Origine et pastiche du final de la Cinquième Symphonie de Chostakovitch
Par DavidLeMarrec, jeudi 31 décembre 2009 à :: Domaine symphonique :: #1443 :: rss
Les lutins facétieux ont déjà décrit certains traits grinçants de cette pièce, avec des illustrations sonores et des extraits de partition.
Aujourd'hui encore, on risque ne rien énoncer d'original, mais on a été frappé de découvrir, au hasard de notre écoute du jour, par une parenté trop forte pour qu'elle ne soit pas une source d'inspiration.
Avec le final de la Troisième Symphonie de Tchaïkovsky...
Et on le prouve, en partitions et en musique.
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Revoici pour mémoire la toute fin de la symphonie de Chostakovitch, avec son insolent triomphe grippé :
;;Et à présent, voyez pour Tchaïkovsky :
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Final de la Troisième Symphonie de Tchaïkovsky - concert inédit de l'Orchestre Philharmonique de New-York en octobre 2007, dirigé par Lorin Maazel (qui produit réellement toute l'année des merveilles en leur compagnie).
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Si les ressemblances paraissent encore confuses, précisons.
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1 - Tout d'abord, il est évident que la construction des deux mouvements est comparable. J'ai laissé au début les motifs en contrepoint qui même après leur développement fugato irradient la thématique de la coda :

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Le contrepoint est un peu plus haut dans l'oeuvre, et pas aussi méthodiquement fugué chez Chostakovitch, et cependant on entend cette montée irrémédiable des motifs principaux, jusqu'à la fin.

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2 - L'éclatement du climax (le point culminant d'intensité) se produit avec une écriture et une orchestration similaires : une fusée vers l'aigu, aux cordes doublées par le piccolo, qui donne cet aspect diaphane à l'ensemble. Ce moment est précédé par une séquence aux cordes qui se rallentit autour d'un motif bref.
Chostakovitch le fait par deux fois, et la seconde est la plus significative pour notre démonstration :

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On remarque cependant que l'orchestration est plus chargée, mais l'effet sonore est sensiblement comparable.
Chez Tchaïkovsky, c'étaient déjà ces notes et cette orchestration pour le début du climax, et l'on retrouve les cordes s'atrophiant avant le grand éclatement où intervient l'entrée triomphante des cuivres.

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3 - On avait beaucoup insisté, dans notre notule sur cette Cinquième de Chosta, sur la force incroyable de ce suraigu isolé des violons, obstinément répété.

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Or, chez Tchaïkovsky, on est frappé de la répétition dans le suraigu des violons, certes moins nu, d'un motif obstiné (qui comporte un intervalle de deux notes et pas seulement une note isolée), qui parcourt un assez long moment. Il est certes plus thématique (les cuivres le complètent plus qu'ils ne chantent seuls), mais tout de même, cette insistance, même si elle est ici plus jubilatoire qu'étouffante, a de grandes parentés dans sa conception avec ce que produira Chostakovitch pour son propre fina.

On voit ici les sextolets des violons I (chaque note est jouée deux fois en double croche). Sur le reste de la page, on s'aperçoit de ce que le matériau thématique est à tout l'orchestre sauf au quatuor (les contrebasses aussi chantent !). Comme chez Chostakovitch, les cordes occupent avant tout dans cette section une fonction de mise en tension.
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4 - Et pour finir, on rencontre des timbales obstinées et tonitruantes (avec prédominance des cuivres, mais c'est évidemment plus banal) sur un intervalle de quarte ascendante chez Tchaïkovsky...

Parties de timbales et de violons chez Tchaïkovsky.> ;;
... comme chez Chostakovitch :

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Donc ?
C'est sans doute réinventer l'eau chaude de ce qui s'est dit mainte et mainte fois, mais tant pis, ce sera avec une démonstration visuelle et sonore pour une fois : il semble que Chostakovitch ait eu dans l'oreille cette symphonie, suffisamment en tout cas pour en réutiliser, de façon intentionnelle ou non, certains éléments obsessionnels dans le final de sa propre symphonie. Ces éléments, d'une exultation débridée, se changent en quelque chose de beaucoup plus violent et oppressant, mais la similitude des procédés en fait quasiment un pastiche, sur la séquence de coda de quelques minutes que nous avons sélectionnée...
Voilà qui ajoute encore une couche d'intérêt à ces quelques mesures.
Commentaires
1. Le samedi 2 janvier 2010 à , par Simon
2. Le samedi 2 janvier 2010 à , par DavidLeMarrec :: site
3. Le samedi 2 janvier 2010 à , par Simon
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