Carnets sur sol

   Écoutes (et nouveautés) | INDEX (très partiel) | Agenda concerts & comptes-rendus | Playlists & Podcasts | Instantanés (Diaire sur sol)


Résultats de votre recherche de michel carré.

mardi 28 février 2023

[podcast] Qu'est-ce qu'un chef d'orchestre ? – Épisodes 5,6,7,8 : se passer du chef / le directeur musical


http://operacritiques.free.fr/css/images/ferenc-fricsay.png
Ferenc Fricsay, directeur musical extrêmement marquant (de la RIAS, Radio de Berlin-Ouest), chef invité calamiteux (aussi bien à l'Opéra de Lausanne qu'en concert avec le Phiharmonique de Vienne). Deux métiers.

Toujours à l'occasion de ma découverte du format baladiffusé, j'ai décidé de reprendre et d'enrichir la notule « Il y a peut-être dix chefs dans le monde dignes de diriger les grands orchestres » sous forme de série audio. 

Les quatre premiers épisodes ont été enregistrés et publiés. Voici le 5 (autour des ensembles qui font le choix de se passer de chef) et les 6,7,8 autour de la figure du directeur musical. Dans ces trois derniers, j'ai retraité le son pour rendre la voix plus sonore et l'écoute plus confortable. Preneur de retours.

Vous pouvez les entendre par ici (retranscription en format rédigé lisible en fin de notule) :

Le flux RSS (lien à copier dans votre application de podcast)
https://anchor.fm/s/c6ebb4c0/podcast/rss

ou sur :
Google
Spotify
Deezer
Amazon
¶ etc.

Vous pourrez aussi y trouver quelques podcasts de vulgarisation très généraux sur l'opéra, le début de la reprise de la série Musique ukrainienne, une brève histoire de l'opéra italien à la conquête du monde, ainsi que quelques comptes-rendus de concerts trop bavards pour mes traditionnelles recensions Twitter… J'attends d'être un peu plus aguerri pour me lancer dans la grande adaptation de la série Pelléas



Qu'est-ce qu'un chef d'orchestre ? – 5 : Se passer du chef d’orchestre

On a vu dans les derniers épisodes les rôles du chef d’orchestre. Cependant tout le spectre existe : j’ai vu encore récemment un chef diriger un quatuor de musiciens.

Certains orchestres parviennent à se passer de chef, il faut peut-être en dire un mot.

On se souvient, dans les années 90, du succès de l’Orpheus Chamber Orchestra, dont les membres débattaient les options musicales à égalité, de la dernière contrebasse au violon solo (celui qu’on appelle communément le « premier violon »). Aujourd’hui, Les Dissonances, fondé par David Grimal d’abord sous la forme d’un ensemble de musique de chambre à géométrie variable, promeut aussi une approche collective et produit des concerts de qualité exceptionnelle – tous les mélomanes que je connais qui ont assisté à leur Sacre du Printemps assurent que c’était une expérience prodigieuse, d’une précision absolue malgré l’absence de chef.

Initiatives qui attirent la sympathie dans un monde très hiérarchisé (je me suis par exemple toujours demandé pourquoi le violon solo était forcément aussi le chef d’attaque dans un orchestre, ce peuvent être des qualités très différentes que d’avoir un joli son de violon puissant et d’être bon dans la communication non verbale avec son pupitre). Je pense aussi aux orchestres où Abbado (L’Orchestre Mozart de Bologne) et Emmanuel Krivine (La Chambre Philharmonique) recevaient le même cachet que chaque musicien – et où les premiers violons ne touchaient pas plus que les troisièmes bassons, contrairement à la tradition (plus la partie est mélodique, plus il y a de notes, plus le cachet est haut).

Je vois cependant quelques écueils aux orchestres sans chef.

1) Tout le monde a la parole, mais les choix sont-ils vraiment si ouverts ?
Typiquement, David Grimal a fondé Les Dissonances et les premiers musiciens ont coopté les autres. Ils auront choisi des gens qui en partagent les attendus esthétiques : les fondateurs ont ainsi, quelque part, un rôle d’impulsion et de direction musicale générale. Par ailleurs, est-ce que le piccolo ou le percussionniste qui joue quelques secondes du tam-tam chinois dans le final auront vraiment l’aplomb pour proposer des idées sur les phrasés de violon du thème principal du premier mouvement ?
C’est quelque chose qu’on pouvait très bien entendre chez l’Orpheus Chamber Orchestra : leur conception était globalement très romantique-tardive et assez conservatrice dans les œuvres du premier romantisme. Je ne crois pas qu’une proposition de jouer sans vibrato, par exemple, aurait recueilli les suffrages. Il y a tout de même un identité implicite à l’ensemble, je suppose.

2) Le deuxième enjeu est évidemment la cohérence. Il faut bien choisir une ligne directrice, on ne peut pas faire des choix trop disparates, et à un moment donné, il faut bien qu’un consensus se crée, et donc que quelqu’un l’emporte. On sait bien que dans ces cas, à moins de votes formels, dans les groupes humains ce sera celui qui n’aura pas peur de parler qui verra ses idées suivies, même si elles sont désapprouvées par la majorité.

Tout cela n’est pas très grave, et se trouve compensé, dans ses ensembles, par le fait que les musiciens se connaissent très bien et se sont choisis, s’apprécient ; par l’envie aussi de jouer ensemble vers un but commun et non d’obéir à une volonté extérieure qu’ils désapprouvent. Car on a aussi beaucoup d’exemples d’orchestres qui se rebiffent, suivent à regret les options du chef, font exprès de ne pas tenir compte de ses indications, ou de sous-jouer ostensiblement pour monter leur désaccord. Les musiciens de l’Opéra de Paris sont des champions pour ce type d’attitude, mais cela existe partout : je me rappelle du violoncelliste solo du Philharmonique de New York qui avait ouvertement déclaré dans la presse que si un jeune chef commençait la répétition par « très honoré de travailler avec vous », l’orchestre cessait immédiatement de l’écouter et jouait sa propre version en pilote automatique.
On peut donc trouver beaucoup de contre-exemples très parlants au fait d’imposer un chef unique et tout-puissant.

3) Non, l’écueil principal est surtout l’efficacité. Travailler ensemble avec des amis sur une partition qu’on connaît bien, c’est formidable, mais pour les orchestres qui doivent produire un nouveau programme chaque semaine (les orchestres résidents des grandes villes, typiquement), avoir quelqu’un qui décide sans délibération, qui donne un cap qui n’est pas à négocier, c’est vraiment un gain de temps. Lorsqu'on voit comment fonctionne le système des chefs invités (j’en reparle dans les prochains épisodes) qui ne connaissent pas les orchestres doivent en deux ou trois services de trois heures monter un programme d'1h30, où il y a parfois des options esthétiques fortes à défendre (imaginez vouloir un Brahms sans vibrato, toutes les articulations et équilibres qu'il faut changer !), et dans des œuvres d'une complexité parfois invraisemblable (un Berg, un Ligeti, un Ives et parfois plus rare encore)… lorsqu'on voit tout cela, on comprend l'impérative nécessité d'efficacité. Avoir quelqu'un qui a tout préparé et qui a déjà pris les décisions. Quelqu'un capable de communiquer sans s'arrêter pour parler, aussi.
Ces ensembles sans chef peuvent donc très bien fonctionner, mais soit en tournée avec un programme fixe sur plusieurs semaines, soit sur la base de programmes ponctuels longuement préparés entre musiciens amis qui ne comptent pas leurs heures.

4) Pour finir, une dernière réserve liée à certains répertoires spécifiques : en entendant Les Dissonances en concert, dans la Neuvième Symphonie de Bruckner, j'ai été frappé par la contrainte du dispositif dans les grands silences qui rompent régulièrement les thèmes chez Bruckner : les chefs choisissent de les lisser pour assurer une continuité du discours, ou au contraire d'en exalter le contraste… ici, les chefs de pupitre étaient surtout accaparés à se regarder très intensément pour bien repartir ensemble (pas toujours parfaitement d’ailleurs, mais c’était véniel).
C’est-à-dire qu’au lieu de profiter de ces silences pour produire un effet dramatique, on entend surtout les musiciens compter les temps et se surveiller pour repartir ensemble. Là, clairement, un chef aurait été utile, c’est un aspect important de la partition et il n’était, pour des raisons techniques, pas vraiment interprété.

→ Ne croyez pas que les chefs me soient sympathiques : beaucoup sont des prétentieux (un peu moins des tyrans aujourd’hui, l’époque a changé et les orchestres ne se laissent plus accabler d’injures), et l’idée qu’un seul homme qui ne joue pas se pense plus capable que cent qui jouent ne m’est pas remarquablement sympathique. En réalité les orchestres peuvent tout à fait jouer sans chef.
Mais force est de constater que, pour des raisons pratiques, le chef d’orchestre permet de gagner beaucoup de temps dans la prise de décision et la réalisation, de faciliter la coordination entre pupitres, et de communiquer une vision forte – ce qui est en général attendu du public et de la critique. À cela s’ajoute que cela permet commodément, alors que l’effectif des orchestres change au fil des ans, de personnaliser opportunément (plus facile pour la mémoire du public et pour le marketing de dire « la version Nagano » plutôt que « la version du Deutsches Symphonie-Orchester Berlin, vous savez, l’ancienne RIAS, la radio du secteur américain de Berlin occupé »). C’est clairement plus intuitif d’associer ça à un visage, une personnalité précise. Et il est vrai que les chefs peuvent transfigurer les orchestres !

Dans les prochains épisodes, nous causerons un peu autour de la typologie professionnelle des chefs d’orchestre. Chef recouvre en réalité plusieurs métiers très différents, où les qualités requises ne sont pas du tout les mêmes : directeur musical, chef invité, chef symphonique, chef de fosse…

À très bientôt pour la prochaine livraison !

--

Qu'est-ce qu'un chef d'orchestre ? – 6 : Le directeur musical, principes

Comme je l’avais esquissé en fin d’épisode précédent, on parle de chef d’orchestre comme s’il s’agissait d’un métier bien précis, mais le vocable recouvre en réalité beaucoup de postes qui requièrent des qualités très différentes.

Je vais donc essayer de distinguer les rôles de chef permanent et de chef invité d’une part, de chef symphonique et de chef de fosse d’autre part. Les qualités requises n'ont vraiment rien à voir.

Les orchestres ont tous un directeur musical. Ce peut ne pas être un chef d’orchestre : son rôle est alors à la fois administratif (il représente l’orchestre et gère le pôle artistique de sa structure) et programmatique. Le directeur musical choisit la saison : les œuvres jouées, l’esprit des programmes (ouverture-concerto-symphonie ou d’autres dispositifs plus originaux), . Bien sûr, il est contrôlé par la direction administrative de l’orchestre et les tutelles qui financent (ou, dans le cas américain, les mécènes) : on peut lui imposer des actions éducatives ou ce genre de chose. Mais sur le contenu des programmes, c’est plutôt lui décide.

Ce que je dis là est assez vrai pour les orchestres symphoniques, mais un peu moins pour les opéras, où la direction administrative a souvent davantage son mot à dire sur les équilibres de la saison. Il y a même des endroits où la véritable direction musicale n’échoit pas à celui qui en possède le titre : ce n’est clairement pas Gustavo Dudamel qui choisit l’intégralité des titres donnés à l’Opéra de Paris, mais bien le directeur de l’Opéra (ou, s’il n’est pas assez informé en matière artistique, ses adjoints). En l’occurrence, Alexander Neef doit avoir la haute main sur tout cela : ancien directeur du casting pour Gérard Mortier, il doit assez bien savoir ce qu’il en est de l’offre musicale internationale. Les contraintes de remplissage sur des séries aussi longues et la masse salariale sur une maison aussi immense font peser beaucoup de contraintes externes : le nombre de personnages sur scène ou de changements de décor peut avoir une incidence sur le choix d’un ouvrage. (Il y a quelques années, j’avais lu des rapports qui exprimaient que s’il était possible de faire quelques soirées excédentaires avec une reprise de Rigoletto avec salle comble, c’était absolument impossible pour La Flûte enchantée étant donné le nombre de solistes à distribuer, du moins avec les critères de distribution qui avaient été ceux de l’époque – époque Hugues Gall, je crois).

Je me souviens aussi du cas où l’Orchestre de Bordeaux-Aquitaine, qui avait refusé la proposition de Louis Langrée (qui voulait les initier aux instruments anciens), s’était retrouvé deux ans sans chef permanent. Le rôle de directeur musical avait alors échu à Christian Lauba, compositeur local (assez talentueux par ailleurs !), qui n’avait dirigé aucune production : son rôle avait alors été de choisir les titres joués au cours de ces saisons, et de recruter les chefs, les metteurs en scène, les solistes (éventuellement avec l’aide de son équipe, bien sûr).

Cependant, presque toujours, le directeur musical est bel et bien le chef permanent de l’orchestre. On attend de lui une vision pour façonner le son de l’orchestre et le faire progresser techniquement, pour lui donner un caractère sonore. Il doit aussi avoir une image cohérente d’une programmation qui aide à cette progression, mais aussi (et surtout, on l’espère) qui séduise le public. Il doit à la fois avoir l’autorité pour changer l’orchestre sur le long terme, fixer es caps, et l’empathie pour sentir les besoins ou les fragilités de ses musiciens, les goûts du public (ou ce qu’il peut apporter de neuf à l’un ou l’autre).

Corollaire : le directeur musical n'a pas autant besoin d'être bon avec les gestes qu’un chef invité. Il peut prendre le temps de parler, d’expliquer, remettre la même chose plusieurs fois sur le métier à travers différents programmes.

--

Qu'est-ce qu'un chef d'orchestre ? – 7 : Le directeur musical, exemples

Le métier n’est évidemment pas tout à fait comparable entre le petit orchestre de province où le directeur musical assure la plupart des concerts, et les grandes phalanges internationales où le contrat négocie le nombre de semaines où il est effectivement présent. C’est le cas pour les chefs d’orchestre célèbres, qui cumulent plusieurs orchestres, souvent sur plusieurs continents : on pense à Paavo Järvi qui était à la fois à Cincinnati et à la Radio de Francfort, puis à la fois à la Tonhalle de Zürich et à la NHK de Tokyo, mais c’est le cas d’énormément de chefs prestigieux. Actuellement, Gustavo Dudamel se consacre à la fois à Los Ángeles et à l’Opéra de Paris, et son contrat parisien a donc très précisément indiqué le nombre de productions par an qu’il devait assurer : il a certes un suivi de l’orchestre, mais n’est là qu’un quart du temps, ce n’est pas tout à fait la même chose que les chefs qui préparent les programmes de chambre de l’orchestre et dirigent les concerts du dimanche matin à destination des familles.
On peut se poser la question sur le fait que ces vedettes soient tellement supérieures à tous les autres chefs d’orchestre au point de leur confier plusieurs orchestres entre lesquels ils doivent se partager, mais c’est ainsi, la notoriété appelle la notoriété, et pour des raisons qui sont aussi de rayonnement, de financement, de remplissage, ils sont très sollicités tandis que beaucoup de chefs talentueux crèvent la faim. C’est ainsi. C’est le monde tel qu’il va, je ne vais pas pouvoir changer cela tout de suite, soyez patients.

Quoi qu’il en soit, par son travail au long cours, par son rôle relationnel et administratif avec les musiciens, le directeur musical peut changer la face d’un orchestre. On peut penser au niveau d’excellence atteint par la RIAS (Radio de Berlin du secteur américain, à l’origine) avec Ferenc Fricsay, à Cleveland avec George Szell et plus encore Christoph von Dohnányi, ou plus proche de nous à Strasbourg avec Marko Letonja, les Pays de la Loire avec Pascal Rophé, avec Lille avec Alexandre Bloch, des orchestres plus modestes à l’origine qui ont été transfigurés par un long compagnonnage de qualité.

Bien sûr, l’inverse est vrai également. Pour ceux qui ont vécu en Île-de-France ou régulièrement écouté la radio, l’Orchestre National de France (l’un des deux orchestres de Radio-France) a joué au yoyo de façon impressionnante ces dernières années : atteignant un niveau impressionnant sous l’impulsion de Kurt Masur, plus irrégulier avec Daniele Gatti (l’orchestre a continué de progresser, mais était étrangement meilleur avec les chefs invités qu’avec son directeur musical), au fond du trou avec Emmanuel Krivine (qui a fini par partir avant le terme ; chef aux éminentes qualités, vraiment, mais qui s’est obstiné à jouer du répertoire germanique rebattu où il n’excelle pas, s’est démotivé et a fini par totalement démoraliser l’orchestre). Je les ai entendus à cette époque vraiment en sale état, devenus incapables même sous de solides baguettes (comme Cornelius Meister) de synchroniser proprement des attaques par pupitre (on entendait plusieurs entrées au lieu d’une). Ils semblaient démoralisés.
Et puis est venu le deus ex machina Cristian Măcelaru : ce garçon, passionné du répertoire français, a donné une assurance, un feu, des couleurs et une qualité technique à un orchestre qui avait clairement besoin d’être fédéré. Ils n’ont jamais été aussi bons qu’aujourd’hui, et à chaque concert. La transformation s’est faite en une poignée de mois.

Le milieu musical étant hiérarchisé comme on sait qu’il l’est, chaque directeur musical apporte son propre répertoire sans chercher la cohérence avec le précédent, et de même pour la conception du son. On peut ainsi passer, comme pour le Capitole de Toulouse, à un son plutôt fondu et lisse sous Michel Plasson à un son très rond et voluptueux chez Tugan Sokhiev, et d’une dominante « raretés françaises fin XIXe » à une dominante « grand répertoire » (avec pas mal de Russes évidemment). Les deux orchestres n’ont plus rien à voir, alors que les musiciens sont les mêmes.
Contre-exemple rare : Johannes Klumpp a repris le projet d’une intégrale Haydn avec une approche musicologique assez radicale qu’avait débuté le Symphonique de Heidelberg. Le chef précédent, le fulgurant Thomas Fey, a été victime d’un grave accident domestique et n’a jamais pu rediriger (le cerveau est atteint, je crois). Je ne me suis pas penché sur la question, j’imagine que l’orchestre souhaitait mener à bien l’intégrale et dans une certaine cohérence stylistique avec ce qui avait été fait auparavant : pour une fois, le recrutement a été fait sur un projet de continuité artistique et pas simplement sur le choix d’une personnalité remarquable… mais c’est clairement l’exception et absolument pas la règle.

Enfin, la plupart du temps : certains directeurs musicaux renouvellent aussi beaucoup les musiciens :
→ en profitant des départs en retraite (un tiers de renouvellement à l’Opéra de Paris sous Philippe Jordan) ;
→ en jouant habilement de persuasion (Vasily Petrenko à Liverpool) ;
→ ou carrément en étant particulièrement dur ou maltraitant contre ceux qui ne sont pas au niveau (il y avait eu des plaintes pour harcèlement moral ou son équivalent, déposées contre Krzysztof Urbański à l’Orchestre d’Indianapolis, de mémoire par des bassonistes qu’il humiliait en répétition pour pouvoir les faire partir et les remplacer par meilleurs). Mais ce n’est pas nécessaire pour changer l’identité d’un orchestre.

--

Qu'est-ce qu'un chef d'orchestre ? – 8 : Le directeur musical, quelques difficultés

Cette mutation avait été la raison invoquée par Daniel Harding pour quitter l’Orchestre de Paris, arguant qu’il aurait fini par changer la merveilleuse identité de l’orchestre. (Probablement un prétexte élégant pour fuir des musiciens réputés pour leur mauvais caractère et leur bonne volonté à géométrie variable, mais ce n’est pas non plus une vue de l’esprit : oui, travailler longtemps avec un directeur musical change. Ensuite, est-il parti parce qu’il ne voulait pas les changer ou parce que c’était une lutte pour y parvenir, je ne suis pas dans le secret de sa conscience.)

Il faut dire que ces chefs sont parfois reconduits sur des décennies, ce qui permet un réel travail de fond. Parfois aussi, c’est plutôt le public ou la tutelle qui adore le directeur musical, plutôt que les musiciens : par exemple Daniel Barenboim à la Staatskapelle Berlin, tyran invraisemblable (à la fin de chaque concert, il est d’usage que les musiciens viennent un à un le féliciter dans sa loge), volontiers agressif, et à mon sens au legs artistique pas très marquant (certainement pas en répertoire et pas vraiment en progression technique), a une notoriété qui attire le public, ce qui fait que les décideurs locaux – qui ne sont pas forcément épris de musique – attribuent beaucoup plus volontiers des subventions à un orchestre qui rayonne davantage grâce au nom de son chef, qui sait avoir les bonnes amitiés et les meilleurs réseaux… Ce qui fait que même la direction administrative de l’orchestre, voire les musiciens maltraités eux-mêmes, ne souhaitent pas s’en séparer, car il est la figure de l’orchestre.

Dans cet ordre d’idée, certains chefs notoirement peu travailleurs ou sur leur pente descendante sont embauchés parce qu’on sait (en particulier dans les pays où l’économie des orchestres repose sur peu de subventions publiques et beaucoup de mécénat) qu’ils vont attirer le public et les mécènes.
La fin de mandat de James Levine à Boston avait été assez triste et soulevé en interne beaucoup de réclamations, en particulier de la part des musiciens, sur son impréparation et son peu de présence – il faut dire qu’il était malade de Parkinson depuis de très nombreuses années. De même, Chicago a beaucoup baissé techniquement sous Riccardo Muti (ce n’est plus du tout la plus belle section de cuivres d’Amérique), mais l’orchestre peine à s’en séparer, car les musiciens doivent estimer mériter une star et savent qu’ils ne peuvent pas simplement laisser partir quelqu’un qui attire autant le public, les projecteurs, les contrats, les mécènes que Muti. À l’heure actuelle, on attend toujours son successeurs.

J’espère que tout cela vous aura un peu éclairé sur les enjeux du chef d’orchestre comme directeur musical, c’est-à-dire comme chef permanent d’un orchestre : son rôle est alors moins de coordonner les musiciens le soir du concert que de façonner, sur le temps long, l’identité musicale de l’ensemble et d’améliorer son niveau technique. (Cela peut aussi se passer avec des chefs invités récurrents, bien sûr. Il existe des postes de « premier chef invité », par exemple ; un peu le cas d’Esa-Pekka Salonen à l’Orchestre de Paris actuellement : il n’a pas voulu de la charge administrative et de la responsabilité d’être leur directeur musical, mais il les dirige trois ou quatre fois cette saison, quasiment autant que Klaus Mäkelä, directeur musical en titre assez accaparé par ailleurs.)

lundi 1 août 2022

Les meilleures nouveautés de la mi-2022




Estimés lecteurs,

Je m'apprête à prendre pour quelques jours congé de vous : je suis obligé, afin d'éviter la publicité pharmaceutique des automates russes et l'expression de l'absence de vie d'un troll récurrent ici, de ne pas publier les commentaires tout de suite, mais ils seront  lus avec attention et joie (et obtiendront évidemment une réponse) dès mon retour.

Pour les plus enragés / désœuvrés, je laisse ici un point d'étape sur les écoutes discographiques de l'année déjà pour plus de moitié écoulée. Cela permettra aussi de retrouver les références dans le moteur de recherche du site, plutôt que de devoir jongler avec un hébergeur extérieur (dont personne ne peut prévoir, au demeurant, la persistance).

Avec la sélection « rechercher dans la page », vous pouvez grâce à l'étiquetage retrouver les 79 écoutes du Cycle Ukraine, ainsi que toutes les nouveautés discographiques écoutées (il y en a 215). Vous pouvez aussi copier-coller les cœurs pour retrouver spécifiquement les disques à trois cœurs (le mien est large, il y a 176 disques concernés) ou à deux (319…).

Pour vous mettre en appétit, quelques disques ressentis à ♥♥♥, dont vous retrouverez les commentaires ci-après.



A. Nouveautés

2022_nouveautes.jpg

→ Cardoso, Messes par Simon Lloyd
→ Aumann, Musique de chambre par Letzbor
→ Campra, Le Destin du Nouveau Siècle par Bismuth
→ Schumann Quatuor piano-cordes en ut mineur par le Dvořák Piano Quartet
→ Offenbach, Le Voyage dans la Lune par Dumoussaud
→ Massenet, Mélodies orchestrales par Niquet
→ Saint-Saëns, Phryné par Niquet
→ Fauchard, Œuvres pour orgue, par Fiedhelm Flamme
→ Taneïev, chambre par Spectrum Concerts Berlin
→ Perosi, Trio à cordes n°2 par Roma Tre Orchestra
→ Marinuzzi, Palla de' Mozzi, Grazioli
→ Louis Andriessen, Smit, Pijper et piano à quatre mains du XXe néerlandais par les Jussen
→ Vladigerov, Orchestral Works 3 par Vladigerov
→ Alberga, Concertos pour violon par Swensen
→ Solos de violoncelle par Thibaut Reznicek




B. Nouvelles versions

2022_nouveautes.jpg


→ Haydn, Symphonies par le Basel Kammerorchester
→ Voříšek & Mozart 38 par Blomstedt
→ Beethoven, Symphonies par Le Concert des Nations
→ Schubert, Winterreise par Benjamin Appl
→ Ireland et Liszt, sonates par Tom Hicks
→ Brahms, Concerto pour violon par Degand & Rhorer
→ d'Indy, Chansons & Danses par le Polyphonia Ensemble Berlin
→ Debussy, Pelléas & Mélisande par Les Siècles
→ Sibelius, Symphonie n°7 par Nicholas Collon
→ « Mirages » par Roderick Williams



C. Découvertes personnelles

2022_nouveautes.jpg


→ Rode, Concertos pour violon par Friedemann Eichhorn
→ Dupuy, Ungdom og Galskab par Schønwandt
→ Röntgen, Concerto pour violon en la mineur par Ragin Wenk-Wolf
→ Alfvén par Alfvén
→ Kienzl, Quatuors (et trio) par le Thomas Christian Ensemble
→ Kienzl, Der Evangelimann & Der Kuhreigen
→ R. Strauss, Alpensinfonie par Shipway
→ Ornstein, Sonates par Janice Weber
→ Wirén, Quatuors par le Wirén SQ
→ Maria Bach, musique de chambre par Hülshoff & Triendl (et aussi le disque CPO)
→ Eben, Job par Titterington
→ Alberga, Quatuors



D. Doudous increvables

2022_nouveautes.jpg


→ Grétry, Raoul BB
→ Stenhammar, quatuors par les Gotland SQ, Fresk SQ et Copenhagen SQ
→ Nielsen, Saul og David par Neeme Järvi
→ Verdi, Il Trovatore par Muti 2000
→ Pejačević, Quatuor avec piano et Quintette par Triendl & Sine Nomine SQ
→ Saint-Saëns, Symphonie n°3 par Paul Paray



Cliquez ici pour ouvrir tous les commentaires sur les disques.

Suite de la notule.

mercredi 15 décembre 2021

Le grand tour 2021 des nouveautés – épisode 8 – Suédois à noms français, Tchèques & Lettons à noms allemands, Wallons à noms arabes, Polonais à noms polonais


lattès

Un mot

Cette huitième livraison sera aussi, selon toute vraisemblance la dernière de l'année.

J'ai trop tardé, occupé à documenter les anniversaires (gros travail à venir, pour l'immense génération 1872 !), à publier les nouveautés et les écoutes. Conclusion : non seulement je les documente en décalé, mais chaque semaine, je dois repousser la publication impossible de l'ensemble des écoutes… La mise en forme prend trop de temps, il faudra que j'agisse sur ce point.

Aussi, pour l'instant, à part les quelques non-nouveautés que j'ai relevées en début de notule, je me contente dans cette livraison de mentionner les parutions récentes.

Tout cela se trouve aisément en flux (type Deezer, gratuit sur PC ; ou sur YouTube) et en général en disque. Il faut simplement pousser la porte.

(Pardon, mes présentations de titres ne sont pas toutes normalisées, il faut déjà pas mal d'heures pour mettre au propre, classer et mettre un minimum en forme toutes ces notes d'écoutes. Il s'agit vraiment de données brutes, qui prennent déjà quelques heures à vérifier, réorganiser et remettre en forme.)



Cycles

J'ai moins écouté de nouveautés, à force de revoir toujours passer les mêmes œuvres, les mêmes genres musicaux… Non pas qu'il n'y ait pas (beaucoup !) de nouveautés dignes d'intérêt, comme vous verrez, mais considérant l'ampleur de ma consommation, aller fouiller dans le fonds préexistant ménage davantage de satisfactions.

Plusieurs découvertes marquantes hors des publications toutes fraîches, donc : les œuvres sacrées de (Jean) Mouton, le luth de Robert Ballard, le Stabat Mater de Domenico Scarlatti (l'une des rares survivances de son œuvre hors clavier), l'orgue de Lasceux, les œuvres vocales de Cartellieri et Schürmann, le Quatuor Scientifique de Rejcha (j'étais passé à côté au disque, le concert m'a dessillé), les symphonies de Goła̧bek, les motets du wallon Jean-Noël Hamal (écoute en boucle de Miles fortis, une bonne quizaine de fois en deux semaines), les quatuors de Kienzl (quel sens simultané de la mélodie et de la structure !)…

J'ai aussi mené des cycles méthodiques de découverte : les concertos et opéras de Dupuy le Suédois, les poèmes symphoniques et les quatuors de NovákKarg-Elert (ce n'est pas le plus célèbre de son catalogue qui est le plus enthousiasmant !), tout ce qu'on trouve de Biarent, Lipatti (ses compositions), l'orgue intégral de Leighton, Eben (Job, bon sang !)…

Je me dis que je devrais plutôt faire tout de bon une notule par cycle, ou reprendre le principe du disque de la semaine, pour ne pas ensevelir mes lecteurs… et avoir du temps à consacrer à d'autres sujets.

lattès


La légende

Les vignettes sont au maximum tirées des nouveautés. Beaucoup de merveilles réécoutées ou déjà parues n'ont ainsi pas été immédiatement mises en avant dans la notule : référez-vous aux disques avec deux ou trois cœurs pour remonter la trace.
(Un effort a été fait pour classer par genre et époque, en principe vous devriez pouvoir trouver votre compte dans vos genres de prédilection.)

J'indique par (nouveauté) ou (réédition) les enregistrements parus ces dernières semaines (voire, si j'ai un peu de retard, ces derniers mois).

♥ : réussi !
♥♥ : jalon considérable.
♥♥♥ : écoute capitale.
¤ : pas convaincu du tout.

(Les disques sans indication particulière sont à mon sens de très bons disques, simplement pas nécessairement prioritaires au sein de la profusion de l'offre.)

Le tout est classé par genre, puis par ordre chronologique très approximatif (tantôt la génération des compositeurs, tantôt la composition des œuvres, quelquefois les groupes nationaux…) au sein de chaque catégorie, pour ménager une sorte de progression tout de même.




lattès



A. Opéra

Beaucoup de titres, et quelques révolutions dans l'interprétation de l'opéra italien.

nouveautés
Rossi – Ézéchias (YT)
→ Cantate, rare évocation directe du règne d'Ézéchias, auquel on vient de consacrer une notule. Et une cantate plutôt bien écrite. (Pas sûr de recommander la version, qui sonne un peu comme la Foire au chapon.)

Rameau – Platée – Beekman, Auvity, Mauillon ; Les Arts Florissants, Christie (HM 2021)
→ Belle version qui privilégié souvent le ton élégiaque sur la couleur – pas nécessairement mon Rameau, et pas très bien capté (on entend vraiment la sècheresse du théâtre, le changement d'emplacement des comédies), ce n'est pas une révélation par rapport à l'histoire récente de l'interprétation de l'œuvre.
→ En revanche la distribution époustoufle : Auvity, Beekman et Mauillon, stupéfiants de projection naturelle en salle, et monstres d'abattage !
→ Parution en somme bienvenue, considérant que la plupart des versions marquantes ont été vidéodiffusées (et pas toujours en DVD).

♥♥ Rameau – Acanthe & Céphise – Devieilhe, Wanroij, Dubois, Witczak ; Les Ambassadeurs & La Grande Écurie, Kossenko
→ Incroyable ouverture, d'une profusion assez folle, réellement un inédit et un inouï. L'intrigue est par ailleurs plus sympathique que la plupart des galanteries du genre, avec quelques moments un peu plus typés tragédie en musique, et le chœur final est magnifique. Le reste demeure dans les étiages habituel des joliesses ramistes. (Orchestre magnifique.)

Beck – L'Île déserte – (CPO 2021)
→ Diction difficile à suivre, style instrumental peu français (dans la conception et surtout l'exécution) ; musique de Beck comme souvent assez peu marquante : essai méritoire de redonner vie à cette figure de la vie musicale bordelaise (que je n'ai jamais beaucoup admiré jusqu'ici), mais pas un disque bouleversant.

♥♥♥ Mozart – Mitridate – Spyres, Fuchs, Dreisig, Bénos, Devieilhe, Dubois ; Les Musiciens du Louvre, Minkowski (Erato 2021)
→ Cet enregistrement ébouriffe complètement !   Distribution exceptionnelle – en particulier Bénos, mais les autres ne sont pas en reste ! – et surtout orchestre totalement haletant, le résultat ressemble plus aux Danaïdes qu'à un seria de jeunesse de Mozart !
→ Bissé.

Mayr – L'amor conjugale – Santon, Pérez, Agudelo, Rimondi, Gourdy, Fournaison – Opera Fuoco, David Stern (Aparté 2021)
→ La portée du projet m'a échappé : un opéra bouffe du rang, sans grandes saillances, interprété par d'excellents chanteurs un peu hors de leur zone de confort (Santon, très grande musicienne, mais pour du joli dans ce genre, la voix est vraiment trop large, grise et vibrée ; Gourdy et Fournaison, chanteurs que j'adore en salle, mais peu flattés par les micros), et présentés sur une pochette Mondrian (mais pourquoi donc ?).
→ Au demeurant, Opera Fuoco est toujours épatant, vivant, coloré… (Mais pourquoi jouer ceci plutôt qu'autre chose ?)
→ Il y a eu des représentations de lancement, auxquelles je n'ai pu me rendre, peut-être des reprises à venir, à essayer pour tester sur pièce, dans une véritable configuration dramatique ?

♥♥♥ Bellini – Il Pirata – Rebeka, Camarena, Vassallo ; Opéra de Catane, Carminati (Prima Classics)
→ Disque électrisant, capté avec les équilibres parfaits d'un studio (ça existe, une prise de studio pour Prima Classics ?), dirigé avec beaucoup de vivacité et de franchise (Carminati est manifestement marqué par les expérimentations des chefs « musicologiques »), et magnifiquement chanté par une distribution constituée des meilleurs titulaires actuels de rôles belcantistes, grandes voix singulières et bien faites, artistes rompus au style et particulièrement expressifs.
→ Dans ces conditions, on peut réévaluer l'œuvre, qui n'est pas seulement un réservoir à airs languides sur arpèges d'accords parfaits aux cordes, mais contient aussi de superbes ensembles et de véritables élans dramatiques dont la vigueur évoque le final du II de Norma (par exemple « Parti alfine, il tempo vola »).

Moniuszko – Le Manoir hanté – Poznan (Operavision 2021)
→ L'œuvre, pourtant emblématique, ne m'a jamais convaincu, ni dramatiquement (que c'est lourdaud, ce passage obligé par tous les invariants des opéras comiques d'Auber…), ni musicalement (vraiment plat à mon sens). Halka mérite plus de considération, malgré le livret pesantissime (très triste et difficile à endurer aujourd'hui), et surtout ses très belles cantates, chroniquées cette année dans le cadre des nouveautés.

Franck – Hulda – Philharmonique de Fribourg, Bollon (Naxos 2021)
→ Enfin une intégrale de l'œuvre !  Je l'attendais depuis longtemps, bien que la lecture (rapide) de la partition ne m'ait pas révélé de merveilles cachées (que c'est consonant pour du Franck !).
→ Intégrale hélas servie par des chanteuses aux voix opaques et trémulantes – et à l'accent impossible. Le ténor et le baryton sont tout à fait bons.
→ Toujours l'énergie, le relief et la transparence exemplaires de Fabrice Bollon avec Fribourg, qu'on avait tant admiré pour ses Magnard.
→ L'œuvre n'est pas du grand Franck : orchestre opaque, mélodies peu marquantes, bien moindre audace harmonique qu'à son ordinaire, comme s'il se coulait de façon malaisée à la fois dans la simplicité de l'opéra et le modèle monumental de l'opéra postwagnérien.
→ Son sens dramatique est par ailleurs remarquablement inhibé (alors que le livret est plutôt exubérant, à la façon de La Tour de Nesle de Dumas !) : lors de l'assassinat terrible qui marque le point culminant de l'œuvre, la musique ne signale rien, même pas un silence. Au disque, on ne s'aperçoit de l'événement que parce que les personnages le disent. La musique ne s'est pas agitée d'un pouce.
→ Bientôt donné dans de bien meilleures conditions par Bru Zane. Mais l'œuvre est longue et pas nécessairement convaincante : je suis curieux du résultat.

♥♥ Smareglia – Il Vassallo di Szigeth – Cerutti (Bongiovanni 2021)
→ Très proche de l'esprit de Verdi, et très bien écrit. (Avec un décalage temporel très conséquent : né en 1854 !). L'interprétation n'est pas parfaite, comme toujours chez Bongiovanni, mais on les remercie de documenter ces pans si mal servis de la musique vocale italienne (leur grand cycle Perosi !).

Guiraud, Saint-Saëns & Dukas – Frédégonde – Kim, Sohn, Romanovsky, Opéra de Dortmund (vidéo officielle 2021)
→ Ouvrage collectif achevé par Saint-Saëns à la mort de Guiraud, conformément aux dernières volontés de celui-ci, et en partie orchestré par le jeune Dukas, une histoire terrible de reine mérovingienne.
→ En lisant / jouant la partition il y a quelques années, j'avais été saisi par l'intérêt de la chose… mais l'orchestration en semble assez opaque, et chanté dans un français aussi incompréhensible et des voix aussi opaques, on passe vraiment à côté. J'attends impatiemment la venue à Tours dans une distribution francophone !

Puccini-Matuz – acte II de Turandot, pour 2 flûtes, violon, violoncelle, piano – Gergely Matuz & Friends (YT 2021)
→ Ce n'est pas un disque, mais une nouvelle parution tout de même, très attendue, le nouvel enregistrement d'un acte intégral d'opéra par Gergely Matuz (qui a déjà publié le I de Tristan, les II & III du Crépuscule !).
→ Moins de transcriptions des lignes vocales que pour Tristan ou le Crépuscule. Le piano aussi, produit un effet moins chambriste que la version 2 flûtes + quatuor + contrebasse. Pour finir la matière musicale, riche mais très tournée vers le pittoresque simili--oriental, est moins intéressant en tant que telle.
→ Donc une belle transcription jouée de façon enthousiaste, mais pas prioritaire par rapport à ses autres réalisations !

♥♥♥ Hersant – Les Éclairs – Lanièce, E. Benoit, Bouchard-Lesieur, Rougier, Heyboer ; Aedes, Philharmonique de Radio-France, Matiakh (Operavision 2021)
→ Une création mondiale et diable de chef-d'œuvre. J'en dis plus par là.

Monteverdi – Il Ritorno d'Ulisse in patria – Zanasi, Richardot ; Gardiner (SDG 2018)

♥♥ LULLY – Alceste, actes I & II – Malgoire (Auvidis, réédition Naïve)
→ La focalisation de la voix de Sophie Marin-Degor est miraculeuse !

♥♥♥ LULLY – Alceste, actes I & II – Rousset (Aparté)
→ Un des meilleurs disques de tragédie en musique, œuvre comme exécution.

♥♥♥ LULLY – Isis, acte IV – Rousset (Aparté)

Campra – Tancrède – Schneebeli (Alpha)
→ Déçu par l'interprétation à la réécoute, vraiment sage et même un peu terne. (Malgoire c'était bien mieux, malgré le vieillissement du style !)

Marais – Alcione (Prologue, acte I) Minkowski (Erato)
Les voix, c'est un peu le musée des horreurs… Ce Minko-là, contrairement par exemple à son Phaëton, a pas mal vieilli – tandis que l'Alcione de Savall est au contrairement un accomplissement stupéfiant.

Georg Caspar Schürmann – Die getreue Alceste
– Zumsande, Karnīte, Müller, Harari, Ludwig, Drosdziok, Grobe, Heinemeyer, Barockwerk Hamburg, Hochman (CPO)
→ Du seria écrit comme de la cantate sacrée à l'Allemande, avec quelques chœurs à la française. Agréable.

Grétry - Richard Coeur de Lion, acte I - Doneux
→ Il faut écouter le disque de Versailles pour bien se rendre compte de la qualité (épatante) de l'œuvre, ici c'est un peu malaisé.

Mozart – Il re pastore – Harnoncourt
→ Pas passionnant ça.

Mozart – Lucio Silla – Harnoncourt
→ Comme à chaque fois : belles intuitions mélodiques, mais que c'est ennuyeux tout de même, sur la longueur. Et Harnoncourt, aux phrasés courts, manque un peu de couleurs et de « reprise » dramatique. On attend toujours une version émérite comme le Mitridate de Minkowski (ou même de Rousset).
→ Même vocalement, je trouve que ces voix assez opaques, un peu geignardes, ne font qu'accentuer l'impatience de l'auditeur que je suis.
→ (Ce reste néanmoins probablement, vu l'état sinistré de la discographie, le meilleur disque qu'on puisse trouver pour cet opéra…)

♥♥ Mozart – Der Schauspieldirektor – Harnoncourt

♥♥ Mozart – Thamos – Harnoncourt

¤ Beethoven – Fidelio, « Mir ist so wunderbar », « Das Gold » – Klemperer
→ Réécouté pour donner tort à un ami qui en disait le plus grand bien. Effectivement, le soleil s'est couché avant qu'on atteigne le second accord. (Et ce n'est même pas de la lenteur intense ou détaillée…)

♥♥♥ Beethoven – Fidelio – Altmeyer, Jerusalem, Nimsgern, Adam ; GdHsLeipzig, Masur (Sony)
→ Quel orchestre rond et savoureux à la fois !  Quelle distribution de feu !  (Jerusalem plane sur le rôle, Adam rayonne comme toujours dans les rôles de basse, et les seconds rôles sont fabuleux.)

♥♥♥ Beethoven – Fidelio, « Mir ist so wunderbar » –  Marzelline (Lucia Popp), Leonore (Gundula Janowitz), Rocco (Manfred Jungwirth) & Jaquino (Adolf Dallapozza). Leonard Bernstein conducting the Chor und Orchester  der Wiener Staatsoper, 1978 (DVD DGG 1978)

Beethoven – Fidelio, final du I – Marie McLaughlin, Gabriela Benačková, Neill Archer, Josef Protschka, Monte Pederson, Robert Lloyd ; ROH, von Dohnányi (DVD Arthaus 1991)
→ Il existe deux Fidelio de Dohnányi dans le commerce ! Le CD avec Ziesak-Schnaut-Protschka-Welker-Rydl (qui fait vraiment envie), et le DVD de la même année, avec McLaughlin-Benačková-Protschka-Pederson-Lloyd.
→ Le CD est depuis longtemps difficile à trouver, hélas (du moins en flux) : je n'ai pas pu essayer – alors que Ziesak, comment rêver mieux ici ?
→ Le DVD est très bien, même si Dohnányi n'y est pas dans ses soirs les plus colorés / mordants. Lloyd est un peu impavide, mais Benačková tient très bien sa partie, et Pederson est absolument terrifiant – l'insolence vocale mais aussi la posture en scène, jeune, arrogant, cruel.

E.T.A. Hoffmann – Dirna  – German ChbAc Neuss, Goritzki (CPO)
→ Mélodrame orchestral à plusieurs personnages, bien fait, sans se distinguer particulièrement.

♥ E.T.A HOFFMANN Liebe und Eifersucht – Seller, Simson, Specht, Martin, Wincent, Ludwigsburg Castle Festival Orchestra, Hofstetter
→ Singspiel joué avec beaucoup de vie par Hofstetter. Bonne œuvre.

♥♥ DUPUY – Ungdom Og Galskab / Flute Concerto n°1 – Collegium Musicum de Copenhague, Schønwandt (Dacapo 1997)
→ Sorte de singspiel suédois du romantisme encore classicisant, dans une veine volontiers emportée et avec de très beaux ensembles, sorte d'équivalent nordique aux opéras avec dialogues de Méhul.
→ Trissé.

♥♥ Foroni – Elisabetta, regina di Svezia – Göteborg (Sterling)
→ Pour la notule.
→ Bissé.

OFFENBACH, J.: Grande-Duchesse de Gerolstein – Ligot (Valentini-Terrani, Censo, Allemanno, Orchestra Internazionale d'Italia, Villaume) – Trio de la conspiration (Dynamic)

HUMPERDINCK, E.: Hänsel und Gretel (Sung in Italian) (Jurinac, Schwarzkopf, Streich, Panerai, Palombini, Ronchini, Karajan)
→ Chouette version qui sonne bien en italien. Panerai y est tellement charismatique !  (Évidemment, Scharzkopf sonne toujours aussi bouchée et Jurinac très homogène et fondue.

Stockhausen – Michaels Reise – MusikFabrik, Rundel (Arte à Cologne)
→ (Je préfère l'acte I de ce Donnerstag de Licht, mais c'est quand même bien beau.)




lattès




B. Récital d'opéra

Des récitaux originals, mais aucun qui ne m'ait pleinement convaincu par son propos ou sa réalisation.

nouveautés
Monteverdi, landi, Belli, Telemann, Haendel – « Orpheus Uncut » – Vox Nidrosiensis, Orkester Nord, Wåhlberg (Aparté 2021)
→ Objet étrange, fait de bouts d'œuvres sans être un récital individuel. La qualité du son de l'ensemble se retrouve, l'inventivité de Wåhlberg également, mais j'avoue ne pas avoir bien compris le projet (je n'ai pas accès à la notice).
→ Je crois à la vérité que j'ai surtout été gêné par l'accent en italien (l'accent bokmål de Stensvold lui procure une couleur très singulière et touchante en allemand, mais en italien, la distance est vraiment trop grande).

Lulier, Bononcini, Caldara…
« Maria & Maddalena » – Francesca Aspromonte, I Barocchisti, Diego Fasolis (PentaTone 2021)
→ Répertoire un peu tardif pour la voix d'Aspromonte, qui peut être si expressive dans le XVIIe, mais paraît tout de suite poussée et blanchie, aux voyelles beaucoup moins différenciées, lorsqu'il faut donner dans un répertoire plus « vocal ». Dommage, elle ferait fureur dans un récital Cavalli-Rossi-Legrenzi à base de grands récits (quelle Euridice de Rossi ce fut !)…

Anna Netrebko
dans Wagner (Tannhäuser, Lohengrin, Tristan), Verdi (Don Carlo, Aida), Tchaïkovski (Pikovaya Dama), Puccini (Butterfly), Cilea (Lecouvreur), R. Strauss (Ariadne)… – « Amata dalle tenebre » – Scala, Chailly (DGG 2021)
→ Récital sans aucune cohérence thématique, juste des airs que Netrebko a peu chantés et qu'elle avait manifestement envie d'essayer. Ce n'est pas un problèpme en soi et le résultat est fort probant, mais l'interprétation n'est peut-être pas assez marquante pour donner envie de réécouter.
→  La voix reste toujours aussi grande (et peu articulée), intéressant surtimbrage grave en russe, plus étrange viscosité en allemand…
→ Se distingue tout de même l'Isolde d'un moelleux, d'une ductilité, d'une facilité assez extraordinaires. (Comme on a l'habitude de ne pas y avoir des mots très détaillés, on ressent surtout les avantages ici !)

♥♥ Arne Tyrén (basse) : Dupuy (opéra suédois), Bartolo Nozze en suédois, Rocco Fidelio, Magnifico Cenerentola en suédois, Fille du Régiment duo patriotique en suédois (Bluebell)
→ Voix magnifique et versions traduites éloquentes.




lattès




C. Ballet & musiques de scène


nouveautés
AUBER, D.-F.: Overtures, Vol. 1 - Le maçon / Leicester / Le séjour militaire / La neige (Czech Chamber Philharmonic Orchestra, Pardubice, D. Salvi)
AUBER, D.-F.: Overtures, Vol. 2 - Le concert à la cour / Fiorella / Julie / Violin Concerto (Čepická, Czech Chamber Philharmonic, Pardubice, Salvi)
AUBER, D.-F.: Overtures, Vol. 3 - La Barcarolle / Les Chaperons Blancs / Lestocq / La Muette de Portici / Rêve d'Amour (Moravian Philharmonic, Salvi)
♥♥ AUBER, D.-F.: Overtures, Vol. 4 - Le duc d'Olonne / Fra Diavolo / Le Philtre / Actéon / Divertissement de Versailles (Moravian Philharmonic, Salvi)
♥♥ AUBER, D.-F.: Overtures, Vol. 5 - Zanetta / Zerline (Janáček Philharmonic, Salvi)
→ Je ne suis d'ordinaire pas très enthousiaste devant les regroupements d'ouvertures : isolées de leur contexte dramatique, assez semblables quand on constitue des disques autour d'un même compositeur, et surtout en général pas le meilleur de l'œuvre intégrale. Pour Auber, il en va un peu autrement : ses ouvertures sont très bonnes, et si la forme en est assez régulière, la typicité mélodique peut véritablement varier assez fortement de l'une à l'autre.
→ Elles sont ici interprétées avec une bonne rigueur stylistique, sans empâtement, et cela permet aussi de découvrir quelques pépites, comme ce Divertissement de Versailles où l'on entend la Passacaille d'Armide de LULLY, l'orage liminaire d'Iphigénie en Tauride ou encore « La Victoire est à nous » de La Caravane du Caire de Grétry !  De beaux ballets (tirés d'opéras) dans le volume 5 : de belles pièces (légères, certes), et de belles découvertes !

♥♥ Lord Berners – A Wedding Bouquet, Luna Park – RTÉ, Kenneth Alwyn (Marco Polo 1996 réédité Naxos 2021)
→ Réjouissante fantaisie vocale, où s'expriment les consonances loufoques de Berners. Réédition très bienvenue.

♥  Benda – Medea – Bosch

♥♥ Benda – Medea – Prague ChbO, Christian Benda (Naxos)
→ Cf. notule.




D. Cantates profanes




lattès




E. Sacré


nouveautés
Tůma – Requiem & Mirerere – Czesh Ensemble Baroque O (Supraphon 2021)
→ Pas du tout dans le goût du Brixi (adoré dans la précédente livraison) : on est bien plus tard, au milieu du XVIIIe siècle, dans un univers qui évoque bien pus Pergolèse. Et l'interprétation n'a pas non plus l'acuité des meilleurs ensembles tchèques.
→ Bon disque, mais clairement pas mon univers, trop proche du seria.

♥♥♥ Jean-Noël HAMAL – « Motets » – Scherzi Musicali, Achten (Musiques en Wallonie 2021)
→ Pour moi clairement plutôt du genre cantate.
→ Musique wallonne du milieu du XVIIIe siècle (1709-1778), très marquée par les univers italien et allemand, pas tout à fait oratorio façon seria ,pas tout à fait cantate luthérienne, avec de jolies tournures.
→ Côté dramatique post-gluckiste quelquefois, très réussi dans l'ensemble sous ses diverses influences.
→ Le sommet du disque : l'air héroïque de ténor « Miles fortis » qui clôt la cantate Astra Cœli, d'une agilité et d'une vaillance parfaitement mozartiennes (augmentées d'une grâce mélodique et harmonique très grétryste), et qui pénètre dans l'oreille comme un véritable tube, ponctué par ses éclats de cor et ses violons autour de notes-pivots…
→ Splendide interprétation des Scherzi Musicali, qui ravive de la plus belle façon ces pages oubliées. Mañalich remarquable dans les parties très exposées de ténor, à la fois doux, vaillant et solide.
→ Écouté 7 fois en quatre jours (pas très séduit en première écoute, puis de plus en plus enthousiaste). Et largement une douzaine de fois dans ces deux semaines depuis parution. Comme quoi, il faut vraiment donner leur chance aux compositeurs moins connus, et ne pas se contenter d'une écoute distraite pour décréter leur inutilité.

Henri HARDOUIN : Four-Part A Cappella Masses, Vol. 2 (St. Martin's Chamber Choir, Krueger) (Toccata Classics 2021)
→ Nettement moins bien chanté que le premier volet, je ne sais pourquoi (ça sonne presque amateur cette fois-ci, alors que c'était très bien dans le volume 1 de 2013, que j'ai écouté conjointement).
→ Messes a cappella rares de la seconde moitié du XVIIIe siècles, très dépouillées et marquant déjà le désir du retour au plain-chant qui explose dans les années 1820-1830.
→ Belle musique dépouillée, vraiment conçues pour la prière.

Verdi – RequiemNorman, Baltsa, Carreras, Nesterenko ; BayRSO, Muti (BR Klassik)
→ Voix évidemment impressionnantes (le grain de Baltsa, le fondu de Norman…), mais interprétation orchestrale un peu blanche (le son de la Radio Bavaroise…) accentuée par la mollesse d'articulation de Muti, typique de sa période d'avant les années 90 bien avancées…
→ Il demeure cependant une raison puissante d'écouter cet enregistrement le Libera me de Norman, dans sa meilleure voix enveloppante, d'une intensité saisissante, d'une urgence à peine soutenable.
→ Bissé le Libera me.

Stanford – « Stanford & Howells Remebered », Magnificat à double chœur en si bémol, Op. 164 – The Cambridge Singers, John Rutter (Collegium 2020)
→ Voix un peu grêles d'enfants et jeunes gens, pour une œuvre dont les volutes enthousiastes, en contraste avec des sections recueillies, évoquent furieusement Singet dem Herrn ein neues Lied, le motet le plus allant et pyrotechnique de Bach.
→ Curieux d'entendre cela dans de meilleures conditions sonores !

♥♥♥ MOUTON, J.: Missa Dictes moy toutes voz pensées (Tallis Scholars, Phillips)
→ Fabuleux disque, très organique, des Tallis Scholars (Gimell 2012), très loin de leurs approches autrefois plus désincarnées – basses rugissantes, contre-ténors caressants, entrées nettes, texte bien mis en valeur.
→ Cf. notule.

♥♥ Claude Goudimel – Psaumes, Messe – Ensemble vocal de Lausanne, Corboz (Erato)
→ Grand compositeur de Psaumes dans leur traduction française, à l'intention des Réformés. Dans une langue musicale simple, plutôt homorythmique, très dépouillée et poétique.
→ Au disque, une version un peu fruste chez Naxos. La lecture de Corboz en revanche, pour chœur de chambre assez fourni, a très bien résisté au temps et permet de saisir les beautés de verbe et d'harmonie de la chose. (Couplé avec sa messe, très intéressante également.)
→ Cf. notule.

Monteverdi – Il Ritorno d'Ulisse in patria – Zanasi, Richardot ; Gardiner (SDG 2018)

BENEVOLI, O.: In angusita pestilentiae (Cappella Musicale di Santa Maria in Campitelli di Roma, Betta)
→ Disque consacré à la Messe « In angusita pestilentiæ » (messe des tourments de la peste !), intéressant dans son propos, mais un peu laborieusement exécutée (voix pas toujours belles, captation pas très claire, rythmes très rectilignes comme si l'on jouait de la musique du XVe…).

Johann Ernst BACH II : Passionsoratorium – Schlik, Prégardien, Varcoe ; Das Kleine Concert, Hermann Max (Capriccio)

♥♥♥ Jean GILLES – Requiem – Mellon, Crook, Lamy, Kooij, La Chapelle Royale Choir, Herreweghe (HM)

♥♥ Campa – Requiem – Malgoire

Georg Caspar Schürmann – Cantates – Bremen Weser-Renaissance, Cordes (CPO)
→ Dans le goût de Bach, assez réussi.

Bach – Cantate BWV 68, dont le « choral » air Ach, bleib bei uns, Herr Jesu Christ – Schlick, Limoges, Coin
→ Dans l'esprit de l'Erfühllet de la BWV, cette fois avec violoncelle piccolo. Très belle volutes.
→ Le reste de la cantate me passionne moins

♥♥ (Domenico) Scarlatti – Stabat Mater – Immortal Bach Ensemble; Baunkilde, Lars; Ducker, Michael; Meyer, Leif; Schuldt-Jensen, Morten (Naxos 2007)
→ Écrite à 10 voix réelles, une merveille aussi éloignée que possible de l'épure de ses œuvres pour clavier. Une des rares survivances de son legs sacré (largement détruit lors du tremblement de terre de Lisbonne).
→ À un par partie !

Haendel – Theodora HWV 68 – Gabrieli Consort, Gabrieli Players, Paul McCreesh (Archiv)
→ Très bien côté exécution, mais l'oeuvre toujours aussi molle et peu prenante.

HARDOUIN, H.: Four-Part A Cappella Masses, Vol. 1 (St. Martin's Chamber Choir, Krueger) (Toccata Classics 2021)
→ Nettement mieux chanté que le second volet paru tout récemment, je ne sais pourquoi.
→ Messes a cappella rares de la seconde moitié du XVIIIe siècles, très dépouillées et marquant déjà le désir du retour au plain-chant qui explose dans les années 1820-1830.
→ Belle musique dépouillée, vraiment conçues pour la prière.

♥♥ Hugard, Messe ; Lasceux, pièces pour orgue ; Hardouin, Domine salvum – Desenclos Accentus, Equilbey (Naïve 1998)
→ Univers du dépouillement archaïque

CARTELLIERI, A.C.: La Celebre Natività del Redentore (Spering) (Capriccio)

♥♥ Cartellieri – Gioas, re di Giuda – Detmolder ChbO, Gernot Schmalfuss (MDG 1997)
→ Cf. notule.

Perne – Messe des solennels mineurs (Kyrie), extrait de « Polyphonies Oubliées : Faux-bourdons XVIe-XIXe » – Ensemble Gilles Binchois, Maîtrise de Toulouse, Vellard (Aparté 2014)

♥♥ Perne – trois pistes réparties sur deux disques, le Kyrie de la Messe des solennels mineurs chez Aparté (programme passionnant de l'ensemble Gilles Binchois consacré à ce renouveau XIXe du plain-chant, à faux-bourdon), et Sanctus & Agnus Dei (messe non précisée) en complément du disque Boëly de Ménissier dans la collection « Tempéraments » de Radio-France. On y entend pour l'un la simplicité archaïsante, pour l'autre la maîtrise contrapuntique de cette écriture. Rien de particulièrement saillant en soi, mais la démarche me paraît tout à fait fascinante, un écho à l'épopée de Félix Danjou – le disque de Ménissier est d'ailleurs le seul à ma connaissance où l'on puisse aussi entendre sa musique !

♥♥ Liszt – Requiem  – Ferencsik (Hungaroton)
→ Cf. notule.

Liszt - Requiem R488 – Gruppo Polifonico "Claudio Monteverdi"
→ Voix qui flageolent…

♥♥ Stanford – Requiem & extraits de The Veiled Prophet of Khorassan – RTÉ, Leaper & Colman Pearce (Marco Polo 1997)
→ Terne jusqu'à l'Offertoire, qui éclate en fugues très parentes du Deutsches Requiem de Brahms. Sanctus diaphane qui prend son expansion de façon très réussi !

♥♥♥ Howells, Pizzetti, Puccini – les Requiem – Camerata Vocale Freiburg, Toll (Ars Musici 2010)
→ A cappella, aux inspirations grégoriennes, à la prévalence prosodique et aux nombreux enrichissements harmoniques imprévus, le Requiem de Pizzetti est un petit bijou (absolument pas italianisant) ; encore surpassé dans ce genre par celui de Howells, d'une sobre profusion absolument délectable.
→ Celui de Puccini ne contient que les cinq minutes d'Introitus, moins marquant.
→ Timbres et incarnation splendides.

Howells – Requiem – Vasari Singers, Jeremy Backhouse (Signum)
→ Interprétation assez lisse.

EBEN, P.: Choral Music (In Heaven) (Jitro Czech Girls Choir, Skopal) (Navona Records 2019)
→ Jolies psalmodies.




lattès




F. Autres chœurs

nouveautés
♥♥ Franck – Chœurs « De l'autel au salon » – Chœur de Chambre de Namur, Lenaerts (Musiques en Wallonie 2021)
→ De réelles pépites dans cette anthologie, avec des chœurs qui vont du décoratif charmant à l'ambitieux chromatique. Le tout accompagné sur piano et harmonium – d'époque !
→ Hélas, ce chœur émérite est capté étrangement, donnant presque l'impression d'entendre les timbres un peu dépareillés et écrasés d'un ensemble amateur – alors que je sais de source sûre, les ayant entendus très souvent, que c'est un des excellents chœurs de l'aire francophone. Ce n'est toutefois pas au point de gâcher l'écoute et la découverte, loin s'en faut !

Pizzetti – 3 composizioni corali + 2 composizioni corali – Chœur de la Radio Nationale Danoise, Stefan Parkman (Chandos 1991)
→ Chœur un peu baveux, prise de son aussi. Œuvres atypiques intéressantes, mais pas du tout la même intensité que le Requiem (a cappella, aux inspirations grégoriennes, à la prévalence prosodique et aux nombreux enrichissements harmoniques imprévus).





lattès




G. Symphonies


nouveautés
♥♥ Pavel Vranický / Paul Wranitzky –  Orchestral Works, Vol. 3 : Ouvertures, Symphonies Op.25 en ré « La Chasse » et Op.33 en ut  – Cz Chb PO Pardubice, Marek Stilec (Naxos 2021)
→ Volume beaucoup plus accompli que les précédents, des œuvres plus marquantes (l'énergie de la Symphonie en ré !) et une interprétation beaucoup plus concernée et frémissante que les assez placides parutions précédentes. Rend bien mieux compte de la qualité d'écriture de P. Vranický, même si le plus singulier de son œuvre reste à remettre au théâtre avec son Oberon.

♥♥♥ Mendelssohn – Symphonies 1 & 3 – SwChbO, Dausgaard (BIS)
→ Pas nécessairement de surprise, après être passé récemment entre les mains de beaucoup de propositions extrêmes (comme Heras-Casado ou Fey), mais on retrouve le fouetté et le moelleux simultanés qui faisaient tout le sel de l'intégrale (assez idéale) de Dausgaard chez Beethoven, avec le même orchestre. Grand sens du discours, des couleurs, véritable mordant, mais aussi plénitude permise par l'orchestre traditionnel (qui joue comme un ensemble spécialiste). Le meilleur de tous les mondes à la fois.

Bruckner – Symphonie n°2 – Philharmonique de Berlin, Paavo Järvi (Berliner Philharmoniker 2021)
→ Comme on pouvait s'y attendre : très fluide, superbes transitions remarquablement amenées dans un univers où ce peut paraître assez contre-intuitif, mais un certain manque de contrastes à mon goût pour soutenir pleinement l'attention (et rendre justice à l'écriture de Bruckner).

♥♥ Tchaïkovski – Symphonie n°1, Capriccio italien, Valse d'Onéguine – Tonhalle Zürich, Paavo Järvi (Alpha 2021)
→ Très pudique, retenu et dépouillé, beaucoup de charme (et absolument pas russe), paradoxalement. (Le solo de hautbois du II, au lieu de décoller par son lyrisme, semble rester à sa place comme on murmurerait un poème.
→ L'agogique est vraiment carrée pour de la musique russe (alors que Järvi est d'ordinaire l'empereur des transitions extensibles), les timbres restent très tenus aussi, mais la conception tient très bien ce parti pris inattendu.
→ Le final renoue avec les qualités motoriques entendues dans la n°2 et dans Roméo. Idem pour celui du Capriccio italien.
→ La Valse d'Onéguine est jouée avec une insolence inusitée, comme un véritable morceau de concert. (Ce sens dramatique fait rêver à ce que pourrait produire Järvi en dirigeant un opéra de Tchaïkovski ou Rimski…)
→ Bissé.

Tchaïkovski – Symphonie n°3, Polonaise d'Onéguine, Marche du Couronnement  – Tonhalle Zürich, Paavo Järvi (Alpha 2021)
→ Là aussi, un peu carré mais bel éclat (avec un orchestre droit et peu coloré), très réussi dans son genre même si moins grisant que les meilleurs volumes.
→ Bissé.

♥♥♥ Saint-Saëns – Intégrale des Symphonies – O National de France, Macelaru (Warner 2021)
→ Après avoir trouvé que Măcelaru rendait ces œuvres complètement fascinantes, je me demandais si le coffret paru ce jour tiendrait la rampe en face des souvenirs de concert.
→ OUI. Totalement. Limpidité, poésie, tension, on a vraiment le meilleur de tous les mondes à la fois, beaux timbres et clarté, charpente et élan…
→ Voilà qui remet ces symphonies à leur niveau réel, pas toujours avisément orchestrées pour mettre en valeur un matériau qui est en réalité de haute volée – et Măcelaru rééquilibre précisément les aspects par lesquels les autres, même les meilleurs comme Martinon, restaient modérément enthousiasmants.

♥♥ Walton, Vaughan Williams – Symphonie n°1 pour piano à quatre mains (arr. H. Murrill)  +  Crown Imperial (arr. H. Murrill)  // Suite pour piano à 4 mains – Lynn Arnold (2021)
→ Fabuleuse expérience de vivre la radiographie des rythmes et harmonies riches et complexes de l'une des plus belles symphonies du XXe siècle !

Florence PRICE : Symphony No. 3 / The Mississippi River / Ethiopia's Shadow in America (ORF Vienna Radio Symphony, Jeter)
Beaucoup de thèmes folkloriques, mais j'ai davantage été frappé par l'aspect rhapsodique de la pensée que par la structure, cette fois. Moins luxueux et moins architecturé, j'ai l'impression, que la version Nézet-Séguin.

Walter Werzowa-Beethoven – Beethoven X : The AI Project – Cameron Carpenter, Bonn Beethoven O, Kaftan (Modern Recordings 2021)
→ Construction par une intelligence artificielle d'un scherzo et d'un rondeau final pour une symphonie imaginaire de Beethoven.
→ Amusant sur le principe, peu convaincant dans les faits : on retrouve des caractéristiques (le pom-pom-pom-pom de la Cinquième, comme il y en a beaucoup, rejaillit nécessairement dans l'algorithme), l'orchestration est plutôt bien imitée… mais il manque toutes les idées, les ruptures, le sens de la mélodie ou de l'événement, qui émanent ordinairement du compositeur. Ici, une jolie pièce décorative et finalement prévisible… qui ne cadre pas vraiment avec ce que l'on attend de Beethoven.
→ Je n'ai pas compris l'inclusion d'un orgue concertant dans le rondeau final, ni le pourquoi de la seconde (« edited ») version, le livret n'étant pas disponible sur les sites de flux que j'ai consultés. Mais on s'éloigne d'autant plus de Beethoven, clairement.
→ Bissé.




lattès




H. Poèmes symphoniques & Ouvertures


nouveautés
MacMillan – Larghetto pour orchestre – Pittsburgh SO, Honeck (Reference Recordings 2021)
→ Très doux, jolies tensions harmoniques simples. Manque un peu de reprise rythmique.
→ Couplé avec une Quatrième de Brahms que je n'ai pas eu le temps d'écouter. (Mais Pittsburgh-Honeck, ce doit être vraiment excellent.)




lattès




I. Lied orchestral


nouveautés
Messiaen – La Transfiguration, Poèmes pour mi, Chronochromie – Daviet, BayRSO, Nagano (BR Klassik)
→ Pas très enthousiaste sur la grisaille (proverbiale à mon sens) de l'orchestre. Et la Transfiguration, c'est assez peu passionnant. Pas les meilleurs Poèmes ni Chronochromie non plus, même si très léché dans la direction.





lattès




I. Concertos


nouveautés
Aubert, Leclair, Quentin, Exaudet, Corrette - Concertos pour violon - Ensemble Diderot, Pramsohler (Audax 2021)
→ Le son de l'Ensemble Diderot reste toujours aussi étroit et pincé, vraiment du violon soliste sur boyau accompagné par un tout petit ensemble aux timbres un peu stridents, mais c'est là un beau tour d'horizon du concerto français – où j'ai hélas avant tout remarqué Leclair (et le coucou Corrette, qui fait comme toujours son nid dans les mélodies des autres…).

Hoffmeister, Stamitz & Mozart - Concertos pour alto - Mate Szucs, Anima Musicæ ChbO
→ Inclut une transcription du concerto pour clarinette. Interprétation tradi pas très exaltante. Le concerto de Hoffmeister se tient, celui de Stamitz ne m'a pas paru très dense.

PRATTÉ – Œuvres pour harpe concertante : Grand Concert / Theme and Variations on a Swedish Folk Tune / Souvenir de Norvège – Constantin-Reznik, Norrköping Symphony, D. Musca (BIS 2021)
→ Très intéressant legs (avec de la véritable musique incluse) à la harpe.
→ Trissé.





lattès




J. Musique de chambre

nouveautés
♥♥ Caix d'Hervelois – « Dans les pas de Marin Marais » – La Rêveuse
→ Superbe parcours qui révèle un compositeur de premier intérêt, varié et expressif – la viole de gambe sans l'aspect méditatif et sombre qui caractérise Marais et surtout Sainte-Colombe. Une expression plus ouverte et avenante, que j'ai été surpris de voir développée avec un matériau d'aussi bonne qualité !

GYROWETZ, A.: String Quartets, Op. 42
, Nos. 1-3 (Quartetto Oceano) (OMF 2021)
→ Ceux, composés à peine plus tôt, parus chez CPO m'avaient bien davantage convaincu, dans une veine à-peine-postérieur-à-Mozart.

Pleyel – Quatuors 10,11,12 – Pleyel Quartett Köln (CPO 2021)
→ Quatuors d'un classicisme tardif, toujours de très bonne facture et très bien servis !  L'intégrale se poursuit au même niveau d'excellence.

Draeseke – Quatuor n°3
, Scène pour violon & piano, Suite pour 2 violons - Constanze SQ (CPO 2021)
→ Belles œuvres, sans saillances majeures, mais bien écrites. Petite déception par rapport au volume précédent, qui m'avait hautement réjoui.
→ Bissé.

Henri Bertini – Nonette, Grand Trio – Linos Ensemble (CPO 2021)
→ Belle musique romantique pour ensemble, toujours impeccablement réalisée par le Linos Ensemble.

♥♥♥ LYATOSHINSKY, SILVESTROV, POLEVA – « Ukrainian Piano Quintets » – Pivnenko, Yaropud, Suprun, Pogoretskyi, Starodub (Naxos 2021)
→ Trois petites merveilles – en particulier Poleva, à la fois d'une fièvre postromantique et tout à fait tendu harmoniquement comme il se doit se son temps. Liatochinsky se révèle contre toute attente le plus sage des trois.

KLEBANOV, D.L.: String Quartets Nos. 4 and 5 / Piano Trio No. 2 (ARC Ensemble)
→ Début du Quatuor n°4 fondé sur le le Carol of the Bells, dans un traitement très minimaliste et tintinnabulant (forcément), qui débouche sur un esprit beaucoup plus swingué, très intéressant, persuasif et séduisant. Le reste m'a moins impressionné.
→ Bissé.




K. Bois solos




lattès




L. Cordes à main


nouveautés
♥♥ Salzedo, Tchaïkovski, Hasselmans – « La Harpe de Noël » – Xavier de Maistre
→ En réalité de belles paraphrases et variations, virtuoses et assez denses musicalement, autour de thèmes célèbres. Pas un disque de bluettes sirupeuses, de véritables qualités musicales indubitablement. Beaucoup de compositions et d'arrangements de Salzedo.




lattès




M. Violon

(solo ou accompagné)

nouveautés
PADEREWSKI, I.J. / STOJOWSKI, S.: Violin Sonatas (Pławner, Sałajczyk) (CPO 2021)
→ Beau romantisme passionné et très, très bien joué et capté.
→ Bissé.

Maija EINFELDE – Sonate pour violon solo , Sonates violon-piano 1,2,3 – Magdalēna Geka, Iveta Cālīte (Skani 2021)
→ Monographie consacrée à la compositrice lettonne du XXe siècle. J'y entends d'abord de la musique « de violoniste », virtuose et pas exagérément personnelle, trouvé-je. Mais le final de la Sonate pour violon solo impressionne par sa calme virtuosité et par le creusé de son ton.
Geka formidable évidemment, mais ce n'est pas le répertoire qui met le plus en valeur sa sensibilité.




N. Violoncelle




lattès
(Pas nécessairement intuitif de prime abord : le disque Lasceux-Jullien chez le fameux label P4Y-JQZ.
On a bien le droit de mettre les pochettes qu'on veut et de nommer son label chacun à son goût…)





O. Orgue & clavecin


nouveautés
Orgues de Sicile (collection « Orgues du monde », vol. 1) – Arnaud De Pasquale (HM 2021)
→ Orgues dont le tempérament est très typé, mais dont il faut vraiment voir le clavier unique, étroit et branlant, pour apprécier toute la saveur. Aussi, par rapport au disque, qui ne met pas beaucoup en avant cet aspect (je ne sais quelle en est la raison technique), la vidéo promotionnelle qui montre le cliquetis de la traction mécanique du Speradeo de 1666 de l'église San Pantaleone à Alcara Li Fusi est assez incroyable.

♥♥♥ Guillaume Lasceux – Simphonie concertante pour orgue solo –  St. Lambertuskerk Helmond, Jan van de Laar (P4Y JQZ 2020)
+ Jullien : suite n°5 du livre I, Couperin fantaisie en ré, Böhm Vater unser, Jongen Improvisation-Caprice, Franck pièce héroïque
→ Le disque contenant le plus de Gilles Jullien, et une version extraordinairement saillante de la Pièce Héroïque de Franck.
→ Quel orgue fantastiquement savoureux !

♥♥ Bruckner – Psaume + Symphonie n°2 (Arr. E. Horn for Organ) – Hansjörg Albrecht (Oehms 2021)
→ Le Psaume se prête très bien à la transcription, magnifique, et la Deuxième symphonie est le premier Bruckner joué par H. Albrecht où je ne trouve pas les possibilités d'un clavier sans attaques dynamiques différenciées, sans plans finement réglables, frustrantes. Magnifiques couleurs et atmosphères, cela fonctionne à merveille dans cette symphonie, celle au ton le plus insolent et l'une des structure les plus simples du corpus, j'ai l'impression (je l'aime beaucoup).

Saint-Saëns – Complete Music for Organ – Michele Savino (Brilliant Classics 2021)
→ À écouter d'un bloc, un peu difficile vu la pudeur du corpus. (On connaît mieux les grandes Fantaisies, plus ambitieuses…)

♥♥ Oscar Jockel, Bruckner – Bruckner-Fenster II, Symphonie n°1 (Arr. pour orgue, Erwin Horn), 3 Pièces pour orchestre, Marche en ré mineur – Hansjörg Albrecht (Oehms 2021)
→ Moins intéressant que la symphonie n°2, le résultat paraît plus statique, mais le planant et dense Bruckner-Fenster m'a tout à fait réjoui !

♥♥ Petr Eben – Anthologie d'orgue : 4 Danses bibliques, Variations sur Le bon roi Venceslas, des extraits de Musique dominicale, Faust et Job – Janette Fishell (Pro Organo 2020)
→ Œuvres formidables, mais pour Job, allez impérativement voir du côté de David Titterington avec Howard Lee en récitant (chez Multisonic).

♥♥ Petr EBEN – Momenti d'organo, Festium omnium sacrorum, De nomine Ceciliæ, In conceptione immacaculatæ BMV, Arie Ruth, 4 Danses bibliques –Michiko Takanashi, Ludger Lohmann (Pan Classics 2021)
→ Les pièces vocales sacrées sont un peu figées dans leur prosodie minutieuse, en revanche les Momenti d'organo sont des merveilles de tonalité stable mais très enrichie, qui n'est pas sans parentés avec l'univers de Messiaen (en moins radicalement autre, bien sûr).

♥♥ Hugard, Messe ; Lasceux, pièces pour orgue ; Hardouin, Domine salvum – Desenclos Accentus, Equilbey (Naïve 1998)
→ Univers du dépouillement archaïque.




lattès




P. Piano·s


nouveautés
Fanny Mendelssohn-Hensel – Piano Sonatas – Gaia Sokoli (Piano Classics 2021)
→ Jolies sonates équilibrées, qui ne cherchent pas les grands contrastes dramatiques, et très bien exécutées.

Dora Pejačević
6 Phantasiestücke, Blumenleben, Walzer-Capricen, 2 Esquisses pour piano, 2 Nocturnes, Sonate – Ekaterina Litvintseva (Piano Classics 2021)
→ Piano postromantique assez standard, pas du tout du niveau de son incroyable musique de chambre, même si la Sonate finit par culminer en un beau lyrisme.
→ Interprétation et captation tout à fait valeureuses.

♥♥ Walton, Vaughan Williams – Symphonie n°1 pour piano à quatre mains (arr. H. Murrill)  +  Crown Imperial (arr. H. Murrill)  // Suite pour piano à 4 mains – Lynn Arnold, Charles Matthews (Albion Records 2021)
→ Fabuleuse expérience de vivre la radiographie des rythmes et harmonies riches et complexes de l'une des plus belles symphonies du XXe siècle !

Mariotte Sonate en fa#m, (Didier) Rotella Étude en blanc n°2, Ravel Prélude 1913, Jacquet de La Guerre Suite en ré mineur – Andrew Zhou (Solstice 2021)
→ Première occasion d'entendre le Mariotte, crois-je, au disque !  Pas du tout aussi singulier que les Impressions urbaines ou même les Kakémonos, loin aussi du richardstraussisme de sa Salomé…mais tout de même un beau postromantisme enrichi.
→ La pièce de Rotella en hommage à Ravel est très réussie. En revanche, l'exécution de la suite pour clavecin d'ÉCJdLG souffre vraiment de toutes les difficultés liées au piano (agréments très lourds, staccato peu gracieux, tempérament égal particulièrement plat), sans que l'interprète parvienne à résoudre tous ces problèmes.
→ Prise de son difficile, dans un petit espace et acide, surtout pour le Jacquet de La Guerre et le final du Mariotte.





lattès




Q. Airs de cour, lieder & mélodies…


nouveautés
♥♥ Bousset, Leclair, Fedeli, Naudé l'Aîné, Pinel, Lambert, anonymes… – « Vous avez dit Brunettes ? » – Les Kapsber'girls (Alpha 2021)
→ Programme fascinant consacré à ces pièces tendres et pastorales appelées Brunettes, et dont plusieurs recueils ont paru au début du XVIIIe sièce chez Christophe Ballard.
→ Refusant la prononciation restituée et favorisant au maximum le naturel des textes, l'ensemble propose une lecture extrêmement persuasive de ces pièces. La voix de la soprane (Alice Duport-Percier), douce, se marie merveilleusement à l'émission beaucoup plus tranchante de la mezzo (Axelle Verner), alliance inhabituelle (d'ordinaire inversée) qui permet une intelligibilité maximale de la musique et du texte – de surcroît, les solos révèlent des voix intrinsèquement sublimes.
→ Seule frustration, la prise de son très sèche d'Alpha, trop proche des chanteuses, qui relègue et écrase l'accompagnement, toutc en atténuant le fondu de leurs voix qui fait merveille en concert (j'étais à celui de lancement Salle Colonne, l'équilibre était bien meilleur même sans être au premier rang).

Beethoven – Irish Songs – Maria Keohane, Ricercar Consort, Philippe Pierlot (Mirare 2021)
→ Accompagnées à la harpe plutôt qu’au piano, avec violon sur boyaux, interprétation atypique de ces beaux chants traditionnels arrangés par Beethoven.

♥♥ Schubert – Die schöne Müllerin – Andrè Schuen, Daniel Heide (DGG 2021)
→ Très belle version. Des efforts pour être expressifs à tous les moments-clefs ; qualité d'articulation de la part des deux artistes. J'aime beaucoup la façon dont ils caractérisent précisément chaque moment de chaque lied.
→ Mais tout de même deux réserves pour ma part.
a) la transposition pour baryton rend la partie de piano un peu épaisse et poisseuse, on perd un peu en charme, malgré le grand soin des nuances ;
b) la substance de la voix du baryton. Dès que c'est fort, la l'instrument est poussé, et la couverture est exagérée (de francs [eu] pour des [è]...). En revanche toutes les nuances douces sont absolument merveilleuses, pour ainsi dire inégalée.
→ Ce n'est pas la lecture que je trouve la plus personnelle ou qui me touche le plus, il y a potentiellement de petites réserves techniques sur la voix, mais sur le plan artistique, l'interêt de l'interprétation, une grande version !

♥♥ Thorsteinson, Schumann – Lieder (en islandais + Op.39) – Andri Björn Róbertsson, Ástríður Alda Sigurðardóttir (Fuga Libera 2021)
→ Remarquable interprétation de Schumann, une voix aux belles moirures graves. Les lieder islandais souffrent de la comparaison avec Schumann (plus jolis que dramatiques, un peu lisses), possiblement aussi de ma maîtrise linguistique bien moindre.

Edouard Lassen – Lieder, mélodies – Reinoud van Mechelen, Anthony Romaniuk (Musiques en Wallonie 2021)
→ Un grand succès de son temps. Très doux, très simple, très réussi. Et le fondu de la voix de Mechelen se déploie idéalement dans ce contexte romantique.

♥♥♥ Biarent, Salvador-Daniel, Fourdrain, Berlioz, Gounod, Bizet, Saint-Saëns, Chausson – mélodies orientales « La chanson du vent » – Clotilde van Dieren, Katsura Mizumoto (Cyprès 2021)
→ Plusieurs véritables raretés dont les 8 Mélodies de Biarent, Alger le soir de Félix Fourdrain ou l'entêtante Chanson mauresque de Tunis de Francisco Salvador-Daniel !  Belle sélection de pièces très persuasives.
→ Interprétation par un mezzo capiteux mais à la diction précise, la voix sonne très « opéra » mais se coule remarquablement dans les exigences de l'exercice.

♥♥ Debussy, Rihm, Strauss, Schönberg – Ariettes oubliées (+ mélodies de jeunesse), 3 Hölderlin, Mädchenblumen, Op.2 – Sheva Tehoval, Daniel Heide (Cavi 2021)
→ Superbe voix, légèrement pincée, à l'aigu facile, aux graces clairs et naturels, le tout dans un français impeccable.

♥♥ Schumann, Barber – Schöne Wiege meiner Leiden, I Hear an Army – John Chest, Hans Adolfsen (VocalCompetition YT, 2016)

♥♥ FARWELL, A.: Songs, Choral and Piano Works (« America's Neglected Composer) (W. Sharp, Arciuli, Dakota String Quartet)
→ Compositeur nord-américain qui a mis à l'honneur la musique traditionnelle amérindienne en en insérant des thèmes arrangés dans sa musique. D'après la notice, il souffre  aujourd'hui des thématiques débattues autour de l'appropriation culturelle pour être remis à l'honneur. Il est vrai que sa musique est de grand intérêt, conçues avec un très beau métier et une belle inspiration personnelle ; vu son peu de notoriété initial, la plus grande difficulté réside sans doute d'abord là.




lattès




Je crois que vous avez là encore de quoi vous laisser surprendre… en attendant d'éventuelles présentation de cycles hors nouveautés, avec des exploration encore plus enthousiasmantes !  (En ce moment même, Alfvén 2 par Svetlanov et la Radio Suédoise, quelle Épiphanie !)

À très bientôt pour de nouvelles aventures autour des anniversaires, d'éditoriaux, de suggestions de découvertes ou de petites découvertes « pédagogiques »… ce n'est pas sûr encore !

(Ne mourez pas s'il vous plaît.)

dimanche 3 octobre 2021

Le grand tour 2021 des nouveautés – épisode 7 : Brixi, Wölfl, Florence Price, Miaskovski, Marais à l'opéra, tout Schumann, Mahler bricolé, Lipatti compositeur…


Un mot

Comme pour les précédents épisodes : petit tour des nouveautés que j'ai écoutées – et j'en profite pour partager les autres disques entendus durant cette période, parce qu'il n'y a pas que le neuf qui vaille la peine.

Un mois et demi (de calme été, en plus) s'est seulement écoulé, mais la somme accumulée est à nouveau assez considérable – alors même que j'ai passé beaucoup plus de temps au concert, et pas encore écouté bon nombre de nouveautés… que de disques à parcourir !  Je vous fais la visite ?

Parmi les trouvailles de la période, vous rencontrerez des versions extraordinaires d'œuvres déjà connues : Alcione de Marais, le Quintette à cordes de Schubert, (tous) les lieder de Schumann, La Princesse jaune de Saint-Saëns, ses Quatuors, son Second Trio, Roméo & Juliette de Tchaïkovski, Le Sacre du Printemps, Mahler relu de façon grisante par le Collectif9… mais aussi des portions mal connues du répertoire (quoique de très haute volée !), comme la musique sacrée (pragoise) de Brixi, les concertos pour piano de Wölfl, les pastiches et arrangements de Karg-Elert, les symphonies de Florence Price, les mélodies de Miaskovski ou celles de Dinu Lipatti !

Tout ceci se trouve aisément en flux (type Deezer, gratuit sur PC ; ou sur YouTube) et en général en disque. Il faut simplement pousser la porte.

(Pardon, mes présentations de titres ne sont pas toutes normalisées, il faut déjà pas mal d'heures pour mettre au propre, classer et mettre un minimum en forme toutes ces notes d'écoutes. Il s'agit vraiment de données brutes, qui prennent déjà quelques heures à vérifier, réorganiser et remettre en forme, je n'ai pas le temps de tout peaufiner si je veux aussi écrire d'autres notules un peu plus denses côté fond.)

miaskovski


La légende

Les vignettes sont au maximum tirées des nouveautés. Beaucoup de merveilles réécoutées ou déjà parues n'ont ainsi pas été immédiatement mises en avant dans la notule : référez-vous aux disques avec deux ou trois cœurs pour remonter la trace.
(Un effort a été fait pour classer par genre et époque, en principe vous devriez pouvoir trouver votre compte dans vos genres de prédilection.)

Cette fois-ci, j'ai regroupé et encadré les nouveautés au début de chaque section, pour faciliter le repérage sans briser la disposition par genre.

♥ : réussi !
♥♥ : jalon considérable.
♥♥♥ : écoute capitale.
¤ : pas convaincu du tout.

(Les disques sans indication particulière sont à mon sens de très bons disques, simplement pas nécessairement prioritaires au sein de la profusion de l'offre.)

Le tout est classé par genre, puis par ordre chronologique très approximatif (tantôt la génération des compositeurs, tantôt la composition des œuvres, quelquefois les groupes nationaux…) au sein de chaque catégorie, pour ménager une sorte de progression tout de même.




alcione




A. Opéra


nouveautés
♥  Monteverdi – L'Orfeo – Ensemble Lundabarock, Höör Barock, Ensemble Altapunta, F. Malmberg (BIS 2021)
→ Belle version, douce, bien dite, pas très typée.

♥♥ Monteverdi – L'Orfeo – Contaldo, Flores, Bridelli, Quintans, Salvo Vitale ; ChbCh de Namur, Cappella Mediterranea, García Alarcón (Alpha 2021)
→ Des choix originaux, beaucoup de vie, mais un certain manque de voix marquantes. J'aime beaucoup les chanteurs, mais ils manquent un peu de charisme dans une discographie saturée de propositions très fortes (seule Quintans s'élève nettement au-dessus de ses standards habituels).
→ Orchestralement en revanche, de très belles trouvailles d'alliages, de tempo, de phrasé... quoique le tout soit un peu lissé par une prise de son avec assez peu de relief et de couleurs.
→ Aurait pu être très grand, et mériterait en tout cas grandement d'être entendu en salle !

♥♥♥ Marais – Alcione – Desandre, Auvity, Mauillon ; Le Concert des Nations, Savall (Alia Vox 2021)
→ Issu des représentations à l'Opéra-Comique, enregistrement qui porte une marque stylistique française très forte : dans la fosse, sous l'étiquette Concert des Nations propre à Savall, en réa:lité énormément de musiciens français issus des meilleures institutions baroques, spécialistes de ce style), et un aboutissement déclamatoire très grand – en particulier chez Auvity et Mauillon (qui est proprement miraculeux de clarté et d'éloquence).
→ Le résultat est donc sans rapport avec l'équipe catalane du fameux enregistrement des suites de danses tirés de cet opéra (1993), non sans qualités mais pas du tout du même naturel et de la même qualité de finition (instrumentale comme stylistique).

Paer – Leonora – De Marchi (2021)
→ Musique d'opéra bouffe encore très marquée par les tournures de Cimarosa et Mozart. Pas nécessairement de coups de génie, mais l'ensemble est constamment bien écrit, bien chanté et exécuté avec chaleur : il mérite le détour.

Bellini – I PuritaniCoburn, Brownlee, Zheltyrguzov, Kaunas State Choir, Kaunas City Symphony, Orbelian (Delos 2021)
→ Brownlee toujours impressionnant, mais moins d'éclat en vieillissant évidemment. Coburn très virtuose, voix bien ronde et dense, un peu lisse et égale pour moi (où sont les consonnes ?), mais objectivement très bien chantée. Le reste m'impressionne moins, même mon chouchou Orbelian, assez littéral et au rubato pas toujours adroit.

Wagner – Tristan und Isolde – Flagstad, Suthaus, Covent Garden, Furtwängler (Erato, resmatering 2021)
→ Bonne version, très studio (donc comme toujours vraiment pas le meilleur de Furtwängler, d'une toute autre farine sur le vif avec Schlüter, et Suthaus en feu), où l'on peut surtout se régaler du Tristan de Suthaus, remarquablement ample et solide, mais aussi beau diseur.

♥♥♥ Saint-Saëns – La Princesse jaune – Wanroij, Vidal ; Toulouse, Hussain (Bru Zane 2021)
+ Mélodies persanes (Constans, Fanyo, Pancrazi, Sargsyan, Boutillier…)
→ Ivresses. Des œuvres, des voix.
→ Révélation pour ce qui est de la Princesse, pas aussi bien servie jusqu'ici, et délices infinies de ces Mélodies dans une luxueuse version orchestrale, avec des chanteurs très différents, et chacun tellement pénétré de son rôle singulier !

Debussy – Pelléas & Mélisande – Skerath, Barbeyrac, Duhamel ; Querré, Baechle, Varnier ; ONBA, Dumoussaud (Alpha 2021).
→ Lecture très traditionnelle, plutôt « épaisse » de tous les côtés : orchestre un peu ample et tranquille, interludes en version courte, voix très lyriques (Skerath comme toujours ronde, en-dedans, opaque ; Barbeyrac chante à pleine voix ; Duhamel expressif mais un peu monochrome), j'ai surtout aimé Querré en Yniold, l'illusion de l'enfant est assez réussite avec cette petite voix droite.
→ Belle version dans l'ensemble, mais très opératique, peu de finesses textuelles ou de coloris nouveau à se mettre sous la dent.

Holst – The Perfect Fool – R. Golding, P. Bowden, M. Neville, Mitchinson, Hagan, BBC Northern Singers and Symphony, Ch. Groves (réédition Lyrita 2021)

Et les écoutes / réécoutes hors nouveautés :

Landi – La morte d’Orfeo – Elwes, Chance, van der Meel, van der Kamp ; Tragicomedia, Stubbs (Accent, réédition 2007)
→ Dans la veine des premiers opéras, assez statiques harmoniquement, mais beaucoup d’ensembles (chœurs homorythmiques, duos ou trios plus contrapuntiques…) viennent rompre la monotonie.
→ Plateau vraiment délicieux de voix claires, délicates, mélancoliques.

Marais – Alcione – Minkowski (Erato)

Campra – Tancrède – Schneebeli (Alpha)
→ Déçu à la réécoute, vraiment sage et même un peu terne. (Malgoire c'était bien mieux, malgré le vieillissement du style !)

Desmarest – Vénus & Adonis – Rousset (Ambroisie)

♥♥ Francœur & Rebel – Pirame & Thisbé – Stradivaria, D. Cuiller (Mirare)

Berlioz – Les Troyens (en italien), entrée d'Énée – Del Monaco, La Scala, Kubelik (Walhall)
→ Oh, « marque » l'aigu de « le dévorent ». Et essentiellement métallique, pas très impressionnant / insolent / expressif. Orchestre pas ensemble, solistes non plus, prosodie italienne qui oblige à quelques irrégularités de ligne.

Berlioz – Les Troyens, entrée d'Énée – Giraudeau, RPO, Beecham (Somm)
→ Chant léger et impavide, très étonnant (comme un personnage secondaire de Cocteau…), et le RPO à la rue (bouché, la peine).

¤ Berlioz – Les Troyens (actes I, II, V) – Davis I (Philips)

♥♥♥ Verdi – Stiffelio (acte II) – Regio Parma, Battistoni (C Major)
→ La version sans faute de ce bijou trop peu joué. Comme Traviata, un drame de mœurs contemporain (l'adultère de la femme d'un pasteur).

♥♥♥ VERDI, Rigoletto (en allemand) (Coertse, Malaniuk, De Luca, Metternich, Frick, Vohla, Cologne Radio Chorus and Symphony Orchestra, Rossi) (1956) (Walhall édition 2007)

♥♥♥ Verdi – Il Trovatore (I,II) – Bonynge

♥♥♥ Verdi – Il Trovatore (I,II,III) – Muti 2000

Verdi – Le Trouvère (en français) – Martina Franca

♥♥ Verdi – Un Ballo in maschera (en allemand) – Schlemm, Walburga Wegner, Mödl, Fehenberger, DFD (libre de droits)
→ Günther Wilhelms en Silvano, remarquable. Voix franches et bien bâties, orchestre très investi et aux inflexions très wagnériennes.

♥♥ VERDI, G.: Otello (Sung in German) [Opera] (Watson, Hopf, Metternich, Cologne Radio Chorus and Orchestra, Solti) (1958)
→ Hopf en méforme, Solti pas aidé par l'orchestre non plus.

♥♥ Foroni – Elisabetta, regina di Svezia – Göteborg (Sterling)
→ Démarre doucement, mais des élans conspirateurs remarquables !

Gounod – Romeo et Juliette (en suédois) –  Björling, Allard, d'Ailly ; Opéra de Stockholm, Grevillius (Bluebell)

♥♥♥ Nielsen – Saul og David (acte IV) – Jensen (Danacord)

♥♥♥ Nielsen – Saul og David – N. Järvi (Chandos)
 
Peterson-Berger – Arnljot – Brita Ewert, Bjorck, Einar Andersson, Ingebretsen, Gösta Lindberg, Leon Björker, Sigurd Björling, Sven Herdenberg, Sven d'Ailly ; Royal Swedish Opera, Nils Grevillius
→ Un peu sec-discursif pour de l'opéra essentiellement romantique. Pas bouleversé. Mais quelle équipe de chanteurs !




gens




B. Récital d'opéra

Une très belle livraison de nouveautés sur le mois écoulé, avec des propositions de répertoire très originales et construites !

nouveautés
♥♥♥ Lully, Charpentier, Desmarest – extraits d'Armide, Médée, Circé… – Gens, Les Surprises, Camboulas (Alpha 2021)
→ Formidables lectures, de très grandes pièces (cet air-chaconne de Circé de Desmarest, dans l'esprit de l'entrée de Callirhoé, mais en plus long !), Les Surprises à leur meilleur, un chœur de démons nasal à souhait (les individualités de ce chœur de 8 personnes sont fabuleuses, de grands chanteurs baroques y figurent !), le tout agencé de façon très variée et vivante, et servi par la hauteur de verbe et geste de Gens… un récital-merveille !

« Jéliote »Mechelen, A Nocte Temporis, Mechelen (Alpha 2021)
→ Encore une belle réussite de Mechelen et son ensemble, autour d'une autre haute-contre historique – programme et exécution peut-être un peu moins originaux et marquants que pour le premier, mais vraiment recommandé.
→ Approche musicologique intéressante de se fonder sur un interprète précis, comme tant de récitals d'opéra seria l'ont fait, et renouvellement (même si moindre cette fois) des airs habituellement enregistrés.

Destouches (Marthésie), Philidor (Les Amazones), Cavalli, Viviani, Vivaldi, Schurmann… – « Amazone » – Léa Desandre (+ Gens, Bartoli), Ensemble Jupiter, Thomas Dunford (Erato 2021)
→ Beau récital vivant, d'où se détachent surtout pour moi, sans surprise, les pièces françaises (notamment les généreux extraits de Marthésie, qu'on est très heureux d'entendre pour la première fois !).
→ J'ai mainte fois dit que je trouve le timbre très fondu pour une voix aussi peu fortement projetée, et que j'aime davantage de franchise dans le verbe, mais la maîtrise du coloris et l'agilité sont irréprochables et l'interprète très engagée.

♥♥ Mozart, Méhul, Spontini, Rossini, Adam, Verdi, Offenbach, Wagner, Leoncavallo, Lehár, Ravel, Orff, Korngold… – « Baritenor »Michael Spyres, Philharmonique de Strasbourg, Marko Letonja (Erato 2021)
→ Déception partagée par les copains geeks-de-musique : ce n'est pas un récital de répertoire spécifique à cette catégorie vocale – selon les époques et les lieux, peut désigner aussi bien des ténors sans aigus (Licinius de La Vestale), que des barytons à aigus (Figaro du Barbier de Séville) ou des ténors aigus et agiles disposant d'une inhabituelle extension grave (Zampa d'Hérold, absent de ce disque). Dans cet album, on entend donc énormément de tubes des répertoires pour ténor aussi bien que pour baryton, pas nécessairement écrits pour baryténor.
→ Cette réserve formulée (on a tout de même Ariodant de Méhul et Lohengrin dans la traduction de Nuitter), le tour de force demeure très impressionnant (le véritable timbre de baryton saturé d'harmoniques pour la cantilène du Comte de Luna !) et ménage quelques très heureuses surprises, comme les diminutions aiguës dans l'air du Comte Almaviva de Mozart (tirant vraiment parti de la tessiture longue pour proposer quelque chose de différent mais tout à fait cohérent avec le style) ou pour le Figaro du Barbier (l'imitation des différentes voix qui appellent Figaro, de la femme à la basse, quelle amusante jonglerie !). Et tout de même beaucoup de rôles de barytons aigus (Danilo, Carmina Burana), ainsi que de ténors graves (Lohengrin), mais aussi, pour bien prouver que la voix n'est pas ternie, de ténors aigus (Le Postillon de Longjumeau).
→ Autre atout, le parcours (certes arbitraire puisque mélangeant ténors et barytons…) est construit de façon chronologique, on fait une petite balade temporelle au spectre très large, ce qui est très rare dans les récitals.
→ À écouter, donc, pour les amateurs de voix (qui seront très impressionnés) plutôt que pour les défricheurs de répertoire.
→ Partiellement bissé.

Et les écoutes / réécoutes hors nouveautés :

Gabrielli – extrait de S. Sigismondo, re di Borgogna – Bartoli, Andrés Gabetta, Sol Gabetta, Cappella Gabetta (Decca)
→ Quadrissé.
→ Avec instruments solistes. Pas très marquant, mais tout ce qu'on a au disque de ses opéras…

♥♥♥ Schlusnus dans Don Pasquale, Onéguine, Prince Igor (tout en allemand)
→ Chante Onéguine avec des nuances de lied… délectable ! Igor pas très épique.
→ Bissé

♥♥♥ Josef Metternich, « Rare and Unreleased Recordings (1948-1957) » (Andromeda)
→ Tout en allemand : Onéguine, Trovatore, Otello, Lortzing, Traviata, Arabella, Parsifal…
+ https://www.youtube.com/watch?v=v-WmSm50Nd8 (la perfection vocale…)




berners




C. Ballet & musiques de scène


nouveautés
♥♥ Arenski (Arensky) – Nuits égyptiennes (Ėgipetskiye nochi, Egyptian Nights), Op. 50 – Moscou SO, Yablonsky (Naxos réédition 2021)

Lord BernersBallet de Neptune, L'uomo dai baffi – English Northen Philharmonia, Lloyd-Jones (Naxos 2021)
+ arrangements pour orchestre de Philip Lane : 3 Valses bourgeoises, Polka (avec le Royal Ballet Sinfonia)
→ Toujours cette belle musique excentrique de Berners, quelque part entre la musique légère et la sophistication, comme une rencontre improbable entre Minkus et Schulhoff, le tout dans un esprit très proche de la musique légère anglaise.
→ Trissé.

♥♥♥ Stravinski – Feu d'artifice, Scherzo fantastique, Scherzo à la Russe, Chant Funèbre, Sacre du Printemps NHK SO, Paavo Järvi (RCA 2021)
→ Splendide version très vivante, captée avec beaucoup de relief physique, contenant quelques-uns des chefs-d'œuvre de jeunesse de Stravinski (parmi ce qu'il a écrit de mieux dans toute sa carrière, Feu d'artifice et le Scherzo fantastique…), ainsi qu'une version extrêmement charismatique et immédiatement prenante du Sacre du Printemps.
→ Järvi semble avoir tiré le meilleur de la NHK, orchestre aux couleurs peu typées (même un brin gris, ai-je trouvé en salle), mais dont la discipine et la solidité permettent ici une insolence et un aplomb absolument idéaux pour ces pages.
→ Bissé le Sacre, trissé les ouvertures.

Et les écoutes / réécoutes hors nouveautés :

Franck – Hulda, Op. 4 : le ballet allégorique – OP Liège, Arming (Fuga Libera 2012)
→ Du Franck plutôt décoratif, marqué par des modèles absolument pas wagnériens (le ballet à la française, avec un côté rengaine quasiment britannique dans le rondeau final !). Le reste de l'opéra n'est pas non plus le plus audacieux de Franck, mais il sera bientôt donné et enregistré dans les meilleures conditions par Bru Zane !
→ Couplé avec une très belle version tradi de la Symphonie.

♥♥ Stravinski – Petrouchka, Les Noces – Ančerl
→ Avec Žídek et Toperczer notamment !

Stravinski – Les Noces (en français) – Ansermet (Decca)




anniversaires




D. Cantates profanes


nouveautés
♥ Purcell – Birthday Odes for Queen Mary – Carolyn Sampson, Iestyn Davies… The King's Consort, Robert King (Vivat 2021)
→ Excellentes versions, très bien captées, qui valent en particulier pour les instrumentistes très vivement engagés. Joli plateau vocal également.
→ (Pour autant, je ne suis pas trop certain de vouloir vous encourager à financer le label autoproduit d'un abuseur d'enfants. J'ai longuement hésité avant d'écouter moi-même ce disque, alors que j'ai toujours énormément aimé le travail artistique de R. King. La séparation entre l'homme et l'œuvre me paraît problématique lorsque l'homme est vivant et en activité : on promeut le talent au-dessus d'être un humain décent, on excuse la destruction de vies au nom de ses qualités pour nous divertir, on remet potentiellement l'agresseur en position de prestige, d'autorité et de récidive. Bref : c'est un bon disque, mais si vous voulez l'écouter volez-le s'il vous plaît.)
→ [Tenez, je commettrai sans doute un jour une notule où je partagerai mon sentiment d'homme blet sur cette affaire de séparation de l'homme et de l'œuvre, sous un angle différent de la traditionnelle opposition « il est méchant il faut détruire son œuvre  » / « il est bon dans son domaine c'est tout ce qui m'intéresse ». Mon opinion a grandement évolué sur le sujet depuis ma naïve jeunesse, et je me pose quelques questions sur nos réflexes mentaux en la matière, que je partagerai à l'occasion.]




brixi




E. Sacré


nouveautés
Zácara da Teramo – Intégrale (Motets, Chansons édifiantes) – La Fonte Musica, Michele Pasotti (4 CDs, Alpha 2021)
→ Musique du XIVe siècle, dont la langue me paraît hardie pour son temps (ou sont-ce les restitutions?), mais trop loin de mes habitudes d'écoute pour que je puisse en juger – j'ai beau faire, je me retrouve un peu comme les wagnériens devant LULLY, je n'entends que le nombre limité de paramètres expressifs et pas assez les beautés propres de ces musiques à l'intérieur de leur système. Pas faute d'avoir essayé.
→ Belles voix, assez originales, ni lyriques, ni folkloriques, vraiment un monde à part très intéressant et avec des timbres très typés (mais pas du tout clivants / étranges).

♥♥♥ Brixi – Messe en ré majeur, Litanies – Hana Blažiková, Nosek Jaromír ; Hipocondria Ensemble, Jan Hádek (Supraphon 2021)
→ Alterne les chœurs d'ascèse, finement tuilés, très beau contrepoint qui fleure encore bon le contrepoint XVIIe, voire XVIe… pour déboucher sur des airs façon Messie (vraiment le langage mélodique de Haendel !).
→ Splendides voix tranchantes et pas du tout malingres, orchestre fin et engagé, Blažiková demeure toujours aussi radieuse, jusque dans les aigus de soliste bien exposés !

Et les écoutes / réécoutes hors nouveautés :

♥♥♥ Grégorien : Chants de l'Église de Rome VIe-XIIe s. – Organum, Pérès (HM)
→ Quelle sûreté de réalisation ! (et toujours ces beaux mélismes orientalisants)

♥♥♥ Dufay – Motets isorythmiques – Huelgas (HM)

Allegri – Miserere – A sei voci (Naïve)

♥♥ Titelouze – Messe – Les Meslanges, van Essen (Paraty 2019)

♥♥ CAPUANA, M.: Messa di defonti e compieta / RUBINO, B.: Messa di morti (Choeur de Chambre de Namur, García Alarcón) (Ricercar 2015)
→ bissé Capuana, trissé Rubino
→ Pas du niveau des Vêpres du Stellario, mais riche et stimulant !

♥♥♥ Du Mont – Cantica sacra – Boterf, avec Freddy Eichelberger à l'orgue Le Picard de Beaufays (1742) (Ricercar)

♥♥♥ Mendelssohn : Te Deum in D Major, MWV B15 ; Stuttgart KmCh, Bernius (Hänssler 2021)
→ Nouveau de cette année, génial (du Mendelssohn choral à un par partie !), mais déjà présenté la semaine de sa sortie lors d'une précédente livraison. Je n'encombre donc pas cette notule-ci.

♥♥♥ Danjou, Kyrie & Gloria // Perne, Sanctus & Agnus Dei // Boëly, pièces d'orgue – Ens. G. Binchois, F. Ménissier (Tempéraments 2001)
Danjou !!  J'étais persuadé que ça n'existait pas au disque. Passionnant de découvrir ça.

Saint-Saëns, Oratorio de Noël ; Ziesak, Mahnke, James Taylor, Deutsche Radio Philharmonie, Poppen (YT 2008)
→ Très épuré, sulpicien, contemplatif. Joli, et dans une interprétation de tout premier choix (quels solistes !).

♥♥ Braunfels : Große Messe – Jörg-Peter Weigle (Capriccio 2016)
→ D'ample ambition, une œuvre qui ne tire pas Braunfels vers du Bruckner complexifié comme son Te Deum, mais vers une véritable pensée généreuse et organique, dotée en outre de fort belles mélodies.

♥♥ Milhaud – Psaume 121 – RenMen





voces8




F. A cappella profane


nouveautés
Hutchings, Meadow, Hopkins, Sigurdbjörnsson, Jóhannsson, Owens, Arnalds, Lovett, Rimmer, Gjeilo, Barton, Desai, Guðnadóttir, O'Halloran, L.Howard – « Infinity » Voces8 (Decca 2021)
→ Bascule toujours plus profonde dans la musique atmosphérique, avec ces pièces (elles-mêmes des arrangements) qui pour beaucoup ressemblent à du Whitacre en plus gentil. Mais réussi dans son genre, et particulièrement concernant les quelques pièces qui excèdent un peu ce cadre avec des harmonies plus recherchées (Sigurdbjörnsson).





florence price




G. Symphonies


nouveautés
Saint-George – Symphonie en sol, Symphonies concertantes – CzChbO Pardubice, Halász (Naxos 2021)
→ Plutôt mieux que d'habitude, assez charmant même, mais toujours aussi aimable et peu marquant, vraiment de la musique décorative, réutilisant exactement les tournures de son temps. Ni plus ni moins.
→ Amusant : Naxos écrit Saint-Georges à la française, alors que son nom s'écrit Saint-George – tandis que le Wikipédia anglais écrit aussi Saint-Georges, en référence à son probable père.
→ Bissé. (Parce que j'étais occupé pendant ma première écoute, pas parce que c'est génial.)

♥♥ (Cipriani) Potter – Symphonie n°1, Intro & rondo « à la militaire », Ouverture Cymbeline – BBCNO Wales, Howard Griffiths (CPO 2021)
→ Très belles œuvres du jeune romantisme britannique, l'ouverture pour Cymbeline de Shakespeare en particulier !
→ Trissé.

♥♥ Bruckner – Symphonie n°4 (les trois versions) – Bamberg SO, Hrůša (Accentus Music 2021)
→ Passionnant choix de confronter les différentes versions, dans une lecture assez traditionnelle (contrastes limités, couleurs assez fondues, transitions plutôt lissées) mais détaillée, lisible et toujours vivante.
→ Parmi les belles choses à repérer : dans la première version, 1874, l'écriture est beaucoup plus continue (les grands unissons sont ici harmonisés, avec un aspect beaucoup plus continu et brahmsien que j'aime beaucoup, moins étrange en tout cas), en particulier dans le premier mouvement. Et dans le final, amusante marche harmonique sur figures violonistiques arpégées qui fleure bon sa Chevauchée des Walkyries.
→ Dans le premier mouvement de la deuxième version, 1878, bel éclat majeur très lumineux, plus du tout dans l'esprit majesté-de-voûtes-romanes, très réussi. La progression vers le dernier climax du final est aussi très réussie, implacable apothéose.

♥♥ Tchaïkovski – Symphonie n°6, Roméo & Juliette – Tonhalle Zürich, Paavo Järvi (Alpha 2021)
→ Beaucoup plus proche de la rectitude de leur Cinquième que du fol engagement de leurs 2 & 4.
→ Le développement du premier mouvement reste impressionnant (et le timbre pincé du hautbois solo délectable), mais le reste manque un peu de pathos à vrai dire, cette musique en a d'ordinaire suffisamment, mais tout paraît un peu peu germanisé et distancié ici, malgré l'investissement audible de toutes les parties.
→ La marche-scherzo n'est absolument pas terrifiante mais danse avec sourire et délectation, culminant dans le très bel éclat (purement musical) de son climax. Surprenant, mais assez convaincant.
→ Roméo et Juliette absolument pas russe non plus, mais la netteté au cordeau, la différenciation des timbres y a quelque chose de tout à fait grisant – purement musical ici encore, plutôt que passionné ou narratif. J'aime beaucoup, bien plus proche des qualités des 2 & 4.

Saint-Saëns – Symphonie n°1, Concerto pour violoncelle n°1, Bacchanale – Astrig Siranossian, Philharmonique de Westphalie méridionale, Nabil Shehata (Alpha 2021)
→ Pas très emporté par ce disque : soliste pas particulièrement charismatique (et capté un peu en arrière), orchestre peu coloré, plutôt opaque, très tradi… la Symphonie est jouée avec vie, mais rien qui change nos vies, je le crains.

Saint-Saëns – Symphonies Urbs Roma & n°3 – Liège RPO, Kantorow
→ À nouveauté pour cette intégrale Kantorow, pas de révolution dans la perception des œuvres, mais une exécution de bonne tenue – un peu épaisse pour ce que peuvent réellement produire ces symphonies, néanmoins.

♥♥♥ Mahler – Symphonie n°8 – Howarth, Schwanewilms, Fomina, Selinger, Bardon, Banks, Gadd, Rose ; LPO Choir, LSO Chorus, Clare College Choir, Tiffin Boys Choir ; LPO, Jurowski (LPO Live)
→ Quel bonheur d'avoir des sopranos de la qualité de timbre de Schwanewilms et Fomina pour cette symphonie où leurs aigus sont exposés en permanence !  Barry Banks aussi, dans la terrible partie de ténor, étrange timbre pharyngé, mais séduisant et attaques nettes, d'une impeccable tenue tout au long de la soirée.
→ Par ailleurs, le mordant de Jurowski canalise merveilleusement les masses – très beaux chœurs par ailleurs.
→ Trissé.

♥♥ Florence Price – Symphonies 1 & 3 – Philadelphia O, Nézet-Séguin (DGG 2021)
→ Symphonies d'un compositeur qui cumulait les handicaps de diffusion, et cumule à présent les motivations de programmation : femme et afro-américaine !
→ Le langage de la Première se fonde largement sur des thèmes issus du gospel et utilisés comme motifs qui se diffractent et évoluent à travers l'orchestre, au sein d'une orchestration aux couleurs variées, d'un beau lyrisme qui ne cherche jamais l'épanchement, d'une construction qui ne suspend jamais le plaisir d'entendre de belles mélodies, jusque dans les transitions.
→ La Troisième m'a paru moins vertigineuse : plus lisse et continue, moins motorique et générative, davantage tournée vers les mélodies (qui sonnent un peu plus populaires que gospel cette fois). Très beau dans son genre postromantique, très bien écrit, mais moins neuf et saisissant.
→ Avec la fluidité propre à Nézet-Séguin et les timbres miraculeux de Philadelphie, c'est un régal absolu, qui rend justice à un corpus réellement intéressant et riche musicalement, et simultanément très accessible !  Qu'attendons-nous pour programmer ces œuvres en concert, surtout avec la mode de la réhabilitation des minorités culturelles ?  Sûr que ça plairait d'emblée à un vaste public.
→ Trissé.

(Malcolm) Arnold – Concerto Gastronomique, Symphonie n°9  – Anna Gorbachyova-Ogilvie, Liepaja Symphony Orchestra, John Gibbons (Toccata Classics 2021)
→ La Symphonie n°9, véritable épure, n'est pas sans charme, et interprétée avec charisme (quels magnifiques solistes !).
→ Le Concerto Gastronomique aurait pu être amusant, mais il reproduit surtout des formules à la Arnold (les accords de cuivres à l'harmonique décalée et enrichie pour le Fromage, vraiment rien de figuratif ou de propre à son objet…).


Et les écoutes / réécoutes hors nouveautés :


1) Baroques & classiques

Wilhelm Friedmann Bach – Symphonies (fk 67 « dissonante » et fk 66 avec ricercar) & Harpsichord Concertos – Ensemble Arcomelo, Michele Benuzzi (La Bottega discantica 2008)

♥♥ Corrette – Symphonies de Noëls – La Fantasia, Rien Voskuilen (Brilliant)
→ Réjouissant de bout en bout !


2) Classiques

♥♥ Richter – Symphony No. 53 in D Major, "Trumpet Symphony"
London Mozart Players - Orchestra ; Bamert, Matthias - Conductor (Chandos 2007)

Johann Stamitz – Sinfonia Pastorale – Hogwood (Oiseau-Lyre)
+ symphonie en ré Op.3 n°2
→ Avec les thèmes plein de parentés.
→ Bissée.

♥♥♥ Gołąbek, Symphonies / Kurpiński, Concerto pour clarinette – Lorenzo Coppola, Orkiestra Historyczna (Institut Polonais)
→ Absolument décoiffant, des contrastes qui évoquent Beethoven dans une langue classique déjà très émancipée.


3) Deuxième romantisme

♥♥♥ Tchaïkovski – Symphonies n°2,4 – Tonhalle Zürich, Paavo Järvi (Alpha 2021)
→ La Cinquième par les mêmes ne m'avait pas du tout autant ébloui qu'en salle (avec l'Orchestre de Paris) – un peu tranquillement germanique, en résumé. Hé bien, ici, c'est étourdissant. D'une précision de trait, d'une énergie démentielles !
→ On entend un petit côté « baroqueux » issu de ses Beethoven, avec la netteté des cordes et l'éclat des explosions, mais on retrouve toute la qualité de construction, en particulier dans les transitions (la grande marche harmonique du final du 2, suffocante, qui semble soulever tout l'orchestre en apesanteur !), et au surplus une énergie, une urgence absolument phénoménales.
→ Gigantesque disque. Ce qu'on peut faire de mieux, à mon sens, dans une optique germanique – mais qui ne néglige pas la puissance de la thématique folklorique, au demeurant.
→ (bissé la n°2)

♥♥ Tchaïkovski – Symphonie n°3 – Göteborg SO, Neeme Järvi (BIS)
→ Bissé.


4) XXe siècle

Schnittke – Symphony No. 1 – Tatyana Grindenko, Lubimov, Russian StSO, Rozhdestvensky (Chandos)
→ Atonal libre pas très beau.

Schnittke – Symphony No. 3 – Radio Berlin-Est, V. Jurowski (Pentatone)
→ Proche de la 4 (que j'aime énormément), en plus morne. Pas palpitant.




sacre_jarvi




H. Poèmes symphoniques


nouveautés
E. von Dohnányi – Ouverture de Tante Simona, Suite en fa#m, American Rhapsody – ÖRF, Paternostro (Capriccio 2021)
+ Leo Weiner – Serenade pour petit orchestre en fam
→ Belles œuvres, très consonantes et confortables dans leur postromantisme peu retors. Capriccio continue aussi bien de documenter les grandes œuvres ambitieuses du répertoire germanique chez Rott, Braunfels ou Schreker que d'explorer des œuvres moins mémorables, mais très bien bâties malgré leur ambition moindre.

♥♥♥ Stravinski – Feu d'artifice, Scherzo fantastique, Scherzo à la Russe, Chant Funèbre, Sacre du Printemps NHK SO, Paavo Järvi (RCA 2021)
→ Splendide version très vivante, captée avec beaucoup de relief physique, contenant quelques-uns des chefs-d'œuvre de jeunesse de Stravinski (parmi ce qu'il a écrit de mieux dans toute sa carrière, Feu d'artifice et le Scherzo fantastique…), ainsi qu'une version extrêmement charismatique et immédiatement prenante du Sacre du Printemps.
→ Järvi semble avoir tiré le meilleur de la NHK, orchestre aux couleurs peu typées (même un brin gris, ai-je trouvé en salle), mais dont la discipine et la solidité permettent ici une insolence et un aplomb absolument idéaux pour ces pages.
→ Bissé le Sacre, trissé les ouvertures.

Takemitsu – A Way a Lone II, Toward the Sea II, Dreamtime, « 1982 historic recordings) – Sapporo SO, Iwaki Hiroyuki (1982, DGG 2021)
→ Pour mesurer à quel point les orchestres japonais ont progressé… On peut trouver interprétations bien plus avenantes de ces belles œuvres (ou chef-d'œuvre, pour Toward the Sea II).
→ Complété par une heure de discours de Takemitsu, en japonais.

Et les écoutes / réécoutes hors nouveautés :

Weber – Ouvertures – Hanover Band, Roy Goodman (Nimbus 2000)
→ Assez décevant : capté de très loin, plans peu audibles, pas beaucoup de gain de timbres ou d'énergie avec les instruments d'époque.

Humperdinck – Rhapsodie mauresque – Gewandhaus Leipzig, Abendroth (réédition numérique Naxos)

Marx – Eine Frühlingsmusik, Idylle & Feste im Herbst – Radio-Symphonieorchester Wien, Wildner (CPO)
→ Comme la symphonie, en plus simple.




princesse_jaune_melodies_persanes




I. Lied orchestral


nouveautés
♥♥♥ Saint-Saëns – La Princesse jaune – Wanroij, Vidal ; Toulouse, Hussain (Bru Zane 2021)
+ Mélodies persanes (Constans, Fanyo, Pancrazi, Sargsyan, Boutillier…)
→ Ivresses. Des œuvres, des voix.
→ Révélation pour ce qui est de la Princesse, pas aussi bien servie jusqu'ici, et délices infinies de ces Mélodies dans une luxueuse version orchestrale, avec des chanteurs très différents, et chacun tellement pénétré de son rôle singulier !

Vladigerov – Mélodies symphoniques – Bulgarie NRSO, Vladigerov (Capriccio 2021)
→ Moins séduisant et singulier, pour moi, que ses concertos ou symphonies, mais encore une fois du très beau postromantisme, très bien écrit, qui mérite d'être enregistré, réécouté, programmé en concert…

Et les écoutes / réécoutes hors nouveautés :

♥♥ Mahler – Das Lied von der Erde Kaufmann,Vienna Philharmonic, Nott (Sony 2017)
→ Kaufmann chante ténor et baryton à la fois. Les deux sont très bien, et Nott fait frémir Vienne plus que de coutume, avec des couleurs particulièrement fines et évocatrices, que l'orchestre se donne peu souvent la peine de produire !





wolfl_concertos




J. Concertos


nouveautés
♥♥♥ WÖLFL, J.: Piano Concertos Nos. 2 and 3 / Concerto da camera (Veljković, South West German Chamber Orchestra Pforzheim, Moesus) (CPO 2021)
→ Déjà beaucoup aimé, sorte de Mozart un peu plus tardif, dans ses Sonates (disque de Bavouzet par exemple), Wölfl confirme ici une véritable personnalité, et soutient remarquablement l'intérêt dans un genre d'essence décoratif – à l'oreille, le n°2 en mi, on dirait vraiment un Mozart perdu écrit pendant la série des concertos post-n°20 !
→ Bissé.

SPERGER, J.M.: Double Bass Concertos Nos. 2 and 15 / Sinfonia No. 30 (Patkoló, Kurpfälzisches Kammerorchester, Schlaefli)
→ Chouette, mais pourquoi toujours privilégier l'aigu pour un concerto d'instrument se distinguant au contraire par son extension grave ?

Saint-Saëns – Pièces rares pour violon et orchestre – Laurenceau, Orchestre de Picardie, Benjamin Lévy (Naïve 2021)
→ Essentiellement des Romances très lyriques, pas très passionné par leur contenu musical pour ma part, mais j'admire beaucoup le travail de pionnière de Geneviève Laurenceau (ancienne konzertmeisterin du Capitole de Toulouse), au service de compositeurs comme Magnard, Durosoir, Smyth, R. Clarke… Son très robuste et plein, pas du tout typé français, solidité et élan à toute épreuve.

Rubinstein: Piano Concertos Nos. 2 & 4 – Schaghajegh Nosrati, Radio-Symphonie-Orchester Berlin, Róbert Farkas (CPO 2021)
→ Un peu déçu en réécoutant ces œuvres, du concerto pour piano romantique très tourné vers le piano, qui perpétue un modèle post-chopinien, même si l'orchestre n'est pas sans intérêt.

Saygun, Işıközlü, Erkin, Kodallı… TURKISH PIANO MUSIC (THE BEST OF) (Biret, Güneş, Saygun, G.E. Lessing, Şimşek, Tüzün) (Idil Biret Archive 2021)
→ Œuvres vraiment pas fabuleuses sur la première œuvre du coffret : des concertos pour piano très difficiles à jouer, mais musicalement, un mélange d'orientalismes et de musique classique très formelle (quoique complexe), pas très mélodique ni riante. Le disque de trios piano-cordes turcs sorti cette année (chez Naxos) était autrement stimulant sur la production locale !

Et les écoutes / réécoutes hors nouveautés :

1) Pour piano

Hummel: Piano Concerto No. 2 in A Minor – Hough, B. Thomson (Chandos)
→ Très sympathique, là aussi vraiment un cousin chopinien ; j'en retiens surtout le beau solo de clarinette du final et son beau thème secondaire (le soin mélodique échappe toujours à l'automatisme, chez Hummel, tout de même l'immortel auteur du plus beau final de concerto pour basson de tous les temps !), mais ce reste globalement du concerto pour piano brillant, où le contenu musical n'entre qu'en seconde ligne par rapport à un quatuor ou une symphonie.

Thalberg – Concerto pour piano – Ponti
→ Assez formellement Thalberg, pas de grande surprise.

♥♥♥ Liszt – Totentanz – Berezovsky, Philharmonia, Wolff (Teldec)
→ Totalement fulgurant, parfait, surnaturel… le jeune Berezovsky était incroyable, d'une insolence proprement démoniaque.

♥♥♥ Henselt – Concerto pour piano Op.16 en fa mineur – Michael Ponti, Philharmonia Hungarica, Othmar Mága (VOX, réédition Brilliant Classics)
→ Très proche de Chopin dans les formules pianistiques, mais doté d'un orchestre très généreux, très bien écrit, qui puise à une tradition beaucoup plus luxuriante (Meyerbeer ?). Splendide et grisant, dans son genre lyrique mais travaillé !

Pierné – Concerto pour piano – Ponti
→ Très virtuose évidemment, de la musique très sérieuse qui contraste avec son final fondé sur la répétition inlassable de « Mets tes deux pieds en canard » de La Chenille qui redémarre.

♥♥♥ d'Albert – Concerto pour piano n°2Ponti
→ Quel beau lyrisme décidément !

Roussel – Concerto pour piano – Ponti

Sinding – Concerto pour piano – Ponti

BORTKIEWICZ, S.: Piano Concertos Nos. 2 and 3, "Per aspera ad astra" (Doniga, Janáček Philharmonic, Porcelijn) (Piano Classics 2018)

SCHNITTKE, A.: Piano Concerto / Concerto for Piano and String Orchestra / Concerto for Piano 4-hands and Chamber Orchestra (Kupiec, Strobel) (Phoenix 2008)
→ Version dotée d'un équilibre singuier du piano, plus intégré / symphonique. Pas celle que j'aime le plus, mais très belle, dans cette sélection de concertos considérables du XXe siècle !


2) Pour violon

♥♥ Tchaikovsky – Violin Concerto in D Major – Gitlis, Vienne SO, Hollreiser (VOX)
→ Impressionnant et ébouriffé, et l'orchestre est vraiment très bien, dynamique, présent, précis (contre toute attente vu la date, le chef et les conditions de non-répétition).
→ En revanche Gitlis, ce son très appuyé, ces effets qui bifurquent dans tous les sens, le rubato qui déborde en avant en arrière, j'entends trop que c'est du violon, ça me distrait de la musique.
→ Mais impressionnant d'insolence (la qualité parfaite du timbre avec un suraigu pas du tout tiré, surnaturelle), à connaître !
→ Orchestre splendide, ça ne ressemble pas du tout à un son viennois d'ailleurs, de l'excellente charpente à l'allemande, pas très coloré mais limpide sur tout le spectre, et avec vie et précision.

♥ Tchaïkovski – Concerto pour violon – Dumay, LSO, Tchakarov (EMI)
→ Beau, simple, un peu lent.

♥♥ Tchaïkovski – Concerto pour violon – Julia Fischer, Russie NO, Kreizberg (PentaTone 2006)
→ Sobre, doux, net, voilà qui tire davantage vers la poésie de la page. Et la culture russe de l'orchestre (quoique l'un des moins typés du pays) facilite les bonnes couleurs environnantes.

Tchaïkovski – Concerto pour violon – Hahn, Liverpool PO, V.Petrenko (DGG 2011)
→ Assez affirmatif, mais sobre, réussi ! Tempo très retenu.

Tchaïkovski – Concerto pour violon – Hudeček, S. de Prague, Bělohlávek (Supraphon)
→ Un peu gras pour ce que j'espérais d'un son tchèque au violon, pas mal de rubato quand même, et Bělohlávek toujours plutôt mou…
→ Est très bien, mais ne répond pas à mon espérance de netteté un peu acide en allant me tourner vers Supraphon !

¤ Tchaïkovski – Concerto pour violon – Radulović, Borusan Istanbul PO, Sascha Goetzel (DGG 2017)
→ Puisqu'on m'en a dit le plus grand mal, j'écoute. Je l'avais adoré avant la notoriété, dans une vidéo de rue où il était pris en train de livrer une insolente et hautement pensée Chaconne de la Partita n°2 de Bach… Peu écouté depuis ses grands succès, vu son positionnement cross-over sur des tubes un peu retravaillés, ce qui m'intéresse moins.
→ Je découvre qu'il est carrément passé chez DGG, chez certains ça va la vie !
→ L'orchestre n'est pas le meilleur du monde (je trouve d'ailleurs qu'il sonne très oriental, comme s'il jouait du Saygun ou plutôt du… Say, ça n'aide pas ;
→ Côté goût, ce n'est pas affreux, mais en effet ça s'alanguit dans tous les sens, le tempo et le phrasé bougent sans cesse, c'est sur-interprété en permanence, je ne suis pas fan.
→ Et côté son, un peu tiré, oui, comme une voix qu'on voudrait pousser trop fort, il y a plus précis et plus timbré sur le marché – j'entends chaque année les plus aguerris jouer ça à la Philharmonie, je suis un peu blasé côté virtuosité extrême.
→ En somme pas horrible du tout, mais clairement je ne vois pas trop l'intérêt d'écouter ça vu l'offre délirante sur ce concerto.

Tchaïkovski – Concerto pour violon – Ehnes, Sydney SO, Ashkenazy (Onyx)
→ Très policé et propre, pas très palpitant, et pas assez effacé pour être seulement poétique.
→ Impression persistante que le violon sonne fort tout le temps.

♥♥ Tchaïkovski – Concerto pour violon – Sarah Christian, Bremen KmPh, Rhorer
→ Accompagnement très net, interprétation très réussie (quoique, comme souvent, beaucoup de rubato superflu pour moi).

+ Borgstrøm – Concerto pour violon – Eldbjørg Hemsing, Wiener Symphoniker, Olari Elts (BIS 2018)


3) Pour autre chose

Telemann – Concertos pour vents (TWV 44:43, 51:D2, 51:D7, 52:d1, 52:e1, 53:D5) – Hoeprich & friends, Musica Antiqua Köln, Goebel
→ Joli son d'orchestre, de la première (deuxième) génération d'ensembles baroques, pour des compositions peu trépidantes.

♥♥♥ P. Vranický, Haydn – Concertos pour violoncelle en ut – Enrico Bronzi, Orchestra di Padova e del Veneto, Enrico Bronzi (Concerto Classics)
→ Meilleure version du Haydn ! Cet orchestre, qui s'est imprégné de modes de jeu musicologiques au moins depuis Maag, propose des sonorités capiteuses tout en conservant le moelleux des instruments traditionnels. L'insolence, les trépidations de joie, la rêverie y sont portées au plus beau degré.

♥♥♥ Gołąbek, Symphonies / Kurpiński, Concerto pour clarinette – Lorenzo Coppola, Orkiestra Historyczna (Institut Polonais)
→ Absolument décoiffant, des contrastes qui évoquent Beethoven dans une langue classique déjà très émancipée.

Bacewicz – Concerto pour alto – Kamasa, Varsovie PO, Wisłocki (LP sur YT)
→ Un peu trop soliste pour mon goût. Atmosphère tourmentée.





saens_tchalik




K. Musique de chambre

nouveautés
♥♥ Beethoven – Quatuors 12 & 14 – Ehnes SQ (Onyx 2021)
→ Version très aboutie, aux timbres superbes, issue d'un cycle en cours autour des derniers quatuors de Beethoven.
→ Bissé.

♥♥♥ Schubert – Quintette à cordes – Tetzlaff, Donderer... (Alpha 2021)
→ Couplé avec le Schwanengesang de Julian Prégardien que je n'ai pas encore écouté.
→ Lecture d'une épure assez fabuleuse : absolument pas de pathos, cordes très peu vibrées, des murmures permanents (quel trio du scherzo ! ), et bien sûr une très grande musicalité.
→ Très atypique et pudique, aux antipodes de la grandiloquence mélodique qu'on y met assez naturellement.

Hummel & Schubert: Piano Quintets – Libertalia Ensemble (CPO 2021)
→ Très beau quintette (avec piano et contrebasse) de Hummel, énormément de très belles choses là-dedans.
→ La version de la Truite n'est pas du tout le plus exaltante du marché, un peu grise par rapport aux versions très engagées et typées qu'on peut trouver par ailleurs (Kodály-Jandó, Immerseel, etc.).

PAGANINI, N.: String Quartet No. 3 / Duetti Nos. 1, 2, 3 (Pieranunzi, Falasca, Fiore, Leardini, Carlini) (CPO 2021)
→ Jolies œuvres aimables, bien jouées.

♥♥ Saint-Saëns, Rameau, LisztTrio piano-cordes n°2, Pièces de clavecin en concert (Suites 1 & 5), Orpheus (arrangement) – Trio Zadig (Fuga Libera 2021)
→ Un des tout meilleurs trios en activité (probablement le meilleur que je connaisse moi), avec en particulier des cordes d'un charisme extraordinaire.
→ Lecture assez traditionnellement lyrique-germanique de Saint-Saëns, avec un son très peu français, misant davantage sur une sorte d'audace virtuose, où chaque motif à chaque instrument est ciselé et immédiatement présent et mélodique. Cette attitude dynamise beaucoup cette page, déjà très belle.
→ Étonnante association avec un Rameau version trio romantique (très réussie) et cette transcription du poème symphonique de Liszt.
→ Trissé pour le Saint-Saëns, bissé pour le reste.

♥♥♥ Saint-Saëns – Quatuors 1 & 2 – Tchalik SQ (Alkonost Classic)
→ Lecture très consciente stylistiquement, et ardente, de ces quatuors magnifiant à la fois la contrainte formelle et la beauté de l'invention… ce jeune quatuor a évolué de façon assez fulgurante ces dernières années. (Son intégrale Hahn est fabuleuse aussi.)

(réédition)
♥♥♥ Mahler, Bertin-Maghit & Hersant – « No Time for Chamber Music » (extraits arrangés de Mahler) – Collectif9 (2018, réédition Alpha 2021)
→ Réédition de cet album d'une formidable inventivité, réutilisant dans des contextes nouveaux (et pour effectif chambriste comme l'indique le nom de l'ensemble !) des thèmes issus de l'œuvre de Mahler. Fascinant de contempler ces mélodies connues se mouvoir selon des chemins imprévus, et le tout exécuté à un niveau instrumental assez hallucinant, recréant un orchestre complet rien qu'avec leurs textures de cordes.
→ Totalement jubilatoire.
→ Trissé.

Et les écoutes / réécoutes hors nouveautés :

GabrielliSonate con trombe e violini  – Cappella di San Petronio, Sergio Vartolo (Tactus)

♥♥ Schubert – Quintette piano-cordes en la – Anima Eterna Brugge, Immerseel (ZZT)

Hummel, Bertini – Quintette piano-cordes, Sextuor piano-cordes (MDG)
→ Hummel bissé.
→ Très belle version très bien captée. Meilleure que celle qui vient de sortir chez CPO (et couplage Bertini plus intéressant qu'une version moyenne de Schubert, évidemment…).

Wyschnegradsky - String quartet №2
→ Intéressant, à défaut de réellement séduisant.




violon_piano_andree_bonis_smyth




L. Violon

(solo ou accompagné)

nouveautés
Saint-Saëns – Pièces de caractère pour violon & piano – Fanny Clamagirand, Vanya Cohen (Naxos 2021)
→ On y retrouve les grands standards (Danse macabre, Rondo capriccioso, Havanaise…) et des pièces rares, où l'on peut profiter du son extraordinairement capiteux et flûté (produire un timbre aussi chantant, aussi peu « frotté » avec un violon relève du petit miracle) et de la musicalité de Clamagirand, qui impressionne beaucoup depuis quelques années déjà.
→ Pas de révélations particulières parmi les pièces moins célèbres, à mon sens.

♥♥ E. Andrée, Bonis, SmythSonates pour violon, « First Ladies » – Annette-Barbara Vogel, Durval Cesetti (Toccata Next 2021)
→ Décidément, quelques figures féminines commencent à solidement émerger, au moins dans le domaine de la mélodie et de la musique de chambre (et plus simplement du piano d'intérieur) !
→ Trois grandes compositrices… je n'ai pas été aussi impressionné par Bonis que par sa Sonate violoncelle-piano, mais Smyth me frappe à nouveau par sa typicité, sa façon de tisser le matériau folklorique dans les formes savantes… Très réussi.
→ De surcroît très bien joué, par une spécialiste de ce genre de bizarrerie – plusieurs disques Hans Gál à son actif !

Kreisler + divers arrangements et pièces virtuoses ou de caractère – « 12 Stradivari » – Janine Jansen, Antonio Pappano (Decca 2021)
→ Surtout intéressant pour son projet : réunir pendant 10 jours 12 stradivarius, dont certains plus joués depuis des années, ou jamais enregistrés, et concevoir un programme qui mette en valeur leurs caractéristiques ou le lien avec leurs possesseurs historiques. Le tout par une seule interprète.
→ Le projet est excitant mais le résultat, comme je pouvais m'y attendre (considérant ma sensibilité), reste assez peu exaltant : 1) on perçoit certes des nuances de timbre, mais le son d'un violon dépend avant tout de la personne qui joue sur le violon ; 2) le répertoire de pièces pittoresques n'est franchement pas passionnant si l'on n'est pas passionné du violon en soi, si l'on ne le regarde pas comme une épreuve d'athéltisme à travers des haies et balses obligées ; 3) le son adopté par Janine Jansen est uniformément très intensément vibré et assez dégoulinant, très loin de la sobriété légère qui fait son intérêt en tant qu'interprète – elle refuse en général les soulignements excessifs et les effets de manche, tandis que ce disque semble (un peu artificiellement) renouer avec cette tradition.

Et les écoutes / réécoutes hors nouveautés :

(réécoute nouveauté)
♥♥♥ Il Sud: Seicento Violin Music in Southern Italy ; œuvres de Falconieri, Montalbano, Trabaci, Pandolfi, Leoni, Mayone ; Ensemble Exit, Emmanuel Resche-Caserta (Passacaille 2020)
→ Œuvres rares à la veine mélodique généreuse et aux diminutions expansives, dans une interprétation pleine de couleurs (assise sur orgue positif et théorbe, remarquablement captés), avec un violon solo à la fois chaleureux et plein d'aisance. Un peu grisant.

Messiaen – Thème & Variations – Alejandro Bustamante, Enrique Bagaria (Columna Music)
→ Accords réguliers très marqués dans le style harmonique Messiaen, soutenant un violon plus lyrique.




gabrielli_cocset.jpg




M. Violoncelle

(solo ou accompagné)

Frescobaldi, Ortiz, Vitali, Galli, Degli Antoni – Canzoni pour violoncelle(s) et basse continue – Cocset, Les Basses Réunies, Cocset (Alpha)
→ Quel son, quels phrasés !

♥♥ Gabrielli – Ricercari – Cocset (Agogique)
+ Vitali – Passacaglia

Bach – Suites pour violoncelle 1, 3 – Bruno Cocset (Alpha)
→ Vraiment différent, très vif et très droit. Manque de danse et de saveurs harmoniques pour moi, mais dans son genre fulgurant et droit au but, convaincant !




lattès




N. Orgue

nouveautés
♥♥ Karg-Elert – Intégrale pour orgue, vol.12 : 3 Impressions, Hommage à Haendel, Partita n°1 – Steinmeyer de la Marienkirche de Landau/Pfalz, Stefan Engels (Priory 2020)
→ Les Impressions sont d'un postromantisme très conservateur et peu saillant, mais la Partita tire au contraire le meilleur du pouvoir des atmosphères.
→ Quant aux variations-hommage à Haendel, elles montrent une maîtrise ludique d'organiste pour tout ce qui est des diminutions et de la registrations.
→ Superbe orgue riche et généreux, superbement registré et capté.


Et les écoutes / réécoutes hors nouveautés :

1) Baroque XVIIe & louisquartorzien

Arauxo – Libro de tientos y discursos de musica practica, y theorica de organo (extraits) – Francesco Cera (Brilliant Classics 2018)

♥♥♥ Titelouze, Buxtehude, Pachelbel, Marchand, Boyvin, Corrette, Dandrieu… – Livres d'orgue sur les orgues du Jura franco-suisse  vol.1 – Delor, Baillot, Béraza, Meylan (Phaïa 1999)
→ Très belles orgues baroques françaises (Dole, Champagnole, Orgelet) ou suisse (Le Sentier), très typées. Et l'archaïsme de Titelouze, le grandiose de Marchand, le lyrisme de Boyvin, la fantaisie de Corrette & Dandrieu… Aussi des pièces d'Allemands, dont Buxtehude et (Georg) Böhm.
→ Un coffret totalement jubilatoire pour les amateurs d'orgue français, à connaître absolument !

Pachelbel – Œuvres pour orgue – Saint-Bonaventure de Rosemont à Montréal, Bernard Lagacé (Arion)
→ Captation très crue, pas très agréable.

♥♥ Pachelbel – Orgue vol. 2 – Essl & friends (CPO)
→ (Dont l'incroyable chaconne en sol, ♥♥♥.)

Pachelbel, Froberger, Muffat – « Organ Music Before Bach » – Kei Koito (DHM)

♥♥♥ Boyvin – Premier and Second livre d'orgue : Suites Nos. 1-8, « French Organ Music from the Golden Age, Vol. 6 » –  Bolbec, Ponsford (Nimbus)
→ Toujours aussi opératique ce Boyvin !

♥♥ André Raison  – Livre d'orgue – Ponsford à Saint-Michel en Thiérache (Nimbus)
→ Volume 3 de son anthologie française.

♥♥ Grigny, Lebègue – Orgue, motets – Ensemble Gilles Binchois, Nicolas Bucher (Hortus)
→ Sur l'orgue de l'abbatiale Saint-Robert de La Chaise-Dieu.

♥♥ Grigny – Les Hymnes – Lecaudey (Pavane)
→ Sur l'orgue Tribuot de Seurre.
https://www.deezer.com/fr/album/5407331

♥♥♥ Grigny – Le Livre pour orgue, avec alternatim – Vox Gregoriana, Mikkelsen

¤ Muffat – Œuvres pour orgue vol. 1 & 2 – Haselböck (Naxos)
→ Orgue blanc terrible.


2) XVIIIe siècle

♥♥♥ Dandrieu – Laissez paître vos bêtes – Maîtrise du CMBV, Jarry (CSV 2019)
→ Tube personnel, sur l'orgue de la Chapelle Royale de Versailles avec cet alternatim de la Maîtrise du CMBV !  (Il figure sur plusieurs notules de CSS.)

♥♥♥ Daquin – Nouveau Livre de Noëls – Gellone, Falcioni (Brilliant Classics)
→ (Première écoute intégrale du Livre ? Variations en réalité.)
→ Saveur extraordinaire, très pincée, acide, colorée, de l'orgue de Saint-Guilhem.

♥♥ Daquin – Nouveau Livre de Noëls – Bardon & St-Maximin

♥♥ Daquin – Nouveau Livre de Noëls – Baumont & Thiérache

♥♥ Daquin – Nouveau Livre de Noëls – Dom Bedos & Mouyen

♥♥ CorretteOffertoire La St François sur l'orgue Dom Bedos / Quoirin de Sainte Croix de Bordeaux (YT 2012)
09 - Dialogue sur les grands jeux - Paul Goussot (YT 2018)
→ Quel orgue !

♥♥ Balbastre – Noëls & pièces formelles – Rabiny-Maucourt-Puget (1781-1869-1953) de Saint-Félix-Lauragais, Pauline Koundouno-Chabert (Psalmus)
→ Pas la plus mobile des interprétations (pour cela, il y a Chapuis & Tchebourkina à Saint-Gervais !), mais le programme est très intelligemment conçu, avec son alternance de pièces formelles et de Noëls, qui évite toute lassitude… et l'orgue a des couleurs à la française réjouissantes !
→ Il existe de toute façon peu de grands recueils Balbastre, et celui-ci est l'un des plus plaisants !


3) XIXe siècle

♥♥♥ Schumann – Esquisses, Études, Fugues (orgue) – Rothkopf (Audite)
→ Trissé. (cf. notule sur ce disque)

♥♥ LISZT, F. / SCHUMANN, R. / MENDELSSOHN, Felix, Blanc, Albert Alain (Orgues du Jura Franco-Suisse, Vol. 2) (M.-C. Alain, Camelin, Champion, Lebrun, Leurent)
→ La Procession prise sous l'orage, quelle chose étonnante (figurative et réjouissante), à défaut d'être profonde musicalement !  Albert Alain est en revanche particulièrement ennuyeux, appliqué, sinistre.
→ Sur ces orgues aux timbres très typés français, les Mendelssohn-Schumann-Liszt prennent une saveur extraordinaire !


3) XXe siècle

Reger : Introduction, Passacaille et Fugue en mi mineur, Op. 127 – Gerhard Weinberger (CPO)
→ Quelle œuvre de la pleine démesure : l'élève (fantasmatique) de Fauré et de Wagner écrivant de la musique tonale (ce qu'il en reste) à l'époque de Wozzeck… Quelque chose dans cet esprit : vagabondage harmonique, certains accords très riches et dissonants, ambiance très sombre et pesante, Passacaille qui évoque davantage Berg que Brahms… le contrepoint, l'enharmonie et les errances tonales partout.
→ C'est monumental – quoique un peu sérieux et discipliné pour être réellement jubilatoire, me concernant. Mais très intéressant, effectivement au bout de la logique de Reger !
→ Très bien capté et phrasé.,

KARG-ELERT, S.: Organ and Piano Music - Poesien +  Silhouetten + arrangement de la Suite de Pelléas de Sibelius – Konttori-Gustafsson, Lehtola (Toccata Classics 2017)
→ La Suite de Pelléas fonctionne vraiment bien (l'orgue enveloppant, le piano mordant).
→ De belles choses dans les Silhouetten, quoique vraiment tradis.

REUCHSEL, E.: Promenades en Provence, Vols. 1-3 / Bouquet de France (extraits) – cathédrale St Louis (Missouri), Simon Nieminski
→ Les progressions figuratives sont beaucoup plus frappantes en vrai, mais ce disque sans éclat particulier a au moins le mérite rare de documenter un florilège de ce catalogue tout à fait digne d'intérêt. Je ne garantis cependant pas l'émotion à l'écoute de l'objet disque – je n'y suis pas parvenu.

Messiaen – L'Ascension – Innig (MDG)
→ Un peu sombre pour le lyrisme et les couleurs de cet opus.

♥♥ Messiaen – Livre saint Sacrement– Innig (MDG)
→ Très sobre et sombre, marche vraiment bien.

♥♥ Messiaen – Messe de la Pentecôte, Livre d'orgue – Innig (MDG)
→ Lecture très accessible, le Livre d'orgue (que je n'avais pas encore essayé dans cette intégrale) est même franchement réussi et échappe tout à fait au formalisme moche que j'y percevais d'ordinaire… !

♥♥ Florentz – Laudes, Prélude de l'Enfant noir, Debout sur le soleil, La Croix du Sud – Roquevaire, Thomas Monnet (Hortus 2014)
→ Très beau dans le style Messiaen, et assez sobre.
→ Trissé.




afgrundsmusik_tange




O. Piano·s


(quatre mains)

nouveautés
(réédition)
SCHUMANN, R.: Arrangements for Piano Duet, Vol. 3 - Manfred (excerpts) / Symphony No. 3 / Overtures (Eckerle Piano Duo) (Naxos 2015, réédition 2021)
→ Intéressant (Manfred en particulier !), mais exécution vraiment molle. À retenter en d'autres mains.

Chausson, Ropartz, Massenet, Alkan, Chaminade, Godard – Pièces françaises à quatre mains, « Four Hands for France » – Stephanie McCallum, Annie Helyard (Toccata Classics 2021)
→ On retrouve Stephanie McCallum, déjà sur un de mes disques de l'Île Déserte (Dans l'ombre de la Montagne etles Préludes à danser pour chaque jour de la semaine de Ropartz), pour un programme qui, comme l'on pouvait s'y attendre, reste plutôt léger. Même Chausson, le tourmenté et modulant Chausson écrit de la bluette bien consonante, qui évoque davantage un décalque très assagi des Jeux d'enfants de Bizet que le langage d'Arthus ou de ses Maeterlinck… Les Ropartz aussi sont en deçà, à mon sens, du legs pianistique du compositeur. [Tout l'inverse des Allemands, donc, qui sont souvent meilleurs dans les configurations quatre mains / deux pianos.]
→ Très beau projet, mais je n'y ai trouvé rien d'essentiel pour ma part, je ne me sens pas de le recommander spécifiquement dans l'abondance de parutions…

KARG-ELERT, S.: Organ and Piano Music - Poesien +  Silhouetten + arrangement de la Suite de Pelléas de Sibelius – Konttori-Gustafsson, Lehtola (Toccata Classics 2017)
→ La Suite de Pelléas fonctionne vraiment bien (l'orgue enveloppant, le piano mordant).
→ De belles choses dans les Silhouetten, quoique vraiment tradis.


(deux mains)

Schumann, R.: Pedal Piano Music (Complete) - Studies, Op. 56 / 4 Sketches, Op. 58 / 6 Fugues On B-A-C-H (par Martin Schmeding, sur piano d'époque)
→ Rare disque sur un piano-pédalier d'époque. Pas forcément un plaisir au demeurant : piano limité (et peu fiable, d'après le pianiste).
→ En sus, jeu très carré, pas très poétique.

♥♥ Liszt – Vallée d'Obermann – Bolet
→ Toujours pas bouleversé par l'œuvre (souvent un peu univoque, le piano de Liszt).

Peterson-Berger – Improvisations au piano, mélodies – Peterson-Berger
→ Décoratif.

♥♥ Langgaard: Afgrundsmusik (Music of the Abyss), BVN 169 – Berit Johansen Tange
→ Ces inclusions soudaines de motifs brefs complètement dans le langage de Messiaen sont assez folles !




lipatti_enescu_dinescu_markus_schafer




P. Airs de cour, lieder & mélodies…


nouveautés
STROZZI, B.: Ariette a voce sola / Diporti di Euterpe / Sacri musicali affetti (La voce sola) (Dubinskaitė, Canto Fiorito) (Brilliant 2021)
→ Pas le plus édifiant corpus de son siècle, mais joliment écrit et très bien chanté.

♥♥♥ Schumann – Alle Lieder – Gerhaher, Huber, Rubens, Landshammer, Kleiter, Lehmkuhl… (Sony 2021)
→ Magnifique somme regroupant les cycles Schumann de Gerhaher, parmi les tout meilleurs qu'on puisse entendre et/ou espérer, et permettant de tout entendre, avec bon nombre de nouveautés (tout ce qui n'avait pas été enregistré, et même une nouvelle version de Dichterliebe). Il manque une poignée de lieder présents dans l'intégrale Hyperion, mais sinon, même les lieder en duo et les liederspiele à 4 y sont, tous !
→ Verbe au cordeau, variation des textures, mordant, tension, nuances, c'est la virtuosité d'une expression construite qui impressionne toujours autant chez lui !
→ Les artistes invités, ce n'est pas n'importe qui non plus, ces dames figurent parmi les meilleures liedersängerin de leur génération (Rubens, n'est-ce pas !). Les lieder prévus pour voix de femme sont ainsi laissés aux interprètes adéquates.
→ De surcroît le livret contient des introductions, un classement clair (même une annexe par poètes !) et les textes (monolingues, certes, mais c'est toujours une base de départ confortable pour ceux qui veulent ensuite des traductions).

Duparc, Saint-Saëns, Fauré, Chausson, Ibert, Ravel – Mélodies « Aimer à loisir » – Boché, Durham, Fanyo, Timoshenko (B Records 2021)
→ Issus de leur résidence Royaumont (interrompue par certain perturbateur microscopique de votre connaissance), quatre mini-récitals de duos piano-chant de jeunes artistes, où se distingue particulièrement, sans surprise, Kaëlig Boché, exceptionnel diseur – même si la voix est hélas peu phonogénique par rapport à son intérêt en salle !  Pour entendre Axelle Fanyo à son meilleur, allez d'abord entendre sa dernière Mélodie persane qui vient de paraître en couplage avec La Princesse jaune !

♥♥ (Dinu) Lipatti, Enescu, (Violeta) Dinescu – « Hommage à Dinu Lipatti  », Cycles de mélodies françaises (+ un lied de Dinescu) – Markus Schäfer, Mihai Ungureanu (Drever Gaido)
→ Quelle belle surprise que ce disque, qui documente pour la première fois les mélodies (on dispose que de quelques autres œuvres du disque) de Lipatti ! 
→ Je croyais à une réédition de ses interprétations de Chopin, j'ai failli passer mon chemin et puis j'ai vu le nom de Markus Schäfer, interprète vivant… Bien m'en a pris !
→ Les Marot d'Enescu (remarquablement naturels et riches à la fois) sont couplés avec les Verlaine de Lipatti (un peu plus ouvertement complexes et appliqués, prosodiquement moins exacts, mais très intéressants musicalement). Très belle découverte !
→ Hélas, sur le plan de la réalisation, il faut se contenter d'un français à très fort accent, Schäfer fait ce qu'il peut avec générosité, mais ce n'est clairement pas équivalent à un grand disque de mélodiste aguerri.
→ La longue pièce de Dinescu qui conclut est beaucoup plus ancrée dans le contemporain, mais très vivante et d'une expression assez naturelle malgré les effets. Une belle réussite.

♥♥♥ Miaskovski (Myaskovsky)– « Œuvres vocales vol. 1 » : Livre Lyrique, 12 Romances d'après Lermontov, Sonate violon-piano – Barsukova, Pakhomova, Dichenko, Solovieva (Toccata Classics 2021)
→ Quelle belle surprise que ce corpus, dans le goût généreux, d'un postromantisme enrichi, de ses premiers quatuors (on peut penser au langage traditionnel mais évolué des 4 & 5 !), et très bien servi. → Un très beau jalon du répertoire russe (soviétique en l'occurrence, mais ce sonne plutôt russe).

♥♥♥ Hahn – Trois jours de vendange – Théruel (YT)
→ L'idéal de la mélodie, l'idéal du chant aussi.

Debussy – Mandoline, Le Tombeau des Naïades – Fleming, Thibaudet (Decca)
→ Très intensément dits (comme peu l'osent !), avec un style étrange (plein de changements de timbre, du glissando à tout va…).

Peterson-Berger – Improvisations au piano, mélodies – Peterson-Berger
→ Décoratif.




collectif9_mahler.jpg




Si vous suivez mon exemple, je devrais vous tenir occupés quelques jours encore, le temps que je fournisse une notule digne de ce nom. D'autant que beaucoup de ces disques (à 2 ou 3 cœurs) méritent amplement d'être écoutés plus d'une fois !  Ainsi que ceux des épisodes précédents.

Puissiez-vous, estimés lecteurs, jouir des beautés de la musique retrouvée, tandis que l'Automne – et peut-être les Variants – s'empare doucement de nos vies en extérieur.

mardi 22 décembre 2020

Le défi 2020 des nouveautés – épisode 16, l'ultime livraison : ferne Geliebte, Lysistrata, la relève du chant, CoViD fan tutte, symphonistes japonais, Kevlar


Je suppose peu de nouveautés le jour même de Noël, et elles sont donc pour cette dernière bordée, vendredi dernier, quasiment à l'arrêt hors quelques millièmes réenregistrements beethoveniens.

Du fait de l'enfermement et du délai un peu plus long de publication, la liste est devenue un peu épaisse. J'essaie de la subdiviser mais espère qu'elle demeurera lisible (suivez le rouge pour les nouveautés, les 2 ou 3 cœurs pour les albums exceptionnels).

winterreise_nawak.jpg

Du vert au violet, mes recommandations… en ce moment remplacées par des .
♦ Vert : réussi !
♦ Bleu : jalon considérable.
♦ Violet : écoute capitale.
♦ Gris : pas convaincu. ♠
(Les disques sans indication particulière sont à mon sens de très bons disques, simplement pas nécessairement prioritaires au sein de la profusion de l'offre.)

En rouge, les nouveautés 2020 (et plus spécifiquement de l'automne).
Je laisse en noir les autres disques découverts.
En gris, les réécoutes de disques.




1. OPÉRA

nouveautés CD

OPÉRA ITALIEN


♥♥ Monteverdi – Orfeo – Boden, Pass à Amsterdam (YT)

♥♥ Monteverdi – Orfeo – Auvity, Wilder, Arts Flo, Agnew (YT)

♥♥♥ Rossi – Orfeo, acte I – Pichon
→ Tellement étonnant qu'en salle, Bridelli marque plus qu'Aspromonte !

Vivaldi – Farnace « Gelido in ogni vena » – Maggio Musicale, Sardelli (Dynamic)

♥♥ Graun – Cleopatra e Cesare (acte I) – Jacobs

Salieri – Armida (air) – Rousset (Aparté 2021)
→ En avant-première en flux… Juste deux pistes, l'Ouverture et un air. Jolie écriture dramatique. Évidemment loin du ravissement de ses opéras français… ou même de ses délicieux bouffes – mais pour du seria, on sent tout de même l'empreinte de Gluck et du goût français, ce qui est un avantage pour garantir un peu de ma patience. Exécution pleine d'ardeur des Talens Lyriques, tout de même bien hâte de découvrir cela (à défaut d'avoir entendu le concert de mai).

Mozart – Il Sogno di Scipione – Boncompagni, Fenice, Sardelli (Operavision 2020)
→ Mozart seria de jeunesse : statique et ennuyeux. Sardelli apporte un peu de tranchant à l'orchestre de la Fenice, qui reste toujours assez terne et à la peine, depuis tant d'années… (je ne l'ai jamais entendu vraiment bon, je crois)

Mozart – Le Nozze di Figaro – McLaughlin, Mattila, Gallo, Pertusi ; Mehta (Sony)
→ Tradi un peu lisse, mais duo comtal chouette.

Mozart – DG – Fuchs, Leonard, Sly, Nahuel Di Pierro ; Rhorer (YT)

♥♥ Mozart – Così – Behle, Priante, Lhote, Lyon, Montanari (YT)

Verdi – La Traviata, « Fragment » (acte III jusqu'à Addio del passato) – MusicAeterna, Currentzis
→ Tout à fait lunaire : récitatifs totalement étirés comme s'ils étaient des airs en largo, voix artificiellement réverbérées et gonflées, un délire très révélateur de sa conception purement musicale (et narcissique…) de l'opéra.
→ Ce n'est pas moche du tout, mais ça ne ressemble plus à grand'chose, en tout cas pas à un opéra de Verdi (mais j'aime assez).
→ Je ne comprends pas le quart d'heure (du moins bon passage de l'opéra, en plus). Vendu en dématérialisé ?  Teasing pour une intégrale qui prend son temps ?  Chute d'une intégrale avortée mais monétisable ? « Single long » ? Marché numérique ?

♥♥♥ Verdi – Simone Boccanegra – Homoki ; Rowley, Jorijikia, Nicholas Brownlee, Gerhaher, Fischesser ; Zürich, Luisi (Arte 2020)
→ Direction d'acteurs formidable, et l'usage de ce simple décor tournant qui nous mène de coursive en antichambre… Homoki à un sommet de maturité.
→ Orchestre mordant, N. Brownlee fabuleux. Rowley assez pharyngée mais expressive comme une actrice au temps du Code Hays.
→ Très content d'entendre chanter Verdi comme Gerhaher.

Verdi – Aida, début inédit de l'acte III – Scala, Chailly (euroradio)
→ 100 mesures coupées avant la création. Moment suspendu de prières douces aux registres étagés, très réussi, à comparer à l'ambiance du temple avant « Nume custode e vindice ». Méritait d'être entendu, et mériterait d'être systématiquement joué.
→ (en revanche, vocalement, quoique tout à fait honnête, ça laisse vraiment entendre la crise du chant verdien – alors que dans les autres répertoires, l'opéra se porte vraiment bien…)

♥♥ Verdi – Otello – Torsten Ralf & Stella Roman - Dio ti giocondi (Met, 1946)



OPÉRA FRANÇAIS

♥♥♥ Lully – Isis – Rousset

♥♥♥ Lully – Armide (acte I) – Herreweghe II (HM)

♥♥♥ Lully – Armide (actes I, III, IV & V) – Rousset (Aparté)


♥♥ Mozart – La Flûte enchantée en français – M. Vidal, Scoffoni, Lécroart, Lavoie ; Le Concert Spirituel, Niquet (France 5)
→ Très vivante version raccourcie et en français, dans une distribution française de très grand luxe.

Rossini – Le Barbier de Séville (en français) – Berton, Giraudeau, Dens, Lovano, Depraz, Betti, Pruvost ; Opéra-Comique, Gressier (EMI 1955)

♥♥ Boïeldieu – La Dame Blanche – Jestaedt, Buendia, Ratianarinaivo, Hyon, (Yannis) François, Les Siècles, Nicolas Simon (France 3)
→ Les qualités de charisme vocal de Buendia et Ratia souffrent de la retransmission (un peu proche des voix, on entend les aspérités, les micro-défauts), mais quand on les connaît, on mesure le bonheur incommensurable qu'aurait été cette série de représentations itinérantes… Voix franches (superbe découverte de Yannis François également, baryton-basse clair et avec de vrais graves riches !), chaleur des instruments d'époque… La mise en scène n'est pas passionnante, mais le bonbon est très apprécié !

♥♥ Offenbach – M. Choufleuri – Mesplé, Rosenthal (EMI)
→ Avec des citations de Nonnes qui reposez, de bouts de Verdi, thème du premier numéro du Freischütz…

♥♥ Offenbach – Ba-ta-clan – avec Corazza
→ Très bonne musique, même si d'une certaine façon sans texte !

♥♥♥ Bizet – Carmen – Angelici, Michel, Jobin, Dens ; Opéra-Comique, Cluytens (réédition The Art Of Singing 2014)
♥♥♥ Bizet – Carmen – Horne, McCracken Bernstein (DGG)



OPÉRA ALLEMAND

Mozart – Zauberflöte – Della Casa, Simoneau, Berry ; Opéra de Vienne, Szell
→ Orchestre très imprécis et hésitant, peu frémissant. Della Casa un peu surdimensionnée dans le legato. Berry alors très clair. 

♥♥♥ Wagner – Lohengrin – Bieito ; Miknevičiute, Gubanova, Alagna, Gantner, Pape, Berliner Staatsoper, Pintscher (Arte Concert)
→ Splendide orchestre et chœurs (et surpris par le lyrisme et la tension de Pintscher dont j'avais un très mauvais souvenir dans le « grand répertoire »), splendide distribution.
→ J'attendais évidemment Martin Gantner, l'une des voix les mieux projetées du marché (ça paraît nasal et étroit en captation, mais en salle, c'est une proximité et d'une expressivité miraculeuses). Telramund pas du tout noir, très clair et concentré, très convaincant dans un genre absolument pas canonique.
→ Roberto Alagna chante un allemand de grande qualité ; toutes les voyelles sont un peu trop ouvertes, mais ceci va de pair avec la clarté caractéristique de son timbre et la générosité jamais en défaut de son médium. Un régal de bout en bout, élocution limpide et splendeur vocale. Le second tableau de l'acte iII le voit se fatiguer, et les aigus deviennent vraiment blancs et métalliques, le médium un peu plus aigre. Tout le reste se montre à la fois original et très marquant.
→ La mise en scène de Bieito m'a paru laide, sans propos clair ni animation scénique, sans cohérence psychologique ni lien avec le sujet. Sans parler de son tic de faire trembler ses personnages pendant vingt minutes , récupéré de la pire idée de son Boccanegra… Dire que ce fut un si grand metteur en scène… Trop d'engagements. Trop d'empâtement.

Wagner – Götterdämmerung, Janowski I : prologue.
→ assez scolairement égrené, mais super prise de son. chanteurs valeureux mais déjà un côté « déclin ».

Schoeck – Vom Fischer un syner Fru, Op. 43 – Harnisch, Dürmüller, Shanaham , Winterthur, Venzago (Claves 2018)
Harnisch en-dessous de ses standards, Dürmüller un peu dépassé, Venzago un peu froid, version décevante d'une œuvre qui a déjà bien moins de saillances que le Schoeck habituel (son principal intérêt étant d'être composée directement sur le vieux dialecte allemand).La version Kempe-Nimsgern est à privilégier.

♥♥ Schoeck – Massimilia Doni – Edith Mathis, G. Albrecht
→ Décadentisme consonant dans le goût de Venus et Das Schloß Dürande, en plus lyrique et plus basiquement dramatique, comme mâtiné de Verdi.

Dusapin – Faustus – Nigl (extrait)



OPÉRAS D'AUTRES LANGUES

♥♥ Mozart & Minna Lindgren – Covid fan tutte – Mattila, Hakkala, Opéra de Helsinki, Salonen (Operavision 2020)
→ Così (plus Prélude de Walküre et air du Catalogue) en très condensé (1h30), sur un texte finnois inspiré de nos mésaventures pandémiques. Point de départ dramaturgique : Salonen vient diriger la Walkyrie et la situation sanitaire impose le changement de programme.
→ Tout y passe : les opinions rassurantes ou cataclysmiques, les avis contradictoires, les (inter)minables visios, la détresse de la mauvaise cuisinière, la doctrine des masques, les artistes désœuvrés… Parfois avec beaucoup d'esprit (« Bella vita militar » pour la mission papier hygiénique), par moment de façon confuse ou un peu plate (la vie des sopranos).
→ Les récitatifs sont changés en dialogues menés par « l'interface utilisateur », sorte de directrice de la communication hors sol.
→ Hakkala (Alfonso) fantastique, Mattila remarquablement sa propre caricature, avec toujours un sacré brin de voix (les poitrinés rauques en sus).
→ Globalement, un jalon de notre histoire s'est écrit – on aurait pu creuser davantage quelque chose de cohérent, avec les mêmes éléments, ménager une arche qui soit un peu moins une suite de moments dépareillés… Pour autant, le résultat est la plupart du temps très amusant, et marquera le souvenir artistique de la Grande Pandémie des années 2020 pour les archéologues du futur – du moins si notre éphémère technologie numérique n'a pas tout laissé disparaître…

Moniuszko – Halka – Paweł Passini ; Mych-Nowika, Piotr Fiebe, Golinski ; Poznan, Gabriel Chmura  (Operavision 2020)
→ Pas fabuleux vocalement (aigus blancs de la soprano et du ténor, bon baryton). Superbes scènes de ténor, mais œuvre vraiment ennuyeuse dramatiquement : Halka reste debout trahie, son comparse le lui explique longuement, et c'est l'essentiel, malgré le terrible condensé de tragédie contenu dans la pièce.
→ Musicalement peu fulgurant aussi, quoique moins gentillet que le Manoir hanté.

♥♥ Hatze – Adel i Mara – Zagreb 2009 (YT)

Britten – A Midsummer Night's Dream – M.-A. Henry, Montpellier (Operavision 2020)
→ Belle version d'une œuvre aux belles intuitions mais qui patine un peu, à mon sens, dans le formalisme de ses duos et ensembles intérieurs (livret très bavard, également).




2. MUSIQUE DE SCÈNE / BALLETS

nouveautés CD

Marais – Suites à joüer d'Alcione – Savall (Alia Vox)
→ Bien mieux que le concert. (Mais ces suites ont-elle un grand intérêt isolées?)

♥♥♥ Rameau – Hippolyte (Prélude du III) dans « Tragédiennes » #1 – Talens, Rousset

Piron
– Vasta – Almazis (Maguelone 2020)
→ Pas très séduit, ni par le texte (vraiment plat, comparé aux pièces grivoises de Grandval qui m'amusent assez), ni par les musiques (pas passionnantes, et textes assez pesants aussi).
→ Musicalement, pas séduit non plus par les timbres instrumentaux. Dommage, c'était très intriguant.
→ Il existe une lecture très vivante de la Comtesse d'Olonne de Grandval en complément d'un disque de ses cantates, je recommande plutôt cela pour se frotter à ce type de théâtre leste.

Cannabich – Electra – Hofkapelle Stuttgart, Bernius (Hänssler 2020)
→ Mélodrame dans le style classique, très réussi et ici très bien joué et dit (par Sigrun Bornträger).

Wagner – Die Meistersinger, ouverture – Vienne, Solti

Tchaikovsky –  The Tempest, Op. 18 – Orchestra of St. Luke's; Heras-Casado (HM 2016)

♥♥ Humperdinck – « Music for the Stage » : Das Wunder, Kevlar, Lysistrata…  – Opéra de Malmö, Dario Salvi (Naxos)
→ Très belle sélection de scènes d'opéras et autres œuvres dramatiques, variées, pleines de la naïveté et de l'emphase pleine de simplicité propres à Humperdinck. Extrêmement persuasif, délicieux, très bien joué. Hâte de découvrir ces œuvres intégrales désormais, une très belle ouverture vers cet univers encore chichement documenté !  (Et la générosité accessible de cette musique plairait à un vaste public, a fortiori en Allemagne dont l'imaginaire populaire est une référence récurrente…)




3. RÉCITALS VOCAUX

nouveautés CD

Haendel, Vivaldi… – « Queen of Baroque » – Cecilia Bartoli (Decca 2020)
→ Pot-pourri de différents disques. Très bons, mais autant profiter des programmes cohérents. Si jamais vous voulez comparer les orchestres et les répertoires, pourquoi pas.

Salieri, Strictly private, Heidelberg SO (Hänssler)
→ Lecture nerveuse d'airs et duos très spirituels, qui évoquent les Da Ponte mozartiens, un délice.

Rossini – « Amici e Rivali » – Brownlee, Spyres, I Virtuosi Italiani, Corrado Rovaris (Erato 2020)
→ Impressionnant Spyres en baryton et bien sûr en ténor (même si le coach d'italien devait être covidé, à en juger par certains titres). Brownlee a perdu de son insolence, mais pas de sa clarté et de son moelleux.
Superbe attelage, pour un répertoire purement glottique qui n'a pas forcément ma prédilection d'ordinaire, accompagné par un orchestre très fin (instruments d'époque ?) et discret, petit effectif, cordes sans vibrato.

Gounod, Bizet, Tchaïkovski, Puccini – « Hymnes of Love » – Dmytro Popov
→ Pas fini, ça a l'air bien. Mais la rondeur de la voix est davantage conçue pour le répertoire slave que pour l'éclat des spinti.

Massenet par ses créateurs (Malibran 2020)
→ Scindia par Jean Lasalle
→ Salomé par Emma Calvé
(ouille)





4. MUSIQUE SACRÉE

nouveautés CD

Un disque mystérieux (Aparté 2021)…
… de cantates luthériennes du Schleswig, totalement inédites – pour lesquelles je viens d'écrire une notice le nez plongé dans des interpolations vétérotestamentaires tirées de la Bible de Luther, et qui devraient paraître en fin d'année prochaine. (Avec des textes d'époque très denses, des chanteurs très éloquents et un continuo imaginatif, pour ne rien gâcher.)

Pfleger – Cantates sacrées en latin & allemand – Bremen Weser-Renaissance, Cordes) (CPO)
→ Splendide !  Entre Monteverdi et Bach, un côté très Steffani… Airs quasiment tous à deux voix !

♥♥♥ Steffani – Duetti di camera – Mazzucato, Watkinson, Esswood, Elwes, Curtis… (Archiv)

Legrenzi  – Compiete con le letanie e antifone della Beata Vergine – Nova Ars Cantandi, Giovanni Acciai (Naxos 2020)
→ Un des plus grands compositeurs du XVIIe siècle, Legrenzi excelle dans toutes formes d'audace, un contrepoint riche et libre, une harmonie mouvante, une agilité qui préfigure le seria du XVIIIe siècle…
→ Première gravure discographique de ces Complies Op. 7, la dernière prière du jour. Superbes voix franches et articulées… sauf le soprano masculin, très engorgé, vacillant, inintelligible, qui tranche totalement avec le reste et distrait assez désagréablement. Étant la partie la plus exposée, le plaisir est hélas un peu gâché.

Bach – Cantates format chambre – Nigl

Haendel – Dixit Dominus – Scholars Baroque (Naxos)
→ Première fois cette version en entier. Génial 1PP.

Haendel – Dixit Dominus
Réécoutes et nouvelles écoutes : Gardiner-Erato, Scholars Baroque, haïm, Toll, Fasolis, Creed Alte Musik, Öhrwall Drottningholm, Zoroastre Rochefort, Meunier, Parrott, Minkowski, Chistophers-Chandos, Christophers-Coro, Rademann, Dijkstra, Gardiner-Decca, Bates, Preston.

du baroque à Satie – « War & Peace, 1618-1918 » – Lautten Compagney (DHM 2018)
→ Amusant mélange (avec la Gnossienne n°3 revisitée par cet ensemble baroque), plaisant et bien interprété (avec une soprano au fort accent britannique).

Pergolesi – Stabat Mater – Galli, Richardot ; Silete venti, Toni (La Bottega Discantica, 2016)

Borodine – Requiem (arr. Stokowski) – BBC Symphony Chorus, Philharmonia Orchestra, Geoffrey Simon (Signum 2020, réédition)
→ Cinq minutes de paraphrase sur le thème grégorien, avec des harmonies typiques de l'avant-garde russe du second XIXe. Les doublures pizz-bois alla Godounov sont incroyables !
+ Suite Prince Igor, Petite Suite…




5. CONCERTOS

nouveautés CD

Rejcha – Symphonies concertantes flûte-violon, puis 2 violoncelles  – Kossenko, Stranossian, Coin, Melknonyan ; Gli Angeli Genève, MacLeod (Claves 2020)
→ Flûte-violon : aimable. Entre le son un peu aigrelet des solos sur instruments d'époque (pas faute d'aimer ces quatre artistes pourtant) et la progression harmonique très traditionnelle, les mélodies vraiment banales, je n'y trouve pas le grand Rejcha que j'aime. Joli mouvement lent tout de, qui débute par violon et flûte seuls.
→ La symphonie à deux violoncelles est bien plus intéressante, en particulier le premier mouvement inhabituellement varié (dont le premier fragment thématique est similaire à celui de Credeasi misera) et le final assez foisonnant. Mais pour cette œuvre, le disque Goebel-WDR (aux couplages passionnants) de cette même année 2020 m'avait davantage convaincu.

B. Romberg – Cello Concertos Nos. 1 and 5 (Melkonyan, Kölner Akademie, Willens) (CPO 2016)
→ Décevant, du gentil concerto décoratif et virtuose, rien à voir avec ses duos de violoncelle, très musicaux et variés !

Lalo, Ravel  – Symphonie espagnole ; La Valse, Tzigane & Bolero – Deborah Nemtanu, Pierre Cussac, La Symphonie de Poche, Nicolas Simon (Pavane 2017)
→ Sympathique, mais la partie concertante et le mixage permettent moins d'apprécier l'exercice que dans le disque Beethoven.

Elgar – Concerto pour violoncelle – Johannes Moser, Suisse Romande, Manze (PentaTone 2020)
→ Très sérieux et dense, nullement sirupeux, avec un orchestre à la belle finesse de touche, qui fait entendre le contrechant avec netteté.
→ Parution du seul concerto, uniquement en numérique (avant un futur couplage en disque physique ?).

♥♥♥ Schmidt, Stephan – Symphonie n°4, Musique pour violon & orchestre – Berlin PO, K. Petrenko (Berliner Philharmoniker 2020)
→ Interprétations très fluides et cursives, dans la veine transparente du nouveau Berlin issu de Rattle, vision assez lumineuse de ces œuvres à la taciturnité tourmentée.

Hisatada Otaka : Concerto pour flûte (version orchestre) – Cheryl Lim, Asian Cultural SO, Adrian Chiang (YT 2018)
→ Décevante orchestration : les harmonies sont noyées dans des jeux de cordes très traditionnels (et un peu mous), on perd beaucoup de la saveur de la verison Op.30b avec accompagnement de piano, à mon sens.

♥♥ Mossolov, Concerto pour harpe, Symphonie n°5 – Moscou SO (Naxos)
→ Très festif, très décoratif, très « Noël », cet étonnant concerto pour harpe que je n'aurais jamais imaginé une seconde attribuer à Mossolov !
→ Dans la Symphonie, on entend surtout des chants populaires traités en grands accords. Joli, mais pas très fulgurant par rapport à sa période futuriste.

♠ Lubor Barta – Concerto pour violon n°2 1969 – Ivan Straus, Otakar Trhlik (1969)




6. SYMPHONIES & POÈMES ORCHESTRAUX

nouveautés CD

SYMPHONISTES GERMANIQUES

♥♥ Beethoven / Robin Melchior  – « Beethoven, si tu nous entends » – La Symphonie de Poche, Nicolas Simon (Klarthe 2020)
→ Jubilatoire blind-test pot-pourri dont les développements sont (très bien !) récrits. Le tout étant joué pour quatuor, contrebasse, flûte, clarinette, clarinette basse, saxhhorn baryton, accordéon, harpe et percussions… !
→ Il m'a fallu quelques secondes pour retrouver le fantastique mouvement lent du Concerto n°5 ainsi transfiguré… dont la cadence de harpe débouche sur les pointés du mouvement lent de la Quatrième Symphonie !  Mazette.
→ Ou encore la fin sur une boucle minimaliste autour du thème de l'Ode à la Joie.
→ Par des musiciens de très très haute volée, la densité sonore et l'engagement individuel comme collectifs sont exceptionnels.
→ La fièvre de la nouveauté s'empare de nous en réécoutant Beethoven pour la millième fois.

Haydn – les Symphonies Parisiennes – Orchestre de Chambre de Paris, Boyd (NoMadMusic 2020)
→ Petite frustration en première écoute : attentivement, j'y retrouve tout l'esprit (quel sens de la structure !) de cette association formidable, mille fois admirée en concert… Mais à l'écoute globale, j'entends plutôt l'épaisseur des timbres d'instruments modernes, comme une petite inertie – alors qu'ils jouent sans vibrato, et pas du tout selon le style tradi !
→ Quelque chose s'est perdu via le micro, la prise de son, l'ambiance du studio… Pincement au cœur, je les adore en concert, mais à côté des nombreuses autres propositions discographiques « musicologiques », ce n'est pas un premier choix.

A. Romberg – Symphony No. 4, "Alla turca" – Collegium Musicum Basel, K. Griffiths (CPO 2018)

♥♥♥ B. Romberg – Symphonies Nos. 2 and 3 / Trauer-Symphonie (Kolner Akademie, Willens) (Ars Produktion 2007)
→ Symphonies contemporaines de Beethoven (1811, 1813, 1830), qui en partagent les qualités motoriques et quelques principes d'orchestration (ballet des violoncelles, traitement thématique et en bloc de la petite harmonie, sonneries de cor qui excèdent Gluck et renvoient plutôt à la 7e…).
→ Je n'avais encore jamais entendu de symphonies de l'époque de Beethoven qui puissent lui être comparées, dans le style (et bien sûr dans l'aboutissement). En voici – en particulier la Troisième, suffocante de beethovenisme du meilleur aloi !

Brahms
– Symphonies – Pittsburgh SO, Janowski (PentaTone 2020)
→ Très tradi, sans doute impressionnant en vrai connaissant l'orchestre et le chef, mais pas très prenant au disque par rapport à la pléthore et à l'animation enthousiasmante des grandes versions. Assez massif, peu contrasté et coloré, pas très convaincu (vu l'offre) même si tout reste cohérent structurellement et inattaquable techniquement.
→ Tout de même très impressionné par la virtuosité de l'orchestre : rarement entendu des traits de violon aussi fluides, les cuivres sont glorieux, la flûte singulièrement déchirante…

Brahms – Symphonie n°3, lieder de Schubert orchestrés, Rhapsodies hongroises, Rhapsodie pour alto – Larsson, Johnson, SwChbO, Dausgaard (BIS)

Mahler – Totenfeier – ONDIF, Sinaisky (ONDIF live)
→ Cet entrain, ces cordes graves !

Nielsen – Symphonie n°1 – LSO, Ole Schmidt (alto)
→ Très énergique, mais trait gras.

Nielsen – Symphonie n°1 – LSO, C. Davis (LSO Live)

♥♥ Nielsen – Symphonie n°1 – BBC Scottish SO, Vänskä (BIS)

♥♥♥ Nielsen – Symphonie n°1 – Ireland NSO, Leaper  (Naxos)

♥♥♥ Nielsen – Symphonies n°1,2,3,4,5,6 – Stockholm RPO, Oramo (BIS)
→ Lyrisme, énergie mordante, couleurs, aération de la prise… une merveille, qui magnifie tout particulièrement la difficile Sixième Symphonie !

Mahler – Symphonie n°5 – Boulez Vienne (DGG)
→ Un peu terne et mou, du moins capté ainsi.

Schmidt – Symphonies – Frankfurt RSO, Paavo Järvi (DGG)
→ Au sein de ce corpus extraordinaire, voire majeur, le plaisir d'entendre une version qui s'impose d'emblée comme colorée, frémissante, captée avec profondeur et détails, par un orchestre de première classe, et surtout articulée avec ce sens incroyable des transitions qui caractérise l'art de Järvi. Chacune des symphonies en sort grandie. Indispensable.

Graener – Variations orchestrales sur « Prinz Eugen » – Philharmonique de la Radio de Hanovre, W.A. Albert (CPO 2013) → On ne fait pas plus roboratif… mon bonbon privilégié depuis deux ans que je l'ai découvert par hasard, en remontant le fil depuis le dernier volume de la grande série CPO autour du compositeur (concertos par ailleurs tout à fait personnels et réussis).




SYMPHONISTES SLAVES

Tchaïkovski – Symphonie n°5, Francesca da Rimini – Tonhalle Zürich, Paavo Järvi (Alpha 2020)
→ Ébloui en salle par le génial sens des transitions organiques de Järvi, où chaque thème semblait se verser dans l'autre (avec l'Orchestre de Paris), je le trouve ici plus corseté, plus raide. Je ne sais quelle est la part de la différence de culture des orchestres (Zürich a toujours eu un maintien assez ferme) et d'écoute un peu distraite au disque au lieu de l'attention indivisée en salle sur tous les détails splendides. Peut-être la prise de son un peu lointaine et mate, aussi ?  Mais ce fonctionnait très bien avec les Mahler de Bloch…
→ Très belle lecture pas du tout expansive, très sobre et détaillée, en tout état de cause.
→ Francesca da Rimini confirme cette impression d'interprétation très carrée – on y entend encore l'orchestre de Bringuier !

Borodine – Symphonie n°1 – URSS SO, Svetlanov
→ Là aussi, des thèmes populaires, quoique plus tourmentés. Pas très développé mais grand caractère.
→ bissé

Borodine – Symphonie n°2 – Royal PO, Ashkenazy (Decca 1994)

Balakirev, Kalinnikov – Symphonies n°1 – Moscou PO, Kondrachine (Melodiya)
→ Foisonnement de thèmes folkloriques !  Interprétation pas si typée…

Kalinnikov – Cedar and Palm - Bylina - Intermezzos - Serenade & Nymphs –
The Ussr Symphony Orchestra, Evgeniy Svetlanov, (Svetlanov 1988)

Novák – Suite de la Bohême méridionale + Toman & la Nymphe des Bois – Moravian PO Olomouc, Marek Štilec (Naxos 2020)
→ Généreux slavisme qui a entendu Wagner. Le grand poème Toman de 25 minutes est une très belle réussite, qui culmine dans des élans richardstraussiens irrésistibles.
→ Bissé.

Vladigerov – Symphonies 1 & 2 – Radio de Bulgarie, Vladigerov (Capriccio)
→ Le partenariat Capriccio avec les Bulgares se poursuit !  J'avais beaucoup aimé ses concertos pour piano…



SYMPHONISTES BRITANNIQUES & IRLANDAIS

Bax – Symphonie n°2 – LPO, Myer Fredman (Lyrita)

Scott – Symphonie n°3 « The Muses » – BBCPO, Brabbins (Chandos)
→ Debussyste en diable (le chœur de Sirènes…), de bout en bout, et très beau.
+ Neptune
→ Très debussyste aussi, remarquablement riche (un côté Daphnis moins contemplatif et plus tendu). Splendide.

Scott – Symphonie n°4 – BBCPO, Brabbins (Chandos)

Kinsella – Symphonies Nos. 3 and 4 – Ireland NSO, Duinn (Marco Polo 1997)
→ étagements brucknériens à certains endroits.

♥♥ Kinsella :
Symphony No. 5, "The 1916 Poets":  – Bill Golding, Gerard O'Connor, ; Ireland RTÉ National Symphony Orchestra; Colman Pearce
Symphony No. 10 – Irish ChbO, Gábor Takács-Nagy (Toccata Classics)
→ n°5 : avec basse et partie déclamée. Très vivant.
→ n°10 : Néoclassicisme avec pizz et percussions prédominantes, très dansant. Vrai caractère, très beaux mouvements mélodiques ni sirupeux ni cabossés.



SYMPHONISTES JAPONAIS

Hisatada Otaka – Sinfonietta pour cordes 1937 – Sendai PO, Yuzo Toyama
→ Assez lisse.

Hisatada Otaka – Suite japonaise (1936, orch. 1938) –  Shigenobu Yamaoka
→ Orchestration de la suite piano.

Hisatada Otaka – Midare pour orchestre – NHK, Niklaus Aeschbacher (1956)
→ Un peu néo, du xylophone, du romantique un peu univoque, avec un côté mauvaise imitation occidentale du japin, à la fin de la pièce. Mitigé.

Akira Ifukube - Symphonie concertante avec piano (1941)  –Izumi Tateno, Japon PO, Naoto Otomo
→ Du planant sirupeux fade, pas trop mon univers.

Akira Ifukube – Ballata Sinfonica (1943)  – Tokyo SO, Kazuo Yamada (1962)
→ Entre Turandot et l'Oiseau de feu, en plus simple (tire sur Orff).
→ (bissé par curiosité trois jours plus tard)

♥ Yasushi Akutagawa – Prima Sinfonia 1955 – Tokyo SO, Akutagawa
→ Étonnant, et très riche, pas du tout sirupeux (pas mal de Mahler et de Proko, mais dans un assortiment personnel). J'aime beaucoup.
→ Pas du tout dans le genre du symphonisme japonais post-debussyste ou, horresco referens, post-chopinien.




7. MUSIQUE DE CHAMBRE

nouveautés CD


SONATES
♥♥♥ J. & H. Eccles, Matteis, Daniel Purcell – « The Mad Lover » – Langlois de Swarte, Dunford (HM 2020)
→ Les Matteis et (Henry) Eccles sont fulgurants !  Quelle musique rare, sophistiquée et jubilatoire ! Dunford improvise avec une richesse inouïe et la musicalité de Swarte emporte tout.

Rossini, Castelnuovo-Tedesco… – « Rossiniana » (pour violoncelle & piano) – Elena Antongirolami (Dynamic 2020)
→ Toutes sortes de variations & paraphrases, très sympa.

Mendelssohn – Les 3 Sonates violon-piano – Shlomo Mintz, Roberto Prosseda (Decca 2020)
→ Violon très baveux, dont le timbre s'altère au fil des phrasés, je n'aime pas du tout. Et conception générale assez figée… voyage dans le passé (et pas forcément chez les meilleurs). Pas du tout aimé.

♥♥♥ Gédalge, Marsick, Enescu – Sonate violon-piano n°1 / Poème d'été / Sonates 1 & 2 – Julien Szulman, Pierre-Yves Hodique
→ Œuvres très rares, incluant celles des professeurs d'Enescu, lui dédiant leurs nouvelles œuvres alors qu'il n'a que seize ans ! 
→ Martin-Pierre Marsick, son professeur de violon, écrit clairement de la « musique d'instrument ».
→ En revanche André Gedalge, assistant (et véritable professeur officieux) de la classe de composition de Massenet puis Fauré, nous livre un vrai bijou, écrit dans une veine mélodique un peu convenue, mais où tout effet est pesé – et pèse –, avec un sens de la structure remarquable (quels développements !). La superposition en décalé des thèmes, dans le faux scherzo, est un coup de maître assurément.
→ Pas très séduit par la Sonate n°2 d'Enescu : trop de complexités, une expression contournée qui déborde de partout dans l'harmonie ultra-enharmonique, le rythme (premier mouvement en 9/4, à quoi bon), sa fin nue anticlimactique. Plus de complexité pour moins d'effet…
→ Car la n°1, au contraire (à 16 ans !) manifeste une générosité mélodique et un lyrisme très emportés, certes pas du tout subversifs, mais focalisés dans une forme maîtrisée qui en accentue le caractère profusif, jusqu'aux bouts de contrepoint du final !
→ Interprètes de premier choix (Julien Szulman, qui finit une thèse sur Enescu au CNSM, vient d'être nommé violon solo au Philharmonique de Radio-France), avec un violon au son assez international, dense, d'une virtuosité immaculée et chaleureuse, sise sur la musicalité attentive, exacte et subtile de Pierre-Yves Hodique.

Dupuis  – Sonate violon-piano – Prouvost, Reyes (En Phases)

♥ Hisatada Otaka – Concerto pour flûte version avec piano – Miki Yanagida, Takenori Kawai (YT 2016)
→ Captation sèche qui ne fait pas épanouir toute la poésie de la pièce. Mais plus convaincant qu'à l'orchestre, clairement, avec ses très belles couleurs debussystes.



DUOS

♥♥ Rameau – Suites à deux clavecins tirées des Indes, Zoroastre… – Hantaï, Sempé (Mirare)

♥♥ A. Romberg & B. Romberg – Duos for violin and cello – Barnabás Kelemen, Kousay Kadduri (Hungaroton 2002)
→ Interprétation très tradi, pas très exaltante, de ces duos remarquablement écrits, quoique moins fascinants que ceux pour violoncelle.
→ Les variations finales du troisième duo Op.1 sont écrites sur le premier air d'Osmin de l'Enlèvement au Sérail !
→ Quant au premier duo d'Andreas Romberg, il se fonde sur « Se vuol ballare » des Noces de Figaro ; le second, sur « Bei Männerm », le duo Pamina-Papageno…

A. Romberg & B. Romberg – Duo for Violin and Cello in E Minor, Op. 3, No. 3 – Duo Tartini (Muso 2019)

Wagner – Götterdämmerung final par Tal & Groethuysen sur deux pianos (Sony)
→ Chouette initiative, mais manque un peu de fièvre.

Fauré, Widor, Dupré, D. Roth, Falcinelli, Mathieu Guillou, J.-B. Robin – « L'Orgue chambriste, du salon à la salle de concert » –Thibaut Reznicek, Quentin Guérillot (Initiale 2020)
→ Beau programme (en particulier Roth, intéressé aussi par l'inattendue Sonate de Dupré), beau projet, où je découvre un violoncelliste au grain extraordinaire, Thibaut Reznicek, sacré charisme sonore !

Hisatada Otaka – Midare capriccio pour deux pianos – Shoko Kawasaki, Jakub Cizmarović (YT 2015)



TRIOS

Beethoven – Trios Op.1 n°3 et Op.11, arrangement anonyme pour hautbois, basson et piano – Trio Cremeloque (Naxos, octobre 2019)
→ On perd clairement en conduite des lignes et en nuances, avec les bois. Mais très agréable de changer d'atmosphère.

♥♥ B. Romberg:  3 Trios, Op. 38:  – Dzwiza, Gerhard; Fukai, Hirofumi; Stoppel, Klaus (Christophorus 2007)
→ Étonnant effet symphonique de ces trois cordes graves !

Tchaïkovski-Goedicke – Les Saisons – Varupenne, Trio Zadig (Fuga Libera 2020)
→ La redistribution de la matière pour piano seul à trois instruments (dont le piano…) n'est pas la chose la plus exaltante du monde (mélodies au violon, piano simplifié…), mais c'est une occasion d'entendre un des meilleurs trios de l'histoire de l'enregistrement dans un répertoire qu'ils servent merveilleusement – hâte qu'ils gravent le Trio de Tchaïkovski, qu'ils jouent mieux que personne.
→ Et en effet, (Ian) Barber particulièrement en forme, Borgolotto toujours d'une présence sonore impérieuse, Girard-García un peu sous-servi par l'encloisonnement dans un disque, mais on sent toute son élégance néanmoins. D'immenses musiciens à l'œuvre, on l'entend.

Saint-Saëns – Violin Sonata No. 1, Cello Sonata No. 1 & Piano Trio No. 2 – Capuçon, Moreau, Chamayou (Erato 2020)
→ Surtout impressionné par le grain et la présence de Moreau, saisissants. Le son très rond / vibré de Capuçon convient un peu moins bien à Saint-Saëns (surtout la Sonate) qu'aux Brahms et Fauré où il a fait merveille avec sa bande !

♥♥ Magnard – Piano Trio in F Minor / Violin Sonata in G Major – Laurenceau, Hornung, Triendl (CPO) 
→ Merveille, et à quel niveau !  (lyrisme de Laurenceau, et comme Hornung rugit !)

♥♥♥ Clarke – 3 Mvts for 2 violins & piano / Sonates violon-piano : en ré, fragments en sol / Trio Dumka / Quatuor– Lorraine McAslan, Flesch SQ, David Juriz, Michael Ponder, Ian Jones… (Dutton Epoch 2003)
→ Le trio à deux violons et surtout la Sonate en ré sont des sommets de la musique de chambre mondiale, d'une générosité incroyable, et sises sur une très belle recherche harmonique qui doit tout à l'école française.

♥♥ Graener – Trios avec piano – Hyperion Trio (CPO 2011)
→ Lyrique et simple pour la musique aussi tardive, ce fait remarquablement mouche !  (Plus proche de Taneïev que des décadents allemands.)



QUATUORS À CORDES

Beethoven, Quatuor n°1 / Bridge, Novelettes / Chin, Parametastrings – « To Be Loved » – Esmé SQ (Alpha)
→ Très vivante version de l'excellent n°1 (enfin, dans l'ordre d'édition) de Beethoven. (Testées en salle : énergie folle dans le n°11.)
→ Pépiements sympas de Chin.

♥♥♥ Beethoven, Quatuor n°3, Orford SQ (Delos)
→ Superbe détail.
+ Cremona, Takács, Bartók, Jerusalem, Belcea

♥♥♥ Beethoven, Quatuor n°4, Orford SQ (Delos)
→ Pas très tendu, mais remarquablement articulé !
+ Quatuor n°15 : là aussi pas un sommet émotionnel, mais j'aime beaucoup certe individualisation extrême des voix !

♥♥ Arriaga – Quatuors – La Ritirata (Glossa 2014)
→ Très belle lecture sur instruments anciens. Reste un corpus bien plus mineur que ses œuvres orchestrales, d'un jeune romantisme encore assez poliment classique.
→ Le rare Tema variado en cuarteto est en revanche une petite merveille !

♥♥♥ Stenhammar : Quatuors 3 & 4 – Stenhammar SQ (BIS)

♥♥♥ d'Albert – Quatuors – Sarastro SQ (Christophorus)

♥♥ Weigl String Quartet No. 3 // Berg Op.3 – Artis SQ (Orfeo)
→ Richesse et véhémence remarquables de ce corpus sans comparaison avec les pâles symphonies !  Parmi les très grands quatuors du premier XXe siècle.
→ Le Berg est vraiment très beau, d'une tonalité tourmentée.

Weigl
– 5 Lieder pour soprano & quatuor Op.44, Quatuor n°5 – Patricia Brooks, Iowa SQ (NWCRI 2010)
→ Son ancien.

♥♥ Weigl String Quartets Nos. 1 and 5 (Artis Quartet) (Nimbus)
→ Richesse et véhémence remarquables de ce corpus sans comparaison avec les pâles symphonies !  Parmi les très grands quatuors du premier XXe siècle.

♥♥ Weigl – String Quartets Nos. 7 & 8 – Thomas Christian Ensemble (CPO 2017, parution en dématérialisé le 3 juillet 2020)
→ Weigl est donc un grand compositeur… mais certainement pas de symphonies !  Ces quatuors, plus sombres, mieux bâtis, d'une veine mélodique très supérieure et d'une belle recherche harmonique, s'inscrivent dans la veine d'un postromantisme dense, sombre, au lyrisme intense mais farouche, à l'harmonie mouvante et expressive. Des bijoux qui contredisent totalement ses jolies symphonies toutes fades. (On peut songer en bien des endroits au jeune Schönberg, à d'autres à un authentique postromantisme limpide mais sans platitude.)
→ Aspect original, le spectre général est assez décalé vers l'aigu : peu de lignes de basses graves, et les frottements harmoniques eux-mêmes sont très audibles aux violons, assez haut. avec pour résultat un aspect suspendu (le Quatuor de Barber dans le goût des décadents autrichiens…) qui n'est pas si habituel dans ce répertoire.

♥♥ Weingartner – Quatuor n°5, Quintette à cordes –  Sarastro SQ, Petra Vahle (CPO)
→ Rien trouvé de très saillant, à réessayer encore ?
→ trissé. toujours rien.

♥♥♥ Hahn – Quatuors à cordes, Quintette piano-cordes – Tchalik SQ, Dania Tchalik (Alkonost 2020)
→ Encore un coup de maître pour l'élargissement répertoire avec le Quatuor Tchalik !  La sophistication souriante de la musique de chambre de Hahn, où le compositeur a clairement laissé le meilleur de sa production (particulièrement dans ces œuvres, ainsi que dans le Quatuor piano-cordes qui manque ici), se trouve servie avec une ardeur communicative.
→ Le déséquilibre antérieurement noté entre violon I & violoncelle très solistes d'une part (les frères), petite harmonie très discrète d'autre part (les sœurs) s'estompe au fil des années vers un équilibre de plus en plus convaincant. Et toujours cette prise de risque maximale, au mépris des dangers.
→ Grandes œuvres serives de façon très différente des Parisii :(qui étaient plus étales et contemplatifs, plus voilés, moins solistes, très réussis aussi).
→ Saint-Saëns, Hahn, Escaich… en voilà qui ne perdent pas leur temps à rabâcher le tout-venant !  (Merci.)
→ Bissé.

Novák – Quatuor n°3 – Novák SQ (SWR Classic Archive, parution 2017)
→ Très folklorisant et en même temps pas mal de sorties de route harmoniques, sorte de Bartók gentil. On sent la préoccupation commune du temps.

♥♥♥ Scott – Quatuors 1,2,4 – Archeus SQ (Dutton Epoch 2019)
→ Très marqués par l'empreinte française (on y entend beaucoup Debussy, le Ravel de Daphnis également), des bijoux pudiques, d'une sophistication discrète et avenante. Un régal absolu !

♥♥ Bridge, Holst, Goossens, Howells, Holbrooke, Hurlstone –  « Phantasy » – Bridge SQ (EM Records)
→ Goossens impressionnant. Howells frémissant…



AUTRES QUATUORS

Ritter – Quatuors avec basson – Paolo Cartini, Virtuosi Italiani (Naxos 2007)
→ Très joliment mélodique. Moins riche et virtuose que Michl.

B. Romberg:  Variations and Rondo, Op. 18 – Mende, Trinks, Pank & piano (Raumklang 2012)
→  Très beau postclassique.



QUINTETTE

Bax – Quintette avec piano – Naxos

♥♥♥ Scott, Bridge – Quintette avec piano n°1 / en ré mineur – Bingham SQ, Raphael Terroni (Naxos 2015)
→ Beau Quintette de Bridge, splendide de Scott, avec son premier mouvement très… koechlinien-2 !
→ Bissé Scott.



SEXTUOR ET AU DELÀ

♥♥♥ Weingartner – Sextuor pour quatuor, contrebasse & piano / Octuor pour clarinette, cor, basson, quatuor & piano – Triendl (CPO)
→ Complètement fasciné par le Sextuor pour piano et cordes (la pochette dit Septuor à tort). Un lyrisme extraordinaire.
→ bissé

Chabrier – Souvenirs de Munich (arrangement David Matthews pour ensemble) – Membres du Berlin PO, Michael Hasel (Col Legno 2009)
→ Doublures étranges qui accentuent le côté foire de ces réminiscences de Tristan façon quadrille.

Roussel, Koechlin, Taffanel, d'Indy, Messager, Françaix, Chabrier, Bozza, Tansman – musique française pour vents et piano – V. Lucas, Gattet, Ph. Berrod, Trenel, Cazalet (solistes de l'Orcheste de Paris), Wagschal (Indésens 2020)
→ Joli ensemble, pas le meilleur de la production chambriste française (excepté les extraits de la Suite de d'Indy), avec des timbres assez blancs, il existe plus exaltant ailleurs même si le projet est très beau et mérite d'être salué !



HORS DES FRONTIÈRES

♥♥ de Mey – Musique de table – James Cromer, Corey Robinson, Gregory Messa (vidéo culte d'Evan Chapman)




8. SOLOS

nouveautés CD

Froberger – Œuvres pour orgue – Temple Saint-Martin de Montbéliard, Coudurier (BNL)

Folías par Frédéric Muñoz à l'orgue de Guimiliau –  https://www.youtube.com/watch?v=EX8OSpPboz4 (YT 2017)
→ Superbe orgue XVIIe en état de jeu. Pourquoi ne s'en sert-on pas davantage pour les enregistrements, plutôt que des instruments contemporains de la composition (qu'il y avait moins de probabilité de pouvoir jouer à l'époque, car en petit nombre), voire postérieurs ?

Gabrielli, Biber, Young – « Jacob Stainers Instrumente » – Maria Bader-Kubizek, Anita Mitterer, Christophe Coin (Paladino 2020)
→ La Partita 6 de l'Harmonia artificiosa-ariosa est marquante par son vaste air à variations de 13 minutes et son langage un peu original.
→ La parenté des traits de (Domenico) Gabrielli avec les figures des Suites pour violoncelle de Bach reste toujours aussi frappante. (Coin fait merveille dans ce grand solo.)  Elles sont assez bien documentées au disque, ce sont des bijoux.

♥♥ Gabrielli – Œuvres complètes pour violoncelle – Hidemi Suzuki, Balssa, Otsuka (Arte dell'arco 2012)
→ Quels solos bachiens, en plus rayonnants !
→ Bissé.

♥♥ Giuliani – Le Rossiniane – Goran Krivokapić, guitare (Naxos 2020)
→ Réellement des arrangements (virtuoses) de grands airs rossiniens, en particulier comiques (Turco, Cenerentola…), très bien écrits (quel symphonisme !) et exécutés avec une rare qualité de timbre et de phrasé.

Bach, Chorals / Elgar, Sonate 1 / Lefébure-Wély Boléro / Karg-Elert 3 Impressions / John Williams, 3 arrangements de Star Wars – Nouvel orgue de la cathédrale Saint-Stéphane de Vienne, Konstantin Reymaier (DGG 2020)
→ Splendides Bach pudiques sur jeux de fonds, une transcription de Williams réussie, les frémissements du trop rare Karg-Elert, un joli Elgar sérieux inattendu… Superbe récital.





9. MADRIGAL, AIR DE COUR, LIED & MÉLODIE

nouveautés CD


MADRIGAL & AIR DE COUR

♥♥♥ Monteverdi – Combattimento – Beasley & Regenc'hips en concert (YT)

Lanier, Ramsey, Jenkis, Banister, Lawes, Webb, Hilton… – « Perpetual Night » – Richardot, Correspondances, Daucé (HM 2018)
→ Ni les œuvres ni la manière ne me font dresser l'oreille, je l'avoue. Très rond, confortable, contemplatif, le tout manque vraiment d'arêtes, d'événements.

♥♥ Jacquet de La Guerre – Le Déluge – Poulenard, Verschaeve, Giardelli, Guillard (Arion)

Monteverdi, Purcell, Haendel – « Guerra amorosa » – Nigl, Pianco, Ghielmi (Passacaille 2012)

♥♥ Cerutti, Auletta, Tartini, Mayr, anonymes – « Il Gondoliere veneziano » – Holger Falk, Nuovo Aspetto (WDR 2020)
→ Varié et réjouissant, chanté avec verve !

Steffani, Vivaldi, Hahn, Satie… – « Eternity » Kermes & Gianluca Geremia, théorbe (Simone Kermes 2020)
→ Très joli album planant et délicat, sur son propre label. 30 minutes de musique, un format uniquement dématérialisé je suppose.



LIEDER ORCHESTRAUX

♥♥♥ Schubert – An Schwager Kronos (orchestration Brahms)
→ Monteverdi Choir ♥
→ Schroeder, AMSO, Botstein (horriblement engorgé)
→ Steffeb Lachenmann, Brandenburger Pkr, gernot Schulz (mou et pas ensemble)
→ Johan Reuter, SwChbO Dausgaard (orch en folie) ♥♥♥

♥♥♥ Schubert – «  Nacht und Träume » (orchestrations de Berlioz, Liszt, Reger, R. Strauss, Britten) – Lehmkuhl, Barbeyrac, Insula O, Equilbey (Warner 2017)
→ Splendidement chanté, accompagné sur instruments d'époque, un régal.
→ bissé

♥♥ Schubert – Lieder orchestrés par Max Reger – Ina Stachelhaus, Dietrich Henschel, Stuttgarter Kammerorchester, Dennis Russell Davies (MDG 1998)

Schubert – Lieder orchestrés (Liszt, Brahms, Offenbach, Reger, Webern, Britten…) – von Otter, Quasthoff, COE, Abbado (DGG 2003)
→ Orchestrations pas nécessairement passionnantes en tant que telles, même si entendre Schubert dans ce contexxte dramatisé fait plaisir. (Les Webern sont franchement décevants.) 
→ Splendide orchestre (même si direction un peu hédoniste), von Otter un peu fatiguée mais fine, Quashoff à son faîte.
→ Étonnement : les attaques de l'orchestre sont de façon récurrente désynchronisées des chanteurs (pas mal de retards, quelques-fois de l'avance). Typiquement, Die Forelle, Ellens Gesang…
On parle d'Abbado, du COE, de von Otter qui a chanté du R. Strauss à la scène, je ne sais pas trop comment / pourquoi c'est possible. (Je ne vois pas à quoi ça sert si c'est volontaire, pour moi ça ressemble au chef qui attend le phrasé de la chanteuse mais qui réagit un peu tard.)
Peut-être est-ce que l'attaque est au bon endroit mais que le gros du son parvient plus tard. (Mais justement, en principe c'est anticipé par les musiciens, les contrebasses attaquent toujours avec un peu d'avance pour cette raison.)

♥♥♥ Fried – Die verklärte Nacht – Ch. Rice, Skelton, BBCSO, Gardner (Chandos 2021)
Chef-d'œuvre absolu du lied orchestral décadent, tout en vapeurs, demi-teintes et éclats aveuglants, cette Nuit transfigurée bénéficie à présent d'une seconde version, aux voix très différentes (Rice plus charnue et timbrée, Skelton plus sombre) et à la direction très lyrique. Je conserve ma tendresse pour Foremny qui privilégie le mystère initiatique plutôt que les couleurs orchestrales (et la clarté éclatante de Rügamer dans la transfiguration est un bonheur sans exemple !), mais disposer d'un second enregistrement, et de niveau aussi superlatif, est absolument inespéré – et quoique dès longtemps attendu.
→ Parution en janvier 2021, mais les chanteurs ont déjà fait fuiter sur les comptes YouTube respectif la plupart des pistes vocales…
→ (déjà écouté une dizaine de fois)

♥♥♥ Fried – Die verklärte Nacht – Foremny
→ (réécouté à peu près autant de fois le mois passé…)

♥♥ Schoeck – Nachhall – Arthur Loosli, ChbEns Radio de Berne, Theo Loosli –  (Jecklin 2015)
→ Tout est plus clair, l'orchestre (moins dramatique, certes), le chant…

♥♥ Schoeck – Nachhall – Hancock, AmSO, Botstein (AmSO)
→ Splendide ambiance de fin du monde mélancolique.

♥♥♥  Fefeu & Gérard Demaizière – L'An 1999 – François Juno (RGR 1979)
→ et diverses parodies (version metal, version symphonique, version épique…), voire son interprétation imaginaire de Quelque chose en nous de Tennessee…



LIED & MÉLODIE

Schubert, Spohr, Weber, Giuliani – Lieder arrangés  avec guitare – Olaf Bär, Jan Začek (Musicaphon 2007)

♥♥ Beethoven – Lieder (An die ferne Geliebte) – Bär, Parsons (EMI 1993)

♥♥♥ Beethoven, Schubert, Britten… – « I Wonder as I Wander » – James Newby, Joseph Middleton (BIS 2020)
→ Splendide voix de baryton-basse, mordante, clairement dite, sensible aux enjeux dramatiques, aussi à l'aise dans la demi-teinte a cappella des Britten que dans la gloire mordante des poèmes les plus expansifs. Grand liedersänger très à son aise ici, et une fois de plus très bien capté par BIS.

♥♥♥ Beethoven ferne Geliebte, Schubert, Rihm – « Vanitas » – Nigl, Pashchenko (Alpha)
→ Accompagné sur piano d'époque.
→ Emporté d'emblée par les mots et le phrasé de cette ferne Geliebte ; splendeur de cette voix claire et souple, adroitement mixée et extraordinairement expressive (Beethoven !).
→ Concentration et la clarté de cette voix assez incroyables, on dirait un représentation de l'époque glorieuse des années 50-60, j'entends la concentration du son des très grands ténors d'autrefois (quelque part entre Cioni et Tino Rossi pour l'allègement délicat).
→ (Mais je ne comprends pas pourquoi il est noté baryton, c'est assez clairement un ténor pour moi, même s'il chante dans des tessitures centrales… Peut-être l'équilibre harmonique de la voix est-il différent en personnel.)
→ Et tout cela lui permet une finesse d'expression assez extraordinaire. (Rihm très réussis, je ne suis pas sûr que cet univers un peu raréfié m'aurait autant séduit sinon !)

♥♥ Schubert – Die junge Nonne
→ Ameling, Baldwin ♥♥
→ Ludwig, Gage

♥♥ Mahler – Wundherhorn – Gerhaher, Huber (RCA)

Mahler – Ruckert-Lieder / Des Knaben Wunderhorn– Bauer, Hielscher (Ars Musici 2003)
→ Voix vraiment claire, manque d'assise et d'incarnation pour une fois !

♥♥ Schoeck – Notturno – Gerhaher, Rosamunde SQ
→ Gerhaher très peu vibré, un peu sophistiqué, mais remarquable. Le grain du quatuor est fantastique.

Mitterer – Im Sturm – Nigl, Mitterer (col legno 2013)
→ Très mélodique (et le naturel de Nigl !), sur poèmes romantiques, avec bidouillages acousmatiques un peu stridents (trop proches dans la captation, on reçoit tout dans les oreilles sans distance) mais pas déplaisants.
→ Beaucoup de citations (Ungeduld de la Meunière), quasiment de l'a cappella avec des effets atmosphériques autour… Fonctionne très bien grâce à l'incarnation exceptionnelle de Nigl !




nouveautés CD

LISTE D'ÉCOUTES à faire – nouveautés

→ reich eight lines
→ philippe leroux : nous par delangle (BIS)
→ Ch Lindberg
→ kontogiorgos, kaleidoscope pour guitare
→ adiu la rota
→ australian music two pianos « the art of agony »
→ elisabetta brusa ulster O
→ rossini matilde di shabran passionart O
→ haydn messe st tolentini naxos

→ vivaldi argippo eura galante
→ fürchtet euch nicht
→ letters chamber choir ireland
→ stanford chamber somm
→ alcione Marais
→ arte scordatura
→ trios alayabiev glinka rubinstein, brahms Trio (naxos)
→ martynov : utopia
→ boesmans & cornet à bouquin

→ asperen louis couperin
→ tabarro puccini janowski jagde
→ quartetto cremona : italian postcards
→ dmytro popov hymns of love
→ gurrelieder thielemann
→ Schubert: Lieder (orchestrations de Mottl, Britten, Liszt, Brahms, Berlioz, Strauss, Reger, Webern...)/Barbeyrac, Lehmkuhl, Equilbey
→ mahler lied erde bloch

(plus tous les autres des listes précédentes…)



nouveautés CD

LISTE D'ÉCOUTES à (re)faire – autres

→ Christie Combattimento
→ symphs Romberg
→ Bruch symphs
→ legrenzi sedecia
→ legrenzi missa lauretana
→ LEGRENZI, G.: Concerti musical per uso di chiesa, Op. 1 (Oficina Musicum Chorus, Favero)

→ GOOSENS, E.: Violin Sonata No. 1 / HURLSTONE, W.: Violin Sonata in D Major / TURNBULL, P.: Violin Sonata in E Minor (Mitchell, Ball)
→ Chamber Music - LALLIET, C.-T. / POULENC, F. / RACHMANINOV, S. / RAVEL, M. (Trio Cremeloque)
→ BACH, C.P.E.: Oboe Concerto, Wq. 164 and 165 / Solo, Wq. 135 (Ebbinge, Amsterdam Baroque Orchestra, Koopman)
→ wellesz symph 1
→ alwyn symph 3
→ křenek symph 2
→ oratorium fanny
→ farrenc sextuor & trio
→ schoeck notturno bär
→ froberger moroney org robert-dallam de lanvellec

→ lebendig begraben

→ bax 2 lloyd ou lyrita

→ rééd rückert minton boulez
→ coin
→ mosaïques SQ der Beeth

→ Blancrocher - L’Offrande. Pièces de Froberger, Couperin, Dufaut et Gaultier:
→ forqueray intégral devérité & friends, rannou…

→ schoeck nathan berg griffiths) + opéras
→ lalande laudate
→ bär gelibte

→ Lamia de Dorothy Howell

→ vivaldi baiano cctos clvcn
→ holger falk + nigl + newby

→ Lugansky franck debussy

→ Rawsthorne McCabe, Hoddinott,  Mathias.   Bate et Benjamin, coles. swayers.
→ Solemnis gardiner

→ A. Rawsthorne, Symphony No. 2
→ reutter op.58,56,jahreszeiten
→ Robert Simpson, Symphonie n°9, Bournemouth SO, Vernon Handley.
→ rubbra ccto pia
→ Coles : je réécoute les Four Verlaine Songs pour la dixième fois aujourd'hui, c'est véritablement renversant.
→ e préfère moi aussi la No. 2 de Boughton et pas qu'un peu,

→ stephan sieben saiteninstrumente, horenstein ensemble ( et suite pour quatuor de butterworth)
→ Michel dens
→ Goublier - Mélodies lyriques populaires (6) : baryton, choeurs, et Orchestre - Michel Dens - HD

→ The Primrose Piano Quartet : Hurlstone, Quilter, Dunhill, Bax
→ BRITISH PIANO QUARTETS : Mackenzie, Howells, Bridge, Howells, Stanford, Jacob, Walton (The Ames Piano Quartet)
→ Viola Sonatas, Idylls & Bacchanals : McEwen, Maconchy, Bax, Jacobs, Rawsthorne, Milford, Leighton (Williams/Norris)

(plus tous les autres des listes précédentes…)




… et voici pour la dernière livraison de l'année 2020, deux ans complets de traque aux pépites nouvelles – et il y en a beaucoup, même en mettant l'accent sur les répertoires délaissés ou les interprétations hors du commun !

Je n'ai pas encore décidé si je poursuivais l'aventure en 2021 : je fais ce repérage pour moi-même, mais la mise en forme lisible prend à chaque fois plusieurs heures, et j'ai plusieurs séries de notules que j'aimerais davantage achever, poursuivre ou débuter. Je me disais que ce pouvait être utile, puisque j'écoute beaucoup et laisse des traces écrites, mais en fin de compte, devant la masse, je crains de noyer mes lecteurs plus que de les éclairer. Et cela suppose aussi que mon agenda soit gouverné par les parutions plutôt que par ma fantaisie (ce qui n'est pas bien).

Ce qui est sûr, c'est que je n'aurai pas le temps de faire la remise des prix des disques de l'année. Ce serait absurde de toute façon : même en choisissant un disque par genre et par époque, je serais obligé de trancher de façon parfaitement arbitraire. Il y a beaucoup de choses à découvrir, avec leurs commentaires à chaque fois, aussi je vous invite, si vous souhaitez façonner votre propre bouquet, à remonter la piste du chapitre correspondant dans CSS, et à faire votre choix parmi les disques mentionnés en bleu-violet ou 2-3 cœurs !

Si jamais vous vous interrogiez sur la conclusion l'année Beethoven, j'ai ici commis une petite suite de tweets où je relève ce qui m'a paru marquant, en classant par genre – et en incluant les disques traitant des contemporains, puisqu'il y a eu beaucoup de parutions majeures autour de Salieri / Rejcha / B. Romberg / Hummel / Moscheles que vous seriez fort avisés de ne pas négliger… (En revanche, il y eut extrêmement peu de raretés du catalogue de Beethoven à proprement parler.)

Belles explorations à vous, et à bientôt, sous d'autres formats sans doute !

mardi 17 novembre 2020

Le défi 2020 des nouveautés – épisode 15 : trios de référence, cycle RVW, Garanča apprivoisée, diamants brésiliens, Charpentier ultramontain, Verdi gallican


L'enfermement favorisant l'exploration discographie, une nouvelle et prompte livraison s'imposait.

winterreise_nawak.jpg

Du vert au violet, mes recommandations… en ce moment remplacées par des .
♦ Vert : réussi !
♦ Bleu : jalon considérable.
♦ Violet : écoute capitale.
♦ Gris : pas convaincu. ♠
(Les disques sans indication particulière sont à mon sens de très bons disques, simplement pas nécessairement prioritaires au sein de la profusion de l'offre.)

En rouge, les nouveautés 2020 (et plus spécifiquement de l'automne).
Je laisse en noir les autres disques découverts.
En gris, les réécoutes de disques.



nouveautés CD

OPÉRA


Haendel – Rinaldo – Aspromonte, Galou, Luigi De Donato ; Accademia Bizantina, Dantone
→ Déçu par cette lecture assez terne d'un des plus beaux seria de Haendel : Dantone a toujours été  un accompagnateur probe qu'un inventeur de textures, mais ici, sans le renfort du drame, c'est assez frustrant. D'autant plus qu'Aspromonte blanchit terriblement dans le seria (c'est dans le XVIIe déclamatoire qu'elle fait merveille), que Galou est dans un jour peu propice (ou bien est-ce l'aspect héroîque du rôle, à rebours de sa personnalité vocale ?)… il n'y a que Luigi De Donato qui, comme d'habitude (cf. le récent Samson d'Alarcón dans la livraison précédente, n°14), impose présence et mordant charismatiques. Dommage, l'œuvre mérite vraiment une discographie abondante et il y a encore de la place pour de nouvelles propositions…

[vidéo en direct de l'Opéra-Comique] : Rameau, Hippolyte & Aricie, Pichon (avec Elsa Benoit, Mechelen, Brunet…)
→ Orchestre splendide (ampleur, couleurs, énergie), œuvre toujours aussi peu passionnante pour moi, livret misérable, et voix qui vibrent quand même beaucoup pour ce répertoire (Benoit était fulgurante dans la Dame Blanche).

♥♥♥ Auber – Les Diamants de la Couronne – Raphanel, Einhorn, Arapian, Médioni ; Colomer (Mandala)
♥♥♥ Auber – Les Diamants de la Couronne – Raphanel, Einhorn, Arapian, Médioni ; Colomer (vidéo de la même production, Compiègne)
→ Sommet du livret haletant (merci Scribe) et d'une musique divertissante pourtant pleine de modulations, d'ensembles travaillés, de surprises… Un des plus beaux opéras comiques jamais écrits. (Peut-être même le plus beau en langue française…)  Distribution fabuleuse et orchestre audiblement passionné. Mise en scène tradi pleine de vie.

♥♥ Donizetti – Lucia di Lammermoor (Sextuor) – Rost, Ford, Michaels-Moore, Miles, Hanover Band, Mackerras
→ Ma version chouchoute (instruments anciens, vivacité)… version française exceptée évidemment.
Autres écoutes :
López-Cobos (Caballé, Carreras, Ramey)
Bonynge (Sutherland, Pavarotti, Milnes)

♥♥♥ Verdi – Rigoletto (extraits en français) – Robin, Michel, Maurice Blondel, Dens, Depraz, Noguera ; Opéra de Paris, Dervaux (Marianne Mélodie publication 2013)
→ Des fulgurances et des étrangetés dans la traduction… étonnant comme le mot juste qui éblouit alterne avec les laborieuses maladresses prosodiques (ou affadissements inutiles du sens). Exécution foudroyante.
→ trissé

♥♥ Verdi – Traviata (extraits en français) – Robin, Finel, Dens ; Opéra de Paris, Dervaux (Marianne Mélodie publication 2013)
→ Le livret est assez mutilé par les pudibonderies fadissimes de la traduction, mais entendre cette qualité de chant et d'incarnation demeure inestimable, et dans un français sublime.
→ trissé

Verdi – Le Trouvère (extraits en français) –  Juyol, Laure Tessandra, Poncet, Dens ; divers orchestres, Delfosse / Etcheverry / Dervaux (Marianne Mélodie publication 2013)
→ bissé

Verdi – Aida – Milanov, Thebom, Del Monaco, London, Hines ; Met, Cleva (Pristine)
→ Surtout remarquable par l'ardeur orchestrale (et bien disciplinée pour le Met de l'époque !). Mais si l'on veut le Del Monaco le plus sonore et glorieux, clairement la bonne adresse – je l'aime davantage, plus fragile et approfondi, plus tard.

Verdi – Aida (extraits en français) – Irène Jaumillot, Élise Kahn, Poncet, Borthayre (x2), Koberl ; Orchestre inconnu, Robert Wagner (Marianne Mélodie publication 2013)
→ bissé

♥♥ Verdi – Otello (extraits en français) – Jeanne Segala, Thill, José Beckmans ; Opéra de Paris, François Ruhlmann (Marianne Mélodie publication 2013)
→ trissé

♥♥ Offenbach – Barbe-Bleue – Séchaye, Vidal, Félix… ;  Opéra de Rennes, Campellone (plan fixe d'archives)

♥♥♥ Offenbach – Barbe-Bleue – Mas, Beuron, Mortagne ; Pelly, Opéra de Lyon (vidéo France 2, diffusion 2020)

Prokofiev – Guerre & Paix – Markov, Stanislavsky… (vidéo du Stanislavsky 2020)
→ Pas la soirée la plus voluptueuse musicalement ni inspirée scéniquement, mais très belles voix des jeunes premiers.



nouveautés CD

MUSIQUE DE SCÈNE / BALLETS

Delibes – Ballets Sylvia, La Source, Coppélia – N. Järvi (Chandos)
→ Pas le plus marquant de Delibes, mais contenu de ploum-ploum plutôt magnifié par le grand geste unifiant de Järvi.

Grieg – Peer Gynt, les 2 Suites – Bergen PO, Ruud (BIS)
→ Un peu déçu à la réécoute, pas aussi singulier et coloré – ou bien était-ce davantage le cas dans la musique de scène totale par les mêmes ?

♥♥ Schmitt – Oriane & le Prince d'Amour, Tragédie de Salomé, Musique sur l'eau, Légende – Susan Platts, Nikki Chooi ; Buffalo PO, Falletta (Naxos 2020)
→ Passionnant ensemble de raretés (des premières ?) de Schmitt. Outre l'incontournable suite de Salomé (les pas d'action sont supprimés et le tout réorchestré pour très grand orchestre), que je trouve admirablement interprétée par Buffalo-Falletta, dont je n'avais pas de tels souvenirs d'excellence et de style (plus massifs et moins finement articules), on y rencontre la précieuse Oriane, une mélodie avec orchestre qui tire un réel profit des qualités de sophistication et de naturel conjugués dont peut faire preuve Schmitt !

Vaughan Williams – Job – Bergen PO, Andrew Davis (Chandos 2017)
→ Moins intéressé dans cette version (par rapport à Hallé-Elder présenté dans la livraison n°14), plus lisse, plans moins détaillés pour une œuvre déjà étale et homogène.



nouveautés CD

MUSIQUE SACRÉE

Beretta, Merula, Cazzatti, Giambelli, Benevolo, Cavalli, Charpentier – Messes à chœurs multiples – Correspondances, Daucé (HM)
→ Il manque hélas les deux plus belles pièces de la tournée de concerts (de Legrenzi, évidemment), mais pour le reste, ce tour de la moitié Nord de l'Italie autour des messes et motets à chœurs multiples est un enchantement : découverte de traitements variés, du plus hiératique (Cavalli évidemment, toujours le dernier de la classe celui-là) aux irisations de Beretta. Rarissime, passionnant, très convaincant.
→ Le résultat semble avoir beaucoup mûri depuis les concerts de 2017 (entendu pour ma part dans l'acoustique peu favorable de la Seine Musicale) : j'avais été frustré par le choix de Daucé de magnifier les coloris au détriment de la danse dans ce Charpentier (qui n'est déjà le meilleur de son auteur en termes d'audace et de personnalité)… alors qu'ici, avec encore plus de chatoyances (infinies, réellement), l'impression de mobilité n'est jamais prise en défaut. Grand disque, même pour la version du Charpentier.

♥♥♥ Charpentier – Méditations pour le Carême – Camboulas (Ambronay)
→ Déjà présenté. Et notule en préparation.

♥♥♥ Campra – Exaudiat te Dominus, De Profundis – Christie (Erato)
→ Tantôt guerrier, tantôt tendrement méditatif, un chef-d'œuvre servi par les meilleurs !

♥♥♥ Beethoven – Missa Solemnis – Hanover Band, Kvam (Nimbus)

Berlioz – L'Enfance du Christ, arrivée à Saïs – Graham, Le Roux ; OSM, Dutoit (Decca)
→ Sympa, mais il existe tellement mieux.

Mendelssohn – Church Music, Vol. 2 - Vom Himmel hoch / Ave maris stella / Te Deum in D Major (Bernius) (Carus)
→ Un peu servilement du néo-Bach, sur cet album. Chœur et orchestre de Bernius un peu plus ternes qu'à l'habitude aussi.

♥♥ Mendelssohn – Church Music, Vol. 3 - 3 Psalms / Christus / Kyrie in D Minor / Jube Domine / Jesus, meine Zuversicht (Stuttgart Chamber Choir) (Carus)

Mendelssohn – Church Music, Vol. 6 - Psalm 115 / O Haupt voll Blut und Wunden / Wer nur den lieben Gott lasst walten (Bernius) (Carus)

♥♥♥ Mendelssohn – Chœurs sacrés Op. 39, 115, 116, Te Deum, Herr sei gnädig… Vol.7 – Bernius (Carus 2006)
→ Collection de merveilles riches et épurées… un sérieux candidat pour la livraison 1830 d' « Une décennie, un disque ».

Bruckner – Motets – Chœur de la Radio Lettonne, Kļava (Ondine 2020)
→ Belle version où l'on retrouve à la fois les motets bien connus et les sopranos mêlant voix lyriques et techniques droites « de cristal », caractéristiques de la Radio lettonne.
→ Belles lectures apaisées, même si ma préférence va à des chœurs encore plus ecclésiaux (St Mary's d'Édimbourg, cathédrale de Bergen) ou dotés de courbures plus généreuses (Collegium Vocale de Gand) – par exemple.



nouveautés CD

CONCERTOS

Mozart – Concertos pour hautbois et basson – Koopman
→ Très beau et fin, même si désavantagé par la facture qui lime l'impact des solistes et les places toujours à la frontière du refus d'obstacle !

♥♥ Martinů – Concertos pour violon 1 & 2 // Bartók, Sonate pour violon solo – F.P. Zimmermann, Bamberg SO, Hrůša (BIS)
→ Le premier d'un postromantisme tourmenté (comme « soviétisé »), le second typique des coloris orchestraux néoclassique. Pas du niveau des concertos pour violoncelle, mais change considérablement des habitudes. La virtuosité n'y empêche pas la musicalité, a fortiori avec Zimmermann qui ne cherche pas la chatoyance facile et mise tout sur l'élan irrésistible de son discours !
→ Pas particulièrement marqué par Bamberg-Hrůša-BIS, pourtant tiercé de chouchous, mais j'ai peu écouté ces œuvres, je ne mesure pas nécessairement à quel point ils en tirent le meilleur.
→ (J'ai distraitement écouté le Bartók, désolé.)

John Williams – Concerto pour basson – Robert Williams, Detroit SO, Slatkin (Naxos single)
→ Sans être le chef-d'œuvre ultime, l'un des tout meilleurs concertos pour basson.




nouveautés CD

SYMPHONIES & poèmes orchestraux

Schubert – intégrale des Symphonies – Chamber Orchestra of Europe, Harnoncourt (ica / COE, publié en 2020 mais capté en 1988)
→  Parution d'un concert inédit de 1988, qui paraît moins essentielle alors que depuis dix ans, les parutions de verisons « musicologiques » des symphonies de Schubert se sont multipliées, avec des propositions très stimulantes ou plus radicales qu'ici.
→ Pour autant, l'association produit de belles choses, le chant des cuivres, les sforzati secs mais non excessifs dans cette acoustique réverbérée, les beaux aplats de cordes. Loin de l'Harnoncourt débordant de couleurs de la dernière période, mais une belle lecture, à défaut d'être désormais prioritaire.

Berlioz – Sara au bain pour chœur, quelques mélodies irlandaises orchestrées – OSM, Dutoit (Decca)
→ Captation assez lointaine et floue, dommage. Les pièces, avec le chœur vraiment moyen de l'OSM ou les chanteurs peu idiomatiques, ne sont pas servies au mieux – alors qu'il y a des merveilles, et que Dutoit-OSM ont montré leur valeur dans ce répertoire.

Berlioz –  Roméo et Juliette – Dragojević, Staples, Miles ; Radio Suédoise, Ticciati (Linn 2016)
→ Limpide, du côté d'un Berlioz fin et épuré, pas du tout son versant coloré et sauvage. (Pour la force intérieure, privilégier Ozawa, et Dutoit pour la couleur.)

♥♥♥ Czerny – Symphonie n°1 – Frankfurt (Oder), Athinäos (Christophorus)

♥♥♥ Roth – Symphonie en mi – Rückwardt

♥♥♥ Bowen – Symphonies 1 & 2 – Andrew Davis (Chandos)

♥♥♥ H. Andriessen – Libertas venit – PBSO Enschede, Porcelijn (CPO)
→ Quelle sombre épopée, mi-grandiose, mi-intérieure… !

♥♥♥ Graener – Variations orchestrales sur « Prinz Eugen » – Philharmonique de la Radio de Hanovre, W.A. Albert (CPO 2013)
→ On ne fait pas plus roboratif… mon bonbon privilégié depuis deux ans que je l'ai découvert par hasard, en remontant le fil depuis le dernier volume de la grande série CPO autour du compositeur (concertos par ailleurs tout à fait personnels et réussis).

Vaughan Williams – Symphonie n°2 – Hallé O, Elder (Hallé)
→ Transparence debussyste très bienvenue dans cette symphonie contemplative à laquelle je trouve, ainsi, de très belles qualités.

Vaughan Williams – Symphonie n°3 – LSO, Hickox (Chandos)
→ Remarquablement articulé, comme toujours (avec fond un peu brouillé à cause de Chandos, mais tout est très audible, capté de près), superbes gradations.

Vaughan Williams – Symphonie n°3 (premier mvt)
¶ LPO, Norrington (Decca 2017) *
→ Captation un peu frontale et dure.
New Philharmonia, Boult (EMI) *** **
→ Détaillé, tranchant et debussyste, superbe pensée.
LPO, Haitink (EMI)  *** *
→ Calme, mais très bien équilibré.
LSO, Hickox (Chandos) *** *** *
→ Remarquablement articulé, comme toujours (avec fond un peu brouillé à cause de Chandos, mais tout est très audible, capté de près), superbes gradations.
¶ Hallé O, Elder (Hallé) *** ***
→ Superbe lisibilité et aération, assez statique alla Faune
LPO, Boult (Decca) **
→ Prise de son un peu ancienne, par blocs, mais toujours très beau détail.
LSO, Previn (Sony) ***
→ Beau, un peu étale et hédoniste, frémissements intéressants, fond un peu brouillé.

Vaughan Williams – Symphonie n°4 – Atlanta SO, Spano (ASO Media)
→ Superbe réalisation plastique qui rend moins suffocante l'atmosphère, sans renoncer à la tension. (On peut considérer que c'est passer à côté du propos, mais ça correspond bien à ce dont j'ai besoin, n'aimant pas trop le paroxysme permanent et terrifiant de cette symphonie.)

Vaughan Williams – Symphonie n°4
¶ Philharmonique de ?, Mitropoulos (Music & Arts)
→ Énergie débordante et sale, impressionnant. Sonne tellement Chostakovitch (en plus nourrissant).
¶ New Phia, Boult II (EMI)
→ Cuivres vraiment pouêt-pouêt anglais, mais cassant et impressionnant, véritable énergie.
¶ Atlanta SO, Spano (ASO Media)
→ Très rond, mais est-ce le but ?
¶ NYP, Bernstein (Sony)
→ Lent et écrasant.

Vaughan Williams – Symphonie n°5 – Royal PO, Menuhin (Virgin)
→ Cordes très phrasées, comme toujours. (Un peu trop pour cette symphonie suspendue, sans réelle prépondérance thématique ?)

Vaughan Williams – Symphonie n°5 – Brandebourg StO, Hilgers (Genuin)
→ Très lisse, un peu impavide, déçu malgré les colorations toujours exceptionnelles de la petite harmonie de Frankfurt sur l'Oder…
(puis Philharmonia & Collins chez BIS, pas beaucoup de relief non plus malgré la belle prise de son)

♥♥♥ Diamond – Symphonies 2 & 4 – Seattle SO, Schwarz (Naxos)
→ Toujours aussi motorique, roboratif et exaltant !



nouveautés CD

MUSIQUE DE CHAMBRE

♥♥ Michl – Quatuors avec basson (Naxos)

♥♥ Beethoven – 6 Trios piano-cordes Op.1, Op.70, Op.97 – Trio Sōra (Naïve)
→ Très belle anthologie (manquent l'opus 11 qui existe aussi avec clarinette, l'opus 38 qui transcrit le Septuor, ainsi que la réduction de la Deuxième Symphonie, toutes des pièces de moindre importance que les 6 présents ici), interprétée avec l'ardeur admirable qu'on leur connaît. Profondeur de son, piano à la belle finesse de touche jusque dans les traits périlleux, et structurant le discours, violoncelle intense…
→ Deux petites réserves qui ne tiennent pas à l'interprétation en tant que telle : d'abord la lassitude qu'impose la suite de ces trios très similaires – et qui n'ont ni la variété ni la profondeur des Sonates pour piano ou Quatuors à cordes du Grand Sourd. J'aurais aimé avoir l'Op.1 n°1 et l'Archiduc couplés par exemple avec les Wieck-Schumann et Mendelssohn-Hensel qu'elles promeuvent formidablement en concert, ou leur Chausson, ou le contemporain (Kagel, des compositrices…) qu'elles servent magnifiquement.
→ Seconde réserve, un peu injuste, mais depuis le départ de leur violoniste Magdalena Geka (pour l'ONDIF), l'équilibre du trio s'est redistribué, plutôt autour de Pauline Chenais au piano, qui assure fabuleusement ce rôle, mais la personnalité généreuse des cordes se trouve bridée par ce nouvel agencement, ne leur permettant pas la même expansivité, et je ne peux m'empêcher de le regretter en les entendant.
→ Pour autant, si l'on n'écoute pas ce disque pour ce qu'il ne veut pas (un programme équilibré plutôt qu'une monographie) ou ne peut pas (l'ancienne équipe) être, c'est là une très, très belle et lecture des œuvres présentées, pleine de panache et d'une finistion remarquable.

Schubert – « In Stille Land », lieder pour quatuor à cordes (sans voix) + Quatuors 6 & 14 – Signum SQ (PentaTone)
→ Beaux lieder (pas les plus marquants, et la Jeune Fille & la Mort simplement dans sa première partie !), démarche originale. Tout est joué comme soufflé, susurré, de façon assez poétique et convaincante.
→ Le 6 (un de ses très beaux de jeunesse) est remarquablement joué, le 14 claque dans ses paroxysmes (mais la tension baisse brusquement dans les moments plus calmes). Une très très belle version de plus, qui aurait révolutionné la discographie il y a vingt ans, et qui aujourd'hui s'ajoute aux propositions superlatives des Jerusalem, Ehnes, Cremona, Leipziger, Debussy, Novus…

♥♥ Cherubini – Quatuors 3,4,5,6 – Venezia SQ (Decca)
→ Très beau, équilibré, détaillé dans une veine traditionnelle qui respire remarquablement entre les pupitres. (Un peu moins impressionné par les œuvres à la réécoute, en revanche.)

Fanny Mendelssohn-Hensel – Quatuor – Asasello SQ (CAvi)
Fanny Mendelssohn-Hensel – Quatuor – Ébène SQ (Virgin)

Schumann – Quatuor n°3 – Kuijken SQ
→ Très décevant : pas du tout tranchant, et assez mou, toujours doux et ne claque jamais, même dans les paroxysmes du scherzo – j'ai peut-être été trop bien habitué par les jeunes quatuors !

Schumann – Quatuor n°3 pour piano quatre mains – Duo Eckerle (Naxos)
→ Survol. Toute tension est perdue, pas intéressant (et interprétation assez molle).

♥♥♥ Arenski, Chostakovitch, Mendelssohn – Trios n°1 – Trio Zeliha (Mirare)
→ Trois chefs-d'œuvre ultimes, dont le rare Arenski, d'où émane une générosité thématique russe au carré, à la façon de ce que fait Kalinnikov dans la symphonie. La structure et l'harmonie ne sont pas aussi inventives que chez Tchaïkovski, mais l'expansivité mélodique y est réellement comparable. L'étonnant Chostakovitch de jeunesse demeure tout aussi grisant par ses poussées de sève à la fois conquérantes et désolées. Quant au sommet de sombre fièvre que constitue le trio de Mendelssohn, on l'aura peu souvent entendu aussi généreux et lisible.
→ Dans un son pur à la française, le Trio Zeliha se distingue, pour chaque pupitre, par une netteté, un charisme, un abandon absolument hors du commun, du diamant soyeux… Ce n'est ni très russe, ni très allemand, mais le discours de chaque pièce semble porté à son point d'ébullition, là où la musique nous renverse par delà les styles – avec une sobriété d'exécution qui leur fait honneur, a fortiori à leur âge, dans un répertoire qui appelle facilement l'emphase.
→ Je les ai entendus jouer ce programme en salle, une des grandes expériences de ma vie de mélomane. Je n'ai tout simplement jamais entendu un trio, en plus de son grand élan collectif, qui soit à ce point à un tel niveau individuel (Galy, Quennesson, Gonzales Buajasan) dans chaque partie. Rare d'avoir une violoniste aussi intouchable techniquement, un violoncelliste avec un tel grain, un pianiste à ce point souple dans les nuances et intégré au discours… Ma crainte est donc que les offres avantageuses d'une carrière soliste ne finissent bientôt par les séparer.
→ (Je ne sais pas ce qui s'est passé avec la pochette.)

♥♥ Debussy – Quatuor, les 3 Sonates – Orlando SQ (Accord)

Goldmark – Quintettes piano-cordes Op.30 & 54 – Quatuor Sine Nomine, Triendl (CPO)

♥♥♥ Weingartner – Sextuor pour quatuor, contrebasse & piano / Octuor pour clarinette, cor, basson, quatuor & piano – Triendl (CPO)
→ Complètement fasciné par le Sextuor pour piano et cordes (la pochette dit Septuor à tort). Un lyrisme extraordinaire.
→ bissé

Schoeck – Sonate pour clarinette basse & piano – Henri Bok, Rainer Maria Klaas (Clarinet and Saxophone Classics 1999)
→ Étrange influence rhapsodique et déhanchée du jazz sur du Schoeck !  Capté de trop près, timbres assez vilains des instruments. Se trouve aussi, en version orchestrée par Willy Honegger, dans le disque Venzago contenant notamment la version ultime de Besuch in Urach (avec Rachel Harnisch, en version orchestrale).

N. Boulanger, Stravinski-Piatigorski, Piazzolla, Carter – « Dear Mademoiselle », violoncelle & piano – Astrig Siranossian, Nathanaël Gouin, Daniel Barenboim (Alpha)
→ Bel album original d'hommage à Nadia Boulanger. Je n'ai pas totalement été saisi par les œuvres, mais le plaisir de la rencontre est grand, avec un violoncelle aux teintes très mélancoliques. Les Boulanger sont même accompagnés par Barenboim, que je suis stupéfait de retrouver dans un répertoire si peu couru, comme accompagnateur d'une jeune artiste et sur un label moins internationalement exposé – de plus humbles que lui auraient refusé !  Occasion aussi d'écouter Gouin, fabuleux pianiste (voir ses récents Bizet) et la rare Sonate de Carter, qui hésite entre romantisme, atonalité et jazz.

♥♥♥ Takemitsu – Bryce, Toward the Sea I… – Aitken (Naxos)



nouveautés CD

PIANO SOLO

Beethoven – Sonate pour piano n°4, écoute comparée
→ Say, Nat, Goode, Buchbinder II, Grinberg, Pommier, Kovacevich, Bellucci, Barenboim DGG, Lortie, Barenboim 2020, Backhaus II, Bilson, Barenboim 66…
(Choisi seulement des grandes versions. Placées dans mon ordre d'appréciation personnel, les six premiers, et plus singulièrement les trois, m'éblouissant tout à fait.)

♥♥♥ Beethoven – Complete Piano Sonatas – Fazil Say (Warner)
(pour l'instant écouté les 1-2-4-5-6-7-27-28-29-30-31)
→ Poursuite de l'écoute amorcée il y a quelques mois lors de la parution.
→ Outre l'aisance de Say dans les plus redoutables défi techniques, on bénéficie aussi d'une riche palette harmonique, où la résonance remplit réellement les interstices de la musique, tout en restant d'une limpidité exemplaire (à laquelle la prise de son rend justice). À l'usage ces derniers mois, je n'ai pas trouvé version qui magnifie mieux l'ambition et l'ardeur de ces pages, et avec une telle qualité de réalisation. Beaucoup de pédale, mais toujours pour créer des rencontres harmoniques, jamais par réflexe ou paresse. Seul défaut (il y en a toujours un) : le micro étant proche, Say grogne beaucoup pendant les mouvements rapides avant de frapper les accords, c'est un peu impatientant dans les sonates de facture plus classique du début du corpus.

♥♥ Beethoven – Sonates pour piano n°28, 30, 32 – Lugansky (HM 2020)
→ Toujours ce toucher incroyablement présent et plein, avec ce sens du phrasé qui permet de donner du liant très bienvenu aux âpretés de Beethoven. On sent la grande maturation – il jouait peu Beethoven, dans sa jeunesse, à l'époque où je suivais ses concerts de plus près.
→ 28 sublime. 32 acérée, presque dure, très animée et découpée, d'une tension remarquable. 30 davantage dans la norme du très haut niveau.
→ Sonne avec une qualité d'attaque légèrement dure et cristalline, une palette harmonique compacte qui évoquent les pianos d'époque.

Schumann – Fantasiestücke Op.12
¶ Nat (3 premiers chez Documents)
¶ Frankl

♥♥ Schumann – Fantasiestücke Op.12 & Intermezzi Op.4 – Daniela Ruso (Amadis)
→ Captation sèche et proche, mais superbe son, jeu très découpé et charismatique !  Pour  des œuvres de  qui ne sont pas les plus jouées, mais pas les moins inspirées de son auteur !




nouveautés CD


LIED & MÉLODIE

Schubert – Die schöne Müllerin – Ian Bostridge, Saskia Giorgini (PentaTone)
→ Très belle version, en particulier pour le piano de diamant de Giorgini, acéré comme peu dans ce cycle (on peut songer, dans un style plus détaché, à l'épique tranchant de Gothóni).
→ Bostridge y est comme toujours sophistiqué, frémissant et habité, mais la voix, un peu plus terne désormais, en fait sa Meunière la moins extraordinaire, que ce soit son étrange première avec Johnson ou le point d'équilibre assez ultime entre sinuosité et classicisme avec Uchida.

♥♥♥ Schumann, Frauenliebe und Leben // Brahms, lieder – Garanča (DGG)
→ Divine surprise… Garanča, impératrice des volapüks, livre une interprétation vibrante, tétanisante d'intensité de ces Brahms denses et sublimes, et même du très-enregistré Frauenliebe de Schumann !  Avec une voix qui a peut-être vieilli et où elle tire des couleurs très inhabituelles, davantage replacées vers le nez, un léger mixte obtenu en teintant de couleurs de poitrine, elle obtient une interprétation qui semble remonter le temps, et produit un effet charismatique immédiat, sans du tout négliger la diction. Splendide programme, exécution très prenante – un petit coup de foudre pour moi qui, d'ordinaire, n'aime pas sa diction brumeuse et son chant à la fois lisse et légèrement hululant. Le lied révèle une tout autre artiste !
→ bissé

Mahler – Lieder eines fahrenden Gesellen (arr. A. Schoenberg) – Bär, Linos Ensemble (Capriccio)
→ Bär manque un peu d'assise et de mordant ici, pour une fois !



nouveautés CD

LISTE D'ÉCOUTES à faire – nouveautés

→ alcyone Marais
→ vladigerov symphs 1 & 2
→ schmitt salomé ( & raretés) falletta
→ arte scordatura
→ trios alayabiev glinka rubinstein, brahms Trio (naxos)
→ martynov : utopia
→ rasi art de la fugue consort de violes
→ vasks viatore, distant light, radio munich
→ boccherini les ombres
→ leningrad concertos
→ albums toccata classics : fürstenthal, carrillo, sivelöv, osca da silva
→ auvinen lintu
→ rudolf wagner genesis
→ passacaglie d'amore nisini
→ grondahl legacy

→ britten saint nicolas
→ nigl rihm beethoven lieder
→ proko 5 miasko 21 v.petrenko oslo
→ brahms trios le sage
→ schubt s2 & 3 zender basel kamO
→ huvé beeth pianoforte
→ gran partita ogrintchouk ccgbw BIS
→ dall'abacco il tempio armonico
→ barenboim beethoven intégrale n°5
→ monteverdi terzo libro alessandrini naïve

(plus tous les autres des listes précédentes…)



nouveautés CD

LISTE D'ÉCOUTES à (re)faire – autres

À nos morts ignorés Antoine - Boulanger - Caplet - Debussy - Hahn - Gurney  Mauillon Le Bozec

bär cantates bach (olaf bär)

weingartner

triendl :
fibich dohnanyi sext,
kiel piaQ,
gernsheim quint
goetz quint
gilse tanzskizzen
magnard trio laurenceau

Rutland Boughton : Symphonie No. 3, concerto pour hautbois No. 1 (Vernon Handley) (hyperion)

Wolf Bostridge

fervaal hogué et bardes

koechlin thal & grothuysen

chaîne mathias vidal

RVW 4 : spano, bernstein, boult-phia, berglund
RVW 5 : Hilgers-FkftOder, collins-BIS, menuhin, boult-phia, elder, marriner, barbirolli,
RVW 6 : boult-LSO, elder, berglund, a.davis BBCSO, c.davis BayRSO,
RVW 8 : Jurowski-LPO

tout CPO
tout Hortus
(Timpani c'est à peu près fait)

(plus tous les autres des listes précédentes…)




… et à bientôt pour une prochaine livraison ! 

(Notez que je ne suis pas certain de poursuivre le format l'an prochain, trop de notules plus stimulantes en souffrance pour faire la chronique des disques, je le crains.)

samedi 6 juin 2020

Le défi 2020 des nouveautés – épisode 7 : Rule, Britannia, rule the (sound) waves


Quoique trop en balade (et au travail) pour nourrir proprement CSS, je n'ai pas cessé d'écouter de la musique ni de mettre des notes de côté pour l'observatoire discographique du site.

Petit bilan du mois écoulé. Nouveautés écoutées de ces dernières semaines.

Du vert au violet, mes recommandations.

♦ Vert : réussi !
♦ Bleu : jalon considérable.
♦ Violet : écoute capitale.
(Les disques sans indication particulière sont à mon sens de très bons disques. Dans les cas où je ne recommande pas forcément l'écoute, je place le texte en italique.)

Dans ce très vaste choix, j'ai tout particulièrement été ébloui par des contributions britanniques : la musique symphonique de (Richard) Bennett (par le BBC Scottish SO et John Wilson), les sonates violon-piano de Bowen et Ireland (par Tasmin Little), le Schwanengesang par Roderick Williams. Par ailleurs, Super flumina Babylonis d'extrême jeunesse de Fauré (et son Requiem dans une version particulièrement différente, limpide et aboutie) et les compositions de Sinigaglia, Wölfl, Dussaut, Groven ou C.P.E. Bach ont attiré mon attention.
Bonne chasse !




commentaires nouveautés : œuvres commentaires nouveautés : versions


WÖLFL, J. / CLEMENTI, M. / HUMMEL, J.N. / DUSSEK, J.L.: Piano Sonatas (The Beethoven Connection, Vol. 1) (Bavouzet) (Chandos)
→ Projet passionnant de remettre Beethoven en contexte, par un pianiste de renommée qui vient justement de livrer une intégrale Beethoven. Et l'on n'esst pas déçu du voyage : on connaissait les talents d'évocation de Dussek (sa grande narration pianistique figurative autour de la mort de Marie-Antoinette), moins ses sonates ; Clementi a eu aussi ses défenseurs (l'archistar Horowitz en glissait souvent dans ses programmes), et éclaire assez bien l'écriture des premières périodes de Beethoven (cette ardeur, ces arpèges en escalier).
→ Mais le grand prix de cet album provient surtout de Wölfl, où l'on retrouve non seulement l'énergie, mais aussi l'esprit de Beethoven, avec un langage original qui travaille très différemment le matériau thématique par rapport aux classiques précédents et aux romantiques suivants. Sonate en outre très belle et aboutie.
→ En termes d'interprétation, le piano moderne capté de près sonne un peu blanc et lisse à mon goût, le toucher de Bavouzet un peu dur (ce qui ne transparaissait pas du tout dans ses Ravel chez MDG, ni même pour ses Debussy chez Chandos). Mais la qualité d'exécution et l'intérêt du programme lèvent tout début de réserve.
Nielsen, Symphonies 1 & 2, Seattle SO, Dausgaard (Seattle SO)
→ Un brin déçu par ce cycle : réussi dans l'absolu, mais venant d'un orchestre aussi engagé dans la découverte, d'un label aux prises de son de qualité aussi excellente (ce qui est ici confirmé) et surtout d'un chef ayant démontré ces dernières années, sont goût des angles, je m'attendais à un Nielsen assez fouetté, plutôt proche de Göteborg-N.Järvi. Or, au contraire, c'est un Nielsen tout en rondeur, plus proche de Schønwandt (miam), Gilbert (bof) ou Vänskä (splendide). Beau, mais qui va dans le sens d'une écriture aux basses très mélodiques qui manquent un peu de fermeté de pulsation, de rebond – et que j'aime bien voir compensée par les interprètes.
→ Le mouvement lent de la Première est tout de même exceptionnellement allant et exaltant, d'un souffle proprement inouï.
Ervind GROVEN (c-1) : Symphonies Nos. 1 & 2 – Kristiansang SO, Peter Szilvay (ints-1)
→ Sorte de romantisme avec la légèreté de touche du néoclassicisme, très séduisant et frais !
Saint-Saëns Concerto 3,4,5 ; A.Kantorow, Tapiola Sinfonietta, J.Kantorow (BIS, 2019)
→ Vraiment lisse, malgré les couleurs que devraient apporter la captation BIS (or on perçoit surtout les cordes, comme trop souvent avec cet orchestre). Toucher immatériel très impressionnant, à peine effleuré mais très timbré ; résultat calme et doux, pas très efficace dramatiquement.
CPE Bach : Trios piano-cordes (Linos piano trio)

→ Il faut s'habituer au son des cordes non vibrées (avec piano, c'est toujours un peu inconfortable pour ma part), mais le corpus est absolument passionnant, à la naissance du genre, avec un piano très volubile qui échappe totalement au modèle initial de la Sonate en trio, véritablement les premières explorations d'un vrai trio pour / avec piano. (Et de très belles œuvres réellement nourrissantes, qui ont déjà un sens de la grande structure.)
Massenet – Thaïs – Wall, Staples, Joshua Hopkins ; Toronto SO, A. Davis (Chandos)
→ Le plus bel orchestre de la discographie, d'assez loin, enfin une version où les couleurs remarquables de cet Orient s'épanouissent à plein – dans l'esprit, on se rapproche enfin de Salome !
→ Vocalement une fête aussi : superbes voix très bien faites, personnelles, mordantes, et dans un français de très bonne qualité.
Lalo, Vieuxtemps, desenclos, Philippot : « Miroir ». Trio avec piano 1, Sonate alto… Daufresne (saxhorn), Alexandre Collard (Cor), Mathilde Nguyen (pia) (Klarthe 2020)
→ Quel instrument remarquablement moche que le saxhorn ! Mais belles œuvres, en revanche !
Kurzak « Desire »
→ Toujours voix impressionnante, et étrange méli-mélo des rôles très larges (Elvira d'Ernani) aux lyriques plutôt légers et assez haut placés (Micaëla), de toutes les langues (italien, français, tchèque, polonais, russe) des architubes italiens avec du Verdi moins courant, des standards slaves de Tchaïkovski et Dvořák aux (plus locaux) succès de Moniuszko…
→ De ce fait, le récital impressionne (surtout quand on connaît l'impact de cette voix en vrai, dont les moirures saturées fendent l'espace !), mais je n'ai pas eu la sensation qu'il construise autre chose qu'un récital. Pas d'histoires racontés, de singularités affirmées – en tout cas, je ne les ai pas senties. Mais c'est globalement inattaquable sur le plan vocal.
Schumann & Christian Jost , Dichterliebe – Stella Doufexis, Peter Lodahl, Daniel Heide, Horenstein Ensemble, Christian Jost (DGG 2019
→ Très belle relecture avec arrangement de ritournelles, pour accompagnement de nonette : quatuor, flûte, clarinette, harpe, célesta (et piano), marimba (et vibraphone). Ajoute un côté contemplatif / planant à l'américaine, comme dans un quatuor de Hillborg ou un opéra de Spears… Très plaisant ! (et remarquablement interprété)
→ Dichterliebe et les Eichendorff Op.39, dans leur version d'origine sont merveilleux par Stella Doufexis, qui les chante avec une fois qui semble venir des temps anciens, capiteuse et franche à la fois !
Lassus: Inferno ; Cappella Amsterdam, Reuss (HM)
→ Voix assez rondes (un brin de pâte non nécessaire), exécution au cordeau, très nette, plutôt allante.
Saint-Saëns & autres, Si j'ai aimé, Sandrine Piau, Le Concert de la Loge, Julien Chauvin (2019) Bizet: Carmen Suite No. 1 & Symphony in C - Gounod: Petite Symphonie – Scottish Chamber Orchestra, François Leleux (Linn)
→ Carmen inhabituellement nerveuse (et en petit effectif), symphonie qui manque un peu de tension et d'enjeu pour moi – pas très séduit par les phrasés non plus (inutilement sophistiqués, souvent).
Debussy (Étude retrouvée, Charbon), Ravel (Menuet), Messiaen (À vue, Canyons, Fauvette), Boulez (Toccata, Notations, Éphéméride) – « French Piano Rarities » – Ralph Van Raat (Naxos)
→ Très bel ensemble de raretés (quel legs passionnant que celui de Van Raat !). L'Ardeur du charbon toujours aussi bouleversante, les oiseaux messiaeniques fascinants. Et cette étrange triade Prélude, Toccata & Scherzo de Boulez, dans goût déframenté mais pas du tout aussi épars que son style de maturité.
Belle interprétation dans l'ensemble, pas très convaincu par les Notations (toutes d'une pièce, alors qu'on peut vraiment jouer avec les strates comme dans la vertigineuse version Fray).
Beethoven – Folk Songs – Bohnet, Johannsen, Kimbacher… (Naxos)
→ Extraits des cycles irlandais, écossais, gallois et britannique, interprétés par de belles voix simples. Accompagnement un peu tradi / blanc, pas très dansant.
Fontana, Marini, Uccellini, Kapsberger… – Seicento ! – Onofri, Imaginarium Ensemble
→ Très bel ensemble de raretés généreuses, servies avec un violon droit et fin mais très expressif, et un ensemble remarquablement coloré et souple !
Haendel – airs « La Francesina  » (Iole, Dejanire) – Sophie Junker, Le Concert de L'Hostel Dieu
→ Seules deux (très belles !) pistes disponibles (sortie le 16 octobre !).
Somervell: Maud & A Shropshire Lad
Roderick Williams (Somm)
→ Sobre écriture fin XIXe, très bien servie évidemment par Roderick Williams.
« Clara - Robert - Johannes: Darlings of the Muses »
Wieck : Improvisations, Concerto. / Messieurs : symphonies n°1 — Gabriela Montero, Canada's National Arts Centre Orchestra, Alexander Shelley (Analekta)
→ Montero propose une interprétation très vigoureuse (virile, même) des Improvisations (animées) de Wieck. Étrange couplage entre les symphonies (bien interprétées) des Messieurs et le piano (dont le Concerto) de Madame.
Leone Sinigaglia, Œuvres pour quatuor n°1 – Archos SQ (Naxos)
→ Palpitations grisantes du Concert-Étude. Interprétation d'une rare richesse et fermeté de timbres, captée avec une lisibilité suprême.
Schubert – Der Schwanengesang
Beethoven – An die ferne Geliebte
Roderick Williams, Iain Burnside (Chandos)
→ Chaque mot a sa couleur propre, on n'a jamais aussi bien senti les inflexions de ces poèmes, l'immense diseur R. Williams, déjà le meilleur interprète de songs, frappe à nouveau, après sa Müllerin miraculeuse, dans le lied.
→ Un peu déstabilisé au départ par la postproduction étrange (la distance et la réverbération ne sont pas la même pour le piano et le chant, comme s'ils avaient été enregistrés dans deux pièces différentes…), mais l'on s'y fait. Un peu déçu aussi par Burnside, que j'avais toujours trouvé merveilleux jusqu'ici, et chez qui m'ont manqué un peu de fondu, d'inflexions et de couleurs, pour cette fois.
→ On n'a jamais aussi bien dit ce cycle, en particulier les Rellstab. Et le timbre, quoique doté de peu d'assise, reste très beau (et varié). Une des plus belles propositions pour ce cycle (selon les goûts bien sûr).
The Secret Fauré III : Super flumina Babylonis, Messe des Pêcheurs de Villerville (avec Messager), Prélude de la Passion, Cantique Racine, Requiem – BNeumann Ch, Basel SO, Bolton (Sony)
→ Un peu de toupet d'inclure le Requiem dans cette troisième livraison, toujours d'un niveau suprême d'exécution, et mettant en lumière des pépites écrasées par les corpus plus connus. Très recommandable !
Wagner : Die Walküre – Theorin, Westbroek, Kulman, Skelton, Rutherford, Halfvarson – BayRSO, Rattle (BR Klassik)
→ Distribution incroyable (les meilleurs pour ainsi dire, à commencer par Skelton et Rutherford, voix démentes et diseurs éloquents !), et en walkyries Simone Schröder, Alwyn Mellor, Anna Gabler, Jennifer Johnston, de très grandes dames qui tiennent aussi les premiers rôles dans ce répertoire, au plus haut niveau aussi bien en termes de salles que de résultat !
→ Direction pleine de transparence : les détails ne sont pas exaltés par la prise de son, mais la pâte laisse passer la lumière sous des liquidités de Debussy, ses reflets troubles en moins.
Bennett : Orchestral vol.4, concerto piano, Country Dances Book 1, Anniversaries, Troubadour Music – BBC Scottish, John Wilson
→ Concerto pour piano atypique et passionnant, un des plus beaux entendus jusqu'ici, Troubadour Music archaïsant très réussi, un superbe témoignage !
Donizetti: String Quartets Nos. 4-6 ; Pleyel Quartett Koln (CPO)
→ Toujours fascinant d'entendre Donizetti… composer. De beaux quatuors postclassiques (voire franchement haydniens), bien faits, qui n'ont pas encore la personnalité des derniers, mais déjà quelques tounures fugacement dramatiques (ou quelques frottements de secondes mineures très vivaldiens !) qui ne manquent pas de charme.
→ Superbe exécution sur instruments d'époque, au sein d'une discographie déjà riche (avec notamment le Kodály SQ et une précédente intégrale CPO, avec le Revolutionary Drawing Room !).
Dussaut & Covatti-Dussaut – Mélodies – González, Oyón (Audax)
→ Univers riche et frémissant, par une voix certes un peu large, mais témoignage passionnant qui donne envie d'en entendre davantage !

Jean Cartan – Mélodies – Boché, Tacquet-Fabre (Hortus)
→ Mélodies intimes, sophistiquées, presque sévères, par des deux des plus sensibles artistes actuels pour ce répertoire !
Les pièces pour piano m'ont, je l'avoue, assez peu impressionné : jolies harmonies enrichies, mais peu de réelles surprises, en particulier rythmiques, à l'exception d'allusions de jazz dans l'Hymne à Dante.

Bowen, Ireland, Alwyn, Brown, Coates – Sonates violon-piano – Tasmin Little, Piers Lane (Chandos)
→ Chefs-d'œuvre rarissimes et remarquablement habités !

Dubra: Symphony No. 2 & Mystery of His Birth – Liepāja SO, Lakstīgala (Skani 2020)
→ Mélodies simples, orchestre par masse, qui évoque les grandes boucles de Kancheli (avec un peu plus de lyrique) et les tintinnabulements de Pärt, de façon vraiment réussi. Il ne faut pas en attendre un discours sophistiqué, ni une progression, mais des atmosphères planantes ou de grands carillons, assez insinuants et persuasifs.
→ (Cette simplicité fait merveille dans la musique choral de Rihards Dubra, que je recommande vivement.)

Mayr : Le Due Duchesse, Franz Hauk (Naxos)
→ Opéra semiserio (sur un livret de Felice Romani !) à la veine mélodique limitée (comme d'habitude), mais beaucoup plus mobile que le Mayr scénique jusqu'ici documenté… et enfin servi correctement par un orchestre informé (et décent), ainsi que de très bons chanteurs.
→ Les scènes les plus dramatiques sont réellement réussies, en particulier le dernier quart de l'opéra, avec une réelle atmosphère et une très belle déclamation tendue.


commentaires nouveautés : rééditions

Verdi, Nabucco (extraits en allemand) – Synek, Lear, Kónya, Stewart, Talvela – Deutsche Oper, Stein (DGG)
→ Superbe interprétation très intense, qui traite vraiment l'orchestre de Verdi comme s'il était aussi riche que celui des autres grands du XIXe, et le résultat en est saisissant. Et voix incroyables.

(Dans les extraits retenus, il manque étrangement « Salgo già ».)

--

Autres découvertes hors nouveautés :

autres nouvelles écoutes : œuvres autres nouvelles écoutes : versions


Atterberg: Suite No. 5, Op. 23, "Suite barocco" / Atterberg: Double Concerto in G Minor-C Major, Orebro ChbO ; Thord Svedlund (Danacord)
→ Pas très palpitant, surtout dans cette version empesée.
Siaint-Saëns concertos 1 & 2 :
Descharmes Malmö Soustrot
Rogé LPO Dutoit
→ La poésie de Descharmes dans la cadence liminaire du 2, pourtant démonstrative, c'est quelque chose.
Tippett: Concerto for Double String Orchestra ;
BBCSO, A. Davis (Teldec)
→ Assez morne. Mais mouvement lent planant réussi et final plus champêtre sympathique, malgré l'épaisseur de trait d'un orchestre à cordes.
Chabrier, Le roi malgré lui, AmSO, Botstein
→ Vraiment lent, distribution inégale malgré Goncalves en Fritelli. Décevant, mais comme les versions Bigot et Dutoit sont actuellement indisponibles, on est bien embarrassé pour disposer d'une version accessible et recommandable de ce chef-d'œuvre assez considérable !
Ólafur Arnalds (c-1), Island Songs, Nanna Bryndís Hilmarsdóttir (Mercury 2016)
→ Que du planant, mais Particles avec voix est du très joli folk minimaliste.
Franck Chasseur maudit, Scottish RNO, Tingaud (Naxos)
→ Pas très mystérieux (timbres, direction, prise de son), mais bien mené, sans pesanteur.

Psyché, même disque.
→ Toujours cette composition très fine, beaucoup plus française qu'à l'accoutumée.

, T.: Verbena de la paloma (La) [Zarzuela] (Ohio Light Opera), version anglaise (Albany)
→ Version anglaise de cet archi-standard de la zarzuela.
Arriaga: Orchestral Works, 1818-1824 ; Il Fondamento, Paul Dombrecht (Fuga Libera 2006)
Arriaga: Vocal Works, 1821-1825 ;Violet Serena Noorduyn, Robert Getchell, Mikael Stenbaek, Hubert Claessens, Il Fondamento, Paul Dombrecht, 2006 | Fuga Libera – bissé
→ Très belles versions sur instruments anciens des cantates et ébauches d'opéras (Herminie, Agar, Médée, Colone, Tante Aurore) et de la musique sacrée (O salutaris, Stabat).
Arriaga, symphonie en ré, esclaves, ouv en fa – Savall (Alia Vox 1994) – trissé
→ Dans cette symphonie, on entend passer la Deuxième de Beethoven (l'ouverture), Haydn (structure du mouvement), Rossini (formules d'accords), avec un naturel mélodique typique du premier romantisme. Excessivement touchant, surtout dans cette interprétation sur instruments anciens qui combine le meilleur de tous les mondes : couleurs très chaleureuses, relief du spectre, et pour autant aucun problème de legato ni de fondu. Tout à fait idéal.
Holliger: Scardanelli-Zyklus
par Heinz Holliger, Terry Edwards, Aurele Nicolet, Ensemble Modern, London Voices
→ Chœurs planants très bien prosodiés, frottements atonals mais splendide déploiement organique en tension-détente, très lié au texte.
STRAUSS, R.: Symphony No. 2 / Concertouvertüre (German Radio Saarbrücken-Kaiserslautern Philharmonic, Bäumer) CPO 2019
William Bennett : Sextuor piano-cordes (Naxos)
→ Joli post-brahmsisme.
Rimski Shéhérazade, CzPO, Válek (Supraphon)
→ Belle tension et timbres fins ! Violoncelles pas très justes dans le III.
Richard Bennett : Hickox vol.1 Partita, vieilles danses, mélodies anglaises.
→ Bien, mais pas du tout le nerf de la nouvelle version John Wilson.
Mahler 5 Birmingham Oramo
Rossini – Concerto pour basson – Accademia d'Archi di Bolzano (Arts)
→ Pas passionnant.

Puis Introduction et vars p clar. mieux (déjà essayé)

Puis variations hautbois en ut. Nettement plus raccord avec son style virtuose.
Vidéos : G&P stanislavski, schmiedt gent, rheingold amsterdam 2014, Pikovaya stanislavski, pikovaya gorchakova met, pikovaya mariinsky tat borodina…
Pleyel, Concerto pour basson et symphonies concertantes (CPO)
→ Sympa, de beaux alliages dans la symphonie avec flûte, hautbois, cor et basson. Moins passionnant sur la durée
tchaï lisitsa intégrale (testé aussi deux autres, Dynamic mal captée et nikova très bonne)

Tchaikovsky: Nutcracker arr. pia Taneyev par Michael Nanasakov (testé aussi claudio Colombo et Akira Wakabayashi, excellents également, plus nets)

The Nutcracker Suite, 4 Hands – Double Sharp Piano Duo
Vanhal, concerto en fa pour 2 bassons (+ 2 sinfonie), Umeå Sinfonietta, Saraste (BIS)
→ Volutes enchâssées qui ressemblent à un duo tiré de Così…
Sinfonie peu intéressantes.
Wieck : intégrale piano Grützmann (Hänssler)
Wieck : intégrale piano CPO (extts)
Wieck : intégrale mélodies Fontana CPO (extts)
Wieck : intégrale mélodies Naxos
Wieck : Maximilian Schmitt et autres
Wieck-Mendelssohn-Schindler : Högman (BIS)… quel disque !
Vivaldi, Concerto pour basson, Rie Koyama (lauréate musikwettbewerb 2012), chez Genuin.
Avec Pferzhim ChbO, Sebastian Twinkel (Genuin 2013)
→ Découvertes d'interprètes, de ce concerto précis aussi je crois, très réussi. (et véritable effort baroqueux avec clavecin très présent)
Wieck : soirées musicales (extts) sur le piano de Clara, Eugénie Russo.
→ que le nocturne est une parodie servile de Chopin !
→ Impromptu Op.9 sur l'hymne impérial de Haydn « souvenir de Vienne »
Richard Bennett : Orchestral vol.2, Concerto for Stan Getz (sax), Symphonie n°2, Serenade, Partita – BBC Scottish, John Wilson
→ Peu séduit par le Concerto, en revanche la Partita plus naïve mais généreuse dispense de très belles couleurs
Fauré : Requiem Op.48 : Michel Corboz
→ Lent, avec petits braillards très frémissants, très recueilli.

Fauré : Requiem Op.48 : Bonney Hagegård, Boston, Ozawa
→ Lent, avec petits braillards très frémissants, très recueilli.
Richard Bennett : Orchestral vol.1 : Concerto pour marimba, Symphonie n°3, Sinfonietta – BBC Scottish, John Wilson
→ Le concerto pour marimba évoque par moment From Me Flows de Takemitsu, avec ses bouts de gammes obstinés, traitemnent original là encore de la forme concertante, et qui s'adapte vraiment au caractère de l'instrument. La minuscule Sinfonietta de moins de dix minutes semble un pastiche (très réussi) des Fêtes des Nocturnes de Debussy !
Bruckner 7 mvt I
♦ Furtwängler berlin 42, accélérations organiques
♦ Giulini Vienne : très belles cordes précises, impressionnante filiation avec le dernier schubert
♦ Wand NDR : allant mais un peu large de trait
♦ Beinum : allant, mais surtout lyrique, pas très détaillé
♦ Inbal Tokyo Met : grande courbe lente et superbe
♦ Böhm Vienne : son beaucoup plus clair et nasal que les autres, assez univoque dans la conception
♦ Kabasta : allant, élancé, manque un peu de mystère
♦ masur : très lent, violoncelles pas beaux, belle progression infinie. choral du II un peu lisse (pas d'attaques de cordes)
♦ von Dohnányi Cleveland : bien, peu contrasté
♦ Wand, Berlin : orchestre somptueux, tempo allant, pas énormément de tension
♦ Wand Cologne : là aussi très bien, allant, mais pas un relief phénoménal.
♦ Keizberg Wiener Symphoniker : bel allant et construction organique
♦ Jochum Berlin
♦ Jochum Dresde
Eriks Ešenvalds Passion and Resurrection/Rihards Dubra Te Deum
→ Planant sympa.
Cherubini – Médée – Phyllis Treigle, Brewer ChbO, Bart Folse (Newport)
→ Sur instruments anciens mais assez mou. Ensemble tolérable.
Juri Tetzlaff: Hänsel und Gretel (music by E. Humperdinck) (arr. A. Tarkmann) (Helbling 2015)
→ Un conte avec fond sonore.
Debussy, Pelléas, Vienne 2017, Marelli, Altinoglu
→ Production géniale (les hors scène, Yniold mi-autiste mi-Chérubin…). Et puis Eröd, Schaer, Selig, Keenlyside !
Arrangements beeth 1,2,3,4,5;8 Egmont Beethoven 7, Maximianno Cobra
Mozart Requiem, Cobra
Schubert 9, Cobra (et samples !)
→ Là aussi 2x plus lent !
Beethoven, Symphonie n°1 pour SQ – Locrian Ensemble (Guild)
→ Fonctionne bien, réutilise bien les effets orchestraux

Beethoven, Symphonie n°1 pour vents – The Albion Ensemble (Somm)

Beethoven, Symphonie n°1 pour orgue (Heywood) – Thomas Heywood (Pro Organo)
Beethoven, Symphonie n°3 – Ensemble28, Daniel Grossmann (NEOS)
→ Acide de tout côtés, mais très vif.
VERDI / TARKMANN / MUZIO, Verdiana (Verdi in Arrangements) (Guber, Arte Ensemble de Hanovre) (CPO 2002)
→ Son aigrelet de l'ensemble (vents et cordes). Musique forcément un peu carrée, donne un côté militaire.
→ Et après inclut du chant, perd son intérêt – intéressant pour un concert dans une petite salle et à moindre coût, mais au disque, pas vraiment d'intérêt majeur, le chant écrase tout à nouveau… (et chanteuse pas particulièrement extraordinaire)
→ Dans le Luisa Miller, le son du quatuor geint un peu (malgré la belle qualité de discours.
Beethoven: Symphony No. 10 in E-Flat Major (realized and completed by B. Cooper) – Birmingham, Weller (Chandos)
→ Très opaque.

Beethoven: Symphony No. 10 in E-Flat Major (realized and completed by B. Cooper) – Czech Chamber Philharmonic Orchestra; Bostock, Douglas (ClassicO)
→ Hautbois qui joue trop bas, ouille. La partition ainsi réalisée n'est vraiment pas exaltante.
The Ring - Symphonic (Arr. for Orchestra by Andreas Tarkmann)
par Daniel Klajner, Nordwestdeutsche Philharmonie
Beethoven – Symphonie n°7 pour ensemble à vent – Les Vents de Montréal (ATMA)
→ Très chambriste, disjonctions du spectre. Intéressant !

Beethoven – Symphonie n°7 pour octuor à vent – Oslo Kammerakademi (LAWO)
→ Très symphonique (ces attaques éclatantes de cor !).
Haydn, Trio Hob. XV:14, Van Swieten Trio (Brilliant)
→ Délicieux adagio tout gracieux. (Cordes qui grincent un brin, il doit y avoir mieux, mais l'initiative sur instruments anciens est plaisante.)
Mozart, Marche en ré, Sénérade n°3, Sérénade n°13, Harnoncourt
→ Ni œuvres ni exécution passionnantes.
The Prodigy, The Fat Of The Land (XL 2012)
→ Ouille.

The Prodigy, Invaders Must Die (XL 2009)
→ Davantage de la musique de danse, moins sexuée, plus détendue, plus agréable. (Mais tout à fait hors sol pour moi.)
Mozart, Sérénades 10,11,12, COE (Teldec)
→ Saveur… et discours ! Splendide, en particulier la 12 très tendue…

Mozart, Sérénade n°10, Wiener Mozart Bläser, Harnoncourt (RCA 1982)
→ Ça joue faux avec un grain extraordinaire, un entrain terrible et une véritable poésie dans les mouvements lents. Épatant.

Mozart, Sérénade n°10
disco

Bruckner 9, esquisses du final, Olso PO, Talmi (Chandos)
Bruckner 9, final version Carragan – Olso PO, Talmi (Chandos)
→ Belles acidités, belle tension, et ce final est bien beau, dommage de l'ôter, et la VO fonctionne en réalité assez bien !

Bruckner 6, Suisse Romande, Janowski (Pentatone)
→ Fines nuances, orchestre un peu opaque, manque de fluidité sur la durée.

Bruckner 6,
¶ Wand / Munich PO (Profil)
¶ Wand / Köln RSO (RCA)
¶ Rögner / Berlin RSO (Berlin Classics)

Bruckner 2, Wand / Köln RSO (RCA)
→ Cor solo incroyablement à l'aise !

Bruckner 1, Wand / Köln RSO
→ Malgré le son (non sans une légère dureté, même si retravaillé par RCA en lui donnant de l'espace très agréable), une merveille élancée et naturelle, la symphonie se déploie sans jamais paraître traîner ou se contempler, un bonbon qui passe comme un songe !

Cherubini – Les Deux Journées – Beecham
→ Quelle direction vivifiante, quelle distribution de feu où le moindre second rôle brille par son timbre éclatant et son élocution exemplaire !
Contrairement au studio Spering, les dialogues sont enregistrés, ce qui change tout à l'intelligibilité et au rythme d'ensemble. On saisit enfin la saveur d'une l'œuvre qui a marqué son temps!

Bruckner 1 (survol)
¶ Wand / Köln RSO (très allant et convaincant)
¶ Janowski / Romande (pâte sombre)
¶ Venzago / Tapiola (très fin net)
¶ Sawallisch / BayRSO (battements très dramatiques et th B lyrique)
¶ Young / Hambourg (trait de cordes un peu large)

Bruckner 7, Ccgbw, Beinum (Music & Arts)
→ Très fluide, doux et poétique. Fonctionne très bien.



--



réécoutes œuvres (dans mêmes versions) réécoutes versions


bliss enchantress finnie handley (et essayé rudolf schwarz, andrew davis) Chabrier, Le roi malgré lui, Pidò Lyon (bande France Mu)
Bowen, symphonie n°2, BBCPO, Andrew Davis
Moeran, Symphony in Gm, Bournemouth, Lloyd-Jones
Moeran, Sinfonietta, Bournemouth, DLJ
Nielsen: Symphonies Nos. 3 & 4, Seattle, Dausgaard
Gounod, Cinq-Mars, Schirmer d'Albert, Tiefland : fin du Prologue
versions Janowski, Schmitz, Rudolf Albert (int-1) avec aldenhoff (Walhall)
R.Strauss, Friedenstag, Sinopoli (partie la paix) Wagner, Die Meistersinger, Solti I (Vienne), Decca
→ Énergie motorique grisante et distribution superlative.
Lully, thésée, acte I – Legay, Novelli, Lannion, Immler ; Ambronay, Christie (vidéo hors commerce) Beethoven, Sonates 2 & 3, Say

Mahler 5 Stokholm RPO, Oramo

Mahler 8, Nézet Philadelphie
Méhul, Adrien, Vashegyi (Bru Zane)

et en particulier :
Méhul, Adrien, II, « Oui, vous voyez mon trouble extrême »
Cherubini, Médée, Fournillier
→ Superbe distribution et orchestre vraiment engagé et tempêtueux… Hélas Tamar gâche tout, difficile à supporter, cette pâte épaisse et presque cirée.
Méhul, Uthal, rousset (Bru Zane) Beethoven 9 Mackerras Enlightenment (Signum)
Méhul, Adrien, Vashegyi (Bru Zane)
Beethoven: Fidelio, Op. 72 (arr. A. Tarkmann) (excerpts):German Chamber Philharmonic Wind Soloists (Berlin Classics)
+ Nozze + Carmen



--

Dans l'immensité des nouveaux disques à écouter que je n'ai pas mentionnés, il reste beaucoup de choix !

liste nouveautés : œuvres liste nouveautés : versions liste nouveautés : rééditions



Brandl orchestral CPO Fauré – Ballades, Nocturnes… Matvievskaya (Artalinna)
→ La notice est un fascinant guide d'écoute, aussi bien à travers les œuvres qu'à travers la cohérence interne du programme et du jeu de la pianiste – s'autorisant des exclamations admiratives qui, loin d'être de pure forme, permettent d'entrer dans la logique interne de ce récital exigeant.
DFD Edition Orfeo vol 2
Henze – Der Prinz von Homburg – Meister (Capriccio) tchaikovski ; symphonie n°4 ; pittsburgh, honeck Rudolf Schock Opera in German, Vol. 1 Rias-Kammerchor Und Rias-Sinfonieorchester
Kabalevski Préludes – Korstick, CPO brahms intermezzi sirodeau Beethoven Symphonies, Pittsburgh, william Steinberg (DGG)

→ Réédition volume par volume.
Górecki: Art Songs
Ewa Guz-Seroka
Penderecki – Passion selon saint Luc – (BIS) Tchaikovsky: Violin Concerto in D Major, Op. 35, TH 59 (Live Recording, Lausanne 1973) ; Igor Oistrakh
The Harp in the Vienna of Maria Theresa
Margret Köll
beethoven Sonates, Immerseel (Alpha) Brahms: Piano Concerto No. 1. Op. 15 (Live Recording, Lausanne 1978) ; Claudio Arrau
Un'Arpa Straordinaria: Italian Music of the 17th Century for Double Harp
Das kleine Kollektiv
Chopin sonate 3, mazurkas, geniušas
Aliotti: Il trionfo della morte
Les Traversées Baroques
haydn organ concertos ian quinn
Caldara: Works for Cello
Josetxu Obregón
Mendelssohn ; Walpurgisnacht ; Bernius (Carus)
Cyrillus Kreek - The Suspended Harp of Babel
Vox Clamantis
Schumann : Complete Works for pedal piano or organ
Daniel Beckmann

Bononcini: La conversione di Maddalena
La Venexiana
walküre duisburger PO, axxel kober
Arde el Furor
Diego Fasolis
Beethoven Symphonies Malmö SO, Robert Trevino
Carl Philipp Emanuel Bach: Empfindsam
New Collegium
London Calling
Amandine Beyer

Anna Clyne: DANCE - Edward Elgar: Cello Concerto
Inbal Segev
Barricades
Jean Rondeau

Emil Tabakov: Complete Symphonies, Vol. 5
Bulgarian National Radio Symphony Orchestra
1892 Reflections albéniz debussy grieg brahms
Uta Weyand



Nixon: Complete Orchestral Music, Vol. 3
Kodály Philharmonic Orchestra

rimski shéhérazade oslo v.petrenko
Rob Keeley: Orchestral Music Malaga Philharmon The Happiest Years ; Judith Ingolfsson
Skoryk: Complete Violin Concertos, Vol. 2
Andrej Bielow
Schumann, Cassadó, Fauré & Rachmaninoff: Works for Cello ; Denis Severin
Gál: Recorder & Piano Works
Sabrina Frey
mahler symphonie 9 ádám fischer
Gabriel Prokofiev: Concerto for Turntables No. 1 & Cello Concerto
Ural Philharmonic
Beethoven: A Chronological Odyssey ; Cyprien Katsaris
Roberto Sierra: Cantares, Loíza & Triple Concierto
Cornell University
Beethoven : The Piano Sonatas (Live) ; Andras Schiff
Sleeper's Prayer: Choral Music from North America
Choir of Merton College, Oxford
Schoenberg: Erwartung, Op. 17 & Pelleas und Melisande, Op. 5 ; Bergen PO, Gardner
Will Todd: Lights, Stories, Noise, Dreams, Love and Noodles The Bach Choir Haydn: String Quartets Op. 76 Nos. 1-3 ; Chiaroscuro Quartet
« Atonement » Caput Ensemble Tchaikovsky: All-Night Vigil & Other Sacred Choral Works ; Latvian Radio Choir
Smetana & Liszt: Piano Works
Miroslav Sekera
J.S. Bach: The Well-Tempered Clavier, Book 1, BWV 846-869 ; Trevor Pinnock
Heavenly Songes
La Quintina
Liszt, Schubert & Brahms: Works ; Christopher Park
Giovanni Battista Pergolesi: Stabat Mater, P. 77
Capriola di Gioia
Beethoven: Complete Piano Sonatas, Vol. 5 ; Konstantin Scherbakov
Façades
Andrew West (Somm)
Beethoven: Piano Concertos, Vol. 2 ; Inon Barnatan
ichmouratov symphonie chandos Beethoven: String Trios, Op. 9 Nos. 1-3 ; Trio Boccherini
Guastavino: Song Cycles
Letizia Calandra
Composing Beethoven ; Kilian Herold
Alessandro Scarlatti: Il Martirio di Santa Teodosia
Les Accents
Keyboard Variations ; Ewald Demeyere
Chinese Dreams
Lydia Maria Bader
R. Schumann: Waldszenen, Nachtstücke & Humoreske ; Zoltan Fejervari
menut les îles (HM) 90 Scriabin Complete Piano Preludes ; Daniel Pereira
Nebra Vendado es amor, no es ciego Beethoven: Complete Works for Fortepiano and Violoncello ; Nicolas Altstaedt
Bassoon Concertos - WEBER, C.M. von / BITSCH, M. / JOLIVET, A. / CRUSELL, B.H. (Plath, Deutsche Radio Philharmonie, McFall)
Label Genuin
Arion: Voyage of a Slavic Soul ; Natalya Romaniw

BYRD, W.: Keyboard Music (William Bird and Japan) (Emi Nakamura)
Label le petite dis
Chroma ; Matthieu Stefanelli
AHO, K.: Chamber Music - Prelude, Toccata and Postlude / Lamento / Halla / Violin Sonata (Chamber Music) (J. and P. Kuusisto, Peltonen, Fräki) Care pupille ; Samuel Marino
Carlisle Floyd: Prince of Players ; Keith Phares Saints inouïs ; Ensemble Scholastica
Lindberg: Accused & Two Episodes ; Anu Komsi Mirabile mysterium: Choral Music for Christmas ; Sächsisches Vocalensemble
Melchior Franck: Geistliche Gesäng und Melodeyen ; Cantus Thuringia Sweet Dreams ; Varduhi Yeritsyan
Scharwenka: Chamber Music ; Laurent Albrecht Breuninger Brahms: Klavierstücke, Op. 76 | Rhapsodies, Op. 79 | Piano Sonata No. 3, Op. 5 ; Peter Orth
Bennett: Orchestral Works, Vol. 4 ; BBC Scottish Symphony Orchestra Intermissions ; Svetozar Ivanov
John Pickard: The Gardener of Aleppo & Other Chamber Works ; Gavin D’Costa Haydn: String Quartets, Op. 20, Volume 2, Nos. 1, 4 & 6 ; Dudok Quartet Amsterdam
Penderecki: Concertos, Vol. 8 ; Maciej Frackiewicz

Penderecki: Concertos, Vol. 9 ; Maja Bogdanovic

Pēteris Vasks: Distant Light, Piano Quartet & Summer Dances ; Vadim Gluzman

Paradeis, sonates « Paradiso Plays Paradisi » ; Anna Paradiso

Valls: Missa Regalis ; The Choir of Keble College, Oxford

Augusta Read Thomas: The Auditions

Caleb Burhans: Evensong (Bonus Version) ; The Choir of Trinity Wall Street

They that in Ships to the Sea down go: Music for the Mayflower ; Passamezzo

Steve Elcock: Orchestral Music, Vol. 2 Siberian Symphony Orchestra

Tcherepnin: My Flowering Staff ; Inna Dukach

Bellman: Am I Born, Then I'll Be Living ; Torsten Mossberg

Persichetti: Organ Music ; Tom Winpenny

Zimmermann: Violin Sonatas Nos. 1-3 ; Mathilde Milwidsky



dimanche 3 mai 2020

Le défi 2020 des nouveautés – épisode 6


L'enfermement (partiel) facilitant les écoutes, voici déjà une sixième livraison assez copieuse.

Nouveautés écoutées et commentées de ces dernières semaines.

Du vert au violet, mes recommandations.

♦ Vert : réussi !
♦ Bleu : jalon considérable.
♦ Violet : écoute capitale.
(Les disques sans indication particulière sont à mon sens de très bons disques. Dans les cas où je ne recommande pas forcément l'écoute, je place le texte en italique.)

Quelques albums vraiment incroyables ont paru ces derniers jours, notamment les motets allemands du XVIIe par Clematis, les concertos pour basson (dont l'excellentissime de du Puy !) par Sambeek, la Phèdre de Lemoyne, les arrangements pour nonette de Dvořák, Puccini & R.Strauss, côté interprétation d'œuvres connues les R. Strauss de Lan Shui avec Singapour (mais j'ai bien aimé aussi le concerto pour contrebasson de Beethoven par Currentzis), et bien sûr la réédition en coffret des R. Strauss (décidément !) du Museum de Francfort et Weigle.




Commentaires nouveautés : œuvres

Hermann Goetz & Hans Huber – Piano Trios (Music from the Zentralbibliothek Zürich) – Trio Fontane (Solo Musica)
→ Le final du Huber est scherzo-brahmsien en diable ! Le reste est très plaisant, du simili-Brahms un peu moins ambitieux.
Flosman, Feld & Bodorová - Czech Viola Concertos ; Jitka Hosprová, Prague Radio Symphony Orchestra (Supraphon)
→ Atonal doux ou tonal élargi, un spectre très intéressant de la composition au XXe siècle – pas repéré de chef-d'œuvre vertigineux, mais tout est très bien écrit et se suit avec beaucoup d'intérêt.
Michl, quatuors basson-cordes – Ben Hoadley, The Hall String Trio (Naxos)
→ Effectif original, traité comme un gentil concerto pour piano plus mélodique que virtuose. Pas de l'immense musique, mais un point de vue différent sur les nomenclatures du temps, disons.
Anonymes, Walter, Cracoviensis, Rein, Buchner, Finck, des Prés – Orgue de Rysum – Ghielmi, Biscantores (Passacaille)
→ Belle évocation d'un répertoire pérbaroque à l'orgue et au chant d'église, sous forme d'un service de messe imaginaire. Très réussi et vivant.
Magnard – Ouverture, Chant funèbre, Hymnes Justice & Vénus, Suite dans le style ancien – Fribourg PO, Bollon (Naxos)
→ Quel élan nouveau, quelle pâte limpide apportées à ce corpus qui était certes un peu mieux servi (Timpani !), mais qui méritait cette mise en lumière ! Une partie du programme a été très peu enregistrée.
→ Les appels pointés du début du grand duo de Tristan dans l'Hymne à Vénus (et sa fin ressemble carrément à un final de poème symphonique de Strauss, ou à celui de la Femme sans ombre !).
Martini, requiem pour Louis XVI, Niquet (CVS)
→ Très lumineux et même léger, avec cette Séquence du Dies iræ en majeur, accompagnée de douces batteries de cordes et de trompettes plus triomphales que menaçantes, et parcourue d'une grande douceur… Vision consolatrice, à moins que ce ne soient les limites intrinsèques du langage lui-même de Martini.
Intéressant, encore un aspect manquant au répertoire du temps !
Reger, Trios à cordes, ensemble Il Furibondo (Solo Musica)
→ Pas trop sévère pour du Reger, mais évidemment essentiellement contrapuntique et quasiment pas mélodique, il faut aimer l'abstraction musicale germanique à son plus haut degré, voire avoir quelques notions d'écriture pour apprécier l'originalité des emprunts et modulations, la beauté de la conduite des voix simultanées… Un peu aride autrement, mais pas dépourvu de beauté.
Čiurlionis: The Sea, In the Forest & Kęstutis ; Lithuanian NSO, Modestas Pitrenas (Ondine)
→ Grand postpostromantisme assez franc, et bien fait, exécuté avec beaucoup d'élan et comme toujours remarquablement capté.
Rebel & Boismortier : Les caractères d'Ulysse. Suites pour deux clavecins ; Loris Barrucand, Clément Geoffroy (CVS)
→ Programme très original (Ulisse, Les Élémens, Ballets de Village, Daphnis, Les Plaisirs Champeſtres) à deux clavecins, par deux artistes majeurs (en particulier fan de Clément Goeffroy, l'un des clavecinistes les plus éloquents de notre temps, jusque dans les répertoires germaniques les plus sévères).
→ Le résultat sonore n'est que partiellement convaincant, capté de près, la richesse des deux clavecins mêlés paraît un peu agressive, alors qu'il n'y a rien de plus physiquement harmonieux lorsque leurs harmoniques se mêlent dans l'espace d'une pièce…
Pour autant, superbe voyage, qu'il faut s'imaginer écouter avec un peu de recul, à l'autre bout du salon ou à quelques rangs d'intervalle dans l'église.
Antheil : Serenades 1 & 2, Württembergische Philharmonie Reutlingen, Fawzi Haimor (CPO)
→ Musique bigarrée américaine, assez réussie, bien jouée et captée. Pas perçu de pépite particulière néanmoins : mériterait réécoute.
Adams – Must the Devil Have All the Good Tunes ? – Wang, LAP, Dudamel (DGG)
→ Plus planant que profond, pas du grand Adams. (Et sans le potentiel ravissant et jubilatoire de Grand Pianola Music !
Rosenmüller, Buxtehude, Pfleger, Hammerschmidt, Scheidemann, Monteverdi, Bernhard – Nun danket alle Gott – Clematis (Ricercar)
→ Motets allemands à voix seule influencés par l'Italie, trouvés dans une bibliothèque suédoise : un témoignage passionnant, des œuvres sobres et poignantes, une exécution au cordeau, frémissante et généreuse. Et des découvertes en pagaille (jamais entendu Bernhard pour ma part, pas sûr pour Pfleger et Hammerschmidt).
Gerald Barry : « Beethoven » & Concerto pour piano – Britten Sinfonia, Adès
→ Couplé avec les trois premières symphonies de Beethoven (la Troisième rebondit bien, très belle réussite), une cantate en anglais dans le style de Barry (avec sa tonalité dégingandée et ses chorals de cuivres issus de l'univers mental de Copland). Concerto pour piano qui joue avec les codes, en proposant des bouts d'exercices de Hanon-Déliateur au milieu d'un orchestre déhanché et martelant, jazzy et très amusant. Très rafraîchissant !
Różycki: Orchestral Works – Olga Zado, Lower Silesia PS Orchestra (DUX)
→ Du grand postromantisme expansif, pas la part la plus aventureuse de son catalogue, en particulier le très néo-chopinien Concerto pour piano (et sur des instruments plus limités que ceux des grands orchestres de l'Europe riche), mais beaucoup d'élan, d'atmosphère, de belles mélodies – ce n'est pas neuf, mais ce reste très abouti.
(Je recommande plutôt d'écouter son opéra Psyché, par exemple, qui tire davantage sur Szymanowski, en moins retors et davantage debussysé.)
Albena Petrović, Bridges of Love, Mangova (Solo Musica)
Daniel-Lesur, Messiaen, Pfitzner, Ives, Bernstein, Crumb, Eisler, Schumann, Ravel, Debussy, Fauré, Stravinski, Wolf, Brahms, Britten… – Paradise Lost – Prohaska, Drake (alpha)
→ Programme assez peu festif (contemplatif-mélancolique, voire carrément désolé), la voix de Prohaska a un peu mûri aussi (large pour du lied), mais on retrouve la même intelligence de la constitution thématique et musicale des pièces, la même finesse d'interprétation (on peut discuter sur l'accent français, mais l'ensemble reste tout à fait convaincant), qui font de chacun de ses nouveaux récitals un événement.
Lemoyne: Phèdre – Vashegyi (Bru Zane)
→ « Les murs de mon palais semblent crier vengeance / Je cherchais le bonheur, je trouve des forfaits »
→ (Dans ce livret, c'est Œnone qui fait le choix de la calomnie.)
→ La version complète de cette très belle tragédie du contemporain de Sacchini, Vogel et Cherubini. Son Électre était réputée d'une hystérie à peine soutenable, Bru Zane a retenu ce drame plus équilibré, dont la fluidité naturelle et la beauté de langue séduisent plus que l'éclat de moments isolés. À découvrir absolument pour compléter notre perception du répertoire classique de la tragédie en musique, par l'un des très rares compositeurs français à l'avoir exercée dans les années 1770-1780 – Gossec et Grétry (si on ne le tient pas pour belge) étant les deux autres grandes figures.
→ Moments forts : les trois grands airs, inhabituellement développés, des personnages principaux, très fouillés (celui de Phèdre aux confins du silence, celui de Thésée terrible…), et la mort d'Hippolyte, véritablement terrifiante, qui avec ses trombones furieux annonce le style de la mort de Sémiramis chez Catel.
→ Superbe distribution (Wanroij et Behr dans la soirée de leur vie, Christoyannis toujours aussi fascinant), Vashegyi très engagé !
« Unknown Debussy » (réductions & compléments par Orledge, versions originelles…) – Nicolas Horvàth (Grand Piano)
→ À part les étonnants chromatismes du Toomai des éléphants, , l'essentiel est assez bien connu (des réductions de musiques scéniques, des versions alternatives de tubes…) et sa nouveauté peut échapper, mais l'atmosphère de l'ensemble reste délicieuse, et je suis frappé par la beauté de timbre obtenue par Nicolas Horvàth (alors que Grand Piano ne flatte pas forcément de ce point de vue), chaque attaque chante avec rondeur, sans empêcher une belle variété de textures.
De quoi renouveler son Debussy avec délices.
Je n'ai pas encore pu me plonger dans la note de programme très complète écrite par l'artiste – qui a encore bien des inédits sous le coude.
Strauss, Puccini, Dvořák, Opera Suites for Nonet : Rosenkavalier, Tosca, Rusalka ; ensemble minui (Ars Produktin)
→ Jubilatoire sélection, qui comprend aussi bien interludes que parties vocales (le duo d'amour du I de Tosca, la Présentation et le Trio final du Chevalier, le duo du Cuistot et l'entrée du Prince de Rusalka…). Les arrangements restent relativement prévisibles (beaucoup de violon solo), mais le niveau de réalisation est tel ! Le corniste est hallucinant, tellement sûr et glorieux, aussi bien chez Strauss que Puccini…
Indispensable pour tous les amoureux de transcription, d'autant que contrairement à Mozart, on est là dans un terrain peu fréquenté !
J.S. Bach: Complete Keyboard Vol. 3 « à la française » ; Benjamin Alard (HM)
→ Une Suite anglaise, deux Suites isolées, une Partita… trois disques, essentiellement des suites à la française (en dépit de leurs dénominations),
pour un programme à la fois thématique et transversal vraiment stimulant, jouées avec la maîtrise habituelle d'Alard, mais qui me paraît dans ce répertoire de danses un peu rigide et sérieuse, où j'espérais davantage d'élan, d'inégalité, de déhanché.
J'aime pourtant bien ces pièces d'ordinaire (sans être un des grands admirateurs de Bach), et me suis un peu ennuyé ici.
Bortnianski, Berezovski – « Nuits Blanches » : Le Faucon, Alcide, Demofoonte – Gauvin, Pacific Baroque (ATMA)
→ Opéras en français et italien de compositeurs russes (célèbres pour leur contribution liturgique au fonds de l'Obikhod !), dans un style postgluckiste ou classique-allemand. Très étonnant, passionnant.
(Le français de Karina Gauvin est ce qu'il est, son émission un peu molle pas la plus adéquate non plus, mais on ne peut lui dénier le feu !)
du Puy, Weber, Mozart : Bassoon Concertos ; van Sambeek, SwChbO, Ogrintchouk (BIS)
→ On peut donc faire ça avec un basson ! Cette finesse (changeante) de timbre, cette netteté des piqués, cette perfection du legato, j'ai l'impression de découvrir un nouvel instrument. J'aurais aimé la Chambre de Suède un peu moins tradi de son (comme avec Dausgaard), mais je suppose que le chef russe a été formé à un Mozart plus lisse (ça ploum-ploume un peu dans les basses…).
Quand au du Puy, c'est une petite merveille mélodique et dramatique qui sent encore l'influence du dramatique gluckiste dans ses tutti trépidants en mineur, une très grande œuvre qui se compare sans peine aux deux autres !
Ropartz, La Tombelle, Widor, Louigny… ; Nuits ; I Giardini, Véronique Gens (Alpha)
→ La voix mûrit doucement, et la rondeur du timbre, la saveur de la diction demeurent souverains. Parcours assez original où l'on gagne notamment une Chanson perpétuelle d'anthologie.
Jommelli : Requiem & Miserere, Il Giardellino
→ Très jolie musique baroque-classique, agréable, avec du verbe et des atmosphères.
Vivaldi / Tarkmann ; Concerto Köln, Martin Fröst (Sony)
→ Le grand arrangemeur Tarkmann, qui a transcrit magistralement tant d'opéras de Mozart, Beethoven ou Schubert pour petits ensembles à vent, a aussi proposé sa version pour clarinette de concertos de Vivaldi… ici joués sur l'un des meilleurs ensembles sur instruments anciens (quel grain sonore !) et par la clarinette la plus naturelle, fluide et transparente (quel son flûté !) de la scène actuelle.

Un régal absolu, où l'on retrouve en outre quelques thèmes récupérés d'oratorios (le grand air de bravoure de Giudita Triumphans) et opéras (le figuralisme pluvial d'Il Giustino).
Pēteris Vasks: Viola Concerto & Symphony No. 1 "Voices" ; Maxim Rysanov (BIS)
→ Planant et délicat, TB, et quel altiste toujours incroyable !
Naoumoff: Cinq valses pour piano quatre mains, par Soojin Joo, Emile Naoumoff (Melism)
Aimables valses de salon au langage à peine enrichi. Très mignon, comme certaines pièces de caractère un peu subverties du début du XXe siècle.
N. Boulanger / Pugno : La Ville morte (d'après D'Annunzio et non Rodenbach), Göteborg 2020 (vidéo du théâtre)
→ Dans l'esprit d'Uscher de Debussy, du français très sombre et un peu germanisé… mais difficile de se rendre compte avec la diction épouvantable de la distribution – on ne comprend rien, on ne voit pas trop où ça va…
Dommage, quel inédit exaltant ! (celui qui me tentait le plus de toute la saison!)
Firenze 1350
→ Interprétation et sélection extrêmement directes, qui évoquent le naturel des plus grandes œuvres de la période suivante (Dufay !).






commentaires nouveautés : versions

R. Strauss – Macbeth, suite du Rosenkavalier, Tod und Verklärung – Singapore SO, Lan Shui (BIS)
→ L'orchestre n'est clairement pas auix mêmes standards que les plus beaux d'Europe (cordes peu douces ni fondues, bois assez acides et durs, cuivres peu ronds), mais l'aération toujours fabuleuse des captations BIS et la tension imprimée par Lan Shui en font peut-être le plus beau disque symphonique Strauss que j'aie entendu…
→ Macbeth extraordinairement tendu, toujours tempêtueux, qui échappe à son habituel aspect aimable (j'y entends beaucoup le compositeur d'Aus Italien !).
→ Rosenkavalier d'une grâce ineffable malgré l'enfilade de tubes – chaque frottement dans chaque tuilage est tenu, si bien que tout semble d'une progression infinie (Hab mir's gelobt semble s'étendre à l'infini comme un final de Mahler, ne jamais se reprocher sur sa séduction mélodique, toujours aller chercher la beauté de l'harmonie et du contrepoint en rebfort).
→ Tod und Verklärung, tant de fois entendu en concert avec une vague indifférence, devient ici véritablement une question de vie ou de mort, donc l'élan ne se limite pas aux quelques tutti plus mélodiques.
Verdi – Attila – Monatyrska, Stefano La Colla, Petean, D'Arcangelo ; Munich RSO, Ivan Repušić (BR Klassik)
→ Ouille. La Colla (malgré quelques aigus en arrière), Petean et D'Arcangelo sont séduisants, quoiqu'on les devine peu sonores en vrai, et qu'ils ne brûlent pas exactement les planches par leur intensité dramatique ; mais Monatyrska qui crie tout ce qu'elle peut (que lui est-il arrivé ? méforme, usure prématurée par le stress de la carrière ?), et Repušić éteint l'orchestre sous une mollesse digne des studios de Gardelli…
Décidément impossible pour moi de trouver un disque BR Klassik un peu exaltant (excepté ceux de Dijkstra, tous superlatif), la captation froide n'aidant pas non plus.
Chausson « le littéraire » – Chanson perpétuelle, La Tempête (arr. Némoto), Concert – Pancrazi, Musica Nigella (Klarthe)
→ Très belle version de la Chanson perpétuelle, instrumentalement très vivante, nette et aérée – moins enthousiaste sur le chant trop en arrière, pas assez mordant et intelligible (la tournure que prend E. Pancrazi, une chouchoute, me préoccupe un peu), surtout pour de la mélodie aussi délicate – et sans enjeu de couleur ni de puissance.
Les deux autres pièces sont très réussies, mais disposent de versions plus animées (Kantorow est assez formidable pour la véritable version de la Tempête, et la discographie du Concert est large).
Widor: Organ Symphonies, Vol. 2 (s3 & s4) – Rübsam (Naxos)
→ Incroyable les points communs de la Troisième Symphonie avec les pièces de circonstance de Théodore Dubois ! Je n'avais jamais remarqué à ce point.
Belle interprétation habitée de Rübsam, aux belles respirations, dans les prises de son toujours assez peu physiques et un peu blanches de Naxos (pas le meilleur label d'orgue, clairement).
Shostakovich / Schnittke / Lutosławski – Concertos chambristes – Kammerorchester Wien-Berlin, Denis Matsuev (DGG)
→ Superbe lecture du concerto piano-cordes de Schnittke, avec un orchestre au grain plus fin qu'à l'accoutumée, et Matsuev qui sonne ici ample et majestueux (ce qui ne m'a jamais frappé au concert ni dans ses autres disques).
Programme par ailleurs assez ambitieux pour un disque de concertos !
Haendel: Messiah, HWV 56 (1742 Version) ; Gaechinger Cantorey, Rademann
→ Grosse déception : tout semble retenu vers l'arrière, comme si chaque note était arrachée à la glaise, impression désagréable d'un retard permanent sur son propre tempo – sans doute lié aux choix d'attaque des cordes ? Solistes et chœur plaisants mais assez lisses, on est vraiment loin du grand Rademann d'il y a quelques années. (J'avais eu cette impression aussi en concert, depuis qu'il varie les ensembles avec lesquels il travaille…)
Gesualdo – Tenebræ – Graindelavoix
→ Lecture archaïsante qui met en valeur le plain-chant et lent contrepoint plutôt que la déclamation théâtrale, en tirant l'esthétique vers le XVIe siècle. Toutes choses qui se défendent, mais les timbres assez blancs de l'ensemble m'empêchent d'y prendre le même plaisir. Beaucoup plus séduit par la lecture résolument XVIIe, beaucoup plus incarnée, de l'ensemble Tenebræ – parue deux semaines plus tôt.
Monsieur de Sainte-Colombe, Pierlot, Lucile Boulanger, Rignol, Lislevand (Mirare)
→ Superbes versions, vivantes et lumineuses, du catalogue de Sainte-Colombe.
Bach: Sonatas for Violin and Basso Continuo, BWV 1021-1024 – La Divina Armonia (Hirasaki, Camporini, Lorenzo Ghielmi)
→ Sensiblement plus rares au disque, me semble-t-il, que les sonates violon-clavecin (BWV 1014-1020+1022) qui sont un rare cas de partition d'accompagnement clavier entièrement écrite. Celles avec basse continue (BWV 1020-1-3-4) évoquent davantage la tradition italienne, paraissent moins sorties d'un univers parallèle, mais regorgent de beautés.
→ Beau son de violon très fin, aux phrasés courts, belle gambe délicate, et clavecin un peu timide, tout cela est fort joli.
Dvořák, Smetana & Suk : Piano Trios (intégrale) ; Irnberger, Geringas, Kaspar (Gramola)
→ Beaucoup de grain et d'engagement dans ce très bel ensemble, qui comprend les quatre trios de Dvořák servis au plus haut niveau, ainsi que les plus rares bijoux de Smetana et Suk.
Comme d'habitude Gramola se révèle une référence à suivre les yeux fermés en matière de musique de chambre.
Beethoven – Complete Trios : Triple concerto, « Septuor » ; Van Baerle Trio, De Vriend (Challenge Classics)
→ Par le trio qui a magnifié la version originale du Premier Trio de Mendelssohn, une intégrale Beethoven qui approche ici deux formats insolites : la transcription du Septuor et le Triple Concerto ! Avec un brio (et un orchestre bien-dialoguant et tranchant !) qui reste comparable à la réussite du Mendelssohn !
Schumann: Overture, Scherzo & Finale ; LSO, Gardiner (LSO live)
→ Toujours cette pâte très légère de Gardiner-LSO (le petit volume était même très surprenant en concert). Beau travail fin, qui perd un peu en puissance épique.
Vu la durée (20 minutes), je suppose que ce n'est disponible qu'en dématérialisé.
Couperin / Gesualdo : Tenebræ, par Tenebræ & Nigel Short (Signum)
→ Très belles versions, sobres et habitées, de deux des plus belles compositions pour la Semaine Sainte. On admire vivement la maîtrise conjointe de ces deux esthétiques très différentes.
Beethoven: String Quartets, Opp. 132, 130 & 133 ; Tetzlaff Quartett
→ Très belle interprétation, forcément, de ces quatuors de maturité – avec un ringraziamento du Quinzième entièrement en diamant, sans vibrato.
Pour autant, dans ce corpus saturé, il y a encore plus inventif / cohérent / absolu à mon avis chez des ensembles constitués (Italiano, Pražák, Takács, New Orford, Leipziger, Belcea, Brentano, Cremona…).
La Grande Fugue est tout de même stupéfiante d'aisance technique, comme à peu près nulle autre je crois bien.
Couperin, Leçons de Ténèbres – Mutel, Deshayes, Martin Bauer, d'Hérin (Glossa)
→ Continuo extraordinaire, Bauer éloquent à la gambe, et surtout les réalisations au clavecin riches, mélodiques, élancées, originales de Sébastien d'Hérin, pleines de dynamisme et de couleurs !
Vocalement, c'est moins idyllique : Deshayes reste très « globale » mais plie sa grande voix avec grâce à l'exercice, tandis que Mutel reste toujours aussi floue, et la voix vieillissant, le blanchiment et le vibrato sur le timbre deviennent assez désagréables, a fortiori dans ce type d'orfèvrerie – or sa technique l'empêche de dire précisément le texte pour compenser…
Mérite néanmoins grandement l'écoute pour l'intérêt tout particulier de l'accompagnement instrumental, parmi les plus aboutis de la vaste discographie ! (et le meilleur de ceux avec clavecin, Christie inclus)
Vivaldi: Concerti per flauto ; Antonini (Alpha)
→ Très vivace interprétation de concertos largement documentés… Reste la limite de l'instrument, en particulier le flautino pépiant (et pas toujours juste), qui n'est pas l'instrument le plus admirable ni le moins agaçant qui soit.
Zemlinsky — Sinfonietta, , 6 Songs, Op. 13 & Der König Kandaules — ÖRF (Capriccio)

→ Très belles versions (en particulier les extraits du Roi Candaule avec Siegfried Lorenz !). Je n'ai pas vérifié si les Maeterlinck avec Petra Lang sont aussi une réédition.
Beethoven: Symphony No. 5 ; MusicAeterna, Teodor Currentzis (Sony)
→ Excessivement rapide, tendue comme un arc, une version qui ose le tempo extrême suggéré par Beethoven, qui fait par endroit exploser le col legno et les timbales, avec des cuivres plus capiteux qu'à son ordinaire, et un véritable concerto pour contrebasson final !
Il existe versions plus construites (de Markevitch à Janowski, en passant par Dohnányi, Hogwood et le dernier Harnoncourt), moins fondées sur la seule énergie cinétique, mais le résultat demeure assez irrésistible, et pour une fois particulièrement neuf – ce qui était beaucoup moins patent dans leur tournée l'an passé.




commentaires nouveautés : rééditions

Strauss – les grands poèmes symphoniques – Museum de Francfort, Weigle (Oehms)
→ Rééditions sous forme de coffret contenant tous les volumes précédents.
On dit toujours que Kempe-Dresde constitue l'horizon indépassable de ces poèmes, et c'est tout à fait vrai, mais Zinman-Tonhalle et désormais Weigle-Museum peuvent tout à fait prétendre au titre.
→ Cette fluidité et cet élan miraculeux, servies par ce qui est possiblement l'orchestre le plus déraisonnablement virtuose d'Allemagne (et donc du monde), en font un jalon discographique capital – comme tous les Wagner-Strauss-Berg de Weigle, au demeurant.
→ Parmi les œuvres rares, une Deuxième Symphonie d'un romantisme flamboyant, pas du tout décadent, servie avec un feu étourdissant.
Beethoven – Symphonies – Sk Dresden, Blomstedt (Edel Kultur)
→ Remasterisation de ce beau cycle tradi mais habité, qui a connu une diffusion large grâce à la reparution sous licence chez Brilliant (déjà dans un son excellent).





Hors nouveautés, beaucoup de jolies découvertes pour moi !  (Les Hummel, je ne les avais pas écoutés depuis tellement longtemps…)

Voici les découvertes hors nouveautés :

Suite de la notule.

jeudi 2 avril 2020

Le défi 2020 des nouveautés – épisode 5


Et voici la cinquième livraison de l'année ! 

Nouveautés écoutées et commentées de ces dernières semaines (mises à jour au fur et à mesure dans ce tableau – il contient même la planification d'écoutes à faire ou refaire, que je vous ai épargnées ici).

Du vert au violet, mes recommandations.

♦ Vert : réussi !
♦ Bleu : jalon considérable.
♦ Violet : écoute capitale.
(Les disques sans indication particulière sont à mon sens de très bons disques. Dans les cas où je ne recommande pas forcément l'écoute, je place le texte en italique.)

Voici :

Suite de la notule.

lundi 1 juillet 2019

Saison 2018-2019 : bilan de l'année concertante & grande remise des Putti d'incarnat


La saison passée, après avoir passé de nombreuses heures à essayer de faire une jolie présentation, je n'en suis pas venu à bout et n'ai rien publié…
Cette saison-ci, du fait des… 193 spectacles vus depuis le 1er septembre (et cela se poursuit en juillet), j'adopte une autre stratégie : un grand tableau qui contient toutes les données statistiques, avec les distributions, les lieux, les époques, les remises de putti d'incarnat, le prix de revient…

Tant de beautés, parfois un peu secrètes, méritent un petit tour d'horizon, que voici.



1. Les putti d'incarnat

Voici donc venu l'instant de la grande remise annuelle de la récompense suprême pour tout artiste informé, le putto d'incarnat – qui est au diapason d'or ce qu'est la médaille olympique de lancer de poids à la compétition de pétanque de la félibrée.
Seule la rédaction de Carnets sur sol réunie en collège extraordinaire est habilitée à le décerner, ce qui garantit la clairvoyance de son attribution, et l'absence absolue de collusion maligne.

Hautement respecté, il se matérialise par un putto de van Dyck, remis directement à chaque lauréat sous forme d'un précieux carré de pixels.


les putti d'incarnat

Au delà du jeu des breloques, c'est aussi et surtout l'occasion de mettre en valeur des œuvres, concerts ou interprètes qui n'ont pas toujours été très exposés. Il est vrai que le travail de recherche de ces concerts est un poste de dépense, en temps, assez considérable à lui seul !



2. Spectacles vus

Tout a donc été placé et organisé dans ce grand tableau.

Quelques précisions utiles pour sa lecture :
♦ en gris, les découvertes personnelles ;
♦ l'astérisque sur un nom signifie que j'entends l'interprète pour la première fois en salle (deux astérisques, que je le découvre complètement) ;
♦ dans la colonne « recension », tw signifie Twitter (cliquez sur « lire la discussion » pour accéder au commentaire complet), clk Classik (forum de référence), CSS Carnets sur sol (évidemment). Certains concerts n'ont pas été commentés (ou ont pu l'être sans que je remplisse la case, d'ailleurs).

Après hésitation, j'ai conservé la cotation des spectacles, pour permettre de lire plus clairement. Elle est sur cinq et ne relève que ma propre satisfaction : elle ne mesure pas l'intérêt des œuvres, ni même le niveau ou l'engagement des artistes… simplement l'état de ma subjectivité (qui peut varier selon le moment évidemment). D'une certaine façon, la seule cotation objective possible : celle de mes émotions plutôt qu'une qualité générale hypothétiquement universalisable.
D'une manière générale, on peut tout de même remarquer que jouent très fortement la rareté des œuvres (et leur intérêt, bien sûr ; cependant plus il y a découverte, plus l'émotion est forte, par exemple une opérette inédite par rapport à Tosca qui est un coup de poing, mais dont on a l'habitude), ainsi que certains paramètres d'interprétation (engagement, plaisir de jouer, qualité linguistique notamment).

À la louche, il faut le lire comme suit :
* : très bonne exécution, mais je n'ai pas vraiment été emporté, pas sensible aux choix, ou j'étais dans un mauvais soir (Couperin par Jarry, Mahler 3 par l'Opéra de Paris)
** : très bien, mais pas forcément sensible aux œuvres (Manon, Concerto pour violon de Weill, The Rake's Progress…) ou joué de façon terne (Boccanegra) ;
(à partir de ***, on est vraiment très haut)
*** : excellente soirée, très intéressante, très bien jouée ;
****  : assez parfait (mais ce n'est pas rare, ou bien il m'est arrivé d'entendre mieux), ou proposition imparfaite mais extrêmement stimulante (Les Démons à Berthier…) ;
***** : bonheur absolu

Je me suis même réservé, pour les grands soirs qui marquent une vie de spectateur, d'excéder les *****.

Je le redis ici, il ne faut pas le lire comme une « note » /5, ce n'est pas l'esprit de la chose.

Trois spectacles seulement sur les 193 ont une note « négative », où je me suis permis de partager mes doutes.
Bérénice de Jarrell. Je n'ai jamais autant regardé ma montre au spectacle. Jarrell est un très grand compositeur, les interprètes étaient excellents… cette fois-ci ça n'a pas pris, le rapport à Racine, la prosodie, même la musique ne s'articulaient pas ensemble. Une production où tout le monde était de bonne foi, mais une œuvre ratée à mon sens. Cela arrive. Il faut réécouter son opéra Galilée, son mélodrame Cassandre et sa musique symphonique.
Pelléas avec piano à l'Opéra-Comique. Les interprètes (pourtant tous très valeureux) ne possédaient pas bien leur rôle (pas techniquement, mais il ne se passait rien dramatiquement) : proposer le résultat d'une semaine de travail sur une œuvre aussi spécifique que Pelléas, avec un plateau où tout le monde faisait sa prise de rôle, dans un contexte aussi solennel qu'une grande salle de spectacle (pour ce qui aurait dû se donner dans une salle de répétition entouré des proches), ça ne pouvait pas fonctionner. Fausse bonne idée – là encore, ce n'était pas vraiment la faute des artistes, et ça aurait pu fonctionner, vu leur niveau, avec n'importe quel autre opéra… mais pas celui-ci avec tout le monde le nez dans la partition à compter les temps. Et surtout pas vendu comme un vrai concert, à Paris où l'on a en moyenne un Pelléas extraordinaire par an.
Le Procès de Krystian Lupa d'après Kafka, le seul pour lequel je n'ai pas beaucoup d'indulgence : atrocement lent, mal ficelé, délibérément laid… Tout était plat, démonétisé… et j'ai été mis un peu de mauvaise humeur aussi par ce qu'on voyait sur scène (de longues minutes pendant lesquelles un homme nu se touchait), alors qu'aucun avertissement envers le jeune public n'avait été émis (beaucoup de lycéens dans la salle). Un mauvais spectacle, c'est une chose, mais un spectacle nuisible…

Tout le reste, même pour les * où je ne suis pas convaincu sur les choix opérés, était de haute volée. Avec quelques sommets à peine imaginables dont je parlerai.



3. Statistiques

a) Lieux

193 soirées dans 91 salles différentes, dont 50 jamais testées !
Plus d'1/4 de salles nouvelles, après dix ans de concerts à Paris, je suis plutôt content de moi.

Les lieux les plus visités ?  Ils ne surprendront pas les habitués.
1. Philharmonie
2. CNSM
3. TCE
4. Bastille
5. Favart / Château de Versailles
6. CRR de Paris
7. Athénée / Odéon / Garnier
8. Marigny

Détail des salles où je suis allé plusieurs fois cette saison :
total Philharmonie (47)
Philharmonie (36)
total CNSM (24)
total Opéra de Paris (13)
CNSM – Fleuret (11)
CiMu (10)
TCE (10)
Bastille (9)
CNSM – salle d'orgue (6)
Favart (6)
total Château de Versailles (6)
total CRR (5)
CNSM – Pfimlin (4)
Athénée (4)
total Odéon (4)
Garnier (4)
CRR – auditorium Landowski (3)
Opéra Royal (3)
Versailles, Grande Écuries (3)
Odéon (3)
total Marigny (3)
CRR – salle Alain (2)
Temple du Luxembourg (2)
Saint-Gervais (2)
Marigny grande salle (2)

--

b) Genres

Opéra (55), dont scénique (32) et concert (23)
Symphonique (39)
Sacré (20), dont oratorio (4)
Théâtre (18)
Musique de chambre (17)
Lieder & mélodies hors orchestre (13)
Instrument solo (7), dont piano solo (5)
Ciné-concert (5)
Chœur solo (8), dont a cappella (6)
Comédie musicale (4)
Théâtre & musique (4)
Orgue (4)
Cantates profanes (3)
Théâtre en langue étrangère (2)
Improvisation (2)
Airs de cour (2)
Traditionnel / Folklorique (2)
Ballet (2)
Récital d'airs d'opéras (2)
Chanson / Cabaret (1)

--

c) Époques

Trop compliqué à compter, mais comme d'habitude, le déséquilibre de l'offre fait que triomphent très nettement les XIXe2 et XXe1, périodes que j'aime beaucoup, mais pas forcément à ce degré de différence.




4. Remise de prix

Les œuvres et interprètes remarquables sont déjà indiqués dans le fichier général, mais quelques précisions et éclairages.

les putti d'incarnat les putti d'incarnat les putti d'incarnat les putti d'incarnat les putti d'incarnat

a) Accueil

On est bien accueilli en de multiples endroits, mais deux salles proposent une expérience extraordinaire, où vous êtes à chaque pas accueilli avec bienveillance ; on vous conseille même sur les prix moins chers (quand on ne vous accorde pas de réductions indues), on vous aide à vous replacer sans que vous ne demandiez rien, et toujours le sourire, le plaisir d'être au contact du public… Un plaisir d'y aller, rien que  pour se sentir bien.

Pour cela, L'Athénée à Paris (rue Boudreau) et le Théâtre Roger Barat d'Herblay.

les putti d'incarnat les putti d'incarnat les putti d'incarnat les putti d'incarnat les putti d'incarnat

b) Lieux extraordinaires

Cette itinérance francilière m'a aussi permis d'accéder à des lieux incroyables. Il y a bien sûr les églises, avec les fresques XVIe du plein ceintre de Saint-Basile (Étampes), les culs-de-lampe drôles de Saint-Sévère (à Bourron-Marlotte), l'étrange cagibi qu'est la nouvelle Cathédrale orthodoxe de la Trinité à Paris, les splendides époques juxtaposées (XIe-XVIIe) de Saint-Aubin (Ennery).

Mais aussi d'autres lieux moins attendus, moins spécialisés : découvrir pour la première fois l'Orangerie de Sceaux, son volume et ses moulages, retrouver le grand théâtre de bois de l'amphi Richelieu de la Sorbonne (pour un programme Hensel-Wieck-Reverdy incroyable, de surcroît), être accueilli en invité dans les salons chamarrés du palais de la Fondation Polignac (très intimidant, l'impression d'entrer par effraction dans un monde parallèle), et sommet des sommets, la plus belle salle que j'aie vue sans doute, le Manège de la Grande Écurie face au château de Versailles, pour du LULLY ! – aux murs d'Hardouin-Mansart s'ajoutent les gradins et tourelles de bois de Patrick Buchain… ce lieu est d'une singularité et d'une poésie qui n'ont pas d'équivalent.

Quantité de théâtres charmants aussi (le Théâtre Michel par exemple), et des lieux qui, sans être toujours spectaculaires, marquent : la Fondation Pathé où les salles spécialisées peuvent accueillir de l'improvisation au piano devant les muets fraîchement restaurés, La Nouvelle Ève dans le quartier des cabarets, avec sa décoration totalement dépourvue de pudeur et de bon goût (ambiance lupanar avec des couloirs froides, déstabilisant), Les Rendez-vous d'ailleurs (un cabaret de quartier où les lavabos sont dans le m² de l'entrée, où le hall est aussi la salle… tout un théâtre de plain-pied contenu dans l'espace d'une grande salle à manger), La Passerelle (une sorte de microcantine-bibliothèque, un petit lieu de convivialité de quartier sous pierres apparentes, délicieux)…

Et bien sûr, souvenir particulier de la Salle du Dôme, grand demi-cercle au sommet du Conservatoire de Puteaux, où j'ai pu assister, tandis que le couchant embrasait Paris à travers les grandes baies panoramiques, à la répétition générale de Tarare de Salieri, littéralement contre les musiciens et chanteurs. Lieu fort beau, mais dont la jauge ne permet pas de donner de spectacles (nous étions quatre spectateurs).

les putti d'incarnat les putti d'incarnat les putti d'incarnat les putti d'incarnat les putti d'incarnat

c) Opéra scénique

Les Huguenots : contre toute attente, une production de l'Opéra de Paris. La qualité de la partition est telle que, bien servie (j'ai attendu qu'on soit en place, en toute fin de série…), elle procure une jubilation ininterrompue assez incroyable… tant de qualité mélodique, de modulations de relance adroites, de tuilages et ensembles… le vertige.

Normandie de Misraki (La Nouvelle Ève) : festival de jeux de mots lestes, musique généreuse servie avec un entrain formidable. Production assez géniale de ce qui aurait dû être une aimable curiosité.

Into the Woods de Sondheim (Massy) : jubilatoire jeu de contes, peut-être aussi le Sondheim mélodiquement le plus irrésistible.

Rusalka de Dvořák (mise en scène Carsen) : le wagnérisme dans un creuset mélodique slave, et une mise en scène à la fois si belle et fine (peut-être ce que j'ai vu de mieux sur une scène d'opéra), vraiment fabuleux (musicalement, on baigne dans la plus belle des riches voluptés).

Et beaucoup d'autres moments fabuleux : la décantation de Iolanta, The Importance of Being Earnest (Gerald Barry) et sa fantaisie, Véronique de Messager (version quintette piano-cordes), Le Testament de la tante Caroline (Roussel !), Madame Favart (le meilleur Offenbach peut-être), Le Jugement de Midas de Grétry, Le Retour d'Ulysse d'Hervé, Donnerstag de Stockhausen (quelle poésie !)…

Aussi le plaisir de la découverte en salle d'ouvrages que je savais plus mineurs mais qui, en vrai, demeuraient charmants : Galuppi-Goldoni (Il Mondo alla roversa), Korngold (Die stumme Serenade), Loesser (Guys & Dolls), Berio-Monteverdi (Orfeo III) Sondheim (Marry Me A Little).

Quelques belles retrouvailles aussi : L'Elisir d'amore (ça ne manque jamais), Otello (Kurzak et Alagna époustouflants, on verra cette soirée avec nostalgie avant peu), Hamlet, Tristan (Serafin m'a beaucoup touché !), Ariadne auf Naxos…

Très peu de mauvaises surprises : j'ai trouvé Mam'zelle Nitouche faible, mais les artistes se donnaient ; je n'aime toujours pas Manon mais la production était remarquable en tout point ; reste surtout la frustration de ce Boccanegra à l'économie du côté mise en scène et orchestre, vraiment pas au niveau d'une telle maison ni de l'œuvre… mais le niveau vocal était suffisamment très-bon pour sortir content.

Étrangement, cette saison, plus d'opérette et de comédie musicale, revenant en force à Paris, que de baroque français !  Je ne m'en plains pas, j'ai fait bombance de ce genre alors que les autres étaient jusqu'ici un peu négligés.

les putti d'incarnat les putti d'incarnat les putti d'incarnat les putti d'incarnat les putti d'incarnat

d) Opéra en concert

La Pskovitaine de Rimski-Korsakov : une œuvre d'une densité et d'un feu extraordinaire (le meilleur Rimski, à mon gré), alors servie par le Bolchoï, on crève de bonheur.

Paul & Virginie de Victor Massé : Massé n'est pas seulement l'immortel auteur des légers Les Noces de Jeannette ou Galathée, il a aussi donné dans le grand genre, et cet opéra est d'une richesse assez incroyable. Il comporte en ouvre de très grands morceaux de bravoure (un grand solo d'un quart d'heure pour le ténor, la lecture de la lettre de Virginie par Paul et son apparition fantomatique…), au service d'un roman qu'on ne considère plus guère et qui retrouve réadapté sans niaiserie, comme son modèle, au goût du second XIXe siècle. C'était en outre dans une distribution à crever de bonheur, que des très très grands : Sahy Ratianarinaivo (vous le retrouverez la saison prochaine dans plusieurs premiers rôles en France), Halidou Nombre, Tosca Rousseau, Qiaochu Li, L'Oiseleur des Longchamps (quel récitant hors de pair !), Guillemette Laurens…
Il faudrait vraiment d'une maison pourvue de moyens reprenne cela avec ou sans orchestre, et la même équipe.

Tarare de Salieri : je vous épargne pourquoi. Unique livret de Beaumarchais, une œuvre virevoltante et piquante, dans le langage français de l'époque mais plus riche, et écrit dans une continuité déjà wagnérienne… un hapax incroyablement jubilatoire, et par la meilleure équipe possible.

Léonore de Gaveaux : la source de Fidelio, dont beaucoup de l'esprit musical a été repris (et totalement transcendé) dans la partition de Beethoven. Un ravissement de fraîcheur, et non sans ambition, par de jeunes artistes de très, très haute volée (chefs de chant de la classe d'Erika Guiomar, et très grands chanteurs Ricart, Pouderoux, Poguet, Athanase…).

Le Roi Pausole d'Honegger : un des rares livrets loufoques réellement drôles. Récital d'examen (direction de chant) de Cécile Sagnier plein de vie.

Tristan und Isolde : un petit condensé Récital d'examen (direction de chant) de KIM Yedam. Avec Marion Gomar et Léo Vermot-Desroches, un duo d'amour incroyable, sur le tapis mouvement d'un orchestre enfermé dans un piano. Très, très grande lecture.

Tarass Boulba de Lysenko : le grand compositeur national ukrainien, contemporain de Tchaïkovski (et revenu à l'honneur dans l'Ouest du pays dernièrement, tandis qu'on joue La Fiancée du Tsar dans les opéras du Donbass – je n'invente rien !). De la musique très tranquillement consonante, dont les mélodies sont teintées de folklore. Passionnant de pouvoir le découvrir enfin en salle, dans de très bonnes conditions. Récital d'examen (direction de chant) d'Olga Dubynska.

Et beaucoup d'autres très grands moments : Idylle sur la Paix de LULLY (dans le style d'Armide), Arabella par l'Opéra de Munich, Salome (version piano condensée Théodore Lambert), Euridice de Peri (le premier opéra conservé, et dans une version expérimentale de recitar cantando), Candide de Bernstein (Rivenq en récitant dans un si bel anglais !)…

Par ailleurs, plaisir de découvrir Le Roi Pinard Ier de Déodat de Séverac (réputé perdu), l'étrange comédie tonale un peu sinueuse de Pierre Wissmer (Léonidas ou la torture mentale), Maître Péronilla d'Offenbach, d'être enfin convaincu par Isouard (Cendrillon par la Compagnie de L'Oiseleur), d'entendre enfin Issé de Destouches (même si déçu par la partition et l'interprétation). Et bien sûr, on ne se plaindra jamais de retrouver des doudous comme Serse (par Il Pomo d'oro en feu), Nabucco (Rustioni à fond et distribution folle), La Damnation (Antonacci, Vidal, Courjal, Roth !), Siegfried (avec Stikhina au sommet) et Götterdämmerung (Sergeyeva…) par le Mariinsky…


les putti d'incarnat les putti d'incarnat les putti d'incarnat les putti d'incarnat les putti d'incarnat


… la suite un peu plus tard avec les remises de prix symphoniques, chambristes, d'oratorio, de mélolied… et les distinctions concernant les artistes (autant cajoler aussi les vivants).




les putti d'incarnat les putti d'incarnat les putti d'incarnat les putti d'incarnat les putti d'incarnat

e) Musique symphonique

Sibelius 2 par l'orchestre Ut Cinquième, direction William Le Sage. Dans une église insupportablement glaciale (10°C, pas plus), la plus grande interprétation que j'aie entendue de cette symphonies. Bien qu'ensemble amateur, on est saisi par l'aisance et l'aplomb incroyable de cette formation, le plaisir évident de jouer aussi. William Le Sage (alors encore étudiant en direction au CNSM, il vient d'obtenir son prix il y a deux semaines !) parvient avec eux à sculpter la structure élusive des symphonies sibéliennes : l'impression de comprendre, comme jamais, les transmutations de la matière thématique, et avec quel relief et quelle gourmandise. Une expérience d'orchestre où les musiciens vous donnent l'impression de connaître si bien la composition que vous auriez pu l'écrire, un de ces voyages qui peuvent marquer une vie de mélomane.

Star Wars IV,V,VI,VII par l'ONDIF : musique géniale, du niveau des grands Wagner (en tout cas les IV & V), une forêt de leitmotive incroyables, habituellement couverts par les dialogues et bruitages, qui peuvent enfin, en condition de concert, s'épanouir (on entend mal sur les disques, qui ne sont d'ailleurs pas complets, et qui souffrent de manquer de l'ancrage de l'image évidemment, comme du Wagner écouté en fond…). A fortiori avec l'investissement toujours exceptionnel de l'ONDIF, qui n'a d'ailleurs rien mis à côté dans ces courses très intenses (où il faut absolument tenir le tempo) et malgré des traits d'orchestre absolument redoutables (et très exposés). Incroyablement jubilatoire en termes de musique pure, même indépendamment de l'intérêt des films.

Mendelssohn 3 par l'OCP et Boyd : À la fois charnue et acérée, la lecture la plus complète que je n'aurais pu rêver de cette symphonie… je découvre au moment de son départ que, tout en sobriété et finesse, Boyd est un très grand chef. Et l'engagement de l'OCP, comme d'habitude, combiné à leur hallucinant niveau individuel, a battu à plates coutures toutes mes références discographiques (Vienne-Dohnányi, HerasCasado-FreiburgerBO, Fey-Heidelberg…), émotionsubmergeante.

Bruckner 6 par l'OPRF et Chung (que j'entendais diriger pour la première fois, étrangement !). Je tenais la symphonie pour la plus faible de Bruckner – la seule que je n'aime pas vraiment, avec la 8 –, et j'ai au contraire été absolument passionné de bout en bout par cette lecture peut-être facialement traditionnelle, mais qui empoigne le matériau avec une telle intensité, une telle qualité d'articulation, que tout paraît, pour une musique aussi formelle et abstraite, incroyablement présent.

Polaris de Thomas Adès (Orchestre de Paris, Harding), pièce contemporaine au sujet astral, qui exploite l'espace d'une salle de concert de la façon la plus persuasive et agréable. Ce ne doit pas être très opérant au disque, mais c'est un ravissement en contexte.

Chostakovitch 5 par Toulouse et Sokhiev : Après avoir vénéré Chostakovitch et puis (très rare cas en ce qui me concerne) avoir réévalué mon intérêt sensiblement à la baisse ; après une mauvaise expérience en salle de cette symphonie (OPRF / Kuokman, vraiment pas un bon soir), l'une des rares que j'aime vraiment chez lui (avec la 10)… une révélation. Lecture ronde mais dense et intense, portée par l'engagement toujours sans faille de l'orchestre. La lumière douce et aveuglante à la fois du Largo m'a terrassé.

Quelques autres grandes expériences, comme le Beethoven (1,2,4) totalement ravivé et jubilatoire du Concert des Nations, ou Mendelssohn 4 & Schumann 2 par Leipzig (quel orchestre somptueux, charpenté à l'allemande mais d'une rare chaleur).

les putti d'incarnat les putti d'incarnat les putti d'incarnat les putti d'incarnat les putti d'incarnat

f) Musique de chambre

Le Cuarteto Quiroga, mon chouchou de tous les quatuors en activité, dans un incroyable programme Turina (Oración del Torero), Ginastera 1, Helffter (Ocho Tientos), Chostakovitch 8 !  La fine acidité fruité du son, le feu, la lisibilité sont poussés à des degrés inégalés dans des pièces dont la rareté n'a d'égale que la richesse (les modulations de Turina, les danses folles de Ginastera…).

Quintette piano-cordes de Jean Cras (Sine Nomine, Ferey). Farci de folklore breton et de chants de marins, mais d'une sophistication digne de son goût postdebussyste, une œuvre considérable, rarissime au concert (il s'agissait de célébrer la parution d'un second enregistrement de ce quintette).

Trios piano-cordes de Mmes Mendelssohn-Hensel, Wieck-Schumannk, Reverdy et K.M. Murphy par le Trio Sōra (là aussi, dans le tout petit groupe des meilleurs trios du monde, avec avec les Zadig, les Grieg et les ATOS…). Œuvres de grand intérêt, de véritables bijoux structurés avec sérieux et mélodiques avec générosité, servies avec l'évidence de ces artistes de haute volée (qui font sonner, sans exagérer, Kagel comme s'il était aussi accessible et génial que Mozart).

Réentendre, à deux ans d'intervalle (!) l'immense Quintette piano-cordes de Koechlin, cette fois par Léo Marillier et ses spectaculaires amis. Un des sommets de toute la musique de chambre.

Mouvements tirés de Haydn 72-2, Schubert 14, Grieg, Fauré, et deux quatuors de Brahms (3, par les Voce) Leilei (figuralismes d'arbre) par les étudiants du Quatuor Voce dans le 93 (CRR Aubervilliers, CRD Courneuve, CRM Fontaine-sous-Bois…). Niveau quasiment professionnel, même pour les quatuors issus de conservatoires municipaux, une homogénéité de son, une aisance, et même une réelle maturité musicale… Les présents (très peu nombreux dans la Mairie du IVe) furent très impressionnés. Un vrai moment intime et très intense de musique de chambre.

Sonates anglaises violon-clavecin (rien que des opus 1 !) du premier XVIIIe, d'Eccles, Stanley, Shield, Gibbs, Festing… par Martin Davids & Davitt Moroney. Outre les talents exceptionnels de conteur (et en français !) de Moroney, très surpris par l'intérêt de ce répertoire (étant peu friand de musique de chambre baroque, en général surtout décorative), et découverte de Martin Davids, un violoniste qui joue avec la même facilité que s'il traçait négligemment un trait de crayon dans le spectre sonore…

Pièces avec flûte, notamment de Rolande Falcinelli. Découverte de la compositrice, encore une figure, comme Henriette Puig-Roget par exemple, qui représente avec beaucoup de valeur la succession de la grande tradition française du début du XXe, et que le disque, les concerts ont totalement occultée.

Et quantité d'autres grandes aventures… les Quatuors de Gasmann et Pleyel sur instruments d'époque (Quatuor Pleyel), l'arrangement de la Symphonie 104 de Haydn pour Quintette flûte-cordes, un après-midi consacré à Louis Aubert par Stéphanie Moraly, la Première Symphonie de Mendelssohn pour violon, violoncelle (Quatuor Akilone) et piano quatre mains, le même Turina pour quatre guitares, l'intégrale des Trios de Brahms par Capuçon-Moreau-Angelich, le beau quatuor de Jean-Paul Dessy (Quatuor Tana), du clavecin à quatre mains (avec même au menu Saint-Saëns et Dvořák !)… bombance !

les putti d'incarnat les putti d'incarnat les putti d'incarnat les putti d'incarnat les putti d'incarnat

g) Musique solo

Franck, Saint-Saëns, Samuel Rousseau, Tournemire, Demessieux à la Madeleine par Matthew Searles. Quel programme de raretés !  Et exécutées avec une grande générosité, malgré l'instrument et l'acoustique vraiment difficiles. Les improvisations transcrites de Tournemire vous foudroient par l'ampleur des possibles qui s'ouvraient instantément sous les doigts de l'auteur des Préludes-Poèmes (on est plutôt dans cet esprit très complet, virtuose et nourrissant que dans les contemplations poétiques grégoriennes de l'Orgue Mystique).
Pas vu beaucoup de récitals d'orgue de cet intérêt et aussi bien soutenus !

Boyvin, Marchand & Bach sur le tout jeune orgue de Saint-Gilles d'Étampes (2018 !). Les deux Français splendides… en particulier Boyvin, lyrisme d'opéra si prégnant transposé (mais sans creux, répétitions ni longueurs, contrairement aux transcriptions d'opéras réels) dans le langage organistique. Si peu documenté au disque, et si persuasif.

Bach, Intégrale des Sonates & Partitas pour violon, Isabelle Faust. Comme le disque en témoigne, l'équilibre absolu entre les traditions, ni épaisseur du trait ni acidité du timbre, le meilleur de tous les mondes à la fois, tout en sobriété.

Beethoven, Sonates 6-14-16-31 par Daniel Barenboim. Autant j'ai de très grandes réserves sur le chef, autant le pianiste m'intéresse toujours. On pourrait trouver des petits jeunes encore plus fiables, mais il demeure bien préparé et très bien articulé comme toujours. Si ce concert m'a marqué (et davantage que celui avec les 7,13,21), c'est que j'ai redécouvert à l'occasion les sonates 6 et 16, de formidables bijoux d'invention qui ne m'avaient jamais autant frappé au disque.

Moi qui n'avais vu qu'un seul récital de piano solo en dix ans de concerts parisiens (et encore, un concert uniquement constitué de transcriptions d'opéras, d'oratorios et de symphonies par les élèves en direction de chant d'Erika Guiomar !), je les ai multipliés cette saison, avec la confirmation de l'évidence que les plus célèbres, même les artistes sérieux décantés par la carrière, ne sont pas nécessairement les plus intéressants.
Barenboim a tenu son rang, mais Pollini dépassé par des programmes que son âge ne lui permettent plus d'assumer, ou Zimerman excellent (mais pas virtuose ou singulier au point d'accéder aux demandes invraisemblables qu'il adresse à la Philharmonie pour accepter de venir) n'ont pas été mes plus grands moments d'éblouissement. Très agréable néanmoins, et belle expérience d'entendre tout ce monde en vrai, de se faire une représentation de la réalité de leur son (pareil pour Martha Argerich, que j'entendais pour la seconde fois – elle ne m'a pas déçu, absolument splendide et habitée dans le Concerto de Schumann, en revanche sa supériorité absolue me paraît une vue de l'esprit).

jeudi 1 mars 2018

Émile PALADILHE – L'Amour africain, méta-opéra et parodie de Prix de Rome


(Une notule est en gestation sur le cahier des charges du Prix de Rome, mais j'aurai trop de travail cette fin de semaine pour l'intégrer à celle-ci tout de suite. Voici donc.)

Comme il est d'usage pour les concerts, je lance désormais quelques impressions sur Twitter dans le métro pour économiser du temps pour les plus vastes projets de CSS (prochaine livraison : les opéras rares slaves occidentaux et médionaux donnés cette saison).

Mais pour une rareté de ce calibre, je voudrais en laisser une trace pour le jour où Twitter déposera son bilan.

C'est purement la retranscription des cui-cuis postés sur Twitter (avec quelques améliorations et quelques ajouts), d'où l'aspect fragmenté de la progression… Je le matérialise par les petits carreaux.


Du nouveau

Une nouvelle résurrection d'Émile Paladilhe, immortel auteur des Saintes-Maries et de Patrie!, par la Compagnie de L'Oiseleur, après le rejouissant Passant.
L'histoire d'un vieux compositeur Prix de Rome déprimé, plein d'ensembles !

L'œuvre tient ses promesses de lecture : le très grand art d'un grand raffinement (syncopes, modulations,modes exotiques) qui ne s'entend qu'à peine à l'écoute : aucune ostentation, tout est calibré pour atteindre son but émotionnel sans jamais le souligner (comme chez Dubois !).

émile paladilhe amour africain
Temple du Luxembourg, le 28 février.


Livret

♦ Résumé.
♦♦ Acte I : deux anciens Prix de Rome (peinture et musique) se retrouvent à Nice chez de riches hôtes. Après avoir raconté leurs aventures, ils décident de donner l'opéra inédit du compositeur le soir même dans la villa, chacun tenant un rôle.
♦♦ Acte II : L'opéra. Le pauvre Zeïn a sauvé la vie de Nouman, qui le comble de bienfaits. Il lui offre même une somme colossale pour acheter une esclave dont il est follement épris. Mais il s'avère que ladite esclave, Moïana a été achetée le matin même par Nouman, qui en est aussi amoureux. Moïana s'est vendue de son propre gré pour subvenir aux besoins de son père et de ses sœurs ; elle est séduite par la bonté de Nouman qui lui propose (non pas la liberté, ne poussons pas les arrières-darons dans les plantes urticantes) de laisser sa famille la visiter, et tombe amoureuse. Zeïn arrive, rappelle son serment à Nouman (de lui accorder la première chose qu'il demanderait), exige, puis cède, et finalement défie en combat Nouman. Moïana s'interpose, elle est frappée et… le souper est servi. Chœur de réjouissance stéréotypé des convives, louant la jeunesse et l'amour.

Le livret d'Ernest Legouvé se fonde sur le théâtre de Mérimée mais le fait aussi apparaître en caméo à la fin de l'acte I (façon Catherine de Médicis dans Les Huguenots) !
♦♦ L'acte II est, à la façon d'Ariane à Naxos (ou de Colombe de Damase), la représentation de l'opéra composé par le personnage (Paul Delatour, Prix de Rome), dans une Arabie pittoresque faites de déserts, de serments, d'esclaves vendues par des juifs avides.

♦♦ Et sa fin est abruptement escamotée (là aussi, un procédé cher à Mérimée, par exemple dans La Partie de Tric-Trac), par l'annonce du souper – contrairement à Ariadne, la parenthèse se clôt.

♦♦ (Le début de l'acte I, avec le duo d'époux amphitryons et sa « Comtesse du Pot-au-feu », évoque aussi immanquablement le lever de rideau sur les aubergistes du Pré aux clercs d'Hérold !)


Musique

Dans les deux parties, le sujet (invités impromptus revenus d'Italie dans une villa du Cap-Nègre,puis Arabie de fantaisie) invite à tout le pittoresque possible : musique de procession, sicilienne, modes orientaux… Mais tout cela toujours de façon assez pudique, coloré mais sans ostentation, alla Paladilhe.
On y entend passer aussi beaucoup de choses familières en musique française (les harmonies du tableau de Trinquetaille dans Mireille de Gounod, le galbe des répliques d'Athanaël dans le premier tableau de Thaïs…), mais aussi du Chopin très caractéristique, contre toute attente !


Un exemple : la Complainte du Prix de Rome

Le plus amusant se trouve dans la Complainte du Prix de Rome, où les primés se plaignent d'être (comme Paladilhe, distingué à seize ans !) toujours renvoyés à ce premier succès, sans en avoir nécessairement accompli d'autres.

émile paladilhe amour africain

« Dans ma jeunesse j'ai produit
Un fruit merveilleux, magnifique,
Mais hélas, il eut ce beau fruit
Un grand défaut, il fut unique.

On ne le comparait jamais
Qu'à la pomme des Hespérides !
C'est toujours une pomme, mais…
Vieille pomme pleine de rides !

Quel est ce produit étranger ?
Une banane, une patate ?
Quel est ce produit étranger ?
Le fruit d'un nouvel oranger ?
Hélas non !  C'est… une Cantate !

émile paladilhe amour africain

Ô cantate, je te maudis !
Grâce à toi, parmi les illustres,
Pour un jour je m'épanouis !
Mais grâce à toi, depuis dix lustres
Je vis à l'état de… printemps !
Je promets, je poins… je commence…
Je suis l'aurore et l'espérance
Une aurore de soixante ans !

Hélas ! Oyez les tristes contretemps
Du sexagénaire jeune homme
Toujours à l'état de printemps,
Qu'on appelle le Prix de Rome ! »

émile paladilhe amour africain

(Vous aurez noté la rime hardie « patate / cantate ».)

Musicalement, la complainte regorge aussi de clins d'œil : elle commence par une mélodie diatonique qui évoque immédiatement le plain-chant. (Ces modèles étaient très prisés par le jury, il y avait aussi parmi les éliminatoires un chœur en contrepoint rigoureux.)

émile paladilhe amour africain

Les reprises sont bien sûr ornées, les lignes chargées de mélismes, on y entend les appels dramatiques ménagés dans les petites cantates de l'épreuve finale (tout le questionnement patate / cantate se fait sur ce modèle),

et on retrouve surtout certaines cadences harmoniques un peu figées et « rétro », typique de la « manière juste » qu'on apprend dans les classes d'harmonie (surtout à l'époque où Paladilhe a étudié : on n'apprenait pas vraiment à s'en libérer ensuite).

émile paladilhe amour africain

Contraste très amusant avec les finesses du reste de l'opéra, donc.


Les ensembles

Autre intérêt de cet opéra : une très large part est constituée d'ensembles (dont deux longs quintettes à l'acte I !), qui font avancer l'action (longs solos !), où les lignes sont vraiment individualisées, et dont l'écriture ne se contente pas du schéma harmonique prédéfini.

émile paladilhe amour africain

(Un peu comme celui de Lakmé « Quand une femme est si jolie / Elle a bien tort de se cacher », sans être aussi marquant mélodiquement, et bien sûr sans l'ineffable Mrs Bentson courant les aventures irrégulières mais amusantes.)


L'exécution

♦ Avec Aurélie Ligerot, Chloé Chaume, Sébastien Obrecht, L'Oiseleur des Longchamps, Geoffroy Bertran, un ensemble vocal ad hoc dirigé par Martin Robidoux, et Mary Olivon au piano.

Je voudrais aussi les interprètes pour leur dévouement : un assez long opéra, exigeant pour certains rôles l'Italienne Margarita épouse du compositeur, le ténor-compositeur-riche arabe, le compositeur-baryton-ami jaloux…
(puisque les personnages de l'acte I endossent les rôles de l'acte II, comme dans Colombe de Damase, comme dans Capriccio…)
Que de travail pour un seul concert dans une petite salle (de plus en plus remplie au fil des saisons, j'ai l'impression), sans rémunération…
Il ne chanteront jamais ces rôles dans un grand théâtre bon pour leur carrière (ou qui les paie, tout simplement…), et pourtant certains sont déjà bien lancés comme Aurélie Ligerot (Rozenn à Saint-Étienne dans Le Roi d'Ys, il n'y a pas si longtemps !), Sébastien Obrecht…
Il faut ajouter à cela que Benjamin Mayenobe étant souffrant, L'Oiseleur et Geoffroy Bertran (issu du chœur) ont dû se partager dans la jourée le rôle du Comte ! (Et le caractère impromptu de la chose était inaudible, vraiment.)
Et le cœur se serre d'autant plus en considérant qu'en ces circonstances d'urgence absolue, le second quintette de l'acte I, d'ambition encore plus vaste, a dû être coupé… mais l'autre a été sauvé, ainsi que l'ensemble de la présente résurrection : le plus important.

D'une manière générale, très bien chanté comme toujours. Retrouvé l'excellente soprane Chloé Chaume, belle diction, sûreté dans tous les registres, timbre très agréable,

et découvert en vrai Aurélie Ligerot, qui semblait bien sur bande, mais m'a coupé le souffle ici : superbe médium ambré ET éclat vif de l'aigu, aigus tellement faciles et ronds dans n'importe quelle nuance, trille fabuleux, suraigu surpuissant (et timbré…). Et superbe diction.
Qu'une chanteuse de sa classe, avec une belle carrière ascendante et de tels moyens, consacre de son temps à réhabiliter un répertoire qui ne lui apportera aucune rétribution en finances comme en réputation, voilà qui est beau à voir.

Le chœur, largement constitué d'élèves de Sébastien Obrecht, mettait l'accent sur la beauté de la prosodie (la marque du chef, Martin Robidoux). Luxe, là aussi, de disposer d'un véritable chœur (fût-ce à deux par partie) pour un concert aussi intime.

Enfin Mary Olivon, tellement exacte et et éloquente pour rendre justice, au piano seul, aux alliages et à l'esprit de l'orchestre prévu ; je trouve que son son, en outre, se bonifie de concert en concert (devenu très beau).

Prospective

De Paladilhe, à présent, j'aimerais voir Patrie! sur scène, versant héroïsant du legs, mais je peux toujours courir – il y a quand même la scène de l'assaut d'un clocher, il faudrait vraiment de grands moyens, ou alors carrément mandater un plasticien plus abstrait façon Castellucci.
Il en existe quelques extraits par des chanteurs de l'époque cylindrique (en particulier « Pauvre martyr obscur »), et un duo gravé par Thébault / Pruvot / Talpain dans leur stimulante anthologie du Grand Opéra français.
Pour le reste, il faut faire en attendant avec mes gros doigts et ma petite glotte.

Pour le reste, la Compagnie de L'Oiseleur annonce parmi ses projets des opéras de Boïeldieu, Chaminade, Massé, Varney, Pessard, Polignac, des oratorios de Dubois et Deslandres, et même un Mazeppa de Clémence de Grandval (1892), un Guillaume le Conquérant d'Émile Bernard (1890) et la suite du grand cycle Hahn (après les inédits Prométhée délivré avec L'Oiseleur, Nausicaa avec Viorica Cortez et Guillemette Laurens, qu'ils ont également publié sur YouTube, La Colombe de Bouddha avec Jérôme Varnier ! – tous chroniqués sur CSS, allez voir) avec La Reine de Sheba (1924). Déjà hâte.

Ils font plus de résurrections patrimoniales en un an que Bru Zane, pas forcément moins intéressantes d'ailleurs, et ils ne touchent aucune subvention. Sérieusement ?

mercredi 15 novembre 2017

Les opéras rares cette saison dans le monde – #3 : en allemand





landestheater detmold
Le Landestheater de Detmold (Rhénanie du Nord – Westphalie, 73000 habitants, la taille de Cannes hors saison, moins peuplé que Champigny-sur-Marne ou Béziers…), où l'on jouera l'Élégie pour jeunes épris de Henze.
Comme il est d'usage dans les villes moyennes d'Allemagne, il existe non seulement un opéra (650 places…) mais aussi un orchestre permanent (Orchester des Landestheater Detmold, tout simplement) et une programmation assez ambitieuse : Henze, Adès, Wagner, et le Dracula de Wildhorn (dont je parlerai dans la notule sur les rassemblant les œuvres récentes). Bien sûr Mozart, Puccini et Kálmán, comme partout ailleurs.
Malgré son aspect XVIIIe-pragois, le théâtre, détruit par un incendie en 1912, a été conçu à partir de 1914 et inauguré en 1919 (oui, parfaitement, ça ravage la France et ça se contruit des théâtres néoclassiques).




Avant de lire cette notule :
principe général du parcours ;
¶ programmation en langues russe, ukrainienne, tatare, géorgienne ;
¶ programmation en langues italienne et latine.

Une surprise frappante, en observant la programmation du centre de l'Europe (et jusqu'aux franges les plus slaves comme la Bulgarie, l'Ukraine ou la Moldavie) : les opéras les plus donnés dans le monde, si l'on excepte la poignée d'ultra-tubes évidents (Don Giovanni, La Flûte enchantée, La Traviata, Carmen, La Bohème) sont manifestement Comtesse Maritza et Princesse Czardas de Kálmán !  Car l'opérette de langue allemande (éventuellement traduite) est réellement omniprésente à l'Est, de façon extrêmement massive, l'impression d'avoir lu ces titres dans tous les pays de cette région (jusqu'en Roumanie, en Moldavie, en Ukraine) !

Par ailleurs, cette saison est remarquablement riche en véritables raretés de très haute qualité, et l'avoir épluchée me donne moi-même quelques envies de voyage…

J'ai tâché d'ajouter des liens vers les œuvres, lorsque c'était possible, afin de satisfaire davantage votre immédiate curiosité.



landestheater detmold
Intérieur du Théâtre National Antonín Dvořák d'Ostrava, seconde ville de Moravie et troisième du pays. On y donnera Iphigénie en Aulide de Gluck, manifestement en allemand.



1. Opéras baroques et classiques

Telemann, Pimpinone (Opéra de Chambre de Moscou)
→ Intermezzo comique destiné à occuper l'entracte d'un opéra seria, comme c'était l'usage – et, selon la mode hambourgeoise, à la fois en italien et en allemand. Une intrigue de femme rouée qui veut se faire épouser par un riche vieillard, tout à fait standard. La musique n'en est pas vilaine, sans en être spectaculairement originale.
Extrait.

Gluck, Iphigénie en Aulide, en allemand (Ostrava en Moravie)
→ L'œuvre écrite pour Paris, la première présentée par Gluck. Dauvergne raconte dans ses mémoires qu'à la lecture de la partition, les directeurs étaient persuadés que, s'ils donnaient l'œuvre, ils allaient immédiatement ringardiser tout leur répertoire – ce qui advint, d'où la frénésie d'œuvres nouvelles et d'invitation de compositeurs italiens (Piccinni, Sacchini, Salieri, Cherubini…). C'est évidemment une vision rétrospective (et Gossec utilisait le même langage dans Sabinus donné quelques mois avant), mais elle marque bien l'importance de cet ouvrage dans l'esthétique lyrique française.
→ C'est la première partie de la légende d'Iphigénie (son sacrifice), la plus baroque-française des œuvres de Gluck, avec un aspect beaucoup plus galant, moins hiératique que ses tragédies ultérieures. Cela avait tellement touché la sensibilité du temps que les chroniqueurs rapportent que la salle était en pleurs pour les adieux d'Iphigénie (supposée aller épouser son fiancé Achille, mais que son père livre en réalité au sacrifice pour que les Grecs puissent retrouver des vents et partir pour Troie).
→ Il n'est pas inhabituel, même si moins fréquent qu'autrefois, de traduire Gluck en allemand, sans doute considérant ses origines linguistiques.

Mozart, Die Schuldigkeit des ersten Gebots (an der Wien)
Le Devoir du Premier Commandement, la première œuvre lyrique scénique de Mozart (D.35, à onze ans), est un « singspiel spirituel », c'est-à-dire une pièce de théâtre musical à sujet religieux, pas exactement un opéra.  Un oratorio allégorique où discutent l'Esprit du Christianisme, la Miséricorde et la Justice, occupés à secouer les chrétiens tièdes hors de l'Esprit du monde. Mozart n'a écrit que l'acte I, les deux autres – aujourd'hui perdus – étant confiés à (Michael) Haydn et Adlgasser, ses professeurs.
→ Je n'ai pas de données sur la quantité d'aide reçue de son père et de ses professeurs, mais il s'agit déjà de très belle musique, plutôt le haut du panier de son temps, avec déjà des couleurs harmoniques qui caractériseront Mozart toute sa vie. (Évidemment, musique très vocale et décorative, comme on peut s'y attendre avec le sujet et l'époque. Le Mozart dramaturge de génie n'éclot que plus tard.)

Mozart, La finta giardiniera, en allemand (Baden-Baden)
→ Déjà présenté dans la partie italienne, une œuvre qui revient à la mode, vraiment de la structure à numéro bien faite, mais très décorative. À tout prendre, j'aime davantage la Schuldigkeit !

Mozart & co., Der Stein der Weisen oder Die Zauberinsel (Innsbruck)
→ Œuvre collective (Henneberg largement, mais aussi Schak, Gerl et Schikaneder) sur un livret de Schikaneder, avec une équipe d'interprètes similaire à la Flûte. La partition a été retrouvée en 1996 et enregistrée pour la première fois en 1999.



landestheater detmold
Les Fées de Wagner seront seulement donnée, cette année dans le monde, au Théâtre d'État (bâti de 1879 à 1899) de Cassovie (Košice), deuxième ville de Slovaquie. Ici, la vue enchanteresse des parterres d'eau qui le séparent de la cathédrale.



2. Opéras romantiques

Spontini, Agnes von Hohenstaufen (Erfurt)
→ Rareté des raretés, un Spontini qui figure parmi ses plus importants, mais qui n'existe au disque, sauf erreur, que dans des versions italiennes (mal captées et très molles).
→ Manifestement assez influencé par le genre spectaculaire français pré-grand opéra (beaucoup de points communs avec l'économie d'Olympie), à la fois vocalisant et recourant aux effets dramatiques issus de l'héritage Gluck (trémolos de cordes), avec un goût pour les grands ensembles, les effets de foule, les trompettes solennelles, mais aussi de très beaux élans vocaux…
→ Lien vers la meilleure bande disponible à ce jour.

Weber, Oberon (Budapest)
→ Bien que Weber se soit mis à l'anglais pour pouvoir mettre en musique Oberon, on s'obstine à le donner encore assez souvent en allemand. (Je crois que c'est le cas pour cette production.) Sans hésitation son meilleur opéra de mon point de vue, avec un sens de l'évocation du merveilleux tout à fait remarquable, sensiblement moins bon enfant et formel que le conte du Freischütz. Le quatuor de l'embarquement (le thème le plus virevoltant de l'Ouverture) ou l'invocation des démons marins par Puck sont des moments qui n'ont pas réellement d'équivalent dans l'histoire de l'opéra.
→ Privilégiez le studio Gardiner plutôt que les vieilles versions visqueuses en allemand (ou, si vous la trouvez, la bande de Minkowski à Anvers !).

Schubert, Fierrabras (Milan)

→ Bien qu'on insiste surtout sur l'image d'un Schubert en butte aux échecs lyriques (et, de fait, il le fut – c'est même la source d'autres théories fantaisistes le concernant), Schubert n'était pas du tout un mauvais compositeur d'opéra, au contraire. Tous ses singspiele ne sont pas d'égal intérêt, mais l'opéra avec récitatifs musicaux Alfonso und Estrella (qui débute par l'un des plus beaux airs de baryton jamais écrits, et dont l'un des thèmes est repris dans le Winterreise – n°16, « Täuschung ») est un bijou absolu.
→ Il en va de même pour Fierrabras, véritable pépite : livret étrange mais original (les amours secrètes de la fille de Charlemagne d'une part ; ceux de Roland avec une mauresque dont le père l'a traîtreusement fait prisonnier d'autre part), où le personnage éponyme ne tient que les utilités. Et surtout, une musique qui déborde de beautés comme Schubert seul sait les concevoir, tel le chœur a cappella ineffable des chevaliers prisonniers, la cabalette sauvage de la mauresque courant sauver Roland, de superbes ensembles, plusieurs mélodrames trépidants (car oui, Schubert est un prince du ton épique )…
→ Pourtant, ses opéras sont finalement assez peu donnés (une production d'un d'entre eux de loin en loin…).

Marschner
, Der Vampyr (Budapest)
→ Une des grandes séries estivales de CSS explorait le détail de l'adaptation depuis les soirées littéraires de Byron jusqu'au livret de cet opéra. Musicalement, c'est une œuvre très marquante (Wagner en a décalqué à la fois l'Ouverture et la Ballade d'Emmy pour son Hollandais Volant), à la fois terrible (spoiler : beaucoup d'innocents meurent) et dotée d'étranges sections comiques (les buveurs persécutés par la matrone).
→ L'œuvre est rarement respectée (son mélodrame au clair de lune, où Ruthven guérit de sa blessure mortelle accompagné par une monodie de cor, est rarement donné avec le texte… certaines versions coupent le texte parlé, etc.), pas beaucoup bien jouée (Rieger et surtout Neuhold sont à écouter au disque), mais elle est à connaître, aussi bien pour son importance sur la scène lyrique du temps que pour ses sommets, dont certains inégalés : le grand récitatif où le vampire raconte son sort, comment il est revenu dévorer la petite dernière qui le suppliait (« Tu vois son visage innocent s'incliner, / Tu voudrais au loin fuir, tu ne peux l'épargner ! / Ton démon t'entraîne, ta soif te possède : / Tu dois verser ce trop cher sang ! »). D'un impact, musical comme théâtral, assez inégalé. Et quel texte au cordeau !

Flotow
, Martha à Annaberg (Saxe) et Innsbruck
→ Martha est restée un classique sur les scènes germanophones et, bien qu'on l'ait jouée en France en français, a surtout connu sa fortune là. Une partition assez riche sur un sujet à la Véronique, où une aristocrate joue à la servante ; l'harmonie n'en est pas pauvre, et les ensembles y sont omniprésents (même s'ils tendent à être écrits uniformément en homophonie, chacun débitant sa ligne de croches). Résultat plein de douceur, d'élégance et de jovialité, qui explique sans doute, avec son livret espiègle et familial, aux héros austeniens un peu tombés de leur piédestal.
→ La version Wallberg vaut le détour chez EMI, aisément disponible, superbement captée, belles rondeurs orchestrale et plateau vertigineux : Popp, Soffel, Jerusalem, Nimsgern, Ridderbusch. Que des chouchous. [ par exemple.]


Verdi, I Masnadieri (Volksoper de Vienne)
→ Également donné, en italien, à Monaco, Bilbao et Rome. Présenté dans la notule consacrée à la programmation italienne mondiale.

Wagner, Die Feen à Košice (Slovaquie)
→ Premier essai (achevé, du moins), et un bijou, qui puise à toutes les écoles du temps, aussi bien Weber que Bellini, avec un certain humour et un savoir-faire très impressionnant. Très beaux airs récitatifs ou quasiment belcantistes, superbes ensembles très densément écrits. J'y avais consacré une série au moment de son passage à Paris : place dans le catalogue, livret, influences musicales, innovations majeures, et la mise en scène d'Emilio Sagi.

Wagner, Rienzi (Innsbruck)
→ Le seul ratage lyrique de Wagner. On le décrit souvent comme du mauvais grand opéra, n'en croyez rien : Rienzi ressemble à un seria de Rossini, en deux fois plus long, et sans aucune mélodie (excepté la jolie Prière, mais ça fait pas bien long). Une sorte de pudding très vertical (n'y cherchez pas des trouvailles de contrepoint !), très long, très fade – mais aussi très lourd. Je ne le dirai pas souvent, mais je ne vois pas trop l'intérêt de se forcer à écouter ça.

Offenbach, Die Rheinnixen (Budapest)
→ Ouvrage sérieux en allemand complètement éclipé d'Offenbach, redevenu à la mode en vingt ans, et qui, sans être devenu un standard, est joué quasiment tous les ans quelque part (et plusieurs fois en France). C'est de là que provient la Barcarolle des Contes d'Hoffmann, certes, néanmoins le reste de l'ouvrage est également d'une très belle qualité (pas seulement mélodique).

Suppé, Die schöne Galathée (Plauen-Zwickau)
→ « Opéra comique mythologique » d'après le livret de Barbier & Carré pour la Galathée de Massé. Une jolie opérette.



landestheater detmold
Pour voir Tiefland d'Eugen d'Albert cette année, il faut aller au vaste Opéra de Budapest ou découvrir l'étonnant Opéra de Sarasota, sur la côte Ouest de la Floride. C'est un ancien théâtre de vaudeville, également utilisé comme cinéma, contruit en 1925 dans ce style néo-mexicain, très hacienda-La-Vega – de l'extérieur également.



3. Opéras postromantiques et « décadents »

Cornelius, Der Barbier von Bagdad (Plauen-Zwickau)
→ Toujours donné de loin en loin en Allemagne, même s'il n'est plus autant à la mode (je voix au moin six enregistrements, tous avant 1975 !), supposé dans la veine comique, mais très soigné musicalement, avec des effets orientalisants assez marqués. Pas sans points commun avec Mârouf de Rabaud, dans son genre plus lyrique et plus… allemand.
→ Une vieille version de référence par ici.

Wolf, Der Corregidor (Budapest)
→ Une sacrée rareté. La partition est foisonnante, abstraite, difficile comme du Wolf. Figurez-vous l'harmonie retorse du maître plongée dans un moule dramatique et contrapuntique plus wagnérien, où Wolf aurait mis toute son application. Comme la Pénélope de Fauré, je ne suis pas complètement sûr, à la lumière du seul enregistrement (ancien) trouvéet de la partition piano, que ce soit tout à fait digeste, mais c'est à coup sûr riche et fascinant. Et je ne crois pas que ça ait été donné depuis fort longtemps – ni que ce devienne jamais un hit européen.
→ Une gravure très attirante (Donath, Soffel, Fischer-Dieska) que je n'ai pas encore essayée.

d'Albert, Tiefland (Budapest, Sarasota en Floride)
→ Retour en grâce progressif pour Les Terres basses (même donné à Toulouse en début de saison !), d'un postromantisme aux élans irrésistibles – la descente vers les Terres Basses, c'est de l'ordre de celle chez les Hommes dans Die Frau ohne Schatten de Strauss, à ceci près que le livret est totalement réaliste / vériste, une histoire sordide de berger simplet envoyé épouser la maîtresse (plus ou moins forcée) du potentat local. [Évidemment, ça finit en La maîtresse du roi !  Tout leur sang et le mien ! en mode berger-tueur-de-loups-à-mains-nues.]
→ Plusieurs très belles versions au disque (Zanotelli, Schmitz, Janowski…), au moins dix de disponibles, dont un DVD. Présentation rapide par le passé dans cette notule. Le reste du legs d'Eugen d'Albert n'est pas à négliger, en particulier la formidable Symphonie en fa, qui n'est jamais exécutée en concert, mais a elle aussi été plusieurs fois gravée (au moins trois bonnes versions).

Janáček, Das schlaue Füchslein, version allemande de la Petite Renarde rusée (Aix-la-Chapelle, Hagen, Koblenz)
→ Le meilleur Janáček à mon sens (je ne suis pas le seul), d'assez loin. Probablement le plus coloré, assurément le plus poétique. Celui où l'on entend moins ce côté Puccini chic mais sans mélodies. Et une jolie histoire atypique, qui, issue de vignettes (plus ou moins une bande dessinée, me semble-t-il) parues dans la presse, interroge l'essence de la vie.
→ Assez fréquemment donné en tchèque (y compris sous forme de réductions et arrangements divers – versions de chambre, version en dessin animé…), plus rarement en allemand.

Schreker, Der ferne Klang (Lübeck)
Schreker, Die Gezeichneten (Munich, Komische de Berlin, Saint-Gall)
→ Deux œuvres centrées autour de paraboles artistiques, sur de très beaux livrets du compositeur (surtout la seconde, désormais régulièrement donnée, presque chaque saison, dans les trois principaux pays d'Europe germanophone) qui explorent des formules musicales très riches (contrepoint complexe permanent, superposition d'accords, modulations sophistiquées, etc.) tout en exaltantle détail du texte et sans refuser un lyrisme assez irrésistible. L'écho entre les différents niveaux de lecture et d'écoute les rend tout à fait passionnants, parmi les fleurons de leur époque (années 1910), et Schreker était ainsi perçu jusqu'à sa mise à l'écart par les nazis – qui goûtaient peu le trouble de sa musique et de ses livrets. Ses figures d'artistes errants, criminels et impuissants documentaient assez exactement la société amollie et dégénérée contre laquelle toute leur rhétorique était bâtie.
→ Ce sont ses deux meilleurs opéras. Die Gezeichneten est inapprochable, mais Der ferne Klang reste assez rarement donné, il faut en profiter.
→ Et il en est abondamment question dans le chapitre dédié de Carnets sur sol.

Busoni, Doktor Faust (Osnabrück)
→ Parmi les compositeurs innovants de sa génération, ce Doktor Faust fait partie des rares titres d'opéra à rester peu ou prou à l'affiche au fil des ans. Sans doute grâce au sujet, mais cette vision héritée de Marlowe sans passer par Goethe, sise sur une musique tonale mais qui sent le voisinage de Berg, cherchant de nouvelles possibilités musicales sans renverser la table (Busoni avait théorisé des développements possibles en microtonalité, allant jusqu'à proposer des schémas d'aménagement sur les pianos pour les rendre confcrètement réalisables), ne manque pas de matière ni de qualités. Son principal défaut et que le rythme dramatique n'est pas très effréné, évoluant dans un mystère qui évoque davantage les Scènes de Faust de Schumann que la tension théâtrale la plus spectaculaire du temps. Pour autant, dans ces couleurs ramassées, sombres et discrètes, il se passe réellement quelque chose.

Hubay, Anna Karenina (Bâle)
→ L'œuvre est originellement écrite en hongrois, mais il est très possible, comme cela se fait souvent dans les pays germanophones pour les œuvres rares tchèques ou hongroises (voire les opéras comiques français, pour lesquels il existe toujours une tradition vivace d'interprétation en traduction), qu'elle soit jouée en allemand.
→ HUBAY Jenő (né Eugen Huber) est surtout célèbre comme violoniste ; virtuose, ami de Vieuxtemps, pédagogue, la discographie le documente essentiellement comme compositeur de pièces pour crincrin. Néanmoins, cet opéra, fondé sur une pièce française (Edmond Guiraud), lorsqu'il est écrit en 1914 (mais représenté seulement en 1923), appartient plutôt à la frange moderne, d'un postromantisme assez tourmenté et rugueux. Très intéressante et intense.
→ Hubay a écrit neuf opéras, dont certain sur des livrets assez intriguants : Alienor en 1885 (traduction d'un livret d'Edmond Haraucourt), Le Luthier de Crémone en 1888 (traduction d'un livret de François Coppée et Henri Beauclair), La Vénus de Milo en 1909 (d'après Louis d'Assas et Paul Lindau) et plusieurs inspirés de contes et récits populaires hongrois.
→ Extrait de la version originale ici.

Řezníček, Benzin à Bielefeld (Westphalie)
→ Řezníček appartient à la mouvance des décadents mais sa musique s'apparente souvent à un postromantisme assez formel et opaque, pas très chaleureux. Benzin (pas été donné depuis 2010 à Chemnitz, me semble-t-il) échappe à cela, avec des couleurs orchestrales et des grincements plus caractéristiques, mais j'attends toujours d'être réellement saisi par ce grand représentant du temps, ami de R. Strauss, partagé entre sa formation à Graz et ses succès à Prague et à Berlin.
Court extrait de la production de Chemnitz.

Krása
, Brundibár (Sassari, Linz)
→ Opéra pour enfants (le protagoniste étant un chœur d'enfants), récrit dans les camps pour les prisonniers du camp, où est mis en scène une sorte de croquemitaine dérisoire, de tyranneau vaincu par l'union des enfants et des animaux. Plus simple que le Krása habituel, pas vraiment passionnant en soi, plutôt un témoignage culturel de l'art (et de l'humanité) qui pouvaient survivre dans les camps. La première version en 1938 exalte plus le patriotisme, ai-je lu, que la version de 1943 habituellement donnée, plus tournée vers le retour d'une forme de justice.

Waltershausen
, Oberst Chabert (Bonn)
→ Une merveille. Du postromantisme à la fois généreusement lyrique et très complexe ; très chantant et accompagné d'un orchestre très disert ; à la fois profusif et assez lumineux. Et tout à fait personnel : ce n'est ni du Strauss versant lyrique, ni du Schreker gentil, ni du Puccini germanisé… vraiment un équilibre que je n'ai pas entendu ailleurs, quelque part entre le commentaire orchestral wagnérien et une gestion beaucoup plus directe (italienne ?) de l'action, un lien plus évident entre mélodie vocale et déclamation.
→ Il existe un très beau disque CPO capté à la Deutsche Oper, merveilleusement dirigé par Jacques Lacombe et impeccablement chanté (M. Uhl, Very, Skovhus, tous trois dans un très bon jour) – extrait ici.

Hindemith, Mathis der Maler (Gelsenkirchen)
→ Resté très célèbre grâce à sa suite, une des œuvres les plus enregistrées de Hindemith, et toujours donné de temps à autre, Mathis trace le portrait de la société qui entoure un peintre (anachroniquement) visionnaire, forcément esseulé au milieu des enjeux de la politique – et même de l'amour. Le langage y est riche, mais homogène, sans recherche du spectaculaire, fondé essentiellement sur la recherche harmonique. Sans être complètement austère non plus, un opéra assez regerien, ce que ne dévoile pas complètement la Suite, qui en regroupe les passagesles plus chatoyants (pas forcément les meilleurs, au demeurant, l'opéra me paraît autrement intéressant !).
Hindemith, Cardillac (Florence, Salzbourg, Tallinn)
→ Mâtiné d'enquête policière, ici encore écrit dans une logique qui reste postromantique, un lyrisme réel mais peu expansif, et largement tourné vers la recherche harmonique interne. Déjà donné et même repris à Paris par Gérard Mortier qui avait vivement milité pour cette œuvre…
Hindemith, Neues vom Tage (Schwerin)
→ Opéra « joyeux » (lustige Oper) mettant en scène un couple qui (essaie de) divorcer. Créé en 1929 au Kroll-Oper de Berlin par Klemperer (les wagnériens de l'Âge d'Or seront intéressés de savoir la présence de Dezső Ernster dans la distribution), et retravaillé pour une première napolitaine en 1954 en italien, avec Giuseppe Valdengo dans le rôle du mari, mais aussi Plinio Clabassi… et qui faisait le Quatrième Chef de cuisine (c'est-à-dire le dernier des ténors chantant un chef de cuisine), à votre avis ?  Piero De Palma. Je n'invente rien.
→ L'œuvre est écrite dans un langage étrange, mélange de couleurs néoclassiques, de tonalité sans direction nette influencée par Schönberg… Elle s'ouvre par un magnifique échange de noms d'oiseaux (dans le sens le moins ornithologique possible).

Schoeck, Penthesilea (Bonn)
→ Le Schoeck le plus vindicatif qui soit. Un drame de 1925, d'une heure et quart, qui claque et qui tranche terriblement, très loin du Schoeck poétique des lieder ou des pièces orchestrales, un bel équivalent d'Elektra dans un langage plus intériorisé mais tout aussi dramatique. Un chef-d'œuvre bien connu des amateurs de musiques décadentes, et trop peu représenté sur les scènes.
→ À écouter ici.
Schoeck, Das Schloß Durande (Bonn)
→ Son dernier opéra, de 1943, fondé sur Eichendorff. Rarissime. Et il y a de ces poussées lyriques là-dedans, comme ce duo emblématique !  L'œuvre a peu été redonnée pour des raisons politiques/éthiques évidentes – son association (quoique purement artistique, semble-t-il) avec les artistes nazis avait été assez mal perçue dans sa Suisse natale.

Korngold, Der Ring des Polycrates (Dallas)
→ Premier opéra de Korngold (achevé en 1914, créé en 1916) – c'est-à-dire  avant Violanta et Die tote Stadt. On y entend déjà le lyrisme débordant et l'orchestration rutilante qui font sa marque, même dans cette virvoltante conversation en musique : glissandi de harpe et fonds de célesta et glockenspiel y sont la norme. Un bijou.
→ [Une seule version, chez CPO, superbement distribuée et interprétée par le DSO Berlin, qu'on peut préécouter ici.]
Korngold, Das Wunder der Heliane (Anvers, Berlin)
→ L'opéra qui suit La ville morte (et précède son dernier sérieux, Die Kathrin), nettement plus vénéneux, et au sujet parfaitement décadent, à base d'expériences cruelles, de nudité et de surnaturel. Beaucoup plus tourmenté, moins franchement lyrique que ses autres pièces. La série d'Anvers est finie à présent.
→ [Voyez ici une vidéo certes imparfaitement exécutée, mais mise gracieusement en ligne par le chef.]

Orff, Der Mond (Prague)
Orff, Die Kluge (Prague)
→ Quelle n'est pas la surprise lorsqu'on souhaite découvrir Orff, se disant qu'après tout il avait bien saisi une forme d'essence archaïsante dans ses chansons à boire de moines… et qu'on s'aperçoit qu'il a en réalité tout écrit dans le style des Carmina Burana !  Que ce soient des textes de Catulle ou des actions dramatiques, on y retrouve les mêmes mélodies naïves, les mêmes harmonies brutes, les mêmes grosses doublures orchestrales à coups de cors…
Der Mond (« La Lune ») laisse vraiment affleurer ces répétitions assez pauvres, quasiment pré-minimalistes (sans du tout le même projet de renouvellement, évidemment), tandis que Die Kluge (« La jeune fille avisée »), peut-être grâce à son sujet, réussit un peu plus de légèreté populaire, sans s'abstraire non plus de ces formules. [La jeune fille prévient son père de ne pas remettre le trésor au roi pour ne pas être emprisonné, répond à trois énigmes pour sauver sa propre vie, réussit un jugement de Salomon pour attribuer un petit âne et enferme finalement le roi qu'elle a épousé… Mais l'opéra n'est pas très mobile pour autant. Disons que la musique sied bien aux enfants.]
→ En principe, ce devrait être chanté en langue originale, comme c'est l'usage au Théâtre National de Prague ; néanmoins, je l'ai entendu, donné en ukrainien à Kharkiv en 2015… tout reste envisageable. On peut écouter ici et .


von Einem, Dantons Tod à Magdebourg et Vienne (Staatsoper)
von Einem, Der Besuch der alten Dame à Vienne (an der Wien)
→ Étrange chose que le legs de von Einem. Beaucoup de patrimoine littéraire, déjà  : son Proceß a déjà été remonté et capté, on pourrait faire de même avec Kabale und Liebe ou Jesu Hochzeit – Noces de Jésus avec la Mort (« Tödin »), si j'ai bien suivi, rien de trop blasphématoire.
→ Pour Der Besuch, Friedrich Dürrenmatt a lui-même adapté sa tragi-comédie restée très célèbre (toujours représentée, et il existe même une assez jolie comédie musicale dessus…) ; la musique en est assez conforme aux modèles de Gottfried von Einem (Bruckner et Reger, bien qu'on soit en 1971 !), plutôt traditionnelle mais assez grise – une sorte de Hindemith plus conservateur et plus lyrique.
Dantons Tod, son premier opéra et le plus représenté ou (à l'occasion) enregistré, se fonde (avec l'aide de Boris Blacher) sur le drame de Büchner, et est à mon sens plus réussi – mais encore plus troublant. Au Festival de Salzbourg de 1947, il propose ainsi cet opéra hindemithien, où l'on s'exprime par de grandes tirades lyriques (sur ce texte détaillant parfois la Constitution ou les formes juridiques du procès…) proche des véristes (les lignes vocales n'y sont pas si éloignées d'Umberto Giordano…), tandis que l'orchestre semble parfois partir en ponctuations modernistes autonomes, issues de l'écoute des dodécaphonistes. Certains endroits paraissent très traditionnels quoique peu chaleureux, d'autres touchent à une certaine grâce (le Prélude du procès, et d'une manière générale les interludes). Quelle bizarrerie, entendre des comptes-rendus de réunion du Parti Communiste chantés comme Turandot avec des accompagnements qui s'ébrouent comme du Schönberg dernière manière mais dans un langage qui reste fidèle à Reger !  [Sans parler de Robespierre tenu par un ténor de caractère, quelle fantaisie…]
→ Aucune des éditions que j'ai consultées ne contiennent de livret traduit (uniquement monolingue), aussi cette vidéo d'une mise en scène d'Otto Schenk (remarquablement dirigée par Leitner), qui comporte les sous-titres anglais, pourrait-elle sauver quelques-uns d'entre vous.



landestheater detmold
Le Schleswig-Holsteinisches Landestheater (théâtre du Land du Schleswig-Holstein) de Flensburg – une des villes majeures de la région, même si elle rayonne moins à l'international que Kiel ou Lübeck. Le seul endroit où sera donné Le Grand Macabre de Ligeti cette saison. Parmi les autres théâtres de la ville, il en existe notamment un spécialisé dans les pièces données en danois.



4. Opéras du second vingtième siècle

Menotti, The Consul en allemand (Bremerhaven, Goerlitz, Krefeld, Innsbruck)
→ Un sujet original, qui mêle le sort de la famille d'un opposant politique traqué et l'attente dans le consulat — qui est à la fois le lieu d'une indifférence cruelle, et le terrain propice à toutes les facéties librettistiques. Mélange musical de conversation en musique, de Puccini, de Britten et de plusieurs des veines de Poulenc…
→ Un opéra qui n'est pas majeur sans doute, mais très payant scéniquement. Plus de détail (et des sons) par ici.

B. A. Zimmermann
, Die Soldaten (Madrid, Cologne, Nuremberg)
→ Considéré comme le second Wozzeck du XXe siècle, pour un orchestre encore plus démesuré et un sujet tout aussi sordide, dans un langage similaire d'une atonalité à la fois apparemment sèche et extraordinairement riche en détails. Donné ponctuellement dans les pays d'Europe qui valorisent ce répertoire (de langue allemande essentiellement, en plus du microclimat madrilène, où fut tout de même donné l'autre Wozzeck, celui de Gurlitt).

Ligeti
, Le Grand Macabre à Flensburg (Schleswig-Holstein)
→ L'opéra où triomphent le burlesque et l'absurde. Ça rugit de partout. Grand classique dont l'impact dépend surtout, je crois, des affinités littéraires. Mais on ne fait pas plus vivant et bigarré, du véritable théâtre musical.

Henze, Das Floß der Medusa (Amsterdam)
Henze, Elegie für junge Liebende (Detmold)
Henze, Der junge Lord (Hanovre)
Henze, Pollicino (Cologne)
→ Trois opéras des années 60. Le Radeau de la Méduse (écoutez) explore une atonalité avec des pôles très audibles, comme les quatre premières symphonies du compositeur, beaucoup de parties parlées en sus. Très séduisant dans ce genre-là. L'Élégie (écoutez) s'en rapproche, mais surtout chanté, sans doute moins facile d'accès, et plus intéressé par les agrégats, les volutes vocales : moins direct et dramatique. Le Jeune Lord est écrit dans une atonalité plus libre, plus horizontale, avec des touches orchestrales qui évoquent le cabaret expressionniste – j'aime moins, mais c'est purement une affaire de goût individuel.
Pollicino, plus tardif (1980), est totalement différent, opéra pour enfants, sorte de patchwork alliant l'archaïsme baroqueux, le piano, le xylophone et le célesta.



 
landestheater detmold  landestheater detmold
Le Landtheater de Bremerhaven (le port en aval de Brême) propose seulement un immense parterre et un petit balcon, uniquement de face, dans une boîte capitonnée (qui doit être assez satisfaisante acoustiquement si les matériaux sont à la hauteur). On y jouera Le Consul de Menotti en allemand, tout comme à Krefeld (entre Düsseldorf et Duisburg), qui adopte le même principe, en moins luxueux. Ce patron semble avoir été assez en vogue en Allemagne – c'est aussi celui de la Volksbühne de Berlin, voyez vous-même.



Une saison germanophone extrêmement riche en découvertes, à la fois particulièrement rares et de qualité éprouvés, donc. Peut-être est-ce lié à des impulsions mémorielles pour mettre en valeur les artistes classés comme sous l'étiquette entartete, ou bien à l'abondance de l'offre (et au public, un des plus avertis au monde, il n'y a voir comme le moindre étudiant allemand devient konzertmeister dès qu'il atterrit dans un orchestre universitaire français…). En tout cas, de quoi goûter les plus hauts régals.

Il existe sans doute quantité d'opéras et oratorios baroques en langue allemande, donnés dans des salles qui ne sont pas spécialisées dans l'opéra (je n'ai regardé que les maisons d'opéra, quasiment pas les salles de concert symphoniques), ainsi que bien d'autres productions peut-être données en format radio… La liste des réjouissances était en tout cas fournie !

Une grande quantité d'opéras contemporains est écrite en allemand (l'autre langue massivement utilisée étant de plus en plus l'anglais). J'en parlerai dans la notule consacrée précisément aux œuvres (choisies, car nombreuses, et toutes rares par définition, puisque neuves) de compositeurs vivants. Il y a beaucoup à dire là-dessus, et cette liste est assez révélatrice des tendances à l'œuvre. À bientôt !

mercredi 30 août 2017

Saison 2016-2017 : bilan de l'année concertante & grande remise des Putti d'incarnat


Voici juillet, le moment d'un retour sur une saison musicale bien remplie.
139 spectacles dans 69 lieux (dont 31 nouveaux) – 134 si je ne compte pas, ainsi que c'était l'usage, l'été.

Ce sera aussi l'occasion de la grande remise annuelle de la récompense suprême pour tout artiste informé, le putto d'incarnat – qui est au diapason d'or ce qu'est la médaille olympique de lancer de poids à la compétition de pétanque de la félibrée.
Seule la rédaction de Carnets sur sol, réunie en collège extraordinaire, est habilitée à le décerner, ce qui garantit la clairvoyance de son attribution, et l'absence absolue de collusion maligne.

Hautement respecté, il se matérialise par un putto de van Dyck, remis directement à chaque lauréat sous forme d'un précieux carré de pixels.

Au delà du jeu des breloques, c'est aussi et surtout l'occasion de mettre en valeur des œuvres, concerts ou interprètes qui n'ont pas toujours été très exposés. Il est vrai que le travail de recherche de ces concerts est un poste de dépense, en temps, assez considérable à lui seul !



En fin de saison 2015-2016, nous promettions :

Nous songeons à louer une salle pour la cérémonie de l'an prochain, avec retransmission en mondiovision et partenariat avec Medici.tv. Kim Jong-eun a déjà proposé de prêter le Salon Kim Il-sung de l'aile Ouest du Mémorial du Juche, mais nous voudrions accueillir un public nombreux et cherchons une adresse un peu moins enclavée en transports (on travaille le lendemain). Toute proposition sérieuse acceptée.

Pour de dérisoires questions de visa et d'anéantissement imminent du monde, le lieu de tenue de remise des prix sera le même que celui de l'an passé, ici même, chez vous. En vous remerciant chaleureusement de votre accueil.




1. Liste des spectacles vus

Concerts, opéras, théâtre… En voici la liste, dans l'ordre de la saison. Beaucoup ont été commentés, et quelques-uns ont servi de présentation à une œuvre, un genre, une problématique transversale…

Hors décompte : août 2016. Ordinairement non inclus dans les précédents relevés.

a) Comédie Nation – Marivaux, Les Sincères (avec musique de scène a cappella) – collectif Les Sincères
b) La Huchette – La Poupée sanglante, comédie musicale d'après G. Leroux

Puis, de septembre à juin :

1. Philharmonie – Bruckner, Symphonie n°7 – Staatskapelle Berlin, Barenboim
2. Champs-Élysées – Tchaïkovski, Symphonie n°5 / R. Strauss, Vier letzte Lieder – Damrau, Bayerisches Staatsorchester, K. Petrenko
3. Maison de la Radio – Schmitt, Salomé / Ravel, Shéhérazade – d'Oustrac, National de France, Denève
4. Philharmonie – Schumann, Szenen aus Goethes Faust – H.-E. Müller, Staples, Gerhaher, Selig, Orchestre de Paris, Harding
5. Hôtel de Castries – Jazz vocal
6. Hôtel de Béhague – œuvres pour violon et piano d'Enescu, Bobescu
7. Maison de la Radio – Poulenc, Les Biches / Milhaud, La Création du Monde – National de France, Denève
8. Châtelet – Faust I & II de Goethe – Ferbers, R. Wilson, Berliner Ensemble, Grönemeyer [notule]
9. Garnier – Cavalli, Eliogabalo – García-Alarcón
10. La Commune – Kleist, Amphitryon – Sébastien Derrey
11. Louvre – programme Cœur du Poème Harmonique – Zaïcik, Le Levreur, Goubioud, Mauillon, Dumestre
12. Foyer de l'Âme – Motets de Charpentier, Pietkin… – Ensemble Athénaïs
13. Temple du Port-Royal – Haydn, Sept dernières Paroles pour clarinette d'époque, clarinette d'amour et cors de basset
14. Saint-Louis-en-l-Île – Programme Venise 1610 – Vox Luminis, Capriccio Stravagante, Skip Sempé
15. Opéra Royal – Saint-Saëns, Proserpine – Gens, M.-A. Henry, Antoun, Vidal, Foster-Williams, Teitgen, Müncher Rundfunkorchester, Schirmer
16. Champs-Élysées – Bellini, Norma – Caurier & Leiser, Rebeca Olvera, Bartoli, Norman Reinhardt, I Barrochisti, Gianluca Capuano
17. Opéra Royal – Salieri, Les Horaces – Wanroij, Bou, Talens Lyriques, Rousset
18. Champs-Élysées – Brahms, Deutsches Requiem – Collegium Vocale, Champs-Élysées, Herreweghe
19. Champs-Élysées – Verdi, Requiem – Santoni, Kolosova, Borras, D'Arcangelo, National de France, Rhorer
20. Philharmonie – Debussy, Faune / Debussy, Jeux / Stravinski, Sacre du Printemps – Nijinski restitué (ou réinventé), Les Siècles, Roth
21. Salle d'orgue du CNSM – Académie Européenne de Musique de Chambre (ECMA) – Trio Sōra dans Kagel, Quatuor Bergen dans Chostakovitch…
22. Salle d'orgue du CNSM – Académie Européenne de Musique de Chambre (ECMA) – Trio Zadig dans Schumann, Quatuor Akilone dans Chostakovitch…
23. Athénée (rénové) – Strindberg, Danse macabre (en italien) – Desplechin
24. Maison de la Radio – 20 ans de l'ADAMI – Barrabé, Duhamel, Scoffoni…
25. Sainte-Élisabeth-de-Hongrie – Messe d'Innocent Boutry – Le Vaisseau d'or, Robidoux
26. Gennevilliers – Hirata, Gens de Séoul 1909 (en japonais et coréen)
27. Maison de la Radio – Tchaïkovski, Symphonie n°6 / Sibelius, Symphonie n°2 – Phiharmonique de Radio-France, M. Franck
28. Gennevilliers – Hirata, Gens de Séoul 1919 (en japonais et coréen, avec chants coréens)
29. Amphi Cité de la Musique – Soutenance musicale de l'enseignement du violon en France au XIXe siècle – pièces pour violon et piano (d'époque) d'Hérold, Alkan et Godard
30. Bastille – Les Contes d'Hoffmann – Vargas, d'Oustrac, Jaho, Aldrich…
31. Salle d'orgue du CNSM – Hommage à Roland-Manuel : piano et mélodies – Cécile Madelin…
32. Théâtre 71 (Malakoff) – Lü Bu et Diao Chan (opéra chinois) – troupe agréée par le Ministère
33. Salle d'orgue du CNSM – Hommage à Puig-Roget : piano et mélodies – Edwin Fardini…
34. Hôtel de Soubise – Airs et canzoni de Kapsberger, Merula, Strozzi… – les Kapsber'girls
35. Abbesses – Goethe, Iphigénie en Tauride – Jean-Pierre Vincent
36. Maison de la Radio – Sibelius, Symphonie n°5 / Brahms, Concerto pour piano n°1 – Lugansky, National de France, Slobodeniuk
37. Maison de la Radio – Nielsen, Symphonie n°4 – Philharmonique de Radio-France, Vänskä
38. Philharmonie – Mendelssohn, Elias – Kleiter, A. Morel, Tritschler, Degout, Ensemble Pygmalion, Pichon
39. Salon Vinteuil du CNSM – Mahler, Kindertotenlieder (et présentation musicologique) – Edwin Fardini au chant
40. Salle Cortot – Beethoven, Quatuor n°7  – Quatuor Hanson
41. Athénée – Hahn, L'Île du Rêve – Dhénin, Tassou, Pancrazi, de Hys, Debois, Orchestre du festival Musiques au Pays de Pierre Loti, Masmondet
42. Philharmonie – Adams, El Niño – Joelle Harvey, Bubeck, N. Medley, Tines, LSO, Adams
43. Salle Turenne – Bertali, Lo Strage degl'Innocenti / Motets de Froberger – membres du CNSM (Madelin, Benos…)
44. Salle Dukas du CNSM – masterclass de Gabriel Le Magadure (violon II du Quatuor Ébène) – Trio de Chausson par le Trio Sōra
45. Champs-Élysées – Mozart, Don Giovanni – Braunschweig, Bou, Gleadow, Humes, le Cercle de l'Harmonie, Rhorer
46. Hôtel de Béhague – Mélodies orientalisantes (Louis Aubert, etc.) – Compagnie de L'Oiseleur
47. Bastille – Mascagni, Cavalleria Rusticana / Hindemith, Sancta Susanna – Martone, Garanča, Antonacci, Rizzi
48. Studio de la Philharmonie – Schumann, Märchenerählungen / Kurtág, Trio et Microludes – membres de l'EIC et de l'OP
49. Champs-Élysées – Haendel, The Messiah – Piau, Pichanik, Charlesworth, Gleadow, le Concert Spirituel, Niquet
50. Garnier – Gluck, Iphigénie en Tauride – Warlikowski, Gens, Barbeyrac, Dupuis, Billy
51. Temple du Luxembourg – André Bloch, Antigone / Brocéliande – Compagnie de L'Oiseleur
52. Philharmonie – Schumann, Das Paradies und die Peri – Karg, Goerne, OP, Harding
53. Châtelet – H. Warren, 42nd Street – G. Champion, troupe ad hoc
54. Auditorium Landowski du CRR de Paris – Audition de la classe de chant baroque
55. Salle d'art lyrique du CNSM – Schumann, Symphonie n°2 / Mozart, Concerto pour piano n°9 – Classe de direction
56. Salle d'orgue du CNSM – Vierne, cycle Les Angélus pour soprano et orgue – Harmonie Deschamps
57. Saint-Quentin-en-Yvelines – Sacchini, Chimène ou Le Cid – Le Concerto de la Loge Olympique, Chauvin
58. Auditorium Landowski du CRR de Paris – de Mendelssohn à Aboulker, chœurs oniriques d'enfants
59. L'Usine (Éragny) – Ibsen, Hedda Gabler – Paolo Taccardo
60. Studio 104 – Quatuors : n°4 Stenhammar, n°2 Szymanowski – Royal Quartet
61. Salle d'orgue du CNSM – Cours public sur le premier des Trois Chorals de Franck – M. Bouvard, Latry et leurs élèves
62. Philharmonie – Tchaïkovski, Symphonie n°5 – ONDIF, Mazzola
63. Auditorium Landowski du CRR de Paris – Sonates avec violon : Debussy, Ropartz n°2 – Stéphanie Moraly
64. Amphi de la Cité de la Musique – Schubert, Der Schwanengesang – Bauer, Immerseel
65. Cité de la Musique – Schumann, Liederkreis Op.24 – Gerhaher, Huber
66. Auditorium Landowski du CRR de Paris – Salomon, Médée et Jason, acte II
67. Athénée – Strindberg, Danse Macabre (en italien) – Desplechin
68. Champs-Élysées – Bizet, Carmen – Lemieux, Spyres, Bou, National de France, S. Young
69. Salle d'art lyrique du CNSM – Durey, Œuvres pour harmonie – Harmonie des Gardiens de la Paix
70. Champs-Élysées – Schubert, Die schöne Müllerin – Goerne, Andsnes
71. Bastille – Wagner, Lohengrin – Guth, M. Serafin, Schuster, Skelton, Konieczny, Ph. Jordan
72. Garnier – Mozart, Così fan tutte – Keersmaeker, Losier, Antoun, Sly, Szot
73. Temple du Luxembourg – Paladilhe, Le Passant – Compagnie de L'Oiseleur
74. Châtelet – Offenbach, Fantasio – Jolly, Philharmonique de Radio-France, Campellone
75. Temple de Pentemont – Motets de Campra et Bernier, Troisième Leçon de Couperin  – Le Vaisseau d'or, Robidoux
76. Trianon de Paris – Lecocq, Le Petit Duc – Les Frivolités Parisiennes
77. Le Passage vers les Étoiles – Méhul, Stratonice – Les Emportés, Margollé
78. Studio-Théâtre du Carrousel du Louvre – Maeterlinck, Intérieur – comédiens-français
79. Temple du Saint-Esprit – Motets de Charpentier, Morin et Campra pour petits braillards – Pages du CMBV, musiciens du CRR de Paris, Schneebeli
80. Amphi de la Cité de la Musique – Chambre de Usvolskaya, mélodies de Vainberg, Chostakovitch, Prokofiev – Prudenskaya, Bashkirova
81. Salle d'art lyrique du CNSM – Cimarosa, Il Matrimonio segreto – H. Deschamps, Perbost, McGown, Rantoanina, Lanièce, Worms, Orchestre du CNSM
82. Salle des Concerts du Conservatoire – Haydn, Les Saisons dans la version de sa création française – Palais-Royal, Sarcos
83. Conservatoire de Puteaux – Chansons à boire de Moulinié et LULLY, poèmes de Saint-Amant – Cigana, Šašková, Il Festino, de Grange
84. Salle Maurice Fleuret du CNSM – Schmitt, La Tragédie de Salomé version originale – Orchestre du CNSM, étudiants de la classe de direction d'A. Altinoglu
85. Philharmonie – Mozart, Symphonie n°38 (et spectacle afférent) – Orchestre de Paris
86. Oratoire du Louvre – Vêpres de Monteverdi, Suite de danses de LULLY, Concerto grosso de Noël de Corelli, Soupers du comte d'Artois de Francœur – Collegium de l'OJIF
87. Champs-Élysées – Beethoven, Symphonies 1-4-7 – Orchestre des CÉ, Herreweghe
88. Philharmonie – Tchaïkovski, La Pucelle d'Orléans – Chœurs et Orchestre du Bolchoï, Sokhiev
89. Maison de la Radio – Nielsen, Symphonie n°2 – National de France, Storgårds
90. Odéon – T. Williams, Suddenly Last Summer – Braunschweig
91. Champs-Élysées – Berlioz, Nuits d'Été, Schönberg, 5 pièces, Schumann, Symphonie n°2 – Gerhaher, Jeunes Gustav Mahler, Harding
92. Bastille – Mendelssohn, A Midsummer Night's Dream, Ouvertures, Symphonie pour cordes n°9 – Balanchine, Orchestre de l'Opéra, Hewett
93. Salle d'orgue du CNSM – Concert lauréats Fondation de France : La Maison dans les Dunes de Dupont, Ophelia-Lieder de R. Strauss
94. Champs-Élysées – Brahms, Vier ernste Gesänge et  Deutsches Requiem – Orchestre des CÉ, Herreweghe
95. Oratoire du Louvre – Leçons de Ténèbres pour basse de Charpentier – MacLeod, Les Ambassadeurs, Kossenko
96. Philharmonie – Mahler, Wunderhorn ; Bruckner, Symphonie n°4 – Gubanova, D. Henschel, OPRF, Inbal
97. Conservatoire de Boulogne-Billancourt – Mendelssohn, Octuor ; Schönberg, Kammersymphonie n°2 ; Poulenc, Sinfonietta – OJIF, Molard
98. Salle Saint-Thomas d'Aquin – airs à une ou plusieurs parties de Lambert, Le Camus… – Š€ašková, Kusa, Il Festino, de Grange
99. Athénée – Maxwell Davies, The Lighthouse – Le Balcon
100. Hôtel de Soubise – Trios de Tchaïkovski et Chostakovitch (n°2) – Trio Zadig
101. Richelieu – Marivaux, Le Petit-Maître corrigé – Hervieu-Léger, comédiens-français
102. Salle Maurice Fleuret du CNSM – Spectacle théâtral et chanté autour de la domesticité – élèves de la classe d'E. Cordoliani
103. Favart – Marais, Alcione – L. Moaty, Concert des Nations, Savall
104. Hôtel de Soubise – Cantates de Clérambault et Montéclair – Zaičik, Taylor Consort
105. Menus-Plaisirs – Écosse baroque, concert de soutenance – Clémence Carry & Consort
106. Salle d'orgue du CNSM – Programme de lieder et mélodrames d'Eisler – classe d'accompagnement d'Erika Guiomar
107. Athénée – Rítsos, Ismène (musiques de scène d'Aperghis) – Marianne Pousseur
108. Saint-Germain-l'Auxerrois – Motets baroques portugais – ensemble Calisto
109. Salle Maurice Fleuret du CNSM – Pelléas, L'Étoile, Cendrillon de Massenet – classe d'ensembles vocaux (Bré, Lanièce…)
110. Salle d'orgue du CNSM – lieder de Schubert, Nuits Persanes de Saint-Saëns, Caplet – (Gourdy, Ratianarinaivo…)
111. Champs-Élysées – Les Pêcheurs de Perles de Bizet – Fuchs, Dubois, Sempey, National de Lille, A. Bloch
112. Champs-Élysées – Pelléas de Debussy – Ruf, Petibon, Bou, Ketelsen, Teitgen, National de France, Langrée
113. Bibliothèque Marmottan – L.-A. Piccinni, musiques de scène (La Tour de Nesle, Lucrèce Borgia) – conclusion du colloque sur la musique de scène en France
114. Bastille – Eugène Onéguine – Decker, Netrebko, Černoch, Mattei, Orchestre de l'Opéra, Gardner
115. Philharmonie – Aladdin de Nielsen, Sept Voiles, Shéhérazade de Ravel, Suite de L'Oiseau de feu – Capitole, Sokhiev
116. Cathédrale des Invalides – Jensen, Rheinberger, J.-B. Faure… mélodies et lieder commémoratifs de la Grande Guerre – classe d'accompagnement d'Anne Le Bozec
117. Philharmonie – Symphonie n°2 de Mahler – Orchestre de Paris, Harding
118. Saint-Saturnin d'Antony – Motets de Buxtehude, Telemann et Bernier – Françoise Masset
119. Saint-Louis de la Pitié-Salpêtrière – du Mage, Clérambault et pièces pour saxophone & orgue
120. Athénée – Déserts de Varèse et Dracula de Pierre Henry réarrangé avec instruments acoustiques – Le Balcon, M. Pascal
121. Salle Fauré du CRR de Paris – Études Latines de Hahn, Liebhabers Ständchen de Schumann… – étudiants du CRR
122. Champs-Élysées – Halévy, La Reine de Chypre – Gens, Droy, É. Dupuis, Chambre de Paris, Niquet
123. Bouffes-du-Nord – Lemoyne, Phèdre – Wanroij, Axentii, de Hys, Dolié, Loge Olympique, Chauvin
124. Favart – récital français en duo : Gluck, Chabrier, Bizet… – Arquez, Bou, Pordoy
125. Studio 104 – Motets de Guédron, Boësset, Constantin, Moulinié – Correspondances, Daucé
126. Maison du Danemark – Contes d'Andersen et leurs mises en musique – Françoise Masset (accompagnée sur guitares début XIXe)
127. Saint-Eustache – Funérailles de Purcell, Reger, Totentanz de Distler – Chœur de l'Orchestre de Paris, Sow
128. Sainte-Jeanne-de-Chantal – Haendel, The Ways of Zion Do Mourn – Le Palais-Royal, Sarcos
129. Favart – Saint-Saëns, Le Timbre d'argent – Devos, Montvidas, Christoyannis, Les Siècles, Roth
130. Temple de Passy – Chœurs de Bonis, Sibelius, Aboulker, Wennäkoski… – échange franco-finlandais de chœurs amateurs
131. Cité de la Musique – Gade, grande cantate Comala – Opéra de Rouen, Équilbey
132. Petit-Palais – Couperin et Bach (suite française) pour clavecin
133. Petit-Palais – Airs et duos de LULLY et Desmarest – Pancrazi, Debieuvre
134. Hôtel de Soubise – Quatuors de Beethoven n°7 et Debussy – Quatuor Akilone
135. Notre-Dame-du-Liban – Chœurs d'inspiration populaire de Saint-Saëns, d'Indy, Schmitt et Poulenc – Chœur Calligrammes
136. Salle des Fêtes de la Mairie du IVe arrondissement – Quintettes à vent de Debussy, Arnold, Barber, Ligeti – Chambre de Paris
137. Cour de Guise – Trios avec piano de Schubert n°2 et Ravel – Trio Zadig
138. Saint-Croix-des-Arméniens – Canzoni de Kapsberger, Strozzi, et Lamento della Pazza de Giramo – Kapsber'girls
139. Collégiale de Mantes-la-Jolie – Pièces pour orgue de Buxtehude, Mendelssohn, Franck et Vierne – Michel Reynard




2. Liste des spectacles non vus

Ce pourrait paraître déraisonnablement rempli, et pourtant, il a fallu renoncer à quantité de spectacles qui paraissaient à peu près aussi appétissants (vie professionnelle ou personnelle, simultanéités de concerts, envie d'autre chose, tarifs, concerts complets, etc.) :

→ musique de chambre de Cartan & Lekeu,
→ les Cantates de Jacquet de La Guerre par La Rêveuse,
→ les chœurs de Franck et Daniel-Lesur,
→ le Philharmonia dirigé par Salonen (Beethoven 3, Sibelius 5),
→ les extraits des Éléments de Destouches,
Dichterliebe avec harpe,
→ Charpentier par les étudiants du Conservatoire de Palerme,
→ cours public de cor ou de direction,
→ trio de Gouvy par le Trio Sōra aux Bouffes-du-Nord,
→ le Second Trio de Mendelssohn par le Trio Sōra à Soubise,
→ le Trio de Tchaïkovski par le Trio Sōra à la cour de Guise,
→ le Trio de Chausson par le Trio Sōra au musée Henner puis à Villecerf (décidément !),
→ Leyla McCalla au violoncelle dans de la musique haïtienne,
→ Ariadne auf Naxos au CNSM,
→ la Neuvième de Mahler par Harding,
→ mélodies de L. Boulanger et Berkeley,
→ musique sacrée de Frémart-Bouzignac-Moulinié par Schneebeli,
→ Neuvième de Beethoven par le Philharmoniue de Bruxelles,
→ récital folk de Weyes,
→ Saint-Cécile de Chausson et le Septuor de Caplet à Notre-Dame,
→ Fidelio par la Chambre de Paris,
→ les monumentales variations de Rzewski sur El Pueblo unido salle Turenne,
→ les musiques de scène de Molière par Lombard, Dumora et Correas.
→ le Quinzième Quatuor de Beethoven par le Quatuor Arod,
→ Rameau par Kožená,
Hänsel und Gretel arrangé pour cuivres et récitant,
Musique pour cuivres et cordes de Hindemith par van Lauwe,
→ récital Desandre-Cochard,
→ trios de Chaminade et Bonis,
→ programme Guy Sacre et Boisgallais,
→ programme d'orgue Letton à la Maison de la Radio,
→ le Songe d'une Nuit d'Été de Thomas par la Compagnie de L'Oiseleur,
The Tempest Songbook de Saariaho par l'Orchestre Baroque de Finlande,
Les Aveugles de Maeterlinck à Vitry-sur-Seine,
Tafelmusik de Telemann au château d' Écouen,
Ce qui plaît aux hommes de Delibes par les Frivolités Parisiennes au Théâtre Trévise,
→ la BBC Wales dans Sibelius 5 à la Seine Musicale,
→ programme Lalo-Dukas-Ravel par Les SIècles,
Médée de Charpentier par Tafelmusik de Toronto et Pynkosky,
→ mélodies de Vierne, Podlowski et Koster par Lièvre-Picard,
Ascension de Messiaen et Widor 6 à Saint-Sulpice,
→ récital Louis Saladin et Salomone Rossi aux Menus-Plaisirs,
Musicalische Exequien de Schütz et motets de la familel Bach par Vox Luminis,
→ Lura dans de la musique du Cap-Vert à l'Espace Cardin,
→ grands motets de Lalande à Versailles,
→ demi-Winterreise de Bostridge & Drake au musée d'Orsay,
→ motets de Charpentier par La Chanterelle,
→ lieder de Weigl à la Maison de la Radio,
→ legs pédagogique du violoncelle français (Franchomme, etc.) au château d'Écouen,
Diva de Wainwright,
→ Cécile Madelin dans des extraits d'Atys au Petit-Palais,
Snegourotchka de Rimski-Korsakov à Bastille (la seule rareté de l'année à Bastille, hors le demi-Hindemith !),
→ récital d'opéra Meyerbeer-Février à la Philharmonie,
→ l'Yriade dans les Stances du Cid à Favart,
Il Signor Bruschino aux Champs-Élysées,
→ piano de Bizet, Saint-Saëns et Brahms par Oppitz,
→ « symphonie en si mineur » de Debussy à la Maison de la Radio,
→ récitals de mélodie Gens-Manoff,
Elisir d'amore avec Poulakis et Lanièce au Théâtre des Variétés,
→ spectacle Les Madelon (Fontenay-le-Fleuyr),
→ Dvořak 9 au piano solo par Mařatka,
La Double Inconstance de Marivaux à Richelieu,
→ madrigaux de Marenzio et Lejeune à la Bibliothèque de Versailles,
→ concert de la Fête de la Musique du Chœurs de l'Orchestre de Paris,
→ deux concerts de musique de chambre incluant Koechlin, au Conservatoire de Bourg-la-Reine,
→ pièces symphoniques de Nováček, Warlock et Delius par van Lauwe,
Rigoletto avec Grigolo et Lučić à Bastille,
Nozze di Figaro avec la Chambre de Paris
→ quatuors de Kodály, Bella et Tansman par le Quatuor Airis au Centre Culturel Tchèque,
→ Tableaux d'une exposition pour quintette à vent à Soubise,
Hippolyte de Garnier au Studio-Théâtre,
L'Écume des jours à la Huchette…
→ et bien d'autres.

Certains font mal à relire, mais je n'avais pas toujours le choix (ni l'envie de vivre aussi reclus qu'en conclave, contrairement aux apparences les spectacles ne sont pas du tout mon activité prioritaire).

Et je ne parle que de l'Île-de-France : on voit la difficulté pour donner, malgré tout, un avis global sur la saison. Il faudrait être beaucoup plus centré sur un répertoire précis, voire s'y mettre à plusieurs, or en cette matière comme en beaucoup d'autres, je ne suis que ma fantaisie…





3. Bilan général et comptes-rendus de concert

    La plupart de ces concerts ont été commentés, je n'ai pas la patience d'aller récupérer plus de cent liens, comme les autres années, mais ils se retrouvent facilement en entrant les mots-clefs dans la boîte de recherche à droite, ou, pour beaucoup, en regardant dans le chapitre « Saison 2016-2017 » (les notules les plus complètes ne sont pas classées là, mais il y a déjà une certaine masse à parcourir).

    En revanche, je commence la remise de prix par le plus important : les œuvres révélées, les plus beaux spectacles de la saison, les compagnies à suivre.



3a. Œuvres découvertes

Je vous renvoie d'abord vers la notule-éditorial de la prochaine saison, qui énumère les nombreux opéras rares remontés cette saison (§B). Saison faste, donc.

les putti d'incarnat L'arrêt des Putti d'incarnat les putti d'incarnat

Suite de la notule.

mercredi 1 février 2017

Le long ruban des concerts de Février


Je commence par redire ce que j'ai déjà dit.

Il me reste toujours pas mal d'œuvres exhumées cette saison à présenter (Messe d'Innocent Boutry, Les Horaces de Salieri, Chimène de Sacchini, Brocéliande d'André Bloch…), des notules sur la technique vocale, des sujets d'éclaircissement sur les orchestres munichois ou néerlandais… Il ne se passe pas de semaine sans que j'y travaille activement, mais les recherches nécessaires et le dégoût de la monomanie me conduisent à avancer tout cela de front, et donc lentement.

Pour autant, et malgré le retard accumulé dans mes plans machiavéliques pour le développement de CSS et la conquête du monde (civilisé), je ne puis laisser passer le rituel planning du mois, pour votre usage, estimés lecteurs, frères semblables ou trolls difformes.



1. Bilan de janvier


Au 25 janvier, seulement 10 concerts (un peu concurrencés par les expositions en début de mois), mais je me prépare 6 spectacles sur 3 jours en fin de semaine (facile, quand il y a un pré-concert à 19h !) qui devraient un peu rééquilibrer ces statistiques dangereusement déclinantes.

J'ai néanmoins dû renoncer, pour des raisons bassement pratiques (vivre à peu près socialement, assurer ses fonctions professionnelles avec le prestigie qui sied, renouveler ses hardes, etc.), à une poignée de merveilles dont je m'étais fait le chantre ici même :
♠ concert des classiques d'airs de cour par Léa Desandre et Violaine cochard ;
Le Songe d'une Nuit d'été d'Ambroise Thomas par la Compagnie de L'Oiseleur ;
♠ trios de Cécile Chaminade et Mel Bonis (musée Henner) ;
Hänsel und Gretel arrangé pour récitant et nonette de cuivres (CRR de Boulogne) ;
Musique pour Cuivres et Cordes de Hindemith avec une Symphonie de chambre de Milhaud (Orchestre d'Éric van Lauwe) ;
orgue letton (Ešenvalds, Kalniņš, Vasks) à Radio-France. Pas le plus beau corpus du monde (et sur ce biniou infâme !), mais très rare, et de belles atmosphères tradi (enfin, je ne connais pas toutes les pièces au programme, mais d'après le reste de leur production, notamment pour orgue, ou celle de leurs collègues…),
♠ mélodies et musique de chambre de Guy Sacre et autres compositeurs français du second XXe et XXIe (Boisgallais), par Billy Eidi notamment.

Mais j'en ai aussi vu de belles !

♣ Des raretés que je ne verrai probablement pas deux fois :
♣♣ Recréation de Médée et Jason de Joseph Salomon (1713), acte II intégral. Par les étudiants du CRR de Paris (renforcés des pôles Versailles, Cergy et Boulogne-Billancourt). Une tragédie de la meilleure période (deuxième génération), dont rien n'avait été remonté, et qui contient de façon très audible les influences italiennes et les tropismes sombres de la prédominance d'un livret hautement tragique. La préparation d'Isabelle Poulenard a vraiment porté des fruits sur le plan de la déclamation. Totalement grisant d'entendre tout cela renaître, très bien joué et chanté de surcroît !  Une notule illustrée est prévue.
♣♣ Sacchini, Chimène ou le Cid (1783) par le Concert de la Loge Olympique et les solistes de l'ARCAL. De loin son meilleur opéra, et qui, sans spoiler la notule en préparation, sonne de façon étonnamment mozartienne dans un opéra français (bien plus que Grétry ou J.-Ch. Bach. En attendant, vous pouvez en lire l'introduction.
♣♣ Le Quatrième Quatuor de Stenhammar. Dans un postromantisme qui évoque Mendelssohn ou Schumann à peine enrichis, ce qui se fait de mieux (le Troisième aussi). Couplé dans ce concert avec les étranges moirures grises du mieux connu Deuxième Quatuor de Szymanowski et Septième Quatuor de Chostakovitch. Pas servis au mieux par le Royal String Quartet (polonais !), aux angles émoussés… le premier violon en retrait permettait certes de s'intéresser davantage à l'accompagnement, mais cela manquait de tension, surtout pour soutenir des œuvres peu jouées, en particulier Stenhammar qui ronronnait un peu et Szymanowski qui devenait un peu translucide. Mais enchanté d'avoir entendu tout ça en vrai, l'envie furieuse de se plonger précisément dans la partition à présent !
    Deux intégrales existent au disque, privilégiez celle du Quatuor Stenhammar, ardente et limpide, très bien captée par BIS. (L'intégrale danoise est très bien aussi, néanmoins.)
♣♣ Joseph-Guy Ropartz, Sonate n°2 pour violon et piano par Stéphanie Moraly (putto d'incarnat de la meilleure violoniste la saison passée) et Hugues Leclère, plus des pièces courtes de Lili Boulanger et Georges Migot (et la sonate de Debussy) – exclusivement des œuvres de 1917. Toujours la même maîtrise absolue (partition en main, littéralement rien à côté, en rythme comme en justesse), le même grain magnifique (assez fin mais pas du tout grêle, idéal pour la musique française), la même chaleur (tension toujours soutenue dans des œuvres à la structure pourtant complexe, inhabituelle ou fuyante).
    L'œuvre de Ropartz elle-même est assez atypique, en deux mouvements très contrastés (le premier vif avec des couplets lents, le second lent avec des couplets vifs), harmoniquement recherchés, et qui puisent à la source du foklore, tout en le transmutant très profondément (réminiscence d' « il était un petit navire », notamment). C'est le Ropartz le plus ambitieux qu'on y entend, celui de l'opéra tristanien Le Pays plus que celui des chœurs consonants, des quatuors un peu anonymes ou des symphonies germanisantes (sauf la Troisième, évidemment).
    Stéphanie Moraly sort dans les prochaines semaines, chez Timpani, sa version de la Sonate de Koechlin – de pair avec une nouvelle version, dans une édition révisée, de l'immense Quintette pour piano et cordes. L'un des grands disques à ne pas manquer cette année si l'on s'intéresse à la musique de chambre, à la musique française de cette période, ou même simplement au violon.
♣♣ Louis Vierne, Les Angélus, cycle de mélodies pour orgue et soprano. D'une poésie délicate, parfaitement française. J'ignorais jusqu'à leur existence, et pourtant c'est un bijou, dans un format qui n'est pourtant pas si difficile à réunir. Un plaisir d'y entendre scintiller Harmonie Deschamps (la voix a beaucoup gagné en équilibre et en brillant, c'est désormais une grande !) et, dans tout le programme (dont la Pièce Héroïque de Franck) les jeunes organistes du CNSM, très éloquents.
♣♣ 42 Street au Châtelet. Bien que très bon client du musical (aussi bien intello-chic que très grand public), pas été enchanté par l'œuvre, et sans doute d'autant plus qu'on en faisait grand bruit. Après trois expériences bouleversantes au Châtelet (Les Misérables, Sunday in the Park with George, Into the Woods…), et une prévisible demi-teinte (Carousel) deux déceptions consécutives, dans les deux cas à cause de l'œuvre (Passion de Sondheim, ). 42 Street, c'est du backstage musical au carré : les gens parlent de faire du tap dance pendant 2h30… et dansent des claquettes pendant 150 minutes. Tout n'est qu'un vaste prétexte, ou plutôt même pas un prétexte… tout n'est que claquettes. Certes, c'est joli (et force l'admiration sur l'endurance exceptionnelle des interprètes, sans parler de la nécessité de chanter par-dessus le marché !), et il y a deux ou trois très bonnes chansons là-dedans, mais il ne se passe, réellement, absolument, rien.

♪ Des ensembles insolites :
Thomas E. Bauer dans le Schwanengesang de Schubert, accompagné sur pianoforte (une copie d'après un  Walter de la fin du XVIIIe) par Jos van Immerseel. La discrétion du pianoforte – sans pédale, un modèle ancien par rapport à la date de composition (1828), mais comme on ne jouait pas nécessairement sur des instruments récents, crédible… – rend l'accompagnement beaucoup plus sommaire (à peine présent, les harmonies audacieuses plus discrètes, la coloration limitée) et permet des équilibres très différents en faveur de la voix. On pourrait les chanter sans technique lyrique, en conséquence – ou presque, vu les ambitus et les caractères (les plus tempêtueux y font véritablement appel).
    Je croyais, à en juger par ses derniers disques, Thomas Bauer en déclin : pas du tout !  Non seulement la voix est toujours belle et saine, mais il se permet de tout chanter en tonalité originale (pour ténor…). Surtout, il donne la primauté au texte, et nous raconte des histoires, plutôt sur le mode du murmure, mixant volontiers, n'exagérant jamais les effets. Ce sont les poèmes qu'on reçoit en ligne directe, habillés par Schubert. Cela se fait au détriment du legato –  il n'y en a pas, tout est quasiment chanté note à note –, ce qui me ravit, mais c'est un parti pris fort qui peut frustrer ceux qui se déplacent plutôt pour le chant. Et puis les moirures du timbre, fantastiques, sur lesquelles il ne se repose pas du tout, explorant toute une palette de nuances.
    Le plus séduisant est le caractère direct de sa composition, rien ne sonne « construit », c'est un chant qui place le texte en premier, sans paraît du tout « intellectuel ».
Christian Gerhaher et Gerold Huber dans les groupes de lieder tardifs de Schumann (Op.49, 83, 90, 127, 142) que personne ne donne, ni même n'enregistre ensemble. Il y a une raison à cela : ceux qu'on joue fréquemment sont excellents, les autres un peu plus banals, assez décevants pour tout dire, pour du Schumann de maturité. Par ailleurs, ils n'ont pas de lien thématique (ni même d'auteurs, quelquefois) en commun. Néanmoins, avoir l'occasion de les entendre dans leur environnement originel, et par le meilleur de la Liedersängerie, représente un privilège.
    Gerhaher est toujours aussi saisissant dans sa maîtrise technique des alternances vibré / non vibré, métallique / non métallique, plein / mixte, couvert / non couvert. En revanche, sans doute par contraste avec le concert Bauer qui avait lieu juste avant, j'ai surtout été frappé par l'artifice de ses propositions : la diction est extraordinairement limpide, mais très formelle ; on sent aussi, contrairement à Bauer, l'obsession de maîtriser la beauté des sons et de la ligne. Un orfèvre, et cela s'entend quelquefois un brin trop. Surtout, déçu par le Liederkreis opus 24, où je me figurais qu'encore plus que pour l'opus 39, il ferait figure de référence absolue ; je l'y ai trouvé peu inventif, et même assez peu expressif. Plutôt dans la lignée de ceux qui l'ont interprété comme un flux (Prégardien, Bostridge, Spence ou Saelens ont fait ça très bien), plutôt que dans son détail poétique comme Bauer (par deux fois au disque !), Bär, S. Genz ou Fassbaender.
    Je crois aussi que la voix, qui rayonne incroyablement par sa clarté, avec orchestre, n'a pas l'impact physique d'autres chanteurs, même sans mentionner Goerne.
    Pour couronner le tout, Huber sonnait cette fois réellement comme un accompagnateur, discret, effacé, parfois un brin poussé vers ses limites, rien à voir avec sa recréation orchestrale somptueuse dans leurs concerts Mahler.
    Superbe concert (évidemment), mais en deçà de la sensation attendue pour le meilleur duo de lied actuel – côté chanteur, le meilleur c'est Bauer, en fait. S'il pouvait donner des concerts avec Helmut Deutsch ou Eric Schneider, la question serait réglée.

♥ Toujours à la poursuite de mes chouchous, cette fois orchestraux :
♥♥ Classe de direction d'orchestre, avec Enrique Mazzola en professeur invité. L'Orchestre des Étudiants du CNSM jouait le Concerto Jeunehomme de Mozart et la Deuxième Symphonie de Schumann. À l'exception d'un étudiant dans le mouvement lent de Schumann, dont j'ai trouvé les coutures d'écriture trop soulignées, d'un style emphatique bien plus tardit, d'excellentes visions, toutes très conscientes des enjeux manifestement. Excellent pianiste, Ismaël Margain, bien plus subtil qu'à peu près toutes les vedettes entendues dans ces concertos qui sont en général travaillés comme un à-côté du vrai répertoire intéressant ; accompagnement très fin (en particulier dans le premier mouvement, avec une exaltation simple et pédagogique des motifs) ; dans le Schumann, c'est l'ivresse de jouer cette musique qui frappe… Ivresse contagieuse. Sous ses promesses d'audition d'étudiants, un grand concert symphonique !
♥♥ La Cinquième Symphonie de Tchaïkovski par l'ONDIF et Mazzola, un des rares orchestres à communiquer autant, lui aussi, son plaisir de jouer ce qu'il joue !  Comme toujours avec Mazzola, flux très évident, les transitions sont audibles mais toujours très directionnelles, on ne se perd jamais ; plus étonnant, cette lecture de cette autre Cinquième « du Destin » paraît très lumineuse, pas du tout tourmentée, juste la joie inextinguible de la musique. Encore plus insolite, c'est l'accompagnement du Concerto pour piano de Grieg qui m'a le plus convaincu ; une œuvre qu'il ne faut pas réserver aux pianophiles, assurément, mais là encore, cet engagement et cette éloquence dans un accompagnement, voilà qui était aussi inattendu que jubilatoire.

☼ Des auditions, et autres astres montants :
☼☼ Audition de chant baroque au CRR de Paris. L'accompagnement au clavecin du professeur était vraiment raide (et peu assuré), ce qui contraignait la souplesse de phrasé des chanteurs, autrement de très belles voix dans un beau programme qui parcourt avec goût le XVIIe. À prévoir avec un accompagnateur spécialiste, une prochaine fois ?
☼☼ Spectacle de chant baroque au CRR de Paris. En plus de l'acte II de Médée de Salomon évoqué plus haut, de l'air de cour, des pièces instrumentales (harpe de Luzzaschi, orchestre de Muffat), le début de Joseph de Haendel… Au ténor près (le même que pour L'Europe galante), qui a beaucoup de travail en perspective, des voix très intéressantes et très bien faites, qui maîtrisent remarquablement les langues de surcroît (y compris le français déclamé, restitué ou non). Très beau spectacle dans son ensemble, en plus de l'événement Salomon !
☼☼ Audition de la pré-maîtrise de Notre-Dame au CRR de Paris. Chanteurs dans les 8-10 ans, à vue de nez. Programme conçu autour de compositeurs spécialistes de la musique chorale, et qui font à nouveau leurs preuves : Mendelssohn, Aboulker, Rutter… Très beau, et très bien chanté en plus – même lorsqu'on n'a vraiment pas, comme moi, de tropisme vers les petits braillards.
☼☼ Cours public d'orgue par Olivier Latry et Michel Bouvard. Deux heures sur le premier tiers du deuxième des trois Chorals de 1890 de Franck, c'était un peu trop, mais le principe était vivifiant, notamment l'aller-retour, sur une pièce à l'harmonie et la structure complexes, entre Latry qui donnait toutes les petites astuces permettant de procurer, sur un instrument sans attaques dynamiques, du relief et de la tension, et Bouvard expliquant à l'élève et au public l'économie et la logique générale de la pièce. Alors que je ne l'avais pas en très haute estime jusqu'ici, j'ai réécouté en boucle le triptyque de chorals pendant la moitié de la semaine.

◊ Enfin, du théâtre (scandinave évidemment) :
◊◊ Hedda Gabler d'Ibsen, que je n'avais vue que dans la vision prosaïque d'Ostermeier, il y a déjà une dizaine d'années. La compagnie Nostos, dans le petit Théâtre de l'Usine à Éragny, tire assez bien parti de ce qui n'est vraiment pas le meilleur Ibsen – pas vraiment la qualité psychologique ni les retournements dramatiques, les dévoilements tragiques qui font en général la colonne vertébrale de ses pièces. Une femme fatale aux siens et à elle-mêmen au centre, sans que les ressorts son âme soient jamais vraiment révélés. Beaucoup de sobriété bienvenue… et justement, les faiblesses sont plutôt à relever dans les ajouts – le juge ex machina lourdement surligné par la sonorisation, alors que sa transmutation de représentant de la loi en pire crapule d'un drame déjà pas bien joli constitue justement un beau coup de théâtre ; ou encore la relation saphique entre les deux femmes perdues, qui n'entre en résonance avec rien dans le texte, qui présente plutôt une lutte sourde, des rapports sociaux brutaux… Un coup de chapeau aux deux actrices dont la langue maternelle n'est pas le français, et qui trouvent pourtant le ton juste sans effort d'adaptation pour le public.
◊◊ Danza macabra (Dödsdansen) de Strindberg à l'Athénée, en italien. Belle expérience que cette mise en scène de Luca Ronconi dans la traduction (aménagée) de Roberto Alonge. La langue semble conditionner la vision de cette pièce totalement fermée sur un vieux couple empli de leurs haïnes mutuelles, et la tirer vers une quasi-comédies de caractère. L'italien bien sûr, mais aussi le jeu des acteurs, font de cette garnison perdue sur une île quasi-désertique, de cet isolement très prégnant dans les pièces d'Ibsen et Strindberg, une sorte de sitcom comico-horrifique, où l'on ne peut jamais prendre complètement au sérieux les méchancetés énoncées ou accomplies. La vie ainsi ajoutée à l'atmosphère permet à l'ensemble de très bien fonctionner, en particulier grâce au jeu savoureux de Giorgio Ferrara.
    Théâtre rempli seulement à moitié : Strindberg n'est pas très populaire en France, et je doute que la promesse de la langue étrangère, qui m'attirait, ait produit le même effet chez le grand public. Par ailleurs, pas facile à vendre comme théâtre : de même que pour Fadren (« Le Père »), l'épouse est la pire dans le couple dysfonctionnel, et le patriarche méchant mais victime envoie finalement le message opposé du théâtre d'Ibsen, où la femme est motrice.


Il ne se passait pas grand'chose en janvier dans les grandes maisons, mais grâce à Carnets sur sol, si vous avez suivi les judicieux conseils de nos putti ventripotents, vous aurez vécu de grandes émotions – et aurez, je l'espère, couvert un peu plus de répertoire que d'ordinaire.




fragonard putto
January's Walk of Shame
Jean-Honoré FRAGONARD, 1778
Également connu sous le titre de Fanfan.

(Metropolitan Museum of Art.)



2. Quelques conseils en février

Comme toujours pendant les vacances scolaires, le programme est allégé. Quand même de quoi s'amuser (au sein de chaque catégorie, pour faciliter vos explorations, je classe plus ou moins par ordre chronologique des œuvres).

► Œuvres rares, programmes originaux – appétissants :
■ Le 28, Marcabru, Dufay, Willaert, Gabrieli, Monteverdi et Vivaldi par Savall (et Mauillon) à la Philharmonie.
■ Le 22, salle Cortot, pièces pour les Jésuites argentins, avec La Chimera (Kusa, Rewerski, Egüez), beau (tout petit) ensemble spécialiste des airs de cour en langue castillane.
■ Le 18 à 15h, petits motets de Campra (Cum invocarem), Bernier (Laudate Dominum), et la Troisième Leçon pour le Mercredi de Couperin. Par le remarquable ensemble spécialiste et défricheur de la musique baroque française (il y en a peu !) Le Vaisseau d'or et deux excellentes sopranes spécialistes (Agathe Boudet et Julia Beaumier).
■ Le 5 à 12h30, extraits des plus beaux corpus de clavecin (du moins parmi ceux qu'on joue très peu en concert) : de Jacquet de La Guerre (son chef-d'œuvre, la Suite en ré mineur), Louis Couperin (Suite en la), Duphly. Et puis, peut-être, la plus belle œuvre pour clavecin de Bach (du moins dans le goût traditionnel), la Troisième Suite française. Par Hélène Diot et Françoise Lengellé. (Soubise, gratuit.)
Deux opéras de Paladilhe : Le Passant, et des extraits de L'Amour africain.
    Un compositeur dont on n'a à peu près rien au disque (à part ses grandiloquentes Saintes-Maries dans une interprétation assez choucrouteuse), malgré ses vastes succès de son temps et ses opéras très ambitieux – Patrie !, le miroir de l'intrigue de Don Carlos, est un bijou du grand opéra à la française, dont les airs de baryton étaient très courus au début du XXe siècle, et qu'il faudra bien se résoudre à remonter un jour, lorsque Bru Zane aura fini de faire joujou avec les mignardises pompières.
    Ici, deux pièces de format moins ambitieux, mais qui seront servies par tout l'enthousiasme (à peu près bénévole et tout sauf amateur) de la Compagnie de L'Oiseleur. (Temple du Luxembourg, libre participation.)   
■ Le 8 (lieu privé, me contacter par courriel ou en commentaires), concert-récitation de la Compagnie de L'Oiseleur. LULLY, Rameau, Janequin, Delafosse, Ravel, Chaminade, Polignac, La Presle, Fol, Schumann, Paladilhe, Chausson, Berger… et textes de Proust, Maupassant, Houellebecq, Montaigne, Rousseau, la Grande Mademoiselle, Gide, Flaubert, Barbey d'Aurévilly, Gautier, Chateaubriand, Sarte, Sachs
■ Le 28 à l'amphithéâtre de la Cité de la Musique, programme de musique de chambre futuriste (et soviétique) russe avec Ustvolskaya (Trio pour clarinette, violon et piano ; Sonate pour piano n°5), Mossolov, et cycles de mélodies de Vainberg, Chostakovitch et Prokofiev, avec Marina Prudenskaya (qui remplace Anna Samuil initialement annoncée). Une tuerie en perspective.
■ Le 3 au CNSM, l'Orchestre des Gardiens de la Paix dans un programme Groupe des Six – incluant même Tailleferre, Durey et la grande valse de L'AiglonGratuit.
■ Le 28 à Saint-Louis-des-Invalides, Saint-Saëns (Cyprès et Lauriers pour orgue et orchestre), Debussy (Nocturne n°2 et Rhapsodie pour clarinette), StravinskyMilhaud, Bernstein (Fugue & Riffs, ouverture de Candide), Morton Gould. Programme assez jubilatoire. (15€ en première catégorie. Réduction possible en me contactant.)
■ Le 17 à la Maison de la Radio, tissage de la musique de scène de Purcell pour The Tempest avec du Saariaho. Attelage assez attirant, je dois dire. (Tarif unique 15€.)
■ Le 13 à la Maison de la Radio, œuvres pour orgue de Messiaen, Florentz, Saariaho, Latry et Karttunen, par Olivier Latry.

► Autres dates intéressantes :
■ Le 2 à l'Oratoire du Louvre, le chœur américan Chanticleer interprète de tout, de Goudimel et Palestrina à Bryars et Cohen.
■ Le 5 à 17h, club du 38 Riv', œuvres anglo-italiennes pour harpe triple et viole de gambe.
■ Le 21 à Herblay, cantates et/ou opéras de Giovanni Alberto Ristori (1692-1753) par l'Ensemble Diderot et Maria Virginia Savastano. Jamais écouté à vrai dire (sauf la soprane, très bien), mais considérant les dates, ce doit être en plein dans l'esthétique du pur seria baroque.
■ Le 23, pièces pour piano d'Hélène de Montgeroult, jouées sur pianoforte (amphi de la Cité de la Musique). C'est sympa parce que c'est rarissime (compositrice de la charnière XVIIIe-XIXe), mais ça n'a pas un intérêt formidable… écrit dans le goût de Mozart, mais on est très loin de la personnalité de Mozart ou Dussek, par exemple. Pour le plaisir de la rareté et de l'instrument d'époque. C'est complet de toute façon, me semble-t-il. [En revanche, je vous recommande le château et son jardin.]
Fantasio d'Offenbach, une œuvre sérieuse, loin d'être sa plus inspirée musicalement ou dramatiquement, mais ça change. Et dans la grande jauge du Châtelet, il doit être facile d'obtenir encore des places.
■ Le 5 à 16h, Sérénade pour vents de Dvořak et R. Strauss par des membres du Philharmoniqe de Radio-France.
■ Les 2 et 4, Illuminations et Serenade de Britten, en extraits à l'intention du jeune public – avec une petite scénographie, me semble-t-il. (Au 104, par l'Orchestre de Chambre de Paris.)
■ Le 27 aux Invalides (salle Turenne), Sonate pour clarinette de piano de Bernstein, Quintette avec harmonium de Dvořák, Quintette pour piano et vents de Beethoven, Quatuor avec piano n°3 de Brahms Bizarre attelage, avec des choses chouettes (Bernstein), saugrenues (Dvořák) ou plus courues mais géniales (Brahms). 15€.
■ Le 20 aux Invalides (salle Turenne), duo pour hautbois et de Doráti (très grand symphoniste, mais dans ce format réduit ?), trio avec flûte et piano de Françaix, variations sur des thèmes d'opéra de Pasculli, Premier Trio de Brahms. 15€.
■ Le 13, salle Turenne, trio avec clarinette de Rota et Khatchaturian, Concert de Chausson, et un quatuor avec flûte de Mozart, avec des membres émérites de l'Orchestre de Paris (Roland Daugareil, Vincent Lucas). Pas des chefs-d'œuvre incommensurable en dehors du Concert de Chausson (joué en temps en temps à Paris), mais un joli programme original. 15€.
■ Le 24 à la Cité de la Musique, Rothko Chapel de Feldman.
■ À partir du 23, pièces de Messiaen et Takemitsu par des membres de l'Intercontemporain, pour une chorégraphie de Teshigawara à Chaillot. En revanche, tarifs prohibitifs pour les adultes (35€ pour de la musique de chambre contemporaine…).
■ Le 22 à l'Espace Bernanos, diptyque Schumann-Kurtág (Phantiasiestücke avec clarinette, Märchenbilder et les deux trios).

► Interprètes et ensembles parrainés.
■ Dans l'alternance de Così fan tutte à Garnier, deux très belles distributions (vraiment !), mais notez en particulier la présence, dans la A, des voix graves : Paulo Szot et Philippe Sly, particulièrement présents et glorieux.
■ Le 3 au CRR de Paris, la classe de violon de Stéphanie Moraly (dont il était question ci-dessus). Pour en avoir entendu quelques-uns en audition avant son concert, il y a de très beaux archets à découvrir (et le programme était hallucinant encore une fois, Vieuxtemps, Ysaÿe, Caplet, Satie, Honegger, L. Boulanger, Milhaud !). Je n'ai pas le programme de cette nouvelle session pour l'instant. Gratuit.
■ Le 28 à la Cité de la Musique, l'Orchestre des Lauréats du Conservatoire (CNSM) dans Sibelius 2, le concerto pour violon de Khatchaturian (bon courage)et une création d'Alvarado. Gratuit.

► Cours publics.
Cours public de Svetlin Roussev (violon) au CNSM (le 2 à 19h).
Cours public d'Olivier Baumont (clavecin) au CNSM (le 24 à 19h).

► Théâtre.
Le petit-maître corrigé de Marivaux salle Richelieu.
La mort de Danton de Büchner au Théâtre de la Bastille.
Intérieur de Maeterlinck au studio-théâtre de la Comédie-Française (dans le Carrousel du Louvre), tous les soirs à 18h – les classes laborieuses sont priées d'être des professeurs, manifestement.
La Peur (Zweig) au Théâtre Michel.
L'État de siège de Camus à l'espace Pierre Cardin (production du Théâtre de la Ville). Assez cher pour du théâtre subventionné, néanmoins. À partir du 1er mars.

► À vendre !
■ Parce que j'ai d'autres projets / trouvé des places moins chères / un ami empêché / changé d'avis, je revends quelques places, à prix doux et bonne visibilité, pour quelques concerts de février :
■■ Une place pour jeudi à la Philharmonie (18€, bien placée) – Premier Concerto de Brahms avec Harding. Vendue.
■■  La Belle Meunière avec Goerne le 6 au Théâtre des Champs-Élysées, 25€ au lieu du prix public de 30€ (au fond du second balcon, légèrement de côté, normalement une bonne visibilité sur le pianiste et en tout cas sur le chanteur).
■■ Lohengrin à Bastille le 8.

► J'achète !
■ Vous l'avez vu, le 28, il y a Sibelius 2 par mes petits protégés, le pot-pourri avec clarinette solo des Invalides, Marcabru par Mauillon, Ustvoslkaya… Assez tranquille qu'il s'agissait là de répertoires suffisamment interlopes et pas des interprètes pas tout à fait superstar, je me suis laissé aller, depuis l'ouverture, à l'agonie du chien d'Aristote et Buridanus… jusqu'à m'apercevoir qu'il ne restait plus de place pour mes deux premiers choix, le concert Savall et surtout la musique de chambre futuriste.
    Aussi, quelqu'un à l'une de ses places à écouler pour le 28 février, qu'il n'hésite pas à passer par moi.


Et plein d'autres choses à voir, à n'en pas douter. Si vous êtes curieux de ma sélection personnelle, elle apparaît en couleur dans le planning en fin de notule. Il y a déjà de quoi s'amuser, même en période de vacances scolaires où – pour une raison que je ne mesure pas trop, la désertion francilienne n'étant pas du tout comparable à celle d'août ! – l'offre de concerts est traditionnellement moins exponentielle que le reste de l'année.



putti câlins
Marguerite GÉRARD, Prochaines aventures sur sol ! (1778)
Également connu sous le titre de L'Enfant et le Bulldog,
d'après la Première leçon d'équitation de Fragonard.
(Metropolitan Museum of Art.)





3. Expositions

Ça se renouvelle en ce début d'année, mais je n'ai pas eu le temps de tout mettre à jour, elles courent pour quelque temps encore de toute façon. Je disais donc :
Ça n'a pas énormément changé depuis la dernière fois, laissez-moi gagner un peu de temps de ce côté-là en vous recommandant le remarquable Exponaute (et son tri par date de fin !) ou la très utile sélection mensuelle de Sortir à Paris.



4. Programme synoptique téléchargeable

Attention, en raison d'une transition (abandonnant à regret l'excellent logiciel libre Kalender où tout était exécutable au seul clavier !) vers un autre logiciel qui permette la synchronisation automatique, certaines des dates importantes sélectionnées ci-dessus ne figurent pas dans le calendrier ci-dessous.

Comme les dernières fois :
Les codes couleurs ne vous concernent pas davantage que d'ordinaire, j'ai simplement autre chose à faire que de les retirer de mon relevé personnel, en plus des entrées sur mes conspirations occultes et autres éviscérations de chatons. Néanmoins, pour plus de clarté :
◊ violet : prévu d'y aller
◊ bleu : souhaite y aller
◊ vert : incertain
◊ **** : place déjà achetée
◊ § : intéressé, mais n'irai probablement pas
◊ ¤ : n'irai pas, noté à titre de documentation
◊ (( : début de série
◊ )) : fin de série
◊ jaune : événement particulier, échéance
◊ rouge : à vendre
janvier 2017

Les bons soirs, vous pourrez toujours distinguer mon pas de funambule le long des rampes majestueuses, dans les lieux, décidément, les plus fréquentables du centre de l'Univers.

Cliquez sur l'image pour faire apparaître le calendrier (téléchargeable, d'ailleurs, il suffit d'enregistrer la page html) dans une nouvelle fenêtre, avec tous les détails. [En raison d'une défaillance d'hébergeur, il est possible que la page html soit cette fois-ci automatiquement téléchargée, vérifiez votre dossier d'arrivée !]

Toutes les illustrations picturales de cette notule sont tirées de photographies du Fonds Řaděná pour l'Art Puttien, disponibles sous Licence Creative Commons CC BY 3.0 FR.

dimanche 4 septembre 2016

Saison 2015-2016 : bilan statistique et subjectif… et putti d'incarnat


Vous l'attendiez, vous n'en pouviez plus. Le voilà.

Juillet a été riche, août fut mort ; il est temps de proposer un petit bilan autour des choses vues.
D'abord, un retour sur les saisons précédentes.


Cette saison, en plus des statistiques, une grande remise de putti d'incarnat. les putti d'incarnat

Comme c'est devenu la tradition, le putto d'incarnat récompense une réalisation exceptionnelle dans le domaine des arts. Seule la rédaction de Carnets sur sol, réunie en collège extraordinaire, est habilitée à le décerner, ce qui garantit son attribution, complètement indépendante, aux meilleurs artistes de notre temps.

Hautement respecté, il se matérialise par un putto de van Dyck (ou Lagrenée, selon les années), remis directement au lauréat sous forme d'un carré de pixels.

C'est aussi et surtout l'occasion de mettre en valeur certains concerts ou certains interprètes qui sont restés un peu négligés par la presse ou l'exposition publique – mais ce paramètre n'entre pas en considération dans l'attribution des récompenses.

(Le jury tient à souligner que ne sont nommés qu'un petit nombre parmi  les plus marquants, les autres étant loin de faire figure tocards pour autant…)




1. Liste des spectacles vus

Concerts, opéras, théâtre… En voici la liste, dans l'ordre de la saison. Beaucoup ont été commentés, et quelques-uns ont servi de présentation à une œuvre, un genre, une problématique transversale… les liens sont indiqués entre crochets et s'ouvrent dans une nouvelle fenêtre.

Hors décompte : août 2015. N'ayant jusqu'ici jamais fait de concert en août, je ne les décompte pas dans la saison pour ne pas fausser les statistiques.

a) Parc Floral – polyphonies et chansons – Voces8 [notule]
b) Parc Floral – Brahms, Premier Trio avec piano – Fouchenneret, Julien-Laferrière, H. Cartier-Bresson [notule]
c) Parc Floral – Gossec, Symphonie – Orchestre de Chambre Pelléas [notule]
d) Parc Floral – Beethoven, Concertos pour piano 3 & 5 – Orchestre de Chambre de Paris, F.-F. Guy

Puis, de septembre à début juillet :

1. Philharmonie (PP) – Sibelius, Symphonie n°5 – Orchestre de Paris, Paavo Järvi [notule]
2. Théâtre des Champs-Élysées (TCE) – Weber, Der Freischütz – Gens, Schukoff, Speer, NDR Hambourg, Hengelbrock
3. Maison de la Radio (MR) – Dutilleux, The Shadows of Time / Poulenc, Litanies – Maîtrise de RF, Philharmonique de RF, Mikko Franck
4. Studio 105 – Waed Bouhassoun dans ses propres compositions
5. 38 Riv' – Santiago de Murcia pour harpe et guitare
6. Cité de la Musique (CiMu) – Meisel, Berlin, Die Sinfonie der Großstadt en réduction – Philharmonique de Strasbourg, Strobel [notule]
7. TCE – R. Strauss, Ariadne auf Naxos – Amber Wagner, Kaufmann, Opéra d'État de Bavière, K. Petrenko [notule]
8. Gaveau – Monteverdi, L'Orfeo – van Elsacker, Lefilliâtre, van Achten, La Fenice, Tubéry [notule]
9. PP – Stravinski et Bartók, L'Oiseau de feu et Le Mandarin merveilleux complets – London Symphony, Gergiev [notule]
10. 38 Riv' – Visée et Dollé pour théorbe et gambe – Thibaut Roussel, Robin Pharo [notule]
11. PP – Mahler, Symphonie n°3 – Jennifer Johnson, Orchestre de Cleveland, Welser-Möst [notule]
12. Ménilmontant – Ibsen, John Gabriel Borkman – Compagnie du Tourtour, Claudine Gabay [notule-bilan sur le patrimoine et les lignes de force d'Ibsen]
13. Bastille – Schönberg, Moses und Aron – Castellucci, Graham-Hall, Mayer, Castellucci, Ph. Jordan [notule 1] [notule 2]
14. PP – Saint-Saëns, Symphonie n°3 – Gabetta, Orchestre de Paris, P. Järvi [notule] [l'orgue]
15. Studio 104 – Walton, Symphonie n°1 – D. Pascal, Orchestre Colonne, Petitgirard [notule]
16. TCE – Britten, Sérénade pour ténor, cor et cordes – Staples, Orchestre de Chambre de Paris (OCP), Boyd [notule]
17. Saint-Gervais – Motets de Charpentier – Ensemble Marguerite Louise, Gaétan Jarry
18. MR – Tchaïkovski, Symphonie n°1 – Ehnes, Orchestre National de France (ONF), Gardner [notule]
19. PP – Mahler, Symphonie n°5 – Argerich, Orchestre du Festival de Lucerne, Nelsons [notule]
20. CiMu – Bach, Motets et Cantates – Ensemble Pygmalion, Pichon
21. Cortot – Cœur : Guédron, Le Roy & friends – Lefilliâtre, Le Levreur, Goubioud, Mauillon, Le Poème Harmonique, Dumestre [notule]
22. CNSM, salle d'orgue – Telemann, Saint-Saëns, G. Jacob… Hommage à Colette Lequien
23. PP – Clyne, création ; Tchaïkovski, Symphonie n°2 – Bavouzet, Orchestre National d'Île-de-France (dit ONDIF), Mazzola [notule]
24. Invalides, Grand Salon – LULLY, airs d'Atys, Armide ; Charpentier, Stances du Cid – Madelin, Croux, Benos, Hyon… CNSM, Haïm
25. PP – Dvořák, Symphonie n°7 – Orchestre de Paris, Dohnányi
26. PP – Nono, Prometeo – SWR Freiburg Baden-Baden, Matilda Hofman, Metzmacher [notule, expérience]
27. Bastille – Berlioz [notule], La Damnation de Faust – Hermanis, Koch, Kaufmann, Terfel, Ph. Jordan [notule et huées]
28. PP – LULLY, Armide – M.-A. Henry, Wanroij, Chappuis, Auvity, Mauillon, Les Talens Lyriques, Rousset [notule]
29. Cité des Arts – Hahn, Koechlin, Ravel, Emmanuel pour violon et piano – Moraly, R. David [notule]
30. CNSM, salle d'orgue – Fauré, Vierne, Hakim pour orgue – Kumi Choi [notule]
31. PP – Magnificat de Bach, Psaume et Cantate de Mendelssohn – Orchestre de Paris, Hengelbrock [notule]
32. Vieux-Colombier – Goldoni, I Rusteghi – comédiens-français [notule]
33. CNSM, salon Vinteuil – Marx, pièces pour quatuor avec piano – étudiants du CNSM [notule]
34. MR – Scherzo de Suk, Concerto pour violoncelle n°1 révisé et Symphonie n°6 de Martinů – J. Moser, Philharmonique de Radio-France (OPRF), Hrůša [notule]
35. MR – Haydn 103, Mozart concerto 23, Schubert n°5 – OPRF, Norrington [notule]
36. MR – Tchaïkovski, Symphonie n°5 – ONF, Gatti [notule]
37. MR  – Dutilleux, Symphonie n°2, Métaboles… – OPRF, Kwamé Ryan [notule]
38. TCE – Garayev, Thilloy, Debussy (Nocturnes), Poulenc (Les Biches) – Orchestre Lamoureux, Antoine Marguier [notule]
39. PP – Hommage à Boulez – Damiens, Ensemble Intercontemporain, Orchestre de Paris, P. Järvi… [notule]
40. PP – Bruckner, Symphonie n°5 – Orchestre de Paris, P. Järvi [notule]
41. Billettes – Airs de cour baroques espagnols – Kusa, Egüez [notule]
42. Opéra Royal – Godard, Dante – Gens, Montvidas, Radio de Munich, Schirmer [notule, présentation de l'œuvre]
43. PP – Bartók, Le Prince de bois – Orchestre de Paris, Zinman
44. PP – audition d'orgue : Bach, transcriptions, Widor 6… – Foccroulle, Lefebvre, Latry, Marshall
45. CNSM, salle Fleuret – Beethoven, Ouverture pour Coriolan – étudiants membres du BDE (Bureau des Étudiants)
46. TCE – Haendel, Rinaldo – Lezhneva, Gauvin, Fagioli, Wey, A. Wolf, Il Pomo d'Oro, Montanari [notule plus générale sur les erreurs de falsettistes et de diapasons]
47. PP – Verdi, Requiem – Grimaldi, Lemieux, Pirgu, Pertusi, Orchestre de Paris, Noseda
48. PP – Mendelssohn, symphonies 2 & 3 – RIAS Kammerchor, Chamber Orchestra of Europe, Nézet-Séguin [notule]
49. PP – Mendelssohn, symphonies 1, 4 & 5 – Chamber Orchestra of Europe (COE), Nézet-Séguin [notule]
50. Sainte-Élisabeth – Charpentier, motets pour le Port-Royal – Achille, Boudet, Le Vaisseau d'Or, Robidoux [notule]
51. PP – Sibelius, Symphonie n°3 – Orchestre de Paris, P. Järvi [notule]
52. PP – Bruckner, Symphonie n°9 – OPRF, Inbal [notule]
53. MR – Soir de Fête de Chausson, Printemps de Debussy, Les Animaux modèles de Poulenc – Latry, ONF, Gabel [notule]
54. MR – Lalo-Coquard, La Jacquerie – OPRF, Davin [notule]
55. Studio 104 – Musique de chambre de Castillon, Saint-Saëns et Fauré – membres de l'ONF, Girod [notule]
56. Théâtre de la Porte Saint-Martin – Massenet, Don César de Bazan – Revault d'Allonnes, Dumora, Sarragosse, Les Frivolités Parisiennes
57. TCE – airs et duos de LULLY, Charpentier, Rameau, Leclair – von Otter, Naouri, Le Concert d'Astrée, Haïm [notule]
58. Châtelet – Sondheim, Passion – Ardant, E. Spyres, Dessay, K. McLaren, R. Silverman, Thantrey, A. Einhorn [notule]
59. CiMu – Bource, The Artist – Hazanavicius, Brussels Philharmonic, Ernst Van Tiel [notule]
60. CiMu – Symphonie en ut de Bizet, Concerto pour hautbois de R. Strauss – Leleux, COE, Pappano [notule]
61. CNSM, salle Fleuret – Récital-spectacle Kosma – Vittoz, H. Deschamps, Fanyo, A. Bertrand, Woh, Worms… [notule]
62. Musée d'Orsay – Pillois, et mélodies orientales de Saint-Saëns, Caplet, Delage, Stravinski… – Brahim-Djelloul, Garde Républicaine [notule]
63. Hôtel de Soubise – Schubert 13, Ravel, BoutryQuatuor Akilone [notule du concert]
64. Bastille – Wagner, Die Meistersinger – Herheim, Kleiter, Keitel, Spence, Jovanovich, Skovhus, Finley, Groissböck, Ph. Jordan [notule et les bizarres longueurs wagnériennes]
65. CNSM, salle Fleuret – « Notre Falstaff », d'après Nicolai notamment – Cordoliani, (jeunes) étudiants du CNSM, Molénat [notule sur la méthodologie]
66. PP – Sibelius, Symphonie n°4 – Bell, Orchestre de Paris, Paavo Järvi [notule sur la place du soliste]
67. CNSM, salle d'art lyrique – Transcriptions d'opéra pour un ou deux pianos à deux ou quatre mains – Classe d'Erika Guiomar (Lucie Seillet, Rémi Chaulet, Pierre Thibout, Nicolas Chevereau…) [notule]
68. TCE – Persée de LULLY dans la révision de Dauvergne, Bury et Francœur en 1770 – Guilmette, Santon, Kalinine, C. Dubois, Vidal, Christoyannis, Teitgen, Le Concert Spirituel, Niquet [longue notule]
69. CNSM, salle d'art lyrique – Liederabend Zemlinsky par la classe d'Anne Le Bozec – Madelin, Garnier, Feix, Spohn, Bunel, Benos, Boché, Worms, Spampanato… [notule]
70. Lycée d'État Jean Zay, salon de réception – La Création de Haydn en français – Le Palais Royal, Sarcos [notule]
71. Théâtre Trévise – Adam, Le Farfadet – Les Frivolités Parisiennes [notule]
72. Ancien Conservatoire – La Création de Haydn en français – Bello, R. Mathieu, Tachdjian, Le Palais Royal, Sarcos [notule]
73. PP – Grieg, Concerto pour piano ; Dvořák, Symphonie n°8 – Tonhalle de Zürich, Bringuier [notule autour de l'importance de la vue]
74. PP, salle de répétition – Beethoven, Symphonie n°7 pour nonette à vent – souffleurs de l'Orchestre de Paris [notule : éditions et la discographie]
75. 38 Riv' – Quatuors de Haensel, Auber et I. Pleyel – Quatuor Pleyel [notule sur les œuvres]
76. Palais Garnier – Ballets de Paulli, Sauguet et Damase – École de Danse de l'Opéra, Orchestre des Lauréats du CNSM
77. MR – Schumann, Symphonie n°3 – OPRF, Norrington
78. Église de Joinville-le-Pont – Autour d'Ariane : Haendel, Vivaldi, Marcello, Marais, Mouret, Benda – Lohmuller, Ensemble Zaïs, B. Babel [notule sur les œuvres]
79. Bastille – Rigoletto de Verdi – Guth, Peretyatko, Kasarova, Fabiano, Kelsey, Siwek, Luisotti [notule]
80. MR – Beethoven, Symphonie n°2 – OPRF, Koopman
81. MR, studio 104 – Franck, chœurs ; Aboulker, Boule de Suif – Maîtrise de Radio-France
82. CiMu – Airs de Charpentier & co – Petibon, Amarillis, Cochard, H. Gaillard
83. TCE – Wagner, Tristan und Isolde – Audi, Nicholls, Breedt, Kerl, Polegato, Humes, ONF, Gatti [notule]
84. Notre-Dame-de-Paris – Credo de MacMillan, Requiem de Fauré – Maîtrise de NDP, OCP, J. Nelson
85. CRR – Campra, L'Europe Galante – Étudiants en musique ancienne du CRR
86. CRR – Mélodies orchestrales de Marx, Concerto pour violoncelle de J. Williams – Orchestre des étudiants du CRR
87. PP – Concerto pour violoncelle n°2 de Dvořák, Symphonie Fantastique de Berlioz – G. Capuçon, Capitole de Toulouse, Sokhiev
88. Bastille – R. Strauss, Der Rosenkavalier – Wernicke, E. Morley, Kaune, Houtzeel, Demuro, Gantner, P. Rose, Ph. Jordan
89. TCE – Spontini, Olympie (version originale) – Gauvin, K. Aldrich, M. Vidal, Le Cercle de l'Harmonie, Rhorer
90. Cinéma Le Balzac – Busatto, The Black Pirate (sur le film d'A. Parker écrit par Fairbanks) – Busatto himself [notules]
91. Notre-Dame-des-Blancs-Manteaux – Puccini, La Bohème – Galvez-Vallejo, Ut Cinquième
92. CNSM, salle d'art lyrique – Récital de fin d'études de Master 2pas du tout aimé, garde le nom secret pour ne pas nuire à la chanteuse [notule]
93. Palais Garnier – Reimann, Lear – Bieito, Dasch, Merbeth, Alisch, A. Conrad, Skovhus, Luisi [notule]
94. PP – Mahler, Symphonie n°3 – DeYoung, Orchestre de Paris, P. Järvi [notule]
95. Palais Garnier – Adam & tripatouilleurs, Le Corsaire – Petipa-Sergueyev-A.M.Holmes, Rojo, Hernández, Corrales, Saruhashi, Orchestre Colonne [longue notule]
96. CiMu – Cantates de Liszt et Gounod (sainte Cécile et saint François) – Deshayes, Barbeyrac, Sempey, OCP, Équilbey
97. Hôtel des Menus-Plaisirs – extraits d'Alcide de Marais & Louis Lully – chantres du CMBV, membres des CRR de Versailles et Cergy, van Rhijn
98. Cour de Guise (à Soubise) – Spanisches Liederspiel de Schumann, Neue Liebeslieder Waltzes de Brahms – Perbost, Zaïcik, P. García, Raschke, Ambroselli Brault, Williencourt
99. Cour de Guise – Quatuors avec piano, n°1 de Fauré et n°3 de Brahms – Trio Karénine, Sarah Chenaf
100. Cité Internationale des Arts – Programme Georges Migot (violon-piano, poèmes) – Couic Le Chevalier, Hosoya [lien]
101. Cour de Guise – Quatuor n°8 de Beethoven, Quintette avec piano de BrahmsAkilone SQ, Williencourt

C'est beaucoup, et pourtant quasiment que des très grandes soirées.





2. Commentaires manquants

Grande résurrection inattendue d'une œuvre crue détruite dans l'incendie de l'Opéra-Comique, finalement partiellement retrouvée et tout à fait reconstruite, Don César de Bazan, composé tôt dans sa carrière (juste après Le Roi de Lahore, son premier) figure parmi les toutes dernières partitions inédites de Massenet pour l'opéra. La plupart de ce qui reste se résume à des œuvres légères de prime jeunesse ou à des œuvres inachevées et souvent perdues (La Coupe du Roi de Thulé sur le livret d'É. Blau et Gallet figure parmi les plus intriguantes). Des œuvres écrites après sa trentième année et non perdues, il n'y a plus guère que Bacchus qui n'ait pas été remonté (il me semble) et qu'Ariane et Panurge qui ne disposent pas d'enregistrement officiel.
        Le résultat s'est révélé remarquable : œuvre d'essence plutôt légère, mais dont la musique n'est nullement triviale, Bazan explore la vie supposée du personnage plaisant de Ruy Blas de Hugo ; la pièce de théâtre initiale (écrite près de 30 ans plus tôt par le futur librettiste de Massenet, en collaboration avec l'ancien directeur du Théâtre des Variétés) est commandée par le créateur du rôle chez Hugo qui voulait conserver son personnage tout en ayant le premier rôle. L'opéra de Massenet qui se fonde sur lui est une sorte de vaudeville (mais au contenu musical très développé et sérieux, comme un opéra comique) qui joue avec la mort (et se laisse quelquefois rattraper), débutant en beuverie, se constellant d'amitiés sincères, culminant avec une évasion, et finissant par faire du frippon le mari le plus soucieux des convenances (assez étonnant comment cet opéra au ton supposément canaille finit par laisser au transgresseur les clefs des convenances les plus bourgeoises), mettant à la porte le roi.
       Plaisant, vif, plein de séductions, et servi par une équipe musicale extraordinaire (en particulier Dumora et Sarragosse, et par-dessus tout l'orchestre des Frivolités Parisiennes, du grand premier choix !), une résurrection méritée dans les murs mêmes où le Don César en version parlée fut créé – Théâtre de la Porte Saint-Martin.

Pas eu le loisir non plus de dire mon émerveillement devant le programme des danseurs de l'École de l'Opéra, et pas seulement à cause de l'enthousiasme et de la qualité des jeunes interprètes, d'une qualité d'expression rarement vue, pour ma part, chez leurs aînés. Trois ballets courts.
        La musique de Paulli est peut-être la pire chose que j'aie entendu… certes, il s'agit d'imiter une école de danse et la muzak qui y sévit, mais même un exercice d'harmonie de première année sonne mieux, on dirait que le but est de produire la plus mauvaise musique possible sans enfreindre aucune règle. À côté, Anna Bolena, c'est déroutant et tendu comme Pierrot Lunaire. Presque physiquement violent.
       En revanche, belle réussite pour Les Forains de Roland Petit, jolie histoire mélancolique sur une musique de Sauguet qui tire adroitement parti de l'univers du cirque, avec beaucoup de couleurs et d'assemblages un peu crus et très variés ; et surtout, surtout, l'éblouissement du Piège de lumière de John Taras, avec une musique lyrique du Damase des grands jours, nullement répétitif ou prévisible, osant des coloris sombres qui lui sont moins familiers, même dans les tourments de L'Héritière ou les trahisons de Colombe. L'argument du ballet est lui-même très inhabituel et assez prenant, pour une fois : des détenus d'un pénitencier s'échappent , et bien sûr de rayonnants épanchements.dans la forêt vierge. Pris par la soif, l'un d'eux voit des papillons s'ébattre autour de lui comme dans un délire. L'occasion de sacrés contrastes visuels et sonores, et une intrication de deux sujets incompatibles très réussie.
      
Entendre le Rosenkavalier en salle a été une expérience extraordinaire : contrairement au disque, l'orchestre domine et la finesse de l'écriture, la récurrence des motifs frappent en pleine figure ; c'est toute la science de Wagner au service d'une expression guillerette, mais pas moins raffinée ni profonde. Une des expériences musicales les plus impressionnantes que j'aie faites, alors même que je ne suis (toujours) pas un gros client de l'œuvre au disque – chez le Strauss « conversationnel », j'aime davantage Intermezzo et surtout Arabella. Mais le Rosenkavalier, malgré son livret pas complètement bien proportionné, justifie sa haute réputation par l'ambition de sa musique, très impressionnante. (Par ailleurs, cette fois-ci, les qualités de détail de Philippe Jordan, audibles à la radio mais pas toujours en salle, étaient complètement perceptibles, ce qui ajoutait à l'impression d'extraordinaire.)

En fin de saison, quelques grands moments d'émotion toute nue, avec de la musique de chambre interprétée avec chaleur (n°99 & 101) : entendre ces œuvres bien structurées s'épanouir dans l'acoustique sobre d'une cour d'hôtel, dans une atmosphère qui n'a pas du tout les pesanteurs de la saison officielle (où, surtout à Paris, le public vient souvent à l'adulation ou à la curée), et par de jeunes musiciens encore émerveillés de toucher à ces chefs-d'œuvre (quoique parfaitement aguerris), c'est la musique brute, au delà de toutes les questions accessoires. Dans certains cas, partition (discrètement) en main, pour profiter de tous les détails. L'impression de revenir à l'essentiel, d'une certaine façon.




3. Statistiques

3a. Statistiques : lieux fréquentés

Septième saison francilienne, et cependant encore un assez respectable taux de renouvellement des salles : 101 soirées, 43 lieux, dont 15 nouveaux. Soit un tiers de lieux inédits (notés en gras).

(Philharmonie 1 & 2 : 30)
Philharmonie : 22
(MR total : 14)
(Conservatoires total : 13)
MR auditorium : 10
TCE : 10
(CNSM total : 9)
(Opéra de Paris total : 8)
CiMu : 7
Opéra Bastille : 5
(Soubise total : 4)
Parc Floral : 4
--
CNSM (salle Fleuret) : 3
CNSM (Salle d'art lyrique) : 3
MR Studio 104 : 3
Palais Garnier : 3
Hôtel de Soubise (cour de Guise) : 3
38Riv' : 3
CNSM, salle d'orgue : 2
CRR Auditorium Landowski : 2
Cité Internationale des Arts : 2
Versailles (Opéra Royal) : 1
Musée d'Orsay : 1
Billettes : 1
Gaveau : 1
Salle Cortot : 1
Invalides (grand salon) : 1
Châtelet : 1
Hôtel de Soubise (salon) : 1
Hôtel des Menus-Plaisirs : 1
Salle des Concerts du Vieux Conservatoire : 1
Salle de répétition 1 de la Philharmonie : 1
CNSM, salon Vinteuil : 1
NDP, côté portail Ouest : 1
Saint-Gervais : 1
Notre-Dame des Bancs Manteaux : 1
Sainte-Élisabeth-du-Temple : 1
Église Saint-Charles de Joinville-le-Pont : 1
MR Studio 105 : 1
Théâtre de la Porte Saint-Martin : 1
Théâtre Trévise : 1
Vieux-Colombier : 1
Théâtre de Ménilmontant : 1
Cinéma Le Balzac : 1
Grand Salon du Lycée d'État Jean Zay : 1

Sans doute liée à la fermeture de théâtres lyrique comme l'Opéra-Comique et l'Athénée (et aussi à la programmation sympa, à l'effet de nouveauté, etc.), claire avance de la Philharmonie, et de Radio-France (gonflé par les places impossibles à revendre, précisons-le…). Présence significative des conversatoires, des Champs-Élysées, contre-performance de Versailles (malgré le très beau programme !), de l'Opéra de Paris, des Billettes (ce sera peut-être pire la saison prochaine vu le programme très italien-XVIIIe), du Musée d'Orsay (toute la bonne came est le midi en semaine, et c'est encore pire pour la saison à venir !).



3b.  Statistiques : genres écoutés

Pour la première fois, il me semble, l'opéra n'est pas en première place, grosse orgie symphonique. Belle proportion de musique de chambre aussi, ça manquait cruellement les années passées.

Symphonique : 36 (dont baroque 2, classique 8, romantique 21, décadent 7, moderne 14, néo- 1, cœur XXe 3, contemporain 9)
Opéra : 21 (dont 8 scéniques, 10 en concert – et les autres ? ; dont 10 en français, 7 en allemand, 4 en italien ; dont premier baroque 1, tragédie lyrique 5, seria 1, opéra comique 1, grand opéra 3, romantique 5, décadent 2, atonal 1, contemporain 1)
Chambre : 18 (dont baroque 3, classique 2, romantique 7, décadent 2, moderne 6,contemporain 3 ; violon-piano 1, violon orgue 1, quatuor piano-cordes 1, quatuor 5, piano 5, nonette à vent 1)
Lied & mélodie : 11 (dont airs espagnols 1, air de cour 2, mélodies françaises 2 ; avec ensemble 1, avec orchestre 4, en quatuor vocal 1)
Musique vocale sacrée : 11 (dont baroque allemand 2, baroque français 2, classique 2, XIXe français 2, XIXe italien 1, XIXe allemand II, XXe 1, XXIe 1)
Orgue : 6 (dont baroque 3, moderne 3, contemporain 1, improvisations 2)
Récital d'opéra : 6 (tragédie lyrique 4, seria 1, diplôme 1)
Improvisations : 5
Ballet : 4 (scénique 2, triple-bill 2, concert 2)
Ciné-concert : 3
Théâtre : 4 (dont Ibsen 1)
Chœurs profanes : 2
Spectacle musical : 4
Traditionnel : 2
Chanson : 2
Piano : 2
Jazz : 1
Pop : 1
Comédie musicale : 1

Vous noterez que les récitals vocaux sont à peu près exclusivement dévoués au lied, à la mélodie et à la tragédie en musique… Prendre en tranches les parties les moins intéressantes des opéras les plus rebattus, bof.

Très peu de théâtre cette année, faute de temps vu la place occupée par les concerts… (et puis un seul Ibsen autre que Dukkehjem) Quelques titres supplémentaires cet été – Marivaux avec chants a cappella à la Comédie Nation, La Poupée sanglante d'après Gaston Leroux à la Huchette, également jubilatoires – mais ils entreront dans la statistique de la saison prochaine.



3c.  Statistiques : époques musicales

traditionnel : 2
XVIe1 : 1
XVIe2 : 3
XVIIe1 : 6
XVIIe2 : 14
XVIIIe1 : 16
XVIIIe2 : 14
XIXe1 : 23
XIXe2 : 47
XXe1 : 35
XXe2 : 18
XXIe : 17

En réalité plus représentatif de l'offre que de choix réels, mais il est certain qu'à la jointure du XIXe et du XXe siècles, les grandes machines orchestrales des symphonies et des opéras ont une réelle plus-value avec l'impact physique de la salle. Ce sont aussi des musiques complexes qui bénéficient d'une écoute attentive et d'un support visuel. Mais clairement, il y aurait plus d'offre en XVIIe, l'écart ne serait pas du tout le même.



3d.  Statistiques : orchestres et ensembles

28 orchestres, dont 13 découvertes en salle, soit près de la moitié (notés en gras). Et beaucoup de grands noms ou de découvertes assez épatantes.

Orchestre de Paris 11 (+ membres 1)
Orchestre Philharmonique de Radio-France 9
Orchestre de l'Opéra de Paris 6
Orchestre National de France 4 (+ membres 1)
Orchestre de chambre de Paris 4
Chamber Orchestra of Europe 3
Les Frivolités Parisiennes 2
Orchestre Colonne 2
Orchestre National d'Île-de-France
LSO
Radio de Munich
Capitole de Toulouse
Orchestre Philharmonique de Strasbourg
Ut Cinquième
Orchestre des Lauréats du CNSM
Orchestre des Étudiants du CNSM
Orchestre du Bureau des Étudiants du CNSM
Orchestre des Jeunes du CRR
Orchestre Lamoureux
Brussels Philharmonic
Tonhalle Zürich
Elbphilharmonie de la NDR de Hambourg
Le Palais-Royal
Orchestre du Festival de Lucerne
Orchestre Symphonique de Cleveland
Opéra de Munich (Bayerisches Staatsorchester)
SWR Freiburg Baden-Baden
Orchestre de chambre Pelléas

les putti d'incarnat Arrêt des Putti d'incarnat les putti d'incarnat
Meilleur orchestre de la saison, sont nommés :
Brussels Philharmonic (The Artist de Bource), Tonhalle de Zürich (concerto pour piano de Grieg), Orchestre de Paris (Sibelius 3,4,5),
Orchestre National d'Île-de-France (Tchaïkovski 2, Clyne), Les Frivolités Parisiennes (Le Farfadet, Don César de Bazan), Chamber Orchestra of Europe (Symphonies de Mendelssohn et Bizet), Opéra de Paris (Rosenkavalier).
Attribué à : Orchestre National d'Île-de-France. Pas le plus virtuose malgré de superbes cordes graves (la petite harmonie est clairement en deçà des standards des grands orchestres), mais à chaque fois une intensité hors du commun et l'exaltation palpable des musiciens. N'a pas de prix. [notule]
Dauphin : Les Frivolités Parisiennes. Quelle divine surprise, avec de ce qui devrait théoriquement être un orchestre de cacheton (ou de professionnels passionnés mais de seconde zone), de rencontrer un orchestre d'une précision remarquable, et de dotés de timbres personnels et chaleureux, un vrai son français au meilleur sens du terme, franc, doté d'un grain très physique, et sans les défauts d'approximation ou de laideur qu'on y associe souvent. [notule]



De même, un assez grand nombre d'ensemble sur instruments anciens (et 8 sur 14 étaient des premières écoutes en salle) :

Les Talens Lyriques
Le Cercle de l'Harmonie
Le Concert Spirituel
Le Concert d'Astrée
Ensemble baroque du CNSM
Ensemble Pygmalion
Ensemble La Fenice
Il Pomo d'Oro
Ensemble Zaïs
Ensemble Pulcinella
Ensemble Marguerite Louise
Le Vaisseau d'or
Étudiants de Versailles et Cergy autour de Marie van Rhijn
Orchestre issu du département de musique ancienne du CRR de Paris

les putti d'incarnat Arrêt des Putti d'incarnat les putti d'incarnat
Meilleur ensemble sur instruments anciens de la saison, sont nommés :
Les Talens Lyriques
(Armide de LULLY), Le Cercle de l'Harmonie (Olympie de Spontini), La Fenice (Orfeo de Monteverdi),
Ensemble baroque du CNSM (récital LULLY dirigé par Emmanuelle Haïm), Ensemble Zaïs (autour d'Ariane), Il Pomo d'Oro (Rinaldo de Haendel), Ensemble Pulcinella (récital Magiciennes de Petibon), Ensemble Marguerite Louise (motets de Charpentier)
Attribué à : La Fenice. La variété des couleurs d'ensemble est formidable, mais c'est plus encore la présence individuelle de chaque interprète qui impressionne (à commencer par le cornetiste-chef, la violoniste-soprano, ou le théorbiste-baryton Nicolas Achten). En plus, une vision assez renouvelée et cohérente d'un bijou rabâché – L'Orfeo.  [notule]
Dauphin : Ensemble baroque du CNSM. Quel sens du style !  Il Pomo d'Oro dans le seria, à la fois virevoltant et sans tropisme pour les effets extérieurs, ou bien la finesse du continuo de l'Ensemble Zaïs méritaient les plus beaux éloges.



Enfin, deux ensembles spécialistes en musique contemporaine :

Ensemble Intercontemporain (hommage à Boulez)
Ensemble Recherche (participant au Prometeo de Nono)



3e.  Statistiques : chœurs

22  formations, dont 10 nouvelles.

Chœur ONP x5
Chœur OP x4
Maîtrise de Radio-France x2
Chœur RF x2
Maîtrise OP
Maîtrise NDP
Radio Flamande
Radio Bavaroise
WDR Köln
NDR Chor
Chœur Lamoureux
Accentus
Frivolités Parisiennes
Le Palais-Royal
Chœur ad hoc Châtelet Sondheim
Pygmalion
Concert Spirituel
Le Vaisseau d'or
RIAS Kammerchor
Schola Heidelberg
Chœur de chambre de Namur
Voces8

Voces8 est un peu à part, étant un ensemble à 8 (extraordinaire collectivement, individuellement, stylistiquement…). Une référence aussi bien pour les Motets de Bach que pour les transcriptions de standards de jazz.

les putti d'incarnat Arrêt des Putti d'incarnat les putti d'incarnat
Meilleur chœur de la saison, sont nommés :
Chœur de l'Orchestre de Paris (Requiem de Verdi), Maîtrise de Radio-France (Litanies de Poulenc, Chœurs de Franck), Chœur du Palais-Royal (La Création de Haydn en français), Chœur féminin du Vaisseau d'or (Messe du Port-Royal de Charpentier)
Chœur de l'Orchestre de Paris
Attribué à : Chœur de l'Orchestre de Paris.  [notule]
Dauphin : Maîtrise de Radio-France.



3f.  Statistiques : chefs


64 chefs d'orchestre, dont 37 entendus pour la première fois en salle (et un certain nombre tout simplement découverts dans l'absolu).


Chefs multi-fréquentés
Paavo Järvi x7 (OP)
Philippe Jordan x4 (Opéra de Paris)
Emmanuelle Haïm x2 (Ensemble baroque du CNSM, Concert d'Astrée)
Daniele Gatti x2 (ONF)
Roger Norrington x2 (OPRF)
Thomas Hengelbrock x2 (NDR Hambourg, OP)
Jean-Philippe Sarcos x2 (fondateur Palais Royal)

Avec orchestres franciliens
Fabio Luisi (Opéra de Paris)
Nicola Luisotti (Opéra de Paris)
Christoph von Dohnányi (OP)
Gianandrea Noseda (OP)
David Zinman (OP)
Edward Gardner (ONF)
Fabien Gabel (ONF ; ancien assistant de Zinman)
Mikko Franck (OPRF)
Eliahu Inbal (OPRF)
Ton Koopman (OPRF)
Patrick Davin (OPRF)
Jakub Hrůša (OPRF)
Kwamé Ryan (OPRF)
Andy Einhorn (OPRF dans Sondheim)
Douglas Boyd (OCP)
John Nelson (OCP)
Laurence Équilbey (OCP)
François-Frédéric Guy (OCP)
Enrique Mazzola (ONDIF)
Guillermo García Calvo (Lauréats du CNSM dans Sauguet et Damase)
Xavier Delette (Orchestres des Jeunes du CRR)
Marion Ladrette (Orchestres des Jeunes du CRR)
François Boulanger (Garde Républicaine)
Matthias Pintscher (EIC)
Laurent Petitgirard (Colonne)
Gavin Sutherland (Colonne)
Antoine Marguier (Lamoureux)
Mathieu Romano (Frivolités Parisiennes – Bazan)
Nicolas Simon (Frivolités Parisiennes – Farfadet)
Benjamin Levy (fondateur orchestre de chambre Pelléas ; ancien assistant de Zinman)
chefs du BDÉ du CNSM
Romain Dumas (Ut Cinquième)

Avec orchestres invités
Frank Strobel (Philharmonique de Strasbourg)
Tugan Sokhiev (Toulouse)
Ernst Van Tiel (Brussels Philharmonic)
Yannick Nézet-Séguin (COE)
Antonio Pappano (COE)
Valery Gergiev (LSO)
Ingo Metzmacher (SWR Baden-Baden Freiburg)
Matilda Hofman (SWR Baden-Baden Freiburg)
Andris Nelsons (Lucerne)
Lionel Bringuier (Tonhalle Zürich)
Ulf Schirmer (Radio de Munich)
Kirill Petrenko (Opéra de Munich)
Franz Welser-Möst (Cleveland)


les putti d'incarnat Putti d'incarnat les putti d'incarnat
Meilleur chef d'orchestre, sont nommés :
Paavo Järvi
(Sibelius 5, Bruckner 5), Philippe Jordan (Rosenkavalier), Roger Norrington (Haydn), Christoph von Dohnányi (Dvořák 7), Gianandrea Noseda (Requiem de Verdi), David Zinman (Le Prince de bois de Bartók), Edward Gardner (Tchaïkovski 1), Eliahu Inbal (Bruckner 9), Ton Koopman (Beethoven 2), Jakub Hrůša (Martinů 6 & Premier Concerto pour violoncelle), Kwamé Ryan (Métaboles), Enrique Mazzola (Tchaïkovski 2), Frank Strobel (Berlin de Meisel), Yannick Nézet-Séguin (Intégrale Mendelssohn), Antonio Pappano (Symphonie en ut de Bizet), Valery Gergiev (L'Oiseau de feu de Stravinski), Mikko Franck (Poulenc, Dutilleux).
Attribué à :
Honnêtement, pas possible de choisir entre les structures de Järvi, le détail poétique de Jordan, le tranchant de Dohnányi, l'élan de Noseda et Zinman, l'intensité d'Inbal et Gardner, le goût parfait de Koopman… Mais puisqu'il faut bien en distinguer quelques-uns, alors ce seront Mazzola, Koopman, Järvi et Inbal. Et Gardner, et Dóhnanyi, et Jordan, et Strobel… Stop, stop, c'est reparti !




Avec ensembles sur instruments anciens
Emmanuelle Haïm x2 (Ensemble baroque du CNSM, Concert d'Astrée)
Jean Tubéry
Hervé Niquet
Christophe Rousset
Vincent Dumestre
Jérémie Rhorer
Raphaël Pichon
Gaétan Jarry (Ensemble Marguerite Louise)
Héloïse Gaillard (Pulcinella)
Marie van Rhijn (Étudiants de Versailles et Cergy)
Sébastien Marq (Département Musique Ancienne CRR Paris)
Stefano Montanari (chef invité par Il Pomo d'Oro)
Martin Robidoux (fondateur Vaisseau d'Or)

Meilleur chef d'ensemble spécialiste, sont nommés :
Vincent Dumestre
(Guédron & Friends), Jean Tubéry (L'Orfeo), Emmanuelle Haïm (LULLY avec le CNSM, surtout pas avec son ensemble !), Héloïse Gaillard & Violaine Cochard (Pulcinella), Marie van Rhijn (Alcide de Marais), Sébastien Marq (L'Europe galante), Stefano Montanari (Rinaldo).
Attribué à : Vincent Dumestre toujours à la pointe des meilleurs arrangements dans l'air de cour du début du XVIIe siècle.
Dauphine : Emmanuelle Haïm pour son travail avec les étudiants du CNSM dans LULLY (le récital du même répertoireavec son ensemble sentait au contraire la routine et le peu d'entrain…).



3g.  Statistiques : metteurs en scène & chorégraphes

Wernicke, Bieito, Guth, Herheim, Hermanis, Castellucci, les metteurs en scène les plus en vogue se sont succédés dans ma saison scénique (pourtant limitée en nombre).

Dominique Pasquet (Les Sincères de Marivaux)
Jean-Louis Benoît (I Quattro Rusteghi de Goldoni)
Alvis Hermanis (La Damnation de Faust de Berlioz-Nerval-Gandonnière)
Claus Guth (Rigoletto de Verdi & Piave)
Pascal Neyron (Le Farfadet d'Adam & Planard)
Anna-Marie Holmes (chorégraphie pour  Le Corsaire d'Adam, d'après celle de Sergueïev – d'après celle de Petipa)
August Bournonville (chorégraphie pour Conservatoire de Holger-Simon Paulli)
Stefan Herheim (Die Meistersiner von Nürnberg de Wagner)
Claudine Gabay (John Gabriel Borkman d'Ibsen)
Damien Bigourdan (Don César de Bazan de Massenet & d'Ennery, Dumanoir, Chantepie)
Herbert Wernicke (Der Rosenkavalier de R. Strauss & Hofmannsthal)
Romeo Castellucci (Moses und Aron de Schönberg)
John Taras (chorégraphie pour Piège de lumière de Damase)
Roland Petit (chorégraphie pour Les Forains de Sauguet)
Calixto Bieito (Lear de Reimann & Henneberg-Zimmer)
Fanny Ardant (Passion de Sondheim & Lapine)
Éric Chantelauze (La Poupée sanglante de Didier Bailly & Jérôme Chantelauze)

Je ne compte pas les mises en espace de circonstance (Kosma et Notre Falstaff au CNSM, L'Europe Galante au CRR, Alcide aux Menus-Plaisirs, ni La Favola d'Orfeo par Tubéry à Gaveau, remarquablement suggestive d'ailleurs, avec ses musiciens chantants qui se lèvent ou apparaissent dans les loges !).

Chacun assez conforme à ses habitudes : Hermanis un peu perdu par ses propres concepts (potentiellement stimulants, mais tellement déconnectés de la scène), Guth dans un bon jour pas trop hardi (le double de Rigoletto ne dit pas grand'chose, en revanche le carton mobile est très beau et renvoie efficacement les voix), Herheim dans l'univers où il excelle (niveaux de lecture multiples, beauté plastique, lisibilité et direction d'acteurs permanente, même chez ceux qui se taisent), Castellucci plaisant visuellement sans chercher à construire un récit, Wernicke que je n'avais jamais vu aussi subtil (malgré les reprises en son absence, gestuelle très précise et riche)… chacun a fait ce qu'on attendait de lui. Seul Bieito m'a paru décevant eu égard à ses standards : peu d'usage de la profondeur de scène, personnages peu caractérisés, ensemble plutôt statique, et un peu comme la musique, grande uniformité des aspects visuels gris. Dans le genre sombre, très loin de la réussite de son Wozzeck magnétique, par exemple.

En revanche, beaucoup de choses très impressionnantes dans les petites salles : la finesse des dialogues se prolonge dans de délicats intermèdes musicaux a cappella chez Dominique Pasquet (nouveau collectif Les Sincères), la place laissée par Jean-Louis Benoît à la verve des meilleurs acteurs comiques du Français (Hecq, Raffaelli…), la vie apportée à un petit opéra comique par Pascal Neyron, l'adroite scénographie avec des moyens limités chez Damien Bigourdan, et l'inventivité épatante de cette fresque racontée à trois acteurs dans la Poupée de Chantelauze… autant de régals.

S'il fallait faire ici aussi une remise de prix, ce serait par la force des choses Herheim (virtuose au dernier degré) voire Wernicke (dans un ouvrage plus facile à servir, mais fin et plastique à la fois, c'est toujours un enchantement. Mais, avec les moyens très limités (ne serait-ce que l'espace de 10m², sans décor), sans doute encore plus impressionné par la justesse de Pasquet et l'inventivité débridée de Chantelauze.

Pour la chorégraphie, musique, sujet, chorégraphie (et même qualité des danseurs), tout plaide pour Piège de lumière, une des grandes musiques de Damase, pas du tout une pièce de circonstance aux ressorts un peu répétitifs (comme ses concertos par exemple), mais au contraire un univers riche et généreux, de plus extrêmement avenant pour tout public (sorte de Poulenc lyricisé). Sur un argument à la fois original et propice aux épanchements féeriques.



3h.  Statistiques : instrumentistes

Autre nouvelle catégorie. Où l'on recense tous les solistes entendus et distingue quelques chambristes particulièrement remarquables.

Pianistes :
François-Frédéric Guy (Beethoven 3 & 5), Lars Vogt (Brahms 2, puis Mozart), Denis Pascal (dans le Burleske de R. Strauss), Jean-Efflam Bavouzet (Rachmaninov 2), Romain David (Koechlin), Emmanuel Ax (Beethoven 2), Momo Kodama (Mozart 23), Maroussia Gentet (Dutilleux), Pierre Thibout (Tannhäuser), Nicolas Chevereau (Thaïs), Radu Lupu (Beethoven 3), Jean-Yves Thibaudet (Grieg).
→ Hors solistes internationaux : Pierre Thibout et Nicolas Chevereau (par accompagnateur régulier de L'Oiseleur des Longchamps) se produisaient comme élèves de la classe de direction de chant d'Erika Guiomar.

Violonistes :
Simon Ehnes (Britten), Stéphanie Moraly (Koechlin), Julian Rachlin (Prokofiev 2), Francesca Borrani (tutti Mendelssohn), Gil Shaham (Brahms), Joshua Bell (Tchaïkovski), Émeline Concé (Boutry, Ravel), Fanny Robilliard (Brahms, Quatuor avec piano n°3).
→ Hors solistes internationaux : Francesca Borrani est violon solo à l'Orchestre de Chambre d'Europe (COE), Émeline Concé est le premier violon du Quatuor Akilone (et aussi chef d'attaque des seconds violons à l'Orchestre Lamoureux), Fanny Robilliard est membre du Trio Karénine (avec piano), et occasionnellement de Musica Antiqua Köln et de l'ensemble baroque du Philharmonique de Berlin.

Altistes :
► Beaucoup d'excellents entendus (chefs de pupitre au Philharmonique de Radio-France pour Dutilleux, ou à la Tonhalle de Zürich pour Dvořák…), mais réellement mis en valeur, et de toute façon la plus passionnante, Sarah Chenaf (du Quatuor Zaïde) emporte la palme.

Violoncellistes :
Johannes Moser (Martinů 1 révisé), Sol Gabetta (Saint-Saëns 1), Gautier Capuçon (Dvořák 2).

Flûtistes :
Philippe Bernold (Mozart harpe), Emmanuel Pahud (Widmann), Vincent Lucas (Nielsen), Clara Andrada de la Calle (Bizet, Symphonie).
→ Hors solistes internationaux : Vincent Lucas est solo à l'Orchestre Paris (venu jouer le concerto de Nielsen), Clara Andrada de la Calle est solo à l'Orchestre de Chambre d'Europe.

Ondiste :
► Thomas Bloch (dans Thilloy).

Pour beaucoup d'entre eux  – sauf Capuçon (entendu dans la même œuvre il y a un peu plus de quinze ans !), Lupu (il y a un peu plus de dix ans), Shaham (idem) et Concé (trois fois rien que cette année !) –, c'était la première fois que je les entendais en salle.

Et à présent, les distinctions :

les putti d'incarnat Putti d'incarnat les putti d'incarnat

Meilleur pianiste de la saison, sont nommés :
Emmanuel Ax (Beethoven 2), Romain David (Koechlin), Pierre Thibout (Tannhäuser), Nicolas Chevereau (Thaïs), Radu Lupu (Beethoven 3), Jean-Yves Thibaudet (Grieg).
Attribué à : Pierre Thibout. « Rien qu'en plaquant les accords simples de la marche des pèlerins de Tannhäuser, on entendait la causalité de chaque accord, chacun pourvu d'un relief extraordinaire… on entendait Wagner composer ! » [notule]
Dauphin : Romain David. « il est facile d'être un peu décontenancé et mécanique dans les contrepoints du Koechlin, par exemple, mais ici on sentait au contraire (et plus encore lorsqu'on a l'habitude de l'écouter, le lire ou le jouer) un soin apporté à chaque section. Pas de camouflage à la pédale au piano, pas de régularité négligente, au contraire chaque phrasé semble avoir été patiemment pensé. » [notule]
♥ … au demeurant très impressionné par la présence sonore d'Emmanuel Ax, dans une œuvre que j'ai longtemps crue (à tort, je l'admets) mineure.

Meilleur violoniste de la saison, sont nommés :
Simon Ehnes (Britten), Stéphanie Moraly (Koechlin), Francesca Borrani (violon solo du COE, tutti Mendelssohn), Émeline Concé (Boutry, Ravel), Fanny Robilliard (Brahms, Quatuor avec piano n°3).
Attribué à : Stéphanie Moraly. « malgré l'acoustique très précise et impitoyable, une interprétation d'une précision extraordinaire (même chez les très bons, une telle justesse d'intonation chez un violoniste, sur un programme aussi long et technique, est rarissime) et travaillée dans ses moindres recoins [...] Stéphanie Moraly présentait très brièvement chaque pièce avec chaleur, aisance, un sens de l'anecdote, [...] un ton très direct [...] et une très jolie voix, souple et mélodieuse. » [notule]
Dauphine : Émeline Concé. « Le Quatuor Akilone s'exprime par un beau truchement : un son franc, bien étagé, physique, brillant mais sans rondeurs inutiles. Dans Ravel, on a l'impression de revenir aux sources d'un goût français du sans façons, loin des fondus d'orchestre et des épaisseurs confortables. Et, surtout : elles savent phraser ! La moindre articulation du discours est amenée avec naturel, et dans une pièce aussi souvent jouée et enregistrée, elles se frayent un chemin personnel sans le moindre effet appuyé. De la musique en barre, émouvante avant d'être (très) impressionnante. » [notules]
♥ … et je n'ai jamais vu konzertmeisterin aussi ardente et communicative que Borrani, ni soliste aussi aisé et musical (dans l'assommante choucroute virtuosissime et amélodique de Britten) qu'Ehnes, on aurait pu prolonger la distribution.

Meilleur altiste de la saison :
Louise Desjardins
(Quatuor Akilone) dans le Huitième Quatuor de Beethoven, Sarah Chenaf (Quatuor Zaïde) dans le Troisième Quatuor avec piano de Brahms, Jean-Baptiste Brunier (alto solo de l'OPRF) dans la Seconde Symphonie de Dutilleux.
Attribué à : Sarah Chenaf (membre du Quatuor Zaïde, également primé à Bordeaux). Impressionné par sa présence exceptionnelle dans des pièces de musique de chambre (Troisième Quatuor avec piano de Brahms, en particulier) où elle devrait être cachée milieu de l'harmonie, et où elle fait primer chaque détail avec un charisme rare dans ces parties.

Meilleur violoncelliste de la saison, sont nommés, sont nommés :
Johannes Moser (Martinů 1 révisé), Sol Gabetta (Saint-Saëns 1).
Attribué à : Johannes Moser. « … bien que complètement de dos, le son parvenait sans effort, parfaitement timbré (pas du tout ce côté élimé et râpeux fréquent dans le violoncelle concertant, sans être du gros son pour autant)… le tout culminant dans une sarabande de Bach (Première Suite), murmurée mais timbrée comme à pleine puissance, osant même les diminutions dans les reprises. Il pourrait paraître un excellent violoncelliste parmi d'autres, mais dans la salle, on s'aperçoit vraiment qu'il s'agit d'un interprète particulièrement exceptionnel. » [notule]
Dauphine : Sol Gabetta. En salle, le son un peu poussé ou geignard qu'on entend en retransmission disparaît complètement, et se projette glorieusement, avec assez bon goût d'ailleurs – même si l'on demeure très loin, tout de même, de la classe intersidérale et inaccessible de Moser.

Meilleur flûtiste de la saison, sont nommés :
Attribué à : Clara Andrada de la Calle. « meilleure flûte solo [du COE] de tous les temps : comment est-il possible de timbrer aussi rondement (et d'exprimer aussi bien) sur ce petit tube dont les plus grands tirent souvent des sons lourdement empreints de souffle ! » [notule]



3i.  Statistiques : chanteurs

Comme chaque année, beaucoup d'interprètes exceptionnels dont je ne peux pas forcément parler à chaque fois… Voici leurs noms.

Légende :
¶ Formidable comme d'habitude
Opinion améliorée par rapport à une précédente expérience
Première audition en salle

Sopranos :
Agathe Boudet (Port-Royal),
Cécile Madelin (Sangaride, Zemlinsky),
♪ Cécile Achille (Port-Royal),
Marie Perbost (Spanisches Liederspiel),
Julia Lezhneva (Almirena),
♪ Marie-Adeline Henry (Armide),
♪ Michaela Kaune (Werdenberg),
Erika Grimaldi (Requiem de Verdi),
Amber Wagner (Ariadne).

Mezzo-sopranos :
Eva Zaïcik (Rosina, Spanisches Liederspiel),
Niina Keitel (Lene),
Stephanie Houtzeel (Octavian),
Jennifer Johnson (Mahler 3).

Contre-ténors, falsettistes :
Bruno Le Levreur (Guédron),
Paul-Antoine Benos (Cid, Zemlinsky)

Ténors :
Paul Belmonte ? / Alexandre Cerveux ? (Alcide – divergence entre les programmes !)
Pablo García (Spanisches Liederspiel),
Oliver Vincent (Voces8),
Serge Goubioud (Guédron),
Kevin Connors (Tanzmeister dans Ariadne),
Jean-Noël Teyssier (Bastien dans Le Farfadet)
♪ Mathias Vidal (Persée, Cassandre),
♪ Fabien Hyon (Atys),
Andrew Staples (Serenade de Britten),
Francesco Demuro (le chanteur italien),
Michael Fabiano (Duca di Mantova),
Saimir Pirgu (Requiem de Verdi),
♪ Jonas Kaufmann (Bacchus, Damnation de Faust),
Brandon Jovanovich (Stolzing),
♪ John Graham-Hall (Aron).

Barytons :
♪ Marc Mauillon (Guédron, La Haine),
Nicolas Achten (berger de l'Orfeo),
Andreas Wolf (Argante),
Christian Immler,
♪ Jean-Baptiste Dumora (César de Bazan),
Steven Humes (Marke),
Gerald Finley (Sachs),
♪ Thomas Johannes Mayer (Moses).

Basses :
Dingle Yandell (Voces8),
Jean-Claude Sarragosse (Premier Ministre dans Bazan),
Yorck Felix Speer (Cuno),
Günther Groissböck (Pogner),
Peter Rose (Ochs).

… les voilà réunis pour une petite remise de prix.


les putti d'incarnat Putti d'incarnat les putti d'incarnat

Meilleur soprano (léger) de la saison, sont nommées :
Agathe Boudet (Port-Royal), Cécile Madelin (Sangaride, Zemlinsky), Marie Perbost (Spanisches Liederspiel), Julia Lezhneva (Almirena).
Attribué à : Cécile Madelin.
Dauphine : Marie Perbost.

Meilleur soprano (grand format) de la saison, sont nommées :
Véronique
Gens (Béatrix, Marie), Marie-Adeline Henry (Armide), Michaela Kaune (Werdenberg), Amber Wagner (Ariadne).
Attribué à : Véronique Gens.
Dauphines : Amber Wagner, Marie-Adeline Henry.

Meilleur mezzo-soprano de la saison, sont nommées :
Eva Zaïcik (Rosina, Spanisches Liederspiel), Niina Keitel (Lene), Stephanie Houtzeel (Octavian), Jennifer Johnson (Mahler 3).
Attribué à : Eva Zaïcik.
Dauphine : Jennifer Johnson.

Meilleur falsettiste de la saison :
Attribué à : Paul-Antoine Benos (Cid, Zemlinsky).
Dauphin : Bruno Le Levreur (Guédron).

Meilleur ténor (léger) de la saison, sont nommés :

Oliver Vincent (Voces8), Serge Goubioud (Guédron), Mathias Vidal (Persée, Cassandre), Fabien Hyon (Atys), Andrew Staples (Serenade de Britten)
Attribué à : Mathias Vidal (pour Persée en particulier).
Dauphin : Andrew Staples.

Meilleur ténor (grand format) de la saison, sont nommés :
Saimir Pirgu (Requiem de Verdi), Michael Fabiano (Duca di Mantova)Jonas Kaufmann (Bacchus, Damnation de Faust), Brandon Jovanovich (Stolzing), John Graham-Hall (Aron).
Attribué à : Saimir Pirgu.
Dauphin : Brandon Jovanovich.

Meilleur baryton (lyrique) de la saison, sont nommés :
Marc Mauillon (Guédron, La Haine), Nicolas Achten (berger de l'Orfeo), Andreas Wolf (Argante), Jean-Baptiste Dumora (César de Bazan).
Attribué à : Marc Mauillon.
Dauphins : Andreas Wolf.

Meilleur baryton-basse de la saison, sont nommés :
Steven Humes (Marke), Gerald Finley (Sachs), Thomas Johannes Mayer (Moses).
Attribué à : Steven Humes.
Dauphin : Gerald Finley.

Meilleure basse chantante de la saison :
Attribué à : Dingle Yandell (Voces8).

Meilleure basse noble de la saison, sont nommés :
Jean-Claude Sarragosse (Premier Ministre dans Bazan), Yorck Felix Speer (Cuno), Günther Groissböck (Pogner), Peter Rose (Ochs).
Attribué à : Yorck Felix Speer.
Dauphin : Günther Groissböck.

Je devrais faire la même chose pour les danseurs de ballet, mais j'en ai finalement peu vu, et surtout aimé les petits jeunes de l'Opéra (dans Les Forains de Petit et Piège de lumière de Taras), et l'English National Ballet (Rojo forever)…




4. Ressenti

Que souligner, hors l'extrême variété et surabondance de l'offre, très loin d'être épuisée par ce tour d'horizon qui ne reflète que ma pratique personnelle de l'année, le concert n'étant même pas mon premier poste en dépense de temps…

Toujours énormément de concerts gratuits (notamment dans les conservatoires, les églises…), originaux, et de haute volée… on peut se faire une saison complète à l'œil, sans rien rogner sur la qualité. Certes, on ne verra pas les orchestres internationaux ni les solistes à la mode, et le niveau individuel de virtuosité sera peut-être (pas systématiquement, loin s'en faut !) moindre. Mais ce sera grand tout de même – car Paris est généreuse.

Alors, peut-être souligner la présence de quelques (beaucoup de) superbes raretés, comme les airs de cour de Guédron, le Berlin de Meisel, la Première Symphonie de Walton (symphonie de l'année ?), la Sonate avec violon de Koechlin, etc.

Remarqué une fois de plus que le répertoire symphonique français, qui m'exalte tellement au disque, me touche moins fort au concert, à cause de sa forme moins discursive (plus rhapsodique, ou du moins plus contemplative) que les grands monuments germaniques équivalents. Chausson (Soir de fête) et Debussy (Printemps) en l'occurrence, face à Bruckner – que je n'aurais pas dit du même tonnel…

La grande surprise des productions lyriques ne provenait pas de Bru Zane cette saison (contrairement au Cinq-Mars fulgurant de Gounod, possiblement son meilleur opéra) : il me semble que la politique de la maison se tourne de plus en plus vers la documentation de ce qui avait du succès au XIXe (David, Joncières…) plus que de ce qui peut marquer notre propre époque. Travail précieux de musicologie et d'historiographie, mais moins stimulant pour le mélomane : Dante de Godard et La Jacquerie Lalo & Coquard n'étaient pas dépourvus de qualités ponctuelles, mais leur inégalité et la faiblesse extrême de leurs livrets expliquent très bien qu'ils n'aient pas été repris au delà de leur propre période. Patrie ! de Paladilhe, La Dame de Monsoreau de Salvayre ou Hernani de Hirchmann, pour se limiter à des titres souvent cités en ces pages (pour le reste, il y en a quelques tombereaux ).
        Côté opéra, le grand coup fut frappé, dans le secteur même d'activité de Bru Zane, par Les Frivolités Parisiennes, remarquable compagnie qui emploie les plus fins musiciens (ainsi que d'excellents chefs, chanteurs et metteurs en scène) dans des productions scéniques complètes ; bien que peu subventionnée, elle se produit dans d'adorables théâtres (cette saison, Trévise et Porte Saint-Martin…) avec une qualité de finition épatante et des tarifs très abordables. Pour de l'opéra de veine comique, nul besoin de se forcer à écouter pour la vingtième fois le Barbier de Séville à 50 mètres des chanteurs pour 150€, on a ce qu'il vous faut. Don César de Bazan de Massenet, qu'on avait cru perdu, se révèle, sinon le chef-d'œuvre de son auteur (l'ensemble reste sur un ton en général aimable plus qu'audacieux), une œuvre d'une cohérence et d'une séduction assez imparables.

L'année Louis XIV n'a pas permis au CMBV de proposer des explorations majeures en tragédie en musique (plutôt centré cette année sur les célébrations religieuses, programme au demeurant très intéressant.). Cette année, la nouveauté majeure en tragédie lyrique fut le Persée de LULLY dans sa révision massive à un siècle de distance (1682-1770) par Dauvergne, Bury & Francœur, à l'occasion du mariage de Marie-Antoinette ; une partition très différente, très surprenante, mais pas sans charme, grisante par endroit, qui a cependant mis en fureur ceux (je ne dénonce personne) qui espéraient entendre du LULLY et ont récolté de la déclamation post-gluckiste (malgré la date, ça tire déjà pas mal vers Gossec et Méhul, étrangement) avec des ariettes et des fusées orchestrales post-ramistes.

Seule découverte réellement désappointante, Garayev et Thilloy dans un concert coloré d'horizons (Nocturnes de Debussy, Pulcinella de Stravinski, Les Biches de Poulenc) de l'Orchestre Lamoureux (en très petite forme) ; le premier d'un orientalisme insipide, quoique pas déplaisant ; le second, tiré d'une musique de film, brille au concert par une vacuité qui ferait passer les Glassworks pour L'Art de la Fugue après duplications en miroir.
Je ne reviens pas sur ma souffrance Migot, récemment partagée avec force jérémiades hyperboliques.



Trois soirées auront probablement marqué mon expérience de mélomane et de spectateur : la Deuxième Symphonie de Tchaïkovski par Mazzola, le Rosenkavalier par Wernicke & Jordan, le Berlin de Meisel (dans un arrangement sans cordes) par Strobel et avec projection du film – mais la musique est sublime sans, malgré son caractère figuratif. Des sommets comme on n'en croise pas souvent, même à l'échelle de la démentielle offre francilienne.

Et puis quantité de spectacles extraordinaires pour une raison ou une autre (œuvres, interprètes, ambiance générale), et qui n'entraient pas forcément dans l'une ou l'autre catégorie des récompenses : la Poupée sanglante, Armide par Rousset, Walton 1 par Colionne, Sibelius 5 par Järvi, Bruckner 5 par Järvi, Mahler 3 par Järvi, Bazan, Koechlin par Moraly & R. David, Brahms et Fauré par le Trio Karénine + S. Chenaf, Guédron & Friends, Liederpiel à Soubise, récital LULLY au CNSM, Sérénade de Britten par Staples, Shadows of Time couplées avec les Litanies de Poulenc, Dvořák 7 par Dohnányi, Tchaïkovski 1 par Gardner, Requiem de Verdi par Noseda, Meistersinger par Herheim & Jordan, Akilone SQ dans Beethoven 8, Akilone SQ dans Ravel & Boutry, Bruckner 9 par Inbal, Transcriptions des futurs chefs de chant du CNSM, Les Sincères de Marivaux avec intermèdes a cappella, le Farfadet d'Adam à Trévise, le Persée de 1770, The Artist de Bource en concert, I Rusteghi par les comédiens-français, les quatuors avec piano de Marx, Voces8, Piège de lumière de Damase, hommage à Boulez, extraits des Ariane de Marais et de Mouret, Martinů par Hrůša, Beethoven 2 par Koopman…

À peu près tout le reste était peut-être un peu moins excessivement génial, mais quand même tout à fait épatant (très bien choisi sans doute, mais au sein d'une offre qui permet de faire 100 concerts épatants tout en ratant beaucoup d'autres grandes soirées…) : Olympie de Spontini, intégrale Mendelssohn du COE, Franck par la Maîtrise de Radio-France, Quatuors de Haensel-Auber-Pleyel, Sibelius 3 par Järvi, Sibelius 4 par Järvi, Dollé-Visée, Trio avec piano 1 de Brahms avec Cartier-Bresson, L'Orfeo par Tubéry, inauguration de l'orgue de la Philharmonie, cantates de Liszt et Gounod, COE & Pappano, airs de cour espagnols, la Création de Haydn en français, le Prince de Bois par Zinman, Rinaldo par Il Pomo d'Oro, concert Dutilleux par Ryan, l'Oiseau de feu par Gergiev, Credo de MacMillan, le Corsaire avec Tamara Rojo, Rigoletto par Guth-Luisotti, Les Animaux Modèles (et Printemps !), le Concerto de Grieg par la Tonhalle, le Freischütz par Hengelbrock…

Dans les semi-réussites, peut-être Schubert 5 par Norrington (joué de façon aussi haydnienne, exalte surtout la simplicité et les répétitions), Bach et Mendelssohn par l'Orchestre de Paris (problème de style malgré Hengelbrock, ça ne se fait pas en une nuit), le Tristan d'Audi (musicalement superbe, mais visuellement bâclé un à point qui m'avait presque agacé), Mahler 3 par Cleveland (problème basique de gestion de la tension des phrasés tuilés),  Petibon donc la voix s'est beaucoup arrondie pour chanter LULLY et ses semblables… mais de très bonnes soirées tout de même ! 

Un peu plus réservé sur Passion de Sondheim (vraiment pas très grand, et la mise en scène très grise et conventionnelle d'Ardant ne comblait pas les manques), Santiago de Murcia pour guitare baroque et harpe (problème d'instruments surtout, ils sonnaient mal… dans ce répertoire, si on n'a pas de bons crincrins…). Assez perdu, même en étant familier du sujet et des œuvres jouées (et en ayant lu le programme de salle), par Notre Falstaff au CNSM. Comme si j'assistais à un happening de regietheater avec des moyens amateurs ; sans être déplaisant, déstabilisant. Trouvé le temps très long dans le Concerto pour violoncelle de John Williams au CRR (sans grand intérêt), et puis c'était l'orchestre des étudiants, pas encore aguerri). Mais dans ces deux cas, ce sont des concerts gratuits ouverts au public pour permettre l'entraînement des étudiants… c'est en général assez superlatif, mais il n'y a pas d'obligation de résultat, on est invité à voir les travaux en cours et on aurait mauvaise grâce à le leurreprocher !

Ce que je n'ai vraiment pas aimé ?  L'examen de fin d'année d'une étudiante de master au CNSM (j'avais dit que je me demandais à quoi servait de bâtir une voix d'opéra épaisse, moche et inintelligible si c'est pour ne pas se faire entendre au bout d'une salle de 100m²), parce qu'il dit quelque chose des techniques (à mon avis dévoyées) à la mode dans l'enseignement et la pratique du chant. Et surtout, bien sûr, ma souffrance intense en compagnie de Georges Migot. Deux entreprises au demeurant sympathiques (examen ouvert au public, mise en valeur d'un compositeur totalement négligé), on voit à quel point il y avait peu matière à se plaindre de cette très vaste saison de concerts.



Le moment est-il venu de se quitter en distinguant les plus beaux spectacles de l'année ?  J'ai été le premier surpris du résultat.


les putti d'incarnat Putti d'incarnat les putti d'incarnat

Meilleur opéra en version scénique, sont nommés :
Le Farfadet (Frivolités Parisiennes), Don César de Bazan (Frivolités Parisiennes), Die Meistersinger von Nürnberg (Herheim-Ph.Jordan), Der Rosenkavalier (Wernicke-Ph.Jordan)
Attribué à : Der Rosenkavalier.
[La saison passée : Rusalka par Carsen-Hrůša.]

Meilleur opéra en version de concert, sont nommés :
Armide (Talens Lyriques), Persée 1770 (Concert Spirituel), Olympie (Cercle de l'Harmonie)
♥♥ Attribué à : Armide.
[La saison passée : Cinq-Mars par Schirmer.]

Meilleur concert symphonique, sont nommés :
Bruckner 5 (OP-Järvi), Bruckner 9 (OPRF-Inbal), Tchaïkovski 1 (ONF-Gardner), Clyne & Tchaïkovski 2 (ONDIF-Mazzola), Mahler 3 (OP-Järvi), Sibelius 5 (OP-Järvi), Walton 1 (Colonne-Petitgirard), Suk-Martinů (OPRF-Hrůša), Poulenc-Dutilleux (OPRF-Franck)…
♥♥ Attribué à : Clyne & Tchaïkovski 2.
[La saison passée : Tchaïkovski 5 par P. Järvi.]

Meilleur concert chambriste, sont nommés :
Quatuor Pleyel (Haensel, Auber, Pleyel), Quatuor Akilone & Williencourt (Beethoven 8, Quintette Brahms), Trio Karénine & S.Chenaf (Brahms 3, Fauré 1), Transcriptions de la classe de direction de chant du CNSM, Quatuors avec piano de Marx, Quatuor Akilone (Schubert 13, Ravel, Boutry), S.Moraly-R.David (Hahn, Koechlin, Ravel, Emmanuel).
♥♥
Attribué à : S.Moraly-R.David (Hahn, Koechlin, Ravel, Emmanuel).
Dauphin : Trio Karénine + S. Chenaf ; Transcriptions CNSM. Au demeurant, les Akilone ont livré un deuxième Razoumovski de Beethoven et un Ravel qui n'ont guère d'équivalents ! (en revanche bizarrement à la peine dans le Quintette de Brahms)
[La saison passée : ECMA, avec notamment les quatuors Akilone, Hanson et Arod.]

Meilleur concert de lied ou mélodie, sont nommés :
Spanisches Liederspiel de Schumann (Perbost, Zaïcik, García, Reschke…), Serenade pour ténor, cor et cordes de Britten (Staples, OCP, Boyd).
♥♥
Attribué à : Spanisches Liederspiel. Au moins du niveau de l'assemblage Röschmann-Kirchschlager-Bostridge-Quasthoff-Deutsch-Drake (tournée européenne de 2009), c'est assez en dire. La qualité stylistique et expressive de ces jeunes chanteurs non-natifs est très impressionnante, en plus de la beauté des voix (les deux demoiselles en particulier).
Dauphin : Serenade de Britten. Outre que c'est magnifique en soi, le remplacement de l'excellent Toby Spence par Andrew Staples a permis de prendre la mesure d'un véritable miracle – la maîtrise absolue de l'instrument comme des intentions, et une variété de coloris immense. Il chante énormément sur les plus grandes scènes (il sera à nouveau là pour les Scènes de Faust à la Philharmonie, une partie qu'il a déjà beaucoup éprouvée, à Berlin, à Munich…), mais il n'a étrangement pas atteint la notoriété d'autres chanteurs de ce registre (rôles de caractère et oratorio romantique & XXe, disons, un lyrique assez léger – mais la voix est extraordinairement projetée, il pourrait tout aussi bien chanter des héros romantiques, Roméo au minimum).
[La saison passée : Elsa Dreisig – extraits du concert dans cette notule.]

Meilleur concert baroque, sont nommés :
Guédron & Friends (Dumestre), récital LULLY (CNSM, Haïm), Port-Royal (Vaisseau d'or, Robidoux), figures d'Ariane (Zaïs), Dollé-Visée (R. Pharo, Th. Roussel), airs de cour espagnols (Kusa, Egüez)
♥♥ Attribué à : récital LULLY. De jeunes chanteurs dont certains sont de très grandes promesses pour le répertoire (Cécile Madelin, Paul-Antoine Benos), et d'autres des chanteurs qui ne se spécialiseront peut-être pas (Fabien Hyon) mais qui forcent l'admiration par leurs qualités propres. Concert fondé sur des duos et ensembles qui ne sont pas tous des tubes (la dispute du IV d'Atys !), et accompagné avec un feu dansant incroyable par les élèves du CNSM. Le contraste avec le (plaisant mais) poussif récital von Otter-Naouri dirigé par la même Haïm avec son ensemble était d'autant plus saisissant. [Au passage, ce sont les seuls récitals d'opéra de l'année avec celui de Zaïs, vraiment le seul répertoire qui est représenté dans cette catégorie peu noble, à chaque saison de CSS.]
Dauphin : Guédron & Friends. Dans une certaine mesure plus proche de la chanson (enfin, à plusieurs parties, donc madrigalisée…), avec des ostinati irrésistibles et des textes débordant d'une roborative verdeur. Et quels chanteurs (Le Levreur, Goubioud, Mauillon, meilleurs qu'ils ne l'ont jamais étés), attelés avec l'étrange (et fascinante) Lefilliâtre.
[La saison passée : Vespri de Rubino en collaboration CNSM-Palerme.]

Théâtre, sont nommés :
Les Sincères de Marivaux, Les Rustres de Goldoni, John Gabriel Borkman d'Ibsen, La Poupée sanglante de Chantelauze & Bailly (d'après Leroux).
♥♥ Attribué à : La Poupée sanglante. Inventif et jubilatoire. En plus mis en musique.
Dauphin : Les Sincères.
[La saison passée : La Mort de Tintagiles de Maeterlinck mise en scène par Podalydès et en musique avec une sélection et des improvisations de Coin. Complètement terrifiant et tellement poétique.]

Œuvre en première mondiale (re-création), sont présents :
La Création de Haydn dans la version de la création française, La Jacquerie de Lalo & Coquard, Dante de Godard, Don César de Bazan de Massenet, Quatuors avec piano de Joseph Marx, Musique de chambre de Migot.
♥♥ Attribué à : Don César de Bazan. Vraie bonne surprise.
Dauphin : Quatuors avec piano de Joseph Marx (étudiants du CNSM).
Les autres n'étaient pas grandioses (et Migot carrément pénible).
[La saison passée : Cinq-Mars de Gounod.]

Compositeur vivant, sont présents :
Aboulker (Maîtrise de Radio-France), Widmann (Orchestre de Paris), Burgan (Orchestre Colonne), Clyne (Orchestre National d'Île-de-France). [Boulez, Damase et Dutilleux y échappent de peu, mais leurs œuvres présentées datent souvent d'un demi-siècle de toute façon…]
♥♥ Attribué à : Anna Clyne. Très belle utilisation de l'orchestre pour une écriture très accessible et avenante (ce n'est pas du néo- ni du tonal définissable pour autant).
    Boule de suif d'Aboulker est un peu long et recycle tout le temps les mêmes (bons) effets, par ailleurs déjà entendus chez elle.
    La Suite pour flûte et orchestre de Widmann est d'un modernisme de moyen terme bon teint, parfait pour avoir l'air d'aujourd'hui sans rien oser… d'ailleurs, je n'ai pas trouvé très honnête de finir sur une pièce assez jubilatoire (et bissée !) qui n'avait rien à voir avec le reste et citait la Badinerie de Bach (et Tristan !), façon un peu vulgaire d'attirer les applaudissements Cela dit, c'était le seul bon moment de la pièce, j'étais ravi que ce soit bissé, mais triompher en pillant Bach dans les cinq dernières minutes me laisse un peu interdit sur la philosophie du compositeur – je tire à la ligne pendant un quart, et puis j'emprunte un tube pour faire un joli final brillant. Il fait une très belle carrière de clarinettiste, pourquoi s'imposer ça ?
    Mais c'est toujours mieux que Le Lac de Burgan qui met en musique le poème de Lamartine – dans des atmosphères indistinctes et une prosodie aberrante.
    Par ailleurs, les moments Damase-Dutilleux-Boulez ont été excellents, tout n'est pas perdu pour les gens du XXIe siècle.
[La saison passée : Au monde de Boesmans.]




5. Et puis

En finissant, je m'aperçois que le parti de distinguer individuellement entre en contradiction avec la recherche de lignes de force, mais après tout, comme il s'agit d'une bilan purement personnel, limité à ce que j'ai vu, autant conserver les propos généraux pour les annonces de saison.
    J'espère surtout que ce contribuera à mettre en lumière des lieux et des artistes particulièrement intéressants.

Pour ceux qui sortent parfois avec le sentiment d'à-quoi-bon en quittant un concert prestigieux où l'on n'a pas été très concerné (voire agacé), un concert dans une petite salle avec des interprètes enthousiaste est un remède assez irrésistible – l'émotion n'est pas du tout de même nature qu'avec les solistes les plus professionnalisés au milieu d'une grande salle.
        Indépendamment de l'engagement (qui peut s'émousser, ou du moins s'automatiser, chez ceux qui ont passé quarante ans à recueillir des triomphes en enchaînant les plus grandes salles) et de la dimension des lieux (sentir le grain des timbres sur sa peau est quelque chose de très précieux, qui ne passe pas la rampe dans les vastes ensembles architecturaux), il existe, me semble-tèil, une plus-value psychologique immédiate. Dans un concert prestigieux, on jauge toujours les artistes, on attend que ce soit au niveau (a fortiori si on a payé cher, raison pour laquelle je m'y refuse), que leur travail nous séduise, voire nous subjugue ; dans le concert intime, on regarde au contraire d'un œil bienveillant des artistes en devenir ou restés discrets, et qui malgré l'absence de regards officiels susceptibles de promouvoir leur carrière, partagent avec nous un moment privilégié. Dans le premier cas, on sent la pression de l'événement, et qu'on le veuille ou non, on le regarde comme tel, on se doit d'une certaine façon de déterminer avant l'entracte si c'était bon ; dans le second, on se sent au contraire en connivence, récipiendaires d'un secret, partenaires d'une passion commune.
        Pardon de le dire ainsi, mais les mélomanes sont comme les poules de batteries auxquelles, si l'on donne trop d'espace (mais pas beaucoup pour autant, ni de plein air), développent des instincts cannibales : le lieu et le statut du concert ont, très involontairement, une influence mécanique sur la perception des choses. J'étais émerveillé d'entendre la Première Symphonie de Walton en concert, avec une exécution qui m'aurait sans doute mis en fureur (ou plus vraisemblablement fait lever un demi-sourcil) s'il s'était agi d'un Beethoven à la Philharmonie, mais qui m'a ravi dans ce contexte, parce qu'elle apportait tout l'élan et la lisibilité nécessaires à cette musique (et vu sa difficulté et sa rare pratique, on n'allait pas mégoter sur la beauté des timbres ou les détails de mise en place)…

Cette saison (comme la précédente), les repérages de concerts insolites ou rares (plutôt en Île-de-France, puisque c'est issu de recherches initialement pour ma pomme) seront plutôt proposés mensuellement qu'annuellement, la formule a paraît-il semblé plus efficace.

Nous songeons à louer une salle pour la cérémonie de l'an prochain, avec retransmission en mondiovision et partenariat avec Medici.tv. Kim Jong-eun a déjà proposé de prêter le Salon Kim Il-sung de l'aile Ouest du Mémorial du Juche, mais nous voudrions accueillir un public nombreux et cherchons une adresse un peu moins enclavée en transports (on travaille le lendemain). Toute proposition sérieuse acceptée.

vendredi 24 juin 2016

Le Corsaire : mutations de l'angélique Médore



(Oui, parfaitement, je suis très fier de mon titre.)



"Well—as thou wilt—ascetic as thou art—
"One question answer; then in peace depart.
"How many?—Ha! it cannot sure be day?740
"What star—what sun is bursting on the bay?
"It shines a lake of fire!—away—away!
"Ho! treachery! my guards! my scimitar!
"The galleys feed the flames—and I afar!
"Accursed Dervise!—these thy tidings—thou
"Some villain spy—seize—cleave him—slay him now!"
Up rose the Dervise with that burst of light,
Nor less his change of form appall'd the sight:
Up rose that Dervise—not in saintly garb,
But like a warrior bounding from his barb,750
Dash'd his high cap, and tore his robe away—
Shone his mail'd breast, and flash'd his sabre's ray!
His close but glittering casque, and sable plume,
More glittering eye, and black brow's sabler gloom,
Glared on the Moslems' eyes some Afrit Sprite,
Whose demon death-blow left no hope for fight.
The wild confusion, and the swarthy glow
Of flames on high, and torches from below;
The shriek of terror, and the mingling yell—
For swords began to clash, and shouts to swell—760
Flung o'er that spot of earth the air of hell!

G.G. Byron, The Corsair II,4


« Fort bien, sois ascétique, ainsi que tu te plais
À l’être ; un mot encore, et te retire en paix,
Combien ? — Ah sûrement, non, ce n’est pas l’aurore,
Quel astre, quel soleil au golfe vient d’éclore ?
C’est comme un lac de feu ? Gardes, je suis trahi,
Aux armes ! Accourez : mon cimeterre ici !
Ah ! Derviche maudit, ce fut là ta nouvelle.
Allons, saisissez-le. Fendez-le par moitié,
Ô perfide espion ! tuez-le sans pitié ! »
Le Derviche se dresse à ce jet de lumière,
Son changement de forme a saisi tous les yeux.
Il dépouille l’habit du sacré ministère,
Debout comme un guerrier sur son coursier fougueux,
Il jette fièrement son bonnet de Derviche
Et déchire en morceaux une robe postiche ;
De maille on voit sa cotte et son sabre briller,
Sous un panache noir un casque étinceler.
Sous un sombre sourcil on a vu surtout luire
Son œil sur l’œil du Turc. C’est celui du vampire,
Fatal démon de mort, dont le sinistre éclat
Menace de coups sûrs, sans offrir le combat.
Le désordre confus, et la lueur blafarde
Des feux d’en haut, plus bas de la torche qui darde
Ses flots rouges et noirs, de la terreur les cris,
Des fers s’entre-choquant le perçant cliquetis ;
Les imprécations dont retentit la salle,
Tout a fait de ces lieux une scène infernale.

Tiré de la belle traduction en vers de Regnault. Un épisode où prédomine l'action trépidante (comme à certains endroits du ballet, avec bien moins de surprises et d'éclat) sur l'introspection aux deux extrémités du poème.


Assisté à la première représentation de la série du Corsaire chorégraphié par Anna-Marie Holmes d'après Petipa puis Sergueïev/Sergeyev, régulièrement donné en tournée par la troupe de l'English National Ballet. Le livret, adaptation par la chorégraphe de l'adaptation de Saint-Georges (Jules-Henri) et Mazilier, fournit une large portion, par rapport à la norme du genre, en péripéties, décors et pas d'action. La musique est à l'origine d'Adolphe Adam, et sans être du niveau de ses meilleures œuvres, permet d'entendre des choses plus plaisantes que les redoutables ballets de Minkus ou des adaptateurs fous.
[La musique du ballet original de 1856, plus les ajouts de Delibes, ont été documentés par Richard Bonynge et l'English Chamber Orchestra, écoutable ici.]

À l'issue de la soirée, beaucoup de questions se pressent : quoique déjà familier de ce ballet-ci, je suis plutôt un candide en matière de danse, et vais donc remplir mon office en posant quelques questions qui ne doivent pas manquer d'assaillir les amateurs de musique.




Tamara Rojo en Médora, à l'acte II.
(Le costume kitschouille reste largement plus élégant que le tutu rose flamboyant de la version russe en usage…)




1. Aller au ballet pour la distribution

Rien que la hiérarchie de la notule trahira ma simplicité : je commence par ce qui, pour tout balletomane, doit constituer l'essentiel.

Outre la musique (sur laquelle j'aurai l'occasion de m'étendre plus à loisir), les ballets du premier romantisme étant finalement peu nombreux sur les scènes, je me suis particulièrement déplacé pour voir danser Tamara Rojo, ancienne étoile du Royal Ballet (celui de l'Opéra, à Covent Garden) et actuelle directrice artistique de l'English National Ballet qui donnait ce Corsaire.

L'English National Ballet est l'une des principales compagnies du Royaume-Uni, et la seconde d'Angleterre en termes de prestige, une grande maison. Son statut historique n'est pas le même que celui du Royal Ballet : l'ENB est fondé en 1950 par d'anciens danseurs des Ballets Russes de Diaghilev, et descend donc d'une autre tradition. À l'heure actuelle, en matière de répertoire comme de style, la distinction n'est plus guère sensible : on y voit d'abord les grands ballets du répertoire, les mêmes qu'ailleurs – et vu que ses danseurs émanent des mêmes écoles que ceux du Royal Ballet, la manière n'est pas russe non plus.

Pourquoi Tamara Rojo ?  Je l'ai dit, je suis assez peu versé dans le ballet (du moins dans sa dimension visuelle), or Tamara Rojo est l'une des très rares interprètes à m'avoir paru, au delà des gestes techniques omniprésents dans le ballet romantique, s'intéresser au jeu scénique : lorsqu'elle danse, le geste semble avant tout destiné à exprimer une situation, un affect – là où la quasi-totalité des autres exécutent avant tout une épure géométrique, beaucoup plus symbolique que dramatique. Par ailleurs, atout tout à fait superflu en salle mais non négligeable en vidéo, son visage aussi est très mobile, ce qui concourt à cette impression d'évidence expressive. Elle n'est évidemment pas la seule, mais je perçois de ce point de vue un seuil qualitatif très impressionnant, même par rapport aux autres danseurs qui m'intéressent.

Pourtant, je ne croyais pas la voir un jour en salle (se produisant essentiellement en Angleterre, et passée du côté de la direction artistique…), mais la voilà, à 41 ans (âge rare dans le milieu pour des premiers rôles dans de grandes compagnies sur de grandes scènes, sauf erreur), comme un oiseau blessée, mais distillant les mêmes vérités qu'à l'ordinaire. Les costumes de la version Holmes sont très peu clairs, et le synopsis diffère du ballet original de Mazilier, et pourtant, à chaque fois qu'elle a paru dans une situation équivoque (premiers pas à l'acte I, costume identique aux autres dans le rêve d'opium du Pacha au III), j'ai immédiatement reconnu qu'un charisme hors du commun s'exprimait et que, soudainement, la danse m'intéressait.
        Par ailleurs, ce que j'avais peut-être moins senti jusqu'ici, sa danse ruisselait d'enthousiasme, du plaisir d'être sur scène – alors qu'on voyait bien, à l'amplitude légèrement réduite de certains gestes, qu'elle devait un peu souffrir. [Fait amusant : elle était, encore plus que ses partenaires, souvent en décalage avec le temps exact musical, et malgré cela, paraissait davantage reliée à l'œuvre que les autres…]
        Très belle expérience, l'une de celles qui figuraient sur ma liste de spectateur avant d'aller roupiller dans du marbre.

Par ailleurs, entourage remarquable : énormément aimé la forme de souplesse particulière de Ken Saruhashi en marchand d'esclaves (chaque geste comme arrondi, chaque épisode comme lié, au lieu d'une suite un peu carrée de mouvements codifiés), et convaincu comme tout le monde par Cesar Corrales dans l'athlétique rôle de l'ami fidèle Ali. Une de ces parties héroïques, les plus immédiatement visibles en termes de virtuosité et des plus facilement accessibles pour les néophytes. J'étais dubitatifen voyant qu'il rafflait de très loin la mise des applaudissements (pour ce type de spectacle avec un titre et une maison relativement moins célèbres, on ne trouve pas de gros contingents de profanes), mais les balletomanes initiés m'ont confirmé qu'il était particulièrement exceptionnel. Pour ma part, même si, en bon naïf, j'aime toujours les grosses cabrioles viriles des messieurs, je lui ai surtout trouvé une identité visuelle immédiate (tenant aussi à la chorégraphie, qui l'individualise avec des positions et des pas spécifiques, toujours dirigé vers le mouvement, comme une flèche), qui procurait de la consistance, presque une psychologie, à un personnage d'adjuvant autrement assez vide de sens.

Pour être tout à fait crédible, je suppose qu'il faut dire du mal de quelqu'un (excuses à Isaac Hernández) : notre rôle-titre, déjà de « format lyrique », paraissait peu préparé à jouer les rôles héroïques, et encore moins les mauvais garçon ; par ailleurs, je l'ai trouvé d'une froideur extrême, exécutant une suite de contraintes sans chercher à exprimer – mais j'aurais mauvaise grâce à distribuer les mauvais points dans un art que je ne comprends pas !  Globalement, donc, beaucoup de danseurs (de comédiens ?) de grande qualité dans une seule soirée, tout ne peut pas toucher tout le monde (là aussi, on m'a confirmé qu'il était très bon).

Ce sera tout pour les gambaderies, enfonçons-nous à présent dans les choses sérieuses.



cesar corrales corsaire ali
Cesar Corrales en Ali, objet de toutes les extases balletomanes à ce que j'ai pu lire un peu partout. Dans sa posture inclinée spécifique.




2. Au pays de la bidouille : le rapport à l'original dans le ballet

2.1. Scénographie

Les costumes de Bob Ringwood sont assez étranges, à plus d'un titre.

Ils individualisent assez mal les personnages. L'esclave-vedette Gulnara ne se distingue quasiment que par un chignon, avant de changer de tenue à de multiples reprises – c'est heureusement à peu près le seul physique d'Extrême-Orient plateau, ce qui nous sauve. Les pirates (oui, chez Mazilier, le Corsaire, c'est le chef des pirates) sont habillés de façon assez aléatoire comme les gens du peuple ; on les reconnaît uniquement à ce qu'ils dansent des solos… Par-dessus tout, Conrad (le Corsaire), dans son élégant (et pas très mâle) habit turquoise simili-Renaissance, ressemble davantage à Charmant qu'à un bandit, même adouci par l'amour. Les autres productions du Corsaire adaptées de Petipa (on trouve des bandes récentes du Bolchoï et du Capitole de Toulouse, notamment) le vêtent de façon beaucoup moins équivoque, du gentleman des mers au pirate à bandeau.

Par ailleurs, même si la tradition remonte en amont de la chorégraphie de Holmes, je me demande quand sont apparus ces bikinis omniprésents sur scène… je doute fort qu'il ait été licite, en 1856, d'exhiber aussi ouvertement tout le ventre des danseuses (et davantage pour les plus charnues) – là, il y a plutôt un petit côté Leïa-à-tutu, si je puis me permettre. Pour moi, ce serait forcément une licence du XXe siècle, mais le ballet servant ouvertement, au siècle précédent, aux vieux messieurs opulents qui souhaitent entretenir de près la jeunesse (ainsi qu'en attestent tout à la fois le cahier des charges musical et l'architecture des théâtres, à commencer par Garnier), je fais peut-être erreur.
Toute remarque érudite, toute piste de lecture appréciées (ici comme pour le reste de la notule).

Les décors sont aussi dûs à Bob Ringwood ; comme il se doit, ils se distinguent par un sens du kitsch assez évolué, dignes du meilleur Ketèlbey, en particulier à l'acte II, qui cumule la grotte, le trésor rutilant, l'ouverture sur la mer déserte et le clair de lune parfait (sans parler des danses de pirates qui s'y tiennent) !  Mais dans le contexte de cette musique naïve et de ce type de ballet traditionnel, c'est aussi ce qu'on attend, et assez jouissif en fin de compte, y compris en le percevant au second degré, au filtre de tous les films de flibusterie diffusés depuis la mort d'Adam et Petipa…


2.2. Rémanence de la forme

Une des grandes vertus de cette œuvre est d'échapper à la dimension uniquement décorative de bien d'autres ballets romantiques (supposément des ballets-pantomimes, mais ne consistant quasiment qu'en une suite de réjouissances sans lien avec l'action) : à défaut de psychologie (vraiment pas le propos, clairement), il y a beaucoup d'action à inclure, et donc beaucoup de pas d'action, de grands ensembles, des finals développés. On ne peut pas se contenter de fêtes et de variations, même si on en a bon compte, en particulier dans le rêve  d'opium du Pacha (ajoutée en 1867 avec la musique de Delibes). Par ailleurs le sujet, jusque dans les scènes de réjouissances, se prête à une veine plus exotique et plus héroïque, un peu moins limitée de l'extatique pur.

Néanmoins, le tout reste uniquement conçu pour faire briller une compagnie, et les liens de nécessité paraissent très ténus entre les différents numéros. J'ai l'impression, en réalité, que le ballet (contrairement à l'opéra) n'a jamais cherché, à partir de la fin du XIXe siècle et jusqu'à nos jours, à s'aprocher du réel. À l'Opéra, on a représenté en abondance et avec succès des ouvrages véristes (La Bohème de Puccini ou Leoncavallo, I Pagliacci, Cavalleria Rusticana…), naturalistes (L'Attaque du Moulin de Bruneau, La Lépreuse de Lazzari), des schizophrènes (Wozzeck de Gurlitt ou Berg), des prostituées (Lulu, Eugène le mystérieux), des tueurs en série (Lulu), des bagnards (Z mrtvého domu, Lady Macbeth de Mtsensk) et, pire que tout, des musiciens de jazz (Johnny spielt auf).

Je me doute bien que ça a été fait, mais dans le grand répertoire du ballet (alors qu'il y a une place majeure pour les musiques « négatives » et les personnages dépravés de Janáček, Berg ou Chostakovitch dans les saisons d'opéra), on trouve surtout des aventures très formelles, qui introduisent des numéros très segmentés et codifiés. Comme de l'opéra seria ou du belcanto romantique.
        Et quand les ballets sont du XXe siècle, soit on prend des standards de la musique de concert (le Sacre du Printemps est maintenant devenu assez familier, et les nouvelles chorégraphies ont rarement la crudité de Nijinski), sont on utilise des scies du répertoire pré-1900 (du Bach, du Chopin…) ou de la musiquette contemporaine (Glass semble être un gros client des compagnies de ballet – et, certes, son caractère motorique s'y prête, malgré l'absence patente de musique). Très peu de sujets très sombres et de musiques denses, en réalité. Le sommet étant atteint avec ces chorégraphes vivants qui commandent des orchestrations de pièces pour piano de Chopin ou Tchaïkovski, par les plus mauvais orchestrateurs vivants – franchement, faire d'Onéguine une œuvre sérieuse en s'appuyant sur les danses de salon de Tchaïkovski transcrites pour orchestre à cordes, comme chez Cranko, il faut avoir la foi.

Je parle là du répertoire des grandes maisons, qui utilisent des orchestres complets et non de la musique enregistrée (ou de petits groupes) : j'ai bien conscience que la danse est un univers riche qui a exploré beaucoup de formes et de sujets potentiels. Mais là où les institutions officielles promeuvent un opéra au besoin trashisant (avec des commandes à Neuwirth et Jelinek, quelquefois simultanément !), je ne vois rien de tel dans le domaine du ballet, sauf à aller sur de plus petites scènes, plus spécialisées.
        Je ne vois de toute façon dans les périodes récentes, même en élargissant le spectre, pas beaucoup de musiques audacieuses majeures écrites dès le départ pour le ballet, passé le début du XXe siècle. (Mais Piège de lumière de Damase reste un bijou qu'on ferait bien d'enregistrer, soit dit en passant.)
       Et à dates égales, les sujets et les traitements des ballets sont assez spectaculairement aimables par rapport aux opéras sanglants qu'on jouait simultanément dans les mêmes maisons…

Toute contradiction bienvenue.


2.3. Tripatouillages en série de l'argument

Verdi avait suivi d'assez près les péripéties de Byron (ce n'est pas une rumeur, je l'ai vérifié avec mes petits yeux plissés et mon air d'adolescent inspiré), mais on voit bien la difficulté d'en rendre les états d'âme sous forme de ballet (qui occupent le plus clair du poème, quasiment tout le chant I, une majorité du chant III, et une raisonnable portion du chant II où se situe toute l'action).

Néanmoins, les retournements du chant II, où Conrad se révèle dessous un déguisement pieux, rapide vainqueur et soudain vaincu, et où les vers de Byron deviennent trépidants, véritable explosion de cape et d'épée, sont tout à fait délaissés par l'argument du ballet. Quand Conrad veut enlever quelqu'un, il l'enlève. Et c'est tout.
        De la même façon, malgré la fin très abrupte de l'orage (dont j'aime beaucoup la gratuité, soudaine intrusion de l'aléatoire du réel dans un conte tout à fait prévisible), Saint-Georges et Mazilier ont prévu une fin heureuse où Medora et Conrad se retrouvent après le naufrage – tandis que leurs amis et sauveurs ont péri noyés, mais on s'en moque, ils n'avaient pas de psychologie exploitable de toute façon.

Le rôle de Gulnara est réduit à presque rien dramatiquement : elle danse beaucoup, mais n'a plus aucun rôle dans l'action du ballet – chez Byron (et subséquemment Verdi), elle est le pivot essentiel de l'intrigue (elle résiste aux pirates tout en permettant à Conrad de s'échapper), tandis que Medora reste tranquillement mourir à la maison.
        Dans les utilités, Ali l'ami inaltérable (enfin, il pourrit au fond de la mer à la fin) et Birbanto le Judas exécrable sont bien sûr des produits de l'imaginaire (très limité) des librettistes de ballet. Rien que les noms en attestent spectaculairement.

Le marché aux esclaves initial, qui fait des deux héroïnes des paquets de chair fraîche (et permet d'exhiber celle, peut-être moins fraîche, des autres esclaves), est à ce titre aussi éloigné que possible de l'atmosphère introspective et bagarreuse qui entoure l'épopée de Byron au héros maudit.

Plus fort encore, Anna-Marie Holmes n'est pas fidèle au livret originel (sans doute ne reprend-elle que des modifications antérieures, je n'ai pas comparé toutes les versions documentées en vidéo, chaque compagnie a son propre fond de sauce) : Medora est censée être la pupille de Lankendem, le marchand d'esclaves, et cédée à l'insistance du Pacha  (alors qu'ici son aimable mécène semble ravi de la faire danser à demi-nue sur la place du marché), et être enlevée au II par les conspirateurs, alors que Lankendem le fait tout seul chez Holmes, à leurs nez et barbes (lui sauvant peut-être la vie) – pourtant Conrad et ses amis apparaissent au III dans le palais avec les costumes des conspirateurs, censés s'être lancés à la poursuite de Medora (avec leurs vêtements, donc).
        Tout le double jeu de Birbanto, feignant devant Ali de protéger Conrad alors qu'il projetait de le poignarder, et finalement mis à jour par Medora qui l'avait blessé (à rebours de sa personnalité, étant la jeune fille comme il faut, contrairement à Gulnara, la femme du sérail capable de repousser les étrangers et de fomenter la révolte contre les siens), est aussi un ajout plus récent.
        Les visions d'opium du Pacha, avec les danses florales (connues sous le nom de Pas des Fleurs) qui n'ont rien à voir et qui occupent une bonne partie de l'acte III, servaient à complaire à Adèle Grantzow qui reprenait le rôle de Médora à l'occasion de l'Exposition Universelle de 1867, et ont été conservées, avec la musique de Delibes écrite pour l'occasion, jusqu'aux versions les plus récentes. L'ensemble du tableau est développé lors des reprises russes par Petipa (sous le nom de Jardin animé), avec de nouvelles musiques (de moindre valeur, Delibes n'étant déjà pas au faîte de sa gloire ici).

Cette liberté prise dans l'adaptation, et cet empilement de traditions entrelacées, vers des œuvres très composites, est caractéristique du ballet, et on ne peut s'empêcher de s'émerveiller de la distance qu'il y a avec le traitement religieux de la musique au concert et même à l'opéra…
        Or, au ballet, la musique, tout le monde s'en moque, et elle est traitée de la même façon que le reste, j'y viens.


2.4. La musique : Adam dépecé

Par rapport à ses meilleurs opéras (Le Farfadet !) ou ballets (Giselle, bien sûr), la partition du Corsaire est très inférieure, mais comme on ne croule pas sous les ballets du premier romantisme avec musique originale, on est très content de l'entendre. [Adam n'est de toute façon pas un compositeur majeur de cette génération, très loin, sans même mentionner Meyerbeer ou Berlioz, de la maîtrise et de l'inventivité d'Hérold, ou même des ponctuels coups de génie d'Auber.]

Pourtant, l'état de la partition fait dresser les cheveux sur la tête : que reste-t-il de l'œuvre originale ? 

Dès 1858, l'œuvre voyage en Russie (avec Petipa comme danseur, qui reprend ensuite le ballet comme chorégraphe), et s'y installe durablement, avec de régulières reprises et nouvelles productions, y compris au fil de l'ère soviétique. C'est par là, semble-t-il, qu'elle revient en Europe Occidentale (sortie du répertoire en France à l'issue des représentations de 1867), le phénomène culminant avec la prestigieuse production en tournées multiples de l'English National Ballet en ce moment à Paris.

Au fil de ses voyages dans divers pays, les chorégraphes ayant pour tradition de reprendre à leur façon le travail des autres (et en particulier de Petipa…), c'est-à-dire de n'inventer quoi que ce soit ni de respecter rien, les nouveaux pas et les nouvelles musiques s'amoncellent. La version de Holmes est ainsi une adaptation de la reprise de Segueïev/Sergeyev faite (d'après Petipa…) pour le Kirov en 1973.

De fait, les principales modifications du Corsaire proviennent des productions russes.  Sur le programme, on peut donc désormais lire : musique d'Adolphe Adam, Cesare Pugni, Léo Delibes, Riccardo Drigo, Prince Pyotr van Oldenburg, Ludwig Minkus, Yuly Gerber, Baron Boris Fitinhof-Schnell, Albert Zabel et J. Zibin. Ce pourrait être drôle s'il n'y avait à la fois le nom de Minkus, d'autres noms encore plus négligés (et pour certains négligeables) de l'Histoire de la musique, et le signal implicite que la tradition de l'ajout, poussée à un tel degré, signifie aussi retrancher.

Pugni, Minkus et Drigo appartiennent à trois générations successives de maîtres de ballet à Saint-Pétersbourg, séparés par respectivement 25 et 19 ans. Contrairement à ce qu'on pourrait craindre au demeurant, considérant la qualité de la partition d'origine (si, si, la fanfare aux sabres, au I, est bien d'Adam, si j'en crois l'enregistrement de Bonynge), ce n'est pas forcément un méfait musical. Les ajouts russes remplacent une partie du pittoresque par du sentiment, avec de grands pas de deux qui sont parmi les moments les plus inspirés musicalement : l'un d'eux (le premier de l'acte II, à mon avis) est dû à Pugni (comme la tempête finale, bien plus concise et frappante que celle d'Adam), et l'autre (probablement le second, avec son simili-Tchaïkovski, cordes lyriques et ses cors en syncope avec frottements de secondes) correspondrait davantage à la génération de Drigo, qui a aussi marqué significativement la partition.
        J'ai fouillé quelques heures dans les ouvrages spécialisés et les articles d'érudition pour pouvoir retirer ces quelques réponses (la meilleure source, et la moins chronophage, émanant des musiciens de fosse), ce qui est symtomatique et très déconcertant, pour le mélomane.

Dans le même temps, dans l'univers de la musique classique, et même à l'opéra où la liberté scénique est devenue très grande, on ne tolère pas la moindre liberté (même un rubato excessif peut être reproché), et si l'on peut accepter les coupures, tout ajout, même bon, causerait un scandale considérable. L'authenticité, mirage mainte fois mentionné dans ces pages, est même un argument de vente majeur pour les éditeurs, qui proposent de revenir au souhait premier du compositeur, même inférieur, même inachevé, même désavoué par lui-même. Un professionnel ne saurait exercer autrement qu'Urtext sous le bras.

Aussi, constater cette désinvolture extrême envers la musique peut paraître un peu urticant au profane. Non seulement parce qu'on mélange les époques, et pour des raisons purement balletistiques, sans rapport avec la qualité musicale (et cela s'entend !) ; non seulement parce qu'on juxtapose des pièces qui n'ont plus de rapport entre elles, n'ayant même pas été ajoutées dans les mêmes versions du ballet aux mêmes époques et aux mêmes lieux… mais pire que tout, il est excessivement difficile de retrouver la paternité des morceaux. Sauf à posséder le bon ouvrage, aucun document aisément accessible (même sur les sites de danse en ligne, même dans les ouvrages généralistes sur la danse) ne fournit le détail. Pour les ballets plus récents, on trouve (Onéguine de Cranko-Stolze ne m'avait pas posé de problème insurmontable), et pour les grands standards, on finit par trouver (beaucoup de strates dans la Fille mal gardée d'Ashton-Lanchbery, mais il existe suffisamment de documents pour recouper l'essentiel) ; mais quand la tradition s'en mêle depuis trop longtemps, sauf à tomber sur la perle rare qui a déjà fait le travail, c'est assez difficile – et manifestement personne n'en a rien à faire. Les mélomanes méprisent la superficialité du ballet, les balletomanes ne remarquent même pas qu'il y a de la musique. Avec ça, allez vous informer !
       J'ai vu, en faisant mes petites recherches pour cette notule, qu'il existait des articles scientifiques qui débattaient de l'état possible des premières versions de la partition de Giselle !  Alors, allez remonter le fil du temps pour des pièces moins courues (et musicalement moins stimulantes)…

On en est en réalité exactement à front renversé de la logique musicale actuelle, où la musicologie est l'horizon indépassable, et où l'on a toujours besoin d'habiller tout de justification historique – même quand c'est pour faire n'importe quoi. Si l'on veut faire de l'improvisation libre ou introduction des instruments modernes ou exotiques, on ira au besoin faire un peu de psychologie sur le caractère ouvert des musiques et des musiciens, comme Bach qui aurait bien sûr repoussé comme pour son orgue les limites de la guitare électrique façon Meshuggah, ce qui rend légitime une petite basse amplifiée dans le continuo. Mais la plupart du temps, on s'interdit plutôt qu'on ne s'autorise, avec ce raisonnement ; pas question de changer une note.
       Le ballet semble être resté sur l'ancienne école, celle qui prévalait à l'opéra avant la (salutaire, cela dit) révolution baroqueuse : l'empilement des traditions ininterrompues. Le public vient voir ce qu'il a déjà vu, vient assister à la reproduction d'un patrimoine où se mêle, espère-t-on, le meilleur de toutes les époques, et où chacun apporte sa pierre individuellement, sans trop s'occuper de l'origine de l'œuvre qu'il colporte.

J'essaie de ne pas juger (car je trouve un peu triste cette culture de l'interdit dans la musique classique), mais il m'est quand même difficile de ne pas trouver l'attitude du ballet vis-à-vis de la musique irrespectueuse et assez poussiéreuse, je dois le confesser.

Pour les musiciens aussi, ça semble le cas : même avec des bijoux absolus du patrimoine musical comme La Belle au bois dormant de Tchaïkovski, je n'ai jamais entendu l'Orchestre de l'Opéra de Paris s'ennuyer aussi ostensiblement… Comme un réflexe, ne pas s'engager trop dans un domaine où on ne leur laisse qu'une place résiduelle.



adam_corsaire_orage_partition.png
La partition en réduction piano de la tempêtes aux audaces harmoniques (peu) fulgurantes (aplat de I à la truelle, ça s'appelle).
Manuscrit russe des années 70, lors de l'avènement de la chorégraphie de Sergueïev, servant de base à d'autres versions ultérieures, dont Holmes.





3. Écouter la musique au ballet

À ce titre, l'Orchestre Colonne ne s'en sort pas mal : assez peu engagé à l'acte I (il est vrai constitué d'une redoutable suite de fanfares particulièrement indigentes), il semble qu'il s'implique davantage dans les actes II et III, où les pas d'action sont plus nombreux et la musique moins décorative. Le timbre général reste un peu fruste, mais point de mollesse (même si, visuellement, on peut repérer un engagement très inégal d'un musicien à l'autre). Comme toujours, leurs qualités compensent nettement leur moindre maîtrise technique par rapport à la prestigieuse concurrence parisienne.

À ce jour, à Paris, c'est l'Orchestre des Lauréats du Conservatoire (dans Sauguet et Damase !) qui m'a fait la meilleure impression en fosse, aussi bien en moyens techniques qu'en investissement (sans bondir sur leurs chaises non plus).

À Londres, l'English National Ballet est accompagné par l'English National Ballet Philharmonic, orchestre ad hoc qui n'a pas fait le déplacement. J'en ai un souvenir assez positif si c'est bien lui qui officie dans le DVD, avec un beau son et une énergie très honorable.

J'ai été surpris, lors de la représentation, par le peu d'applaudissements du public sur la musique : en général, on applaudit les entrées (était-ce le côté peu clair de la première apparition de Rojo ?), et on n'attend pas la fin de la musique. Or, excepté la fin bien sûr, tout à fait couverte sur ses dernières secondes (je suis résigné pour le ballet, voire pour l'opéra italien, donc ça m'indispose finalement moins que dans les opéras germaniques ou au concert – fait partie du jeu, disons), les spectateurs attendent la fin des numéros pour réagir. Peut-être est-ce aussi leur écriture facétieuse (souvent un silence avant le dernier accord) qui retient les connaisseurs. [Car je suppose que, pour une œuvre qui n'est pas dans le top 20 des titres, pas d'un chorégraphe célèbre, avec une compagnie qui n'a pas un nom qui claque immédiatement pour le grand public, malgré son prestige chez les initiés – un peu comme si on parlait de la Staatskapelle de Dresde à l'homme de la rue… Berlin ou Vienne, soit, mais Dresde, est-ce que ça exalterait le candide ? –, une bonne part du remplissage tenait aux vrais amateurs de danse, désireux de voir autre chose que le ballet local, malgré son excellence.]
        En tout cas, même si pressens vaguement qu'il s'agissait plutôt d'une coïncidence liée à l'œuvre, agréable surprise de ce côté, ça ne hurlait pas TamarAAAAA dans tous coins, même si je ne m'en serais pas vraiment offusqué.

Outre le double disque Bonynge / English Chamber Orchestra, qui présente le ballet d'origine et les ajouts de Delibes pour Mlle Grantzow, vous avez peut-être plutôt intérêt, pour une adaptation plus proche de la lettre (à défaut d'en retranscrire l'atmosphère), à vous tourner vers l'opéra de Verdi, l'un de ses meilleurs titres de jeunesse, d'une veine mélodique discrète, mais davantage sans façon que belcantiste. On y entend, dans le trio avec chœur final, des esquisses de Rigoletto (le quatuor et les finals). Je recommande en particulier la gravure exaltante faite lors du festival de Parme dans l'intégrale C Major (Montanaro, avec Lungu, Dalla Benetta, Ribeiro, voix et postures extraordinaires).



Malgré toutes ces considérations, une très belle soirée, il y a de quoi remplir des cars de futurs initiés, si l'on est un peu sensible à l'expression simple et généreuse de ce type de spectacle. Mais ma satisfaction me fournissait un sujet de notule moins stimulant que toutes ces interrogations.

Donc beaucoup de questions comme vous le voyez, auxquelles j'ai essayé d'apporter autant que possible mes propres réponses en fouinant un peu, mais tout prolongement et tout éclairage (en particulier concernant l'attribution et l'intérêt de la musique) seraient hautement appréciés.

samedi 16 août 2014

Autour de Pelléas & Mélisande – XX – Les vraies voix de Mélisande


Car l'opéra italien n'a pas le privilège absolu des études de glottologie.

Le rôle de Mélisande est diversement étiqueté, sous des considérations plus ou moins fantasmatiques. L'occasion de refaire le tour du propriétaire.

1. Composition et duo d'amour

Il existe plusieurs traditions expliquant la première rencontre de Debussy avec la pièce de Maeterlinck, chacun voulant en être : le conseil de lecture aurait émané de Mauclair, de Cocteau (ce qui paraît confortablement improbable vu son âge), du hasard d'une simple promenade chez un libraire… Néanmoins, il semble, à en juger par sa propre correspondance, qu'il ait découvert l'œuvre sur scène.

Lugné (autopseudonymé Lugné-Poe), fondateur de la Compagnie Théâtre de l'Œuvre, qui doit précisément ses lettres de noblesse à la création de Pelléas et Mélisande de Maeterlinck, aux Bouffes-Parisiens, reçoit en mai 1893, au moment exact de la création, une lettre de Debussy lui demandant des places (précisant même qu'il ne la connaît pas). Qu'il ait été influencé ou pas, il est donc probable – sauf découverte dans un très court intervalle – qu'il ait rencontré, pour la première fois, ses personnages sur scène.


Mary : Voyez, voyez, j'ai les mains pleines de fleurs.


Le reste a lieu assez vite : entre mai et septembre, une large part de la partition sera composée. Henri de Régnier intercède auprès de Maeterlinck qui accepte immédiatement. Debussy lui rend visite, et les deux s'accablent d'amabilités pour déterminer qui fait une faveur à l'autre. Maeterlinck, en plus de sa bénédiction pour les coupures de Debussy, propose même les siennes, qui paraissent « très utiles » au compositeur.
Par la suite Maeterlinck écrit même une lettre donnant tout pouvoir à Debussy pour effectuer toutes adaptations nécessaires à son drame.

Mais en septembre, alors qu'il vient d'achever la fin du quatrième acte (tout ce qui précède était-il composé ?), Debussy décide de reprendre son travail à zéro. Au cours de l'année 1894 ont lieu plusieurs auditions chez Pierre Louÿs, compagnon de la première heure dans cette aventure : Debussy s'accompagne et chante le premier acte dans son état originel, le tableau de la fontaine (II,1) et une portion du tableau du balcon (III,1).
J'aimerais pouvoir trouver ces ébauches, mais alors que tout le monde les mentionne, les partitions ne semblent pas publiées ; peut-être sont-elles même perdues, mais j'aimerais en être assuré : un second Pelléas, au langage probablement plus archaïque (ou du moins plus traditionnel), voilà qui aiguillonne les curieux et les gourmands. De (petites) recherches en perspective, nul doute que cela a déjà été documenté.

2. Maîtresses, glottophilie, création et rixes

C'est après que le ciel se couvre.


To the happy couple.


Maeterlinck considérait manifestement qu'il existait un accord plus ou moins explicite pour l'engagement de Georgette Leblanc, sa maîtrisesse, dans le rôle principal. Debussy avait-il suggéré que ce ne serait pas un problème, ou simplement dit poliment qu'il considèrerait l'option, c'est un détail qu'on ne peut que difficilement déduire.

Toujours est-il qu'Albert Carré, directeur de l'Opéra-Comique, choisit à sa place un autre profil vocal… et une autre maîtresse, celle d'André Messager, Directeur de la Musique et chef en charge des représentations de l'opéra, que Carré avait en vain demandée en mariage : Mary Garden.


Mary, affairée à ses modestes préparatifs pour un départ en Thébaïde (il fait chaud là-bas).


Maeterlinck ne l'apprend que par le journal, et tous les témoins décrivent une fureur sans exemple, et qui dure pendant plusieurs mois.

¶ Refusant la médiation de la Société des Auteurs, il assigne Debussy en justice — mais le compositeur dispose de l'autorisation écrite de l'auteur, et l'emporte.

¶ Il se rend chez Debussy pour le provoquer en duel, et Albert Carré se propose pour prendre sa place.
C'est semble-t-il la période où Maeterlinck tue sa chatte Messaline d'un coup de pistolet (selon les commentaires, par fascination pour les affects en jeu, ou pour s'entraîner sur une cible vivante – le sujet ne me passionne pas assez pour que je sois allé vérifier dans les sources, je l'avoue).

¶ Finalement, Maeterlinck opte pour la bastonnade, et se rend chez Debussy qui fait un malaise en le voyant dans une colère qui, ici encore, est rapportée comme particulièrement effrayante par les témoins.
En 1918, il écrit à un correspondant qui l'interroge : « tous les torts étaient de mon côté et qu'il eut mille fois raison », mais l'objet de la contrition n'est pas totalement clair à mon sens : est-ce l'épisode de la correction seulement, ou le sujet même de la querelle ?
De toute façon, à l'époque, Pelléas s'était durablement imposé au répertoire lyrique et il se séparait la même année de Georgette Leblanc (qu'il trompait avec une autre actrice… née l'année de la première rencontre avec Debussy !), ce qui rendait sans doute l'admission de ses torts plus aisée.

¶ Quelques semaines avant la création (avril 1902), il écrit une lettre ouverte où il proteste de la malhonnêteté de ses interlocuteurs, conteste son ostracisation de la création, et souhaite la chute « prompte et retentissante » de l'opéra.
La lettre est en elle-même contradictoire avec son argumentaire précédent, puisqu'il explicite la raison de son ressentiment (le refus de la seule interprète qu'il souhaitait pour Mélisande), alors qu'il avait récusé les coupures (comme défigurant son œuvre) devant les tribunaux.

3. Deux aspects de Mélisande

Tout cela, c'est de l'histoire et de l'anecdote. Fascinantes peut-être, surtout que Maeterlinck semble avoir fait grand cas d'un engagement de sa maîtresse (qui faisait une belle carrière sans cela), et perdu la mesure à un point difficile à se figurer, surtout pour un homme mûr et jouissant déjà d'une grande réputation – sensiblement plus grande que celle de Debussy. Un moment d'irrationnalité publique et très durable (deux paramètres relativement rares) qui passe plutôt le sens commun.

Mais ce qui est intéressant, c'est que le choix d'Albert Carré (et celui de Maeterlinck), indépendamment des enjeux de maîtresses, révèlent deux orientations esthétiques très différentes pour Mélisande… et qui se retrouvent aujourd'hui encore dans les distributions du rôle.


Mary-Thaÿs-et-non-Margueryte, simple parvenue quand même ; et Georgette-Vanna, qui va bientôt tout perdre, jusqu'à son manteau (sous lequel il n'y a rien).


Les amateurs les plus chevronnés de Pelléas, ou simplement les possesseurs du coffret Desormière dans certaines rééditions EMI, ont déjà entendu Mary Garden : elle a laissé quelques traces avec Debussy au piano (en 1904, donc dans un état vocal très proche de la création), dont quelques mélodies (Beau soir, Spleen, Green) et une chanson de la Tour.


Début de l'acte III de Pelléas.


Elle a laissé aussi d'autres témoignages dans des répertoires plus lyriques (Traviata, Thaïs, Salomé d'Hérodiade, Louise) :


Salomé (Massenet), Thaïs en 1907, Violetta en 1911, Louise en 1912.


Moins célèbres, les traces laissées par Georgette Leblanc :


Amadis de Lully (acte II), et le même extrait de Thaïs.


L'auditeur profane (que nous sommes tous plus ou moins, face à la rareté des témoignages de cette période, et à son éloignement dans les usages linguistiques) ne peut qu'être frappé par la proximité de ces deux témoignages d'un autre temps. D'abord, la très faible intelligibilité : on se figure qu'on articulait mieux autrefois, parce qu'on se fonde sur les témoignages (effectivement extraordinaires de ce point de vue) des années 30 à 60… mais au début du vingtième siècle, l'esthétique était plutôt aux voix très lisses et homogènes, sans arêtes (très peu de mordant), presque blanches (peu vibrées, ou légèrement et irrégulièrement), très « couvertes » (avec des voyelles assez peu différenciées), et des consonnes très peu proéminentes (effet peut-être accentué par la prise de son). Quelqu'un ferait ça aujourd'hui, on considèrerait immédiatement qu'il chante mal.
S'il y a bien une preuve qu'on ne peut absolument pas se figurer comment on chantait en 1840

Néanmoins, on a bien affaire à deux formats différents : Mary Garden est une voix de lyrique (qui pourrait paraître léger en écoutant Mélisande), s'inscrivant dans la tradition française de l'époque même pour des rôles à l'origine ou désormais tenus par des voix des grands lyriques, voire lyrico-dramatiques (Violetta, Thaïs, Louise, Katyucha de Risurrezione d'Alfano – le modèle en est devenu Magda Olivero –, Tosca, Salomé de Massenet… et de R. Strauss !), mais aussi des rôles graves qu'elle chantait avec sa voix légère (comme on le fait avec le baroque aujourd'hui), tels le Prince Charmant de Massenet, Carmen, Charlotte, Dulcinée… tous d'authentiques rôles de mezzo, témoins d'une autre façon de penser les catégories vocales au début du XXe siècle en France.
Ses grands succès ont été faits sur la scène de l'Opéra-Comique, comme première soprano – d'où sa distribution naturelle en Mélisande, d'ailleurs (indépendamment des questions de format).

Georgette Leblanc a partagé certains rôles (Carmen, Thaïs, Fanny de Sapho de Massenet), néanmoins la voix est audiblement plus sombre et chaleureuse, plus dramatique. Il n'est pas sûr du tout que la voix ait été plus glorieuse, puisque Garden semble particulièrement bien projetée, mais qu'elle ait créé Ariane et Barbe-Bleue de Dukas est assez révélateur sur une nature de voix plus large : on peut donner Salomé à une voix souple et relativement légère, si elle est suffisamment dynamique ; pour Ariane, il faut vraiment de l'assise, c'est un rôle isoldo-brünnhildien, sorte de mezzo avec de grands aigus. L'extrait d'Amadis révèle assez bien ce fait : Garden, dans le grave, sonne comme une soprano avant le passage, tandis que Leblanc s'approche vraiment du mezzo-soprano.
Certains témoignages attribuent d'ailleurs le refus de Leblanc par Carré (outre la position de Garden dans la maison et sa relation avec Messager) à son caractère vocal plus corsé, pas assez évanescent pour Mélisande.

Mais, techniquement, personne n'a jamais contesté que Leblanc (qui ne l'a pas fait ensuite semble-t-il, pour les raisons de bouderie qu'on se figure aisément, vu la durée de la querelle) pouvait chanter Mélisande.

4. Coïncidences avec les distributions du rôle

Ainsi, dès l'origine, deux potentialités de Mélisande, soprano et mezzo, coexistent. Et si le profil soprano dramatique façon Leblanc a finalement été très peu employé (Los Ángeles et Duval ont chanté ces rôles, mais n'appartiennent pas exactement à la catégorie), les représentations et enregistrements, à toute époque, alternent toutes les tessitures.

Je me limite à celles qui ont été captées par le disque ou la radio (date de première captation que j'aie eue entre les mains, rien de scientifique), et la liste n'est bien sûr pas exhaustive :

soprano léger colorature : Yvonne Brothier (1927), Marthe Nespoulous (1928), Irène Joachim (1941), Éliane Manchet (1988), Cécile Besnard (1999), Patricia Petibon (2005), Natalie Dessay (2009)
soprano lyrique léger : Bidu Sayão (1945), Suzanne Danco (1952), Jeannine Micheau (1953), Erna Spoorenberg (1964), Jeannette Pilou (1969), Colette Alliot-Lugaz (1987), Allison Hagley (1992), Christiane Oelze (1998), Marie Arnet (2004), Karen Vourc'h (2010)
soprano lyrique : Mary Garden (1904), Elisabeth Schwarzkopf (1954), Los Ángeles (1956), Anna Moffo (1962), Denise Duval (1963), Helen Donath (1971), Michèle Command (1978), Rachel Yakar (1979), Mireille Delunsch (1996), Véronique Gens (2003), Isabel Rey (2004), Sophie Marie-Degor (2007), Elena Tsallagova (2012)
soprano (lyrico-)dramatique : Georgette Leblanc (-), Liuba Welitsch (1948), Elisabeth Söderström (1970)
mezzo-soprano lyrique léger : Anne Sofie von Otter (2000), Magdalena Kožená (2002), Lorraine Hunt-Lieberson (2003), Angelika Kirchschlager (2006), Monica Bacelli (2013), Stéphanie d'Oustrac (2014)
mezzo-soprano lyrico-dramatique : Micheline Grancher (1962), Frederica von Stade (1978), Anne Howells (1978), Marie Ewing (1990)
mezzo-soprano grave : Marta Márquez (2010)

Bien sûr, il est impossible de tirer des conclusions sérieuses de cela : même si l'on relevait tous les noms de toutes les titulaires (ce que je suis loin d'avoir fait), pour brosser un tableau plus réaliste des tendances (sans doute différentes selon les pays, je devine un tropisme léger en France, par exemple), on ne pourrait faire la part de ce qui relève de la circonstance (une bonne chanteuse disponible) et de ce qui relève de la conviction profonde sur ce que doit être Mélisande (puisque l'on trouve de grandes titulaires dans toutes les catégories, le paramètre tessiture n'est pas forcément déterminant dans le recrutement, un des rares rôles pour lesquels on ait cette liberté).
Néanmoins, on peut relever, avec toutes les réserves nécessaires, quelques petites choses.

Globalement, les sopranos lyriques restent une valeur très prisée.

Il est intéressant de remarquer que les formats sont assez également répartis au fil du temps. Néanmoins, la tendance est globalement l'éloignement des formats très légers majoritaires à l'origine, vers des formats toujours légers, mais plus centraux (des mezzos de type « second soprano », ce qui est peut-être l'emploi le plus logique vu l'écriture du rôle). Seule catégorie manquante, les sopranos très dramatiques, pour des raisons évidentes de lourdeur et de grain – sans compter les physiques de cinquantenaires aux larges hanches, souvent peu compatibles visuellement avec la femme-enfant, l'oiseau hors d'haleine du livret…

Du fait de la tessiture basse et des valeurs précises, en tout cas, les formats les plus larges sont exclus. Mais le rôle n'est jamais concurrencé par l'orchestre (c'est un peu moins vrai pour Pelléas par exemple), il n'y a donc pas d'impératif de recruter une mezzo – même si, hors baroqueuses, les sopranes ne sont plus forcément à leur aise dans les œuvres largement écrites sous le passage.
De fait, l'emploi de Mélisande, sans impératifs de volume (l'orchestre joue rarement simultanément, et toujours discrètement), sans grande extension (pas de graves, très peu d'aigus, et jamais très haut), peut être distribuée à n'importe quelle voix capable d'articuler suffisamment dans cette tessiture-là, même sans grande projection.

Pour ma part, j'avoue que j'ai beaucoup d'intérêt pour les mezzos légers, parce que le confort est maximal et permet plus d'expression, sans que la couleur ne soit ternie. Mais c'est sans doute lié aussi au fait que cela correspond à une esthétique d'aujourd'hui (ils entrent plus récemment dans la danse que tous les autres !), liée aux progrès extraordinaire en matière de baroque et de lied — autant pour l'opéra, on peut vraiment discuter de l'évolution vocale (engorgement, opacification, volapük) depuis cinquante ans, autant pour le baroque et lied, le progrès ne fait pas un pli. Et ce sont ces timbres limpides et ces dictions généreuses que l'on retrouve en Mélisande, bien souvent, ce qui explique sans doute, plus que le format, le taux de réussite dans ce type de voix.

5. Pourquoi Mary Garden ?

Manière de boucler la boucle, on peut considérer un autre paramètre intéressant que je n'ai pas abordé de front, mais qui ouvre d'autres possibilités. Mary Garden avait les bons réseaux, Mary Garden occupait déjà un poste à l'Opéra-Comique, Mary Garden avait la voix et le physique juvénile qu'on attendait.

Pourtant, le public lui a reproché son accent écossais — franchement tout sauf évident, mais si vous écoutez les descentes vers le grave de sa Salomé d'Hérodiadeci-dessus (« Ah ! quand reviendra-t-il ? »), vous entendrez effectivement des sonorités que ne produirait pas une francophone (le [t] légèrement adouci, le [i] qui tire un peu sur le [ü]), même si d'une manière générale tous les paramètres de diction sont très peu distincts de n'importe quelle francophone de l'époque. (C'est flou comme les copines, mais ça ne sonne pas anglais.)
En mettant de côté un probable zeste de mauvaise foi chauvine, il faut considérer cependant qu'elle venait à peine de percer en France (1900 est son premier grand succès, en remplaçant au pied levé la titulaire de Louise à l'Opéra-Comique), que Mélisande est un rôle très exposé du côté de la déclamation, et qu'à l'époque, le public n'entendait que des opéras écrits ou traduits en français, interprété par des chanteurs francophones devant un public français. Son oreille était sans doute plus chatouilleuse que la nôtre — sans compter tout un tas d'implications morales sous-jacentes, ce n'était pas la même chose pour un écolier d'avoir un accent étranger qu'aujourd'hui.

On aurait donc pu choisir quelqu'un d'autre, même si on ne voulait pas Leblanc.

C'est là où la consultation des témoignages et entretiens de l'artiste se révèlent intéressants.


D'abord, Mary Garden postule le respect absolu de la partition, et en particulier des rythmes écrits par le compositeur, qui a toujours raison. Je ne suis d'accord avec ni l'un ni l'autre postulat, puisque les rythmes de Pelléas doivent être assouplis pour ne pas rendre raide une prosodie déjà étrange, avec ses répétitions, ses intervalles soudainement inattendus, ses successions brutales de binaire et de ternaire ; par ailleurs, que le compositeur ait toujours raison, ce peut être une position éthique (fort respectable), mais certainement pas esthétique, car les choses ne sont jamais aussi simples (on se rapproche de l'histoire-bataille de bien des Histoires de la Musique, où un compositeur, voire une œuvre, inaugure un nouveau système musical).
À cette époque où la rigueur d'exécution n'était pas une qualité aussi répandue ni aussi maîtrisée qu'aujourd'hui, on peut supposer que ce désir de bien faire (Garden ne m'a pas parue si nette que cela dans les différentes captations…) a été fortement apprécié, surtout pour de la musique contemporaine, très neuve et assez difficile.

À cela, Mary Garden ajoute une caractéristique intéressante, qu'il est difficile de mesurer, vu l'absence de Mélisande captées, me semble-t-il, entre son extrait de 1904 et les scènes enregistrées par Piero Coppola (1927) et George Truc (1928). Elle déclamait en effet, dans ces parties graves, avec sa voix de tête, la même voix qu'au-dessus du passage, effet indispensable pour ne pas obtenir une Mélisande poitrinant lourdement (je crois n'en avoir rencontré qu'une, sur une soixantaine de versions écoutées) ; ce parti pris de légèreté, c'est ce que j'entends chez ses contemporaines, le poitriné étant plutôt à la mode en Italie vers les années 40, mais il y avait peut être une qualité de coloris particulière, assez limpide, qu'on craignait de ne pas retrouver chez Georgette Leblanc ou d'autres titulaires potentielles.
Garden affirme en tout cas que Debussy l'avait hautement félicitée, parce qu'elle touchait à une forme d'idéal dans ce compromis particulier entre netteté de la déclamation et clarté de la voix de tête.

6. Prolongements potentiels

Rien qu'avec ces éléments de dispute et ces fragments de son, il y a donc beaucoup de fils à tirer à propos de l'évolution de l'élocution (et pas seulement lyrique) ; on n'est même pas près d'en avoir seulement mentionné tous les enjeux.

Pour entendre en intégralité une voix forgée sur une esthétique un peu similaire, on peut écouter les témoignages de Victoria de los Ángeles (comme Tito Gobbi dans un autre répertoire, et dans une moindre mesure Teresa Stich-Randall, elle dispose d'une formation technique qui reflète une autre époque que la sienne) : studio Cluytens en 56, Morel au Met en 60, Fournet au Colón en 62. Même type de voix un peu blanche au vibrato irrégulier, elle aussi étrangère. Clairement pas ma Mélisande de chevet, mais ça documente un style, dans un son beaucoup plus audible – et finalement plus proche de l'original que Sayão, par exemple.

D'ailleurs, il y aurait peut-être de quoi dire sur les autres créateurs — dont les voix sont à mon avis plus intéressantes, comme Jean Périer et, surtout, Hector Dufranne. À voir.

En attendant, vous pouvez retrouver toutes les notules autour de Pelléas et Mélisande dans le chapitre adéquat de CSS. Quelques autres sont en préparation.


mercredi 4 juin 2014

Les concerts insolites de juin


Célébrités qui passent en catimini dans de petites salles, compositeurs rares ou programmes insolites, encore une belle moisson ce mois-ci !

4 - Maison de la Culture du Japon, 18h30 - Musique de chambre de Takemitsu et Hosokawa. 5€.
4 - Favart - Gubisch et Altinoglu (au piano) dans Debussy, Ravel, Falla et le folklore arménien de Komitas.
4 - Versailles - Händel, Belshazzar, King.

5 - Mairie du IXe, 12h30 - Haydn, Schumann, Ravel, Flyarkovsky au piano.
5 - Orsay - Concert Fables de La Fontaine : Carré, Lott, Delunsch, Huchet, Pass, Pikulski !
5 - Châtelet - Duos d'opéra : Hampson / Pisaroni. 5 - Favart - Épopée d'Aprikian (et autres pièces plus conventionnelles) par l'Orchestre d'Arménie.
5 - Abbesses - Le Coq d'Or dans une version pour claviers-percus.
5 - Herblay - Fin des représentations du Consul de Menotti. Reprise de la production à l'automne à l'Athénée.
5 - Colline - Fin des représentations d'Aglavaine & Sélysette.
5 - Versailles - Händel, Amadigi, Gauvin, Invernezzi, Zazzo, Kammerorchester Basel, Dantone.
5 - Auvers-sur-Oise - Campra et Vivaldi par Niquet.

6 - Bastille - Daphnis & Chloé avec chorégraphie.
6 - Cité Internationale des Arts - Mélodies sur Pouchkine. 10-15€.
6 - Église de Moret-sur-Loing (77) - Œuvres pour clarinette et quatuor de Mozart, Brahms, Webern et Nishimura.

6-7 - Noisy-le-Sec - Tchaïkovski, Liadov, Moussorgski, Rachmaninov, Stravinsky par la Jeune Philharmonie de Seine-Saint-Denis.

7 - Soubise, 18h - Caldara, Bononcini, Dall'abaco par L'Escadron volant de la Reine. 3-12€.
7 - Bagatelle - Musique de chambre de Franck, Fauré, Pierné, Hersant. 10€. 7 - Saint-Denis - Quatuor Julia Fischer dans Beethoven, Schumann et Chostakovitch.
7 - Villiers-sous-Grez (77) - Quatuors de Mozart, Bartók et Kurtág. 8-16€.

8 - Château de Blandy-les-Tours (77), 15h30 - Holzmair et Cassard dans Schubert et Ravel.
8 - 38Riv', 17h - Musique instrumentale pour violon, clavecin et luth/théorbe/guitare baroque : Jacquet de La Guerre, Rebel, Corelli et Leclair.
8 - Église de Bourron-Marlotte (77) - Quatuors de Beethoven, Schumann, Britten et Hawkins.

Suite de la notule.

mardi 15 avril 2014

Franz SCHUBERT – Die schöne Müllerin – discographie exhaustive


Contrairement à d'autres répertoires, la discographie des cycles de Schubert n'est pas qu'un exercice formel : on y découvre quantité de fantaisies qui stimulent la curiosité. C'est moins le cas pour la Meunière que pour le Voyage d'Hiver, mais j'avais déjà mentionné, il y a huit ans de cela (il doit donc en manquer beaucoup désormais), certains bizarreries discographiques.

Plus modestement, donc, voici la Belle Meunière, qui doit rester le second cycle le plus enregistré (ou le troisième, après Frauenliebe qui se pousse facilement dans un coin de récital).

181 références commerciales tout de même (le Winterreise dépassant les 300), et j'ai bien dû en laisser passer une poignée – sans compter donc les multiples témoignages radio, certains librement accessibles, d'autres conservés par les collectionneurs, et parfois revendus par des intermédiaires peu scrupuleux.

1. Remarques

¶ En matière d'arrangements, rien à voir avec le Winterreise, ce cycle a peu inspiré hors du sérail. On trouve seulement, à partir de 1980, 6 accompagnements pour guitare (dont un avec deux guitares), une version pour trombone solo (sans pianiste !) et une version pour chœur et piano, assez intrigante.

Il y a aussi l'atypique version pour contre-ténor (fort peu convaincante, mais il fallait bien essayer) de Kowalski – côté femmes, Stutzmann est la seule contralto de la discographie.

Karl Kammerlander a gravé deux versions (non incluses dans la liste ci-après) pour piano solo (en 96 en tonalité originale, en 98 transposée pour voix grave), vendue sur le site MusicSense. Manifestement plutôt à but d'accompagnement, je ne suis pas certain de la qualité artistique.

Les versions pour guitare fonctionnent remarquablement bien avec la veine folklorique, les lieder strophiques et ces accompagnement réguliers, dansants et assez simples. Parmi celles disponibles, je recommanderais en priorité Persson / Bergström, très douce et intime, très bien dite (avec un reste audible de rondeur suédoise dans l'accent). Côté guitare, Ragossnig, Kläger et Bergström sont tous admirables (il faut de toute façon de sacrés doigts pour remplacer un piano, même en enlevant quelques notes !), avec plus de tranchant chez Kläger et plus de douceur chez Bergström.

Je n'ai pas inclus les extraits arrangés sur des poèmes de Pagnol (souvent sans rapport avec le poème original) et orchestrés façon Francis Lopez, délicieusement chantés par Tino Rossi pour le film, et présentés en CD il y a peu.

¶ On remarque l'ère d'expansion incroyable du disque à partir de 1997 jusqu'en 2003 – pour la période suivante, je n'ai pas pu recouper mon travail avec d'aussi bonnes discographies, donc je suis sûr qu'il m'en manque. On parle de la crise du disque, mais il est un fait que si les grands se regroupent pour éviter de s'étioler, le nombre de petits labels a au contraire explosé dans ces vingt dernières années. Beaucoup étant liés à une institution, une région, publiant les bandes de leur pays, de leur ville, de leur festival... Par exemple Gramola ne publie peu ou prou que des enregistrements d'autrichiens en Autriche, dans un répertoire surtout... autrichien : Adrian Eröd dans Schubert, un chœur masculin de Linz dans Bruckner, Hüttenbrenner par Bästlein (certes, l'interprète est allemand)...

¶ Ce panorama permet aussi d'identifier les pionniers.

Nigel Rogers (le Deuxième Berger dans l'Orfeo fondateur d'Harnoncourt, puis Orfeo lui-même dans deux enregistrements) est le premier à oser, dès 1975, une version sur piano d'époque, un Hammerflügel joué par Richard Burnett (vinyle Telefunken, introuvable aujourd'hui).
Il est suivi, cinq ans plus tard, par Schreier III (avec Steven Zehr, la plus difficile à trouver des 5 versions Schreier), gravée en février 1980, entre sa version avec guitare (Ragossnig) et la version Shetler en juin. Viennent ensuite Haefliger & Dähler en 1982 ; ce n'est qu'à partir de la fin des années 80 que l'usage des instruments anciens dans ce cycle se répand grandement.

Pour la guitare, c'est justement Peter Schreier II & Konrad Ragossnig qui ouvrent la voie de ce qui est devenu un arrangement habituel et légitime. C'est toujours la version pour guitare la plus couramment diffusée.

¶ On se régalera de la présence de quelques traductions :
– 2 en anglais (Singer), bien sûr ;
– 1 en néerlandais (Jan Rot), chantée par Marcel Beekman (ce qui ne doit pas produire un écart énorme, à part pour les « j » toujours étonnants) ;
– 1 en français (Chevillard), la plus ancienne. Malheureusement Germaine Martinelli n'articule que très mal, ce qui ne permet pas de goûter pleinement la traduction assez réussie de Chevillard, bien sonnante sans s'éloigner trop du texte. Un peu niaise, certes, mais la caractéristique est d'origine !
– 1 en russe, chantée par Georgi Vinogradov ;
– 1 en slovène, chantée par Marcos Fink ;
– 2 en japonais (Takashi Matsumoto au moins pour l'une des deux), une nation assez fortement représentée dans ce cycle ces vingt dernières années, même si leurs versions sont très peu distribuées en Europe.

2. Statistiques

Peter Schreier a enregistré trois le cycle en six mois (avec guitare en janvier, avec pianoforte en février, avec piano en juin).

Rudolf Buchbinder a enregistré deux fois ce cycle : en 1967 (à 21 ans) et en 2010 (à 64 ans), soit une distance de 43 ans entre ses deux témoignages.

¶ Qui a occupé la discographie du cycle comme accompagnateur ?
5 versions : Gerald Moore (Schiøtz en 1943, Fischer-Dieskau I en 1951, Rudolf Schock en 1958, Fischer-Dieskau II en 1961, Fischer-Dieskau IV en 1971).
5 versions : Graham Johnson (Hill en 1982, Bostridge I en 1995, Kutschera en 1998, R. Kohn en 2001, Maltman en 2011).
4 versions : Helmut Deutsch (Protschka en 1986, Skovhus en 1997, Jarnot I en 2001, Kaufmann en 2009).
3 versions : Jörg Demus (Fischer-Dieskau III en 1968, Holzmair I en 1983, F. Koenig en 1992).
3 versions : Hubert Giesen (Walther Ludwig I en 1949, Wunderlich sur le vif en 1965, studio Wunderlich en 1966). Accompagnateur terne, par ailleurs.

¶ Qui a occupé la discographie du cycle comme chanteur ?
6 versions : Dietrich Fischer-Dieskau, bien sûr, de 1951 à 1991. Plus une version comme récitant des poèmes non mis en musique par Schubert (version Bostridge & Johnson chez Hyperion).
5 versions : Peter Schreier, de 1971 à 1989. Bel exploit pour une voix peu avenante et un chanteur qui n'a pas du tout le même statut international ou starisé que d'autres collègues. Sa voix et sa conception du cycle restent, au passage, très similaires.
4 versions : Ernst Haefliger, de 1959 à 1982. Pour lui au contraire, depuis la franchise un peu blanche de la voix de 59 jusqu'à l'instrument un peu lassé de 82 (avec pianoforte), il y a plusieurs mondes parcourus.
4 versions : Hermann Prey, de 1971 à 1986.
4 versions : Fritz Wunderlich, de 1957 à 1966. Attention à l'effet d'optique : le statut icônisant de Wunderlich a conduit à l'édition de nombreux témoignages sur le vif (57 et 59 avec Stolze, ainsi qu'un concert de 65 avec Giesen, juste avant le studio DG). Il n'y a pas eu de démarche de réenregistrement, en réalité – et, sur une période aussi courte, on verra peu d'évolution d'une conception assez lyrique et fort simple.
- 3 versions : Walther Ludwig, de 1949 à 1957. - 2 versions : Jorma Hynninen (même pianiste), Benjamin Luxon, Wolfgang Hozlmair, Zeger Vandersteene (même pianiste), Andreas Schmidt (même pianiste), Florian Prey, John Elwes, Ian Bostridge, Christoph Prégardien, Matthias Goerne, Konrad Jarnot, Michael Schade.

Tempo : – Le cycle se joue habituellement pour une durée autour d'une heure, qui tend d'ailleurs à augmenter, depuis 2008, vers une moyenne plutôt autour de 65'. L'immense majorité des disques se tiennent entre 55' et 68'.
- Franz Navál à 31'03 et Germaine Martinelli à 36'04 ne sont pas des extraits ; ils chantent réellement deux fois plus vite que les autres. [Il faudra néanmoins vérifier s'il ne manque pas des strophes, je n'ai pas eu l'impression chez Martinelli, mais je n'ai pas écouté tout Navál.] Ce n'est pas tant que les parties vives soient précipitées : il n'y a pas d'alanguissement dans les parties lentes, qui filent droit. Je n'ai au demeurant aucune impression de précipitation en les entendant, surtout Navál qui manifeste beaucoup d'équilibre. Même à l'époque de Martinelli (on n'a pas beaucoup d'autres témoignages intégraux d'avant 1930...), ce minutage était atypique.
– Sinon, dans les rapides plus « normaux », on peut citer Walther Ludwig III (50'37), Singher (52'08) qui ne paraît pas du tout excité, Vinogradov (53'41).
– Pour la lenteur, le spectre est encore plus étagé. On ne trouve que Fischer-Dieskau 51 à plus de 65' (66'06), valeur qui n'est approchée que par Haefliger 59 (65'02) et Bufkens, avant les années 70. Il faut attendre Tappy en 1974 pour dépasser cette barre. Et il est un fait qu'au fil du temps, à partir des années 70 et singulièrement depuis 2000, le nombre de versions lentes (au-dessus de 65') tend à augmenter. Sans que cela s'entende vraiment, la fourchette étant minime et les changements de tempo nombreux (et diversement abordés).
– Le record est détenu par Schade II & Buchbinder (71'51), Goerne II & Eschenbach (71'03), Tappy & Lifschitz (70'53), P. Naef & Bassa (70'17), Goerne I & Schneider (70'01). Szmyt, Hadjikinova et Jarnot II sont aussi au-dessus de 68'. Dans le cas de Goerne, on entend bien la lenteur, parce que les mouvements lents sont vraiment suspendus. Ce n'est pas évident pour tous les cycles au-dessus de 65'.

3. La sélection de CSS

¶ Je n'ai bien sûr pas pu tout entendre (une soixantaine de cycles), mais je peux mentionner :

  • Ian Partridge & Jennifer Partridge,
  • Matthias Goerne I & Eric Schneider,
  • Jonas Kaufmann & Helmut Deutsch IV,
  • Christian Gerhaher & Gerold Huber I,
  • Francisco Araiza & Irwin Gage,
  • Hans Peter Blochwitz & Cord Garben,
  • Josef Protschka & Helmut Deutsch I,
  • Jorma Hynninen II & Ralf Gothóni II,
  • Brigitte Fassbaender & Aribert Reimann,
  • Olle Persson & Mats Bergström,
  • Gérard Souzay & Dalton Baldwin

comme particulièrement souverains, dans des genres très différents.

¶ Ce n'est bien sûr que mon goût personnel : Bostridge, Padmore, Bär (fantastique, mais le piano de Parsons me gâche vraiment le plaisir), Mammel II (surtout pas le I, mal chanté), Marshall, de Mey, Schade, Trekel, Kobow, van Egmond, Hendricks, Jarnot, Prégardien, Krebs, Fischer-Dieskau (avec des réserves sérieuses), Schiøtz, Haefliger, Wunderlich, Güra et quelques autres méritent complètement le détour, et je prends aussi beaucoup de plaisir chez eux, notamment.

¶ Je peux tout de même nommer aussi quelques rares cycles dont je ne recommanderais pas la fréquentation :

  • Dietrich Fischer-Dieskau I & II : très vocal (la voix est même lourdement couverte en 51, aux antipodes de ses Winterreise de ces années), dur, peu expressif, et tout à fait à côté du sens. Ce n'est pas que parce qu'on attend beaucoup de DFD, c'est vraiment parce que ça ne fonctionne pas du tout. Cela dit, il faut l'écouter, parce que c'est DFD, et que si on veut pouvoir causer avec d'autres mélomanes, il est bon d'avoir un avis dessus.
  • Christian Elsner : ici aussi, alors que son Winterreise (avec le Quatuor Henschel) est très valable, la voix s'engorge jusqu'au naufrage. Même pas intéressant expressivement.
  • Jochen Kowalski : pour falsettiste, ça ne fonctionne pas du tout. Trop mis à distance pour du romantisme, et puis les mots sont noyés dans l'émission lâche. En musique populaire (en tout cas celle de ce genre), même les sopranos utilisent la voix de poitrine, pour des raisons de proximité, de stabilité, de naturel, d'élocution. Alors un homme en fausset...
  • Lotte Lehmann : vraiment pas expressif, lourdement chanté, et l'accompagnateur (Ulanowsky) sonne surtout comme un répétiteur. Pas du tout horrible, néanmoins.
  • Les versions avec Peder Severin, Elka Puukko et David Breitman sont, tout simplement, très mal chantées. La dernière est même difficile à croire pour un chanteur professionnel (voire pour un semi-professionnel).


¶ Côté accompagnateurs, se distinguent tout particulièrement Deutsch (avec Kaufmann en particulier, mais aussi avec Protschka) pour le tranchant et la danse, Schneider pour le galbe, Gothóni pour le tranchant, Eisenlohr pour la souplesse musicale. Et plus discrets, Huber (avec Gerhaher) ou Gage (avec Araiza) font montre d'un grand goût.

¶ Au chapitre des souhaits, on peut regretter qu'Anthony Rolfe-Johnson, Mark Ainsley, Thomas Bauer (du moins dans son état d'il y a cinq ans) ou Henk Neven n'aient rien laissé au disque. Sur le vif (et à la radio), Fouchécourt (avec Planès au pianoforte) a été particulièrement mémorable, rendant au cycle toute sa dimension de chansons populaires sans arrières-pensées.

4. Registre d'abréviations

À des fins de clarté, je n'ai pas multiplié les informations. Ne figurent pas le nombre de publications chez un label donné ni les tessitures exactes de chaque interprète – paramètre d'autant plus intéressant qu'il évolue au fil d'une carrière, et permet de se représenter ce qu'on entendra. S'il y a des questions à ce sujet, il suffit de les poser en commentaire.

Les dates sont celles d'enregistrement. Évidemment, vu la quantité d'information à traiter, il n'a pas été possible de toujours les contre-vérifier, il reste donc des manques, ou des dates qui peuvent être celles de publication, voire de réédition. En principe très peu, j'ai tâché d'être vigilant.

En gras, les cas atypiques.

s : soprano
ms : mezzo-soprano
a : alto
t : ténor
br : baryton
bs : basse
pf : pianoforte
hkl : Hammerklavier
hfl : Hammerflügel
St : Steinway moderne
LD : libre de droits en France, donc probablement partout dans le monde, le droit français étant particulièrement restrictif ; susceptible d'être publié sous divers éditeurs, et librement copiable et distribuable.

La numérotation en chiffres romains indique que la commercialisation de plusieurs témoignages chez un artiste. Évidemment, au fil des reparutions.

Quelquefois, les voix peuvent s'écarter de la catégorie officielle de l'artiste. J'essaie de m'adapter à ce qu'il fait dans le cycle.

5. Liste complète

Et voici le matériau discographique :

Suite de la notule.

jeudi 4 avril 2013

Michelangelo FALVETTI, Le Déluge universel : l'esthétique intermédiaire du baroque italien


A l'occasion de la réécoute, cette fois en salle, du fascinant oratorio exhumé en septembre 2010 par la Cappella Mediterranea de Leonardo García Alarcón, l'envie d'évoquer cette étape du style italien encore très parcellairement documentée par le disque.


Vidéodiffusion de la RTBF, mise en ligne par Fernando Guimarães - l'interprète de Noé.


1. Style général

L'oeuvre est écrite en 1682 pour Messine, bien postérieurement à la naissance du genre opéra, et sensiblement avant que la fascination pour la voix humaine ne fasse totalement changer de face l'histoire du genre.

Si l'on doit rapidement situer :

Dans la première moitié du XVIIe siècle,

différents styles coexistent, mais quel que soit leur degré de lyrisme et d'ornementation, ils se caractérisent tous par le souci de renforcer la déclamation. Bien que les livrets soient déjà moins profonds, plus divertissants que les pièces parlées « sérieuses », la musique a avant tout pour tâche d'en seconder le sens et d'en souligner les effets. Cela s'entend tout particulièrement chez Peri, dans les Monteverdi baroques (Le Retour d'Ulysse et Le Couronnement de Poppée), et bien sûr chez Cavalli.
Les "airs" proprement dits sont ponctuels, destinés à laisser s'épancher un sentiment précis.

Au XVIIIe siècle au contraire,

l'intérêt du public pour la voix (ainsi que le développement technique des chanteurs, vraisemblablement) a conduit les compositeurs à écrire des oeuvres toujours plus virtuoses, où les ornements engloutissent tout entier un texte de plus en plus prétexte. Il suffit de comparer, dans cet âge de l'opéra belcantiste baroque (celui que nous nommons usuellement opera seria), l'ambition de panache et de couleur locale des titres (antiques mythologiques, antiques historiques, médiévaux...), et leurs trames, toutes semblables, et plus encore leur vocabulaire, complètement identique. Les même situations de quiproquos amoureux soi-disant tragiques (mais avec lieto fine obligé), les mêmes métaphores des yeux-lumières et de l'âme-tourmentée-bateau-dans-la-tempête se trouvent partout, et sans variation véritable.

Ces oeuvres se structurent par ailleurs, contrairement à la déclamation libre du siècle précédent, dans un carcan très serré : alternance entre récitatifs (« secs », c'est-à-dire accompagnés par la seule basse continue) et airs (exceptionnellement des duos, des choeurs ou des ensembles). Les récitatifs restent presque toujours sans grand intérêt musical, même chez les grands compositeurs souverainement dotés, et servent à faire progresser l'action. Tout l'intérêt de ce théâtre se situe dans les airs, qui expriment des sentiments stéréotypés, mais avec une grande agilité et quelquefois un effort de couleur (harmonique) pour dépeindre les affetti.

La seconde moitié du XVIIe siècle

est en réalité très peu documentée par le disque - et les partitions ne sont pas rééditées, ni toujours trouvables, même à travers le monde ! Le Festival de Schwetzingen a monté, en 2007, une production d'Il Giustino de Giovanni Legrenzi qui était un des rares actes de réapparition au grand jour de cette période de la musique italienne (dans d'excellentes conditions musicales : Hengelbrock, Balthasar-Neumann-Ensemble, Kulman, Nigl, Wey, Galou...). Radiodiffusée à travers l'Europe, cette recréation n'a en revanche jamais été publiée en disque. Je ne puis pas garantir que ce soit absolument le point de départ, mais ce le fut en tout cas pour l'opéra.

On pouvait y entendre un langage étonnant, où les finesses harmoniques du premier baroque se mêlaient à une écriture plus vaillante et virtuose (en particulier du côté des voix), sans renoncer à l'importance de la déclamation. Depuis, un nombre important de publications Legrenzi ont suivi (oratorios, musique cultuelle, musique de chambre...).

Michelangelo Falvetti appartient à cette période, et Il Diluvio universale représente également une révélation importante.


Dessin d'Henri Gissey à l'encre brune et à l'aquarelle (1670), vraisemblablement le dessin préparatoire pour une embarcation sur le Grand Canal de Versailles.


2. Il Diluvio universale - Structures

Le genre de l'oratorio (surtout dramatique) est en lui-même une forme un plus récente par rapport à l'opéra et bien sûr à la musique liturgique - il en existe néanmoins dès le début du XVIIe siècle, même si son apparition est postérieure à celle de l'opéra (dont elle suit pour partie les modèles). L'oratorio a un sujet sacré, mais au contraire de la musique liturgique, il est le plus souvent d'essence dramatique (parfois "romancé"), et destiné à être joué (certes à fin d'édification) en dehors du culte. Une sorte de célébration profane, dont il n'est pas toujours aisé de démêler la part de mondanité hédoniste de l'enthousiasme mystique.

La constitution du Déluge de Falvetti est particulièrement remarquable (et simple) ; chaque "entrée" comprend ainsi :

  • des dialogues (accompagnés par tout l'orchestre, pas de recitativi secchi), destinés à faire avancer les idées, et souvent dotés d'un caractère un peu dialectique ;
  • un air (orné, mais dans un style plus proche du premier XVIIe que que premier XVIIIe), la plupart du temps sur un motif cyclique et obstiné à la basse continue ;
  • un choeur final (en réalité un ensemble prévu pour cinq chanteurs, davantage de type madrigal) ; ces "choeurs" constituent à chaque fois un sommet musical à la fois très varié d'une section à l'autre, et très impressionnant en termes de qualité et d'audace.


Le livret lui-même, dû à Vincenzo Giattini, est vraiment étonnant : les Eléments y devisent sur le sort de l'humanité, Noé y dispute avec Dieu (et y incarne davantage la voix de la tempérance et de la raison que son Interlocuteur !), la Mort y danse la tarentelle, un choeur entier périt sous les eaux et la Nature Humaine sombre dans l'abîme !

3. Grands moments

Leonardo García Alarcón a l'honnêteté (rare pour ce genre de découverte) de rendre précisément hommage à l'auteur de la découverte (Vincenzo Di Betta, choriste ténor dans l'ensemble vocal Antonio il Verso, lors d'une répétition à Palerme, en 2002), et raconte comment il a été avant tout intrigué par l'air de victoire de la Mort, écrit très joyeusement en majeur sur un rythme endiablé de tarentelle.
Ce n'est néanmoins pas le moment le plus nourrissant musicalement, et même pas le plus bel air de la partition, mais il est vrai que dans la logique du livret, voir la Mort descendre se vanter plaisamment de l'extinction de l'humanité, et voler la vedette au message moral du Déluge (pour ne pas dire à Dieu lui-même !) a quelque chose de puissamment incongru - presque dérangeant. Le genre de fantaisie que n'autorisent pas, en principe, les grands sujets édifiants des oratorios.

En réalité, si l'on passe sur de superbes trouvailles (touchant et long duo entre Noé et sa femme, brillant colloque des Eléments, grandiose leçon de la Justice Divine en guise de Prologue...), les moments les plus intenses se trouvent systématiquement au moment des ensembles à la fin de chaque séquence :

  • l'ensemble de la Justice Divine et des Eléments, dans une veine assez figurative et très spectaculaire, au terme d'une scène qui utilise le style concitato (la colère monteverdienne, celle de Tancrède et Clorinde) à cinq voix ;
  • le duo extatique (en réalité fondé sur une imploration) des époux Noé ;
  • le choeur (divisé) du Déluge proprement dit ;
  • le choeur d'agonie des Hommes, extrêmement saisissant, qui se termine sur une phrase inachevée (là aussi, un procédé très inhabituel avant les romantiques !), ingoio la Mor... (« j'avale la Mo... ») ;
  • le choeur de déploration sur le Monde et la Nature engloutis (un madrigal à cinq voix magnifique) ;
  • le choeur de jubilation de la fin de la montée des eaux ;
  • le choeur en beaux tuilages de l'arc-en-ciel ;
  • le choeur d'action de grâce final, une sorte de Schlußchor avec l'exaltation du Messie de Haendel (Worthy the Lamb...), mais un langage qui évoque largement L'Orfeo de Monteverdi.


Ces différents épisodes, tous à la fois originaux et remarquablement aboutis musicalement, font tout le prix de cette oeuvre, qui serait sans cela avant tout une plaisante bizarrerie. Mais la quantité d'excellente musique y est en fin de compte assez considérable.

L'oeuvre a en outre le mérite de la brièveté, élaborée en une seule grande partie et des sections très resserrées, ce qui procure une impression de densité assez délectable - sans l'impression de redondance librettistique ou musicale qui advient très régulièrement dans les opéras du baroque italien, quelle qu'en soit l'époque. [1]

4. La part du XXIe siècle

Si l'on veut être tout à fait lucide, Giattini et Falvetti ne sont pas les seuls à féliciter.

L'orchestration n'étant selon toute vraisemblance pas indiquée sur la partition originale, il faut en créditer le chef (ou son équipe). Elle n'a rien d'exceptionnel : outre les cordes frottées, on y trouve les cornets à bouquin (instruments en perte de vitesse à cette date - choix un peu archaïsant vu l'audace de la partition !) et les sacqueboutes (là aussi, on pourrait discuter leur grande intégration à l'orchestre) ; et au continuo, deux théorbes (je n'ai pas pu vérifier l'accord, plus aigus, aigrelets et mélodiques, n'étaient-il pas plutôt des archiluths ?) [2], une harpe (là aussi, choix un peu Renaissance), deux violes de gambe, un violoncelle, une contrebasse et un positif.

L'organisation des chanteurs aussi était un choix du chef, avec des effets de groupe très réussis : au sein d'un même "numéro", pour éviter le sentiment de redite, les choeurs venaient renforcer certains solistes, puis se retiraient, ce qui procurait un certain relief (y compris dramatique) à des pièces qui auraient pu être plus statiques.
A l'origine, il s'agissait même d'un dialogue (genre caractéristique de la musique sacrée, en particulier italienne, très en vogue au XVIIe siècle) pour cinq voix - donc vraisemblablement sans choeur.

Mais surtout, les parties récrites, en particulier au continuo (Thomas Dunford et Francisco Juan Gato s'en sont donné à coeur joie !), étaient extrêmement importantes. Non pas des improvisations, mais un travail de co-compositeur avec Falvetti, à quelques siècles de distance. Quantité de mélodies non écrites, de contrechants, de figures d'accompagnement s'ajoutaient ainsi. Souvent avec bonheur, comme cette lente esquisse de l'apparition de la pluie (absolument pas évoquée dans la musique réellement écrite qui suit), ou comme ces émergences du silence ; parfois de façon un peu excessive, comme ces ritournelles qui évoquent davantage Santiago de Murcia ou Gaspar Sanz que l'Italie du second XVIIe, et certainement pas l'atmosphère d'un oratorio, même un peu loufoque !
La quantité de musique écrite pour l'occasion est en réalité assez considérable : en dehors des choeurs, où toutes les parties vocales doivent être écrites, il y a beaucoup des continuistes et du chef dans la partition jouée !


Dessin à la plume, à l'encre brune, à la pierre noire et au lavis gris (traces de sanguine), attribué à Pierre Lepautre et représentant un lit en forme de nef. Réalisé entre 1680 et 1705, d'après Jean Berain.


5. Authenticité ?

J'ai déjà eu l'occasion de dire, à de multiples reprises, ma défiance vis-à-vis de ce concept (voir par exemple : 1,2,3), mais on se pose quand même légitimement la question : avec tous ces ajouts, entend-on réellement l'oeuvre, ou une distorsion infidèle d'icelle ?

Lire la suite.

Notes

[1] Cette affirmation gratuite demanderait à être explicitée avec des faits plus précis, mais vu la quantité de remises en contexte déjà nécessaires pour cette notule, on y reviendra plus tard si l'occasion s'en présente - ou bien dans les commentaires, si des contestations se font jour. Ceci simplement pour signaler que cela procède certes d'une évaluation personnelle de ce qui est long ou non, mais se fonde tout de même sur quelques caractéristiques qu'il est possible de nommer.

[2] Après vérification sur le programme, il est question de "luths", ce qui corroborerait cette impression. Mais ce sont essentiellement les notes de l'accord et son organisation rentrante ou non qui font la différence, difficile à dire sans l'avoir vérifié soi-même...

Suite de la notule.

lundi 3 décembre 2012

Offenbach - Les Contes d'Hoffmann - aux sources du livret


Ce texte fait suite au point général sur la genèse et les multiples éditions de l'oeuvre. Il y a été dupliqué pour faciliter la lecture.

4. L'adroit fatras du livret

Car du côté du texte également, l'ouvrage ne se signale pas par la simplicité la plus pure.

Le livret des Contes provient directement (comme Faust de Gounod !) de la pièce de 1851 Jules Barbier et Michel Carré - qui se sont mainte fois signalés dans l'adaptation des grands standards littéraires : Goethe (Faust, Mignon), Hoffmann, Shakespeare (Roméo et Juliette, Hamlet), Molière (Le médecin malgré lui), Corneille (Polyeucte)...

Le principe de la pièce est discutable mais astucieux : une collection de personnages et de situations tirés des nouvelles d'Hoffmann, et reliés par l'unification du héros amoureux - devenu Hoffmann lui-même (pour des raisons de publicité, je suppose). Ce choix n'est pas totalement arbitraire, dans la mesure où les récits à la première personne, avec des héros empruntant certains traits à leur auteur, ne sont pas rares chez Hoffmann.

Les auteurs se sont néanmoins amusés, dans le cadre de cet usage un peu sauvage de trames et de personnages qui ont tout juste le temps d'être caractérisés (là où Hoffmann travaillait finement son art du climat), à glisser nombre de références, au delà des intrigues qui servent de support aux trois femmes.

Acte d'Olympia :
- Fondé sur « Der Sandmann » (« L'Homme au sable ») des Nachtstücke (Contes nocturnes, 1817), où le héros rencontre Spalanzani (physicien obsessif) et Coppelius (démiurge de l'optique).

Acte d'Antonia :
- Fondé sur « Rat Krespel » (« Le Conseiller Crespel », plus célèbre sous le titre « Le violon de Crémone »), l'une des nouvelles les plus célèbres d'Hoffmann, tirée de Die Serapionsbrüder (Les Frères Sérapion, 1819). Dans le texte original, l'interdit qui règne est bien plus subtil, et nimbé de mystère et de culpabilité pour le héros, le personnage de Crespel plus enthousiasmant aussi, mais l'objet final constitue en réalité une transposition adroite de la matière vers l'efficacité scénique d'un drame musical, avec ses moments suspendus.
- Cela se fait avec l'introduction de la figure très opératique du Docteur Miracle, inspiré du personnage d'Ottmar, en communication avec des régions mystérieuses dans « Der Magnetiseur » (1814, publié dans les Fantasiestücke in Callots Manier), qui permet de mettre en branle toute la machinerie tragique, de façon plus spectaculaire qu'avec le sobre récit postérieur de Crespel.
- La mort de trop chanter se trouve également dans le « Don Juan » du recueil Callot.

Suite de la notule.

dimanche 2 décembre 2012

Offenbach - Les Contes d'Hoffmann - la (nouvelle) nouvelle édition Keck


A l'occasion des représentations par Minkowski et les Musiciens du Louvre, un petit point sur cette partition, l'une des moins fixes de tout le répertoire.


Revoici l'extrait mis en ligne cet été pour CSS : Mireille Delunsch sous la direction de Marc Minkowski à Lausanne en 2003, précédente version Keck. En attendant un peu de la nouvelle.


1. La création

D'ordinaire, les musicologues se réfèrent au manuscrit original, au matériel de la création, ou à la dernière révision du compositeur (ou approuvée par celui-ci). Il est donc possible de fixer éventuellement plusieurs éditions, mais toutes cohérentes : l'oeuvre originale, l'oeuvre originale rectifiée par la scène, l'oeuvre remaniée...

Pour Les Contes d'Hoffmann, ce n'est pas possible.

En 1873, Offenbach contacte Jules Barbier (survivant du duo Barbier-Carré, célèbre pour ses succès notamment avec Meyerbeer et Gounod) pour qu'il adapte sa propre pièce de 1851. Le but pour Offenbach est de triompher à l'Opéra-Comique où il n'a connu que des succès mitigés, mais il prévoit également d'écrire des récitatifs pour remplacer les dialogues parlés typiques de la facture opéra-comique, et pouvoir exporter son opéra à Vienne et Londres.

Mais il advient revers sur revers, et tour à tour le changement de direction de l'Opéra-Comique, l'impossibilité au Théâtre-Lyrique, la faillite de la Gaîté-Lyrique en 1878 repoussent le projet. C'est finalement l'Opéra-Comique qui endosse définitivement la création (avec commande ferme de la version en récitatifs pour le Ringtheater de Vienne) ; mais son célèbre directeur Léon Carvalho demande en échange des changements dans les profils vocaux des personnages.
Hoffmann, à l'origine un baryton (promis à Jacques Bouhy, créateur d'Escamillo et de Don César de Bazan de Massenet), devient ténor pour Alexandre Talazac (après ses succès en Roméo de Gounod). Stella doit être confiée à Adèle Isaac, soprano colorature à large ambitus (alors que les quatre rôles étaient semble-t-il prévus pour une voix plus large et sombre), et le rôle d'alto de Nicklausse est offert à la jeune prodige Marguerite Ulgade, soprano léger (d'où les nombreux changements d'airs selon les sources).

Pendant les répétitions de 1880, l'oeuvre subit des ajustements de la main du compositeur, mais celui-ci meurt au début du mois d'octobre. Auguste, son fils, confie l'achèvement des retouches à Ernest Guiraud (qui composera également les récitatifs pour Vienne), et Carvalho, inquiet de la longueur de l'ouvrage, décide de couper l'acte de Venise, contre l'opinion de Jules Barbier - puisque cela déstabilise toute le concept même de l'ouvrage.

Excellent accueil néanmoins à la création de 1881.

En 1887, le théâtre brûle, avec le matériel d'orchestre de la création, irrémédiablement perdu.

Malgré les succès des Contes d'Hoffmann, il faut attendre qu'Albert Carré en programme une nouvelle procduction en 1911, dirigée par Albert Wolff, pour que l'ensemble des actes soient donnés.

2. Etats de la partition

Rien qu'en s'en tenant à l'époque de la création, on dispose donc de plusieurs sources partielles et contradictoires.

1) La partition d'origine pour piano et chant, avec Hoffmann baryton (1879).

2) La partition pour piano et chant avec les nouvelles tessitures (1880).

3) La partition pour piano et chant avec les ajustements de la création (1880), mais ajustements incomplets.

4) La partition avec les dernières mises au point de Guiraud (1881).

5) La partition avec récitatifs de Guiraud.

On ne dispose donc pas de l'orchestration originale. Tout ou partie de ces partitions ont été perdues, et parfois retrouvées au fil des ans (1970, 1984, 1993, 2004 !).

Par ailleurs, l'oeuvre finale comporte des ajouts, par exemple le superbe sextuor apocryphe de l'acte de Venise, dû à Raoul Gunsbourg (par ailleurs compositeur d'opéras, son Ivan le Terrible est réellement intéressant) qui l'introduisit lors de la création des Contes à l'Opéra de Monte-Carlo (1904) dont il était directeur.

Considérant que ces versions sont fragmentaires et mutuellement exclusives, il est compliqué, aussi bien pour les musicologues que pour les chefs d'orchestre, d'opérer des choix cohérents - d'autant qu'il existe plusieurs versions alternatives pour chaque section.

3. Les éditions du marché

=> L'éditeur Choudens a proposé plusieurs versions de l'oeuvre. Les premières ne contiennent pas l'acte de Venise, et sont assez fragmentaires aussi sur la musique que nous connaissons aujourd'hui.

=> La cinquième édition Choudens (1907) est celle qui fait référence, jouée partout dans le monde, sauf expériences musicologiques. Au fil des ans, elle s'enrichit des restitutions d'autres éditions, mais demeure la base de la plupart des représentations des Contes.
- L'acte de Venise y est placé comme la deuxième rencontre féminine (devenant une initiation de jeunesse et non plus la marque déliquescente d'un héros vieillissant comme dans le projet originel), et non en troisième position. Il est de plus en plus fréquent désormais que les actes soient remis dans leur ordre "légitime", même en utilisant cette édition. Les ajustements de Guiraud comprennent la réitération de la fameuse barcarolle empruntée aux Rheinnixen, avec en particulier un très beau mélodrame servant de support à la mort en duel de Schlémil.
- En cet état, le livret comporte plusieurs manques étranges et petites incohérences dans les références des répliques.
- Toutes les versions d'avant les années 70 l'utilisent, et un grand nombre par la suite (avec quelques amendements éventuels) - étant libre de droits et déjà acquise par les théâtres, la tentation est forte d'en rester là.

Suite de la notule.

dimanche 18 novembre 2012

Vincenzo BELLINI - I Puritani, une oeuvre à part (Pidò, Lyon, TCE 2012)


Il y a très longtemps (au moins un lustre, je crois bien) que je ne suis pas allé voir un opéra italien du grand répertoire. Ce n'est même pas faute de les aimer, mais ils sont tellement fréquents qu'on ressent difficilement l'urgence de se précipiter quand tant d'autres choses, plus rares et plus prégnantes en salle, sont à entendre.

Ce sera l'occasion pour une petite plongée dans l'économie dramatique et musicale du belcanto, dont j'ai peu parlé jusqu'ici.


Extrait de l'acte II de cette soirée.



1. Le belcanto

En ce qui concerne le belcanto, je suis en revanche beaucoup plus réservé que sur l'opéra italien dans sa globalité : qu'il soit baroque (Haendel, Vivaldi, Hasse), classique (Haydn, Cimarosa, Mozart) ou romantique (Rossini, Donizetti, Bellini), il se fonde sur la répétition à l'infini de schémas extrêmement sommaires musicalement.

=> En matière d'harmonie, c'est du 2-5-1 ou 2-4-1 à l'infini, sans qu'on ait en contrepartie, comme dans le répertoire français ou dans le répertoire italien du XVIIe siècle, pas forcément plus riches harmoniquement, une liberté d'improvisation remarquable dans les récitatifs (du côté du continuo).

=> Les rythmes, à partir de la période classique, et particulièrement chez les romantiques, procèdent de choix extrêmement réduits, souvent de simples arpèges en croche, ou des carrures de type polonaise pour les cabalettes.

=> Tout cela n'est absolument pas compensé par un sens de la tension (comme dans le seria baroque) ou de la danse (comme chez les Français).

=> On pourrait faire le même constat de pauvreté pour Gluck, mais ce dépouillement y figure au service d'une ambition dramatique. Au contraire, dans tout le belcanto de 1700 à 1850, le livret convoque les héros les plus illustres du patrimoines pour leur faire accomplir les mêmes types d'airs obligés. Aucune différenciation, ni de de l'intrigue, ni du caractère sonore.

En réalité, la plupart de ces opéras sont de simples prétextes pour étancher la soif de spectaculaire vocal, et servir d'écrin à des interprètes d'exceptions, en faisant autant que possibe étalage de leur puple sonore, de leur virtuosité, de leur étendue et de leur éclat. Ce n'est plus à proprement parler du théâtre, ni même de la musique, on se situe dans un autre paradigme - qui, à titre tout à fait personnel, m'intéresse sensiblement moins.

2. Le belcanto romantique

Peu d'oeuvres échappent à cette malédiction. Je peux même dire qu'il s'agit de l'un des très rares répertoires où, lorsqu'on fouille du côté des compositeurs oubliés, on perd très vite l'envie d'en entendre davantage : toujours la même musique, et en général encore plus sommaire que celle de Bellini ou même Donizetti.

On peut retrancher de cette affirmation le répertoire comique, qui n'obéit pas aux mêmes règles et qui se révèle infiniment plus inventif dans les livrets, avec même quelques bijoux particulièrement précieux dans le répertoire toutes nations confondues (tel le Turco in Italia de Romani d'après Mazzolà). L'écriture musicale y est aussi plus libre, avec des moments belcantistes, mais aussi beaucoup d'ensembles, de sillabando et autres jeux de parole.

Mais pour ce qui concerne le répertoire sérieux, alors qu'il existe quantité d'oeuvres peu profondes mais électrisantes dans le répertoire baroque, qu'un certain nombre d'opéras classiques conservent une certaine musicalité (typiquement Lucio Silla de Mozart, tout à fait vain dramatiquement, mais mélodiquement convaincant)... le monde est un peu vide chez les romantiques. Essentiellement de l'étalage vocal, même pas marquant mélodiquement, et de surcroît vouant un culte au legato qui entraîne des formules et des climats à mon sens assez ennuyeux.

Non pas qu'il faille tout jeter, mais en fin de compte les oeuvres célèbres sont celles qui méritent l'attention, à commencer par Norma de Bellini, très inspirée mélodiquement et plutôt performante dans ses climats. D'autres, quoique inégales, comme Lucia di Lammermoor, contiennent des moments de grande prégnance qui justifient leur statut, ou quelquefois un livret atypique (Maria Stuarda, un petit crêpage de chignon princier involontairement fendard). Je n'évoque pas Rossini, parce que je ne goûte pas du tout son lyrisme di forza.

En revanche, du fait du cahier des charges différent, ces compositeurs réussissent souvent très bien dans l'opéra français (Guillaume Tell, Moïse et Pharaon, La Favorite, Les Martyrs...), et les adaptations italiennes (sauf pour Poliuto, l'original des Martyrs) de ces ouvrages se révèlent par conséquent considérablement plus intéressantes que les productions directement destinées à la Péninsule.
Ce n'est donc pas tant le talent intrinsèque des compositeurs que le cahier des charges qui crée de la frustration.

3. Les Puritains, une exception

Les Puritains de Bellini (1835) occupent véritablement une place à part, pour plusieurs raisons. Si bien qu'il s'agit, à mon gré, du plus bel opéra du belcanto romantique sérieux, et d'une des très belles pièces du répertoire d'opéra en général. Qui puisse s'en approcher parmi ses contemporains italiens, je ne vois guère que Norma (1831) par le même, et Il Diluvio Universale (1830) de Donizetti (musicalement beaucoup plus recherché que la norme - et d'ailleurs sur un livret inspiré à la fois de la Bible, de Byron et d'une tragédie italienne de la seconde moitié du XVIIIe siècle !).

Pourquoi ce statut particulier des Puritains ?

D'abord, un livret assez astucieux du comte Carlo Pepoli, inspiré d'Ancelot & Saintine (Têtes rondes et cavaliers). Le début de l'oeuvre, avec les personnages émergeant un à un de l'église (même si les didascalies recommandent des changements de tableau), l'organisation de duos assez originaux (récit des dernières volontés fléchies du père d'Elvira, Arturo Talbot suppliant la Reine de vivre, le duel manqué avec Riccardo Forth...), l'étrange fin reposant sur une longue supplique (Credasi misera)...
Néanmoins, ce livret n'évite pas les platitudes, en particulier son acte consacré tout entier à la description de la folie qu'il évoquait pourtant fort bien à la fin de l'acte I. Ni librettiste ni compositeurs n'avaient vraiment le choix, il s'agit d'un invariant du genre, qui permet quantité de coloratures supposées « crédibles » - puisque les folles chantent avec inspiration. Mais cela reste assez superfétatoire.

Sur cette matière-première plutôt meilleure qu'à l'habitude, Bellini parvient à créer une atmosphère d'une qualité exceptionnelle.

L'harmonie

Déjà, rien qu'au sens purement musical, il se passe beaucoup plus de choses qu'à l'accoutumée.

Il suffit de regarder les premières mesures de l'opéra, une petite fanfare qui n'a l'air de rien.


D'ordinaire, pour une musique de ce type, on se contenterait d'une cadence à deux termes (V-I), éventuellement à trois, et de les jouer sur plusieurs renversements. Ici, Bellini utilise trois tonalités différentes (même si, d'un point de vue technique, on est plus dans l'emprunt furtif que dans la modulation franche) pour une seule phrase musicale, et changera même le parcours de la suivante (alors qu'on s'attendrait à une répétition exacte).

En jaune, le V-I en ré majeur (II-V-I avec demi-cadence la seconde fois : on attend la résolution) ; en parme, un II-V-I en si mineur ; en cyan, un V-I imparfait (la tierce est à la basse). Même Verdi s'en serait tenu à un petit IV-V-I sous plusieurs renversements, avec au maximum un emprunt, et une répétition à l'identique (peut-être à l'octave ou en changeant l'orchestration) la seconde fois.

Pour ceux qui ne sont pas familiers de l'harmonie écrite (parce qu'on en perçoit tous les effets à l'oreille !), on pourrait résumer comme suit : V représente l'état de tension, et I l'état de détente. On peut alterner simplement V et I ou y ajouter d'autres termes pour enrichir le discours, et aussi les changer de hauteur pour changer la couleur. Alors que la plupart de ses contemporains en resteraient, pour une ouverture, à deux ou trois termes sans changer de couleur, Bellini fait cet effort de variété qui évite le sentiment de stagnation.

L'orchestration

Bellini utilise de façon récurrente les cors (sous forme d'appels distincts, ou pour doubler les violoncelles), ce qui donne une couleur mélancolique et suspendue très particulière à beaucoup de pages dans cet opéra.

Ce ne sont que des exemples, mais Les Puritains regorgent de ce genre de détails qui rendent, précisément, cette musique saillante, sans l'aspect gamme-à-chanter qui prévaut dans la plupart des oeuvres de ce répertoire. (L'air final de Lucrezia Borgia de Donizetti est par exemple simplement fondé sur une gamme d'ut majeur montée en escaliers sur deux octaves, c'est tout. Evidemment, ce n'est pas très marquant à l'oreille, même si c'est un bon exercice de démonstration.)

La structure générale

En plus de ces efforts d'écriture et de son immense talent mélodique (sans doute ce qui est le plus difficile à isoler techniquement parlant), Bellini réussit quelque chose que je ne crois pas avoir entendu dans un autre opéra belcantiste sérieux : créer une structure cohérente. Beaucoup de retours de musique : A te o cara, le moment de promesse d'Arturo à sa fiancée ; les fanfares (variées, mais parentes) qui évoquent les soldats puritains... et d'une manière générale une couleur un peu mélancolique, les échos ou les doublures du cor qui évoquent un univers brumeux et militaire... vraiment le climat d'une forteresse anglaise dans un temps reculé. Sans parler de l'exploitation, plus importante qu'à l'accoutumée, du mode mineur (et de sa plus grande diversité).

Cette qualité d'évocation est le point fort et la grande singularité de cet opéra : il est très rare que le belcanto italien parvienne à imposer une couleur locale, une atmosphère générale permanente, une économie structurelle pertinente.

Par ailleurs, la qualité d'accentuation se révèle elle aussi supérieure à la norme - sans forcément parler de sens de la danse, les phrasés rebondissent très bien et très naturellement, sans le caractère un peu étale ou "carré" qui est généralement entendu dans ce type d'oeuvre.

4. CSS à l'aventure

Voilà donc ce qui a motivé (allié à une interprétation qui promettait l'enthousiasme) un voyage vers le Théâtre des Champs-Elysées. Voyage en plein coeur du Paris glottophile : la salle était complètement pleine, et les glottos étant les plus acharnés de pus, le moindre recoin, assis par terre ou debout dans un angle, où l'on pouvait mieux voir ou entendre, était occupé. J'en ai même vu, assis à moitié dans le vide sur la rampe de leur loge de galerie, suivre impavides tout le spectacle.

L'atmosphère aussi était sensiblement différente de mes habitudes : chaque grand air était chaleureusement applaudi, et même sur scène, tout le monde semblait familier avec le rituel, le ténor n'hésitant pas à aller embrasser le chef après un air poignant et avant de reprendre le cours de leur terrible histoire.
Je me sens très éloigné de cette tradition, et je la regrette un peu dans une oeuvre où, justement, la continuité et l'atmosphère excèdent tout à fait celles des autres opéras du même genre ; mais sur le principe, cela se défend tout à fait dans les oeuvres à "numéros" où les chanteurs sont très sollicités et où le public souhaite exprimer sa reconnaissance après un moment réussi.
Même chose, je vois rarement les solistes saluer individuellement (alors qu'il s'agit de leur moment de rétribution, tout de même), mais ici, après un premier salut collectif, on s'est empressé de faire défiler chacun - et comme il se doit, le ténor a bien pris son temps sous les suffrages du public.

Et, bien sûr, on n'a pas échappé aux quelques crétins (très très peu, deux ou trois, mais on ne voit pas ça ailleurs) qui ont essayé de huer le chef, pour faire croire qu'ils s'y connaissaient en direction d'orchestre. Tiens, il faudra que j'essaie ça à un symposium de physique, pour voir si on me confie un labo de recherche sur les muons à charge positive.

5. La force des glottes

Suite de la notule.

lundi 23 juillet 2012

[Sélection lutins] Une brassée de bons opéras contemporains, classés par courants


1. Le besoin

Comme manifesté encore récemment, mais depuis longtemps, l'opéra contemporain rencontre un certain nombre de difficultés structurelles : musicales (techniques de composition inappropriées à la voix), culturelles (défiance face à la grande forme), économiques (peu de remplissage, donc peu de créations possibles, et par conséquent peu d'entraînement pour les compositeurs), librettistiques (recrutement aléatoire des librettistes, souvent des potes pas très préparés).

Alors qu'il existe tout de même un certain nombre de pièces instrumentales (ou vocales !) très réussies dans le répertoire récent, l'opéra semble avoir totalement dévissé. Après avoir longuement disserté sur les causes de cette traversée du désert, il était temps de regarder sous l'angle opposé : que faut-il écouter en théâtre lyrique contemporain ?

Voici donc une tentative de liste et de parcours expliqué pour pouvoir faire son choix. Avec inévitablement sa (ma) part de subjectivité, mais, je l'espère, avec suffisamment d'explicitation pour en faire son miel.

Suite de la notule.

vendredi 28 octobre 2011

Henry Purcell - Dido and Aeneas - discographie (exhaustive ?)


1. Pourquoi ?

Chaque année, les productions de cet opéra miniature se multiplient dans le monde. Il faut dire que, d'une veine mélodique assez heureuse, il réutilise les recettes de la tragédie lyrique française (importance du récitatif ponctué d'ariettes, divertissements dansés...) en moins d'une heure, avec une belle force. Les exigences vocales en sont minimes, et il comporte plusieurs moments très marquants et accessibles, en particulier l'acte de caractère des sorcières et bien sûr la passacaille-aria finale, devenue un immense tube.

Ayant fréquenté un nombre assez important des versions disponibles sur le marché, je propose ici un petit panorama, en essayant de mentionner le maximum de celles qui ont été éditées, et en ne commentant bien sûr que celles écoutées. [J'avoue que celles qui me restent, à part Parrott II et Wentz, et encore modérément, n'attisent pas insurmontablement ma convoitise, et que je n'ai pas de hâte particulière à les découvrir...]

Bien sûr, avec toutes les réserves d'usage : j'ai tâché de décrire la typologie des versions plutôt que de les hiérarchiser, mais la discographie, plus encore que les oeuvres, fait appel à beaucoup de subjectivité, et il ne peut s'agir que d'indications à relativiser selon les goûts de chacun - certainement pas d'un bréviaire inaltérable.

--

2. Discographie

Suite de la notule.

samedi 1 octobre 2011

Ring Saga, la tournée


On avait déjà annoncé l'exploit de ce Ring pour ensemble de chambre, sa bizarrerie aussi - coupures, justifiées par des prétextes dramaturgiques assez douteux sur ce qui est utile et ce qui ne l'est pas...).

On avait même commenté les répétitions ouvertes au public, dans le Far West francilien. C'est dans ce même théâtre de Saint-Quentin-en-Yvelines que la production s'est répétée durant le mois d'août...

Et nous assistons désormais à la tournée dans la France entière. Arte nous fait la grâce de capter pour l'éternité et de diffuser sur son site de concerts Arte Live Web l'ensemble des quatre spectacles depuis Strasbourg. En ce moment même, Siegfried est en cours. Et les autres volets sont réécoutables ou le seront prochainement.

Je n'ai pas encore eu le temps d'y jeter un oeil, mais c'est évidemment vivement recommandé si jamais vous partagez un tant soit peu les perversions des lutins en direction des réductions et transcriptions de toutes sortes. Ou bien celles, moins originales, concernant les poids plumes dans les rôles écrasants.

--

Ring Saga, version du Ring de Richard Wagner arrangée par Jonathan Dove pour la réduction instrumentale, par Graham Vick pour les coupes dramaturgiques. Nouvelle production, dirigée par Peter Rundel et mise en scène par Alexandre Gindt.

--

Commentaires sur les différents volets :

Suite de la notule.

vendredi 9 juillet 2010

Première mondiale : Psyché d'Ambroise Thomas


En exclusivité sonore par le Lutin Chamber Ensemble.


Gravure de Raphaël Sanzio-Marc-Antoine (1939) pour le roman de La Fontaine, Les Amours de Psyché et Cupidon.
Une des premières illustrations de cette édition, mi-licencieuse mi-drolatique, assez dans le ton badin du texte lui-même.


Ambroise Thomas est trop souvent présenté comme un compositeur officiel, et en raison de sa fonction centrale de directeur du Conservatoire à Paris, il en effet était plus craint pour son influence que pour son talent. Il a néanmoins, hors Mignon qui a mal vieilli, laissé quelques oeuvres d'une qualité qui mérite considération, et en particulier Hamlet amplement vanté dans ces pages dès les premières années de CSS.



On a ajouté cette vidéo pour une perception plus visuelle de l'alternance des personnages, si jamais cela augmente votre confort...
Mais tout le texte et les commentaires demeurent ci-dessous.

Illustrations gracieusement fournies par Messieurs Luca Giordano, Francesco Albani, Edmé Bouchardon, Giovanni Da Bologna, Orazio Gentileschi, Claude Le Lorrain, Andrea Locatelli, Berthel Thorvaldsen, Jean-Baptiste Pigalle, Jean Siméon Chardin. Qu'ils soient chaleureusement remerciés pour leur coopération compréhensive et zélée.


--

1. Un sujet

Vient à présent le tour de Psyché, mais ici, nous avons dû dépoussiérer la partition nous-mêmes, puisqu'il semble qu'il n'existe aucun fragment jamais enregistré - et je ne dispose pas non plus de référence de concerts radiodiffusés, même si, dans la masse, cela a tout à fait pu exister avec un air ou un extrait.
Bref, une première mondiale.

Il s'agit de la version révisée de 1878, avec ses récitatifs chantés. Car l'original de 1857 sur le même livret de Jules Barbier et Michel Carré était un opéra-comique, qui comportait des dialogues parlés entre les "numéros" chantés.

Loin de sombrer dans la sucrerie sentimentale qu'on aurait pu à bon droit craindre, Thomas traite le sujet avec le même type d'ironie compatissante sur les faiblesses de caractère de ses personnages et le même type de regard distancié sur les coutures visibles de sa propre histoire... qu'on pouvait rencontrer chez La Fontaine.

Et c'est cet esprit plaisant, avec sa Psyché coquette (une vraie Sémélé), son Eros un peu naïf et son Mercure bateleur, qui séduit tout d'abord. L'écriture musicale est en outre raffiné, avec pas mal de belles modulations que n'aurait pas reniées Meyerbeer (même si, à l'époque de Thomas, elles n'ont plus rien de subversif).


Psyché sur la barque de Charon.


--

2. Un extrait

En voici l'enregistrement maison (vous pouvez aussi, pour plus de commodité, le télécharger au format mp3 ici). Le texte est égrené au fil de la notule.


--

3. Scène : Prière et dialogue des soeurs

Ici, Psyché est en proie à des hommages d'erreur de la part du peuple - confusion vénusienne qu'elle semble fort goûter, en coquette patentée. C'est le choeur initial, joué au piano, et suivi d'un interlude d'abord lyrique en prolongeant l'harmonie du choeur, puis dansant tandis que l'assemblée se retire.

Les soeurs de Psyché restent, et récriminent.

LA PREMIERE
Eh bien, vous le voyez, on la traite en déesse !
C'est Vénus qui descend des cieux !

LA SECONDE
Sur ses pas la foule se presse Et d'elle seule attend l'indulgence des dieux !

LA PREMIERE
On la dit la plus belle !

LA SECONDE
.............................. On la croit sans égale !

LA PREMIERE
Patience ma soeur ; par un brusque retour Tant de gloire a parfois quelque suite fatale.

LA SECONDE
Ecoutez ! Des pêcheurs se dirigent vers nous. Sous cet ombrage épais fuyons les yeux jaloux !




La loquace tour de passage vers le royaume des morts où Psyché passe en quête du fard de Proserpine.


--

4. Scène : Entrée d'Eros

Eros survient, accompagné par un choeur de tritons (!) à bouches fermées (au départ prévu a cappella, et après la petite tirade d'Eros complété par l'orchestre).

Au passage, il était déjà question de tritons chez La Fontaine (chez qui cependant toute intervention était proscrite) :

Psyché faisait alors des réflexions sur son aventure, ne sachant que conjecturer du dessein de son mari, ni à quelle mort se résoudre. A la fin, tirant de son coeur un profond soupir : Eh bien ! dit-elle, je finirai ma vie dans les eaux : veuillent seulement les Destins que ce supplice te soit agréable ! Aussitôt elle se précipita dans le fleuve [...]

Je ne vous assurerai pas si ce fleuve avait des Tritons et ne sais pas bien si c'est la coutume des fleuves que d'en avoir. Ce que je vous puis assurer c'est qu'aucun Triton n'approcha de notre héroïne. Les seules Naïades eurent cet honneur. Elles se pressaient si fort autour de la Belle que malaisément un Triton y eût trouvé place.

Et pour en revenir à Barbier & Carré :

EROS
O Neptune, dieu des mers !
(choeur à bouches fermées)
O Zéphyre, roi des airs !
(choeur à bouches fermées)
Sauvez des flots amers
Eros et sa fortune !
Et vous, ô tritons, sous l'onde endormis,
Guidez-nous vers ces bords amis !
(choeur à bouches fermées)

En danger sur sa barque, au son de ses invocations assez méditatives (et dans le grave pour le ténor), Eros est finalement conduit par le choeur de tritons sur la rive avec Mercure. Les voici qui descendent.


Psyché apaise Cerbère pour entrer aux Enfers, dont la mythologie fait finalement un véritable moulin (Orphée y part en balade, Pollux va y faire son marché, sans parler d'Hercule qui y passe son temps libre pour une raison ou une autre).


--

5. Scène : Récitatif des deux émissaires

Une figure tournoyante et bondissante annonce Mercure.

MERCURE
Remerciez Zéphyre, Zéphyre et son haleine :
Nous sommes arrivés ! Voici devant nos pas
Et le temple et le bois d'oliviers et là-bas
Les blancs palais de Mitylène !

EROS
C'est là que vit Psyché !

MERCURE
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . L'insolente Psyché Dont Vénus veut punir la beauté criminelle.

EROS
Est-ce donc à ses yeux un crime d'être belle !

MERCURE
Le trait dont son coeur est touché
Nous atteint avec elle ;
Et votre mère mère peut s'en fier à mon zèle !

Mis à part le ton rêveur, déjà tout prêt à s'éprendre, de cet Eros romantique, qui s'exprime en écho d'un motif alangui, le ton général est vif et badin. L'orchestre se pose par touches, malicieusement, presque parodique dans ses tournures.

Et la petite montée en ailes de papillon ouvre l'air de Mercure.


Psyché ou la conspiration du fard.


--

6. Air de caractère : Mercure, "Des dieux je suis le messager"

L'air débute par un exorde en récitatif qui contient déjà des éléments comiques, en particulier des montées grandiloquentes comiques sans doute prévues pour une voix de fausset (en décalage avec l'ambition de la présentation), et du figuralisme comme le trémolo pour le tonnerre.

MERCURE
Des dieux je suis le messager - je suis Mercure !
Souvent par une nuit obscure
Sur terre on m'a vu voyager
D'un pied léger !
Qu'il pleuve, qu'il vente ou qu'il tonne,
Rien ne m'émeut, rien ne m'étonne !
Des dieux je suis le messager - Mercure !

Arrive le thème A, une danse rieuse et un peu galante, tantôt bondissante, tantôt narrative, tantôt ornementée.

Ami du mystère
Des dieux indiscrets,
Je sais maint secret
Qu'il n'ont pas su taire !
D'Apollon confus
J'ai volé les armes ;
Ma voix par ses charmes
Endormit Argus.

Réexposition du thème A sur un nouveau texte. Où l'on voit que les attributs et pouvoirs de Mercure sont attachés à sa qualité de facilitateur d'amourettes (Jupiter étant "l'époux de Junon", donc avant tout désigné par sa qualité de conjoint).

Pour parler aux belles
Et plaire en son nom
L'époux de Junon
M'a donné des ailes !
C'est lui, c'est lui qui m'a donné des ailes !

Thème B, encore plus badin, avec des gammes fantaisiste et de petits accords (qu'on devine aux bois) qui pépient de façon moqueuse : Mercure, avoir égrené ses exploits, déverse une petite cascade de jeux de mots plus ou moins heureux. La section se termine sur un orchestre largement à l'unisson, et homophonique (mêmes rythmes à tous les pupitres), qui double la déclamation emphatique de Mercure sur Amphytrion.

Comme un valet de comédie
Quelquefois même il m'expédie
Chez quelque mortelle aux doux yeux,
Maîtresse du maître des dieux !
A ses exploits je m'associe
Et pour servir sa passion
J'emprunte les traits de sosie
Comme lui ceux d'Amphytrion !

Retour du thème A sur le même texte :

Pour parler aux belles
Et plaire en son nom
L'époux de Junon
M'a donné des ailes !
C'est lui, c'est lui qui m'a donné des ailes !

Déformation du thème A :

Pour parler aux belles
Et plaire en son nom
L'époux volage de Junon
M'a donné des ailes !

Reprise de la thématique du récitatif initial, mélangée avec les figures de bois attachées au thème B :

Des dieux, je suis le messager,
Des dieux, des dieux je suis le messager.
Mercure ! -
Des dieux je suis le messager !

La partition ménage par ailleurs quantité de possibilités d'interpolation pour ajouter ou ôter des aigus.


... et tout est bien qui finit bien.


--

7. Un avis

Dans le genre de la scène et de l'air de caractère, cet opéra recèle de nombreux bijoux, dont cette section, dont le ton badin est assez réjouissant, et la démystification de la mythologie sans la violente déconstruction qu'on trouve chez Offenbach - Thomas le traite plutôt avec un tendresse sarcastique, en accentuant les défauts attribuables à tel ou tel dieu (ici, la duplicité et la forfanterie).

C'est un petit miracle de fraîcheur évidemment, mais aussi d'inspiration, avec une belle évidence thématique, de superbes climats très changeants, un grand sens de la danse hérité en droite de ligne de Rameau et Meyerbeer.

Bref, une oeuvre qu'on aimerait voir sur les scènes, d'autant qu'il y a de quoi faire briller, en plus d'un jeune baryton (on peut prendre une voix claire et souple, ça se trouve facilement et ça les changera des Almaviva), un ténor très facile à chanter (presque la tessiture d'un baryton, vraiment confortable), et une soprane de type lyrique léger un peu virtuose (elles existent et interprètent toujours les mêmes - belles - scies, ou des oeuvres faibles).

Parce qu'avec nos moyens actuels, on ne peut guère que donner des extraits sur CSS... C'est une invitation à la découverte, donc...

--

--

Rappelons l'existence d'une catégorie entièrement consacrée à Ambroise Thomas, en particulier sous l'angle du parallèle (car un angle parallèle est un concept profondément intéressant) entre Shakespeare et Barbier & Carré dans Hamlet.

Par ailleurs, on a beaucoup parlé des drames de Jules Barbier et Michel Carré sur CSS, on pourra fouiner un peu aussi pour prolonger.

Enfin, il existe une catégorie qui regroupe les inédits ou raretés proposés par CSS avec les moyens de la maison.

Bonne écoute et bonne découverte à vous !

lundi 19 avril 2010

Patrie ! - Le portrait inversé de Don Carlos - [inédits d'Emile Paladilhe]


(Cette notule comprend des illustrations musicales inédites.)

--

1. Un symbole

Emile Paladilhe (1844-1926) fait partie de ces compositeurs français de premier plan en leur temps précipités dans l'oubli par la prédominance mondiale des oeuvres germaniques (ou italiennes pour l'opéra), et des esthétiques qui leur son attenantes. Aussi, le 'goût français', pour le romantisme (et surtout pour la période suivante d'une puissance imaginative et qualitative qui n'a que peu d'équivalents), est-il désormais peu intégré par les musiciens et les auditeurs, qui les jouent et les jugent souvent à l'aune des canons germaniques.

On juge cette musique invertébrée formellement, on juge son goût du figuralisme et du 'programme' vulgaire. C'est évidemment se méprendre comme juger un opéra de Lully à l'audace harmonique ou un opéra de Verdi à la complexité orchestrale.
On l'a déjà abordé à propos du répertoire de piano français, totalement absent des salles de concert (à l'exception de Gaspard de la Nuit de Ravel et des Préludes et Images de Debussy - et encore, de façon assez peu fréquente) : la musique germanique privilégie la structure, l'invention purement musicale ; la musique italienne est d'abord sensible à l'évidence de la mélodie et la gloire des lignes vocales ; la musique française, elle, privilégie avant tout l'évocation et les climats. Il s'agit donc de suggérer des images poétiques, sans chercher nécessairement la cohérence, l'innovation ou la 'pureté'.

C'est aussi dans cette perspective qu'il faut considérer les opéras français, où le texte a souvent plus d'importance qu'ailleurs, jouant d'égal à égal avec la musique. Parce qu'on en attend des inventions musicales structurelles (il y en a pourtant, mais à un niveau de détail et moins dans la macrostructure peut-être) ou de l'osentation vocale, on peut en être déçu. Et le public qui n'a plus l'occasion d'y être exposé ne peut de toute façon que s'en détourner.

--


--

2. Qui ?

Emile Paladilhe, à peu près oublié, dont il n'existe à peu près rien au disque (l'oratorio des Saintes-Maries de la Mer doit être à peu près la seule mono(disco)graphie consacrée à ce compositeur, réduit à une piste ici ou là) était pourtant une figure centrale de la musique française du dernier quart du XIXe siècle. Inité très tôt à l'orgue à Montpellier dont il était originaire, il se rend dès neuf ans à Paris et obtient (personne ne fit mieux) le Premier Prix de Rome à seize ans. On le signale aussi comme ami de Bizet. Tout cela trace le portrait, en dépit de tout ce que l'auditeur déconnecté des exigences stylistiques qui prévalaient alors pourra dire, d'un grand technicien de la composition.

Il est inutile de se répandre en détails superflus sur un catalogue qu'on ne peut de toute façon écouter. Signalons simplement qu'en tant que compositeur de prestige, Paladilhe composait essentiellement de la musique lyrique : opéras, oratorios, mélodies (dans des genres assez variés). Il a bien entendu écrit aussi de grands poèmes symphoniques et de la musique de chambre surtout destinée à l'exécution brillante en concours.

--

3. Patrie !

Patrie (avec ou sans point d'exclamation) est l'oeuvre la plus célèbre de Paladilhe, la seule, à dire vrai, qui ait conservé un rien de présence dans l'esprit de la postérité. Ce fut son plus grand succès, un des opéras les plus populaires en France jusque pendant la première moitié du vingtième siècle. Créée en 1886 à l'Opéra de Paris, elle utilise le livret de deux grands littérateurs dramatiques de l'époque, Victorien Sardou (père premier de Tosca) et Louis Gallet (qui a bien réussi et bien raté, selon les cas [1]).

Dans Patrie, tout se fonde sur le modèle du Grand Opéra à la française : cinq actes, contexte historique, personnages nombreux, scènes de foule, numéros obligés, récitatifs très soignés créant une douce continuité entre des "numéros" très intégrés (souvent entrecoupés de récitatifs, peu isolables ou moins mémorables mélodiquement que les récitatifs), présence d'humour, etc. C'est un Grand Opéra moins malicieux, moins vocal, plus solennel que celui de Meyerbeer - on se situe à l'époque de Mermet, Salvayre et Reyer. Les ballets à cette époque sont aussi sensiblement réduits à néant.

Le sujet lui-même ne doit pas être pour rien dans le succès. Il conte à front renversé par rapport au Don Carlos de Schiller, du Locle, Méry et Verdi l'histoire de l'insurrection des Flandres espagnoles : cette fois-ci non vu depuis la puissance dominante (même si cette révolte était exaltée), mais de l'intérieur. Un groupe de gentilshommes flamands décide de restaurer une République pour les sauver de la cruauté de la loi martiale des reîtres d'Ibérie. Ils se réunissent dans l'ancien Hôtel de Ville, chez le sonneur Jonas (basse bouffe), sous l'impulsion du noble Rysoor (baryton héroïque), plein d'idéaux et de désintéressement (une sorte de Posa à l'âge mûr), incarnation du sublime et moteur de l'action tout à la fois.
Il découvre cependant que sa bien-aimée le trahit avec son compagnon d'armes Karloo (ténor lyrico-dramatique). Lors de la grande réunion de l'acte IV où ils font sonner les cloches, ils sont tous pris par le gouverneur (le duc d'Albe, basse noble), trahis par la seule qui savait. Rysoor fait alors jurer vengeance à Karloo (sauvé par la fille du gouverneur) qui a contracté cette immense dette morale à son égard.
Et tout ce que je puis préciser, c'est que Karloo est un garçon bien obéissant, qui nous procurera un final dans le goût du Trouvère, où l'exécution de ses amis concorde avec celle, hors de la place publique, de la femme traîtresse.

Après la défaite de 70, on peut imaginer quelles émotions pouvaient susciter à Paris la représentation d'une tentative d'affranchissement malheureuse.

--

4. Extraits

Les gloires du chant du début du vingtième siècle ont cependant, comme pour Reyer, laissé quelques extraits fameux : l'air patriotique de Rysoor (extrait de la scène de préparation de la révolte, au début de l'acte IV), et la bénédiction du corps de Jonas par Rysoor à la fin du même acte, une fois tous prisonniers et voués à la mort.
Dans les extraits maison que je propose ici, on entendra la scène patriotique dans son entier (avec l'introduction orchestrale, les échanges entre personnages puis le grand arioso patriotique qui lance la révolte), ce qui est une première mondiale en enregistrement. Et on commence avec un extrait de l'acte I, lui aussi jamais enregistré, et même jamais rejoué depuis la dernière représentation de Patrie, il y a désormais... longtemps.

Le langage de Paladilhe est simple, il se caractérise par des lignes assez épurées, à la fois mélodiques et sobres, sans rengaines ostentatoires, et sans recherche de complexité. Le soin apporté au récitatif est constant, et les airs sont plutôt des ariosos fondus dans la continuité dramatique. Orchestralement, on imagine quelque chose de pas toujours délicat, mais les harmonies simples et expressives, et parfois discrètement raffinées, font vraiment du beau travail pour susciter l'adhésion (témoin le choral sans doute aux cuivres qui débute la scène patriotique présentée ci-après).

Comme de coutume, j'inclus un extrait de ce qui précède pour nous mettre dans l'atmosphère et ne pas créer l'illusion de "numéros fermés", même si cette scène a une cohérence propre.

Un ténor de caractère, La Trémoille, un français bien pimpant (dans le même registre d'autocaricature que ce qu'on trouve dans Le Roi malgré lui de Chabrier) est en visite aux Pays-Bas espagnols, à l'occasion du carnaval. (On entend un extrait de la fin de son air.) Il rencontre son ami Rysoor (baryton héroïque), noble néerlandais et patriote. Celui-ci lui propose alors un récit dont la parenté, aussi bien thématique (dans le texte) que musicale, est frappante avec la grande description de Rodrigue de Posa dans Don Carlos. Avant plus ample commentaire, en voici le texte :

RYSOOR
Oui, c'est le Carnaval ! Cette place où naguère
Retentissaient les chants joyeux, le choc des verres,
Est pleine de bandits - sûrs de l'impunité,
Et tels que des corbeaux dévorant la Cité !
Oui, l'Espagne triomphante,
Rorte des maux qu'elle enfante,
Prend racine à notre seuil,
On nous tue, on nous fusille,
Il n'est pas de famille
Que l'on n'ait mise en deuil.
Pour affirmer sa puissance,
La ruine est partout - et partout le gibet !
Tout soldat est bourreau, certain de la sentence :
Pourvu qu'il tue, il peut tuer comme il lui plaît !
Voilà la sanglante tuerie
Que promènent sur notre sol
Les oppresseurs de la patrie !
Voilà le Carnaval que nous fait l'Espagnol !

LA TREMOILLE
Quelle horreur !

Nous sommes ici au tout début de l'acte I (qui débute d'ailleurs sans Ouverture), et on repère d'emblée certaines références évidentes à Don Carlos. Rodrigue dit ainsi :

Cette paix ! La paix du cimetière !
...
Est-ce la paix que vous donnez au monde ?
Vos présents sont l'effroi, l'horreur profonde !
Tout prêtre est un bourreau, tout soldat un bandit !
Le peuple expire, il gémit en silence,
Et votre empire est un désert immense
Où le nom de Philippe est maudit ! Oui, maudit !

On décrit la même région (et Patrie est le côté "application pratique" de l'affaire), et on est presque littéralement dans les mêmes termes. Musicalement aussi, on retrouve le tumulte suggestif à l'orchestre, un peu moins moderne chez Paladilhe que dans la refonte du duo par Verdi après l'échec napolitain de 1871. Plus encore, le chromatisme descendant et ascendant est presque totalement identique, avec les trémolos en plus, au moment du bannissement d'Eboli par Elisabeth de Valois, à l'acte IV.

Par ailleurs, sur le langage de Paladilhe lui-même, voyez avec quel naturel de l'affirmation presque badine "Oui, c'est le Carnaval" on progresse vers les paroxysmes (avec des fa#3 [2] qui 'claquent' à répétition) - à la fois la montée de l'horreur de l'évocation et l'augmentation de l'indignation patriote de Rysoor. La déclamation respire toujours amplement, jusque dans les séquences les plus oppressantes, et l'éclat conserve toujours une certaine noblesse d'expression, quelque chose de presque hiératique. On est loin de l'expression très expansive et mélodique des Italiens, assurément. D'autant plus que l'orchestre ne fait pas qu'accompagner, mais ponctue vraiment de façon personnelle, colore aussi. Et l'harmonie change au fil des émotions : sans être révolutionnaire du tout, elle ne se laisse pas deviner, si bien que le tableau dressé par Rysoor laisse toujours en haleine. Un large récitatif qui est tout autant un morceau de bravoure que pourrait l'être un air.
Et tout l'opéra se tient à ce niveau.

Qu'on se rassure, on y rencontre aussi du cantabile [3], mais clairement pas autant que de la déclamation.
Notre séquence suivante est témoin de tout cela.

=>

Ici, avant la révolte (manquée), Rysoor rêve, en haut du beffroi où ils vont sonner l'heure fatale, au monde qui s'ouvre à eux. C'est le véritable héros de l'opéra puisque le ténor (Karloo) est terni par ses penchants séducteurs qui vont précisément trahir Rysoor - et les perdre tous deux à leur tour.
Après le choral énoncé dans le médium grave par les cuivres (et repris dans le médium aigu par les flûtes) - à en juger par l'écriture de la particelle (au piano seul, donc des déductions) -, les conspirateurs entrent sur une monodie [4], conduits par le sonneur Jonas, qui leur montre les lieux, et notamment la salle du Conseil où les figures de pierre de leurs aïeux ont été décapitées. Karloo survient, annonçant les derniers préparatifs ; Rysoor invite chacun à prendre courage, et contemplant les lieux, rêve au glorieux passé qui va se réveiller, avec pour signal les cloches : Cette cloche qui sonne, c'est l'appel déchirant d'une mère à ses fils !
La scène se clôt avec la dispersion feutrée et l'encouragement doucement protecteur de Rysoor, s'achevant sur la reprise du choral, sans doute s'éteignant aux cordes.
Un des très beaux moments de l'opéra.

En voici tout de suite le texte :

JONAS
Par ici ! Doucement !

UN NOBLE CONSPIRATEUR
. . . . . . . . . . . . Où sommes-nous ?

JONAS
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Chez moi !
Chez mes cloches ! Ici, l'escalier du beffroi ;
Là-haut, la salle où nos seigneurs de la commune
S'assemblaient autrefois. Sous ce rayon de lune,
Les voilà tous, voyez, là, couchés sur le sol -
Décapités par l'infâme espagnol !

CHOEUR DE CONSPIRATEURS
Quel abandon ! Quel funèbre silence !

RYSOOR
Mes amis, patience !
Un nouveau soleil va resplendir sur nos fronts !
Dormez, morts glorieux, dormez - nous vous éveillerons !

UN NOBLE CONSPIRATEUR
Qui va là ?

RYSOOR
. . . . . . . . . . C'est Karloo. Parle, quelles nouvelles ?

KARLOO
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Tout va bien. Dans Bruxelles
Dix mille hommes armés attendent notre appel.
J'ai prévenu Kornelis, Bakerseel.
Plus de chaînes, partout j'ai fait libre passage !

RYSOOR
Ainsi donc, l'heure est proche ! Ah, mes amis - courage !
[Récitatif introductif]
C'est ici le berceau de notre liberté ! [5]
Ici, nos pères ont fondé ces lois,
Que nous allons défendre !
Je crois les voir toujours et je crois les entendre
Dans ces lieux où battait le coeur de la cité.
[Arioso]
Plus sinistre est la nuit, plus joyeuse est l'aurore -
Oui, malgré l'espagnol, ce coeur palpite encore,
Ce cadavre est vivant aux créneaux du beffroi,
Spectre vengeur de la patrie, aux coups du tocsin [6]
Qui se dresse et crie : "O peuple flamand, lève-toi !"
Et vois : le peuple vient,
Sa grande âme frissonne,
Il vient, bravant tous les défis.
Il sait pour qui lutter : cette cloche qui sonne,
C'est l'appel déchirant d'une mère à ses fils !

CHOEUR DE CONSPIRATEURS
Aucun ne tremble !

RYSOOR
. . . . . . . . . . . . . . . Aucun ne tremble. [7]
Eh bien, allez, et debout tous :
Prévenez nos amis, et revenez ensemble,
Que pas un seul ne manque au rendez-vous.

Seul l'arioso avec son court récitatif introductif a été enregistré (il se trouve même dans des éditions modernes en séparé), de même que le court arioso Martyr obscur du même personnage au même acte. Tout ce qui précède C'est ici le berceau de notre liberté est donc un inédit absolu, qui permet de replacer cet air dans un contexte esthétique et dramatique - ce qui est toujours très précieux à mon avis.

Par ailleurs, je trouve, d'une façon plus personnelle, le style des enregistrements existants, pourtant par de très grands chanteurs que j'admire beaucoup (Arthur Endrèze, Ernest Blanc...), tout en force, pas très séduisants par rapport au personnage héroïque mais élégant de Rysoor. [Je concède tout à fait cependant que ma typologie vocale tire le rôle vers quelque chose de presque galant qui crée un déséquilibre dans l'autre sens, on pourra me le reprocher à bon droit - trop français, en quelque sorte.]

On voit d'emblée et d'un coup d'oeil la disymétrie très hétéroclite des vers utilisés, mais à la lecture, leur découpage en milieu de phrase et surtout leur rythme sont vraiment sujets à caution (certains ne riment avec rien, d'autres sont constitués de la répétition du même membre, d'autres enfin ont une syllabe de trop - on l'a indiqué en note lorsque nécessaire). Et dans le même temps, on respecte scrupuleusement ce qui n'était alors plus qu'une "rime pour l'oeil" (la concordance de la liaison supposée, même non prononcée, en fin de vers).
Il est probable que Paladilhe en ait retouché certains par commodité, mais au point de mutiler la régularité, cela est rare ; et quoi qu'il en soit, la maîtrise technique de la versification reste assez rudimentaire ici.
Par ailleurs, le résultat n'est pas vilain si on le considère comme de la prose, loin s'en faut - plutôt touchant, même. Et l'ensemble de l'oeuvre a beaucoup de rythme. Mais nous avons plus affaire à des spécialistes de la macrostructure dramaturgique qu'à des orfèvres du verbe...

Musicalement, le récitatif suspendu de la scène qui précède, où celui plus solennel, mais toujours doux, qui ouvre l'air, sont souverains, délicatement ciselés, chargés de climat mais avec une certaine distance presque optimiste ; quant à l'arioso avec son accompagnement plus agité, il remplit parfaitement sa fonction incantatoire, et son extinction murmurée à la voix plus aux cordes est un grand moment. Vraiment une très belle réussite.

Quant à l'interprétation, je rappelle simplement aux visiteurs de passage qu'il s'agit d'un enregistrement qui ne prétend pas fournir une version sérieuse de la partition ; c'est simplement une prise faite pendant un moment de loisir, où je dois tenir à la fois piano et chant (prise de son maison également), ce qui ne laisse pas la possibilité de fournir la finition d'un enregistrement du commerce. C'est simplement à titre indicatif, la possibilité offerte de découvrir une musique autrement inaccessible, et l'invitation pour ceux qui peuvent à ouvrir les partitions.

--

5. Des conclusions ?

On espère tout d'abord que la balade a été à votre gré.

Ensuite, le résumé de cette petite exploration est simple : Patrie ! est quelque chose de bien chouette qui mériterait d'être remonté et enregistré. Son ton à la fois héroïque et badin pourrait tout à fait séduire, de même que les meilleurs Meyerbeer, le grand public, également les amateurs de Verdi et de Gounod, et peut-être plus généralement d'opéra français. C'est un ouvrage fort long, certes, et avec force personnages, mais il n'est pas si difficile techniquement pour orchestre et chanteurs. On ne se gêne pas à couper un tiers d'un acte des Gezeichneten pour économiser des salaires et assurer la liaison avec les derniers métros, quitte à saboter le propos esthétique de l'ouvrage entiers ; alors on peut tout à fait rogner un peu sur Patrie' qui n'aurait pas sa chance autrement.

Le reste de la production de Paladilhe n'est pas forcément du même intérêt : les mélodies sont assez aimables (comme chez Reyer en somme) et son oratorio des Saintes-Maries, également sur un poème dramatique de Louis Gallet, présente assez peu d'aspects saillants, tout dans une consonance agréable mais un peu molle qui ne me le fait pas vraiment recommander. Dans ce goût, Lazare et le Requiem de Bruneau, ou bien Marie-Magdeleine de Massenet (du même librettiste) touchent quand même occasionnellement (et même fréquemment pour le dernier exemple) à une forme de grâce qui me paraît plutôt absente de ce Paladilhe-là.
Dommage, puisqu'il s'agit de la seule intégrale disponible au disque et jouée de loin en loin... Mais en ce qui concerne les lutins, tant qu'à inviter à l'aventure, autant ne pas conseiller de la marchandise de seconde catégorie. Aussi en avons-nous fourni de la première à vos oreilles (bienheureusement, on l'espère) ébaubies.

--

6. Poursuivre les explorations

En ce qui concerne le répertoire français, vous pouvez (notamment) consulter :

  • La catégorie consacrée aux concerts physiques ou virtuels de CSS. Vous y trouverez notamment du Wagner en français, du Reyer (Sigurd et Salammbô), du Cras et la Radio Farfadets.
  • Ingrédients et invariants du Grand Opéra à la française.
  • La Dame de Monsoreau de Gaston Salvayre.
  • Autour de Sigurd et Salammbô de Reyer : première mondiale d'un duo inédit de Sigurd, présentation de Salammbô et extrait en première mondiale (avant la recréation marseillaise).
  • Les différents (et très nombreux) états de la partition du Don Carlos de Verdi (commande parisienne en français - voir les autres Verdi sur le même patron).
  • Transmutation du Shakespeare en métal français : série sur Hamlet d'Ambroise Thomas (livret Jules Barbier & Michel Carré).
  • Les Robaiyat d'Omar Khayyâm par Jean Cras.
  • Etc.


Notes

[1] Le Roi de Lahore et Thaïs du côté des réussites, Le Cid et Le Rêve (Bruneau pour ce dernier) de l'autre côté. Mais il a aussi collaboré à beaucoup de Saint-Saëns : Le Déluge, La Princesse jaune, Etienne Marcel, Proserpine, Déjanire ; et aussi avec Gounod (Cinq-Mars) et Bizet (Djamileh).

[2] On ne peut pas exiger du baryton d'aller au delà du sol3, donc on se trouve bien en bout de tessiture, avec un effet de tension évident (et de volume sonore).

[3] Caractère de ce qui est lyrique, très conjoint et legato (lié) : typiquement la manière d'écrire et de chanter des Italiens dans les sections lentes.

[4] C'est-à-dire une ligne mélodique seule.

[5] Oui, la versification est bien étrange dans ces deux premiers vers... Est-ce de la prose, ou bien > Paladilhe a-t-il procédé à des modifications ? Des mètres irréguliers, pas de rimes...

[6] Alexandrin de treize syllabes...

[7] Voilà un vers qui n'a pas coûté trop cher à son auteur.

vendredi 9 janvier 2009

Dinorah, ou comment les questions génériques rendent chèvre

A la suite d'un petit débat avec Morloch, spécialiste international des pirates généreux et des expéditions extrême-orientales ratées, le moment est venu pour les lutins de revenir sur cette oeuvre, l'objet de deux des premiers articles publiés sur Carnets sur sol. Retranscription informelle.



La question du genre

Le Pardon de Ploërmel (création londonienne sous le titre de Dinorah, la même année qu'à Paris), sans doute en raison de sa création à l'Opéra-Comique, est désigné comme un opéra-comique. L'occasion de vérifier, encore une fois, le caractère flottant et peu rigoureux des dénominations que les compositeurs eux-mêmes accolent à leurs oeuvres.

Au sens technique, donc, Dinorah est plutôt une comédie lyrique, c'est-à-dire une oeuvre certes d'essence comique (et encore...), si on prend en considération la légèreté de son ton (plus que de son sujet, pas si éloigné de la Sonnambula de Bellini) et certains passages d'essence drolatique. (Attention toutefois, c'est celle qu'on propose, mais la dénomination n'est pas encore employée à l'époque. C'est la catégorie d'Arabella ou de Colombe.)

Ce n'est pas un opéra-comique dans le sens où il ne se trouve pas de dialogues parlés entre les numéros lyriques, mais seulement des récitatifs (et des numéros pas toujours très individualisés, mêlés de récitatifs ou s'enchâssant, comme c'est l'usage chez Meyerbeer). [Sur la question du genre de l'opéra-comique, voir ici.]

Ce ne peut pas être un Grand Opéra pour des raisons qu'on rappelle :
- pas de sujet historique ;
- pas cinq actes, ni même quatre ;
- pas de grand ballet ;
- pas de ténor lyrique à contre-notes ;
- pas d'enjeux potentiellement tragiques (au sens le plus élevé).

En réalité, faute de pouvoir utiliser un terme anachronique, et surtout faute d'être parfaitement convaincu par le caractère essentiellement comique (?) de Dinorah (il s'agit plutôt d'un 'sérieux léger'), nous proposerons une autre appartenance un peu plus loin.

Suite de la notule.

lundi 26 mars 2007

Robert SCHUMANN, Liederkreis Op.24 (Heine) ; Johannes BRAHMS, Vier ernste Gesänge - (et autres lieder) - Matthias GOERNE, Christoph ESCHENBACH - à Pleyel, 16 mars 2007


Présentation de Matthias Goerne et discussion ici.

Nouveau compte-rendu de Sylvie Eusèbe (en terrain miné) :

« Paris, Salle Pleyel, vendredi 16 mars 2007, 20h00.
Matthias Goerne : baryton ; Christoph Eschenbach : piano
Robert SCHUMANN :
Abends am Stand (Le soir au bord de la mer) op. 45 n°3
Es leuchtet meine Liebe (Mon amour brille) op. 127 n°3
Mein Wagen rollet langsam (Mon coche roule avec lenteur) op. 142 n°4
Liederkreis op. 24
Johannes BRAHMS :
Lieder und Gesänge op. 32
Vier ernste Gesänge op. 121

Suite de la notule.

David Le Marrec

Bienvenue !

Cet aimable bac
à sable accueille
divers badinages :
opéra, lied,
théâtres & musiques
interlopes,
questions de langue
ou de voix...
en discrètes notules,
parfois constituées
en séries.

Beaucoup de requêtes de moteur de recherche aboutissent ici à propos de questions pas encore traitées. N'hésitez pas à réclamer.



Invitations à lire :

1 => L'italianisme dans la France baroque
2 => Le livre et la Toile, l'aventure de deux hiérarchies
3 => Leçons des Morts & Leçons de Ténèbres
4 => Arabelle et Didon
5 => Woyzeck le Chourineur
6 => Nasal ou engorgé ?
7 => Voix de poitrine, de tête & mixte
8 => Les trois vertus cardinales de la mise en scène
9 => Feuilleton sériel




Recueil de notes :
Diaire sur sol


Musique, domaine public

Les astuces de CSS

Répertoire des contributions (index)


Mentions légales

Tribune libre

Contact

Liens


Chapitres

Archives

Calendrier

« avril 2024
lunmarmerjeuvensamdim
1234567
891011121314
15161718192021
22232425262728
2930