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mardi 6 avril 2021

Le grand tour 2021 des nouveautés – épisode 4 : cycles Pfleger, Cherubini, Schubert 13, Kreutzer, Dupuy, jeune Verdi, meilleurs Offenbach, Mahler-Tennstedt, Tapiola, femmes, Polonais, concertos pour violon, duos de piano, quatuors avec harmonium…


Toujours la brève présentation des nouveautés (et autres écoutes et réécoutes) du mois écoulé. Je laisse une trace pour moi, autant vous donner des idées d'écoutes…

heise

Conseils

Opéra

Trois opéras très peu présents au disque :
Les Feſtes d'Hébé de Rameau dans leur version révisée de 1747 ;
Drot og marsk de Heise, généreux opéra romantique suédois ;
Constellations d'Efrain Amaya d'après la vie de Miró (2012).

Hors nouveautés, retour aux fondamentaux : Isis de LULLY, La mort d'Abel de Kreutzer (six fois…), les meilleurs Verdi de jeunesse dans leurs meilleures versions (Oberto, Nabucco, Alzira, Stiffelio et sa refonte Aroldo… ne manquait qu'Il Corsaro !), Tristan de Wagner dans une version ultime (C. Kleiber, Scala 1978), les deux meilleurs Offenbach comiques (Barbe-Bleue et Le roi Carotte), Barbe-Bleue de Bartók en japonais, Saint François d'Assise de Messiaen dans la souple version Nagano !


Récitals


♦ Romances, Ballades & Duos, parmi les œuvres les plus touchantes de Schumann, par les excellents spécialistes Metzer, Vondung, Bode et Eisenlohr.
♦ Un autre cycle de Jake Heggie : Songs for Murdered Sisters.
♦ Yoncheva – disque au répertoire très varié, culminant dans Dowland et surtout une chaconne vocale de Strozzi éblouissante.
♦ Piau – grands classiques du lied symphonique décadent (dont les R. Strauss).

Hors nouveautés : j'ai découvert le récital composite de Gerald Finley avec le LPO et Gardner, tout y est traduit en anglais.


Sacré

♦ Cantates de la vie de Jésus par Pfleger, objet musical (et textuel) très intriguant.
♦ Couplage de motets de M.Haydn et Bruckner par la MDR Leipzig.

Hors nouveautés : Motets latins de Pfleger (l'autre disque), motets latins de Danielis (merveilles à la française), Cherubini (Messe solennelle n°2 par Bernius, aussi l'étonnant Chant sur la mort de Hayndn qui annonce… Don Carlos !), Messe Solennelle de Berlioz (par Gardiner), Service de la Trinité et Psaumes de Stuttgart de Mantyjärvi.


Orchestral

Hors nouveautés : Cherubini (Symphonie en ré), Mahler par Tennstedt (intégrale EMI et prises sur le vif), Tapiola de Sibelius (par Kajanus, Ansermet, Garaguly, plusieurs Berglund…), Pejačević (Symphonie en fa dièse)


Concertant

Hors nouveautés : concertos pour violon de Kreutzer, Halvorsen, Moeran, Harris, Adams, Rihm, Dusapin, Mantovani. Concertos pour hautbois de Bach par Ogrintchouk. Concerto pour basson de Dupuy par van Sambeek.


Chambre

♦ Trios de Rimski et Borodine, volume 3 d'une anthologie du trio en Russie.
♦ Pour deux pianos : Nocturnes de Debussy et Tristan de Wagner arrangé par Reger.
♦ Meilleure version de ma connaissance pour le Quatuor pour la fin du Temps de Messiaen par le Left Coast Ensemble (musiciens de la région de San Francisco).

Hors nouveautés : Matteis (disque H. Schmitt et disque A. Bayer), Bach (violon-clavecin par Glodeanu & Haas, souplesse garantie), Rondo alla Krakowiak de Chopin avec Quintette à cordes, disques d'arrangements du Quatuor Romantique (avec harmonium !) absolument merveilleux, Messiaen (Quatuor pour la fin du Temps par Chamber Music Northwest).
Et pas mal de quatuors à cordes bien évidemment : d'Albert, Smyth (plus le Quintette à cordes), Weigl, Andreae, Korngold, Ginastera (intégrale des quatuors dans la meilleure version disponible)…


Solo

♦ Récital de piano : Samazeuilh, Decaux, Ferroux, L. Aubert par Aline Piboule.

Hors nouveautés : clavecin de 16 pieds de Buxtehude à C.P.E. Bach.


La légende
Du vert au violet, mes recommandations…
→ * Vert : réussi !
→ ** Bleu : jalon considérable.
→ *** Violet : écoute capitale.
→ ¤ Gris : pas convaincu.
(Les disques sans indication particulière sont à mon sens de très bons disques, simplement pas nécessairement prioritaires au sein de la profusion de l'offre.)


piboule

Liste brute suit :




Nouveautés : œuvres

Rameau – Les Feſtes d'Hébé (version de 1747) – Santon, Perbost, Mechelen, Estèphe, Orfeo Orchestra, Vashegyi (radio hongroise)
→ Premier enregistrement de la version remaniée de 1747, très vivement animée par Vashegyi (davantage tourné vers l'énergie cinétique que la couleur). Des réserves fortes sur Santon ici (vibrato vraiment trop large, instrument surdimensionné), en revanche Estèphe (mordant haut et verbe clair) exhibe l'un des instruments les mieux faits de toute la scène francophone.
Audible sur la radio hongroise avant parution CD dans quelques mois…

Rimski-Korsakov, Cui, Borodine – Trios piano-cordes (« Russian Trio History vol.3 ») – Brahms Piano Trio (Naxos 2021)
→ Élan formidable du Rimski. Très beau mouvement lent lyrique de Borodine.

Brahms, Sonate à deux pianos // Wagner-Reger, Prélude et mort d'Isolde // Debussy, Nocturnes – « Remixed » –  Grauschumacher Piano Duo (Neos 2021)
→ Splendides timbres, textures et couleurs du duo. Ainsi transcrits, Tristan et les Nocturnes constituent une approche originale, et marquante.

Koželuch : Concertos and Symphony par Sergio Azzolini, Camerata Rousseau, Leonardo Muzii (Sony 2021)
→ Avec un son de basson très terroir.

Pfleger – Cantates « The Life and Passion of the Christ » – Vox Nidrosiensis, Orkester Nord, Martin Wåhlberg (Aparté 2021)
→ Musique du Nord de l'Allemagne au milieu du XVIIe siècle. Œuvres inédites (seconde monographie seulement pour ce compositeur.
→ Plus ascétique que ses motets latins (disque CPO, plus expansif), je vous promets cependant de l'animation, avec ses solos de psaltérion, ses évangélistes qui fonctionnent toujours à deux voix, ses structures mouvantes qui annoncent l'esthétique des Méditations pour le Carême de Charpentier.
→ Par ailleurs, curiosité d'entendre des textes aussi composites (fragments des Évangiles mais aussi beaucoup d'Ancien Testament épars), ou encore de voir Dieu s'exprimer en empruntant les mots d'Ézéchiel et en émettant des notes très graves (mi 1 - ut 1) sur des membres de phrase entiers.
→ On y rencontre des épisodes peu représentés d'ordinaire dans les mises en musique – ainsi la rencontre d'Emmaüs, ou la Cananéenne dont la fille est possédée – écrits en entrelaçant les sources des Évangiles, des portions des livres prophétiques, les gloses du XVIIe et les chants populaires de dévolution luthériens, parfois réplique à réplique…
→ De quoi s'amuser aussi avec le contexte (je vous en touche un mot dans la notice de ma main), avec ces duels à l'épée entre maîtres de chapelle à la cour de Güstrow (le dissipé Danielis !), ou encore lorsque Pfleger écarte sèchement une demande du prince, parce que lui sert d'abord la gloire de la musique et de Dieu. (Ça pique.)
→ Et superbe réalisation, conduite élancée, voix splendides et éloquentes.

SCHUMANN, R.: Lied Edition, Vol. 10 - Romanzen und Balladen / Duets (Melzer, Vondung, Bode, Eisenlohr)
→ Superbe attelage pour les lieder en duo de Schumann, de petits bijoux trop peu pratiqués.

Michael Haydn, Bruckner – Motets – MDR Leipzig, Philipp Ahmann (PentaTone 2021)
→ La parenté entre les deux univers sonores (calmes homorythmies, harmonies simples) est frappante. La couleur « Requiem de Mozart » reste prégnante chez M. Haydn. Très beau chœur rond et tendre.

Monteverdi, Ferrabosco, Cavalli, Strozzi, Stradella, Gibbons, Dowland, Torrejón, Murcia, traditionnel bulgare… – « Rebirth » – Yoncheva, Cappella Medeiterranea, García Alarcón (Sony 2021)
→ La voix est certes devenue beaucoup plus ronde et moins focalisée, mais le style demeure de façon impressionnante, pas le moindre hors-style ici.
→ Accompagnement splendide de la Cappella Mediterranea, parcourant divers climats – l'aspect « ethnique » un peu carte postale de certaines pistes, façon Arpeggiata, étant probablement le moins réussi de l'ensemble.
→ Le disque culmine assurément dans l'ineffable chaconne de l'Eraclito amoroso de Mlle Strozzi, petite splendeur. . Come again de Dowland est aussi particulièrement frémissant (chaque verbe est coloré selon son sens)… !

Samazeuilh, Le Chant de la Mer // Decaux, Clairs de lune // Ferroud, Types // Aubert, Sillages – Aline Piboule (Printemps des Arts de Monte-Carlo 2021)
→ Déjà célébrée par deux fois dans des programmes français ambitieux chez Artalinna (Flothuis, Arrieu, Smit, Fauré, Prokofiev, Dutilleux !), grand retour du jeu plein d'angles d'Aline Piboule dans quatre cycles pianistiques français de très haute volée :
→ le chef-d'œuvre absolu de Decaux (exploration radicale et approche inédite de l'atonalité en 1900),
→ première gravure (?) du Ferroud toujours inscrit dans la ville,
→ lecture ravivée de Samazeuilh (qui m'avait moins impressionné dans la version ATMA), et
→ scintillements argentés, balancements et mélodies exotiques fabuleuses des Sillages de Louis Aubert  !
→ bissé

PÄRT, A.: Miserere + A Tribute to Cæsar + The Deer's Cry, etc. – BayRSO, œsterreichisches ensemble fuer neue musik, Howard Arman (BR-Klassik 2021)
→ Belle version de belles œuvres de Pärt – pas nécessairement le Balte le plus vertigineux en matière de musique chorale, mais sa célébrité permet de profiter souvent de ses très belles œuvres, servies ici par ce superbe chœur.

Michał BERGSON – Piano Concerto / Mazurkas, Polonaise héroïque, Polonia!, Il Ritorno,  Luisa di Montfort [Opera] (excerpts) – Jonathan Plowright au piano, Drygas, Kubas-Kruk ;  Poznan PO, Borowicz (DUX 2020)
→ Le père d'Henri – principale raison d'enregistrer ces œuvres pas majeures.
→ Concerto très chopinien (en beaucoup moins intéressant). La Grande Polonaise Héroïque, c'est même du pillage de certaines tournures de celle de Chopin… (en beaucoup, beaucoup moins singulier)
→ L'Introduction de Luisa di Montfort est écrite sur le thème « Vive Henri, vive ce roi galant », plus original et amusant. Mais ensuite : cabalette transcrite pour clarinette, on garde donc juste la musique belcantiste pas très riche et la virtuosité extérieure, sans le théâtre.
→ Il Ritorno, une petite pièce vocale en français, galanterie ornementale virtuose parfaitement banale de 4 minutes. Pas enthousiaste.
→ Première déception chez DUX !  (mais au moins c'est rarissime et plutôt bien joué… donc toujours une découverte agréable)

Efrain AMAYA – Constellations [2012] – Young, Kempson, Shafer ; Arts Crossing Chb O, Amaya (Albany 2020)
→ Très tonal, sur jolis ostinatos, déclamation sobre pour trois personnages, un opéra inspiré par la vie (et les opinions) de Joan Miró. Il y discute de ses ressentis d'artiste (sur Dieu, dans le premier tableau…)  avec sa femme, parfois en présence de sa fille silencieuse. Également quelques échanges avec un oiseau, muse du peintre (incarné par la chanteuse qui fait l'épouse), et entre l'épouse et l'esprit de la maison.
→ Même le final, lorsque la famille fuit tandis que les bombes se mettent à pleuvoir sur le village, sonne plutôt « oh, regarde la télé, c'est absolument dément ce qu'ils font, tu y crois toi ? ».
→ Ce n'est pas du drame très brûlant, mais tout ça est très joli et délicat, assez réussi. À tout prendre beaucoup plus satisfaisant que ces opéras qui, en voulait être simultanément un laboratoire musical ou poétique, ne sont tout simplement pas opérants prosodiquement et dramatiquement – devenant vite mortellement ennuyeux. Choix peu ambitieux ici, mais plutôt séduisant.

STANCHINSKY : Piano Music (A Journey Into the Abyss) (Witold Wilczek) (DUX 2021)
→ Impressionnant pianiste, très découpé et enveloppant à la fois !
→ Le corpus en est ravivé (pièces polyphoniques, nocturne, mazurkas). Mais le plus intéressant demeure les Fragments, absents ici.

STANCHINSKY : Piano Works (Peter Jablonski) (Ondine 2021)
→ A beaucoup écouté Chopin... Très similaire dans les figures et l'harmonie, à la rigueur augmenté de quelques effets retors typés premier Scriabine.
→ Les Fragments sont plus intéressants que les Sonates et Préludes ; beaucoup plus originaux et visionnaires, plus scriabiniens, voire futuristes.
→ Pianiste assez lisse.

HEISE, P.A.: Drot og marsk (Royal Danish Opera Chorus and Orchestra, Schønwandt) (Dacapo 2021)
→ Superbe drame romantique, dans la veine de Kuhlau, remarquablement chanté et joué. Tout est fluide, vivant, inspiré, œuvre à découvrir absolument !  (il en existait déjà une version pas trop ancienne chez Chandos)

HEGGIE, J.: Songs for Murdered Sisters (J. Hopkins, J. Heggie)
→ Toujours dans le style fluide et très bien pensé rhétoriquement de Heggie. Songs très bien chantées.



Nouveautés : versions

Bach: 'Meins Lebens Licht' - Cantatas BWV 45-198 & Motet BWV 118 – Collegium Vocale Gent, Philippe Herreweghe (Phi 2021)
→ Approche très douce et caressante, comme voilée… Agréable, mais on peut faire tellement plus de ce corpus !
→ (Déçu, j'ai beaucoup lu que c'était ultime…)

Messiaen – Quatuor pour la fin du Temps – Left Coast Ensemble (Avie 2021)
→ Captation proche et très vivante, interprétation très sensible à la danse et à la couleur, une merveille où la direction de l'harmonie, le sens du discours apparaissent avec une évidence rare !
+ Rohde:  One wing (Presler, Anna; Zivian, Eric)
→ Très plaisante piécette violon-piano, congruente avec Messiaen, écrite par l'altiste membre de cet ensemble centré autour de San Francisco.

R. Strauss, Berg, Zemlinsky – Lieder orchestraux : Vier letzte Lieder, Morgen, Frühe-Lieder, Waldesgespräch – Piau, O Franche-Comté, Verdier (Alpha 2021)
→ Beau grain de cordes (pas du tout un fondu « grand orchestre », j'aime beaucoup), cuivres moins élégants.
→ Piau se tire très bien de l'exercice, même si captée de près (et pour ce format de voix, j'aime une articulation verbale plus acérée), très élégante et frémissante.

Verdi – Falstaff – Raimondi, OR Liège, Arrivabeni (Dynamic)
→ Raimondi vieillissant et éraillé, mais toujours charismatique. En revanche, tout est capté (y compris le très bon orchestre) atrocement, comme rarement chez ce label pourtant remarquable par ses prises de son ratées : on entend tout comme depuis une boîte sous la fosse, les chanteurs sont trop loin l'orchestre étouffé, c'est un carnage.
→ À entendre pour la qualité des interprètes, mais très peu agréable à écouter.

Beethoven:  König Stephan (King Stephen), Op. 117 (revised spoken text by K. Weßler) – Czech Philharmonic Choir, Brno; Cappella Aquileia; Bosch, Marcus (CPO 2021)
+ ouvertures de Fidelio
→ Version très informée et sautillante, avec un récitant (à défaut du texte d'origine) ce qui est rarement le cas.


heise




Autres nouvelles écoutes : œuvres

Offenbach – Le roi Carotte – Pelly, Lyon (vidéo France 3)
→ Les sous-entendus grivois les plus osés que j'aie entendus sur une scène d'opéra… Formidable composition étonnamment libre pour du Offenbach, livret d'une ambition bigarrée assez folle, une petite merveille servie au plus haut niveau (Mortagne, Beuron, Bou !).
→ Grand concertato des armures qui évoque Bénédiction des Poignards, superbe quatuor suspendu d'arrivée à Pompéi, impressionnante figuration des chemins de fer…

Danielis – Motets – Ensemble Pierre Robert, Desenclos (Alpha)
→ Petites merveilles à la française de ce compositeur wallon ayant exercé en Allemagne du Nord, où – à Güstrow notamment – il s'est illustré par ses frasques, insultes, caprices, chantages au départ…
→ Interprétation à la française également, d'une sobre éloquence, comme toujours avec Desenclos.
→ Bissé.

Buxtehude, Böhm, Weckmann, J.S. Bach, C.Ph. Bach, W.F. Bach – Vom Stylus phantasticus zur freien Fantasie – Magdalena Hasibeder sur clavecin 16’ de Matthias Kramer (2006) d’après un clavecin hambourgois (vers 1750) (Raumklang 2013)
→ Impressionnante majesté du clavecin doté d'un jeu de seize pieds (au lieu du huit-pieds traditionnel), capté de façon un peu trouble. Mais la superbe articulation de M. Hasibeder compense assez bien ces limites. Un pont entre deux esthétiques de l'affect différentes, sur un rare modèle reconstitué.

Moeran – Concerto pour violon – (Lyrita)
→ Lyrique, atmosphérique, dansant, très réussi. Mouvements lents encadrant un mouvement rapide très entraînant et bondissant.
+ Rhapsodie en fa# avec piano (aux formules digitales très rachmaninoviennes)
+ Rhapsodie en mim pour orchestre, très belle rêverie !

Roy Harris & John Adams: Violin Concertos – Tamsin Waley-Cohen, BBC Symphony Orchestra, Andrew Litton (Signum)
→ Deux concertos très vivants et colorés, où l'orchestre jou sa part.
→ Bissé.

Halvorsen – Concerto pour violon  – Henning Kraggerud, Malmö SO (Naxos 2017)
→ Très violonistique, mais beaucoup des cadences simples et sens de la majesté qui apportent de grandes satisfactions immédiates.

Rihm, Gedicht des Malers – R. Capuçon, Wiener Symphoniker, Ph. Jordan
+ Dusapin, Aufgang – R. Capuçon, OPRF, Chung
+ Mantovani, Jeux d'eau  – R. Capuçon, Opéra de Paris, Ph. Jordan
→ Mantovani chatoyant et plein de naturel, Rihm lyrique et privilégiant l'ultrasolo et le suraigu, Dusapin plus élusif.

Svendsen: Violin Concerto in A major, Op. 6 / Symphony No. 1 in D major, Op. 4 – Arve Tellefsen, Oslo PO, Karsten Andersen (ccto), Miltiades Caridis (symph) (Universal 1988)
→ Timbre d'une qualité surnaturelle… Sinon belle plénitude paganino-mendelssohnienne, et plus d'atmosphères que d'épate.
→ Symphonie plus naïve, en bonne logique vu le langage.

Matteis – False Consonances of Melancholy – A. Bayer,  Gli Incogniti, A. Bayer (ZZT / Alpha 2009)
→ Très beau disque également, mais de consonance plus lisse.

Matteis – Ayrs for the Violin – Hélène Schmitt (Alpha 2009)
→ Œuvres magnifiques, déjà tout un art consommé de doubles cordes notamment, mais toujours avec poésie.

Saint-Saëns – Suite pour violoncelle et orchestre – Camille Thomas, ON Lille, A. Bloch (DGG 2017)
→ Suite d'inspiration archaïsante mais extrêmement romantisée, très réussie.
+ des Offenbach arrangés

Boccherini, Couperin-Bazelaire, Frescobaldi-Toister, Monn-Schönberg – Concertos pour violoncelleJian Wang, Camerata Salzburg (DGG 2003)
→ Boccherini G. 482 en si bémol, plein de vie. Le reste du corpus est moins marquant, surtout Monn, assez terne. Très belle interprétation tradi-informée.

PabstTrio piano-cordes (« Russian Trio History vol.2 ») – Brahms Piano Trio (Naxos)
→ Bissé. Beau Trio à la mémoire d'A. Rubinstein, bien fait, mais je n'ai pas été particulièrement saisi.

Dupuy:  Flute Concerto No. 1 in D Minor – Petrucci, Ginevra; Pomeriggi Musicali, I; Ciampi, Maurizio (Brilliant Classics 2015)
→ On y retrouve les belles harmonies contrastées et expressives propres à Dupuy, mais l'expression galante et primesautière induite par la flûte n'est pas passionnante.

Édouard Dupuy – Bassoon Concerto in A Major – van Sambeek, Sinfonia Rotterdam, Conrad van Alphen (Brilliant 2012)
→ Orchestre hélas tradi-mou. Belle œuvre qui mériterait mieux, quoique en deçà du gigantesque concerto en ut mineur…

KreutzerViolin Concerto No. 14 in E Major – Peter Sheppard Skærved, Philharmonie Slovaque de Košice ; Andrew Mogrelia (Naxos 2007)
→ Quelle grâce, on pense à Du Puy ! 
+ n°15, Davantage classicisme standard, mais interprétation très belle (quel son de violon, quelle délicatesse de cet orchestre tradi !) qui permet de se régaler dans les moments les plus lyriques.
(Arrêtez un peu de nous casser les pieds avec Saint-George et faites-nous entendre du Clément et du Kreutzer, les gars !)

Kreutzer:  42 Etudes ou caprices – Masayuki Kino (Exton 2010)
→ Vraiment des études de travail, certes plutôt musicales, mais rien de bien passionnant à l'écoute seule, si l'on n'est pas dans une perspective technique. Un disque pour se donner des objectifs plutôt que pour faire l'expérience de délices musicales…
→ (mieux qu'Aškin et E. Wallfisch, paraît vraiment difficile à timbrer)

Marschner ouv Vampyr, Korngold fantaisie Tote Stadt, R. Strauss Ariadne Fantaisie, Meyerbeer fantaisie Robert le Diable – « Opera Fantasias from the Shadowlands » – Le Quatuor Romantique (violon, violoncelle, piano, harmonium) (Ars Produktion 2010)
→ Arrangements passionnants qui ne se limitent pas aux moments instrumentaux les plus évidents mais parcourent l'œuvre (le pot-pourri d'Ariadne est particulièrement exaltant !), et dans un effectif typique de la musique privée de la fin du XIXe siècle, un ravissement – qui change radicalement des disques qu'on a l'habitude d'entendre.
→ Trissé.

Wagner – Wesendonck, extraits de Rienzi, Lohengrin, Meistersinger,  Parsifal – « Operatic Chamber Music » – Suzanne McLeod, Le Quatuor Romantique (violon, violoncelle, piano, harmonium) (Ars Produktion 2013)
→ À nouveau des arrangements qui (échappent un peu moins aux grands tubes mais) renouvellent les équilibres sans déformer l'esprit ni l'impact des œuvres. Très persuasif !

Tchaïkovski, Casse-Noisette (extraits), Waldteufel Patineurs, Humperdinck ouverture Hänsel & Noëls traditionnels allemands – « CHRISTMAS MUSIC - A Late Romantic Christmas Eve » – (Elena Fink, Le Quatuor Romantique) (Arsk Produktion 2010)
→ Encore un délice…

BRAHMS, J.: Piano Quintet become String Quintet, Op. 34 (reconstructed by S. Brown) / WEBER, J.M.: String Quintet in D Major (Divertimenti Ensemble) (Cello Classics 2007)
→ Belle œuvre de Weber (Joseph Miroslav).
→ Transformation réussie du Quintette avec piano en quintette à cordes, les contrastes et les effets rythmiques demeurent vraiment de façon convaincante – davantage que dans la version Sonate pour deux pianos, pourtant de la main de Brahms !

Mantyjärvi – Service de la Trinité, Psaumes de Stuttgart et autres motets – Trinity College Cambridge, Layton
→ Excellent exemple de la belle écriture chorale de la baltique, avec une progression harmonique simple, des accords riches, un rapport éttroit au texte, une lumière intense.

Smyth – Quatuor en mi mineur – Mannheim SQ (CPO)
+ quintette à cordes
→ Œuvres remarquablement bâties, avec une belle veine mélodico-harmonique de surcroît. Le Quintette (de jeunesse) plus marqué par une forme de folklore un peu rustique, le quatuor plus sophistiqué (peut-être encore meilleur).

Bosmans – Quatuor –
→ Bien bâti, particulièrement court.

Honneur à la patrie (Collection "Chansons de France") – Chants patriotiques – Thill, Lucien Lupi, Dens, Arlette Deguil, Legros, Roux, Michèle Dorlan… (Marianne Melodie 2011)

Cherubini, Galuppi, Clementi, Bonazzi, Busi, Canneti… – Sonatas for two organs – Luigi Celeghin, Bianka Pezić (Naxos 2004)
→ Cherubini avec des marches harmoniques alla Bach, Galuppi tout bondissant en basses d'Alberti… quelles étranges choses. Assez sinistre sur ces pleins-jeux blanchâtres (pourtant des orgues italiens de 1785), pièces pas passionnantes…   et l'effet de dialogue est complètement perdu au disque (la matière musicale seule ne paraît pas justifier l'emploi de deux organistes.
→ Seul Cherubini m'a un peu intéressé, par sa tenue et son décalage avec l'habitude. Sinon, l'arrangement par Francesco Canneti du grand concertato à la fin du Triomphe d'Aida est un peu divertissant et tuilé, à défaut de subtil.

CherubiniSciant gentes – Keohane, Maria; Oitzinger, Margot; Hobbs, Thomas; Noack, Sebastian; Stuttgart Chamber Choir; Hofkapelle Stuttgart; Bernius, Frieder (Carus 2013)
→ Gentil motet sans éclat particulier, bien joué sans électricité excessive non plus.

CherubiniChant sur la mort de Haydn, Symphonie en ré – Cappella Coloniensis, Gabriele Ferro (Phoenix 2009)
→ Début de la mort de Haydn contient pas mal d'éléments du début de l'acte V de Don Carlos !  Culture sacrée commune aux deux, ou souvenir de Verdi ?

Cherubini
Pimmalione – Adami, Berghi, Carturan, Ligabue, RAI Milano, Gerelli (libre de droits 1955)

Cherubini – Les Abencérages – Rinaldi, Dupouy, Mars ; RAI Milan, Maag (Arts)
→ Quelques variations (orchestrales !) sur la Follia en guise de danses de l'acte I.
→ Ne semble pas génialissime (récitatifs médiocres en particulier), mais joué ainsi à la tradi-mou avec une majorité de chanteurs à fort accent et plutôt capté, on ne se rend pas forcément compte des beautés réelles… M'a évoqué le Cherubini-eau-tiède d'Ali Baba et de Médée, eux aussi très mal servis au disque…

Cherubini – Messe Solennelle n°3 en mi (1818) // 9 Antifona sul canto fermo 8 tona // Nemo gaudeat  – Ziesak, Pizzolato, Lippert, Abdrazakov ; BayRSO, Muti (EMI)
→ Mollissime. Il y a l'air d'y avoir de jolies choses, mais Muti, pourtant sincère amoureux de cette musique, noie tout sous une mélasse hors style.
→ Quand même la très belle découverte du motet Nemo gaudeat, très belles figures chorale, curieux de réentendre cela en de meilleures circonstances…

Bartók, Le Château de Barbe-Bleue (en japonais) – Ito, Nakayama, NHK Symphony, Rosenstock (1957, édité par Naxos)
→ Pas très typé idiomatiquement en dehors du Prologue, mais très bien chanté et joué, beaucoup d'esprit !

Górecki:  String Quartet No. 3, Op. 67, "Pieśni śpiewają" ( … Songs Are Sung) – DAFÔ String Quartet (DUX 2017)
→ Aplats et répétitions, pas aussi détendant que son Miserere ou sa Troisième Symphonie, clairement, mais dans le même genre à temporalité lente et au matériau raréfié.
→ Premier mouvement un peu sombre, le deuxième est au contraire un largo en majeur, en grands accords lumineux et apathiques, les deux scherzos intermédiaires apportant un brin de vivacité, jusqu'au final largo, plus sérieux et prostré. Assez bel ensemble, plutôt bien fait (mais très long pour ce type de matière : 50 minutes !).

CHOPIN : Rondo alla Krakowiak (Paleczny, Prima Vista Quartet, Marynowski) (DUX 2015)
→ Réjouissante version accompagnée par un quintette à cordes, pleine de saveur et de tranchant par rapport aux versions orchestrales forcément plus étales et arrondies – et ce même du côté du piano !



Autres nouvelles écoutes : interprétations

Chabrier, ouverture de Gwendoline, España, Bourrée fantasque, Danse villageoise / Bizet, Suite de l'Arlésienne  / Lalo Ys ouverture / Berlioz extraits Romé / Debussy Faune / Franck Psyché extts / Pierné Cydalise extts, Ramuntcho extts, Giration, Sonata da Camera – Orchestre Colonne, Pierné (Malibran)
→ Quelle vivacité, quel élan !  Et le son est franchement bon pour son temps.

Berlioz – Messe Solennelle (Resurrexit) – ORR, Gardiner (vidéo 1993)
→ La folie pure.

Messiaen – Saint François d'Assise – Hallé O, Nagano (DGG)
→ Quel naturel par rapport à Ozawa !  On sent que la partition fait désormais partie du patrimoine et que son discours coule de source.

Walton – Concerto pour violon – Suwanai (Decca)
→ Toujours son très beau son, mais l'œuvre me laissant assez froid…

Mahler – Symphonie n°5 – LPO, Tennstedt  (EMI)
→ Tourbillon dément.  Même l'Adagietto est d'une tension à peine soutenable.

MONN, G.M.: Cello Concerto in G Minor (arr. A. Schoenberg) (Queyras, Freiburg Baroque Orchestra, Müllejans) (Harmonia Mundi)
→ Un peu aigre comme son d'orchestre pour du classicisme, serait sans doute très bien dans une œuvre intéressante mais ici…

Saint-Saëns, Berlioz – « French Showpieces (Concert Francais)  » – James Ehnes, Orchestre symphonique de Québec, Yoav Talmi (Analekta 2001)

Bach – Oboe Concertos – Alexei Ogrintchouk, Swedish ChbO (BIS 2010)
→ Quel son incroyable, et quel orchestre aussi…

Verdi Oberto (version originale), acte I – Guleghina, Stuart Neil, Ramey ; Saint-Martin-in-the-Fields, Marriner (Philips)
→ Tire beaucoup plus, joué ainsi, vers Norma et le belcanto plus traditionnel. Plus formel, moins stimulant.
→ Avec Marriner, les formules d'accompagnement restent de l'accompagnement. Et même Ramey semble un peu prudent, composé. (Manque d'habitude de ces rôles en scène, probablement aussi : la plupart n'ont dû faire que ce studio.)

Verdi – Oberto – Dimitrova, Bergonzi, Panerai ; Gardelli (Orfeo)
→ Grande inspiration mélodique et dramatique pour ce premier opéra. Distribution qui domine ses rôles !  Et des ensembles furibonds étourdissants !

♥  Verdi – Alzira – Cotrubas, Araiza, Bruson, Gardelli (Orfeo)
→ De très très beaux ensembles… Un des Verdi les moins joués, et vraiment sous-estimé.

Sibelius – Symphonie n°2 – Suisse Romande, Ansermet (Decca 1962)
→ Belle version pleine d'ardeur, avec des timbres toutefois très aigrelets. Tout ne fonctionne pas à égalité (le mouvement lent manque peut-être un peu de plénitude et de fondu ?), mais la toute fin est assez incroyable de généreuse intensité.

Sibelius – Tapiola – Helsinki PO, Berglund
→ Un peu rond, mais rapide et contrasté, extrêmement vivant !
+ Kajanus
→ Orchestre limité et problématique (justesse, disparité de timbres), mais élan irrésistible, conduite organique du tempo, saveur des timbres !

Messiaen – Quatuor pour la fin du Temps – Chamber Music Northwest (Delos 1986)

Messiaen – Quatuor pour la fin du Temps
– Jansen, Fröst, Thedéen, Debargue (Sony)
→ Très soliste, manque un peu de cette fièvre commune (trop facile pour eux ?). Même Thedéen, mon idole d'éloquence élégance dans Brahms, paraît un peu forcer son timbre.

Verdi – Nabucco (extraits en allemand) – Liane Synek, Lear, Kónya, Stewart, Talvela ; Deutsche Oper Berlin, H. Stein (DGG)
→ Version très bien chantée (en particulier le ferme mordant de Stewart et la tendreté de Lear).
→ Les extraits sont étrangement choisis (pas d'ensembles, pas d'Abigaille hors sa mort !).

Verdi – Aroldo – Vaness, Shicoff, Michaels-Moore ; Maggio Firenze, Luisi (Philips 2001)
→ Distribution, orchestre, captation de luxe pour  cette refonte de Stiffelio, dans le contexte plus consensuel des croisades. Les meilleurs morceaux (le grand ensemble du duel à l'acte II, l'air du père au début du III…)  sont cependant conservés, à l'exception du prêche final, hélas. (La version Aroldo de la fin Deest non seulement musicalement fade, mais aussi dramatiquement totalement ratée.)
→ Meilleure version disponible au disque pour Aroldo, à mon sens.
→ bissé

Schubert – Quatuor n°13 – Diogenes SQ
+ Engegård (plus vivant)
+ Ardeo (un peu gentil)
+ Takacs (vrai relief, son grand violon)
+ Terpsycorde réécoute (instruments anciens)
+ Mandelring (belle mélncolie)
+ Chilingirian SQ (autant leur Quintette est fabuleux, autant ce quatuor, épais et mou me déçoit de leur part)

Sibelius – Tapiola – Suisse Romande, Ansermet
→ Ce grain incroyable, cette verdeur, cette clarté des timbres et du discours !
(+ Davis LSO, très bien)
(+ Berglund Radio Finlandaise, contrastes incroyables !)

Cherubini – Medea acte I – Forte, Antonacci, Filianoti ; Regio Torino, Pidò
→ Toujours aussi mortellement ennuyeux… et malgré Pidò (il faut dire que la distribution n'aide guère…).

Debussy, œuvres à deux pianos  –  Grauschumacher Piano Duo (Neos 2021)

récital : Weber (Euryanthe), Wagner (Tannhäuser, Meistersinger), Verdi (Otello), Tchaïkovski (Iolanta), Bizet (Carmen), Adams (Doctor Atomic), Turnage (The Silver Tassie)… en anglaisFinley, LPO, Gardner (Chandos 2010)
→ Très beau récital très varié et original, splendidement chanté sur toute l'étendue des tessitures et des styles…
+ réécoute de l'air d'Adams avec BBCSO & Adams (Nonesuch 2018)
Quel tube immortel !

Haendel – Jephtha (disco comparée)
Gardiner, c'est plutôt un de ses disques tranquilles (mous). Pas du niveau de son Penseroso par exemple.
Biondi est très bien mais attention, il utilise un orchestre moderne, les cordes sont en synthétique et très ronde même si ça vibre peu, couleurs des vents plutôt blanches aussi, et on entend que les archets sont modernes, ça n'a pas le même tranchant à l'attaque : c'est très bien pour un orchestre pas du tout spécialiste, mais vu qu'on a du choix au disque, n'en attends pas un truc comparable à ses enregistrements de Vivaldi.
Budday sonne un peu écrasé, Grunert plutôt triste. Même Christophers n'est pas très électrique.
Creed reste un peu tranquille, mais un des plus animés et équilibrés en fin de compte.
Harnoncourt a un peu vieilli, mais ça a le grain extraordinaire et l'engagement du Concentus des débuts… Il faut voir sur la longueur ce que ça donne, mais l'effet Saül n'est pas à exclure !  En tout cas, c'est nettement la plus habitée, je trouve. (Avec Biondi, mais instruments modernes…)

Schumann – Szene aus Goethes Faust, « Mitternacht » – Jennifer, Vyvyan Fischer-Dieskau ;  ECO, Britten (Decca)
+ réécoute Harding-BayRSO <3
+ réécoute Abbado-Terfel
+ réécoute Wit-Kortekangas
+ réécoute Harnoncourt-Concertgebouw
(avec partition d'orchestre)

Smetana:  Má vlast – Bamberg SO, Hrůša (Tudor 2016)
→ Beaux cuivres serrés, superbes cordes, grand orchestre assurément et par la légèreté de touche d'un habitué du folklore. Ensuite, je trouve toujours cette œuvre aussi univoque, faite de grands aplats affirmatifs, sans discours très puissant, une suite de grands instantanés grandioses. À tout prendre, dans le domaine du mauvais goût pas toujours souverainement inspiré, l'Alpestre de Strauss m'amuse autrement !




Réécoutes : œuvres

LULLY – Isis (actes III, IV) – Rousset

Pierné – Cydalise & le Chèvre-pied – Luxembourg PO, Shallon (Timpani)
→ Très joli, dans le genre de Dapnis (en plus rond). Le sujet versaillais n'induit pas vraiment d'archaïsmes. Très beau ballet galant et apaisé.

Pierné – La Croisade des Enfants (en anglais) – Toronto SO, Walter Susskind
→ Un peu lisse, en tout cas joué / chanté ainsi.

Pierné – L'An Mil – Peintre, ON Lorraine, Mercier (Timpani)
→ Aplats vraiment pauvres des mouvements extrêmes, mais ce scherzo de la Fête des Fous et de l'Âne est absolument extraordinaire, et illustre de façon éclatante le génie orchestratoire de Pierné – certains éléments, comme l'usage des harmoniques de violon pour créer des résonances dynamiques, sont abondamment réutilisés dans L'Oiseau de feu de Stravinski…

Moulinié: Le Cantique de Moÿse – par les Arts Florissants, William Christie (HM)
→ Toujours pas convaincu par cet corpus qui regarde bien plus vers la Renaissance et la polyphonie assez austère que vers les talents extraordinaires de mélodiste que manifesta par ailleurs Moulinié.

Pfleger – Motets latins – CPO

Kreutzer – La mort d'Abel – Droy, Bou, Pruvot ; Les Agrémens, van Waas (Singulares 2012)
→ six fois

Édouard Dupuy – Concerto pour basson – van Sambeek, Swedish ChbO, Ogrintchouk (BIS 2020)
→ Un des disques les plus écoutés en 2020, pour ma part !  Le thème lyrique et mélismatique du premier mouvement est une splendeur rare. Et ces musiciens sont géniaux (meilleur bassoniste du monde, meilleur orchestre de chambre du monde, dirigés par le meilleur hautboïste du monde…).

Ginastera – Quatuors 1,2,3 – Cuarteto Latinoamericano (Brilliant)
→ Folklore et audace de l'harmonie, des figures… du Bartók à l'américaine (australe).

ANDREAE : String Quartets Nos. 1 and 2 / Divertimento (Locrian Ensemble) (Guild)

Weigl – Quatuors 7 & 8 – Johann Christian Ensemble (CPO)

d'Albert – Quatuors – Sarastro SQ (Christophorus)

Joni Mitchell – Blue (1975)
→ La parenté avec la pensée du lied schubertien me frappe à chaque fois…

PEJACEVIC, D.: Symphony in F-Sharp Minor, Op. 41 / Phantasie concertante (Banfield, Rheinland-Pfalz State Philharmonic, Rasilainen)
→ Symphonie expansive et persuasive, riche !  Pas du tout une musique galante.

Cherubini Messe solennelle n°2 en ré (1811) – Ziesak, Bauer ; Stuttgart Klassische Ph, Bernius (Carus)
Qui tollis a l'aspect de volutes du début du Songe d'Hérode chez Berlioz (source de sa parodie). Et puis marche harmonique très impressionnante.
→ Dans le Sanctus / Benedictus, Hosanna en contraste, façon Fauré, très réussi.
→ Spectre orchestral qui respire beaucoup, réussite de Bernius.

BACULEWSKI, K.: String Quartets Nos. 1-4 (Tana String Quartet) https://www.nml3.naxosmusiclibrary.com/catalogue/item.asp?cid=DUX1238

DOBRZYŃSKI, I.F.: String Quartet No. 1 / MONIUSZKO, S.: String Quartets Nos. 1 and 2 (Camerata Quartet) (DUX 2006)
→ Beau romantisme simple, où se distingue surtout le Premier de Moniuszko.



Réécoutes : versions

Offenbach – Barbe-Bleue (duos de l'assassinat au II, entrée et duel de BB au III)
versions Pelly (Beuron), Cariven (Sénéchal), (Legay), Campellone (Vidal), Harnoncourt
« Le ciel, c'est mon affaire » (Zampa)
« Non dans un vain tournoi, mais au combat mortel » (Robert Le Diable)
« Le ciel juge entre nous » (Les Huguenots)

Mahler – Symphonie n°3 – LPO, Tennstedt (Ica, concert de 1986)

Verdi – La Forza del Destino (adieux et duel de l'acte III) – Del Monaco, Bastianini, Santa Cecilia, Molinari-Pradelli (Decca)
→ Quel verbe, quelles voix, quel feu !
→ (bissé)

Bach – Sonates violon-clavecin – Glodeanu, Haas (Ambronay 2007)
→ Merveille de souplesse, d'éloquence, la pureté et la chair à la fois.

Mahler – Das Lied von der Erde – K. König, Baltsa, LPO, Tennstedt  (EMI)
→ Un peu plus terne, manque de cinétique, un peu décevant. Les couleurs mordorées de Baltsa sont un peu inhibées par son allemand qui paraît moins ardent que son italien ou son français.

Offenbach – Barbe-Bleue (acte III) – Collart, Sénéchal, Peyron… Cariven

Mahler – Symphonie n°2 – Soffel, LPO, Tennstedt  (EMI)
→ Très très bien, mais pas aussi singulier / tendu / abouti que le reste de l'intégrale. Quand même le plaisir de profiter des frémissements de Soffel dans un tempo d'Urlicht ultra-lent.
→ On entend tout de même remarquablement les détails, les doublures, l'ardeur individuelle aussi (quelles contrabasses !). Le chœur chante avec naturel aussi, voix assez droites qui sonnent à merveille ici.

Mahler – Symphonie n°1 – LPO, Tennstedt  (EMI)

Mahler – Symphonie n°4 – Popp, LPO, Tennstedt  (EMI)
→ Excellent aussi.

Mahler – Symphonie n°3 – Wenkel, LPO, Tennstedt  (EMI)
→ Tellement tendu de bout en bout, et très bien capté !

Verdi – Nabucco – Souliotis, Prevedi, Gobbi ; Opéra de Vienne, Gardelli (Decca)
→ Chœur superbement articulé. Splendide distribution. Pas l'accompagnement le plus ardent, mais un sens du pittoresque qui n'est pas dépourvu de délicatesse.

Verdi – Nabucco – Theodossiou, Chiuri, Ribeiro, Nucci, Zanellato ; Regio Parma, Mariotti (C Major)
→ La version moderne idéale de l'œuvre, fouettée et dansante à l'orchestre (vraiment conçue sèche comme un os, aucune raison d'empâter ces harmonies sommaires conçues pour le rebond), chantée avec un luxe et une personnalité très convaincants.

Verdi – Stiffelio – Regio Parma, Battistoni (C Major)
→ La version sans faute de ce bijou trop peu joué.  Comme Traviata, un drame de mœurs contemporain  (l'adultère de la femme d'un pasteur).

Rott  – Symphonie en mi – Radio de Francfort, P. Järvi (RCA)
→ La superposition des deux thèmes du I est vraiment génialissime… et que de traits qui tirent le meilleur de Bruckner et annoncent le meilleur de Mahler !

Korngold – Quatuor n°3 – Flesch SQ (ASV / Brilliant)
Korngold – Quatuor n°2 – Brodsky SQ ()
Korngold – Quatuor n°1 – Franz Schubert SQ (Nimbus)

Verdi:  Aida: Act II Scene 2: O re pei sacri numi (Il Re, Popolo) – Hillebrand, Nikolaus; Bavarian State Orchestra; Muti, Riccardo (Orfeo)

Wagner – Tristan, acte III – Ligendza, Baldani, Wenkoff, Nimsgern, Moll ; Kleiber Scala 1978 (MYTO)






Autres nouvelles parutions à écouter

Suite de la notule.

mardi 23 mars 2021

Découvrir la Bible par la musique – n°1b : Rolle, Kreutzer, l'assassin dépressif, « mais faites danser Caïn ! »


La première partie, qui couvre les mises en musique de l'épisode depuis le grégorien jusqu'à l'oratorio baroque du milieu du XVIIIe siècle, se trouve ici.

Je reproduis, pour plus de commodité, l'introduction – avec, notamment, les degrés d'éloignement de la liturgie (niveaux 1 à 7) et le texte-source.




The Bible Project

Nouvelle année, nouveau projet.

Bien que les séries «  une décennie, un disque » (1580-1830 jusqu'ici, et on inclura jusqu'à la décennie 2020 !), « les plus beaux débuts de symphonie » (déjà fait Gilse 2, Sibelius 5, Nielsen 1…) et « au secours, je n'ai pas d'aigus » ne soient pas tout à fait achevées… je conserve l'envie de débuter ce nouveau défi au (très) long cours.

L'idée de départ : proposer une découverte de la Bible à travers ses mises en musique. Le but ultime (possiblement inaccessible) serait de couvrir l'ensemble des épisodes ou poèmes bibliques jamais mis en musique. Il ne serait évidemment pas envisageable d'inclure l'ensemble des œuvres écrites pour un épisode donné, mais plutôt de proposer un parcours varié stylistiquement qui permette d'approcher ce corpus par le biais musical – et éventuellement de s'interroger sur ce que cela altère du rapport à l'original.

Quelques avantages :
    ♦ incarner certains textes ou poèmes un peu arides en les ancrant dans la musique (ce qui devrait satisfaire le lobby chrétien) ;
♦ observer différentes approches possibles de cette matière-première (pour les musiqueux).

Sur ce second point, beaucoup peut être appris :

D'une part le nécessaire équilibre entre
♦ le langage musical du temps,
♦  les formes liturgiques décidées par les autorités religieuses,
♦  la nature même de l'épisode narré.
Sur certains épisodes qui ont traversé les périodes (« Tristis est anima mea » !), il y aurait tant à dire sur l'évolution des usages formels…

D'autre part le positionnement plus ou moins distant du culte religieux :
niveau 1 → utilisé pour toutes les célébrations (l'Ordinaire des catholiques),
niveau 2 → pour certaines fêtes ou moments spécifiques de l'année liturgique (le Propre),
niveau 3 → en complément de la messe proprement dite (comme les cantates),
niveau 4 → en forme de concert sacré mais distinct du culte (les oratorios),
niveau 5 → sous forme œuvres destinées à édifier le public mais représentées dans les théâtres (oratorios hors églises ou opéras un peu révérencieux),
niveau 6 → de libres adaptations (typiquement à l'opéra, lorsque Adam, Joseph ou Moïse deviennent des héros un peu plus complexes)
niveau 7 → ou même de relectures critiques (détournements d'Abraham ou de Caïn au XXe siècle…).

À cette fin, j'ai commencé un tableau qui devrait, à terme, viser l'exhaustivité – non pas, encore une fois, des mises en musique, mais des épisodes bibliques. Il s'avère déjà que, même pour les tubes de la Genèse, certains épisodes sont très peu représentés – l'Ivresse de Noé, pourtant abondamment iconographiée, est particulièrement peu répandue dans les adaptations musicales.

Mais en plus du tableau, de petits épisodes détachés avec un peu de glose ne peuvent pas faire de mal. (Comme ils seront dans le désordre, ils pourront ensuite être recensés dans le tableau ou une notule adéquate.) Nous verrons combien je réussis à produire, et si cela revêt quelque pertinence.




Abel & Caïn
(Épisode 2)


Rappel : la source


1.     Or Adam connut Eve sa femme, laquelle conçut, et enfanta Caïn; et elle dit : J'ai acquis un homme de par l'Eternel.
2.     Elle enfanta encore Abel son frère; et Abel fut berger, et Caïn laboureur.
3.     Or il arriva, au bout de quelque temps, que Caïn offrit à l'Eternel une oblation des fruits de la terre ;
4.     Et qu'Abel aussi offrit des premiers-nés de son troupeau, et de leur graisse ; et l'Eternel eut égard à Abel, et à son oblation.
5.     Mais il n'eut point d'égard à Caïn, ni à son oblation ; et Caïn fut fort irrité, et son visage fut abattu.
6.     Et l'Eternel dit à Caïn : Pourquoi es-tu irrité ? et pourquoi ton visage est-il abattu ?
7.     Si tu fais bien, ne sera-t-il pas reçu ? mais si tu ne fais pas bien, le péché est à la porte ; or ses désirs se [rapportent] à toi, et tu as Seigneurie sur lui.
8.     Or Caïn parla avec Abel son frère, et comme ils étaient aux champs, Caïn s'éleva contre Abel son frère, et le tua.
9.     Et l'Eternel dit à Caïn : Où est Abel ton frère ? Et il lui répondit : Je ne sais, suis-je le gardien de mon frère, moi ?
10.     Et Dieu dit : Qu'as-tu fait ? La voix du sang de ton frère crie de la terre à moi.
11.     Maintenant donc tu [seras] maudit, [même] de la part de la terre, qui a ouvert sa bouche pour recevoir de ta main le sang de ton frère.
12.     Quand tu laboureras la terre, elle ne te rendra plus son fruit, et tu seras vagabond et fugitif sur la terre.
13.     Et Caïn dit à l'Eternel : Ma peine est plus grande que je ne puis porter.
14.     Voici, tu m'as chassé aujourd'hui de cette terre-ci, et je serai caché de devant ta face, et serai vagabond et fugitif sur la terre, et il arrivera que quiconque me trouvera, me tuera.
15.     Et l'Eternel lui dit : C'est pourquoi quiconque tuera Caïn sera puni sept fois davantage. Ainsi l'Eternel mit une marque sur Caïn, afin que quiconque le trouverait, ne le tuât point.
16.     Alors Caïn sortit de devant la face de l'Eternel, et habita au pays de Nod, vers l'Orient d'Héden.
17.     Puis Caïn connut sa femme, qui conçut et enfanta Hénoc ; et il bâtit une ville, et appela la ville Hénoc, du nom de son fils.

Genèse 4:1-17, traduction de Martin (1744).




Les adaptations musicales

Après avoir évoqué la mise en musique grégorienne, Resinarius, Kropstein, Lemlin, Hollander, Lassus, Carissimi, Pasquini, A. Scarlatti et Caldara, voici le moment d'aborder les transformations du mythe chez les Classiques et au delà…



1771

Johann Heinrich ROLLEDer Tod Abels


[[]]
Le sacrifice rejeté.

Musique

¶ À nouveau un oratorio qui interprète la scène suggérée par les Écritures, tout à fait dans la lignée stylistique de ce qui précède. Le langage musical, malgré la date tardive, demeure largement baroque, mais le drame prévaut, les numéros épousent volontiers l'action et les airs n'atteignent pas les longueurs extravagantes du baroque tardif de Caldara, Graun ou Jommelli. Les récitatifs restent plutôt nus mais leurs lignes mélodiques sont tournées vers l'expression, avec des intervalles assez variés, comme dans les Passions.
    Ce style conservateur explique probablement que Rolle n'ait pas atteint grande célébrité pour la postérité, mais sa vie également, échouant à se faire embaucher à Hambourg face à Telemann – qui n'a déjà pas bonne presse pour le grand public (pour d'absurdes ressentiments de nature salérienne, comme rival d'un compositeur devenu intouchable dans les siècles suivants). Sa vie musicale se déroule essentiellement à Magdebourg, où il a grandi.

Livret

¶ Le livret, comme les précédents, a ses originalités : il faut bien habiter ces très courtes et très factuelles mentions de la Genèse. Ici, Abel est le préféré de la famille. Le « Chœur des enfants d'Adam » (petits-enfants inclus ?  autres fils non nommés ?) décrit son offrande, puis l'orage qui suit celle de Caïn, dans une scène pas nécessairement très dramatique dans son traitement musical, mais qui a la force d'incarner dans un jeu en-scène / hors-scène le moment de bascule de l'épisode, au lieu de le suggérer seulement par des récits et des résumés.
    La découverte du corps d'Abel se fait hors scène, sans transition avec l'air de l'épouse de Caïn, Meala, qui dispose d'une large place dans cette version et commente le désespoir de son mari, redoutant l'accomplissement de ce qui a été annoncé – Caïn lui a confié, tout à sa frustration, « Voici le jour qui doit remplir mon vœu ». Ce sont Ève et Adam qui révèlent le crime par leur affliction, dans un simple récitatif. S'ensuit la confrontation avec Caïn et sa fuite, perclus de remords : le traitement du personnage n'est pas à charge, le librettiste présente très clairement les causes de son mal-être et l'horreur de lui-même que lui inspire son geste. Malgré son refus, femme et enfants le suivent.
    Le chœur final est un choral, invitant roses et cyprès à pousser sur la tombe d'Abel, afin de pouvoir pleurer la première victime. Il est assez intéressant, car ce ne sont manifestement plus les enfants d'Adam qui parlent ; probablement, comme c'est l'usage, le choral incarne-t-il l'assemblée des fidèles chrétiens d'aujourd'hui, mais il semble assez tard pour espérer la floraison de la tombe issue du premier meurtre… Le contour de ces locuteurs choraux reste assez flou, de même que le message, pas du tout moralisant, qui assume seulement l'affliction (ainsi qu'une pointe de tendresse ?).

Conclusions

¶ J'avais noté niveau 5, mais je ne retrouve plus les textes attestant d'une interprétation hors des temples. Possiblement niveau 4, donc. (La documentation est rare sur Rolle et je ne puis matériellement opérer une recherche complète sur chaque œuvre illustrant la série, navré.)

¶ Ce n'est clairement pas le chef-d'œuvre musical de son siècle, mais reste joliment écrit. J'avoue avoir été assez intéressé par cette approche assez compréhensive, incluant au récit la détresse de Caïn, qui ne constitue plus un repoussoir, symbole absolu du mal (comme une continuation du Serpent d'Éden), mais plutôt le témoignage d'un autre aspect de ce qu'est la souffrance humaine. Je ne dis pas que Caïn y devienne sympathique, mais il n'y est en rien un avatar de Satan, ni même le jouet de Lucifer. Autant la forme musicale reste celle de l'oratorio baroque, autant le propos du livret semble davantage placer l'homme comme mesure du drame – l'ambiance du XVIIe italien semble bien lointaine.


Une belle version en existe par Hermann Max chez Capriccio (avec notamment Mammel et van der Kamp).




1810
Rodolphe K
REUTZERLa mort d'Abel

a) Une nouvelle approche : la fiction biblique

[[]]
Adam à l'aurore du drame (Pierre-Yves Pruvot).

cain_kreutzer_abel_adam_entree.png

¶ L'une des raisons du choix de Caïn comme premier épisode de cette série tenait dans l'étendue des propositions – non seulement dans le temps, avec des premières mises en musique dès le XVIe siècle – mais aussi dans la variété de leur nature, depuis la mise en musique littérale de la Genèse, encastrée dans la cérémonie cultuelle même (les répons de Lassus et ses contemporains) jusqu'à l'opéra profane, irrévérencieux et critique (on y viendra, avec Rudi Stephan). Avec cette Mort d'Abel, nous rencontrons un premier exemple d'œuvre de niveau 6, soit une libre adaptation fictionnelle de la matière biblique.
    Ce n'est même plus une question d'exécution à l'église ou au théâtre, c'est la conception même du rôle de l'épisode qui fait toute la différence. Ici, l'œuvre, commandée à François-Benoît Hoffmann, librettiste de renom, emprunte à la Bible comme matière thématique, mais n'entend en rien édifier ni prolonger le culte. Le mythe connu sert avant tout de support à une libre invention dramatique, conçue pour un divertissement scénique, au même titre que les matières antiques ou orientales qui avaient alors la faveur de la scène française…



b) Un peu de contexte : l'oratorio français

¶ Ce choix n'a rien d'anodin : il est le fruit d'une longue histoire et a suscité beaucoup de débats en son temps, au plus haut niveau. [Ce qui va suivre ne concerne que la France, l'évolution des genres musicaux y est spécifique.]

L'oratorio français avant 1800

    L'oratorio (action sur sujet sacré, généralement de format plus ample que la cantate – laquelle n'a pas trop cours en France dans son format sacré) s'épanouit très fort et très tôt en Italie, au cours du XVIIe siècle – notamment, on en a parlé à propos de Pasquini, comme un contournement décent de l'interdiction des spectacles lors du Carême dans les États Pontificaux.

    En France, il demeure rare (Charpentier, très influencé par l'Italie, en a laissé quelques-uns, comme sa Judith). On lui préfère la cantate à sujet sacré (en France de même format que les cantates profanes, abordant simplement un sujet biblique sous forme d'une paraphrase galante des textes sacrés, destinées au divertissement) ou le grand apparat du culte en latin.

    À partir de 1758, cependant, l'association musicale du Concert Spirituel commande une cinquantaine de courts oratorios (vers 1759, ce sont Les Fureurs de Saül de Mondonville, autre exaltation des souffrances d'un méchant) à des figures considérables de la scène lyrique du temps comme Gossec (sa jolie Nativité, dont vient justement de paraître une version discographique il y a deux semaines, fut un immense succès public), F.A.D. Philidor, Sacchini, Salieri, mais aussi Giroust (compositeur de la messe du Sacre de Louis XVI), Rigel (que nous connaissons mieux pour ses oratorios, justement, ainsi que ses symphonies) et même Cambini (dont les quatuors à cordes classiques de style « international » méritent grandement le détour). Beaucoup de ces petits oratorios sont tirés de l'Ancien Testament. Tout cela concourait à l'exploitation de la matière biblique dans une démarche de divertissement largement musical.

Le nouvel âge de l'oratorio français

    La marche suivante se franchit sous l'impulsion de la création de la… Création de Haydn à l'Opéra, le 24 décembre 1800, dans une (belle) traduction française. Le choc est incommensurable sur les contemporains, et ouvre la voie à la représentation d'actions bibliques conçues pour la scène de l'Opéra, avec pompe et décors… ainsi qu'une liberté grandissante quant au respect du texte d'origine. [Je suppose que le passage par la période révolutionnaire a pu altérer aussi les sentiments d'interdit qui auraient préalablement prévalu ?] 

    L'engouement suscite ainsi d'abord des pastiches (Saül en 1803 et la Prise de Jéricho en 1805, des pots-pourris où Kalkbrenner et Lachnith – l'arrangeur des Mystères d'Isis d'après la Flûte enchantée – empruntent beaucoup à Mozart), puis diverses expérimentations : Joseph du grand compositeur d'élans révolutionnaires Méhul (un opéra comique tout à fait sérieux, respectueux et édifiant) au Théâtre Feydeau (le futur Opéra-Comique) en 1807, puis deux évocations des premiers hommes.
    D'abord La mort d'Adam de Le Sueur, réformateur de la musique sacrée sous Napoléon, et son protégé (également grand pourvoyeur de la matière d'Ossian) – en 1809, mais en réalité composé en 1802, les cabales dans les institutions musicales faisant alterner grâces et disgrâces. De même, l'opéra de Kreutzer qui le suit en 1810, Abel (renommé La mort d'Abel à sa reprise en 1825), était dès longtemps écrit.



c) Le débat et les controverses autour d'Abel

[[]]
Espoirs d'Adam, la suite (Pruvot).

¶ Toutefois le développement des oratorios prévus pour la scène profane de l'Académie Impériale de Musique – ou, suivant comment on veut l'appeler, de la matière biblique au sein des opéras – ne se fait pas sans protestations. Elles sont intéressantes car elles ne recouvrent pas exactement ce que le citoyen du XXIe siècle pourrait imaginer.

1) Il y a bien sûr la désapprobation – inévitable, logique, légitime – des autorités ecclésiastiques et d'une partie de l'opinion conservatrice : est-il bienséant de représenter des épisodes sacrés dans un but de divertissement ?  Non pas que ça n'ait pas déjà été le cas par le passé dans les mises en musique (il n'est que de penser à l'événement mondain qu'étaient devenues les offices de Ténèbres de la Semaine Sainte sous Louis XIV, conduisant au déplacement du culte la veille au soir, afin de permettre à la bonne société de s'y rendre plus confortablement !), mais le fait de le produire à l'Opéra empêche toute excuse hypocrite, et affiche sans ambiguïté la primauté du plaisir dans la démarche.

    À cela s'ajoute bien sûr la mauvaise réputation du lieu, peuplé de ces acteurs dont la mauvaise vie n'est pas seulement une légende urbaine. Même sous l'Ancien Régime, amourettes, rapts (Sophie Arnould !), prostitution animent la gazette des théâtres.

    Surtout, le sujet, qui est pourtant la matière même de la Foi (à une époque où les libres penseurs et les fidèles non chrétiens sont en quantité assez négligeable en France), est traité comme une matière fictionnelle. Avec deux implications graves : d'abord on enjolive, ajoute, déforme, contredit le texte sacré. Ensuite on le traite avec une certaine légèreté, on l'habille de stéréotypes – en somme, on le désacralise.

    Cette opposition du clergé à l'intrusion des acteurs dans le périmètre du sacré va culminer dans les années 1840 avec la déprogrammation de plusieurs Requiem (Cherubini et même Mozart…) et l'interdiction des femmes profanes dans la musique des cérémonies à Paris, jusqu'à ce que finisse par s'imposer, sorte de compromis accepté par tous, l'oratorio d'église de la seconde moitié du XIXe siècle. (Œuvre extérieure au culte, où l'épisode biblique est enjolivé pour le rendre plus vivant ; cependant conçue pour être jouée dans un lieu de culte et en respectant globalement l'interprétation admise par l'Église. Par exemple les oratorios de Saint-Saëns et Massenet.)


2) Napoléon lui-même, averti trop tard de la mise au théâtre du sujet, laisse les répétitions aller à leur terme (mobilisant l'étonnant argument économique, à savoir que beaucoup d'argent avait déjà été investi dans la production) mais regrette explicitement, dans une instruction préfet du Palais, le choix du sujet :
« Puisque l’opéra de la Mort d’Abel est monté, je consens qu’on le joue. Désormais, j’entends qu’aucun opéra ne soit donné sans mon ordre. Si l’ancienne administration a laissé à la nouvelle mon approbation écrite, on est en règle, sinon non. Elle soumettait à mon approbation, non seulement la réception des ouvrages, mais encore le choix. En général, je n’approuve pas qu’on donne aucun ouvrage tiré de l’Écriture sainte; il faut laisser ces sujets pour l’Église. Le chambellan chargé des spectacles fera immédiatement connaître cela aux auteurs, pour qu’ils se livrent à d’autres sujets. Le ballet de Vertumne et Pomone est une froide allégorie sans goût. Le ballet de l’Enlèvement des Sabines est historique; il est plus convenable. Il ne faut donner que des ballets mythologiques et historiques, jamais d’allégorie. Je désire qu’on monte quatre ballets cette année. Si le sieur Gardel est hors d’état de le faire, cherchez d’autres personnes pour les présenter. Outre la Mort d’Abel, je désirerais un autre ballet historique plus analogue aux circonstances que l’Enlèvement des Sabines. »
Son premier objet relève clairement de la maîtrise des sujets par une censure a priori, mais y transparaît aussi son goût personnel qu'il entend imposer – pour l'« historique » et l'épique plutôt que pour le galant et le philosophique, sans grande surprise.
Son opposition à la représentation de sujets religieux n'est pas très claire : s'agit-il d'un respect religieux de principe (ça ne se fait pas) ou au contraire du désir de maintenir le clergé dans son pré carré et de ne pas le laisser se mêler de la société hors des églises ?  Peut-être est-ce même simplement le prétexte au rappel de son autorité : monter une pièce sans son aval fait courir le risque de lui déplaire.

Pour autant, les censeurs n'avaient pas laissé passé ces sujets à la légère, et pouvaient penser que l'analogie entre la noble figure d'Adam et la réalité de l'Empereur était désormais acquise. Ainsi pour La mort d'Adam de Le Sueur, l'année précédente, le rapport préalable de censure note avec satisfaction l'analogie entre l'apothéose d'Adam montant au ciel joint par Abel… et « l'âme de l'Empereur telle qu'il la suppose exister depuis six mille ans ». Il est vrai que le livret de Guillard s'en donne à cœur joie, parsemant d'accipitridés ses superlatifs astraux, qui ne laissent que peu de doute à ce sujet :
CHŒUR GÉNÉRAL
Un homme, un Dieu consolateur,
Doit rendre à l'homme un jour sa dignité première,
La foule des méchans fuira son œil vengeur,
Ils rentreront dans la poussière.
Ivres d'un vain ogueil, peuples ambitieux
Pensez-vous l'arrêter dans sa vaste carrière ?
Devant son astre radieux, que deviendra votre pâle lumière ?
Autant que l'aigle impérieux,
Plane au-dessus du séjour du tonnerre,
Autant, dans son vol glorieux,
Il domine en vainqueur sur votre tête altière.
[Ce fut le dernier livret de Guillard, au terme d'une carrière riche en œuvres qui marquèrent leur temps : Iphigénie en Tauride (Gluck), Électre (Lemoyne), Chimène (Sacchini), Les Horaces (Salieri), Proserpine (refonte de Quinault pour Paisiello.]


On rencontre cependant considérations plus inattendues que la foi, la bienséance ou la censure politique.


3) Étrangement, la critique a beaucoup réagi au sujet un peu triste : l'aspect religieux rend l'ensemble moins divertissant. De surcroît, il s'agit d'un épisode très sombre. On y regrette par exemple l'épopée plus lumineuse de Fernand Cortez de Spontini, à une époque où le goût pour l'exotisme s'incarne notamment dans le succès, la même année, des Bayadères de Catel. Peut-être faut-il y voir aussi une révérence pour le sujet sacré : contrairement à Robert le Diable, qui n'avait guère choqué (peut-être parce qu'il était davantage perçu comme un conte, ou une œuvre fantastique de pure fantaisie ?), cette Mort d'Abel a pu être prise plus au sérieux.


4) Mais le plus amusant (et le plus récurrent), qu'on trouve dans presque tous les papiers : le manque de ballets. « Oui Kreutzer a écrit une partition marquante et magnifique, mais quand même ça manque de jarret, il aurait pu mettre un peu moins d'Enfers et un peu plus de gargouillades », lit-on en substance un peu partout. (Et cela me divertit fort, tant notre goût majoritaire actuel, qui mise tout sur l'action, se situe aux antipodes de ces reproches : « drame trop fluide, on veut des temps morts qui servent à rien juste pour faire joli ».)  Le début du XIXe siècle est encore tellement XVIIIe, n'est-ce pas… foin des beaux vers, on veut des galanteries visuelles. [En réalité, Hoffmann a aussi été vertement tancé pour sa langue et sa versification, jugées trop relâchées. Mais le manque de détail sur ce point chez les critiques laisse penser que, de même qu'aujourd'hui, ils ne savaient pas forcément trop ce qu'ils racontaient…]


5) Plus anecdotique sur le fond comme dans la quantité de remarques dans la presse, la gêne visuelle (qui rejoint la réticence n°1) : le déguisement de nos ancêtres selon les textes sacrés, habillés à la mode des stéréotypes d'opéra, a plutôt provoqué scepticisme – et même, semble-t-il, sonore hilarité. Louis Nourrit, qui devient dès l'année suivante Premier Ténor de l'Opéra, y apparaît en Abel affublé d'une perruque blonde à bouclettes, ce qui paraît un cliché scénique peu adapté au contexte du sujet, et même assez incongru, assimilant cette première figure – tragique – de la victime expiatoire (et donc du Christ) à un petit Amour d'opéra-ballet.
    Ainsi, dans le Journal de l'Empire :
La frisure d'Abel qui paraît à la seconde scène a mis tout le monde en belle humeur ; de grands éclats de rire ont accueilli cette perruque blonde qui faisait un chérubin du fils d'Adam, et le rendait encore plus féminin, quoiqu'il ne soit pas de lui-même très mâle. […]
Je ne répéterai point ici ce que j'ai déjà dit sur la mauvaise figure que font nos premiers parents déguisés en héros d'opéra.
[Louis Nourrit, ancien quincailler formé à Montpellier, devient en 1811 premier ténor de l'Opéra. Ses fils, Adolphe et Auguste, firent aussi carrire de ténors. Tous les glottophiles connaissent le nom de Nourrit (surtout pour Adolphe), le grand ténor du temps (créateur de Robert, Raoul, Éléazar chez Meyerbeer et Halévy… suppléé puis remplacé par Duprez, qui apporte de Naples la technique nouvelle de l'ut de poitrine), à la fin tragique marquée par sa démission à l'arrivée de Duprez, la perte de sa voix lors de ses tournées en province, sa paranoïa (véritablement, au sens clinique), son suicide par défenestration en Italie où il connaissait à nouveau le succès.]


6) Enfin, un certain nombre d'autres polémiques (notamment l'accusation de plagiat de La mort d'Adam par Le Sueur) ont animé la réception d'Abel en 1810, puis de sa reprise en 1825 sous le titre La mort d'Abel. Elles concernent moins directement notre sujet autour de l'adaptation vétérotestamentaire et je les laisse de côté – les accusations de Le Sueur en particulier paraissent peu compatible avec la genèse séparée (et très antérieure aux représentations) des deux ouvrages. Mais quantité de papier a été noirci et d'inimitiés affirmées pendant ces débats.



d) Les choix du livret d'Abel

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Rejet des offrandes (Jean-Sébastien Bou).

Le livret de F.-B. Hoffmann présente plusieurs particularités dans le traitement de l'épisode.

L'épouse
    L'importance du rôle de son épouse Méala, qu'on avait déjà perçue comme angulaire chez Rolle, dans une esthétique toute autre, où elle avait cependant le même rôle : communiquer le point de vue de Caïn, assurer un pont compatissant entre le spectateur et l'assassin.

Les démons
    Le rôle des forces démoniaques dans ce premier crime est développé, on l'a vu dans l'épisode précédent, dès le XVIIe siècle, mais il prend ici une ampleur supplémentaire.
   
    On pourrait croire, à lecture du livret de 1823 – qui a fait l'objet d'une (splendide) version discographique – qu'en supprimant Satan / Lucifer, et le remplaçant par le démoneau Anamalec, le librettiste s'autorise une plus grande liberté de mouvement, et peut gloser dans les grandes largeurs le plan infernal de convaincre Caïn de tuer son frère.
    En réalité Anamalec – son nom, plutôt sous la forme Anamélech, est issu d'une divinité assyrienne mentionnée en 2 Rois 17:31 comme récipiendaire de sacrifices humains – n'est que l'envoyé sur terre des démons qui, au grand complet, se réunissent à l'acte II – supprimé à la reprise de 1823 car jugé trop uniforme. Hoffmann et Kreutzer font ainsi chanter Satan, Moloch, Bélial, Béelzébuth [sic] et « tous les démons ». On ne lésine pas. Et le public, comme pour Robert (cf. encadré infra), n'en fut pas très indigné – il a surtout protesté de l'uniformité musicale de cet acte « barbare » et du manque général de ballets.

    L'idée est la suivante : l'acte I voit les frères (brouillés avant le début de l'acte) se réconcilier, mais Anamalec trouble le sacrifice de Caïn (en renversant l'autel), qui se croit rejeté de Dieu. À l'acte II, le démoneau métèque vient raconter sa mésaventure à ses compagnons, qui lui mettent une ambiance d'Enfer. À l'acte III, Anamalec souffle à Caïn, déjà troublé, de mauvaises pensées, qui aboutissent au crime.

    On se trouve donc plus proche de l'esprit des Sorcières de Dido and Æneas, où les mortels vertueux sont induits en erreur par des sortilèges mesquins, que dans la grande explication du mystère de l'injustice divine et de la révolte humaine.

Caïn ou le tourment romantique
    La nouveauté la plus marquante ici est l'apparition d'un Caïn parfaitement romantique. Brouillé dès avant le rideau avec son frère, il exprime dès son entrée (après le tableau tendre entre Adam et Abel) un mal-être profond, une véritable haine de vivre, se plaint « de toute la Nature », reproche à ses parents leur préférence pour Abel ; sa femme rapporte ses nuits agitées, ses levers blessés par le soleil naissant… C'est une souffrance personnelle, liée à sa propre identité qui s'exprime, un sentiment de ne pas être bienvenu en ce monde, ni adapté aux sociétés qui l'accueillent.

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    Le drame infernal se greffe sur ce point de départ d'un détail psychologique impressionnant, se répandant en explicitations subjectives d'une souffrance dont la cause semble évanescente – chacune des dénégations tendres de sa mère, de son frère sont vécues comme de nouvelles affirmations de leur distance, de leur mépris.

    Je trouve ce point de vue assez marquant (et convaincant), une explication par l'identité de Caïn qui, cependant, ne le présente pas comme un être mauvais, mais souffrant – et attachant.

Une fin contredisant l'Écriture
    Le crime s'exécute à la massue, nous disent les didascalies, et pour la première fois, ce me semble, en scène, à la vue du public. La massue, le fragment d'arbre, est un motif couramment représenté comme moyen du crime – rien ne l'indique pourtant dans le texte d'origine, et le caillou, l'étranglement auraient pu paraître plus naturels, surtout dans un champ. (Évidemment, il existe d'autres traditions encore plus bizarres, comme la bêche ou la mâchoire de chameau, mais dans les mises en musique, quand l'instrument est précisé, j'ai surtout croisé la massue.)

    Face à sa famille, Caïn s'enfuit, défendant à quiconque de le suivre. Sa femme part cependant le retrouver, accompagnée de ses fils. Déploration générale sur Abel – et sur le sort qui attend tous les hommes, mortels.

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    Au lieu de la malédiction de Dieu sur Caïn (Genèse 4:11-12), Adam, implorant de ne pas punir davantage le coupable que son terrible remords, obtient d'un Ange la promesse de la montée bienheureuse au ciel d'Abel (pour qui l'on inaugure le Paradis) ainsi que le pardon de Caïn – les soins de son épouse et son repentir propre lui obtiendront le pardon céleste. Ce choix est cohérent avec le ton général du texte. Et très éloigné de la souffrance sans fin suggérée par la Bible hébraïque.

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    On atteint donc le sommet du processus de fictionnalisation qui, de même que pour les fins multiples qu'on essaie pour des opéras à succès, utilise la matière biblique comme une trame supposée assurer l'accueil favorable du public – le respect des Textes, et encore moins de leur message supposé, semble totalement facultatif.

    On est frappé, dans ce cadre, du débat très limité sur la question (les autorités religieuses n'étaient pas ravies, mais les journaux n'ont pas paru très outrés, tout au plus amusés de quelques incongruités dans l'apparence ou le verbe de ces Premiers Hommes).

    Ceci rejoint l'accueil uniment enthousiaste de Robert le Diable au début des années 1830, qui me laisse tellement perplexe – dans un cloître, le héros, fils d'un démon, culbute une nonne damnée sur un autel tout en dérobant la relique d'une sainte… !  Et tout ce que la presse retient, c'est la beauté des voix, le mystère de la musique, l'accomplissement de la danse, la force générale du tableau…  Je suppose que l'opéra était vraiment mis à distance comme une boîte à mythes, pour qu'il suscite aussi peu d'indignation sur des sujets par ailleurs aussi sensibles – on est alors à l'exacte époque où les femmes furent bannies des cérémonies funèbres parisiennes !  Malgré mes lectures, je n'ai jamais trouvé de réponse formelle à cette question.
    Si quelqu'un d'entre vous a un conseil de lecture pour trouver des réponses à cette perplexité, je lui en rends grâces avec transport !

Traitement personnel du sujet, donc, et le début d'une période où les adaptations feront passer au second plan la part édifiante et le lien à la cérémonie, voire à la foi !



e) La musique

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Strette du final de l'acte I (Jean-Sébastien Bou).

L'acte infernal est coupé à la reprise de 1823 (qui, seule, a fait l'objet d'une parution discographique). On lui reprochait son uniformité de caractère (vindicatif). Il faut dire qu'en y réunissant Anamélech, Satan, Moloch, Bélial, Bélzébuth et « tous les démons », le choix d'une musique dramatique pugnace s'imposait probablement.

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¶ Pour le reste, on est frappé au contraire par la grâce du début de l'œuvre, ce lever de soleil où Adam rêve à la réconciliation de ses fils, puis ménage un duo tendre avec Abel. Le personnage de Caïn, au contraire, tourmenté d'emblée, est forgé à la trempe gluckiste, s'ébrouant en récitatifs rageurs – mais tire aussi sur le romantisme naissant lorsque, seul face à la foule des premiers représentants de l'espèce, il éclate en imprécations beaucoup plus lyriques et élancées, qui contrastent avec la solennité du moment (les offrandes sacrées) et la terreur de l'assemblée.
    Cet ensemble final de l'acte I constitue peut-être le sommet de virtuosité musicale et émotionnelle de la partition. C'est aussi, dramatiquement, le terrible moment où se cristallise le futur, connu de tous les spectateurs. Dans ce grand concertato, la grammaire demeure très postgluckiste, tandis que l'usage des masses (orchestrale, chorale) et des contrastes avec les solistes, tandis que les émotions aussi, tendent clairement vers Fidelio. Saisissant.

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    Remarquables aussi, le mélodique sommeil de Caïn (bientôt troublé par les démons, à la façon d'Oreste chez Gluck), puis le duo discordant de l'acte III où Abel proclame son amour fraternel alors que Caïn l'implore de s'éloigner, tandis qu'il se sent en proie à une fureur croissante – les deux lignes s'entrelaçant simultanément.

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¶ Une très belle œuvre pour sa musique, pas toujours au même degré d'inspiration : je ne suis pas très impressionné par les interventions infernales du I et du III, qui n'atteignent pas les meilleurs modèles du genre, et refusent de se mélanger à l'action et au style musical des autres personnages. En revanche, tout le personnage de Caïn est servi par une musique électrisante, tandis que d'Adam émane une constante poésie. Réellement un jalon à découvrir.

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La version raccourcie de 1823 peut être entendue grâce à cette luxueuse parution du Palazzetto Bru Zane, riche appareil critique, et interprétation hors du commun sur instruments d'époque (Les Agrémens / van Waas), avec une équipe de chanteurs-déclamateurs exceptionnelle (Bou, Pruvot, Droy, Buet, Velletaz…).



Un peu au delà de mon sujet, je partage avec vous un peu de contexte sur les deux auteurs, figures importantes de leur temps dont la notoriété n'est peut-être pas telle qu'elle ne mérite un petit détour en ces pages.

f) Hoffmann

François-Benoît Hoffmann tire son nom (parfois graphié Hoffman) de son grand-père qui avait voulu, alors au service du duc de Lorraine, germaniser son patronyme Ébrard. Ni ascendances germaniques, ni nom d'auteur.

Renonçant à des études de droits à cause de son bégaiement, il marque un quart de siècle (1786-1810) par ses drames de natures assez variées.

Révélé par son adaptation de Phèdre pour Lemoyne (1786), ce sont en effet surtout ses grands drames à l'antique, brillant moins par un verbe particulièrement acéré que par violence crue de ses situations (Adrien puis Ariodant de Méhul, Médée de Cherubini), qui sont restés dans les esprits.
    Beaucoup de collaborations avec Méhul, dans tous les genres : la tragédie postgluckiste avec Adrien, l'opéra-comique très sérieux avec Stratonice et Ariodant, la comédie ambitieuse avec Euphronise ou le Tyran corrigé, la comédie plus légère avec Le jeune sage et le vieux fou, Bion, Lisistrata ou les Athéniennes, Le Trésor supposé ou le danger d'écouter aux portes…
    Pour Dalayrac, il adapte Radcliffe avec Léon ou le Château de Monténéro (drame lyrique) et La Boucle de cheveux (comédie en un acte mêlée d'ariettes).
    Pour Kreutzer, il écrit Le Brigand (opéra-comique en trois actes, 1795) et Grimaldi (comédie en trois actes, 1810), en plus de cet Abel dont le poème fut jugé peu gracieux par la critique.

Le garçon était réputé pour son indépendance, refusant de modifier Adrien (très favorable à la monarchie, en 1792), se retirant de la vie publique pour ne pas être influencé en écrivant ses critiques de livres à partir de 1807 (pour le Journal de l'Empire, futur Journal des Débats), et refusant de briguer l'Académie française.



g) Les accomplissements de Kreutzer

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Duo fratricide, l'avertissement (Sébastien Droy, Jean-Sébastien Bou).
Entendez la prémonition des basses agitées lorsque Caïn cherche à s'exprimer.


    Rodolphe Kreutzer (1766-1831), à ne pas confondre avec Conradin Kreutzer (compositeur d'opéras allemands, un peu plus jeune), est le fils d'un musicien (Fétis dit d'un violoniste de la chapelle royale, David Charlton – qui a sans doute raison – d'un souffleur des Gardes Suisses du duc de Choiseul, certes professeur de violon à Versailles mais pas employé à la chapelle). Violoniste prodige formé par Stamitz, il se produit au Concert Spirituel dès l'âge de treize ans, où il fait sensation. Il devient premier violon de la chapelle royale, puis en 1789 violon solo pour le Théâtre Italien.

    Sa carrière de compositeur en découle logiquement : on lui commande d'abord un concerto pour violon pour le Concert Spirituel en 1784, puis des opéras. Fétis le décrit comme un autodidacte de la composition très inspiré – et progressivement affadi, à l'époque d'Abel donc, par la science qu'il acquiert tardivement.

    Il compose ainsi sur des sujets très divers :

♦ 1790 ♦ Jeanne d'Arc à Orléans (drame historique mêlé d'ariettes, Comédie-Italienne), étonnant sujet à la fois sacré et patriotique, en 1790 (quel temps plein de surprises) ;

♦ 1791 ♦ Paul & Virginie (comédie en prose mêlée d'ariettes, Comédie-Italienne), son premier succès (avant Lesueur sur le même sujet au Théâtre Feydeau en 1794) ;

♦ 1792 ♦ Charlotte & Werther (comédie en un acte, Comédie-Italienne), un Werther assez précoce donc (pas autant que Pugnani), et manifestement comique (?), que je serais bien curieux de lire ou d'entendre ;

♦ 1792 ♦ Lodoïska ou les Tartares (comédie en prose mêlée d'ariettes, Comédie-Italienne), sujet (tiré du Chevalier Faublas) où s'est également illustré Cherubini l'année précédente ;

♦ 1792 ♦ Le Siège de Lille (comédie en prose mêlée de chants, Théâtre Feydeau), sur un sujet d'actualité tout frais ;
→ en effet quelques jours après Valmy, à la toute fin de septembre 1792, les troupes du Saint-Empire (à qui l'Assemblée législative, sur proposition de Louis XVI, avait déclaré guerre, en avril) mettent le siège devant Lille – qui s'achève le 5 octobre. L'opéra de Kreutzer est créé le 14 novembre !  Je n'ai pas eu accès à la partition et j'ignore si, comme dans l'opérette ultérieure de Francosi (1858), le Barbier Maes – resté célèbre pour son flegme, continuant à raser ses clients dans la rue avec l'éclat d'obus qui venait de ruiner sa maison – y joue déjà un rôle.

♦ 1792 ♦ Le franc Breton (comédie en un acte, Comédie-Italienne) ;

♦ 1792 ♦ La journée de Marathon (musique de scène) ;

♦ 1793 ♦ Le déserteur de la montagne de Ham (« fait historique », Comédie-Italienne) ;

♦ date ? ♦ La Prise de Toulon par les Français (opéra, jamais représenté) ;

♦ 1794 ♦ Encore une victoire ou Les Déserteurs liégois (impromptu en un acte, Opéra-Comique), encore une œuvre de circonstance ;

♦ 1794 ♦ Le congrès des rois (Comédie-Italienne), grande collaboration collective de 12 compositeurs, à composer en 2 jours, commandée et ordonnée par le Comité de Salut Public. Y contribuent Grétry, Devienne, Méhul, Dalayrac, Cherubini, Berton, L.-E. Jadin, Trial, mais aussi les moins illustres Blasius, Deshayes et Solié. L'argument raconte une rencontre imaginaire des rois d'Europe pour se partager la France, mais Cagliostro, envoyé du Pape, prend secrètement le parti de la France et terrorise les tyrans grâce à des jeux d'ombres (oui…) ;

♦ 1794 ♦ Le Lendemain de la bataille de Fleurus (impromptu, Théâtre Égalité) ;

♦ 1795 ♦ Le Brigand (drame en prose mêlé de musique, Opéra-Comique), une première collaboration avec F.-B. Hoffmann ;

♦ 1795 ♦ La Journée du 10 août 1792 ou La Chute du dernier tyran (opéra en quatre actes, Opéra), première commande, là encore de circonstance, pour l'Opéra ; on remarque la proximité temporelle extrême des commandes, même si un certain nombre contenaient peu de musique ;

♦ 1795 ♦ On respire (comédie mêlée d'ariettes, Comédie-Italienne) ;

♦ 1796 ♦ Imogène, ou La gageure inscriète (comédie mêlée d'ariettes, Comédie-Italienne) ;

Ici s'inscrit une césure (j'ignore s'il existe ici des ouvrages recensés que je n'ai pas aperçus, ou bien une raison dans sa carrière pour laquelle, par volonté personnelle ou faute de commande, rien n'a été proposée aux scènes parisiennes ni européennes).

♦ 1800 ♦ Le Petit Page ou La Prison d'État (comédie mêlée d'ariettes, Théâtre Feydeau), musique écrite en collaboration avec son ami Isouard – sur un livret de Pixerécourt, le grand maître du mélodrame (et plus tard directeur de l'Opéra-Comique dans les années 1820) ;

♦ 1801 ♦ Astianax (opéra en trois actes, Opéra), première œuvre du plus haut genre, issu de la tragédie gluckiste à l'antique ;

♦ 1801 ♦ Flaminius à Corinthe (opéra en un acte, Opéra), à nouveau partagé avec Isouard. Abel a été écrit juste après Flaminius, mais comme pour La mort d'Adam de Le Sueur, les intrigues courtisanes d'Empire ont longtemps suspendu l'exécution de ces œuvres ;

♦ 1803 ♦ Le baiser et la quittance ou Une aventure de garnison (opéra comique, Théâtre Feydeau) ;

♦ 1804 ♦ Harmodius et Aristogiton (tragédie lyrique, jamais représentée), dont la partition est perdue ;

♦ 1806 ♦ Les Surprises ou L'Étourdi en voyage (Théâtre Feydeau) ;

♦ 1807 ♦ François Ier ou La fête mystérieuse (comédie mêlée d'ariettes, Théâtre Feydeau) ;

♦ 1808 ♦ Jadis et aujourd'hui (opéra-bouffon, Théâtre Feydeau) ;

♦ 1808 ♦ Aristippe (comédie lyrique, Théâtre Feydeau) ;

♦ 1810 ♦ Abel (tragédie lyrique en trois actes, Opéra) ;

♦ 1810 ♦ Grimaldi (comédie en trois actes), à nouveau un livret dû à Hoffmann ;

♦ 1811 ♦ Le Triomphe du mois de mars (opéra-ballet en un acte, Opéra) ;

♦ 1812 ♦ L'Homme sans façon ou Les Contrariétés (comédie mêlée d'ariettes, Opéra-Comique)

♦ 1813 ♦ Le camp de Sobieski, ou Le triomphe des femmes (comédie mêlée de chants, Théâtre Feydeau) ;

♦ 1813 ♦ Constance et Théodore, ou La prisonnière (opéra comique, Théâtre Feydeau) ;

♦ 1815 ♦ La perruque et la redingote (opéra comique, Théâtre Feydeau), sur un livret de Scribe ;

♦ 1815 ♦ La Princesse de Babylone (opéra, Opéra) ;

♦ 1814 ♦ Le camp de Sobieski, ou Le triomphe des femmes (comédie mêlée de chants, Théâtre Feydeau) ;

♦ 1814 ♦ Les Béarnais, ou Henri IV en voyage (comédie mêlée de chants, Théâtre Feydeau) ;

♦ 1814 ♦ L'Oriflamme (opéra en un acte, pour l'Opéra), dont la musique est co-écrite avec Méhul, Paër et Berton ;

♦ 1816 ♦ Les dieux rivaux (opéra-ballet, Opéra), en collaboration avec Berton, Spontini et Persuis ;

♦ 1816 ♦ Le Maître et le Valet (opéra comique, Théâtre Feydeay) ;

♦ 1821 ♦ Blanche de Provence, ou La Cour des Fées (opéra en un acte, Palais des Tuileries) en collaboration avec Cherubini, Paër, Berton et Boïeldieu ;

♦ 1822 ♦ Le Paradis de Mahomet (opéra comique, Théâtre Feydeau), en collaboration avec Kreubé. Sur un livre co-écrit par Scribe et Mélesville (le librettiste de Zampa !), voilà qui rend très curieux ;

♦ 1823 ♦ La mort d'Abel, refonte d'Abel en 1823, toujours à l'Opéra, où l'acte II (entièrement infernal, ce qui fut très critiqué en son temps pour sa monotonie, quoique spectaculaire) est supprimé.

♦ 1824 ♦ Ipsiboé (opéra, Opéra) ;

♦ 1824 ♦ Pharamond (opéra, Opéra) avec Berton et Boïeldieu ;

♦ 1827 ♦ Matilde (jamais représenté).

Également plusieurs ballets-pantomimes : Paul et Virginie (1806, Théâtre Impérial de Saint-Cloud – réutilise des fragments de son opéra, et le succès est tel que l'œuvre reste 15 ans à l'affiche), Les Amours d'Antoine et Cléopâtre (1808, à l'Opéra), L'heureux retour (1815, à l'Opéra) ; La Servante justifiée ou La Fête de Mathurine (« ballet villageois » de 1818, à l'Opéra), Le Carnaval de Venise ou la Constance à l'épreuve (1816, à l'Opéra ; refonte en 1817), Clari ou la Promesse de mariage (1820, à l'Opéra).

Pièces très légères, œuvres de circonstance, productions collectives, tragédies à l'antique, comédies d'Histoire, adaptations de succès littéraires (Bernardin, Goethe…), son spectre couvre un très large éventail de sujets. Pourquoi ce tour d'horizon ?  On voit qu'il n'était en tout cas pas spécialisé dans la musique sacrée, et que son approche du livret, fût-il tiré de l'Écriture, était nécessairement marquée par son expérience de la scène la plus quotidienne et profane qui soit. Changement d'approche considérable par rapport aux compositeurs des siècles précédents, qui avaient beaucoup fourni pour l'église, et pour lesquels l'oratorio entrait dans la démarche de compléter le culte, de remplir une fonction de représentation plus vivante d'épisodes sacrés, ou dans le cas le plus osé, de divertissement édifiant. Ce n'était pas pour eux une matière autonome et indifférenciée au même titre que les événements historiques de la Grèce et du Moyen-Âge, les romans, les événements de l'actualité…



h) La notoriété de Kreutzer

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Duo fratricide, le dénouement (Droy, Bou).

    Sa postérité fut faite, étrangement, non par ses œuvres, mais par ses relations. Bien que violoniste admiré de tous, co-auteur de la Méthode de violon du Conservatoire (avec Baillot et Rode), professeur de violon au Conservatoire de Paris sous l'Empire, Maître de la chapelle du Roi sous la Restauration, directeur de la musique à l'Opéra (1824-1826), auteur d'une quarantaine d'études pour son instrument, de concertos, fournisseur prolifique de drames musicaux pour les opéras parisiens (je lis qu'on atteindrait la quarantaine de titres)… ce n'est pas ainsi que son nom est demeuré dans l'histoire, mais plutôt grâce à son bon caractère.

    Ainsi Spohr écrit-il que les frères Kreutzer sont les plus cultivés de tous les violonistes parisiens… Mais surtout, Kreutzer a la bonne idée de se rendre à Vienne dans les bagages de Bernadotte en 1798. Il y est chargé de récupérer des manuscrits de musique italienne pour les ramener à Paris.

    Parmi ses rencontres à cette occasion : Beethoven. Celui-ci écrit à son éditeur Simrock « Ce Kreutzer, est un bon cher homme ; il m'a causé beaucoup de plaisir pendant son séjour ici. Sa simplicité et son naturel me sont plus chers que tout l'extérieur sans intérêt de la plupart des virtuoses. »
    Il l'a aussi entendu jouer, et lui dédie à sa publication en 1805 sa sonate violon-piano n°9, devenue l'une de ses plus célèbres, et commercialisée ensuite sous le nom de Sonate à Kreutzer. Il est amusant de noter que ce fut manifestement fait sans le mentionner au dédicataire, qui ne joua probablement jamais l'œuvre en question – il est de retour à Paris dès 1798, et les deux hommes n'ont pas correspondu.

    À partir de là, la gloire appelle la gloire. Tolstoï fait jouer cette sonate à l'un des personnages d'un de ses romans, qui en prend le titre. À son tour, Janáček, écrivant un quatuor inspiré de Tolstoï, sous-titre son premier quatuor à cordes « Sonate à Kreutzer ».

    Quarante opéras pour être finalement célébré à travers le nom d'une sonate qu'on n'a jamais seulement lue… ainsi va la notoriété.




Je n'ai guère trouvé mon compte avec Caïn par la suite du XIXe siècle, mais il nous faudra au moins un épisode pour évoquer sa réapparition (beaucoup plus prolifique) au vingtième siècle, davantage comme symbole, on s'en doute, qu'en tant que sujet liturgique ou même édifiant.

À très bientôt, donc ! 

samedi 6 mars 2021

Le grand tour 2021 des nouveautés – épisode 3 : LULLY, Biber, Rameau, Cherubini, Meyerbeer, Dubois, Karnavičius, Hahn, Tauber, Pejačević, Schmitt, Heggie…


À nouveau, brève présentation, communication de mon tableau d'écoutes commenté, et en texte brut son contenu en corps de notule. (Je vous renvoie donc au tableau pour la mise en page la plus lisible.)

Le fichier est ici : format ODS (Open Office) ou XLS (Microsoft Office).

Que retenir des parutions de février ?  (Et de quelques découvertes personnelles hors actualité.)

cherubini faniska borowicz DUX

Opéra
→ Sacrée surprise de la versatile Faniska de Cherubini ;
→ parution moderne (et réussie) d'Ô mon bel inconnu de Hahn ;
→ coffret Orfeo d'opéras rares (Don Giovanni de Gazzaniga, Djamileh de Bizet, Armida de Dvořak, Šarká de Fibich, Thérèse de Massenet, La Bohème de Leoncavallo…) dans des versions pas ultimes mais qui restent abouties ;
Dardanus de Rameau dans une nouvelle version Vashegyi étonnamment stimulante (peut-être la meilleure parue pour cet opéra) ;
Aida parisienne de Verdi sur Arte (remarquablement jouée-chantée, avec Radva Regina) ;
Alimelek de Meyerbeer (certes une déception quant à l'ambition très limitée de la partition, un peu son Abu Hassan à lui).
♦ Hors nouveautés, je me suis régalé en découvrant enfin le Sigurd de Reyer intégral (autrement que sur mon piano), sans coupures : grâce à Nancy (Chaslin, avec notamment Bou en Gunther !), capté sur les genoux et transmis par un amis.
♦ Et réécouté quelques indémodables classiques personnels : Céphale & Procris de Grétry (van Waas), Léonore de Gaveaux (R. Brown), Les Diamants de la Couronne chef-d'œuvre de tout Auber (Colomer), L'Aiglon d'Ibert-Honegger (Nagano).

Récitals
Deux disques incluant des cycles de Jake Heggie qui paraissent à quelques semaines d'intervalle (Songs from the Violins of Hope, Songs for Murdered Sisters), peu après le cycle statuaire avec Jamie Barton.
Remarquable pot-pourri de sucreries tudesques des années 1930, interprétées splendidement (c'est radieux, mais c'est sobre) Mitterrutzner et Poppen.

Sacré
Motets funèbres de LULLY dans la luxueuse interprétation de Fuget, essayant une tension installée dans un fondu orchestral. (Réécoute dans la foulée de García-Alarcón, dont le caractère expansif, déclamatoire et contrasté me séduit considérablement plus.)
Aussi réécouté le Requiem de Foulds et la deuxième Missa Solemnis de Cherubini (par Rilling), deux petites merveilles de l'art sacré.

Orchestral
Tout le monde a loué avec raison la Neuvième de Beethoven par Pittsburgh & Honeck. Parution également sur la chaîne YouTube de la Radio de Francfort de la version originale (deux fois plus longue) de la Tragédie de Salomé de Schmitt, chaleureusement exécutée par Altinoglu.
    Hors nouveautés, je me suis plongé dans la Symphonie en fa dièse de Pejačević, compositrice qui sait charpenter un discours, petite merveille. Et puis je me suis émerveillé de l'art de Hannu Lintu que je connaissais mal (aussi bien dans Vieuxtemps que dans Sibelius), j'ai totalement réévalué les Nielsen de Kuchar (en réalité très vivants et d'une très bonne finition), et ai découvert quelques versions marquantes de Tapiola (A. Davis & Bergen, Lintu & Radio Finlandaise, Rosbaud & Berlin…).
    Et quelques réécoutes de bijoux : Beethoven 9 par Mackerras et l'Age of Enlightenment (on ne fait pas plus net et ardent), Nielsen par Jensen (première intégrale enregistrée, mais d'une ardeur et d'une fermeté d'exécution qu'on n'atteint à nouveau que dans les versions les plus récentes !), les 3 symphonies de Madetoja, Älven (« Le Fleuve ») d'Atterberg (pendant à l'Alpestre de R. Strauss), et la grisante monographie Cecil Coles, pleine de beautés subtiles et très diverses.

Chambre
Simples et beaux Quatuors de Karnavičius. Parution d'un trio avec piano de Pejačević, pas très marquant en soi, mais l'occasion d'aller retrouver dans le fonds CPO son Quintette avec piano et son Quatuor piano-cordes, des merveilles qui ne sonnent en rien galants / mélodiques / limités au divertissement de salon ; de la musique formellement ambitieuse, quoique généreuse mélodiquement. Bijoux.
Autres belles publications, une nouvelle version du Quintette avec hautbois de Dubois (avec Triendl – un peu sérieuse, mais réussie) et une anthologie Santiago de Murcia qui étonne par son choix de pousser l'aspect « improvisé », paraissant réalisé au débotté comme une séance de flamenco.
    Hors nouveautés, plongée dans les sonates pour deux violons, originales et denses, de Leclair (car…) et dans le cycle du Rosaire de Biber par Manze & Egarr, version musicologiquement respectueuse, mais très confortable, sans recherches extrêmes sur le son, et remarquablement phrasée. Très confortable quand on n'est pas d'emblée dans son univers parmi la musique instrumentale baroque d'Europe centrale.

Le fichier est ici : format ODS (Open Office) ou XLS (Microsoft Office). J'espère qu'il vous sera lisible et utile.

La légende
Du vert au violet, mes recommandations…
→ * Vert : réussi !
→ ** Bleu : jalon considérable.
→ *** Violet : écoute capitale.
→ ¤ Gris : pas convaincu.
(Les disques sans indication particulière sont à mon sens de très bons disques, simplement pas nécessairement prioritaires au sein de la profusion de l'offre.)

Liste brute :




Nouveautés : œuvres

** HEGGIE, J.: Songs for Murdered Sisters (J. Hopkins, J. Heggie)
→ En cours d'écoute.

** KARNAVIČIUS, J.: String Quartets Nos. 1 and 2 (Vilnius String Quartet) (Ondine 2021)
→ De la tonalité très stable, mais remarquablement écrite, un peu la suite logique des quatuors de Stenhammar. Je ne sais si ça conservera sa fraîcheur à la réécoute, mais grisant (et très accessible) à la découverte !  (1913-1917)
→ Le Quatuor de Vilnius se montre assez fulgurant ici – et généreusement capté.

** Cherubini – Faniska – K. Adam, Poznan PO, Borowicz (DUX 2021)
→ L'œuvre débute comme de l'opéra belcantiste, avec ses rigidités… mais du Cherubini, donc un sens véritable de la déclamation (incluant grands ensembles et mélodrame !), des chœurs très marquants et personnels (le renforcement des cors dans « Di queste selve » !), des efforts d'orchestration patents… Et quand on arrive au final de l'acte I, qui évoque très fortement Fidelio (Faniska a été commandée en 1805, l'année de la première représentation du Beethoven), on se dit qu'on n'a pas commis beaucoup d'opéra italien aussi personnel, composite et exaltant que celui-ci, puisant à toutes les inspirations nationales simultanément !  Les cavatines belcantistes, la grande déclamation à la française, le soin tout germanique de l'orchestration et de la matière musicale pure (l'Introduction du II !) …
→ Comme toujours chez Dux ou avec Borowicz, interprétation pleine de style et de vie, au plus haut niveau. (DUX est l'un des meilleurs labels au monde, peut-être même celui dont la qualité, aussi bien des œuvres retenues que de l'exécution, n'est jamais prise en défaut).

* Thalberg –  L'art du chant appliqué au piano, Op. 70 – Paul Wee (BIS 2021)
→ Belle initiative de graver plutôt l'ensemble que des morceaux choisis comme souvent. Beau son de piano bien timbré et lyrique.
→ Thalberg, ici comme ailleurs, fait plutôt dans la transcription littérale : les mélodies sont utilisées en entier, les répétitions de l'original respectées, un thème accompagné reste un thème accompagné, il ne faut pas du tout en attendre les mutations opérées par Liszt. Dans ce cadre, c'est bien écrit pour le piano et tout à fait plaisant à entendre – mais écouter ça au disque quand on peut avoir les opéras entiers (ou quelquefois des arrangements originaux), ça paraît moins indispensable que lorsque c'était le sel moyen de découvrir ou de faire écho à une soirée.
[Par ailleurs, quand on peut jouer pour soi les réductions piano de ces opéras, le bénéfice d'écouter quelqu'un d'autre jouer les réductions de Thalberg n'a pas un intérêt incommensurable.]

* PEJAČEVIĆ – Trio en ut – trioW (Stefan Welsch, Ingrid Wendel, Katharina Wimmer) (Naxos 2020)
(tiré du disque « Unerhörte Schätze, Musik von Komponistinnen », pas encore écouté)
→ Très vivant postromantisme, très réussi. Mais il faut surtout découvrir le Quatuor avec piano (et le Quintette) chez CPO !

*** Schmitt – La Tragédie de Salomé, version complète originale – Radio Francfort, Altinoglu (YT HRSO)
→ Version pour petit orchestre, qui contient deux fois plus de musique (notamment tout le liant dramatique entre les danses). Œuvre majeure, interprétée ici avec chaleur et couleur.
(Au disque, on n'a que la belle version Davin chez Marco Polo, mais avec le moins chatoyant Philharmonique de Rhénanie-Palatinat).
https://www.youtube.com/watch?v=fmRCZQ2vID4

Biber, Bernhard, JM Nicolai, Fux – Requiem, motets, Sonates – Vox Luminis, Freiburg Baroque Consort, Meunier (Alpha 2021)
→ Cordes rares et très étroites, ce n'est pas fabuleusement chaleureux à écouter, pour mon goût. Le contraste avec le beau chœur (pour autant pas dans son meilleur répertoire / jour) est un peu frustrant.

* Eklund:  Symphony No. 3, "Sinfonia rustica", 5 « Quadri », 11 « Piccola »  –Norrköping SO, H. Bäumer (CPO 2020)
→ 3 : Postromantisme sombre, quelque part entre entre les aplats simples de Schjelderup, les bizarres tintements de la Sixième de Nielsen, les menaces de Chostakovitch (on y entend très clairement le début et la fin de la Cinquième…). Il ne faut pas s'attendre à du pastoralisme ici
→ 5 : Sensiblement même esprit (avec des bouts de la folie d'Hérode chez R. Strauss, mêmes lignes ascendantes bancales de trompettes folles ).

Alfano – Risurrezione – (Dynamic)
→ Opéra vraiment peu exaltant, bâti de façon très prévisible, peu de contrastes ni de couleurs orchestrales. Quand on compare aux symphonies (et encore davantage à la musique de chambre d'Alfano), tout ceci paraît particulièrement incompréhensible.
→ Sans avoir jamais été convaincu qu'il s'agissait d'un chef-d'œuvre, je trouve cette dernière version, quoique très bien chantée, particulièrement peu colorée orchestralement.

Respighi – transcriptions de Bach (Prélude & Fugue, Passacaille & Fugue en utm, Chorals) et Rachmaninov (Études-tableaux) – OPR Liège, Neschling (BIS 2021)
→ Pas très subtilement orchestré, orchestre pas splendide non plus… mais le Choral du Veilleur fonctionne très bien.

** Hahn – Ô mon bel inconnu – Gens, Dubruque, Dolié ; ON Avignon-Provence, Samuel Jean (Bru Zane 2021)
→ Interprétation orchestrale pleine de d'élan, naturel général des interactions, prise de son extrêmement confortable… une œuvre-légère délicieuse qui fonctionne parfaitement ici, ravivée avec esprit.
→ Belles voix pas complètement idéales : l'émission de Gens paraît vraiment  molle pour le registre comique, Dubruque n'a pas énormément de séduction timbrale, Dolié couvre toujours beaucoup trop (toutes les voyelles sont modifiées, fermées, le timbre artificiellement assombri) – pour autant, c'est lui qui manifeste le plus de sensibilité dans l'incarnation de son texte, très réussie.

* MEYERBEER : Wirth und Gast, oder Aus Scherz Ernst [Opera] (Alimelek) (Kobow, Woldt, Stallmeister, Württembergische Philharmonie Reutlingen, Rudner) (Sterling 2021)
→ Un nouveau Meyerbeer en allemand, comme on n'en entend guère, par une superbe équipe (Reutlingen !) et le librettiste du Vampyr ! 
→ Sympathique Singspiel (dont l'ambiance a quelque chose d'une Zauberflöte ou d'un Oberon de Weber qui aurait entendu Rossini et Boïeldieu). C'est agréable, mais rien à voir, jusque dans la langue proprement musicale (les harmonies, les rythmes, l'orchestration, les mélodies, la prosodie…) avec ce qu'il produit pour l'Italie (qui est moins bien) et pour la France (qui est infiniment plus personnel).



Nouveautés : versions

* Liszt – Réminiscences de Norma
(+ Sonate en si + Sonnets des Années de Pélerinage, non écoutes) – Grosvenor (Decca 2021)
→ Très ferme toucher, traits très bien articulés… Capté avec un peu de dureté. Manque un peu de couleur pour mon goût. La maîtrise technique fait toutefois la différence dans le final, absolument flamboyant, où l'abondance de traits ne rallentit en rien l'énonciation de la mélodie du bûcher. Bravo.

*** Tauber, Hans May, Carste, Grothe, Ernst Fischer, Winkler, Cottrau, Stolz, Sieczynski, Kalman, De Curtis, Ralph Erwin, Spolianski, Karl Böhm, Marini, Tosti, Capua – « Heut' ist der schönste Tag - Tenor Hits of the 1930s »Martin Mitterrutzner, German Radio Saarbrücken-Kaiserslautern Philharmonic. C. Poppen (SWR Classic 2021)
→ Sobre (malgré tout) accompagnement de l'excellent Poppen, et voix splendide de cet élégant ténor ferme, plutôt léger mais assez glorieux, ne négligeant pas l'art (sacrilège) du fading !  Superbe album dans ce genre, si l'on n'a pas peur du sirop (moi un peu, on se lasse vite).

* Weber – Der Freischütz (extraits !) – van Oostrum, Barbeyrac, Baykov ; Skerath, Immler ; Insula Orchestra, Équilbey (Erato)
→ Quelle étrange chose, un disque de 80 minutes qui ne contient que les moments de bravoure (ouverture, pantomime de la fonderie, airs), pas de dialogues et très peu d'ensembles… mais complété par un DVD documentaire sur la production. Pourquoi faire ?
→ Dommage, production très réussie (incluant la magie, très adéquate ici), couleurs superbes (et individualités musiciennes !) de l'orchestre sur instruments, très beau plateau (Agathe en particulier). Cela méritait une diffusion de l'intégrale…

* MURCIA, S. de: Baroque Guitar Music (Entre dos almas) (Stefano Maiorana) (Arcana 2021)
→ Jeu très généreux et mélismatique, évoquant davantage une improvisation de flamenco. Accord surprenant (quel tempérament utilisé ?), jeux de distorsion, bruits de caisse…

** Verdi – Aida – Radvanovsky, Kaufmann, Tézier ; Opéra de Paris, Mariotti (Arte Concert 2021)
→ Amants absolument merveilleux, souples et nuancés tout en restant glorieux. Orchestre très bien mis en valeur par Mariotti. Entourage impeccable. Un plaisir.

** Rameau – Dardanus version de 1744 – Wanroij, Santon, Dubois, Christoyannis, Dolié ; Orfeo O, Vashegyi (Glossa 2021)
→ Vocalement, vraiment pas ce que je voudrais entendre ici (Dolié outrageusement couvert, Christoyannis en petite forme, peut-être à cause de la tessiture basse du rôle), à l'exception de Dubois qui, avec son timbre grêle et perçant, rayonne à sa façon.
→ Mais l'excellente surprise vient de Vashegyi qui, malgré des couleurs un peu grises, insuffle une véritable animation, même aux récitatifs plus convenus et aux airs longs. Contrairement à ses autres Rameau et aux pastorales un peu dénervées qu'il a faites ces dernières années, un véritable sens dramatique se déploie. Peut-être bien la meilleure version de Dardanus à ce jour, si l'on considère l'effet d'ensemble !

** Beethoven – Symphonie n°9 – Pittsburgh SO, Honeck (Reference Classics 2021)
→ Très allégé et informé, extrêmement vif dans le premier mouvement, interprétation très tendue, pleine de détails d'orchestration, d'explosions, de fièvre !  Du vrai Beethoven.
→ Le final est très beau, mais m'accroche moins, trop de timbre, de maîtrise peut-être.

* LULLY – Dies iræ, De Profundis, O Lachrymae – Les Épopées, Fuget (Château de Versailles)
→ Captation également disponible en vidéo chez Arte. → Son très profond d'un vaste orchestre, solistes ***** (Lefilliâtre, Auvity, Goubioud, Mauillon, Arnould, Brès…). Sur le choix esthétique, un peu difficile de passer après les mêmes motets l'an dernier par Millenium Orchestra et García Alarcón : chez Fuget tout est très fondu (et poisse un brin, acoustique de la Chapelle Royale aidant), là où la respiration, la discontinuité, l'éclat, la déclamation triomphante prévalaient de façon saisissante chez Alarcón (de loin le plus beau disque de grands motets de LULLY, il faut dire – qui avait marqué le millésime 2020).
→ La vidéo, très bien filmée, apporte un supplément en voyant tout ce monde frémis à l'unisson !




Nouveautés : rééditions

** Gazzaniga (DG), Bizet (Djamileh), Dvořák (Armida), Fibich (Šarká), Massenet (Thérèse), Leoncavallo (La Bohème) – « Opera Rarities » – (Orfeo)
→ Coffret contenant ces œuvres intégrales (passionnantes) dans de belles versions (pas les meilleures, certes). Il doit cependant manquer les livrets, certains se trouvent en ligne (mais pas sûr pour La Bohème et à peu près sûr que non, hors monolingue, pour Armida.





Autres nouvelles écoutes : œuvres

** PEJACEVIC, D.: Symphony in F-Sharp Minor, Op. 41 / Phantasie concertante (Banfield, Rheinland-Pfalz State Philharmonic, Rasilainen)
→ Symphonie expansive et persuasive, riche !  Pas du tout une musique galante.

* VIEUXTEMPS, H.: Violin Concerto No. 4 (Hahn, Bremen Deutsche Kammerphilharmonie, P. Järvi) (DGG 2015)
→ Final exceptionnellement virtuose. Un peu plus superficiel musicalement aussi, trouvé-je.

*** Pejačević – Quintette piano-cordes, Quatuor en ut, Quatuor piano-cordes  – Sine Nomine SQ, Triendl (CPO 2012)
→ Quintette : Belles modulations, beau lyrisme du mouvement lent, dernier mouvement virevoltant !  Postromantisme enrichi de recherches début XXe chez cette compositrice croate.
→ Beau quatuor à cordes apollinien.
→ Quatuor piano-cordes : très marqué par Debussy et Fauré, une petite merveille très frémissante et prenante, à rapprocher par exemple de ceux de Chausson et Fauré (n°1).
→ Cordes du Sine Nomine pas fabuleuses (manquent vraiment de fermeté et de mordant, grincent un peu).

*** Reyer – Sigurd (version intégrale) –  Bou ; Opéra National de Lorraine Nancy, Chaslin (bande pirate sur les genoux)
→ Première présentation de l'œuvre sans coupures ! 

* Cherubini:  Mass in A Major de 1825 pour le Couronnement de Charles X – Cologne Radio Chorus; Cappella Coloniensis; , Gabriele Ferro (Capriccio)

* Emilie Mayer – Quatuor piano-cordes – Mariani PiaQ (CPO 2017)
→ Chouette. Manque quand même d'un petit quelque chose de marquant.

* Foulds – Le cabaret Overture // Pasquinades symphoniques // April-England // Hellas // 3 Mantras – LPO, Wordsworth (Lyrita 2006)
→ Des choses sympathiques, mais globalement surtout marquant du côté des Mantras.

Rangström – Symphonies n°3 & 4  – Norrköping SO, Mikhaïl Jurowski (CPO)
→ La 3 : sombre ostinato et structure simple favorisant la mélodie simple, je pense à Libertas venit de Hendrik Andriessen, petite merveille… mais en moins prégnant.
→ La 4 : là encore de grands aplats pas très complexes structurellement malgré une harmonie travaillée. Pas totalement séduit par cette alternance de blocs en pleins et en creux, un brin sommaire (et en tout cas, dans ses effets de contraste, peu propice au disque).

* Rangström – Intermezzo Drammatico – Norrköping SO, Mikhaïl Jurowski (CPO)
→ Simple mais persuasif et personnel. Par moment un côté danses de Salomé chez Schmitt…

FOULDS, J.: Dynamic Triptych / April England / April England / The Song of Ram Dass (Donohoe, City of Birmingham Symphony, Oramo)
→ Aimable, galant, moins nourrissant que l'autre monographie.

** LECLAIR, J.-M.: Sonatas for 2 Violins (Complete) - Opp. 3 and 12 (Ewer, LaMotte) (Dorian Sono Luminus 2014)
→ L'opus 3 n°1 est celui qui figure, sur la gravure-portrait de Leclair tirée d'un pastel… Après avoir passé en revue ses partitions, j'ai fini par trouver l'extrait assez substantiel qui apparaissait dans ses mains…
→ Ce n'est pas la seule raison pour laquelle écouter ces duos qui font figure de sonates en trio sans basse continue !

LECLAIR,
J.-M.: Sonatas for 2 Violins, Op. 3, Nos. 1-6 (Hoebig, Stobbe) (Analekta 2018)
→ Un peu lourd.

* Rangström – Symphonie n°1 – Norrköping SO, MIkhaïl Jurowski

** FOULDS, J.: 3 Mantras / Mirage / Lyra Celtica / Apotheosis (City of Birmingham Symphony, Oramo)
→ Très varié et réussi. Les Mantras en particulier, ou la Lyra qui inclut un soprano sans texte. Même la concertante (avec violon) Apotheosis me touche beaucoup (l'élan majestueux au centre de son Andante !).

*** Foulds – World Requiem – BBC SO, Botstein (Chandos)
→ Très varié et expansif, remarquable écho (moins idiosyncrasique, certes) au War Requiem.



Autres nouvelles écoutes : interprétations

** Cherubini – Missa solemnis n°2 en ré mineur – Rilling (Hänssler)
→ Très bel ensemble remarquablement écrit, comparable au style de ses requiems (riches en prosodie, travaillés sur la déclamation et au besoin le contrepoint), mais avec des solistes très bien mis en valeur. Le tout joué avec la rondeur et la rhétorique dramatique formidable de Riling.
* Meyerbeer – « Meyerbeer in France » – Thébault, Pruvot, Sofia PO, Talpain (Brilliant 2016)
→ Très beau disque (cette précision d'articulation orchestrale dans du Meyerbeer, c'est pas tous les jours !). Pruvot magnifique, Thébault plus problématique (timbre peu dense, aigus un peu criaillés).
→ Les extraits choisis sont pour large part de l'ordre décoratif, pas nécessairement le meilleur du compositeur, mais joli voyage néanmoins, atypique !:

* Leroy Anderson, Typewriter Concerto
→ Dans le style Wolf-Ferrari…

* Vieuxtemps:  Violin Concerto No. 5 in A Minor, Op. 37, "Gretry": –  Corey Cerovsek ; Lausanne Chamber Orchestra :  Lintu, Hannu (Claves 2008)
→ L'Adagio cite le duo d'amour Isabelle-Alonze de l'acte II ?  D'où le nom ?
→ Superbe version pleine de vie.

* Sibelius 5, Radio Finlandaise, Lintu (DVD)
→ Très beau, remarquable progression, mais quelques moments qui manquent d'angle, d'ampleur, de relance épique – en particulier les appels de cor du dernier mouvement, étrangement allentis et lissés, ce qui ne manque pas de grâce, mais un peu d'apothéose comme ce l'est usuellement… Néanmoins, splendide final sur le bout des pieds, très étonnant.

* BIBER – Sonates du Rosaire – Manze, Egarr (HM 2004)
→ Superbement phrasé, version HIP sans trop d'acidité / aridité, assez confortable pour moi qui ne suis pas toujours à l'aise avec cette ensemble monumental que j'ai peut-être tort d'écouter d'une traite… Variations et traits de virtuosité (écrits par Biber) impressionnants.
→ La Présentation au Temple, le jeune Jésus préchant, le Christ au Pilier, Crucifixion me touchent tout particulièrement… Version ou maturation de ma part, l'impression d'enfin accéder à l'œuvre !
 
*** Sibelius:  Tapiola – Radio Finlandaise, Berlin, Rosbaud (Ondine)
 
* Sibelius:  Tapiola – Radio Finlandaise, Lintu (Ondine)

* Williams – Star Wars VII – CD de la BO
→ La qualité a bien baissé. Hors le thème de Rey, très réussi, vraiment de la tapisserie sage et de la fanfare pétaradante. Dommage, quelle distance avec l'art consommé des IV et V.

CHERUBINI, L.: Mass No. 2, "Messe Solennelle" en ré mineur (Wiebe, Jungwirth, Orrego, Friedrich, Munich Motet Choir, Munich Symphony, Zobeley)
 
** Sibelius:  Tapiola, Op. 112 – Royal Stockholm Philharmonic Orchestra; Davis, Andrew (Finlandia)
 → Très belle surprise, très belle couleur. Toujours un peu extérieur à l'œuvre répétitive et très cordée.

** Nielsen – Symphonie n°2 – Janáček PO Ostrava, Kuchar (Brilliant)
→ En réalité vraiment très bien, nerveux, belle finition, j'avais beaucoup sous-estimé cette intégrale je crois.

Nielsen
– Symphonie n°1 – Stockholm RPO, Tor Mann (fin 40s début 50s)
→ Pas en place, orchestre dépareillé, tout le monde joue comme il peut cette musique hautement inusuelle, sous l'étiquette « Nielsen's Prophet in Sweden »… Je ne suis pas sûr de détester complètement (quelle typicité des bois, tout de même !), mais c'est clairement très loin des standards professionnels qu'on attend désormais (voire des bons amateurs d'aujourd'hui…).

* Sibelius – Symphonie n°7, Tapiola – Atlanta SO, Spano (ASO Media)
→ Étonnante lecture frontale et voluptueuse, avec un sens dramatique primaire, un côté verdien – qui rappelle l'énergie communicative de ses incroyables récentes symphonies de Bruch. Dans Sibelius, c'est exotique mais pas du tout inopérant.

* Sibelius – Symphonie n°5 – Berliner Philharmoniker,  Rattle (Berliner Philharmoniker)
→ Très vivant. Un excellent souvenir de la version vidéo (assez ultime), assez étonné par les timbres plus étroits ici (cordes délibérément sèches, mais trompettes un peu nasillardes, étonnant). Bois toujours aussi vertigineux.
+ final Maazel Pittsburgh, Karajan Philharmonia, Karajan Berlin, Bernstein Vienne

* Sibelius – Symphonie n°4 – Berliner Philharmoniker,  Rattle (Berliner Philharmoniker)
→ Étrangement, je ressens un petit manque de soyeux des cordes ici. Mais l'ascétisme, la transparence, les couleurs, sont magnifiques.

* Sibelius – Symphonie n°7, Océanides, Symphonie n°5 – LSO, C. Davis (LSO Live)
→ Tiré de la troisième intégrale de Colin Davis, la seconde avec le LSO.
→ La Septième, malgré des cuivres un peu massifs par endroit, se distingue par sa remarquable suspension et sa cinétique permanente. Son large, typiquement du dernier Davis. La Cinquième manque un peu de folklore à mon gré, évidemment, mais sans comparaison avec ses deux précédentes intégrales plutôt conformistes et ternes.

* Sibelius – Symphonie n°6 – Berliner Philharmoniker,  Rattle (Berliner Philharmoniker)
→ Cordes droites, peu vibrées, étonnant début très résonant quoique soyeux. Manque un peu de tension sur la durée pour moi, j'en avais un meilleur souvenir (d'après la version vidéo : je découvre sa déclinaison CD).

Sibelius – Symphonies n°3 – Stockholm RPO, Ashkenazy (Exton)
→ Oh, un peu décevant ici, niveau plus juste de l'orchestre que ce qu'il est habituellement, ou que la concurrence.

Sibelius – Symphonies n°2,3 + Night Ride & Sunrise – Radio Finlandaise, Saraste (RCA)
→ Intégrale de studio antérieure à l'intégrale Finlandia, elle vient d'être rééditée après une longue indisponibilité.
→ Autant je trouvais la version Finlandia structurellement singulière, exaltant les transitions en une sorte de nuage permanent (plutôt que d'appuyer sur la mélodie), autant je trouve cette lecture beaucoup plus traditionnelle et assez peu grisante : comme pour Salonen, les timbres captés par RCA paraissent vraiment mats et sans résonance. À côté de l'explosion des couleurs dans les grandes versions récentes (Oramo, Rattle, Storgårds…), c'est un peu frustrant, et en tout cas pas vraiment indispensable.

* Lully – Dies iræ, Te Deaum – Allabastrina, E. Sartori (Brilliant)
→ Spectre sonore à l'italienne (peu de corps dans les parties intermédiaires, respiration du spectre), qui fonctionne très bien, avec beaucoup d'élan et de solennité.




Réécoutes : œuvres

** Kreutzer – La mort d'Abel – Droy, Bou, Pruvot ; Les Agrémens, van Waas (Singulares 2012)
→ trissé

*** Coles – Fra Giacomo…

*** HONEGGER, A. / IBERT, J.: Aiglon (L') [Operetta] (Gillet, Barrard, E. Dupuis, Guilmette, Lemieux, Sly, Montréal Symphony, Kent Nagano) (Decca 2016)

*** Foulds – World Requiem – Charbonnet, Wyn-Rodgers, Skelton, Finley ; Hickox (Chandos)

*** Auber – Les Diamants de la Couronne – Colomer (Mandala)
→ Sommet du livret haletant (merci Scribe) et d'une musique divertissante pourtant pleine de modulations, d'ensembles travaillés, de surprises… Un des plus beaux opéras comiques jamais écrits. (Peut-être même le plus beau en langue française…)  Distribution fabuleuse et orchestre audiblement passionné. Mise en scène tradi pleine de vie.

** Gaveaux – Léonore ou l'amour conjugal – Mc Laren, Richer, Côté, Lavoie ; Opéra Lafayette, Ryan Brown (bande-son du DVD Naxos 2019)

*** Grétry – Céphale & Procris (actes I & II) – van Waas (Ricercar)

** Madetoja – Symphonies 1 & 3 + Suite Okon Fuoko – Helsinki PO, Storgårds (Ondine)
→ Bissé.

*** Madetoja – Symphonie n°2 – Helsinki PO, Storgårds (Ondine)

** Atterberg – älven – Hanovre, rasilainen (CPO)



Réécoutes : versions

* Rameau – Dardanus – Edda-Pierre, Gautier, van Dam, Soyer ; Leppard (Erato)

* Rameau – Dardanus – Arquez, Richter, Buet, Fernandes, Devieilhe, De Negri ; Pygmalion, Pichon (Alpha)

*** Beethoven – Symphonie n°9 – Enlightenment Mackerras (Signum)

* Sibelius – Symphonie n°5 – NZSO, Inkinen (Naxos)
→ Vraiment une très belle exécution, le meilleur volume de cette excellente intégrale. Dernier mouvement très réussi (à part la perte de tension à la fin du mouvement), premier mouvement doté de très belles couleurs et de très beaux équilibres, même si certains accompagnements paraissent un peu plats et certaines syncopes un peu inconfortables.

* Nielsen – Symphonie n°3 – Ireland NSO, Leaper (Naxos 1995)
→ Intégrale que j'adore, parmi les moins luxueuses orchestralement, mais d'un esprit et d'une tension assez fous, parmi les meilleurs. Pas à son sommet dans la Troisième plus étale, qui appelle davantage la volupté sonore, mais toujours ces merveilleuses qualité.

Nielsen – Symphonie n°3 – BBCPO, Storgårds (Chandos)
→ Contrairement à son Sibelius, je trouve leur Nielsen beau mais assez froid, cherchant plus la maîtrise et la chatoyance que l'esprit. Même un peu frustré par cette Troisième.

** Nielsen – Symphonie n°1 – Radio Danoise, Jensen (Naxos, remastering 1952)
→ Splendide restauration pour une version remarquablement maîtrisée, au trait fin et nerveux, bâtie avec grande clarté et sens des progressions, pourvue de belles couleurs… parmi les plus convaincantes de la discographie, malgré son âge vénérable (sachant que les propositions réellement satisfaisantes pour Nielsen sont presques toutes arrivées à partir de la fin des années 90…).
→ Je n'en avais pas du tout un souvenir aussi enthousiaste !

Nielsen – Symphonie n°1 – LSO, Ole Schmidt
→ Bien, mais vraiment en deçà du potentiel de cette musique.

*** LULLY – Dies iræ, De Profundis, Te Deum – Junker, Wanroij, Auvity, Lenaerts, Buet ; Millenium O, Alarcón (Alpha 2019)




Autres nouvelles parutions à écouter

→ GRAUPNER, C.: Easter Cantatas (Jerlitschka, S. Hübner, J. Hill, Capella Vocalis Boys Choir, Pulchra Musica Baroque Orchestra, Bonath)
→ Schulhoff Intégrale des Lieder. Sunhae Im, soprano ; Tanja Ariane Baumgartner, mezzo-soprano ; Hans Christoph Begemann, baryton ; Britta Stallmeister, soprano; Klaus Simon, piano ; Delphine Roche, flute ; Myvanwy Ella Penny, violon ; Filomena Felley, alto ; Philipp Schiemenz, violoncelle .
→ clarinette copland bernstein rozsa orchid
→ étienne richard fabien armengaud
→ Jake Heggie: Songs for Murdered Sisters Joshua Hopkins
→ HEISE, P.A.: Drot og marsk (Royal Danish Opera Chorus and Orchestra, Schønwandt)
→ frid quintet
→ beethoven aquileia
→ breath angels
→ Stanchinsky: Piano Works Peter Jablonski
→ Antti Auvinen & Sampo Haapamäki: Choral Works Helsinki Chamber Choir 
→ Michael Jarrell: Orchestral Works Tabea Zimmermann
→ John Mayer & Jonathan Mayer: Orchestral Works Sasha Rozhdestvens
→ kontski piano sonatas anna parkita
→ daniel jones symphs 3 5 lyrita thomson
→ Bergson: Orchestral Works Jonathan Plowright
→ vlagiderov cctos
→ Holmboe quats vol. 1 nightingale SQ
→ carte postale royaumont bunel
→ tempesta di passaggio : solo pour cornetto
→ gál 'hidden treasures' lieder inédits immler deutsch
→ british music strings I pforzheim
→ schnittke daniel hope
→ kalafati piano
→ respighi transcriptions
→ eccles semele
→ maconchy , lefanu, swayne « relationships » violon piano
→ alex freemann, requiem (BIS)
→ Cesti, La Dori
→ hasse enea in caonia
→ ruders, nørgård, violoncelle solo
→ Grigory Krein piano
→ F.G. Scott piano
→ worgan harpsichord julian perkis chez toccata
→ Goldmark vol 2, mokranjac piano, the laundy grondahl legacy, graun orchestral, trattamento dell'harmonia, platti chamber, marx mosè
→ farkas chamber, braga santos, chamber 3, telemann christmas cantatas CPO, jenner piano
→ Johan Nepomuk David : intégrale des trios à cordes (David-Trio), chez CPO.
→ fra diavolo strade napoli
→ Schulhoff Flammen very vermillion billy
→ stikhina salomé  https://www.youtube.com/watch?v=YU0jlgd9Pas
→ clair-obscur piau
→ kopatchinskaja (plaisir illuminés)
→ ballades vinnitskaya
→ fanciulla foster
→ musicalische exequien
→ haydn 76 chiaroscuro
→ buxtehude par Les Timbres
→ locatelli concertos violon gringolts helsinki baroque
→ catoire chambre & concerto, triendl
→ messiaen 20 regards chen
→ beethoven solemnis jacobs
→ ariadne botha schmeckebecher
→ telemann ouvertures, orfeo barockorchester
→ telemann concerti camerata köln
→ josquin 7e livre, visse
→ weinberg 2,5,6 arcadia SQ
→ nouvel an 2021 muti
→ bagatelles beethoven feltsman
→ boffard beethoven berg boulez
→ krieger 12 sonates en trio
→ pettersson symph 12 lindberg



Projets d'écoutes ou réécoutes pour les semaines à venir

tout DUX, tout CPO

Jēkabs Jančevskis - Chœurs
Mäntyjärvi - Chœurs
Foulds - Quatuors
SEHS

heggie violins of hope
pejavevic symph réécoute

vieuxtemps cctos vcl CPO
vieuxtemps cctos vln davin

nielsen jensen
nielsen kuchar
nielsen bernstein

« Flury. Son quatuor No. 5 est bien ficelé dans une optique assez traditionnelle, le No. 6 possède un II d'une grande mélancolie et déploie un cœur suspendu dans le III à fondre. Le No. 7 est peut-être le plus intéressant, qui démarre en fugue à quatre voix avant de virer à une pièce romantique tout en pizzicatti. Ces deux derniers sont couplés avec une suite pour orchestre à cordes assez déconcertante (III), variée (Atterberg dans le II, marche instable dans le IV) qui ne manque pas de sel. Le quintette pour piano, bien que souvent d'un sentimentalisme parfois caricatural, n'aura pas dépareillé avec les pièces ultra-lyriques écoutées récemment. Plaisir sûrement coupable mais plaisir malgré tout. »

« Plus ancien et susceptible de te plaire, Bargiel. Le deux premiers quatuors évoquent Beethoven, respectivement opus 18 et 59, les troisièmes et quatrièmes sont plutôt d'obédience Schumann/Brahms/Mendelssohn (même si j'ai pensé aux gémissements utilisés par Onslow au début du No. 4). Plus sophistiqués, moins immédiats en ce qui me concerne, avec un pathos un peu forcé parfois, mon goût désordonné ne doit pas empêcher d'y trouver maintes satisfactions. Mais c'est bien son octuor, d'une noirceur incroyable, qui m'a cueilli et que j'enjoins d'essayer sans attendre. Sa symphonie est au menu prochainement, je ne saurais rien en dire à l'heure actuelle.  »

« Blackford, des choses passionnantes dans tous les registres. En musique de chambre, ses Hokusai Miniatures aux atmosphères variées et particulièrement évocatrices. À l'orchestre, outre sa réorchestration du Carnaval de Saint-Saëns et sa propre symphonie pour animaux qui mange à tous les râteliers (de Rautavaara à Williams), son concerto pour violon Niobe avec des vrais morceaux de Banks et de Szymanowski m'a fortement convaincu. »

(vous aurez reconnus les conseils personnalisés de Mefistofele)

hausegger, graener

cherubini messes

lintu

goetz quintette triendl

wolf-ferrari (segreto, etc.)

respighi vetrata, metamorphoseon
Den Utvalda rangström nylund schirmer

cctos violon : st-sns, godard, vieuxtemps, graener goetz, børresen

vieux temps hahn, vcl cctos

scriabine symph 1

FOULDS, J.: Dynamic Triptych (Shelley, Royal Philharmonic, Handley)

foulds chambre quartetto intimo

nielsen bo holten vocal

leclair

kirchner quatuor piano

CHAYNES, C.: Visions concertantes / 4 Poèmes de Sappho (Mesplé, Ponce, Trio à cordes Français, Toulouse Chamber Orchestra, Armand)
Rangström : Havet sjunger, Bön till natten, Partita

RANGSTRÖM, T.: Sånger (Hagegard, Scheja)

elisir : dalla benetta De Marchi, valletti bruscantini gavazzeni, bonney winbergh panerai ferro, gigli taddei gavazzeni,
Jules Massenet (1842-1912) :

Le Carillon, ballet ; Richard Bonynge, National Philharmonic Orchestra (Decca, avril 1983)

Opéra Oleg Prostitov "Ermak"
stanford R. Williams
gubaidulina quat 1
tichtchenko 4,3
schnittke rubackyte
Lokshin - Variations for piano - Maria Grinberg, piano
schoeck piano ritornelle
jacques mercier sony
adamek https://www.youtube.com/watch?v=xOPdjCxHJ8A
requiem verdi, gounod (+ mors et vita)
krug https://www.youtube.com/results?search_query=arnold+krug
lully alarcón
hartmann rickenbacher nimsgern n°2
bax avec pttn, rott avec pttn
Jekabs Jančevskis : Aeternum and other works (Jurģis Cābulis /Riga Cathedral Choir School Mixed Choir)
Jaakko Mäntyjärvi : Choral music (Stephen Layton / Choir of Trinity College Cambridge)
→ boutsko : i]Nuits blanches[/i] ([i]Белые ночи[/i]
lebendig begraben nagy
ina boyle
diamants couronne paul paray
zaderatski : sonates, préludes
→ keuris laudi, michelangelo, antologia…
→ roy harris symph 3, symph 5, ccto violon
→ Alexander KASTALSKY (1856-1926), Requiem for Fallen Brothers (1914-1917)
→ Musgrave Helios, ina boyle
Tournemire : Symphonie Sacrée (van der Ploeg)
→ børresen ccto vln par garaguly
→ weber : mélodies italiennes, lieder
diogenes SQ
CPO
kalliwoda 2, kalliwoda 5 spering
kallstenius 1
kozeluch moisè in egitto
Maconchy, compositrice Symphony for double string orchestra
Lajtha: Symphonie n°1/Pasquet
→ reinecke dornröschen
→ Let There Be Cello
→ Bainton 3, Ruth Gippz 4
→ consortium classicum (moscheles, tribensee)
→ DUSSEK, J.L.: Piano Sonata, Op. 43 / MOSCHELES, I. / CRAMER, J.B. / HUMMEL, J.N. / KALKBRENNER, F.: Variations on Rule Britannia (M. MacDonald)




(Notule réalisée les yeux pleins de roman auvergnat et provençal. Parce que la vie de certains a du style.)

mercredi 10 février 2021

Le grand tour 2021 des nouveautés – épisode 2 – contemporains de Beethoven (inspirés en plus) : Gossec, Salieri, A. Romberg, Druschetzky, Dotzauer, A. Vranický, Vorišek, Rejcha…


Cette fois-ci, je tente d'inclure mes commentaires (au format brut, pour gagner quelques heures de mise en page) dans la notule en plus de renvoyer vers le tableau – considérant que la précédente livraison n'a suscité aucune réaction, j'en déduis que le format était moins pratique. Pour autant, je souhaite conserver mon temps de notulage pour les sujets gourmands en énergie que j'ai décidé de favoriser cette année. Donc pas d'apprêts, mais le contenu brut en annexe du corps de notule, en plus du tableau mis en page que vous pourrez toujours récupérer.

Que retenir de la seconde moitié de janvier et de la première de février ?

andreas_romberg_symphonies_phion

Beaucoup de contemporains de Beethoven remarquablement en verve : Gossec (La Nativité), Salieri (Armida), A. Romberg (Symphonies 1 & 2), Quatuors hautbois-cordes de Dotzauer (et Druschetzky), concertos d'Antonín Vranický (deux altos), Rejcha (cor), Vorišek (triple), un rare de Beethoven (violon en ut).

Côté interprétations, de très belles versions de symphonies de Haydn (Gardino-Antonini), Beethoven (n°3, ONDIF-Scaglione), Sibelius (n°3, Bergen-Gardner), de motets de Josquin (Stile Antico), d'airs sacrés divers (Rebeka), d'arie verdiane (Tézier). Et même une nouvelle version du Quintette avec hautbois de Dubois, par Triendl !

Hors nouveautés, je me suis régalé des Victoria de The Sixteen (pureté, souplesse, expression verbale, résonance !), des lieder chambristes bizarres de Schoeck, des mélodies et poèmes symphonies de Cecil Coles, de la musique symphonique de Heiniö.

Et puis dans mes réécoutes, Corrette (le Phénix), Vaňhal (Double concerto pour bassons), Kreutzer (La mort d'Abel), Ropartz (Requiem) et tant d'autres choses.

Le fichier est ici : format ODS (Open Office) ou XLS (Microsoft Office). J'espère qu'il vous sera lisible et utile.

La légende
Du vert au violet, mes recommandations…
→ * Vert : réussi !
→ ** Bleu : jalon considérable.
→ *** Violet : écoute capitale.
→ ¤ Gris : pas convaincu.
(Les disques sans indication particulière sont à mon sens de très bons disques, simplement pas nécessairement prioritaires au sein de la profusion de l'offre.)

Liste brute :




Nouveautés : œuvres

** A. Romberg – Symphonies 1,2 + Ouv Die Großmut der Scipio – Gelderland & Overijssel O, Kevin Griffiths (CPO déc. 2020)
→ Très belles œuvres postclassiques, d'une grande fluidité, pourvues de belles intuitions mélodiques.
→ Kevin Griffiths est beaucoup plus convaincant que l'autre Griffiths qui officie chez CPO avec une tendance à l'interprétation tradi un peu trop prononcée. Bel orchestre aussi, plein de moelleux, et splendidement capté comme toujours chez CPO.
→ Écouté six fois de suite.

** Gossec – Nativité (La) / Christe Redemptor / Messe des Morts – Ex Tempore, Les Agrémens, Mannheimer Hofkapelle, Heyerick (CPO 2021)
→ Palpitations pastorales de l'Aurore dans Céphale & Procris. Un des airs du Triomphe de la République en est repris.
→ Un peu déçu par le Requiem, déjà pas du niveau de sa haute réputation à mon sens, et assez peu saisissant dans cette interprétation à la fois sèche et très aérée.

* Lalande – Les Fontaines de Versailles + Concert d'Esculape – Boston Early Music Festival Vocal & Chamber Ensemble, O'Dette, Stubbs (CPO 2021)
→ Fontaines : Œuvre sympathique et interprétation un peu formelle comme souvent chez les baroqueux de Boston. Pas prioritaire, mais agréable découvertes.
→ Esculape : Débute par une ouverture-chaconne, et réjouissances assez plaisantes (« Chantons » façon Prologue d'Armide). Musicalement du moins, car le texte reste de la pure louange.

Saint-Saëns – Music for Wind Ensemble (Royal Air Force College Band, Märkl) (Naxos 2021)
→ Marches diverses, arrangées pour orchestre d'harmonie. Du Saint-Saëns pittoresque ranscrit sans cordes, donc. Sympa.

* Friedrich Dotzauer, Charles Bochsa, Georg Druschetzky, Alessandro Rolla, Johann Christian Bach, Mozart Quatuors avec hautbois, « Around Mozart :. A Journey Through the Golden Age of the Oboe Quartet » – Quartetto Bernardini (Arcana 2021)
→ Assez strident hautbois (d'époque, j'ai l'impression), œuvres assez légères et pas très nourrissantes. Celle qui retient vraiment mon attention est due à Dotzauer, plus dense.

Alkan – Paraphrases, Marches & Symphonie for Solo Piano, Op. 39 – Mark Viner (Piano Classics 2021)

** « Passacaglia della vita » – Cembaless (Naxos 2021)
→ Passacailles vocales espagnoles, italiennes, allemandes, avec grande générosité de percussions. Absolument délicieux !

** Antonín Vranický Concerto pour deux altos, Rejcha « Solo de Cor Alto », Vorišek Grand Rondeau Concertant pour piano violon violoncelle, Beethoven concerto pour violon en ut (fragment), dans la série « Beethoven's World » – Radio de Munich, Goebel (Sony)
→ Suite de l'incroyable parcours de Goebel qui documente des compositions concertantes et orchestrales de contemporains de Beethoven, avec des pépites (Clément, Romberg, Salieri…). Ici, très beau double concerto de Vranický, grandes pièce de Rejcha aux belles mélodies…

** Salieri – Armida – Ruiten, Valiquette, Iervolino, ashley Riches, Les Talens lyriques, Rousset (Aparté 2021)
→ Enchaînements très fluides et tournures assez originales et vivantes, encore un opéra personnel et réussi du meilleur compositeur de son temps !
→ Puissamment original dans le cadre formel italophone d'alors, laissant les airs à da capo au profit d'une réelle continuité du discours musical, faisant la part belle aux ensembles.
→ Belle distribution (Renaud comme Armide sont tenus par des sopranos !), en particulier le baryton Ashley Riches extrêmement charismatique (et très très beau vocalement).



Nouveautés : versions

* Debussy  – Pelléas – Eröd, Keenlyside ; Marelli, Vienne, Altinoglu (2012, diffusion en flux de l'Opéra 2021)
→ Très bon français d'Eröd et de tout le plateau (Keenlyside un peu court en médiums graves pour Golaud). Pas très convaincu par certains détails de la mise en scène qui a servi aussi avec Bernard Richter – la grotte dans la barque est sympathique, mais la fin du duo d'amour du IV gâché par l'attente du coup fatal de Golaud, sans rien de la course éperdue.

** Verdi – Airs pour baryton – Tézier, Bologne, Chaslin (Sony 2021)
→ Très beau et maîtrisé. Reste la réserve du petit empâtement et de la couverture un peu épaisse à mon goût (et du vibrato un brin blanchi par endroit), mais vraiment très belle tenue vocale (mordant, patine…), et assez expressif, sur une sélection intéressante (Ford, Renato, Macbeth notamment).
→ Très impressionné aussi par l'engagement verbal, pas si fréquent dans un récital, et pas vraiment le point fort de Tézier d'ordinaire. Ici tout semble très vécu, comme mûri.

* Dubois – Quintette avec hautbois, Quatuor piano-cordes – Schilli, Karmon, Kreynacke, Spahn, Triendl (CPO 2021)
→ Une nouvelle version de ces deux bijoux !  Un brin sérieuse, un peu froide peut-être, mais habitée et très réussie. (Je reste très marqué par la version des Hochelaga, très, très souvent écoutée.)

** Sibelius – Symphonie n°3, Valse triste – Bergen PO, Gardner (Vimeo de l'orchestre, 2021)
→ Élégance, ardeur, lisibilité, couleurs épatantes… c'est grand, et je veux l'intégrale !

** Josquin des Prez  – « The Golden Renaissance: » : Missa Pange Lingua, motets – Stile Antico (Decca)
→ J'avoue ne toujours pas être passionné par les messes de Josquin, mais le Salve Regina à 5 qui ouvre le disque est une petite merveille !
→ Conduite suprême et incarnation frémissante, qui mettent véritablement en valeur la fluidité et la nécessité  des enchaînements chez Josquin. Enthousiasmant !

Wagner – Walküre I, Parsifal II, Tristan Prélude & mort – DeYoung, O'Neill, ONDIF, Scaglione (NoMadMusic 2021)
→ Très engagé, mais en morceaux. Et il existe mieux dans cet exercice qui met en valeur les orchestres très virtuoses.

** Beethoven – Symphonie n°3 – ONDIF, Scaglione (NoMadMusic 2021)
→ Toujours grisant d'entendre le moindre archet de fond de pupitre entrer avec autant de passion dans la corde et la musique… tout l'orchestre palpite sans cesse !  Il existe conceptions plus originales, radicales, orchestres plus chatoyants et virtuoses… mais ce frémissement-là, c'est assez unique. Raison pour laquelle ce sont mes chouchous en concert… et il s'avère que cela s'entend très bien au disque !

* Schubert – Die Winterreise – Roderick Williams, Iain Burnside (Chandos 2021)
→ Dernier volume de la série de cycles de lieder gravés par les deux compères : après une Ferne Geliebte et une Meunière invraisemblablement naturelles et poétiques, un fin et frémissant Chant du Cygne, voici un Voyage d'Hiver qui me déçoit un peu – les saveurs paraissent fades, l'allemand pas parfait non plus. Peut-être ne fallait-il pas se forcer à boucler le cycle (mais on l'aurait regretté si on n'avait pas entendu ?).
→ Belle version quoi qu'il en soit, mais absolument pas prioritaire.

* Debussy  – Pelléas – Charvet, Richardot, Huw Montague Rendall, Courjal, Teitgen ; Ruf, Opéra de Rouen  (Facebook, YouTube 2021)
https://www.youtube.com/watch?v=6f8Q5sLHtbs&t=27s
→ Distribution incroyable sur le papier.
→ Assez déçu, je l'avoue. Le son n'est vraiment pas bon (compression, mais prise et mixage pas terribles non plus). Orchestralement, ça paraît un peu naviguer à vue, sans grande ligne de force. Et Charvet assez terne et lisse, Courjal surtout une voix splendide (mais sans doute sa prise de rôle – il mûrira, tu verras), Richardot aussi assez couverte, pas à fond dans le mot…
→ J'ai adoré Huw Montague Rendall en Pelléas, dans la veine des Pelléas assez graves, un vrai rayonnement. Et Teitgen merveilleux comme toujours. → Mais globalement assez déçu – même visuellement, j'avais adoré la mise en scène au TCE, et là je n'y comprends rien, tout est filmé de près, on ne voit pas où on est, qui fait quoi…

** Haydn  – « Haydn 2032, Vol. 9: L'Addio », Symphonies 15, 35, 45 –  Il Giardino Armonico, Antonini (Alpha 2021)

** « Credo » – Marina Rebeka (Prima Classics 2021)
→ Florilège de prières d'origines très diverses (messes, opéra, baroque, pastiches XXe, patrimoine romantique…), chantés avec le timbre capiteux et la maîtrise souveraine qui sont ceux, bien documentés, de Rebeka. Même le Pie Jesu de Fauré, chanté par une voix aussi immense, fonctionne bien, à rebours de tout ce qu'on peut imaginer du style juste.




Autres nouvelles écoutes : œuvres

* Schönberg, Schilkret, Tansman, Milhaud, Castenuovo-Tedesco, Toch, StravinskiGenesis Suite – Berlin RSO, G. Schwarz (Naxos 2004)

Gounod – Mors et Vita – Plasson (EMI)
→ Très peu prosodique, suite de grands aplats un peu arbitraires et pas très mélodiques. Décevant.

Gounod – Requiem / Messe chorale sur l'intonation de la liturgie catholique – Einhorn, Immler ; Lausane Instrumental and Vocal Ensemble, Corboz (Mirare 2011)
→ Simili grégorien, assez terne et sinistre.

** Victoria – Motets & Requiem – The Sixteen, Harry Christophers (CORO)
→ Très belles œuvres polyphoniques mais non dépourvues d'expression verbale.
→ Interprétation : pureté et souplesse, très expressif, pur, résonant, une splendeur !

* Wolf-Ferrari, Suite Concertino // Otmar Nussio, Variations sur un thème de Pergolèse // Donatoni Concerto // Rota Concerto – Christopher Millard (Basson), CBC Vancouver O, Mario Bernardi (CBC)
→ Concertos italiens pour basson volontiers rétro.

Johann Nepomuk David – Four String Trios, Op. 33 No. 1-4 David-Trio (with Lukas David, Subylle Langmaack & Clemens Krieger)  (Sedina 2000)
→ Encore hindemithien, mais ici un peu simple et sinistre à la fois. Pas mon truc.

Johann Christian Bach  – Concertos pour basson (Capriccio)
→ Bien faits, sans être bouleversants, et interprétation tradi pas très tendue.

** Corrette – Le Phénix – chez Turnabout

Boismortier
– Concerto pour basson – Niquet (Naxos)
+ vieille version Edmund LaFontaine chez Orion
→  Très jolies figures un peu scolaires à nos oreilles, pour un ensemble très court (7 minutes). Début de l'exercice du concerto.

Heiniö – Riddaren och draken (Le Chevalier & le Dragon) – Juntunen, Hellekant, Turku PO, Söderblom (BIS)
→ tribal post-orffien. Mouais.

** Heiniö – Vuelo de alambre, Possible Worlds – Mattila, Turku PO, Mercier (Finlandia)
→ J'aime beaucoup !  Joli lyrisme un peu dégingandé pour Vuelo de alambre, et profusion charmante de tonalité élargie avec pas mal d'atmosphère et de danse pour Possible Worlds. Très réussi !

* Heiniö –  Champignons à l'herméneutique (flûte et guitare) – Melanie Sabel, Stepan Matejka (Castigo 2006)
→ Très sympathique. Et quel titre !

Couperin – Concerto for 2 Bassoons in G Major – George Zukerman, Jurgen  Gode, Württemberg Chamber Orchestra of Heilbronn, Jörg Faerber
+ Devienne:  Quartet in C Major, Op. 73, No. 1
+ Corrette:  Concerto in D Major, "Le Phenix" (double ccto)

* Devienne – Quartets, Op. 73 / Duos Concertants for Bassoon and Cello (Thunemann, Zehetmair, Zimmermann, Henkel) (Claves 1987)
→ Très plaisant.

Devienne – Bassoon Concerto No. 4 in C Major – Slovak Chamber Orchestra, Bohdan Warchal (CPO 1992)
→ Agréable. Pas majeur.

* Howard Blake – String Trio, Op. 199 – Edinburgh Quartet (Naxos 2011)
→ Franc et animé, très chouette.
→ bissé.

*** Cecil Coles – Fra Giacomo, 4 Verlaine, From the Scottish Highlands, Behind the lines – Sarah Fox, Paul Whelan, BBC Scottish O (Hyperion)
→ Belle générosité (Highlands à l'élan lyrico-rythmique réjouissant, qui doit pas mal à Mendelssohn), remarquable éloquence verbale aussi dans les pièces vocales. Bijoux.
→ Bissé.

*** Schoeck – Das stille Leuchten, Wandersprüche, Gaselen, Sommernacht, Unter Sternen – N. Berg, English Chamber Orchestra, Griffiths (Novalis)
→ Cycles avec petit ensemble, très étrange, en particulier les délicieux Wandersprüche sur Eichenforff (ténor, clarinette, cor, piano, percussions).
→ Bissé.

* Schnittke – Symphonie n°4 – Rozhdestvensky (CDK 2016)
→ Les aplats superposés, les cloches, ténor solo très proche d'Alfvén 4, tout cela est délicieux.



Autres nouvelles écoutes : interprétations

Donizetti – L'Elisir d'amore, final du I – Ricciarelli,  Carreras, Nucci, Trimarchi, RAI Chorus and Symphony Turin, Scimone (Philips)
→ Voix un peu lourdes, orchestre très peu spirituel. Mais quand même de grands chanteurs… !

* Donizetti – L'Elisir d'amore, final du I – Gueden, Di Stefano, Capecchi, Corena ; Maggio Musicale,  Molinari-Pradelli (Decca 1955)

** Donizetti – L'Elisir d'amore, final du I – Ruffini, La Scola, Frontali (Naxos 1996)

* Donizetti – L'Elisir d'amore, final du I – Peters, Bergonzi, Guarrera, MET, Schippers (Sony)

Schönberg, Schilkret, Tansman, Milhaud, Castenuovo-Tedesco, Toch, Stravinski Genesis Suite – Los Angeles Janssen SO, Werner Janssen (Warner)
→ A vraiment vieilli comme son. Schwarz tellement plus naturel aussi dans la conduite !

* Beethoven – Sonate pour piano n°4 – Jandó

* Mozart – Sonate 13 K.333 Sib – Jandó (Naxos)
→ Généreux et élancé, mais difficile en venant d'une verison (pourtant moins sophistiquée dans l'interprétation) sur pianoforte.

* Mozart
– Sonate 13 K.333 Sib – Brautigam (BIS)
→ Très bien.
+ Fantaisie en ut mineur

Schubert – Doppelgänger, Erlkönig – Souzay, Jacqueline Robin (1950, réédition Naxos)

** Beethoven, Schubert , Liszt – Ferne Geliebte, Müllerin, Schwanengesang, Liebestraum… (en russe) – Kozlovsky, P. Nikitin (Aquarius)
diverses versions Passacaglia della vita

Beethoven – Symphonie n°5 – ONDIF, Scaglione (NoMadMusic 2018)
→ Assez sec, pas fan.
→  Très sec, ça file droit sans beaucoup d'impact dramatique, et la prise de son siphonne toute la résonance. Ça regarde du côté baroqueux, mais sur instruments modernes, sans beaucoup de couleurs, avec zéro réverbération, le résultat est surtout que ça file droit.
→ C'est très bien, mais pas vraiment marquant vu l'offre discographique.

Corrette : Concerto « Phénix  »
→ versions BNF, Les Voix Humaines, Foulon, + réécoute Turnabout…

** Morales – Requiem –  Musica Ficta; Raúl Mallavibarrena (Cantus)

*** Victoria – Requiem – The Sixteen, Christophers (Coro)

** Victoria – Requiem – Tallis Scholars (Gimell)

* Bruckner – Symphonie n°7 – Radio Bavaroise, Jansons (BR Klassik 2020) 
→ Le détail de chaque phrasé est fascinant, tout est au cordeau, enfle, reflue, vit dans chaque geste. En revanche l'architecture générale manque vraiment de nerf, la nécessité du la grande arche échappe un peu. En particulier dans le mouvement lent assez atone et décoratif, très peu tendu…
+ début Jochum Dresde, Inbal Tokyo Met , Blomstedt Leipzig, Rögner

** Schnittke – Concerto pour piano & cordes  –  Emma Schmidt, Badische Staatskapelle Karlsruhe, Günter Neuhold (Antes)
→ Piano un peu métallique, mais bien découpé. Orchestre aussi peu russe que possible, mais toujours cet élan propre à Neuhold, malgré des cordes pas vraiment voluptueuses !

*** Hérold, Auber – Ouvertures de Zampa et des Diamants de la Couronne – Detroit SO, Paray (Mercury)
→ Deux des toutes plus belles ouvertures du répertoire français, avec une netteté, une alacrité et une prise de son assez démentes !

*** Schmidt – Symphonie n°2  – Wiener Philharmoniker, Leinsdorf
→ Pour un Schmidt viril et rayonnant, non sans délicatesses (ce début tendre !), merveilleuse version.

*** Debussy – Pelléas – Kožená, Gerhaher, Finley, Fink, Selig ; LSO, Rattle (LSO Live)
→ Comme ça file, avec tension et transparence. Irrésistible !  Et quelle distribution idéale… Finley à la fois d'une plénitude vocale immense et d'un finition verbale extraordinaire. Gerhaher très subtil et original, sans un pouce de mièvrerie. Kožená un peu arrondie, mais dans un français toujours parfait.
→ Malgré la prise de son qui rejette l'orchestre un peu loin (et opaque), ce que font le LSO et Rattle est un miracle de transparence, l'impression d'entendre chaque instrument, chaque motif, énormément de textures et de couleurs… Le cinquième acte, diaphane comme du dernier Sibelius, est particulièrement au-dessus de toutes les autres versions… !  (incluant Rattle lui-même avec Berlin dans les années 2000)
→ J'avais adoré la vidéo avec Berlin pour un concert mis en espace par Sellars, quelques semaines avant la session du LSO, mais je crois que dans ce disque tout est encore à un degré de variété et de naturel supérieurs !

*** Haendel – Concerto pour orgue n°13 – Ghielmi, Divina Armonia, Ghielmi (Passacaille 2012)
→ Vie, couleurs, textures, passionnant !
+ Koopman / Amsterdam Baroque : très détaché et orné, jeux de registration ++
+ Tachezi / CMW / Harnoncourt : registration aigrelette  et orch un peu mince qui a un peu vieilli +
+ Ghielmi / Divina Armonia : là, vraiment des couleurs orchestrales, une pensée complète.  +++

** Haendel – Concerto pour orgue Op.7 n°4 – Asperen, Enlightenment, Asperen (Virgin-Erato 2013)
→ Orchestre un peu tradi (avec couleurs qui évoquent périodes plus tardives), mais articulation organistique splendide et registration d'une limpidité merveilleuse.
→ Le plus beau des concertos pour orgue de Haendel, avec l'emprunt à la Tafelmusik de Telemann.

Haendel – Concertos pour orgue Op.4 – Lindley, Northern Sinfonia, Bradley Creswick (Naxos)
→ Totalement lisse et tradi, ça a pas mal vieilli, mais se laisse écouter.




Réécoutes : œuvres

** Kreutzer – La mort d'Abel – Droy, Bou, Pruvot ; Les Agrémens, van Waas (Singulares 2012)
→ bissé

* Ropartz – Requiem – Piquemal
→ Assez déçu à la réécoute. Un peu lisse (harmonies gommées par le chœur amateur ?).

* Vaňhal – Double concerto pour basson – Saraste (BIS)
→ Essentiellement écrits à la tierce (ou alors agilité de l'un sur les tenues de l'autre), pas très virtuosement composé, mais bien fait et agréable.



Réécoutes : versions

** Donizetti – L'Elisir d'amore, final du I, final du II – Cotrubas, Domingo, Wixell, Evans ; Covent Garden, Pritchard (Sony)

*** Bruckner – Symphonie n°6 – Sk Dresden, Jochum (EMI)
→ Le premier mouvement et le mouvement lent figurent parmi les sommets de tout Bruckner, malgré la réputation modeste de cette symphonie.  Immense interprétation, où les cuivres stridents impressionnent et où les cordes douces et homogènes se couvrent de gloire !

*** Bruckner – Symphonie n°5 – Sk Dresden, Jochum (EMI)
→ Pas le plus vif ni le plus précis dans les attaques de pupitres, mais pour ce qui est d'exposer les plans et la logique cinétique des phrasés, on est au sommet !
+ début Herreweghe, Inbal Tokyo Met, Eichhorn

*** Rott  – Symphonie en mi – Radio de Francfort, P. Järvi (RCA)
→ Avec partition pour la première fois. La superposition des deux thèmes du I est vraiment génialissime… et que de traits qui tirent le meilleur de Bruckner et annoncent le meilleur de Mahler !

** Mozart
– La Clemenza di Tito – Rebeka, DiDonato, Villazón ; COE, Nézet-Séguin (DGG 2017)
→ Très vive et belle version.




Projets d'écoutes ou réécoutes pour les semaines à venir

rosaire biber
Opéra Oleg Prostitov "Ermak"
stanford R. Williams
gubaidulina quat 1
foulds
tichtchenko 4,3
schnittke rubackyte
Lokshin - Variations for piano - Maria Grinberg, piano
schoeck piano ritornelle
jacques mercier sony
adamek https://www.youtube.com/watch?v=xOPdjCxHJ8A
requiem verdi, gounod (+ mors et vita)
krug https://www.youtube.com/results?search_query=arnold+krug
lully alarcón
hartmann rickenbacher nimsgern n°2
bax avec pttn, rott avec pttn
Jekabs Jančevskis : Aeternum and other works (Jurģis Cābulis /Riga Cathedral Choir School Mixed Choir)
Jaakko Mäntyjärvi : Choral music (Stephen Layton / Choir of Trinity College Cambridge)
→ boutsko : i]Nuits blanches[/i] ([i]Белые ночи[/i]
lebendig begraben nagy
ina boyle
diamants couronne paul paray
zaderatski : sonates, préludes
→ keuris laudi, michelangelo, antologia…
→ roy harris symph 3, symph 5, ccto violon
→ Alexander KASTALSKY (1856-1926), Requiem for Fallen Brothers (1914-1917)
→ Musgrave Helios, ina boyle
Tournemire : Symphonie Sacrée (van der Ploeg)
→ børresen ccto vln par garaguly
→ weber : mélodies italiennes, lieder
diogenes SQ
CPO
kalliwoda 2, kalliwoda 5 spering
kallstenius 1
kozeluch moisè in egitto
Maconchy, compositrice Symphony for double string orchestra
Lajtha: Symphonie n°1/Pasquet
→ reinecke dornröschen
→ Let There Be Cello
→ Bainton 3, Ruth Gippz 4
→ consortium classicum (moscheles, tribensee)
→ DUSSEK, J.L.: Piano Sonata, Op. 43 / MOSCHELES, I. / CRAMER, J.B. / HUMMEL, J.N. / KALKBRENNER, F.: Variations on Rule Britannia (M. MacDonald)




(Notule réalisée entre deux promenades dans la neige fraîche et beaucoup de meurtres d'Abel.)

jeudi 2 avril 2020

Le défi 2020 des nouveautés – épisode 5


Et voici la cinquième livraison de l'année ! 

Nouveautés écoutées et commentées de ces dernières semaines (mises à jour au fur et à mesure dans ce tableau – il contient même la planification d'écoutes à faire ou refaire, que je vous ai épargnées ici).

Du vert au violet, mes recommandations.

♦ Vert : réussi !
♦ Bleu : jalon considérable.
♦ Violet : écoute capitale.
(Les disques sans indication particulière sont à mon sens de très bons disques. Dans les cas où je ne recommande pas forcément l'écoute, je place le texte en italique.)

Voici :

Suite de la notule.

vendredi 2 août 2019

2019-2020 : opéras à découvrir en France et en Europe


Sans reprendre l'ambitieux parcours (que j'avais cependant beaucoup aimé constituer) autour des opéras rares donnés dans le monde, et présentés un par un (saison 2017-2018), car il y a d'autres séries à achever (une décennie un disque, débuts de symphonie…), voici une petite sélection de titres qui donnent envie de se déplacer.



opéras à l'étranger et en province 2019 2020 illustration
Cliquer sur l'image permet d'ouvrir le tableau.



a) Organisation

Quelques remarques méthodologiques :

♦ Contrairement à la précédente instance, je n'ai pas cherché à donner un panorama de tout ce qui était donné hors de l'ordinaire ; j'ai effectué une sélection personnelle de ce qui me paraissait – à moi – tentant. On y retrouve tout de même l'essentiel des titres rarement donnés, mais je n'y ai pas inclus les titres pour lesquels le voyage me semblait moins justifié : œuvres courtes (je suis fan du Maestro di cappella de Cimarosa, mais 20 minutes de musique…), légères (beaucoup de petits Offenbach), contemporains inconnus de moi, Philip Glass. J'admets que ce soit moins intéressant que le vrai panorama, mais il existe une différence significative en temps : voyez-le comme un recueil de conseils pour aller voir quelque chose, plutôt qu'en tant que document encyclopédique sur l'état de la programmation mondiale.

♦ Il a fallu effectuer un classement : j'ai choisi celui qui fait le plus sens pour moi, par langue puis par ordre chronologique approximatif des compositeurs. En accédant au tableau, vous pourrez effectuer votre propre classement par compositeur, ville, pays… selon vos priorités.

♦ Je tiens à préciser qu'étant issu d'un recensement à but personnel, vous trouverez des incohérences : j'ai relevé des dates à Tel-Aviv et Montevideo alors qu'il ne s'agit supposément que d'Europe, ajouté quelques opéras (Clemenza di Tito, Pikovaya Dama) très régulièrement donnés mais que j'ai envie de revoir cette saison… Je ne les ai pas retirés du relevé, ça n'y retranche rien. Mais je suis conscient de ces distorsions, oui.

♦ À cela s'ajoute que beaucoup de saisons n'ont pas encore paru sur mes radars (notamment aux Pays-Bas, en Europe Centrale…), et que je n'ai évidemment pas pu tout surveiller et relever. Beaucoup de petites pièces (théâtres secondaires moscovites !), notamment pour enfants ou à destination locales, ont ainsi dû, hélas, m'échapper.



b) Quelques immanquables

Dans la vastitude de la proposition, quelques pistes (en gras, en rouge).

Nadia Boulanger, La Ville morte, Göteborg.
Très grande compositrice, éclipsée par le destin tragique de sa petite sœur Lili – et arrêtant la composition à sa mort –, elle a laissé un opéra. Non pas d'après Rodenbach mais d'après D'Annunzio (hé oui), elle achève en réalité l'œuvre de Raoul Pugno (qui nous est resté comme compositeur de plaisantes mélodies). On ne dispose pas d'enregistrement, ce sera une grande découverte.

… j'ai finalement fait le choix d'inclure, pour plus de clarté, de brefs commentaires directement en face des titres. En sélectionnant la case, le texte apparaît dans la barre du haut (et en double-cliquant, il apparaît en entier).

Évidemment, je suis très tenté par les opéras contemporains tchèques, lituaniens, lettons, grecs ou hongrois (toute une série en janvier-février à Budapest !) que je ne connais pas !



c) Tableau

L'original, qui comporte davantage de colonnes (dont les pays et commentaires !), qui peut être importé dans votre propre tableur et sera potentiellement complété, figure ici.

Suite de la notule.

jeudi 1 mars 2018

Émile PALADILHE – L'Amour africain, méta-opéra et parodie de Prix de Rome


(Une notule est en gestation sur le cahier des charges du Prix de Rome, mais j'aurai trop de travail cette fin de semaine pour l'intégrer à celle-ci tout de suite. Voici donc.)

Comme il est d'usage pour les concerts, je lance désormais quelques impressions sur Twitter dans le métro pour économiser du temps pour les plus vastes projets de CSS (prochaine livraison : les opéras rares slaves occidentaux et médionaux donnés cette saison).

Mais pour une rareté de ce calibre, je voudrais en laisser une trace pour le jour où Twitter déposera son bilan.

C'est purement la retranscription des cui-cuis postés sur Twitter (avec quelques améliorations et quelques ajouts), d'où l'aspect fragmenté de la progression… Je le matérialise par les petits carreaux.


Du nouveau

Une nouvelle résurrection d'Émile Paladilhe, immortel auteur des Saintes-Maries et de Patrie!, par la Compagnie de L'Oiseleur, après le rejouissant Passant.
L'histoire d'un vieux compositeur Prix de Rome déprimé, plein d'ensembles !

L'œuvre tient ses promesses de lecture : le très grand art d'un grand raffinement (syncopes, modulations,modes exotiques) qui ne s'entend qu'à peine à l'écoute : aucune ostentation, tout est calibré pour atteindre son but émotionnel sans jamais le souligner (comme chez Dubois !).

émile paladilhe amour africain
Temple du Luxembourg, le 28 février.


Livret

♦ Résumé.
♦♦ Acte I : deux anciens Prix de Rome (peinture et musique) se retrouvent à Nice chez de riches hôtes. Après avoir raconté leurs aventures, ils décident de donner l'opéra inédit du compositeur le soir même dans la villa, chacun tenant un rôle.
♦♦ Acte II : L'opéra. Le pauvre Zeïn a sauvé la vie de Nouman, qui le comble de bienfaits. Il lui offre même une somme colossale pour acheter une esclave dont il est follement épris. Mais il s'avère que ladite esclave, Moïana a été achetée le matin même par Nouman, qui en est aussi amoureux. Moïana s'est vendue de son propre gré pour subvenir aux besoins de son père et de ses sœurs ; elle est séduite par la bonté de Nouman qui lui propose (non pas la liberté, ne poussons pas les arrières-darons dans les plantes urticantes) de laisser sa famille la visiter, et tombe amoureuse. Zeïn arrive, rappelle son serment à Nouman (de lui accorder la première chose qu'il demanderait), exige, puis cède, et finalement défie en combat Nouman. Moïana s'interpose, elle est frappée et… le souper est servi. Chœur de réjouissance stéréotypé des convives, louant la jeunesse et l'amour.

Le livret d'Ernest Legouvé se fonde sur le théâtre de Mérimée mais le fait aussi apparaître en caméo à la fin de l'acte I (façon Catherine de Médicis dans Les Huguenots) !
♦♦ L'acte II est, à la façon d'Ariane à Naxos (ou de Colombe de Damase), la représentation de l'opéra composé par le personnage (Paul Delatour, Prix de Rome), dans une Arabie pittoresque faites de déserts, de serments, d'esclaves vendues par des juifs avides.

♦♦ Et sa fin est abruptement escamotée (là aussi, un procédé cher à Mérimée, par exemple dans La Partie de Tric-Trac), par l'annonce du souper – contrairement à Ariadne, la parenthèse se clôt.

♦♦ (Le début de l'acte I, avec le duo d'époux amphitryons et sa « Comtesse du Pot-au-feu », évoque aussi immanquablement le lever de rideau sur les aubergistes du Pré aux clercs d'Hérold !)


Musique

Dans les deux parties, le sujet (invités impromptus revenus d'Italie dans une villa du Cap-Nègre,puis Arabie de fantaisie) invite à tout le pittoresque possible : musique de procession, sicilienne, modes orientaux… Mais tout cela toujours de façon assez pudique, coloré mais sans ostentation, alla Paladilhe.
On y entend passer aussi beaucoup de choses familières en musique française (les harmonies du tableau de Trinquetaille dans Mireille de Gounod, le galbe des répliques d'Athanaël dans le premier tableau de Thaïs…), mais aussi du Chopin très caractéristique, contre toute attente !


Un exemple : la Complainte du Prix de Rome

Le plus amusant se trouve dans la Complainte du Prix de Rome, où les primés se plaignent d'être (comme Paladilhe, distingué à seize ans !) toujours renvoyés à ce premier succès, sans en avoir nécessairement accompli d'autres.

émile paladilhe amour africain

« Dans ma jeunesse j'ai produit
Un fruit merveilleux, magnifique,
Mais hélas, il eut ce beau fruit
Un grand défaut, il fut unique.

On ne le comparait jamais
Qu'à la pomme des Hespérides !
C'est toujours une pomme, mais…
Vieille pomme pleine de rides !

Quel est ce produit étranger ?
Une banane, une patate ?
Quel est ce produit étranger ?
Le fruit d'un nouvel oranger ?
Hélas non !  C'est… une Cantate !

émile paladilhe amour africain

Ô cantate, je te maudis !
Grâce à toi, parmi les illustres,
Pour un jour je m'épanouis !
Mais grâce à toi, depuis dix lustres
Je vis à l'état de… printemps !
Je promets, je poins… je commence…
Je suis l'aurore et l'espérance
Une aurore de soixante ans !

Hélas ! Oyez les tristes contretemps
Du sexagénaire jeune homme
Toujours à l'état de printemps,
Qu'on appelle le Prix de Rome ! »

émile paladilhe amour africain

(Vous aurez noté la rime hardie « patate / cantate ».)

Musicalement, la complainte regorge aussi de clins d'œil : elle commence par une mélodie diatonique qui évoque immédiatement le plain-chant. (Ces modèles étaient très prisés par le jury, il y avait aussi parmi les éliminatoires un chœur en contrepoint rigoureux.)

émile paladilhe amour africain

Les reprises sont bien sûr ornées, les lignes chargées de mélismes, on y entend les appels dramatiques ménagés dans les petites cantates de l'épreuve finale (tout le questionnement patate / cantate se fait sur ce modèle),

et on retrouve surtout certaines cadences harmoniques un peu figées et « rétro », typique de la « manière juste » qu'on apprend dans les classes d'harmonie (surtout à l'époque où Paladilhe a étudié : on n'apprenait pas vraiment à s'en libérer ensuite).

émile paladilhe amour africain

Contraste très amusant avec les finesses du reste de l'opéra, donc.


Les ensembles

Autre intérêt de cet opéra : une très large part est constituée d'ensembles (dont deux longs quintettes à l'acte I !), qui font avancer l'action (longs solos !), où les lignes sont vraiment individualisées, et dont l'écriture ne se contente pas du schéma harmonique prédéfini.

émile paladilhe amour africain

(Un peu comme celui de Lakmé « Quand une femme est si jolie / Elle a bien tort de se cacher », sans être aussi marquant mélodiquement, et bien sûr sans l'ineffable Mrs Bentson courant les aventures irrégulières mais amusantes.)


L'exécution

♦ Avec Aurélie Ligerot, Chloé Chaume, Sébastien Obrecht, L'Oiseleur des Longchamps, Geoffroy Bertran, un ensemble vocal ad hoc dirigé par Martin Robidoux, et Mary Olivon au piano.

Je voudrais aussi les interprètes pour leur dévouement : un assez long opéra, exigeant pour certains rôles l'Italienne Margarita épouse du compositeur, le ténor-compositeur-riche arabe, le compositeur-baryton-ami jaloux…
(puisque les personnages de l'acte I endossent les rôles de l'acte II, comme dans Colombe de Damase, comme dans Capriccio…)
Que de travail pour un seul concert dans une petite salle (de plus en plus remplie au fil des saisons, j'ai l'impression), sans rémunération…
Il ne chanteront jamais ces rôles dans un grand théâtre bon pour leur carrière (ou qui les paie, tout simplement…), et pourtant certains sont déjà bien lancés comme Aurélie Ligerot (Rozenn à Saint-Étienne dans Le Roi d'Ys, il n'y a pas si longtemps !), Sébastien Obrecht…
Il faut ajouter à cela que Benjamin Mayenobe étant souffrant, L'Oiseleur et Geoffroy Bertran (issu du chœur) ont dû se partager dans la jourée le rôle du Comte ! (Et le caractère impromptu de la chose était inaudible, vraiment.)
Et le cœur se serre d'autant plus en considérant qu'en ces circonstances d'urgence absolue, le second quintette de l'acte I, d'ambition encore plus vaste, a dû être coupé… mais l'autre a été sauvé, ainsi que l'ensemble de la présente résurrection : le plus important.

D'une manière générale, très bien chanté comme toujours. Retrouvé l'excellente soprane Chloé Chaume, belle diction, sûreté dans tous les registres, timbre très agréable,

et découvert en vrai Aurélie Ligerot, qui semblait bien sur bande, mais m'a coupé le souffle ici : superbe médium ambré ET éclat vif de l'aigu, aigus tellement faciles et ronds dans n'importe quelle nuance, trille fabuleux, suraigu surpuissant (et timbré…). Et superbe diction.
Qu'une chanteuse de sa classe, avec une belle carrière ascendante et de tels moyens, consacre de son temps à réhabiliter un répertoire qui ne lui apportera aucune rétribution en finances comme en réputation, voilà qui est beau à voir.

Le chœur, largement constitué d'élèves de Sébastien Obrecht, mettait l'accent sur la beauté de la prosodie (la marque du chef, Martin Robidoux). Luxe, là aussi, de disposer d'un véritable chœur (fût-ce à deux par partie) pour un concert aussi intime.

Enfin Mary Olivon, tellement exacte et et éloquente pour rendre justice, au piano seul, aux alliages et à l'esprit de l'orchestre prévu ; je trouve que son son, en outre, se bonifie de concert en concert (devenu très beau).

Prospective

De Paladilhe, à présent, j'aimerais voir Patrie! sur scène, versant héroïsant du legs, mais je peux toujours courir – il y a quand même la scène de l'assaut d'un clocher, il faudrait vraiment de grands moyens, ou alors carrément mandater un plasticien plus abstrait façon Castellucci.
Il en existe quelques extraits par des chanteurs de l'époque cylindrique (en particulier « Pauvre martyr obscur »), et un duo gravé par Thébault / Pruvot / Talpain dans leur stimulante anthologie du Grand Opéra français.
Pour le reste, il faut faire en attendant avec mes gros doigts et ma petite glotte.

Pour le reste, la Compagnie de L'Oiseleur annonce parmi ses projets des opéras de Boïeldieu, Chaminade, Massé, Varney, Pessard, Polignac, des oratorios de Dubois et Deslandres, et même un Mazeppa de Clémence de Grandval (1892), un Guillaume le Conquérant d'Émile Bernard (1890) et la suite du grand cycle Hahn (après les inédits Prométhée délivré avec L'Oiseleur, Nausicaa avec Viorica Cortez et Guillemette Laurens, qu'ils ont également publié sur YouTube, La Colombe de Bouddha avec Jérôme Varnier ! – tous chroniqués sur CSS, allez voir) avec La Reine de Sheba (1924). Déjà hâte.

Ils font plus de résurrections patrimoniales en un an que Bru Zane, pas forcément moins intéressantes d'ailleurs, et ils ne touchent aucune subvention. Sérieusement ?

dimanche 6 août 2017

[Carnet d'écoutes n°108] – Moitié d'été


Liste (pas du tout exhaustive) d'écoutes, avec de rapides commentaires publiés à l'origine sur Classik ou Twitter (voir par exemple le fil du mois). Pas du tout soigné ni détaillé, mais un bon moyen de donner envie d'écouter des choses dont je n'ai pas forcément le temps de faire état ici.

Une fois que tout le monde aura ces deux lieux dans ses habitudes, je pourrai arrêter les reports ici.

En rouge, je signale les nouveautés discographiques.



putto_mitre_lemoine_vierge.png
Porter la mitre et lorgner sous les jupes.
François LEMOINE, Ricordo de la coupole de la chapelle de la Vierge à Saint-Sulpice (années 1730)
Conservé au presbytère de Saint-Sulpice.
 


Baroque et classique

Peu d'écoutes de ce côté, ce mois-ci.

Ottone de Haendel.
Assez déçu par l'œuvre très peu saillante (en tout cas le premier tiers : je me suis lassé). Par Petrou aussi, étonnamment terne. Et vocalement, très beau mais assez uniforme (Čenčić, Hallenberg, Sabata). Quitte à écouter du seria, il y a de grandes œuvres disponibles chez Haendel, ou des raretés de Hasse ou Porpora autrement avenantes (noms sur demande), voilà.




claude-guy_halle_paul_lystre_petit-page.png
Claude-Guy HALLÉ, Ricordo du tableau Saint Paul à Lystre pour Saint-Germain-des-Prés (1717)
Conservé au Musée Carnavalet
Néanmoins :
Ce n'est pas lui, mais seulement
Le petit page avec la lampe.



Romantisme allemand


¶ Début d'une nouvelle intégrale des Sonates de Beethoven, par mon #chouchou Giovanni Bellucci (ma référence dans Schubert ou Liszt).
    Netteté d'articulation, soin de l'ornementation, science précise du rubato, un beau fondu presque sans pédale, sens du chant… on retrouve tout cela. Peut-être que pour Beethoven, l'enjeu est un peu grand sans pédale, et j'entends quelques apprêts un peu sophistiqués ou une petite froideur / dureté en enfilant les Sonates à la suite. Mais l'une des plus belles propositions pour ces premières sonates !

Beethoven, 6 Quatuors Op.18, Takács SQ.
    Le son est large, certes, mais la précision de trait et la finesse d'esprit sans égales.
    Depuis que j'ai découvert leur opus 76 de Haydn, je ne parviens pas, dans l'immense discographie, à en écouter d'autres sans frustration.

Intégrale Eisenlohr-Naxos des lieder de Schubert, volume 9 (Eiche, Fuhr).
    Beaucoup de belles pièces pas très données. Lorsque je rencontre celles que j'ai jouées et chantées, le texte se déroule immédiatement, et je sens encore les gestes vocaux dans ma bouche, la résistance du piano sous mes doigts.Pax vobiscum, An die Leier, Jägers Liebeslied, et bien sûr Schiffers Scheidelied, un de ceux dont on se demande pourquoi ils ne sont pas des tubes !
    Belle voix de Markus Eiche, mais transposé un peu grave, l'expression est étouffée. Un des rares volumes sans Eisenlohr.

¶ Échanges autour de versions récentes du Winterreise (Padmore-Lewis, Finley-Drake, Bauer-Immerseel,  Bauer-Mauser, Harvey-G.Cooper, Rose-Matthewman…) et des versions pour basse (Holl-Grubert, Moll-Garben, Talvela-Gothóni, Polgár-Schultsz, Bastin-Kneihs, Vogel-Dunckel, Gmyria-Ostrin…).

¶ Et la grosse claque du soir : reconstitution de l'Inachevée de Schubert par Venzago (arrangement et direction).
    Je me suis plongé dans ses notes explicatives : reconstruction narrative fantaisiste, mais sens très fin des nécessités musicales.    
    J'ai déjà publié une notule à ce sujet, l'écart entre le propos et le résultat est fécond.
    Il affiche une tranquille satisfaction quand même étonnante, jugeant son mouvement récrit « le plus exaltant de la symphonie »,
    et affirmant, à propos de son patchwork schubertien, que « Mahler aurait été enchanté » !  #MrGuéridon #BerliozStyle

Schubert – Quatuor n°15 – Kremer, Ma & friends.
Supra-mou, une collection de solistes qui n'ont pas dû beaucoup répéter, alors que l'un et l'autre peuvent être de magnifiques chambristes.

Norbert Burgmüller – Quatuor n°4
Petit bijou tempêtueux du premier romantisme, comme ses symphonies.

Liszt – Orpheus – Phiharmonique de Berlin, Mehta
Version très généreuse et voluptueuse, on perçoit encore mieux le côté piano-orchestré, mais aussi les grandes beautés de la pièce.

Mendelssohn – Symphonie n°3 – Freiburger Barockorchester, Heras-Casado (HM)
Mendelssohn – Symphonie n°4 – Freiburger Barockorchester, Heras-Casado (HM)
Cette version atypique (Mendelssohn par un orchestre en principe spécialiste du cœur du XVIIIe italo-germanique) se réécoute vraiment très bien !  Le choral du début de la 3 est un peu dépareillé, certes, mais sinon, ces couleurs comme ravivées par abrasion, un régal. Il y a peut-être mieux (pour la 4 en particulier, assez vive pour sonner très vive et fine sur instruments modernes – Dohnányi-Cleveland, Ashkenazy-DSOB, Tennstedt-Berlin !), mais ce demeure tout à fait exaltant et revivifiant !

Mendelssohn – 3 Psaumes – Chœur de la Cathédrale d'Oslo, Kvam (Nimbus)
Dans ces pièces en majesté, un certain manque de fermeté ici… d'ordinaire j'apprécie considérablement la grandeur douce de ce chœur, pas du tout opératique (amateurs de haute volée ? spécialistes du chant sacré ?), mais ici, on perd beaucoup en impact dramatique – or, Richte mich Gott… !

¶ Écouté le Parsifal d'Elder avec Hallé, donné aux Proms il y a quelques années, dans la prise de son toujours phénoménale du label de l'orchestre.
    Vision très hédoniste, assez lente, comme contemplant ses propres timbres, qui serait un premier choix, avec une bonne distribution (Dalayman et Cleveman juste après leur faîte), n'était Tomlinson qui ne peu plus lier ses notes, et seulement pousser ses aigus.
    Vu la quantité de texte à dire, malgré un résistance au temps pas si mauvaise, tout de même une réserve sérieuse si on ne collectionne pas les Parsifaux !

Brahms – Sérénade n°1 – Capella Augustina, Spering
Décevant, lecture décente mais assez terne pour une version HIP, et du Spering en particulier. J'en reste donc à Boult-LPO et Chailly-Gewandhaus. Mais il m'en reste encore plein à essayer (le problème est que je réécoute Boult à chaque fois…) : Bertini, McGegan (Philharmonia Baroque !), Jaime Martín avec Gävle, Ticciati-Bamberg, Kertész-LSO (j'ai dû écouter ça il y a très longtemps), Haitink-Concertgebouworkest (idem), Abbado avec les jeunes Mahler, Bongartz avec la Philharmonie dresdoise…



putto_chirurgien_blanchard_sebastien.png
Putto chirurgien, très appliqué.
Jacques BLANCHARD, Saint Sébastien (années 1620-1630).
Musée Bossuet.
 

Romantisme français

¶ Le Freischütz version Berlioz, tellement meilleur que l'original. Quels récitatifs (de la même couleur que les airs), quelle fluidité !

¶ Réécoute de La Reine de Chypre d'Halévy, le V enfile vraiment les tubes (voir explication un peu plus macrostructurelle sur CSS) : « Malgré la foi suprême », « S'arrête la victime », « Guerre à Venise » !.
    Le reste n'est pas vilain non plus ! Je confirme mon impression, de loin le meilleur Halévy (avec les parties de Noé qui ne sont pas de Bizet – non pas que celles de Bizet soient laides, au contraire, mais elles ne sont pas d'Halévy !).

¶ Réécouté Proserpine de Saint-Saëns aussi, débat sur Classik.

Saint-Saëns – La Muse et le Poète
Ressemble assez aux vilaines caricatures qu'on peut lire sur lui dans les Histoires de la Musique. Pas fabuleux : peu de matière musicale (et pas très originale), une dimension concertante un peu didactique (dialogues…), sans vraiment être très évocateur. J'aime passionnément quasiment tout Saint-Saëns, mais la maison ne fait pas de miracles non plus.

¶ Dans l'album romantique-français-tardif-rare de Gens et Niquet, très intéressé par le sens dramatique de Niedermeyer (promis par Bru Zane en intégralité).
    En revanche, les airs isolés (sulpiciens de surcroît), malgré la beauté de la voix, je salue mais n'y reviendrai pas souvent.
    Rares sont les récitals d'opéra auxquels je reviens, les airs étant en général les parties moins intéressantes musicalement, dramatiquement.
    À quand un récital de quintettes, sextuors et finals ?
    (Déjà, de duos, comme Thébault-Pruvot-Talpain, c'est autrement mieux !)
    Parmi les beaux exemples, le récital de Skovhus-Conlon, parcours qui raconte quelque chose.



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Putto-atlante assez herculéen.
Plaque funéraire de Lazzaro Doria (notable gênois), attribué à Giovanni Gagini (1486).



Romantisme italien

Verdi – Nabucco – Mariotti (C Major)
    Avec Theodossiou, Ribeiro, Nucci, Zanellato.
    Remarquable, ébouriffant, très finement dirigé, très bien chanté. Je n'ai pas mieux en magasin.
    Et l'œuvre, quel bijou – l'orchestration n'est pas fabuleuse, mais pour le reste, les concertatos incroyables, la veine mélodique ininterrompue, le drame qui calvalcade !

Verdi – Nabucco – Santi, Paris 1979 (Arthaus)
    La mise en scène est très… tradi (tous les bras en croix face à la scène dans leurs grandes robes satinées de dorures), mais le plateau fait toute l'impression : Bumbry, Cossuta, Raimondi !  J'aime un peu moins Milnes, aux portamenti très appuyés (et qui a moins de graves que son partenaire ténor Cossuta), mais tout ça est remarquable, et bien qu'épais, l'accompagnement vit très bien.
    Je l'avais déjà écouté il y a longtemps (sans le visuel), et c'est ce qui se faisait de mieux avant que n'arrive la nouvelle génération de chefs raffinés dans ce répertoire.

Verdi – Attila – Rinaldi, Christoff
Verdi – Attila – De Biasio, Battistoni
Opéra qui a toujours ses fulgurances (les clefs de fa, passionnantes) et ses longueurs. Pour une fois, déception avec la version parmesane : les voix graves sont vraiment ternes, et ce ne peut pas passer dans un opéra qui repose complètement sur leurs tempéraments !

Verdi – Il Corsaro – Montanaro (C Major)
Un des meilleurs Verdi, pourtant un des moins donnés. Comme Oberto ou Stiffelio, c'est pourtant du premier choix (je trouve ça nettement plus abouti que Macbeth et un peu plus trépidant que Luisa Miller, par exemple). Version exemplaire aussi, avec quatre chanteurs exceptionnels et un chef intéressant.

Verdi – Stiffelio – Qiu, Aronica, Battistoni
Verdi – Stiffelio – Chelsea Opera Group
    Quel opéra ébouriffant ! Et cette fin totalement inattendue… Quel sujet, aussi : l'adultère de la femme d'un pasteur contemporain !
    Battistoni est ma référence habituelle, mais la bande de cette compagnie de Chelsea est épatante. Miricioiu est certes déclinante, mais le ténor Peter Auty est une révélation étourdissante… on se demande pourquoi on embauche les vedettes actuelles quand on a des gens comme lui. Une voix mixte ronde, égale, glorieuse sur toute l'étendue… la diction est un brin enveloppée, sans doute, mais le charisme vocal et la poésie de l'instrument sont incroyables. Comment se fait-il qu'on ne se l'arrache pas, à l'heure où les grandes maisons se contentent en général de ténors vaillants mais aux timbres frustes ou aux aigus blanchis ?

Verdi – Luisa Miller – Martínez, Vargas, Zanetti, Paris 2008
L'œuvre, malgré ses faiblesses (dramatiques en particulier – il ne faut pas avoir honte de se réclamer de Schiller !), ne manque pas de beautés musicales, et Zanetti y est particulièrement passionnant. Netteté, articulations expressives… l'orchestre dit beaucoup ici.



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Au pied d'une statuette ornementale de satyre en laiton doré, trois putti font de la musique sylvestre.
Objet étrange, puisqu'il est associé par l'orfèvre-vedette de l'Empire, Odiot, à une coupe « sein » (à la forme non équivoque), et qu'il récupère les putti de sa base de vases à parfum qu'il avait fournis à l'impératrice Marie-Louise neuf ans plus tôt, en 1810. (Une des spécificités du métier de fondeur est qu'on peut effectivement réutiliser des modèles ou des fragments pour tout type d'objet.)




Décadents germaniques

¶ (Karl) Weigl – Symphonie n°6 – Radio de Berlin-ex-Est, Thomas Sanderling (BIS)
Comme la 5, pas ultime, certes, mais du beau postromantisme bien fait, plutôt sombre mais pas sophistiqué, qu'on aurait du plaisir à entendre en plusieurs versions et au concert.

¶ (Karl) Weigl – Symphonie n°5 « Apocalypse » – Radio de Berlin (ex-Est), Thomas Sanderling (BIS)
    Effectivement, le premier mouvement est difficile à encaisser (ces instruments qui s'accordent platement au début, et ces trombones étiques supposément menaçants, vraiment pas à la hauteur de son ambition). Et les Quatre Cavaliers sont assez déroutants – une large part du mouvement est écrit dans le mode majeur avec une orchestration légère qui fait la part belle aux flûtes…
    En revanche, l'adagio évoquant le Paradis Perdu réussit remarquablement son projet extatique, rien que pour ce quart d'heure il faut écouter la symphonie, autrement un peu frustrante.
    La Sixième est beaucoup plus régulière et convaincante.

¶ (Karl) Weigl – Phantastisches Intermezzo – Thomas Sanderling (BIS)
Ça virevolte comme le Scherzo fantastique de Stravinski, ça mérite l'écoute.

Hausegger – Aufklängen, Dionysische Fantasie – Bamberg, Hermus. Ça vient de sortir chez CPO.
    Il y a aussi Wieland der Schmied (mais lui plusieurs fois gravé), le thème de l'opéra que Wagner n'a pas écrit…
    C'est du du Schmidt en plus plus straussien, plus lumineux, moins ronchon, du superbe romantisme tardif élancé et diapré.

Mahler – Symphonie n°7 – Concertgebouworkest, Chailly (Decca)
Limpide et coloré, bien bâti, j'aime beaucoup cette version. (Sans atteindre mes plus chères, Jansons-Oslo, Stenz-Gürzenich…)

Jan van Gilse – Symphonie n°2 – Symphonique des Pays-Bas (sis à Enschede), Porcelijn (CPO)
Peut-être bien la symphonie que j'aime le plus de tout le XXe siècle.

R. Strauss – Capriccio – Prêtre
    Version avec Della Casa et Vienne, moins intéressante que celle qu'il fit avec Lott (ma référence).
    Un peu figé, voix que je ne trouve pas très typées : Ch. Ludwig, Kmentt, Kerns, Berry… Vienne vraiment sur la réserve aussi, comme souvent.
    Je crois que ça a été publié il y a relativement peu de temps, ça n'existait pas il y a deux ou trois ans dans la discographie.

Diepenbrock – Zum grossen Schweigen – Hagegård, Concertgebouworkest, Chailly
    Belle balade orchestrale (sans valoir ses fresques plus ambitieuses).

¶ Je trisse la Verklärte Nacht d'Oskar Fried. S'il y a bien une œuvre qui ferait un tabac en salle… Bouleversant à chaque fois.
    (Parce que les Vier dramatische Gesänge de Gurlitt, ça vaut bien les Vier letzte Lieder, mais je me doute que peux aller me brosser.)
    On ne l'entend pas très bien sur le disque (l'orchestre est capté un peu en arrière et vaporeux), mais il y a de très belles choses en matière d'orchestration, des échos entre les différentes parties, des contrechants de cor magnifiques, des moments où les vents sont seuls pendant l'exultation finale. Encore plus impressionnant que l'impression globale, en y regardant de plus près. J'ai prévu d'enrichir la notule en conséquence, ou d'en faire une autre. Dans quelque temps.
    J'ai découvert qu'une intégrale des lieder de Fried existait (par les mêmes chanteurs, Landshammer et Rügamer), et qu'une énorme cantate devrait bientôt paraître, mais je ne trouve pas trace de ces disques.

Ben-Haim – Quatuor n°1 – Carmel SQ (Toccata)
Ben-Haim – Quintette à deux altos – Carmel SQ (Toccata)
Très bien. Pas aussi saillant que ses meilleures œuvres symphoniques, mais j'y reviendrai pour approfondir.

Ben-Haim – Symphonie n°2 – Philharmonique de la Radio de Hanovre, Yinon (CPO)
    Beaucoup plus lumineuse que la Première, proche de la 2 de van Gilse, des 2 et 4 de Nielsen.
    Dans les deux cas, les mouvements lents sont extraordinairement prégnants.
    Et le concerto grosso est encore meilleur, pas du tout archaïsant d'ailleurs.

Paul Ben-Haim – Symphonie n°1 – Philharmonique de la NDR, Yinon (CPO)
Paul Ben-Haim – Fanfare pour Israël – Philharmonique de la NDR, Yinon (CPO)
Paul Ben-Haim – Métamorphoses symphoniques sur un choral de Bach – Philharmonique de la NDR, Yinon (CPO)
    Rien à voir ici, les trois œuvres sont très sombres, beaucoup plus « modernes » que la Deuxième Symphonie. Le mouvement lent de Première Symphonie est, comme pour la Deuxième, particulièrement prégnant. Les Variations sont vraiment très diverses, quoique toujours tourmentées (pas tant musicalement qu'expressivement) et la Fanfare pour Israël résonne plutôt comme une marche funèbre – assez peu éclatante, même dans la douleur.



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Dans les tableaux mariaux de Largillière (les deux vers 1730) tout le monde, même les putti, a les mêmes traits : ceux d'Anita Cerquetti.



XXe français

¶ Confidence : le disque de mélodies que j'ai, de loin, le plus écouté. (Gabriel Dupont par Peintre & Girod, chez  Timpani.) tartelettetartelettetartelettetartelettetartelette

Mélodies de Fauré par Lenaert et (Ph.) Riga. tartelettetartelettetartelettetartelette
    Du Fauré aux [r] très roulés, avec piano d'époque, très belle diction posée sur le timbre franc de Lenaert. Je n'avais jamais remarqué le côté très aulnisant de Fleur jetée !
    Attention, le timbre (que j'aime) n'est pas voluptueux, c'est plutôt de la taille/ténor baroque, il faut écouter pour l'équilibre général !

¶ Très belle réussite du disque Schindler-Debussy avec l'Orchestre de Franche-Comté : la « Symphonie Pelléas » de Constant, dont on n'a que deux exemples au disque (Märkl éloquent et élancé, Baudo plus sucré et fondu), sonne très bien ! 
    Seul détail qui donne l'avantage à Märkl et le National de Lyon : le final du IV n'est pas aussi ardent. Grandes lectures orchestrales de Pelléas dans les deux cas !
    (Contrairement à l'infâme collage Leinsdorf d'interludes, souvent joué, le montage Constant inclut d'autres moments importants et cohérents, pas seulement les interludes – dont une large partie du final du IV, donc. Par-dessus le marché, les ponts sont beaucoup plus adroits et ne semblent pas des tunnelets flottant sur une mer de Debussy.)
    Le reste est moins intéressant : les Maeterlinck ne sont pas le meilleur de Zemlinsky, la voix de Druet n'est guère séduisante, et Le Bozec est pour la première fois de sa vie en petite forme. Pour les quelques Alma Schindler, on dispose d'aussi bons disques, et procurant l'intégralité des lieder.

Mariotte – Impressions urbaines tartelettetartelettetartelettetartelettetartelette
    Un chef-d'œuvre du figuralisme mécaniste, du niveau de Meisel… mais au piano !
    Contrairement aux autres œuvres de cette veine, d'ailleurs, c'est la poésie qui prévaut ! 
    (existe par Blumenthal chez Timpani)
    Là aussi, le disque de piano que j'ai, d'assez loin, le plus écouté depuis sa parutition

Honegger – Concerto pour violoncelle – Johannes Moser, Radio de Saarbrücken, Poppen
Très beau celui-là aussi, j'y reviens souvent.

¶ Pour le reste, quelques opéras fétiches (L'Étranger de d'Indy, Monna Vanna de Février, L'Aiglon d'Ibert-Honegger dans la reprise de Marseille avec d'Oustrac). Et puis Lazzari, même si ce n'est pas La Lépreuse : La Tour de feu, prise assez inaudible (que ce soit chez Cantus Classics ou Malibran), impossible de percevoir ce que fait l'orchestre.

d'Indy – L'Étranger – Foster
Ce mélange de motifs et harmonie wagnériens et de chants populaires français, qu'est-ce que c'est fabuleux !

Février – Monna Vanna – Rennes 1958
(Quel dommage qu'il manque les dernières répliques sur la bande Malibran !)

Ibert-Honegger – L'Aiglon – Dervaux
Un des opéras que j'ai le plus écoutés, je crois, mais je n'avais pas encore exploré cette version historique (Boué, Despraz, Bourdin). Je croyais pourtant avoir entendu de grandes versions orchestrales avec Lacombe, Nagano et Ossonce, mais je suis frappé par la précision des climats campés par Dervaux, que je tenais plutôt pour solide qu'inspiré. Vraiment épatant, il n'y a que Boué, un peu aigrelette, qui soit en dessous des autres versions (il faut dire que face à Cousin, Gillet et d'Oustrac, qui pourrait en mener large !).

Lazzari – La Tour de feu – Ruhlmann 1944
Le son est vraiment trop défavorable (voix très en avant, orchestre fort mais parcellaire) et le français trop mauvais (génération où la diction était lâche, façon Lubin) pour pouvoir en tirer quelque chose. Mais comme j'aime énormément La Lépreuse, je réessaie périodiquement.


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Putto très grognon.
Clément BELLE, La découverte de la profanation des saintes hosties à Saint-Merri (1759)
Commémoration très expressive de cet événement survenu en 1722.
Peint et conservé à l'église Saint-Merri de Paris.



Fleurs scandinaves

Horneman – Quatuors 1 & 2 
    Du romantisme simple et lumineux, mais pas fade comme du Gade (ou même les quatuors de Langgaard). Pas grand comme Larsson plus tard, qui est beaucoup plus personnel, mais très beau de tout de même.
    Christian Horneman était un contempteur de Niels Gade, qu'il jugeait trop germanisant – de fait, Gade composait souvent en allemand (des lieder, ou bien grande cantate Comala), et pas nécessairement sur des sujets danois. Tandis que Horneman a écrit une Ouverture de concert pour l'Aladdin d'Oehlenschläger, la grande figure qui importe le romantisme de Schiller, de Goethe et des Schlegel dans la langue danoise (c'est l'œuvre pour laquelle Nielsen a écrit sa musique de scène).

Horneman – Suite de Gurre – National du Danemark, Johannes Gustavsson (Da Capo)
    Toujours dans cette veine, qui refuse tout à fait les expressions tourmentées. Mais pas sans expression, loin de là ! – je trouve ça plutôt mieux que les suites de Peer Gynt de Grieg…
    Sur le même disque, on trouve Le Combat des Muses, avec parties vocales, tout aussi réussi, et Kalanus. Il existe un autre disque qui reprend partiellement le même programme, par Schønwandt et la Radio Danoise. Je crois qu'avec le disque de quatuors, ce sont les trois seules monographies discographiques disponibles pour Horneman.

Hamerik, Symphonie n°2. tartelettetartelettetartelettetartelettetartelette
    Hamerik fait du Mendelssohn dans les années 1880, mais les deux premières ne manquent certes pas de personnalité !
    Probablement les deux symphonies auxquelles le mot « poétique » s'appliquent le mieux, et tout en simplicité.
    La façon dont le calme thème B du I de la 2 devient une marche altière, c'est rien, mais c'est beau. Ou le bucolisme de la 1, partout.

Hamerik, Symphonie n°7. tartelettetartelette
    Qu'est-ce que le niveau baisse…J'adore pourtant les deux premières, bien les 3-4-5, mais la fadeur de la dernière !  Je n'ai pas réécouté le Requiem en couplage, mais il est de la même farine.

Hamerik – Quartetto
    On dirait que Hamerik a cru que le suffixe en « -etto » avait ici un sens diminutif ! Minuscule pièce d'une dizaine de minutes, très jolie, mais beaucoup moins marquante, dans le genre paisible-souriant, que les Horneman (son aîné de trois ans seulement).

Stenhammar, Symphonies. Assez ternes sur tous les aspects, même si le final de la 2 (un peu) plus folklorisant est sympa.
    Tellement loin du charme naïf de la sérénade simili-mozartienne ou de la densité d'écriture des quatuors (fabuleux) !
    À tout prendre, ses concertos pour piano font de bien meilleures symphonies !
    (même les zébrures sibéliennes de la 2 ne sonnent pas très hardies ; certes Neeme Järvi ne semble pas dans un jour de grande nervosité)
    … Bien, en réécoutant les concerts, le Deuxième Concerto est quand même bien fade… et la Deuxième Symphonie par Westerberg, ça change tout, superbe !

Stenhammar – Sérénade – Chambre d'Uppsala, Mägi
Jouée avec cette verdeur, ça devient passionnant.

Et un véritable cycle Hagegård (qui a occasionné une récente notule).

Grieg – 4 Psaumes – Hagegård Chœur de la Cathédrale d'Oslo, Kvam (Nimbus)

Rangström – 5 Poèmes de Bergman, La Fleur sombre et autres cycles. Svendén, Hagegård, Schuback (chez Musica Sveciæ).  De très belles atmosphères traitées dans la langue locale, ce qui n'est finalement pas si évident chez les compositeurs nordiques. tartelettetartelettetartelette

¶ Hagegård, tubes d'opéra (Pagliacci, Faust, Rigoletto, Così, Tannhäuser, Don Carlo) et airs suédois. Une belle grâce là où on ne l'attend pas, et touours ce vibratello charmant.
La Romance à l'Étoile est l'une des plus belles que j'aie entendues, dans un secteur pourtant fort chargé (DFD, Blanc, Mattei, Gerhaher…). On sent la parenté d'école avec Mattei d'ailleurs, l'aisance du mixage et des nuances en sus…

¶ (August) Söderman – Tannhäuser – Hagegård, Radio Suédoise, Kjell Ingebretsen (Caprice)
Une vaste ballade dont les divers climats sont assez réussis. Elle commence par des appels qui font écho aux trompes vascellaires de la fin de Tristan.

¶ (August) Söderman – Kung Heimer och Aslog – Hagegård, Radio Suédoise, Kjell Ingebretsen (Caprice)

Aulin – Poèmes de Tor Hedberg – Hagegård, Radio Suédoise, Kjell Ingebretsen (Caprice)
Comme toujours dans les mélodies d'Aulin, délicatement coloré.

¶ (Ragnar) Althen – Land du välsignade – Hagegård, Radio Suédoise, Kjell Ingebretsen (Caprice)
Très beau chant patriotique, simple et élancé.

¶ (Andreas) Hallén –  Junker Nils Sjunger till Lutan (av Gustaf Wasas saga) – Hagegård, Radio Suédoise, Kjell Ingebretsen (Caprice)
Autrement dit : l'aristocrate Nils joue du luthn extrait de saga.

Alfvén – Skogen sover (La forêt repose) – Hagegård, Radio Suédoise, Kjell Ingebretsen (Caprice)

Stenhammar – Suède – Hagegård, Radio Suédoise, Kjell Ingebretsen (Caprice)
Ce sont là les couleurs délicates du Stenhammar de la Sérénade.




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Putti qui attirent l'attention du photographe tandis que Jésus, au-dessus, est un peu déchiré.
Noël COYPEL, une Crucifixion étrangement intitulée Le Christ pleuré par les anges.
(ce qui paraît tout sauf évident, garnements)
Musée Bossuet.



Britanniqueries

Stanford – Stabat Mater tartelettetartelettetartelettetartelette
    (conseil de Gilles Lesur)
    Très inhabituel, une vision très dramatique et extravertie de ce texte. J'aime beaucoup.

Elgar– Quatuor – Villiers SQ tartelettetartelette
    Bien joué comme cela !  Son calme un peu étale fonctionne très bien ainsi, beaucoup mieux qu'à l'ordinaire.

Delius – Quatuor – Villiers SQ tartelettetartelettetartelettetartelette
    Très ravélien en réalité, mais un Ravel pas du tout frénétique comme celui du quatuor. Très, très beau.

York Bowen, Symphonies n°1 & 2 (BBCPO, Andrew Davis). De très beaux morceaux de postromantisme généreux !  tartelettetartelettetartelettetartelette

Robert Still – Quatuor n°1 – Villiers SQ (Naxos)
Robert Still – Quatuor n°2 – Villiers SQ (Naxos)
Robert Still – Quatuor n°3 – Villiers SQ (Naxos)
Robert Still – Quatuor n°4 – Villiers SQ (Naxos)
    Du jeune Schönberg au vieux Chosta, un corpus très réussi dans un style évolutif mais homogène.
    Du premier, complètement tonal même si « avancé », on parcourt toute une évolution stylistique : le 2 évoque plutôt le jeune Schönberg ou les quatuors de Korngold, le 3 plutôt le jeune Chostakovitch, le 4 plutôt le dernier Chostakovitch, tout cela en restant dans une couleur qui lui est propre. Par goût, j'apprécie particulièrement le deux premiers, mais les quatres sont remarquables. (Et le Quatuor Villiers est, ici, encore, absolument parfait.)



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Jean-Baptiste PIERRE, Renaud dans les jardins d'Armide.
Musée municipal de Meaux.
Dans cette version, on ne voit pas le bouclier aux mains d'Ubalde. Est-ce ce que tient le putto dissimulé ? 
Ou bien un tambour de basque ?  Un miroir ?



Slaves

¶ Présentement, les deux petits accordéons de la Deuxième Suite de Tchaïkovski ! tartelettetartelettetartelettetartelette
    On joue très peu ses Suites, qui valent pourtant les symphonies !
    Beaucoup plus de mouvements fugués, de couleurs, de danse surtout. Ça se vaut, vraiment !

Tchaïkovski – Symphonie n°1 – St. Luke's, Heras-Casado (HM)
Tchaïkovski – The Tempest – St. Luke's, Heras-Casado (HM)
Vision allégée et sobre, comme on pouvait s'y attendre, sans être fondamentalement différente en conception de la tradition.

Taneïev – Quintette à deux altos – Taneyev SQ (Northern Flowers)
    L'une des meilleures œuvres de chambre de Taneïev (le sommet restant plutôt le Quatuor avec piano, à mon sens), beaucoup plus intéressante que les quatuors un peu académiques.

Martinů – Concerto pour violoncelle n°1 – Johannes Moser, Radio de Saarbrücken, Poppen tartelettetartelettetartelettetartelette
    Splendide concerto (j'ai ai parlé plusieurs fois ici même, sur CSS) – l'orchestre y dit beaucoup.
    Et Moser est, à mon sens, le meilleur violoncelliste soliste actuel, d'assez  loin… aussi bien maîtrise que son ou expression, ébouriffant.

Pawel Łukaszewski, chœurs sacrés. Très tradi, mais les chuintantes des Chants Funéraires Kurpiens (en polonais ou dialecte afférent), les quintes dures, les petits agrégats suspendus à la mode traditionnelle sont réellement délicieux. Le legs latin est plus insignifiant. Et ne me dites pas que c'est introuvable, ça vient d'être édité (ou réédité) chez Warner. Si vous aimez Tormis, même veine.

Avet Terterian – Symphonie n°3 (chez ASV).
    L'usage des percussions seules et des effets de cordes (glissando) est assez ludique, et ce devrait bien fonctionner en salle avec un public néophyte; en revanche, côté matière musicale, c'est comme chez Say, il faut chercher.
    Mais j'ai peut-être manqué des choses au delà du premier mouvement : j'ai dû m'interrompre, et j'avoue humablement ne pas avoir (étrangement) trouvé de temps pour m'y remettre.



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Nous sommes peut-être aux Invalides, mais les putti sont bien portants.
(Vous noterez le front napoléonien du second.)



Et aussi

¶ Propositions d'enregistrements du Sacre du Printemps.

¶ Moisson du jour un peu moins exigeante.
    Mendelssohn baroqueux, Verdi fin, Tchaïkovski allégé, postromantisme carinthien, pop coréenne 2000's
    Dont :
    ¶¶ Davichi – Hot Stuff
    ¶¶ Narsha (avec Miryo) – 나 언제나 그대곁에 있어요

¶ Je découvre avec un disque Bernstein par Minnesota-Oue (pas Berlin-Abbado quand même !) l'existence de ce modeste label. |:-o
Reference Recordings

Diodet-Lamareille, Ce que c'est qu'un drapeau.
    Qu'est-ce que ça fonctionne bien !
    Versions Thill, Dona, Patard et puis Mestral, Noté…
    Plutôt que Thill que tout le monde connaît, Dona
    (Patard est seul à faire le couplet central et ne fait que celui-là, étrangement – le moins intéressant, dans un ton un peu négatif pas très congruent avec le principe de la chanson patriotique.)

Luis FonsiDespacito
Faut bien se cultiver.


¶ J'ai aussi écouté, un peu incrédule, les chansons racistes de l'Expo coloniale de 1931.
    Nénufar est particulièrement frappant (la reprise en chorus « Nénufar — Nénufar ! — T'as du r'tard — T'as du r'tard ! — Mais t'es un p'tit rigolard »…).
    [texte complet]
    Oui, quand même.
    (On notera avec intérêt la fortune pré-1990 de l'orthographe « nénufar ».)
    (Possiblement un autre sous-entendu raciste, d'ailleurs.)



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Jean-Baptiste PIERRE, Renaud dans les jardins d'Armide.
Musée municipal de Meaux.
Quelle est la femme ?



Concerts

♫ J'avais déjà mentionné quelques mots sur Le Timbre d'argent de Saint-Saëns. En voici une autre version, un peu plus lisible. La bande est disponible sur France Musique. L'Opéra-Comique en publiera une version vidéo, je crois (ou était-ce Alcione ?), et Bru Zane devrait le publier en CD.

Lamento della Pazza de Giramo et canzoni de Kapsberger et Strozzi par les Kapsber'girls, un programme un peu plus vert que le précédent (et à mon avis des œuvres moins intéressantes), mais qui promet beaucoup lorsqu'il sera rodé !

♫ Encore une fois le Trio Zadig, cette fois dans Ravel et Schubert (et aussi conversation sur Classik).

Quintettes à vent de Barber, Ligeti, Arnold, et (arrangé de) Debussy.

♫ Déjà mentionné le mois dernier, mais c'était un concert de juillet, et il mérite bien une seconde mention : Chœurs de Saint-Saëns, d'Indy, Schmitt, Poulenc –  Chœur Calligrammes, Estelle Béréau (Notre-Dame-du-Liban). Quand des post-wagnériens comme d'Indy et Schmitt se passionnent simultanément pour le folklore français… jubilatoire et très riche à la fois, un répertoire qui n'est pas du tout documenté par le disque. Témoignage très précieux, et dans le top 10 des concerts de la saison…

… et j'ai encore pour la troisième fois manqué le Trio Sōra (Tchaïkovski et Chosta 2, j'avais ma place d'ailleurs…), que je languis de réentendre !


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Putto courant sans pieds ailés.
Daniel SARRABAT, L'Enlèvement d'Europe (comme vous pouvez le deviner à senestre).
Musée Bossuet.



Quelques balades illustrées

► Voyage à Enfer.
Méry-sur-Oise, exploration nocturne conceptuelle.

►Atmosphères prégnantes de Saint-Laurent à Beaumont-sur-Oise.
► Visite de la cathédrale de Meaux. Espace extraordinaire. [récit en cours]
► Visite de Dourdan. [récit partiel, je vois que je n'ai pas mentionné l'église en particulier, ni l'histoire du restaurateur viollet-le-ducal…]

► Exposition 1870 aux Invalides, plus didactique qu'artistique, mais avec un superbe Doré en cadeau.
Détails de l'exposition Baroque des Lumières (tableaux d'églises françaises aux XVIIe et XVIIIe siècles) au Petit-Palais.
► Le musée Bossuet dans l'ancien palais épiscopal de Meaux. Superbe fonds de peintures françaises XVIIe-XVIIIe. [récit en cours]


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L'Amour sans bandeau ne fera pas grâce à la nymphe qui s'enfuit.
Une autre vision, beaucoup plus déterministe.
(Cratère d'ornement à l'extérieur de l'hôtel de ville de Meaux; seconde moitié du XIXe.
)



Quelques lectures citées

Fil Byron : relecture du Corsair, citations d'extraits. En cours.

→ Extraits et citations tirés de la seule biographie d'Eugène Scribe – par Jean-Claude Yon, historien. Où je n'ai pas trouvé les réponses à mes questions sur l'absence de scandale de Robert le diable ; comme souvent dans ce type de biographie, Yon cherche surtout à réhabiliter le sérieux, l'humanité, la paternité des œuvres de son chouchou, plutôt qu'à expliquer les raisons littéraires de sa place, et y parle assez peu des contenus des œuvres, très peu d'opéra. Le contexte de sa production, ses rapports avec les autres écrivains ou les directeurs de théâtre sont très précisément documentés, mais ne laisse pas de place pour répondre à ce qui m'intéressant – d'autres monographies seraient à écrire. Ici aussi, exploration en cours.



putti_clef_coeur_lemoine_vierge.png   
Les Clefs du cœur.
François LEMOINE, Ricordo de la coupole de la chapelle de la Vierge à Saint-Sulpice (années 1730)
Conservé au presbytère de Saint-Sulpice.



Annexe : Les tartelettes ?

Les tartelettes sont une cotation purement personnelle que je n'ai pas retirée lorsqu'elle figurait déjà. Elles n'ont aucun lien avec la qualité objective ou l'audace des œuvres, elles témoignent uniquement de mon intérêt subjectif à les écouter.

Elles ne tiennent pas compte des interprétations (sinon ce devient trop complexe, aussi bien pour moi que pour celui qui veut écouter l'œuvre et n'a pas forcément le même disque).

Il ne faut donc pas les lire comme les étoiles « objectives » des magazines (ou des webzines qui se prennent au sérieux) qui servent à donner ou pas la moyenne aux enregistrements. Pas mon univers.



Pas déplaisant, mais pas nécessaire à réécouter.
Exemples : Certaines symphonies mineures de l'ère classique. (Plutôt Stamitz que Vaňhal ou Cannabich, mais ce dépend vraiment des opus.) Les lieder de Brahms. Messagesquisse de Boulez.


Agréable, à  réécouter de temps à autre.
Exemples : Les lieder strophiques de jeunesse de Schubert. Tannhäuser de Wagner. Domaines de Boulez.


Très belle œuvre, à réécouter souvent. [Concerne donc une très large part du répertoire.]
Exemples : Die Dichterliebe de Schumann, Lohengrin de Wagner.


Un œuvre particulièrement enthousiasmante, à réécouter le plus souvent possible.
Exemples : Parsifal de Wagner. Il Trovatore de Verdi. Les lieder d'Alma Schindler-Mahler. Dialogue de l'ombre double de Boulez.


La poignée des œuvres de chevet, celles qui parlent le plus immédiatement et le plus intimement.
Exemples : la Première Symphonie de Czerny, le Via Crucis de Liszt, le dernier tableau de Das Rheingold de Wagner, Arabella de R. Strauss, les lieder en duo Op.14 de Reger, Die verklärte Nacht de Fried…

Ainsi, à part la tartelette seule qui est un peu mitigée (agréable mais oubliable, proche de l'indifférence), la seule présence de tartelettes indique que j'ai aimé. Un Tx3 n'est donc pas une note « moyenne », mais au contraire déjà la marque des grandes œuvres – la différence avec les deux degrés supérieurs relevant de ma plus arbitraire inclination.

Exceptionnellement, dans les cas graves, il arrive que je distribue des tartelettes au citron meringué, qui sont à la vraie tarte au citron ce qu'est Bachar el-Assad à Gandhi.


Je n'ai pas aimé du tout, du tout. Ça ne me parle pas / c'est moche.
Exemple : L'œuvre orchestrale d'Olga Neuwirth.


C'est insupportable, grotesque, scandaleux. Et surtout ça fait mal.
Exemple : L'œuvre pour orgue de Philip Glass.


Je suis mort.

Je mets ces diverses tartelettes quand je suis sur Classik parce que ça m'amuse, que ça fait un repère visuel, que ça permet de provoquer gentiment, mais ça n'a pas grande utilité : ce ne témoigne que des déviances de mes goûts, et ne garantit rien sur vos propres dilections. D'où l'intérêt des mots, qui permettent de caractériser plutôt que de noter…

mercredi 18 janvier 2017

L'imposture Gluck : intrigues et mutations de la tragédie lyrique dans le style classique


► Comprend une intégrale discographique de la tragédie en musique de 1773 à 1802.

    Là où, il y a dix ans, on ne disposait au disque et sur les scènes que des opéras français de Gluck (plus des versions assez épaisses de Roland et Didon de Piccinni, des Danaïdes de Salieri et d'Œdipe à Colone de Sacchini), la recherche musicologique et l'édition phonographique offrent désormais un beau panorama, de plus en plus complet.

    Je voulais parler de la dernière exhumation en date, Chimène ou le Cid de Sacchini, vu vendredi soir en salle… mais les prolégomènes sur les intrigues qui conduisent à la commande et à l'élaboration de l'œuvre ont pris tant de place qu'ils feront à eux seuls une notule rigolote.


1. Les bluettes pleurnichardes des Lumières

    Certes, la musique est l'art qui souffre de plus d'inertie dans l'évolution de son langage – pour des raisons structurelles, car il s'agit d'un système plus formel, fondé sur la transmission instinctive de codes chez les auditeurs (il n'y a pas de « sens » qu'on puisse changer comme avec les mots ou la vue). Il faut bien être conscient que Les souffrances du jeune Werther de Goethe est publié en 1774, l'année où Gluck, futur maître de la musique classique, arrive à Paris – c'est-à-dire que lorsque Werther paraît, on joue en France exclusivement de la musique baroque ! (Et cela se voit particulièrement dans sa première adaptation musicale, dans un langage très classique qui nous paraît à coup sûr éloigné de la fièvre et de la confusion du roman.)

    Pourtant, je trouve réellement frappant d'entendre la musique des Lumières… elle nous recentre concrètement ce qu'était la sensibilité véritable des artistes des penseurs du temps. Car on observe une forme de simplicité, de naturel dans cette nouvelle école gluckiste, moins formelle, moins courtisane, misant davantage sur les affects et les sens : au lieu de danses de cour et de déclamation sophistiquées, on déploie au contraire une pulsation très régulière (quasiment 100% des pièces sont soutenues par un martèlement de la basse sur chaque temps !) et une écriture de récitatifs ample mais très nue. Dans le même temps, le goût de la décoration n'a pas cessé, et les vocalisations virtuoses (là encore, plus accessibles, plutôt sous forme de gammes écrites que de diminutions / variations) font toujours fureur. La musique littéraire, la musique du bon goût a cédé la place à une forme d'ivresse simple de la puissance de l'harmonie et des rythmes simples sur le cerveau humain – car on serait bien en peine de trouver une réelle ambition littéraire à ces nouveaux objets, où le spectateur se laisse plutôt griser par l'émotion qui le submerge. (Même si cela nous paraît exotique en écoutant la musique simplette de Gluck, on le mesure mieux en contemplant la formalité de LULLY et les fanfreluches de Rameau.)

    Cette expérience souligne assez bien les paradoxes de la pensée du temps – ou, du moins, ce qui nous apparaît comme tel avec la distance –, où ces théoriciens épris de rationnalité sont aussi ceux qui exaltent la sensibilité individuelle. Ce monde où Voltaire présente des tragédies officielles, où Rousseau écrit des romans sentimentaux. Les deux s'entrelacent, et cette musique post-gluckiste qui paraît tellement superficielle et fade à nos oreilles qui se sont familiarisées au Sacre du Printemps ou au minimum à l'expression des tourments des opéras du XIXe siècle (et là encore, un certain nombre de spectateurs trouve que Verdi n'y est absolument pas crédible)… dévoile avec plus d'exactitude que n'importe quelle explication circonstanciée la psychologie dans laquelle s'inscrit l'esprit des Lumières – ou, à tout le moins, le colore de façon un peu plus paradoxale et subtile que ne le font notre intuition et l'historiographie grand public.


2. L'apparition brutale du style nouveau

    Gluck écrivait à l'origine, comme ses camarades, dans un style d'opera seria tardif : instrumentation enrichie, mais sensiblement les mêmes codes que chez Haendel et Vivaldi, l'allongement de la durée des airs et le lissage standardisé des couleurs en sus. [Cette période est très bien documentée dans la monographie Bartoli-Forck qui y est consacrée – ce ressemble essentiellement à du mauvais Jommelli, donc.]
    À partir des années 1760, il expérimente en italien – toujours pour Vienne, où il créait tout aussi bien des opéras comiques en français… – dans un style parfaitement à rebours du goût virtuose et décoratif du seria, en particulier avec Orfeo ed Euridice (1762) et Alceste (1767), où l'épure est totale et la déclamation première. Rupture spectaculaire dans ce répertoire, où l'on n'avait plus rien déclamé depuis la fin du XVIIe siècle (avec Falvetti ou Legrenzi) ; Gluck abandonne le récitatif sec (avec basse continue seule) et occasionnellement accompagné par l'orchestre (mais très ascétique) pour une forme de déclamation continue où l'orchestre joue un réel rôle entre les airs. Plus encore, il bannit la virtuosité vocale, l'essence même du répertoire vocal italien du XVIIIe siècle, au profit d'une déclamation très dépouillée.

gluck piccinni dernoiresterres extrait
Extrait de Gluck et Piccinni de Gustave Desnoiresterres (1871).


    Il arrive à Paris après avoir postulé auprès de l'Académie Royale de Musique alors dirigée par Antoine Dauvergne ; elle semble indécise, demande des garanties. Il sollicite alors la Dauphine Marie-Antoinette, son ancienne élève à Vienne, qui intercède volontiers et efficacement. En 1774, on joue donc Iphigénie en Aulide, la salle est bouleversée, on verse des torrents de larmes qu'on se figure mal (avec cette musique sommaire, pour ne pas dire gentillette…), et la face du monde en est changée.
    Contrairement à ce qu'on peut se figurer (et quelquefois raconter), la réticence première de l'Académie n'était pas tant due à la détestation d'un parti de l'étranger (de l'étrangère, pour les plus berniens d'entre nous) qu'à un vertige devant le gouffre qui s'ouvrait. Gustave Desnoiresterres cite ainsi (en 1871) un propos de Dauvergne rapporté par Anton Schmid dans sa biographie de Gluck (de 1854) : « Si le chevalier Gluck veut s'engager à livrer six partitions de ce genre à l'Académie de musique, rien de mieux ; autrement, on ne la jouera point : un tel ouvrage est fait pour tuer tous les anciens opéras français. » [Je n'ai donc pas de preuve que ce ne soit pas légendaire, mais Benoît Dratwicki la cite aussi dans un papier, dans une autre traduction, c'est son crédit qui est en jeu plus que le mien, nananère, tarare.]
   
    En effet, en 1774, le répertoire de l'Académie Royale de Musique était en transition : malgré les remises au goût du jour des tragédies ayant eu du succès, beaucoup d'échecs, un peu à la manière de la longue période de bouderie du public qui suivit la mort de LULLY (alors que Desmarest, Campra et Destouches produisaient pourtant ce qui semble rétrospectivement les plus remarquables exemples de tragédie en musique – mais dans les années 1660-70, le creux qualitatif paraît plus mesurable). En 1773, Callirhoé de Destouches (1712 ! – même s'il y eut de nombreuses reprises et refontes) est remontée par Dauvergne ; comme pour le Persée de 1770, il réorchestre la partition en ajoutant des vents ; en revanche, il semble qu'il se soit contenté de récrire l'Ouverture et d'ajouter des ritournelles avant les récitatifs. L'œuvre, qui avait remporté tant de succès, est alors copieusement sifflée ; Le Mercure de France l'expliquait ainsi rétrospectivement : « il avait fallu retirer l’oeuvre sur-le-champ en 1773, la musique n’en étant plus supportable. »

    Ce n'est donc pas sans intérêt que les directeurs de l'Académie considéraient la possibilité de renouveler le goût et de relancer l'intérêt pour leur activité (sur privilège royal mais engageant leur responsabilité économique personnelle…). Ils étaient simplement très conscients qu'une fois le public séduit, il serait impossible de reprogrammer les anciennes œuvres de leur fonds, même les Rameau. Ce qui advint exactement : les reprises des opéras du répertoire précédent cessent complètement après cette Callirhoé tombée (le Bellérophon joué le même mois est une nouvelle composition sur le livret de Boileau-Th.Corneille-Fénelon) et l'arrivée de Gluck sur la scène parisienne en 1774.


3. Gluckistes & Piccinnistes


    Dès lors, tout le monde dut écrire dans l'épure du goût nouveau. Le prestige de Gluck était tel que pour modérer ton influence, on fit venir Niccolò Piccinni (de son côté concurrencé par Pasquale Anfossi à Rome), représentant du style italien face au germanique Gluck soutenu par la reine (qui appela elle-même Piccinni pourtant…) – moins puissant récitativiste, mais mélodiste plus généreux ; c'est du moins la théorie, car en pratique, ce sont surtout deux personnalités différentes qui exercent dans le même style nouveau. Piccinni écrit aussi de grands récitatifs et des airs assez épurés ; son Iphigénie en Tauride ressemble beaucoup à du Gluck, peut-être un peu plus lyrique et un peu moins hiératique, mais on ne dispose pas du même type de version « informée » pour en juger pleinement ; son Atys adapté de Quinault par Marmontel a quelque chose de moins sévère, de plus avenant, avec ses ariettes émotionnelles où le héros s'exprime comme dans une opera seria, et cependant la logique générale reste bien gluckiste, plus aucun rapport avec du Francœur-Rebel, du Rameau, du Dauvergne, ni avec les volutes virtuoses du seria

    C'est l'époque de la fameuse querelle entre gluckistes et piccinnistes, autour de Roland du second (1778), et des deux Iphigénie en Tauride (1779 et 1781), les deux camps s'écharpant sensiblement autour des mêmes thèmes que lors de la Querelle des Bouffons, vint ans plus tôt : la vérité de la déclamation et la considération de l'opéra comme un genre littéraire contre le naturel italien et la séduction mélodique. Le parti de Rameau était désormais celui de Gluck – tout en admettant que plus personne n'aurait supporté d'entendre les grâces sophistiquées de l'harmonie ambitieuse et des ornements abondants de la musique ramiste…


4. Le parti nouveau des Sacchinistes

    Gluck, malade, s'étant retiré au faîte de sa gloire après Iphigénie en Tauride et Écho et Narcisse (un opéra sérieux, quoique pas une tragédie en musique), en 1779,  il fallut trouver d'autres compositeurs pour occuper la Cour et contenter le public de la salle de la Porte-Saint-Martin. On fit appel à quantité de compositeurs, dont Grétry (Andromaque : 1, 2, 3, 4) et Gossec (Thésée) qui peuvent à nouveau être entendus, mais pour la plupart des étrangers (j'y reviens) : Johann-Christian Bach (Amadis de Gaule), d'autres ouvrages de Piccinni, et enfin la venue à Paris de Sacchini, Salieri et Vogel. Deux en particulier retiennent l'attention en rapport avec la querelle.

    Pour satisfaire les gens de son parti, Gluck avait consenti à annoncer une nouvelle commande en 1784, Les Danaïdes sur un livret du bailli Du Roullet (auteur d'Iphigénie en Aulide et de la version française d'Alceste) et du baron de Tschudy (auteur d'Écho et Narcisse), qui était annoncée comme « complétée » par un élève, sans en préciser la part. J'ai déjà écrit dans ces pages, pour l'avoir souvent lu dans des ouvrages réputés sérieux, que Gluck l'avait fait par générosité, avant de dévoiler, devant le succès, l'identité réelle du compositeur exclusif de l'œuvre – son élève Antonio Salieri. Cependant, en préparant cette notule, je vois que Benoît Dratwicki, en principe supérieurement informé (et dont j'ai en vain essayé de mettre en défaut l'article en question sur plusieurs autres détails…), rapporte au contraire que devant un accueil mitigé, Gluck avait révélé la supercherie, et que Salieri n'en avait été que plus accablé pour avoir à la fois trop copié et pas assez réussi. Il y aurait là sujet à fouiller plus avant, ce que je n'ai pas fait – mon sujet étant en réalité d'introduire la Chimène de Sacchini…

    En 1782, c'est Antonio Sacchini, déjà célèbre pour ses opere serie, qui prend à son tour une place éminente à Paris – où l'on avait déjà joué en 1779 son intermède L'Amore soldato. Il y est d'ailleurs très bien accueilli par Piccinni, qui s'adresse, sur scène, au public pour faire acclamer le nouveau venu. [Gracieux homme que ce Piccinni, qui fit aussi une vaste souscription à la mort de Gluck pour lui assurer un concert anniversaire à perpétuité.]
    Les gluckistes sont initialement hostiles à faire jouer Sacchini, mais devant l'impossibilité de l'interdire, et constatant le succès de Renaud, s'en servent pour abattre Piccinni qu'ils n'ont pas cessé de détester – encore une fois, les styles sont réellement proches entre tous ces gens, mais la querelle n'en était pas moins vive.

    Sacchini laisse ainsi dans ses trois dernières années quatre tragédies en musique complètes :
    ♦ 1783 – Renaud (livret de Le Bœuf d’après l’abbé Pellegrin, Renaud ou la suite d'Armide mis en musique par Desmarest), qui raconte les retrouvailles d'Armide et Renaud. On y entend effectivement l'influence de la manière italienne, avec ces fusées à l'orchestre en particulier, mais je peinerais à commenter l'engouement du temps, considérant que je n'y trouve que peu de vertus. (Il existe désormais un disque Rousset chez les Ediciones Singulares.)
    ♦ 1783 – Chimène ou le Cid (Nicolas-François Guillard, librettiste de l'Iphigénie en Tauride de Gluck, de l'Électre de Lemoyne, et plus tard des Horaces de Salieri, arrangeant même Proserpine de Quinault pour Paisiello en 1803 et écrivant La mort d'Adam pour Le Sueur en 1809 !), redéploiement de la tragédie de Corneille (sans citations, contrairement à Andromaque) dans un format de tragédie en musique. C'est en réalité son troisième opéra sur le sujet, et de très loin son meilleur ouvrage à mon sens. (Vient d'être recréé en version scénique par Le Concert de la Loge Olympique avec Julien Chauvin.)
    ♦ 1784 – Dardanus (sur un nouveau livret de Guillard et La Bruère).
    ♦ 1786 – Œdipe à Colone (Guillard). Grand succès, considéré alors comme son chef-d'œuvre. Pour ma part peu convaincu par sa déclamation terne et ses airs sans relief. Il en existe deux versions peu avenantes, Penin (chez Dynamic, tradi et épais), R. Brown (chez Naxos, indolent).
    ♦ 1788 – Arvire et Évélina (Guillard). Inachevée à sa mort (d'Anfossi à Sacchini, Piccinni les aura décidément tous crevés !) et terminée par Jean-Baptiste Rey, premier véritable chef d'orchestre de l'Académie de Musique, maître de musique de la chambre de Louis XVI, chef du Concert Spirituel (de 81 à 85).

    L'acmé de la confrontation a lieu lorsque Didon de Piccinni et Chimène de Sacchini sont créées à un mois d'intervalle à Fontainebleau : chez Piccinni, on loue bien sûr le chant et même la déclamation ; tandis que chez Sacchini, on remarque la qualité particulière des airs et de l'accompagnement orchestral, tout en remarquant la faiblesse du récitatif. Toutes remarques qui paraissent assez justes à l'oreille contemporaine.

    Sacchini sert donc de véhicule aux gluckistes, mais bien que présenté comme nouveau représentant (paradoxal, ayant lui aussi fait sa carrière en Italie…) du goût germanique, ne prolonge pas du tout la manière de Gluck – il est (à nos oreilles contemporaines) même encore plus italien que Piccinni, d'une certaine façon, puisqu'il va donner son meilleur dans les « numéros » et dans la virtuosité orchestrale, là où Piccinni, conservant sa qualité mélodique, s'était en revanche bien plus minutieusement coulé dans le moule français.

    La période qui suit continue de voir se succéder les compositeurs étrangers (Cherubini en particulier), puis l'on arrive sur la très particulière époque révolutionnaire, où les mêmes compositeurs doivent s'adapter à d'autres contraintes formelles, et qui mériterait une ample présentation – manifestement beaucoup moins documentée, par le disque comme par la recherche, que les périodes immédiatement adjacentes.
    (La notule indiquée ci-dessus ne considère que la question du langage musical ; il y aurait en revanche énormément à chercher et dire sur l'évolution des formes !)


5. La conspiration

    On peut se figurer (et lire souvent) que les directeurs de l'Académie ont eu peur de Gluck et d'une manière générale des étrangers, et n'ont cédé qu'avec réticence aux injonctions de la Dauphine. En réalité, leur hésitation première était surtout commerciale : l'arrivée de cette nouveauté allait susciter un engouement, mais aussi détruire tout leur répertoire.
   
    Et de façon à nourrir la curiosité du public, on fit venir beaucoup d'étrangers : Gluck, Piccinni, Bach, Salieri, Vogel, Paisiello, Zingarelli, Tomeoni… Certes, les français à composer des tragédies lyriques ou des opéras sérieux sont plus nombreux :  Gossec, Grétry, Floquet, Mayer, Philidor, les deux Rey, Dezède, Le Froid de Méreaux, Candeille, Le Moyne, Méhul… mais en fin de compte, ce sont surtout Gluck, Piccinni et Sacchini, qui ont été célébrés, même si Grétry était révéré (pas forcément pour sa production sérieuse…) et si Salieri (Tarare), Lemoyne (Phèdre) et Cherubini (Démophon) ont remporté des succès considérables.
    Ces imports et ces controverses nourrissaient le sentiment de nouveauté et d'événement qui permettait de remplir la salle, à laquelle le pouvoir garantissait l'exclusivité, mais nullement le revenu.

    L'Académie disposait en réalité de tous les compositeurs nécessaires pour faire jouer ce même style par des français.


6. L'imposture Gluck

    Et même davantage que disposer : ils avaient fait leurs preuves.

    Car tout cela, c'est l'histoire telle que la racontent les acteurs du temps et les chroniqueurs, jusqu'aux chercheurs d'aujourd'hui. Et elle est légitime, dans la mesure où ce n'est pas une affabulation, mais bel et bien la perception des acteurs et spectateurs du temps. Lorsqu'on observe la musique en tant que telle, le constat est un peu différent.

    Je me méfie toujours de l'histoire-bataille racontée par les musicologues, qui doivent faire œuvre d'historiens sans en avoir nécessairement la formation. Et Gluck inventant tout seul le style musical de la tragédie en musique, c'est assez louche.

    Je ne suis pas assez bien informé sur le répertoire serio italien – assez terrifiant d'homogénéité, et comme les livrets sont épouvantables et les musiques pas toujours très denses, j'avoue ne pas être très profondément conscient de tout ce qui pouvait se jouer dans les divers courants. Et ce d'autant plus que le « répertoire italien » désigne la quasi-totalité de l'opéra joué en Europe au XVIIIe siècle : on ne rencontre guère que quelques exceptions, comme Hambourg (opéras allemands ou multilingues), la Cour de Suède, l'Angleterre (ou cohabitent quelques œuvres anglaises), et surtout la France, dont tout le répertoire sérieux est en langue nationale. Partout ailleurs, on importe des compositeurs italiens ou on fait imiter l'opera seria par les locaux.
    Mais en l'état de ce qu'on peut entendre au disque, Gluck marque clairement une évolution singulière avec Orfeo ed Euridice, puis Alceste en 1767. On pourrait croire que, comme on le dit, il a réformé à partir de ses trouvailles la tragédie en musique à lui tout seul.

    Pourtant… en 1773, avant même que la commande d'Iphigénie en Aulide ne soit confirmée, deux partitions sont déjà écrites et jouées sur la scène de l'Académie… dans un style qui n'a décidément plus rien à voir avec Rameau, Mondonville ou Dauvergne : la tragédie Sabinus de Gossec et le ballet héroïque Céphale et Procris de Grétry. Accompagnements réguliers en batteries, hiératisme d'une déclamation simple accompagnée par tout l'orchestre, lignes mélodies sobres et élancées… tout y est différent des opéras du milieu du siècle, on y entend des contemporains de Mozart, peut-être encore plus résolument que chez Gluck.

    Je me demande à présent comment leur est venu ce style – est-ce l'étude des partitions italiennes, de Gluck notamment ?  Comment cela est-il advenu simultanément chez des compositeurs de formations si distinctes ?  Ou bien est-ce Gluck qui les a copiés, bien qu'il en ait déjà tracé lui-même quelques principes dans ses œuvres réformistes italiennes ?

    Pas aussi spectaculaire que mon titre ouvertement racoleur, mais tout de même très intriguant.


7. État discographique actuel

    Manière que vous puissiez aller entendre ce dont il est question dans cette notule, l'intégralité des tragédies et opéras sérieux publiés officiellement. Je ne recense en revanche pas forcément toutes les versions disponibles (et suis très loin de mentionner toutes les bandes semi-officielles existantes).

    Étrangement, ce répertoire, moins spécialisé et « différent » de la musique classique usuelle que la tragédie en musique LULLYste ou ramiste, a manifestement moins d'adeptes, et se trouve beaucoup moins précisément documenté. Quantité de papiers universitaires s'intéressent uniquement à la période Louis XIV ; et de même pour les passionnés amateurs qui dressent des tableaux sur les tragédies baroques, mais abandonnent tout à l'époque classique. (Je veux bien croire que ce soit une question d'intérêt, mais alors pourquoi tout cet engouement pour Rameau plutôt que pour Salieri ?)

    C'est pourquoi je me suis attelé à la tâche pour que vous puissiez disposer d'un petit schéma clair avant de poursuivre avec les notules présentant spécifiquement Chimène de Sacchini et Les Horaces de Salieri.


1773

Gossec – Sabinus
♪ Extraits : les danses, par Les Agrémens et Guy van Waas (Ricercar).
Grétry – Céphale & Procris
(Ballet héroïque à cause de danses vastes et d'un ton parfois galant, mais en réalité très proche, en tout cas musicalement. Notule.)
♫ Intégrale Les Agrémens / van Waas (Ricercar, 2010).
♪ Existe aussi sous forme de vidéo du concert (non commercialisée, mais de grande qualité, réalisée pour la télévision).
♪ Extraits : Sophie Karthäuser dans son récital avec van Waas (Ricercar).

1774

Gluck – Iphigénie en Aulide
♫ Intégrale : Opéra de Lyon, Gardiner (Erato)
♫ Intégrale : Audi, Les Musiciens du Louvre, Minkowski (DVD)
Gluck – Orphée et Eurydice
♫ Innombrables versions. La version originale de Paris (avant remaniement par Berlioz), avec haute-contre dans le rôle-titre, est notamment documentée par le studio Minkowski (Archiv).

1776

Gluck – Alceste
♫ Là aussi, nombreuses versions en plusieurs langues. Gardiner (Archiv) est une valeur assez sûre pour le français.

1777

Gluck – Armide

♫ Mario Rossi en 1958 avec Anna De Cavalieri, Mirto Picchi, Pierre Mollet (Melodram) – en quelle langue ?
♫ Wilfried Boettcher en 1974 avec Viorica Cortez, Jean Dupouy et Siegmund Nimsgern (Voce 61).
♫ Richard Hickox avec Felicity Palmer, Anthony Rolfe-Johnson et Raimund Herincx (EMI).
♫ Marc Minkowski en 1996 avec Mireille Delunsch, Charles Workman et Laurent Naouri (Archiv).
◊ Étrangement, la seule version sur instruments anciens n'est pas forcément la plus avenante… Boettcher et Hickox m'apportent plus de satisfaction, y compris en matière d'accompagnement, malgré la plus grande épaisseur orchestrale.

1778
Piccinni – Roland
♫ Intégrale : Orchestra Internazionale d'Italia, David Golub (Dynamic).
◊ Ensemble de cacheton pour le festival de Martina-Franca, déjà pas fameux dans Verdi. Pas du tout « musicologique », assez épais.

1779
Gluck – Iphigénie en Tauride
♫ Multiples intégrales, de toutes époques, sur tous types d'orchestre.
◊ J'aime tout particulièrement Minkowski (Arkiv) et Bolton (Orfeo), ou les bandes vidéo (éditées en DVD depuis ?) de Billy avec Gens, mais même Muti (Sony) reste assez grisant, si l'on accepte Vaness très mal à l'aise.
Gluck – Écho et Narcisse
♫ Intégrale Jacobs (Harmonia Mundi, 1987), pas rééditée donc probablement difficile à trouver. (Ce n'est de toute façon pas une tragédie en musique, mais simplement un opéra sérieux en français.)
Bach – Amadis de Gaule
(Notule.)
♫ Version Rilling, en allemand (Hänssler).
◊ Autant Rilling réussit très bien le baroque sacré, autant ici, le style est épais, plutôt indolent, et on sent bien l'absence de représentations. Ne rend pas du tout justice à l'œuvre.
♫ Version Talpain (Singulares), excellente.
♪ Existent aussi plusieurs bandes lors de représentations ou concerts, totales ou partielles.

1780
Piccinni – Atys
(Notules : adaptation du texte et nouvel univers musical.)
♪ Extraits donnés par le Cercle de l'Harmonie, dont il existe des bandes.
Grétry – Andromaque
(Notules : ouverture, la polémique Racine, livret néoclassique baroque, la musique inouïe.)
♫ Version Niquet (Glossa, 2009).
♪ La bande de la radio belge fait entendre van Wanroij au lieu de Deshayes comme à Paris et au disque– son français est plus impérieux, paradoxalement.

1781
Piccinni – Iphigénie en Tauride
♫ Version Renzetti (Fonit Cetra, 1986), Teatro Petruzzelli de Bari. Lecture tradi, pas écoutée.
♪ Bande parisienne légèrement ultérieure (Renzetti avec Bari, 1988), avec Ricciarelli (peu intelligible, comme en italien). Joué avec conviction, ce fonctionne assez bien, à défaut de rendre vraiment ses couleurs à la partition.
♪ Bande de Mazzola avec l'ONF (2007). Joué avec ardeur, dans un style étonnamment adéquat et une belle distribution (Twyla Robinson, Kunde, Pisaroni).

1782
Lemoyne – Électre
Toujours aucun enregistrement, mais il s'agit de la première tragédie en musique de Lemoyne / Le Moyne, que je mentionne pour clarifier le panorama.
Gossec – Thésée
(Notule.)
♫ Version van Waas (Ricercar).

1783
Sacchini – Renaud
(Notule.)
♫ Version Rousset (Singulares).
Piccinni – Didon
♫ Version Arnold Bosman  avec le Théâtre Petruzzelli de Bari (Dynamic).
♪ Comme les autres Dynamic, une version tradi très épaisse et molle, jouée comme du mauvais belcanto.
Sacchini – Chimène ou le Cid
(Notule : parallèle avec Don Giovanni.)
♪ Le début de l'acte I existe en vidéo par Les Nouveaux Caractères.
♪ Édition à venir de la production scénique en cours par Le Concert de la Loge Olympique ?

1784
Salieri – Les Danaïdes
♫ Version Gelmetti 1983 (Dynamic) avec la RAI Roma, Caballé et Lafont. Épais, flasque, et bien sûr bizarrement chanté.
♫ Version Gelmetti 1990 (EMI) avec SWR de Stuttgart et Marshall, Gímenez, Kavrakos. Même problème orchestral.
♫ Version Hofstetter 2006 (Oehms) avec Marin-Degor, Ch. Genz, Begemann. Peu de français, style orchestral plutôt européen que tragédie en musique, mais animé et déclamé de toute part, convaincant.
♫ Version Rousset 2013 (Singulares) avec van Wanroij, Talbot et Christoyannis, d'un feu et d'un verbe extraordinaires.
♪ Et rejoué de loin en loin (par Malgoire par exemple), il est possibe de trouver des bandes.

1786
Sacchini – Œdipe à Colone
♫ Version Penin (Dynamic), avec Galvez-Vallejo, jouée de façon tradi. Ne fonctionne pas vraiment.
♫ Version R. Brown (Naxos), avec Getchell. Sur instruments anciens, mais pour autant plutôt molle.
Vogel – La Toison d'or
♫ Version Niquet (Glossa).
Lemoyne – Phèdre
♪ Sera rejouée au printemps 2017 (Caen, Bouffes du Nord…), sur le principe d'Atys de Piccinni déjà dirigé par Chauvin (fulgurante réussite), par le Concert de la Loge Olympique dans une transcription de chambre pour 4 chanteurs et 10 instruments. Je doute un peu, en conséquence, d'une captation officielle. La radio, au mieux.
Salieri – Les Horaces
♫ Version Rousset 2016 (Singulares) à paraître. Concert remarquable, je présenterai l'œuvre dès que possible.

1787
Salieri – Tarare
(Pas une tragédie au demeurant, même si l'ambition textuelle et musicale y est – au moins ! – équivalente. Notule.)
♫ Version Malgoire en DVD.
◊ Hors Crook, miraculeux, et Lafont (style discutable, mais véritable déclamateur), que des étrangers, à l'accent impossible chez la plupart, mais l'ensemble vit très bien et rend justice à la plupart de l'ouvrage (quand les femmes ne chantent pas, en fait).
Visuellement conservateur avec des touches d'originalité ; pas très joli, pas toujours très bien explicité, mais ne fonctionne pas trop mal.
♫ Version Rousset qui sera enregistrée à l'issue des représentations annoncées à Versailles à l'automne 2017.
♪ Il existe une bande Chalvin captée à Strasbourg, chantée par de très bons français (René Massis, René Schirrer…), accompagnée dans un style très traditionnel et plutôt large, mais qui ne fonctionne pas si mal.

1788
Cherubini – Démophon
Je ne le mentionne qu'en raison du grand succès rencontré, ça titre de repère. Rien de paru à ce jour, peut-être des bribes dans des récitals, ou l'ouverture quelque part.

1789
Vogel – Démophon
♪ On m'a rapporté, il y a longtemps, l'existence d'un vinyle (ou d'une bande radio ?). Cela a donc été fait quelque part, probablement pas dans une version très musicologique.

1791
Méhul – Adrien
(On n'est plus dans la même époque, néanmoins je le cite pour ses liens avec la forme de la tragédie en musique. On reprocha d'ailleurs à Méhul de ne pas être assez clair dans ses caractères et conclusions morales, et il dut retravailler son œuvre, qui ne fut créée qu'en 1799, à l'Opéra-Comique.)
♫ Version Vashegyi (Bru Zane).
◊ Éditée uniquement en dématérialisé (mp3) pour limiter les coûts, néanmoins une version remarquable d'un opéra majeur, d'un souffle extraordinaire. De très loin le meilleur opéra de Méhul, et l'un des plus beaux représentants de la tragédie en musique dernière manière.

1802
Catel – Sémiramis
(Peut-être le sommet de la tragédie du temps, d'une urgence à peine soutenable, et pourvue d'une veine mélodique puissante qu'on n'avait guère entendue dans la période, Grétry excepté.)
♫ Version Niquet (Glossa).

1806
Méhul – Uthal
(Bien que créé à l'Opéra-Comique et en un seul acte – mais trois tableaux… –, l'ambition est belle est bien celle d'une tragédie en musique, avec un autre type de sources « antiques ». Notule vaste sur les sources littéraires et l'opéra lui-même.)
♫ Version Rousset (Singulares).

1810
Kreutzer (Rodolphe) – Abel
♫ Version van Waas (Singulares), qui documente la refonte de 1823, La mort d'Abel.
◊ Le style en est à présent romantique, mais les traits d'écriture musicaux demeurent fortement liés à la période précédente.


8. Quelques absents et choix

        J'ai laissé de côté des ouvrages documentés par le disque qui ne sont pas de la tragédie en musique : Stratonice de Méhul (1787, Christie chez Erato), sujet très sérieux mais traitement musical très fragmenté en opéra comique ; Le Déserteur de Monsigny (1788, vidéo de Compiègne, CD de R. Brown), ici aussi un sujet sérieux mais sur des personnages simples, une sorte de « scène de genre » tragique ; Horatius Coclès de Méhul (1794, bande de la RTF), un seul lever de rideau d'héroïsme antique (l'exploit de Scævola), là aussi très fragmenté.
    Et, plus éloignés encore, La Caverne (1793, extrait par Pruvot) et Paul et Virginie de Le Sueur.
    La plupart des Cherubini disponibles au disque sont aussi des formats d'opéras-comiques (Les deux journées, Médée), des sujets pas assez élevés (Ali-Baba, pourtant créé à l'Académie sans dialogues), ou traités sans la même hauteur de ton (Lodoïska, « comédie héroïque »).

    Les Bayadères de Catel (1810, Talpain chez Singulares) appartiennent déjà au romantisme, et ne tiennent plus vraiment de la tragédie en musique. On pourrait davantage discuter du statut des opéras de Spontini, qui utilisait certes un langage romantique (et des traits belcantistes), mais dans un format général qui restait celui de la grande tragédie en musique de l'ère classique.

    En tout état de cause, la distinction perd son sens à la fin de l'Ancien Régime, lorsque le privilège des sujets sérieux et surtout le sens s'émousse face aux nouvelles références disparates. Un vrai beau sujet que l'opéra révolutionnaire, encore fort mal documenté par le disque.

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Je cherche nullement à dissimuler qu'au plus fort de la querelle, je suis grétryste et surtout saliériste. Si je devais recommander quelques sommets dans ce massif : Céphale et Procris (Grétry) Iphigénie en Tauride (Gluck), Les Danaïdes (Salieri), Tarare (Salieri), Adrien (Méhul), Sémiramis (Catel). À une exception près, des œuvres peu célébrées par l'Histoire rétrospective (même si Tarare a, en réalité, remporté un énorme succès sous tous les régimes).

Le propos sur Chimène de Sacchini (puis Les Horaces de Salieri) viendra donc s'enchaîner à cette notule…

dimanche 30 mars 2014

Conseils concernant les concerts d'avril


Pour compléter ce qui a déjà été proposé, CSS continue de fureter pour vous du côté des œuvres moins données et des salles moins exposées. Les liens renvoient pour la plupart vers des notules sur les œuvres ou les interprètes en question.

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Mardi 1er avril :

  • 20h, CiMu : Donnerode de Telemann par Opera Fuoco et Arsys. Avec la Sixième Cantate de Bach.

Mercredi 2 avril :

  • 20h, CiMu : The Tempest de Purcell (très belle partition), par Philip Pickett.

Jeudi 3 avril :

  • 18h, Prix des Muses de la fondateur Singer-Polignac (sur invitation seulement, mais je crois qu'il doit suffire de la demander) – avec notamment le Quintette avec piano de Thomas Adès !
  • 19h, CNSM : Classe d'art lyrique. Le programme n'est toujours pas indiqué, le Conservatoire a promis de me l'envoyer lundi. Mise à jour : saynètes lyriques. Entrée libre.


Vendredi 4 avril :

  • 19h, CNSM : Classe d'art lyrique (même programme, indéterminé, que le jeudi). Mise à jour : saynètes lyriques.
  • 20h, Grand Salon des Invalides : marches de compositeurs français par l'ensemble Amarillis. Chambonnière, Lully, Desjardin, Montéclair, Philidor l'Aîné, Couperin. 9 à 15€.
  • 20h30, Église des Billettes : Cantates de Charpentier, Jacquet de La Guerre et Clérambault, avec Hasnaa Bennani (programme d'après son site). Dire que je l'ai vue chanter pour le récital de fin d'année au CRR... elle était d'ailleurs la seule à mieux chanter sur scène que lors de la répétition générale. Le programme original indiquait Chapentier, Clérambault, Marais, Montéclair et Rameau – sans doute pas entièrement vocal de toute façon. Seul un claveciniste et une gambiste sont crédités, ce qui n'est pas possible non plus (il faut au moins un « dessus », voire deux). 22€.


Samedi 5 avril :

  • 16h, Muséum d'Histoire Naturelle : Œuvres de Purcell, Bridge, et Britten, pour le conte musical Maurice, le dodo voyageur. (Apparemment gratuit, à vérifier.)
  • 16h, IRCAM : Œuvres d'étudiants de l'IRCAM. Entrée libre.
  • 18h, IRCAM : Idem.
  • 20h, Massy : Ullmann, Der Kaiser von Atlantis, mis en scène par Louise Moaty, avec Pierre-Yves Pruvot en guest star. Louise Moaty se situe dans la mouvance lazarienne des éclairages à la bougie et des fronts de scène, pour ce qui est du baroque. Mais qu'en est-il pour l'opéra du XXe siècle ? L'œuvre est à voir en tout cas, si on ne l'a jamais essayée... pas forcément la plus profonde musicalement, mais un univers décadent étrange auquel il faut se frotter au moins une fois. C'est déjà fait pour ma part, au disque et sur scène.
  • 20h30, Salon musical Bonaparte (VIe arr.) : Raquel Camarinha (soprano et Matteo Cesari (flûtiste) dans Aperghis, Jolas, Saariaho, Sciarrino, Dusapin et Furrer. 10-15€.


Dimanche 6 avril :

  • 15h, Fondation Dosne-Thiers : Le Trio Primavera joue Schubert, Schumann, Bartók, et surtout Hubay et Popper, dont les occasions d'être entendus sont plutôt peu fréquentes. 16-25€.
  • 17h, Musée d'art et d'histoire du judaïsme : Ferdinand Halphen, mélodies (et vu qu'il y aura aussi un violon, probablement de la musique de chambre). Un excellent compositeur, dont les partitions ne circulent, me semble-t-il, qu'à l'état de manuscrit. Dans le genre fin-de-siècle post-fauréen (mais plutôt post-dernier-Fauré), il a laissé nombre de merveilles. 15-20€.
  • 18h, La Péniche Opéra : Offenbach, Le financier et le savetier (dirigé par le grand spécialiste Jean-Christophe Keck). Une des œuvres à très petit effectif d'Offenbach, assez sympathique. Attention, il y a beaucoup de dialogues et pas énormément de musique.


Lundi 7 avril :


Mardi 8 avril :

  • 12h30, Saint-Roch : trios pour deux hautbois et cor anglais. Le laborieux trio de Beethoven, mais aussi du Read et du Blake. On n'entend pas ça tous les jours. Entrée libre.
  • 20h, Massy : Combattimento de Monteverdi par l'Yriade, Auvity, Geslot et Lefilliâtre ! 15-25€. Même considérant qu'Auvity rayonne moins en italien, et que la tessiture est un peu basse, c'est très tentant.
  • 20h, Amphi de la CiMu : Herculanum de David et Le dernier jour de Pompéi de Joncières, en version piano (avec notamment Gabrielle Philiponet et Marie Lenormand). Le principe de découvrir des raretés absolues est bien sûr exaltant, mais pour avoir lu les partitions, je ne suis pas sûr que ça mérite vraiment le déplacement. Ce sont des partitions assez secondaires de leur époque, à mon humble avis.
  • 20h30, Saint-Roch : Haydn et Britten par les Petits chanteurs de Sainte-Croix. 20-25€.
  • 20h30, Notre-Dame : Messiaen (Et expecto resurrectionem mortuorum), Bruckner – la Deuxième Messe, la plus originale et la plus belle. J'ai cru un instant que ce serait avec des enfants à la place des femmes, mais la Maîtrise regroupe en réalité tous les chœurs attachés à Notre-Dame. Donc pas si rare que ça. Côté orchestre, ce sera celui du Conservatoire. 12-20€


Mercredi 9 avril :

  • 20h30, Saint-Quentin : Ullmann, Der Kaiser von Atlantis, mis en scène par Louise Moaty, avec Pierre-Yves Pruvot en guest star. Louise Moaty se situe dans la mouvance lazarienne des éclairages à la bougie et des fronts de scène, pour ce qui est du baroque. Mais qu'en est-il pour l'opéra du XXe siècle ? L'œuvre est à voir en tout cas, si on ne l'a jamais essayée... pas forcément la plus profonde musicalement, mais un univers décadent étrange auquel il faut se frotter au moins une fois. C'est déjà fait pour ma part, au disque et sur scène.
  • 20h30, Péniche Opéra : Kammermusik de Henze d'après Hölderlin, par des élèves du CRR de Boulogne.


Jeudi 10 avril :

  • 12h30, Mairie du IXe arr. : Delphine Armand joue (au piano) Rameau, Mozart, Chopin, Ravel et Mantovani (une nouvelle pièce ?). Entrée libre.
  • 17h30, Versailles (Chapelle Royale) : Carissimi, Bouzignac, du Mont, Campra par les Pages et Chantres du CMBV, et le Conservatoire de Versailles. Entrée libre.
  • 19h30, Maison du Danemark : Bedrossian et Pesson par l'ensemble 2e2M. Entrée libre.
  • 20h, Musée d'Orsay : Crossley-Mercer et Schneider font les Magelone Romanzen de Brahms, insérés dans le reste du texte de Tieck, dit par Luc Schiltz. Pas fou de l'œuvre littéraire ni musicale, personnellement, mais c'est un discpositif qu'on n'entend pas tous les jours. Témoignage sur la dernière fois.
  • 20h, TCE : Quintette pour clarinette de Meyerbeer, Sérénade pour cordes et vents de Rossini, un Quatuor de Donizetti, et par du beau monde (Charlier, R. Pasquier, Noras).
  • 20h30, salle Gaveau : un spectacle bizarre sur l'Évangile de Luc. Des extraits de quatuors de Schubert, Janáček, Lekeu, Ravel et Webern, avec récitant.
  • 20h30, Institut Goethe : Mélodies et Lieder de Liszt par L'Oiseleur des Longchamps. 5-10€.


Vendredi 11 avril :

  • 20h, Châtelet (Foyer) : Scarlatti et Cage par David Greilsammer. Je n'ai pas cherché le détail du programme, mais ce peut être rigolo. 25€.
  • 20h, Grand Salon des Invalides : Bach & fils (W.F. et C.P.E.), par les étudiants du Conservatoire de Paris. 5€.
  • 20h, CiMu : Superbe programme dans le genre « XXe officiel » avec Dialogue de l'ombre double et Anthèmes de Boulez, le Kammerkonzert de Ligeti, plus du Stravinski (pour clarinette) et du Mantovani. 18€.
  • 20h30, Péniche Opéra : Kammermusik de Henze d'après Hölderlin, par des élèves du CRR de Boulogne.
  • 21h, Suresnes (Théâtre Vilar) : Grands motets de Charpentier par l'Ensemble Correspondances.


Samedi 12 avril :

  • 18h, Soubise : Œuvres pour quintette à vents de Dvořák, Grieg, Farkas, Belthoise, Tomasi et Bernstein. 7-12€.
  • 20h, Reid Hall (VIe arr.) : Pièces pour violon et piano de Wieck-Schumann, Chausson, Debussy, Messiaen, Dutilleux. Libre participation.
  • 20h, CiMu : Soirée « Turbulences ». En deuxième partie, beaucoup de compositeurs du second XXe de première catégorie : Webern, Yun, Kurtág, Donatoni, de Mey, Mantovani.


Dimanche 13 avril :

  • 16h, Pleyel : Schubert et Brahms par le Quatuor Artemis et Leonskaja, mais aussi Officium breve de Kurtág, une de ses compositions les plus fortes.
  • 20h, Garnier : Debussy, Cras, Jolivet, Françaix. Après une expérience frustrante avec les musiciens de l'Opéra en musique de chambre, je ne suis pas sûr de recommander, mais le programme est comme souvent très original.


Lundi 14 avril :

  • 20h, Amphi Bastille : lieder & mélodies de Schubert, Berlioz, Gounod, Wolf, Hahn, Pfitzner, Berg et Silvestrov ! À mon humble avis, un récital qui va rencontrer les mêmes difficultés que celui de Ricarda Merbeth avec un programme similairement ambitieux : de près et avec piano, une voix aussi large, même pourvu d'une belle expression comme Janina Baechle qui officie ce soir-là, ne peut qu'être décevante (voire instable). Les coutures de la voix et la grosseur du grain prennent vite le pas sur l'expression et même la musique. Malgré la meilleure volonté de l'auditeur. Il n'empêche, programme très alléchant.

Mercredi 16 avril :

  • 20h, Musée du Louvre : Les Folies Françoises et Patrick Cohën-Akenine accompagnent les solistes de l'Atelier Lyrique de l'Opéra dans Rameau. (Vu les voix entendues pour Lucrèce, j'avoue que ça fait peur. Mais ils seront très bien secondés, au moins.) 16-32€.
  • 20h, Invalides : Monteverdi, Caccini et Sances par Claire Lefilliâtre, Ophélie Gaillard et l'Ensemble Pulcinella. 9-15€.


Jeudi 17 avril :

  • 20h, Centre culturel tchèque : Airs de Stefano Landi par Dagmar Šašková et l'ensemble Il Festino (dirigé du théorbe par son partenaire habituel Manuel de Grange). Après de grandes émotions dans le répertoire français, je me réjouis de les retrouver. 10€.

Dimanche 20 avril :

  • 16h, Saint-Louis-en-l'Île : Chœurs orthodoxes russes et chants traditionnels, par le Chœur Rimski-Korsakov (de Saint-Pétersbourg). 14-23€.
  • 18h30, CRR de Paris : Concert des lauréats du concours Flame. Parmi les membres du jury, Viorica Cortez, Dana Ciocarlie et Bruno Rigutto (les autres sont moins célèbres comme solistes internationaux). Gratuit, je suppose ?


Je m'arrête au 20, cela nous laisse trois semaines pour compiler quelques autres friandises. Ne manquez pas de rapporter vos expériences, elles sont utiles à tous...

Pour ma part, sont prévus pour cette période : Die Schöne Müllerin de Breslik le 3, qui devrait être une tuerie ; le récital Halphen (j'attends cette occasion depuis longtemps) le 6, Into the Woods le 8 ou le 10, Charpentier le 11 (peut-être), Farkas & co à Soubise le 12, Šašková le 17, chœurs orthodoxes le 20 (peut-être). Mai sera prioritairement consacré au théâtre (deux pièces données en russe et trois Shakespeare), il y aura peut-être moins à signaler.

dimanche 20 octobre 2013

Le disque du jour - XCIII – Rameau, Les Surprises de l'Amour - Sébastien d'Hérin


Une nouveauté dont j'attendais peu, mais qui se révèle remarquable.


Gavotte de l'Enlèvement d'Adonis, et un peu de récitatif entre Virginie Pochon (l'Amour) et Amel Brahim-Djelloul (Adonis).


Ce n'est pas tout à fait une nouveauté dans la discographie, puisque l'Anacréon de Gentil-Bernard (il en existe deux composés par Rameau, celui de Gentil-Bernard est le second, de 1757) a déjà été donné plusieurs fois, et que sous une forme réduite pour accompagnement de violes, le label Alpha avait publié une heure d'extraits d'un état différent de la partition (avec Monique Zanetti, Stephan MacLeod et l'ensemble A 2 Violes Esgales de Jonathan Dunford et Sylvia Abramowicz). Par ailleurs, Minkowski en avait enregistré les ballets chez Erato en 1989.

En revanche, les entrées L'Enlèvement d'Adonis et La Lyre Enchantée n'avaient jamais été enregistrées dans leur intégralité.

Le résultat d'ensemble est intéressant, puisque sa dernière entrée bachique évoque (sans doute très volontairement) l'esprit des tétralogies grecques, qui se concluaient sur un drame satyrique – ou plus rarement, comme dans le cas de l'Alceste d'Euripide, un grand sujet de la mythologie traité de façon partiellement comique.


1) Malgré sa forme (opéra à entrées, donc à peu près sans intrigue), le livret de Gentil-Bernard (le librettiste de Castor & Pollux) parvient à ménager des climats avec une grande célérité, si bien que le peu de mots disponibles est bien exploité.

2) La musique de Rameau est assez bonne, même dans les récitatifs – ce qui n'a jamais été son point fort pourtant, malgré les raffinements harmoniques nouveaux qu'il y dispense.

3) Les grands ensembles spécialistes se sont un peu encroûtés : les Arts Florissants ne jouent quasiment plus de nouveautés depuis dix ans (et disposent désormais d'un son exceptionnel, digne d'un orchestre symphonique), les Musiciens du Louvre ne jouent plus de baroque (et leur son s'est considérablement lissé, témoin leur Alceste récente), les English Baroque Soloists n'apparaissent plus que dans Bach (sinon les musiciens jouent surtout du XIXe, sous le nom d'Orchestre Révolutionnaire et Romantique), la Simphonie du Marais manque manifestement d'argent pour les grands projets (alors que le son reste très agréablement typé), d'autres restent fragiles (La Grande Écurie et la Chambre du Roy, Les Talens Lyriques...), et même Harnoncourt a largement embourgeoisé ses manières, avec des textures moins acides, des phrasés moins brusques... et la fréquentation majoritaire des grands orchestres symphoniques.
Les ensembles plus récents se caractérisent majoritairement soit par leur sècheresse percussive (pour ceux spécialisés dans le seria, comme Mathéus ou Modo Antiquo), soit par une attitude plus apaisée et lisse (Le Concert d'Astrée, typiquement).

Les Nouveaux Caractères me font retrouver la verdeur des timbres des premiers ensembles baroques, leur personnalité violemment différente, mais avec un niveau de facture instrumentale et de technique individuelle très supérieur. Les avantages des deux périodes, d'une certaine façon. Le petit ensemble (2x4 violons, 3 altos, 3 violoncelles dont un continuiste, 1 contrebasse) n'est pas tout à fait chambriste, mais permet d'oser des couleurs très particulières. Par ailleurs, les souffleurs sont d'un niveau assez exceptionnel, aussi bien flûtes et piccolos que cors, j'en ai rarement entendus d'aussi bien timbrés, maîtrisés et chantants dans ce répertoire.

Je n'ai jamais entendu d'aussi belles danses dans Rameau, parce qu'elles sont très bien écrites, mais surtout remarquablement jouées. C'est à mettre aux côtés (et même au-dessus, me concernant) des Suites de Brüggen et des intégrales de Gardiner. Le sens du mouvement, bien sûr, mais aussi le caractère de chaque danse, et une grâce omniprésente.

Suite de la notule.

samedi 14 septembre 2013

Une saison 2013-2014 en Île-de-France (et un peu ailleurs)


Suite à la demande croissante en coulisses (croyez-le ou non, j'ai dû embaucher une autre secrétaire, sans parler des gardes du corps pour me protéger des ardeurs des plus impatients), notre petite usine poulpiquette a accéléré ses cadences pour fournir l'authentique planning saisonnier de Carnets sur sol, en véritable html massif. Malgré tout le soin accordé à la confection de nos pixels, il est possible que des erreurs se soient glissées, en particulier dans les dates. Vérifiez toujours pour les concerts qui vous intéressent, car le bureau des réclamations a été fermé (pour financer la nouvelle secrétaire, évidemment), et le standard ne dispose pas encore d'interprète fluide en lutin-français.

Pour cette cinquième année, il n'est peut-être plus nécessaire de préciser que non seulement il est impossible d'être exhaustif, mais que de surcroît les choix opérés sont dus à mes seuls tropismes et inclinations ; beaucoup d'autres choses de premier intérêt figurent dans les programmes sans que j'aie pris ma vie pour les recopier. En revanche, dans la masse présélectionnée, il y a sans doute matière à découvrir des salles moins courues et des œuvres peu jouées, pour pas mal de gouts différents.

Si cela peut aider à hiérarchiser, je n'ai pas eu la patience de retirer le légendage personnel : le signe § indique le degré de prévision, le signe ¤ l'improbabilité de ma présence. Je n'ai pas conservé la couleur qui apparaît sur l'agenda pour la présélection, mais peu importe, on peut très bien naviguer sans. Les astériques sont sans importance (à part pour moi, puisque j'ai déjà les billets).

Vous pouvez retrouver les précédentes saisons, chacune disposant en commentaires de liens renvoyant vers des échos des soirées vues :


Les spectacles vus seront cités en commentaires de cette notule, et diverses remarques sur la saison ajoutées sous cette étiquette.

En lice pour les putti d'incarnat, on trouvera donc :

Suite de la notule.

dimanche 8 janvier 2012

Jean-Chrétien BACH - Amadis de Gaule sur scène (Versailles / Opéra-Comique)


Après avoir insisté sur l'intérêt de cette partition, pas la meilleure de ces années, mais d'excellente facture néanmoins, il est peut-être nécessaire de revenir sur la réalisation qui en a été faite à Versailles et l'Opéra-Comique, et qui, bizarrement, ne fonctionnait pas bien.

Suite de la notule.

mercredi 8 juin 2011

Chose vue


Règlement du Concours International de Chant de Marseille.

ARTICLE I
Le concours est ouvert aux candidats hommes et femmes nés après le 1er Septembre 1978. Aucune dispense d’âge ne sera accordée pour quelque motif que ce soit. Les chiens et les Falsettistes ne sont pas acceptés.

La formulation est très amusante, balançant entre l'obséquiosité de la majuscule (superflue) et la dureté (véritable) du verdict.

Sur le fond, je ne suis au demeurant pas choqué :

Suite de la notule.

dimanche 17 octobre 2010

Luigi CHERUBINI - Lodoïska - comédie héroïque d'après Faublas - (TCE 2010, Rhorer)


La soirée, dans un Théâtre des Champs-Elysées rempli au quart (sans exagérer !), réunissait une distribution d'un luxe incroyable.

Mais voyons d'abord l'oeuvre.

1. Sources

Car c'est encore une oeuvre d'une modernité extrême qui est proposée par les musiciens spécialistes de l'exhumation. Créée en 1791 au Théâtre Feydeau ouvert cette même année, elle repose sur un roman-mémoire libertin tout récent, Les Amours du Chevalier de Faublas de Louvet de Couvray (publié de 1787 à 1790 !), qui a sa célébrité chez les amateurs du genre et de la période.


On imagine bien ce qu'il peut rester d'un roman foisonnant où le style et la profusion des événements créent l'intérêt, sans parler même de la première personne à convertir en personnage inconsistant...

Eh bien non, on n'imagine pas. Car le livret est l'un des plus ratés qu'il m'ait été donné de lire ou d'entendre. Une succession de poncifs : la belle captive trouvée par hasard, le sauveteur piégé à son tour, les échappatoires très peu convaincantes, l'humour forcé pour entrer dans le cadre du genre comique, le méchant gouverneur et son sbire, la cavalerie qui arrive à temps. Tout cela étant exploitable en théorie, mais ici présentés sans enjeu, avec une platitude extrême aussi bien concernant le drame que la langue. Seule surprise, l'absence de moralité édifiante à la fin de l'ouvrage, où tout le monde se contente d'exulter que le méchant termine toute sa vie en prison (!), d'une façon, il faut le dire, bien mesquine. Où diable sont passés les turcs généreux d'antan [1], c'est ceci qu'ont donc produit les Lumières ?

Tout simplement, le livret de Claude François Fillette-Loraux n'utilise qu'un épisode assez laconique mais très intense du roman-mémoires, le récit de Lovzinski (devenu Floretski à la scène).

— Pulauski, continua Lovzinski, voyant ses espérances détruites et les Russes maîtres de sa patrie, disparut de Varsovie pour réunir les Polonais (fidèles et tenta la fortune contre l'envahisseur. Mais outre que je souffrais de sa disparition à cause de l'affection que je lui portais à lui-même, ce qui augmentait mon désespoir, c'était l'enlèvement de celle que j'aimais et que je craignais de ne plus revoir. Mais combien ma douleur fut plus grande lorsque j'appris que Lodoïska était tombée entre les mains d'un misérable appelé Dourlinski. Cet homme, abusant de la confiance de Pulauski, qui avait remis sa fille entre ses mains, l'avait enfermée dans une tour obscure, mettant sa liberté au prix de son honneur. Je parvins à m'introduire, avec mon serviteur Boleslas, dans le château de ce Dourlinski qui me reconnut et me jeta dans un cachot, tandis qu'il ordonnait à Lodoïska de se préparer à lui appartenir.
« Cependant, des trois jours que Dourlinski avait laissés à Lodoïska pour se déterminer, deux déjà s'étaient écoulés; nous étions au milieu de la nuit qui précédait le troisième; je ne pouvais dormir, je me promenais dans ma chambre à grands pas. Tout à coup j'entends crier aux armes ; des hurlements affreux s'élèvent de toutes parts autour du château ; il se fait un grand mouvement dans l'intérieur ; la sentinelle posée devant nos fenêtres quitte son poste ; Boleslas et moi, nous distinguons la voix de Dourlinski ; il appelle, il encourage ses gens, nous entendons distinctement le cliquetis des armes, les plaintes des blessés, les gémissements des mourants. Le bruit, d'abord très grand, semble diminuer ; il recommence ensuite : il se prolonge, il redouble ; on crie victoire! Beaucoup de gens accourent et ferment les portes sur eux avec force. Tout à coup à ce vacarme affreux succède un silence effrayant : bientôt un bruissement sourd frappe nos oreilles ; l'air siffle avec violence ; la nuit devient moins sombre ; les arbres du jardin se colorent d'une teinte jaune et rougeâtre; nous volons à la fenêtre : les flammes dévoraient le château de Dourlinski ; elles gagnaient de tous côtés la chambre où nous étions, et pour comble d'horreur, des cris perçants partaient de la tour où je savais que Lodoïska était enfermée... »
Ici M. du Portail fut interrompu par le' marquis de B***, qui, n'ayant trouvé aucun laquais dans l'antichambre, entra sans avoir été annoncé.

Et on n'en découvre le bref épilogue que soixante-dix pages plus tard :

Ce récit avait été interrompu au moment où la tour, prison de Lodoïska, était en flammes ; par bonheur, des Tartares étaient arrivés, s'étaient emparés du château de Dourlinski et avaient délivré les deux amants.

Ce style alerte et fougueux se perd évidemment dans la plate adaptation qui rallonge à n'en plus finir une trame à laquelle il n'ajoute que des airs convenus et une scène d'empoisonnement totalement ratée.

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2. Livret et musique

Il est vrai que l'oeuvre de Cherubini perd énormément en équilibre à cause de la suppression complète des dialogues qu'il avait prévus entre les numéros musicaux, matérialisés par une à deux (!) phrases parlées (et sonorisées). On voit bien ce que cela entraîne comme déséquilibre esthétique.

Mais la musique se révèle en revanche un condensé de formules nerveuses très neuves qui préfigurent Beethoven de façon assez saisissante, avec en particulier le grand interlude guerrier qui passe de loin toutes les luttes et tempêtes du répertoire composées avant le Vaisseau Fantôme de Wagner ! Beaucoup de choses à en exploiter, qu'on ne remarque pas assez à cause de la platitude du propos qu'elles servent. Dix ans après Andromaque, c'est encore un saut qualitatif bien plus vertigineux, vers quelque chose de très moderne et de déjà romantique. La tragédie lyrique n'est plus, et une esthétique plus libre et plus mêlée est née - le sous-titre l'indique très justement : "comédie héroïque". Le sublime et le grotesque cohabitant dans les mêmes numéros, le goût des nuances dynamiques, les figures de paroxysme, les ensembles sans symétrie... le classicisme est clairement derrière nous.

Malgré quelques tunnels (l'ensemble du poison, d'un bon quart d'heure, est assez interminable, ni oppressant ni drôle avec ses trois sbires empesés), l'oeuvre trouve de grands moments notamment dans le final du premier acte, tout le deuxième acte (ses beaux airs et ses ensembles, sauf le quintette du poison), et la bataille du troisième.

On pense tout de même que l'oeuvre serait extrêmement percutante à la scène, grâce à sa musique. On pourrait en particulier en faire une version Regietheater facilement, et si la direction d'acteurs en est assez active, il y aurait réellement de quoi représenter quelque chose de trépidant en dépit du livret misérable.

En l'état, c'était à la fois fascinant et assez peu touchant, bien moins qu'un Grétry pas du tout novateur comme L'Amant Jaloux...

C'est en tout cas la plus belle oeuvre de Cherubini qu'il nous ait été donné d'entendre avec ses deux Requiem.

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3. Exécution musicale

Notes

[1] Cf. Les Indes Galantes de Rameau, Die Entführung aus dem Serail, et le modèle subverti L'Italiana in Algieri de Rossini pour les exemples les plus célèbres.

Suite de la notule.

vendredi 6 août 2010

L'Aveu - [Céphale & Procris de Grétry]


Céphale et Procris est l'autre bijou révélé par cette saison Grétry - considérablement moins révolutionnaire, mais d'un intérêt plus constant qu'Andromaque.

L'oeuvre regorge de jolis trait, si l'on ose dire. Les airs sont charmants, galants mais assez dramatiques, un peu italianisants mais d'une virtuosité seulement figurative, sans excès. Et les récitatifs sont de véritables joyaux, d'une grande vérité prosodique, mais pas sans charme mélodique. On y rencontre aussi, comme ici, de belles modulations, assez inhabituelles pour l'ère classique.

On s'arrête ici sur un moment particulièrement séduisant, celui d'un aveu encore plus raffiné qu'effronté.

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La situation en deux mots. Céphale, jeune chasseur, a épousé la nymphe Procris, autrefois suivante de Diane (et comme telle dévolue à la chasteté). L'Aurore s'est de son côté éprise de Céphale, qu'elle a seulement vu passer dans les bois - et dont elle ignore par conséquent le mariage. Elle se cache pour l'observer, puis feint de s'être égarée loin de ses compagnes les nymphes, et aborde Céphale.


L'Aurore : Bénédicte Tauran.
Céphale : Pierre-Yves Pruvot.
Les Agrémens dirigés par Guy van Waas.
Versailles, 21 novembre 2009.
Version admirable en tout point, ce qui arrange bien nos affaires, considérant l'état de la discographie Grétry...


Scène 3
L’Aurore, Céphale.

L’AURORE
Jeune chasseur, au fond des bois,
N’avez-vous pas vu mes compagnes ?

CÉPHALE
Non, depuis que l’Aurore a doré les montagnes,
Je chasse, et je n’entends ni le cor, ni la voix.
Mais, une nymphe si belle,
Dans les bois s’expose-t-elle,
Sans javelot, ni carquois ?

L’AURORE
Hélas ! si vous êtes sensible,
Mon malheur va vous affliger.

CÉPHALE
Parlez ; de l’adoucir que ne m’est-il possible !

L’AURORE
Un dieu qui me poursuit me fait tout négliger.

CÉPHALE
Un dieu ?

L’AURORE
Le plus puissant, et le seul invincible.

CÉPHALE
Jupiter ?

L’AURORE
Jupiter obéit à ses lois.

CÉPHALE
Ah ! C’est l’amour.

L’AURORE
Jugez du trouble où je me vois.


Et avec l'image :


Très joli moment, remarquablement distillé par le librettiste. Céphale évoque spontanément l'Aurore, non pas comme déesse, mais comme élément naturel, comme condition de sa chasse - mais le spectateur conçoit bien quelle simultanéité cela implique entre le divertissement de Céphale et son observation par la divinité amoureuse.
Celle-ci laisse les allusions parcourir son récit, notamment le polysémique si vous êtes sensible qui ouvre le discours sur ses malheurs - sur une brève mais bien belle modulation en mineur. Evidemment, le jeu de scène (très bien rendu ici) doit seconder la dernière réplique du récitatif, en adressant un regard profond à Céphale, mi-vainqueur, mi-apeuré : Jugez du trouble où je me vois.

On n'a pas vu souvent des aveux aussi délicatement amenés à l'Opéra, et plus encore lorsque l'abord est aussi volontaire que le fait l'Aurore. Cela renforce au passage le mérite de Céphale (qui vient pourtant d'entrer en scène) aux yeux du spectateur, de repousser une si délicieuse personne sur le principe de la fidélité aux serments. Ce n'est pas pour rien que le sous-titre de ce ballet héroïque (dont le livret de Marmontel était pourtant réputé mauvais !) porte la mention : ... ou l'amour conjugal.

On notera aussi qu'il n'est déjà pas extrêmement fréquent que les héros soient déjà mariés (cela existe cependant, témoin Fiesque de Lalo), mais qu'il est vraiment fort rare qu'on représente sur scène des aveux aussi charmants, de la part d'un opposant. Souvent, il est question de quiproquo, de relation de force (dès le refus, tout n'est que tempête et menace), quand ce n'est pas tout de bon de ridicule. Rien de tout cela ici, où tout n'est que grâce.

De quoi confirmer la légende liégeoise qui laisse traîner sur certaines inscriptions, paraît-il (rien qui n'ait résisté à nos vérifications en tout cas) : Grétry, le plus grand compositeur du XVIIIe siècle.

Suite de la notule.

samedi 21 novembre 2009

Céphale et Procris de Grétry à l'Opéra Royal de Versailles - carnetage sur le vif

Pour la réouverture de l'Opéra Royal de Versailles, ce ballet de Grétry est recréé, et diffusé en direct sur Arte Liveweb. Nous commentons en simultané.

http://liveweb.arte.tv/fr/video/Cephale_et_Procris_-_Grandes_journees_Gretry/

20h55 - Il s'agit comme prévu d'un ballet très vocal. La musique en est allante et très touchante. Plus qu'à Grétry, on pense au Déserteur de Monsigny (en mieux), à Méhul et surtout à La Mort d'Abel de Kreutzer, bref au meilleur de cette époque. On ne trouve pas l'originalité d'Andromaque, mais un charme très sûr qui dépasse le Grétry des opéras-comiques de quelques dizaines de têtes.

21h01 - Bénédicte Tauran (l'Aurore) et Pierre-Yves Pruvot (Céphale) sont comme prévu idéaux (diction parfaite, mordant des phrases, goût, beauté de timbre...). Les Agrémens admirables comme d'habitude, mais cette période dans cette nation est leur spécialité.

21h06 - Autant le visionnage du Guillaume Tell de Grétry s'est avéré franchement peu passionnant,

Suite de la notule.

lundi 2 novembre 2009

Andromaque de... Grétry - (Niquet, TCE 2009) - IV - La musique : une oeuvre de la quatrième école


Et musicalement ? On en viendra en dernier lieu à l'exécution de haute volée, avec sans doute un petit manque d'abandon de la part des chanteurs, mieux vaut aborder la qualité musicale de l'oeuvre elle-même, c'est le plus urgent.


Pour accompagner votre lecture, un extrait saisissant du Thésée de François-Joseph Gossec, dont il sera question en fin de notule. Duo de manipulation entre Médée et Egée.
Capté à Versailles par France Musique[s] le 29 novembre 2006.
On entend le merveilleux grain vocal et verbal de Hjördis Thébault (à qui je dois des excuses) et l'enthousiasme toujours communicatif de Pierre-Yves Pruvot, qui a beaucoup fait pour ce répertoire. Accompagnement exemplaire du Parlement de Musique dirigé comme il se doit par Martin Gester.


4. La musique
4.1. La quatrième école

On renvoie, pour cette question de genre, les lecteurs à nos présentations sur les écoles de tragédie lyrique, et en particulier à cette notule consacrée à la quatrième école, qui n'appartient plus à la sphère du baroque musical.

Pour résumer tout de même la situation :

  • La tragédie lyrique naît du désir du roi (Louis XIV) de posséder son propre théâtre à machines, et son propre opéra, en français. D'où procèdent les contraintes du genre, en opposition avec la tragédie classique (divertissements dansés, changements de décor, parfois à vue, omniprésence du surnaturel).
  • La première école est celle qu'on peut attacher à Lully, très proche du texte, solennelle dans son maintien.
  • La deuxième est celle de l'épanouissement : toujours très proche de la prosodie, mais avec plus de fluidité, plus d'airs, plus de coquetteries, plus de contrepoint. Plus de variété musicale aussi, et plus de spectaculaire.
  • La troisième, attachée à Rameau, s'éloigne de la primauté du texte pour favoriser la musique, et particulière les effets spectaculaires. C'est le triomphe aussi bien des orages spectaculaires que des mignardises galantes. Les livrets s'affadissent considérablement.
  • La quatrième école est à concevoir en rupture avec la précédente : sous l'impulsion de Gluck en particulier, la tragédie lyrique s'épure, mais à l'extrême : non seulement on revient à une harmonie et des rythmes très simples, mais en plus en reserre l'action, on écarte autant que possible les dieux, on diminue les ballets. On se recentre sur le texte (pas toujours excellent pour autant), et surtout sur les sentiments des personnages, beaucoup plus subjectifs que grandioses.


Il convient de rappeler ici que cette classification n'a rien d'officiel, et qu'elle se prête mal aux genres vocaux et instrumentaux non scéniques (musique religieuse, musique de salon) des XVIIe et XVIIIe siècles français. Elle est juste une proposition de repères que je fais sur Carnets sur sol, et qui me paraît relativement opérante.
Sans être formulée de façon aussi systématisée à ma connaissance, on la retrouve tout de même, dans l'esprit, dans les travaux savants.

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4.2. Appartenance, parentés et personnalité

Sans discussion possible, Andromaque appartient à cette quatrième école. Son langage épuré est tout classique. Ses harmonies ne sont plus baroques, elles sont déjà le fondement du langage "naturel" qui est culturellement le nôtre (la grammaire de Haydn et Mozart, en somme : qui va se romantiser progressivement via Beethoven).
C'est ce qui explique que cette musique nous paraisse à la fois si proche et si nue : elle est un peu le point de départ d'un certain "naturel harmonique", pour les auditeurs du début du XXIe siècle.

Suite de la notule.

dimanche 28 décembre 2008

Lesueur - PAUL & VIRGINIE - Niquet... et autres opéras


Gravure tirée de l'édition de 1806 du roman de Bernardin de Saint-Pierre, soit douze années après la création du drame lyrique en trois actes de Lesueur (au Théâtre Feydeau, sur un livret adapté par Alphonse de Congé Dubreuil).


L'auteur (1760-1837) de la Marche du Sacre de Napoléon Ier est d'abord un compositeur du théâtre lyrique, à l'origine aussi bien de choses très fraîches que du grand genre. Peut-être une transition entre la tragédie lyrique et le grand opéra romantique à la française - la continuité véritable entre les deux genres est une hypothèse que nous formulions déjà, par le biais des formats vocaux, et qui se trouve ainsi complétée.

Notes tirées de DSS et largement prolongées.

Suite de la notule.

jeudi 20 novembre 2008

Johann Christian BACH, Amadis de Gaule - au delà de la troisième école

Car l'Amadis de Bach s'inscrit dans la grande réforme du genre, après ce que nous avons désigné comme les trois écoles de la tragédie en musique.

En changeant le style exubérant, figuratif et volontiers vocalisant de Rameau en une déclamation sobre et pathétique, Gluck et ses contemporains ont en quelque sorte pratiqué un retour aux sources. Le classicisme s'est emparé de la tragédie lyrique (dont la durée se réduit par ailleurs sensiblement).


Eugène Delacroix, Amadis délivre la Princesse Olga du château de Galpan
Huile sur toile, 1860
Conservé aux Musée des Beaux-Arts de Virginie.

L'oeuvre est tirée du livret de Quinault, mais refondue en trois actes par Vismes de Saint-Alphonse, qui agence les très belles actions de Quinault de façon compacte, en les faisant se succéder avec urgence. (En lieu et place de cette délectation parcimonieuse bordée de contextes et de divertissements.)

De ce fait, il est amusant de se surprendre à retrouver la trame du Zoroastre de Rameau dans ce couple malveillant bancal, où le sexe faible montre la force d'une inclination dans toute sa gloire - lorsque le Cahusac de Zoroastre tient beaucoup du Quinault d'Amadis...


Siegfried rencontre Wotan ?
Une très belle version inédite de l'Orchestre de Chambre de la Radio Néerlandaise en 1983, très engagée orchestralement ; certes pas baroqueuse (un clavecin reste tout de même très présent), mais sans la moindre pesanteur. Dirigée par Kenneth McGommery, avec Martyn Hill. Ce formidable Arcalaüs n'est autre que Bruno Laplante, héritier de la grande tradition française (étudiant auprès de Raul Jobin et de Pierre Bernac), dont la notoriété est très inférieure au pouvoir tellurique de sa diction de feu, avec de plus une voix extraordinairement saine, claire comme une française, mordante comme une italienne.
Par ailleurs, Arcabonne est tenue ce soir-là par Felicity Palmer, Armide de Gluck absolument mémorable, à la présence toujours électrique et aux couleurs mauves inquiétantes.


Les fusées orchestrales de l'opéra seria après Jommelli (avec notamment l'usage très généreux des bois, dont les figures déjà autonomes colorent largement le discours musical) se mêlent à la simplicité de la déclamation puissante et hiératique des compositeurs classiques.

Toute l'oeuvre alterne entre récitatifs lyriques et intenses comme des ariosos... et des airs déclamés comme des ariosos, ce qui conserve l'admirable fondu de la tragédie lyrique, avec de surcroît des récitatifs à faire honte aux meilleurs serias de l'époque (et même aux formules liantes bien plus stéréotypées de Gluck). Johann Christian Bach, également auteur d'excellents opere serie (Christophe Rousset en a remonté un récemment, le Temistocle, mais les autres sont sensiblement du même tonneau), semble en réalité opérer une fusion entre les acquis de la tragédie lyrique de Rameau (d'un flux continu, volubile, figuratif), du meilleur seria de son temps (l'orchestre volubile et virtuose), et du retour à la déclamation brute de Gluck. La vocalisation exatique qui, elle, demeure, est d'un style purement mozartien, et il n'est pas besoin de rappeler les liens entre les deux hommes à Londres.


L'aveu de Felicity Palmer (qui ouvre l'oeuvre dans la version compactée de Vismes de Saint-Alphonse), sur les ailes orchestrales de l'Amour.


Un bijou, qui de même que les Danaïdes de Salieri, permet de réviser très sérieusement la suprématie absolue de Gluck dans les Histoires de la Musique et les programmations des salles. Suprématie déjà relativisée par la qualité au moins égale d'oeuvres comme l'Iphigénie en Tauride de Piccinni (qui souffre fort bien la comparaison à celle de son rival) ou l'Oedipe à Colone de Sacchini (peut-être moins intense musicalement, mais d'un format tout à fait original, sur une trame peu commode à l'opéra).
Bijou qui contrairement au faible rifacimento de Gluck sur Armide, paie explicitement son tribut musical en reprenant textuellement la musique de la déploration sur Amadis (là où Gluck ne parvient pas à se dépêtrer des tournures trop mémorisées de l'aîné, en en affaiblissant de plus les idées).

Cet Amadis a aussi

Suite de la notule.

David Le Marrec

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