Atys de LULLY par Christie / Villégier à l'Opéra-Comique : 1987-2011
Par DavidLeMarrec, dimanche 15 mai 2011 à :: Baroque français et tragédie lyrique - Saison 2010-2011 :: #1721 :: rss
Présentation de l'oeuvre, et détail des représentations.
Au programme : fortune historique, spécificités du livret, caractères de la musique, production de 1987, représentations de 2011.

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1. L'objet
Il aurait été plus judicieux, pour avoir abondamment écouté les diverses versions d'Atys (Christie studio, Christie vidéo, Reyne), vu de nombreuses fois la mise en scène de Villégier, et joué régulièrement la partition (en réalisant la basse chiffrée ou en utilisant des éditions romantiques moches mais prêtes à emploi), de produire un commentaire avant la première série de l'Opéra-Comique...
C'est pourquoi je m'empresse de toucher un mot sur ce qui était annoncé comme un événément considérable, qui était assuré (ce n'est pas si souvent !) d'être un événenement considérable, et qui le fut lors des pré-première et première des 12 et 13 mai où s'était pressée la joyeuse cohorte des lutins facétieux qui peuplent CSS.
J'ai eu peu souvent l'occasion d'entendre des spectacles qui mêlent à ce degré le visuel et le musical à leur plus haut niveau. La dernière fois, c'était justement avec LULLY et Christie, pour l'Armide mise en scène par Carsen. Cette saison, Cendrillon de Massenet par Minkowski / Lazar constituait, dans un tout autre genre, une réussite assez considérable. Il y a d'une façon générale, chez les ensembles baroqueux francophones qui se sont développés ces trente dernières années, une tradition de l'excellence aussi bien dans sa finition (et sa nouveauté sans cesse renouvelée) musicale que dans son rapport à la scène, régulièrement de premier intérêt.
[Je dis francophones, parce que la situation n'est pas comparable chez les ensembles spécialistes du seria, où la disjonction entre l'auditif - plus très nouveau - et le visuel - souvent très "déconstructiviste" - peut atteindre des sommets, en particulier sur les scènes germaniques...]
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2. L'oeuvre sur CSS
Elle n'avait été abordée qu'à la marge sur CSS :
- dans la présentation générale de la tragédie lyrique à l'usage des non-initiés,
- dans un bref éloge en musique de l'inspiration des continuistes de la version originale de Christe,
- enfin dans les deux premières notules consacrées à Philomèle de Pierre-Charles Roy (musique de Louis de La Coste), dont le Prologue en particulier reprend très clairement le modèle d'Atys.
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3. La fortune historique d'Atys
Atys fut dès sa création en 1676 (comme à l'habitude durant l'hiver) un succès considérable, malgré quelques imperfections dans la réalisation du ballet, que Louis XIV demanda à Lully de rectifier. L'oeuvre fait pourtant suite à Thésée, un triomphe hors du commun : l'opéra français le plus repris jusqu'à la fin de la tragédie lyrique (du moins pour son versant baroque, je n'ai pas vérifié pour les classiques de la "quatrième école"). Mais Atys est justement le deuxième de la liste des tragédies les plus reprises. Et dès l'année de la création d'Atys, des extraits de ces deux tragédies commencent à être jouées à Europe, notamment à Londres, témoignant du rayonnement du succès de ces nouveaux titres.
On présente cette tragédie, dans les commentaires habituels, comme "l'opéra du roi". Ce n'était pas nécessairement le préféré de Louis XIV, pourtant, mais plusieurs éléments historiques lui réservent une place particulière. D'abord, à partir de 1677, le roi réclame plusieurs reprises, notamment à Fontainebleau (plusieurs fois) et Saint-Germain-en-Laye. Ensuite, de façon plus anecdotique, on aime à cité ce quatrain d'Atys qu'il arrangea (en changeant simplement trois mots) et chanta pour justifier en badinant son report d'une réunion du conseil au profit de la chasse (en 1685, soit bien après que le roi se fût détourné des représentations de tragédies en musique) :
Le Conseil à ses yeux a beau se présenter,
Sitôt qu'il voit sa chienne il quitte tout pour elle.
Rien ne peut l'arrêter,
Quand le beau temps l'appelle.
Cela ne prouve absolument rien, mais c'est l'un des rares cas où l'on dispose des propos et du programme exact de ce que pouvait siffloter Louis XIV sous la douche.
Atys est aussi la tragédie en musique la plus parodiée (sept fois !) dans les Théâtres de Foire (Saint-Germain en l'occurrence) et dans les locaux des Italiens, après les reprises de l'oeuvre :
- Arlequin Atys (1710) de Pierre-François Biancolelli (dit "Dominique", sans patronyme)
- Arlequin Atys (1726) de Ponteau ;
- Arlequin Atys (1726) de Piron ;
- La Grand-mère amoureuse (1726) de Fuzelier et d'Orneval ;
- Polichinelle Atys ou Atys travesti (1736) de Carolet ;
- Cybèle amoureuse (1738) de Sticotti ;
- Atys (1738), de Riccoboni fils et Romagnesi.
L'oeuvre, avec la fin de la tragédie lyrique, disparaît des scènes, et il semble que sa première représentation, au moins en ce qui concerne le vingtième siècle, soit la production Christie-Villégier de 1986-1987.
Il existe néanmoins une réduction piano-chant (très moche, avec des octaves partout à la main gauche, à la façon des arie antiche apocryphes) de l'oeuvre entière, qui atteste donc que l'oeuvre était donnée quelquefois (dans quel cadre ?) à la fin du XIXe ou au tournant du XXe siècle - où l'on a effectivement rejoué de façon éphémère plusieurs titres emblématiques du baroque français.
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4. Le livret de Quinault
Dans le corpus de Lully, Atys est l'une des rares tragédies qui se termine mal, voire la seule. Toutes en effet connaissent une fin heureuse (plus ou moins artificiellement), sauf Phaëton, Roland et Armide. Dans Roland, la défaite du héros n'est cependant pas mortelle et voit le triomphe de deux amants constants ; dans Phaëton et Armide, le héros constitue en réalité un personnage négatif, pour lequel on éprouve (Armide) ou non (Phaëton) de le compassion.
Cette catégorisation se retrouve, plus détaillée, dans la notule introductive à la Philomèle de La Coste / Roy.
Atys occupe donc, alors qu'il ne s'agit que du quatrième opéra de Lully (et que la forme-type n'est pas encore tout à fait fixée), une place tout à fait particulière dans sa production.
Seul Achille et Polyxène, dont Lully n'a achevé que le Prologue et le premier acte (le reste étant dû à son disciple Collasse), comporte un dénouement aussi désespéré qu'Atys (et sans divertissement final, sans métamorphose, simplement l'anéantissement de la mort).
On peut trouver de nombreux synopsis en ligne, le livret sur Gallica, la partition sur IMSLP... aussi, je ne vais pas m'étendre sur la structure de l'intrigue. Je voudrais simplement insister sur la beauté du Prologue, de loin de le plus réussi de toute la collaboration Lully / Quinault, qui opère une fusion très intéressante entre le héros du drame (Atys) et le héros de l'Histoire (le commanditaire Louis XIV).
Malgré l'emphase du propos (tous les héros oubliés par la gloire d'un seul, Flore qui se hâte de produire ses dons avant la fin de la trêve militaire hivernale...), la mignardise des danses des Heures autour du temps, le ton solennel et tendre à la fois donnent un réel prix à l'ensemble. Surtout, le va-et-vient permanent entre l'annonce de la narration de l'histoire d'Atys (explicitement pour la Cour) et la figure du roi qui se lit très aisément dans les éloges, crée une forme de distorsion assez poétique entre fiction et réalité, sans qu'il soit possible de mesurer exactement l'endroit où s'arrête l'éloge et où commence la distanciation d'avec la fiction.
On est très, très
L'histoire elle-même dépeint l'amour qui triomphe (thèmes banal) de toutes les déterminations et de toute les considérations morales, en exaltant jusqu'à la trahison. Et c'est cette "sortie de route" dans l'éloge habituel de la puissance de l'amour qui crée toute la tension de l'oeuvre : les héros sont réellement coupables, mais aussi attachants dans leur ingénuité, et leur juste châtiment ne peut qu'affliger le spectateur.
Et malgré son triomphe de toutes les causes, l'amour mène à la mort la plus tragique (l'amante tuée par l'amant égaré, et l'amant se suicidant). Atys ne se frappe pas sur scène, mais meurt sur scène (ce qui contraste grandement avec les usages de la tragédie parlée). Le cadavre de Sangaride est également apporté sur le devant du théâtre.
Par ailleurs, l'amour haineux de Cybèle est lui aussi profondément dérangeant, puisqu'il exige un retour de la part de l'objet aimé, par force.
Une oeuvre extrêmement sombre, donc, de façon très inhabituelle pour le drame lullyste. On peut remarquer aussi que contrairement aux trois premiers opéras écrits par Quinault, on ne dispose pas valets-confidents comiques, mais d'amis-confidents tout à fait graves. Les moments d'humour se trouvent encore, furtivement, mais dans les querelles d'amants (Célénus et Sangaride, Sangaride et Atys) sur des matières qui ne sont pas si drôles et peuvent tout aussi bien être lues comme tragiques...
Louis XIV n'adorait pas, au demeurant, le mélange des genres, et à partir de Bellérophon (septième opéra de Lully), les scènes "de caractère" disparaissent tout à fait. Quinault de retour de disgrâce ne rétablira pas l'ancienne manière. Cela peut expliquer, également, son inclination pour Atys.
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5. La musique de Lully
La musique de Lully aussi se révèle inhabituelle dans cet ouvrage. Certes, il est écrit dans le style austère de ses premiers ouvrages, avec beaucoup de récitatifs et peu de moments où tout l'orchestre est mobilisé. Mais son atmosphère nocturne est assez unique dans l'histoire de la tragédie lyrique, du moins avant 1705 où commencent à éclore des tragédies musicalement assez lugubres (Tancrède et Hippodamie de Campra, et, plus nocturne que lugubre, Callirhoé de Destouches...), phénomène par ailleurs épuisé au bout de dix ans.
Au passage, certaines oeuvres très sombres dans leurs livrets comme Médée de Charpentier, Didon de Desmarest, Scylla et Glaucus de Leclair, toute une partie d'Idoménée de Campra, et paraît-il Philomèle de la Coste (confirmation ou infirmation à venir prochainement)... disposent d'une musique au besoin véhémente, mais dans l'ensemble très lumineuse et dansante.
Musicalement, la sobriété est pourtant de mise, on n'y trouvera pas de modulations formidables ni de carrures rythmiques originales - le fossé avec Armide, dont j'avais pu vanter les fulgurances écrites, est à ce titre tout à fait considérable.
Il n'empêche que l'oeuvre fonctionne avec beaucoup d'intensité dans ses nudités, et de façon homogène, loin du côté bigarré qu'on trouvait dans Cadmus et Hermione ou Alceste. Les danses s'y intègrent sans ostentation, avec une écriture plus douce que vive : la prégnance mélodique et l'impact des rebonds dansants sont très loin de ce qu'on trouve d'habitude dans ce répertoire.
Et l'on y rencontre tout de même certaines inspirations foudroyantes qu'on peinerait à retrouver où que ce soit dans le répertoire français de toute l'ère baroque.
Par exemple le duo "Quand le péril est agréable - Non, vous ne me connaissez pas", une chaconne à peine esquissée, systématiquement reprise par toutes les parodies, où le charme mélodique assez délicatement agreste se mêle à une poussée de la danse sous-jacente qui rend l'ensemble irrésistible.
Et puis, bien sûr, le choeur en coulisse de l'acte V : "Atys, Atys lui-même / Fait périr ce qu'il aime". Non seulement il révèle et résume à lui seul tout le tragique de la situation, mais de surcroît son écriture harmonique est tout à fait saisissante. Pour l'entendre plus nettement qu'avec choeurs, je l'ai enregistrée au piano :
L'ineffable de ce seul moment rend Atys véritablement unique dans la production lyrique française, et justifie (ou du moins explique) pour partie le mythe qui l'entoure.
Tout, ici, est conçu pour le drame, et lorsqu'on entend que William Christie ne serait pas très intéressé par Bach, on voit bien ce qui sépare les deux approches, Lully en collaboration absolue avec le verbe, Bach en exaltation de la substance musicale pure.
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6. La production de 1986 et 1987
Cette production, à l'occasion du tricentenaire de la mort du compositeur, est entrée dans la légénde, non sans raison. A plusieurs titres.
=> Il s'agissait de la première représentation scénique d'un opéra de Lully, au moins depuis le mouvement baroqueux. La seule autre tragédie en musique remontée était alors, en 1983, Armide par Philippe Herreweghe (mais donnée en version de concert).
=> Les Arts Florissants jouaient là leur va-tout : en cas d'échec, la faillite était assurée à ce jeune ensemble. On imagine, si jamais le projet n'avait pu voir le jour, la génération de musiciens perdue (Stephen Stubbs, Marc Minkowski, Christophe Rousset, Hugo Reyne, Hervé Niquet, Renaud Machart, tous participant à la production !) et la quantité de répertoire qui n'aurait pu être défriché. Sans compter l'effet de contamination sur les autres formations naissantes qui n'auraient pas osé se lancer dans le créneau.
Le triomphe d'Atys leur a assuré la réputation de primus inter pares qui leur est aujourd'hui encore assignée - y compris parmi nombre de musiciens baroques qui fréquentent diverses formations.
=> La qualité même de la production était extraordinaire. Le studio qui a précédé les représentations, assez figé et un peu mou, rend mal compte de l'électricité que l'on peut vérifier sur la vidéodiffusion de la télévision française.

Création mondiale au Teatro Metastasio de Prato en décembre 1986. Puis, dès janvier 1987, la grande tournée commence : Opéra-Comique à Paris, Théâtre de Caen, Opéra de Montpellier, Opéra Royal de Versailles, une tournée du Brésil, et l'atterrissage au festival d'Innsbruck.
Deux séries de reprises s'ensuivirent :
- En 1989 Ã Favart, Montpellier, la Brooklyn Academy of Music de New York.
- En 1992 à Favart, Montpellier, Caen, New York, et au Teatro de la Zarzuela à Madrid.
Ronald P. Stanton, mécène considérable pour l'éducation et la médecine aux Etats-Unis, mais aussi de la Brooklyn Academy, avait vu le spectacle à Versailles en 1987. Pensant son heure prochaine, il voulait revoir le spectacle et a donc motivé William Christie pour reprendre le harnais. Grâce à ce mécène et à une vaste coproduction, le spectacle qui vient de démarrer à l'Opéra-Comique se promènera à Caen, Bordeaux (dans un cadre idéal pour cette musique !), Versailles et New York !
Les décors de Carlo Tommasi, les Costumes de Patrice Cauchetier ont été, je suppose, reconstruits (par eux-mêmes), la chorégraphie de Francine Lancelot, décédée depuis, a été rebâtie par Béatrice Massin. Les chanteurs, à l'exception de Bernard Délétré (depuis un peu abîmé par le temps) et Nicolas Rivenq (qui doit se remettre dans les habits de basse qu'il a depuis longtemps quittés), sont tous neufs. La mise en scène de Jean-Marie Villégier a été remise en place par son ancien assitant sur la production Christophe Galland (mais le programme de salle signale la pleine collaboration de Villégier, y a-t-il eu changement des prévisions ?). Et l'orchestre aussi a grandement changé ses effectifs - beaucoup étant tout simplement partis pour fonder leur propre ensemble !
Voilà qui va mettre toute la pagaille nécessaire dans la gestion des droits pour que le DVD, de même que pour la production originale et que, pendant un certain temps, l'Armide de Christie / Carsen, qui a bien failli ne paraître jamais... Si peu que les artistes soient un peu gourmands et influents, la négociation des droits pour une oeuvre audio-visuelle représente un calvaire assez intense...
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7. Soirées de 2011 : la mise en scène
La mise en scène de Villégier paraissait déjà remarquablement intense en vidéo. Elles se confirment vues en salle, et s'amplifient : parce que la vidéo fragmente la scène, fait perdre le mouvement d'ensemble, comme souvent chez les réalisateurs qui captent les spectacles d'opéra, en privilégiant les gros plans ; mais aussi parce que les chanteurs-acteurs sont encore (bien) meilleurs ici !
Sans prétendre en épuiser les enjeux le moins du monde, je voudrais en esquisser quelques lignes de force.
a) Emplacement esthétique
D'abord les choix de principe. La mise en scène de Villégier fait certes le choix d'une certaine authenticité, avec des costumes "d'époque", une gestuelle souvent inspirée de la gestuelle baroque, des décors Grand Siècle. Pourtant, elle ne s'y limite pas du tout, ménageant aussi de la distanciation.
L'exemple le plus frappant en est le Prologue, où le Surintendant apparaît mettant en scène son propre spectacle :
- il y a bel et bien distanciation, puisque les accessoires, les solistes, les choeurs, les danseurs sont présentés comme accessoires, solistes, choeurs, danseurs... et non comme personnages fictifs (même si, de fait, ces chanteurs et danseurs qu'on nous montre sont fictifs) ;
- la représentation, malgré quelques clins d'oeil (battue de mesure par le pseudo-Lully avec la faux du Temps...), évoque les circonstances des premières représentations, ce qui nous pousse du côté de l'authenticité ;
- enfin plusieurs éléments échappent tout à fait à ces deux paradigmes, comme par exemple l'utilisation des Arlequins tapageurs en guise de zéphyrs, évocation des relations complexes et fécondes entre les différents types de théâtres lyriques italiens et les différents types de théâtres lyriques français. Ce n'est pourtant ni en rapport avec la littéralité du livret, ni même un commentaire de l'oeuvre au second degré - mais bien une évocation ajoutée par le metteur en scène à l'esthétique et la poésie générale de son spectacle.
Ces trois positions sont remarquablement conciliées tout au long du spectacle, et si les aspects authentiques ne se substituent jamais à l'intérêt direct de la représentation d'aujourd'hui, la distanciation non plus ne déconstruit pas l'adhésion directe du spectateur à l'esthétique XVIIe.
Quelque chose d'assez ambivalent, finalement, mais qui est ressenti comme homogène par le spectateur.
b) Aspect de la production
Ambiguïté entre deux genres, tragédie lyrique et tragédie classique, le décor reste unique pendant les cinq actes (seule la disposition du mobilier change, et de façon très évidente à l'acte V), comme dans une tragédie classique.
[Rappelons qu'en principe, dans une tragédie lyrique, genre issu du théâtre à machines où la norme n'est pas le vraisemblable mais le merveilleux, le décor change à chaque acte.]
Cependant, cette antichambre noir et argent, grâce à un système ingénieux de perspective, se charge de significations très diverses. En effet, les portes pratiquées dans les vastes murs ornés laissent voir, au fond, tantôt d'autres portes évoquant l'atmosphère de palais, où tel personnage pourra passer ostentiblement pendant que l'action se déroule sur le plateau proprement dit, tantôt des images plus merveilleuses ou symboliques, comme les nuées lors de la grande scène du Sommeil. Par ailleurs, l'aspect monumental et presque hostile est renforcé par une déformation des proportions qui accentue adroitement les perspectives.
Le Prologue, lui, est à la fois plus lumineux et plus étouffant : une grande toile (qu'on ne devine que lorsqu'elle s'affale brutalement lors de la reprise de l'Ouverture qui annonce le premier acte) figure le décor champêtre d'un théâtre galant... mais sans aucune issue vers la coulisse. L'effet produit en salle (et totalement imperceptible en vidéo) est quasiment suffocant.
Côté costumes, la présence d'étoffes chargées en motifs raffinés, mais toujours dans les tons sable (au sens héraldique) et argent, produit l'effet étonnant (ici encore peu perceptible en retransmission) de gravures mouvantes et vivantes.
c) Direction d'acteurs
Enfin, le plus important, la direction d'acteurs. Bien plus lisible et riche du fait de la présence entière de la scène et non de gros plans, magnifiée aussi par les nouveaux chanteurs bien plus souples sur scène que Guillemette Laurens et Howard Crook (pourtant loin d'être maladroits), on pouvait la goûter dans toute sa force.
En réalité, Villégier développe une esthétique du pas, pas exactement de façon chorégraphique, mais ses interprètes sont sans cesse en mouvement, et des mouvements qui trahissent leurs émotions. Le nombre de fois qu'ils traversent toute la scène, dans des directions, des vitesses et des attitudes diverses, est assez impressionnant, dès qu'on y prête garde.
S'alliant avec certains aspects de la gestuelle théâtrale Grand Siècle (sans en faire non plus le fondement de son langage scénique, très actuel), un vrai naturel s'impose, pour développer un propos étroitement lié à l'oeuvre (on est rarement dans le second degré très profond). On trouvera bien quelques choix (comme l'accentuation de scènes potentiellement comiques avec le dépit amoureux du roi, la querelle des amants, la gouaille du fleuve Sangar), mais rien qui excède réellement la lettre du texte. Quand ce choix aboutit à une exaltation aussi intense de l'original, on ne peut vraiment pas regretter le second degré.
Par ailleurs, on l'a vu précédemment, le dispositif scénique mêle lui-même plusieurs attitudes, si bien qu'on reste loin de l'univocité.
d) Intentions
Je me suis défendu de lire le commentaire de Jean-Marie Villégier avant la rédaction de cette partie de la notule. Une fois de plus, ses explications sont d'une finesse rare, et témoignent d'une intelligence profonde du genre.
Et je suis assez impressionné d'y retrouver la plupart des impressions que je viens d'évoquer... cela signifie qu'il a réussi à communiquer la complexité de son point de vue par la seule force de la scène. C'est assez confondant.
Je recommande donc la lecture de cet excellent texte, qui excède de très loin la note d'intention.
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A venir rapidement :
8. Soirées de 2011 : exécution musicale
Distribution
Direction musicale, William Christie
Mise en scène, Jean-Marie Villégier
Metteur en scène associé, Christophe Galland
Décors, Carlo Tommasi
Costumes, Patrice Cauchetier
Chorégraphie, Francine Lancelot (+) et Béatrice Massin
Lumières, Patrick Méeüs
Perruques, Daniel BlancAtys, Bernard Richter
Cybèle, Stéphanie d’Oustrac
Sangaride, Emmanuelle de Negri
Célénus, Nicolas Rivenq
Idas, Marc Mauillon
Doris, Sophie Daneman
Mélisse, Jaël Azzaretti
Le Sommeil, Paul Agnew
Morphée, Cyril Auvity
Le Temps ; le Fleuve Sangar, Bernard Deletré
Maître de la cérémonie / Alecton, Jean Charles di Zazzo
L’impresario, Olivier Collin
Flore, Elodie Fonnard
Iris, Rachel Redmond
Melpomène, Anna Reinhold
Zéphir, Francisco Fernández-Rueda
Zéphir, Reinoud Van Mechelen
Phobétor, Callum Thorpe
Danseurs, Compagnie Fêtes galantes
Gil Isoart, danseur de l’Opéra National de ParisChœur et orchestre : Les Arts Florissants
Producteur : Ronald P. Stanton
Coproduction : Opéra Comique, Brooklyn Academy of Music,Théâtre de Caen, Opéra de Bordeaux
Partenaire associé : Compagnie Fêtes galantes
Au passage, on remarque la mention inexacte sur le site de l'Opéra-Comique :
Recréation de la production de 1987 créée à la salle Favart
Commentaires
1. Le dimanche 15 mai 2011 à , par Jérémie
2. Le dimanche 15 mai 2011 à , par DavidLeMarrec
3. Le lundi 16 mai 2011 à , par Siegmund
4. Le lundi 16 mai 2011 à , par DavidLeMarrec
5. Le mercredi 18 mai 2011 à , par Fitzgerald :: site
6. Le mercredi 18 mai 2011 à , par DavidLeMarrec
7. Le vendredi 20 mai 2011 à , par Guillaume
8. Le vendredi 20 mai 2011 à , par DavidLeMarrec
9. Le samedi 21 mai 2011 à , par Guillaume
10. Le samedi 21 mai 2011 à , par DavidLeMarrec
11. Le mardi 7 avril 2015 à , par Chris
12. Le mercredi 8 avril 2015 à , par David Le Marrec
13. Le lundi 6 mars 2017 à , par Pierre75
14. Le lundi 6 mars 2017 à , par David Le Marrec
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