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Le disque du jour - LVI - Quatuors et quintettes avec piano de Fauré


Ecoute intégrale ci-après.

Tout le monde dira (et, l'occurrence, tout le monde a raison) que les quatuors et quintettes avec piano (deux nouvelles sélections à venir) de Fauré constituent un sommet dans l'histoire de la musique de chambre.

Seulement, voilà, même s'ils sont abondamment enregistrés, les « grandes » intégrales, recommandées dans tous les guides et de mélomane en mélomane, sont épuisées depuis longtemps :

  • Hubeau (piano) / Gallois-Montbrun (violon) / Lequien (alto) / Navarra (violoncelle) & Hubeau / quatuor Via Nova, chez ERATO ;
  • J.-Ph. Collard (piano) / Dumay (violon) / B. Pasquier (alto) / Lodéon (violoncelle) & Collard / quatuor Parrenin, chez EMI.


Je ne suis pas un inconditionnel de la version Hubeau, à cause de la prise de son (on entend vraiment les murs d'un petit studio...), mais elle a beaucoup de caractère. La version EMI est en effet très convaincante elle aussi, en particulier grâce au relief mémorable du jeu de Collard, comme d'habitude.

En attendant, les deux volumes s'échangent pour de petites fortunes sur le marché de l'occasion. Et le mélomane soucieux de débuter est un peu embarrassé, sauf à aller chercher des versions dépareillées - mais elles ne sont pas toujours bien distribuées, et rarement écoutées par ceux qui ont déjà l'un des deux coffrets .

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Eh bien, à ma grande surprise, dans un disque écouté seulement parce que je n'avais que celui-ci sous la main à ce moment-là pour écouter ces oeuvres, l'intégrale des Capuçon & Ebène comble non seulement le vide mais surpasse peut-être les précédents témoignages.


Cliquer sur la pochette pour découvrir le coffret.


Pourtant, d'ordinaire, le son très « soliste » des Capuçon, ainsi que les pianistes un peu cassants et pas toujours suprêmes dont ils s'entourent (Braley, Angelich) ne me satisfont pas complètement : toujours très maîtrisé, mais aussi très « international », d'un lyrisme un peu inévitable, d'un fondu peut-être exagéré. Même dans Brahms, je n'adhère pas trop.
De même pour les Ebène, entendus dès assez tôt dans leur parcours, l'année où ils furent distingués au Concours de Bordeaux (seconde place ex aequo, pas de premier prix attribué), qui ont certes un son et du tempérament, mais dont les timbres rèches et les choix un peu opaques ne me séduisent pas toujours.

Participants :

  • Op.15 - Quatuor n°1 en ut mineur : Renaud Capuçon, Gérard Caussé, Gautier Capuçon, Michel Dalberto ;
  • Op.45 - Quatuor n°2 en sol mineur : Renaud Capuçon, Gérard Caussé, Gautier Capuçon, Nicolas Angelich ;
  • Op.89 - Quintette n°1 en ré mineur : Quatuor Ebène, Michel Dalberto ;
  • Op.115 - Quintette n°2 en ut mineur : Quatuor Ebène, Nicolas Angelich.


Ici, on retrouvera certaines de ces caractéristiques, mais sous un tout autre aspect : la profondeur et la densité de son est proprement exceptionnelle, et s'il y a bien fondu chez les cordes, c'est au profit d'une lecture très organique, extrêment souple, épousant les inflexions de la musique comme un seul musicien. Vu que l'écriture de Fauré favorise l'harmonie plus que le contrepoint, cette configuration se révèle idéale.
Ce fondu se pare de couleurs assez sombres et évolue en d'innombrables demi-teintes - clairement, ce style-là, s'il n'est peut-être pas spécifiquement français, sied à merveille à Fauré.

Les oeuvres avec Michel Dalberto bénéficient en outre d'un surcroît d'articulation et de dynamisme très bienvenu, de même que le Quatuor Ebène semble avoir perdu toute rudesse prosaïque au contact de ces oeuvres délicates, sans rien sacrifier en intensité.

Le tout capté dans un confort sonore parfait, sans flou ni sècheresse, chaleureusement restitué - attention cependant, j'ai ouï beaucoup de commentaires d'audiophiles horrifiés, à défaut de pouvoir entendre sur ma chaîne la supposée réverbération atroce, chose à laquelle je suis pourtant sensible, d'ordinaire, en musique de chambre. Mais n'étant pas le moins du monde audiomane, il est tout à fait possible que j'aie manqué ce point. [1]

Je n'ai pas encore écouté les trois autres disques du coffret (qui contient toute la musique de chambre), à l'exception du quatuor à cordes, sans doute tiré du disque "solo" antérieur des Ebène (où ils ne m'avaient pas complètement ébloui), et qui ne se révèle pas particulièrement saillant. Mais pour une intégrale, lorsqu'on dispose de deux galettes de référence concernant le meilleur de la musique de Fauré, on peut d'ores et déjà s'estimer hautement satisfait.

Notes

[1] Après vérification, le lieu d'enregistrement (un immense salon avec parquet et boiseries) me donne plutôt raison, un lieu totalement idéal pour enregistrer ce type de musique.


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Commentaires

1. Le mercredi 31 octobre 2012 à , par Palimpseste

"Pourtant, d'ordinaire, le son très « soliste » des Capuçon, ainsi que les pianistes un peu cassants et pas toujours suprêmes dont ils s'entourent (Braley, Angelich) ne me satisfont pas complètement : toujours très maîtrisé, mais aussi très « international », d'un lyrisme un peu inévitable, d'un fondu peut-être exagéré. Même dans Brahms, je n'adhère pas trop. "

J'ai leur CD consacré à la musique de chambre de Ravel et moi non plus, je n'adhère pas trop.

Pour revenir à Fauré, et à ses quintettes et quatuors en particulier, ma référence sont les deux CDs des Domus chez Hyperion, franchement superbes.

2. Le mercredi 31 octobre 2012 à , par klari :: site

Eh bien, l'eusses-tu cru.

QU'est ce qui te fait penser que tu aurais du adhérer dans Brahms ?

J'ai un souvenir un peu tristounet des deux frères dans le double de Brahms avec le COE (hiii) l'année dernière. J'aurais aimé, je crois, quelque chose de plus chambriste, avec de vrais dialogues entre solistes et l'orchestre, entre les solistes entre eux (hmmm, pas très claire, cette phrase), j'en retiens une impression de deux solistes sur des droites parallèles, qui forcément, ne se croisent pas, n'est-ce-pas. Bref, disons, que je reste encore perplexe sur le dossier Capuçon. J'espère que ce week-end verra mon opinion s'améliorer !

Bon week-end (si tu fais le pont)

3. Le jeudi 1 novembre 2012 à , par David Le Marrec

Bonsoir à tous deux !

Pareil pour moi, Palimpseste, leur disque Ravel m'a laissé assez froid, son très soliste, un peu "sombré" et opaque, pas beaucoup de ces petites délicatesses qu'on aime à se mettre sous la dent, particulièrement pour ce type de musique. Mais il est vrai que je ne suis pas non plus un inconditionnel de la Sonate à deux de Ravel, en tout cas je l'écoute peu souvent, et cela peut biaiser mon sentiment lorsque je la réentends de loin en loin (sans forcément être complètement emporté par l'oeuvre, du reste).

Dans Brahms, c'est même vraiment décevant (beaucoup plus que dans Schubert, paradoxalement !), encore cette impression d'opacité, de timbres inutilement hypertrophiés, et peu variés ou expressifs, un peu comme lorsqu'on met un Helden devant un lied - on entend un gros grain, et les nuances les plus délicates ne peuvent pas être rendues.

Je n'ai pas essayé les Domus, je grave la recommandation sur mes tablettes pour une prochaine écoute.

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Klari, chevalier de l'Ordre du Planning Mensuel :
Eh bien, l'eusses-tu cru.

Hoho.

Dans Brahms, un son généreux, très ample, très vibré, très sonore, assez sombre, peut parfaitement convenir ; en tout cas, spontanément, j'en attendais quelque chose là, beaucoup plus que pour Fauré où je n'aurais pas cru pouvoir trouver la délicatesse nécessaire. Mais en réalité, comme le Fauré est très recueilli et "vertical", le problème du détail ne se pose pas vraiment.

Bonne fin de semaine à toi (quoi que tu fasses).

4. Le jeudi 1 novembre 2012 à , par klari :: site

(oui, je n'ai pas résisté. j'ai d'abord écrit, "j'l'aurais pas cru", puis mon farfadet grammatical m'a soufflé des bêtises à l'oreille)

Tu me donnes vraiment envie de me procurer leur Fauré, je m'en vais réfléchir à la question chez un digne fournisseur de musique en ligne.

aaaah, je comprends mieux. Oui, en effet, on s'attend à du son ample chez Brahms, mais plus j'écoute du Brahms, plus j'ai l'impression que ce n'est qu'une condition nécessaire, mais non suffisante. Il faut un "truc" en plus, tout l’intérêt de mon commentaire résidant dans le fait que je ne sais pas définir ledit "truc".

Par contre, je peux donner des exemples : hiver dernier (décembre ? janvier ?) le Capitole avec Sokhiev, qui après une su-bli-mis-sime première partie (des choses russes, ben voyons) ont joué un Brahms "généreux, ample, vibré (etc, hein)" .... mais assez ennuyeux, pour moi du moins.

Re-belote avec mon LSO-bien-aimé, qui a donné début octobre le même genre de Brahms ample, généreux (tu vois l'idée, hein) qui m'a lui aussi ennuyée.

Exemple qui ne sert à rien : j'ai a-do-ré le premier épisode du cycle de musique de chambre de Brahms par les Berlinois, mais je ne sais absolument pas pourquoi. Ah, mais que c'était beau.

Et là, tu vas donc avoir droit aux deux théories de la maison :

La théorie de l'escogriffe, c'est que les voix intermédiaires ont souvent besoin de ne pas être généreuses (etc), mais plus incisives, avec des attaques plus nettes, des staccatos hargneux, et tout le toutim, histoire de créer du remue-ménage sous les mélodies généreuses (etc) que jouent ces 0%@* de premiers violons. Il faut le voir agiter la partie d'alto en maugréant "talon off, talon off" ça vaut son pesant de chips au vinaigre.

Ma théorie (encore en cours d'affinage) est que si on se contente de jouer Brahms généreusement, amplement, vibrement, etc, est qu'on obtient de la musique russe, mais moins bonne (puisque écrire de la musique russe n'était pas le fort de Brahms (ha! forcément) . Ergo la nécessité du fameux truc.

Qu'en dis-tu ? Quelles sont tes théories brahmsiennes (je suis sûre que tu en as) ?

Je te souhaite un excellent jeudi !
K.

5. Le jeudi 1 novembre 2012 à , par David Le Marrec

Puisque Olivier recommande les Domus, tu peux peut-être essayer avant de te lancer dans l'aventure de lancer des sous à tes Capuçon honnis, sur la seule foi de mon témoignage. Autre solution, tu cliques sur la pochette et tu vas écouter ça sur MusicMe avant de revenir me dire que, bien sûr, j'avais raison.

Je me suis effectivement presque ennuyé avec le LSO (Première Symphonie), j'ai trouvé ça terriblement lisse et peu incarné. Il faut dire que le contraste avec le langage harmonie hystérique, l'orchestration ultra-luxuriante et l'implication absolue de tous dans le Szymanowski qui précédait, le contraste était forcément un peu grand pour passer à un Brahms "banal". Au demeurant, c'était la première fois que j'entendais une symphonie de Brahms en vrai (c'est ça, à force d'aller courir les inédits... !), donc il n'est pas exclu que je trouve tout simplement les équilibres un peu pâteux.
Etrange, parce que ça ne me fait pas du tout cette impression avec Schumann, même en vrai avec des orchestres réputés moyens... et c'est pourtant moins finement orchestré.

Il n'est pas exclu que le confort de la grande machine admirablement huilée m'ait, comme quelquefois, retiré un peu de mon plaisir, par rapport à des musiciens un peu fébriles...

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Pour la théorie de ton Escogriffe, oui, ça me paraît évident : avec ce type de choucroute germanique bien robuste, si on ne met pas d'épices dans les saucisses, on n'a plus le goût de rien sous le chou.

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Je vais te décevoir, je n'ai pas théorie brahmsienne, je me contente d'aimer Brahms, ingénument. (Oui, lorsqu'on lit les tartines tartinées durant d'entières tartines ici même, on peut douter de mon ingénuité, mais si, je t'assure...)

Bon reste-de-jeudi à toi.

6. Le jeudi 8 novembre 2012 à , par Ouf1er

Tu peux essayer aussi la dernière parution de Eric Le Sage & Friends... J'aime beaucoup.

7. Le jeudi 8 novembre 2012 à , par David Le Marrec

Bonjour vous !

C'est noté, merci. :)
(Je n'ai pas essayé parce que je n'adore pas Salque, et l'album en duo ne m'avait pas bouleversé. Mais si tu me dis que c'est bien...)

8. Le jeudi 8 novembre 2012 à , par Ouf1er

On en parlait récemment d'ailleurs chez l'ami JC...
http://www.passee-des-arts.com/article-seve-d-automne-les-quintettes-avec-piano-de-faure-par-eric-le-sage-et-le-quatuor-ebene-111586423.html

9. Le vendredi 9 novembre 2012 à , par David Le Marrec

Oui, j'avais lu... mais j'avais raté ton savoureux parallèle halévyste !

Je le redonne en lien :
http://www.passee-des-arts.com/article-seve-d-automne-les-quintettes-avec-piano-de-faure-par-eric-le-sage-et-le-quatuor-ebene-111586423.html .

10. Le dimanche 11 novembre 2012 à , par Ouf1er

Parallèle halévyste ? kesaco ??? ;o)

11. Le lundi 12 novembre 2012 à , par David Le Marrec

Ludovic plutôt que Fromental, hein.

Ouf1er, le 1er novembre à 13h32 sur Passée des arts :
Décidément, Eric Le Sage transforme en or, à l'instar de Midas, tout ce qu'il touche ! Et j'attends avec impatence la fin de son intégrale Fauré. Fera-t-il aussi la musique pour piano seul ? (il est permis de croire, il est doux d'espérer).


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