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Dernier retour vers Arabella-Paris


Dernière représentation (avec Kühmeier).

Où l'on s'interroge sur les rapports entre lettre et esprit dans le troisième acte de Marelli.

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Plusieurs impressions se sont accentuées, et quelques-unes ont changé.

Doris Soffel était un peu plus fatiguée, mais demeure une phraseuse souveraine ; Michael Volle, manifestement désireux de donner autant que possible pour la dernier, ne se ménage pas et chante toute la soirée avec panache, dédaignant les légers signes de fatigue. Seul Joseph Kaiser, remplacé pendant une partie des représentations, semble avoir gagné en fraîcheur vocale, avec un charme juvénile toujours remarquable... et très rare dans le rôle. Renée Fleming, quoique le médium passe vraiment mal (et que l'allemand se soit un peu relâché), est plus rigoureuse, et surtout l'orchestre anticipe bien mieux ses phrasés. Quelques éléments nouveaux bienvenus dans la mise en scène.

Genia Kühmeier, Zdenka pour la seconde partie, a une voix assez étrange (ce qui ne paraît pas du tout en retransmission) : très audible parce que parfaitement placée sur le point de démultiplication, mais assez engorgée et rétive au legato. Contre toute attente, plutôt un contre-emploi dans un rôle aussi lyrique. Par ailleurs gauche scéniquement : le tout passe très bien dans le grand espace de Bastille, que sa voix traverse bien et qui limite la proximité visuelle, mais la comparaison avec l'excellence de Julia Kleiter en juin et la redoutable concurrence des ses aînées dans le rôle ne lui est pas complètement favorable.

Si, vocalement, le plateau était (légèrement) moins excellent qu'en juin, l'orchestre de l'Opéra était comme transfiguré. Alors qu'à la première, la mise en place était imparfaite et une certaine mollesse audible, c'était hier soir, à vrai dire, la plus belle interprétation orchestrale qu'il m'ait été donné d'entendre pour cette oeuvre.
Le nombre de motifs en contrechants, d'ordinaire inaudibles, même au disque, qui apparaissent soudain, l'équilibre absolu avec la petite harmonie, l'élan d'ensemble, et même la capacité à métamorphoser l'orchestre en un instant... sont stupéfiants. Au moment du duo du Richtige, tout l'orchestre prend soudainement un aspect différent, quelque chose de la chaleur des vieux tissus, plus feutré, presque pincé, comme si un orchestre d'Europe Centrale avait soudainement mis son âme chez les musiciens parisiens. Et à ces moments, Philippe Jordan se montre d'une attention extrême à suivre les inflexions des chanteurs, avec un résultat suprême.

Au contraire, la mise en scène ne me comble pas tout à fait. Elle fonctionne bien, mais cet intérieur est sans doute trop nu pour ce drame domestique. Et, surtout, Marelli schématise beaucoup, défigurant au passage un certain nombre de détails qui font le prix d'Arabella. C'est en particulier l'acte III qui m'indispose : Arabella y rampe aux pieds de Mandryka, l'adjurant de ne pas croire ce qu'il voit. Alors que dans le livret (et les mises en scène habituelles), on lit clairement autre chose.
Arabella attend une rencontre qui tienne du conte : elle impose l'épreuve à son promis (s'éloigner du bal) pour tester son obéissance et sa confiance. Lorsque Mandryka l'accuse publiquement, son goût de l'absolu reçoit bien plus qu'une fêlure, c'est elle-même, contre tous les codes des contes, qui est mise à l'épreuve par celui qui n'en est pas digne.
Dans le cadre de ce qui est écrit, la lecture de Marelli ne fait pas de contre-sens, mais les protestations de vérité ne tiennent pas lieu de supplique (bien au contaire), à mon sens, du moins si l'on veut conserver au personnage sa spécificité et son relief.

Ces choix ruinent tout à fait le "coup de théâtre" final, je le crains : puisque n'ayant jamais symboliquement rompu avec Mandryka, il n'y a rien à renouer ni à pardonner. Changer un petit bijou en quelque chose d'aussi commun est un peu décevant - pour la première fois, cela s'accepte, mais en revoyant la même mise en scène, c'est une gêne.

Le résultat global (mise en scène honnête, excellents chanteurs, orchestre hors du commun) est tout à fait enthousiasmant, et la salle finit debout au delà de la réapparition des lumières, hésite à se disperser, ce qui n'est pas si fréquent à Paris. Il faut dire que la musique est si belle que pour ceux qui la découvraient, le syndrome trois-heures-de-vier-letzte-lieder devait avoir son charme.
J'espère une reprise - avec Leitgeb, Kaune ou Mattila, par exemple.

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Retrouver le commentaire de la première et les autres notules autour d'Arabella ou de Marelli.


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