Alfred BRUNEAU - L'Attaque du Moulin (Zola-Gallet 1893)
Par DavidLeMarrec, mardi 16 août 2011 à :: Opéras français d'après le romantisme :: #1808 :: rss
1. Contexte
L'ouvrage est inspiré de la nouvelle homonyme qui ouvre le recueil collectif des Soirées de Médan (Zola, Maupassant, Huysman, Céard, Hennique, Alexis). Après le succès du Rêve (1891) d'Alfred Bruneau (livret de Louis Gallet d'après le roman homonyme de Zola), Léon Carvalho (directeur de l'Opéra-Comique) commande un nouvel opéra. Cette fois-ci, Zola se mêle encore plus étroitement à la rédaction du livret, et en écrit même la part essentielle, si bien que Gallet sera finalement écarté des ouvrages postérieurs de Bruneau, en collaboration directe avec Zola.
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2. Extrait
Il n'existe (bien sûr...) aucune version intégrale commercialisée de l'oeuvre, même si l'Opéra de Metz en a donné une série de représentations en janvier 2010.
L'extrait mis en ligne par les lutins est donc tiré d'une bande de 1952 de la Radio-Télédiffusion Française :
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3. Musique
Bien que l'oeuvre appartienne au postwagnérisme français, son écriture est extrêmement sobre : très verticale, beaucoup d'accords, ce qui cadre très bien avec le propos martial et la simplicité des gens du moulin. Bruneau n'est néanmoins pas avare de modulations, ni d'accords de quatre sons qui apportent de la tension à son écriture d'apparence dépouillée.
Contrairement au Rêve qui était certes raffiné, mais d'inspiration un peu courte, et de plus mol aspect, contrairement aussi à son "gentil" Requiem, L'Attaque du Moulin est réellement une oeuvre marquante.
Je suis frappé d'y trouver, parmi les motifs récurrents, un petit motif descendant (lié aux mornes effets de la guerre) très parent de celui de la vengeance de la vieille Tili. Il est néanmoins plus embryonnaire et moins marquant... et écrit huit ans avant Lazzari (qui compose en 1900-1901).
Vous entendez donc ici un large extrait (une moitié) de l'acte III de la version de la RTF de 1952, dont la distribution suit. Les vers n'en sont vraiment pas formidables, mais le trio entre le Capitaine, le Meunier et sa fille ("A quoi bon lui demander grâce ?") est un petit bijou d'expression directe et très mélodique. Et, discrètement, toute l'oeuvre est soutenue par de jolies poussées harmoniques, qui paraissent pourtant consonantes, mais qui ne demeurent jamais en repos.
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4. Avenir ?
Une reprise récente à Metz, dans un contexte où l'on rejoue un peu Bruneau depuis quelques années : disque du Requiem, Le Rêve à Radio-France, Messidor en Allemagne et même - ça ne s'invente pas - au Carla-Bayle (Nord de l'Ariège). Même si ces oeuvres ne sont pas enthousiasmantes de part en part, elles sont un signe encourageant pour le retour en grâce de L'Attaque du Moulin, le titre le plus célèbre de Bruneau.
Roberto Alagna a déjà enregistré l'air "Adieu, forêts", aujourd'hui délaissé mais prisé de ses illustres devanciers de langue française - le seul fragment qui se trouve aisément au disque, et en nombreuses versions. Il pourrait bien être tenté, dans sa louable entreprise de ressusciter des rôles français à sa mesure, de faire sien le panache un peu désinvolte de Dominique. Le rôle lui siérait parfaitement de surcroît, réclamant plus de chaleur et de simplicité que de distinction précieuse. Il me semble d'ailleurs avoir lu, il y a quelque temps, que c'était en projet.
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5. Synopsis
L'action de 1870 de la nouvelle d'origine, encore trop fraîche et douloureuse, est transposée de façon bien plus positive pendant la Révolution française.
Acte I
Tableau idyllique au moulin du père Merlier, entouré de sa fille Françoise et de son gendre Dominique. Seuls les souvenirs de Marcelline, qui a perdu ses deux grands fils dans la dernière guerre, teintent le moment d'un peu de mélancolie.
Soudain le tambour paraît, et annonce la mobilisation générale des hommes valides : la guerre est déclarée.
Acte II
Le moulin du père Merlier sert de position à l'armée française, aidée par son futur gendre, Dominique, patriote français mais d'origine étrangère - qui n'a donc pas été mobilisé. Lorsque l'ennemi vient prendre le moulin, Dominique qui n'est pas militaire est trouvé les mains pleines de poudre.
Le capitaine ennemi déclare alors son acte "contraire à toutes les lois de la guerre" et décide de faire fusiller Dominique, peut-être dans le but de le contraindre à conduire l'armée vers la butte la plus proche. Devant le refus de celui-ci, l'exécution est fixée pour le lendemain matin.
Françoise vient trouver Dominique et lui annonce qu'elle le fera fuir. Pendant ce temps, on entend le chant douloureux de la sentinelle ennemie, qui rêve à sa fiancée.
Acte III
Reprise du chant de la sentinelle. Françoise vient la distraire, avec ses compagnes, pendant qu'elle fait fuir Dominique (ici débute notre extrait). Cependant Dominique est surpris par la sentinelle qui le menace de sa baïonnette. Il écarte l'arme et la frappe vigoureusement à la gorge.
Fou de rage, le capitaine ennemi (oui, c'est ainsi qu'il est nommé sur la partition) menace Merlier de le tuer à la place de son gendre si on ne le retrouve pas. Celui-ci accepte avec bravoure, refusant même qu'on pousse les recherches. (Fin de l'extrait, il ne reste qu'un choeur de soldats avant la fin de l'acte.)
Acte IV
Dominique revient pour vérifier si Françoise et son père ne sont pas en danger. Devant le trouble de sa fiancée, il devine qu'un danger les menace, mais Merlier, cherchant d'abord à faire feindre sa fille (en s'appuyant sur l'argument de ses années déjà passées), puis leur mentant à tous deux, annonce qu'il a été libéré.
Dominique par donc combattre avec les français pour récupérer le moulin. Après de touchantes évocations du passé que Françoise finit par percevoir comme l'adieu tacite de son père, les français attaquent le moulin. Les ennemis se retirent, mais le capitaine ne manque pas de faire fusiller Merlier. Après les fanfares victorieuses, Françoise conclut seule : "Oh ! la guerre ! Héroïque leçon et fléau de la terre !"
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6. Distribution
Eugène Bigot, Orchestre de la RTF, 8 octobre 1952
Françoise : Jane Rolland
Hélène Bouvier : Marcelline
Fernand Faniard : Dominique
Jacques Bouet : La Sentinelle
Charles Cambon : Merlier
Lucien Lovano : Le Capitaine ennemi
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Yvette Darras : Geneviève
Marcel Enot : le Tambour
Joseph Peyron : le Capitaine français
Bernard Lefort : un jeune homme
Commentaires
1. Le mardi 16 août 2011 à , par Guillaume
2. Le mardi 16 août 2011 à , par DavidLeMarrec
3. Le mercredi 17 août 2011 à , par JSM :: site
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