussi l'étonnant Chant sur la mort de Hayndn qui annonce… Don Carlos !), Messe Solennelle de Berlioz (par Gardiner), Service de la Trinité et Psaumes de Stuttgart de Mantyjärvi.


Orchestral

Hors nouveautés : Cherubini (Symphonie en ré), Mahler par Tennstedt (intégrale EMI et prises sur le vif), Tapiola de Sibelius (par Kajanus, Ansermet, Garaguly, plusieurs Berglund…), Pejačević (Symphonie en fa dièse)


Concertant

Hors nouveautés : concertos pour violon de Kreutzer, Halvorsen, Moeran, Harris, Adams, Rihm, Dusapin, Mantovani. Concertos pour hautbois de Bach par Ogrintchouk. Concerto pour basson de Dupuy par van Sambeek.


Chambre

♦ Trios de Rimski et Borodine, volume 3 d'une anthologie du trio en Russie.
♦ Pour deux pianos : Nocturnes de Debussy et Tristan de Wagner arrangé par Reger.
♦ Meilleure version de ma connaissance pour le Quatuor pour la fin du Temps de Messiaen par le Left Coast Ensemble (musiciens de la région de San Francisco).

Hors nouveautés : Matteis (disque H. Schmitt et disque A. Bayer), Bach (violon-clavecin par Glodeanu & Haas, souplesse garantie), Rondo alla Krakowiak de Chopin avec Quintette à cordes, disques d'arrangements du Quatuor Romantique (avec harmonium !) absolument merveilleux, Messiaen (Quatuor pour la fin du Temps par Chamber Music Northwest).
Et pas mal de quatuors à cordes bien évidemment : d'Albert, Smyth (plus le Quintette à cordes), Weigl, Andreae, Korngold, Ginastera (intégrale des quatuors dans la meilleure version disponible)…


Solo

♦ Récital de piano : Samazeuilh, Decaux, Ferroux, L. Aubert par Aline Piboule.

Hors nouveautés : clavecin de 16 pieds de Buxtehude à C.P.E. Bach.


La légende
Du vert au violet, mes recommandations…
→ * Vert : réussi !
→ ** Bleu : jalon considérable.
→ *** Violet : écoute capitale.
→ ¤ Gris : pas convaincu.
(Les disques sans indication particulière sont à mon sens de très bons disques, simplement pas nécessairement prioritaires au sein de la profusion de l'offre.)


piboule

Liste brute suit :




Nouveautés : œuvres

Rameau – Les Feſtes d'Hébé (version de 1747) – Santon, Perbost, Mechelen, Estèphe, Orfeo Orchestra, Vashegyi (radio hongroise)
→ Premier enregistrement de la version remaniée de 1747, très vivement animée par Vashegyi (davantage tourné vers l'énergie cinétique que la couleur). Des réserves fortes sur Santon ici (vibrato vraiment trop large, instrument surdimensionné), en revanche Estèphe (mordant haut et verbe clair) exhibe l'un des instruments les mieux faits de toute la scène francophone.
Audible sur la radio hongroise avant parution CD dans quelques mois…

Rimski-Korsakov, Cui, Borodine – Trios piano-cordes (« Russian Trio History vol.3 ») – Brahms Piano Trio (Naxos 2021)
→ Élan formidable du Rimski. Très beau mouvement lent lyrique de Borodine.

Brahms, Sonate à deux pianos // Wagner-Reger, Prélude et mort d'Isolde // Debussy, Nocturnes – « Remixed » –  Grauschumacher Piano Duo (Neos 2021)
→ Splendides timbres, textures et couleurs du duo. Ainsi transcrits, Tristan et les Nocturnes constituent une approche originale, et marquante.

Koželuch : Concertos and Symphony par Sergio Azzolini, Camerata Rousseau, Leonardo Muzii (Sony 2021)
→ Avec un son de basson très terroir.

Pfleger – Cantates « The Life and Passion of the Christ » – Vox Nidrosiensis, Orkester Nord, Martin Wåhlberg (Aparté 2021)
→ Musique du Nord de l'Allemagne au milieu du XVIIe siècle. Œuvres inédites (seconde monographie seulement pour ce compositeur.
→ Plus ascétique que ses motets latins (disque CPO, plus expansif), je vous promets cependant de l'animation, avec ses solos de psaltérion, ses évangélistes qui fonctionnent toujours à deux voix, ses structures mouvantes qui annoncent l'esthétique des Méditations pour le Carême de Charpentier.
→ Par ailleurs, curiosité d'entendre des textes aussi composites (fragments des Évangiles mais aussi beaucoup d'Ancien Testament épars), ou encore de voir Dieu s'exprimer en empruntant les mots d'Ézéchiel et en émettant des notes très graves (mi 1 - ut 1) sur des membres de phrase entiers.
→ On y rencontre des épisodes peu représentés d'ordinaire dans les mises en musique – ainsi la rencontre d'Emmaüs, ou la Cananéenne dont la fille est possédée – écrits en entrelaçant les sources des Évangiles, des portions des livres prophétiques, les gloses du XVIIe et les chants populaires de dévolution luthériens, parfois réplique à réplique…
→ De quoi s'amuser aussi avec le contexte (je vous en touche un mot dans la notice de ma main), avec ces duels à l'épée entre maîtres de chapelle à la cour de Güstrow (le dissipé Danielis !), ou encore lorsque Pfleger écarte sèchement une demande du prince, parce que lui sert d'abord la gloire de la musique et de Dieu. (Ça pique.)
→ Et superbe réalisation, conduite élancée, voix splendides et éloquentes.

SCHUMANN, R.: Lied Edition, Vol. 10 - Romanzen und Balladen / Duets (Melzer, Vondung, Bode, Eisenlohr)
→ Superbe attelage pour les lieder en duo de Schumann, de petits bijoux trop peu pratiqués.

Michael Haydn, Bruckner – Motets – MDR Leipzig, Philipp Ahmann (PentaTone 2021)
→ La parenté entre les deux univers sonores (calmes homorythmies, harmonies simples) est frappante. La couleur « Requiem de Mozart » reste prégnante chez M. Haydn. Très beau chœur rond et tendre.

Monteverdi, Ferrabosco, Cavalli, Strozzi, Stradella, Gibbons, Dowland, Torrejón, Murcia, traditionnel bulgare… – « Rebirth » – Yoncheva, Cappella Medeiterranea, García Alarcón (Sony 2021)
→ La voix est certes devenue beaucoup plus ronde et moins focalisée, mais le style demeure de façon impressionnante, pas le moindre hors-style ici.
→ Accompagnement splendide de la Cappella Mediterranea, parcourant divers climats – l'aspect « ethnique » un peu carte postale de certaines pistes, façon Arpeggiata, étant probablement le moins réussi de l'ensemble.
→ Le disque culmine assurément dans l'ineffable chaconne de l'Eraclito amoroso de Mlle Strozzi, petite splendeur. . Come again de Dowland est aussi particulièrement frémissant (chaque verbe est coloré selon son sens)… !

Samazeuilh, Le Chant de la Mer // Decaux, Clairs de lune // Ferroud, Types // Aubert, Sillages – Aline Piboule (Printemps des Arts de Monte-Carlo 2021)
→ Déjà célébrée par deux fois dans des programmes français ambitieux chez Artalinna (Flothuis, Arrieu, Smit, Fauré, Prokofiev, Dutilleux !), grand retour du jeu plein d'angles d'Aline Piboule dans quatre cycles pianistiques français de très haute volée :
→ le chef-d'œuvre absolu de Decaux (exploration radicale et approche inédite de l'atonalité en 1900),
→ première gravure (?) du Ferroud toujours inscrit dans la ville,
→ lecture ravivée de Samazeuilh (qui m'avait moins impressionné dans la version ATMA), et
→ scintillements argentés, balancements et mélodies exotiques fabuleuses des Sillages de Louis Aubert  !
→ bissé

PÄRT, A.: Miserere + A Tribute to Cæsar + The Deer's Cry, etc. – BayRSO, œsterreichisches ensemble fuer neue musik, Howard Arman (BR-Klassik 2021)
→ Belle version de belles œuvres de Pärt – pas nécessairement le Balte le plus vertigineux en matière de musique chorale, mais sa célébrité permet de profiter souvent de ses très belles œuvres, servies ici par ce superbe chœur.

Michał BERGSON – Piano Concerto / Mazurkas, Polonaise héroïque, Polonia!, Il Ritorno,  Luisa di Montfort [Opera] (excerpts) – Jonathan Plowright au piano, Drygas, Kubas-Kruk ;  Poznan PO, Borowicz (DUX 2020)
→ Le père d'Henri – principale raison d'enregistrer ces œuvres pas majeures.
→ Concerto très chopinien (en beaucoup moins intéressant). La Grande Polonaise Héroïque, c'est même du pillage de certaines tournures de celle de Chopin… (en beaucoup, beaucoup moins singulier)
→ L'Introduction de Luisa di Montfort est écrite sur le thème « Vive Henri, vive ce roi galant », plus original et amusant. Mais ensuite : cabalette transcrite pour clarinette, on garde donc juste la musique belcantiste pas très riche et la virtuosité extérieure, sans le théâtre.
→ Il Ritorno, une petite pièce vocale en français, galanterie ornementale virtuose parfaitement banale de 4 minutes. Pas enthousiaste.
→ Première déception chez DUX !  (mais au moins c'est rarissime et plutôt bien joué… donc toujours une découverte agréable)

Efrain AMAYA – Constellations [2012] – Young, Kempson, Shafer ; Arts Crossing Chb O, Amaya (Albany 2020)
→ Très tonal, sur jolis ostinatos, déclamation sobre pour trois personnages, un opéra inspiré par la vie (et les opinions) de Joan Miró. Il y discute de ses ressentis d'artiste (sur Dieu, dans le premier tableau…)  avec sa femme, parfois en présence de sa fille silencieuse. Également quelques échanges avec un oiseau, muse du peintre (incarné par la chanteuse qui fait l'épouse), et entre l'épouse et l'esprit de la maison.
→ Même le final, lorsque la famille fuit tandis que les bombes se mettent à pleuvoir sur le village, sonne plutôt « oh, regarde la télé, c'est absolument dément ce qu'ils font, tu y crois toi ? ».
→ Ce n'est pas du drame très brûlant, mais tout ça est très joli et délicat, assez réussi. À tout prendre beaucoup plus satisfaisant que ces opéras qui, en voulait être simultanément un laboratoire musical ou poétique, ne sont tout simplement pas opérants prosodiquement et dramatiquement – devenant vite mortellement ennuyeux. Choix peu ambitieux ici, mais plutôt séduisant.

STANCHINSKY : Piano Music (A Journey Into the Abyss) (Witold Wilczek) (DUX 2021)
→ Impressionnant pianiste, très découpé et enveloppant à la fois !
→ Le corpus en est ravivé (pièces polyphoniques, nocturne, mazurkas). Mais le plus intéressant demeure les Fragments, absents ici.

STANCHINSKY : Piano Works (Peter Jablonski) (Ondine 2021)
→ A beaucoup écouté Chopin... Très similaire dans les figures et l'harmonie, à la rigueur augmenté de quelques effets retors typés premier Scriabine.
→ Les Fragments sont plus intéressants que les Sonates et Préludes ; beaucoup plus originaux et visionnaires, plus scriabiniens, voire futuristes.
→ Pianiste assez lisse.

HEISE, P.A.: Drot og marsk (Royal Danish Opera Chorus and Orchestra, Schønwandt) (Dacapo 2021)
→ Superbe drame romantique, dans la veine de Kuhlau, remarquablement chanté et joué. Tout est fluide, vivant, inspiré, œuvre à découvrir absolument !  (il en existait déjà une version pas trop ancienne chez Chandos)

HEGGIE, J.: Songs for Murdered Sisters (J. Hopkins, J. Heggie)
→ Toujours dans le style fluide et très bien pensé rhétoriquement de Heggie. Songs très bien chantées.



Nouveautés : versions

Bach: 'Meins Lebens Licht' - Cantatas BWV 45-198 & Motet BWV 118 – Collegium Vocale Gent, Philippe Herreweghe (Phi 2021)
→ Approche très douce et caressante, comme voilée… Agréable, mais on peut faire tellement plus de ce corpus !
→ (Déçu, j'ai beaucoup lu que c'était ultime…)

Messiaen – Quatuor pour la fin du Temps – Left Coast Ensemble (Avie 2021)
→ Captation proche et très vivante, interprétation très sensible à la danse et à la couleur, une merveille où la direction de l'harmonie, le sens du discours apparaissent avec une évidence rare !
+ Rohde:  One wing (Presler, Anna; Zivian, Eric)
→ Très plaisante piécette violon-piano, congruente avec Messiaen, écrite par l'altiste membre de cet ensemble centré autour de San Francisco.

R. Strauss, Berg, Zemlinsky – Lieder orchestraux : Vier letzte Lieder, Morgen, Frühe-Lieder, Waldesgespräch – Piau, O Franche-Comté, Verdier (Alpha 2021)
→ Beau grain de cordes (pas du tout un fondu « grand orchestre », j'aime beaucoup), cuivres moins élégants.
→ Piau se tire très bien de l'exercice, même si captée de près (et pour ce format de voix, j'aime une articulation verbale plus acérée), très élégante et frémissante.

Verdi – Falstaff – Raimondi, OR Liège, Arrivabeni (Dynamic)
→ Raimondi vieillissant et éraillé, mais toujours charismatique. En revanche, tout est capté (y compris le très bon orchestre) atrocement, comme rarement chez ce label pourtant remarquable par ses prises de son ratées : on entend tout comme depuis une boîte sous la fosse, les chanteurs sont trop loin l'orchestre étouffé, c'est un carnage.
→ À entendre pour la qualité des interprètes, mais très peu agréable à écouter.

Beethoven:  König Stephan (King Stephen), Op. 117 (revised spoken text by K. Weßler) – Czech Philharmonic Choir, Brno; Cappella Aquileia; Bosch, Marcus (CPO 2021)
+ ouvertures de Fidelio
→ Version très informée et sautillante, avec un récitant (à défaut du texte d'origine) ce qui est rarement le cas.


heise




Autres nouvelles écoutes : œuvres

Offenbach – Le roi Carotte – Pelly, Lyon (vidéo France 3)
→ Les sous-entendus grivois les plus osés que j'aie entendus sur une scène d'opéra… Formidable composition étonnamment libre pour du Offenbach, livret d'une ambition bigarrée assez folle, une petite merveille servie au plus haut niveau (Mortagne, Beuron, Bou !).
→ Grand concertato des armures qui évoque Bénédiction des Poignards, superbe quatuor suspendu d'arrivée à Pompéi, impressionnante figuration des chemins de fer…

Danielis – Motets – Ensemble Pierre Robert, Desenclos (Alpha)
→ Petites merveilles à la française de ce compositeur wallon ayant exercé en Allemagne du Nord, où – à Güstrow notamment – il s'est illustré par ses frasques, insultes, caprices, chantages au départ…
→ Interprétation à la française également, d'une sobre éloquence, comme toujours avec Desenclos.
→ Bissé.

Buxtehude, Böhm, Weckmann, J.S. Bach, C.Ph. Bach, W.F. Bach – Vom Stylus phantasticus zur freien Fantasie – Magdalena Hasibeder sur clavecin 16’ de Matthias Kramer (2006) d’après un clavecin hambourgois (vers 1750) (Raumklang 2013)
→ Impressionnante majesté du clavecin doté d'un jeu de seize pieds (au lieu du huit-pieds traditionnel), capté de façon un peu trouble. Mais la superbe articulation de M. Hasibeder compense assez bien ces limites. Un pont entre deux esthétiques de l'affect différentes, sur un rare modèle reconstitué.

Moeran – Concerto pour violon – (Lyrita)
→ Lyrique, atmosphérique, dansant, très réussi. Mouvements lents encadrant un mouvement rapide très entraînant et bondissant.
+ Rhapsodie en fa# avec piano (aux formules digitales très rachmaninoviennes)
+ Rhapsodie en mim pour orchestre, très belle rêverie !

Roy Harris & John Adams: Violin Concertos – Tamsin Waley-Cohen, BBC Symphony Orchestra, Andrew Litton (Signum)
→ Deux concertos très vivants et colorés, où l'orchestre jou sa part.
→ Bissé.

Halvorsen – Concerto pour violon  – Henning Kraggerud, Malmö SO (Naxos 2017)
→ Très violonistique, mais beaucoup des cadences simples et sens de la majesté qui apportent de grandes satisfactions immédiates.

Rihm, Gedicht des Malers – R. Capuçon, Wiener Symphoniker, Ph. Jordan
+ Dusapin, Aufgang – R. Capuçon, OPRF, Chung
+ Mantovani, Jeux d'eau  – R. Capuçon, Opéra de Paris, Ph. Jordan
→ Mantovani chatoyant et plein de naturel, Rihm lyrique et privilégiant l'ultrasolo et le suraigu, Dusapin plus élusif.

Svendsen: Violin Concerto in A major, Op. 6 / Symphony No. 1 in D major, Op. 4 – Arve Tellefsen, Oslo PO, Karsten Andersen (ccto), Miltiades Caridis (symph) (Universal 1988)
→ Timbre d'une qualité surnaturelle… Sinon belle plénitude paganino-mendelssohnienne, et plus d'atmosphères que d'épate.
→ Symphonie plus naïve, en bonne logique vu le langage.

Matteis – False Consonances of Melancholy – A. Bayer,  Gli Incogniti, A. Bayer (ZZT / Alpha 2009)
→ Très beau disque également, mais de consonance plus lisse.

Matteis – Ayrs for the Violin – Hélène Schmitt (Alpha 2009)
→ Œuvres magnifiques, déjà tout un art consommé de doubles cordes notamment, mais toujours avec poésie.

Saint-Saëns – Suite pour violoncelle et orchestre – Camille Thomas, ON Lille, A. Bloch (DGG 2017)
→ Suite d'inspiration archaïsante mais extrêmement romantisée, très réussie.
+ des Offenbach arrangés

Boccherini, Couperin-Bazelaire, Frescobaldi-Toister, Monn-Schönberg – Concertos pour violoncelleJian Wang, Camerata Salzburg (DGG 2003)
→ Boccherini G. 482 en si bémol, plein de vie. Le reste du corpus est moins marquant, surtout Monn, assez terne. Très belle interprétation tradi-informée.

PabstTrio piano-cordes (« Russian Trio History vol.2 ») – Brahms Piano Trio (Naxos)
→ Bissé. Beau Trio à la mémoire d'A. Rubinstein, bien fait, mais je n'ai pas été particulièrement saisi.

Dupuy:  Flute Concerto No. 1 in D Minor – Petrucci, Ginevra; Pomeriggi Musicali, I; Ciampi, Maurizio (Brilliant Classics 2015)
→ On y retrouve les belles harmonies contrastées et expressives propres à Dupuy, mais l'expression galante et primesautière induite par la flûte n'est pas passionnante.

Édouard Dupuy – Bassoon Concerto in A Major – van Sambeek, Sinfonia Rotterdam, Conrad van Alphen (Brilliant 2012)
→ Orchestre hélas tradi-mou. Belle œuvre qui mériterait mieux, quoique en deçà du gigantesque concerto en ut mineur…

KreutzerViolin Concerto No. 14 in E Major – Peter Sheppard Skærved, Philharmonie Slovaque de Košice ; Andrew Mogrelia (Naxos 2007)
→ Quelle grâce, on pense à Du Puy ! 
+ n°15, Davantage classicisme standard, mais interprétation très belle (quel son de violon, quelle délicatesse de cet orchestre tradi !) qui permet de se régaler dans les moments les plus lyriques.
(Arrêtez un peu de nous casser les pieds avec Saint-George et faites-nous entendre du Clément et du Kreutzer, les gars !)

Kreutzer:  42 Etudes ou caprices – Masayuki Kino (Exton 2010)
→ Vraiment des études de travail, certes plutôt musicales, mais rien de bien passionnant à l'écoute seule, si l'on n'est pas dans une perspective technique. Un disque pour se donner des objectifs plutôt que pour faire l'expérience de délices musicales…
→ (mieux qu'Aškin et E. Wallfisch, paraît vraiment difficile à timbrer)

Marschner ouv Vampyr, Korngold fantaisie Tote Stadt, R. Strauss Ariadne Fantaisie, Meyerbeer fantaisie Robert le Diable – « Opera Fantasias from the Shadowlands » – Le Quatuor Romantique (violon, violoncelle, piano, harmonium) (Ars Produktion 2010)
→ Arrangements passionnants qui ne se limitent pas aux moments instrumentaux les plus évidents mais parcourent l'œuvre (le pot-pourri d'Ariadne est particulièrement exaltant !), et dans un effectif typique de la musique privée de la fin du XIXe siècle, un ravissement – qui change radicalement des disques qu'on a l'habitude d'entendre.
→ Trissé.

Wagner – Wesendonck, extraits de Rienzi, Lohengrin, Meistersinger,  Parsifal – « Operatic Chamber Music » – Suzanne McLeod, Le Quatuor Romantique (violon, violoncelle, piano, harmonium) (Ars Produktion 2013)
→ À nouveau des arrangements qui (échappent un peu moins aux grands tubes mais) renouvellent les équilibres sans déformer l'esprit ni l'impact des œuvres. Très persuasif !

Tchaïkovski, Casse-Noisette (extraits), Waldteufel Patineurs, Humperdinck ouverture Hänsel & Noëls traditionnels allemands – « CHRISTMAS MUSIC - A Late Romantic Christmas Eve » – (Elena Fink, Le Quatuor Romantique) (Arsk Produktion 2010)
→ Encore un délice…

BRAHMS, J.: Piano Quintet become String Quintet, Op. 34 (reconstructed by S. Brown) / WEBER, J.M.: String Quintet in D Major (Divertimenti Ensemble) (Cello Classics 2007)
→ Belle œuvre de Weber (Joseph Miroslav).
→ Transformation réussie du Quintette avec piano en quintette à cordes, les contrastes et les effets rythmiques demeurent vraiment de façon convaincante – davantage que dans la version Sonate pour deux pianos, pourtant de la main de Brahms !

Mantyjärvi – Service de la Trinité, Psaumes de Stuttgart et autres motets – Trinity College Cambridge, Layton
→ Excellent exemple de la belle écriture chorale de la baltique, avec une progression harmonique simple, des accords riches, un rapport éttroit au texte, une lumière intense.

Smyth – Quatuor en mi mineur – Mannheim SQ (CPO)
+ quintette à cordes
→ Œuvres remarquablement bâties, avec une belle veine mélodico-harmonique de surcroît. Le Quintette (de jeunesse) plus marqué par une forme de folklore un peu rustique, le quatuor plus sophistiqué (peut-être encore meilleur).

Bosmans – Quatuor –
→ Bien bâti, particulièrement court.

Honneur à la patrie (Collection "Chansons de France") – Chants patriotiques – Thill, Lucien Lupi, Dens, Arlette Deguil, Legros, Roux, Michèle Dorlan… (Marianne Melodie 2011)

Cherubini, Galuppi, Clementi, Bonazzi, Busi, Canneti… – Sonatas for two organs – Luigi Celeghin, Bianka Pezić (Naxos 2004)
→ Cherubini avec des marches harmoniques alla Bach, Galuppi tout bondissant en basses d'Alberti… quelles étranges choses. Assez sinistre sur ces pleins-jeux blanchâtres (pourtant des orgues italiens de 1785), pièces pas passionnantes…   et l'effet de dialogue est complètement perdu au disque (la matière musicale seule ne paraît pas justifier l'emploi de deux organistes.
→ Seul Cherubini m'a un peu intéressé, par sa tenue et son décalage avec l'habitude. Sinon, l'arrangement par Francesco Canneti du grand concertato à la fin du Triomphe d'Aida est un peu divertissant et tuilé, à défaut de subtil.

CherubiniSciant gentes – Keohane, Maria; Oitzinger, Margot; Hobbs, Thomas; Noack, Sebastian; Stuttgart Chamber Choir; Hofkapelle Stuttgart; Bernius, Frieder (Carus 2013)
→ Gentil motet sans éclat particulier, bien joué sans électricité excessive non plus.

CherubiniChant sur la mort de Haydn, Symphonie en ré – Cappella Coloniensis, Gabriele Ferro (Phoenix 2009)
→ Début de la mort de Haydn contient pas mal d'éléments du début de l'acte V de Don Carlos !  Culture sacrée commune aux deux, ou souvenir de Verdi ?

Cherubini
Pimmalione – Adami, Berghi, Carturan, Ligabue, RAI Milano, Gerelli (libre de droits 1955)

Cherubini – Les Abencérages – Rinaldi, Dupouy, Mars ; RAI Milan, Maag (Arts)
→ Quelques variations (orchestrales !) sur la Follia en guise de danses de l'acte I.
→ Ne semble pas génialissime (récitatifs médiocres en particulier), mais joué ainsi à la tradi-mou avec une majorité de chanteurs à fort accent et plutôt capté, on ne se rend pas forcément compte des beautés réelles… M'a évoqué le Cherubini-eau-tiède d'Ali Baba et de Médée, eux aussi très mal servis au disque…

Cherubini – Messe Solennelle n°3 en mi (1818) // 9 Antifona sul canto fermo 8 tona // Nemo gaudeat  – Ziesak, Pizzolato, Lippert, Abdrazakov ; BayRSO, Muti (EMI)
→ Mollissime. Il y a l'air d'y avoir de jolies choses, mais Muti, pourtant sincère amoureux de cette musique, noie tout sous une mélasse hors style.
→ Quand même la très belle découverte du motet Nemo gaudeat, très belles figures chorale, curieux de réentendre cela en de meilleures circonstances…

Bartók, Le Château de Barbe-Bleue (en japonais) – Ito, Nakayama, NHK Symphony, Rosenstock (1957, édité par Naxos)
→ Pas très typé idiomatiquement en dehors du Prologue, mais très bien chanté et joué, beaucoup d'esprit !

Górecki:  String Quartet No. 3, Op. 67, "Pieśni śpiewają" ( … Songs Are Sung) – DAFÔ String Quartet (DUX 2017)
→ Aplats et répétitions, pas aussi détendant que son Miserere ou sa Troisième Symphonie, clairement, mais dans le même genre à temporalité lente et au matériau raréfié.
→ Premier mouvement un peu sombre, le deuxième est au contraire un largo en majeur, en grands accords lumineux et apathiques, les deux scherzos intermédiaires apportant un brin de vivacité, jusqu'au final largo, plus sérieux et prostré. Assez bel ensemble, plutôt bien fait (mais très long pour ce type de matière : 50 minutes !).

CHOPIN : Rondo alla Krakowiak (Paleczny, Prima Vista Quartet, Marynowski) (DUX 2015)
→ Réjouissante version accompagnée par un quintette à cordes, pleine de saveur et de tranchant par rapport aux versions orchestrales forcément plus étales et arrondies – et ce même du côté du piano !



Autres nouvelles écoutes : interprétations

Chabrier, ouverture de Gwendoline, España, Bourrée fantasque, Danse villageoise / Bizet, Suite de l'Arlésienne  / Lalo Ys ouverture / Berlioz extraits Romé / Debussy Faune / Franck Psyché extts / Pierné Cydalise extts, Ramuntcho extts, Giration, Sonata da Camera – Orchestre Colonne, Pierné (Malibran)
→ Quelle vivacité, quel élan !  Et le son est franchement bon pour son temps.

Berlioz – Messe Solennelle (Resurrexit) – ORR, Gardiner (vidéo 1993)
→ La folie pure.

Messiaen – Saint François d'Assise – Hallé O, Nagano (DGG)
→ Quel naturel par rapport à Ozawa !  On sent que la partition fait désormais partie du patrimoine et que son discours coule de source.

Walton – Concerto pour violon – Suwanai (Decca)
→ Toujours son très beau son, mais l'œuvre me laissant assez froid…

Mahler – Symphonie n°5 – LPO, Tennstedt  (EMI)
→ Tourbillon dément.  Même l'Adagietto est d'une tension à peine soutenable.

MONN, G.M.: Cello Concerto in G Minor (arr. A. Schoenberg) (Queyras, Freiburg Baroque Orchestra, Müllejans) (Harmonia Mundi)
→ Un peu aigre comme son d'orchestre pour du classicisme, serait sans doute très bien dans une œuvre intéressante mais ici…

Saint-Saëns, Berlioz – « French Showpieces (Concert Francais)  » – James Ehnes, Orchestre symphonique de Québec, Yoav Talmi (Analekta 2001)

Bach – Oboe Concertos – Alexei Ogrintchouk, Swedish ChbO (BIS 2010)
→ Quel son incroyable, et quel orchestre aussi…

Verdi Oberto (version originale), acte I – Guleghina, Stuart Neil, Ramey ; Saint-Martin-in-the-Fields, Marriner (Philips)
→ Tire beaucoup plus, joué ainsi, vers Norma et le belcanto plus traditionnel. Plus formel, moins stimulant.
→ Avec Marriner, les formules d'accompagnement restent de l'accompagnement. Et même Ramey semble un peu prudent, composé. (Manque d'habitude de ces rôles en scène, probablement aussi : la plupart n'ont dû faire que ce studio.)

Verdi – Oberto – Dimitrova, Bergonzi, Panerai ; Gardelli (Orfeo)
→ Grande inspiration mélodique et dramatique pour ce premier opéra. Distribution qui domine ses rôles !  Et des ensembles furibonds étourdissants !

♥  Verdi – Alzira – Cotrubas, Araiza, Bruson, Gardelli (Orfeo)
→ De très très beaux ensembles… Un des Verdi les moins joués, et vraiment sous-estimé.

Sibelius – Symphonie n°2 – Suisse Romande, Ansermet (Decca 1962)
→ Belle version pleine d'ardeur, avec des timbres toutefois très aigrelets. Tout ne fonctionne pas à égalité (le mouvement lent manque peut-être un peu de plénitude et de fondu ?), mais la toute fin est assez incroyable de généreuse intensité.

Sibelius – Tapiola – Helsinki PO, Berglund
→ Un peu rond, mais rapide et contrasté, extrêmement vivant !
+ Kajanus
→ Orchestre limité et problématique (justesse, disparité de timbres), mais élan irrésistible, conduite organique du tempo, saveur des timbres !

Messiaen – Quatuor pour la fin du Temps – Chamber Music Northwest (Delos 1986)

Messiaen – Quatuor pour la fin du Temps
– Jansen, Fröst, Thedéen, Debargue (Sony)
→ Très soliste, manque un peu de cette fièvre commune (trop facile pour eux ?). Même Thedéen, mon idole d'éloquence élégance dans Brahms, paraît un peu forcer son timbre.

Verdi – Nabucco (extraits en allemand) – Liane Synek, Lear, Kónya, Stewart, Talvela ; Deutsche Oper Berlin, H. Stein (DGG)
→ Version très bien chantée (en particulier le ferme mordant de Stewart et la tendreté de Lear).
→ Les extraits sont étrangement choisis (pas d'ensembles, pas d'Abigaille hors sa mort !).

Verdi – Aroldo – Vaness, Shicoff, Michaels-Moore ; Maggio Firenze, Luisi (Philips 2001)
→ Distribution, orchestre, captation de luxe pour  cette refonte de Stiffelio, dans le contexte plus consensuel des croisades. Les meilleurs morceaux (le grand ensemble du duel à l'acte II, l'air du père au début du III…)  sont cependant conservés, à l'exception du prêche final, hélas. (La version Aroldo de la fin Deest non seulement musicalement fade, mais aussi dramatiquement totalement ratée.)
→ Meilleure version disponible au disque pour Aroldo, à mon sens.
→ bissé

Schubert – Quatuor n°13 – Diogenes SQ
+ Engegård (plus vivant)
+ Ardeo (un peu gentil)
+ Takacs (vrai relief, son grand violon)
+ Terpsycorde réécoute (instruments anciens)
+ Mandelring (belle mélncolie)
+ Chilingirian SQ (autant leur Quintette est fabuleux, autant ce quatuor, épais et mou me déçoit de leur part)

Sibelius – Tapiola – Suisse Romande, Ansermet
→ Ce grain incroyable, cette verdeur, cette clarté des timbres et du discours !
(+ Davis LSO, très bien)
(+ Berglund Radio Finlandaise, contrastes incroyables !)

Cherubini – Medea acte I – Forte, Antonacci, Filianoti ; Regio Torino, Pidò
→ Toujours aussi mortellement ennuyeux… et malgré Pidò (il faut dire que la distribution n'aide guère…).

Debussy, œuvres à deux pianos  –  Grauschumacher Piano Duo (Neos 2021)

récital : Weber (Euryanthe), Wagner (Tannhäuser, Meistersinger), Verdi (Otello), Tchaïkovski (Iolanta), Bizet (Carmen), Adams (Doctor Atomic), Turnage (The Silver Tassie)… en anglaisFinley, LPO, Gardner (Chandos 2010)
→ Très beau récital très varié et original, splendidement chanté sur toute l'étendue des tessitures et des styles…
+ réécoute de l'air d'Adams avec BBCSO & Adams (Nonesuch 2018)
Quel tube immortel !

Haendel – Jephtha (disco comparée)
Gardiner, c'est plutôt un de ses disques tranquilles (mous). Pas du niveau de son Penseroso par exemple.
Biondi est très bien mais attention, il utilise un orchestre moderne, les cordes sont en synthétique et très ronde même si ça vibre peu, couleurs des vents plutôt blanches aussi, et on entend que les archets sont modernes, ça n'a pas le même tranchant à l'attaque : c'est très bien pour un orchestre pas du tout spécialiste, mais vu qu'on a du choix au disque, n'en attends pas un truc comparable à ses enregistrements de Vivaldi.
Budday sonne un peu écrasé, Grunert plutôt triste. Même Christophers n'est pas très électrique.
Creed reste un peu tranquille, mais un des plus animés et équilibrés en fin de compte.
Harnoncourt a un peu vieilli, mais ça a le grain extraordinaire et l'engagement du Concentus des débuts… Il faut voir sur la longueur ce que ça donne, mais l'effet Saül n'est pas à exclure !  En tout cas, c'est nettement la plus habitée, je trouve. (Avec Biondi, mais instruments modernes…)

Schumann – Szene aus Goethes Faust, « Mitternacht » – Jennifer, Vyvyan Fischer-Dieskau ;  ECO, Britten (Decca)
+ réécoute Harding-BayRSO <3
+ réécoute Abbado-Terfel
+ réécoute Wit-Kortekangas
+ réécoute Harnoncourt-Concertgebouw
(avec partition d'orchestre)

Smetana:  Má vlast – Bamberg SO, Hrůša (Tudor 2016)
→ Beaux cuivres serrés, superbes cordes, grand orchestre assurément et par la légèreté de touche d'un habitué du folklore. Ensuite, je trouve toujours cette œuvre aussi univoque, faite de grands aplats affirmatifs, sans discours très puissant, une suite de grands instantanés grandioses. À tout prendre, dans le domaine du mauvais goût pas toujours souverainement inspiré, l'Alpestre de Strauss m'amuse autrement !




Réécoutes : œuvres

LULLY – Isis (actes III, IV) – Rousset

Pierné – Cydalise & le Chèvre-pied – Luxembourg PO, Shallon (Timpani)
→ Très joli, dans le genre de Dapnis (en plus rond). Le sujet versaillais n'induit pas vraiment d'archaïsmes. Très beau ballet galant et apaisé.

Pierné – La Croisade des Enfants (en anglais) – Toronto SO, Walter Susskind
→ Un peu lisse, en tout cas joué / chanté ainsi.

Pierné – L'An Mil – Peintre, ON Lorraine, Mercier (Timpani)
→ Aplats vraiment pauvres des mouvements extrêmes, mais ce scherzo de la Fête des Fous et de l'Âne est absolument extraordinaire, et illustre de façon éclatante le génie orchestratoire de Pierné – certains éléments, comme l'usage des harmoniques de violon pour créer des résonances dynamiques, sont abondamment réutilisés dans L'Oiseau de feu de Stravinski…

Moulinié: Le Cantique de Moÿse – par les Arts Florissants, William Christie (HM)
→ Toujours pas convaincu par cet corpus qui regarde bien plus vers la Renaissance et la polyphonie assez austère que vers les talents extraordinaires de mélodiste que manifesta par ailleurs Moulinié.

Pfleger – Motets latins – CPO

Kreutzer – La mort d'Abel – Droy, Bou, Pruvot ; Les Agrémens, van Waas (Singulares 2012)
→ six fois

Édouard Dupuy – Concerto pour basson – van Sambeek, Swedish ChbO, Ogrintchouk (BIS 2020)
→ Un des disques les plus écoutés en 2020, pour ma part !  Le thème lyrique et mélismatique du premier mouvement est une splendeur rare. Et ces musiciens sont géniaux (meilleur bassoniste du monde, meilleur orchestre de chambre du monde, dirigés par le meilleur hautboïste du monde…).

Ginastera – Quatuors 1,2,3 – Cuarteto Latinoamericano (Brilliant)
→ Folklore et audace de l'harmonie, des figures… du Bartók à l'américaine (australe).

ANDREAE : String Quartets Nos. 1 and 2 / Divertimento (Locrian Ensemble) (Guild)

Weigl – Quatuors 7 & 8 – Johann Christian Ensemble (CPO)

d'Albert – Quatuors – Sarastro SQ (Christophorus)

Joni Mitchell – Blue (1975)
→ La parenté avec la pensée du lied schubertien me frappe à chaque fois…

PEJACEVIC, D.: Symphony in F-Sharp Minor, Op. 41 / Phantasie concertante (Banfield, Rheinland-Pfalz State Philharmonic, Rasilainen)
→ Symphonie expansive et persuasive, riche !  Pas du tout une musique galante.

Cherubini Messe solennelle n°2 en ré (1811) – Ziesak, Bauer ; Stuttgart Klassische Ph, Bernius (Carus)
Qui tollis a l'aspect de volutes du début du Songe d'Hérode chez Berlioz (source de sa parodie). Et puis marche harmonique très impressionnante.
→ Dans le Sanctus / Benedictus, Hosanna en contraste, façon Fauré, très réussi.
→ Spectre orchestral qui respire beaucoup, réussite de Bernius.

BACULEWSKI, K.: String Quartets Nos. 1-4 (Tana String Quartet) https://www.nml3.naxosmusiclibrary.com/catalogue/item.asp?cid=DUX1238

DOBRZYŃSKI, I.F.: String Quartet No. 1 / MONIUSZKO, S.: String Quartets Nos. 1 and 2 (Camerata Quartet) (DUX 2006)
→ Beau romantisme simple, où se distingue surtout le Premier de Moniuszko.



Réécoutes : versions

Offenbach – Barbe-Bleue (duos de l'assassinat au II, entrée et duel de BB au III)
versions Pelly (Beuron), Cariven (Sénéchal), (Legay), Campellone (Vidal), Harnoncourt
« Le ciel, c'est mon affaire » (Zampa)
« Non dans un vain tournoi, mais au combat mortel » (Robert Le Diable)
« Le ciel juge entre nous » (Les Huguenots)

Mahler – Symphonie n°3 – LPO, Tennstedt (Ica, concert de 1986)

Verdi – La Forza del Destino (adieux et duel de l'acte III) – Del Monaco, Bastianini, Santa Cecilia, Molinari-Pradelli (Decca)
→ Quel verbe, quelles voix, quel feu !
→ (bissé)

Bach – Sonates violon-clavecin – Glodeanu, Haas (Ambronay 2007)
→ Merveille de souplesse, d'éloquence, la pureté et la chair à la fois.

Mahler – Das Lied von der Erde – K. König, Baltsa, LPO, Tennstedt  (EMI)
→ Un peu plus terne, manque de cinétique, un peu décevant. Les couleurs mordorées de Baltsa sont un peu inhibées par son allemand qui paraît moins ardent que son italien ou son français.

Offenbach – Barbe-Bleue (acte III) – Collart, Sénéchal, Peyron… Cariven

Mahler – Symphonie n°2 – Soffel, LPO, Tennstedt  (EMI)
→ Très très bien, mais pas aussi singulier / tendu / abouti que le reste de l'intégrale. Quand même le plaisir de profiter des frémissements de Soffel dans un tempo d'Urlicht ultra-lent.
→ On entend tout de même remarquablement les détails, les doublures, l'ardeur individuelle aussi (quelles contrabasses !). Le chœur chante avec naturel aussi, voix assez droites qui sonnent à merveille ici.

Mahler – Symphonie n°1 – LPO, Tennstedt  (EMI)

Mahler – Symphonie n°4 – Popp, LPO, Tennstedt  (EMI)
→ Excellent aussi.

Mahler – Symphonie n°3 – Wenkel, LPO, Tennstedt  (EMI)
→ Tellement tendu de bout en bout, et très bien capté !

Verdi – Nabucco – Souliotis, Prevedi, Gobbi ; Opéra de Vienne, Gardelli (Decca)
→ Chœur superbement articulé. Splendide distribution. Pas l'accompagnement le plus ardent, mais un sens du pittoresque qui n'est pas dépourvu de délicatesse.

Verdi – Nabucco – Theodossiou, Chiuri, Ribeiro, Nucci, Zanellato ; Regio Parma, Mariotti (C Major)
→ La version moderne idéale de l'œuvre, fouettée et dansante à l'orchestre (vraiment conçue sèche comme un os, aucune raison d'empâter ces harmonies sommaires conçues pour le rebond), chantée avec un luxe et une personnalité très convaincants.

Verdi – Stiffelio – Regio Parma, Battistoni (C Major)
→ La version sans faute de ce bijou trop peu joué.  Comme Traviata, un drame de mœurs contemporain  (l'adultère de la femme d'un pasteur).

Rott  – Symphonie en mi – Radio de Francfort, P. Järvi (RCA)
→ La superposition des deux thèmes du I est vraiment génialissime… et que de traits qui tirent le meilleur de Bruckner et annoncent le meilleur de Mahler !

Korngold – Quatuor n°3 – Flesch SQ (ASV / Brilliant)
Korngold – Quatuor n°2 – Brodsky SQ ()
Korngold – Quatuor n°1 – Franz Schubert SQ (Nimbus)

Verdi:  Aida: Act II Scene 2: O re pei sacri numi (Il Re, Popolo) – Hillebrand, Nikolaus; Bavarian State Orchestra; Muti, Riccardo (Orfeo)

Wagner – Tristan, acte III – Ligendza, Baldani, Wenkoff, Nimsgern, Moll ; Kleiber Scala 1978 (MYTO)






Autres nouvelles parutions à écouter

Suite de la notule.

mardi 22 décembre 2020

Le défi 2020 des nouveautés – épisode 16, l'ultime livraison : ferne Geliebte, Lysistrata, la relève du chant, CoViD fan tutte, symphonistes japonais, Kevlar


Je suppose peu de nouveautés le jour même de Noël, et elles sont donc pour cette dernière bordée, vendredi dernier, quasiment à l'arrêt hors quelques millièmes réenregistrements beethoveniens.

Du fait de l'enfermement et du délai un peu plus long de publication, la liste est devenue un peu épaisse. J'essaie de la subdiviser mais espère qu'elle demeurera lisible (suivez le rouge pour les nouveautés, les 2 ou 3 cœurs pour les albums exceptionnels).

winterreise_nawak.jpg

Du vert au violet, mes recommandations… en ce moment remplacées par des .
♦ Vert : réussi !
♦ Bleu : jalon considérable.
♦ Violet : écoute capitale.
♦ Gris : pas convaincu. ♠
(Les disques sans indication particulière sont à mon sens de très bons disques, simplement pas nécessairement prioritaires au sein de la profusion de l'offre.)

En rouge, les nouveautés 2020 (et plus spécifiquement de l'automne).
Je laisse en noir les autres disques découverts.
En gris, les réécoutes de disques.




1. OPÉRA

nouveautés CD

OPÉRA ITALIEN


♥♥ Monteverdi – Orfeo – Boden, Pass à Amsterdam (YT)

♥♥ Monteverdi – Orfeo – Auvity, Wilder, Arts Flo, Agnew (YT)

♥♥♥ Rossi – Orfeo, acte I – Pichon
→ Tellement étonnant qu'en salle, Bridelli marque plus qu'Aspromonte !

Vivaldi – Farnace « Gelido in ogni vena » – Maggio Musicale, Sardelli (Dynamic)

♥♥ Graun – Cleopatra e Cesare (acte I) – Jacobs

Salieri – Armida (air) – Rousset (Aparté 2021)
→ En avant-première en flux… Juste deux pistes, l'Ouverture et un air. Jolie écriture dramatique. Évidemment loin du ravissement de ses opéras français… ou même de ses délicieux bouffes – mais pour du seria, on sent tout de même l'empreinte de Gluck et du goût français, ce qui est un avantage pour garantir un peu de ma patience. Exécution pleine d'ardeur des Talens Lyriques, tout de même bien hâte de découvrir cela (à défaut d'avoir entendu le concert de mai).

Mozart – Il Sogno di Scipione – Boncompagni, Fenice, Sardelli (Operavision 2020)
→ Mozart seria de jeunesse : statique et ennuyeux. Sardelli apporte un peu de tranchant à l'orchestre de la Fenice, qui reste toujours assez terne et à la peine, depuis tant d'années… (je ne l'ai jamais entendu vraiment bon, je crois)

Mozart – Le Nozze di Figaro – McLaughlin, Mattila, Gallo, Pertusi ; Mehta (Sony)
→ Tradi un peu lisse, mais duo comtal chouette.

Mozart – DG – Fuchs, Leonard, Sly, Nahuel Di Pierro ; Rhorer (YT)

♥♥ Mozart – Così – Behle, Priante, Lhote, Lyon, Montanari (YT)

Verdi – La Traviata, « Fragment » (acte III jusqu'à Addio del passato) – MusicAeterna, Currentzis
→ Tout à fait lunaire : récitatifs totalement étirés comme s'ils étaient des airs en largo, voix artificiellement réverbérées et gonflées, un délire très révélateur de sa conception purement musicale (et narcissique…) de l'opéra.
→ Ce n'est pas moche du tout, mais ça ne ressemble plus à grand'chose, en tout cas pas à un opéra de Verdi (mais j'aime assez).
→ Je ne comprends pas le quart d'heure (du moins bon passage de l'opéra, en plus). Vendu en dématérialisé ?  Teasing pour une intégrale qui prend son temps ?  Chute d'une intégrale avortée mais monétisable ? « Single long » ? Marché numérique ?

♥♥♥ Verdi – Simone Boccanegra – Homoki ; Rowley, Jorijikia, Nicholas Brownlee, Gerhaher, Fischesser ; Zürich, Luisi (Arte 2020)
→ Direction d'acteurs formidable, et l'usage de ce simple décor tournant qui nous mène de coursive en antichambre… Homoki à un sommet de maturité.
→ Orchestre mordant, N. Brownlee fabuleux. Rowley assez pharyngée mais expressive comme une actrice au temps du Code Hays.
→ Très content d'entendre chanter Verdi comme Gerhaher.

Verdi – Aida, début inédit de l'acte III – Scala, Chailly (euroradio)
→ 100 mesures coupées avant la création. Moment suspendu de prières douces aux registres étagés, très réussi, à comparer à l'ambiance du temple avant « Nume custode e vindice ». Méritait d'être entendu, et mériterait d'être systématiquement joué.
→ (en revanche, vocalement, quoique tout à fait honnête, ça laisse vraiment entendre la crise du chant verdien – alors que dans les autres répertoires, l'opéra se porte vraiment bien…)

♥♥ Verdi – Otello – Torsten Ralf & Stella Roman - Dio ti giocondi (Met, 1946)



OPÉRA FRANÇAIS

♥♥♥ Lully – Isis – Rousset

♥♥♥ Lully – Armide (acte I) – Herreweghe II (HM)

♥♥♥ Lully – Armide (actes I, III, IV & V) – Rousset (Aparté)


♥♥ Mozart – La Flûte enchantée en français – M. Vidal, Scoffoni, Lécroart, Lavoie ; Le Concert Spirituel, Niquet (France 5)
→ Très vivante version raccourcie et en français, dans une distribution française de très grand luxe.

Rossini – Le Barbier de Séville (en français) – Berton, Giraudeau, Dens, Lovano, Depraz, Betti, Pruvost ; Opéra-Comique, Gressier (EMI 1955)

♥♥ Boïeldieu – La Dame Blanche – Jestaedt, Buendia, Ratianarinaivo, Hyon, (Yannis) François, Les Siècles, Nicolas Simon (France 3)
→ Les qualités de charisme vocal de Buendia et Ratia souffrent de la retransmission (un peu proche des voix, on entend les aspérités, les micro-défauts), mais quand on les connaît, on mesure le bonheur incommensurable qu'aurait été cette série de représentations itinérantes… Voix franches (superbe découverte de Yannis François également, baryton-basse clair et avec de vrais graves riches !), chaleur des instruments d'époque… La mise en scène n'est pas passionnante, mais le bonbon est très apprécié !

♥♥ Offenbach – M. Choufleuri – Mesplé, Rosenthal (EMI)
→ Avec des citations de Nonnes qui reposez, de bouts de Verdi, thème du premier numéro du Freischütz…

♥♥ Offenbach – Ba-ta-clan – avec Corazza
→ Très bonne musique, même si d'une certaine façon sans texte !

♥♥♥ Bizet – Carmen – Angelici, Michel, Jobin, Dens ; Opéra-Comique, Cluytens (réédition The Art Of Singing 2014)
♥♥♥ Bizet – Carmen – Horne, McCracken Bernstein (DGG)



OPÉRA ALLEMAND

Mozart – Zauberflöte – Della Casa, Simoneau, Berry ; Opéra de Vienne, Szell
→ Orchestre très imprécis et hésitant, peu frémissant. Della Casa un peu surdimensionnée dans le legato. Berry alors très clair. 

♥♥♥ Wagner – Lohengrin – Bieito ; Miknevičiute, Gubanova, Alagna, Gantner, Pape, Berliner Staatsoper, Pintscher (Arte Concert)
→ Splendide orchestre et chœurs (et surpris par le lyrisme et la tension de Pintscher dont j'avais un très mauvais souvenir dans le « grand répertoire »), splendide distribution.
→ J'attendais évidemment Martin Gantner, l'une des voix les mieux projetées du marché (ça paraît nasal et étroit en captation, mais en salle, c'est une proximité et d'une expressivité miraculeuses). Telramund pas du tout noir, très clair et concentré, très convaincant dans un genre absolument pas canonique.
→ Roberto Alagna chante un allemand de grande qualité ; toutes les voyelles sont un peu trop ouvertes, mais ceci va de pair avec la clarté caractéristique de son timbre et la générosité jamais en défaut de son médium. Un régal de bout en bout, élocution limpide et splendeur vocale. Le second tableau de l'acte iII le voit se fatiguer, et les aigus deviennent vraiment blancs et métalliques, le médium un peu plus aigre. Tout le reste se montre à la fois original et très marquant.
→ La mise en scène de Bieito m'a paru laide, sans propos clair ni animation scénique, sans cohérence psychologique ni lien avec le sujet. Sans parler de son tic de faire trembler ses personnages pendant vingt minutes , récupéré de la pire idée de son Boccanegra… Dire que ce fut un si grand metteur en scène… Trop d'engagements. Trop d'empâtement.

Wagner – Götterdämmerung, Janowski I : prologue.
→ assez scolairement égrené, mais super prise de son. chanteurs valeureux mais déjà un côté « déclin ».

Schoeck – Vom Fischer un syner Fru, Op. 43 – Harnisch, Dürmüller, Shanaham , Winterthur, Venzago (Claves 2018)
Harnisch en-dessous de ses standards, Dürmüller un peu dépassé, Venzago un peu froid, version décevante d'une œuvre qui a déjà bien moins de saillances que le Schoeck habituel (son principal intérêt étant d'être composée directement sur le vieux dialecte allemand).La version Kempe-Nimsgern est à privilégier.

♥♥ Schoeck – Massimilia Doni – Edith Mathis, G. Albrecht
→ Décadentisme consonant dans le goût de Venus et Das Schloß Dürande, en plus lyrique et plus basiquement dramatique, comme mâtiné de Verdi.

Dusapin – Faustus – Nigl (extrait)



OPÉRAS D'AUTRES LANGUES

♥♥ Mozart & Minna Lindgren – Covid fan tutte – Mattila, Hakkala, Opéra de Helsinki, Salonen (Operavision 2020)
→ Così (plus Prélude de Walküre et air du Catalogue) en très condensé (1h30), sur un texte finnois inspiré de nos mésaventures pandémiques. Point de départ dramaturgique : Salonen vient diriger la Walkyrie et la situation sanitaire impose le changement de programme.
→ Tout y passe : les opinions rassurantes ou cataclysmiques, les avis contradictoires, les (inter)minables visios, la détresse de la mauvaise cuisinière, la doctrine des masques, les artistes désœuvrés… Parfois avec beaucoup d'esprit (« Bella vita militar » pour la mission papier hygiénique), par moment de façon confuse ou un peu plate (la vie des sopranos).
→ Les récitatifs sont changés en dialogues menés par « l'interface utilisateur », sorte de directrice de la communication hors sol.
→ Hakkala (Alfonso) fantastique, Mattila remarquablement sa propre caricature, avec toujours un sacré brin de voix (les poitrinés rauques en sus).
→ Globalement, un jalon de notre histoire s'est écrit – on aurait pu creuser davantage quelque chose de cohérent, avec les mêmes éléments, ménager une arche qui soit un peu moins une suite de moments dépareillés… Pour autant, le résultat est la plupart du temps très amusant, et marquera le souvenir artistique de la Grande Pandémie des années 2020 pour les archéologues du futur – du moins si notre éphémère technologie numérique n'a pas tout laissé disparaître…

Moniuszko – Halka – Paweł Passini ; Mych-Nowika, Piotr Fiebe, Golinski ; Poznan, Gabriel Chmura  (Operavision 2020)
→ Pas fabuleux vocalement (aigus blancs de la soprano et du ténor, bon baryton). Superbes scènes de ténor, mais œuvre vraiment ennuyeuse dramatiquement : Halka reste debout trahie, son comparse le lui explique longuement, et c'est l'essentiel, malgré le terrible condensé de tragédie contenu dans la pièce.
→ Musicalement peu fulgurant aussi, quoique moins gentillet que le Manoir hanté.

♥♥ Hatze – Adel i Mara – Zagreb 2009 (YT)

Britten – A Midsummer Night's Dream – M.-A. Henry, Montpellier (Operavision 2020)
→ Belle version d'une œuvre aux belles intuitions mais qui patine un peu, à mon sens, dans le formalisme de ses duos et ensembles intérieurs (livret très bavard, également).




2. MUSIQUE DE SCÈNE / BALLETS

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Marais – Suites à joüer d'Alcione – Savall (Alia Vox)
→ Bien mieux que le concert. (Mais ces suites ont-elle un grand intérêt isolées?)

♥♥♥ Rameau – Hippolyte (Prélude du III) dans « Tragédiennes » #1 – Talens, Rousset

Piron
– Vasta – Almazis (Maguelone 2020)
→ Pas très séduit, ni par le texte (vraiment plat, comparé aux pièces grivoises de Grandval qui m'amusent assez), ni par les musiques (pas passionnantes, et textes assez pesants aussi).
→ Musicalement, pas séduit non plus par les timbres instrumentaux. Dommage, c'était très intriguant.
→ Il existe une lecture très vivante de la Comtesse d'Olonne de Grandval en complément d'un disque de ses cantates, je recommande plutôt cela pour se frotter à ce type de théâtre leste.

Cannabich – Electra – Hofkapelle Stuttgart, Bernius (Hänssler 2020)
→ Mélodrame dans le style classique, très réussi et ici très bien joué et dit (par Sigrun Bornträger).

Wagner – Die Meistersinger, ouverture – Vienne, Solti

Tchaikovsky –  The Tempest, Op. 18 – Orchestra of St. Luke's; Heras-Casado (HM 2016)

♥♥ Humperdinck – « Music for the Stage » : Das Wunder, Kevlar, Lysistrata…  – Opéra de Malmö, Dario Salvi (Naxos)
→ Très belle sélection de scènes d'opéras et autres œuvres dramatiques, variées, pleines de la naïveté et de l'emphase pleine de simplicité propres à Humperdinck. Extrêmement persuasif, délicieux, très bien joué. Hâte de découvrir ces œuvres intégrales désormais, une très belle ouverture vers cet univers encore chichement documenté !  (Et la générosité accessible de cette musique plairait à un vaste public, a fortiori en Allemagne dont l'imaginaire populaire est une référence récurrente…)




3. RÉCITALS VOCAUX

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Haendel, Vivaldi… – « Queen of Baroque » – Cecilia Bartoli (Decca 2020)
→ Pot-pourri de différents disques. Très bons, mais autant profiter des programmes cohérents. Si jamais vous voulez comparer les orchestres et les répertoires, pourquoi pas.

Salieri, Strictly private, Heidelberg SO (Hänssler)
→ Lecture nerveuse d'airs et duos très spirituels, qui évoquent les Da Ponte mozartiens, un délice.

Rossini – « Amici e Rivali » – Brownlee, Spyres, I Virtuosi Italiani, Corrado Rovaris (Erato 2020)
→ Impressionnant Spyres en baryton et bien sûr en ténor (même si le coach d'italien devait être covidé, à en juger par certains titres). Brownlee a perdu de son insolence, mais pas de sa clarté et de son moelleux.
Superbe attelage, pour un répertoire purement glottique qui n'a pas forcément ma prédilection d'ordinaire, accompagné par un orchestre très fin (instruments d'époque ?) et discret, petit effectif, cordes sans vibrato.

Gounod, Bizet, Tchaïkovski, Puccini – « Hymnes of Love » – Dmytro Popov
→ Pas fini, ça a l'air bien. Mais la rondeur de la voix est davantage conçue pour le répertoire slave que pour l'éclat des spinti.

Massenet par ses créateurs (Malibran 2020)
→ Scindia par Jean Lasalle
→ Salomé par Emma Calvé
(ouille)





4. MUSIQUE SACRÉE

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Un disque mystérieux (Aparté 2021)…
… de cantates luthériennes du Schleswig, totalement inédites – pour lesquelles je viens d'écrire une notice le nez plongé dans des interpolations vétérotestamentaires tirées de la Bible de Luther, et qui devraient paraître en fin d'année prochaine. (Avec des textes d'époque très denses, des chanteurs très éloquents et un continuo imaginatif, pour ne rien gâcher.)

Pfleger – Cantates sacrées en latin & allemand – Bremen Weser-Renaissance, Cordes) (CPO)
→ Splendide !  Entre Monteverdi et Bach, un côté très Steffani… Airs quasiment tous à deux voix !

♥♥♥ Steffani – Duetti di camera – Mazzucato, Watkinson, Esswood, Elwes, Curtis… (Archiv)

Legrenzi  – Compiete con le letanie e antifone della Beata Vergine – Nova Ars Cantandi, Giovanni Acciai (Naxos 2020)
→ Un des plus grands compositeurs du XVIIe siècle, Legrenzi excelle dans toutes formes d'audace, un contrepoint riche et libre, une harmonie mouvante, une agilité qui préfigure le seria du XVIIIe siècle…
→ Première gravure discographique de ces Complies Op. 7, la dernière prière du jour. Superbes voix franches et articulées… sauf le soprano masculin, très engorgé, vacillant, inintelligible, qui tranche totalement avec le reste et distrait assez désagréablement. Étant la partie la plus exposée, le plaisir est hélas un peu gâché.

Bach – Cantates format chambre – Nigl

Haendel – Dixit Dominus – Scholars Baroque (Naxos)
→ Première fois cette version en entier. Génial 1PP.

Haendel – Dixit Dominus
Réécoutes et nouvelles écoutes : Gardiner-Erato, Scholars Baroque, haïm, Toll, Fasolis, Creed Alte Musik, Öhrwall Drottningholm, Zoroastre Rochefort, Meunier, Parrott, Minkowski, Chistophers-Chandos, Christophers-Coro, Rademann, Dijkstra, Gardiner-Decca, Bates, Preston.

du baroque à Satie – « War & Peace, 1618-1918 » – Lautten Compagney (DHM 2018)
→ Amusant mélange (avec la Gnossienne n°3 revisitée par cet ensemble baroque), plaisant et bien interprété (avec une soprano au fort accent britannique).

Pergolesi – Stabat Mater – Galli, Richardot ; Silete venti, Toni (La Bottega Discantica, 2016)

Borodine – Requiem (arr. Stokowski) – BBC Symphony Chorus, Philharmonia Orchestra, Geoffrey Simon (Signum 2020, réédition)
→ Cinq minutes de paraphrase sur le thème grégorien, avec des harmonies typiques de l'avant-garde russe du second XIXe. Les doublures pizz-bois alla Godounov sont incroyables !
+ Suite Prince Igor, Petite Suite…




5. CONCERTOS

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Rejcha – Symphonies concertantes flûte-violon, puis 2 violoncelles  – Kossenko, Stranossian, Coin, Melknonyan ; Gli Angeli Genève, MacLeod (Claves 2020)
→ Flûte-violon : aimable. Entre le son un peu aigrelet des solos sur instruments d'époque (pas faute d'aimer ces quatre artistes pourtant) et la progression harmonique très traditionnelle, les mélodies vraiment banales, je n'y trouve pas le grand Rejcha que j'aime. Joli mouvement lent tout de, qui débute par violon et flûte seuls.
→ La symphonie à deux violoncelles est bien plus intéressante, en particulier le premier mouvement inhabituellement varié (dont le premier fragment thématique est similaire à celui de Credeasi misera) et le final assez foisonnant. Mais pour cette œuvre, le disque Goebel-WDR (aux couplages passionnants) de cette même année 2020 m'avait davantage convaincu.

B. Romberg – Cello Concertos Nos. 1 and 5 (Melkonyan, Kölner Akademie, Willens) (CPO 2016)
→ Décevant, du gentil concerto décoratif et virtuose, rien à voir avec ses duos de violoncelle, très musicaux et variés !

Lalo, Ravel  – Symphonie espagnole ; La Valse, Tzigane & Bolero – Deborah Nemtanu, Pierre Cussac, La Symphonie de Poche, Nicolas Simon (Pavane 2017)
→ Sympathique, mais la partie concertante et le mixage permettent moins d'apprécier l'exercice que dans le disque Beethoven.

Elgar – Concerto pour violoncelle – Johannes Moser, Suisse Romande, Manze (PentaTone 2020)
→ Très sérieux et dense, nullement sirupeux, avec un orchestre à la belle finesse de touche, qui fait entendre le contrechant avec netteté.
→ Parution du seul concerto, uniquement en numérique (avant un futur couplage en disque physique ?).

♥♥♥ Schmidt, Stephan – Symphonie n°4, Musique pour violon & orchestre – Berlin PO, K. Petrenko (Berliner Philharmoniker 2020)
→ Interprétations très fluides et cursives, dans la veine transparente du nouveau Berlin issu de Rattle, vision assez lumineuse de ces œuvres à la taciturnité tourmentée.

Hisatada Otaka : Concerto pour flûte (version orchestre) – Cheryl Lim, Asian Cultural SO, Adrian Chiang (YT 2018)
→ Décevante orchestration : les harmonies sont noyées dans des jeux de cordes très traditionnels (et un peu mous), on perd beaucoup de la saveur de la verison Op.30b avec accompagnement de piano, à mon sens.

♥♥ Mossolov, Concerto pour harpe, Symphonie n°5 – Moscou SO (Naxos)
→ Très festif, très décoratif, très « Noël », cet étonnant concerto pour harpe que je n'aurais jamais imaginé une seconde attribuer à Mossolov !
→ Dans la Symphonie, on entend surtout des chants populaires traités en grands accords. Joli, mais pas très fulgurant par rapport à sa période futuriste.

♠ Lubor Barta – Concerto pour violon n°2 1969 – Ivan Straus, Otakar Trhlik (1969)




6. SYMPHONIES & POÈMES ORCHESTRAUX

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SYMPHONISTES GERMANIQUES

♥♥ Beethoven / Robin Melchior  – « Beethoven, si tu nous entends » – La Symphonie de Poche, Nicolas Simon (Klarthe 2020)
→ Jubilatoire blind-test pot-pourri dont les développements sont (très bien !) récrits. Le tout étant joué pour quatuor, contrebasse, flûte, clarinette, clarinette basse, saxhhorn baryton, accordéon, harpe et percussions… !
→ Il m'a fallu quelques secondes pour retrouver le fantastique mouvement lent du Concerto n°5 ainsi transfiguré… dont la cadence de harpe débouche sur les pointés du mouvement lent de la Quatrième Symphonie !  Mazette.
→ Ou encore la fin sur une boucle minimaliste autour du thème de l'Ode à la Joie.
→ Par des musiciens de très très haute volée, la densité sonore et l'engagement individuel comme collectifs sont exceptionnels.
→ La fièvre de la nouveauté s'empare de nous en réécoutant Beethoven pour la millième fois.

Haydn – les Symphonies Parisiennes – Orchestre de Chambre de Paris, Boyd (NoMadMusic 2020)
→ Petite frustration en première écoute : attentivement, j'y retrouve tout l'esprit (quel sens de la structure !) de cette association formidable, mille fois admirée en concert… Mais à l'écoute globale, j'entends plutôt l'épaisseur des timbres d'instruments modernes, comme une petite inertie – alors qu'ils jouent sans vibrato, et pas du tout selon le style tradi !
→ Quelque chose s'est perdu via le micro, la prise de son, l'ambiance du studio… Pincement au cœur, je les adore en concert, mais à côté des nombreuses autres propositions discographiques « musicologiques », ce n'est pas un premier choix.

A. Romberg – Symphony No. 4, "Alla turca" – Collegium Musicum Basel, K. Griffiths (CPO 2018)

♥♥♥ B. Romberg – Symphonies Nos. 2 and 3 / Trauer-Symphonie (Kolner Akademie, Willens) (Ars Produktion 2007)
→ Symphonies contemporaines de Beethoven (1811, 1813, 1830), qui en partagent les qualités motoriques et quelques principes d'orchestration (ballet des violoncelles, traitement thématique et en bloc de la petite harmonie, sonneries de cor qui excèdent Gluck et renvoient plutôt à la 7e…).
→ Je n'avais encore jamais entendu de symphonies de l'époque de Beethoven qui puissent lui être comparées, dans le style (et bien sûr dans l'aboutissement). En voici – en particulier la Troisième, suffocante de beethovenisme du meilleur aloi !

Brahms
– Symphonies – Pittsburgh SO, Janowski (PentaTone 2020)
→ Très tradi, sans doute impressionnant en vrai connaissant l'orchestre et le chef, mais pas très prenant au disque par rapport à la pléthore et à l'animation enthousiasmante des grandes versions. Assez massif, peu contrasté et coloré, pas très convaincu (vu l'offre) même si tout reste cohérent structurellement et inattaquable techniquement.
→ Tout de même très impressionné par la virtuosité de l'orchestre : rarement entendu des traits de violon aussi fluides, les cuivres sont glorieux, la flûte singulièrement déchirante…

Brahms – Symphonie n°3, lieder de Schubert orchestrés, Rhapsodies hongroises, Rhapsodie pour alto – Larsson, Johnson, SwChbO, Dausgaard (BIS)

Mahler – Totenfeier – ONDIF, Sinaisky (ONDIF live)
→ Cet entrain, ces cordes graves !

Nielsen – Symphonie n°1 – LSO, Ole Schmidt (alto)
→ Très énergique, mais trait gras.

Nielsen – Symphonie n°1 – LSO, C. Davis (LSO Live)

♥♥ Nielsen – Symphonie n°1 – BBC Scottish SO, Vänskä (BIS)

♥♥♥ Nielsen – Symphonie n°1 – Ireland NSO, Leaper  (Naxos)

♥♥♥ Nielsen – Symphonies n°1,2,3,4,5,6 – Stockholm RPO, Oramo (BIS)
→ Lyrisme, énergie mordante, couleurs, aération de la prise… une merveille, qui magnifie tout particulièrement la difficile Sixième Symphonie !

Mahler – Symphonie n°5 – Boulez Vienne (DGG)
→ Un peu terne et mou, du moins capté ainsi.

Schmidt – Symphonies – Frankfurt RSO, Paavo Järvi (DGG)
→ Au sein de ce corpus extraordinaire, voire majeur, le plaisir d'entendre une version qui s'impose d'emblée comme colorée, frémissante, captée avec profondeur et détails, par un orchestre de première classe, et surtout articulée avec ce sens incroyable des transitions qui caractérise l'art de Järvi. Chacune des symphonies en sort grandie. Indispensable.

Graener – Variations orchestrales sur « Prinz Eugen » – Philharmonique de la Radio de Hanovre, W.A. Albert (CPO 2013) → On ne fait pas plus roboratif… mon bonbon privilégié depuis deux ans que je l'ai découvert par hasard, en remontant le fil depuis le dernier volume de la grande série CPO autour du compositeur (concertos par ailleurs tout à fait personnels et réussis).




SYMPHONISTES SLAVES

Tchaïkovski – Symphonie n°5, Francesca da Rimini – Tonhalle Zürich, Paavo Järvi (Alpha 2020)
→ Ébloui en salle par le génial sens des transitions organiques de Järvi, où chaque thème semblait se verser dans l'autre (avec l'Orchestre de Paris), je le trouve ici plus corseté, plus raide. Je ne sais quelle est la part de la différence de culture des orchestres (Zürich a toujours eu un maintien assez ferme) et d'écoute un peu distraite au disque au lieu de l'attention indivisée en salle sur tous les détails splendides. Peut-être la prise de son un peu lointaine et mate, aussi ?  Mais ce fonctionnait très bien avec les Mahler de Bloch…
→ Très belle lecture pas du tout expansive, très sobre et détaillée, en tout état de cause.
→ Francesca da Rimini confirme cette impression d'interprétation très carrée – on y entend encore l'orchestre de Bringuier !

Borodine – Symphonie n°1 – URSS SO, Svetlanov
→ Là aussi, des thèmes populaires, quoique plus tourmentés. Pas très développé mais grand caractère.
→ bissé

Borodine – Symphonie n°2 – Royal PO, Ashkenazy (Decca 1994)

Balakirev, Kalinnikov – Symphonies n°1 – Moscou PO, Kondrachine (Melodiya)
→ Foisonnement de thèmes folkloriques !  Interprétation pas si typée…

Kalinnikov – Cedar and Palm - Bylina - Intermezzos - Serenade & Nymphs –
The Ussr Symphony Orchestra, Evgeniy Svetlanov, (Svetlanov 1988)

Novák – Suite de la Bohême méridionale + Toman & la Nymphe des Bois – Moravian PO Olomouc, Marek Štilec (Naxos 2020)
→ Généreux slavisme qui a entendu Wagner. Le grand poème Toman de 25 minutes est une très belle réussite, qui culmine dans des élans richardstraussiens irrésistibles.
→ Bissé.

Vladigerov – Symphonies 1 & 2 – Radio de Bulgarie, Vladigerov (Capriccio)
→ Le partenariat Capriccio avec les Bulgares se poursuit !  J'avais beaucoup aimé ses concertos pour piano…



SYMPHONISTES BRITANNIQUES & IRLANDAIS

Bax – Symphonie n°2 – LPO, Myer Fredman (Lyrita)

Scott – Symphonie n°3 « The Muses » – BBCPO, Brabbins (Chandos)
→ Debussyste en diable (le chœur de Sirènes…), de bout en bout, et très beau.
+ Neptune
→ Très debussyste aussi, remarquablement riche (un côté Daphnis moins contemplatif et plus tendu). Splendide.

Scott – Symphonie n°4 – BBCPO, Brabbins (Chandos)

Kinsella – Symphonies Nos. 3 and 4 – Ireland NSO, Duinn (Marco Polo 1997)
→ étagements brucknériens à certains endroits.

♥♥ Kinsella :
Symphony No. 5, "The 1916 Poets":  – Bill Golding, Gerard O'Connor, ; Ireland RTÉ National Symphony Orchestra; Colman Pearce
Symphony No. 10 – Irish ChbO, Gábor Takács-Nagy (Toccata Classics)
→ n°5 : avec basse et partie déclamée. Très vivant.
→ n°10 : Néoclassicisme avec pizz et percussions prédominantes, très dansant. Vrai caractère, très beaux mouvements mélodiques ni sirupeux ni cabossés.



SYMPHONISTES JAPONAIS

Hisatada Otaka – Sinfonietta pour cordes 1937 – Sendai PO, Yuzo Toyama
→ Assez lisse.

Hisatada Otaka – Suite japonaise (1936, orch. 1938) –  Shigenobu Yamaoka
→ Orchestration de la suite piano.

Hisatada Otaka – Midare pour orchestre – NHK, Niklaus Aeschbacher (1956)
→ Un peu néo, du xylophone, du romantique un peu univoque, avec un côté mauvaise imitation occidentale du japin, à la fin de la pièce. Mitigé.

Akira Ifukube - Symphonie concertante avec piano (1941)  –Izumi Tateno, Japon PO, Naoto Otomo
→ Du planant sirupeux fade, pas trop mon univers.

Akira Ifukube – Ballata Sinfonica (1943)  – Tokyo SO, Kazuo Yamada (1962)
→ Entre Turandot et l'Oiseau de feu, en plus simple (tire sur Orff).
→ (bissé par curiosité trois jours plus tard)

♥ Yasushi Akutagawa – Prima Sinfonia 1955 – Tokyo SO, Akutagawa
→ Étonnant, et très riche, pas du tout sirupeux (pas mal de Mahler et de Proko, mais dans un assortiment personnel). J'aime beaucoup.
→ Pas du tout dans le genre du symphonisme japonais post-debussyste ou, horresco referens, post-chopinien.




7. MUSIQUE DE CHAMBRE

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SONATES
♥♥♥ J. & H. Eccles, Matteis, Daniel Purcell – « The Mad Lover » – Langlois de Swarte, Dunford (HM 2020)
→ Les Matteis et (Henry) Eccles sont fulgurants !  Quelle musique rare, sophistiquée et jubilatoire ! Dunford improvise avec une richesse inouïe et la musicalité de Swarte emporte tout.

Rossini, Castelnuovo-Tedesco… – « Rossiniana » (pour violoncelle & piano) – Elena Antongirolami (Dynamic 2020)
→ Toutes sortes de variations & paraphrases, très sympa.

Mendelssohn – Les 3 Sonates violon-piano – Shlomo Mintz, Roberto Prosseda (Decca 2020)
→ Violon très baveux, dont le timbre s'altère au fil des phrasés, je n'aime pas du tout. Et conception générale assez figée… voyage dans le passé (et pas forcément chez les meilleurs). Pas du tout aimé.

♥♥♥ Gédalge, Marsick, Enescu – Sonate violon-piano n°1 / Poème d'été / Sonates 1 & 2 – Julien Szulman, Pierre-Yves Hodique
→ Œuvres très rares, incluant celles des professeurs d'Enescu, lui dédiant leurs nouvelles œuvres alors qu'il n'a que seize ans ! 
→ Martin-Pierre Marsick, son professeur de violon, écrit clairement de la « musique d'instrument ».
→ En revanche André Gedalge, assistant (et véritable professeur officieux) de la classe de composition de Massenet puis Fauré, nous livre un vrai bijou, écrit dans une veine mélodique un peu convenue, mais où tout effet est pesé – et pèse –, avec un sens de la structure remarquable (quels développements !). La superposition en décalé des thèmes, dans le faux scherzo, est un coup de maître assurément.
→ Pas très séduit par la Sonate n°2 d'Enescu : trop de complexités, une expression contournée qui déborde de partout dans l'harmonie ultra-enharmonique, le rythme (premier mouvement en 9/4, à quoi bon), sa fin nue anticlimactique. Plus de complexité pour moins d'effet…
→ Car la n°1, au contraire (à 16 ans !) manifeste une générosité mélodique et un lyrisme très emportés, certes pas du tout subversifs, mais focalisés dans une forme maîtrisée qui en accentue le caractère profusif, jusqu'aux bouts de contrepoint du final !
→ Interprètes de premier choix (Julien Szulman, qui finit une thèse sur Enescu au CNSM, vient d'être nommé violon solo au Philharmonique de Radio-France), avec un violon au son assez international, dense, d'une virtuosité immaculée et chaleureuse, sise sur la musicalité attentive, exacte et subtile de Pierre-Yves Hodique.

Dupuis  – Sonate violon-piano – Prouvost, Reyes (En Phases)

♥ Hisatada Otaka – Concerto pour flûte version avec piano – Miki Yanagida, Takenori Kawai (YT 2016)
→ Captation sèche qui ne fait pas épanouir toute la poésie de la pièce. Mais plus convaincant qu'à l'orchestre, clairement, avec ses très belles couleurs debussystes.



DUOS

♥♥ Rameau – Suites à deux clavecins tirées des Indes, Zoroastre… – Hantaï, Sempé (Mirare)

♥♥ A. Romberg & B. Romberg – Duos for violin and cello – Barnabás Kelemen, Kousay Kadduri (Hungaroton 2002)
→ Interprétation très tradi, pas très exaltante, de ces duos remarquablement écrits, quoique moins fascinants que ceux pour violoncelle.
→ Les variations finales du troisième duo Op.1 sont écrites sur le premier air d'Osmin de l'Enlèvement au Sérail !
→ Quant au premier duo d'Andreas Romberg, il se fonde sur « Se vuol ballare » des Noces de Figaro ; le second, sur « Bei Männerm », le duo Pamina-Papageno…

A. Romberg & B. Romberg – Duo for Violin and Cello in E Minor, Op. 3, No. 3 – Duo Tartini (Muso 2019)

Wagner – Götterdämmerung final par Tal & Groethuysen sur deux pianos (Sony)
→ Chouette initiative, mais manque un peu de fièvre.

Fauré, Widor, Dupré, D. Roth, Falcinelli, Mathieu Guillou, J.-B. Robin – « L'Orgue chambriste, du salon à la salle de concert » –Thibaut Reznicek, Quentin Guérillot (Initiale 2020)
→ Beau programme (en particulier Roth, intéressé aussi par l'inattendue Sonate de Dupré), beau projet, où je découvre un violoncelliste au grain extraordinaire, Thibaut Reznicek, sacré charisme sonore !

Hisatada Otaka – Midare capriccio pour deux pianos – Shoko Kawasaki, Jakub Cizmarović (YT 2015)



TRIOS

Beethoven – Trios Op.1 n°3 et Op.11, arrangement anonyme pour hautbois, basson et piano – Trio Cremeloque (Naxos, octobre 2019)
→ On perd clairement en conduite des lignes et en nuances, avec les bois. Mais très agréable de changer d'atmosphère.

♥♥ B. Romberg:  3 Trios, Op. 38:  – Dzwiza, Gerhard; Fukai, Hirofumi; Stoppel, Klaus (Christophorus 2007)
→ Étonnant effet symphonique de ces trois cordes graves !

Tchaïkovski-Goedicke – Les Saisons – Varupenne, Trio Zadig (Fuga Libera 2020)
→ La redistribution de la matière pour piano seul à trois instruments (dont le piano…) n'est pas la chose la plus exaltante du monde (mélodies au violon, piano simplifié…), mais c'est une occasion d'entendre un des meilleurs trios de l'histoire de l'enregistrement dans un répertoire qu'ils servent merveilleusement – hâte qu'ils gravent le Trio de Tchaïkovski, qu'ils jouent mieux que personne.
→ Et en effet, (Ian) Barber particulièrement en forme, Borgolotto toujours d'une présence sonore impérieuse, Girard-García un peu sous-servi par l'encloisonnement dans un disque, mais on sent toute son élégance néanmoins. D'immenses musiciens à l'œuvre, on l'entend.

Saint-Saëns – Violin Sonata No. 1, Cello Sonata No. 1 & Piano Trio No. 2 – Capuçon, Moreau, Chamayou (Erato 2020)
→ Surtout impressionné par le grain et la présence de Moreau, saisissants. Le son très rond / vibré de Capuçon convient un peu moins bien à Saint-Saëns (surtout la Sonate) qu'aux Brahms et Fauré où il a fait merveille avec sa bande !

♥♥ Magnard – Piano Trio in F Minor / Violin Sonata in G Major – Laurenceau, Hornung, Triendl (CPO) 
→ Merveille, et à quel niveau !  (lyrisme de Laurenceau, et comme Hornung rugit !)

♥♥♥ Clarke – 3 Mvts for 2 violins & piano / Sonates violon-piano : en ré, fragments en sol / Trio Dumka / Quatuor– Lorraine McAslan, Flesch SQ, David Juriz, Michael Ponder, Ian Jones… (Dutton Epoch 2003)
→ Le trio à deux violons et surtout la Sonate en ré sont des sommets de la musique de chambre mondiale, d'une générosité incroyable, et sises sur une très belle recherche harmonique qui doit tout à l'école française.

♥♥ Graener – Trios avec piano – Hyperion Trio (CPO 2011)
→ Lyrique et simple pour la musique aussi tardive, ce fait remarquablement mouche !  (Plus proche de Taneïev que des décadents allemands.)



QUATUORS À CORDES

Beethoven, Quatuor n°1 / Bridge, Novelettes / Chin, Parametastrings – « To Be Loved » – Esmé SQ (Alpha)
→ Très vivante version de l'excellent n°1 (enfin, dans l'ordre d'édition) de Beethoven. (Testées en salle : énergie folle dans le n°11.)
→ Pépiements sympas de Chin.

♥♥♥ Beethoven, Quatuor n°3, Orford SQ (Delos)
→ Superbe détail.
+ Cremona, Takács, Bartók, Jerusalem, Belcea

♥♥♥ Beethoven, Quatuor n°4, Orford SQ (Delos)
→ Pas très tendu, mais remarquablement articulé !
+ Quatuor n°15 : là aussi pas un sommet émotionnel, mais j'aime beaucoup certe individualisation extrême des voix !

♥♥ Arriaga – Quatuors – La Ritirata (Glossa 2014)
→ Très belle lecture sur instruments anciens. Reste un corpus bien plus mineur que ses œuvres orchestrales, d'un jeune romantisme encore assez poliment classique.
→ Le rare Tema variado en cuarteto est en revanche une petite merveille !

♥♥♥ Stenhammar : Quatuors 3 & 4 – Stenhammar SQ (BIS)

♥♥♥ d'Albert – Quatuors – Sarastro SQ (Christophorus)

♥♥ Weigl String Quartet No. 3 // Berg Op.3 – Artis SQ (Orfeo)
→ Richesse et véhémence remarquables de ce corpus sans comparaison avec les pâles symphonies !  Parmi les très grands quatuors du premier XXe siècle.
→ Le Berg est vraiment très beau, d'une tonalité tourmentée.

Weigl
– 5 Lieder pour soprano & quatuor Op.44, Quatuor n°5 – Patricia Brooks, Iowa SQ (NWCRI 2010)
→ Son ancien.

♥♥ Weigl String Quartets Nos. 1 and 5 (Artis Quartet) (Nimbus)
→ Richesse et véhémence remarquables de ce corpus sans comparaison avec les pâles symphonies !  Parmi les très grands quatuors du premier XXe siècle.

♥♥ Weigl – String Quartets Nos. 7 & 8 – Thomas Christian Ensemble (CPO 2017, parution en dématérialisé le 3 juillet 2020)
→ Weigl est donc un grand compositeur… mais certainement pas de symphonies !  Ces quatuors, plus sombres, mieux bâtis, d'une veine mélodique très supérieure et d'une belle recherche harmonique, s'inscrivent dans la veine d'un postromantisme dense, sombre, au lyrisme intense mais farouche, à l'harmonie mouvante et expressive. Des bijoux qui contredisent totalement ses jolies symphonies toutes fades. (On peut songer en bien des endroits au jeune Schönberg, à d'autres à un authentique postromantisme limpide mais sans platitude.)
→ Aspect original, le spectre général est assez décalé vers l'aigu : peu de lignes de basses graves, et les frottements harmoniques eux-mêmes sont très audibles aux violons, assez haut. avec pour résultat un aspect suspendu (le Quatuor de Barber dans le goût des décadents autrichiens…) qui n'est pas si habituel dans ce répertoire.

♥♥ Weingartner – Quatuor n°5, Quintette à cordes –  Sarastro SQ, Petra Vahle (CPO)
→ Rien trouvé de très saillant, à réessayer encore ?
→ trissé. toujours rien.

♥♥♥ Hahn – Quatuors à cordes, Quintette piano-cordes – Tchalik SQ, Dania Tchalik (Alkonost 2020)
→ Encore un coup de maître pour l'élargissement répertoire avec le Quatuor Tchalik !  La sophistication souriante de la musique de chambre de Hahn, où le compositeur a clairement laissé le meilleur de sa production (particulièrement dans ces œuvres, ainsi que dans le Quatuor piano-cordes qui manque ici), se trouve servie avec une ardeur communicative.
→ Le déséquilibre antérieurement noté entre violon I & violoncelle très solistes d'une part (les frères), petite harmonie très discrète d'autre part (les sœurs) s'estompe au fil des années vers un équilibre de plus en plus convaincant. Et toujours cette prise de risque maximale, au mépris des dangers.
→ Grandes œuvres serives de façon très différente des Parisii :(qui étaient plus étales et contemplatifs, plus voilés, moins solistes, très réussis aussi).
→ Saint-Saëns, Hahn, Escaich… en voilà qui ne perdent pas leur temps à rabâcher le tout-venant !  (Merci.)
→ Bissé.

Novák – Quatuor n°3 – Novák SQ (SWR Classic Archive, parution 2017)
→ Très folklorisant et en même temps pas mal de sorties de route harmoniques, sorte de Bartók gentil. On sent la préoccupation commune du temps.

♥♥♥ Scott – Quatuors 1,2,4 – Archeus SQ (Dutton Epoch 2019)
→ Très marqués par l'empreinte française (on y entend beaucoup Debussy, le Ravel de Daphnis également), des bijoux pudiques, d'une sophistication discrète et avenante. Un régal absolu !

♥♥ Bridge, Holst, Goossens, Howells, Holbrooke, Hurlstone –  « Phantasy » – Bridge SQ (EM Records)
→ Goossens impressionnant. Howells frémissant…



AUTRES QUATUORS

Ritter – Quatuors avec basson – Paolo Cartini, Virtuosi Italiani (Naxos 2007)
→ Très joliment mélodique. Moins riche et virtuose que Michl.

B. Romberg:  Variations and Rondo, Op. 18 – Mende, Trinks, Pank & piano (Raumklang 2012)
→  Très beau postclassique.



QUINTETTE

Bax – Quintette avec piano – Naxos

♥♥♥ Scott, Bridge – Quintette avec piano n°1 / en ré mineur – Bingham SQ, Raphael Terroni (Naxos 2015)
→ Beau Quintette de Bridge, splendide de Scott, avec son premier mouvement très… koechlinien-2 !
→ Bissé Scott.



SEXTUOR ET AU DELÀ

♥♥♥ Weingartner – Sextuor pour quatuor, contrebasse & piano / Octuor pour clarinette, cor, basson, quatuor & piano – Triendl (CPO)
→ Complètement fasciné par le Sextuor pour piano et cordes (la pochette dit Septuor à tort). Un lyrisme extraordinaire.
→ bissé

Chabrier – Souvenirs de Munich (arrangement David Matthews pour ensemble) – Membres du Berlin PO, Michael Hasel (Col Legno 2009)
→ Doublures étranges qui accentuent le côté foire de ces réminiscences de Tristan façon quadrille.

Roussel, Koechlin, Taffanel, d'Indy, Messager, Françaix, Chabrier, Bozza, Tansman – musique française pour vents et piano – V. Lucas, Gattet, Ph. Berrod, Trenel, Cazalet (solistes de l'Orcheste de Paris), Wagschal (Indésens 2020)
→ Joli ensemble, pas le meilleur de la production chambriste française (excepté les extraits de la Suite de d'Indy), avec des timbres assez blancs, il existe plus exaltant ailleurs même si le projet est très beau et mérite d'être salué !



HORS DES FRONTIÈRES

♥♥ de Mey – Musique de table – James Cromer, Corey Robinson, Gregory Messa (vidéo culte d'Evan Chapman)




8. SOLOS

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Froberger – Œuvres pour orgue – Temple Saint-Martin de Montbéliard, Coudurier (BNL)

Folías par Frédéric Muñoz à l'orgue de Guimiliau –  https://www.youtube.com/watch?v=EX8OSpPboz4 (YT 2017)
→ Superbe orgue XVIIe en état de jeu. Pourquoi ne s'en sert-on pas davantage pour les enregistrements, plutôt que des instruments contemporains de la composition (qu'il y avait moins de probabilité de pouvoir jouer à l'époque, car en petit nombre), voire postérieurs ?

Gabrielli, Biber, Young – « Jacob Stainers Instrumente » – Maria Bader-Kubizek, Anita Mitterer, Christophe Coin (Paladino 2020)
→ La Partita 6 de l'Harmonia artificiosa-ariosa est marquante par son vaste air à variations de 13 minutes et son langage un peu original.
→ La parenté des traits de (Domenico) Gabrielli avec les figures des Suites pour violoncelle de Bach reste toujours aussi frappante. (Coin fait merveille dans ce grand solo.)  Elles sont assez bien documentées au disque, ce sont des bijoux.

♥♥ Gabrielli – Œuvres complètes pour violoncelle – Hidemi Suzuki, Balssa, Otsuka (Arte dell'arco 2012)
→ Quels solos bachiens, en plus rayonnants !
→ Bissé.

♥♥ Giuliani – Le Rossiniane – Goran Krivokapić, guitare (Naxos 2020)
→ Réellement des arrangements (virtuoses) de grands airs rossiniens, en particulier comiques (Turco, Cenerentola…), très bien écrits (quel symphonisme !) et exécutés avec une rare qualité de timbre et de phrasé.

Bach, Chorals / Elgar, Sonate 1 / Lefébure-Wély Boléro / Karg-Elert 3 Impressions / John Williams, 3 arrangements de Star Wars – Nouvel orgue de la cathédrale Saint-Stéphane de Vienne, Konstantin Reymaier (DGG 2020)
→ Splendides Bach pudiques sur jeux de fonds, une transcription de Williams réussie, les frémissements du trop rare Karg-Elert, un joli Elgar sérieux inattendu… Superbe récital.





9. MADRIGAL, AIR DE COUR, LIED & MÉLODIE

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MADRIGAL & AIR DE COUR

♥♥♥ Monteverdi – Combattimento – Beasley & Regenc'hips en concert (YT)

Lanier, Ramsey, Jenkis, Banister, Lawes, Webb, Hilton… – « Perpetual Night » – Richardot, Correspondances, Daucé (HM 2018)
→ Ni les œuvres ni la manière ne me font dresser l'oreille, je l'avoue. Très rond, confortable, contemplatif, le tout manque vraiment d'arêtes, d'événements.

♥♥ Jacquet de La Guerre – Le Déluge – Poulenard, Verschaeve, Giardelli, Guillard (Arion)

Monteverdi, Purcell, Haendel – « Guerra amorosa » – Nigl, Pianco, Ghielmi (Passacaille 2012)

♥♥ Cerutti, Auletta, Tartini, Mayr, anonymes – « Il Gondoliere veneziano » – Holger Falk, Nuovo Aspetto (WDR 2020)
→ Varié et réjouissant, chanté avec verve !

Steffani, Vivaldi, Hahn, Satie… – « Eternity » Kermes & Gianluca Geremia, théorbe (Simone Kermes 2020)
→ Très joli album planant et délicat, sur son propre label. 30 minutes de musique, un format uniquement dématérialisé je suppose.



LIEDER ORCHESTRAUX

♥♥♥ Schubert – An Schwager Kronos (orchestration Brahms)
→ Monteverdi Choir ♥
→ Schroeder, AMSO, Botstein (horriblement engorgé)
→ Steffeb Lachenmann, Brandenburger Pkr, gernot Schulz (mou et pas ensemble)
→ Johan Reuter, SwChbO Dausgaard (orch en folie) ♥♥♥

♥♥♥ Schubert – «  Nacht und Träume » (orchestrations de Berlioz, Liszt, Reger, R. Strauss, Britten) – Lehmkuhl, Barbeyrac, Insula O, Equilbey (Warner 2017)
→ Splendidement chanté, accompagné sur instruments d'époque, un régal.
→ bissé

♥♥ Schubert – Lieder orchestrés par Max Reger – Ina Stachelhaus, Dietrich Henschel, Stuttgarter Kammerorchester, Dennis Russell Davies (MDG 1998)

Schubert – Lieder orchestrés (Liszt, Brahms, Offenbach, Reger, Webern, Britten…) – von Otter, Quasthoff, COE, Abbado (DGG 2003)
→ Orchestrations pas nécessairement passionnantes en tant que telles, même si entendre Schubert dans ce contexxte dramatisé fait plaisir. (Les Webern sont franchement décevants.) 
→ Splendide orchestre (même si direction un peu hédoniste), von Otter un peu fatiguée mais fine, Quashoff à son faîte.
→ Étonnement : les attaques de l'orchestre sont de façon récurrente désynchronisées des chanteurs (pas mal de retards, quelques-fois de l'avance). Typiquement, Die Forelle, Ellens Gesang…
On parle d'Abbado, du COE, de von Otter qui a chanté du R. Strauss à la scène, je ne sais pas trop comment / pourquoi c'est possible. (Je ne vois pas à quoi ça sert si c'est volontaire, pour moi ça ressemble au chef qui attend le phrasé de la chanteuse mais qui réagit un peu tard.)
Peut-être est-ce que l'attaque est au bon endroit mais que le gros du son parvient plus tard. (Mais justement, en principe c'est anticipé par les musiciens, les contrebasses attaquent toujours avec un peu d'avance pour cette raison.)

♥♥♥ Fried – Die verklärte Nacht – Ch. Rice, Skelton, BBCSO, Gardner (Chandos 2021)
Chef-d'œuvre absolu du lied orchestral décadent, tout en vapeurs, demi-teintes et éclats aveuglants, cette Nuit transfigurée bénéficie à présent d'une seconde version, aux voix très différentes (Rice plus charnue et timbrée, Skelton plus sombre) et à la direction très lyrique. Je conserve ma tendresse pour Foremny qui privilégie le mystère initiatique plutôt que les couleurs orchestrales (et la clarté éclatante de Rügamer dans la transfiguration est un bonheur sans exemple !), mais disposer d'un second enregistrement, et de niveau aussi superlatif, est absolument inespéré – et quoique dès longtemps attendu.
→ Parution en janvier 2021, mais les chanteurs ont déjà fait fuiter sur les comptes YouTube respectif la plupart des pistes vocales…
→ (déjà écouté une dizaine de fois)

♥♥♥ Fried – Die verklärte Nacht – Foremny
→ (réécouté à peu près autant de fois le mois passé…)

♥♥ Schoeck – Nachhall – Arthur Loosli, ChbEns Radio de Berne, Theo Loosli –  (Jecklin 2015)
→ Tout est plus clair, l'orchestre (moins dramatique, certes), le chant…

♥♥ Schoeck – Nachhall – Hancock, AmSO, Botstein (AmSO)
→ Splendide ambiance de fin du monde mélancolique.

♥♥♥  Fefeu & Gérard Demaizière – L'An 1999 – François Juno (RGR 1979)
→ et diverses parodies (version metal, version symphonique, version épique…), voire son interprétation imaginaire de Quelque chose en nous de Tennessee…



LIED & MÉLODIE

Schubert, Spohr, Weber, Giuliani – Lieder arrangés  avec guitare – Olaf Bär, Jan Začek (Musicaphon 2007)

♥♥ Beethoven – Lieder (An die ferne Geliebte) – Bär, Parsons (EMI 1993)

♥♥♥ Beethoven, Schubert, Britten… – « I Wonder as I Wander » – James Newby, Joseph Middleton (BIS 2020)
→ Splendide voix de baryton-basse, mordante, clairement dite, sensible aux enjeux dramatiques, aussi à l'aise dans la demi-teinte a cappella des Britten que dans la gloire mordante des poèmes les plus expansifs. Grand liedersänger très à son aise ici, et une fois de plus très bien capté par BIS.

♥♥♥ Beethoven ferne Geliebte, Schubert, Rihm – « Vanitas » – Nigl, Pashchenko (Alpha)
→ Accompagné sur piano d'époque.
→ Emporté d'emblée par les mots et le phrasé de cette ferne Geliebte ; splendeur de cette voix claire et souple, adroitement mixée et extraordinairement expressive (Beethoven !).
→ Concentration et la clarté de cette voix assez incroyables, on dirait un représentation de l'époque glorieuse des années 50-60, j'entends la concentration du son des très grands ténors d'autrefois (quelque part entre Cioni et Tino Rossi pour l'allègement délicat).
→ (Mais je ne comprends pas pourquoi il est noté baryton, c'est assez clairement un ténor pour moi, même s'il chante dans des tessitures centrales… Peut-être l'équilibre harmonique de la voix est-il différent en personnel.)
→ Et tout cela lui permet une finesse d'expression assez extraordinaire. (Rihm très réussis, je ne suis pas sûr que cet univers un peu raréfié m'aurait autant séduit sinon !)

♥♥ Schubert – Die junge Nonne
→ Ameling, Baldwin ♥♥
→ Ludwig, Gage

♥♥ Mahler – Wundherhorn – Gerhaher, Huber (RCA)

Mahler – Ruckert-Lieder / Des Knaben Wunderhorn– Bauer, Hielscher (Ars Musici 2003)
→ Voix vraiment claire, manque d'assise et d'incarnation pour une fois !

♥♥ Schoeck – Notturno – Gerhaher, Rosamunde SQ
→ Gerhaher très peu vibré, un peu sophistiqué, mais remarquable. Le grain du quatuor est fantastique.

Mitterer – Im Sturm – Nigl, Mitterer (col legno 2013)
→ Très mélodique (et le naturel de Nigl !), sur poèmes romantiques, avec bidouillages acousmatiques un peu stridents (trop proches dans la captation, on reçoit tout dans les oreilles sans distance) mais pas déplaisants.
→ Beaucoup de citations (Ungeduld de la Meunière), quasiment de l'a cappella avec des effets atmosphériques autour… Fonctionne très bien grâce à l'incarnation exceptionnelle de Nigl !




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LISTE D'ÉCOUTES à faire – nouveautés

→ reich eight lines
→ philippe leroux : nous par delangle (BIS)
→ Ch Lindberg
→ kontogiorgos, kaleidoscope pour guitare
→ adiu la rota
→ australian music two pianos « the art of agony »
→ elisabetta brusa ulster O
→ rossini matilde di shabran passionart O
→ haydn messe st tolentini naxos

→ vivaldi argippo eura galante
→ fürchtet euch nicht
→ letters chamber choir ireland
→ stanford chamber somm
→ alcione Marais
→ arte scordatura
→ trios alayabiev glinka rubinstein, brahms Trio (naxos)
→ martynov : utopia
→ boesmans & cornet à bouquin

→ asperen louis couperin
→ tabarro puccini janowski jagde
→ quartetto cremona : italian postcards
→ dmytro popov hymns of love
→ gurrelieder thielemann
→ Schubert: Lieder (orchestrations de Mottl, Britten, Liszt, Brahms, Berlioz, Strauss, Reger, Webern...)/Barbeyrac, Lehmkuhl, Equilbey
→ mahler lied erde bloch

(plus tous les autres des listes précédentes…)



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LISTE D'ÉCOUTES à (re)faire – autres

→ Christie Combattimento
→ symphs Romberg
→ Bruch symphs
→ legrenzi sedecia
→ legrenzi missa lauretana
→ LEGRENZI, G.: Concerti musical per uso di chiesa, Op. 1 (Oficina Musicum Chorus, Favero)

→ GOOSENS, E.: Violin Sonata No. 1 / HURLSTONE, W.: Violin Sonata in D Major / TURNBULL, P.: Violin Sonata in E Minor (Mitchell, Ball)
→ Chamber Music - LALLIET, C.-T. / POULENC, F. / RACHMANINOV, S. / RAVEL, M. (Trio Cremeloque)
→ BACH, C.P.E.: Oboe Concerto, Wq. 164 and 165 / Solo, Wq. 135 (Ebbinge, Amsterdam Baroque Orchestra, Koopman)
→ wellesz symph 1
→ alwyn symph 3
→ křenek symph 2
→ oratorium fanny
→ farrenc sextuor & trio
→ schoeck notturno bär
→ froberger moroney org robert-dallam de lanvellec

→ lebendig begraben

→ bax 2 lloyd ou lyrita

→ rééd rückert minton boulez
→ coin
→ mosaïques SQ der Beeth

→ Blancrocher - L’Offrande. Pièces de Froberger, Couperin, Dufaut et Gaultier:
→ forqueray intégral devérité & friends, rannou…

→ schoeck nathan berg griffiths) + opéras
→ lalande laudate
→ bär gelibte

→ Lamia de Dorothy Howell

→ vivaldi baiano cctos clvcn
→ holger falk + nigl + newby

→ Lugansky franck debussy

→ Rawsthorne McCabe, Hoddinott,  Mathias.   Bate et Benjamin, coles. swayers.
→ Solemnis gardiner

→ A. Rawsthorne, Symphony No. 2
→ reutter op.58,56,jahreszeiten
→ Robert Simpson, Symphonie n°9, Bournemouth SO, Vernon Handley.
→ rubbra ccto pia
→ Coles : je réécoute les Four Verlaine Songs pour la dixième fois aujourd'hui, c'est véritablement renversant.
→ e préfère moi aussi la No. 2 de Boughton et pas qu'un peu,

→ stephan sieben saiteninstrumente, horenstein ensemble ( et suite pour quatuor de butterworth)
→ Michel dens
→ Goublier - Mélodies lyriques populaires (6) : baryton, choeurs, et Orchestre - Michel Dens - HD

→ The Primrose Piano Quartet : Hurlstone, Quilter, Dunhill, Bax
→ BRITISH PIANO QUARTETS : Mackenzie, Howells, Bridge, Howells, Stanford, Jacob, Walton (The Ames Piano Quartet)
→ Viola Sonatas, Idylls & Bacchanals : McEwen, Maconchy, Bax, Jacobs, Rawsthorne, Milford, Leighton (Williams/Norris)

(plus tous les autres des listes précédentes…)




… et voici pour la dernière livraison de l'année 2020, deux ans complets de traque aux pépites nouvelles – et il y en a beaucoup, même en mettant l'accent sur les répertoires délaissés ou les interprétations hors du commun !

Je n'ai pas encore décidé si je poursuivais l'aventure en 2021 : je fais ce repérage pour moi-même, mais la mise en forme lisible prend à chaque fois plusieurs heures, et j'ai plusieurs séries de notules que j'aimerais davantage achever, poursuivre ou débuter. Je me disais que ce pouvait être utile, puisque j'écoute beaucoup et laisse des traces écrites, mais en fin de compte, devant la masse, je crains de noyer mes lecteurs plus que de les éclairer. Et cela suppose aussi que mon agenda soit gouverné par les parutions plutôt que par ma fantaisie (ce qui n'est pas bien).

Ce qui est sûr, c'est que je n'aurai pas le temps de faire la remise des prix des disques de l'année. Ce serait absurde de toute façon : même en choisissant un disque par genre et par époque, je serais obligé de trancher de façon parfaitement arbitraire. Il y a beaucoup de choses à découvrir, avec leurs commentaires à chaque fois, aussi je vous invite, si vous souhaitez façonner votre propre bouquet, à remonter la piste du chapitre correspondant dans CSS, et à faire votre choix parmi les disques mentionnés en bleu-violet ou 2-3 cœurs !

Si jamais vous vous interrogiez sur la conclusion l'année Beethoven, j'ai ici commis une petite suite de tweets où je relève ce qui m'a paru marquant, en classant par genre – et en incluant les disques traitant des contemporains, puisqu'il y a eu beaucoup de parutions majeures autour de Salieri / Rejcha / B. Romberg / Hummel / Moscheles que vous seriez fort avisés de ne pas négliger… (En revanche, il y eut extrêmement peu de raretés du catalogue de Beethoven à proprement parler.)

Belles explorations à vous, et à bientôt, sous d'autres formats sans doute !

samedi 11 juillet 2020

La fièvre de l'été parisien


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L'exercice est devenu compliqué au fil de ces dernières semaines : suivre la piste des multiples annulations, substitutions, adaptations et créations de formats de concerts musicaux !

J'ai relevé (pour moi, donc seulement les concerts qui me tentaient le plus) ce qui se faisait en Île-de-France et je vous le partage, comme naguère – ou, peu s'en faut, jadis.

Vous trouverez tout dans ce tableau, jusqu'à fin septembre.

Il manque donc beaucoup de dates, mais vous y trouverez les principaux bons plans de l'été :
→ superbe programmation, originale et de haute volée, de Jeunes Talents (à Sainte-Croix des Arméniens catholiques et à l'Hôtel de Soubise) ;
→ nouvelle initiative du Potager Royal de Versailles, avec à la fois de très beaux programmes et de très beaux ensembles (5€) ;
→ le Conservatoire Américain de Fontainableau joue dans le Jardin Anglais du château et dans le parc du Manoir de Bel-Ébat (gratuit) ;
→ le Festival Ouvertures, de la musique ancienne et folklorique au contemporain, par divers ensembles partout en Île-de-France ;
→ quelques concerts à la Maison de la Radio (10€) ;
Orchestre de Chambre de Paris dans les hôtels du centre (10€).

Je vends aussi des places (10€ !) pour Mozart dans la cour de l'Hôtel de Sully (acoustique splendide, orchestre idéal, expérience adaptée à tous les publics) et le ballet composé par Chtchédrine d'après Carmen de Bizet à la Maison de la Radio. Petits veinards.

Pour la rentrée, cela s'annonce plus compliqué : le virus fait déjà son retour ces jours-ci, beaucoup de salles ont vendu des jauges complètes en mars à juin dernier, la Philharmonie a publié ses annulations / révisions de septembre-octobre, l'Opéra ne rouvrira que le 23 novembre avec un bout de Ring en version de concert…

Profitez si vous le pouvez, les concerts que j'ai vus sont bien organisés (distanciation, port du masque général), les programmes stimulants et les musiciens évidemment galvanisés par l'occasion de revenir sur scène.

samedi 6 juin 2020

Le défi 2020 des nouveautés – épisode 7 : Rule, Britannia, rule the (sound) waves


Quoique trop en balade (et au travail) pour nourrir proprement CSS, je n'ai pas cessé d'écouter de la musique ni de mettre des notes de côté pour l'observatoire discographique du site.

Petit bilan du mois écoulé. Nouveautés écoutées de ces dernières semaines.

Du vert au violet, mes recommandations.

♦ Vert : réussi !
♦ Bleu : jalon considérable.
♦ Violet : écoute capitale.
(Les disques sans indication particulière sont à mon sens de très bons disques. Dans les cas où je ne recommande pas forcément l'écoute, je place le texte en italique.)

Dans ce très vaste choix, j'ai tout particulièrement été ébloui par des contributions britanniques : la musique symphonique de (Richard) Bennett (par le BBC Scottish SO et John Wilson), les sonates violon-piano de Bowen et Ireland (par Tasmin Little), le Schwanengesang par Roderick Williams. Par ailleurs, Super flumina Babylonis d'extrême jeunesse de Fauré (et son Requiem dans une version particulièrement différente, limpide et aboutie) et les compositions de Sinigaglia, Wölfl, Dussaut, Groven ou C.P.E. Bach ont attiré mon attention.
Bonne chasse !




commentaires nouveautés : œuvres commentaires nouveautés : versions


WÖLFL, J. / CLEMENTI, M. / HUMMEL, J.N. / DUSSEK, J.L.: Piano Sonatas (The Beethoven Connection, Vol. 1) (Bavouzet) (Chandos)
→ Projet passionnant de remettre Beethoven en contexte, par un pianiste de renommée qui vient justement de livrer une intégrale Beethoven. Et l'on n'esst pas déçu du voyage : on connaissait les talents d'évocation de Dussek (sa grande narration pianistique figurative autour de la mort de Marie-Antoinette), moins ses sonates ; Clementi a eu aussi ses défenseurs (l'archistar Horowitz en glissait souvent dans ses programmes), et éclaire assez bien l'écriture des premières périodes de Beethoven (cette ardeur, ces arpèges en escalier).
→ Mais le grand prix de cet album provient surtout de Wölfl, où l'on retrouve non seulement l'énergie, mais aussi l'esprit de Beethoven, avec un langage original qui travaille très différemment le matériau thématique par rapport aux classiques précédents et aux romantiques suivants. Sonate en outre très belle et aboutie.
→ En termes d'interprétation, le piano moderne capté de près sonne un peu blanc et lisse à mon goût, le toucher de Bavouzet un peu dur (ce qui ne transparaissait pas du tout dans ses Ravel chez MDG, ni même pour ses Debussy chez Chandos). Mais la qualité d'exécution et l'intérêt du programme lèvent tout début de réserve.
Nielsen, Symphonies 1 & 2, Seattle SO, Dausgaard (Seattle SO)
→ Un brin déçu par ce cycle : réussi dans l'absolu, mais venant d'un orchestre aussi engagé dans la découverte, d'un label aux prises de son de qualité aussi excellente (ce qui est ici confirmé) et surtout d'un chef ayant démontré ces dernières années, sont goût des angles, je m'attendais à un Nielsen assez fouetté, plutôt proche de Göteborg-N.Järvi. Or, au contraire, c'est un Nielsen tout en rondeur, plus proche de Schønwandt (miam), Gilbert (bof) ou Vänskä (splendide). Beau, mais qui va dans le sens d'une écriture aux basses très mélodiques qui manquent un peu de fermeté de pulsation, de rebond – et que j'aime bien voir compensée par les interprètes.
→ Le mouvement lent de la Première est tout de même exceptionnellement allant et exaltant, d'un souffle proprement inouï.
Ervind GROVEN (c-1) : Symphonies Nos. 1 & 2 – Kristiansang SO, Peter Szilvay (ints-1)
→ Sorte de romantisme avec la légèreté de touche du néoclassicisme, très séduisant et frais !
Saint-Saëns Concerto 3,4,5 ; A.Kantorow, Tapiola Sinfonietta, J.Kantorow (BIS, 2019)
→ Vraiment lisse, malgré les couleurs que devraient apporter la captation BIS (or on perçoit surtout les cordes, comme trop souvent avec cet orchestre). Toucher immatériel très impressionnant, à peine effleuré mais très timbré ; résultat calme et doux, pas très efficace dramatiquement.
CPE Bach : Trios piano-cordes (Linos piano trio)

→ Il faut s'habituer au son des cordes non vibrées (avec piano, c'est toujours un peu inconfortable pour ma part), mais le corpus est absolument passionnant, à la naissance du genre, avec un piano très volubile qui échappe totalement au modèle initial de la Sonate en trio, véritablement les premières explorations d'un vrai trio pour / avec piano. (Et de très belles œuvres réellement nourrissantes, qui ont déjà un sens de la grande structure.)
Massenet – Thaïs – Wall, Staples, Joshua Hopkins ; Toronto SO, A. Davis (Chandos)
→ Le plus bel orchestre de la discographie, d'assez loin, enfin une version où les couleurs remarquables de cet Orient s'épanouissent à plein – dans l'esprit, on se rapproche enfin de Salome !
→ Vocalement une fête aussi : superbes voix très bien faites, personnelles, mordantes, et dans un français de très bonne qualité.
Lalo, Vieuxtemps, desenclos, Philippot : « Miroir ». Trio avec piano 1, Sonate alto… Daufresne (saxhorn), Alexandre Collard (Cor), Mathilde Nguyen (pia) (Klarthe 2020)
→ Quel instrument remarquablement moche que le saxhorn ! Mais belles œuvres, en revanche !
Kurzak « Desire »
→ Toujours voix impressionnante, et étrange méli-mélo des rôles très larges (Elvira d'Ernani) aux lyriques plutôt légers et assez haut placés (Micaëla), de toutes les langues (italien, français, tchèque, polonais, russe) des architubes italiens avec du Verdi moins courant, des standards slaves de Tchaïkovski et Dvořák aux (plus locaux) succès de Moniuszko…
→ De ce fait, le récital impressionne (surtout quand on connaît l'impact de cette voix en vrai, dont les moirures saturées fendent l'espace !), mais je n'ai pas eu la sensation qu'il construise autre chose qu'un récital. Pas d'histoires racontés, de singularités affirmées – en tout cas, je ne les ai pas senties. Mais c'est globalement inattaquable sur le plan vocal.
Schumann & Christian Jost , Dichterliebe – Stella Doufexis, Peter Lodahl, Daniel Heide, Horenstein Ensemble, Christian Jost (DGG 2019
→ Très belle relecture avec arrangement de ritournelles, pour accompagnement de nonette : quatuor, flûte, clarinette, harpe, célesta (et piano), marimba (et vibraphone). Ajoute un côté contemplatif / planant à l'américaine, comme dans un quatuor de Hillborg ou un opéra de Spears… Très plaisant ! (et remarquablement interprété)
→ Dichterliebe et les Eichendorff Op.39, dans leur version d'origine sont merveilleux par Stella Doufexis, qui les chante avec une fois qui semble venir des temps anciens, capiteuse et franche à la fois !
Lassus: Inferno ; Cappella Amsterdam, Reuss (HM)
→ Voix assez rondes (un brin de pâte non nécessaire), exécution au cordeau, très nette, plutôt allante.
Saint-Saëns & autres, Si j'ai aimé, Sandrine Piau, Le Concert de la Loge, Julien Chauvin (2019) Bizet: Carmen Suite No. 1 & Symphony in C - Gounod: Petite Symphonie – Scottish Chamber Orchestra, François Leleux (Linn)
→ Carmen inhabituellement nerveuse (et en petit effectif), symphonie qui manque un peu de tension et d'enjeu pour moi – pas très séduit par les phrasés non plus (inutilement sophistiqués, souvent).
Debussy (Étude retrouvée, Charbon), Ravel (Menuet), Messiaen (À vue, Canyons, Fauvette), Boulez (Toccata, Notations, Éphéméride) – « French Piano Rarities » – Ralph Van Raat (Naxos)
→ Très bel ensemble de raretés (quel legs passionnant que celui de Van Raat !). L'Ardeur du charbon toujours aussi bouleversante, les oiseaux messiaeniques fascinants. Et cette étrange triade Prélude, Toccata & Scherzo de Boulez, dans goût déframenté mais pas du tout aussi épars que son style de maturité.
Belle interprétation dans l'ensemble, pas très convaincu par les Notations (toutes d'une pièce, alors qu'on peut vraiment jouer avec les strates comme dans la vertigineuse version Fray).
Beethoven – Folk Songs – Bohnet, Johannsen, Kimbacher… (Naxos)
→ Extraits des cycles irlandais, écossais, gallois et britannique, interprétés par de belles voix simples. Accompagnement un peu tradi / blanc, pas très dansant.
Fontana, Marini, Uccellini, Kapsberger… – Seicento ! – Onofri, Imaginarium Ensemble
→ Très bel ensemble de raretés généreuses, servies avec un violon droit et fin mais très expressif, et un ensemble remarquablement coloré et souple !
Haendel – airs « La Francesina  » (Iole, Dejanire) – Sophie Junker, Le Concert de L'Hostel Dieu
→ Seules deux (très belles !) pistes disponibles (sortie le 16 octobre !).
Somervell: Maud & A Shropshire Lad
Roderick Williams (Somm)
→ Sobre écriture fin XIXe, très bien servie évidemment par Roderick Williams.
« Clara - Robert - Johannes: Darlings of the Muses »
Wieck : Improvisations, Concerto. / Messieurs : symphonies n°1 — Gabriela Montero, Canada's National Arts Centre Orchestra, Alexander Shelley (Analekta)
→ Montero propose une interprétation très vigoureuse (virile, même) des Improvisations (animées) de Wieck. Étrange couplage entre les symphonies (bien interprétées) des Messieurs et le piano (dont le Concerto) de Madame.
Leone Sinigaglia, Œuvres pour quatuor n°1 – Archos SQ (Naxos)
→ Palpitations grisantes du Concert-Étude. Interprétation d'une rare richesse et fermeté de timbres, captée avec une lisibilité suprême.
Schubert – Der Schwanengesang
Beethoven – An die ferne Geliebte
Roderick Williams, Iain Burnside (Chandos)
→ Chaque mot a sa couleur propre, on n'a jamais aussi bien senti les inflexions de ces poèmes, l'immense diseur R. Williams, déjà le meilleur interprète de songs, frappe à nouveau, après sa Müllerin miraculeuse, dans le lied.
→ Un peu déstabilisé au départ par la postproduction étrange (la distance et la réverbération ne sont pas la même pour le piano et le chant, comme s'ils avaient été enregistrés dans deux pièces différentes…), mais l'on s'y fait. Un peu déçu aussi par Burnside, que j'avais toujours trouvé merveilleux jusqu'ici, et chez qui m'ont manqué un peu de fondu, d'inflexions et de couleurs, pour cette fois.
→ On n'a jamais aussi bien dit ce cycle, en particulier les Rellstab. Et le timbre, quoique doté de peu d'assise, reste très beau (et varié). Une des plus belles propositions pour ce cycle (selon les goûts bien sûr).
The Secret Fauré III : Super flumina Babylonis, Messe des Pêcheurs de Villerville (avec Messager), Prélude de la Passion, Cantique Racine, Requiem – BNeumann Ch, Basel SO, Bolton (Sony)
→ Un peu de toupet d'inclure le Requiem dans cette troisième livraison, toujours d'un niveau suprême d'exécution, et mettant en lumière des pépites écrasées par les corpus plus connus. Très recommandable !
Wagner : Die Walküre – Theorin, Westbroek, Kulman, Skelton, Rutherford, Halfvarson – BayRSO, Rattle (BR Klassik)
→ Distribution incroyable (les meilleurs pour ainsi dire, à commencer par Skelton et Rutherford, voix démentes et diseurs éloquents !), et en walkyries Simone Schröder, Alwyn Mellor, Anna Gabler, Jennifer Johnston, de très grandes dames qui tiennent aussi les premiers rôles dans ce répertoire, au plus haut niveau aussi bien en termes de salles que de résultat !
→ Direction pleine de transparence : les détails ne sont pas exaltés par la prise de son, mais la pâte laisse passer la lumière sous des liquidités de Debussy, ses reflets troubles en moins.
Bennett : Orchestral vol.4, concerto piano, Country Dances Book 1, Anniversaries, Troubadour Music – BBC Scottish, John Wilson
→ Concerto pour piano atypique et passionnant, un des plus beaux entendus jusqu'ici, Troubadour Music archaïsant très réussi, un superbe témoignage !
Donizetti: String Quartets Nos. 4-6 ; Pleyel Quartett Koln (CPO)
→ Toujours fascinant d'entendre Donizetti… composer. De beaux quatuors postclassiques (voire franchement haydniens), bien faits, qui n'ont pas encore la personnalité des derniers, mais déjà quelques tounures fugacement dramatiques (ou quelques frottements de secondes mineures très vivaldiens !) qui ne manquent pas de charme.
→ Superbe exécution sur instruments d'époque, au sein d'une discographie déjà riche (avec notamment le Kodály SQ et une précédente intégrale CPO, avec le Revolutionary Drawing Room !).
Dussaut & Covatti-Dussaut – Mélodies – González, Oyón (Audax)
→ Univers riche et frémissant, par une voix certes un peu large, mais témoignage passionnant qui donne envie d'en entendre davantage !

Jean Cartan – Mélodies – Boché, Tacquet-Fabre (Hortus)
→ Mélodies intimes, sophistiquées, presque sévères, par des deux des plus sensibles artistes actuels pour ce répertoire !
Les pièces pour piano m'ont, je l'avoue, assez peu impressionné : jolies harmonies enrichies, mais peu de réelles surprises, en particulier rythmiques, à l'exception d'allusions de jazz dans l'Hymne à Dante.

Bowen, Ireland, Alwyn, Brown, Coates – Sonates violon-piano – Tasmin Little, Piers Lane (Chandos)
→ Chefs-d'œuvre rarissimes et remarquablement habités !

Dubra: Symphony No. 2 & Mystery of His Birth – Liepāja SO, Lakstīgala (Skani 2020)
→ Mélodies simples, orchestre par masse, qui évoque les grandes boucles de Kancheli (avec un peu plus de lyrique) et les tintinnabulements de Pärt, de façon vraiment réussi. Il ne faut pas en attendre un discours sophistiqué, ni une progression, mais des atmosphères planantes ou de grands carillons, assez insinuants et persuasifs.
→ (Cette simplicité fait merveille dans la musique choral de Rihards Dubra, que je recommande vivement.)

Mayr : Le Due Duchesse, Franz Hauk (Naxos)
→ Opéra semiserio (sur un livret de Felice Romani !) à la veine mélodique limitée (comme d'habitude), mais beaucoup plus mobile que le Mayr scénique jusqu'ici documenté… et enfin servi correctement par un orchestre informé (et décent), ainsi que de très bons chanteurs.
→ Les scènes les plus dramatiques sont réellement réussies, en particulier le dernier quart de l'opéra, avec une réelle atmosphère et une très belle déclamation tendue.


commentaires nouveautés : rééditions

Verdi, Nabucco (extraits en allemand) – Synek, Lear, Kónya, Stewart, Talvela – Deutsche Oper, Stein (DGG)
→ Superbe interprétation très intense, qui traite vraiment l'orchestre de Verdi comme s'il était aussi riche que celui des autres grands du XIXe, et le résultat en est saisissant. Et voix incroyables.

(Dans les extraits retenus, il manque étrangement « Salgo già ».)

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Autres découvertes hors nouveautés :

autres nouvelles écoutes : œuvres autres nouvelles écoutes : versions


Atterberg: Suite No. 5, Op. 23, "Suite barocco" / Atterberg: Double Concerto in G Minor-C Major, Orebro ChbO ; Thord Svedlund (Danacord)
→ Pas très palpitant, surtout dans cette version empesée.
Siaint-Saëns concertos 1 & 2 :
Descharmes Malmö Soustrot
Rogé LPO Dutoit
→ La poésie de Descharmes dans la cadence liminaire du 2, pourtant démonstrative, c'est quelque chose.
Tippett: Concerto for Double String Orchestra ;
BBCSO, A. Davis (Teldec)
→ Assez morne. Mais mouvement lent planant réussi et final plus champêtre sympathique, malgré l'épaisseur de trait d'un orchestre à cordes.
Chabrier, Le roi malgré lui, AmSO, Botstein
→ Vraiment lent, distribution inégale malgré Goncalves en Fritelli. Décevant, mais comme les versions Bigot et Dutoit sont actuellement indisponibles, on est bien embarrassé pour disposer d'une version accessible et recommandable de ce chef-d'œuvre assez considérable !
Ólafur Arnalds (c-1), Island Songs, Nanna Bryndís Hilmarsdóttir (Mercury 2016)
→ Que du planant, mais Particles avec voix est du très joli folk minimaliste.
Franck Chasseur maudit, Scottish RNO, Tingaud (Naxos)
→ Pas très mystérieux (timbres, direction, prise de son), mais bien mené, sans pesanteur.

Psyché, même disque.
→ Toujours cette composition très fine, beaucoup plus française qu'à l'accoutumée.

, T.: Verbena de la paloma (La) [Zarzuela] (Ohio Light Opera), version anglaise (Albany)
→ Version anglaise de cet archi-standard de la zarzuela.
Arriaga: Orchestral Works, 1818-1824 ; Il Fondamento, Paul Dombrecht (Fuga Libera 2006)
Arriaga: Vocal Works, 1821-1825 ;Violet Serena Noorduyn, Robert Getchell, Mikael Stenbaek, Hubert Claessens, Il Fondamento, Paul Dombrecht, 2006 | Fuga Libera – bissé
→ Très belles versions sur instruments anciens des cantates et ébauches d'opéras (Herminie, Agar, Médée, Colone, Tante Aurore) et de la musique sacrée (O salutaris, Stabat).
Arriaga, symphonie en ré, esclaves, ouv en fa – Savall (Alia Vox 1994) – trissé
→ Dans cette symphonie, on entend passer la Deuxième de Beethoven (l'ouverture), Haydn (structure du mouvement), Rossini (formules d'accords), avec un naturel mélodique typique du premier romantisme. Excessivement touchant, surtout dans cette interprétation sur instruments anciens qui combine le meilleur de tous les mondes : couleurs très chaleureuses, relief du spectre, et pour autant aucun problème de legato ni de fondu. Tout à fait idéal.
Holliger: Scardanelli-Zyklus
par Heinz Holliger, Terry Edwards, Aurele Nicolet, Ensemble Modern, London Voices
→ Chœurs planants très bien prosodiés, frottements atonals mais splendide déploiement organique en tension-détente, très lié au texte.
STRAUSS, R.: Symphony No. 2 / Concertouvertüre (German Radio Saarbrücken-Kaiserslautern Philharmonic, Bäumer) CPO 2019
William Bennett : Sextuor piano-cordes (Naxos)
→ Joli post-brahmsisme.
Rimski Shéhérazade, CzPO, Válek (Supraphon)
→ Belle tension et timbres fins ! Violoncelles pas très justes dans le III.
Richard Bennett : Hickox vol.1 Partita, vieilles danses, mélodies anglaises.
→ Bien, mais pas du tout le nerf de la nouvelle version John Wilson.
Mahler 5 Birmingham Oramo
Rossini – Concerto pour basson – Accademia d'Archi di Bolzano (Arts)
→ Pas passionnant.

Puis Introduction et vars p clar. mieux (déjà essayé)

Puis variations hautbois en ut. Nettement plus raccord avec son style virtuose.
Vidéos : G&P stanislavski, schmiedt gent, rheingold amsterdam 2014, Pikovaya stanislavski, pikovaya gorchakova met, pikovaya mariinsky tat borodina…
Pleyel, Concerto pour basson et symphonies concertantes (CPO)
→ Sympa, de beaux alliages dans la symphonie avec flûte, hautbois, cor et basson. Moins passionnant sur la durée
tchaï lisitsa intégrale (testé aussi deux autres, Dynamic mal captée et nikova très bonne)

Tchaikovsky: Nutcracker arr. pia Taneyev par Michael Nanasakov (testé aussi claudio Colombo et Akira Wakabayashi, excellents également, plus nets)

The Nutcracker Suite, 4 Hands – Double Sharp Piano Duo
Vanhal, concerto en fa pour 2 bassons (+ 2 sinfonie), Umeå Sinfonietta, Saraste (BIS)
→ Volutes enchâssées qui ressemblent à un duo tiré de Così…
Sinfonie peu intéressantes.
Wieck : intégrale piano Grützmann (Hänssler)
Wieck : intégrale piano CPO (extts)
Wieck : intégrale mélodies Fontana CPO (extts)
Wieck : intégrale mélodies Naxos
Wieck : Maximilian Schmitt et autres
Wieck-Mendelssohn-Schindler : Högman (BIS)… quel disque !
Vivaldi, Concerto pour basson, Rie Koyama (lauréate musikwettbewerb 2012), chez Genuin.
Avec Pferzhim ChbO, Sebastian Twinkel (Genuin 2013)
→ Découvertes d'interprètes, de ce concerto précis aussi je crois, très réussi. (et véritable effort baroqueux avec clavecin très présent)
Wieck : soirées musicales (extts) sur le piano de Clara, Eugénie Russo.
→ que le nocturne est une parodie servile de Chopin !
→ Impromptu Op.9 sur l'hymne impérial de Haydn « souvenir de Vienne »
Richard Bennett : Orchestral vol.2, Concerto for Stan Getz (sax), Symphonie n°2, Serenade, Partita – BBC Scottish, John Wilson
→ Peu séduit par le Concerto, en revanche la Partita plus naïve mais généreuse dispense de très belles couleurs
Fauré : Requiem Op.48 : Michel Corboz
→ Lent, avec petits braillards très frémissants, très recueilli.

Fauré : Requiem Op.48 : Bonney Hagegård, Boston, Ozawa
→ Lent, avec petits braillards très frémissants, très recueilli.
Richard Bennett : Orchestral vol.1 : Concerto pour marimba, Symphonie n°3, Sinfonietta – BBC Scottish, John Wilson
→ Le concerto pour marimba évoque par moment From Me Flows de Takemitsu, avec ses bouts de gammes obstinés, traitemnent original là encore de la forme concertante, et qui s'adapte vraiment au caractère de l'instrument. La minuscule Sinfonietta de moins de dix minutes semble un pastiche (très réussi) des Fêtes des Nocturnes de Debussy !
Bruckner 7 mvt I
♦ Furtwängler berlin 42, accélérations organiques
♦ Giulini Vienne : très belles cordes précises, impressionnante filiation avec le dernier schubert
♦ Wand NDR : allant mais un peu large de trait
♦ Beinum : allant, mais surtout lyrique, pas très détaillé
♦ Inbal Tokyo Met : grande courbe lente et superbe
♦ Böhm Vienne : son beaucoup plus clair et nasal que les autres, assez univoque dans la conception
♦ Kabasta : allant, élancé, manque un peu de mystère
♦ masur : très lent, violoncelles pas beaux, belle progression infinie. choral du II un peu lisse (pas d'attaques de cordes)
♦ von Dohnányi Cleveland : bien, peu contrasté
♦ Wand, Berlin : orchestre somptueux, tempo allant, pas énormément de tension
♦ Wand Cologne : là aussi très bien, allant, mais pas un relief phénoménal.
♦ Keizberg Wiener Symphoniker : bel allant et construction organique
♦ Jochum Berlin
♦ Jochum Dresde
Eriks Ešenvalds Passion and Resurrection/Rihards Dubra Te Deum
→ Planant sympa.
Cherubini – Médée – Phyllis Treigle, Brewer ChbO, Bart Folse (Newport)
→ Sur instruments anciens mais assez mou. Ensemble tolérable.
Juri Tetzlaff: Hänsel und Gretel (music by E. Humperdinck) (arr. A. Tarkmann) (Helbling 2015)
→ Un conte avec fond sonore.
Debussy, Pelléas, Vienne 2017, Marelli, Altinoglu
→ Production géniale (les hors scène, Yniold mi-autiste mi-Chérubin…). Et puis Eröd, Schaer, Selig, Keenlyside !
Arrangements beeth 1,2,3,4,5;8 Egmont Beethoven 7, Maximianno Cobra
Mozart Requiem, Cobra
Schubert 9, Cobra (et samples !)
→ Là aussi 2x plus lent !
Beethoven, Symphonie n°1 pour SQ – Locrian Ensemble (Guild)
→ Fonctionne bien, réutilise bien les effets orchestraux

Beethoven, Symphonie n°1 pour vents – The Albion Ensemble (Somm)

Beethoven, Symphonie n°1 pour orgue (Heywood) – Thomas Heywood (Pro Organo)
Beethoven, Symphonie n°3 – Ensemble28, Daniel Grossmann (NEOS)
→ Acide de tout côtés, mais très vif.
VERDI / TARKMANN / MUZIO, Verdiana (Verdi in Arrangements) (Guber, Arte Ensemble de Hanovre) (CPO 2002)
→ Son aigrelet de l'ensemble (vents et cordes). Musique forcément un peu carrée, donne un côté militaire.
→ Et après inclut du chant, perd son intérêt – intéressant pour un concert dans une petite salle et à moindre coût, mais au disque, pas vraiment d'intérêt majeur, le chant écrase tout à nouveau… (et chanteuse pas particulièrement extraordinaire)
→ Dans le Luisa Miller, le son du quatuor geint un peu (malgré la belle qualité de discours.
Beethoven: Symphony No. 10 in E-Flat Major (realized and completed by B. Cooper) – Birmingham, Weller (Chandos)
→ Très opaque.

Beethoven: Symphony No. 10 in E-Flat Major (realized and completed by B. Cooper) – Czech Chamber Philharmonic Orchestra; Bostock, Douglas (ClassicO)
→ Hautbois qui joue trop bas, ouille. La partition ainsi réalisée n'est vraiment pas exaltante.
The Ring - Symphonic (Arr. for Orchestra by Andreas Tarkmann)
par Daniel Klajner, Nordwestdeutsche Philharmonie
Beethoven – Symphonie n°7 pour ensemble à vent – Les Vents de Montréal (ATMA)
→ Très chambriste, disjonctions du spectre. Intéressant !

Beethoven – Symphonie n°7 pour octuor à vent – Oslo Kammerakademi (LAWO)
→ Très symphonique (ces attaques éclatantes de cor !).
Haydn, Trio Hob. XV:14, Van Swieten Trio (Brilliant)
→ Délicieux adagio tout gracieux. (Cordes qui grincent un brin, il doit y avoir mieux, mais l'initiative sur instruments anciens est plaisante.)
Mozart, Marche en ré, Sénérade n°3, Sérénade n°13, Harnoncourt
→ Ni œuvres ni exécution passionnantes.
The Prodigy, The Fat Of The Land (XL 2012)
→ Ouille.

The Prodigy, Invaders Must Die (XL 2009)
→ Davantage de la musique de danse, moins sexuée, plus détendue, plus agréable. (Mais tout à fait hors sol pour moi.)
Mozart, Sérénades 10,11,12, COE (Teldec)
→ Saveur… et discours ! Splendide, en particulier la 12 très tendue…

Mozart, Sérénade n°10, Wiener Mozart Bläser, Harnoncourt (RCA 1982)
→ Ça joue faux avec un grain extraordinaire, un entrain terrible et une véritable poésie dans les mouvements lents. Épatant.

Mozart, Sérénade n°10
disco

Bruckner 9, esquisses du final, Olso PO, Talmi (Chandos)
Bruckner 9, final version Carragan – Olso PO, Talmi (Chandos)
→ Belles acidités, belle tension, et ce final est bien beau, dommage de l'ôter, et la VO fonctionne en réalité assez bien !

Bruckner 6, Suisse Romande, Janowski (Pentatone)
→ Fines nuances, orchestre un peu opaque, manque de fluidité sur la durée.

Bruckner 6,
¶ Wand / Munich PO (Profil)
¶ Wand / Köln RSO (RCA)
¶ Rögner / Berlin RSO (Berlin Classics)

Bruckner 2, Wand / Köln RSO (RCA)
→ Cor solo incroyablement à l'aise !

Bruckner 1, Wand / Köln RSO
→ Malgré le son (non sans une légère dureté, même si retravaillé par RCA en lui donnant de l'espace très agréable), une merveille élancée et naturelle, la symphonie se déploie sans jamais paraître traîner ou se contempler, un bonbon qui passe comme un songe !

Cherubini – Les Deux Journées – Beecham
→ Quelle direction vivifiante, quelle distribution de feu où le moindre second rôle brille par son timbre éclatant et son élocution exemplaire !
Contrairement au studio Spering, les dialogues sont enregistrés, ce qui change tout à l'intelligibilité et au rythme d'ensemble. On saisit enfin la saveur d'une l'œuvre qui a marqué son temps!

Bruckner 1 (survol)
¶ Wand / Köln RSO (très allant et convaincant)
¶ Janowski / Romande (pâte sombre)
¶ Venzago / Tapiola (très fin net)
¶ Sawallisch / BayRSO (battements très dramatiques et th B lyrique)
¶ Young / Hambourg (trait de cordes un peu large)

Bruckner 7, Ccgbw, Beinum (Music & Arts)
→ Très fluide, doux et poétique. Fonctionne très bien.



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réécoutes œuvres (dans mêmes versions) réécoutes versions


bliss enchantress finnie handley (et essayé rudolf schwarz, andrew davis) Chabrier, Le roi malgré lui, Pidò Lyon (bande France Mu)
Bowen, symphonie n°2, BBCPO, Andrew Davis
Moeran, Symphony in Gm, Bournemouth, Lloyd-Jones
Moeran, Sinfonietta, Bournemouth, DLJ
Nielsen: Symphonies Nos. 3 & 4, Seattle, Dausgaard
Gounod, Cinq-Mars, Schirmer d'Albert, Tiefland : fin du Prologue
versions Janowski, Schmitz, Rudolf Albert (int-1) avec aldenhoff (Walhall)
R.Strauss, Friedenstag, Sinopoli (partie la paix) Wagner, Die Meistersinger, Solti I (Vienne), Decca
→ Énergie motorique grisante et distribution superlative.
Lully, thésée, acte I – Legay, Novelli, Lannion, Immler ; Ambronay, Christie (vidéo hors commerce) Beethoven, Sonates 2 & 3, Say

Mahler 5 Stokholm RPO, Oramo

Mahler 8, Nézet Philadelphie
Méhul, Adrien, Vashegyi (Bru Zane)

et en particulier :
Méhul, Adrien, II, « Oui, vous voyez mon trouble extrême »
Cherubini, Médée, Fournillier
→ Superbe distribution et orchestre vraiment engagé et tempêtueux… Hélas Tamar gâche tout, difficile à supporter, cette pâte épaisse et presque cirée.
Méhul, Uthal, rousset (Bru Zane) Beethoven 9 Mackerras Enlightenment (Signum)
Méhul, Adrien, Vashegyi (Bru Zane)
Beethoven: Fidelio, Op. 72 (arr. A. Tarkmann) (excerpts):German Chamber Philharmonic Wind Soloists (Berlin Classics)
+ Nozze + Carmen



--

Dans l'immensité des nouveaux disques à écouter que je n'ai pas mentionnés, il reste beaucoup de choix !

liste nouveautés : œuvres liste nouveautés : versions liste nouveautés : rééditions



Brandl orchestral CPO Fauré – Ballades, Nocturnes… Matvievskaya (Artalinna)
→ La notice est un fascinant guide d'écoute, aussi bien à travers les œuvres qu'à travers la cohérence interne du programme et du jeu de la pianiste – s'autorisant des exclamations admiratives qui, loin d'être de pure forme, permettent d'entrer dans la logique interne de ce récital exigeant.
DFD Edition Orfeo vol 2
Henze – Der Prinz von Homburg – Meister (Capriccio) tchaikovski ; symphonie n°4 ; pittsburgh, honeck Rudolf Schock Opera in German, Vol. 1 Rias-Kammerchor Und Rias-Sinfonieorchester
Kabalevski Préludes – Korstick, CPO brahms intermezzi sirodeau Beethoven Symphonies, Pittsburgh, william Steinberg (DGG)

→ Réédition volume par volume.
Górecki: Art Songs
Ewa Guz-Seroka
Penderecki – Passion selon saint Luc – (BIS) Tchaikovsky: Violin Concerto in D Major, Op. 35, TH 59 (Live Recording, Lausanne 1973) ; Igor Oistrakh
The Harp in the Vienna of Maria Theresa
Margret Köll
beethoven Sonates, Immerseel (Alpha) Brahms: Piano Concerto No. 1. Op. 15 (Live Recording, Lausanne 1978) ; Claudio Arrau
Un'Arpa Straordinaria: Italian Music of the 17th Century for Double Harp
Das kleine Kollektiv
Chopin sonate 3, mazurkas, geniušas
Aliotti: Il trionfo della morte
Les Traversées Baroques
haydn organ concertos ian quinn
Caldara: Works for Cello
Josetxu Obregón
Mendelssohn ; Walpurgisnacht ; Bernius (Carus)
Cyrillus Kreek - The Suspended Harp of Babel
Vox Clamantis
Schumann : Complete Works for pedal piano or organ
Daniel Beckmann

Bononcini: La conversione di Maddalena
La Venexiana
walküre duisburger PO, axxel kober
Arde el Furor
Diego Fasolis
Beethoven Symphonies Malmö SO, Robert Trevino
Carl Philipp Emanuel Bach: Empfindsam
New Collegium
London Calling
Amandine Beyer

Anna Clyne: DANCE - Edward Elgar: Cello Concerto
Inbal Segev
Barricades
Jean Rondeau

Emil Tabakov: Complete Symphonies, Vol. 5
Bulgarian National Radio Symphony Orchestra
1892 Reflections albéniz debussy grieg brahms
Uta Weyand



Nixon: Complete Orchestral Music, Vol. 3
Kodály Philharmonic Orchestra

rimski shéhérazade oslo v.petrenko
Rob Keeley: Orchestral Music Malaga Philharmon The Happiest Years ; Judith Ingolfsson
Skoryk: Complete Violin Concertos, Vol. 2
Andrej Bielow
Schumann, Cassadó, Fauré & Rachmaninoff: Works for Cello ; Denis Severin
Gál: Recorder & Piano Works
Sabrina Frey
mahler symphonie 9 ádám fischer
Gabriel Prokofiev: Concerto for Turntables No. 1 & Cello Concerto
Ural Philharmonic
Beethoven: A Chronological Odyssey ; Cyprien Katsaris
Roberto Sierra: Cantares, Loíza & Triple Concierto
Cornell University
Beethoven : The Piano Sonatas (Live) ; Andras Schiff
Sleeper's Prayer: Choral Music from North America
Choir of Merton College, Oxford
Schoenberg: Erwartung, Op. 17 & Pelleas und Melisande, Op. 5 ; Bergen PO, Gardner
Will Todd: Lights, Stories, Noise, Dreams, Love and Noodles The Bach Choir Haydn: String Quartets Op. 76 Nos. 1-3 ; Chiaroscuro Quartet
« Atonement » Caput Ensemble Tchaikovsky: All-Night Vigil & Other Sacred Choral Works ; Latvian Radio Choir
Smetana & Liszt: Piano Works
Miroslav Sekera
J.S. Bach: The Well-Tempered Clavier, Book 1, BWV 846-869 ; Trevor Pinnock
Heavenly Songes
La Quintina
Liszt, Schubert & Brahms: Works ; Christopher Park
Giovanni Battista Pergolesi: Stabat Mater, P. 77
Capriola di Gioia
Beethoven: Complete Piano Sonatas, Vol. 5 ; Konstantin Scherbakov
Façades
Andrew West (Somm)
Beethoven: Piano Concertos, Vol. 2 ; Inon Barnatan
ichmouratov symphonie chandos Beethoven: String Trios, Op. 9 Nos. 1-3 ; Trio Boccherini
Guastavino: Song Cycles
Letizia Calandra
Composing Beethoven ; Kilian Herold
Alessandro Scarlatti: Il Martirio di Santa Teodosia
Les Accents
Keyboard Variations ; Ewald Demeyere
Chinese Dreams
Lydia Maria Bader
R. Schumann: Waldszenen, Nachtstücke & Humoreske ; Zoltan Fejervari
menut les îles (HM) 90 Scriabin Complete Piano Preludes ; Daniel Pereira
Nebra Vendado es amor, no es ciego Beethoven: Complete Works for Fortepiano and Violoncello ; Nicolas Altstaedt
Bassoon Concertos - WEBER, C.M. von / BITSCH, M. / JOLIVET, A. / CRUSELL, B.H. (Plath, Deutsche Radio Philharmonie, McFall)
Label Genuin
Arion: Voyage of a Slavic Soul ; Natalya Romaniw

BYRD, W.: Keyboard Music (William Bird and Japan) (Emi Nakamura)
Label le petite dis
Chroma ; Matthieu Stefanelli
AHO, K.: Chamber Music - Prelude, Toccata and Postlude / Lamento / Halla / Violin Sonata (Chamber Music) (J. and P. Kuusisto, Peltonen, Fräki) Care pupille ; Samuel Marino
Carlisle Floyd: Prince of Players ; Keith Phares Saints inouïs ; Ensemble Scholastica
Lindberg: Accused & Two Episodes ; Anu Komsi Mirabile mysterium: Choral Music for Christmas ; Sächsisches Vocalensemble
Melchior Franck: Geistliche Gesäng und Melodeyen ; Cantus Thuringia Sweet Dreams ; Varduhi Yeritsyan
Scharwenka: Chamber Music ; Laurent Albrecht Breuninger Brahms: Klavierstücke, Op. 76 | Rhapsodies, Op. 79 | Piano Sonata No. 3, Op. 5 ; Peter Orth
Bennett: Orchestral Works, Vol. 4 ; BBC Scottish Symphony Orchestra Intermissions ; Svetozar Ivanov
John Pickard: The Gardener of Aleppo & Other Chamber Works ; Gavin D’Costa Haydn: String Quartets, Op. 20, Volume 2, Nos. 1, 4 & 6 ; Dudok Quartet Amsterdam
Penderecki: Concertos, Vol. 8 ; Maciej Frackiewicz

Penderecki: Concertos, Vol. 9 ; Maja Bogdanovic

Pēteris Vasks: Distant Light, Piano Quartet & Summer Dances ; Vadim Gluzman

Paradeis, sonates « Paradiso Plays Paradisi » ; Anna Paradiso

Valls: Missa Regalis ; The Choir of Keble College, Oxford

Augusta Read Thomas: The Auditions

Caleb Burhans: Evensong (Bonus Version) ; The Choir of Trinity Wall Street

They that in Ships to the Sea down go: Music for the Mayflower ; Passamezzo

Steve Elcock: Orchestral Music, Vol. 2 Siberian Symphony Orchestra

Tcherepnin: My Flowering Staff ; Inna Dukach

Bellman: Am I Born, Then I'll Be Living ; Torsten Mossberg

Persichetti: Organ Music ; Tom Winpenny

Zimmermann: Violin Sonatas Nos. 1-3 ; Mathilde Milwidsky



samedi 18 janvier 2020

Le défi 2020 des nouveautés – épisode 2


Le tableau a été mis à jour toute la semaine. Le voici augmenté également des nouveautés parues en masse hier.

clément goebel

Les codes restent les mêmes :
gras pour ce qui est attirant (prometteur avant / réussi après / intéressant dans l'absolu) ;
souligné pour les disques très attendus (qu'ils aient été réussis ou non) ;
italique pour les parutions dispensables (peu attirantes avant ou décevantes après).
(Et pour les recommandations les plus vives, le même code couleur que pour les concerts : vert pour particulièrement-intéressant, bleu pour très-remarquable, violet pour la douce-hystérie.)

Je précise que, par défaut, les disques où rien n'est noté sont très convaincants : comme précisé dans la dernière notule, très peu de déceptions, et en général assez relatives, sur la quantité phénoménale de disques produits.

Chose que j'avais omis de préciser : il ne s'agit évidemment ni de critiques, ni de jugements d'aucune sorte : juste de premières impressions (après une première écoute), des jalons pour suggérer ce à quoi ressemblent les albums, ce qu'on peut éventuellement écouter en priorité. J'ai conscience de la somme de travail derrière chaque parution, et il va de soi que, n'ayant pas forcément lu les notices et pas encore réécouté ces disques, je suis loin d'appréhender toute leur richesse au premier coup d'oreille. Il ne faut voir ces commentaires que pour ce qu'ils sont : de premières réactions candides, que je partage car tout le monde (moi le premier) n'a pas le temps d'écouter toutes les nouveautés avant de décider sur lesquelles insister. Un travail de tri qui est justement nécessaire en raison de l'avalanche de parutions de très haute qualité…

[Je m'imagine à chaque fois l'effroi de l'artiste de qualité qui tombe sur deux lignes mentionnant « n'apporte rien de neuf », « gentil mais à quoi bon » ou quelque chose du genre. Je me place du point de vue de l'auditeur qui doit absolument hiérarchiser a priori pour décider quoi écouter. Mon idée est plutôt que ce petit parcours permette d'oser des compositeurs inconnus, des interprètes plus discrets, que de dire qui est un véritable artiste ou un faux musicien – Dieu me garde de pareilles intentions !  À la rigueur, je devrais peut-être taire mon avis sur les disques bien diffusés, ou qui m'ont moins plu, mais comme je fais cette recension également pour moi-même, je la partage à titre indicatif, sans induire le moins du monde qu'il ne faut pas écouter ni aimer ce qui m'a moins convaincu.]


granados



Je reproduis ici les nouvelles entrées du tableau :

écouté œuvres
Handel: Almira, HWV 1 Boston Early Music Festival Orchestra (CPO) Baráth, Wilder, Immler…
→ Opéra allemand de Haendel intégrant beaucoup de tournures françaises (récitatifs riches, cadences harmoniques caractéristiques), dans une distribution spécialiste aussi bien de l'italien que de l'allemand et du français de la période !
Goossens: Orchestral Works, Vol. 3 (Symphony 2, Phantasy Concerto) Tasmin Little, Melbourne SO, A. Davis (Chandos)
→ Sombre, assez britannique mais lisible.
Pettersson: Vox Humana & 6 Sånger ; Anna Greelius, Musicæ Vitæ, Daniel Hansson (CPO)
→ Pettersson beaucoup moins sombre et paroxystique dans cette cantate, très doux et uni, belle prosodie. (En revanche les chanteurs de la version BIS diposent d'une saveur vocale et idiomatique sans comparaison !)
Gould, Gulda : Acies Quartett (Gramola)
→ Par un des meilleurs
quatuors en activité (son de diamant !), deux quatuors de pianistes-vedettes excentriques. Celui de Gould assez sombre, celui de Gulda davantage tourné vers une plénitude mélancolique quelque part entre Schoeck et Copland.
Franz Joseph CLEMENT : Violin Concertos Nos. 1 & 2. Comtzen, WDR, Goebel (Sony)
→ Délicieux concertos classiques, remarquablement écrits et exécutés, pas du tout interchangeables ni platement galants – en somme une favorable alternative aux Mozart.
PILATI, M. : Preludio, aria e tarantella / 4 canzoni popolari italiane / Divertimento / Bagatelles ; Moscow Symphony, Adriano (Naxos)
→ Cordes bien moches. Jolie musique du XXe néo, plaisante mais pas très marquante à mon gré.
Tullochgorum : Haydn, Scottish Songs, par The Poker Club Band (BIS)
→ Chants écossais de Haydn pour harpe et voix naturelle (avec des bouts de symphonie transcrits pour harpe !). Voix un peu grêle, mais tout à fait charmant et dépaysant, avec de beaux thèmes musicaux (qui préfigurent les essais de Beethoven autour des folklores des Îles Britanniques !).
Cimarosa : Overtures, Vol. 6 ; Czech Chamber Philharmonic Orchestra Pardubice, Patrick Gallois (Naxos)
=> Jolies pièces semblables mises bout à bout, dans exécution très tradi ni très colorée, ni très tendue, ni très palpitante. Même pour les amateurs d'ouvertures, on doit pouvoir trouver mieux ailleurs.
Reger : Organ Works, Vol. 6. Passacaille Op.127, Chorals… (CPO) Gerhard Weinberger (orgues de Mannheim 1911 et Belingries 1913)
=> Jeu clairement étagé dans un répertoire exigeant et assez abstrait (références à Bach, modulations et emprunts propres à Reger assez sophistiqués).
Leclair: Violin Concertos, Vol. 2, Leila Schayegh, La Cetra (Glossa)
=> Les Italiens peuvent donc surpasser les Français en musique ! (dans les petits genres décoratifs)
Pas les sommets du concerto pour violon, La Cetra étrangement peu en relief, et je n'aime pas beaucoup ce type de violon qui semble toujours au bord du grincement. Pas ébloui.
Mayr: Piano Concertos Nos. 1 & 2 - Haydn: Symphony No. 25 in C Major, Hob.I:25 - (Live) Edna Stern, Georgisches Kammerorchester Ingolstadt (Ars)
→ Bonne surprise, concertos dans un goût mozartien (assez lyrique, sans surprise pour ce compositeur de - mauvais - opéras) même si peu de surprises harmoniques comparables. Interprétation sur instruments modernes assez traditionnelle, mais raisonnablement vive.
Nielsen, Ibert & Arnold: Flute Concertos Clara Andrada, Radio de Francfort, Jaime Martín (Ondine)
→ Pièces qui ne sont pas les plus profondes de leurs auteurs, interprétées avec conviction (pas forcément l'orchestre le plus coloré du monde, mais le
Nielsen est remarquablement vif et élancé, très belle référence !). J'aime bien, mais l'univers des concertos pour flûte est si loin de moi… Andrada a beau être ma chouchoute du Chamber Orchestra of Europe, ce n'a pas transfiguré les œuvres d'Ibert et Arnold (de compositeurs que j'estime pourtant énormément dans le reste de leur catalogue).
Rota : Piano Vol. 1 : Préludes, Fantaisie, Pièces Difficiles pour enfant Eleanor Hodgkinson (Grand Piano)
→ D'une tonalité parfaitement stable, qui sent à peine son XXe siècle, des pièces ravissantes, culminant dans une ambitieuse Fantaisie post-chopinienne. Cependant non sans personnalité ni charme très réel. <3 Rota en ses œuvres.
Francesco Bottigliero, Portraits ; Christian Danowicz, Giovanni Punzi (DUX)
→ Musique de chambre contemporaine qui emprunte totalement à une tradition franchement paisible (et y adjoint parfois un peu de klezmer). Clarinette et piano. Pas du tout neuf, mais écrit avec cohérence, très agréable.
C.P.E. Bach: The Solo Keyboard Music, Vol. 39 Miklós Spányi (BIS)
→ Suite de la somme immense de Spányi, avec des pièces pour clavecin d'une très grande qualité (le Concerto en ut, quoique coulé dans le style classique, conserve la densité harmonique du paternel).
Granados, Extraits Libro de horas, Valses intimos, Valses poéticos, Escenas poéticas, Allegro de concierto, Danzas españolas… Myriam Barbaux-Cohen (Ars)
→ Poésie délicate d'une grande sobriété, servie par une interprète aux qualités similaires, un beau son doux qui s'épanouit sans chercher l'éclat ni le contour sophistiqué. Un régal que je me suis immédiatement bissé.
NMB : 3 Songs from Ethiopia Boy (Live), Roderick Williams (NML)
→ Sur des textes évoquant la vie quotidienne. Très accessible et tout à fait sympathique, dans l'anglais miraculeux de R. Williams. (Juste un single)


écouté versions
Beethoven, Late String Quartets, Brodsky SQ (Chandos)
→ très réussi, pas aussi pur et saisissant que les Brodsky habituels
Schumann ccto violon & Brahms double ccto. Weithaas, Hanovre, Manze (CPO)
→ Lectures claires et nerveuses.
Rodion Shchedrin: Carmen Suite – Respighi: Pini di Roma (Live) Symphonieorchester Des Bayerischen Rundfunks, Jansons
→ Une œuvre qui se caractérise par son insolence tourmentée était difficile à se figurer dans les mains de ces paisibles compères-là… Mais grande beauté plastique et de grain, qui apporte une certaine atmosphère et réussit l'ambiance incantatoire !
Beethoven: Symphonies Nos. 5 & 7 Radio de Hanovre, Manze (Pentatone)
→ Ardent et net, avec un véritable orchestre allemand. Miam. La Septième
est même assez neuve et ravivée : beaucoup de détachés et de respiration dans les trois derniers mouvements qui s'envolent avec un emportement réjouissant ! Très grandes versions.
Beethoven: String Quintets Op. 29 and 104, Fugue Op. 137, solistes WDR (Alpha)
→ Très belles œuvres à redécouvrir, écrites très différemment des quatuors. (Prise de son étrangement vaporeuse, comme si ancienne.)
Fauré et ses poètes, Mauillon, Le Bozec (HM)
→ Diction miraculeuse par la meilleure technique vocale du marché. Lignes simples qui lui correspondent bien mieux que les contours plus sophistiqués de Poulenc. Accompagné par la souplesse et l'élégance personnifiées.

Saint-Saëns: Piano Concertos Nos. 3, 5 & Rhapsodie d'Auvergne ; Lortie, BBCPO, Gardner (Chandos)
→ Très vif, presque précipité, grande aisance et ampleur générales. Très beau second volume d'intégrale !
Romance (tubes de Mozart, Rusalka…) ; Naforniță, Münchner Rundfunkorchester, Keri-Lynn Wilson (OMF)
→ Rôles de lyrique-léger par une voix plus dense (et un peu empâtée, quoique dynamique). Ce n'est pas un problème pour la caractérisation, mais la diction en souffre à mon gré. (Et déjà beaucoup de sons
émis en arrière et en force.)
Widor: Organ Symphonies 1 & 2, Rübsam (Naxos)
→ À peine survolé. Captation et registration ont l'air chouettes. (Et l'organiste est une valeur sûre.)
Mahler: Symphony No. 8 ; Wall, Meade, Fujimura, Griffey, Werba, Relyea ; Philadelphia, Yannick Nézet-Séguin (DGG)
→ Grande fluidité très naturelle où l'on retrouve les qualités d'évidence de Nézet-Séguin, solistes formidables (Wall, Meade, Griffey), chœur limpide et élancé (Westminster Symphonic), et le tissu chaleureux et lumineux très singulier de Philadelphia. Splendide version d'une symphonie où tous les paramètres sont difficiles à réunir.
Beethoven: Complete Piano Sonatas ; Fazil Say (Warner)
(pour l'instant écouté les 1-2-29-30-31)
→ Outre l'aisance de Say dans les plus redoutables défi techniques, on bénéficie aussi d'une riche palette harmonique, où la résonance remplit réellement les interstices de la musique, tout en restant d'une limpidité exemplaire (à laquelle la prise de son rend justice).
Une grande intégrale moderne (sur un instrument peut-être un peu froid), à comparer aux sobres accomplissements de Kovacevich.


écouté rééditions
Liszt: Portrait historiques hongrois, Jandó (Naxos)


beethoven manze


Et à présent, les parutions non (encore) écoutées :

parutions œuvres
Tansman: Complete Works for Solo Guitar, Vol. 2 Andrea De Vitis
Harsányi: Complete Piano Works, Vol. 1 Giorgio Koukl (Grand Piano)
Hundsnes: Clavinatas Nos. 1-7, Piano Sonata No. 1 & Downtoned Beats Laura Mikkola (Grand Piano)
HiKAYE, Isil Bengi (Fuga Libera) ??
Rossini: Zelmira (Live) Joshua Stewart (Naxos)
Losy : Note d’oro Jakob Lindberg (luth, BIS)
Ravi Shankar: Sukanya, LPO, David Murphy
Morel Mouret Corelli Haendel Vivaldi, Concerti a quattro, Ensemble Bradamante
Castérède: Complete Works for Flute, Vol. 2 Cobus Du Toit
Whither Must I Wander, Will Liverman → ?
William Mathias: Choral Music, St John's Voices (Naxos)
Caboclo ; Quinta Essentia
D'Amor mormora il vento ; La Boz Galana
Ninna nanna: Lullabies from Baroque Italy ; Pino de Vittorio
Suoni amorosi ; Duo Gioco di Salterio (DHM)
J.S. Bach & C.P.E. Bach: Works ; Orfeus Barock Stockholm
C.P.E. Bach: Oboe Concertos ; Akademie für Alte Musik Berlin (HM)
Decades: A Century of Song, Vol. 4 (1840-1850) ; Florian Boesch
Stanford: String Quartets, Vol. 3 ; Dante Quartet (Somm)
Compositrices : À l'aube du XXe siècle ; Juliette Hurel (Alpha)
Clairières: Songs by Lili & Nadia Boulanger ; Nicholas Phan, Myra Huang
Memories from Home (Scriabine, Prokofiev, Weinberg, Frid, Kancheli) ; Elisaveta Blumina
Henri Pousseur: Works for Flute ; Roberto Fabbriciani
Pesson, Abrahamsen & Strasnoy: Piano Concertos ; Alexandre Tharaud (Erato)
Glanert : Oceane (Live) ; Chor Der Deutschen Oper Berlin (Oehms)
Franck Bedrossian: Twist, Edges & Epigram ; SWR Symphonieorchester
Bentzon, Scriabin a.o. ; Niels Viggo Bentzon
NMB : 365 (Live), James Robertson (NML)
NMB : Brit-Ish (Live), Spike Orchestra (NML)
NMB : Music for Seven Ice Cream Vans (Live) ; Dan Jones (NML)
Spark Catchers ; Chineke! Orchestra (NML)
Where to Build in Stone (Live) ; Numb Mob (NML)
Young Composers Scheme ; National Youth Choirs of Great Britain (NML)
Tis too late to be wise ; Kitgut Quartet → ?
Novoselye • Housewarming ; ROctet → ?


parutions versions
Neujahrskonzert 2020 Nelsons
Elgar Concerto Sheku Kanneh-Mason
Charpentier: Orphée aux enfers, Vox Luminis, A Nocte Temporis (Alpha)
R. Schumann, C. Schumann & Brahms: Sonatas & Songs Poltéra, Stott (BIS)
Vivaldi: Violin Sonatas & Concerto Isabella Bison
Mozart: Divertimenti & Eine kleine Nachtmusik, Archi di Santa Cecilia
Complices Queyras Tharaud
Buxtehude: Membra Jesu nostri, BuxWV 75 (Live), Ensemble Marc'Antonio Ingegneri di Cremona
Light & Darkness Martina Filjak (Hänssler) → ?
Handel: 12 Concerti grossi, Op. 6 Nos. 7-12 ; Akademie für Alte Musik Berlin (Pentatone)
Handel Arias ; Christophe Dumaux
The Melancholic Bach: Music for Viola da braccio and Harpsichord ; Emilio Moreno
Haydn 2032, Vol. 8: La Roxolana ; Giovanni Antonini
Schubert: 4 Impromptus, Op. 90, D. 899 & Piano Sonata in B-Flat Major, D. 960 ; Alexander Kobrin
A Schubertiade with Arpeggione ; L'Amoroso (Ricercar)
Beethoven: Sonates pour violon et piano ; Olivier Charlier
Beethoven: Variations ; Sélim Mazari
Beethoven: The Complete Piano Sonatas Played on Period Instruments ; Paul Badura-Skoda
Schubert & Liszt: Impromptus, Songs & Consolations ; Viacheslav Apostel-Pankratowsky
Liszt: Dante Symphony, Tasso, Künstlerfestzug & Vor hundert Jahren ; Weimar Staatskapelle, Karabits (Audite)
Bruckner: Symphony No. 1 in C Minor, WAB 101 (1891 Vienna Version) [Live] ; Philharmonie Festiva, Gerd Schaller (Hänssler)
Brahms: Fantasien, Op. 116, Intermezzi, Op. 117 & Klavierstücke, Op. 118 ; Hortense Cartier-Bresson (Aparté)
Granados, Goyescas ; J.Ph. Collard (La Dolce Volta)
Mahler Symphony No. 6 in A Minor "Tragic" ; Essen Philharmonic Orchestra, Netopil (Oehms)
Mahler: Symphony No. 8 (Live) ; Münchner Philharmoniker, Valery Gergiev (Münchner Philharmoniker)
Rachmaninov: Piano Concerto No. 3 Behzod Abduraimov, Concertgebouw (RGO Live)
« Morgen » Elsa Dreisig (Erato)
Chostakovitch: Symphony No. 13 (Live) ; Chicago SO, Riccardo Muti (CSO-sound)


parutions rééditions
Ravel: Miroirs, Sonatine & Valses nobles et sentimentales ; Emile Naoumoff
Mozart Recital : Emile Naoumoff
Bach: Quodlibet, Canons, Songs, Chorales & Keyboard Pieces ; Gustav Leonhardt (Warner)
Chabrier: L'œuvre pour piano ; Pierre Barbizet


fauré poètes mauillon le bozec



… belle semaine de découvertes à vous !

(et à bientôt pour de nouvelles notules un peu plus ambitieuses, dès que mes commandes « officielles » autour de Mlle Wieck et M. Gaubert seront honorées… quelques échos par ici, peut-être)

dimanche 18 novembre 2018

[Carnet d'écoutes n°122] – les hits de la rentrée : Marx, Diepenbrock, Schjelderup, Alpaerts, Ascanio, de Boeck, Popov…


Comme c'est désormais l'usage régulier et périodique, vous trouverez ici quelques impressions éparses, laissées en vrac, tirées d'expériences d'écoute depuis trois mois, et livrées sans apprêt. Simplement manière d'avoir trace de certains compositeurs dont je n'ai pas le temps de parler dans une notule à part, mais qui méritent peut-être votre attention… Évidemment, quand c'est pour confesser que j'ai écouté un opéra de Vivaldi ou une symphonie de Brahms, ça revêt un intérêt qui se limite au mieux au people, mais je n'ai pas ébarbé, j'ai mis pêle-mêle toutes les choses que j'ai pu trouver de vaguement rédigées.

À propos de la cotation :
Les binettes se lisent comme les tartelettes au citron ou les putti : elles ne concernent que les œuvres, pas les interprétations (en général choisies avec soin, et détaillées le cas échéant dans le commentaire). Ces souriards ne constituent en rien une note, et encore moins un jugement sur la qualité des œuvres : ils indiquent simplement, à titre purement informatif, le plaisir que j'ai pris à leur écoute. Je peux avoir modérément goûté l'écoute de chefs-d'œuvre et jubilé en découvrant des bluettes, rien de normatif là-dedans.
1 => agréable, réécoute non indispensable
2 => à réécouter de temps en temps
3 => à réécouter souvent
4 => œuvre de chevet
5 => satisfaction absolue
Un 2 est donc déjà une bien bonne note, il ne s'agit pas de le lire comme une « moyenne » atteinte ou non.

Pour cette livraison, vous trouverez en outre quelques sélections discographiques.

A. Suggestions discographiques

LE CRÉPUSCULE DES DIEUX

Suite de la notule.

mardi 5 juin 2018

Tu l'as promis, tu l'as juin


Comme naguère, vous trouverez ici le planning PDF où apparaissent l'ensemble des dates et lieux sélectionnés, quantité de petits concerts (ou au contraire de concerts très en vue) dont je ne parle pas ci-dessous.

N'hésitez pas à réclamer plus ample information si les abréviations (tirées de mon planning personnel, destiné au maximum de compacité) ou les détails vous manquent.
(Les horaires indiqués le sont parfois par défaut par le logiciel, vérifiez toujours !)



0. Rétroviseur

Auparavant, les impressions d'avril, quantité de propositions originales que nous avons pu honorer de notre vénérable présence. Cliquez pour lire les impressions succinctes sur les œuvres et les interprètes.

►#99 LULLY, contemporains français & italiens. Récital des chouchous Madelin & Benos (Hôtel de Soubise).
►#100 Récital de fin d'année de la classe de lied & mélodie de Jeff Cohen : Fauré, Debussy, Mahler, Ginastera, par Cécile Madelin, Benoît Rameau, etc. (Espace Maurice Fleuret).
► #101 Tchaïkovski, Symphonies n°3 & 6 par l'Orchestre de l'Opéra et Philippe Jordan (Philharmonie).
► #102 Schubert, Symphonie n°5 ; Suites 1 & 2 de Stravinski ; Orchestre des Lauréats du Conservatoire & classe de direction d'Alain Altinoglu (espace Maurice Fleuret).
► #103 Alfvén / Stenhammar / Sandström… chœurs a cappella en suédois, anglais et bokmål (Grieg), par le Jeune Chœur de Paris, direction Marc Korovitch et Richard Wilberforce (salle Landowski).
► #104 Wagner, Parsifal. Richard Jones, Philippe Jordan, et une glorieuse brochette : Kampe, Schager, Mattei, Nikitin, Groissböck (Bastille).
► #105 L'Heure espagnole & Gianni Schicchi. Laurent Pelly, Maxime Pascal (Bastille).
► #106 Verdi, Requiem. Chœur de l'Orchestre de Paris, ONDIF, Mazzola (Saint-Quentin-en-Yvelines).
► #107 Hymnes napoléoniens, de Méhul & Catel jusqu'à Fauré & Vierne !  (Saint-Louis des Invalides).
► #108 Beethoven, Symphonie n°2 ; Schubert, Symphonie n°6 ; Tchaïkovski, Nocturne pour violoncelle et orchestre. Orchestre des Lauréats du Conservatoire, classes des premières années de direction (Espace Maurice Fleuret).
► #109 Schumann, Symphonie n°4 ; Brahms, Concerto n°2 ; R. Strauss, Don Juan. Grimaud, Philadelphia Orchestra, Nézet-Séguin (Philharmonie). Plus bel orchestre du monde.
► #110 Calypso & Telemachus de John Galliard, du seria en anglais, contemporain de Rinaldo de œuvre, étonnamment riche musicalement (avec détails montrés sur partition).
► #111 Symphonie n°1 d'Elgar et Concerto pour violoncelle de Dvořák, sans vibrato (Norrington, Queyras).
► #112 Phaëton de LULLY par Lazar & Dumestre (M. Vidal, Zaïcik, Auvity, Trommenschlager, etc.)
► #113 Gounod, La Nonne sanglante (par Insula Orchestra). Avec J. Devos, Santoni, M. Lebègue, Spyres, Boutillier, Teitgen… (compte-rendu en cours)

Et quelques déambulations illustrées :
De Belloy-en-France à Seugy : champs de la Pièce Lucifer, Bois du Tremblay…
De Luzarches Ouest à Saint-Martin-du-Tertre : halle, Porte Grièche, ancienne collégiale, panorama, bois du Tremblay (entre les tirs à balles réelles), bois de Mareil, Ferme de Trianon, bois de Champlâtreux, Champs de la Sente de Jagny…
De Belloy-en-France à Villaines-sous-Bois : friches champêtres intra-urbaines, ancienne distillerie, bois de Belloy (à Villaines et loin de Belloy), églises classées, chasse à l'abbé…
Viarmes Ouest : Bois Carbonnier, Les Groux, Le Buisson Chantant, Les Longues Rayes, Bois de Touteville, Bois de Chaville… entre champs et bosquets, sous une pluie battante, entre les blés et ceinturé de coteaux.
De Luzarches Est jusqu'à Lassy : château de La Motte, église Saint-Côme-et-Saint-Damien, caveau des Sainte-Beuve, Thimécourt, église de Lassy, Gascourt, lavoirs, champs, écuries…
Saint-Quentin-en-Yvelines, l'impression de déambuler dans une ville faite par des concepteurs de jeux de plate-forme. (j'aime beaucoup, en réalité).
L'Église de Belloy et ses incroyables voûtes XVIe, en détail.

Et puis, plus urbain, moins spectaculaire :
Presles, son église, son coiffeur.
Forêt d'Écouen Sud-Est, aux confins de Sarcelles et Villiers-le-Bel, avec chèvres (sur la route du Fort).
Lac Daumesnil au couchant.
Saint-Augustin.



00. Manqué !

En raison de l'expiration de mon Pass UbiQui'T, je n'ai pu tout voir, tout entendre. Par exemple le Pelléas de Guillaume Andrieux (la bande révèle qu'il est le Pelléas ultime, du niveau de Pierre Mollet ou Gérard Théruel !), ou les Métamorphoses de Strauss en version sextuor à cordes données au Salon Vinteuil du CNSM.

Pour le reste, il suffit de jeter un œil sur le programme du mois de mai publié fin avril et d'opérer les comparaisons.



À présent, la prospective.

J'attire en particulier votre attention sur quelques perles. Classées par ordre de composition approximatif à l'intérieur de chaque catégorie.

(En rouge, les œuvres rarement données – et intéressantes !)
(En bleu, les interprètes à qui je ferais confiance, indépendamment du seul programme.)
('§' indique mon intérêt malgré mon indisponibilité, les astériques une place en supplément – à revendre, souvent.)



A. Opéras & cantates

Cavalli, Erismena. Le Théâtre Gérard Philippe invite Leonardo García-Alarcón, excellent spécialiste de ces musiques, et il ne sera pas encombré cette fois des gros tromblons qu'il avait dû se faire imposer à l'Opéra de Paris, pour Eliogabalo. Avec la miraculeuse Francesca Aspromonte, meilleure déclamatrice italienne en activité.
Pour le reste, je ne suis pas convaincu par Cavalli en général, que je trouve tellement moins intéressant que ses prédécesseurs (Peri, G. Caccini, Monteverdi), contemporains (Rossi, même Landi) ou successeurs (Legrenzi) immédiats, donc je ne suis pas bon juge de l'intérêt ou non de se déplacer (pour situer, j'aime beaucoup la partie troyenne de Didone et supporte bien Artemisia ; tout le reste me laisse froid).
Un peu cher par rapport à ce qu'on peut payer dans les petites catégories d'ordinaire (tarif unique 35€), mais très raisonnable pour un long spectacle d'opéra avec interprètes de premier plan e't mise en scène.

LULLY, Phaëton. Il est assez rare qu'on donne des opéras de LULLY en version scénique, sorti d'Armide. Et ici dans la plus belle distribution qu'on puisse souhaiter : Mathias Vidal, Eva Zaïcik, Cyril Auvity, Léa Trommenschlager !  La fine fleur du chant baroque français (je n'aurais pas mieux choisi moi-même, si vous mesurez le compliment). Version sans doute chatoyante de Vincent Dumestre avec le Poème Harmonique… et le Chœur de l'Opéra de Perm ! (musicAeterna, le terrain de jeu du méga-mégalo Currentzis)
Donné sur trois ou quatre dates, de surcroît. Seule réserve : comme c'est Lazar, il faudra sans doute souffrir le français restitué selon Green (rien d'idéologique : je le goûte au théâtre, mais il voile inutilement l'élocution à l'Opéra).
→ J'y suis allé avant la publication de la notule, quelques réactions par ici.

Benda, Pygmalion. Il s'agit d'un mélologue (ce qu'on appelle depuis plus volontiers un mélodrame, de la parole parlée soutenue par de la musique) de 1779 sur un texte de Rousseau. Sans être de la grande musique, c'est vraiment intéressant. Couplé avec un mélodrame moderne commandé à Philippe Hersant et avec des lieder orchestrés de Schubert (sur Goethe). Avec Natalie Dessay, le Paris Mozart Orchestra et Claire Gibault. (Orsay, donc tarif unique un peu cher.) Le 15.

Mozart, Thamos, roi d'Égypte, musique de scène de Mozart très rarement donnée (et même assez peu enregistrée). Pas le plus grand Mozart, mais un côté cérémoniel et tempêtueux qui regarde à la fois du côté de Haendel, Beethoven et Mendelssohn, assez étonnant. À la Seine Musicale à partir du 25.

Rossini, L'Italiana in Algieri. Concert donné par les membres de l'Opéra de Bologne, avec une belle distribution (Pirozzi notamment…). Le 22.

Gounod, Faust. Version originale avec dialogues parlés (et, je suppose, des variantes musicales), parrainée par Bru Zane, avec une distribution particulièrement réjouissante (Gens, Bernheim, Bou !) et sur instruments anciens (Les Talens Lyriques).

Gounod, La Nonne sanglante. Livret de Scribe et Germain Delavigne d'après le segment correspondant du Moine de Lewis. Déjà publié il y a quelques années, c'est un très bel opéra, qui va bénéficier de la valeur d'Insula Orchestra et d'une distribution de la plus haute francophonie :  Santoni, Lebègue, Spyres, Heyboer, Teitgen, Devos, de Hys… À partir du 2, à Favart.

Deux opéras comiques inédits (Hervé et Offenbach). Bouffes-du-Nord, là encore un peu cher en prix plancher (25€ pour deux ténors et piano). Le 5.

Bizet, Carmen les 7, 9 et 10 par l'Orchestre Ut Cinquième (amateur, mais ça ne s'entend pas !) et notamment Daniel Galvez-Vallejo (qui a très bien vieilli et fera un superbe José). Libre participation.

Messager, le délicieux Les petites Michu, célèbre chez les amateurs du genre léger, mais à peu près jamais donné, à l'Athénée qui fait cela très bien. À partir du 19.

Bernstein & Zavaro : Trouble in Tahiti + Manga-Café. Le Zavaro doit être assez récent, je ne l'ai pas écouté (mais langage accessible chez lui). Trouble in Tahiti est du musical ; Bernstein, sans être le représentant le plus talentueux du genre, en maîtrise la grammaire et tous les équilibres, c'est une très jolie pièce. À partir du 8.

Récital de seria par Desandre, Th. Dunford, J. Rondeau et l'Ensemble Jupiter. Très bel attelage. Le 17.

Récital d'airs et ensembles de Gounod, sous l'égide de Bru Zane, à la Maison de la Radio, incluant des pièces très rares (Mors et Vita, Philémon & Baucis, La Reine de Saba…). Et très belle distribution. Le 16.




B. Musique chorale

Lassus, Madrigaux, Herreweghe. Pas le meilleur de sa production, mais Lassus demeure toujours nourrissant, et Herreweghe, contre toute attente, est vraiment à son aise en concert dans les pièces de la Renaissance (ses petites tchèques ont des voix bien fines et tranchantes taillées pour cela).

Benevolo, Messe de Saint-Louis-des-Français par Niquet (le disque vient de sortir), à Versailles. Couplé avec le Miserere d'Allegri. Le 17.

Messe (vocale) de Titelouze (première exécution, du contrepoint assez scolaire, rien à voir avec les homorythmies majestueuses et radieuses de ses pièces pour orgue) avec des doublures instrumentales (sacqueboutes notamment), motets de Bournonville (on n'a que des bouts minuscules de quelques minutes au disque, et c'est magnifique, pas forcément contrapuntique, déjà une conception harmonique moderne, plus familière) et du Caurroy (mieux documenté, et grand représentant de l'ère finissante du contrepoint-roi) à Notre-Dame-de-Paris. Le 5.

♦ Le merveilleux Requiem de Gilles avec quatre jeunes solistes très talentueux. (Couplé avec le Requiem de Mozart, donc complet.) La Grande Écurie & la Chambre du Roy – du fait du décès de Malgoire, ce sera dirigé par le chef de chœur.

Te Deum de Blanchard et Blamont. Deux très belles œuvres à la charnière de styles nouveaux. Le 30.

Messe a cappella de Gounod (Niquet, Chœur de la Radio Flamande), le 3.

Messe des Pêcheurs de Villerville de Fauré et Messager, Septuor pour cordes vocales et instrumentales, Chant Funèbre (et Chanson perpétuelle) de Chausson, et L. Boulanger, Debussy, Ravel, Séverac… Par le Quatuor Zaïde (ancien lauréat du Concours d'Évian-Bordeaux) et un chœur féminin, à la Légion d'Honneur (Saint-Denis). Le 9.

♦ Concert du Chœur de l'Orchestre de Paris : Debussy, Ravel, Poulenc a cappella, des sommets qui requièrent des qualités spécifiques de transparence et d'articulation, pour lesquelles ils sont idéalement taillés. Ce sera une très grande expérience d'émotion chorale. Le 21, donc gratuit. (Mais il faudra arriver tôt, je suppose. Et supporter un public potentiellement plus touriste que mélomane – pendant un de leurs concerts Bruckner à Notre-Dame, mon voisin était juste venir pour faire des photos et mitraillait avec les bruits d'obturateur pendant toutes les pièces.)

Concert franco-finnois a cappella du chœur amateur Ave Maris Stella, jumelé avec des invités de Finlande. Le 15.



C. Musique symphonique

Ça sent la fin de saison.

Sibelius, Symphonie n°1, la moins donnée (il est vrai que c'est aussi la moins originale, quoique tout sauf banale !), par le Phiharmonique de Radio-France (vraiment taillé pour cette musique), dans un couplage étrange avec du piano seul de Debussy par Andsnes (Estampes).

Szymanowski, Concerto pour violon n°2 ; R. Strauss, Suite tirée de La Femme sans ombre. Deux bijoux de rutilances orchestrales (les deux concertos de Szymanowski sont plus nourrissants que n'importe quelle symphonie du répertoire). Le 13.

Schmitt (Cléopâtre, Suite n°2), Debussy-Koechlin (Khamma), Roussel (Suite de Padmâvatî), Shéhérazade de Ravel… programme français très original et dense à la Philharmonie, les 9 et 10.



D. Musique solo et chambriste

Le folklore de LULLY et Purcell à Brahms, concert-démonstration dans le grand Studio de la Philharmonie. Le 1er.

♦ Concert par Julien Chauvin à l'Hôtel de Lauzun à 12h30, mais impossible de trouver les conditions d'accès. Le 6.

Nuit du Quatuor du Festival Bru Zane aux Bouffes-du-Nord : quatre concerts d'excellents ensembles (Cambini, Ardeo, Modigliani…) dans des quatuors français très rares – Rejcha, Onslow, Gouvy, Gounod, Saint-Saëns… !  Seule réserve, c'est un peu cher, comme toute la musique de chambre dans cette salle (25€ le concert d'une heure, 40€ les deux heures…). Le 1er.

Marguerite Canal, Sonate pour violon et piano (avec Capuçon) ; Chausson, Concert ; Ravel, Quatuor. (Canal, ça ressemble à du gentil Fauré-Ravel. Pas vertigineux, mais joli.) Le 10.

Quintettes à vent de Roussel, Cras, Tournier, Pillois. Pas les sommets de leurs auteurs, mais de très jolies pièces rafraîchissantes. Le 9.

♦ C'est aussi le moment des récitals de fin d'année : l'occasion, au CRR et au CNSM, d'entendre (le PDF synoptique des récitals, pour la plupart en journée néanmoins, se trouve sur leur site) des instruments rarement proposés en solo, comme le contrebasson ou les ondes Martenot !




E. Lieder, mélodies & airs de cour

Cantates baroques françaises par Eva Zaïcik et le (Taylor) Consort. Elle vient de remporter le Deuxième Prix du Concours Reine Élisabeth et chante en ce moment même à Versailles Lybie, le plus beau rôle de Phaëton de LULLY. Chair sonore et diction superlative, excellent continuo… Couplé avec Purcell et Haendel, je crois que c'est sensiblement le même programme que leur (fabuleux) récital à l'Hôtel de Soubise il y a quelques mois.

Récital de mélodie en forme de panorama des explorations de Christoyannis & CohenGounod, Lalo, Godard, Saint-Saëns, La Tombelle seront de la partie !  Le 4.

Mélodies françaises rares par Isabelle Druet : Bonis, Fauré, Duparc, Debussy, Hahn, Godard, N. Boulanger, Chaminade, Offenbach, Dubois, accompagnée par un ensemble. Le 6.

Mélodies françaises par Marianne Crebassa accompagnée par Fazıl Say. Je la trouve moins saisissante, à cause même de la nature de la voix (très charpentée et couverte) à l'opéra qu'en mélodie, mais elle passe toujours très bien dans les salles, et est l'une des grandes interprètes actuelles des Shéhérazade de Ravel (pas si souvent données avec piano, il faut dire que la réduction est difficile, pas forcément confortable pour tous les accompagnateurs).

Mélodies roumaines (Stephănescu, Brediceanu), russes (Rachmaninov), anglaises (Balfe) françaises (Martini, Debussy), italiennes (Bellini, Flotow, Tosti, Respighi) et airs d'opéras italiens (Pergolesi et Paisiello) par Angela Gheorghiu, une sacrée surprise de la voir sortir ce degré d'audace – même si je suppose que ce seront des pièces, pour les rares roumaines, tout aussi gentilles que les autres du programme… Je tâcherai néanmoins d'y être, le 17, si le flot de raretés ne m'a pas déjà fait rendre gorge.



F. Spectacles transversaux

♦ Airs d'opéras italiens traditionnels par Inva Mula (Porgi amor, La Fille du Régiment et La Vestale traduits en version italienne…) et pièces pour tuba solo de l'époque de l'Empire. Inclut notamment la Marche Consulaire de Marengo… Le 7.

Impact de Kierkegaard en France. Table ronde à la très avenante Maison du Danemark, avec un peu de musique pour vents (Mozart, Schubert).



G. Pour le plaisir de retrouver quelques chouchous

Le mois étant très chargé, j'avoue bien humblement ne pas avoir suivi de près mes ensembles favoris – priorité aux propositions originales de répertoire. Il faut dire aussi, qu'avec les beaux jours, beaucoup s'échappent de ma proximité immédiate pour aller dans les festivals qui animent, l'été, les campagnes lointaines.



H. Théâtre


♦ Pour information, le cycle intégral Ibsen du Théâtre du Nord-Ouest (dont on m'a dit qu'il était très inégal, mais pas forcément mauvais) se prolonge pendant l'été, quelques dates éparses en plus, au milieu d'autres choses. (Je réitère mon avertissement aux personnes allergiques sur la quantité de poussière présente dans les lieux.)

♦ De même, Comédiens !, adaptation du livret d'I Pagliacci de Leoncavallo par la troupe (de comédie musicale) qui fit la jubilatoire Poupée sanglante d'après Leroux et L'Écume des jours d'après Vian, à nouveau très bien accueilli par le public et la critique, est prolongé pendant l'été.
Il m'a aussi semblé lire que la Poupée sanglante était de retour pour une reprise (Théâtre de la Huchette, toujours).



Voilà, vous avez de quoi trouver tout ce que vous ne vouliez pas chercher. Bon juin !

mercredi 16 mai 2018

[glottologie] – Concours Reine Élisabeth 2018 : chant


Voilà un moment que je n'avais pas proposé une séance de glottophilie pure, comme un commentaire de concours.

Comme je viens de le faire sur Classik, voici quelques impressions (jetées avec désinvolture, il faut donc filtrer l'emporte-pièce) sur les récitals de finals (et quelques-uns de demi-finale) au Concours Reine Élisabeth 2018, un des concours de chant au monde où le niveau est le plus élevé ; en tout cas un de ceux où il y a très peu de déchet quand on arrive aux demi-finales, et toujours quelques belles personnalités.

Les vidéos des finales et des demi-finales sont disponibles sur le site du concours, par cette page notamment.

Les récompensés se répartissent comme suit.
Premier Prix : Samuel Hasselhorn
Deuxième Prix : Eva Zaïcik
Troisième Prix : Ao Li
Quatrième Prix : Rocío Pérez
Cinquième Prix : Héloïse Mas
Sixième Prix : Marianne Croux

À présent, mon avis. J'ai déjà mentionné plusieurs de ces chanteurs sur Carnets sur sol, lors de concerts de ces cinq dernières années :
● Samuel Hasselhorn 1 & 2 (concerts en 2013, lors de son séjour parisien).
● Eva Zaïcik (apparemment Zaičik ?) dès 2013 également : 1, 2 (putti d'incarnat 2015-2016, déjà!), 3 ; un portrait était même prévu (mais désormais qu'elle est quasi-célèbre, ce n'est plus utile).
● Marianne Croux (dès 2014) 1 & 2 (elle s'est vraiment améliorée depuis, sa finale en atteste).
Fabien Hyon (notamment en Louis XIV).
● Aussi Dania El Zein (dont je n'ai pas dû dire trop de bien), mais dans des rôles secondaires pas nécessairement significatifs.

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Par avance, je prie les interprètes, s'ils lisent cette page, de ne pas m'en vouloir pour les formulations non filtrées (pas initialement prévues pour CSS, simplement une conversation au débotté sur un forum, mais comme j'ai tout commenté, autant en laisser une archive ici…) ; je tâche de toujours motiver et remettre en perspective mes appréciations, mais ce peut blesser, surtout lorsqu'on débute dans la carrière et touche ses premiers lauriers en même temps que ses premières critiques injustes.

Il ne faut donc pas prendre au tragique ces appréciations : je ne suis pas leur professeur de chant, je n'étais pas dans la salle (ce qui peut vraiment changer radicalement la perception, pour certaines voix), et il ne faut voir nulle recherche de malice ou d'épate à bon compte dans les formulations. C'est à mettre en regard de ma propre conception de l'intérêt du chant lyrique, de mon tropisme pour les voix claires et antérieures, etc. Même si je suis convaincu que pour des raisons fondamentales (nature communicative de l'opéra, ou simple efficacité acoustique), j'ai raison, et que certaines esthétiques sont un dévoiement frustrant de l'esprit ou du style… ce n'est que mon avis, toute subjectivité bue. Et il ne remet pas en cause le travail des artistes ; tout au plus pose-t-il des questions plus larges sur ce qu'on attend de l'opéra – avec moi, Germaine Lubin ou Joan Sutherland n'auraient pas passé les demi-finales (et probablement pas la présélection pour la première !).

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Avant l'écoute :

Je retrouve un certain nombre de chanteurs déjà entendus plusieurs fois dans cette sélection : Sunghoon Choi, Shahar Lavi et Héloïse Mas en retransmission (effectivement dans un genre un peu épais pour moi, mais c'est tout sauf déplaisant), et en vrai Samuel Hasselhorn, Eva Zaïcik, Marianne Croux, Dania El Zein, Axelle Fanyo, Fabien Hyon (dont je suis complètement fan, un ténor qui ne semble jamais aigu, toujours bien disant).

Eva Zaïcik, oui, bouleversante, partout ; à la fois une diction extraordinairement précise et une voix d'une rondeur et d'une volupté exceptionnelles, avec du volume… si elle ne se précipite pas tout de suite pour chanter Erda (ce qui n'a pas l'air son genre), elle a beaucoup à donner dans le baroque (elle est au Jardin des Voix, sort du CNSM, a participé aux petits chœurs du Concert Spirituel depuis au moins 5 ans…), dans le lied (où elle est formidable aussi), et sans doute plus tard dans des répertoires plus larges (entendue dans Paulina de la Dame de Pique, tétanisante).
Une des chanteuses en activité les plus intéressantes, à mon sens.

Samuel Hasselhorn (qui a déjà brillé dans des concours de lied) a des limites techniques : il ne sonne bien qu'en allemand et que dans le lied – manifestement un ténor qui n'a pas tout à fait trouvé sa voix. Mais dans le lied, il irradie avec un naturel et une diction fabuleux… s'il peut en vivre, on s'estimera comblés.

Axelle Fanyo (issue du CNSM il y a déjà quelques années) a un gros potentiel avec une voix large, qui sonne moins bien en retransmission (il peut manquer des harmoniques et paraître faux, même lorsque ce n'est pas le cas), et qui a encore des efforts à faire côté articulation du texte et fermeté de la ligne. Mais elle peut beaucoup si elle discipline sa vaste voix.

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Pendant & après l'écoute des épreuves :

L'accompagnement d'Alain Altinoglu transfigure l'Orchestre de la Monnaie (qui est toujours très bon, mais en feu ces soirs-là, ce qui est rare dans ce type de circonstance). Les accompagnateurs piano, dont je n'ai pas noté les noms et qui ne m'étaient pas familiers (contrairement à Daniel Blumenthal lors de précédentes éditions) étaient extrêmement impressionnants, non seulement fiables mais de très, très bons musiciens (pourquoi diable ne confie-t-on pas les récitals de piano aux chefs de chant, ils sont tellement meilleurs que les solistes ?).

Ci-après, mes commentaires, dans l'ordre de passage de la finale que je vous invite à suivre simultanément :

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Ao Li (n°3), basse ; la finale.

◊ Certes, les langues sont meilleures qu'il y a dix ans chez les compétiteurs sino-coréens, mais je suis toujours gêné (particulièrement chez les Chinois) par le placement très rugueux… ils utilisent la technique italienne d'une façon un peu dévoyée, qui cherche le son, mais qui reste en gorge, jamais de brillant, peu de timbre… D'autres aires le résolvent bien en utilisant leur propre école (les Russes !), mais pour beaucoup de Chinois (c'est de moins en moins vrai pour les Coréens, qui commencent à avoir une véritable tradition de chant lyrique européen), ça reste problématique : convaincant éventuellement, mais très rarement séduisant. Ça viendra bien sûr : on peut désormais entendre à Pékin le Ring dans un très bel allemand (et avec un Loge fantastique…).

◊ En italien, les [o] ouverts se ferment trop dans l'aigu, les [a] sont exagérément ouverts grands les graves pour faire expressif. Et son Bartolo se perd dans le sillabando, vraiment en retard (il faut le prendre plus lentement, alors !).

◊ Et son Aleko, très bien chanté, n'est pas émis de façon russe, ni très narratif, alors que c'est un moment qui dégouline de drame comme peu d'autres… J'ai l'impression de passer un peu au travers (mais c'est personnel : je supporte mal d'entendre chanter du russe mal placé, de l'italien blanchi ou du français en arrière).

◊ Je n'ai pas senti non plus la bête de scène : une face par personnage… Bien sûr, ce sont des choses qui se travaillent sur scène, d'autant qu'il a choisi un programme très dramatique et intense.

◊ Justement, le point fort, c'est le choix du programme : Ralph (Bizet), Bartolo (Rossini), Aleko, de grandes scènes très expressives qui échappent au stéréotype de l'air de concert. Et je suppose, vu son succès que la voix doit être bien sonore, ce qui est rare chez les basses chantantes.

Évidemment, outre l'affaire du goût (ils savent tous chanter, c'est ensuite la question de ce qu'on veut entendre, de leurs limites et de leur potentiel)… le fait de les entendre en vrai est capital, et peut expliquer pourquoi Untel exceptionnel n'a pas été choisi et un autre plus terne (qui sonnait de façon très présente sur place) a été distingué.

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Germán Enrique Alcántara (non classé), baryton ; la finale.

◊ Vraiment une voix de baryton très bien faite, avec de l'assise et de la clarté. Aussi l'un des très rares à pouvoir chanter l'air du Comte des Noces en concert sans se prendre les pieds dans la strette finale, agilité ET fa dièse assurés. Peut-être pas une voix au timbre très original, mais assez parfait.

◊ Clairement moins à l'aise en allemand et dans les barytons un peu plus graves, son Pierrot est un peu tassé, mais sans faiblesse sérieuse, vraiment une voix à la fois ronde et assez franche.

◊ C'est encore plus gênant en français, avec son sa « chanson romanesque » des Don Quichotte à Dulcinée, dans un français tout en arrière et vraiment tassé. À l'inverse, fantastique finition de son Riccardo des Puritains, vraiment une des plus belles versions que j'aie pu entendre (on se situe à un niveau Zancanaro de belcanto, là), avec un legato parfait, du moelleux, mais aussi un vrai mordant. Et dans le Figaro de Rossini, les aigus sont impressionnants (et lui fait du vrai sillabando impeccable.

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Sooyeon Lee (non classée), soprano ; la finale.

◊ Superbe rondeur (quoique parfois un peu en arrière et un vibrato un peu blanc qui s'ajoute), vraiment facile, elle place avec une moelleux incroyable. Mais comme le programme n'a aucun intérêt (les airs de concert de Mozart, franchement, ça mérite à peine la poubelle pour les accumuler), parce que la pauvre, elle est colorature, on est obligé d'écouter uniquement des volutes et galipettes. Elle aurait pu proposer autre chose, mais quand on est colorature, c'est là-dessus qu'on est jugée pour pouvoir tenir les emplois. (Quel ennui, tellement loin de ce que je trouve passionnant dans le chant.)

◊ Mais elle, oui, elle chante merveilleusement (dans une langue indéfinie, mais vu le répertoire, est-ce que ça a une importance). Évidemment, si on aime les récitatifs, le drame, les voix antérieures ou le relief de la langue, il faut changer de chaîne. hehe J'irai voir si elle a fait un peu de mélodie en demi-finale, ce serait intéressant.

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Eva Zaïcik (n°2), mezzo-soprano ; finale et demi-finale.

◊ On en a déjà parlé ; mais tout de même, 5 airs en 5 langues (les cinq majeures en matière d'opéra), balayant tout le spectre des styles (opéra XVIIe, oratorio XVIIIe, Rossini, opéra français XIXe, mélodie symphonique russe… !) jusqu'à la fin du XIXe (considérant qu'elle chante très bien Concepción, il y avait de quoi faire après aussi), et toujours avec un style tellement juste, sans outrance, ce médium toujours rond, jamais forcé ni tubé, cette diction parfaite (l'italien est très beau, ce n'est pas si souvent ; le russe capiteux). Et en salle, la voix passe très très bien malgré le moelleux (ou l'absence de vibrato dans le baroque).

◊ Je lui aurais clairement donné le prix, pour moi une des grandes chanteuses du moment ; et tout le monde semble s'en apercevoir, elle est dans le chœur du Concert Spirituel depuis assez longtemps (2013 au moins !), a fait le CNSM, a été sélectionnée pour le Jardin des Voix 2017, été finaliste à Voix Nouvelles, invitée dans de plus en plus de grandes productions (Lybie avec Dumestre dans Phaëton à Versailles et à Caen, le plus beau rôle féminin de l'opéra)… Excellente dans le lied également, même dans les lieder en quatuor comme les Liebeslieder de Brahms ou les Liederspiele de Schumann, où sa partie dispose toujours d'un grand relief.

◊ Malgré son aisance scénique, très émotive : elle raconte qu'elle a manqué de s'évanouir quatre fois (!) pendant la demi-finale.

Amusant (et un peu attristant) de constater la rage qui s'est abattue sur elle dans les antres glottophiles des forums maudits (que je me suis risqué, contre mon habitude, à consulter) – si j'ai bien suivi des raisonnements parfois elliptiques ou tortueux, elle ne beugle pas, c'est suspect – est-ce encore seulement de l'opéra ?

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Danylo Matviienko (non classé), baryton ; finale.

◊ Baryton assez clair. Son placement (ukrainien de l'Est) fait qu'il s'étrangle un peu en montant dans les Fahrenden de Mahler ; en revanche dans Aleko, là la voix reprend sa place naturelle, et la saveur du verbe, la tension de la ligne sont tout autres. Comme souvent, les Russes, quasiment les seuls à avoir conservé la typicité de leur école nationale (voilà un beau sujet de notule technique, les écoles nationales !), font merveille dans leur répertoire propre, et ne se privent pas de l'exploiter.

◊ Il est actuellement dans l'Académie de l'Opéra de Paris. À ce niveau de toute façon, on a rarement des cas comme Hélène Carpentier, qui ne soient pas déjà très insérés professionnellement, une propulsion pour changer de niveau de recrutement, pas pour démarrer une carrière. Michèle Losier l'avait fait (avec succès), alors qu'elle tenait les premiers rôles à Montréal, pour lancer sa carrière européenne. (Et depuis, elle a chanté les premiers rôles à Favart, au TCE, à Garnier…)

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Héloïse Mas (n°5), mezzo-soprano ; finale.

◊ Ouille, ça ne s'est vraiment pas arrangé depuis ma dernière écoute ! Totalement tubé (tellement que les attaques sont souvent un peu basses dans sa Brangäne), absolument inintelligible. Une seule voyelle, du gros vibrato, vraiment tout ce que je n'aime pas. Dans l'aigu, on sent que ça s'éclaire, mais pour moi, tout à fait ce que je n'ai pas envie d'entendre (les appels de Brangäne avec aussi peu de mots, ce n'est plus de la couverture, c'est la Princesse au Petit Pois !).

◊ L'italien non plus ne ressemble à rien – on entend bien l'accent français, mais on ne reconnaît aucun mot tellement tout est archi-couvert et patatechaudé !

◊ C'est peut-être parce que je ne l'avais entendue qu'en français : sa Carmen est bien mieux, et Sapho franchement très bien, placement plus franc du français oblige. Épais (et on ne croirait jamais une française !), mais ça fonctionne. Disons qu'elle chante tout comme on a coutume de chanter Dalila.
Mais consolation : ce sont clairement les meilleures stances de Sapho que j'aie entendues… (il faut dire que le choix, entre Catherine Ciesinski et Anita Rachvelishvili, n'est pas trop dans l'esprit du concours de poésie) Conduite remarquable de la ligne, vraiment comme un archet, et le texte, quoique toujours aussi épaissi, est bien intelligible dans ce bas-médium. Elle m'a cueilli.

Je suis sans doute mauvais juge, puisque c'est, idéologiquement, ce que j'estime être un mauvais choix à l'opéra (où l'intelligibilité doit primer sur la ligne). Beaucoup pensent autrement. (D'ailleurs le Prince Laurent s'est même levé d'enthousiasme après Sapho.)

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Rocío Pérez (n°4), soprano ; demi-finale & finale.

◊ J'aime beaucoup : la voix (là aussi, un certain rapport avec sa langue maternelle) est très franche, même un rien rugueuse, très agréable dans ces parties où l'on entend beaucoup de choses vaporeuses et vaguement informes. La véhémence de la déclamation dans la Reine de la Nuit, la netteté du trait dans Bellini, ça me plaît beaucoup. Les quelques aigus trop bas dans les piqués de la Reine de la Nuit lui ont peut-être coûté un peu (moi je m'en moque totalement, mais vu la quantité de sopranos coloratures, de loin la voix la plus présente dans l'Univers, et la nature de leur répertoire, la perfection pyrotechnique n'est pas un supplément pour qui veut réussir).

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Alex DeSocio (non classé), baryton ; la finale.

◊ Difficile d'en juger en retransmission. La voix a un grain que je trouve désagréable, mais difficile d'entendre s'il s'agit d'un forçage (dans le bas de la voix, ou le [i ] dans l'aigu) ou au contraire d'une résonance facile sans avoir à optimiser les résonateurs… les voix graves (enfin, le la3 est d'une liberté étonnante !) sont compliquées à percevoir en retransmission. Beaucoup moins de surprises chez les femmes et les ténors, en la matière.

◊ L'air de Yeletski ne sonne pas toujours très bien, assez blanchi dans les nuances douces, assez antérieur pour du russe ; et à d'autres moments au contraires, même si j'ai plutôt l'impression qu'il chante italien, il trouve vraiment une forme de justesse particulière (aidé aussi par le tapis épatant offert par Altinoglu).

◊ Il paraît un peu court et prudent dans l'air d'Enrico (Lucia), encore des choses à peaufiner avant de se lancer dans les rôles les plus exposés. Ce n'est pas grand'chose, ça doit bien sortir en répétition, mais avec l'émotion du concours ou du concert, la fatigue des voyages et des dates proches, les aventures de la climatisation, il y a des gestes qu'il faut optimiser.

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Yuriy Hadetzskyy (non classé), baryton ; la finale.

◊ Dans le Comte Almaviva, on sent bien le tropisme arrière, mais il s'en tire très bien, à coups d'allègement. De même dans le Figaro rossinien, avec un bel impact (mais l'italien devient plus étrange aussi). Le français est très en arrière et grimaçant en revanche (chanson romanesque et chanson à boire des Don Quichotte à Dulcinée).

◊ Dommage de n'avoir rien chanté en russe, je suis sûr qu'il doit être très impressionnant. Il paraît que sa demi-finale était plus belle, je vais aller vérifier cela.

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Charlotte Wajnberg (non classée), soprano ; la finale.

◊ Pourquoi commencer par un air en anglais quand la langue (que tout le monde a dans l'oreille) est aussi peu familière ? Par ailleurs, dans Mahler, la voix m'a paru étrangement éteinte, le souffle court… je crois qu'elle était authentiquement morte de trouille.

◊ Au demeurant, sur la couleur de la voix, pas fanatique de ces appuis pharyngés qui tendent à uniformiser les couleurs, à jeter un voile sur le timbre. (Et l'italien n'est vraiment pas bon non plus.)

◊ Oh mon Dieu ! Je me demandais quelle cantate anglaise elle chantait avec un accent si affreux… c'était Les Mamelles de Tirésias ! affraid
Petit effort de diction à faire, donc. (Mais sinon, choix d'airs de concert sympas : Giulietta de Bellini où l'orchestre peut briller, Rheinlegendchen, les Mamelles…)

Il paraît qu'elle était souffrante lors de la finale, ce qui tempère et explique une partie de ces impressions, notamment le faible rayonnement de la voix pour une chanteuse arrivée aussi loin dans une telle compétition.

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Samuel Hasselhorn (n°1), baryton ; demi-finale & finale.

◊ Grosse surprise que sa distinction en première place : c'est un chanteur vraiment fabuleux dans le lied (l'expression, la lumière singulière), mais dès qu'on quitte le répertoire piano et l'allemand (même pour des songs !), ils n'est plus très à l'aise, et on sent bien, dans la vidéo de la finale, combien il est concurrencé par l'orchestre et limité dans ses dynamiques et d'une manière plus générale ses options techniques.

◊ Remporter ce concours est une bénédiction pour lui : maintenant qu'il a (après avoir sillonné tous les concours de lied d'Allemagne !) une notoriété internationale, il peut espérer faire carrière comme liedersänger et chanteur d'oratorio exclusivement, façon Goerne ou Gerhaher. Très peu ont la notoriété suffisante pour cela. Sans quoi, je doute qu'il puisse réellement éclore comme soliste sur les grandes scènes (la voix est peu efficace en matière de projection, et on perçoit très bien que son Posa n'est pas ample).

 En tout état de cause, la prise de risque de récompenser un (tel) spécialiste dans un concours généraliste fait grandement plaisir ! 

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Marianne Croux (n°6), soprano ; la finale

◊ De très gros progrès dans les aigus, qui sonnent à la fois tendus (dramatiquement) et glorieux, avec une belle largeur, vraiment là où elle s'épanouit.

◊ Sinon, je n'aime toujours pas sa technique et sa matière sonore : la voix sonne à la fois mûre (une voix de soprano plutôt typée milieu-de-quarantaine) et encore verte (pas complètement timbrée dans les médiums). Je m'en moquerais assez si le texte n'était pas tout à fait inintelligible, la couleur identique dans toutes les langues (j'avais découvert La Carmélite de Hahn avec elle, pas évident de suivre !).

◊ Au demeurant, je lui trouve (ce qui n'avait pas été évident dans mes précédentes expériences) une réelle générosité, une intensité, quelque chose se passe indéniablement lorsqu'elle chante : elle aura peut-être des choses à faire dans des rôles un peu dramatiques. (Disons que je la vois plus intéressante en Chrysothemis qu'en Comtesse des Noces.)

◊ Au fait, pourquoi cet air du Rake's Progress (que je trouve assez peu passionnant, comme à peu près tout le monde) ?  Pas vraiment le moyen de briller ni de séduire l'auditoire avec de jolies mélodies, ça m'a paru un choix étonnant (mais original, et en tant que tel, forcément plus rafraîchissant qu'une millième Juliette).

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Fabien Hyon (demi-finaliste), ténor ; demi-finale

◊ Excellent dans le baroque comme dans les rôles romantiques, un ténor qui ne paraît jamais aigu, toujours parfaitement intelligible, et comme toujours détendu, toujours parlant, toujours naturel.

◊ Son choix de pièces était étrange et l'a peut-être desservi : deux lieder de Wolf et deux mélodies de Roussel, peut-être un peu abstrait, tout cela accumulé, pour des cerveaux de profs de chant et de public d'opéra ; en tout cas, à découvrir comme cela, pour un concours, ça fait beaucoup. Le seul air dramatique était tiré de l'oratorio très contemplatif du jeune Debussy (cantate du Prix de Rome) : L'Enfant prodigue. En cela, il donnait peut-être l'impression (fausse, moi je le sais, mais le jury ?) qu'il était limité dans ses choix techniques.
Car il est moins facile de convaincre instantanément avec du lied si on n'a pas une personnalité sonore très forte comme Hasselhorn — dont la victoire constitue déjà pour moi une réelle surprise, dans un concours généraliste qui favorise structurellement plutôt les voix d'opéra, même si la mélodie y occupe toujours une très belle part contrairement à la plupart des autres.

◊ Mais son élimination est sans doute surtout due à son émotion perceptible : dans son premier Wolf, les deux aigus sont mal émis (voilés, un peu forcés), alors qu'il les a complètement… Le jury jugeant ce qu'il entend, il est vrai que le résultat n'était pas techniquement irréprochable.

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Mon palmarès ?  Ça n'a pas vraiment de sens, surtout ne les ayant pas entendus dans la salle, mais à vue de nez, quelque chose comme Zaïcik / Alcántara / Hasselhorn / Hyon / Pérez.

La belle nouvelle est que tous, même ceux dont je me suis un peu plaint, chantent vraiment très bien et peuvent faire à bon droit de bien belles carrières — ce qui est plutôt rare dans les concours, où l'on voit souvent arriver assez loin des instruments pas totalement aguerris, des techniques intrinsèquement fragiles, ou tout simplement des personnalités par mûres ou pas passionnantes. Le Concours Reine Élisabeth reste décidément une belle valeur sûre pour faire de bonnes rencontres.

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Prochaines notules :  opéras rares en espagnol et en langues baltes cette année dans le monde, Eugène Bozza, Penthée de Philippe d'Orléans, La Belle meunière pour orchestre seul… Tout est prêt, ne reste qu'à les écrire…

vendredi 22 septembre 2017

Opéras 2017-2018 : raretés et beaux plateaux en Province


Comme chaque année, quantité de bijoux vont circuler à travers le territoire hexagonal (et étranger proche). En particulier à Bordeaux, Lyon, Tours ou Toulouse, mais pas seulement.

Cette année le centre du monde lyrique se trouve incontestablement à Bordeaux, dont toutes les productions suscitent le plus vif intérêt. J'y débute donc mon tour de France. Contrairement aux précédentes éditions, je me suis dit que le lieu était peut-être plus déterminant que les styles : on voyage plus volontiers dans une ville pas trop distante, quitte à étendre ses choix. Et cela procure aussi une visibilité sur les dominantes des différentes maisons. [Retours appréciés sur la question, si vous vous en servez / avez une opinion.]



N.B. : La cote en putti d'incarnat suit la cote « spectacle vivant » et non celle habituelle des disques.

Cote d'intérêt d'œuvre, si elle est rare, pour vous aider à vous déterminer (je ne vais pas me risquer à me prononcer sur les intérêts relatifs de la Flûte vs. Traviata vs. Lohengrin…).
un putto d'incarnat : dispensable
un putto d'incarnatun putto d'incarnat : intéressant (avec des réserves)
un putto d'incarnatun putto d'incarnatun putto d'incarnat : stimulant
un putto d'incarnatun putto d'incarnatun putto d'incarnatun putto d'incarnat : grisant
un putto d'incarnatun putto d'incarnatun putto d'incarnatun putto d'incarnatun putto d'incarnat : depuis tout ce temps qu'on l'attendait !

Cote d'attente d'interprétation. Par essence, contrairement aux œuvres qui existent déjà, elle n'est qu'une projection de probabilités (subjectives de surcroît…).
un putto d'incarnat : ouille
un putto d'incarnatun putto d'incarnat : inégalement attirant
un putto d'incarnatun putto d'incarnatun putto d'incarnat : très appétissant
un putto d'incarnatun putto d'incarnatun putto d'incarnatun putto d'incarnat : exceptionnel
un putto d'incarnatun putto d'incarnatun putto d'incarnatun putto d'incarnatun putto d'incarnat : potentiellement une référence à venir




En Province


Bordeaux :
Bellini – Il Pirata un putto d'incarnatun putto d'incarnat
Ce n'est pas l'œuvre du siècle, assez loin des grands aboutissements de Bellini (même de La Straniera et des Capuletti, voire de la Sonnambula), du belcanto assez pâle à mon gré (sans les petites finesses harmonies ou les joliesses d'orchestration dont il est coutumier par ailleurs). Mais c'est rare. De la distribution, je ne connais que René Barbera (excellent ténor spécialiste), et Adèle Charvet dans le petit rôle d'Adele. Si le reste est du même niveau, ce sera très beau.
Offenbach – La vie parisienne un putto d'incarnatun putto d'incarnatun putto d'incarnatun putto d'incarnatun putto d'incarnat
Pas l'œuvre majeure du répertoire, mais dirigé par Minkowski avec Gillet, M.-A. Henry, Extrémo, de Hys, Fouchécourt, Barrard, H. Deschamps. Uniquement des chouchous, et uniquement de grands interprètes.
Debussy – Pelléas et Mélisande un putto d'incarnatun putto d'incarnatun putto d'incarnatun putto d'incarnatun putto d'incarnat
Avec Minkowski, Skerath, Brunet, Barbeyrac, Duhamel et Varnier !  Quelle distribution éclatante, complètement francophone de surcroît – et de quelle façon !  Petite curiosité, la mise en scène est assurée par Philippe Béziat, qui avait tourné le documentaire autour de la création russe de Pelléas en juin 2007 – par Minkowski et Py.
R. Strauss – Elektra un putto d'incarnatun putto d'incarnatun putto d'incarnatun putto d'incarnatun putto d'incarnat
Avec Brimberg, M.-A. Henry, Palmer, Alvaro, Mortagne, Delunsch (dans les élans de la Cinquième Servante !), et dans les rôles minuscules Morel, Pasturaud, Legay, Tachdjian, Tréguier !  Même au disque et en studio, j'ai peu vu de distributions aussi exaltantes : le duo épique des sœurs, la Cinquième Servante, l'ultra-luxe de chaque petit rôle…
Henri Rabaud – Mârouf, savetier du Caire. un putto d'incarnatun putto d'incarnatun putto d'incarnatun putto d'incarnat
Un opéra rare foisonnant, très riche et fantaisiste, qu'on peut conseiller à tous : beaucoup de matière musicale, beaucoup d'action, mise en scène traditionnelle (mais animée) très chatoyante pour les novices, et distribution de feu : Bou, Santoni, Teitgen, et puis dans la constellation de petits rôles importants Legay, Contaldo, Leguérinel, Peintre, Tachdjian, Yu Shao – toutes personnes dont l'éloge a déjà été fait dans ces pages.
Boesmans – Pinocchio un putto d'incarnatun putto d'incarnatun putto d'incarnatun putto d'incarnat
La nouvelle production Boesmans-Pommerat, après le succès remarquable d'Au Monde (sorte de langage de Pelléas atonal placé dans l'univers théâtral désabusé d'aujourd'hui), prend à nouveau une distribution remarquable (Briot, Lhote, Auvity, Le Saux…), et va tourner en France. Intriguant et très attirant. La cotation n'exprime que l'attente, puisque personne ne l'a encore entendu !
Annoncé pour 2018 en Île-de-France (Athénée à l'automne ?).

◊ Seule production peu attirante, la Lucia de Donizetti avec Behr et Sempey, qui va agréger à peu près tout ce que je n'aime pas en chant – mais ce ne sera pas vilain non plus, loin s'en faut. Et il y aurai Thomas Bettinger (Arturo) et François Lis (Raimondo).


Toulouse :
d'Albert – Tiefland un putto d'incarnatun putto d'incarnatun putto d'incarnatun putto d'incarnat / (un putto d'incarnatun putto d'incarnat)
Certes avec Schukoff, Brück et Flor, donc pas la fête de la glotte facile ni des baguettes élancées, mais tout de même, ce petit bijou de romantisme décadent – plaqué sur un livret réaliste, sorte de Wally allemande, à ceci près que la musique en est remarquable…
Puccini – La Rondine un putto d'incarnatun putto d'incarnat
De la conversation en musique dans le genre lyrique italien. Je ne suis pas un inconditionnel (ça sirupise beaucoup), dans le genre Wolf-Ferrari a beaucoup mieux réussi la juste mesure, à mon sens. Mais c'est peu donné.


Limoges :

Piazzolla – María de Buenos Aires
Je suppose que ce dépendra beaucoup du parti pris lyrique ou non. (Je me rends compte que je ne l'ai jamais écouté, alors que ça pique ma curiosité depuis lontemps !)
Bizet – Les Pêcheurs de perles un putto d'incarnatun putto d'incarnatun putto d'incarnatun putto d'incarnatun putto d'incarnat
Avec Guilmette, Dran et Duhamel. Là encore, du très bon francophone !  (Duhamel y était tout bonnement miraculeux il y a un peu plus d'un lustre. La voix a changé vers plus de noirceur, moins de clarté, d'impact et d'aisance en haut, il faut voir. Mais ce sera très beau de toute façon.)


Rennes :
Gounod – Le Médecin malgré lui un putto d'incarnatun putto d'incarnatun putto d'incarnat
Rare, et agréable.
Zemlinsky – Der Zwerg un putto d'incarnatun putto d'incarnatun putto d'incarnat
Un opéra court assez régulièrement donné en France (et la Tragédie florentine doit être dans le top 5 ou 10 des opéras du XXe montés en France…). L'intérêt réside particulièrement dans la prise de rôle de Mathias Vidal, le chanteur le plus éloquent en activité – jamais entendu en allemand pour ma part, en italien il est quasiment aussi excellent qu'en français. La voix a gagné en largeur, et il a démontré qu'il pouvait tenir, malgré sa nature de départ, de véritables rôles lyriques. Ici, on est à la frontière du très grand lyrique, voire du dramatique (surtout à l'échelle italienne !), mais l'orchestre ne concurrence pas trop, je suis très curieux d'entendre le résultat.


Angers-Nantes :

1 opéra-comique d'Hervé : Mam'zelle Nitouche
1 opérette de Messager : Les P'tites Michu
Haendel – Rinaldo un putto d'incarnatun putto d'incarnatun putto d'incarnatun putto d'incarnatun putto d'incarnat
Dirigé par B. Cuiller, avec Negri, Dolié et surtout Benos – le seul contre-ténor en activité, avec Bejun Mehta dans un genre plus héroïque, qui me paraisse vraiment doté d'un impact physique et d'une capacité de diction. Je n'aime pas faire de généralités abusives, mais vraiment, tous les autres altos masculins que j'ai entendus en salle, même ceux qui sonnent bien en retransmission et au disque (Fagioli, Čenčić…) n'ont aucun impact sonore, même de près, et s'expriment dans une certaine bouillie verbale. C'est très bien dans le répertoire sacré (en particulier dans les chœurs et les ensembles), mais pour tenir des solos dans des situations dramatiques, ça ne fonctionne vraiment pas bien. Sauf Benos, passionnant jusque dans le lied.
[Tournée à Quimper, Besançon, Saint-Louis, Compiègne, Dunkerque, Charleroi, Mâchon, La Rochelle.]
Berlioz – La Damnation de Faust un putto d'incarnatun putto d'incarnatun putto d'incarnatun putto d'incarnatun putto d'incarnat
Avec Hunold, Spyres, Alvaro. Ça vient de se terminer et c'était semble-t-il hautement satisfaisant.


Tours :
Gounod – Philémon et Baucis un putto d'incarnatun putto d'incarnatun putto d'incarnat
Pas le Gounod le plus saillant (un peu uniformément doux…), mais rarissime, à l'occasion de l'anniversaire.
Tchaïkovski – Iolanta un putto d'incarnatun putto d'incarnatun putto d'incarnatun putto d'incarnat
Le dernier opéra de Tchaïkovski semble s'imposer durablement sur les scènes européennes. Pas du niveau constant de ses deux précédents, toujours au répertoire (Onéguine et Dame de Pique, sommets assez absolus du genre opéra), mais un joli conte aux couleurs plus françaises, moins prodigue en épanchements lyriques. J'aimerais bien qu'on nous donne aussi les premiers, qu'on ne joue jamais (L'Enchanteresse en particulier, mais je ne dirais pas non à Vakoula ou au Voïévode !).
Rimski-Korsakov – Mozart et Salieri un putto d'incarnatun putto d'incarnat
Mise en musique littérale de portions des saynètes de Pouchkine, sous une forme très récitative. Pas évident pour les non-russophones, et pas très chatoyant en tout état de cause, mais change de ce qu'on joue majoritairement.
Britten – A Midsummer Night's Dream un putto d'incarnatun putto d'incarnatun putto d'incarnat
Non sans longueurs, mais non sans charmes (les chœurs, les répliques de Puck !).


Caen :
Hervé – Les Chevaliers de la Table Ronde un putto d'incarnat / (un putto d'incarnatun putto d'incarnatun putto d'incarnat)
Vraiment pas grand intérêt musical ni scénique, sans être sublimé par l'interprétation pour ce dont j'ai pu juger par la retransmission (en tournée depuis deux ans).
Marais – Alcione un putto d'incarnatun putto d'incarnatun putto d'incarnatun putto d'incarnat / (un putto d'incarnatun putto d'incarnatun putto d'incarnatun putto d'incarnatun putto d'incarnat)
Production de l'Opéra-Comique (Savall / L. Moaty).
Poulenc – Dialogues des Carmélites un putto d'incarnatun putto d'incarnatun putto d'incarnatun putto d'incarnatun putto d'incarnat
Production du théâtre des Champs-Élysées dans la belle mise en scène de Py, avec sa distribution affolante : Petibon-von Otter-Gens-Devieilhe-Koch-Barbeyrac-Cavallier (et Piolino, Hys et Lécroart dans les petits rôles !).


Rouen :
Cherubini – Médée un putto d'incarnatun putto d'incarnat
En version française, avec Hervé Niquet.


Lille :
Mozart – Così fan tutte un putto d'incarnatun putto d'incarnatun putto d'incarnatun putto d'incarnat
Par Haïm et Honoré. Avec Azzaretti, Arduini et Rivenq qui seront excellents. Autres interprètes inconnus de moi (Mantashyan, Verrez, Giustiniani).
Offenbach – Le Roi Carotte un putto d'incarnatun putto d'incarnatun putto d'incarnat / (un putto d'incarnatun putto d'incarnatun putto d'incarnatun putto d'incarnatun putto d'incarnat)
Reprise de la production Pelly : Schnitzler, Mortagne, Beuron, H. Mas, Gay, Grappe, Briot…
Zemlinsky – Der Zwerg un putto d'incarnatun putto d'incarnatun putto d'incarnat
Un opéra court assez régulièrement donné en France (et la Tragédie florentine doit être dans le top 5 ou 10 des opéras du XXe montés en France…). L'intérêt réside particulièrement dans la prise de rôle de Mathias Vidal, le chanteur le plus éloquent en activité – jamais entendu en allemand pour ma part, en italien il est quasiment aussi excellent qu'en français. La voix a gagné en largeur, et il a démontré qu'il pouvait tenir, malgré sa nature de départ, de véritables rôles lyriques. Ici, on est à la frontière du très grand lyrique, voire du dramatique (surtout à l'échelle italienne !), mais l'orchestre ne concurrence pas trop, je suis très curieux d'entendre le résultat.

Tourcoing :
Debussy – Pelléas et Mélisande un putto d'incarnatun putto d'incarnatun putto d'incarnatun putto d'incarnatun putto d'incarnat
Très appétissante version : à la perspective intriguante d'écouter Malgoire diriger ce répertoire, s'ajoute une distribution où figurent uniquement (hors Andrieux, et Devieilhe et ses soirs) des diseurs baroqueux !  Devieilhe en alternance avec Reinhold (pas du tout les mêmes caractéristiques, ce serait étonnant de comparer !), Andrieux, et puis Buet, Haller, Delaigue, Faraon, Buffière !

Reims :
Grétry – Richard Cœur de Lion un putto d'incarnatun putto d'incarnat
Emblématique sans être majeur, on ne peut néanmoins considérer avoir vécu sans entendre « Ô Richard, ô mon roi » et bien sûr l'ariette de Laurette chantée de façon complètement désarticulée par la vieille Comtesse dans la Dame de Pique de Tchaïkovski.
Bizet – Les Pêcheurs de perles un putto d'incarnatun putto d'incarnatun putto d'incarnatun putto d'incarnatun putto d'incarnat
Avec Guilmette, Dran et Duhamel. Là encore, du très bon francophone !  (Duhamel y était tout bonnement miraculeux il y a un peu plus d'un lustre. La voix a changé vers plus de noirceur, moins de clarté, d'impact et d'aisance en haut, il faut voir. Mais ce sera très beau de toute façon.)


Metz :
Saint-Saëns – Samson et Dalila un putto d'incarnatun putto d'incarnatun putto d'incarnatun putto d'incarnat
Avec Kamenica, Furlan, Duhamel, Bolleire !  Sans doute pas très intelligible chez Kamenica (mais quel fruité !), et francophones remarquables et vaillants pour les autres.
☼ (On annonce Sigurd de Reyer en début de saison prochaine !)


Nancy :
Massenet – Werther un putto d'incarnatun putto d'incarnatun putto d'incarnat
Avec Montvidas et d'Oustrac. Probablement pas totalement idoine, mais très intriguant assurément, et sans doute original et… différent !


Strasbourg :

■ Saison étrange, très peu de titres grand public, beaucoup d'arrangements et de contemporain.
Zandonai – Francesca da Rimini un putto d'incarnatun putto d'incarnatun putto d'incarnat
L'œuvre, langage italien de la mouvance pucciniste, est mâtinée d'aspects plus richardstraussiens, un beau mélange sonore, même si le livret est particulièrement immobile – une action par acte, dans un rythme dramatique qui n'excède pas de beaucoup Lohengrin (Parsifal, à côté, c'est The Naked Gun III). Après une assez longue éclipse dans tout le milieu du XXe siècle, elle semble être programmée à intervalles assez régulier en Europe ces dernières années (à un échelon moindre, un peu comme Hamlet de Thomas, Die tote Stadt de Korngold ou les Janáček).
Manoury – Kein Licht un putto d'incarnatun putto d'incarnatun putto d'incarnatun putto d'incarnat
Manoury fait partie des rares compositeurs atonals en activité à être capable d'écrire réellement bien pour le drame et la voix. Très curieux de voir ça très bientôt à l'Opéra-Comique à Paris.


Dijon :
Mondonville – L'Amour et Psyché un putto d'incarnatun putto d'incarnatun putto d'incarnat
Un ballet en un acte qui n'a jamais été enregistré – style galant post-ramiste. En couplage avec le merveilleux Pygmalion Avec Bennani de Rameau., Léger, Sicard (et Mechelen Jr. dans Pygmalion), le Concert d'Astrée.

Verdi – Simone Boccanegra
Pas souvent donné en Province, j'ai l'impression.
Boesmans – Pinocchio un putto d'incarnatun putto d'incarnatun putto d'incarnatun putto d'incarnat
La nouvelle production Boesmans-Pommerat, après le succès remarquable d'Au Monde (sorte de langage de Pelléas atonal placé dans l'univers théâtral désabusé d'aujourd'hui), prend à nouveau une distribution remarquable, différente de Bordeaux (Briot, Degout, Beuyron, Boulianne, Munger…), et va tourner en France. Intriguant et très attirant. La cotation n'exprime que l'attente, puisque personne ne l'a encore entendu !
Annoncé pour 2018 en Île-de-France (Athénée à l'automne ?).

Saint-Étienne :


■ Depuis l'expulsion de Campellone, qui vient désormais plus régulièrement à Paris pour combattre la pénurie de concerts (…), pour notre plus grand plaisir… Saint-Étienne n'est plus, hélas, le même centre d'exploration du répertoire massenetien et du XIXe français tardif.
Cilea – Adriana Lecouvreur un putto d'incarnatun putto d'incarnatun putto d'incarnat
Là aussi, peu donnée en France. Pour ma part, j'adore les parties comiques (début du I et du III), c'est-à-dire à peu près toutes les scènes de Michonnet, dans une veine archaïsante qui n'empêche pas la virtuosité ; beaucoup moins toute la partie sérieuse, où les gros motifs sont rabâchés à coups de doublure voix-orchestre, vraiment pas du grand raffinement. Et puis cette fin supposément pathétique (et tellement peu XVIIIe, malgré le sujet « réaliste ») qui vient conclure un vaudeville que je trouve plutôt fendard…


Lyon :

■ Pour la première fois depuis bien des années, Lyon n'est pas l'Opéra doté de la plus belle programmation de France – je mets de côté l'Opéra-Comique qui, en abandonnant le grand répertoire à Garnier, Bastille et Champs-Élysées, peut se spécialiser dans les répertoires qui me plaisent. Néanmoins, si Bordeaux fait carton plein, Lyon représente cette saison encore un très solide dauphin !
Mozart – Don Giovanni un putto d'incarnatun putto d'incarnatun putto d'incarnatun putto d'incarnat
Avec Montanari, le très charismatique Sly (le rôle doit lui aller comme un gant), l'inaltérable Buratto, l'expressif Ketelsen – certes, il y a Julien Behr et ses limites, mais ce n'est pas non plus de quoi sortir fâché. Très prometteur.
Rossini – La Cenerentola un putto d'incarnatun putto d'incarnatun putto d'incarnat
Mise en scène de Herheim en coproduction avec Oslo, direction musicale du spécialiste Montanari (et Cyrille Dubois en Prince), de quoi rehausser la seule reprogrammation d'un classique.
Verdi – Attila un putto d'incarnatun putto d'incarnatun putto d'incarnat / (un putto d'incarnatun putto d'incarnatun putto d'incarnatun putto d'incarnat)
Des longueurs assez peu exaltantes (les duos des amoureux, peu tourtereaux au demeurant), mais aussi des moments impressionnants comme les affrontements entre Attila et l'Ambassadeur de Rome, ou ses songes terrifiants. Avec T. Serjan, Markov, Ulyanov. Et visite à Paris ensuite.
Verdi – Don Carlos un putto d'incarnatun putto d'incarnatun putto d'incarnatun putto d'incarnat
Version française de ce standard. Production d'Honoré, et belle distribution : S. Matthews, Romanovsky, Degout, Pertusi, Scandiuzzi, Bolleire.
Rimski-Korsakov – Mozart et Salieri un putto d'incarnatun putto d'incarnat
Mise en musique littérale de portions des saynètes de Pouchkine, sous une forme très récitative. Pas évident pour les non-russophones, et pas très chatoyant en tout état de cause, mais change de ce qu'on joue majoritairement.
Zemlinsky – Der Kreiderkreis un putto d'incarnatun putto d'incarnatun putto d'incarnatun putto d'incarnat / (un putto d'incarnatun putto d'incarnatun putto d'incarnatun putto d'incarnatun putto d'incarnat)
Un des grands Zemlinsky les moins joués, servi par une brochette de spécialistes : L. Koenigs à la direction, Beller Carbone, G. Fassbender, (Lauri) Vasar et le miraculeux Rügamer. Mise en scène d'un excellent directeur d'acteurs chantants, Richard Brunel.
Respighi – La Belle au bois dormant un putto d'incarnatun putto d'incarnatun putto d'incarnatun putto d'incarnat
Une charmante miniature ni hardie, ni totalement archaïsante. Très séduisant.

☼ Comme si cela ne suffisait pas, sept (!) soirées avec le War Requiem de Britten « mis en scène », avec rien de moins que Chtcherbatchenko, Groves et L. Vasar !

Avignon :

♦ Deux titres légers (Des Land des Lächelns de Lehár et Les Mousquetaires au couvent de Varney).

Montpellier :
Verdi – Nabucco un putto d'incarnatun putto d'incarnatun putto d'incarnat
Pas si souvent donné en France, et avec Jennifer Check en Abigaille – il y a quinze ans, elle chantait formidablement Rusalka… Ça fait a priori plutôt très envie, si la voix a évolué harmonieusement (j'ai pourtant tâché de la suivre, mais les bandes américaines circulent moins bien, et je ne crois pas qu'elle ait fait une carrière gigantesque).
Grieg – Peer Gynt un putto d'incarnatun putto d'incarnatun putto d'incarnat
Avec Philipe Estèphee, Norma Nahoun et Marie Kalinine, direction Schønwandt.
Bizet – Carmen un putto d'incarnatun putto d'incarnatun putto d'incarnatun putto d'incarnat
Je ne connais pas Robert Watson en José, mais Anaïk Morel et Alexandre Duhamel, je n'aurais pas choisi mieux si on m'avait demandé mon avis (et Piolino en Remendado !).


Marseille :

Neuf titres du répertoire léger : 1 J. Strauß II, 2 Offenbach, 1 Messager, 1 O. Straus, 1 Yvain, 1 F. Loewe, 2 Lopez !
Rossini – Tancredi un putto d'incarnatun putto d'incarnat / (un putto d'incarnatun putto d'incarnatun putto d'incarnatun putto d'incarnat)
Il faut aimer le seria romantique, avec ses livrets remarquablement immobiles en compensation de son agilité glottique spectaculaire, mais il sera servi par les meilleurs spécialistes : Carella, Barcellona, A. Massis, Bolleire…
Donizetti – La Favorite un putto d'incarnatun putto d'incarnatun putto d'incarnatun putto d'incarnat / (un putto d'incarnatun putto d'incarnat)
Une des plus belles réussites de Donizetti, dont la veine mélodique semble mieux s'épanouir loin des contraintes de l'agilité démonstratives, et dont le sens dramatique, sis sur un bon livret mobile, surprend. Distribution contrastée : Courjal devrait être un pontife fulgurant, mais il faudra supporter en regard l'engorgement et la diction de Margaine, et l'élégance discutable de Fanale (que j'anticipe mal, peut-être à tort, dans les souplesses et demi-teintes du répertoire français).
Verdi – Ernani un putto d'incarnatun putto d'incarnatun putto d'incarnat / (un putto d'incarnatun putto d'incarnatun putto d'incarnat)
Un livret certes privé du sel de son modèle (la censure tudesque n'a pas voulu du Roi dans l'armoire !), et une langue musicale encore très belcantiste, mais aussi de très belles choses – l'air d'entrée d'Ernani, le duo et l'ensemble de la chambre… Avec Hui He, Meli, Tézier, Vinogradov, dirigés par Foster.
Massenet – Hérodiade un putto d'incarnatun putto d'incarnatun putto d'incarnat / (un putto d'incarnatun putto d'incarnat)
Pas le Massenet le plus subtil, enfilade d'airs à forte couleur locale (supposément antique, donc), et donc assez dépendant des qualités individuelles. Il y aura Nicolas Courjal pour le monologue des Astres, et Lapointe pour « Vision fugitive » ; pour le reste, Mula, Uria-Monzon et Laconi, sans être du tout indignes, ne promettent pas une exécutionde la première grâce (disons).
(David) Alagna – Le dernier jour d'un condamné un putto d'incarnatun putto d'incarnat / (un putto d'incarnatun putto d'incarnatun putto d'incarnatun putto d'incarnat)
Pas le grand opéra de son temps, avec une musique oscillant entre les innovations du début du XXe (Debussy, R. Strauss) et une laque de sirop post-puccinien par-dessus, un livret qui ne brille pas par ses nuances ni par la sobriété d'un verbe hautement littéraire… Néanmoins, tout cela est assez agréable, et servi, outre Alagna, par des artistes francophones de grande qualité (Dudziak, Ghazarossina, Ermelier, Martin-Bonnet…) et dirigé par Ossonce.




Dans les Provinces


Liège :
Bellini – Norma un putto d'incarnatun putto d'incarnatun putto d'incarnatun putto d'incarnatun putto d'incarnat
Avec Silvia Dalla Benetta (capiteuse et ardente), Kunde, J-.M. Lo Monaco et dirigé par le très détaillé, net et animé Zanetti (sa Luisa Miller dans les mêmes lieux était un modèle).

Bruxelles :

♦ Dallapiccola – Il prigioniero un putto d'incarnatun putto d'incarnatun putto d'incarnatun putto d'incarnat / (un putto d'incarnatun putto d'incarnatun putto d'incarnatun putto d'incarnatun putto d'incarnat)
Avec Blancas-Gulín, Graham-Hall et Nigl.
[Couplé avec Das Gehege de Rihm, monodrame.]
♦ Poulenc – Dialogues des Carmélites un putto d'incarnatun putto d'incarnatun putto d'incarnatun putto d'incarnatun putto d'incarnat
Mise en scène de Py, avec des variations de distribution réjouissantes dans la distribution B : Altinoglu, et Gillet en Blanche avec M.-A. Henry en Lidoine, Deshayes en Mère Marie, et bien sûr Saelens en Premier Commissaire. Toujours Barbeyrac et Cavallier ; Brunet en Croissy.

Anvers :
♦ Donizetti – Le Duc d'Albe un putto d'incarnatun putto d'incarnat
Un Donizetti français assez pâle, où on retrouve l'absence de veine mélodique qui caractérise un grand nombre de ses titres italiens – on retrouve bien le compositeur de Bolena, Stuarda, Devereux, Borgia, Pasquale, plus que celui de La Favorite, L'Elisir ou Lucia.
♦ Korngold – Der Wunder der Heliane
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Musique comme livret, si le vocable décadent a un sens… il s'incarne ici. Assez peu donné, surtout à portée de français…
♦ Prokofiev – Le Joueur un putto d'incarnatun putto d'incarnatun putto d'incarnat
Quasiment pas d'opéra russe en France cette année, hors Onéguine (voire Iolanta), et encore moins des titres rares. Dirigé par Dmitri Jurowski.


Lausanne :
Menotti – Amahl et les visiteurs du soir un putto d'incarnatun putto d'incarnat
Conte de Noël. Pas vertigineux, mais c'est assurément rare.


Monaco :


■ Toujours des distributions très prestigieuses et au cordeau, avec en particulier :
Verdi – I Masnadieri un putto d'incarnatun putto d'incarnat / (un putto d'incarnatun putto d'incarnatun putto d'incarnatun putto d'incarnat)
Pas le meilleur Verdi, mais de beaux ensembles. Et une distribution de gens très concernés et adroits : Giannattasio, Vargas, N. Alaimo.
Gounod – Faust un putto d'incarnatun putto d'incarnatun putto d'incarnatun putto d'incarnat
Avec Campellone, Calleja, Rebeka, Lhote.
Offenbach – Les Contes d'Hoffmann un putto d'incarnatun putto d'incarnatun putto d'incarnatun putto d'incarnatun putto d'incarnat
Avec Lacombe, Peretyatko (quatre héroïnes), Flórez, Courjal, R. Briand (4 valets) !  Ce serait bien qu'il soit retransmis, celui-là : ce sera très différent de l'ordinaire (Flórez moins dramatique, Courjal plus basse, Brian sans nul doute épatant, Lacombe toujours parfait dans ces répertoires…). Et avec toutes ces vedettes (même Burshuladze en Crespel !), une excuse toute trouvée à la diffusion.
Britten – Peter Grimes un putto d'incarnatun putto d'incarnatun putto d'incarnat
Avec José Cura.


Barcelona :
Donizetti – Poliuto un putto d'incarnatun putto d'incarnatun putto d'incarnat / (un putto d'incarnatun putto d'incarnatun putto d'incarnatun putto d'incarnatun putto d'incarnat)
Avec Callegari, Radvanovsky, Kunde, Salsi.
Wagner – Tristan und Isolde un putto d'incarnatun putto d'incarnatun putto d'incarnatun putto d'incarnat
Mise en scène Ollé, avec Theorin et Vinke !
Rubinstein – Le Démon un putto d'incarnatun putto d'incarnatun putto d'incarnatun putto d'incarnat / (un putto d'incarnatun putto d'incarnatun putto d'incarnat)
Très bel opéra pas si russe (largement teinté de Marschner) dans une production (probablement hardie) importé du Helikon de Moscou. Particulièrement rare sous nos contrées, un livret très prenant et de la belle musique.


Bilbao :

♦ Bellini – Norma un putto d'incarnatun putto d'incarnatun putto d'incarnatun putto d'incarnat
Avec Axentii reconvertie en soprano, et dans l'autre distribution Tro Santafé et Kunde.
Verdi – I Masnadieri un putto d'incarnatun putto d'incarnat / (un putto d'incarnatun putto d'incarnatun putto d'incarnatun putto d'incarnat)
Avec Giannattasio, Stoyanov, Kares.
Britten – War Requiem
Avec le meilleur diseur (allemand) actuel, Thomas E. Bauer.



Je consacrerai une notule complète à l'intention des grands voyageurs, autour des opéras vraiment rares, eux, à voir en Europe.

mercredi 30 août 2017

Saison 2016-2017 : bilan de l'année concertante & grande remise des Putti d'incarnat


Voici juillet, le moment d'un retour sur une saison musicale bien remplie.
139 spectacles dans 69 lieux (dont 31 nouveaux) – 134 si je ne compte pas, ainsi que c'était l'usage, l'été.

Ce sera aussi l'occasion de la grande remise annuelle de la récompense suprême pour tout artiste informé, le putto d'incarnat – qui est au diapason d'or ce qu'est la médaille olympique de lancer de poids à la compétition de pétanque de la félibrée.
Seule la rédaction de Carnets sur sol, réunie en collège extraordinaire, est habilitée à le décerner, ce qui garantit la clairvoyance de son attribution, et l'absence absolue de collusion maligne.

Hautement respecté, il se matérialise par un putto de van Dyck, remis directement à chaque lauréat sous forme d'un précieux carré de pixels.

Au delà du jeu des breloques, c'est aussi et surtout l'occasion de mettre en valeur des œuvres, concerts ou interprètes qui n'ont pas toujours été très exposés. Il est vrai que le travail de recherche de ces concerts est un poste de dépense, en temps, assez considérable à lui seul !



En fin de saison 2015-2016, nous promettions :

Nous songeons à louer une salle pour la cérémonie de l'an prochain, avec retransmission en mondiovision et partenariat avec Medici.tv. Kim Jong-eun a déjà proposé de prêter le Salon Kim Il-sung de l'aile Ouest du Mémorial du Juche, mais nous voudrions accueillir un public nombreux et cherchons une adresse un peu moins enclavée en transports (on travaille le lendemain). Toute proposition sérieuse acceptée.

Pour de dérisoires questions de visa et d'anéantissement imminent du monde, le lieu de tenue de remise des prix sera le même que celui de l'an passé, ici même, chez vous. En vous remerciant chaleureusement de votre accueil.




1. Liste des spectacles vus

Concerts, opéras, théâtre… En voici la liste, dans l'ordre de la saison. Beaucoup ont été commentés, et quelques-uns ont servi de présentation à une œuvre, un genre, une problématique transversale…

Hors décompte : août 2016. Ordinairement non inclus dans les précédents relevés.

a) Comédie Nation – Marivaux, Les Sincères (avec musique de scène a cappella) – collectif Les Sincères
b) La Huchette – La Poupée sanglante, comédie musicale d'après G. Leroux

Puis, de septembre à juin :

1. Philharmonie – Bruckner, Symphonie n°7 – Staatskapelle Berlin, Barenboim
2. Champs-Élysées – Tchaïkovski, Symphonie n°5 / R. Strauss, Vier letzte Lieder – Damrau, Bayerisches Staatsorchester, K. Petrenko
3. Maison de la Radio – Schmitt, Salomé / Ravel, Shéhérazade – d'Oustrac, National de France, Denève
4. Philharmonie – Schumann, Szenen aus Goethes Faust – H.-E. Müller, Staples, Gerhaher, Selig, Orchestre de Paris, Harding
5. Hôtel de Castries – Jazz vocal
6. Hôtel de Béhague – œuvres pour violon et piano d'Enescu, Bobescu
7. Maison de la Radio – Poulenc, Les Biches / Milhaud, La Création du Monde – National de France, Denève
8. Châtelet – Faust I & II de Goethe – Ferbers, R. Wilson, Berliner Ensemble, Grönemeyer [notule]
9. Garnier – Cavalli, Eliogabalo – García-Alarcón
10. La Commune – Kleist, Amphitryon – Sébastien Derrey
11. Louvre – programme Cœur du Poème Harmonique – Zaïcik, Le Levreur, Goubioud, Mauillon, Dumestre
12. Foyer de l'Âme – Motets de Charpentier, Pietkin… – Ensemble Athénaïs
13. Temple du Port-Royal – Haydn, Sept dernières Paroles pour clarinette d'époque, clarinette d'amour et cors de basset
14. Saint-Louis-en-l-Île – Programme Venise 1610 – Vox Luminis, Capriccio Stravagante, Skip Sempé
15. Opéra Royal – Saint-Saëns, Proserpine – Gens, M.-A. Henry, Antoun, Vidal, Foster-Williams, Teitgen, Müncher Rundfunkorchester, Schirmer
16. Champs-Élysées – Bellini, Norma – Caurier & Leiser, Rebeca Olvera, Bartoli, Norman Reinhardt, I Barrochisti, Gianluca Capuano
17. Opéra Royal – Salieri, Les Horaces – Wanroij, Bou, Talens Lyriques, Rousset
18. Champs-Élysées – Brahms, Deutsches Requiem – Collegium Vocale, Champs-Élysées, Herreweghe
19. Champs-Élysées – Verdi, Requiem – Santoni, Kolosova, Borras, D'Arcangelo, National de France, Rhorer
20. Philharmonie – Debussy, Faune / Debussy, Jeux / Stravinski, Sacre du Printemps – Nijinski restitué (ou réinventé), Les Siècles, Roth
21. Salle d'orgue du CNSM – Académie Européenne de Musique de Chambre (ECMA) – Trio Sōra dans Kagel, Quatuor Bergen dans Chostakovitch…
22. Salle d'orgue du CNSM – Académie Européenne de Musique de Chambre (ECMA) – Trio Zadig dans Schumann, Quatuor Akilone dans Chostakovitch…
23. Athénée (rénové) – Strindberg, Danse macabre (en italien) – Desplechin
24. Maison de la Radio – 20 ans de l'ADAMI – Barrabé, Duhamel, Scoffoni…
25. Sainte-Élisabeth-de-Hongrie – Messe d'Innocent Boutry – Le Vaisseau d'or, Robidoux
26. Gennevilliers – Hirata, Gens de Séoul 1909 (en japonais et coréen)
27. Maison de la Radio – Tchaïkovski, Symphonie n°6 / Sibelius, Symphonie n°2 – Phiharmonique de Radio-France, M. Franck
28. Gennevilliers – Hirata, Gens de Séoul 1919 (en japonais et coréen, avec chants coréens)
29. Amphi Cité de la Musique – Soutenance musicale de l'enseignement du violon en France au XIXe siècle – pièces pour violon et piano (d'époque) d'Hérold, Alkan et Godard
30. Bastille – Les Contes d'Hoffmann – Vargas, d'Oustrac, Jaho, Aldrich…
31. Salle d'orgue du CNSM – Hommage à Roland-Manuel : piano et mélodies – Cécile Madelin…
32. Théâtre 71 (Malakoff) – Lü Bu et Diao Chan (opéra chinois) – troupe agréée par le Ministère
33. Salle d'orgue du CNSM – Hommage à Puig-Roget : piano et mélodies – Edwin Fardini…
34. Hôtel de Soubise – Airs et canzoni de Kapsberger, Merula, Strozzi… – les Kapsber'girls
35. Abbesses – Goethe, Iphigénie en Tauride – Jean-Pierre Vincent
36. Maison de la Radio – Sibelius, Symphonie n°5 / Brahms, Concerto pour piano n°1 – Lugansky, National de France, Slobodeniuk
37. Maison de la Radio – Nielsen, Symphonie n°4 – Philharmonique de Radio-France, Vänskä
38. Philharmonie – Mendelssohn, Elias – Kleiter, A. Morel, Tritschler, Degout, Ensemble Pygmalion, Pichon
39. Salon Vinteuil du CNSM – Mahler, Kindertotenlieder (et présentation musicologique) – Edwin Fardini au chant
40. Salle Cortot – Beethoven, Quatuor n°7  – Quatuor Hanson
41. Athénée – Hahn, L'Île du Rêve – Dhénin, Tassou, Pancrazi, de Hys, Debois, Orchestre du festival Musiques au Pays de Pierre Loti, Masmondet
42. Philharmonie – Adams, El Niño – Joelle Harvey, Bubeck, N. Medley, Tines, LSO, Adams
43. Salle Turenne – Bertali, Lo Strage degl'Innocenti / Motets de Froberger – membres du CNSM (Madelin, Benos…)
44. Salle Dukas du CNSM – masterclass de Gabriel Le Magadure (violon II du Quatuor Ébène) – Trio de Chausson par le Trio Sōra
45. Champs-Élysées – Mozart, Don Giovanni – Braunschweig, Bou, Gleadow, Humes, le Cercle de l'Harmonie, Rhorer
46. Hôtel de Béhague – Mélodies orientalisantes (Louis Aubert, etc.) – Compagnie de L'Oiseleur
47. Bastille – Mascagni, Cavalleria Rusticana / Hindemith, Sancta Susanna – Martone, Garanča, Antonacci, Rizzi
48. Studio de la Philharmonie – Schumann, Märchenerählungen / Kurtág, Trio et Microludes – membres de l'EIC et de l'OP
49. Champs-Élysées – Haendel, The Messiah – Piau, Pichanik, Charlesworth, Gleadow, le Concert Spirituel, Niquet
50. Garnier – Gluck, Iphigénie en Tauride – Warlikowski, Gens, Barbeyrac, Dupuis, Billy
51. Temple du Luxembourg – André Bloch, Antigone / Brocéliande – Compagnie de L'Oiseleur
52. Philharmonie – Schumann, Das Paradies und die Peri – Karg, Goerne, OP, Harding
53. Châtelet – H. Warren, 42nd Street – G. Champion, troupe ad hoc
54. Auditorium Landowski du CRR de Paris – Audition de la classe de chant baroque
55. Salle d'art lyrique du CNSM – Schumann, Symphonie n°2 / Mozart, Concerto pour piano n°9 – Classe de direction
56. Salle d'orgue du CNSM – Vierne, cycle Les Angélus pour soprano et orgue – Harmonie Deschamps
57. Saint-Quentin-en-Yvelines – Sacchini, Chimène ou Le Cid – Le Concerto de la Loge Olympique, Chauvin
58. Auditorium Landowski du CRR de Paris – de Mendelssohn à Aboulker, chœurs oniriques d'enfants
59. L'Usine (Éragny) – Ibsen, Hedda Gabler – Paolo Taccardo
60. Studio 104 – Quatuors : n°4 Stenhammar, n°2 Szymanowski – Royal Quartet
61. Salle d'orgue du CNSM – Cours public sur le premier des Trois Chorals de Franck – M. Bouvard, Latry et leurs élèves
62. Philharmonie – Tchaïkovski, Symphonie n°5 – ONDIF, Mazzola
63. Auditorium Landowski du CRR de Paris – Sonates avec violon : Debussy, Ropartz n°2 – Stéphanie Moraly
64. Amphi de la Cité de la Musique – Schubert, Der Schwanengesang – Bauer, Immerseel
65. Cité de la Musique – Schumann, Liederkreis Op.24 – Gerhaher, Huber
66. Auditorium Landowski du CRR de Paris – Salomon, Médée et Jason, acte II
67. Athénée – Strindberg, Danse Macabre (en italien) – Desplechin
68. Champs-Élysées – Bizet, Carmen – Lemieux, Spyres, Bou, National de France, S. Young
69. Salle d'art lyrique du CNSM – Durey, Œuvres pour harmonie – Harmonie des Gardiens de la Paix
70. Champs-Élysées – Schubert, Die schöne Müllerin – Goerne, Andsnes
71. Bastille – Wagner, Lohengrin – Guth, M. Serafin, Schuster, Skelton, Konieczny, Ph. Jordan
72. Garnier – Mozart, Così fan tutte – Keersmaeker, Losier, Antoun, Sly, Szot
73. Temple du Luxembourg – Paladilhe, Le Passant – Compagnie de L'Oiseleur
74. Châtelet – Offenbach, Fantasio – Jolly, Philharmonique de Radio-France, Campellone
75. Temple de Pentemont – Motets de Campra et Bernier, Troisième Leçon de Couperin  – Le Vaisseau d'or, Robidoux
76. Trianon de Paris – Lecocq, Le Petit Duc – Les Frivolités Parisiennes
77. Le Passage vers les Étoiles – Méhul, Stratonice – Les Emportés, Margollé
78. Studio-Théâtre du Carrousel du Louvre – Maeterlinck, Intérieur – comédiens-français
79. Temple du Saint-Esprit – Motets de Charpentier, Morin et Campra pour petits braillards – Pages du CMBV, musiciens du CRR de Paris, Schneebeli
80. Amphi de la Cité de la Musique – Chambre de Usvolskaya, mélodies de Vainberg, Chostakovitch, Prokofiev – Prudenskaya, Bashkirova
81. Salle d'art lyrique du CNSM – Cimarosa, Il Matrimonio segreto – H. Deschamps, Perbost, McGown, Rantoanina, Lanièce, Worms, Orchestre du CNSM
82. Salle des Concerts du Conservatoire – Haydn, Les Saisons dans la version de sa création française – Palais-Royal, Sarcos
83. Conservatoire de Puteaux – Chansons à boire de Moulinié et LULLY, poèmes de Saint-Amant – Cigana, Šašková, Il Festino, de Grange
84. Salle Maurice Fleuret du CNSM – Schmitt, La Tragédie de Salomé version originale – Orchestre du CNSM, étudiants de la classe de direction d'A. Altinoglu
85. Philharmonie – Mozart, Symphonie n°38 (et spectacle afférent) – Orchestre de Paris
86. Oratoire du Louvre – Vêpres de Monteverdi, Suite de danses de LULLY, Concerto grosso de Noël de Corelli, Soupers du comte d'Artois de Francœur – Collegium de l'OJIF
87. Champs-Élysées – Beethoven, Symphonies 1-4-7 – Orchestre des CÉ, Herreweghe
88. Philharmonie – Tchaïkovski, La Pucelle d'Orléans – Chœurs et Orchestre du Bolchoï, Sokhiev
89. Maison de la Radio – Nielsen, Symphonie n°2 – National de France, Storgårds
90. Odéon – T. Williams, Suddenly Last Summer – Braunschweig
91. Champs-Élysées – Berlioz, Nuits d'Été, Schönberg, 5 pièces, Schumann, Symphonie n°2 – Gerhaher, Jeunes Gustav Mahler, Harding
92. Bastille – Mendelssohn, A Midsummer Night's Dream, Ouvertures, Symphonie pour cordes n°9 – Balanchine, Orchestre de l'Opéra, Hewett
93. Salle d'orgue du CNSM – Concert lauréats Fondation de France : La Maison dans les Dunes de Dupont, Ophelia-Lieder de R. Strauss
94. Champs-Élysées – Brahms, Vier ernste Gesänge et  Deutsches Requiem – Orchestre des CÉ, Herreweghe
95. Oratoire du Louvre – Leçons de Ténèbres pour basse de Charpentier – MacLeod, Les Ambassadeurs, Kossenko
96. Philharmonie – Mahler, Wunderhorn ; Bruckner, Symphonie n°4 – Gubanova, D. Henschel, OPRF, Inbal
97. Conservatoire de Boulogne-Billancourt – Mendelssohn, Octuor ; Schönberg, Kammersymphonie n°2 ; Poulenc, Sinfonietta – OJIF, Molard
98. Salle Saint-Thomas d'Aquin – airs à une ou plusieurs parties de Lambert, Le Camus… – Š€ašková, Kusa, Il Festino, de Grange
99. Athénée – Maxwell Davies, The Lighthouse – Le Balcon
100. Hôtel de Soubise – Trios de Tchaïkovski et Chostakovitch (n°2) – Trio Zadig
101. Richelieu – Marivaux, Le Petit-Maître corrigé – Hervieu-Léger, comédiens-français
102. Salle Maurice Fleuret du CNSM – Spectacle théâtral et chanté autour de la domesticité – élèves de la classe d'E. Cordoliani
103. Favart – Marais, Alcione – L. Moaty, Concert des Nations, Savall
104. Hôtel de Soubise – Cantates de Clérambault et Montéclair – Zaičik, Taylor Consort
105. Menus-Plaisirs – Écosse baroque, concert de soutenance – Clémence Carry & Consort
106. Salle d'orgue du CNSM – Programme de lieder et mélodrames d'Eisler – classe d'accompagnement d'Erika Guiomar
107. Athénée – Rítsos, Ismène (musiques de scène d'Aperghis) – Marianne Pousseur
108. Saint-Germain-l'Auxerrois – Motets baroques portugais – ensemble Calisto
109. Salle Maurice Fleuret du CNSM – Pelléas, L'Étoile, Cendrillon de Massenet – classe d'ensembles vocaux (Bré, Lanièce…)
110. Salle d'orgue du CNSM – lieder de Schubert, Nuits Persanes de Saint-Saëns, Caplet – (Gourdy, Ratianarinaivo…)
111. Champs-Élysées – Les Pêcheurs de Perles de Bizet – Fuchs, Dubois, Sempey, National de Lille, A. Bloch
112. Champs-Élysées – Pelléas de Debussy – Ruf, Petibon, Bou, Ketelsen, Teitgen, National de France, Langrée
113. Bibliothèque Marmottan – L.-A. Piccinni, musiques de scène (La Tour de Nesle, Lucrèce Borgia) – conclusion du colloque sur la musique de scène en France
114. Bastille – Eugène Onéguine – Decker, Netrebko, Černoch, Mattei, Orchestre de l'Opéra, Gardner
115. Philharmonie – Aladdin de Nielsen, Sept Voiles, Shéhérazade de Ravel, Suite de L'Oiseau de feu – Capitole, Sokhiev
116. Cathédrale des Invalides – Jensen, Rheinberger, J.-B. Faure… mélodies et lieder commémoratifs de la Grande Guerre – classe d'accompagnement d'Anne Le Bozec
117. Philharmonie – Symphonie n°2 de Mahler – Orchestre de Paris, Harding
118. Saint-Saturnin d'Antony – Motets de Buxtehude, Telemann et Bernier – Françoise Masset
119. Saint-Louis de la Pitié-Salpêtrière – du Mage, Clérambault et pièces pour saxophone & orgue
120. Athénée – Déserts de Varèse et Dracula de Pierre Henry réarrangé avec instruments acoustiques – Le Balcon, M. Pascal
121. Salle Fauré du CRR de Paris – Études Latines de Hahn, Liebhabers Ständchen de Schumann… – étudiants du CRR
122. Champs-Élysées – Halévy, La Reine de Chypre – Gens, Droy, É. Dupuis, Chambre de Paris, Niquet
123. Bouffes-du-Nord – Lemoyne, Phèdre – Wanroij, Axentii, de Hys, Dolié, Loge Olympique, Chauvin
124. Favart – récital français en duo : Gluck, Chabrier, Bizet… – Arquez, Bou, Pordoy
125. Studio 104 – Motets de Guédron, Boësset, Constantin, Moulinié – Correspondances, Daucé
126. Maison du Danemark – Contes d'Andersen et leurs mises en musique – Françoise Masset (accompagnée sur guitares début XIXe)
127. Saint-Eustache – Funérailles de Purcell, Reger, Totentanz de Distler – Chœur de l'Orchestre de Paris, Sow
128. Sainte-Jeanne-de-Chantal – Haendel, The Ways of Zion Do Mourn – Le Palais-Royal, Sarcos
129. Favart – Saint-Saëns, Le Timbre d'argent – Devos, Montvidas, Christoyannis, Les Siècles, Roth
130. Temple de Passy – Chœurs de Bonis, Sibelius, Aboulker, Wennäkoski… – échange franco-finlandais de chœurs amateurs
131. Cité de la Musique – Gade, grande cantate Comala – Opéra de Rouen, Équilbey
132. Petit-Palais – Couperin et Bach (suite française) pour clavecin
133. Petit-Palais – Airs et duos de LULLY et Desmarest – Pancrazi, Debieuvre
134. Hôtel de Soubise – Quatuors de Beethoven n°7 et Debussy – Quatuor Akilone
135. Notre-Dame-du-Liban – Chœurs d'inspiration populaire de Saint-Saëns, d'Indy, Schmitt et Poulenc – Chœur Calligrammes
136. Salle des Fêtes de la Mairie du IVe arrondissement – Quintettes à vent de Debussy, Arnold, Barber, Ligeti – Chambre de Paris
137. Cour de Guise – Trios avec piano de Schubert n°2 et Ravel – Trio Zadig
138. Saint-Croix-des-Arméniens – Canzoni de Kapsberger, Strozzi, et Lamento della Pazza de Giramo – Kapsber'girls
139. Collégiale de Mantes-la-Jolie – Pièces pour orgue de Buxtehude, Mendelssohn, Franck et Vierne – Michel Reynard




2. Liste des spectacles non vus

Ce pourrait paraître déraisonnablement rempli, et pourtant, il a fallu renoncer à quantité de spectacles qui paraissaient à peu près aussi appétissants (vie professionnelle ou personnelle, simultanéités de concerts, envie d'autre chose, tarifs, concerts complets, etc.) :

→ musique de chambre de Cartan & Lekeu,
→ les Cantates de Jacquet de La Guerre par La Rêveuse,
→ les chœurs de Franck et Daniel-Lesur,
→ le Philharmonia dirigé par Salonen (Beethoven 3, Sibelius 5),
→ les extraits des Éléments de Destouches,
Dichterliebe avec harpe,
→ Charpentier par les étudiants du Conservatoire de Palerme,
→ cours public de cor ou de direction,
→ trio de Gouvy par le Trio Sōra aux Bouffes-du-Nord,
→ le Second Trio de Mendelssohn par le Trio Sōra à Soubise,
→ le Trio de Tchaïkovski par le Trio Sōra à la cour de Guise,
→ le Trio de Chausson par le Trio Sōra au musée Henner puis à Villecerf (décidément !),
→ Leyla McCalla au violoncelle dans de la musique haïtienne,
→ Ariadne auf Naxos au CNSM,
→ la Neuvième de Mahler par Harding,
→ mélodies de L. Boulanger et Berkeley,
→ musique sacrée de Frémart-Bouzignac-Moulinié par Schneebeli,
→ Neuvième de Beethoven par le Philharmoniue de Bruxelles,
→ récital folk de Weyes,
→ Saint-Cécile de Chausson et le Septuor de Caplet à Notre-Dame,
→ Fidelio par la Chambre de Paris,
→ les monumentales variations de Rzewski sur El Pueblo unido salle Turenne,
→ les musiques de scène de Molière par Lombard, Dumora et Correas.
→ le Quinzième Quatuor de Beethoven par le Quatuor Arod,
→ Rameau par Kožená,
Hänsel und Gretel arrangé pour cuivres et récitant,
Musique pour cuivres et cordes de Hindemith par van Lauwe,
→ récital Desandre-Cochard,
→ trios de Chaminade et Bonis,
→ programme Guy Sacre et Boisgallais,
→ programme d'orgue Letton à la Maison de la Radio,
→ le Songe d'une Nuit d'Été de Thomas par la Compagnie de L'Oiseleur,
The Tempest Songbook de Saariaho par l'Orchestre Baroque de Finlande,
Les Aveugles de Maeterlinck à Vitry-sur-Seine,
Tafelmusik de Telemann au château d' Écouen,
Ce qui plaît aux hommes de Delibes par les Frivolités Parisiennes au Théâtre Trévise,
→ la BBC Wales dans Sibelius 5 à la Seine Musicale,
→ programme Lalo-Dukas-Ravel par Les SIècles,
Médée de Charpentier par Tafelmusik de Toronto et Pynkosky,
→ mélodies de Vierne, Podlowski et Koster par Lièvre-Picard,
Ascension de Messiaen et Widor 6 à Saint-Sulpice,
→ récital Louis Saladin et Salomone Rossi aux Menus-Plaisirs,
Musicalische Exequien de Schütz et motets de la familel Bach par Vox Luminis,
→ Lura dans de la musique du Cap-Vert à l'Espace Cardin,
→ grands motets de Lalande à Versailles,
→ demi-Winterreise de Bostridge & Drake au musée d'Orsay,
→ motets de Charpentier par La Chanterelle,
→ lieder de Weigl à la Maison de la Radio,
→ legs pédagogique du violoncelle français (Franchomme, etc.) au château d'Écouen,
Diva de Wainwright,
→ Cécile Madelin dans des extraits d'Atys au Petit-Palais,
Snegourotchka de Rimski-Korsakov à Bastille (la seule rareté de l'année à Bastille, hors le demi-Hindemith !),
→ récital d'opéra Meyerbeer-Février à la Philharmonie,
→ l'Yriade dans les Stances du Cid à Favart,
Il Signor Bruschino aux Champs-Élysées,
→ piano de Bizet, Saint-Saëns et Brahms par Oppitz,
→ « symphonie en si mineur » de Debussy à la Maison de la Radio,
→ récitals de mélodie Gens-Manoff,
Elisir d'amore avec Poulakis et Lanièce au Théâtre des Variétés,
→ spectacle Les Madelon (Fontenay-le-Fleuyr),
→ Dvořak 9 au piano solo par Mařatka,
La Double Inconstance de Marivaux à Richelieu,
→ madrigaux de Marenzio et Lejeune à la Bibliothèque de Versailles,
→ concert de la Fête de la Musique du Chœurs de l'Orchestre de Paris,
→ deux concerts de musique de chambre incluant Koechlin, au Conservatoire de Bourg-la-Reine,
→ pièces symphoniques de Nováček, Warlock et Delius par van Lauwe,
Rigoletto avec Grigolo et Lučić à Bastille,
Nozze di Figaro avec la Chambre de Paris
→ quatuors de Kodály, Bella et Tansman par le Quatuor Airis au Centre Culturel Tchèque,
→ Tableaux d'une exposition pour quintette à vent à Soubise,
Hippolyte de Garnier au Studio-Théâtre,
L'Écume des jours à la Huchette…
→ et bien d'autres.

Certains font mal à relire, mais je n'avais pas toujours le choix (ni l'envie de vivre aussi reclus qu'en conclave, contrairement aux apparences les spectacles ne sont pas du tout mon activité prioritaire).

Et je ne parle que de l'Île-de-France : on voit la difficulté pour donner, malgré tout, un avis global sur la saison. Il faudrait être beaucoup plus centré sur un répertoire précis, voire s'y mettre à plusieurs, or en cette matière comme en beaucoup d'autres, je ne suis que ma fantaisie…





3. Bilan général et comptes-rendus de concert

    La plupart de ces concerts ont été commentés, je n'ai pas la patience d'aller récupérer plus de cent liens, comme les autres années, mais ils se retrouvent facilement en entrant les mots-clefs dans la boîte de recherche à droite, ou, pour beaucoup, en regardant dans le chapitre « Saison 2016-2017 » (les notules les plus complètes ne sont pas classées là, mais il y a déjà une certaine masse à parcourir).

    En revanche, je commence la remise de prix par le plus important : les œuvres révélées, les plus beaux spectacles de la saison, les compagnies à suivre.



3a. Œuvres découvertes

Je vous renvoie d'abord vers la notule-éditorial de la prochaine saison, qui énumère les nombreux opéras rares remontés cette saison (§B). Saison faste, donc.

les putti d'incarnat L'arrêt des Putti d'incarnat les putti d'incarnat

Suite de la notule.

mardi 8 août 2017

Panorama de la couverture vocale — II


Légende : pour plus de lisibilité, les noms des artistes utilisant une forte couverture figureront en bleu, ceux couvrant peu en rouge, et les cas plus équilibrés (ou incertains, pour ceux pour lesquels nous ne disposons pas d'enregistrements) en vert.



2. Catégories et travaux pratiques

2.1. Voix ouvertes, sans couverture
2.2. Degré de couverture
2.2.1. Degré de couverture : étendue de la couverture

Ces questions ont été traitées dans la première notule de la série (qui répond aussi aux questions fondamentales « pourquoi ? », « qu'est-ce ? », et tente de lever quelques ambiguïtés lexicales), à la suite de laquelle celle-ci sera ajoutée, pour faciliter la lecture d'ensemble. Les échanges en commentaires apportent par ailleurs quelques précisions.




En avant pour les multiples enjeux de la couverture à l'Opéra !


couverture vocale belle hélène

(et du déshabillé, semble-t-il)



2.2.2. Degré de couverture : couleur de la couverture

Comme son étendue, la couleur de la couverture peut varier très fortement entre les voix et surtout entre les techniques. 


2.2.2.1. Claire


[[]]
Verdi, Don Carlos, Suzanne Sarroca, Georges Liccioni, direction Pierre-Michel Le Conte.

Dans cet extrait en français de Don Carlos de Verdi, Georges Liccioni étonne par l'aperture (très ouverte linguistiquement) de ses aigus, mais on sent bien qu'il protège les attaques (au sommet de l'art de l'aperto-coperto, dont on parlera plus loin, à peine audible tellement il est souverainement réalisé), que le placement n'est malgré tout pas totalement le même qu'en voix parlée, un peu plus reculé et arrondi – voyez par exemple ses attaques sur « avare » (comme un [o] avant le [a]) « pitié » ou « j'ai supplié » (le [é] est articulé au niveau du [eu]). Le son général paraît pourtant très ouvert et trompettant, j'avais même publiquement douté qu'il couvrît, mais c'est finalement évident lorsqu'on observe le phénomène de près. 


2.2.2.2. Mixée

Lorsqu'un chanteur fait usage de la voix mixte, la voix s'éclaire immédiatement (pour des raisons physiologiques multiples : partage de la résonance, rapport de tension entre muscles et ligaments…). Mais cela ne veut pas dire qu'il ne couvre pas, bien sûr : Alain Vanzo, prince de l'émission mixte, en fait grand usage.

[[]]
Puccini, La Bohème en français. Air enregistré pour la télévision française devant un petit public.

Que cette main est froide, laissez-moi la réchauffer ;
Il fait trop sombre, pourquoi chercher dans l'ombre ?
Mais de la lune,
Perçant la nuit brune
En attendant que la clarté ruisselle,
Laissez mademoiselle,
Qu'en deux mots je vous dise…

Vous pouvez le remarquer sur les voyelles grassées : bien qu'on les reconnaisse sans difficulté (et c'est là le grand art), leur articulation n'est pas exactement celle de la langue parlée. Le [é] de « réchauffer » et le [è] de « ruisselle » semblent émis à partir de la position du [eu], au moins au début de l'émission ; le [i] de « il » également émis sur une position plus ample que le [i] français, très étroit (plutôt un [eu] ici ; d'autres choisissent le [ü]) ; le [a] de « pourquoi » est moins ouvert que dans la réalité quotidienne des locuteurs français (il reste assez proche du [ô] ou du [â], au lieu d'être relativement ouvert), et de même pour la nasale [an] qui se chante à partir de la posture du [on]. Plus loin vous pouvez observer que les [ou] (« nuit et jour », « dieu de l'amour ») se rapprochent beaucoup du [ô].
Ce sont réellement des voyelles individualisées (pas la substitution indistincte de beaucoup de chanteurs internationaux fameux comme Sutherland ou Nilsson…), mais elles ne sont pas fabriquées à partir de leur endroit habituel, plutôt déplacées vers un endroit où elles peuvent être articulées de façon moins tendue pour l'appareil phonatoire (poussé dans ses parties aiguës).

C'est une observation contre-intuitive, parce qu'on associe en général la couverture au caractère épais et sombré des voix d'opéra, mais les grands maîtres de la voix mixte l'utilisent en réalité abondamment, peut-être même plus que les autres, pour assouplir et égaliser leur voix. Nommez-les et testez.


École américaine ?

[[]]
Bizet, Les Pêcheurs de Perles, John Aler avec Toulouse et Plasson.
Les [a] presque changés en [o], les [è] presque en [eu], on les retrouve ici, malgré l'intelligibilité parfaite et le naturel du français de John Aler (en Nadir dans les Pêcheurs de Perles).


École italienne ?

[[]]
Donizetti, L'Elisir d'amore, Tito Schipa.

Una furtiva lagrima negli occhi suoi spuntò. Vous entendez ce [è] devenu [eu], voire [o], ce premier [ou] presque [ô], ces [o] très fermés, ces [a] ouverts mais très ronds, et qui changent d'ailleurs de placement (« m'ama ! ») ; voilà l'effet de la couverture, malgré cette voix limpidissime. Tito Schipa en Nemorino (L'Elisir d'amore).

La couverture posée sur une couleur de timbre claire reste valable pour d'autres formats plus larges et inattendus (où il s'agit plutôt d'une voix de poitrine légèrement allégée, le pourcentage de « voix de tête » étant minime mais éclaircissant considérablement le résultat). Évidemment, la clarté est alors liée à la voix mixte, mais une couverture vocale très homogène n'y occulte pas la lumière, une belle leçon pour bien des ténors lyriques et dramatiques d'aujourd'hui.


Voix dramatiques ?

[[]]
Verdi, La Forza del destino, acte III, Solti à Covent Garden. Ici, le jeune Carlo Bergonzi en Alvaro.
Au passage, pour les verdiens, version absolument extraordinaire, on ne fait pas plus ardent et plus net à la fois – si on ne s'arrête pas à la justesse discutable de l'excellente soprane.


Vous entendez cette couleur claire malgré le rôle héroïque (un amérindien maudit qui veut arrêter de tuer malgré lui et qui laisse dans le processus une traînée de si bémol 3…), cette rondeur qui accompagne toujours les aigus ?  C'est l'effet de la voix mixteCarlo Bergonzi détend son émission, en quelque sorte, en l'assouplissant, en cherchant la flexibilité plutôt que le métal (qu'on n'entend pas en retransmission mais qu'il devait tout de même avoir !).

Et pourtant, il couvre beaucoup, en particulier sur les aigus.

Al chiostro, all'eremo, ai santi altari
L'oblio, la pace [or] chiegga il guerrier.

Alvaro va expier ses fautes et se dérober à la vengeance en se faisant moine :
« L'oubli et la paix réclament [désormais] au soldat le cloître, l'ermitage, les saints autels. »

« Santi altari » devient ainsi [sônti ôltari], et surtout le « chiegga » [kiegga] devient quelque chose comme [kieugga] ou même [kiôgga], une voyelle indéfinie. On sent très bien, d'ailleurs, que dans l'aigu, toutes ses voyelles sont émises du même endroit. Les différences d'articulation entre elles deviennent très minimes, et c'est le contexte de l'ensemble du mot (consonnes, autres voyelles plus nettes) qui permet de restituer le sens exact. On entend bien l'effet de protection, en particulier sur ce dernier aigu : la véritable voyelle, plus franche, aurait mis à nu l'instrument, et à toute force, ce serait mettre une tension dangereuse sur les cordes vocales. [Vous remarquez néanmoins que le grave est beaucoup moins couvert, en particulier ses [i] très francs et libres.]

Bergonzi le faisait beaucoup, et tellement que ses aigus ont la réputation (un peu exagérée : ce reste rare hors de la fin de sa carrière, les soirs de méforme) d'avoir souvent été un peu bas, et on sent bien de fait l'impression de « plafonnement ». Il privilégiait avant tout le caractère beau et sain des sons (très légèrement mixés, correctement couverts), quitte à paraître court. Mais on ne trouvera jamais une bande où il chantait de façon laide ou périlleuse – même son dernier concert (victime d'un refroidissement), un Otello où les aigus ne passaient pas, est magnifique (simplement certains aigus sortaient un ton trop bas…).

C'est aussi ce qui peut procurer, dans certains studios où il est moins engagé (ceux avec Gardelli chez Philips, pas exemple, où tout le monde paraît anesthésié), une impression de grande placidité, puisque quelle que soit la tension dramatique ou technique du rôle, il ne paraît jamais en danger vocalement.


Techniques baroques ?

[[]]
Salieri, Tarare, air « J'irai, oui, j'oserai ». Howard Crook dans le DVD Malgoire.

Ténor emblématique de l'explosion de l'intérêt pour des voix différentes dans le répertoire ancien, Atys pour Christie, Renaud pour Herreweghe, Évangeliste pour Koopman, soliste auquel Herreweghe confie (alors que ce devrait être la voix de taille) l'extraordinaire Introït de l'enregistrement qui popularise de Requiem de Gilles… Aujourd'hui professeur manifestement très performant (à en juger parle niveau de préparation des élèves qui en sont issus) au CRR de Paris. Pourtant, il mixe et il couvre. Oui, autre idée reçue : si, on peut chanter du baroque en couvrant, ça arrive même fréquemment !

Vous l'entendez ici : « et [= eué] si je succômbe », « a bien mérité qu'on l'en prive [= preuïve] ».

Et cela alors qu'il est improbable que les chanteurs baroques, du moins jusqu'au milieu du XVIIe siècle, aient recouru à la voix mixte (sans doute des voix beaucoup plus « naturelles »), il n'est pas rare que les chanteurs qui y exercent y recourent. [Ici néanmoins, considérant l'extension progressive des tessitures et le caractère public des représentations dans des théâtres qui commencent à être vastes, au XVIIIe siècle puis au fil de l'ère classique comme pour Tarare, ce n'est pas tout à fait absurde.]
Plusieurs raisons à cela :
→ La formation initiale des chanteurs lyriques est standard quel que soit le répertoire ; il y a eu quelques cas au début du renouveau baroque, où de jeunes chanteurs débutaient dans la classe de Christie, mais ce n'ont jamais été que des exceptions, qui n'existent plus guère aujourd'hui – il reste les cas de transition immédiate de la maîtrise de garçons vers des formateurs baroques, comme pour Cyril Auvity, mais ce reste là aussi rare. La plupart du temps, les premiers professeurs préparent les étudiants à une technique standard italienne / belcantiste. Et leur demandent donc une étendue vocale longue, cherchent à favoriser la projection sonore, et s'aident pour tout cela de notions de couverture vocale.
→ Dans ce cadre, les techniques mixtes sont un bon moyen de recruter des chanteurs qui auront une couleur adaptée, douce dans les aigus… Ils auront aussi une aisance dans le haut du spectre qui est utile pour les parties de haute-contre – dont les rôles, contrairement à une idée reçue, sont très médium dans les opéras chez LULLY et ses immédiats successeurs –, dans la musique sacrée française.
On ne peut pas être certain de ce qu'étaient réellement les techniques employées (et ce différait sans doute selon les répertoires et les pays, a fortiori à des époques où les échanges n'étaient pas aussi immédiats qu'aujourd'hui, entre les avions et les enregistrements !), mais elles étaient très vraisemblablement plus franches que ces belles voix rondes conçues pour chanter les rôles légers / aigus du premier XIXe – John Aler, typiquement !


Voix graves ?

J'ai pris l'exemple des ténors, parce qu'il est le plus audible et le plus spectaculaire : contrairement aux voix de femme qui ont une étendue naturelle en voix de tête, contrairement aux barytons et basse qui n'ont qu'une petite partie de leur voix au-dessus du passage (l'endroit où le mode d'émission doit changer pour atteindre les aigus), le ténor a un tiers de sa tessiture à construire au delà de la zone de confort qui correspond, disons, à la voix « parlée » (c'est un peu plus subtil que ça, mais ça pose bien les choses). De surcroît, les compositeurs du XIXe et du XXe exploitent assez à fond leurs limites, et aiment faire entendre les tensions jusqu'au bout de la voix, si bien que les exemples qu'on peut trouver rendent vite très audibles les procédés (il faut soutenir vigoureusement au niveau du diaphragme et couvrir beaucoup ses voyelles).

Il y aura peu de dames dans mes extraits parce que leur prononciation est souvent lâche dans les aigus (pour plusieurs autres paramètres techniques et / ou physiologiques), et permet moins bien de saisir le phénomène. (Par ailleurs, ne l'étant pas moi-même, j'ai plus de difficulté à appréhender le détail de certains mécanismes.)

Néanmoins, la couverture existe chez toutes les autres tessitures lyriques. Et certains, comme Jean-Philippe Courtis, mixent aussi (ce qui est beaucoup plus rare).

[[]]
Verdi, Don Carlos, final d'une des éditions italiennes. Jean-Philippe Courtis en Moine-Empereur.

Il duolo della terra nel chiostro ancor ci segue
Solo del cor la guerra in ciel si calmerà.

Les douleurs du monde nous suivent encore au cloître ;
La guerre dans ton cœur ne se calmera qu'au ciel.

La rondeur est due à la voix mixte, mais là encore, vous percevez comme toutes les voyelles semblent fabriquées au même endroit. On l'entend nettement sur les aigus : « la guerra » et « in ciel » semblent tirer sur le [eu], ne plus être les voyelles pures qu'on ferait en parlant, mais quelque chose d'accommodé, de plus construit, comme un petit logement plus spacieux dans lequel on accueillerait les voyelles les plus étroites.


2.2.2.3. Sombre

Bien sûr, pour les rôles plus lourds et les voix les plus sombres, on trouvera très peu (pas ?) de voix qui ne soient solidement couvertes. Souvent, ces chanteurs, à cause des dangers de leurs rôles ou de la nature déjà épaisse de leur voix, couvrent sur toute l'étendue, même dans les parties basses de la voix où ce n'est pas indispensable (cf. §2.2.1 « étendue de la couverture »).

[[]]
Massenet, Werther, Georges Thill.

Georges Thill racontait la jolie histoire (fictive ?) de son retrait de la scène, ayant demandé son avis à un machiniste « vous étiez devenu plus baryton que baryton, mais aujourd'hui, vous avez vraiment chanté comme un ténor ». S'estimant comblé et digne de ses aspirations, il aurait choisi ce moment pour terminer sa carrière.

Très frappant ici sur les [a] qui deviennent des [ô] : « ah ! », « s'envola », « temps » (presque [ton]), « printemps », « souvenant ». Le [eu] de « deuil » est assez fermé par rapport à ce qu'il est en français parlé.  Le reste de l'air est assez libre tout de même, avec une clarté que Thill n'a pas eu toute sa carrière, et une facilité verbale qui ne l'a jamais quitté – cette impression qu'il vous parle sans effort, tout en chantant ces tessitures impossibles.

[[]]
Bizet, Carmen, Georges Thill.

Ici, on entend plutôt les voyelles qui se ferment, [eu] : « jetée », « fleur » [fleûr] surtout, ou bien [on] comme dans « prison » [prisôn].


[[]]
Gounod, Roméo et Juliette, Plácido Domingo.

Plus difficile de faire la part des choses chez Plácido Domingo avec ses difficultés proprement linguistiques, mais on entend tout de même le [ou] du premier « amour » (voyelle qui serre trop la gorge), et surtout le [è] dans « être » qui devient largement un [eu] (façon de se protéger des voyelles trop ouvertes).

Et puis on entend globalement la même couleur sur toute la voix, les différences étant plus dues à des difficultés de prononciation. Autre effet de la couverture, qui lisse beaucoup les timbres.


[[]]
Verdi, Otello, Vladimir Galouzine (Galuzin / Галузин) – Florence 2003 avec Zubin Mehta.

Allons jusqu'à la caricature avec Vladimir Galouzine qui, en laissant sa spécialisation russe (où il était éclatant mais beaucoup moins épais et barytonnant), a très vite glissé vers une voix très étrange, aux fondations rugueuses très audibles, au timbre voilé, qui ne lui interdisait nullement le volume sonore, l'endurance et l'accès aux aigus. Ici, au demeurant, je crois que ce sont des aigus parmi les plus faciles que j'aie jamais entendus dans cette partie très haut placée pour un ténor dramatique !

Galouzine couvre à la russe, c'est-à-dire en mélangeant une certaine quantité de [eu] à toutes ses voyelles. Ses [a] ne tirent pas tant sur le [o] que dans la méthode italienne – c'est flagrant sur « sepolto in mar » [meuâr]. Je crois aussi qu'il a un très bon naturel et une grande intuition, et qu'ici, tous les sons sont un peu relâchés pour faciliter au maximum l'ouverture de la gorge (et sur la vidéo qui existe, la mâchoire s'ouvre très, très largement) :  « del ciel è gloria » [dal ciel ô glôriô] tire sur le [a], le [ô], tout ce qui peut arrondir. Si bien qu'il n'y a pas vraiment de substitutions vocaliques sur les aigus finaux, simplement la conservation du même placement général.


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Wagner, Die Walküre, fin du I, Eva Maria Westbroek, Jonas Kaufmann, Orchestre du Met, Fabio Luisi.

Afin de ne pas laisser mes statistique s'empâter dans la torpeur d'août, pouvais-je ne pas inclure Jonas Kaufmann dont la célébrité et les suffrages d'abord unanimes ont laissé place à un débat-amusette dépourvu de sens sur sa transformation potentielle en baryton. (Question absurde : il chante les rôles de ténor, et sans difficulté notable, donc il est ténor. Que le timbre plaise ou pas est une autre affaire, mais on est loin du cas limite Ramón Vinay, qui a toujours sonné très tendu en ténor et très aisé en baryton, tout en s'illustrant exceptionnellement dans les deux. Ou même, côté timbre, de Nicola Martinucci !)

Le cas est de plus intéressant pour notre sujet : un des charmes de Kaufmann tient justement dans l'impression de tension permanente de la voix (comme Domingo) assortie d'une très jolie patine, qu'on obtient notamment par une couverture uniforme de la tessiture – Kaufmann couvre toujours ses médiums et ses graves.

Comme l'allemand est probablement moins facile à suivre que l'italien (aux voyelles peu nombreuses et plus ouvertes), je sous-découpe l'extrait :

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« Wälse » [vèlse] est attaqué par une protection en [eu] (un peu ratée, on l'entend qui glisse pas très joliment), procédure standard.

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Pareil pour les [a] : « ich halte » est quand même très sombre, et « siehst du, Weib » [zist dou faïp] tire clairement sur le [ô] (quoiqu'on entende très bien qu'il s'agit d'un vrai [a]).

Plus net encore pour «  ich fass' es nun » (lorsqu'il s'empare de la poignée de l'épée) :

[[]]

Vous notez aussi comment « nun », pourtant en bas de la tessiture, est accommodé de [ou] en [ô], pour conserver les conduits bien libérés et éviter le resserrement, même dans les parties sans danger. Cela évite de dérégler l'instrument, et avec des voix lourdes et des rôles difficiles, ce peut être salutaire – témoin ce qui arrive en peu d'années aux chanteurs qui osent Tristan et Siegfried (ou Isolde et Brünnhilde).

[[]] [[]]

Enfin, un cas particulier, les [i] de Kaufmann. C'est plutôt une caractéristique (voire un manque) technique qu'une application stricte des principes de couverture : le placement de ses [i] ne lui permet pas de les emmener jusque dans l'aigu. Aussi (c'est encore plus flagrant en italien, en particulier dans Radamès où les [i] très exposés sont nombreux), il les tire vers le [è] faute de mieux (ce qui tend à les détimbrer) ou, lorsque c'est possible comme dans le second exemple, les prépare en [eu]. Mais ses [i] ne sont jamais purs, une petite faiblesse technique si vous y prêtez garde.

Le [i] est un bon étalon des techniques en général : un [i] franc qui monte bien jusqu'en haut sans être modifié est souvent le signe d'une voix efficacement placée, à la fois facile et sonore. Bien sûr, il n'y a pas de garantie absolue – Alagna, avec une voix pourtant plus légère, a toujours eu des [i] parfaits et a toujours rencontré plus de difficulté à timbrer ses aigus que Kaufmann.

Il faut être conscient que le [i], que l'on croit unique, n'est pas le même entre la France, l'Italie, l'Allemagne et la Russie, chacun a son placement propre, et bien pas évident en voix parlée, ce peut tout changer dans les horlogeries délicates de l'émission lyrique.


[[]]
Verdi, Don Carlos, Renato Bruson, Scala, Abbado (1978, pour la fameuse captation vidéo entravée par Karajan).

Finissons avec des barytons. Renato Bruson, qu'on peut trouver assez uniforme et gris depuis les années 90 (où tout paraît teinté d'une certaine dose de [eu] blanchâtre, et manque un peu d'éclat, en tout cas en retransmission), dispose tout de même d'une technique initiale assez stupéfiante.

Per me giunto è il dì supremo,
No, mai più ci rivedrem ;
Ci congiunga Iddio nel ciel,
Ei che premia i suoi fedel.
Sul tuo ciglio, il pianto io miro,
Lagrimar così, perchè ?
No, fa cor, l’estremo spiro
Lieto è a chi morrà per te.

On entend nettement que les « e » [é] et [è] se centralisent, s'arrondissent, se labialisent en [eu], mais en réalité, tous les sons sont émis du même endroit, et cela lui permet ce legato infini (très utile dans cet arioso), comme si, malgré les voyelles et les hauteurs différentes, le son coulait à jet continu de la même source. Ici, on entend très bien le rôle unificateur de la couverture.

[[]]

À l'inverse, autre grand titulaire, Peter Mattei privilégie le mot sur la ligne, et on perçoit très bien comment les voyelles se distinguent les unes des autres. En revanche le souffle est plus court, et l'impression de cantilène infinie disparaît.

L'idéal, pour moi, se trouve probablement dans des réalisations intermédiaires, comme ici Juan Pons dans ses meilleures années (on a de lui l'image rugueuse de ses réalisations plus tardives dans le vérisme), d'un moelleux extraordinaire (une pointe infime de mixage peut-être), d'une grande unité de couleur vocale, mais où les voyelles restent très nettement individualisées :

[[]]
Verdi, Il Trovatore, entrée du comte de Luna. Boncompagni dirige Troitskaya, Obraztsova, Carreras et Pons, tous à leur faîte.
Une des versions les plus électrisantes (hors les premières bandes de Mehta au Met et à Tel Aviv, je ne vois pas ce qui peut rivaliser avec ça).




couverture Freni
Couvrez, c'est bon pour la santé.



Quelques précisions

    Vous aurez noté que je me limite essentiellement au français et à l'italien. Les raisons en sont évidentes, mais autant les préciser : on entend mieux le phénomène sur les langues qu'on maîtrise le mieux (français) ou qui ont des voyelles simples et en nombre limité (italien, encore que, pour avoir l'exacte aperture…). Je me serais bien évidemment réjoui de l'explorer avec vous sur le letton ou le croate, mais outre que la matière aurait été moins profusive, les chanteurs moins célèbres (c'est aussi le plaisir, décrypter ce que font ces gens qui nous sont familiers), je craindrais de perdre l'objectif pédagogique en cours de route.
    Et puis, si j'ai quelques notions superficielles de croate, je ne maîtrise pas le letton…

    De même, vous aurez peut-être ressenti avec frustration le peu de Wagner, alors même qu'il existe des bandes en français ou en italien. Cela tient largement à l'écriture wagnérienne (c'est sa faute à lui, pas à moi) : les phrasés sont souvent assez hachés, ce qui ne permet pas d'entendre aussi bien les phénomènes que dans une ligne italienne continue et conjointe toute simple. Par ailleurs, les voix éprouvées par Wagner se dérèglent vite, si bien que je pourrais présenter peu de chanteurs wagnériens un tant soit peu célèbres qui ne présentent pas des biais techniques déjà considérables.
    Pour la même raison, difficile de se servir de Pelléas, qui manque singulièrement de notes tenues, tout simplement. Mais on pourrait faire des essais avec la fin de l'acte IV, nous verrons pour la suite, je n'ai pas encore prévu tous les extraits.
    Verdi et Gounod me paraissent quand même très indiqués pour l'exercice.

    La couverture existe aussi dans la langue parlée. En passant dans un quartier populaire d'une ville populaire d'Île-de-France, j'entendis ainsi une mère de famille aux poumons athlétiques appeler son fils depuis la Tour : « Mamado ! ». Spontanément, pour protéger sa voix en criant, et pouvoir tenir son son, elle avait accommodé le [ou] en [o]. Hé oui, CSS se nourrit de fines investigations anthopologiques de terrain et vous ouvre les yeux sur le complexe mécanisme de l'Univers. De rien.


Plus tard

Dans le prochain épisode, nous entrerons dans les finesses de la question du degré de couverture, avec l'aperture plus ou moins grande des voyelles au sein d'une voix couverte, de Carreras à Gigli.

Ensuite, il nous restera à évoquer les types de voyelles de repli (mais si vous avez suivi, il serait assez facile de les deviner sans mon concours), l'incidence de l'âge, et bien sûr le Graal : l'aperto-coperto, très facile à comprendre et remarquer une fois qu'on a l'habitude du mécanisme de la couverture. Cela devrait vous permettre d'aaexpliquer pourquoi certains chanteurs attaquent leur note en deux temps ou par en-dessous.

J'espère aussi avoir le temps d'évoquer la question du développement historique de cette technique (certes évoqué par touches dans les notules déjà publiées) et de sa délicate application pédagogique.

Pour une prochaine livraison, donc !

lundi 27 mars 2017

Le défilé d'Avril


Tradition de toujours. Bilan du mois écoulé. Et quelques recommandations pour ne pas manquer tous ces beaux concerts cachés d'avril.
Cette fois encore, pour des raisons de praticité, je me limite à une petite expansion de ce que j'ai déjà collecté pour mon usage personnel, donc en région Île-de-France essentiellement. La sélection ne se limite pas à Paris ou, du moins, est faite après la lecture des programmes de la plupart des théâtres de la région – en musique en tout cas, puisque l'offre de théâtre est tellement incommensurable que je me limite à indiquer quelques-unes de mes marottes.



mars 2017
Diagonale de putti dans les loges de l'Oratoire du Louvre, sous les tribunes.



1. Les combats de mars

Quelques aventures sont encore prévues pour la dernière semaine du mois, mais il faut bien effectuer un bilan avant le 1er avril pour annoncer les concerts dignes d'intérêt…

Les renoncements sont toujours inévitables, et j'ai dû abandonner, pour raisons tantôt personnelles, tantôt professionnelles (tantôt envie de faire autre chose que des concerts, aussi…) :
Le jeune Sage et le vieux Fou de Méhul (certes un de ses opéras comiques un peu légers) à la BNF (tellement bien annoncé que je l'ai découvert une heure avant le concert), étant déjà accompagné pour la Tragédie de Salomé intégrale de Florent Schmitt (ce qui est au demeurant un choix très défendable) ;
– le Retour d'Ulysse de Monteverdi dans une fulgurante distribution ;
– le Boccanegra luxueux en diable de Monte-Carlo (Radvanovsky, Vargas, Tézier, Kowaljow…) ;
– le concert Copland-Barber-Bernstein de l'ONDIF, que j'irai plutôt voir à Montereau (qu'il est beau de voyager, dit-on dans cet opéra) ;
– enfin et surtout, la grande rétrospective de la création contemporaine officielle depuis 50 ans, à la Cité de la Musique (avec de très beaux choix de programme par l'EIC) ; mais le même soir que la Jehanne de Tchaïkovski, je n'avais guère de choix en réalité.

Ne croyez donc pas que je les aie boudés par mépris.

Par ailleurs, il y avait déjà de quoi s'occuper, avec 11 soirées rien qu'entre le 2 et le 25 mars.



♣ Pas toujours des inédits mondiaux, mais des choses qui ne passent que très exceptionnellement en France (voire dans le monde…) :

♣♣ La Pucelle d'Orléans de Tchaïkovski. Par le Bolchoï de surcroît : orchestre, chœur et troupe de solistes !  L'opéra n'est à peu près jamais donné hors de Russie (où il n'est pas exactement un standard non plus), et le disque n'en documente que deux versions, assez anciennes (la plus récente date des années 70). C'est une étrangeté, puisque composée juste après Onéguine, elle marque, comme Mazeppa écrit juste après (et contrairement à l'Enchanteresse, à la Dame de Pique et à Iolanta qui achèvent sa carrière lyrique), une sorte de retour vers un genre plus formel du grand opéra historique, même musicalement. Les récitatifs y sont en effet assez rigides, les airs et numéros assez longs, pas du tout effleurés comme dans Onéguine (où Tchaïkovski a vraiment épousé au plus près son sujet !). Néanmoins, plusieurs grands moments de grâce, en particulier les grands ensembles et les scènes de foule, et surtout les préludes de chaque tableau, où l'on retrouve toute la virtuosité purement musicale (harmonie, orchestrtion) de Tchaïkovski.
♣♣♣♣ L'opéra s'écarte évidemment des sources historiques, puisque Jehanne y vit une histoire d'amour qui, dans une lecture assez mystique (façon Samson) et décadente, consume ses forces et lui fait perdre sa légitimité. C'est à Chinon, lors de la présentation de Jeanne, qu'on annonce le siège compromis d'Orléans, et c'est son propre père qui la maudit ;  marchant ensuite à peu près seule (avec son semi-amant) dans le forêt, elle se fait capturer par les Anglais. Chaque acte développe un lieu différent de façon assez habile : Domrémy, Chinon, Reims, Rouen.
♣♣♣♣ L'Orchestre du Bolchoï n'est plus très typé (hors les remarquables cors translucides assez caractéristiques), la différence passe, à tout prendre, plutôt par le style du portamento (ports de voix) des violons dans les phrasés lyriques. Le Chœur, lui, est à couper le souffle : n'importe quel choriste pourrait chanter à Bastille demain – les volumes et la perfection des voix, sans jamais sembler désagréablement écrasants comme d'autres chœurs de quasi-solistes (Chœur de Radio-France, la plupart des chœurs d'opéra de France et d'Italie…). Côté troupe, Anna Smirnova révèle à quel point la tessiture très centrale du rôle-titre, recouverte par l'orchestre, doit être un problème insurmontable pour le distribuer à tout autre qu'elle ; Bogdan Volkov (Raymond, son soupirant de Domrémy) comme toujours très élégant, Oleg Dolgov (Charles VII), autre ténor limpide et élancé à la russe (toujours ces dégradés de couleurs), superbe Anna Nechaeva (Agnès Sorel), très charismatique dans un rôle très court… et par-dessus tout Stanislav Trofimov (l'Archevêque), une voix quelque part entre Kurt Moll et Martti Talvela, à la fois noire et lumineuse, profonde et pure, grave et très aisée dans l'aigu. Mon chouchou personnel, l'Ange de Marta Danusevich : une voix de soprano dont le timbre très fruité paraît celui d'un mezzo lyrique, avec une richesse de coloris rare chez les voix hautes. Et qui surmonte le chœur sans la moindre peine.

♣♣ La Deuxième Symphonie de Nielsen (voir présentation) par l'ONF et le spécialiste (parmi la poignée des tout meilleurs) John Storgårds. L'une des plus belles symphonies de tout les temps, aussi considérable que la Quatrième à mon sens (quoique moins complexe). En tout cas dans mon TOP 5 du premier vingtième (il y aurait aussi van Gilse 2, Schmidt 2, Sibelius 7, Walton 1 – pour le top 10, Atterberg 1, Alfvén 4 et Madetoja 2, assurément). Chaque mouvement est à la fois fascinant et exaltant, culminant dans la reprise en climax du thème du mouvement lent…
♣♣♣♣ Ce soir-là, le grain naturel et tranchant des cordes de l'ONF des grands jours en faisait le meilleur orchestre du monde. Et pour ne rien gâcher, nous eûmes le plaisir d'entendre en vrai Fanny Clamagirand que j'admire depuis longtemps – pas un gros son, mais une beauté de timbre et un goût parfaits. La création d'Édith Canat de Chizy n'était pas pénible que son ordinaire, à défaut d'imprimer le moindre début de sentiment de nécessité – la suite d'effets traditionnels, sans propos thématique / structurel / climatique identifiable. En n'essayant pas trop de s'intéresser au propos fuyant, le temps passe sans douleur. En bis, une splendide sarabande de Bach (comme après chaque concerto pour violon, certes).
♣♣♣♣ Accueil toujours aussi catastrophique à Radio-France : sécurité peu respectueuse (tout le contenu du sac retourné sans ménagement et sans demander l'autorisation – en principe, on enseigne l'inverse aux agents), replacement de force du public, même si les places d'arrivée sont moins bonnes (alors qu'en principe, on propose ce genre de chose). Toujours l'impression, donc, d'être à peine toléré alors qu'on a payé sa place et qu'on voudrait juste ne pas être traité comme un délinquant pour vouloir entrer dans la salle puis s'asseoir à sa place.
♣♣♣♣ Salle remplie au quart (uniquement les parties de face, et pas en entier, sur deux étages des trois) : entre les artistes formidables mais peu célèbres, Nielsen 2 qui n'est pas encore dans les habitudes du public symphonique, et la création de Canat de Chizy, trop bien connue, il est vrai qu'on avait cumulé les paramètres de désaffection (il aurait fallu un concerto de Tchaïkovski avec Jansen en première partie, et mettre Clamagirand-Chizy dans un concert avec Mahler 4 ou Beethoven 5 en seconde partie…).

♣♣ La Tragédie de Salomé de Florent Schmitt, dans sa version originelle et intégrale pour petit orchestre (bois par 1). Un superbe cadeau d'Alain Altinoglu pour sa classe de direction d'orchestre au CNSM… Présentation de l'œuvre (et éloge des musiciens) faite tout récemment.



♪ D'autres raretés, peut-être pas majeures, mais très intéressantes.

Il Matrimonio segreto de Domenico Cimarosa, un opéra bouffe sur sujet domestique, succès immense et emblématique à son époque – dès la création, bien avant la vénération bruyante de Stendhal. Il m'est difficile, je l'avoue, de m'immerger totalement dans une œuvre théâtrale aussi fragmentée (discontinuité maximale entre de jolis airs très mélodiques qui évoluent peu, et les récitatifs secs), et les coupures réalisées par Patrick Davin, pour une fois, se défendent – sans quoi le spectacle aurait été très long, et pas forcément plus riche (ce n'est pas comme couper du Richard Strauss d'une heure et demie). Surtout, Cécile Roussat et Julien Lubek, une fois encore (témoin leur Dido and Æneas de Rouen) montrent qu'ils sont les metteurs en scène actuels les plus capables d'animer une scène, même conçue comme immobile. Quoi qu'on pense de la musique et du livret (de Giovanni Bertati, celui qui invente la mort liminaire du Commandeur dans les multiples refontes de Don Juan), le résultat était un grand moment de théâtre. La principale réserve tient au style de l'Orchestre du CNSM, que Patrick Davin fait sonner comme le studio Sanzogno… donc peu sensible aux « nouveaux » apports musicologiques des soixante dernières années, disons.
♫♫ Les jeunes chanteurs, bien connus de nos services, sont remarquables, en particulier Harmonie Deschamps, Marie Perbost (mainte fois louées en ces lieux), et par-dessus tout Jean-Christophe Lanièce qui révèle, en plus de ses talents connus de chanteur et diseur, un charisme d'acteur phénoménal. Par ailleurs, la voix paraît différente en italien, moins centrée sur la couleur et davantage sur l'éclat, s'adaptant ainsi idéalement au répertoire.

Les Saisons de Haydn dans la version (en français) de leur création française (selon le vœu d'adaptation vernaculaire de Haydn). Musiciens du Palais-Royal dirigés par Jean-Philippe Sarcos dans la salle néo-égyptienne de l'antique Conservatoire de Paris. Il y a quelque chose de particulier à entendre cette musique dans la salle où l'on joua pour la première fois les Symphonies parisiennes de Haydn, la Fantastique de Berlioz, et où l'on donna pour la première fois Beethoven en France… de quoi méditer sur le son des origines (acoustique assez sèche, lieu d'où l'on entend bien partout, atmosphère assez intime, et même une certaine promiscuité dans les loges).
♫♫ Pour le reste, je ne suis pas un inconditionnel des oratorios de Haydn : de très belles choses, mais l'ensemble me touche peu. La plus-value du français n'était pas aussi bien mise en valeur que pour la Création, si bien que mon intérêt s'est un peu émoussé, je dois l'avouer, sans que l'œuvre soit en cause.
♫♫ J'ai trouvé le français des interprètes (même Clémence Barrabé !) et du chœur très correct, mais assez peu généreux vu le projet (Sébastien Obrecht, ayant travaillé la partition en 48h, étant plus expansif que ses compères). Alors que pour la Création, la limpidité du chœur (mais il n'était pas constitué des mêmes personnes, quoique portant le même nom…) et les couleurs de l'orchestre m'avaient ravi, j'ai trouvé cette fois l'orchestre plus limité (par rapport à la concurrence superlative en tout cas) et le chœur plus indifférent au paramètre linguistique. Pour finir, Aimery Lefèvre devrait vraiment s'interroger : en chantant aussi engorgé, il est inintelligible, la voix ne porte pas du tout, et ses aigus sont difficiles (ce qui, pour un baryton aussi jeune, est quand même peu rassurant). C'était déjà une tendance dans David et Jonathas il y a trois ou quatre ans, mais la voix commence vraiment à en souffrir désormais.




♥ Des tubes personnels :

♥♥ In Taverna avec l'ensemble Il Festino – et Dagmar Šašková, la meilleure chanteuse du monde. Programme entendu en septembre 2009, et que je cherchais absolument à entendre : des airs à boire de Moulinié et LULLY, entrecoupés de déclamation en prononciation restituée (par le virtuose Julien Cigana) d'extraits d'éloges du jus de la treille par La Fontaine, Rabelais, Saint-Amant ou Scarron !
De quoi se mettre en train le dimanche à 10h du matin. L'heure a sans doute un peu brouillé les cordes de la chanteuse, moins à son faîte que de coutume, mais ce programme est simplement grisant, à tout point de vue, l'une de mes grandes expériences de spectateur. (Il fallait pour cela se déplacer au Conservatoire de Puteaux un dimanche matin assez tôt, mais qui peut mettre un prix sur le bonheur ?)

♥♥ Le Concerto pour la Nuit de Noël de Corelli (par Karajan ou par les meilleurs baroqueux, toujours bouleversant, là où tout le reste de Corelli paraît tellement plus décoratif…), une Suite tirée d'Atys de LULLY. Et puis des extraits des Vêpres de la Vierge de Monteverdi et la musique pour les Soupers du comte d'Artois de Francœur. C'était le concert d'inauguration de la section musique ancienne du tout récent OJIF (Orchestre des Jeunes d'Île-de-France), censé être une formation de haut niveau auto-professionnalisante, créée au printemps dernier. Très bien exécuté (plein d'éloges et de petites réserves à émettre, bien sûr), mais les conditions climatiques extrêmes laissaient peu le loisir d'être ému : la porte largement ouverte sur la rue a vidé l'Oratoire du Louvre de toute sa chaleur… un concert assis immobile à 10°C, c'est plus pénible qu'exaltant, clairement. Un peu comme écouter Mozart pendant qu'on vous arrache les ongles. Ou comme écouter du Glass dans un jacuzzi avec une authentique glace italienne à la main sous le soleil toscan. Difficile de se départir de la douleur.



♠ Oserai-je le confesser ?  J'ai aussi assisté à des concerts d'un conformisme vertigineux – et passé un excellent moment.

♠♠ Symphonie n°38 de Mozart par l'Orchestre de Paris à la Philharmonie. (Certes, parce que je n'ai pas réussi à revendre ma place, je croyais que c'était la seule œuvre au programme, et que Zacharias dirigeait…) Inséré au sein d'un bizarre spectacle racontant vaguement la relation de W.A. avec Leopold.
♠♠♠♠ Outre que la (magnifique) symphonie était assez bien jouée (je l'aime avec plus de tranchant, mais ce n'était nullement mou) et que le tarif était ridiculement attractif (20€ pour toutes les places), expérience très intéressante pour observer un public vraiment différent. Les gens ont systématiquement applaudi entre les mouvements, et personne ne leur a dit chut ! – voilà une excellente preuve qu'il ne s'agit pas d'initiés. Et ils ont hésité en réclamant le bis, je crois qu'ils attendaient une conclusion (moi aussi, à vrai dire), puisque Mozart et son père s'asseoient pour regarder la symphonie (et le tout durait à peine plus d'une heure), on pourrait attendre une petite fin théâtrale… Le violon solo Philippe Aïche, dans son élégance habituelle, se lève alors et entraîne l'orchestre avec un geste qui semble dire vous avez pas assez applaudi, tant pis pour vous – on dit toujours qu'on veut s'ouvrir, mais on préfère quand même traiter avec ses semblables, pas avec les bouseux qui découvrent le concert.
♠♠♠♠ J'essaierai de produire une notule pour explorer cette question des codes du concert et plus largement de la compréhension de la musique classique – y a-t-il des limites à ce qu'on peut faire aimer à un auditeur occasionnel ?  Perçoit-on réellement l'essence des œuvres quand on n'est pas musicien / mélomane aguerri ?  Sujet passionnant (et inconfortable).

♠♠ Symphonies 1, 4 et 7 de Beethoven par l'Orchestre des Champs-Élysées et Herreweghe. Enfin pu entendre la Première en vrai… du niveau des plus grandes. Et la dernière notule traite justement de la Quatrième. Herreweghe ne cherche pas l'effet, tout est joué avec simplicité, une sorte d'exécution-type sur instruments anciens, et cette musique est déjà si forte que c'est assez parfait – en tout cas ce que je cherchais ce soir-là. Étrangement, la 7 (pourtant à peine plus entendue que la 1 sur ma platine…) m'a moins fortement touché – peut-être parce que j'entendais la 1 pour la première fois (la 7 que pour la seconde, cela dit, et à 15 ans d'intervalle…), et que je me convertissais enfin résolument à la 4.

♠♠ Les Nuits d'Été de Berlioz dans sa version (originale) pour baryton, par Christian Gerhaher… la franchise du texte (il ose de ces sons ouverts !) est exceptionnelle, et le caractère plus « parlé » d'un timbre de baryton tire l'œuvre hors des évocations vaporeuses habituelles vers du texte brut – Théophile Gautier en paraît presque sauvage et échevelé !  Par ailleurs les Pièces opus 16 de Schönberg, que j'aime beaucoup, mais qui en concert manquent justement de direction, de propos continu. D'éphémères belles associations de timbre. Et pour finir, la Deuxième Symphonie de Schumann dirigée par Daniel Harding : le public a trouvé le Mahler Jugendesorchester formidable, et il l'est d'ordinaire… pourtant, je lui ai (i.e. nous lui avons, un contributeur de CSS y était aussi…) trouvé un petit manque de tranchant, une superposition des timbres pas toujours parfaite, quelques flottements (et même un trait de violons vilainement raté) : les moments les plus rapides leur imposaient la performance, et ils étaient alors remarquables, mais le reste du temps, il manquait un rien d'abandon ou d'intensité, difficile à définir. Considérant leur âge visiblement très tendre, c'est probablement le début d'une session, et on entendait surtout la différence avec les orchestres permanents qui jouent ensemble depuis des décennies.
♠♠♠♠ En tout cas, contrairement à ce qu'on peut supposer (le Jugendesorchester, parrainé par Abbado, à sélection internationale, multi-enregistré), les élèves du CNSM, entendus en janvier dans la même œuvre, était deux coudées au-dessus (au niveau des plus grands), aussi bien en matière de précision que d'enthousiasme palpable.
♠♠♠♠ Il faudra bientôt songer à imposer des quotas paritaires dans les cordes : trois hommes (dont le violoncelle solo, certes, et deux dernières chaises en violon). Tout le reste constitué de jeunes filles (toutes blanches, ouf, on peut encore travailler à diversifier le recrutement).



♦ Pour finir, du théâtre :

♦♦ Suddenly Last Summer de Tennessee Williams, à l'Odéon. Braunschweig y retrouve les lents dévoilements des pièces d'Ibsen, tout étant centré autour du récit du souvenir indicible de la mort de celui dont tout le monde parle… à la différence que le dévoilement est ici souhaité (et clôt la pièce, en sauvant peut-être les personnages), et non vu avec effroi comme inévitable et destructeur. Belle pièce néanmoins, plutôt bien dite, dans un jardin en plastique pas très élégant et une mise en scène pas très mobile mais fluide, où l'on ne retrouve pas les tropismes de Braunschweig pour les pull gris et les murs en noir et blanc.
♦♦♦♦ Les comédiens sont lourdement sonorisés, mais peut-il en aller autrement dans la salle de 1819, très vaste, et en tout cas très haute ?  Pourtant, c'était le siège du Second Théâtre-Français, là où Berlioz connut ses émois shakespeariens, là où Sarah Bernhardt jouait Racine…  Voilà qui repose grandement la question de notre acceptation du son qui n'immerge pas, ou, plus grave, de la technique vocale des comédiens d'aujourd'hui. Vastes sujets.



Il est temps à présent d'interroger avril.



avril 2017
Putti-atlantes dans la salle de 1819 de l'Odéon, sous le regard du mascaron.



2. La pelote d'Avril

Les vacances scolaires de la zone C font toujours décroître (pour une raison inconnue) l'offre francilienne. Il y a néanmoins de quoi s'occuper. Parmi tout ce qu'on peut voir, quelques soirées dont vous avez peut-être raté l'annonce.
(Organisé plus ou moins par ordre de composition à l'intérieur par catégorie.)


► Lieder et autres monodies vocales :
■ Le 29, Hôtel de Soubise, Eva Zaïcik chante Léandre et Héro de Clérambault, la Deuxième Leçon de Ténèbres de Couperin et une cantate pastorale de Montéclair. Générosité et grande expression au programme avec elle !
■ À la Cité de la Musique, Lehmkuhl et Barbeyrac chantent des lieder de Schubert orchestrés. Avec Accentus et Insula Orchestra, le 27.
■ Lieder de Clara & Robert Schumann, de Brahms aussi, le 20 midi par Adèle Charvet (Orsay ou Petit-Palais).
■ Lieder de Liszt, Wagner, Brahms, Weill, Stolz, Zeira… et Viardot, par la mezzo Hagar Sharvit, aux Abbesses le 23.
■ Pot-pourri des Lunaisiens avec Isabelle Druet, salle Turenne le 21.


► Opéra :
■ Je signale en passant qu'à Rennes, le 6, l'ensemble Azur donnera des chœurs tirés des Noces de Thétis et Pélée de Collasse, l'un des ouvrages les plus repris de la tragédie en musique, et qui attend toujours d'être intégralement remonté de nos jours.
■ Bien sûr Alcyone de Marais à l'Opéra-Comique ) : à partir du 26, Jordi Savall y rejoue l'œuvre qu'on n'a guère dû entendre depuis l'ère disque Minkowski, au début des années 1990. Je ne trouve pas tout à fait mon compte dans les opéras de Marais, plus un musicien sophistiqué qu'un maître du récitatif et de l'expression verbale fine, mais il faut admettre qu'Alcyone, malgré le risible livret du redoutable Houdar de La Motte, a ses moments spectaculaires, dont la tempête dont le figuralisme et les moyens nouveaux (pour partie italiens, mais pas seulement) firent date. Même si Savall m'a plutôt effrayé lorsque je l'ai entendu (il y a près de quinze ans) en jouer la Suite de danses (que c'était sec !), l'équipe dont il s'entoure plaide pour le sérieux de l'entreprise (quelle distribution vertigineuse !).
La Fille des Neiges de Rimski-Korsakov à Bastille, évidemment, même si la relecture sexu(alis)ée de Tcherniakov ne sera pas forcément propice à la découverte candide, disons.
■ Une opérette mal connue de Maurice Yvain, Gosse de riche, au Théâtre Trévise (L'inverse par les Frivolités Parisiennes, les 12 et 19 ; de la musique légère, mais qui sera encore une fois servie au plus haut niveau, jouée avec la rigueur d'un Wagner mais l'entrain de jeunes passionnés. d'un ballet joué par l'Orchestre de l'Opéra, donc.)
■ Des extraits de Licht, le méga-opéra de Stockhausen présentés pour tous publics à 10h et 14h dans la semaine du 24, à l'Opéra-Comique. Cela reprend aussi en septembre. Très intriguant (d'autant qu'il y a vraiment de tout dans cet opéra, du récitatif de musical jusqu'aux œuvres instrumentales les plus expérimentales…).
The Lighthouse de Peter Maxwell Davies à l'Athénée à partir du 21, un opéra-thriller assez terrifiant, dans le goût du Tour d'écrou : les marins d'un bateau de ravitaillement pénètrent dans un phare dont les gardiens semblent avoir disparu. Musicalement pas toujours séduisant (mais accessible et en rien rebutant, simplement une forme de Britten atonal, quelques jolis effets instruments de type cors bouchés en sus), mais très prenant, et ce doit être encore plus fort sur scène !
Trompe-la-mort de Francesconi se joue toujours à Garnier. Je ne l'ai pas encore vu, mais de ce que je peux déduire de la musique habituelle de Francesconi, il y aura de belles couleurs et de belles textures ; leur adaptation à une structure dramatique et aux contraintes d'une claire prosodie me laissent plus réservé, il faut tester – j'ai lu tout et son contraire à ce sujet, excepté sur la mise en scène de Guy Cassiers qui semble être partout louée.


► Sacré & oratorio :
Odes de Purcell par Niquet à Massy le 22.
■ Un office musical à Paris en 1675, sur la musique de Charpentier, par Le Vaisseau d'or (Sainte-Élisabeth-de-Hongrie, le 1er, libre participation).
Leçons de Ténèbres de Charpentier (plus austères que les fameuses Couperin) par les excellents Ambassadeurs de Kossenko, avec la basse Stephan MacLeod, probablement l'homme au monde a avoir le plus chanté ces œuvres… Oratoire du Louvre, le 5.
Leçons de Ténèbres de Couperin par l'Ensemble Desmarest, Maïlys de Villoutreys et Anaïs Bertrand, rien que d'excellents spécialistes (et une de nos protégées du CNSM, qui a déjà de très beaux engagements).
Une Passion de Telemann à la Cité de la Musique le 15 à 16h30… je n'ai pas vérifié laquelle, il en a écrit quelques dizaines (je n'exagère pas), et dans des styles assez divers, italianisantes ou plus ambitieuses musicalement, dont certaines valent bien les Bach – et d'autres pas grand'chose. C'est assez tentant néanmoins, on n'en entend jamais, toujours les Bach – et quelquefois Keiser, sans doute parce qu'on l'a d'abord attribué par erreur à son collègue lipsien.
■ Le Repas des Apôtres de Wagner, sorte de longue choucroute homophonique qui ressemblerait à du Bruckner sans aucune inspiration – le Wagner de Rienzi, en somme. Mais c'est très rare (et pour cause). Peut-être qu'en vrai, on en sent mieux la nécessité ?  Couplé avec le Second Concerto pour piano de Brahms et la Symphonie en ut de Bizet, joués par la Garde Républicaine… amateurs de cohérence programmatique et de belles notes d'intention s'abstenir.
■ Les Sept Dernières Paroles, un des chefs-d'œuvre du spécialiste de musique chorale sacré James MacMillan. Couplé avec celles de Haydn, d'abord écrites sans voix puis, devant le succès, réadaptées en oratorio. Par l'Orchestre de Chambre de Paris à la Cité de la Musique, le 15.


► Symphonique :
■ Un héros d'avril a dit : « ce que tu as à faire, fais-le vite ». C'est étrange, je vais lui obéir (a dit un autre héros de séans). Je me contente donc de signaler la Quatrième Symphonie de Bruckner, pas du tout rare, mais l'association Eliahu Inbal-Philharmonique de Radio-France produit toujorus de très grands moments de musique – et particulièrement concernant Bruckner, j'attends toujours de trouver l'équivalent de leurs Deuxième et Neuvième, entendues à Pleyel et à la Philharmonie.


► Chambrismes :
■ Les dimanches à 17h, au club du 38 Riv', si vous aimez la viole de gambe solo ou avec clavecin, il y aura trois concerts qui parcourront assez bien ce répertoire. Je ne garantis pas l'excellence, ça dépend des soirs pour l'Association Caix d'Hervelois qui les organise…
■ Les Sept Dernières Paroles de Haydn pour quatuor, avec texte déclamé, à l'Amphi de la Cité de la Musique, le 14.
Nos chouchous du Trio Zadig joueront Tchaïkovski et Chostakovitch n°2 à l'Hôtel de Soubise le 22.
Œuvres et arrangements pour harpe à l'Hôtel de Soubise le 8 :  Villa-Lobos (études), Fauré (impromptu), Mendelssohn (romances), Bach (fantaisie Chromatique), Schüker. Par Pauline Haas.
Piano original le midi au Musée d'Orsay le 25 : Mompou, Takemitsu, Granados, Satie, et parce qu'il faut bien vivre, Chopin, Debussy et Ravel, par Guillaume Coppola.
L'Octuor de Mendelssohn, la Seconde Symphonie de chambre de Schönberg et la Sinfonietta de Poulenc seront données au CRR de Boulogne-Billancourt et au Centre Événementiel de Courbevoie les 13 et 14. Gratuit.
■ Extraits des quatuors de Walton (final) et Bowen (mouvement lent), Phantasy pour hautbois et trio à cordes de Britten, ses Métamorphoses pour hautbois solo, Lachrimæ de Dowland, création d'un élève du CNSM… Salle Cortot, le 1er, à 15h.
Menotti pour deux violoncelles, et puis Bruch (Kol Nidrei), Tchaïkovski et Schubert (Arpeggione) à l'Auditorium du Louvre, le 28.
■ À Herblay, les Percussions clavier de Lyon, le 28.
■ Pour finir, des cours publics du Quatuor Ébène dans les salles les plus intimes du CNSM, une expérience extraordinaire de se mêler aux étudiants en plein travail, la dernière fois, nous étions seuls, la partition sur les genoux, en train de suivre l'évolution du Trio de Chausson. Magique. 10h à 19h les 26 et 27, si vous le pouvez. C'est gratuit.


► Théâtre, ce que j'ai prévu pour ma conso personnelle, rien que du patrimoine pas très original :
■ Marivaux – L'Épreuve – Théâtre Essaion
■ Marivaux – Le Petit-Maître corrigé – salle Richelieu
■ Kleist – La Cruche cassée – salle Richelieu
■ Odéon – Soudain l'été dernier – Odéon. Fait pour ma part (cf. commentaire supra).
■ d'après Zweig – La Peur – Théâtre Michel
■ d'après Renoir – La Règle du jeu – salle Richelieu


avril 2017
Dans la salle de l'ancien Conservatoire, au centre des médaillons des grands dramaturges et musiciens figurent, sur le même plan, Eschyle et… Orphée.



3. L'avenir de l'agenda de CSS

J'avoue éprouver une relative lassitude dans la confection de ces programmes. Ils prennent pas mal de temps à élaborer, tandis que j'aurais plutôt envie de parler de choses plus précisément étayées et plus généralement musicales, moins liées à l'offre francilienne : des bouts d'œuvre avec des extraits, des questions de structure musicale ou de technique vocale, plutôt que d'empiler les commentaires sur des concerts qui n'ont pas encore eu lieu, avant le premier du mois suivant…

Ces notules ne paraissent par ailleurs pas spécifiquement plus lues que les autres – je laisse de côté les cas, hors concours, où je parle de Callas, Carmen, des fuites dans les saisons parisiennes, ou des quelques occurrences où je suis en tête de Google (opéra contemporain, conseils aux jeunes chanteurs). Je me sens un peu le responsabilité, puisque cette base de données existe, de promouvoir les ensembles qui font l'effort et prennent le risque de proposer un répertoire renouvelé, mais ce n'est pas un office particulièrement exaltant à réaliser.

D'où cette question : y trouvez-vous un intérêt ?  Vous en servez-vous ?

Si cette notule reçoit moins d'une centaine d'éloges éloquents dans les commentaires ci-dessous, je ne suis pas sûr de poursuivre ce format-ci dans l'avenir. Du temps supplémentaire pour des notules de fond – il y a La Tempête, musique de scène de Chausson écrite pour marionnettes, un opéra d'un Prix de Rome où Georges Thill tenait le rôle d'une grenouille amoureuse, et quelques autres sujets qui sont, comme vous pouvez vous le figurer, un peu plus amusants à préparer qu'un relevé fastidieux.



Quoi qu'il en soit, les bons soirs, vous pourrez toujours effleurer la réverbération de ma voix cristalline dans les coursives étroites des salles louches cachées au fond des impasses borgnes.

mercredi 1 mars 2017

Les feſtes de la Muſique et de Mars


Comme chaque mois depuis plusieurs années désormais, un petit tour d'horizon de ce qui a été écouté en salle au cours du mois (de février), et quelques conseils pour ne pas rater les plus beaux rendez-vous de mars.

Encore une fois, pour des raisons de praticité, je me limite à une petite expansion de ce que j'ai déjà collecté pour mon usage personnel, donc en région Île-de-France essentiellement. La sélection ne se limite pas à Paris ou, du moins, est faite après la lecture des programmes de la plupart des théâtres de la région – en musique en tout cas, puisque l'offre de théâtre est tellement incommensurable que je me limite à indiquer quelques-unes de mes marottes.



1. Bilan de février

Le précédent relevé s'arrêtait au 25 janvier, voici donc quelques spectacles auxquels on pouvait (et auxquels j'ai) assister.

Comme à chaque fois, j'ai dû faire quelques sacrifices : les jeunes chanteurs de fin cursus du CRR de Paris, Les Aveugles de Maeterlinck à Vitry-sur-scène – où les acteurs déclament au milieu des spectateurs, embués dans les vapeurs épaisses de glycol –, les moments de The Tempest mis en musique par Saariaho à la Maison de la Radio et par un ensemble baroque (on peut jouer ces jolies chansons sur instruments modernes ou anciens), et vraisemblablement La mort de Danton de Büchner (Théâtre de la Bastille après la MC92).

Et puis il y eut surtout bombance.

♣ De véritables raretés que je ne verrai peut-être pas deux fois :
♣♣ Musique de chambre d'Ustvolskaya (toujours ce caractère direct, brut, thématique malgré ses apparences frustes), et cycles de mélodies russes du second XXe : les mélodies encore romantiques mais aux intervalles serrés, comme atrophiés, dans les Petőfi de Vainberg / Weinberg (très belles), l'emphase pince-sans-rire (et le matériau musical d'une richesse impressionnante) des Petites Annonces de Mossolov, les Akhmatova de Prokofiev, les Blok de Chostakovitch (utilisant alternativement toutes les combinaisons possibles avec violon-violoncelle-piano). Avec Elena Bashkirova au piano et Marina Prudenskaya (formidables Venus et Fricka dans les derniers Wagner de Janowski) : même si le russe est assez flou, chanter d'aussi belle façon des mélodies avec une voix aussi dramatique, c'était impressionnant.

♣♣ Stratonice de Méhul par la compagnie Les Emportés. J'espère trouver le temps de dire un mot plus vaste de cette production très intéressante. D'abord pour l'œuvre, certes pas la plus aboutie de Méhul, qui ne prend pas du tout dans le disque Christie (où les dialogues sont pourtant au complet), mais que Les Emportés parviennent à incarner adroitement sur scène – formellement un opéra comique, mais dont le sujet fait appel au pathétique (le choix de l'humour défendu par la compagnie est une voie possible, que le livret n'impose pas du tout) et dont le langage musique s'est déjà chargé de traits romantiques (en tout cas très beethovenien et plus guère classique). Plaisir de retrouver Fabien Hyon (déjà excellent dans Hahn ou LULLY), qui a gagné en moelleux sans perdre rien de son naturel ; plaisir aussi de découvrir Alice Lestang et Guillaume Figiel-Delpech, à l'émission très franche et naturelle – et qui tient, du fait du traitement comique du médecin, une bonne partie de la réussite théâtrale de la matinée sur ses épaules. Je leur souhaite la bienvenue dans la liste très fermée des Chouchous de CSS, qui leur assure une couverture généreuse et sans contrepartie de leurs projets les plus bizarres. Le soin porté à la déclamation (dû à Benjamin Pintiaux ou Maxime Margollé ?) est aussi à saluer : très exacte (à l'exception d'une petite liaison en [g] débattable), et surtout très expressive, pas du tout froidement formelle (le disque Christie, malgré l'excellence de ses participants, en démontre très bien les écueils). [D'autres aspects dans cette notule.]

♣♣ Le Passant de Paladilhe par la Compagnie de l'Oiseleur. Ainsi que des extraits de L'Amour africain. Avec Chloé Chaume, Maria Mirante, Antonel Bodan, L'Oiseleur des Longchamps, Benjamin Laurent. Le Passant, en particulier, propose une écriture au cordeau malgré sa simplicité apparente : un lyrisme sobre et très immédiat, mais soutenu par une harmonie qui, sans rechercher l'effet, souligne avec beaucoup de finesse l'évolution des situations. Une bien belle découverte remarquablement chantée (particulièrement sensible à l'effet de Maria Mirante dans un rôle travesti) et accompagnée – Chevereau, Olivon, toujours des accompagnateurs exceptionnels chez L'Oiseleur (je n'y regrette jamais l'orchestre) !  En l'occurrence, Benjamin Laurent semblait lire l'harmonie comme un livre d'émotions précises, impressionnant. [J'en dis davantage dans cette notule.]

♣♣ Le petit Duc de Lecocq par les Frivolités Parisiennes au Trianon (de Paris). Une production de très haute volée, encore une fois cet orchestre met une incroyable maîtrise et une vaste générosité dans un répertoire qui se joue généralement plus à l'économie – soit par de grands orchestres qui ne se fatiguent pas trop, soit par des formations plus modestes qui ne peuvent prétendre à la perfection. La mise en scène amuse beaucoup dans un décor fait de simples cubes, et tout le plateau étale un français remarquable : Sandrine Buendia, Marion Tassou, Rémy Poulakis (le seul que je découvrais, un ténor remarquablement projeté, un beau fondu, aucune constriction), Jean-Baptiste Dumora
    … et Mathieu Dubroca, que je n'avais pas entendu en solo (il est membre d'Accentus…) depuis plus de dix ans (pour une création théâtrale en occitan), lorsqu'il débutait sa carrière à Bordeaux (il était même encore étudiant en chant, je crois). Je ne vois pas spontanément d'exemple de baryton actuel disposant à la fois d'un français aussi exact et d'une voix aussi projetée, sans les artifices de ces techniques bâties sur les graves – son équilibre est plutôt à l'opposé de Tézier et Degout. Par ailleurs, ce dont je n'avais pu juger jusqu'ici, acteur d'une grande présence, un des artistes majeurs de la scène française – goût des programmateurs pour les voix artificiellement sombrées, préjugés sur sa catégorie vocale, volonté personnelle d'avoir la sécurité de l'emploi de choriste ?  En tout cas, une belle voix parfaite, flexible, insolente et expressive comme on n'en entend pas tous les jours.
    Un seul regret : quel faste, un orchestre complet, une mise en scène réussie, des chanteurs très aguerris, un théâtre à l'italienne de mille places où l'on voit bien (et entend remarquablement) de partout… pour une œuvre très mineure, même au sein du catalogue de Lecocq. Oui, bien sûr, c'est le projet même des Frivolités Parisiennes, jouer du répertoire léger avec un niveau d'exigence et d'excellence équivalent à celui des ouvrages les plus révérés. Je l'accepte avec gratitude, bien sûr – tout en soupirant secrètement après une interprétation de Frédégonde de Saint-Saëns, de La Dame de Monsoreau de Salvayre, d'Hernani d'Hirchmann, du Retour de Max d'Ollone qui serait donné dans ces conditions extraordinaires. [notule d'origine]

♣♣ Compositions de Durey, Ibert et Tailleferre par l'orchestre d'harmonie des Gardiens de la Paix au CNSM. Belle découverte des grands accords médicatifs de l'Interlude Op.112 de Durey pour cuivres et timbales. Sinon, œuvres vraiment très mineures (pas forcément interprétées avec une immense exaltation non plus), en particulier le Concerto pour piano, 16 instruments à vent, contrebasse et timbales du même Durey, où la pénible impression qu'il ne se passe rien dure… jusqu'à la fin. Quelques orchestrations d'élèves pas mauvaises sur du Poulenc pianistique.
    Pas une très forte impression musicale, mais on en sort au moins plus cultivé qu'en y entrant.


♪ D'autres œuvres rarement données :
♫ Les Pages du CMBV dirigés par Olivier Schneebeli, avec des musiciens du CRR de Paris (dont la gambiste Pauline Chiama, déjà vue dans L'Europe Galante ou Jason & Médée de Salomon et un bassiste-de-violon, dont j'ajouterai le nom à la prochaine mise à jour, tous deux en passe de devenir de grands continuistes), dans le seul concert parisien de la saison pour l'institution… J'y suis allé confiant, sans m'apercevoir que seuls les Pages (8 à 12 ans, à vue de nez) y figuraient, sans les Chantres (jeunes adultes) ni aucun soliste extérieur… les chœurs, mais aussi les solos, tout leur était confié !  Ils étaient bien sûr très bien préparés, mais tout de même, la maturité musicale ne peut être la même (et la qualité n'est pas celle de Radio-France ou du chœur Rameau de Versailles – deux institutions qui font chanter des enfants plus âgés en moyenne, plutôt 10-14 ans), et le résultat, quoique très valable, n'avait pas la qualité incantatoire des concerts de pros, semi-pros ou jeunes pros dont la capitale est prodigue. Moi qui ne peux jamais aller aux jeudis musicaux de la Chapelle Royale (17h30 un jeudi à Versailles, à moins de travailler dans une banque Avenue des États-Généraux, hein…), j'ai bondi sur l'occasion que je n'ai découverte qu'assez tard. Ma mine, quand j'ai vu le chœur entrer, devait être assez drôle à voir.

Motets à deux dessus de Campra (Cum invocarem, inédit au disque me semble-t-il), Bernier (Laudate Dominum), et la célèbre Troisième Leçon de Ténèbres du Mercredi de Couperin par Le Vaisseau d'or. Agathe Boudet, Julia Beaumier, Stéphanie Petibon, Ondine Lacorne-Hébrard, Martin Robidoux. [Voir la notule correspondante pour un mot sur les œuvres et le choix d'un traitement rhétorique de la musique.]

Fantasio d'Offenbach au Châtelet – production de l'Opéra-Comique avec le Philharmonique de Radio-France dirigé par Laurent Campellone, mise en scène de Thomas Jolly. Ce n'est pas un Offenbach majeur, mais il documente un aspect plus sérieux, moins couru de son legs… et joué avec ce degré d'engagement (par des musiciens statutaires qui ne brillent pas souvent par leur entrain dans ce répertoire, bravo Campellone !), animé scéniquement comme cela, tout fonctionne à merveille (alors que j'étais resté plutôt ennuyé à l'écoute de précédentes versions). Et puis, individuellement, de superbes choses aussi, en particulier Marianne Crebassa et Thierry Félix et Jean-Sébastien Bou, magnétiques. Je ne m'étendrai pas sur la question, puisque l'œuvre ne me paraît pas du tout majeure, et que la presse a déjà tressé (à juste titre) des couronnes à cette production. D'une manière générale, toutes les productions de l'Opéra-Comique sont des valeurs sûres en matière d'exploration comme de réalisation pratique, j'aurais peine à citer des soirées décevantes, et beaucoup de superlatives.


◊ Un tout petit peu de théâtre :
◊◊ Intérieur de Maeterlinck. Une poussée de fièvre Maeterlinck à Paris – il y en a tous les jours depuis quelque temps –, entre La mort de Tintagiles la saison passée (probablement le spectacle le plus impressionnant de tous ceux que j'aie vus, musicaux ou non), la production de Pelléas et Mélisande en version théâtre (à la Cartoucherie, je l'ai manqué), les textes en prose (avec renfort de chanteur au T2G en mars), et donc Intérieur au Studio-Théâtre de la Comédie-Française.
    Le texte, très court, en est bon, concentré sur un beau sujet terrible – le moment de la révélation d'un grand malheur (au soleil, dans un beau jardin) où le retard est comme arraché à la période de tristesse infinie qui s'annonce. Au peu d'entrain à apporter une telle nouvelle à une famille qui, par la fenêtre, semble heureuse, se mêle la justification de faire leur bien, de leur économiser quelques minutes de félicité avant un éternel malheur. Toute la pièce se limite à la tragédie des messagers, qui doivent faire ce qu'ils ne veulent pas faire, et n'en tireront que de l'affliction.
    En revanche, la réalisation tue complètement le texte : des silences (je n'exagère pas, j'ai compté) de 5 à 20 secondes entre chaque réplique (à chaque fois une phrase courte). On ne peut pas entrer dans ce qui se dit de loin en loin, on se laisse conduire par les pensées qu'on avait avant d'entrer dans la salle, ou simplement par la chaleur ; et, une fois qu'on a compris le procédé, on se met effectivement à occuper mentalement le temps entre deux répliques, comme lorsqu'on se plonge dans autre chose pendant un précipité ou une pause publicitaire…
    L'impression désagréable (et sans doute fausse, d'ailleurs) que Nâzim Boudjenah a délibérément refusé de jouer deux ou trois pièces de vingt minutes, et pris ses dispositions pour que le public ne se sente pas lésé par la durée du spectacle. Si l'on en vient à penser comme cela, en tout cas, c'est que le pari n'est pas réussi – il est probable que l'entreprise ait plutôt desservi le nom de Maeterlinck, déjà diversement considéré. Le public était comme sonné à la fin : noirceur de la situation, certes, mais les commentaires portaient surtout sur le caractère décontenançant de ces longues plages de… rien.
    Dommage, vraiment – cela confirme l'intérêt de Maeterlinck au théâtre, tout en demeurant une expérience très frustrante. Et 22€ pour une pièce qui devrait durer vingt ou trente minutes, il y a de quoi rebuter une partie du public, surtout avec cet horaire qui filtre déjà les spectateurs à ceux qui travaillent dans le centre de Paris sans avoir des horaires de cadre supp' (début 18h30)…


Enfin, parce que la chair est faible, plusieurs scies lyriques bien interprétées :
Die schöne Müllerin de Schubert par Matthias Goerne et Leif Ove Andsnes, qui m'avait incité à quelques remarques, notamment sur la fausse sécurité procurée par des transpositions très graves de lieder.
Così fan tutte de Mozart à Garnier, dirigé par Ph. Jordan et mis en scène (enfin, pas vraiment) par Keersmaeker. Expérience éprouvante pour supporter le public et particulièrement énigmatique visuellement – quel est l'intérêt de prévoir une mise en scène si c'est pour retirer tous les éléments explicites du livret, en refusant de faire jouer les chanteurs (immobiles à l'avant-scène) tout en les faisant regarder par leurs doubles danseurs, eux aussi immobiles ?  Je veux bien qu'on accepte par principe tous les concepts du monde, mais celui d'imposer aux artistes de ne rien faire, jamais, je ne vois pas. Récit des enfants qui courent dans les loges et de mon appréciation de la production (par ailleurs remarquablement chantée) sur le meilleur forum musical francophone, où j'ai mes habitudes depuis 2005.
De même, pour Lohengrin de Wagner à Bastille, n'étant pas le sujet principal de CSS, j'ai laissé quelques impressions informelles sur le forum-de-Xavier. Très impressionné par Stuart Skelton (la projection considérable comme la finesse artistique), pas du tout épais, barytonnant, étouffé ou court (comme pourraient le laisser croire ses captations, où il sonne un peu rauque) et par Tomasz Konieczny (véritable baryton dramatique, saturé en harmoniques faciales et tirant toutes voyelles du côté d'un méchant [eu] – ce qui n'est pas sans évoquer Nismgern, dont je suis un fanboy notoire), très déçu par Michaela Schuster (probablement dans un très mauvais soir), plutôt séduit par la mise en scène de Claus Guth (pas excessivement détaillée et cohérente, mais qui hausse l'œuvre plutôt qu'elle ne l'abîme), et pas tellement convaincu par l'orchestre, qui m'a paru modérément impliqué, même si ce n'est pas au point de ses Gluck et Mozart de Garnier…
Je crois surtout que l'œuvre n'a pas assez de densité pour se soutenir aussi lontemps sur scène, et que la distance dans Bastille rend impossible l'adhésion complète lorsqu'il n'y a pas une partie orchestrale vraiment dense.
♠ Enfin, ma première Carmen de Bizet en salle, malgré Simone Young (peu captivante comme prévu, inutile de chercher le style français), sélectionnée pour ses seconds rôles au français exceptionnel : Cyrille Lovighi, Francis Dudziak, Frédéric Goncalves, Jean Teitgen (!). Marie-Nicole Lemieux, que je n'admire pas démesurément, s'est avérée une très bonne surprise, bon français, pas d'outrances (même si la voix reste empâtée et l'aigu difficile) ; Michael Spyres démontrait le danger de chanter large lorsqu'on choisit des rôles plus larges que sa voix (le brillant disparaît peu a peu et les aigus, de plus en plus en arrière, deviennent périlleux, lui qui émet par ailleurs des contre-fa à loisir…) ; enfin Jean-Sébastien Bou, un tel charisme vocal et scénique que tout ce qu'on pourrait dire sur l'adéquation du rôle ou les biais techniques paraîtrait dérisoire, il pose un pied sur la scène et il possède l'auditoire. Belle soirée d'initiation pour moi, donc, même s'il manquait au minimum un orchestre intéressant, qui a sa place essentielle dans Carmen.


Une jolie petite brassée de belles expériences assez peu renouvelables !  À présent passons à mars.



mars 2017
Le Temple de Pentemont, un des lieux de février – issu d'une extension de l'abbaye d'origine pendant le second XVIIIe, avec ses saints évangélistes conservés malgré le changement de culte.



2. Sur le sentier de mars

Quelques recommandations dans le vaste programme proposé ci-dessous.

►Raretés vocales baroques et classiques :
■ Les 3 & 4, Orfeo de Rossi par l'ensemble Pygmalion et une distribution phénoménale, en particulier Francesco Aspromonte. Les tarifs sont très élevés pour cette reprise, hélas, mais le spectacle, diffusé en vidéo la saison passée,œ a prouvé sa valeur exceptionnelle. Présentation de l'œuvre et des interprètes dans cette notule.
■ Le 5, rogramme airs à boire Grand Siècle par Il Festino (Moulinié en particulier), avec poésie baroque déclamée en français restitué (plusieurs Saint-Amant, et un bout de Pantagruel) : Julien Cigana, Dagmar Šašková, Manuel de Grange. Mon premier concert en débarquant dans la région, il y a 8 ans, et je ne m'en suis toujours pas remis : l'intensité poétique et l'espièglerie de l'ensemble sont irrésistibles. De surcroît, j'ai déjà dit que Dagmar Šašková était la plus grande chanteuse de tous les temps. Voilà. Il faudra être à Puteaux un dimanche matin à 10h30. Entrée gratuite, mais conditions bizarres. Je dois me renseigner, le site a l'air de dire qu'il faut apporter sa carte de résident (??).
Messe à 8 chœurs de Benevoli, à la Cité de la Musique avec chœurs spatialisés, par le Concert Spirituel. Pas une composition majeure à mon sens (ce n'est pas Rubino…), mais de la belle musique, qui doit être assez spectaculaire dans cette disposition, à défaut de réverbération basilicale. J'espère que les choristes du Concert Spirituel seront un peu moins ouatés que pour le Messie – c'est ce qui arrive lorsqu'un ensemble se dé-spécialise et que son chef part courir le guilledou romantique. (Je crois tout simplement qu'il n'y a plus assez de concerts incluant le chœur pour qu'il soit réellement constitué, et que l'effectif en est très impermanent.)
Chimène de Sacchini à Massy et Herblay par le Concert de la Loge Olympique. Du Mozart français et plein d'autres choses, voir la longue notule (avec sons). C'était vraiment convaincant, j'y retournerai peut-être.
■ Les 2 & 3, Les Saisons de Haydn dans la version en français de la création française, sur instruments anciens, par le Palais-Royal. J'avais assisté à La Création par les mêmes, et été très favorablement impressionné.
Il Matrimonio segreto de Cimarosa, charmant opéra bouffe (plutôt de jolies mélodies qu'une œuvre réellement ambitieuse – en somme ce qu'il fallait pour toucher Stendhal), par plusieurs de mes chouchous du CNSM : Marie Perbost (multiples notules, testez la boîte de recherche !), Harmonie Deschamps (en fulgurants progrès), Jean-Christophe Lanièce, Guilhem Worms – ces deux derniers, il n'est pas exagéré de dire que j'en suis gaga… Et ceux que je n'ai pas nommés, Fiona McGown et Blaise Rantoanina, sans figurer au rang de mes chouchous sont vraiment très bien aussi !
Méhul, Messe du Sacre de Napoléon, Ouverture des Amazones, La chasse du jeune Henry à Versailles par Les Siècles. Messe non (/ jamais ?) jouée du fait de la commande d'une autre à Paisiello – qui est vraiment terne, je trouve. En regard, la Cinquième de Beethoven (ce qui, par Roth, fait particulièrement envie). Je n'y serai probablement pas, j'espère une diffusion ultérieure !


►Raretés vocales romantiques :
Les Nuits d'Été de Berlioz rendues aux hommes, ce sera fait deux fois, l'une avec Gerhaher et Harding au TCE, l'autre avec Barbeyrac (et piano) à l'Athénée.
■ Le 4, Stabat Mater de Clémence de Grandval à Saint-Lambert de Vaugirard, par la Compagnie de L'Oiseleur. À en juger par ce dont nous disposons au disque (surtout des pièces pour hautbois et orchestre chez Hänssler, ou bien le Trio de salon pour hautbois, basson et piano, qui est parfois donné dans de petits concerts, comme ici), ce n'est pas la plus grande compositrice de tous les temps, mais son écriture dispose d'une belle veine mélodique et d'un savoir-faire très sûr, sans ostentation. Exactement ce qui peut très bien fonctionner pour un oratorio. Je suis très curieux et impatient de la découverte, d'autant que le niveau (et la population générale !) de la Compagnie de L'Oiseleur poursuit son accroissement au fil des années (dernières productions A. Bloch et Paladilhe assez exceptionnelles). Libre participation.
■ Le 17, bien sûr La Pucelle d'Orléans de Tchaïkovski par les forces du Bolchoï, à la Philharmonie !  Pas le meilleur Tchaïkovski, certes, mais regorgeant de beautés, et vraiment jamais donné. On programme beaucoup Onéguine et la Dame de Pique, de plus en plus Iolanta, quelquefois Mazeppa, mais jamais la Pucelle en France (bizarrement), et guère en Europe (donc dans le monde, considérant le peu d'exploration du répertoire dans les autres région du monde) non plus. Peut-être est-elle toujours fréquente en Russie, je n'ai pas vérifié, mais je n'ai pas l'impression que les théâtres russes valorisent tellement leur propre répertoire en dehors des grands titres qu'ils magnifient très régulièrement.
À l'occasion, ce serait sympa de faire L'Enchanteresse aussi (voire Vakoula, qui n'a jamais été enregistré !). Merci d'avance.
Récital de mélodies de tous horizons consacrés à la nature, par L'Oiseleur des Longchamps. Toujours un puits insondable de découvertes dans ses récitals, de plus en plus soignés et aboutis.
Messe en ré de Dvořák (ce n'est pas le Requiem, évidemment, mais c'est joli), et chants pour chœur (très bien écrits) de Delius et RVW. Chœur de Radio-France.
■ Les 19 (Batignolles) et 28 (Bon Conseil), le chœur amateur (de bon niveau !) Stella Maris donne un autre de ses programmes ambitieux a cappella : Debussy, Poulenc, Hindemith, Rautavaara – et encore, c'est assez tradi par rapport à leurs habitudes. 15€ en prévente, sinon 20€.


► Raretés en musique de chambre :
■ Le 28 midi, Gouvy, Fauré (Quatuor avec piano n°1), Dancla, Vieuxtemps, Musée d'Orsay.
■ Le 8, Debussy, IrelandSzymanowski, Ralph Vaughan Williams pour violon et piano à l'Espace Bernanos.
■ Le 13, Till de R. Strauss arrangé pour sextuor et joué au Théâtre 13  par l'Orchestre de Chambre de Paris.


► Raretés symphoniques :
■ Le 7, les étudiants en direction d'orchestre de la classe d'Alain Altinoglu joueront à tour de rôle les mouvements de la Tragédie de Salomé de Florent Schmitt, le chef-d'œuvre du décadentisme français. Et c'est gratuit. Donné deux fois en une saison (par l'ONF et Denève en septembre), c'est rarissime !
■ Le 11, concerto pour alto de Malcolm Arnold, Song Before Sunrise de Delius, Second concerto pour piano de Tchaïkovski par l'ensemble orchestral d'Éric van Lauwe, toujours en quête de découvertes. (Cette fois-ci, pas forcément intéressé par la proposition, je l'avoue – pas forcément le plus fort de chaque compositeur. Mais remarquable constante dans la proposition de programmes alternatifs, et avec un niveau de jeu professionnel.) Libre participation.
■ Le 23, la Deuxième Symphonie de Nielsen, très, très rarement donnée (et ma chouchoute), par le grand (et formidable) spécialiste Storgårds de surcroît. Rien que pour l'andante malinconico, il faut faire le déplacement !


► Autres dates intéressantes :
■ Le 3, fin de la série Takemitsu-Messiaen par l'EIC avec chorégraphie de Teshigawara, à Chaillot. Bien sûr très cher.
■ Le récital Petibon à Gaveau, avec un mélange de Debussy (La Belle au bois), Sondheim (Into the Woods), Mistinguett
■ Concert exceptionnel le 17 à la Cité de la Musique : un grand panorama des grandes tendances de la musique contemporaine « officielle » des années 50 à nos jours. Immanquable si vous n'êtes pas à la Pucelle


► Belles distributions :
Ulisse de Monteverdi par Le Concert d'Astrée avec Gillet, Kožená, Vidal, Gonzalez-Toro, Villazón (Monteverdi a toujours été son meilleur répertoire, étrangement…), Spicer, Teitgen !


► Les chouchous : interprètes et ensembles parrainés.
■ Récital le 23 mars midi de Guilhem Worms et Nicolas Chevereau (un des meilleurs chefs de chant en activité, testez la boîte de recherche à son sujet…), de Rameau au lied, incluant les Don Quichotte d'Ibert !
■ Récital le 23 mars midi du Quatuor Arod : Mozart 1, Mendelssohn 2, Webern en cinq mouvements.
■ Concert de lied & mélodie par les élèves du CNSM (Yves Sotin) à la Médiathèque Berlioz. Gratuit.
■ Jeunes chanteurs du cycle supérieur du CRR de Paris en audition le 30. Gratuit.
■ Le 6, Eugénie Lefebvre (avec Hasnaa Bennani) dans un programme italien premier XVIIe : Carissimi, Rossi… et quelques tubes monteverdiens (duos de Poppea, Zefiro torna).
■ Le 1er mars salle Cortot, Francesca Aspromonte (à entendre et voir) dans un programme purement seria (Scarlatti, Haendel, Keiser), donc pas celui qui flatte le mieux ses aptitudes exceptionnelles, mais elle est à Paris, c'est un bon début.
■ Le 26, l'ONDIF dans un programme généreux qui devrait lui aller comme un gant : ouverture de Candide, danses de West Side Story, le discours de Lincoln de Copland, le Concerto pour violon de Barber avec Radulović. À l'exception de la dernière, de plus ample ambition, que des œuvres assez frappantes et jubilatoires.
■ Le Quatuor Ardeo (très bien nommé) joue Beethoven 3, Schumann 3 et Silvestrov à Saint-Quentin-en-Yvelines, où elles sont en résidence.

► Théâtre.
L'héritier du village de Marivaux à Herblay (le 10 mars).
Le petit-maître corrigé de Marivaux salle Richelieu.
La mort de Danton de Büchner au Théâtre de la Bastille.
La Cruche cassée de Kleist salle Richelieu.
Quand nous revenons d'entre les morts d'Ibsen, au Passage vers les étoiles (Métro Père Lachaise). Son ultime pièce, le dialogue désabusé d'un vieux couple – je ne l'ai jamais trouvée passionnante à la lecture, mais elle est rarement donnée et la salle est bien calibrée acoustiquement (nette sans être trop sèche, petite mais haute de plafond).
La Beauté intérieure, textes non dramatiques de Maeterlinck, au T2G. Pas persuadé que ce soit bien, mais on n'a pas du Maeterlinck tous les jours.
La Peur (Zweig) au Théâtre Michel, prolongé jusqu'en avril.
L'État de siège de Camus à l'espace Pierre Cardin (production du Théâtre de la Ville). Assez cher pour du théâtre subventionné, néanmoins.
■ Soudain l'été dernier de T. Williams à l'Odéon.




mars 2017
Comme la statuaire du Passage vers les étoiles, ce mois-ci, CSS a tout donné.



3. Expositions

Laissez-moi gagner un peu de temps de ce côté-là en vous recommandant le remarquable Exponaute (et son tri par date de fin !) ou la très utile sélection mensuelle de Sortir à Paris.



4. Programme synoptique téléchargeable

Tentative d'utilisation d'un calendrier synchronisé. Ce n'est pas encore totalement en place – cela prend plus de temps, surtout pour préparer la version publiable sur CSS, mais il est là.

J'en ai profité pour réaliser une sélection non plus personnelle, mais dédiée à Carnets sur sol, avec un code couleur distinct suivant la gradation suivante :
◊ jaune : alerte chouchou ! (indépendamment de l'intérêt / rareté des œuvres)
◊ vert : sympa ou intéressant
◊ bleu : œuvre rare et intéressante, probablement bien interprétée
◊ violet : rare et exaltant, l'exécution aussi
◊ (( : début de série
◊ )) : fin de série
◊ rouge : ouverture de réservation

PARTIE 1 (cliquez ici pour ouvrir l'image en grand dans un nouvel onglet)

mars 2017


PARTIE 2 (cliquez ici pour ouvrir l'image en grand dans un nouvel onglet) :

mars 2017


Les bons soirs, vous pourrez toujours distinguer l'ondulation de mon pas gracile dans les combles obscurs des salles interlopes, loin des lumières festonnées des grands foyers.


Ô Mars, ô Mars, ô Mars !

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jeudi 9 février 2017

Carmen contre les vendeurs de lessive


Commencez avec l'authentique héritier de Carmen.

Bien sûr, lorsqu'on cherche à vous décider d'acheter des places pour un concert, on vous en dit du bien ; et on est même en droit d'espérer que les programmateurs ont réellement prévu que ce serait beau. Néanmoins, est-on obligé de mobiliser les promesses de la Mère Denis pour promouvoir un tel tube intersidéral ?
Carmen figure au palmarès des opéras les plus joués dans le monde malgré une réception mitigée lors de sa création à l’Opéra-Comique en 1875. C’est aujourd’hui un ouvrage « culte » avec ses airs et mélodies connus de tous et un orchestre superbement expressif et coloré tant dans les scènes de foules que dans les moments intimes. Le rôle de Carmen est ambigu dans sa tessiture puisqu’il présente à la fois les exigences d’une mezzo-soprano et celles d’une soprano dramatique. Superbe musicienne à la voix naturellement riche en harmoniques, Marie-Nicole Lemieux est capable de chanter l’Isabella de l’Italienne, l’Orlando d’une façon plus furioso que quiconque ou encore une irrésistible Mrs Quickly. Véritable contralto au riche ambitus et surtout tornade vocale, elle n’a pas son pareil pour mettre une distribution au diapason de sa gourmandise et de son espièglerie.
… pouvait-on lire la semaine dernière sur les sites de Radio-France et du Théâtre des Champs-Élysées. Je ne veux pas médire du TCE, la relation avec le public est vraiment exemplaire (il reste le statut ambigu des ouvreurs, mais sinon, aussi bien la communication en ligne que la gestion humaine de la billetterie, service de tout premier choix), mais qui que ce soit qui ait écrit le texte : tout de même.



¶ Carmen serait un rôle totalement atypique, réclamant plusieurs voix (parce que Callas l'a chanté ?). Je ne vois vraiment pas en quoi, c'est typiquement un rôle de mezzo, très médium, chanté par tous types de mezzos (du grand dramatique verdien au petit mezzo lyrique), et même par des sopranos lyriques (au disque nous disposons de Los Ángeles, Anna Moffo, Angela Gheorghiu…). Un soprano dramatique serait plutôt embarrassé par ses graves pas toujours joliment timbrés et ses aigus massifs.
    En quoi a-t-on besoin de faire de la tessiture une exception pour nous vendre le concert ?  Pour nous faire croire que les cent vingt millions d'interprètes de Carmen dans le monde sont des superhéroïnes ?  Alors qu'on pourrait épiloguer sur ce que l'œuvre à de singuliers, son sujet, ses couleurs orchestrales, son harmonie. Moins vendeur, je m'en doute, puisque le tropisme glottophile fait davantage vendre, mais on aurait pu citer les grands noms et les tessitures différentes qui s'y sont victorieusement frottés, par exemple.

¶ « Véritable contralto » : le contralto est un animal rare, beaucoup de chanteuses, malgré l'étroitesse du répertoire, veulent s'arroger la niche. Mais pour cela, il faut une aisance particulière dans le registre grave, sans avoir besoin de poitriner exagérément. Or, Marie-Nicole Lemieux qui a effectivement chanté avec vaillance des rôles de contralto (Orlando chez Vivaldi, par exemple), n'a pas beaucoup de graves, en tout cas pas davantage que la majorité de ses collègues mezzo-soprano. Il n'y a pas de mal à cela : il est difficile de trouver de grands rôles exploitables pour véritable contralto (hors Orphée de Gluck et Erda dans le Ring, on se trouve vite, même lorsqu'ils ont été créés par des contraltos, face à des rôles qui réclament une belle extension aiguë…), et Lemieux ne pourrait pas faire la carrière qu'elle fait, et chanter Azucena par exemple, si elle l'était véritablement. Mezzo non sopranisant, assurément ; contralto, pas vraiment. Qu'est-ce que cela changerait à sa gloire d'ailleurs, surtout pour chanter Carmen – un rôle qui a, nous dit-on, « les exigences d'un soprano dramatique » ?
    Sauf si le but est de mentionner un maximum de noms de tessitures pour impressionner le public et faire croire à une voix longue – ce qui n'est pas le cas, c'est au contraire une voix assez centrale.


lemieux supergirl
— Tiens, Marie-Nicole a changé sa couleur.



¶ « Au riche ambitus » : au riche répertoire ou au large ambitus ?  L'ambitus a un sens précis, il désigne l'étendue vocale (je ne crois pas que celle de Lemieux soit exceptionnelle, d'ailleurs), qui peut être longue, mais « riche » renvoie bizarrement à une notion qualitative.
    Ce n'est pas grave, mais ça trahit un brouet un peu fumeux qui cherche à montrer le caractère exceptionnel du concert en enfournant plein de choses pas trop vérifiées. Marie-Nicole Lemieux a suffisamment de médailles et de succès à son actif pour qu'on ne fasse pas sa promotion sans inventer des concepts ad hoc.

¶ « À la voix naturellement riche en harmoniques », numéro 1.
    Pour commencer, une voix se travaille… qu'elle soit naturellement riche en harmoniques ou non, ce qui compte, c'est ce que l'on entend en concert ou au disque, après des années de labeur à se préparer pour la scène lyrique. La formule a quelque chose de la réclame pour yaourt… au vrais morceaux de fruit (car il existe de faux morceaux de fruit, sans doute), naturellement riches en vitamines.
   
¶ « À la voix naturellement riche en harmoniques », numéro 2.
    Je dis tout de suite que je ne suis pas un inconditionnel de Marie-Nicole Lemieux : j'ai bien aimé sa période seria (très séduit par l'énergie de son Orlando, justement), je suis beaucoup moins convaincu par ce que j'entends aujourd'hui – aigus courts et passablement criés, émission très en gorge, qui l'empêche d'être très sonore, diction moyenne. Elle a incontestablement de la générosité, mais vocalement, il existe mieux dans les mêmes emplois.
    Mais lorsqu'on parle d'harmoniques, il s'agit d'un domaine quantifiable. On peut mesurer si, physiquement, la voix est pure (peu d'harmoniques, comme lorsque le cor joue piano) ou riche en harmoniques (comme les jeux d'anche de l'orgue). Y mettre une connotation morale est d'ailleurs absurde : il existe de belles voix pures et de belles voix riches, tout dépend du répertoire choisi et de ce que l'on en fait. La seule limite est que la voix qui a peu d'harmoniques peut se faire happer par l'orchestre même si elle est puissante, et qu'on peut effectivement difficilement chanter Wagner (sauf pour les sopranos, qui comme Schwanewilms peuvent passer par-dessus le spectre orchestral) avec des voix qui ne sont pas très riches. Mais dans du Mozart ou du baroque, on peut apprécier des timbres plus purs, moins chargés (même si l'inverse n'est pas du tout interdit).
    Or, il se trouve que le timbre de Marie-Nicole Lemieux, sans être translucide non plus, fait plutôt partie de ceux qui ne sont pas trop riches en harmoniques – notamment parce que la voix résonne plus dans le pharynx que dans la face. Pour le dire de façon plus positive, c'est une voix qui n'est pas très métallique. Il s'agit donc, là encore, d'une mauvaise information. Je connais des tas de mélomanes et glottophiles éclairés qui adorent Lemieux (ce qui reste un peu mystérieux pour moi, certes), mais ils le font pour de véritables raisons, pas pour des formules standardisées qui sont à l'opposé de son identité réelle… D'une certaine façon, je trouve le procédé un peu vexant, tant de superlatifs pour la présenter… qui ne décrivent pas ce qu'elle est !



Bien sûr qu'il faut écrire quelque chose de simple, qui claque, qui crée l'événement, pour donner envie d'aller écouter. Mais autant le faire en ne désinformant pas le public. Ce serait Parsifal ou Wozzeck, je veux bien qu'on essaie de rassurer le public en lui promettant un opéra court et accessible, mais pour vendre Carmen, était-ce nécessaire, sérieusement ?

Exemple de réécriture.
Carmen figure au palmarès des opéras les plus joués dans le monde malgré une réception mitigée lors de sa création à l’Opéra-Comique en 1875. C’est aujourd’hui un ouvrage « culte » avec ses airs et mélodies connus de tous et un orchestre superbement expressif et coloré tant dans les scènes de foules que dans les moments intimes. Le rôle de Carmen a été interprété à la scène et au disque par les plus célèbres chanteuses, aussi bien des mezzo-sopranos, comme prévu par Bizet, que par les sopranos les plus différents. Superbe musicienne à la voix réputée pour sa chaleur, Marie-Nicole Lemieux est capable de chanter l’Isabella de l’Italienne, l’Orlando d’une façon plus furioso que quiconque ou encore une irrésistible Mrs Quickly. Parcourant les rôles de contralto comme de mezzo-soprano, véritable tornade vocale, elle n’a pas son pareil pour mettre une distribution au diapason de sa gourmandise et de son espièglerie.
Voilà, c'est pareil, on sous-entend que Carmen est un rôle à part, on déverse les éloges sur l'interprète (et même, implicitement, sur son étendue vocale), mais on ne désinforme pas le public.

Après, on croise des gens dans les allées qui affirment « oui, mais Carmen est un rôle très aigu ». Et qui nettoie après vous, hein ?

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[Au demeurant, malgré toutes mes préventions, très agréable surprise que cette première Carmen de Lemieux, pas du tout outrée ni tempêtueuse, français soigné, personnage nuancé, presque élégant, mais vivant, voix bien tenue ; pas de poitrinés ni d'effets de manche d'aucune sorte. Seuls les aigus n'étaient pas bien aboutis, mais on s'en moque un peu des aigus, surtout pour Carmen.]

jeudi 4 août 2016

Diagonale : la Marseillaise, Damase, Eugène Sue et l'Eurovision


A. Jean-Michel Damase à la Fête Nationale

Nous sommes le 14 juillet. Comme chaque année, je réécoute mon hymne national fétiche, la marche des Trois Couleurs de Jean-Michel Damase, tirée de son opérette (« feuilleton musical en deux actes ») Eugène le mystérieux (1963 ; création 1964). Les autres années, j'avais proposé la Marseillaise en hongrois (2011), m'étais interrogé sur les usages de l'hymne national en concert (2012), ou sur la semi-honte qui entoure la Marseillaise (2015).

Et donc, comme à chaque fois, je me pose des questions. En réécoutant le reste de la pièce, je m'interroge encore sur cette petite soprane qui a décidément une technique très différentes des voix d'opéra qui l'entourent. On l'entend très bien : le larynx haut, les voyelles ouvertes, à l'occasion un peu de souffle entre les cordes ; par ailleurs, si le timbre est éclairci et enfantin au maximum, elle chante plutôt en voix de poitrine (la voix de tête est réservée aux aigus, contrairement à la tradition lyrique)… un style (l'expression prime sur le legato) et une technique qui évoquent davantage l'univers de la chanson. Sans doute moins sonore que ses compères, elle est aussi manifestement captée de plus près.

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(Ariette des fleurs.)

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(Quatuor de la mauvaise éducation – avec Michel Cadiou en Rodolphe et Dominique Tirmont en Chourineur.)

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(Ariette de la déveine.)

Elle chante ici Fleur-de-Marie, héroïne des Mystères de Paris d'Eugène Sue, la source de cette opérette : air de présentation, trio de l'éducation, air de la malchance. Il est assez amusant que le texte de Marcel Achard (le librettiste), tout en refusant l'onomastique proposée par Sue, prenne autant la peine d'insister sur le fait qu'elle n'est qu'une petite fleuriste tandis que les autres filles vendent leur petite fleur, puisque c'est insister précisément sur ce qu'est, à l'origine, Fleur-de-Marie :

Par une anomalie étrange, les traits de la Goualeuse offrent un de ces types angéliques et candides qui conservent leur idéalité même au milieu de la dépravation, comme si la créature était impuissante à effacer par ses vices la noble empreinte que Dieu a mise au front de quelques êtres privilégiés.

La Goualeuse avait seize ans et demi.

[...]

La Goualeuse avait reçu un autre surnom, dû sans doute à la candeur virginale de ses traits… On l’appelait encore Fleur-de-Marie, mots qui en argot signifient la Vierge.

Pourrons-nous faire comprendre au lecteur notre singulière impression, lorsqu’au milieu de ce vocabulaire infâme, où les mots qui signifient le vol, le sang, le meurtre, sont encore plus hideux et plus effrayants que les hideuses et effrayantes choses qu’ils expriment, lorsque nous avons, disons-nous, surpris cette métaphore d’une poésie si douce, si tendrement pieuse : Fleur-de-Marie ?

[...]

— j’ai rencontré l’ogresse et une des vieilles qui étaient toujours après moi depuis ma sortie de prison… Je ne savais plus comment vivre… Elles m’ont emmenée… elles m’ont fait boire de l’eau-de-vie… Et voilà…

[...]

— Les habits que je porte appartiennent à l’ogresse ; je lui dois pour mon garni et pour ma nourriture… je ne puis bouger d’ici… elle me ferait arrêter comme voleuse… Je lui appartiens… il faut que je m’acquitte…
[Chapitre IV des Mystères de Paris de Sue.]

Même sans interpréter l'allusion aussi hardiment que je le suggère (néanmoins assez logique devant le récit croissant de ses malheurs, après avoir raconté le soulagement de la prison ou comment, enfant, on lui arrache une dent pour la vendre), on voit bien que Fleur-de-Marie n'est pas du genre à se poser en parangon moral, fût-elle irréprochable. L'opérette reprend le motif mais en le renversant, pour en faire un motif d'édification dans les familles, sans le même processus de réhabilitation que dans le [long] roman.

Pour plus ample balade, plusieurs notules ont été consacrées au roman (Sue & Dumas, mutations urbanistiques, style) ou à l'opéra comique (nomenclature de l'humour musical, Woyzeck le Chourineur, Fête Nationale).



Mais qui était-elle, cette soprane, pour qu'on lui confie ainsi un rôle dans du répertoire lyrique aux côtés d'un ténor institutionnel de la Radio comme Michel Cadiou – et titulaire de grands rôles sur les scènes prestigieuses ?  Sans doute une petit gloire du temps, me suis-je dit. D'autant que le rôle, qui utilise son vocabulaire propre, semble confectionné sur mesure pour une chanteuse de ton plus populaire.



B. Jacqueline Boyer à l'Eurovision

Vous serez peut-être effrayés en découvrant que lorsque je lus Jacqueline Boyer, ma réaction fut d'aller consulter mon imam Google, et de découvrir le pot aux roses. Pour commencer, c'est la fille de Jacques Pills, vieille gloire de la chansons française, plus tard mari d'Édith Piaf, et de Lucienne Boyer, dont la voix et le visage n'ont peut-être plus la même notoriété, mais dont les grands titres sont toujours connus de tous (Parlez-moi d'amour, Que reste-t-il de nos amours, Mon cœur est un violon, Bonne nuit mon amour mon amant). Elle raconte qu'elle fait ses débuts comme chanteuse à quinze ans, en partageant la scène avec Marlene Dietrich. Bref, plutôt préparée.

Et si bien que, un an seulement après que son propre père a fini dernier à l'Eurovision (sélection pourtant pour partie calamiteuse cette année-là), à l'âge de dix-huit ans, elle remporte la compétition de 1960 avec ceci :

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Assez irrésistible illustration du goût français, cette petite chanson en trois strophes est bâtie au cordeau. Un petit récit (de Pierre Cour) sur un personnage doté d'un nom pittoresque, organisé autour de chiffres (2 châteaux / 2 secrets / 1 défaut), avec un refrain varié, de petites surprises (« n'a qu'un défaut : [...] il est charmant, il a bon cœur, il est plein de vaillance ») et la pirouette finale qui dément tout ce qui a été précédemment dit.
Le balancement musical, très simple, est assez irrésistible, avec son alternance de couplets badins piqués et de refrain varié plus lyrique. Pour maintenir la tension, chaque nouveau couplet est élevé d'un demi-ton. L'orchestration (est-elle aussi due à André Popp ?) varie considérablement et multiplie les couleurs, les atmosphères, les contrechants de façon assez raffinée (on sent que le gars a étudié son Richard Strauss, et qu'il aurait pu être un camarade de Damase sur les bancs du Conservatoire).

Mélodie simple et prégnante, historiette amusante, et tout cela servi avec beaucoup de malice par Jacqueline Boyer : la façon dont l'aigu se décroche soudain en voix de tête pour la note la plus aiguë du refrain, ou les sourires qui passent dans la voix, les petits gestes qui colorent les sous-entendus, font de l'ensemble un petit bijou fragile délicat, assez addictif.

Comment en à peine vingt ans, est-on passé de ce type de ballade en version de concert accompagné par un orchestre symphonique aux rengaines chorégraphiées sur des boîtes à rythme ?  Parce que L'Oiseau et l'Enfant, qui remporte la palme en 1977, se situe quelque part entre du sous-Joan Baez et du sous-sous-André Popp, la kitschouillerie en sus ; et on est loin de ce qui a été produit de pire dans ce concours pendant les décennies suivantes.



C. Chanter en langues


En cette année 1960, on joue des chansons à l'ancienne, accompagnées par des orchestrations ambitieuses (avec, au besoin, des éléments jazz) ;  sans vouloir jouer de l'absurde hiérarchie, la densité musicale me semble beaucoup plus ambitieuse que dans les éditions récentes où le soin est d'abord porté sur le grain du son et sur la chorégraphie.

Par ailleurs, autre contrainte, l'usage d'une des langues officielles du pays concourant. Pour une émission qui se veut une célébration de l'esprit européen, entendre défiler toutes ces couleurs locales a quelque chose de particulièrement fascinant et émouvant. Le principe a beaucoup varié au fil des périodes, et restait respecté par tous, quoique implicite, dans les premières éditions, de 1956 à 1965.

Par qui le scandale est-il arrivé ?  Par un chanteur d'opéra, forcément.

En 1965, Ingvar Wixell, le grand verdien (Rigoletto et Amonasro restés des références absolues pour tous ceux qui aiment les voix claires, les timbres morbidi-moelleux et les émissions mixées-mixtes), y chantait avec sa technique d'opéra un chanson en anglais, pour le compte de sa Suède natale. La technique de chant lyrique était habituelle, beaucoup de chanteurs à la mode d'alors y recouraient, on l'entend très bien chez les concurrents de ces années – surtout chez les hommes (les femmes chantent en général la chanson en mécanisme de poitrine, alors que la voix de tête est utilisée par défaut dans le lyrique). Son usage n'est pas identique à celui fait à l'opéra, bien sûr (les tessitures sont plus courtes et basses, pour commencer), mais les fondements techniques sont très proches. Pour prendre deux exemples emblématiques :

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Dennis Morgan est un ténor évident, parfois qualifié comme tel par les biographes, et doté d'une émission très solide, avec une homogénéité parfaite et un passage totalement domestiqué, tout à fait inaudible, comme chez les plus grands.


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Mais quelle est donc cette pianiste qui chante si bien ?

Même dans le cas de Bill Crosby (qui, favorisant son grave, serait moins audible avec orchestre et sans amplification), on entend très bien la recherche d'auto-amplification et le goût du fondu, caractéristiques de la technique lyrique – même si, évidemment, il développe aussi d'autres caractéristiques, en privilégiant la qualité du timbre sur la puissance, étant amplifié.

Même chez Lucienne Boyer, la glorieuse mère de Jacqueline, on entend très bien cette charpente particulière, commune aux deux univers.

De fait, à l'écoute, Ingvar Wixell ne frappe pas particulièrement par sa singularité vocale par rapport aux concurrents. En revanche, il y eut force débat autour du dévoiement de l'esprit du concours, la Suède ayant présenté une chanson anglophone, Absent Friends.

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Dès l'année suivante, le règlement devint explicite : seules les langues officielles du pays concerné sont autorisées. Mais il y eut beaucoup d'atermoiements et de repentirs dans cette longue histoire : en 1973, on rend possible le choix de la langue, jusqu'à ce qu'en 1976, un tiers de chansons soient exécutées en anglais. Je me figure bien que ça favorisait, l'anglais étant familier de tous, les potentialités de victoire – rendant d'une certaine façon la compétition plus juste. Mais la tendance était telle que le retour à la langue officielle fut décidé pour 1977. Jusqu'en 1999, qui ouvre notre ère décadente où il est quasiment suicidaire de ne pas proposer de chanson en anglais : les langues sont à nouveau en libre choix. 
Donc beaucoup d'allers et retours, on voit bien pourquoi : les langues rares, même si les jurys ont des traductions sous les yeux (les ont-ils seulement ?) sont un handicap pour transmettre une émotion de même qualité que les langues les pratiquées ; mais dans le même temps, autoriser le choix de la langue, c'est précisément faire de l'Eurovision une banale compétition de chanson, qui n'a plus rien du charme d'un parcours à travers différentes cultures. La musique du concours n'a jamais été très variée, chaque période reproduisant d'assez près les modes, mais la langue pouvait au moins introduire une forme de couleur locale, une incitation à utiliser des références patrimoniales dans la forme générale, le thème du texte ou même simplement les couleurs modales ou instrumentales…

Pour mémoire, en 1965, c'est France Gall qui remporte la victoire pour le Luxembourg avec un grand succès débattu (car olé-olé), Poupée de cire, poupée de son, dû à Gainsbourg. Sur la vidéo d'origine, on l'entend très nettement se reposer sur l'originalité du texte et la modernité de la musique (le grand orchestre imitant les sons de danses à la mode) : elle remporte la victoire avec une voix toute grêle… et une intonation particulièrement approximative !  Le candidat italien de 59 chantait certes bien plus mal, mais pas aussi faux !
Tout l'inverse de Wixell : technique conçue pour les micros, cherchant la proximité ou l'effet, et pas du tout la projection dans une salle – au contraire, le naturel est mis en avant, et ces défaillances techniques sont assumées, avec leur effet d'émission enfantine, qui concourt au caractère troublant de la pièce.

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Je me suis beaucoup demandé qui étaient les orchestrateurs de toutes ces chansons : je ne suis pas persuadé que les spécialistes de la chanson, comme Popp ou Gainsbourg, aient ce degré de maîtrise de l'exercice (dans cette version de Tom Pillibi, en entend passer les astuces de beaucoup de grands maîtres…). Et même plus largement des arrangeurs, parce que les contrechants ne sont pas nécessairement prévus non plus. Mais ils ne sont pas crédités, et je suppose qu'il est de l'intérêt du système de ne pas les mettre en avant, pour exalter une figure reconnaissable. Déjà qu'on nomme les chansons par leur interprète, comme s'ils les avaient écrites (pas totalement illégitimement au demeurant : dans la chanson, ce peut être l'interprète qui apporte la touche décisive rendant une musique ou un texte mémorables).

Je projette de poursuivre mon exploration du patrimoine eurovu, je suis très curieux de sentir le moment de bascule (il y a déjà quelque chose, dans cette cohabitation baroque de 1965…) vers les accompagnements amplifiés et les musiques électroniques, vers le goût pour la chorégraphie et le spectacle qui oblitère l'importance de la chanson elle-même.
… et de découvrir de nouvelles pépites.

Pour le peu que j'aie pu en juger (c'est en réalité la première fois que je regarde le concours, au delà des quelques extraits qui font surface chaque année…), c'est un observatoire assez formidable des modes musicales, vocales et capillaires que j'entends débroussailler un peu.



D. Tom Pillibi après l'Eurovision

Tom Pillibi est un très grand succès. L'album (assez peu intéressant par ailleurs, trouvé-je) s'écoule généreusement (on peut l'écouter là), mais reste dans une veine très commune, vaguement teintée de jazz très blanchi, avec des textes parfaitement transparents ; et même vocalement et expressivement, on n'entend pas le même frémissement que lors de sa première exécution à l'Eurovision (elle le rechante après sa victoire, et c'est légèrement moins bien). Les aigus, en particulier, sont un peu durcis, alors qu'elle ose le passage en voix de tête sur scène ; et puis il manque les sourires dans la voix et les petits gestes qui parachèvent le tout.

La même année, Tohama reprend la chanson en belge, avec accompagnement de saxophones (qui réutilisent largement les contrechants d'origine) et sur un beat de fox-trot. Un quatrième couplet – placé en deuxième position –, à propos d'oiseaux fantaisistes, est ajouté par rapport aux versions de Jacqueline Boyer (a-t-il été écrit par Pierre Cour dès l'origine ?  commandé pour l'occasion ?  rédigé par un autre ?).


C'est sans doute la reprise la plus réussie de la chanson, qui malgré les changements (et le tempo rapide qui ne laisse pas aussi bien le temps de conter la ballade) en conserve grandement l'espièglerie.

S'ensuivent d'innombrables reprises

Les Riff pour chœur, avec des harmonies jazz (accords enrichis), où la narration cède le pas à la musique, mais avec beaucoup de saveur ;

Les Scarlet, pour petit chœur, beaucoup plus constamment sur le temps, et avec un ossia aigu, qui fait perdre du caractère mais permet de réduire la tessiture (à peine plus d'une octave au lieu d'une octave et demie) ;
Yvette Giraud, une voix très grave, presque un ténor, avec alternance de chœurs ;
dans un esprit plus exotique, Claudine Cereda, avec rythmes nonchalants et percussions des îles. Deux couplets seulement, le premier et le dernier.



Aujourd'hui encore, il s'agit, à défaut d'un tube intersidéral connu de tous, d'un standard régulièrement repris par les amateurs de chanson française traditionnelle. Témoin ce petit bouquet informel :

● concert donné en Slovénie dans la langue et l'accompagnement d'origine, par le Gimnazija Kranj Orchestra (soirée thématique de chansons parisiennes) ;
● avec guitare folk et piano par Laetitia [[vidéo]] ;

● avec accompagnement de synthétiseur (reprenant largement l'orchestration d'origine), par Fabienne Thibeault ;
● avec une réalisation de synthétiseur plus soignée (existe-t-il des disques d'accompagnement qui l'incluent ?), par Julie Rodriguez, en 2008 ;
● le même accompagnement, cette fois par Les Chanterels (solo avec petit chœur d'accompagnement) ;
● le visuel permet de mesurer la nature des représentations, vraiment des spectacles populaires, de petits groupes de chant amateurs, qui témoignent de la rémanence de la chanson dans le le fonds commun (Cercle Orbey, avec boîte à rythme et synthé sur le vif), ici avec le couplet supplémentaire introduit chez Tohama ;

● plus raffinée, une belle version pour chœur a cappella par l'ensemble La Villanelle.





Il en existe aussi de très nombreux arrangements dans tous les styles et pour tous les formats d'orchestre, chez les orchestres de divetissement. Liste très loin de l'exhaustivité :

♫ avec sifflets (et contrechant de cor !), vibraphone, glockenspiel, cordes lyriques… le grand jeu par l'orchestre de Franck Pourcel, qui reprend largement l'orchestration d'origine (contrechants de violons lyriques, la marche du deuxième couplet…) ;
♫ doublure de xylophone, vibraphone et de pizzicati par Paul Bonneau et son orchestre ;
♫ avec guitare électrique, saxophone et orchestre, très déhanché, par Gerry Mills et son orchestre ;
♫ avec Jacky Noguez (accordéon) et son orchestre ;

♫ plus franchouillardisant encore, mais avec une touche de Donizetti en sus, Jo La-Ré-Do (accordéon) et son orchestre, glissandi et diminutions attendues, et dialogues avec piano et saxo ténor !



et des versions solo :

♫ sur un orgue de barbarie de belle facture (il y avait donc des cartes poinçonnées pour ce tube !) ;
♫ à l'accordéon ;

♫ et bien sûr, au piano.



L'attrait est tel, qu'à la suite de la victoire de l'Eurovision, la chanson est traduite et enregistrée en mainte langue européenne.

♣ En néerlandais (la chanson atteint le 14e rang sur 100 dans les classements du pays, en 1960), gravée par une autre voix enfantine, Willeke Alberti.
♦ En 1994, à un âge plus mûr que les participants habituels, elle représente son pays à l'Eurovision avec Waard is de zon (« Où est le soleil ? »), une jolie ballade pas très originale, à l'exception de la métaphore stellaire (qui ne rebat pas non plus exactement les cartes de la poésie intersidérale) – et y termine 23e sur 25. Au demeurant, la chanson qui remporte le concours, Rock 'n' roll kids (par les émissaires irlandais Harrington & McGettigan), pour piano, guitare acoustique et deux voix, est aussi une ballade (mais clairement typée folk – et autrement plus prégnante).
♦ Vous remarquerez le petit changement mélodique du deuxième couplet, et bien sûr l'usage malicieux du présentatif français « Voilà Kleinzach Tom Pillibi ! ».

♣ En danois, chantée par Raquel Rastenni,
♦ autre participante, à la compétition de 1958, où elle propose Jeg rev et blad ud af min dagbog (« J'ai déchiré une page de mon journal »), dans lequel elle incarne un alter ego d'Elle de la Voix Humaine : une serpillère qui se repend de sa jalousie et conjure son homme de lui pardonner. Musicalement mignon, parfaitement dans le goût du temps, avec son tapis de cordes au portamento systématique et généreux. Elle obtient la 8e place sur 10. Cette année-là, André Claveau remporte la victoire pour la France avec l'autre tube parfaitement d'époque Dors, mon amour (autrement poignant, il est vrai), habilement adaptable à un enfant (il s'agit manifestement plutôt d'une amante, mais le texte se prête presque totalement à la berceuse).
♦ La traduction danoise, pour autant que j'en puisse juger (je ne dispose pas de la transcription, et considérant l'écart graphie-phonie dans cette langue-là, je ne veux pas donner de fausses garanties) reste proche de l'original de Pierre Cour, quoique utilisant le deuxième couplet comme chez Tohama. On insiste peut-être un rien plus sur la dimension séduisante de Tom Pillibi, mais l'essentiel de l'intérêt demeure porté à la chimère. 

♣ Également interprétée en Espagne (où la chanson fut première au cours de l'année 1960 – en quelle langue ? –, alors qu'elle n'était que 2e en France et 4e en Belgique), et même en espagnol, dont voici une interprétation (non officielle), par Juan Aznar.
♦ La traduction reste très proche de l'original français. C'est essentiellement l'entrée en matière qui diffère, présentant Tom Pillibi de façon plus solennelle et biographique (« Tom Pillibi est parvenu à l'état d'homme puissant »), tout le reste étant très proche de l'esprit comme de la lettre.

♣ En allemand, la chanson est portée par Jacqueline Boyer elle-même ; la chanson n'atteint jamais que la 21e place dans les classements, mais le succès est suffisant pour que Boyer fasse une bonne partie de sa carrière en Allemagne, où elle rechante régulièrement Tom Pillibi jusqu'à un stade avancé de sa carrière.
♦ La traduction marque néanmoins une inflexion : le refrain évoque immédiatement le motif de l'imagination (« Denn er hat Phantasie, unser Tom Pillibi »), les couplets, tout en conservant la même structure, insistent progressivement sur sa qualité de séducteur. Le deuxième couplet le nomme ainsi « der Frauenheld » (« le héros de ces dames »), ce qui n'était qu'implicite dans la version française, où l'on pouvait se figurer qu'il était admiré presque malgré lui [encore Damase !] – Frauenheld désigne déjà une typologie.
Le dernier couplet est encore plus explicite, puisque, au lieu d'annoncer ce seul défaut (avec la liste contradictoire de qualités), il est essentiellement consacré à son talent de séducteur (« ist sehr charmant », « ist als Galant allen im Land bekannt » – « connu comme un galant dans tout le pays »), et ne dévoile le caractère d'affabulateur, déjà largement introduit par le refrain, qu'à la fin du quatrain.
L'ami qui raconte cela n'est pas nécessairement une femme ni une amante, surtout considérant la complaisance avec laquelle ses exploits sont rapportés (dès le début, la chanson avait été prévue pour Marcel Amont, donc les questions de vraisemblance sexuelle, comme pour le lied, ne constituent pas un obstacle).
♦ D'une manière générale, cette traduction-adaptation tire Pillibi vers le mauvais sujet : on raconte le portrait d'un garçon haut en couleurs, le séducteur et gentil fanfaron du canton, et on ne voit plus forcément la nécessité de raconter cette histoire (privée de la chute initiale).

♦ Je dispose aussi d'une autre version, par un homme, avec accordéon, petit ensemble et même quelque voix. (Tony Westen, Golgowsky-Quartett, Orchester Will Glahé).

♣ En anglais, chantée par Jacqueline Boyer (avec un beau naturel !) au Royaume-Uni (33e selon le UK Singles Chart de 1960) et plus célèbre dans sa reprise par Julie Andrews.
♦ Dans la traduction, il existe quatre couplets : Boyer en chante trois, Andrews deux, dont le premier en commun.
♦♦ Dans les couplets de Boyer, le décor change beaucoup : d'emblée, c'est une amante qui parle, et il est tout de suite question du potentiel de séduction de Tom Pillibi, nullement de ses occupations. Plus rien de fantasmagorique, le conte, le récit merveilleux ont disparu. Chaque quatrain, assez redondant, explore la même idée : il s'avère que ce garçon timide cache en réalité quelqu'un de plus rompu à l'art de la séduction. Et s'il ment (révélé dès le deuxième couplet, ce n'est plus une chute), c'est par fausse modestie, ou peut-être par stratégie.
♦♦ Dans le second couplet d'Andrews, on nous décrit même un maître de la manipulation des jeunes filles, feignant de demander la permission pour ce qu'il obtient d'emblée…
♦♦ En outre, dans les deux cas il est question de « sortir avec » Tom Pillibi, donc l'univers n'est plus du tout intemporel, voire médiévalisant (les vaisseaux, la fille du roi…), mais très ancré dans le quotidien du milieu du XXe siècle. Et plus encore, les temps utilisés (prétérit) suggèrent que l'histoire est finie, qu'il s'agit d'un souvenir d'expérience amoureuse légère, beaucoup plus du côté des contingences de la vie amoureuse réelle que de la petite fable française avec chute.
♦♦ La véritable chute se situe plutôt dans le refrain, qui joue avec l'expression traditionnelle « don't judge a book by its cover » (l'habit ne fait pas le moine) : So with a lover, as with a book / Don't trust the cover, or you might will be hooked (« Il en va des amants comme des livres / Ne vous fiez pas à la couverture, ne mordez pas à l'hameçon »). Pas tout à fait hilarant quand même. Beaucoup du charme d'origine est à mon avis laissé en chemin
Jacqueline Boyer s'adapte remarquablement à la langue, avec une diction traditionnelle (les « -ed » finaux sont pleinement articulés,comme pour des cantiques ou du Haendel !), et même de beaux [t] plus en arrière sur les alvéoles (le [tʰ] expiré typiquement britannique), très naturels. La voix reste au demeurant placée au même endroit qu'en français, avec la même couleur à la fois légère, franche et brillante. Très séduisant, je dois dire.

Julie Andrews adopte une posture un peu différente ; d'abord, l'accompagnement orchestral diffère (moins symphonique, plus musical theatre – et très rapide, une chansonnette qui termine en lalala plutôt qu'une ballade) ; ensuite, la voix elle-même est plus ronde et lisse, et même l'accent, malgré (et grâce à) ses origines parfaitement anglaises, est d'une certaine façon moins pur, s'américanisant délibérément (le traitement des « a » est flagrant). 

Si les traductions en langues « rares » se font assez près du texte d'origine, la version allemande infléchit la chanson du côté du (gentil) mauvais garçon, et la version anglaise, parfaitement infidèle au projet d'origine, en fait un récit de relation amoureuse – pas très éloigné, finalement, de toutes ces chansons américaines sur l'amour de vilains tatoués. C'est tirer Tom Pillibi vers Big Fat Lie – autre doudou personnel, mais pas exactement le même univers !



E. Tom Pillibi et Jacqueline Boyer

Après avoir remporté le concours, généreusement vendu l'album en Europe, enregistré une version anglaise et régulièrement chanté en allemand le titre, l'engouement s'est poursuivi, jusqu'à nos jours.

La voici par exemple en 1981 dans un festival de l'Østfold (Sud-Est de la Norvège).



Sa technique, très en bouche, moins lyrique que celle de sa mère, explique la petite tension ou déconnexion dans l'aigu dès les débuts, et peut-être aussi le déclin progressif de l'instrument, mais j'y entends surtout un changement d'époque, avec une émission, plus chaude, feulée, en phase avec l'évolution du goût de la chanson (qui n'est pas à mon gré, mais tout est possible avec l'amplification, il n'y a plus d'impératif technique, le reste est affaire de goût) – et il me semble aussi, ce qui doit être vérifiable, y déceler les effets du tabac (accolement imparfait des cordes due à une irritation chronique).
Quoi qu'il en soit, Jacqueline Boyer n'a jamais mal chanté, même dans les bandes les plus récentes où, à l'âge de 74 ans, elle fait valoir une voix certes ternie, mais en rien effondrée.



Ces deux exemples permettent de mesurer l'adaptation de la chanson, par l'artiste elle-même, à toutes les modes d'accompagnement, acceptant des transcriptions très simplifiées par rapport à l'orchestre symphonique de l'Eurovision. On sent bien que très vite, par rapport à la première soirée, une certaine routine s'installe, et que Boyer raconte moins qu'elle ne chante, mais il reste la place pour quelques variantes intéressantes, dont celle-ci, qui m'a un peu intrigué.
[Vous noterez au passage les syncopes systématiques pour faire sonner plus jazz – elles n'étaient que ponctuelles, et expressives, dansla version originale –, ainsi que l'accompagnement à l'avenant.]


C'est le plus proche, chronologiquement, de la création d'Eugène le Mystérieux, et cela s'entend : voix très étroite et franche, remarquablement calibrée pour la chanson, une espièglerie charmante. Avec la vidéo, je m'interroge précisément jusqu'où celle-ci peut aller : au moment de faire le geste d'entrain pour « il est plein de vaillance » (1'52), on la voit réprimer un sourire – croise-t-elle un regard ? est-elle amusée de la naïveté de la posture ?  ou bien perçoit-elle, l'espace d'un instant, un double sens (qui paraît en effet assez évident après « il est charmant, il a bon cœur », s'il n'était désarmé par ce geste badin), qui ne cadre pas avec le format de l'émission ?

Au demeurant, il s'agit d'une pièce difficile, il est rare que les chansons couvrent aussi une octave et demi, ce qui explique la transposition du la grave à l'octave supérieure (effet mélodique très commun, mais beaucoup plus chantable, en tout cas pour le public).



F. Rétroviseur et prémonitions

Quelle traversée, de la Fête Nationale à l'Eurovision des débuts, en passant par l'opérette et les transmutations d'un même titre… Il y avait de quoi, en continuant de dévider l'écheveau, s'amuser encore longtemps, mais je crois qu'il y a là matière à vous occuper pour quelques jours.

Si ce n'était pas le cas, vous pouvez toujours vous reporter aux autres séries de l'été de Carnets sur sol, en général (à partir de 2009 en tout cas) l'occasion d'explorer des pans de la culture populaire commune (découverte de l'eau chaude, ce peutêtre amusant) :

● 2005 : mini-série György Kurtág 0,0.75,1,2,3,4,5,6
● 2006 : le mythe de Médée (1,2,3,4) ;
● 2006 : panorama Takemitsu (biographie, économie, corpus discographique, discographie commentée, catalogue alphabétique, catalogue générique, catalogue chronologique personnel commenté, mode d'emploi)
● 2006 : théâtre chanté chinois
● 2009 : Le Moine de Lewis (le Juif errant et le Hollandais volant, adaptation d'Artaud)
● 2009 : Retour aux sources de Carmen : variantes depuis Mérimée (1,2,3,4)
● 2009 : Eugène Sue et Les Mystères de Paris : citations, citations et Damase, motivations du lecteur et Damase, le Chourineur et Woyzeck, l'hymne de Damase.
● 2009 : Vampires, de Byron à Dracula.
● 2010 : Washington Square adapté pour le théâtre (plutôt grand public) par les époux Goetz, à partir de quoi il est parti au cinéma (Wyler), mais aussi « retourné » à l'opéra (Ducreux-Damase).
● 2010 : Random Harvest, un best-seller britannique de 1941, très révélateur de l'évolution du style populaire.
● 2011 : Calamity Jane et son mythe (1).
● 2011 : Wicked, prequel réorientée du Magicien d'Oz (1,2). Je n'ai jamais parlé du roman de Maguire, parce qu'il est mauvais.
● 2012 :  Zorro et ses mythes (le roman surtout ; pas eu le temps de parler des mutations filmiques, après les avoir tous regardés tout de même, ni de parler de la formidable musique de William Lava pour la série Disney).
● 2012 : La Marquise d'O, Kleist et Rohmer.
● 2013 : Le grand roman sentimental féminin anglophone : Radcliffe, Austen (1), Brontë (1), Gaskell (1), G. Eliot, Wharton…
● 2013 : Ordalie Siegfried.
● 2014 : Pas grand'chose n'en a paru sur CSS. Plongée stakhanoviste dans les Meistersinger et Parsifal, partition au poing ; et puis pas mal de choses en fonctions d'onde / relativité / physique quantique / astrophysique, qui n'avaient pas forcément leur place ici non plus (sujets sur lesquels il y a déjà de la vulgarisation abondante, et par sensiblement plus qualifiés).
● 2015 : désolé, c'était plutôt ambiance balades.
● 2016 : Eurovision, donc. Une notule, mais beaucoup de défrichage. Quelques frayeurs et de très jolies choses, sans parler de la méditation sur l'évolution vocale, de Wixell à aujourd'hui…
● 2016 : Comics emblématiques redevenus à la mode. Là, non plus, c'est pas bon, mais la mutation des figures est intéressante, elle révèle des choses sur nous (de même, la mise à l'épreuve de mon incompréhension de l'attrait pour les superhéros). Mon éducation en la matière culminait (mais se limitait aussi largement) à Don Rosa. 

Bel été aux lecteurs fidèles et de passage ! 
aux autres aussi, je ne suis pas rancunier

jeudi 5 mai 2016

Panorama de la couverture vocale — I


Légende : pour plus de lisibilité, les noms des artistes utilisant une forte couverture figureront en bleu, ceux couvrant peu en rouge, et les cas plus équilibrés (ou incertains, pour ceux pour lesquels nous ne disposons pas d'enregistrements) en vert.



1. Principes fondamentaux

1.1. Décrire la couverture : la pagaille


Après plus de dix ans de notules, voilà un sujet que j'avais toujours évité d'aborder de front (un peu ici, et par touches très allusives et , plus des mentions dans les commentaires de disques ou de concerts), tant il est délicat. Dix ans d'expériences et d'informations plus tard, lançons-nous.

L'enseignement et la description du chant lyrique
sont issus d'une tradition particulièrement ancienne – sans chercher absolument à trouver les premiers traités un peu précis, on peut simplement souligner le fait que le vocabulaire utilisé et la représentation du système phonatoire sont toujours largement ceux du début du XIXe siècle, à l'époque de Garcia, Duprez & co.
        Or, notre connaissance de la physiologie a considérablement progressé depuis, et les constats empiriques d'antan, s'ils n'ont jamais empêché de bien chanter, ne sont pas toujours pertinents en termes de description, et donc de compréhension des phénomènes.

C'est pourquoi, même lorsque les chanteurs qui réalisent le mieux ce geste l'expliquent, il demeure souvent des confusions – il faut entendre Pavarotti faire la différence entre un vrai et un faux ténor par la présence de couverture, et d'autres gens sérieux la définir comme une façon de « sombrer » la voix. Or si la corrélation existe souvent (en particulier lorsque les chanteurs abordent des répertoires lourds), la couverture n'est pas exactement une mécanique qui change le grain du timbre, elle équilibre surtout le placement des voyelles, pour éviter de forcer la voix – c'est exactement ce que Pavarotti fait d'ailleurs, n'ayant jamais cherché à sombrer sa voix.
        On rencontre les mêmes types de raccourcis avec la place du larynx (si c'était la même chose, alors l'aperto-coperto, sommet de la maîtrise de la couverture, ferait faire des bonds au larynx sur la même note !) et la voix de poitrine. Pour certains professeurs (prestigieux au besoin), chanter un aigu en voix de poitrine, avec le larynx bas, en utilisant les résonances du « formant du chanteur » et en couvrant, c'est la même chose. Alors qu'on peut parfaitement chanter en voix mixte avec larynx bas, peu de résonance formantique et en couvrant ; ou en voix de poitrine avec larynx haut (pas vraiment dans le répertoire lyrique, certes, encore que certains baroqueux comme Marco Beasley ou Jeffrey Thompson [cf. notule] le fassent), avec des partiels formantiques forts (pas forcément les mêmes) et sans couvrir, etc.

Bref, il n'est pas facile de s'y retrouver par soi-même, et c'est finalement plus que la lecture des théoriciens rarement en accord et pas tous au clair avec eux-mêmes, l'observation des pratiques chez les chanteurs les plus aguerris de différentes écoles qui permettent d'isoler la nature des phénomènes. Ce que nous allons faire si vous nous accordez l'honneur insigne de votre attention.


rolla gervex
Henri Gervex, Éloge de la couverture
Huile sur toile, 1878 (musée d'Orsay).




 1.2. Pourquoi la couverture ?

La voix humaine peut être émise grâce à trois éléments :
  • la soufflerie, l'air émis par les poumons ;
  • la vibration, celle des cordes vocales dans le larynx (c'est paraît-il la forme du larynx qui empêche les grands singes de parler réellement) ;
  • les résonateurs, qui définissent le timbre et l'amplification du son (pharynx, bouche, cavités nasales).

Lorsqu'on chante, deux choses en particulier changent par rapport à la voix parlée : le son devient plus continu (ce qui réclame plus d'effort pour le soutenir, notamment en matière de souffle) et, en général, la voix est plus aiguë que pour la voix parlée (sinon elle s'affaisse désagréablement). [C'est bien sûr beaucoup moins vrai pour les musiques de l'intimité et les musiques amplifiées, mais ces deux paramètres sont incontestablement la norme pour le chant lyrique, qui nous occupe principalement dans cette notule.]

Or, il n'existe pas d'organe spécifique de la phonation, et le corps humain utilise pour ce faire des éléments qui ont d'autres fonctionnalités, qui sont en général régis par toute une gamme de réflexes. Aussi, en sollicitant la voix, notamment en chantant de façon continue et forte dans l'aigu, on met le corps à rude épreuve. Car les caractéristiques physiologiques du son changent dans le haut de la voix : c'est notamment ce que l'on appelle le passage (ou passaggio), le moment où la voix « bascule » – elle se tend et rompt si on ne change pas de mode d'émission.

Il existe toute une série (1,2,3) en cours consacrée à ces questions, dont la couverture constitue, précisément, le prochain point d'étape – on rejoindra le parcours de ladite série lorsqu'on abordera les questions de réalisation pratique de la couverture.

Pour éviter de briser le son ou de contraindre dangereusement la voix, les chanteurs ont développé toute une gamme d'astuces, selon les répertoires (le belting, larynx haut et soutien diaphragmatique de béton, est celui le plus couramment utilisé en pop et musiques traditionnelles). Dans le répertoire lyrique (en tout cas à partir du XIXe siècle), la couverture des voyelles en est un exemple important ; c'est même l'une des cartes d'identité du chant lyrique, celle qui donne cet aspect homogène, un peu épais, qui fait « qu'on n'y comprend rien », etc. 


1.3. Mais qu'est-ce que la couverture, à la fin ?

Allons donc, on est sur le point de vous révéler le deuxième plus grand secret de l'univers, vous n'étiez pas à quelques prolégomènes près.

Tout cela servait à souligner le fait que, lorsque vous chantez vers l'aigu, la même position vocale qui était confortable va devenir insoutenable. Il va donc falloir opérer des changements. La couverture vocale s'applique sur les voyelles et les égalise, les rééquilibre de façon à les rendre sans danger. Dans l'aigu, le nombre de positions vocales sans danger est plus réduit (elles changent selon le type de technique utilisé, mais leur nombre demeure limité), ce qui signifie que toutes les voyelles ne peuvent pas être utilisées dans leur état d'origine.
        La définition la plus simple est donc sans doute de dire que la couverture est une accommodation des voyelles – de la même façon que le cristallin, dans l'œil, accommode selon les distances pour nous permettre de voir net.
       
La couverture replace donc les voyelles les plus exposées (le [a], particulièrement le [a] ouvert, le [è], et, mais ce sont des cas un peu différents, certaines écoles le font massivement pour le [ou] – à commencer par l'école italienne –, voire le [i] – mais ce ne sont pas les techniques les plus solides, dans ce cas) vers une zone plus sûre, les rééquilibre vers une sorte de juste milieu.
        Généralement, cela passe par une tendance à la fermeture des voyelles ouvertes [a] tire vers le [o], [è] tire vers le [eu] (cela ne veut pas dire remplacement, comme soutenu par des professeurs un peu hâtifs), un arrondissement des conduits, une focalisation du son au même endroit.


 
Luciano Pavarotti montre très bien, dans ses masterclasses, la différence entre les deux (vous entendez une vocalisation ouverte, puis couverte) – je trouve d'ailleurs que son chant ouvert sonne très bien (plus tendu, plus électrique que son légendaire confort vocal avec la couverture), mais il est certain qu'il ne donne pas du tout le même degré de confort. C'est pourquoi, s'il peut être utilisé pour des répertoires où le chant lié et les longues tenues ne sont pas nécessaires (chanson, airs de cour, baroque français, récitatifs romantiques…), il n'est pas envisageable pour le belcanto romantique ni les grands airs.
        La différence qu'il propose est néanmoins un peu radicale : sa réalisation, sur scène (particulièrement dans les années 90, où il ne couvre plus en permanence), est beaucoup plus nuancée. Voyez plutôt :


Extrait assez idéal : on entend très nettement le changement par rapport au début de la tirade, mais l'équilibre est parfait et démontre très bien comment fonctionne, dans le meilleur des cas, la couverture vocale. Limitons-nous aux [a] pour l'instant. Vous voyez bien que tous ceux au-dessous du passage (tous ceux du début, qui sont dans le grave et le médium) sont complètement ouverts, comme lorsqu'on parle italien. En revanche, dans les parties qui montent, ils sont plus ronds, comme tirant vers le [o] (sans qu'on puisse les confondre). C'est sans doute ce qui m'impressionne le plus chez Pavarotti : ses [a] couverts sonnent tout de même comme de vrais [a]. L'équilibre (car c'est de cela qu'il est question avec la couverture) est assez miraculeux. De plus près :


Premier « pietà » légèrement couvert mais encore relativement exposé, second « pietà » plus couvert (mais la voyelle reste encore très pure et ouverte, même si le son est couvert), premier [a] d'« avaro » comme précédé d'un [o] très bref, puis un vrai [a] pour la suite de la voyelle et pour le second [a], un peu plus fermé que dans la langue parlé, mais encore très exact. S'il avait chanté cela ouvert, le son serait beaucoup plus petit, et il forcerait beaucoup plus son instrument.


Outre la sécurité vocale qu'elle assure, la couverture facilite les notes les plus hautes, évite les aspects nasillards et criés, l'éparpillement des sons (chaque voyelle placée à un endroit différent – ce que j'aime beaucoup entendre personnellement, mais qui constitue un handicap technique incontestable), et donne une patine homogène à l'ensemble des voyelles émises, ce qui permet de chanter de belles lignes continues et de ne pas faire de mauvais geste en plaçant une voyelle par hasard au mauvais endroit. Ce qui aurait été contraint en conservant la même exactitude de voyelles devient soudain facile : en changeant le mode d'émission, on a paradoxalement permis la continuité du timbre.

Il existe ensuite plusieurs écoles pour son usage :
  • tout le monde est obligé de l'utiliser un minimum dans son aigu, mais les voix plus légères et plus aiguës au sein de chaque tessiture peuvent l'utiliser plus tard dans la montée : un ténor léger peut couvrir seulement après le sol, là où un ténor dramatique devrait impérativement commencer à partir du mi… ;
  • certains ne couvrent que le nécessaire, laissant le grave et le médium très libres (par exemple toute une école de sopranos français, d'Esposito à Manfrino), mais certains (pas moi) sont gênés par la césure forte entre les registres ;
  • d'autres couvrent progressivement, en augmentant progressivement le degré d'accommodement des voyelles (le grand art) ;
  • d'autres enfin enseignent qu'il faut toujours couvrir, du plancher au plafond, de façon à rendre la voix la plus continue possible (patent chez Sutherland, Nilsson, Domingo, Galouzine, Kaufmann, Cappuccilli, Bruson, Christoff, Siepi…), et à conserver la même couleur dans la limite grave que dans l'aigu.

Dans ce dernier cas, il est évident que la couverture a un impact sur le timbre et va assez significativement le sombrer. Mais pour un ténor qui mixe, par exemple, la couverture n'empêche absolument pas la clarté. Son abus (si toutes les voyelles sont trop fermées) peut « boucher » une voix, l'empêcher de s'épanouir et de se projeter, mais le principe de la couverture altère l'emplacement de voyelle plus que le grain de la voix (même si l'interdépendance est loin d'être nulle).



rolla bigne
Henri Gervex : Conseil aux chanteurs
(Sortez couverts.)
Huile sur toile, 1879 (musée d'Orsay)




1.4. Ouverture et aperture : imprécisions lexicales

Avant de commencer, il faut bien faire la différence entre l'aperture des voyelles (imposée par la langue qu'on parle ou chante) et la couverture (artifice technique). La confusion vient du vocabulaire : en linguistique, une voyelle est ouverte ou fermée ([é] vs. [è], par exemple), et en chant la voix sur cette voyelle peut être ouverte ou couverte (un [è] vs. [è] tirant sur le [eu]). Comme les voyelles ouvertes linguistiquement sont en général couvertes vocalement en allant vers plus de fermeture, on peut vite faire l'amalgame, mais la couverture n'est pas forcément une fermeture, et ne s'y limite pas en tout cas (le but est au contraire de conserver la gorge libre !).

La couverture ne signifie pas que l'on change toutes les voyelles ouvertes en voyelles fermées (sinon la langue devient difforme et inintelligible), mais bien que l'on accommode les voyelles les plus dangereuses, en les décalant légèrement (par exemple dans le sens de la fermeture, pour le [a] et le [è]).

On peut donc tout à fait chanter des voyelles fermées sans avoir couvert sa voix (par exemple dans la pop, ou en parlant dans la vie de tous les jours), ou à l'inverse changer des voyelles audiblement ouvertes tout en couvrant correctement. Évidemment, un [a] très ouvert peut difficilement être couvert, même si je me pose un peu la question.

Je vais avant tout proposer des voix d'hommes (et les voyelles [a] et [è], les plus emblématiques), en exemple : j'ai évidemment une meilleure représentation de leur fonctionnement, mais, surtout, les phénomènes sont plus audibles car ils ne se mélangent pas avec les caractéristiques de la voix de tête féminine (celle utilisée par le répertoire lyrique, contrairement à la plupart des autres styles), qui posent encore d'autres enjeux… Évidemment, les femmes couvrent aussi dans le répertoire lyrique, avec les mêmes types de méthodes et d'expédients que pour les hommes.





le dominiquin renaud armide putti
Le Dominiquin, Putti abusant de la polysémie
Toile découverte au musée du Louvre.





2. Catégories et travaux pratiques


2.1. Voix ouvertes, sans couverture

D'abord, quelques exemples d'un chant sans couverture, avec des voyelles à l'état naturel :


Ici Tom Raskin (l'Athlète funèbre dans Castor et Pollux avec Gardiner en 2006), membre du Monteverdi Choir, produit des [è] aigus complètement ouverts : j'aime beaucoup personnellement, on entend bien l'éclat de l'émission naturelle, à la limite de la rupture, mais il est évident que cette technique ne produit pas le maximum de confort pour le chanteur. Dans le répertoire romantique (et même dans les aigus suspendus de Mozart), ça poserait des poroblèmes majeurs.

Au passage, vous remarquez que le [é] de « briller » tire très légèrement vers le [eu] – nécessité pour vocaliser sans se blesser ou simple effet de l'accent anglais, je ne puis dire, mais cela s'apparente à une très légère couverture. D'ailleurs, il en va de même (ici encore, discrètement) pour le [a] de « gloire » (mais les mots en « -oi- » s'y prêtent bien, avec le [w] qui prépare le son et le [a] qui n'est de toute façon pas très ouvert).


Plus troublant, ce moment d'égarement de Pierre Germain (Arfagard dans Fervaal de d'Indy, tiré de la bande radio de Le Conte) : par ailleurs un très bon chanteur, sort soudain cet aigu complètement ouvert. On ne trouve nulle part ailleurs, dans ce rôle écrasant, ce type d'erreur, très étrange de la part d'un chanteur aguerri (tellement différent des gestes vocaux qu'il a passé sa vie à faire !), donc ce n'est pas lui rendre justice, mais je trouve que c'est le meilleur exemple possible d'un aigu ouvert : ce [a] au delà de la zone de confort qui devient soudain poussé et crié (et probablement moins sonore, d'ailleurs), impossible à tenir longtemps. Normalement couvert, le son aurait dû rester plus rond, plus proche du reste de la voix.


        Il est aussi possible de très bien chanter le grand répertoire en ne couvrant quasiment pas : Giuseppe Di Stefano (Alvaro dans La Forza del Destino de Verdi), toujours révéré des mélomanes et très contesté par les théoriciens, chantait quasiment sans couvrir ses sons. On l'entend ici : non seulement en bas, les [a] sont très ouverts, mais ça ne change pas en haut. Même sur [o] (qui est plus facile à accommoder) et [é] (qui n'est pas forcément dangereux), à la fin de l'extrait, on sent bien toute la netteté du geste et toute la tension accumulée. J'aime énormément, personnellement, ce naturel, ce tranchant, cet enthousiasme sans filtre, cette façon de « claquer », mais le geste est effectivement très contraignant pour l'instrument.

Parmi les hypothèses avancées, le centre de gravité très haut de la voix, avec un passage (la hauteur où la voix doit changer d'émission pour être émise sans danger) beaucoup plus haut que la plupart des ténors. On parle abondamment de son déclin, mais en réalité, malgré une vie réputée animée, il n'a pas eu une carrière particulièrement courte (plus de quinze ans de pleine gloire, et une fin loin d'être ridicule – il avait perdu les aigus les plus hauts, mais le timbre demeurait absolument intact).
        Ainsi, vous entendez ce que produit une voix ouverte et bien émise – on en trouve beaucoup dans le chant traditionnel, lemusical, etc. (les ressorts techniques en sont différents, notamment par l'usage du belting) – mais, vu les contraintes de hauteurs vertigineuses et de tenues longues de notes, le chant ouvert demeure l'exception dans l'opéra.
        Le répertoire du XVIIe siècle est néanmoins tout à fait accessible à des voix non couvertes (on en entend peu parce que ce sont des chanteurs lyriques formés avec les normes du XIXe siècle qu'on utilise aujourd'hui) ; pour le XVIIIe siècle, malgré l'étendue et la virtuosité, je ne suis pas certain non plus qu'on ait utilisé la couverture, en tout cas vraisemblablement pas comme nous le faisons aujourd'hui. Mais cela réclamerait une investigation que je n'ai pas encore faire – il y aurait tout un travail à fournir sur l'évolution historique des techniques de chant, je ne suis pas sûr que ça existe déjà (ni que ce soit faisable, vu la nature très aléatoire des témoignages).

J'ai même été surpris, en préparant cette notule, de repérer chez Di Stefano des traces de couverture :


C'est un peu ténu, mais le [a] de « palpito » (sur l'aigu) n'est pas aussi ouvert que ses autres [a], on entend bien qu'il se passe un petit quelque chose et qu'il se reloge dans une zone plus moelleuse et plus mate – le processus est léger, mais c'est bien le geste de protection d'une micro-couverture.
        On a bien dû le lui enseigner, puisqu'il fait le geste : attaque en deux fois, comme pour l'aperto-coperto dont je parlerai plus loin… sauf que la couverture de la voyelle ne change pas entre l'attaque et la tenue !

Maintenant, allons voir ceux qui couvrent : à peu près tous les autres !



2.2. Degré de couverture


2.2.1. Degré de couverture : étendue de la couverture

Comme évoqué dans la présentation du principe de la couverture (§3), il est possible de couvrir à divers degrés. Certains préférent couvrir seulement les aigus pour conserver le naturel et la clarté des médiums ; d'autres couvrent progressivement de bas en haut pour masquer le moment du passage et faire une jolie transition entre des graves ouverts et libres et des aigus couverts et puissants ; d'autres enfin couvrent sur toute leur étendue pour homogénéiser au maximum le timbre. Et l'on trouve de grands artistes dans toutes les catégories.

2.2.1.1. Sur les notes hautes

Cas impressionnant parmi les grands anciens, Arturo Tamagno (le créateur d'Otello de Verdi, ici en Manrico-titre du Trovatore) ne couvre vraiment que pour les notes hautes :

Là aussi, on peut supposer un bon naturel, mais tout de même, c'est impressionnant. Certes, il chante légèrement avec le nez, et ma supposition est qu'il doit toujours être placé dans la zone de confort qui permet la couverture, mais cela ne s'entend absolument pas : [é] extrêmement francs, [a] et [o] tout à fait ouverts (au moins au sens linguistique de l'aperture, du timbre). Et il monte très bien sans rien changer… sauf lorsqu'on dépasse la limite – « è sola speme un cor » (les autres voyelles restent identiques, mais à partir de là tous les [o] sont couverts, même en redescendant sur « al Trovator »). Si vous observez bien le phénomène, tous ses [o] sont ouverts (logique, entravés par un [r], c'est comme ça qu'on les fait dans la vie de tous les jours, même en français d'ailleurs), y compris ceux qui paraissent aigus… mais lorsqu'il dépasse le passage (ici, c'est un sol3, juste au-dessus de la limite habituelle des ténors), soudain ses [o] se ferment audiblement (pas spectaculairement, on entend bien la voyelle d'origine, mais se ferment tout de même), toute l'émission s'arrondit, on entend très bien la décontraction des conduits pour émettre l'aigu. « Un còr al Trovatòr » devient presque « Un côr al Trovatôr ».
Je trouve cet extrait très parlant parce qu'il reprend les mêmes mots et fait très bien entendre la césure entre la partie sous le passage et la partie au-dessus du passage. On se rend compte également que Tamagno ne fait pas réellement des [ô], mais qu'il tire plutôt ses [ò] vers une zone de confort intermédiaire.

En plus de tout cela, c'est un chanteur que j'aime beaucoup, et qui remet l'église au milieu du village lorsqu'on parle d'héritage italien en promouvant des voix où toutes les voyelles sont égalisées, la couverture omniprésente, les sons bouchés, le timbre éteint… Au lieu de ce timbre clair, de ces voyelles très différenciée, de cette voix libre (et même assez largement ouverte). Pourtant Tamagno chantait Otello (mieux, en tant que créateur, il en constitue quelque part le modèle, l'idéal peut-être), rôle parmi les plus lourds qu'on n'oserait pas distribuer aujourd'hui à une voix qui ne serait pas sombrée.

Ces exemples spectaculaires demeurent assez rares. Ils sont plus dangereux en cas de mauvaise réalisation – la tension musculaire et ligamentaire n'est pas la même, à note égale, selon l'intervalle fait et surtout la voyelle émise –, et si l'on n'applique qu'une couverture binaire, on risque de ne pas couvrir au bon moment sur des notes intermédiaires et, un jour de fatigue vocale par exemple, de se faire mal. C'est pourquoi la plupart des professeurs (dans un but esthétique aussi, pour homogénéiser la voix) demandent au minimum de commencer à couvrir progressivement à l'approche du passage (notre prochaine série d'exemples).

2.2.1.2. Après le passage

Néanmoins, on trouve toute une école de chant français, en tout cas chez les femmes (Esposito, Raphanel, Perrin, Fournier, Manfrino, Vourc'h, Pochon, Barrabé…) qui émettent un médium très libre (souvent avec des [r] uvulaires, d'ailleurs) et ne modifient leurs voyelles qu'assez haut dans la voix, au moment du passage ou peu avant. Il existe bien sûr d'autres phénomènes simultanés (chez Cécile Perrin, Nathalie Manfrino ou Karen Vourc'h, ce sont tous les paramètres de la voix qui changent, jusqu'au timbre qui devient méconnaissable), mais la couverture en fait partie. On a sélectionné pour vous un cas particulièrement limpide (et une interprétation de tout premier choix) :

Anne-Catherine Gillet (Micaëla dans Carmen) ne fait pas entendre de cassure dans la voix, mais si l'on observe les voyelles, il existe bien un changement net au-dessus du passage (alors qu'elle ne poitrine jamais et chante tout dans le même registre, même le grave).

Je vais voir de près cette femme
Dont les artifices maudits
Ont fini par faire un inme
De celui que j'aimais jadis !
Elle est dangereuse, elle est belle,
Mais je ne veux pas avoir peur,
Non, non, je ne veux pas avoir peur,
Je parlerai haut devant elle,
Seigneur,
Vous me protègerez, Seigneur.
Ah !
Je dis que rien ne m'épouvante,
Je dis, hélas, que je réponds de moi ;
Mais j'ai beau faire la vaillante
Au fond du cœur je meurs d'effroi…
Seule en ce lieu sauvage
Toute seule j'ai peur – mais j'ai tort d'avoir peur :
Vous me donnerez du courage,
Vous me protègerez, Seigneur !
Protégez-moi, donnez-moi du courage !

J'ai souligné les syllabes où la couverture s'exerce. La plupart du temps, dans l'essentiel du médium, les voyelles restent très naturelles (voyez ces [i] très authentiques, ces [eur] bien ouverts, ces [è] clairement dessinés. Et dans les syllabes soulignées, la définition des voyelles devient au contraire plus floue ; pour des raisons d'émission propres aux voix de femme, mais aussi parce que (et je crois que cela s'entend très bien dans cet extrait) la chanteuse déplace un peu ses voyelles vers une zone sans danger – sinon la voix se tendrait, s'assècherait, se romprait.

Voyez par exemple « hélas » au début de la seconde partie de l'extrait (en réalité la reprise de la première partie de l'air), « elle est belle », ou « cœur », bien ouverts, très naturels, et comparez-les aux équivalents couverts :

  • « hélas » à « femme / infâme » (flottants, tirant sur le [ô]) ;
  • « elle est belle » à « faire / aimais / mais j'ai » (comme un petit voile, toujours un [è], mais un peu plus proche du [eû], arrondi en somme) ;
  • « cœur / meurs » à « avoir peur » (qui s'arrondit de façon plus fermée, mais pas forcément vers le [eû], plutôt vers un [a] couvert – donc un [a] avec des caractéristiques de [ô]) ;
  • ou pour les [i], « artifices maudits », très francs et antérieurs, à « fini », où ils deviennent plus ronds, plus en arrière (discrètement inspirés par les [ü] ou les [eû], sans être déformés non plus – un [i] plus en arrière).


Pour vous faciliter la tâche, un montage avec les quatre couples vocaliques concernés.

Autre fait amusant, ses [ou] ne sont jamais vraiment naturels mais tirent tous un peu vers le [ô] (ce qui n'est pas obligatoire dans les graves), un choix personnel.

2.2.1.3. Progressivement

Tout cela est très bien fait, et la voix ne paraît pas du tout rompue ou dysharmonieuse ; A.-C. Gillet ménage tout de même des ponts (« Seule en ce lieu sauvage », qui n'est pas haut, est partiellement couvert pour ménager la transition – de même pour le [a] d'« effroi »), mais globalement, on entend très bien la différence entre le bas très naturel et le haut, plus rond, plus sophistiqué, de la voix. À titre tout à fait personnel, je trouve qu'elle tire en réalité le meilleur parti possible de cette disposition, en maximisant son intelligibilité et la variété de ses voyelles (donc de ses couleurs), mais cela réclame une précision du geste vocal considérable, beaucoup plus délicate que dans les cas où la couverture est uniforme sur toute la tessiture – une forme d'idéal esthétique, alors même que ce n'est pas ce que recommanderont les professeurs en priorité.

Je crois que c'est aussi un excellent exemple de progressivité, donc, même s'il y a des artistes qui comment vraiment plus nettement avant le passage. Je renvoie aussi aux exemples de L. Pavarotti dans Don Carlo au §3, qui exemplifie à merveille le principe de la couverture progressive avant le passage, arrondissant de plus en plus nettement la voix pour masquer les transitions tout en conservant un grave naturel. Cela me permet de ne pas alourdir superfétatoirement cette notule qui est loin d'arriver à son terme.

2.2.1.4. Sur toute la tessiture

Esthétique qui se partage la prédominance avec la couverture progressive, la couverture totale (ce ne sont pas des locutions consacrées, j'essaie seulement de me faire comprendre) est de nos jours quasiment obligatoire pour les voix les plus larges (et, plus gênant, pour les rôles supposément plus larges, même chanté par des voix légères, ce qui peut contribuer à les boucher et les dénaturer… témoin tous les petits Siegmund et Siegfried sombres mais à peine audibles).

Plácido Domingo en est un exemple particulièrement illustre ou abouti (ici, entrée d'Alvaro en 1986 dans La Forza del Destino de Verdi). Il ne chante pas sur une seule voyelle, non, mais les émet toutes au même endroit (comme légèrement mâtinées de [eû]), avec la même couleur.


Pour vous faciliter la tâche, un montage avec les quatre couples vocaliques concernés.

« Ciel ! che t'agita » (en principe prononcé « Tchèl, ké t'adjita ») est articulé un peu en arrière, au bon point de résonance (ce qui n'empêche pas que Domingo dispose des harmoniques faciales les plus impressionnantes du monde – simplement la caractéristique passe très mal au disque chez lui, et je me contente de commenter ce qu'on entend sur cette bande), et ressemble un peu à « Tcheul ! keu t'eudjeuteu ». Pas à ce point-là bien sûr, les voyelles sont différenciées, mais leurs différences sont minimisées, leur emplacement est quasiment identique et leur timbre très proche. Cela donne une aisance maximale pour chanter n'importe quelle ligne, puisqu'il n'y a plus besoin de se préoccuper des spécifités de chaque voyelle (certaines doivent être accommodées plus tôt dans la voix que d'autres !).

Voyez, lorsqu'il descend, ses [a] ne s'ouvrent pas. Prenez « m'han vietato penetrar » (à partir de 6') : le [a] de « vietato », court et emporté, est ouvert (quoique placé sensiblement au même endroit), mais pas celui de « penetrar », très couvert alors qu'il est beaucoup plus grave – et c'est le cas de tous les [a] tenus qu'émet P. Domingo. Vous pouvez le vérifier avec « santo » (17'), « incanto » (24') ou le [o] final, très fermé et protégé, de « tramutò » (44').

Outre la stabilité, cela permet aussi d'assurer plus de rondeur et de puissance dans les graves, ce qui peut être utile pour certains rôles écrits bas ou concurrencés par l'orchestre dans ces zones naturellement moins projetées.

On pourrait multiplier les exemples chez des chanteurs d'horizons très différents : c'est la technique usuelle pour les spécialistes du répertoire italien (hélas, ajouté-je subjectivement), et assez incontournable (je le concède) pour le belcanto (en tout cas le belcanto romantique, mais ça facilite aussi les choses pour le belcanto du XVIIIe s.). Parmi les célébrités qui couvrent toutes leurs notes de haut en bas, et dans n'importe quel rôle, vous pouvez tester sur Deezer ou Youtube n'importe quel témoignage de Joan Sutherland, Birgit Nilsson (qui ne différencient même pas les voyelles, comme ça c'est encore plus simple), Marco Berti, Mirella Freni, Piero Cappuccilli, Ludovic Tézier… 


2.2.2. Degré de couverture : couleur de la couverture





Considérant qu'il reste encore beaucoup de chemin à parcourir, je publie la notule en plusieurs fois. Le présent bloc est déjà assez long pour un format toile ; il était nécessaire de poser les termes et de donner quelques exemples pour qu'on commence à voir de quoi il est question.

Les prochains épisodes seront consacrés à la suite du repérage des infinies combinaisons possibles, de quelques cas particuliers. Puis on en viendra à la pratique et aux implications de la couverture chez le chanteur – ce n'est ni une fatalité, ni un plaid une plaie.

Dans l'intervalle, vous pouvez vous reporter aux autres notules consacrées à la technique lyrique, et en particulier à notre dernière série sur le déblocage des aigus. (Voir aussi la section glottologie de notre cabinet.)



Épisode II



2. Catégories et travaux pratiques

2.1. Voix ouvertes, sans couverture
2.2. Degré de couverture
2.2.1. Degré de couverture : étendue de la couverture

Ces questions ont été traitées dans la première notule de la série (qui répond aussi aux questions fondamentales « pourquoi ? », « qu'est-ce ? », et tente de lever quelques ambiguïtés lexicales), à la suite de laquelle celle-ci sera ajoutée, pour faciliter la lecture d'ensemble. Les échanges en commentaires apportent par ailleurs quelques précisions.




En avant pour les multiples enjeux de la couverture à l'Opéra !


couverture vocale belle hélène

(et du déshabillé, semble-t-il)



2.2.2. Degré de couverture : couleur de la couverture

Comme son étendue, la couleur de la couverture peut varier très fortement entre les voix et surtout entre les techniques. 


2.2.2.1. Claire


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Verdi, Don Carlos, Suzanne Sarroca, Georges Liccioni, direction Pierre-Michel Le Conte.

Dans cet extrait en français de Don Carlos de Verdi, Georges Liccioni étonne par l'aperture (très ouverte linguistiquement) de ses aigus, mais on sent bien qu'il protège les attaques (au sommet de l'art de l'aperto-coperto, dont on parlera plus loin, à peine audible tellement il est souverainement réalisé), que le placement n'est malgré tout pas totalement le même qu'en voix parlée, un peu plus reculé et arrondi – voyez par exemple ses attaques sur « avare » (comme un [o] avant le [a]) « pitié » ou « j'ai supplié » (le [é] est articulé au niveau du [eu]). Le son général paraît pourtant très ouvert et trompettant, j'avais même publiquement douté qu'il couvrît, mais c'est finalement évident lorsqu'on observe le phénomène de près. 


2.2.2.2. Mixée

Lorsqu'un chanteur fait usage de la voix mixte, la voix s'éclaire immédiatement (pour des raisons physiologiques multiples : partage de la résonance, rapport de tension entre muscles et ligaments…). Mais cela ne veut pas dire qu'il ne couvre pas, bien sûr : Alain Vanzo, prince de l'émission mixte, en fait grand usage.

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Puccini, La Bohème en français. Air enregistré pour la télévision française devant un petit public.

Que cette main est froide, laissez-moi la réchauffer ;
Il fait trop sombre, pourquoi chercher dans l'ombre ?
Mais de la lune,
Perçant la nuit brune
En attendant que la clarté ruisselle,
Laissez mademoiselle,
Qu'en deux mots je vous dise…

Vous pouvez le remarquer sur les voyelles grassées : bien qu'on les reconnaisse sans difficulté (et c'est là le grand art), leur articulation n'est pas exactement celle de la langue parlée. Le [é] de « réchauffer » et le [è] de « ruisselle » semblent émis à partir de la position du [eu], au moins au début de l'émission ; le [i] de « il » également émis sur une position plus ample que le [i] français, très étroit (plutôt un [eu] ici ; d'autres choisissent le [ü]) ; le [a] de « pourquoi » est moins ouvert que dans la réalité quotidienne des locuteurs français (il reste assez proche du [ô] ou du [â], au lieu d'être relativement ouvert), et de même pour la nasale [an] qui se chante à partir de la posture du [on]. Plus loin vous pouvez observer que les [ou] (« nuit et jour », « dieu de l'amour ») se rapprochent beaucoup du [ô].
Ce sont réellement des voyelles individualisées (pas la substitution indistincte de beaucoup de chanteurs internationaux fameux comme Sutherland ou Nilsson…), mais elles ne sont pas fabriquées à partir de leur endroit habituel, plutôt déplacées vers un endroit où elles peuvent être articulées de façon moins tendue pour l'appareil phonatoire (poussé dans ses parties aiguës).

C'est une observation contre-intuitive, parce qu'on associe en général la couverture au caractère épais et sombré des voix d'opéra, mais les grands maîtres de la voix mixte l'utilisent en réalité abondamment, peut-être même plus que les autres, pour assouplir et égaliser leur voix. Nommez-les et testez.


École américaine ?

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Bizet, Les Pêcheurs de Perles, John Aler avec Toulouse et Plasson.
Les [a] presque changés en [o], les [è] presque en [eu], on les retrouve ici, malgré l'intelligibilité parfaite et le naturel du français de John Aler (en Nadir dans les Pêcheurs de Perles).


École italienne ?

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Donizetti, L'Elisir d'amore, Tito Schipa.

Una furtiva lagrima negli occhi suoi spuntò. Vous entendez ce [è] devenu [eu], voire [o], ce premier [ou] presque [ô], ces [o] très fermés, ces [a] ouverts mais très ronds, et qui changent d'ailleurs de placement (« m'ama ! ») ; voilà l'effet de la couverture, malgré cette voix limpidissime. Tito Schipa en Nemorino (L'Elisir d'amore).

La couverture posée sur une couleur de timbre claire reste valable pour d'autres formats plus larges et inattendus (où il s'agit plutôt d'une voix de poitrine légèrement allégée, le pourcentage de « voix de tête » étant minime mais éclaircissant considérablement le résultat). Évidemment, la clarté est alors liée à la voix mixte, mais une couverture vocale très homogène n'y occulte pas la lumière, une belle leçon pour bien des ténors lyriques et dramatiques d'aujourd'hui.


Voix dramatiques ?

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Verdi, La Forza del destino, acte III, Solti à Covent Garden. Ici, le jeune Carlo Bergonzi en Alvaro.
Au passage, pour les verdiens, version absolument extraordinaire, on ne fait pas plus ardent et plus net à la fois – si on ne s'arrête pas à la justesse discutable de l'excellente soprane.


Vous entendez cette couleur claire malgré le rôle héroïque (un amérindien maudit qui veut arrêter de tuer malgré lui et qui laisse dans le processus une traînée de si bémol 3…), cette rondeur qui accompagne toujours les aigus ?  C'est l'effet de la voix mixteCarlo Bergonzi détend son émission, en quelque sorte, en l'assouplissant, en cherchant la flexibilité plutôt que le métal (qu'on n'entend pas en retransmission mais qu'il devait tout de même avoir !).

Et pourtant, il couvre beaucoup, en particulier sur les aigus.

Al chiostro, all'eremo, ai santi altari
L'oblio, la pace [or] chiegga il guerrier.

Alvaro va expier ses fautes et se dérober à la vengeance en se faisant moine :
« L'oubli et la paix réclament [désormais] au soldat le cloître, l'ermitage, les saints autels. »

« Santi altari » devient ainsi [sônti ôltari], et surtout le « chiegga » [kiegga] devient quelque chose comme [kieugga] ou même [kiôgga], une voyelle indéfinie. On sent très bien, d'ailleurs, que dans l'aigu, toutes ses voyelles sont émises du même endroit. Les différences d'articulation entre elles deviennent très minimes, et c'est le contexte de l'ensemble du mot (consonnes, autres voyelles plus nettes) qui permet de restituer le sens exact. On entend bien l'effet de protection, en particulier sur ce dernier aigu : la véritable voyelle, plus franche, aurait mis à nu l'instrument, et à toute force, ce serait mettre une tension dangereuse sur les cordes vocales. [Vous remarquez néanmoins que le grave est beaucoup moins couvert, en particulier ses [i] très francs et libres.]

Bergonzi le faisait beaucoup, et tellement que ses aigus ont la réputation (un peu exagérée : ce reste rare hors de la fin de sa carrière, les soirs de méforme) d'avoir souvent été un peu bas, et on sent bien de fait l'impression de « plafonnement ». Il privilégiait avant tout le caractère beau et sain des sons (très légèrement mixés, correctement couverts), quitte à paraître court. Mais on ne trouvera jamais une bande où il chantait de façon laide ou périlleuse – même son dernier concert (victime d'un refroidissement), un Otello où les aigus ne passaient pas, est magnifique (simplement certains aigus sortaient un ton trop bas…).

C'est aussi ce qui peut procurer, dans certains studios où il est moins engagé (ceux avec Gardelli chez Philips, pas exemple, où tout le monde paraît anesthésié), une impression de grande placidité, puisque quelle que soit la tension dramatique ou technique du rôle, il ne paraît jamais en danger vocalement.


Techniques baroques ?

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Salieri, Tarare, air « J'irai, oui, j'oserai ». Howard Crook dans le DVD Malgoire.

Ténor emblématique de l'explosion de l'intérêt pour des voix différentes dans le répertoire ancien, Atys pour Christie, Renaud pour Herreweghe, Évangeliste pour Koopman, soliste auquel Herreweghe confie (alors que ce devrait être la voix de taille) l'extraordinaire Introït de l'enregistrement qui popularise de Requiem de Gilles… Aujourd'hui professeur manifestement très performant (à en juger parle niveau de préparation des élèves qui en sont issus) au CRR de Paris. Pourtant, il mixe et il couvre. Oui, autre idée reçue : si, on peut chanter du baroque en couvrant, ça arrive même fréquemment !

Vous l'entendez ici : « et [= eué] si je succômbe », « a bien mérité qu'on l'en prive [= preuïve] ».

Et cela alors qu'il est improbable que les chanteurs baroques, du moins jusqu'au milieu du XVIIe siècle, aient recouru à la voix mixte (sans doute des voix beaucoup plus « naturelles »), il n'est pas rare que les chanteurs qui y exercent y recourent. [Ici néanmoins, considérant l'extension progressive des tessitures et le caractère public des représentations dans des théâtres qui commencent à être vastes, au XVIIIe siècle puis au fil de l'ère classique comme pour Tarare, ce n'est pas tout à fait absurde.]
Plusieurs raisons à cela :
→ La formation initiale des chanteurs lyriques est standard quel que soit le répertoire ; il y a eu quelques cas au début du renouveau baroque, où de jeunes chanteurs débutaient dans la classe de Christie, mais ce n'ont jamais été que des exceptions, qui n'existent plus guère aujourd'hui – il reste les cas de transition immédiate de la maîtrise de garçons vers des formateurs baroques, comme pour Cyril Auvity, mais ce reste là aussi rare. La plupart du temps, les premiers professeurs préparent les étudiants à une technique standard italienne / belcantiste. Et leur demandent donc une étendue vocale longue, cherchent à favoriser la projection sonore, et s'aident pour tout cela de notions de couverture vocale.
→ Dans ce cadre, les techniques mixtes sont un bon moyen de recruter des chanteurs qui auront une couleur adaptée, douce dans les aigus… Ils auront aussi une aisance dans le haut du spectre qui est utile pour les parties de haute-contre – dont les rôles, contrairement à une idée reçue, sont très médium dans les opéras chez LULLY et ses immédiats successeurs –, dans la musique sacrée française.
On ne peut pas être certain de ce qu'étaient réellement les techniques employées (et ce différait sans doute selon les répertoires et les pays, a fortiori à des époques où les échanges n'étaient pas aussi immédiats qu'aujourd'hui, entre les avions et les enregistrements !), mais elles étaient très vraisemblablement plus franches que ces belles voix rondes conçues pour chanter les rôles légers / aigus du premier XIXe – John Aler, typiquement !


Voix graves ?

J'ai pris l'exemple des ténors, parce qu'il est le plus audible et le plus spectaculaire : contrairement aux voix de femme qui ont une étendue naturelle en voix de tête, contrairement aux barytons et basse qui n'ont qu'une petite partie de leur voix au-dessus du passage (l'endroit où le mode d'émission doit changer pour atteindre les aigus), le ténor a un tiers de sa tessiture à construire au delà de la zone de confort qui correspond, disons, à la voix « parlée » (c'est un peu plus subtil que ça, mais ça pose bien les choses). De surcroît, les compositeurs du XIXe et du XXe exploitent assez à fond leurs limites, et aiment faire entendre les tensions jusqu'au bout de la voix, si bien que les exemples qu'on peut trouver rendent vite très audibles les procédés (il faut soutenir vigoureusement au niveau du diaphragme et couvrir beaucoup ses voyelles).

Il y aura peu de dames dans mes extraits parce que leur prononciation est souvent lâche dans les aigus (pour plusieurs autres paramètres techniques et / ou physiologiques), et permet moins bien de saisir le phénomène. (Par ailleurs, ne l'étant pas moi-même, j'ai plus de difficulté à appréhender le détail de certains mécanismes.)

Néanmoins, la couverture existe chez toutes les autres tessitures lyriques. Et certains, comme Jean-Philippe Courtis, mixent aussi (ce qui est beaucoup plus rare).

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Verdi, Don Carlos, final d'une des éditions italiennes. Jean-Philippe Courtis en Moine-Empereur.

Il duolo della terra nel chiostro ancor ci segue
Solo del cor la guerra in ciel si calmerà.

Les douleurs du monde nous suivent encore au cloître ;
La guerre dans ton cœur ne se calmera qu'au ciel.

La rondeur est due à la voix mixte, mais là encore, vous percevez comme toutes les voyelles semblent fabriquées au même endroit. On l'entend nettement sur les aigus : « la guerra » et « in ciel » semblent tirer sur le [eu], ne plus être les voyelles pures qu'on ferait en parlant, mais quelque chose d'accommodé, de plus construit, comme un petit logement plus spacieux dans lequel on accueillerait les voyelles les plus étroites.


2.2.2.3. Sombre

Bien sûr, pour les rôles plus lourds et les voix les plus sombres, on trouvera très peu (pas ?) de voix qui ne soient solidement couvertes. Souvent, ces chanteurs, à cause des dangers de leurs rôles ou de la nature déjà épaisse de leur voix, couvrent sur toute l'étendue, même dans les parties basses de la voix où ce n'est pas indispensable (cf. §2.2.1 « étendue de la couverture »).

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Massenet, Werther, Georges Thill.

Georges Thill racontait la jolie histoire (fictive ?) de son retrait de la scène, ayant demandé son avis à un machiniste « vous étiez devenu plus baryton que baryton, mais aujourd'hui, vous avez vraiment chanté comme un ténor ». S'estimant comblé et digne de ses aspirations, il aurait choisi ce moment pour terminer sa carrière.

Très frappant ici sur les [a] qui deviennent des [ô] : « ah ! », « s'envola », « temps » (presque [ton]), « printemps », « souvenant ». Le [eu] de « deuil » est assez fermé par rapport à ce qu'il est en français parlé.  Le reste de l'air est assez libre tout de même, avec une clarté que Thill n'a pas eu toute sa carrière, et une facilité verbale qui ne l'a jamais quitté – cette impression qu'il vous parle sans effort, tout en chantant ces tessitures impossibles.

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Bizet, Carmen, Georges Thill.

Ici, on entend plutôt les voyelles qui se ferment, [eu] : « jetée », « fleur » [fleûr] surtout, ou bien [on] comme dans « prison » [prisôn].


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Gounod, Roméo et Juliette, Plácido Domingo.

Plus difficile de faire la part des choses chez Plácido Domingo avec ses difficultés proprement linguistiques, mais on entend tout de même le [ou] du premier « amour » (voyelle qui serre trop la gorge), et surtout le [è] dans « être » qui devient largement un [eu] (façon de se protéger des voyelles trop ouvertes).

Et puis on entend globalement la même couleur sur toute la voix, les différences étant plus dues à des difficultés de prononciation. Autre effet de la couverture, qui lisse beaucoup les timbres.


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Verdi, Otello, Vladimir Galouzine (Galuzin / Галузин) – Florence 2003 avec Zubin Mehta.

Allons jusqu'à la caricature avec Vladimir Galouzine qui, en laissant sa spécialisation russe (où il était éclatant mais beaucoup moins épais et barytonnant), a très vite glissé vers une voix très étrange, aux fondations rugueuses très audibles, au timbre voilé, qui ne lui interdisait nullement le volume sonore, l'endurance et l'accès aux aigus. Ici, au demeurant, je crois que ce sont des aigus parmi les plus faciles que j'aie jamais entendus dans cette partie très haut placée pour un ténor dramatique !

Galouzine couvre à la russe, c'est-à-dire en mélangeant une certaine quantité de [eu] à toutes ses voyelles. Ses [a] ne tirent pas tant sur le [o] que dans la méthode italienne – c'est flagrant sur « sepolto in mar » [meuâr]. Je crois aussi qu'il a un très bon naturel et une grande intuition, et qu'ici, tous les sons sont un peu relâchés pour faciliter au maximum l'ouverture de la gorge (et sur la vidéo qui existe, la mâchoire s'ouvre très, très largement) :  « del ciel è gloria » [dal ciel ô glôriô] tire sur le [a], le [ô], tout ce qui peut arrondir. Si bien qu'il n'y a pas vraiment de substitutions vocaliques sur les aigus finaux, simplement la conservation du même placement général.


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Wagner, Die Walküre, fin du I, Eva Maria Westbroek, Jonas Kaufmann, Orchestre du Met, Fabio Luisi.

Afin de ne pas laisser mes statistique s'empâter dans la torpeur d'août, pouvais-je ne pas inclure Jonas Kaufmann dont la célébrité et les suffrages d'abord unanimes ont laissé place à un débat-amusette dépourvu de sens sur sa transformation potentielle en baryton. (Question absurde : il chante les rôles de ténor, et sans difficulté notable, donc il est ténor. Que le timbre plaise ou pas est une autre affaire, mais on est loin du cas limite Ramón Vinay, qui a toujours sonné très tendu en ténor et très aisé en baryton, tout en s'illustrant exceptionnellement dans les deux. Ou même, côté timbre, de Nicola Martinucci !)

Le cas est de plus intéressant pour notre sujet : un des charmes de Kaufmann tient justement dans l'impression de tension permanente de la voix (comme Domingo) assortie d'une très jolie patine, qu'on obtient notamment par une couverture uniforme de la tessiture – Kaufmann couvre toujours ses médiums et ses graves.

Comme l'allemand est probablement moins facile à suivre que l'italien (aux voyelles peu nombreuses et plus ouvertes), je sous-découpe l'extrait :

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« Wälse » [vèlse] est attaqué par une protection en [eu] (un peu ratée, on l'entend qui glisse pas très joliment), procédure standard.

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Pareil pour les [a] : « ich halte » est quand même très sombre, et « siehst du, Weib » [zist dou faïp] tire clairement sur le [ô] (quoiqu'on entende très bien qu'il s'agit d'un vrai [a]).

Plus net encore pour «  ich fass' es nun » (lorsqu'il s'empare de la poignée de l'épée) :

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Vous notez aussi comment « nun », pourtant en bas de la tessiture, est accommodé de [ou] en [ô], pour conserver les conduits bien libérés et éviter le resserrement, même dans les parties sans danger. Cela évite de dérégler l'instrument, et avec des voix lourdes et des rôles difficiles, ce peut être salutaire – témoin ce qui arrive en peu d'années aux chanteurs qui osent Tristan et Siegfried (ou Isolde et Brünnhilde).

[[]] [[]]

Enfin, un cas particulier, les [i] de Kaufmann. C'est plutôt une caractéristique (voire un manque) technique qu'une application stricte des principes de couverture : le placement de ses [i] ne lui permet pas de les emmener jusque dans l'aigu. Aussi (c'est encore plus flagrant en italien, en particulier dans Radamès où les [i] très exposés sont nombreux), il les tire vers le [è] faute de mieux (ce qui tend à les détimbrer) ou, lorsque c'est possible comme dans le second exemple, les prépare en [eu]. Mais ses [i] ne sont jamais purs, une petite faiblesse technique si vous y prêtez garde.

Le [i] est un bon étalon des techniques en général : un [i] franc qui monte bien jusqu'en haut sans être modifié est souvent le signe d'une voix efficacement placée, à la fois facile et sonore. Bien sûr, il n'y a pas de garantie absolue – Alagna, avec une voix pourtant plus légère, a toujours eu des [i] parfaits et a toujours rencontré plus de difficulté à timbrer ses aigus que Kaufmann.

Il faut être conscient que le [i], que l'on croit unique, n'est pas le même entre la France, l'Italie, l'Allemagne et la Russie, chacun a son placement propre, et bien pas évident en voix parlée, ce peut tout changer dans les horlogeries délicates de l'émission lyrique.


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Verdi, Don Carlos, Renato Bruson, Scala, Abbado (1978, pour la fameuse captation vidéo entravée par Karajan).

Finissons avec des barytons. Renato Bruson, qu'on peut trouver assez uniforme et gris depuis les années 90 (où tout paraît teinté d'une certaine dose de [eu] blanchâtre, et manque un peu d'éclat, en tout cas en retransmission), dispose tout de même d'une technique initiale assez stupéfiante.

Per me giunto è il dì supremo,
No, mai più ci rivedrem ;
Ci congiunga Iddio nel ciel,
Ei che premia i suoi fedel.
Sul tuo ciglio, il pianto io miro,
Lagrimar così, perchè ?
No, fa cor, l’estremo spiro
Lieto è a chi morrà per te.

On entend nettement que les « e » [é] et [è] se centralisent, s'arrondissent, se labialisent en [eu], mais en réalité, tous les sons sont émis du même endroit, et cela lui permet ce legato infini (très utile dans cet arioso), comme si, malgré les voyelles et les hauteurs différentes, le son coulait à jet continu de la même source. Ici, on entend très bien le rôle unificateur de la couverture.

[[]]

À l'inverse, autre grand titulaire, Peter Mattei privilégie le mot sur la ligne, et on perçoit très bien comment les voyelles se distinguent les unes des autres. En revanche le souffle est plus court, et l'impression de cantilène infinie disparaît.

L'idéal, pour moi, se trouve probablement dans des réalisations intermédiaires, comme ici Juan Pons dans ses meilleures années (on a de lui l'image rugueuse de ses réalisations plus tardives dans le vérisme), d'un moelleux extraordinaire (une pointe infime de mixage peut-être), d'une grande unité de couleur vocale, mais où les voyelles restent très nettement individualisées :

[[]]
Verdi, Il Trovatore, entrée du comte de Luna. Boncompagni dirige Troitskaya, Obraztsova, Carreras et Pons, tous à leur faîte.
Une des versions les plus électrisantes (hors les premières bandes de Mehta au Met et à Tel Aviv, je ne vois pas ce qui peut rivaliser avec ça).




couverture Freni
Couvrez, c'est bon pour la santé.



Quelques précisions

    Vous aurez noté que je me limite essentiellement au français et à l'italien. Les raisons en sont évidentes, mais autant les préciser : on entend mieux le phénomène sur les langues qu'on maîtrise le mieux (français) ou qui ont des voyelles simples et en nombre limité (italien, encore que, pour avoir l'exacte aperture…). Je me serais bien évidemment réjoui de l'explorer avec vous sur le letton ou le croate, mais outre que la matière aurait été moins profusive, les chanteurs moins célèbres (c'est aussi le plaisir, décrypter ce que font ces gens qui nous sont familiers), je craindrais de perdre l'objectif pédagogique en cours de route.
    Et puis, si j'ai quelques notions superficielles de croate, je ne maîtrise pas le letton…

    De même, vous aurez peut-être ressenti avec frustration le peu de Wagner, alors même qu'il existe des bandes en français ou en italien. Cela tient largement à l'écriture wagnérienne (c'est sa faute à lui, pas à moi) : les phrasés sont souvent assez hachés, ce qui ne permet pas d'entendre aussi bien les phénomènes que dans une ligne italienne continue et conjointe toute simple. Par ailleurs, les voix éprouvées par Wagner se dérèglent vite, si bien que je pourrais présenter peu de chanteurs wagnériens un tant soit peu célèbres qui ne présentent pas des biais techniques déjà considérables.
    Pour la même raison, difficile de se servir de Pelléas, qui manque singulièrement de notes tenues, tout simplement. Mais on pourrait faire des essais avec la fin de l'acte IV, nous verrons pour la suite, je n'ai pas encore prévu tous les extraits.
    Verdi et Gounod me paraissent quand même très indiqués pour l'exercice.

    La couverture existe aussi dans la langue parlée. En passant dans un quartier populaire d'une ville populaire d'Île-de-France, j'entendis ainsi une mère de famille aux poumons athlétiques appeler son fils depuis la Tour : « Mamado ! ». Spontanément, pour protéger sa voix en criant, et pouvoir tenir son son, elle avait accommodé le [ou] en [o]. Hé oui, CSS se nourrit de fines investigations anthopologiques de terrain et vous ouvre les yeux sur le complexe mécanisme de l'Univers. De rien.


Plus tard

Dans le prochain épisode, nous entrerons dans les finesses de la question du degré de couverture, avec l'aperture plus ou moins grande des voyelles au sein d'une voix couverte, de Carreras à Gigli.

Ensuite, il nous restera à évoquer les types de voyelles de repli (mais si vous avez suivi, il serait assez facile de les deviner sans mon concours), l'incidence de l'âge, et bien sûr le Graal : l'aperto-coperto, très facile à comprendre et remarquer une fois qu'on a l'habitude du mécanisme de la couverture. Cela devrait vous permettre d'aaexpliquer pourquoi certains chanteurs attaquent leur note en deux temps ou par en-dessous.

J'espère aussi avoir le temps d'évoquer la question du développement historique de cette technique (certes évoqué par touches dans les notules déjà publiées) et de sa délicate application pédagogique.

Pour une prochaine livraison, donc !

vendredi 22 avril 2016

Georges Bizet – Symphonie en ut – COE, Pappano


Concert à la Cité de la Musique. En première partie, la 25e Symphonie de Mozart et le Concerto pour hautbois de Richard Strauss avec François Leleux : toujours beaucoup d'engagement de la part de l'orchestre et de souci des styles. Émerveillement en découvrant de façon aussi exposée le timbre de François Leleux : moelleux, impalpable, ses aigus ont la douceur des médiums de flûte… sa réputation ne l'a pas précédé fortuitement.

Je tiens la symphonie de Bizet (pas la seule contrairement à ce que laisse croire la numérotation : la symphonie Roma mérite aussi le détour) pour l'un des plus hauts chefs-d'œuvre de la musique symphonique, regorgeant d'événements construits de façon ludique ou dramatique, mais jamais rhapsodique… cette variété extraordinaire de climats s'enchaîne avec un naturel, une évidence, une continuité constantes. Et parvenir à enchaîner ce final en fugato aux mélismes orientalisants du hautbois, dans ce second mouvement, voilà qui est tout sauf enseigné dans les manuels du petit symphoniste !
L'enthousiasme des musiciens et le soin de Pappano (allant jusqu'à varier le tempo ou l'intensité des reprises) font merveille ici dans une interprétation à pâte légère.

Après Lorenza Borrani (ce n'était pas elle ce soir-là, c'était Mats Zetterqvist, je crois), meilleure konzertmeisterin de tous les temps, voici Clara Andrada de la Calle, meilleure flûte solo de tous les temps : comment est-il possible de timbrer aussi rondement (et d'exprimer aussi bien) sur ce petit tube dont les plus grands tirent souvent des sons lourdement empreints de souffle !

Premier bis très original de la Séguédille de Carmen « chantée » par les vents !  Très réussi.

samedi 23 août 2014

Une saison 2014-2015 en Île-de-France : ce que vous ne trouvez pas ailleurs


Car, ainsi que l'a dicté Tao-Lseu à ses disciples : la Vérité est ailleurs.

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Déjà, si vous n'êtes pas d'ici, vous pouvez trouver tous les conseils pour une magnifique saison là-bas (nous avons même ajouté ajourd'hui une nouvelle recommandation).

Pour la sixième année consécutive, voici le moment de lancer des suggestions de divertissement pour la saison prochaine. Une fois de plus, et comme pour à peu près tout ce qu'on trouve dans ces pages, nul désir d'exhaustivité. Je me contente de vous livrer mes relevés pour ma consommation personnelle : l'éventail reste très large, puisqu'il permet de choisir, mais ne contient pas absolument toute la programmation. De même pour mes gribouillages (§ indiquant ma motivation, le foncé ma prévision, et les astérisques des places déjà réservées), qui ne témoignent que de mon intérêt personnel — ça prenait trop de temps à retirer, donc vous saurez si j'ai plus envie de voir du Protopopov que du Roslavets le jeudi midi.
Pour un relevé généreux, je recommande Cadences, qui dispose désormais d'un site (les dates sont plus facile à lire sur le magazine en PDF que sur la base en ligne, mais les deux sont bienvenus). Clairement, la qualité de leur base rend assez caduque la mienne en tant que masse.
Néanmoins, ayant relevé manuellement les dates chez plusieurs dizaines de salles et associations, certaines n'apparaissent pas chez Cadences, et on trouve parfois, dans ces contrées interlopes, quelques petites pépites. J'essaierai, pendant la saison, de maintenir les annonces de concerts un peu atypiques, de façon à mettre en valeur ce que vous pourriez ne pas vous consoler de manquer.


Quelques petits cailloux ont déjà été semés : sur deux résurrections passionnantes et impatiemment attendues à l'Opéra-Comique, sur la saison tranquille de l'Opéra de Paris, sur les concepts de la Philharmonie de Paris, sa programmation et ses tarifs.

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Vous pouvez retrouver les précédentes saisons, chacune disposant en commentaires de liens renvoyant vers des échos des soirées vues :


Les spectacles vus seront cités en commentaires de cette notule, et diverses remarques sur la saison ajoutées sous cette étiquette.

En lice pour les putti d'incarnat, j'ai nommé :

Suite de la notule.

samedi 7 juin 2014

Chtchédrine – la chorégraphie de Carmen


Le ballet adapté pour cordes et percussions par Rodion Chtchédrine, à partir de la matière de l'opéra de Bizet, est l'une des œuvres les plus immédiatement enthousiasmantes, pour tout public, qu'on puisse trouver dans le répertoire : les hits de l'opéra sont concentrés ensemble, répétant les instants ineffables qui le méritent (variations sur l'étonnant fragment du final du II « Tu n'y dépendrais de personne »), et magnifiés par des rythmes incantatoires.

Quelle déception, alors, en découvrant la chorégraphie d'Alberto Alonso pour Maïa Plissetskaïa, à l'origine de la composition ! Une suite d'espagnolades sans épaisseur, quasiment sans propos, et réduisant l'histoire pourtant pas bien compliquée à une suite de clichés à la fois absents de l'original et particulièrement sommaires.

Bref, à écouter absolument au disque et en concert, mais il ne faut pas forcément regretter l'absence du ballet dans les salles. Une nouvelle chorégraphie, avec l'accord du compositeur, ne serait pas malvenue.

Pour les franciliens résidents ou de passage, l'œuvre sera donnée par l'Orchestre de Paris et Josep Pons, les 8 et 9 octobre prochains (à Pleyel).

Pour les mêmes et les autres, la discographie est assez riche : la récente Mikhaïl Pletnev / Orchestre National de Russie (DG) est à la fois la plus virtuose et la plus spirituelle que j'aie entendue, mais la version la plus diffusée à ce jour, Theodore Kuchar / Orchestre Symphonique de l'État Ukrainien (Naxos), tient très bien son rang, avec des cordes clairement moins voluptueuses, mais un engagement qui reste palpable. Dans un genre virtuose un peu moins subtil, Rico Saccani / Orchestre Philharmonique de Budapest (BPO Live) a ses mérites. Je ne crois pas qu'il existe de version réellement ratée, tant l'écriture des cordes et les effets de percussions, très habilement étagés, assurent la réussite, vu le relief musical de la matière première.

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Pour les curieux, le ballet peut se voir en ligne, dans une lecture musicale très lyrique du Bolshoï en tournée à Madrid en 1983 (avec l'épouse-créatrice). Il existe aussi une captation vidéo de 1987, plus nette, mais le son disponible (peut-être qu'un DVD existe, je n'ai pas vérifié) est assez horrible.

mercredi 4 juin 2014

Les concerts insolites de juin


Célébrités qui passent en catimini dans de petites salles, compositeurs rares ou programmes insolites, encore une belle moisson ce mois-ci !

4 - Maison de la Culture du Japon, 18h30 - Musique de chambre de Takemitsu et Hosokawa. 5€.
4 - Favart - Gubisch et Altinoglu (au piano) dans Debussy, Ravel, Falla et le folklore arménien de Komitas.
4 - Versailles - Händel, Belshazzar, King.

5 - Mairie du IXe, 12h30 - Haydn, Schumann, Ravel, Flyarkovsky au piano.
5 - Orsay - Concert Fables de La Fontaine : Carré, Lott, Delunsch, Huchet, Pass, Pikulski !
5 - Châtelet - Duos d'opéra : Hampson / Pisaroni. 5 - Favart - Épopée d'Aprikian (et autres pièces plus conventionnelles) par l'Orchestre d'Arménie.
5 - Abbesses - Le Coq d'Or dans une version pour claviers-percus.
5 - Herblay - Fin des représentations du Consul de Menotti. Reprise de la production à l'automne à l'Athénée.
5 - Colline - Fin des représentations d'Aglavaine & Sélysette.
5 - Versailles - Händel, Amadigi, Gauvin, Invernezzi, Zazzo, Kammerorchester Basel, Dantone.
5 - Auvers-sur-Oise - Campra et Vivaldi par Niquet.

6 - Bastille - Daphnis & Chloé avec chorégraphie.
6 - Cité Internationale des Arts - Mélodies sur Pouchkine. 10-15€.
6 - Église de Moret-sur-Loing (77) - Œuvres pour clarinette et quatuor de Mozart, Brahms, Webern et Nishimura.

6-7 - Noisy-le-Sec - Tchaïkovski, Liadov, Moussorgski, Rachmaninov, Stravinsky par la Jeune Philharmonie de Seine-Saint-Denis.

7 - Soubise, 18h - Caldara, Bononcini, Dall'abaco par L'Escadron volant de la Reine. 3-12€.
7 - Bagatelle - Musique de chambre de Franck, Fauré, Pierné, Hersant. 10€. 7 - Saint-Denis - Quatuor Julia Fischer dans Beethoven, Schumann et Chostakovitch.
7 - Villiers-sous-Grez (77) - Quatuors de Mozart, Bartók et Kurtág. 8-16€.

8 - Château de Blandy-les-Tours (77), 15h30 - Holzmair et Cassard dans Schubert et Ravel.
8 - 38Riv', 17h - Musique instrumentale pour violon, clavecin et luth/théorbe/guitare baroque : Jacquet de La Guerre, Rebel, Corelli et Leclair.
8 - Église de Bourron-Marlotte (77) - Quatuors de Beethoven, Schumann, Britten et Hawkins.

Suite de la notule.

samedi 1 février 2014

[Sursolscope] Quelques raretés de février


Il y a trop de choses qui se passent en ce début d'année pour mentionner tout ce qui sera joué. Donc simplement quelques raretés.

Suite de la notule.

samedi 14 septembre 2013

Une saison 2013-2014 en Île-de-France (et un peu ailleurs)


Suite à la demande croissante en coulisses (croyez-le ou non, j'ai dû embaucher une autre secrétaire, sans parler des gardes du corps pour me protéger des ardeurs des plus impatients), notre petite usine poulpiquette a accéléré ses cadences pour fournir l'authentique planning saisonnier de Carnets sur sol, en véritable html massif. Malgré tout le soin accordé à la confection de nos pixels, il est possible que des erreurs se soient glissées, en particulier dans les dates. Vérifiez toujours pour les concerts qui vous intéressent, car le bureau des réclamations a été fermé (pour financer la nouvelle secrétaire, évidemment), et le standard ne dispose pas encore d'interprète fluide en lutin-français.

Pour cette cinquième année, il n'est peut-être plus nécessaire de préciser que non seulement il est impossible d'être exhaustif, mais que de surcroît les choix opérés sont dus à mes seuls tropismes et inclinations ; beaucoup d'autres choses de premier intérêt figurent dans les programmes sans que j'aie pris ma vie pour les recopier. En revanche, dans la masse présélectionnée, il y a sans doute matière à découvrir des salles moins courues et des œuvres peu jouées, pour pas mal de gouts différents.

Si cela peut aider à hiérarchiser, je n'ai pas eu la patience de retirer le légendage personnel : le signe § indique le degré de prévision, le signe ¤ l'improbabilité de ma présence. Je n'ai pas conservé la couleur qui apparaît sur l'agenda pour la présélection, mais peu importe, on peut très bien naviguer sans. Les astériques sont sans importance (à part pour moi, puisque j'ai déjà les billets).

Vous pouvez retrouver les précédentes saisons, chacune disposant en commentaires de liens renvoyant vers des échos des soirées vues :


Les spectacles vus seront cités en commentaires de cette notule, et diverses remarques sur la saison ajoutées sous cette étiquette.

En lice pour les putti d'incarnat, on trouvera donc :

Suite de la notule.

dimanche 16 décembre 2012

Carmen et ses éditions : Guiraud-Choudens, Oeser et les autres


La direction de l'Opéra de Paris fait un argument de vente d'une nouvelle édition de Carmen - en revendiquant l'usage d'une édition critique... des années soixante. L'occasion de revenir sur les différents états de la partition.

Carmen, peut-être le plus grand réservoir de scies musicales de tous les temps, se trouve pourtant dans un état d'instabilité éditoriale remarquable.

L'oeuvre souffre en réalité du même mal que l'Africaine de Meyerbeer ou les Contes d'Hoffmann d'Offenbach : le compositeur, homme de théâtre consommé, est mort avant d'avoir pu adapter complètement sa composition aux réalités de la scène. Carmen, du fait de sa célébrité, ne souffre pas du manque de zèle que connaît l'Africaine ; son cas n'est pas aussi complexe non plus que les Contes, puisque le manuscrit n'en a pas été corrompu et que le matériel d'orchestre n'a jamais été détruit. Par ailleurs, Bizet a pu assister à la première

Bizet meurt prématurément, à la trente-troisième représentation de la première série de 1875.


Une version très typée « grand opéra à la française » où l'on peut entendre une belle version de la pantomime de Moralès (Ludovic Tézier, choeur Les Elémens, Orchestre du Capitole de Toulouse, Michel Plasson) - ainsi que les récitatifs de Guiraud, sans doute les mieux interprétés de la discographie.


1. Les sources
a) Le manuscrit autographe

Légué à la bibliothèque du Conservatoire de Paris par la veuve Bizet, il n'a jamais été égaré ni abîmé, si bien qu'il constitue une source claire pour tous les musicologues. Outre l'état original de la partition, il comporte des traces écrites des amendements introduits par Bizet pendant les répétitions.

A l'occasion de la première publication (1877, donc après la mort de Bizet) chez Choudens, trois passages furent retirés du manuscrit, et les récitatifs de Guiraud furent intercalés.

Il est intégralement lisible sur cette page.

b) Le « conducteur » et le matériel d'orchestre de 1875

Restés à Favart pendant le terrible incendie de 1887, on les croyait perdus jusqu'à ce qu'elle soit retrouvée en 1959 dans un meuble sous les combles (par Fritz Oeser lui-même, à ce qu'il paraît, mais serait-ce une légende ?). Quand le métier de musicologue ne peut s'accomplir pleinement que grâce à l'archéologie de l'extrême. Où avaient-il été pendant et après l'incendie, je n'ai aucune information sur la question, et je ne suis pas certain que quiconque en ait.

Ils permettent de retracer les changements, pendant les répétitions, puis après la première, et surtout de retrouver l'orchestration des passages qui avaient été retirés du manuscrit.

Aujourd'hui, ces documents se trouvent à la bibliothèque de l'Opéra de Paris (voleurs !), mais une restauration du conducteur a masqué un certain nombre d'indices chronologiques, ce qui oblige désormais les musicologues à se référer aux parties séparées du matériel d'orchestre pour étudier les évolutions de l'état de la partition au fil des derniers mois de la vie de Bizet, et au delà.

c) La partition chant-piano préparée par Bizet pour Choudens

Signant un contrat en janvier 1875 avec Choudens pour une publication, Bizet indique un certain nombre de détails importants sur cette partition : choix mélodiques ou formels, tempo (et même indications métronomiques), articulation des phrasés, notes de mise en scène...

Ce document n'influe pas sur les états de la partition, mais sert de source pour tout ce qui a trait aux questions de phrasé, de tempo... ou tout simplement de perception de la méthode, des idéaux et des objectifs de Bizet.

d) Le registre des répétitions

Entre autre détails, il permet d'établir quelles parties de l'oeuvre étaient maintenues ou modifiées au fil des représentations.

e) Le livret original de Meilhac & Halévy

Une version manuscrite et une version imprimée chez Michel Lévy & Frères permettent de mesurer les ajustements opérés par Bizet dans les dialogues, les indications scéniques, et parfois dans les vers des « numéros » chantés.

f) Le fonds Choudens

Les archives de Choudens ont toujours été peu accessibles, si bien qu'il est probable que des indications précieuses y dorment, par exemple (pour citer un exemple particulièrement évident) dans la correspondance entre Bizet et Choudens sur les ajustements à apporter à l'occasion de la publication de la partition.

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2. Les versions traditionnelles

On dispose donc de trois sources proprement musicales, support infiniment plus stable que les morceaux originaux des Contes d'Hoffmann retrouvés à chaque décennie depuis cinquante ans... Le manuscrit amendé (avec les trois coupures), le matériel d'orchestre de la création (le plus proche de l'original), les partitions ultérieures de la "tradition" (avec coupures, récitatifs et ballet de Guiraud).

Suite de la notule.

samedi 25 août 2012

Une saison 2012-2013 (Paris et vaste monde)


Pour la quatrième année consécutive, je publie mon planning de concerts. Ayant regardé un assez grand nombre de salles, il est possible que vous repériez l'une ou l'autre soirée que vous n'aviez pas relevée auparavant. N'ayant pas obtenu de dérogation d'ubiquité (malgré une demande chaque année renouvelée au Ministère des Cultes, mais l'attente semble plus longue qu'à Bayreuth), je me contente essentiellement d'évoquer l'Ile-de-France, malgré une escapade prévue à Strasbourg pour Der Ferne Klang de Schreker.

Comme je suppose que dans la masse proposée, on a besoin d'un peu de hiérarchie, j'explique la légende que j'utilise pour mon compte (et que je n'ai pas d'intérêt à ôter) : le signe § indique le degré de prévision, le signe ¤ l'improbabilité de ma présence. Pour ceux où j'ai d'ores et déjà décidé de me rendre, la ligne est en couleur. Ceux dont j'ai déjà acheté les billets sont précédés d'astérisques.

Vous pouvez retrouver les précédentes saisons, chacune disposant en commentaires de liens renvoyant vers des échos des soirées vues :


Par ailleurs, un certain nombre d'informations sont déjà disponibles dans la catégorie consacrée à 2012-2013

Voici donc le programme des folles festivités des farfadets facétieux :

Suite de la notule.

dimanche 8 juillet 2012

Meilleur que le roman - I, Zorro - 1 : Mythe et méthode


Comme chaque année, l'été est l'occasion d'une petite série :


Depuis 2009, il semble que, de façon non délibérée, l'été soit propice à l'investigation autour de sujets de la culture populaire (ou du moins de la culture commune).

  • En 2009, c'était autour du Moine de Gregory Lewis, de ses relations avec les mythes populaires, de ses adaptations. La même année, il avait aussi, en matière de culture semi-populaire, le retour aux sources de la figure de Carmen.
  • En 2010, une vaste exploration autour des figures du vampire, en particulier Ruthven et Dracula.
  • En 2011, c'était la linguistique de Tolkien qui était à l'honneur. Rien ne parut sur CSS, le sujet étant déjà saturé d'exégèses en ligne, et je ne le maîtrise guère - de surcroît, je trouve le cycle The Lord of the Rings très platement écrit. En revanche, les processus de création linguistique, et la façon de les envelopper ensuite d'une mythologie cohérente, est assez fascinant - plus les articles de méthode que les récits eux-mêmes, en somme.


Cette année, je m'étais interrogé pour une série Pouchkine, mais je vais plutôt commencer par la figure de Zorro, dont j'ai exploré les emplois depuis quelques mois. Je n'ai bien sûr pas épuisé, loin s'en faut, la multitude d'adaptations (livres pour la jeunesse ou films d'action), mais en se concentrant sur un petit nombre de productions, des traits particuliers assez intéressants se révèlent.
En particulier, les raisons du succès d'un roman-feuilleton pas particulièrement brillant.

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Simultanément, je me propose ici d'ouvrir une nouvelle série, consacrée à ces cas rares mais remarquables où les adaptations dépassent les originaux. On en a quelquefois parlé à propos de traductions ou adaptations d'opéras, plus rarement en matière romanesque, que ce soit pour la scène ou l'écran.

Ce sont des cas singulièrement fascinants, ceux où le génie semble échapper à l'auteur pour se loger ailleurs, dans la réception et la transmission de ses humbles adaptateurs, une sorte de prescience collective du potentiel de certains récits sans grande épaisseur à l'origine.

vendredi 8 juillet 2011

Concert gratuit le 9 juillet


L'Opéra de Massy donne un récital hors les murs, en la vaste église de Saint-Sulpice-de-Favières (Essonne, à 20h30), d'un gothique rayonnant assez aéré. Pas certain du tout que l'acoustique y soit optimale, je conseille de ne pas arriver tard pour se trouver placé le plus près possible.


Concert accompagné au piano par Laetitia Jeanson, qui comprendra deux parties, consacrées prétendument aux "plus grands airs du répertoire", mais qui contient en réalité des duos, et des choses rarement proposées en récital.

En première partie, du Mozart (Noces, Don Giovanni, Flûte) ; en seconde, "air" de Blanche (Dialogues des Carmélites de Poulenc, pas franchement un standard des récitals de tubes), air du Prince Yeletski (Dame de Pique de Tchaïkovsky), grande scène de Tatiana (Eugène Onéguine), les deux airs-cultes de Carmen (la Habanera et le Toast), et le rare duo Leïla / Zurga des Pêcheurs de perles du même Bizet.

Un programme très sympathique, et avec quelques moments inattendus.

Côté voix, on diposera de Claire Servian (jamais entendue pour ma part, mais le fait qu'elle chante à la fois Blanche, Tatiana et Carmen indique un soprano lyrique large ou sombre, en principe) et d'Olivier Ayault, un baryton réellement excellent : mordant, coloré, diction parfaite.

Pour le prix, on peut s'estimer gâtés, et la visite est conseillée.

dimanche 12 juin 2011

Carmen et ses traductions


Non, pour une fois, les lutins laborieux ne proposeront pas une longue étude comparative entre les versions existantes (disposant au moins dans leur besace de l'italien, l'allemand, l'anglais et le chinois).

Simplement une petite devinette :


Je trouve que cela sonne furieusement bien, mieux que l'original.

De quelle langue s'agit-il ?

Suite de la notule.

lundi 20 décembre 2010

Histoire de l'opéra français : essai de schéma


On parle beaucoup du sujet sur CSS, mais finalement, on n'a pas encore dressé de point de vue surplombant pour reclasser tous ces gens dans leur époque et leur style.

Voici donc une très rapide nomenclature, proposée sur un site voisin, avec un ton un peu informel.

Suite de la notule.

samedi 6 novembre 2010

Devinette admirative



Ah, les crescendi beethoveniens !


Ses soli de hautbois extatiques !


Ses développements emportés !


Ses 'blocages' en guise de transitions !



J'aime beaucoup Schumann aussi, l'élan incroyable dont il est capable pour lancer un mouvement :



Et puis, les mouvements lents de Brahms, c'est si beau, ces lyrismes dans l'aigu des cordes, avec ces sobres et solennels pizz dans le grave et ces contrechants de cor si poétique...



J'aime beaucoup aussi les mélismes orientalisants façon Bizet, qui évoquent tant les ballets de Djamileh.

Et même un peu de Carmen (les sistres...).


C'était le cri du coeur pour une oeuvre que j'avais toujours méjugé eu égard à son entrée en matière un peu tonitruante, et que je redécouvre avec émerveillement. La qualité de son développement classique, l'évidence mélodique de ses thèmes, la variété de ses climats (et même, on le voit, de ses styles !), sa force d'évocation en font un réel bijou.

Car tous ces extraits étaient tirés, vous vous en serez aperçus, de la seule

Suite de la notule.

mardi 20 avril 2010

[avant-première] Opéra de Bordeaux, saison 2010-2011


Voici plus d'une semaine que nous disposons du programme de la saison à venir, grâce à l'indiscrétion d'une de nos taupes d'un de nos fidèles lutins dans la place.

Pour les curieux qui souhaitent lire tout de suite ce qui sera dévoilé dans quelque temps, voici, par ordre chronologique (et avec nos présentations) :

Suite de la notule.

jeudi 8 octobre 2009

[podcast] Une tentative d'Histoire de la mélodie française



(Télécharger le son.
[Les sons ont aujourd'hui été désactivés, la transcription figure ci-dessous.])


Voici une petite improvisation qui était destinée à être distribuée sous forme de 'podcast', pour faire patienter les lecteurs de CSS durant la vacance du pouvoir lutinal (à la mi-août). Il se trouve que le son très mauvais (c'était juste un test, qui s'est révélé plutôt adéquat sur le contenu, mais le micro était trop mal placé, sous la table de travail près du ventilateur de la machine...) m'a dissuadé de le publier tel quel. En voici donc le réenregistrement ci-dessus et la retranscription ci-après.

J'ai ajouté les titres pour se repérer dans le flux verbal oral, et j'ai retouché une ou deux structures bancales. Je mets à disposition l'original, pour entendre l'improvisation (mais il est presque inaudible d'un point de vue technique), et la nouvelle version, où je lis cette fois les présentes notes.
On remarquera que je m'appuie beaucoup sur le parallèle entre les deux genres. On pourra se reporter aux propos sur l'histoire du lied pour mieux en profiter.

Il faut bien concevoir qu'il s'agit d'un petit parcours informel, sur le mode de la conversation : il y a donc un certain nombre de glissements, voire de digressions ; de répétitions, voire de martèlements, qui à l'oral servent à développer, à illustrer, mais qui fonctionnent nettement moins à l'écrit où l'on préfèrera des choses plus compartimentées et mieux délimitées. On se proposera peut-être de le faire prochainement. Dans l'attente, on pourra toujours suivre quelques-uns des nombreux liens ajoutés à la retranscription ci-après.

Qu'importe, c'est toujours un peu de matière.

Suite de la notule.

vendredi 10 juillet 2009

Carmen révélée - IV - ... à l'opéra de Bizet (c, la cousine d'Alcalá)


Rappels :


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Acte II, scène 4 (suite)
La conversation des contrebandiers vient sur José.


Carmen de Bizet ; Acte II, scène 4.
A Milan en 1955, Herbert von Karajan retient, en coupant comme il est de coutume dans les dialogues (hélas) - néanmoins raisonnablement -, la leçon d'« Alcalá » pour la chanson hors scène et a cappella du dragon.
A l'époque où la tradition de la langue originale commence à peine à émerger, à commencer avec des chefs rigoureux comme Karajan (traité de cinglé par Toscanini pour avoir joué Pelléas et Mélisande à Turin en français), on peut à bon droit louer la qualité, la définition et la clarté de la prononciation de Giulietta Simionato et de Giuseppe Di Stefano, pourtant rompus à de tout autres exercices, et guère formés pour cela à l'origine.
Version très vivante et savoureuse (avec Michel Roux en Escamillo-Lucas). Disponible pour trois francs six sous chez Walhall.


CARMEN.
Partez sans moi… j'irai vous rejoindre demain… mais, pour ce soir, je reste…

Suite de la notule.

jeudi 25 juin 2009

Carmen révélée - III - ... à l'opéra de Bizet (b, Remendado et le mari de Carmen)


Troisième épisode : où l'on jauge l'humour de la Carmencita ; où l'on vérifie la grande fidélité à l'original, que masquent les honteuses coupures ; où l'on apprend que Carmen est mariée et en quoi cela conduit à la perte du Remendado.

Suite de la notule.

mercredi 24 juin 2009

Carmen révélée - II - ... à l'opéra de Bizet (a, la révélation)



Elizondo, le village natal de don José.



Carmen de Bizet ; Acte I, scènes 3 à 6.
Dans la version de Michel Plasson chez EMI (2003), qui a le mérite de tout jouer à la façon de l'opéra français, ce qui est une véritable révélation, bien plus cohérente que les espagnolades. Par ailleurs, on entend ici les dialogues chantés d'Ernest Guiraud, d'une grande justesse et d'une grande force ; sans doute le plus beau de la partition... [Et une version alternative de la Habanera, mais par Bizet. Plus dramatique, mais moins lascive.]
Angela Gheorghiu (Carmen), Roberto Alagna (Don José), Ludovic Tézier (Moralès), le Choeur les Elémens et l'Orchestre du Capitole de Toulouse : que de l'excellence.


4. Retour sur la qualité de Carmen chez Mérimée

On l'a dit dans une première notule, l'opéra de Bizet est tout entier contenu dans la troisième partie de Mérimée, c'est-à-dire le récit enchâssé de don José, visité par le narrateur la veille de sa pendaison.

On le précise aussi si ce n'était assez clair, l'oeuvre de Mérimée n'est, d'assez loin, pas sa meilleure, un récit sans grand relief, ni verbal, ni ironique, comme peuvent l'être ses meilleurs titres. Pas de panache particulier à la lecture (pas le frémissement, par exemple, face au dénouement qui s'annonce pour le Vase Etrusque ou même La Partie de Trictrac), pas d'écriture assez personnelle pour refléter un projet.
On l'a déjà précisé : on ne sait trop, et plus encore avec cette absence de conclusion une fois le récit enchâssé terminé et cette quatrième partie informative comme jetée à la hâte, sans objet... où veut en venir l'auteur. Sans doute à une présentation exemplaire de la vie bohémienne - mais dans ce cas, une accroche plus claire aurait peut-être aidé. Et malgré sa longueur réduite, le sentiment par moment que c'est trop long par rapport au propos, mal ciblé aussi.

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5. La troisième partie et le livret de Carmen

Le personnage de Micaëla n'existe pas chez Mérimée, c'est une de ces inventions typiquement opératiques - il lui fallait bien une amoureuse candide. Qu'on songe qu'on faisait déjà de même pour la tragédie lyrique - tout ce qui n'était pas explicité par la tradition antique pouvait être ajouté.

Cependant, le livret de Meilhac et Halévy, à quelques concisions près, à la façon de Dumas, suit très fidèlement la nouvelle, jusqu'à en reproduire certains passages de façon quasiment littérale.

Partons, pour plus de netteté, du livret de l'opéra, et voyons. C'est aisé, car du fait du format de nouvelle du modèle, il ne manque guère d'épisodes essentiels.

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6. Découpage commenté

Acte I, scène 1 :
Pas de Micaëla, donc pas de scène d'attente de don José, qui ne peut évidemment, parlant de lui, commencer que par sa propre histoire. C'est un Navarrais (d'où son surnom de bandit andalou - José Navarro), c'est-à-dire un originaire de la province basque la plus méridionale, d'où son nom (José Lizarrabengoa) et sa langue maternelle à plusieurs reprises déterminante dans le récit. Il est hobereau, et l'histoire tragique de sa déchéance n'en est qu'accentuée, tout en justifiant le don qui précède son nombre. Mérimée lui prête, c'est amusant, la même caractéristique bagarreuse que le Navarrais de la Vénus d'Ille, un temps soupçonné d'avoir tué le fils de la maison pour une bête rivalité de jeu de paume : don José occit en effet un homme de l'Álava (autre province du Pays Basque) qui lui avait cherché querelle, et quitte le pays pour cela.
Il s'engage alors dans l'armée et sert si bien qu'il est en effet brigadier chez les dragons, et bientôt maréchal des logis, lorsqu'il fait la rencontre de Carmen.

La présentation est citée textuellement dans le dialogue de la scène 3 ; voici l'original :

Je suis né, dit-il, à Elizondo, dans la vallée de Baztán. Je m'appelle don José Lizarrabengoa, et vous connaissez assez l'Espagne, Monsieur, pour que mon nom vous dise aussitôt que je suis Basque et vieux chrétien. Si je prends le don, c'est que j'en ai le droit, et si j'étais à Elizondo, je vous montrerais ma généalogie sur parchemin. On voulait que je fusse d'église, et l'on me fit étudier, mais je ne profitais guère. J'aimais trop à jouer à la paume, c'est ce qui m'a perdu. Quand nous jouons à la paume, nous autres Navarrais, nous oublions tout. Un jour que j'avais gagné, un gars de l'Alava me chercha querelle ; nous prîmes nos maquilas, et j'eus encore l'avantage; mais cela m'obligea de quitter le pays.


Armes de la hidalguía colectiva d'Elizondo, avec leur damier sable et argent.


Acte I, scène 2 :
Relève de la garde. Un moment pittoresque, avec la course imitative des petits enfants.
La seule mention qui est faite de la relève se trouve au moment où don José conduit Carmen en prison et la laisse échapper. Les librettistes ont clairement ménagé à partir de là (car on y retrouve des termes communs) une scène chorale de couleur locale, nécessaire dans le cahier des charges de l'opéra.

Acte I, scènes 3 & 4 :
Scène d'exposition qui présente la fabrique de tabac, utile pour la suite. Le narrateur le fait en une phrase chez Mérimée. Mais pour Bizet, c'est l'occasion de faire à nouveau une scène de caractère, avec le chant des cigarières - il faut bien dire qu'il ne se passe absolument rien dans ce premier acte, y compris musicalement d'ailleurs, une satanée coquille vide... [Oui, ceci est un avis tout personnel, nous savons.]

Acte I, scènes 5 & 6 :
C'est là que se situe l'information la plus fondamentale. Carmen est cigarière et surtout bohémienne (étonnant, d'ailleurs, ce poste fixe, sans doute quelque couverture pour une contrebande) chez Meilhac et Halévy... chez Mérimée, on nous dit très souvent qu'elle est fille de rues. Or, si on lit une version complète du livret, on trouve dans les didascalies :

Entre Carmen. – Absolument le costume et l'entrée indiqués par Mérimée : – elle a un bouquet de cassie à son corsage et une fleur de cassie dans le coin de la bouche. – Trois ou quatre jeunes gens entrent avec Carmen ; ils la suivent, l'entourent, lui parlent ; elle minaude et caquette avec eux.

Et qu'on se reporte à Mérimée :

Suite de la notule.

mardi 23 juin 2009

La vraie Carmen - I - Du texte de Mérimée...



L'amateur d'opéra sérieux qui cherche à s'informer lira, dans force notices, résumés, présentations, ouvrages « de référence » et de synthèse sur l'Opéra que Carmen était, dans la nouvelle originale de Prosper Mérimée, dont les librettistes Henri Meilhac et Ludovic Halévy se sont inspirés, une prostituée. Chose si inconvenante sur scène - on se souvient qu'un critique de la création avait classé Carmen comme « opéra pornographique » [1] - que le compositeur et ses sbires, par saine prudence, avaient choisi de la faire cigarière, sans changer totalement ses manières libérées.

Passionnant, assurément. Le seul problème demeure que... c'est faux.

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Le 19 décembre 2006 à Covent Garden, onze jours après sa prise de rôle, Jonas Kaufmann (Don José) en compagnie d'Anna-Caterina Antonacci (Carmen), dirigés par Antonio Pappano.
Pappano réussit des couleurs proprement inouïes et un relief incomparable dans l'articulation de l'orchestre ; et de son côté Antonacci propose sans nul doute le plus beau portrait vocal et dramatique de Carmen : rien de vulgaire chez elle (dans cette veine, Callas a réussi tout ce qu'on pouvait, avec un rare bonheur), une fascination quasiment intellectuelle pour cette femme qui dégage une force charismatique assez étonnante dans ses aspirations à la liberté et ses caprices. Elle utilise la voix chantée populaire de façon extraordinaire lorsque l'orchestre la met à découvert, comme vous pouvez l'entendre dans cet extrait... Vraiment unique.


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Carnets sur sol a enquêté - pas fort ingénieusement du reste : il a suffi de lire les quelques paginettes de la nouvelle. On en profite pour étudier la façon dont les librettistes on redistribué la matière textuelle de Mérimée.

Lire la suite.

Notes

[1] Il faut dire que Bizet venait d'écrire Djamileh, une délicieuse fantaisie orientale, et que ni Flammen de Schulhoff, ni Lady Macbeth de Mtsensk de Chostakovitch n'avaient encore été conçus.

Suite de la notule.

mardi 27 janvier 2009

Opérette ou ne pas

Qu'est-ce au juste que l'opérette ?

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Il faut absolument signaler ici l'article de J.-Lou de Libellus sur la question, abordée d'abord sous l'angle des définitions confuses des dictionnaires, ensuite sur le caractère propre au genre.

J'avais promis une réaction plus ample, la voici.

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L'abbé Bridaine (1701-1767), religieux-comique ou curé d'opérette ?


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1. Les définitions

Les rédacteurs de dictionnaires, qui ne sont pas musicologues, insistent très souvent sur le ton de l'oeuvre ('comique', 'léger'), voire sur sa qualité musicale supposée ('mineure', 'divertissante', 'prétexte'). On entend parfois ce résumé qui n'est jamais que l'extension de ces définitions : L'opérette, c'est un opéra qui finit bien. [Nos lecteurs sont heureux d'apprendre en ce jour que Parsifal est une opérette.]

Ce n'est pas sot non plus, parce que si l'opérette est essentiellement une affaire de dates, on peut aussi essayer d'en faire un genre, et c'est très souvent comme cela que le genre est perçu. Pour faire rapide, on parle d'opérette, en principe, pour le genre léger allemand à partir de Johann Strauss II et Lehár (donc très reconnaissable) , et pour l'opéra-comique (donc avec dialogues parlés obligés) du vingtième siècle.
Mais on peut aussi tâcher d'établir une distinction entre le genre opéra-comique, pas forcément comique (comme la Médée de Cherubini ou la Carmen de Bizet...), très théâtral mais où les numéros de bravoure vocaux, par leur virtuosité ou par leur caractère, sont essentiels, et l'opérette, où le comique est obligatoire et où le théâtre prévaut, chaque 'numéro' musical servant surtout à dresser des portraits des personnages, à apporter une touche de pittoresque, un décor, une respiration à l'action.

Dans le cas rigoureux, Les Mousquetaires au Couvent de Varney (1880), La Mascotte d'Audran (même année), et Véronique de Messager (1898) sont des opéras-comiques, c'est-à-dire des oeuvres de théâtre lyrique fondées sur l'alternance entre chant et parole aux XVIIIe et XIXe siècles.
Dans le cas où l'on cherche à caractériser chaque genre, ces trois oeuvres peuvent être classées comme opérettes, même si j'aurais personnellement tendance à conserver Varney du côté de l'opéra-comique pour une question de ton beaucoup moins burlesque que chez Audran et beaucoup moins sirupeux que chez Messager, avec une thématique théâtrale nettement inspirée de ses prédécesseurs. Ce ne sont pas la fantaisie citadine des opérettes d'Yvain ou les espagnolades de Lopez, mais vraiment une petite histoire théâtrale qui fait un tout, assez proche de la logique du Postillon de Longjumeau d'Adam par exemple. Et musicalement, l'écriture n'en est pas si éloignée non plus, même si l'on perd, air du festin de Brissac excepté (des sol3 tenus, et un sillabando très rossinien), la virtuosité dans les exigences vocales.

=> Sur ces questions, on peut aussi consulter la classification de CSS.

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2. L'origine de l'opérette

Suite de la notule.

jeudi 30 octobre 2008

Lully - CADMUS & HERMIONE - Dumestre / Lazar (DVD, Opéra-Comique 2008)

Une petite déception par rapport à nos espoirs en visionnant ce Cadmus.

Extraits, liens vers d'autres comptes-rendus, et un bref rappel sur la nature des dialogues parlés de l'opéra-comique.

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Mise en scène
  • L'éclairage à la bougie produit toujours l'effet d'un tableau de La Tour, jetant un voile poétique sur la scène, la rendant d'emblée surnaturelle.


  • Cependant, les couleurs très vives et mêlées ne produisaient pas, loin sans faut, la même atmosphère très prenante que pour Il sant'Alessio. La juxtaposition des tons, quoique lissée par l'éclairage à la bougie, paraissait assez modérément gracieuse. Bien entendu, pour la fête très optimiste de Cadmus, où le héros se trouve à tout instant secondé par des divinités propices, ou le comique et le visuel exotique ont toute leur place - avant que, selon les goûts du roy, une esthétique plus lissée ne prenne la place - il ne s'agit pas de nier leur justification ; toutefois le résultat demeure peu enthousiasmant - le La Tour pouvant se muer en Gauguin, dans le Prologue en particulier.


  • Le problème réside dans l'impossibilité de se laisser captiver par autre chose. Faute de place sur la scène de l'Opéra-Comique, sans doute, et faute de mobilité aussi dans la direction d'acteurs. A l'ancienne, toujours de front, avec une gestuelle baroque minimale. Il est pourtant possible de procéder autrement : Marshall Pynkowsi dans son Persée de Toronto, avec des moyens bien moindres, se montrait bien plus prodigue en gestes expressifs, en décalage humoristique et même en spectaculaire, dans une mise en scène sensiblement plus mobile.


  • Indépendamment de la fidélité à une lettre du XVIIe, il fallait composer avec une certaine mollesse de la réalisation - des ballets très parcimonieusement mobiles et assez chichement expressifs en particulier. La danse des statues animées à l'acte III montrait quelque chose d'assez peu saisissant, plutôt un mécanisme d'horlogerie qu'une manifestation du surnaturel.

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Exécution musicale
  • De surcroît, à la réécoute, un peu de frustration musicale se fait jour chez les lutins. Nous étions resté plus attaché à la version donnée en 2001 par Christophe Rousset, dont il nous est demeuré une bande radio, dans un style extrêmement élégant et concerné - bien loin des alanguissements systématiques dont le chef se repaît depuis quelques années.


  • Toutefois, lors de la radiodiffusion du spectacle de Dumestre, en janvier dernier, nous avions trouvé séduisante l'idée d'appuyer la filiation italienne - Lully s'étant d'abord exercé comme compositeur de ballets pour l'Ercole Amante de Cavalli, donné à Paris. La séduction de ce théâtre vocal à machines fut tel que le pouvoir décida de produire sa propre gamme de spectacles, avec un cahier des charges similaire, mais en français. La tragédie lyrique était en marche.


  • De ce point de vue, le choix de Dumestre d'exalter la couleur "premier XVIIe italien" dans Cadmus était fort bienvenu, et extrêmement réussi dans les ballets - servi par un ensemble dont on peut vérifier, au DVD, l'enthousiasme jusque sur le visage du dernier altiste (tenant pourtant une ligne fort peu exaltante sur un instrument malcommode, sans effets expressifs particulier requis pour cette partie). La danse, les couleurs bigarrées y triomphent d'une façon extrêmement communicative (avec un très beau son).



Dernière ritournelle de l'acte I. On entend que les récitatifs fonctionnent bien, avec un petit côté solennel cependant. Version Dumestre ; Luanda Siqueira, Junon ; Eugénie Warnier, Pallas ; André Morsch, Cadmus.


  • Malheureusement, et il faut peut-être sentir ici la jeunesse de cet ensemble à l'Opéra (c'est-à-dire dans la continuité d'une oeuvre intégralement chantée, pour la première fois dans ce répertoire), les récitatifs se révèlent assez distendus - beaucoup de blancs entre les répliques, et un manque de feu assez patent dans le rythme et l'élocution.

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La question du français classique
  • Le plateau, peut-être plus prudent à cause de la prononciation restituée, semble en effet plus joliment musical qu'investi. S'il faut saluer André Morsch pour sa maîtrise non seulement du français, mais du surcroît de difficulté imposé par la prononciation restituée, la voix comporte un léger souffle, probablement dû à l'inconfort linguistique. On remarque surtout David Ghilardi, dont le Soleil rayonnant et le prince tyrien ductile flattent nos sens, et son pendant, Vincent Vantyghem, également remarquable dans la tessiture basse. (Le reste du plateau étant constitué de voix légères, de caractère pas toujours affirmé, mais très bien placées.)


  • La prononciation restituée voulue par Benjamin Lazar (sur le modèle d'Eugène Green), bien que conçue de façon un peu systématique pour être exacte, a le mérite de faire sonner les rimes dans leur entièreté et de redonner du relief à la langue, de refaire découvrir des beautés noyées sous le parler usuel. A l'opposé, on y perd en spontanéité, l'émotion du texte passe nécessairement par le filtre d'une langue qu'il nous faut réapprivoiser. C'est pourquoi nous nourrissons sans doute une petite préférence pour la prononciation moderne, mais il faudrait le confirmer à l'usage - les enregistrements où la prononciation à l'ancienne est adoptée, maîtrisée et intelligible, bien qu'en forte augmentation, ne sont pas encore légion.

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Le noeud de la déception

Suite de la notule.

mercredi 30 juillet 2008

Menus projets

Outre les propres 'concerts commentés' de CSS, qui devraient reprendre dès le début de l'année si nos partenaires sont toujours intéressés, une activité de spectateur itinérant est à prévoir, peut-être plus nette que pour les saisons passées. (Rien du tout pendant des années, Ulysse de Rebel à la Cité de la Musique en juin 2007, et Bruckner / Herreweghe à Saintes en juillet 2008.)

Quelques spectacles ont retenu notre attention. Nos suggestions peuvent peut-être donner quelques idées aux lecteurs de CSS, qui sait.

En avant pour le prosélytisme. Tour d'horizon de quelques représentations françaises engageantes.

Suite de la notule.

vendredi 14 mars 2008

Le disque du jour - XX - Droit de suite : Minkowski dans l'Arlésienne de Bizet

Le disque correspondant à l'Arlésienne de Bizet par Minkowski, dont nous avions solidement vanté le concert (avec un extrait) dans les chocs de décembre de DSS, est annoncé pour le 25 mars prochain.

Il ne s'agit pas (du moins au disque, mais il plane un doute sur le concert) de la version complète, mais elle l'est plus que les autres, avec de très belles pages habituellement supprimées, comme la Pastorale. Et l'oeuvre (avec choeurs) prend ici une dimension véritablement insoupçonnée, loin du pittoresque d'opéra comique français qu'on y entend habituellement. Une vraie personnalité de compositeur original.

Naïve a publié une vidéo pour annoncer l'événement. On peut aussi en entendre des extraits significatifs sur leur site.




Une sortie inespérée, et intelligemment réalisée après l'appropriation en concert.

Objet avec un livret manifestement assez complet et vendu moins de 17€ en ligne. Ce sera bien la première fois que CSS recommande ainsi une nouveauté pas encore sortie !




Précisions :

Suite de la notule.

samedi 22 septembre 2007

Enregistrements, domaine public - XIX - Vaste récital Rosa Ponselle (lied, mélodie, songs, opéra)

Tandis que nous préparons activement d'autres festivités, voici de quoi s'amuser auditivement pour cette semaine.

Trois disques réaslisés pour le label RCA Victor, à la fin de la carrière de Rosa Ponselle, dont les Bellini et Verdi nous sont sans doute les mieux connus. On peut penser notamment à sa Leonora de la Forza del destino, d'une intensité émotionnelle sans pareille.

Ici, un récital avec certaines raretés, trois disques enregistrés en 1939 et 1954. On peut citer notamment des mélodies françaises (Fontenailles, Persico, Delibes, Saint-Saëns et même Paladilhe[1]), italiennes (Wolf-Ferrari) et espagnoles (Granados notamment) peu pratiquées, des extraits d'opéras qui ne sont plus donnés (comme la Molinara de Paisiello, sans doute plus connue pour ses variations sur clavier par Beethoven). Du lied (plutôt célèbre, mais avec des exceptions), des songs, des pièces plus populaires... un éventail impressionnant de son art.

Dans un son tout à fait bon.

Notes

[1] Auteur tardif de Grands Opéras à la française qu'on ne joue plus du tout, comme l'imposant Patrie, jamais enregistré, qui a pourtant pour lui des charmes au moins égaux aux meilleurs Halévy, avec une construction d'un rythme plus élevé. Et un peu plus d'humour.

Suite de la notule.

mardi 9 janvier 2007

Index thématique

Chocs esthétiques, Emerveillements et langue, Oeuvres et genres (Opéra), Oeuvres et traductions (Lied), Oeuvres (Musique intstrumentale), Oeuvres (Littérature), Oeuvres (Pictural), Portraits (Compositeurs), Portraits (Interprètes), Discographie, Comptes-rendus, etc.

On peut également se reporter à l'index alphabétique.

Complété petit à petit. N'est donc pas constamment à jour.

Suite de la notule.

samedi 25 novembre 2006

Louis Joseph Ferdinand, dit Ferdinand HEROLD (1791-1833) - son temps, son esthétique - et Zampa ou la Fiancée de Marbre

  • liste commentée des oeuvres scéniques
  • contexte musical du temps
  • parentés motiviques
  • définitions et autres auteurs

Suite de la notule.

samedi 8 avril 2006

Opéra-comique, opérette, opéra bouffe et salle Favart

Clarifions.

Suite de la notule.

David Le Marrec

Bienvenue !

Cet aimable bac
à sable accueille
divers badinages :
opéra, lied,
théâtres & musiques
interlopes,
questions de langue
ou de voix...
en discrètes notules,
parfois constituées
en séries.

Beaucoup de requêtes de moteur de recherche aboutissent ici à propos de questions pas encore traitées. N'hésitez pas à réclamer.



Invitations à lire :

1 => L'italianisme dans la France baroque
2 => Le livre et la Toile, l'aventure de deux hiérarchies
3 => Leçons des Morts & Leçons de Ténèbres
4 => Arabelle et Didon
5 => Woyzeck le Chourineur
6 => Nasal ou engorgé ?
7 => Voix de poitrine, de tête & mixte
8 => Les trois vertus cardinales de la mise en scène
9 => Feuilleton sériel




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