Ludovic TEZIER - sa carrière, son dernier récital - Schumann, Fauré, Duparc, Ravel
Par DavidLeMarrec, samedi 11 mars 2006 à :: Portraits - Disques et représentations :: #168 :: rss
Quelques indications sur Ludovic Tézier à l'occasion de son récital demain à Bordeaux. [Edit : Egalement publié sur Vocalises.net.]
Ludovic Tézier est un jeune interprète, qui a fait ses débuts à Toulouse (on a beaucoup parlé de lui pour pour Hamlet et Tannhäuser, en 2000). Il s’est déjà rendu à Bordeaux pour chanter Germont aux côtés de Mireille de Delunsch, en 2000. Une incarnation d’une tenue mémorable, avec un timbre d’une richesse somptueuse. A Paris, on l’a également entendu en Wolfram, et en Marcello de La Bohème. A Orange, c’était en Escamillo. Il se rend régulièrement à Toulouse pour y chanter tous types de rôles (Don Giovanni, Rodrigo de Don Carlo, ces derniers temps).
C’est un baryton lyrique à la voix dense, parfaitement homogène, à la technique irréprochable, à la diction des plus soignées. On lui reproche tout au plus un très grand sérieux, et une mobilité limité en scène. Bref, c’est là un très grand, d’ores et déjà.
Déjà pas mal de disques, mais on notera tout de même le splendide Henri de Lamermoor dans la version française de Lucia. Une leçon de chant, de tenue vocale, de port altier, d’intensité. Ou son Chorèbe du Châtelet dans Les Troyens.
Il est essentiellement spécialisé le XIXe : opéra français (Les Troyens, Carmen), y compris des oeuvres rares (Hamlet, Ivan IV), grandes oeuvres italiennes du belcantisme au vérisme (Lucie, Traviata, Don Carlo, La Bohème), Tannhäuser seulement pour l’allemand (à ma connaissance, ayant repoussé sa prise de rôle en Mandryka d’Arabella), l’opéra russe (Eugène Onéguine, Yeletski dans La Dame de pique), y compris des oeuvres rares (La Fiancée du Tsar). Dans tous ces rôles, il fait valoir une diction irréprochable et une parfaite intelligence de la langue.
Peu de récitals pour l’instant.
Ce récital bordelais est le fruit d’une tournée commencée avec le même programme et le même accompagnateur en novembre à Toulouse. Critiques positives, mais comme gênées. Je l’ai entendu à la radio (la soirée parisienne au Châtelet), alors rapidement quelques impressions.
Je comprends la gêne ressentie à l’écoute des poèmes du Dichterliebe (Schumann). C’est plus superbement timbré qu’on ne pourrait le rêver, le soin apporté à l’allemand, la clarté de la diction sont extrêmes, mais ce n’est pas très efficace expressivement parlant. Les quelques effets qu’il s’autorise, en outre, sont assez opératiques, comme s’il n’avait pas les réflexes stylistiques de ce répertoire. Je ne l’attendais pas là, à vrai dire ; c’est remarquablement fait, mais peut-être pas très touchant, alors même que je suis toujours très convaincu lorsqu’il chante sur scène – et que je trouve les griefs d’inexpressivité inappropriés. Le pianiste Robert Gonella, quant à lui, est d’une grande clarté dans ce cycle, cela 'chante' très bien, ce qui fait plaisir à entendre.
J’ai cependant noté une progression vers plus d’intensité au cours du déroulement du cycle –ce qui dément ses propos en interview sur son son effort de self-control, en tout cas pour un tel récital. Dans les lieder lents, on retrouve parfois une magnifique ligne qui me ferait assez penser à une mort de Posa, pas très dans l'esprit, donc, mais admirablement réalisé, si bien que cela fonctionne.
Au total, j'ai plutôt marché. A part pour le postlude où le pianiste accentue tous les temps...
Quant à la partie française ? Pour Fauré et Duparc, le caractère très opératique de la voix, avec une couverture extrême des sons, fait un peu écran à l’émotion contenue dans ces pages, à mon sens. C’est un problème récurrent au récital avec les voix trop homogènes, très opératiques. Cela dit, avec un tel talent et un brin d’habitude en plus au récital, il peut faire de grandes choses.
Pour Ravel, c’est très bien, mais diable ! Que c’est 'sérilleux' !
Bref, vu la qualité de tout ça, inutile de confier qu’il est hors de question pour moi de me priver d’entendre Ludovic Tézier ce dimanche. Même si on pourra espérer un peu plus d’abandon pour les récitals à venir – couvrir un peu moins, varier un peu plus les couleurs, chant un peu plus souple. Un tout grand, même hors de son répertoire naturel, et surtout avec une telle qualité linguistique, mérite de toute façon qu’on courre le voir, dans n’importe quel choix de pièces !
Commentaires
1. Le samedi 11 mars 2006 à , par Inactuel :: site
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