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Le temps à portée populaire

Avant d'aborder les sujets plus graves que nous prêtera Sue, on poursuit sur les amusettes dumasiennes. Glané il y a peu dans Vingt ans après :

– Oh ! oh ! dit d’Artagnan, descendant l’escalier de l’écoutille et se faisant précéder de sa lanterne, qu’il tenait étendue de toute la longueur du bras, que de tonneaux ! on dirait la caverne d’Ali-Baba.

Les Mille et Une Nuits venaient d’être traduites pour la première fois et étaient fort à la mode à cette époque.

Sachant que l'action se déroule lors de la Fronde, vers 1648-1650, on sourit. Ce n'était pas précisément la mode, non. D'autant plus aisément que la première traduction française, celle d'Antoine Galland, commence à paraître en 1704. C'est tout de même une grosse confusion esthétique sur le début du règne de Louis XIV, en l'occurrence.

Par ailleurs, on ne peut qu'admirer la quantité de documentation et la cohérence globale de la machinerie de cette partie de la série, qui mêle ses héros de façon déterminante à tous les événements importants de cette époque (Fronde parlementaire, Fronde princière, victoire de Lens, fuite de la famille royale de Paris, défaite, procès et exécution de Charles Ier, paix de Saint-Germain) sans se départir d'une certaine dose de vraisemblable extraordinaire. Autant la langue est en elle-même bien banale, parcourue en plusieurs points de tournures qui sentent leur poncif ou de dialogues qui sentent leur remplissage hâtif, autant la macrostructure est tout de même d'une virtuosité assez impressionnante, pour mêler sans effet de juxtaposition (d'autant que, contrairement aux Trois mousquetaires, chaque épisode se clôt plus ou moins avant d'enchaîner le suivant) autant d'événements à la fois d'un impact immense, tout à fait historiques (difficile de sauver Charles Ier ou d'occire Mazarin) et perçus par leur face cachée.

On peut tout de même concevoir la lourdeur de cette tâche de recomposition en essayant de faire coïncider. Comme dans les mythes antiques, où les héros peuvent périr dans une expédition qui paraît pourtant antérieure à celle où ils ont brillé, on rencontre parfois des problèmes chronologiques assez flagrants. Dumas semble avoir mis les événements des années 48 à 50 dans un pot, et en avoir retiré ce qui lui était commode au moment où il le désirait.

Car le synopsis aborde dans cet ordre les événements :

  • débuts de la Fronde parlementaire (mai 1648)
  • victoire de Lens par Condé sur les Espagnols (20 août 1648)
  • arrestation du conseiller Broussel et protestations (24-26 août 1648)
    • surveillance du sommeil du roi à l'instigation du coadjuteur Gondi (25 novembre 1650)
    • et cela la nuit même de la fuite du roi et de sa mère de Paris (5-6 janvier 1649)
  • défaite de Charles Ier Stuart
    • bataille de Preston (17-19 août 1648), qui se déroule ici près de Newcastle, sur la côte opposée
    • détention du roi à Newcastle par les Ecossais retournés (1646-1647), qui ne dure ici même pas une journée
    • procès et exécution de Charles Ier (janvier 1649)
  • conférences de Saint-Germain entre le Parlement et la Cour (septembre-octobre 1648)
  • défaite des frondeurs face à Condé à Charenton (8 février 1649)
  • fin du récit au moment de la paix de Saint-Germain (1er avril 1649), même si l'on perçoit les velléités vite écartées du coadjuteur seul insatisfait, prêtes à se réveiller (il n'est fait cardinal qu'en 1652)


En fin de compte, même si le contenu est toujours assez exact dans l'esprit, Dumas compresse tout cela, en réunissant des événements caractéristiques au même moment, même s'ils ont lieu à quelques années de distance : comme la bataille de Preston, placée à Newcastle et séparée d'une semaine de l'exécution ; comme les événements de la Fronde, vis-à-vis desquels la Cour ne fuit qu'une fois.

Mais le résultat est assez bien fichu, et n'a rien à voir avec la docte affirmation historique totalement fantaisiste sur les Mille et une nuits.


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Commentaires

1. Le dimanche 14 juin 2009 à , par DavidLeMarrec

Et, pour faire mesure, dans Le Vicomte de Bragelonne : le poète tourangeau Racan vient d'expirer, nous sommes donc en 1670. Pourtant, Mazarin, qui meurt en 1661, est toujours vivant.

Et quelques autres contradictions de ce tonneau paraissent doucement entre l'âge des protagonistes historiques et le moment des événements.

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