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Vincenzo BELLINI - I Puritani, une oeuvre à part (Pidò, Lyon, TCE 2012)


Il y a très longtemps (au moins un lustre, je crois bien) que je ne suis pas allé voir un opéra italien du grand répertoire. Ce n'est même pas faute de les aimer, mais ils sont tellement fréquents qu'on ressent difficilement l'urgence de se précipiter quand tant d'autres choses, plus rares et plus prégnantes en salle, sont à entendre.

Ce sera l'occasion pour une petite plongée dans l'économie dramatique et musicale du belcanto, dont j'ai peu parlé jusqu'ici.


Extrait de l'acte II de cette soirée.



1. Le belcanto

En ce qui concerne le belcanto, je suis en revanche beaucoup plus réservé que sur l'opéra italien dans sa globalité : qu'il soit baroque (Haendel, Vivaldi, Hasse), classique (Haydn, Cimarosa, Mozart) ou romantique (Rossini, Donizetti, Bellini), il se fonde sur la répétition à l'infini de schémas extrêmement sommaires musicalement.

=> En matière d'harmonie, c'est du 2-5-1 ou 2-4-1 à l'infini, sans qu'on ait en contrepartie, comme dans le répertoire français ou dans le répertoire italien du XVIIe siècle, pas forcément plus riches harmoniquement, une liberté d'improvisation remarquable dans les récitatifs (du côté du continuo).

=> Les rythmes, à partir de la période classique, et particulièrement chez les romantiques, procèdent de choix extrêmement réduits, souvent de simples arpèges en croche, ou des carrures de type polonaise pour les cabalettes.

=> Tout cela n'est absolument pas compensé par un sens de la tension (comme dans le seria baroque) ou de la danse (comme chez les Français).

=> On pourrait faire le même constat de pauvreté pour Gluck, mais ce dépouillement y figure au service d'une ambition dramatique. Au contraire, dans tout le belcanto de 1700 à 1850, le livret convoque les héros les plus illustres du patrimoines pour leur faire accomplir les mêmes types d'airs obligés. Aucune différenciation, ni de de l'intrigue, ni du caractère sonore.

En réalité, la plupart de ces opéras sont de simples prétextes pour étancher la soif de spectaculaire vocal, et servir d'écrin à des interprètes d'exceptions, en faisant autant que possibe étalage de leur puple sonore, de leur virtuosité, de leur étendue et de leur éclat. Ce n'est plus à proprement parler du théâtre, ni même de la musique, on se situe dans un autre paradigme - qui, à titre tout à fait personnel, m'intéresse sensiblement moins.

2. Le belcanto romantique

Peu d'oeuvres échappent à cette malédiction. Je peux même dire qu'il s'agit de l'un des très rares répertoires où, lorsqu'on fouille du côté des compositeurs oubliés, on perd très vite l'envie d'en entendre davantage : toujours la même musique, et en général encore plus sommaire que celle de Bellini ou même Donizetti.

On peut retrancher de cette affirmation le répertoire comique, qui n'obéit pas aux mêmes règles et qui se révèle infiniment plus inventif dans les livrets, avec même quelques bijoux particulièrement précieux dans le répertoire toutes nations confondues (tel le Turco in Italia de Romani d'après Mazzolà). L'écriture musicale y est aussi plus libre, avec des moments belcantistes, mais aussi beaucoup d'ensembles, de sillabando et autres jeux de parole.

Mais pour ce qui concerne le répertoire sérieux, alors qu'il existe quantité d'oeuvres peu profondes mais électrisantes dans le répertoire baroque, qu'un certain nombre d'opéras classiques conservent une certaine musicalité (typiquement Lucio Silla de Mozart, tout à fait vain dramatiquement, mais mélodiquement convaincant)... le monde est un peu vide chez les romantiques. Essentiellement de l'étalage vocal, même pas marquant mélodiquement, et de surcroît vouant un culte au legato qui entraîne des formules et des climats à mon sens assez ennuyeux.

Non pas qu'il faille tout jeter, mais en fin de compte les oeuvres célèbres sont celles qui méritent l'attention, à commencer par Norma de Bellini, très inspirée mélodiquement et plutôt performante dans ses climats. D'autres, quoique inégales, comme Lucia di Lammermoor, contiennent des moments de grande prégnance qui justifient leur statut, ou quelquefois un livret atypique (Maria Stuarda, un petit crêpage de chignon princier involontairement fendard). Je n'évoque pas Rossini, parce que je ne goûte pas du tout son lyrisme di forza.

En revanche, du fait du cahier des charges différent, ces compositeurs réussissent souvent très bien dans l'opéra français (Guillaume Tell, Moïse et Pharaon, La Favorite, Les Martyrs...), et les adaptations italiennes (sauf pour Poliuto, l'original des Martyrs) de ces ouvrages se révèlent par conséquent considérablement plus intéressantes que les productions directement destinées à la Péninsule.
Ce n'est donc pas tant le talent intrinsèque des compositeurs que le cahier des charges qui crée de la frustration.

3. Les Puritains, une exception

Les Puritains de Bellini (1835) occupent véritablement une place à part, pour plusieurs raisons. Si bien qu'il s'agit, à mon gré, du plus bel opéra du belcanto romantique sérieux, et d'une des très belles pièces du répertoire d'opéra en général. Qui puisse s'en approcher parmi ses contemporains italiens, je ne vois guère que Norma (1831) par le même, et Il Diluvio Universale (1830) de Donizetti (musicalement beaucoup plus recherché que la norme - et d'ailleurs sur un livret inspiré à la fois de la Bible, de Byron et d'une tragédie italienne de la seconde moitié du XVIIIe siècle !).

Pourquoi ce statut particulier des Puritains ?

D'abord, un livret assez astucieux du comte Carlo Pepoli, inspiré d'Ancelot & Saintine (Têtes rondes et cavaliers). Le début de l'oeuvre, avec les personnages émergeant un à un de l'église (même si les didascalies recommandent des changements de tableau), l'organisation de duos assez originaux (récit des dernières volontés fléchies du père d'Elvira, Arturo Talbot suppliant la Reine de vivre, le duel manqué avec Riccardo Forth...), l'étrange fin reposant sur une longue supplique (Credasi misera)...
Néanmoins, ce livret n'évite pas les platitudes, en particulier son acte consacré tout entier à la description de la folie qu'il évoquait pourtant fort bien à la fin de l'acte I. Ni librettiste ni compositeurs n'avaient vraiment le choix, il s'agit d'un invariant du genre, qui permet quantité de coloratures supposées « crédibles » - puisque les folles chantent avec inspiration. Mais cela reste assez superfétatoire.

Sur cette matière-première plutôt meilleure qu'à l'habitude, Bellini parvient à créer une atmosphère d'une qualité exceptionnelle.

L'harmonie

Déjà, rien qu'au sens purement musical, il se passe beaucoup plus de choses qu'à l'accoutumée.

Il suffit de regarder les premières mesures de l'opéra, une petite fanfare qui n'a l'air de rien.


D'ordinaire, pour une musique de ce type, on se contenterait d'une cadence à deux termes (V-I), éventuellement à trois, et de les jouer sur plusieurs renversements. Ici, Bellini utilise trois tonalités différentes (même si, d'un point de vue technique, on est plus dans l'emprunt furtif que dans la modulation franche) pour une seule phrase musicale, et changera même le parcours de la suivante (alors qu'on s'attendrait à une répétition exacte).

En jaune, le V-I en ré majeur (II-V-I avec demi-cadence la seconde fois : on attend la résolution) ; en parme, un II-V-I en si mineur ; en cyan, un V-I imparfait (la tierce est à la basse). Même Verdi s'en serait tenu à un petit IV-V-I sous plusieurs renversements, avec au maximum un emprunt, et une répétition à l'identique (peut-être à l'octave ou en changeant l'orchestration) la seconde fois.

Pour ceux qui ne sont pas familiers de l'harmonie écrite (parce qu'on en perçoit tous les effets à l'oreille !), on pourrait résumer comme suit : V représente l'état de tension, et I l'état de détente. On peut alterner simplement V et I ou y ajouter d'autres termes pour enrichir le discours, et aussi les changer de hauteur pour changer la couleur. Alors que la plupart de ses contemporains en resteraient, pour une ouverture, à deux ou trois termes sans changer de couleur, Bellini fait cet effort de variété qui évite le sentiment de stagnation.

L'orchestration

Bellini utilise de façon récurrente les cors (sous forme d'appels distincts, ou pour doubler les violoncelles), ce qui donne une couleur mélancolique et suspendue très particulière à beaucoup de pages dans cet opéra.

Ce ne sont que des exemples, mais Les Puritains regorgent de ce genre de détails qui rendent, précisément, cette musique saillante, sans l'aspect gamme-à-chanter qui prévaut dans la plupart des oeuvres de ce répertoire. (L'air final de Lucrezia Borgia de Donizetti est par exemple simplement fondé sur une gamme d'ut majeur montée en escaliers sur deux octaves, c'est tout. Evidemment, ce n'est pas très marquant à l'oreille, même si c'est un bon exercice de démonstration.)

La structure générale

En plus de ces efforts d'écriture et de son immense talent mélodique (sans doute ce qui est le plus difficile à isoler techniquement parlant), Bellini réussit quelque chose que je ne crois pas avoir entendu dans un autre opéra belcantiste sérieux : créer une structure cohérente. Beaucoup de retours de musique : A te o cara, le moment de promesse d'Arturo à sa fiancée ; les fanfares (variées, mais parentes) qui évoquent les soldats puritains... et d'une manière générale une couleur un peu mélancolique, les échos ou les doublures du cor qui évoquent un univers brumeux et militaire... vraiment le climat d'une forteresse anglaise dans un temps reculé. Sans parler de l'exploitation, plus importante qu'à l'accoutumée, du mode mineur (et de sa plus grande diversité).

Cette qualité d'évocation est le point fort et la grande singularité de cet opéra : il est très rare que le belcanto italien parvienne à imposer une couleur locale, une atmosphère générale permanente, une économie structurelle pertinente.

Par ailleurs, la qualité d'accentuation se révèle elle aussi supérieure à la norme - sans forcément parler de sens de la danse, les phrasés rebondissent très bien et très naturellement, sans le caractère un peu étale ou "carré" qui est généralement entendu dans ce type d'oeuvre.

4. CSS à l'aventure

Voilà donc ce qui a motivé (allié à une interprétation qui promettait l'enthousiasme) un voyage vers le Théâtre des Champs-Elysées. Voyage en plein coeur du Paris glottophile : la salle était complètement pleine, et les glottos étant les plus acharnés de pus, le moindre recoin, assis par terre ou debout dans un angle, où l'on pouvait mieux voir ou entendre, était occupé. J'en ai même vu, assis à moitié dans le vide sur la rampe de leur loge de galerie, suivre impavides tout le spectacle.

L'atmosphère aussi était sensiblement différente de mes habitudes : chaque grand air était chaleureusement applaudi, et même sur scène, tout le monde semblait familier avec le rituel, le ténor n'hésitant pas à aller embrasser le chef après un air poignant et avant de reprendre le cours de leur terrible histoire.
Je me sens très éloigné de cette tradition, et je la regrette un peu dans une oeuvre où, justement, la continuité et l'atmosphère excèdent tout à fait celles des autres opéras du même genre ; mais sur le principe, cela se défend tout à fait dans les oeuvres à "numéros" où les chanteurs sont très sollicités et où le public souhaite exprimer sa reconnaissance après un moment réussi.
Même chose, je vois rarement les solistes saluer individuellement (alors qu'il s'agit de leur moment de rétribution, tout de même), mais ici, après un premier salut collectif, on s'est empressé de faire défiler chacun - et comme il se doit, le ténor a bien pris son temps sous les suffrages du public.

Et, bien sûr, on n'a pas échappé aux quelques crétins (très très peu, deux ou trois, mais on ne voit pas ça ailleurs) qui ont essayé de huer le chef, pour faire croire qu'ils s'y connaissaient en direction d'orchestre. Tiens, il faudra que j'essaie ça à un symposium de physique, pour voir si on me confie un labo de recherche sur les muons à charge positive.

5. La force des glottes

Du fait de la faible intensité dramatique et des phrases musicales longues, ce répertoire repose beaucoup sur la substance individuelle des voix. La distribution n'était donc pas sans importance, et sur des critères assez différents des miens d'ordinaire.

Satisfaction de ce côté-là.

Dmitry Korchak (Arturo) n'est pas spécialement gracieux, mais bien plus à son aise stylistiquement et vocalement que dans les Pêcheurs de Perles. La voix est assez étrange, toujours un peu éraillée, et surtout dotée d'harmoniques basses qui donnent l'impression d'entendre un cluster dans le forte, comme si une étendue était chantée au lieu d'une note (et d'ailleurs un cluster avec un trou juste sous l'harmonique juste). Dans l'aigu en revanche (et il s'agit d'un des rôles les plus exigeants de ce point de vue), la densité en harmoniques faciales l'aide beaucoup et la voix percute vraiment bien pour un format assez léger.

Michele Pertusi (Walton) n'a pas, sur le vif, ce côté bizarrement caverneux qu'on peut entendre en retransmission. Ici aussi, émission dynamique, même si la diction n'est pas très nette (un peu trop de couverture ?). Au passage, l'assise correspond assez bien à celle d'une basse chantante, alors que je m'attendais plutôt à un baryton un peu sombre. J'ai davantage aimé, dans la même tessiture, l'autorité du jeune Ugo Guagliardo (Gualtiero), très aisément sonore et d'une grande densité.

Daniela Pini (Enrichetta di Francia), avec une voix très corsée, tire admirablement parti d'un rôle sans difficultés (hors la tessiture assez basse) mais payant. Je pronostique une notoriété rapidement ascendante vu la qualité de la substance et l'intérêt du tempérament.

J'attendais beaucoup d'Olga Peretyatko (Elvira), que j'avais énormément admirée en retransmission pour sa voix dont l'impact paraissait très physique, à la fois libre, incisive et toujours ronde, et un beau tempérament théâtral. Du côté du théâtre, ce n'est évidemment pas dans ce rôle qu'on pourra en juger, même si elle se montrait assez mobile dans cette version de concert avec pupitres et partitions.
Et j'ai ressenti le contraire : la voix, que je voyais évoluer prochainement comme un pur lyrique, sonne vraiment limitée, presque courte, et le grave était très terne en début de représentation. Pas beaucoup d'impact physique, et une émission très russe, très efficace mais très arrière, légèrement pâteuse, que je n'avais absolument pas remarquée derrière les micros, pas la luminosité escomptée non plus. On obtient tout de même une voix d'une facilité remarquable, avec une liberté confondante dans la partie supérieure de l'instrument. Elle semble avoir énormément travaillé les transitions entre voyelles, les différents types de portamento, car on croirait entendre un manuel de belcanto en l'écoutant chanter. Avec ce que cela comporte d'un peu sage et prévisible.
Je parle ici de déception par rapport à mes attentes, donc j'ai beaucoup aimé ce que j'ai entendu, à défaut que ce soit anthologique.

La belle surprise en revanche se trouvait du côté de Pietro Spagnoli (Riccardo), que j'ai toujours beaucoup aimé, mais dont je n'attendais pas forcément une plus-value particulière en concert. Or, si la voix ne claque évidemment pas comme un baryton-Verdi, j'y ai en revanche entendu une assise grave qui n'est pas du tout retransmise par les micros, une émission typique d'aujourd'hui, fondée sur l'assise basse... et qui contraste avec la un timbre qui demeure pourtant clair.
Et, plus important que tout, un musicien très élégant, le seul à oser des jeux vraiment subtils de phrasé ou des allègements (en diminuant les harmoniques faciales pour faire "flotter" le timbre aux moments délicats). Un enchantement.

Evelino Pidò, qui excelle à redonner à ces partitions belcantistes la tension et le sens de la danse qu'elles n'ont pas, n'était pas sur le papier le chef le plus évident pour jouer les Puritains et rendre justice à leur caractère suspendu. Néanmoins, passé l'impression bizarre d'un Orchestre de l'Opéra de Lyon un peu mou qui jouait cependant de façon incisive sous les ordres de son chef (comme si l'attaque était exacte et la tenue du son un peu flasque), l'ensemble réussit très bien : beaux climats, beaux rebonds, tension continue.
Et j'ai eu tout loisir d'admirer la souplesse extraordinaire du chef et des instrumentistes dans ce répertoire : les chanteurs pouvaient prendre la liberté qu'ils voulaient avec les valeurs écrites, l'orchestre était toujours sur la bonne note au bon moment, et plus fort que tout... sans que l'oreille perçoive l'irrégularité de l'accompagnement. Respect.

Beaucoup aimé le Chœur de l'Opéra de Lyon, vigoureux mais doté de sonorités claires et de beaux timbres, ce qui est plutôt (très) rare pour un chœur d'opéra en France.

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Expérience concluante au pays des plus-glottophiles-que-moi.

Et j'ai même réussi à parler de musique dans une notule sur l'opéra belcantiste, je suis tout fier.



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Commentaires

1. Le dimanche 18 novembre 2012 à , par rhadamisthe :: site

Un petit souci de copié-collé à la fin ? ;)

Il faudra que je redonne une oreille à cet opéra…

2. Le dimanche 18 novembre 2012 à , par David Le Marrec

Merci pour la correction. :)

(Non, ce n'était pas la liste de courses ni l'adresse de mon prochain casse.)


Replonger dans cet opéra est d'autant plus facile que le meilleur se trouve dans le premier acte - où ne trouve quasiment que de la musique de premier ordre. Donc on peut poursuivre ou abandonner sans s'interroger sur la qualité de ce qui suit.

3. Le dimanche 18 novembre 2012 à , par rhadamisthe :: site

Cet opéra sera-t-il donc ajouté à la longue liste de ceux qui n’eurent chez moi qu’un premier acte ? Une question passionnante à suivre dans votre — non moins passionnant — feuilleton Les Fatales Passions de Rhadamisthe.

4. Le lundi 19 novembre 2012 à , par Jeremy/Zip

Il me semblait bien t'avoir reconnu, mais je me suis dit que je m'étais trompé (David écoutant du Bellini, cela paraissait incongru :) ).
Et merci pour cet exposé. En fait, la seule chose qui manque aux Puritains pour être un fichtrement bon opéra, c'est un livret dont les vers ne soient pas si désespérément prosaïques. Ça gâche tout !

5. Le mardi 20 novembre 2012 à , par Charlie

Ah mais oui il faut continuer à poster sur ce même sujet, et à occuper les rangs de ces concerts qui, non, ne sont pas si courants! Bellini est rarissime à Paris (une Norma en 10-12 ans......... deux capulets dont un en vc, ces seuls puritains en vc, etc.), et, avec tout le respect que j'ai pour Donizetti, les assimiler relève de l'abus.

Si je n'ai pas hué Pido ni ne le fustige particulièrement aujourd'hui, j'ai trouvé l'orchestre très médiocre quand même, donnant des passages d'une pauvreté harmonique effarante, et n'offrant ni la souplesse attendue, ni le tapis sonore nécessaire à la bonne exécution d'un opéra de bel canto ; du son, il y en avait, mais pas de legato, justement :) [est-ce moi ou les vents étaient-ils tous un peu à court de souffle?]

Merci de cet immense effort qui nous permet de te lire sur de l'opéra italien!

6. Le mardi 20 novembre 2012 à , par David Le Marrec

Bonsoir à tous trois !

En tout cas, Rhadamisthe, en abandonnant au premier acte, on a le réconfort, ici, de ne rien manquer de meilleur - évidemment, ce n'est pas la voie que je recommande, mais ça épargne toujours vingt minutes de scène de folie, si on tient à optimiser chaque portion de sa vie.

Oh, Jeremy, erreur de jugement qui m'attriste : depuis quand suis-je censé avoir bon goût ? Dommage de ne pas m'avoir fait signe... [Heureux ceux qui croient, a fortiori en ayant vu !]
[Tu trouves vraiment les vers sensiblement plus mauvais que la moyenne du temps ? Métriquement, je n'y ai pas regardé de près, mais en termes de couleur générale, on est quasiment du côté des phénix belcantistes...]

@ Charlie :
Précisément, une oeuvre tous les dix ans, sans parler des Capulets (qui ne sont pourtant pas le sommet de son auteur, sans vouloir faire le cuistre, je trouve Giulietta e Romeo de Vaccai beaucoup plus prenant, alors qu'en théorie, Bellini aurait dû y trouver un terrain d'élection...) qu'on a entendu deux fois en deux ou trois ans (et dans des distributions de feu), je n'appelle pas ça rareté. Aida non plus n'est pas une rareté, même si on ne la voit guère depuis des décennies dans des lieux décents en Ile-de-France.

Disons que ma norme de rareté se mesure à la probabilité de pouvoir revoir l'ouvrage sur scène de mon vivant (sans avoir à faire le tour du monde) plus qu'à la fréquence (forcément conjoncturelle) de programmation à Paris et environs.

Franchement, l'orchestre s'est vraiment bien débrouillé, a fortiori vu son niveau intrinsèque (petite harmonie pas fabuleuse, je suis d'accord) et l'écart de départ entre son profil sonore et les choix du chef. Je n'ai vraiment pas trouvé que Pidò sabote (à un ou deux tutti un peu pétaradants près, mais qui étaient de toute façon mal orchestrés) la délicatesse de l'ouvrage. Au contraire, la souplesse dans le suivi du rubato des chanteurs était très impressionnante - on peut toujours dire que c'est normal pour un chef de fosse à l'italienne, mais ça reste remarquable néanmoins.

Au demeurant, ce n'est pas du tout un effort, je vais très volontiers voir l'opéra italien lorsque ça ne ressemble pas trop à du Glass au ralenti - car s'il y a bien un supplice pire que celui d'Anne Boleyn, c'est d'écouter Anna Bolena.

Il est possible de faire de très belles programmations italiennes : dans le registre original, je suis certain qu'un peu de Gnecchi satisferait beaucoup de monde, aussi bien italianomanes que wagnéropathes. Ou I Medici de Leoncavallo, pour les debussolâtres vagabonds. Certes, la salle serait aux trois quarts vide, je ne blâme personne de programmer Lucia à la place.

Quant à me revoir pour du belcanto romantique, à moins qu'on joue une des oeuvres que je mentionnais dans une distribution à mon gré, ce ne sera peut-être pas tout de suite. Déjà, il y a plein de monde dans le théâtre, je déteste ça, on ne peut pas étendre ses jambes, déposer ses effets sur les sièges de derrière et appuyer sa tête sur le dossier à côté (et ça, c'est scandaleux). Mais qui sait ?

Merci d'être passé dire un mot - heureux ceux qui croient en ayant vu !

7. Le mercredi 28 novembre 2012 à , par Olivier

Bonsoir,
Argument/livret
Le drame historique proposé par MM.Ancelot et Xavier oublie très vite l'argument religieux et politique de l'opposition entre les Têtes rondes (partisans d'O.Cromwell) et les Cavaliers (Partisans du futur Charles II Stuart). Ceci est encore plus sensible chez C.Pepoli. Cette amnésie du conflit ne conduit-elle pas à un affadissement de l'action? et donc de l'écriture musicale?
L'oeuvre
J'ai ressenti un certain déséquilibre: il faut attendre le dernier tiers de la 1ère partie pour que l'action
s'anime. La 2ème partie est plus vivante (heureusement); et puis, les transitions entre les "airs" ne sont pas très heureuses.
Ne pensez-vous pas qu'une mise en scène est nécessaire à un tel opéra pour dramatiser et dynamiser l'action. Amener du "punch", quoi!
Les interprètes
Difficile de ne pas voir E.Pido! Je ne sais pas si chanteuses et chanteurs aiment se voir donner le départ de cette façon.
Je manque d'expérience pour l'orchestre.
Olga: vous avez raison, nous attendons toujours trop, car notre imagination est trop vive. Mais, c'est une belle voix (je ne discute pas technique, surtout pas).
Dimitry (déjà entendu dans les pêcheurs de perle): c'est avec lui que j'ai pris conscience de ce qu'est le bel canto, non en raison de la voix, que je préfèrerai plus ronde et chaude, mais en raison de la place accordé au ténor par V.B par rapport à G.Bizet.
Michele & Pietro: sérieux.
Daniela: beau timbre dramatique
Ugo: vous avez raison. Mais comment expliquez-vous que Michele et Ugo soient qualifiées de basse" et que nous percevions à l'écoute une telle différence de profondeur?
En conclusion: retourneriez-vous voir et écouter I Puritani? Pour ma part certainement car, V.B est sacrément charmeur.

8. Le jeudi 29 novembre 2012 à , par David Le Marrec

Bonsoir Olivier,

Voilà des considérations riches !

Le livret offre clairement un simple "halo" de couleur locale, mais finalement bien plus évocateur et précis que la majorité des autres livrets de seria... Dans l'absolu, je serais d'accord avec vous, mais comparativement, Pepoli est gagnant. Il suffit de voir ces héros romains évoluer dans le même univers verbal (et sonore) que les tempéraments de l'Arioste ou les chevaliers brumeux de Scott.

Je ne ressens pas l'équilibre musical de l'oeuvre de la même façon. Pour moi, dans tout l'acte I, on est au plus haut degré de tension. Pas forcément de tension dramatique au sens où l'action serait rapide et paroxystique, mais la qualité d'évocation et même les enjeux présentés sont très efficaces de mon point de vue (la messe hors scène, ça fonctionne très bien) ; et ce même si je n'adore pas le duo de la chambre avec l'oncle Giorgio, qui crée effectivement une discontinuité étrange.

Je ne suis pas sûr du tout que la mise en scène, vu le caractère très "suspendu" de l'ouvrage, apporte beaucoup, au contraire. Il risque plutôt de faire sentir l'impression de ralenti encore plus fortement, en décalage avec la prétention de "réalisme".
Cela dit, toutes les mises en scène des Puritains que j'ai vues s'étant montrées sinistrement littérales, avec quelques habits "mousquetaires" et aucune direction d'acteurs, il est possible qu'une vision un peu plus fouillée produise des effets. Mais j'en doute : autant la plus-value existe pour les oeuvres comiques de la période, autant il me paraît à peu près inaccessible de convertir ces livrets et surtout cette temporalité à numéros en quelque chose de viable scéniquement.

Concernant les transitions, certaines ont été coupées par Pidò, d'où quelques transitions abruptes. Je n'ai pas d'écho sur son appréciation par les chanteurs, mais peu m'importe, tant que le résultat du travail commun est convaincant.

Côté chanteurs : précisément, il arrive d'être très vivement surpris parce qu'on n'avait pas anticipé l'impact d'une voix. Lorsqu'on entend, par exemple, Mireille Delunsch ou Christianne Stotijn en scène, un choc acoustique se produit par rapport aux retransmissions. Inversement, certaines voix qu'on pressent dynamiques et "physiques" peuvent s'avérer un peu pâles, s'accommodant en fait très bien des micros. Et cela explique souvent le pourquoi des carrières, qui se font encore sur scène. Typiquement Nicolas Testé (Nourabad pour nos Pêcheurs), qui sonne tellement cravaté et poussif en retransmission, et dont l'impact en salle est toujours considérable. Ce décalage se produit très fréquemment pour les voix graves.

Deux explications pour Pertusi & Guagliardo. D'abord l'âge : Pertusi est un peu déclinant, et sa voix a sans doute été plus pénétrante et résonante, moins sèche en tout cas, dans son passé (je ne l'ai pas entendu en salle auparavant, mais c'est une évolution très courante). Ensuite et surtout la catégorie vocale : Guagliardo tient davantage de la basse noble, alors que Pertusi est une basse chantante, aux confins du baryton. L'assise dans le grave et l'autorité pour l'un, l'aisance dans l'aigu et la souplesse pour l'autre, ne sont pas les mêmes.


Retourner voir les Puritains ? Si c'était à refaire, assurément. En revanche, dans l'avenir, ayant beaucoup d'autres choses à voir, ce ne serait pas une priorité. Mais c'est de toute façon un opéra que j'écoute régulièrement au disque, et il existe quantité de grandes versions.


Bonne fin de soirée.

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David Le Marrec

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